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RATIONAL

ou

MANUEL DES DIVINS OFFICES

DE

GUILLAUME DURAND,

ÉVÊQUE DE MENDE AU TREIZIÈME SIÈCLE,

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Tout volume qui ne serait pas revêtu de la signature du traducteur annotateur, sera réputé contrefait.

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DIJON , PRESSES MÉCANIQUES DE LOIREAU-FEUCHOT, place Saint-Jean, 1 ot 3.

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I

RATIONAL

OU

MANUEL DES DIVINS OFFICES

DE

GUILLAUME DURAND,

Évêque de Mende au treizième siècle , OU

RAISONS MYSTIQUES ET HISTORIQUES

f ;> '■* r ^

DE LA LlTtTRGIE CATHOLIQUE;

TRADUIT POUR LA PREMIERE FOIS , DU LATIN EN FRANÇAIS,

Far M. CHAILI.ES BARTHÉIiEMlT (de Fans),

Membre de la Société des Antiquaires de Picardie, Correspondant du Ministère de l'Instruction publique pour les Travaux historiques;

PRÉCÉDÉ

. D'UNE NOTICE HISTORIQUE SUR LA VIE ET SUR LES ÉCRITS DE DURAND DE MENDÊ.

suivi

d'une bibliographie chronologique des principaux ouvrages qui traitent

DE LA liturgie CATHOLIQUE, AVEC UN GRAND NOMBRE DE NOTES A LA SUITE DE CHAQUE VOLUME.

Littera enim occidit, spiritus autem vivificat. La lettre tue , c'est l'esprit seul qui vivifie. (S. Paul, II ad Cor., m, 6.)

TOME DEUXIÈME.

PARIS LOUIS VIVES, LIBRAIRE-ÉDITEUR,

rue Cassette, n» 23. i854

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OCT

i^., w-*

1944

»X1 82.

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RATION AL

OU

MANUEL DES DIVINS OFFICES

DE

GUILLAUME DURAND,

ÉVÉQUE DE MENDE AU TREIZIÈME SIÈCLE.

LIVRE QUATRIÈME,

LA MESSE.

CHAPITRE PREMIER,

DE LA MESSE, ET DE TOUT CE QUI A LIEU PENDANT LA MESSE.

I. Entre tous les mystères [sacramenta) de l'Eglise, il est constant que celui qui tient le premier rang est celui que l'on célèbre pendant l'office de la messe sur la table du très-saint autel; mystère qui représente ce festin de l'Eglise pour lequel le père tue le veau gras afin de fêter le retour de son fils, et oii il lui offre le pain de vie et le vin mixtionné de la sagesse.

II. Or, c'est le Christ lui-même qui a institué cet office, lorsqu'il termina le Nouveau-Testament, en partageant son royaume à ses héritiers, comme son Père en avait disposé pour lui-même, afin qu'ils mangent sur sa table et boivent dans son royaume, ce que l'Eglise a consacré ; car, comme ils soupaient, Jésus prit le pain, et, rendant grâces, le bénit et le brisa, et le

Tome II. 1

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donna à ses disciples en disant : « Recevez et mangez; ceci est <( mon corps qui, pour vous, sera livré ; faites ceci en commé- « moration de moi. » Donc, les apôtres^ formés par cet en- seignement, commencèrent à offrir fréquemment le très-saint mystère pour la cause que le Christ avait indiquée expressé- ment , conservant la même forme dans les paroles et la même matière dans les espèces {in rehus), ainsi que l'Apôtre le déclare aux Corinthiens, quand il leur dit : « J'ai appris du (( Seigneur ce que je vous ai appris à mon tour, à savoir : que « le Seigneur Jésus, dans cette nuit où il devait être livré, prit « du pain , et , rendant grâces , le rompit et dit : a Prenez et (( mangez, ceci est mon corps, etc. » Donc, l'office de la messe est plus digne et plus solennel que le reste des divins offices. Voilà pourquoi on doit parler dans cette quatrième partie de lui avant les autres offices, partie dans laquelle nous consulte- rons le Spéculum du pape Innocent III, touchant quelques mys- tères et quelques points attaqués par les hérétiques.

m. Assurément (comme on Fa dit plus haut), le Seigneur Jésus, prêtre selon l'ordre de Melchisédech , institua la messe quand il transmua ( transmutavit) le pain et le vin en son corps et en son sang, en disant : « Ceci est mon corps, cela est mon <( sang ; » ajoutant aussitôt : « Faites cela en commémoration <( de moi. y)

IV. Et les apôtres ont ajouté à cette messe, en disant non- seulement les susdites paroles, mais même en y joignant en sus rOraison dominicale.

V. D'où vient que l'on dit que le bienheureux Pierre, le pre- mier, célébra ainsi la messe dans les pays d'Orient, où, après la passion du Seigneur , il occupa pendant quatre ans la chaire sacerdotale ; et ensuite il prit la chaire d'Antioche, où il ajouta trois oraisons à la messe. Or, dans l'origine de la naissante Eglise , on disait autrement la messe qu'à présent , comme on le dira dans la sixième partie, au chapitre de la Paras- cève ou Vendredi saint, et, par la suite du temps, la seule réci-

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tation de l'épître et de l'évangile constitua la célébration de la messe.

VI. Ensuite^ le pape Célestin établit qu'on chanterait l'/nfroiï avant la messe, comme on le dira au chapitre de V Introït. On lit que les autres parties de la messe y furent , en divers temps, ajoutées parles autres papes, comme Gélase^ Céles- tin et Grégoire, et d'autres , autant que le culte de la religion chrétienne croissant^ il parut qu'elles conviendraient davan- tage pour la décence. On parlera de cela dans la préface de la sixième partie.

VII. On lit dans le canon [De.cons., d. i, Jacobus) que Jac- ques^ frère du Seigneur, évêque de Jérusalem (a), et Basile, évêque de Césarée, nous ont transmis dans leurs écrits la manière de célébrer la messe [ordinem celehrandi missam). On dit encore que ce fut Jacques, fils d'Alphée, qui, le pre- mier entre les apôtres, célébra la messe ; car, à cause de l'excellence de sa sainteté , les apôtres lui firent cet bon-, neur, qu'après l'ascension du Seigneur le premier d'entre eux il célébra la messe à Jérusalem (6), même avant d'avoir été ordonné évêque; ou peut-être on dit que le premier il Fa célébrée , parce que l'on assure que le premier il l'a dite revêtu des ornements pontificaux ; et ainsi Pierre^ après lui. le premier célébra la messe à Antioche, et Marc à Alexandrie.

VIII. Mais certains hérétiques perfides nous reprennent de ce que nous lisons à la messe les évangiles lacérés en petites parties, et de ce qu'à la messe primitive, c'est-à-dire outre l'oraison dominicale, nous ajoutons quelque chose en sus; car il est écrit : (( Si quelqu'un ajoute à cela. Dieu enverra sur lui les plaies (( écrites dans ce livre. » Ils nous reprennent aussi de ce qu'en sus du Nouveau-Testament et des préceptes des apôtres , nous

(a) S. Jacques-le-Mineur.

(6) A cause de quoi il est appelé par S. Epiphane le Chef du sacrifice, et communément le Liturgique, comme qui dirait le Sacrificateur par excellence : aussi dit-on qu'il composa la première liturgie, que nous avons encore.

4008 n«A4

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avons encore établi d'autres règles et le nouvel enseignement des docteurs, et de ce que nous les observons contre ce que le Christ a dit : « Vraiment, vous avez rendu inutile le com- c( mandement de Dieu pour conserver votre tradition. » Et ail- ce leurs : « Toute plantation que n'aura pas plantée mon Père, <i qui est dans les cieux, sera arrachée. » Et l'Apôtre : « Ne a veuillez point vous laisser entraîner à des doctrines diverses <( et étrangères. » Et encore : « Personne ne peut poser d'autre (c fondement que celui qui a été posé, qui est le Christ. »

IX. Ils disent encore que l'Eglise du Christ n'a chanté ni messe ni matines , que ni le Christ ni les apôtres ne l'ont insti- tuée, et qu'on ne la chantait point dans le temps des apôtres , et que l'on n'entendait pas alors parler de messe dans le monde, et qu'on ne trouvait rien d'écrit sur ce sujet; mais que ce que la messe représente est appelé la Cène par les évangélistes, et que ni dans l'Eglise au commencement, ni les apôtres ne la chantaient avec l'orgue, instrument de musique, ni à haute ou basse voix [alta nec dulci voce cantabant), nous reprenant de ce que nous faisons ces choses , et de ce que nous disons les noc- turnes et les autres heures canoniques, en induisant fausse- ment contre nous cette parole du prophète Amôs : a Je change- ce rai vos festivités en deuil, et tous vos cantiques en gémisse- cc ments. » Et cette parole du prophète [Ezéchiel] : ce Ils en- ce tendent tes paroles et ne les pratiquent pas, parce qu'ils les ce changent en un cantique qu'ils repassent dans leur bouche ce pendant que leur cœur suit son avarice, et tu leur es comme ce un air de musique que l'on chante d'une manière douce et ce agréable. » .

X. Cependant, leur erreur est très-évidemment réfutée et tourne à leur confusion, d'après ce qui sera dit dans la préface de la cinquième partie. Encore, dans la primitive Eglise, les divins mystères étaient célébrés en hébreu ; mais, au temps de l'empereur Adrien I", on commença d'abord à les célébrer en grec dans l'Eglise orientale des chrétiens.

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XT. Certes ! on trouve que l'office de la messe a été éta- bli d'une manière si providentielle , qu'il contient en grande partie ce qui a été fait par le Christ et dans le Christ depuis le moment où il descendit du ciel jusqu'à celui où il y monta , et qu'il les représente d'une admirable manière, tant dans les pa- roles que dans les signes.

XIÏ. Et cet office même se renferme en quatre parties, à savoir : les personnes , les œuvres, les paroles elles choses. Il y a trois ordres de personnes , à savoir : les célébrants , les ministres ou aides, et les assistants. Il y a trois espèces d'œu- vres, à savoir : les gestes, les actes et les mouvements. Il y a aussi trois variétés de paroles : les oraisons, les modulations et les leçons ou lectures. Semblablement , il y a trois manières de choses , à savoir : les ornements , les instruments et les élé- ments ; car toutes ces choses sont pleines de divins mystères , comme on l'a dit dans la préface de cet ouvrage.

XIII . En effet, autrefois le temple était divisé en deux par- ties et partagé par un voile. La première partie était appelée la sainte ou le saint, et la seconde (ou intérieure) la sainte des saints ou le saint des saints. Or, tout ce qui a lieu pendant l'of- fice de la messe avant la secrète est en quelque sorte dans la première partie de l'édifice sacré; mais ce qui a lieu pendant la secrète est au dedans du saint des saints. Or, il y avait au de- dans du saint des saints des autels d'encens , l'arche du Testa- ment et la table sur l'arche, comme on l'a dit dans la pre- mière partie, aux chapitres de l'Eglise et de l'Autel, et comme on le trouve dans l'Exode ; et, sur la table, les deux chérubins de gloire en regard l'un de l'autre. Là entrait seul le pontife, une seule fois dans l'année. Il avait, en cette occasion, les noms des pères ou patriarches écrits sur le rational et sur le surhuméral, et portait le sang et les charbons, qu'il mettait tous, en priant, avec le parfum, dans l'encensoir, jusqu'à ce que la fumée l'environnât comme d'une ombre. Ensuite , il asper- geait de sang la table et l'autel ; puis il sortait devant le peuple

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et lavait ses vêtements : car il n'était pas réputé pur avant le soir, après l'immolation du veau roux.

XIV. Jadis, ces choses furent des signes ; mais elles s'éva- nouirent après que leurs significations furent arrivées. Car la première partie de l'édifice sacré signifie la présente Eglise^ le saint des saints le ciel, le pontife le Christ, le sang sa passion, les charhons la charité du Christ, l'encensoir sa chair même, l'encens brûlé la bonne odeur des prières , l'autel les cohortes du ciel , l'arche le Christ selon l'humanité , la table Dieu le Père, les deux chérubins les deux Testaments qui se regardent à l'envi mutuellement parce qu'ils s'accordent ensemble , le vêtement qu'on lave signifie l'homme, le soir de l'homme symbolise ce vêtement. Compare doaç ce qui avait lieu jadis et ce que le Christ a fait, et considère avec attention comment le ministre de l'Eglise représente et reproduit ces choses pen- dant l'office de la messe. Il sera encore touché un mot de la signification de ces choses au Canon de la messe, au commen- cement d'une de ses parties. Par l'arche, on entend aussi l'hu- milité du Christ, de laquelle tout bien nous est advenu par sa miséricorde.

XV. Et remarque que, de même qu'on lit dans l'Exode (cap. XXV et xxxvii) qu'on fit au-dessus de l'arche un propitia- toire d'or, c'est-à-dire une table d'or, de la même longueur et de la même largeur que celles de l'arche , afin qu'elle fût suf- fisante pour la couvrir. Et on appelait cela l'oracle [oraculum), parce que le Seigneur donnait de ce lieu des réponses à ceux qui le priaient [orantihus). On l'appelait aussi propitia- toire, parce qu^ lorsque le Seigneur parlait de cet endroit il était rendu propice au peuple, ou parce qu'au jour de pro- pitiation on voyait toujours la gloire du Seigneur descendre en ce lieu. Et de là vient que le tabernacle ou lieu placé sur la partie postérieure de l'autel , dans lequel le Christ, notre propitiation, c'est-à-dire l'hostie consacrée, est gardée aujour- d'hui, s'appelle propitiatoire, etc. Or, de l'une et de l'autre

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parties de l'oracle, savoir, dans les deux angles antérieurs, on plaça deux chérubins d'or, qui sont, selon Josèphe , deux ani- maux volatiles, ayant une figure comme jamais aucun homme n'en a vu. Moïse dit qu'il les aperçut figurés sur le trône de Dieu. Un chérubin regardait l'autre ; ils avaient cependant le visage tourné vers le propitiatoire, et, les deux ailes étendues par derrière et se touchant mutuellement, ils voilaient l'ora- cle et couvraient le propitiatoire. Or, le propitiatoire figure le Seigneur incarné, dont [saint] Jean dit : ce II est propitiateur a pour nos péchés. » Les deux chérubins sont les deux Testa- ments, à savoir, le Nouveau et l'Ancien. Or, comme ils ne sont pas en désaccord, mais qu'ils racontent d'accord ensemble le mystère de l'incarnation du Christ, l'un en prophète, l'autre en témoin qui assure , ils dirigent sur le propitiatoire le visage de leur intention, et se regardent mutuellement.

XVI. Il y a encore trois sacrifices de l'Eglise qui, dans l' An- cien-Testament , sont symbolisés par le propitiatoire , l'encen- soir et l'autel ; ce sont le sacrifice de la. pénitence, de la jus- tice et de l'eucharistie. Touchant le premier, il est dit : « Un « esprit brisé de douleur est un sacrifice digne- de Dieu. Tu (( ne mépriseras pas, ô Dieu! un cœur contrit et humilié. » Touchant le second : a Alors tu recevras le sacrifice de la jus- ce tice. » Touchant le troisième : a Je te sacrifierai une hostie c( de louange. » Sur l'autel du corps, la chair est immolée par la contrition ; dans l'encensoir du cœur (c) , la dévotion est le

{c) Li cuers doit estre

Semblans à Tencensier Tous clos envers la terre, Et overs vers le ciel.

« Le cœur doit être semblable à l'encensoir, entièrement fermé du côté de la la terre et ouvert vers le ciel. »

Le Séraphin, poème Mss. de la Bibl. imp., n» 1862. « Ce poème inconnu, dit M. le comte de Montalembert, semble avoir ainsi devancé la magnifique ex- pression deBossuet, lorsqu'il dit du cœur de Mi"« de La Vallière qu'il ne respi- rait plus que du côté du ciel. » (V. Introd. de l'Histoire de S. Elis, de Hongrie, p. xc, note 2.)

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feu qui brûle Tencens ; dans le propitiatoire de Dieu le Père, le sang est offert par la rédemption. Or, le prêtre off"re ces trois sacrifices pendant la messe : le premier au Confiteor^ le second à la préface , le troisième à l'action [d) de grâces ( ou consécra- tion). Car voici les trois choses que, selon le Prophète, Dieu regarde favorablement dans l'homme, et requiert de lui : chérir la miséricorde, faire justice, et marcher attentivement avec Dieu. Qu'il chérisse donc la miséricorde celui qui veut offrir le sacrifice de la pénitence. Qu'il fasse justice celui qui veut offrir le sacrifice de la justice. Qu'il marche attentivement avec Dieu celui qui veut offrir le sacrifice de l'eucharistie.

XVII . Voilà pourquoi le bienheureux Bernard dit : « Mes c( frères , en immolant l'hostie de gloire , joignons la parole « aux paroles , le sens au sens , l'affection à l'affection , l'élé- « vation à l'élévation , la perfection à la perfection , l'humilité c( à l'humilité, la liberté à la liberté. )) Donc, que celui qui doit célébrer la messe offre au Très-Haut ce sacrifice dont le Psalmiste dit : « Un esprit brisé de douleur est un sacrifice (( digne de Dieu. » Et ailleurs : « Immole à Dieu un sacrifice « de louange. » Et l'Apôtre : « Offrez vos corps, comme une « hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, afin que votre obéis- « sance soit raisonnable ; mortifiez donc , sur l'autel de votre c( cœur, vos membres , qui sont sur la terre l'impureté , la dé- « bauche, la mauvaise concupiscence et l'avarice, afin que c( vous puissiez vous sacrifier vous-mêmes à Dieu_, avec un « cœur pur et un corps chaste. »

XVIII. Or, dans le sacrement du corps du Christ, selon [saint]

(d) [Actio, dit Du Gange, Canon missae, sic dictus, quia in eo sacramenta conficiuntur dominica , inquit Walafrid Strabon (lib. de Reb. eccles., cap. 22)]. Actio, c'est le canon de la messe, Honoré d'Autun (lib. 1, cap. 8). [Missa quoddam judicium imitatur; unde et Canon Actio vocatur. Actio autem est causa, quae in publico conventu coram judicibus agitatur. ] Intenter une action, comme Ton dit de nos jours. Le même auteur (cap. 103) : [Canon dicitur Ré- gula, quia per eum regulariter fit sacramentorum confectio. Hic etiam Actio dicitur, quia causa populi in eo cum Deo agitur]. (V. Hugues de Saint Victor, 1. 2, De Ofific. eccles., cap. 29 ;— Bernon Aug., cap. 1, et le Micrologue, c. 12.)

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Augustin, (( le prêtre ne parfait rien, plus en bien qu'en mal , « pourvu qu'il demeure avec les autres dans l'arche et observe (c la forme révélée par la colombe , parce que ce n'est pas « par le mérite du prêtre, mais par la parole du Créateur, (c que se consomme ce sacrement. » Car l'or est également véritable dans le coffre du voleur comme dans le trésor du roi. D'où vient que le pontife Caïphe, persécuteur du seul et très -véritable grand-prêtre (bien qu'il ne fût pas sincère, lui), cependant le conseil qu'il donna fut vrai; [mais] il ne donna pas le sien, mais celui de Dieu, et pareille chose a lieu de la même manière dans l'Eglise. Donc, l'iniquité du prêtre n'empêche pas l'effet du sacrement, pas plus que l'in- firmité du médecin n'empêche la vertu de la médecine. Or, quoique Vopus operans (l'œuvre opérante) soit parfois impure, cependant Vopus operatum ( l'œuvre opérée ) est toujours pure. Et de même que tout est pur pour ceux qui sont purs, ainsi tout est impur pour ceux qui sont impurs. Donc, quand un méchant reçoit la vie, il encourt la mort. De même, au contraire, lorsque le bon souffre la mort, il acquiert la vie. Car celui qui mange indignement le corps du Christ mange son jugement. Mais ce que disent de ces hommes le Pro- phète : (( Je maudirai vos bénédictions , » et Grégoire : a Leur c( bénédiction se change en malédiction , et leur prière en c( péché , » s'entend des hommes retranchés de l'Eglise et qu'elle ne peut plus souffrir , ou qui sont connus pour tels , dont la bénédiction doit, en tant qu'aux évêques , être réputée à l'égal d'une malédiction, parce que, selon [saint] Augustin (1'^ question) : a Pour le mal qui est en eux en telle ou « telle proportion, on dit qu'ils souillent les sacrements, lors- « que , cependant, ils restent immaculés ; car ils sont aux « bons le chemin de la récompense , aux réprouvés celui du « jugement. » D'où vient que [saint] Augustin dit : « Si la « vertu du sacrement est spirituelle, elle est reçue comme « une pure Inmière par ceux qui doivent en être illuminés

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« pour leur salut; mais, en passant par ces ministres impurs (( comme par un canal , elle n'est pas souillée. »

XIX. Cependant les sectateurs d'Arnauld , hérétiques per- fides, disent qu'on ne lit nulle part que le Christ ait livré l'E- ghse, son épouse, en garde à des ministres impurs et luxurieux^ ou leur ait donné le pouvoir de célébrer les sacrés mystères^ ou leur ait donné les clefs de son royaume ou le pouvoir de lier et de délier, « parce qu'eux seuls (comme dit Grégoire), c< les justes placés dans cette chaire, ont le pouvoir de lier et (c de délier comme les apôtres, eux qui gardent avec la doc- « trine de ces hommes leur vie et leur foi. » D^oh vient, comme ils disent , que les sacrements donnés par de pareils hommes n'ont aucune valeur et ne profitent pas pour le salut. Car on lit dans le livre des Nombres : « Tout ce qu'un « homme impur aura touché , il le rendra impur. » Et le Christ : « Un arbre mauvais ne peut produire de bons fruits. » Dieu dit àDavid^ pécheur : « Pourquoi racontes-tu ma jus- ce tice , et fais-tu passer mes louanges par ta bouche ? » Et l'Apôtre : a Tout est pur pour ceux qui sont purs ; mais rien « n'est pur pour ceux qui sont souillés et pour les infidè- c( les. » Et [saint] Grégoire [In Pastorali/\. I, cap. x et (( xcix, dist. § i) : « Lorsqu'un homme qui déplaît est en- ce voyé pour intercéder, l'ame de l'homme irrité est provoquée c( aux dernières extrémités. » Aussi, dans le même ouvrage (1. III, cap. xu) : ce II est nécessaire que sa main soit pure, cette ce main qui a soin de laver les souillures, de peur que, sale elle- cc même, elle ne souille davantage tout ce qu'elle aura à tou- c< cher, qui l'est déjà. »

XX. Or, on célèbre la messe à la troisième, à la sixième et à la neuvième heures (e) : à la troisième heure^ parce que, selon [saint] Marc, le Christ à cette heure fut élevé en croix et cru- cifié par les langues des Juifs, qui criaient : ce Crucifie-le! »

{e) [Hora tertia, sexta et nona.] L'heure de tierce , de sexte et de none.

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et parce qu'à cette heure TEsprit saint descendit sur les apô- tres y en langues de feu (/) ; à la sixième heure , parce qu'à cette heure , selon [saint] Mathieu, le Christ fut vraiment cru- cifié et immolé ; et à la neuvième heure, parce qu'à cette heure, suspendu à la croix , il rendit l'esprit. Le pape Télesphore établit que la messe ne serait pas dite avant la troisième heure, ce qu'on doit entendre des messes publiques et populaires, parce que, comme dit [saint] Augustin, « ces choses ne devraient « pas être faites en public , de peur que le peuple ne se retire c( des messes publiques que l'on dit à la troisième heure. » Or, on la chante les jours de dimanche, de fêtes et aux veilles des fêtes , à la troisième l-.eure ; à la sixième heure, pendant le Ca- rême ; à la neuvième heure, les jours de jeûnes, et aussi, d'a- près l'institution du pape Pelage et des autres, les jours des jeûnes, non pas cependant de tous. Mais les samedis des Qua- tre-Temps elle peut être célébrée tard [sero]^ à cause des or- dres sacrés que l'on sait appartenir au dimanche suivant. Et, comme la messe doit être dite à jeun, voilà pourquoi, afin qu'on ne jeûne pas moins , on la commence après vêpres, et ainsi le jeûne est prolongé jusqu'à la nuit ; ce dont on parlera dans la sixième partie, à l'article du Samedi de Pâques. Mais de ce que la messe est parfois chantée de très-grand matin [summo mane) , il faut en conclure que cela est de coutume et non d'or ire. Cependant le pape Léon montait à l'autel, pour célé- brer la messe, au point du jour ou à la première partie du jour; je ne sais si c'était par nécessité ou par règle , ou bien s'il usait seulement en cela du pouvoir apostolique, ou s'il faut entendre cela d'une messe particulière. Mais ceux qui, par né- cessité, commencent avant la troisième heure, ou offrent le saint sacrifice après la sixième heure ou la neuvième, par amour de Dieu , afin que le jour ne se passe pas pour eux sans sacrifice, peuvent être excusés avec les disciples qui arrachaient

{f) C'est en mémoire de cela que le Veni Creator Spiritus se chante toujours avant la messe et à l'heure de tierce ou troisième heure [hora tertia).

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des épis le jour du sabbat, et avec Dayid qui mangeait les pains de proposition ; ou parce qu'à la messe on fait mémoire de la passion , de la mort , de la sépulture, de la résurrection et de l'ascension. Voilà pourquoi on la chante à tant d'heures diverses : à la troisième heure, en mémoire de la passion et de l'ascension ; après la sixième heure_, en mémoire delà mort; après la neuvième heure , en mémoire de la sépulture ; au matin, peut-être en mémoire delà résurrection. Quelques-uns assurent encore que le Seigneur fut crucifié au milieu des heu- res {inmeditulio horarum , midi) ; et voilà pourquoi tantôt on prend une heure, tantôt l'autre. D'où vient que FEglise célè- bre la messe entre une heure et l'autre.

XXI. Mais le jour de la naissance du Seigneur on chante la première messe de nuit [à minuit] comme on le dira à l'ar- ticle même de cette fête. Au reste, si dans le Carême deux offi- ces se rencontrent, que nous appelons jours doubles ( dies du- plices), on dit la messe de la fête à la troisième heure et sans génuflexion ; mais l'office du jeûne se dit à la neuvième heure et avec génuflexion. Aussi, dans le temps de l'Avent la messe doit, dans les festivités des saints , être célébrée à la troisième heure. Mais nul ne doit, selon les règles, célébrer le même jour plusieurs messes, parce que le Christ a souffert une seule fois, et il est on ne peut plus heureux celui qui peut aussi cé- lébrer dignement une messe.

XXII. Personne ne peut célébrer deux messes avec un seul sacrifice , ou une seule messe avec deux sacrifices ; cependant on peut, dans un seul canon, consacrer plusieurs hosties. Car, en effet, le prêtre doit toujours avoir une hostie prête pour les malades.

XXIII. Le prêtre peut aussi célébrer une seule messe avec le sacrifice , et une autre sèche ( missam siccam ) [g) . On dit

[g) « Cette sorte de messe , qui vulgairement est appelée messe sèche ou

messe de navigation , encore aujourd'hui est usitée en quelques endroits pour

marque d'une singulière dévotion envers la messe. On la nomme sèche , parce

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messe sèche, parce que, si le prêtre ne peut pas consacrer, parce que peut-être il a déjà célébré, ou pour une autre cause, il peut , après avoir pris l'étole , lire l'épître et l'évangile , dire l'oraison dominicale et donner la bénédiction : de plus, si par dévotion et non par superstition, il veut dire tout l'office de la messe sans offrir le sacrifice, qu'il prenne tous les vêtements sacerdotaux et qu'il célèbre la messe dans son ordre, jusqu'à la fin de l'offrande^ passant outre la secrète, qui appartient au sacrifice. Mais il peut dire la préface , quoiqu'on paraisse y appeler les anges à la consécration du corps et du sang du Christ. Cependant, qu'il ne dise rien du canon , mais qu'il ne passe pas outre Foraison dominicale et ne dise pas ce qui suit, qu'on doit dire à voix basse et en silence ; qu'il n'aie ni calice, ni hostie, et qu'il ne dise ni né fasse rien de ce qui se dit ou se fait sur le calice ou sur l'eucharistie. Il peut dire encore : « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous » [Pax Do- mini sit semper vohiscum). Et à partir de là, qu'il poursuive et achève l'office de la messe selon son ordre ordinaire. Il est mieux cependant d'omettre le reste,.

qu'elle est célébrée sans consécration et communion , avec le simple récit des autres prières qui la composent. On l'appelle aussi de navigation, parce que, comme il n'est pas permis de dire la messe sur mer dans un vaisseau , pour le danger qu'il y a de répandre le sang qui est dans le calice , à cause des fréquen- tes agitations des vagues, ceux qui sont sur mer, ne pouvant mieux faire, se consolent au moins par cette sorte de messe, laquelle se dit en cette manière : Le prêtre, étant revêtu d'un surplis seulement et d'une étole, sans autre chose, et ne mettant sur l'autel ni l'hostie ni le calice, prend le Missel en ses mains, dans lequel il lit l'épître, l'évangile et le Pater; après quoi il donne la bénédic- tion au peuple Mathieu Galenus assure que telles messes sont fort usitées

en Flandre. La pratique encore en est commune en quelques diocèses de France, et on s'en sert en certains endroits aux enterrements qui se font l'après-dînée, ou lorsqu'il n'y a qu'un prêtre en ces lieux-là qui a déjà célébré la messe , et qu'il survient quelque nécessité qui oblige de recourir à Dieu par l'entremise des personnes qui sont spécialement vouées à son service. » Bocquillot fait remon- ter l'antiquité de cette sorte de messe au IX^ siècle: « L'on ne peut douter, dit-il, que Prudence, évêque de Troyes (en Champagne), ne l'ait trouvée en usage de son temps , ou ne l'ait introduite en faveur des malades qu'on allait com- munier en viatique; car il la décrit dans un Pontifical Mss. qu'on a de lui. » (V. Bocquillot, Traité hist. de la Liturgie ou de la Messe, l. 2, chap. 7, p. 394; — Grimaud, la Liturgie sacrée, partie 1, chap. 10, p. 59 et 60. — V. Du Gange, Missasicca; etD. Garpentier, Supplem. ad Gloss. Du Gange , v» Missaficta.)

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XXIV. Mais il y en a qui commencent la messe du jour, la célébrant dans son ordre jusqu'à l'offrande ; ensuite, ils com- mencent une autre messe et la chantent jusqu'au même en- droit , et ils font la même chose plusieurs fois s'ils le veulent ; et, après avoir commencé la messe des vivants, ils commencent parfois la messe des morts, la poursuivant jusqu'au même en- droit [h), et ensuite, continuant de là, ils disent autant de se- crètes [i) qu'ils ont commencé de messes , disant seulement une fois le canon et consacrant ; et à la fin ils disent autant d'orai- sons qu'ils ont commencé d'offices de la messe. Mais nous ré- prouvons cela comme une chose détestable.

XXV. Cependant le prêtre peut parfois célébrer plusieurs messes dans un seul jour. Premièrement, à la fête de la nais- sance du Seigneur, comme on le dira dans la sixième partie, à l'article de cette fête. Secondement, lorsque la nécessité l'exige; par exemple, si quelqu'un meurt. Cependant le Con- cile de Carthage dit « que si l'évêque ou une autre personne <( meurt après la troisième heure, sa commémoration doit être

{h) Pierre-le-Chantre, de Paris, écrivain du Xlle siècle, donne de cette bi- zarre coutume une explication curieuse ; c'est dans le chapitre 27 de son Ver- bum abbreviatum qu'elle se trouve. Ce docteur, parlant des prêtres qui célé- braient de son temps des messes à double face par esprit d'intérêt, c'est-à-dire qui disaient une messe jusqu'au temps de l'offrande , et , voyant que personne ne venait rien apporter à l'endroit de l'offertoire, recommençaient une autre messe, et ainsi jusqu'à trois et quatre fois, et ne continuaient ensuite le sacrifice que lorsqu'ils avaient reçu des offrandes; après, dis-je, avoir décrit cet abus en des termes énergiques, il dit : [Hi similes sunt cantantibus fabulas et gesta; qui , videntes cantilenam de Landrico non placere auditoribus, statim incipiunt de Narcisso cantare : quod si nec placuerit, cantant de alio] ; «Ils sont sembla- bles aux chanteurs de contes et de chansons de gestes, qui , voyant que la chan- son de Landri ne plaît pas aux auditeurs , commencent aussitôt celle de Nar- cisse, et, si elle ne plaît pas, ils en chantent une autre. » Pierre-le- Chantre mourut vers 1197; il est curieux de voir, environ un siècle après (1284), se continuer une pratique dont le pieux théologien nous fait connaître la source et les abus.

{i) Secretelas. [Secretella, oratio quse etiamnum Sec^e^a appellatur, quam subsequitur Praefacio. ] Les Statuts Mss. d'Augerius', évêque de Gonserie (en Ir- lande), anno [1280], exphquent ainsi ce mot: [Deinie respiciens librum, ma- nibus ut prius ante humeros elevatis dicit Secretellas , et in fine ultimae Secre- tellœ dicens, Peromnia sœcula sœculorum..., Sursum corda, etc.] (V. du Gange, Secretella. )

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« faite seulement par des prières et sans qu'on célèbre la « messe pour lui. » Troisièmement, par honnêteté ou par honneur^ comme si quelque grand personnage survenant veut ouïr la messe. Quatrièmement, selon quelques-uns, pour cause d'utilité ; par exemple , pour les pèlerins , pour les étrangers, pour les voyageurs, pour les malades , pour les fiancés ( spon- sos), et à cause de la rareté des clercs, et à cause de la pau- vreté des églises, qui n'ont pas de prêtres attitrés (proprios). Cinquièmement, comme dit Richard, évêque de Crémone [in Mitrali) : « Lorsque deux festivités se rencontrent, on peut « aussi en célébrer trois , tant parce que cela a lieu licitement (( lors de la Noël , que parce que la passion du Christ est tri- ce partite ou partagée en trois parties. Car il souffrit des lan- ce gués de ceux qui l'insultaient, des mains de ceux qui le frap- cc paient et des clous de ceux qui le crucifiaient. Il fut aussi ce immolé par les patriarches dans leurs actions (j) , sacrifié c( parles prophètes dans leurs paroles, et réellement offert par ce son Père et par lui-même. » Sixièmement, pour la même raison, si , dans un jour de jeûne, il se rencontre quelque fête sdennelle, le prêtre peut célébrer une messe de la fête et l'autre du jeûne, si un autre prêtre ne se trouve pas là.

XXVI. On lit aussi que le pape Léon célébra souvent sept fois et parfois neuf fois la messe dans le même jour. Cependant le prêtre qui doit célébrer une autre messe le même jour pren- dra seulement dans la dernière la perfusion ou ablution (|?er- fusionem) (/e), parce que, s'il la prenait dans la première, il ne serait pas à jeun, et ainsi il serait empêché de célébrer une

[j] Par exemple , le sacrifice d'Abraham figure de la passion du nouvel Isaac, le Christ, fils de Dieu.

(k) Perfusio a le sens ^Ablution dans les auteurs liturgiques. « Gum scili- cet sumptis sacrée Eucharistiee speciebus, sacerdoti vinum et aqua infunduntur ut digitos abluat, ditDu Gange, verbo Perfusio. » Statuta Ord. Praemonstrat., dist. 1, cap. 1. [Gum aliquis in Natah Domini vel ahas de necessitate duas mis- sas debuerit celebrare, post primam missam, sumpto sacramento Eucharis- tiae , vinum perfusionis , sive ablutionis non sumat , sed ahi ad sumendum tra- dat.] (V. ibid., Super fusio, Profusio.)

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autre messe ; mais ailleurs [alias), autant de fois qu'il célèbre, autant de fois il prend le corps du Christ et aussi la perfusion ou ablution.

XXVII. Mais est-ce qu'il consacre après avoir dîné? Je ré- ponds ainsi : Cela est permis , mais il ne doit pas le faire. En effet, le jeûne n'est pas d'absolue nécessité, comme saint Au- gustin le témoigne clairement dans le canon inD. c; autre- ment le Seigneur n'eut pas consacré. Cependant maître Hu- gues [l) dit le contraire.

XXVIII. Or, dans les anciens temps, lorsque les hérésies pullulaient et attaquaient la Trinité, d'après l'institution d'Al- cuin, maître de Charles (Charlemagne), à la demande de Bo- niface, archevêque de Mayence, il fut établi par ce prélat qu'à la première férié { le dimanche ) (m) on dirait la messe de la Trinité ; à la deuxième férié, celle de la sagesse ; à la troisième férié, de l'Esprit saint ; à la quatrième, de la charité ; à la cin- quième férié, des anges ; à la sixième, de la croix ; à la septième, de la bienheureuse Vierge. Mais cette cause venant à cesser, cette pratique cessa, et l'office du dimanche ayant été réglé, il fut établi que la première férié aurait son office , à savoir : de la Trinité; la seconde des anges , parce qu'ils furent créés ce jour-là , premièrement dans la possession des biens gratuits ; et ensuite la lumière fut séparée des ténèbres , c'est-à-dire les bons anges des mauvais, parce qu'alors les mauvais tombèrent, mais les bons furent affermis et confirmés.

XXIX. Et, dans la première férié, les anges furent créés avant les biens de la nature. On chante aussi la messe pour les morts dans la seconde férié , afin que nous leur appliquions les mé- rites des anges. Et parce que, comme disent quelques-uns dans la première férié, ceux qui sont dans le purgatoire ont du ra- fraîchissement, et aussitôt, à la seconde férié , ils retournent à leurs peines et à leur labeur,

(l) Hugues de Saint- Victor, (m) V. Du Gange, verbo Feriœ.

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XXX. Voilà pourquoi , afin que nous leur venions en aide dans leurs douleurs , on célèbre la messe pour eux dans la se- conde férié. Dans la troisième férié , pour les péchés; dans la quatrième , pour la paix ; dans la cinquième, pour la tribula- tion : et dans la troisième férié on doit répéter Yintroït de la messe du dimanche. Il a été aussi établi qu'on jeûnerait dans la quatrième férié (le mercredi), et que, semblablement en ce jour, on doit dire la messe du dimanche, à moins qu'on n'en soit empêché par une festivité. Dans la cinquième férié, on doit de même répéter l'office du dimanche, Vintro'il, Fépître et l'évangile, parce qu'on dit que le jeudi [dies lovis) est cousin du dimanche [n] [cognata diei Dominicœ), comme on le dira au chapitre de l'Entrée du Pontife à l'autel. Dans la sixième férié, de la croix; en effets ce jour est propre au Christ et à la croix, parce qu'il voulut être crucifié et mourir dans ce jour (le vendredi) pour le salut du genre humain.

XXXI. Dans la septième férié (samedi), de la bienheureuse Vierge ; ce qui prit son origine et son commencement de ce' que jadis, dans une église de la cité de Constantinople , il y avait une image de la bienheureuse Vierge devant laquelle était suspendu un voile qui la couvrait tout entière ; mais ce voile_, dans la sixième férié après vêpres , s'écartait de l'image sans que personne y touchât , et par le seul miracle de Dieu, comme s'il était emporté dans le ciel, afin que l'image pût être parfaitement vue par le peuple. Et après la célébration des vêpres, le samedi , le même voile descendait devant le même portrait ou image, et y demeurait jusqu'à la sixième férié. Lors-

(n) Guillaume Durand donne de ce proverbe d'écolier une explication pure- ment liturgique (V. § 20, chap. 6, lib. 4) ; nous croyons cependant que la plus naturelle est celle-ci. Voici à quelle origine on rapporte le motif de la célébra- tion du j eudi observé par les écoliers : Diogène Laërce (Vies des Philosophes) raconte que Anaxagoras étant prêt d'expirer, les principaux de la ville de Lampsaque, où il mourut, lui demandèrent s'il ne leur voulait rien ordonner. Il leur com- manda de donner tous les ans congé aux enfants et de leur permettre déjouer à pareil jour que celui de sa mort. Cette coutume s'est toujours conservée de- puis, bien qu'on ne s'en rappelle guère l'origine.

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qu'on vit ce miracle, on arrêta que toujours, dans cette férié, on chanterait la messe de la bienheureuse Vierge.

XXXII . Il y a aussi une autre raison : c'est que , lorsque le Seigneur eut été crucifié et fat mort , que ses disciples s'en- fuyaient et désespéraient de sa résurrection , en elle seule de- meura toute la foi, en ce samedi; car elle savait comment elle l'avait porté sans fatigue et enfanté, et voilà pourquoi elle était certaine qu'il était le Fils de Dieu et qu'il devait ressusciter le troisième jour d'entre les morts. Et c'est là la raison pour la- quelle le jour du samedi, plus que tout autre jour, est propre à la bienheureuse Marie.

XXXIII. La troisième raison, c'est que le samedi est la porte et l'entrée au jour du dimanche. D'où vient que, lorsque nous sommes au samedi, nous sommes près du dimanche. Or, le jour du Seigneur est le jour du repos, et symbolise la vie éter- ternelle. De là vient que lorsque nous sommes dans la grâce de notre Seigneur nous sommes en quelque sorte devant la porte du paradis. Donc, comme la bienheureuse Vierge elle- même est pour nous la porte qui conduit au royaume des cieux, que symbolise le dimanche, voilà pourquoi nous solen- nisons sa mémoire dans la septième férié qui précède le di- manche.

XXXIV. Quatrièmement, afin que la solennité de la Mère soit continuée par celle du Fils. Cinquièmement, afin qu'une festivité ait lieu dans le jour où Dieu s'est reposé de tout ou- vrage.

XXXV. Il est encore à remarquer que, dans l'office de la messe où l'on représente la passion du Christ, nous nous ser- vons de trois espèces de langues, savoir : la grecque, l'hé- braïque et la latine , pour rappeler que le titre de la croix du Christ fut écrit en ces trois langues (S. Jean, xix), et pour marquer que toute langue, que l'on entend par cette triplicité, doit louer et confesser Dieu, parce que N. S. J.-C. est dans la gloire de Dieu le Père ; car, quoiqu'il y ait beaucoup de sortes

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de langues, celles-là cependant sont les principales. L'hé- braïquC;, à cause de l'ancienne loi, et parce qu'elle est la mère des autres. La grecque, à cause de la philosophie [sapientiam), La latine^ à cause de la noblesse et de la domination de l'em- pire romain. Les paroles latines, ce sont les épîtres^ les évan- giles, les oraisons et les cantiques [cantus). Les grecques sont : Kûpis èXé-fldov, X^iavi tlinaov ct ùpiaç. Lcs hébraïques sont : Alléluia, amen, sabaoth et osanna. Delà vient encore qu'à la messe du pontife romain, dans les principales solennités, on lit l'évan- gile et l'épître non-seulement en latin , mais aussi en grec, pour marquer l'union étroite des deux peuples sous une seule et même foi, ou bien parce que l'Eglise est composée non- seulement des Latins, mais encore des Grecs ; et vois cela dans la sixième partie, au chapitre de la Parascève ou Vendredi saint.

XXXVL Mais on demande si le prêtre doit célébrer la messe en présence de moins de deux personnes? Et il semble que non; car le pape Sothcr a aussi établi que nul ne s'ima- gine de célébrer solennellement la messe , si ce n'est en pré- sence de deux personnes , et ayant avec lui une troisième per- sonne qui lui réponde avec les autres. En effet, quand le prêtre dit : Dominus vohiscum ( Que le Seigneur soit avec vous ) , et à la secrète : Orale pro me (Priez pour moi), il convient que plusieurs voix répondent à son salut et à son invitation. Mais il y a [encore] un autre point, qui est celui de la néces- sité, dans lequel il peut célébrer en présence d'une seule per- sonne , et dans un autre cas , qui est celui du mépris de la re- ligion.

XXXVII. Il faut croire pieusement aussi, et cela est prouvé par des autorités certaines, que les anges de Dieu assistent en qualité de compagnons ceux qui prient et se tiennent auprès d'eux, selon cette parole du Prophète : « Je chanterai à ta « louange en présence des anges. » Et l'Ange dit à Tobie : « Quand tu priais avec larmes, moi j'ai présenté ta prière au

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c( Seigneur. » Mais dans le canon [même] de la Messe sont contenues ces paroles : « Nous te supplions et nous te prions, (( Dieu tout-puissant, d'ordonner que ces choses soient por- c( tées par les mains de ton saint ange sur ton sublime autel. » De plus , chaque homme a son ange attitré pour le garder. De là vient que le Seigneur, dans l'Evangile, parlant des petits enfants, dit : « Leurs anges voient toujours la face de mon Père. » Donc, nous les avons comme participants dans la prière , eux qui seront nos coassociés dans la gloire éternelle. Cependant le prêtre seul ne peut célébrer le divin office sans l'aide d'un ministre ou servant , comme cela a été prévu d'avance dans la Constitution d'Alexandre. Le XIP canon (quœst. i) du Concile de Tolède a encore établi ceci, à savoir : qu'en quel temps ou qu'en quel lieu où il y a peu de prêtres , on offre le saint sacrifice ; que tout prêtre qui sacrifie à Dieu ait derrière lui l'aide d'un secours pro- chain , afin que si , par un cas quelconque , celui qui monte à l'autel pour y célébrer les divins offices tombe à terre troublé ou blessé, il ait toujours derrière lui quelqu'un qui prenne in- trépidement sa place. Si, toutefois^ on dit la messe en un temps de paix ; s'il n'y a pas de guerre en ce lieu ; si l'Eglise est riche en clergé , et si elle a beaucoup de clercs [ on agit alors autre- ment ] .

XXXVIU. Mais, généralement, on doit dire que c'est la messe ordinaire à laquelle assistent les prêtres , à laquelle on répond, on fait l'offrande et l'on communie , ainsi que la composition elle-même des prières le démontre par une règle manifeste.

XXXIX. L'introït se rapporte au chœur des prophètes, parce que, selon [saint] Augustin, « Moïse fut le ministre de l'Ancien- c( Testament, et les prophètes sont les ministres du Nouveau. » Kupte èXsvicov se rapporte à ces prophètes qui vivaient près de l'avènement du Seigneur , desquels furent Zacharie , et Jean- Baptiste son fils. Gloria in excelsis appartient au ciel, qui de- vait annoncer aux bergers la joie qu'éprouvèrent les anges de

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la nativité du Seigneur. La première collecte se rapporte à ce que le Seigneur faisait environ Fàge de douze ans^ savoir, lors- quO;, montant à Jérusalem, il s'asseyait au milieu des docteurs , écoutant et interrogeant. L'épître appartient à la prédication de [saint] Jean. Le répons se rapporte à la bonne volonté des apôtres , savoir, comment ils furent appelés par le Seigneur et comment ils le suivirent. Allelu-Ia appartient à l'allégresse de leur ame , qu'ils avaient à la suite de ses promesses et de ses miracles, quïl faisait ou qu'ils faisaient par son nom. L'é- vangile regarde le temps depuis sa prédication jusqu'au temps prédit [de sa mort] . Et ce qui a ensuite lieu pendant Toffice de la messe se rapporte à ce temps qui est depuis le dimanche, quand les enfants des Hébreux allèrent au-devant de lui, jus- qu'au jour de son Ascension ou de la Pentecôte. L'oraison dite secrète (la secrète), jusqu'à Nohis quoque peccatorihus^ désigne cette oraison à laquelle Jésus s'exerçait sur le mont des Oliviers. Et ce qui a lieu après signifie ce temps pendant lequel le Sei- gneur fut couché dans le sépulcre. Quand on met le pain dans le vin, cela montre que l'ame de Dieu retourne dans son corps. La salutation qui suit signifie les saints faits ensuite par le Christ aux disciples. La fraction du pain [oblatœ) (o) figure la fraction

(o) Oublies. Les hosties, ou pain à chanter (la messe), que les prêtres consa- crent à l'autel, étaient appelées ohlatœ. Fulbert, évêque de Chartres (ep. 1), dit : [Multae oblatœ propter vota offerentium , unus panis est propter unitatem cor- poris Ghristi]. Le 5e Concile d'Arles (can. 1) : [Ut oblatœ quae in sacro offeruntur altari a comprovincialibas episcopis, non aliter nisi ad formam Arelatensis offe- rantur ecclesiaî]. Et parce que les oublies de cuisine et de pâtisserie sont faites de la même façon, elles furent aussi appelées oblatœ, comme le prouve ce pas- 'sage de Geoffroy, abbé de Vendôme, qui (lib. 1 ) en décrit ainsi la confection : [Hispanibus, quos oblatas appellant, conlîciendis pariter et coqaendis exhibe- bat ministerium. Cumque ille instrumentum ferreum, ut sœpe vidistis , hu- jusmodi panibus coquendis Cdlefecisset, et illas ferri patenas, quae sibi concate natee artificiosa diligentia nunc aperiuntur, nunc relaxantur , suscipiendis quae coquenda erant , aperuisset]. On ne peut mieux décrire l'outil employé encore aujourd'hui à la fabrication des oublies, des hosties et des pains à cacheter. En- fin, I&on (De miraculisS. Othmari, 1. 1, c. 3) dit que les oublies d'autel étaient de forme ronde : [Quaedam panis rotulœ , quae vulgo oblatœ dicuntur]. On donnait le nom d'oublieurs à ceux qui, au moyen-âge, se livraient exclusive- ment à la confection de cette sorte de pâtisserie ; aujourd'hui , il n'est resté

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du pain faite par le Seigneur aux disciples dans Emmaûs. Ces choses seront dites plus complètement en leurs lieux. On par- lera, dans la septième partie, de la messe pour les morts et de leur office.

XL. Jusqu'à présent, la messe ne doit être dite, à moins d'une grande nécessité, que dans les lieux consacrés à Dieu, c'est-à-dire dans les sanctuaires [in tahernaculis) consacrés par les prières qu'adressent à Dieu les pontifes. Donc, il ne faut pas dire la messe dans les maisons profanes , sans la permis- sion de révêque , parce qu'il est plus saint de ne pas chanter ou de ne pas entendre la messe que de faire cela dans les lieux où il ne le faut pas. D'où vient qu'il est écrit : ce Vois à ne pas « offrir tes holocaustes en tout lieu que tu trouveras; mais en c( tout lieu dont le Seigneur, ton Dieu, aura fait élection. »

qu'à ceux qui la vendent par les rues. — Amalaire (ap. Baluze, t. 2, capit., col. 1364) dit, en parlant de la fraction deThostie en trois parts, qu'elle repré- sente cette fraction du pain que notre Seigneur fit aux deux disciples dans Em- maûs, et que c'est en mémoire des trois parts qu'il en fit alors que le prêtre observe de briser l'hostie en trois parties. — Arnulphus Roffensis (ep. 2, in Spi- cil. d'Acheri, t. 2, p. 434) dit que , dans la primitive Eglise, toutes les hosties avaient la forme et l'épaisseur d'une pièce de monnaie {in forma nummi). — Raymond (m Summula) rapporte, à propos de la confection de l'hostie, de la quaUté de la farine, etc., six vers que nous transcrivons ici :

1

Munda sit oblata, nunquam sine lumine cantes.

2 Hostia sit modica, sic Presbyteri faciant hanc.

3 4 5 6 7

Candida , bHticea , tenuis , non magna, rotunda,

12

Expers frumenti, non salsa sit hostia Christi.

3 4

Spernitur oblata duplex^ vel a terra levoia

5 6 7

Facta, v^l inflata, vel discolor, aut maculata ;

où l'on voit les sept qualités et les sept défauts du pain à chanter. — Nous voyons, par la Vie de S. Cutbert et par le premier livre des Miracles de S. Omer (Othmarus), que les chrétiens d'Occident avaient coutume d'ensevelir leurs morts avec des hosties non consacrées sur la poitrine. (V. plus loin la note que nous avons faite sur les nos 5 et 6 du chap. 30 du liv. 4 du Rational , qui a pour titre : [De la Confection des Hosties, dites pains d'autel ou pains à chanter] ; — Du Gange, verbo Oblata. )

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On parlera de cela dans la préface de la cinquième partie. Mais il peut y avoir nécessité , comme de la dire dans un navire ou dans une armée, sous un pavillon [suh papillione), ou sous le ciel [suh dio) si l'on ne peut avoir un pavillon; mais, alors, avec une table ou un autel portatif [altari viatico). Et le prêtre ne doit pas célébrer la messe , sans la permission de Févêque , sur l'autel oii l'évêque l'a célébrée le même jour.

XLI. Toutefois, le pape Sixte a statué qu'on ne célébrerait pas la messe ailleurs que sur un autel [stable]. Le pape Fé- lix P a établi qu'on célébrerait la messe sur les tombeaux ou monuments élevés à la mémoire des martyrs [memorias mar- tyrum) (p). Le pape Boniface II a établi que pendant la célé- bration de la messe les clercs seraient séparés des laïques. Le pape Martin statua qu'on chanterait la messe à haute voix [alta voce) . Le pape Vigile établit qu'on la dirait dans la partie orien- tale de l'église.

XLII. Il faut aussi remarquer que pendant la messe on représente le combat et la victoire du prêtre contre l'antique ennemi. Nous parlerons de la marche [processus, procession)

(p) iiMemoria, dit Du Gange, monumentum, sepulcrum, fAv-Ajuisiov. » Monu- ment, tombeau, et en grec souvenir, tels sont les sens attachés au mot Memoria par les auteurs ecclésiastiques ; mais on donnait surtout le nom de Memoriœ aux oratoires bâtis sur les corps des saints ou qui renfermaient leurs reliques. Cette désignation devint plus tard commune à toute église ou édifice sacré : aux au- tels (1), aux châsses (2), à tout ce qui avait servi à un saint (3) , au jour anni- versaire de sa fête (4), enfin aux funérailles de tout chrétien (5). — Exemples: (1) Vita S. Bertulfi, saec. 5 Bened., part. 1, p. 59 : [In Blandiniensi namque ecclesia Memoriam tidelium defunctorum construxit fidelium vivorum indus- tria]. — (2) Miracula S. Landeberti, ssec. 3 Bened., part. 1, p. 80 : [Dignam ^ei praeparaverunt mansiunculam, quœ opère artificum mirabili et copiosa mole auri et argenti et gemmarum et lapidum pretiosorum... fabricata est... Ibique, ut decebat , urbana et venerabilis mirifica Memoria haec praegrandi ecclesia composita est], —(3) Translat. S. Launomari, saec. 4 Bened., part. 2, p. 248 :

[Missi eo monachi secum deferunt gloriosi baculum confessoris At ne quis

ignoraret istam sancti Memoriam suae inesse ecclesiae, superpositus altari rei fi- dem exhibebat]. — (4) Joannes Hierosolymitanus, 1. 3, in Stratagemata B. Job : [ Propterea et Memorias sanctorum facimus , et parentum nostrorum vel ami- corum in fide morientium dévote Memoriam agimus , etc. ] . — (5) Provinciale Gantuar. Eccl., 1. 3., tit. 14 : [Peractis a viris ecclesiasticis mortuorum Memo- riis, etc.].

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à ce combat , au chapitre de TEntrée du Pontife à l'autel , sur la fin. Nous avons montré, dans la préface de la troisième par- tie, quels sont les armes et le combat du prêtre.

XLIII. La messe imite encore en quelque sorte un jugement. D'où vient aussi que le canon s'appelle [actio) action. Or, l'ac- tion c'est la cause produite en justice ; mot à mot, cela signi- fie le barreau. En effet, pendant la messe il s'agit de notre cause ; le sanctuaire est le prétoire, Dieu est le juge , le diable l'accusateur, les ministres ou servants les témoins , le prêtre l'avocat et le défenseur. Il est Moïse, qui portait la cause du peuple devant le Seigneur, lui par le patronage duquel la ruse et la fausseté sont confondues, notre innocence entière- ment prouvée, nous sommes absous, la colère du juge est apaisée, et la faute remise par sa miséricorde. Au reste, la messe est appelée un mystère, parce qu'elle se produit au dehors^ et un sacrifice, parce qu'on l'offre devant tous et pour tous.

XLIV. Et l'office de la messe est surtout divisé en deux parties , savoir : la messe des cathécumènes et la messe des fidèles.

XLV. La messe des catéchumènes, c'est depuis l'introït jusqu'à l'offertoire. Cette messe [missa) tire son nom de emit- tere, mettre dehors, renvoyer, parce que quand le prêtre commence à consacrer l'eucharistie on renvoie les catéchu- mènes hors de l'église. D'où vient que, très-anciennement, après la lecture de l'évangile , le diacre avait coutume de crier à haute voix, dans le jubé [supra pulpitum) : « S'il y a ici « quelque catéchumène, qu'il sorte dehors, » comme on le dira dans la sixième partie, à l'article de la Quatrième Férié ( mercredi) du quatrième Dimanche de Carême. Ce qui avait lieu parce que, quoique les catéchumènes, fussent instruits et fortifiés ( instructi) dans la foi, cependant ils n'avaient pas en- core pris la seconde naissance ou le baptême, et voilà pourquoi ils n'étaient pas encore du corps de l'Eglise , pas plus que les

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Juifs et les Gentils. C'est pourquoi ils ne devaient pas assister aux sacrés mystères de Tautel, que l'on ne confie qu'aux fidèles baptisés, et parce qu'on ne doit pas montrer les trésors de l'Eglise à ses ennemis. D'où vient qu'il est écrit touchant quelques-uns qui représentaient le type ou la figure de caté- chumènes, et n'ayant pas encore pris une seconde naissance : « Or^ Jésus ne se confiait pas à eux , sachant ce qu'il y avait (c dans l'homme. » De là vient encore qu'il est dit dans le ca- non du Concile de Carthage (De consecratione ^ distinct, i, Episcopus) que « l'on empêche le Gentil, l'hérétique et le Juif « d'entrer dans l'église et d'ouïr la parole de Dieu jusqu'à la « fin de la messe des cathécumènes^ et aussi les incestueux » (XXXV, dist. III, De incest., et cap. seq.).

XLVI. Mais la messe des fidèles a lieu depuis Foffertoire jusqu'à la postcommunion, et cette messe [missa) tire son nom de dimiltere^ congédier, parce que lorsqu'elle est ache- vée on congédie chaque fidèle à sa demeure.

XLVII. Or, parfois messe [missa) est un nom collectif, parce que tantôt on l'appelle messe depuis l'introït jusqu'à l'offertoire, et tantôt depuis l'introït jusqu'à Vite missa est (Al- lez, la messe est dite) , et cela avec plus de vérité , parce qu'a- lors l'hostie est achevée, la victime est consommée. Parfois, ce qui est plus usité, on appelle messe tout l'office, depuis l'introït jusqu'à Vite missa est^ ou l'invocation du nom du Sei- gneur que fait le prêtre sur l'autel, invocation en quelque sorte transmise, d'autant plus que le peuple fidèle transmet ses prières, ses supplications et ses vœux au Très-Haut , par le ministère sacré du prêtre , qui tient la place de médiateur en- tre Dieu et les hommes , c'est-à-dire celle du Christ. Parfois, cependant, ce nom signifie l'office que l'on dit à voix basse^, et parfois seulement les paroles avec lesquelles on consacre le corps du Seigneur.

XLVIII. Parfois messe (missa) est un nom propre, parce qu'il signifie le Christ qui fut envoyé (missus) par le Père en

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ce monde. Il signifie aussi Fange qui est envoyé [mittitur) afin que , par ses mains , l'hostie soit offerte sur le sublime autel du Seigneur. Or, le sacrifice même, c'est-à-dire l'hostie est appelée messe [missa) (1), comme en quelque sorte si l'on di- sait [transmissa) qu'elle est transmise, savoir : d'abord, par le Père à nous, afin qu'elle habitât avec nous ; ensuite, par nous au Père, afin qu'elle intercède à son tour pour nous auprès de lui. Elle est encore transmise : premièrement, à nous, par Dieu le Père, par l'incarnation du Christ, son Fils, qui fut envoyé du ciel, et ensuite au Père par nous, par sa passion ; de même, dans le sacrement de l'autel , elle est transmise à nous : pre- mièrement, par le Père, en vertu de la sanctification par la- quelle il commença à être avec nous ; ensuite , au Père par nous , en vertu de l'oblation par laquelle il intercède pour nous auprès du Père. Car cette mission ou légation est seule suffi- sante et capable pour délier les inimitiés et les offenses qui sont entre Dieu et les hommes. Quand donc le diacre dit à la fin de la messe : c( Ite, missa est y » c'est la même chose que s'il disait : a Retournez chez vous, » ou « Suivez le Christ, » parce que la messe ou l'offrande, c'est l'hostie du salut placée entre nos mains pour apaiser Dieu le Père.

XLIX. On peut aussi, et d'une autre manière, diviser la messe en quatre parties, selon l'Apôtre dans la P^ épître à Timothée, chap. n. Le canon du Concile de Tolède la fait aussi consister et se renfermer en supplications, en oraisons, en demandes et en louanges ou actions de grâces , dont on expliquera les formules dans la cinquième partie, à l'article de Tierce. La première partie s'étend - depuis l'introït jusqu'à l'offertoire, et on lui donne le nom de supplications, c'est-à-dire prédications qui ont lieu avant que l'on commence à bénir les espèces [species). La seconde , jusqu'à la fin de l'oraison dominicale , savoir, à cet endroit : Libéra nos, quœsumus , Domine, etc. (Délivre- nous, nous t'en supplions. Seigneur, etc.). La troisième, jus- qu'à la communion , à savoir, selon [saint] Augustin, les orai-

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sons que Tévêque dit après la communion (la postcommunion). La quatrième, jusqu'à la fin, à savoir, selon [saint] Augustin, quand, après Vite missa est ou Benedicamus Domino (Bénis- sons le Seigneur), le peuple répond : Deo grattas (Grâces soient rendues à Dieu). Mais, selon les autres, la première partie s'étend depuis l'introït jusqu'à Te igitur; la seconde, jusqu'à Oremus prœceptis salutarihus, etc.; la troisième, jus- qu'aux collectes [collectas) [q) ; la quatrième, jusqu'à Vite missa est. Encore, parce que le Christ a versé son sang par cinq parties de son corps, voilà pourquoi l'office de la messe, de- puis l'offertoire et auparavant, est subdivisé en cinq parties, comme on le dira en son lieu, etc. Et aussi, parce que sur la croix seule eut lieu l'efïusion du sang en cinq jets, voilà pour- quoi aussi le seul canon est subdivisé en cinq parties : la pre- mière jusqu'à Pridie. la seconde jusqu'à Mémento^ la troisième, jusqu'à Prœceptis , la quatrième jusqu'à Vemholis (r), la cin- quième jusqu'aux collectes, etc. (.s).

(q) Ce mot a deux sens : [Collecta, Sûva^tç (Synaxe), sacrum missse sacrifi- cium, ad quod christiani coire et colligi soient : populi ad sacra ecclesiarum officia peragenda conventus , atque adeo quodvis officium ecclesiasticum]. Voilà pour le premier sens, exemple : [Collecta, ditPapias, dicitur eo quod colligatur po- pulus in unum, ut ostendat Christum in Evangelio venturum]. — Collecta dans le second sens : [ Oratio, quam is qui clero vel monachis prseest, fmito et expleto quolibet canonico ofticio , velut omnium astantium vota et preces in unum colligens, publiée et voce altiori récitât; sic dicta, inquit Micrologus, de Observât. Eccles., cap. 3, eo quod sacerdos, qui legatione fungitur pro po- pulo, ad Dominum omnium petitiones ea oratione colligat atque concludat.] (V. Rupert, lib. 1 de divin. Offic, cap. 19 : [Collectœ, dit-il, quae dicuntur ad complendum, orationes sedentis in cœlo capitis nostri Josu Christ signant]. Et Alcuin, lib. de divin. Offic. : [Collecta dicta est a collectione, eo quod ex auc- toritate divinarum Scripturarum sic collecta, quae in Ecclesia leguntur]. Du Gange, Gloss. , vocibus Collecta, nos e et 8.

(r) Dans l'édition du Rational de Lyon, en 1592, on lit embolismum ; mais c'est une faute. ( V. Du Cange , Embolismus.) C'est embolis ou emholum qu'on aurait dû mettre. Ce mot, chez les auteurs ecclésiastiques, signifie cette partie qui termine l'oraison dominicale, savoir : Sed libéra nos a malo. Amen, parce que, comme dit S. Cyprien (Serm. 6, et, après lui, Amalaire, 1. 3 de Eccl. Offic, cap. 29) :[In consummatione orationis venit clausula, universas petitiones et preces nostras collecta brevitate concludens]. L'Ordre romain: [Sequitur in altum prsefatio dominicae Orationis, et Oratio dominica cum emboli sua, in qua très articuli orationis inveniuntur ] . (V. Bona, lib. 2, Rer. liturgie, c. 15, n» 2.)

[s] La messe était anciennement divisée en messe des catéchumèmes et messe

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CHAPITRE II.

DES CINQ PSAUMES QUE LE PONTIFE DIT AVANT DE CÉLÉBRER LES SAINTS MYSTÈRES.

I. Le pontife qui doit célébrer les cérémonies de la messe dit d'abord certains psaumes et certaines oraisons , suivant la règle donnée par [le pape] Célestin 1". Il les dit pendant qu'il met les chausses et les sandales, pour se conformer à cette exhortation du Psalmiste : « Hâtons-nous de nous présen- « ter devant lui pour célébrer ses louanges, et chantons sur (( les instruments des cantiques à sa louange. )> Ces psaumes sont au nombre de cinq^ savoir : Quam dilecta tahernacula i tua, Benedixisti y Inclina ^ Credidi, et De profundis. Et il les récite afin de laver, par la prière de ces cinq psaumes , toutes les souillures qu'a fait contracter à son ame la désobéissance des cinq sens. Chacun de ces psaumes contient, en effet, cer- taines choses qui se rapportent parfaitement à ceux qui doivent célébrer le mystère de l'autel et le sacrement de Feucharistie. Or , les oraisons que le pontife dit ont clairement pour but d'obtenir la force et la pureté du cœur et du corps. Il dit donc le psaume Quam dilecta tahernacula ^ et les autres , pour mar- quer la plénitude des vertus qui réside dans le Christ , dont il est la figure.

II. Et remarque que le religieux auquel son ordre fait une

des fidèles. Dans la suite, divers auteurs ont fait d'autres divisions arbitraires. Nous la divisons, d'après le P. Lebrun [Explication... de la messe , t. 1, p. 7), en six parties, qui se distinguent. facilement. La première est la préparation publique qui se fait au bas de l'autel; la seconde commence à l'introït et con- tient les instructions et les prières qui se font à l'autel jusqu'à l'oblation; la quatrième est le canon ou la règle de la consécration ; la cinquième , qui com- mence au Pater, renferme la préparation à la communion et la communion même ; la sixième est l'action de grâces.

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loi d'aller déchaussé, doit mettre une chaussure lorsqu'il va dire la messe , selon ce précepte de l'Apôtre aux Ephésiens : « Tenez-vous les pieds chaussés pour vous disposer à suivre (( l'Evangile de paix. » En effet, par les souhers [calciamenta) faits de peaux des bêtes mortes , on foule aux pieds ( calcant ) la terre ; et ils sont fermés par-dessous et ouverts par-dessus , pour signifier que le prêtre doit être mort au monde et doit avoir le cœur fermé pour les choses terrestres , les fouler aux pieds comme dangereuses, les mépriser au dernier point, et avoir le cœur ouvert pour voir et désirer les biens célestes.

CHAPITRE III.

LE CELEBRANT SE PEIGNE LES CHEVEUX ET SE LAVE LES MAINS.

I. Le pontife, aussi bien que le prêtre, ayant mis ses chausses et ses sandales, se peigne la tête et se lave les mains et le vi- sage. Or, dans l'ancienne loi le prêtre qui se disposait à of- frir le sacrifice se lavait d'abord les mains et les pieds, puis mettait une chaussure appelée manastasis, dont aujourd'hui les sandales tiennent lieu; nous avons parlé du manastasis dans la troisième partie , au chapitre des Vêtements de l'an- cienne loi.

II. Donc, le prêtre se peigne la tête et se lave la figure : Pre- mièrement, pour suivre l'exemple de Marie, qui, pour figurer la future passion du Christ, oignit sa tête d'huile; et, en effet, l'office de la messe est la représentation de la passion du Christ. Deuxièmement, c'est pour obéir au commandement du Christ, qui dit : « Pour toi, quand tu jeûnes, oins ta tête et lave ta (( figure, » marquant ainsi que dans nos œuvres pies nous devons écarter de nous tout mensonge et toute dissimulation.

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Troisièmement , le prêtre se peigne la tête , car les cheveux signifient les pensées superflues et la curieuse sollicitude des choses terrestres ; la tête , c'est l'esprit ( mens) et l'intention qui domine tous les actes de l'ame, comme la tête est au-dessus de tous les autres membres. Donc, les cheveux sont convenable- ment lissés par le peigne et mis en ordre, et ceux qui tombent sont relevés, pour marquer que, surtout au moment de s'appro- cher de l'autel, le prêtre doit ranger ses mœurs et chasser loin de lui les pensées superflues , selon cette parole du Prophète : c( Débarrassez-vous du mauvais fardeau de vos pensées, » et que son esprit doit, par un discernement prévoyant , être séparé, tranquillisé et purgé à l'égard des soins de la terre et être orné par les vertus.

III. Or, le peigne, à cause de ses dents symétriquement tail- lées et disposées en rang, marque la discrétion qui doit servir à la parure de l'intention de l'ame , comme le peigne sert à accommoder les cheveux sur la tête.

IV. Le prêtre lave aussi ses mains, par respect pour un si grand sacrement et afin de s'en approcher avec une très-grande- pureté, ce qui a fait dire à [saint] Grégoire (in Pastoral. ^ lib. I, cap. XII ) : « Il est nécessaire que celui dont la charge est <( de nettoyer ce qui est sale s'applique à avoir la main propre. » Il lave donc ses mains, selon le sens corporel, pour purifier ses actions au point de vue spirituel, selon ce que dit ce psaume : Lavabo inter innocentes manus meas, etc., pour qu'on ne le voie pas s'approcher de la table céleste avec des mains sales ; non pas que la saleté des mains souille les divins sacrements, mais c'est que celui qui mange et boit sans en être digne, mange et boit son jugement. Voilà pourquoi nous lisons dans l'évangile de [saint] Mathieu : a Manger avec les mains sales <( ne souille pas l'homme , mais ce qui sort de la bouche et du c( cœur, savoir : les mauvaises pensées; les homicides, et les <( adultères et autres crimes de cette espèce, voilà ce qui souille « l'homme. » Il faut donc s'efforcer, avec un grand soin, de

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nettoyer non pas tant les souillures extérieures des mains que les souillures intérieures de l'esprit.

V. Le lavement des mains tire son origine de l'ancienne loi, comme on Fa dit ci-devant, car on lit dans les chap. xxx, XXXVIII et XL de l'Exode , que Moïse fît un bassin d'airain avec les miroirs des femmes , dans lequel se lavaient les prêtres à l'entrée du tabernacle du Témoignage , lorsqu'ils devaient aller devant l'autel. Or, le bassin d'airain retentissant marque la confession des péchés , l'autel d'or l'amertume de l'ame , les miroirs des femmes la méditation de la vie des saints.

VI. Que le prêtre donc, avant de venir à l'autel, se lave par la confession ou dans les larmes de la pénitence ; qu'il se purifie [se purget) par l'amertume de l'esprit; qu'il se réforme parla méditation de la vie des saints. Touchant le premier de ces devoirs , il est dit : « Soyez purs , vous qui portez les vases du (( Seigneur. » Pour le second : « Purgez-vous du vieux levain, a etc. y) Pour le troisième : « A la lumière qui marche devant « nous, déposons tout pesant fardeau et fuyons le péché qui nous <( environne. » Le prêtre doit agir ainsi afin de se mettre du nombre des innocents , qui disent, là tête et la voix en haut : « Juge-moi, Seigneur, parce que j'ai marché dans mon inno- c( cence, etc. yy Et plus bas : « Je laverai mes mains dans la com- (( pagnie des innocents, et je me tiendrai^ Seigneur^ autour de ce ton autel. » Ensuite le prêtre s'essuie les mains avec une ser- viette , parce qu'après avoir versé les larmes de la contrition il doit abhorrer le péché et le détruire par les œuvres satisfac- toires. Le lin, dont la serviette est faite , arrive à sa blancheur par le travail qu'il subit, et les pénitents arrivent à la gloire éternelle par la satisfaction. La toilette des cheveux^ des mains et de la figure n'est pas un raffinement de la volupté ; mais le Seigneur même en a donné l'injonction aux prêtres de l'an- cienne loi, et elle est toute symbolique (a).

(a) Gomme le prouve, entre autres exemples, la prière qu'on trouve dans l'an- cien Pontifical de Paris, et que devait réciter le célébrant en se peignant : Mus

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CHAPITRE IV.

DE LA CONSÉCRATION ET DE L'ASPERSION DE L'EAU BÉNITE (2).

I. Le prêtre qui doit célébrer les dimanches se pare d'abord de l'aube et de l'étole avant de revêtir la chasuble {planetam), afin d'être plus libre dans ses mouvements ; en cet état^ il bénit l'eau , conformément à la règle donnée par le pape Alexan- dre P% et il asperge d'eau bénite l'autel, l'église et le peuple, afin de chasser au loin toute impureté des esprits immondes, tant de la demeure que des cœurs des fidèles. Cette vertu est inhérente à Feau exorcisée , et aussi parce que tout le peuple des chrétiens , qui a pris une seconde naissance dans le sacre- ment du baptême, lave ainsi, par le moyen de l'eau, les corps ' déjà lavés de ceux qui ont pris une seconde naissance, de même que le sang de l'agneau était mis sur les portes de ses maisons par l'ancien peuple [de Dieu], pour en écarter l'ange extermi- nateur.

II. Delà vient qu'on lit dans la règle ou le canon [in canone) du pape Alexandre P^ : (c Nous bénissons pour les peuples l'eau mêlée de sel, afin que tous ceux sur qui elle se répand soient sanctifiés et purifiés , et nous voulons que tous les prêtres fas- sent cette aspersion. Car si la cendre de la génisse, répandue sur le peuple, le sanctifiait et le purifiait, savoir : des fautes vé- nielles , combien plus l'eau mêlée de sel et consacrée par les prières qu'on adresse à Dieu sanctifie le peuple et le purifie de ses fautes vénielles. Et si, en y jetant du sel, Elisée fit cesser la stérilité de l'eau^ combien plus le sel, consacré par les prières

exteriusque caput nostrum totumque corpus et mentem meam , tuus , Domine, purget et mundet Spiritus almus; « Que ton Esprit saint, ô Dieu! purifie inté- rieurement et extérieurement notre tête, mon corps, et mon ame tout entière. »

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qu'on adresse à Dieu, détruit -il la stérilité des choses hu- maines, sanctifie-t-il et purifie-t-il ceux qui sont souillés, mul- tiplie-t-il les autres biens, et détourne-t-il les pièges du diable, et défend-il, enfin, les hommes des fantômes mensongers ! » Le prêtre juste asperge encore le tabernacle, lorsqu'il implore la miséricorde de Dieu.

III. Le pape Cyprien dit aussi qu'on asperge les hommes d'eau bénite, parcs qu'elle a le pouvoir de les sanctifier; d'où vient qu'on lit dans l'Ecriture cette parole d'Ezéchiel : « Je ré- « pandrai sur vous de l'eau pure,, et vous serez purifiés de toutes (( vos souillures , et je vous donnerai un cœur nouveau , et je « mettrai un esprit nouveau au milieu de vous. y> On lit aussi dans le livre des Nombres : « Celui qui, pour avoir touché le « corps mort d'un homme ou d'un animal, en demeurera (( impur durant sept jours, recevra l'aspersion de cette eau le « troisième et le septième jours, et il sera ainsi purifié du péché. (( Que s'il ne reçoit point cette aspersion le troisième jour, il « ne pourra être purifié le septième. » Et encore : « Celui qui « n'aura point reçu l'aspersion de cette eau ainsi mêlée souil- cc lera le tabernacle ; » c'est-à-dire que , comme un homme impur, il n'entrera pas avec les autres dans le tabernacle, c'est-à-dire au dedans de lui-même , qui fait partie du taber- nacle du Seigneur, qui est FEghse, « et il périra du milieu d'Is- « raël. » Encore : (c Celui qui n'aura point été purifié par Tèau « d'expiation sera impur, et son impureté demeurera sur lui. » Et encore : ce Tu purifieras les lévites en les aspergeant avec (( l'eau de purification. » — « L'eau dont on se sert pour l'as- « persion est une purification, » On voit par ces citations que l'aspersion de l'eau est comme un bain sacré. Cependant cer- tains auteurs rapportent les paroles précitées à l'eau du bap- tême.

IV. Tous les dimanches on bénit l'eau en mémoire du bap- tême, comme on le dira dans la sixième partie, à l'article de l'Ascension, excepté cependant les dimanches de Pâques et de

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la Pentecôte, parce que, les samedis qui précèdent ces diman- ches, on met à part l'eau bénite dont nous aspergeons nos per- sonnes et nos maisons, et cela avant l'infusion du chrême dans les fonts bénits^ comme on le voit dans le canon Cautum, etc. Donc, avec l'eau bénite nous aspergeons nos corps et tous lieux, en témoignage du baptême. On ne nous asperge pas pour que nous soyons rebaptisés , mais pour que nous invo- quions la grâce du nom de Dieu en même temps que le souve- nir du baptême ; et , quoique pendant les deux dimanches de Pâques et de la Pentecôte on asperge Tautel, pourtant on ne chante pas alors l'antienne Asperges me, Domine^ etc.^ parce qu'alors nous devons plutôt pleurer lorsque nous nous rappe- lons que nous avons été purifiés par le Christ , par le supplice de sa passion, selon cette parole : « Je repasserai toujours ces (( choses dans ma mémoire ;, et mon ame s'anéantira en elle- « même. » Donc, les dimanches avant la messe et devant le grand autel seulement on asperge tout le peuple, quoique aux nocturnes et aux vêpres on encense tous les autels ou au moins les principaux.

V. Sur quoi il faut considérer que cette aspersion se fait pour une autre raison sur le peuple et sur les autels, parce que Dieu a mis tous les hommes sous le joug du péché, au moins du péché véniel , car le juste tombe sept fois par jour. C'est pourquoi le peuple , entrant dans l'église pour assister aux divins mystères, est aspergé de cette eau sanctifiée, qui est pour effacer les fautes de chaque jour, comme la cendre de la génisse dans l'Ancien -Testament. D'après cela, celui qui est immonde était tenu à l'écart de l'assemblée du peuple [ecchsiam], jusqu'à ce qu'il fût lavé par l'eau. On asperge l'autel par respect pour le sacrement qu'on y doit consacrer, afin d'en écarter tous les malins esprits. Et, comme le Christ est symbohsé par l'autel , qui doit être de pierre , selon cette parole de l'Apôtre : « Le Christ était la pierre , » et notre foi est en un seul Christ et non en plusieurs, voilà pourquoi, afin

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que le signe réponde à la chose signifiée;, on asperge un seul autel et tout le peuple, parce que c'est le Christ seul qui porte les péchés du monde.

VI. L'encensement représente quelquefois l'effusion des di- verses grâces spirituelles; et, comme la grâce se trouve non- seulement dans le chef {in capite) , mais aussi dans ceux qui sont soumis au chef, c'est avec juste raison qu'après le pre- mier autel on a coutume d'encenser les autres, qui symboli- sent les divers degrés des saints. L'encens dans l'encensoir signifie le cœur enflammé du feu de l'oraison, parce que notre prière doit seulement s'adresser principalement à Dieu et au Christ, notre médiateur ; c'est pourquoi on a coutume d'encen- ser l'autel et le crucifix. Dans le temps de Pâques, nous chan- tons pour l'aspersion Vidi aquarriy paroles tirées d'Ezéchiel, chapitre xlvii. Le Seigneur lui montra la cité bâtie sur un mont qui s'étendait vers le midi, et dans laquelle était un tem- ple admirable. Cette cité, c'est l'Eglise, dont il est dit : « Une ce cité posée sur une montagne ne peut être cachée. » Le tem- ple , c'est le corps du Christ, dont il est dit : a Détruisez ce (( temple, et je le réédifierai dans trois jours. >? L'eau qui sort du temple est la fontaine du baptême qui coule du côté du Christ.

VII. Mais, puisque le Christ a été percé d'une lance au côté gauche , pourquoi dit-on ici que cette eau sort du côté droit? Je réponds : Il y a deux côtés du Christ, le droit et le gau- che. Le droit est sa divinité, et le gauche son humanité. Donc, l'eau est sortie du côté droit ^ parce que de la nature divine du Christ l'eau invisible de l'Esprit saint s'est épan- chée, et il a donné à cette eau invisible qui jaillit du côté gau- che, c'est-à-dire de l'humanité du Christ percée d'un coup de lance , la vertu du salut. C'est donc à juste titre qu'à la pro- cession du jour de Pâques nous chantons ces paroles à la louange de ce fleuve, dans l'inondation duquel nous avons pris une seconde vie par la mort du Christ. Mais après l'Octave

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de la Pentecôte, les dimanches, pendant l'aspersion, on chante l'antienne Asperges me. Domine, etc., qui, depuis Pâques jus- qu'alors , était omise parce que le Prophète avait prédit tout ce qui se rattache à la foi de la passion et à l'humilité du bap- tême.

YIII. Enfin, lorsqu'on bénit l'eau on y mêle du sel, pra- tique qui tire son origine d'Elisée; et cela a lieu pour marquer que le peuple, symbolisé par l'eau, est imbu de la parole de Dieu par la voix du prêtre, afin de pouvoir se sanctifier, et le sel symbolise la parole de Dieu. On fait trois signes de croix sur l'eau et sur le sel, pour apprendre au peuple à rendre grâces à la sainte Trinité pour l'instruction et la rédemption dont il lui est redevable. L'eau marque aussi la confession, et le sel signifie l'amertume du repentir. De cette eau mêlée pro- cède un double enfantement^ la division ou le partage des fau- tes, et l'origine des vertus et des bonnes œuvres.

IX. Mais pourquoi bénit-on le sel avant l'eau? Je réponds : Par le sel on entend l'amertume de la pénitence , et par l'eau le baptême ; donc, comme la contrition du cœur doit précéder l'absolution ;, voilà pourquoi on bénit le sel avant l'eau. Et re- marque qu'il y a quatre sortes d'eau bénite :

X. La première, dans laquelle se fait le jugement dit de purgation , qui n'est plus en usage. La seconde est celle qui sanctifie lors de la dédicace de l'église et de l'autel, cérémonies dont il a été parlé dans la première partie, chapitres de la Con- sécration de l'Eglise et de l'Autel. La troisième est celle dont on nous asperge dans l'église , et dont il est ici question. La quatrième est l'eau du baptême, dont il sera parlé dans la sixiè- me partie, à l'article du Samedi saint. On avait coutume d'en arroser les hommes avant que de les oindre du chrême, et cela a lieu encore dans certains lieux; mais l'usage en est interdit de nos jours. Ils pensaient que cette aspersion les lavait une seconde fois de leurs péchés, quoique cependant il soit cons- tant que personne ne peut être baptisé deux fois. Et, comme ce

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qui est plus digne attire à soi ce qui est moins digne , si une eau non bénite est mêlée à de Feau bénite elle devient eau bé- nite par le fait même du mélange.

CHAPITRE V.

DE L'OFFICE (a) OU DE L'INTROIT DE LA MESSE.

1. La première partie de la messe commence à l'introït. Et il faut savoir que les saints pères et les prophètes , avant l'avé- nement du Christ , soupiraient après ce temps, et le prédi- saient : ils lui offrirent alors, bien avant sa venue, leurs désirs, leurs œuvres, leurs louanges et leurs prières, toutes choses que figure la messe. Car l'introït, c'est-à-dire l'antienne même qui porte ce nom , exprime les prédictions poétiques des prophè- tes et le désir des saints pères dans l'attente de l'avènement du Fils de Dieu et de l'incarnation d'un Dieu même. En signe de quoi, le premier dimanche de l'Avent, l'Eglise chante cet in- troït : «Vers toi j'ai levé mes yeux. » Donc> le chœur des clercs chantres , qui signifie le chœur des prophètes et la multitude des saints, dans l'attente de l'avènement du Christ dilate son ame et chante le chœur avec acclamation , parce que les pro- phètes, les patriarches, les rois, les prêtres et tous les fidèles attendaient la venue du Christ pleins de désir, criant et l'implo- rant en ces termes : « Seigneur, envoie l'Agneau qui doit do- « miner sur la terre, etc. » — « Viens, Seigneur, et ne veuille « pas tarder, etc. » C'est aussi pourquoi le vieillard Siméon, ce juste par excellence, bénit Dieu en disant : « Maintenant, tu <( laisseras aller ton serviteur. Seigneur, etc...., parce que « mes yeux ont vu. » Et l'Evangéliste : « Un grand nombre de

(a) On appelle l'introït offi.ce, parce que c'est par là que le chœur commence l'office de la messe.

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« rois et de prophètes ont voulu voir ce que vous voyez , et ils « ne l'ont pas vu. » On remplit leur personnage, en chantant l'introït; car c'est par eux que le Christ est entré dans le monde , selon cette parole : « Et lorsqu'il introduit son pre- « mier-né dans le monde , il dit : Que tous les anges de Dieu ce l'adorent. » Suit le petit verset [versiculus] tiré, des psaumes ou le psaume même, qui marque qu'on arrive au but tant dé- siré. On l'appelle aussi verset [versus) , parce que par lui nous revenons [revertîmur] à l'introït, qui symbolise les œuvres et les prédictions des saints de l'ancienne loi.

II. En conséquence de l'institution du pape Damase, on dit le Gloria Patrl, etc. , qui signifie la louange, parce qu'après les grandes actions vient la gloire , comme un don et une ré- compense. On dit aussi le Gloria, pour montrer que le Père , le Fils et l'Esprit saint ont une égale gloire et une majesté co- éternelle dans le principe, et maintenant, et toujours, et dans tous les siècles des siècles , c'est-à-dire dans le passé, le pré- sent et le temps à venir. L'interposition du Gloria entre le pre- mier chant et la répétition de l'introït marque la recherche de la bonté suprême. Car, pour obtenir plus facilement ce qu'ils demandaient, les justes criaient à toute la Trinité, en la glorifiant du cœur et de la voix : « Seigneur , montre-nous ta c( miséricorde, et donne-nous ton Sauveur. Toi qui es assis (( sur les chérubins, apparais, etc. » Enfin, l'Esprit saint, écoutant leur clameur, oignit le Sauveur de l'huile de l'allé- gresse par- dessus tous les hommes, ses frères selon la chair, et le destina à annoncer la bonne nouvelle [evangelisandum) aux pauvres, ainsi que le Fils même de Dieu l'atteste par le Prophète , lorsqu'il dit : « L'esprit du Seigneur est sur moi ; « c'est pour cela qu'il m'a oint et qu'il m'a envoyé évangéliser c( les pauvres. » Ensuite on répète l'antienne même ou introït, pour exprimer d'une manière plus claire le désir des anciens patriarches ou sa réitération , la multiplicité de leurs soupirs et de leurs cris. D'où vient que le Prophète dit : « Annonce,

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c( répète ;, attends, attends toujours, encore un peu, encore un c( peu ; s'il tarde^ attends-le, parce qu'il viendra et qu'il ne tar- « dérapas. » L'introït, cependant, ne représente pas toujours ce désir des anciens par les termes mêmes, mais par la vigueur du chanl.

III. Les veilles des fêtes on chante deux fois l'introït à la louange de la nature divine et de la nature humaine, qui sont unies dans la personne du Fils de Dieu. Et, dans certaines égli- ses, aux principales festivités, on répète trois fois l'introït à la louange et en l'honneur de la Trinité , comme si l'on sautait en cadence devant elle {quasi ei tripudiemus) (6) . C'est en mé- moire de la Trinité que nous chantons la messe , et que Ton dit une fois Gloria Patri en l'honneur de l'incarnation. Par- fois on commence l'introït à mi-voix , pour marquer l'humi- lité; ensuite on reprend à voix haute , et cette exaltation de la voix signifie qu'on secoue le sommeil du péché exprimé par la voix basse. L'Apôtre dit : « L'heure est venue pour nous de c( sortir du sommeil. » On peut aussi dire l'introït d'une au- tre manière, comme on le verra pour l'invitatoire, dans la cin- quième partie, au chapitre des Nocturnes ; cependant on le ré- pète toujours en entier, pour symboliser une parfaite allégresse. Certaines églises disent d'abord l'introït tout entier [perfecte)^ parce que l'Eglise loue Dieu d'une manière parfaite ; ensuite à moitié (imper fecte) , parce que toute louange est imparfaite en ce monde; troisièmement, en entier {perfecte), parce que l'éloge de la patrie céleste est parfait.

IV. L'introït s'appelle ainsi , parce que pendant qu'on le chante le prêtre qui doit célébrer les saints mystères entre à l'autel , ou parce que cette antienne est l'entrée de l'office di- vin ; on appelle aussi l'introït office [officium)^ comme on le dira dans la préface de la cinquième partie. Le pape Célestin

(h) Tnpudialis, dans Du Gange, a le sens de lœtus , jucundus. La danse est, en effet, la plus vive expression de la joie et de la gaieté. — Voyez la note 3, à la fin du volume.

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ordonna que les cent cinquante psaumes de David seraient chantés à l'introït de la messe, ayant le sacrifice, avec une an- tienne, ce qui n'avait pas lieu auparavant. On lisait seulement les épîtres de [saint] Paul et l'évangile, et ensuite on célébrait la messe.

V. De ces psaumes furent tirés tous les introïts réguliers, les graduels, les offertoires et les communions, que l'on com- mença alors de chanter en mesure à la messe dans l'Eglise romaine. [Saint] Grégoire mit en musique l'introït de la messe, et mit à part un verset du psaume qu'on chantait. Les introïts irréguliers sont ceux] qui ont été institués selon la variété des solennités^ tels que : Puer natus est nohis^ etc., et Spirilus Domini replevit, etc., et oii l'on trouve en outre ces versets : Viri Galilœi, et Nunc scio vere, quia misit, etc., et certains autres, selon quelques éghses. Et il est à remarquer que quand l'introït est tiré du psaume, si la première phrase de ce psaume compose l'introït, quelqu'une des phrases suivantes du même psaume sera le verset de cet introït, comme on le voit clai- rement par l'introït de la troisième férié de la première se- maine de Carême , qui commence ainsi : Domine^ refugiuniy dont le verset est : Priusquam montes fièrent. Si, par con- traire, ce n'est pas la première phrase d'un psaume^ mais quelqu'autre des suivantes qui composent l'introït , alors la première phrase de ce psaume sera le ver-iet de l'introït, comme pour celui du jour de Noël : Dominus dixit ad me, etc., dont le verset est : Quare fremuerunt gentes ; de même pour la fête de Innocents, dont l'introït est : Ex ore infantium, etc., le verset est : Domine, Deus noster, etc. , et ainsi des autres. Ce qui se fait pour marquer l'union et la connexion du chef et des membres. Parfois le verset est double, parfois il est simple, parfois il est partagé : on parlera de tout cela dans la sixième partie , à l'article du Samedi de la troisième semaine de Ca- rême. Pendant le chant de l'introït, on ne s'asseoit pas, parce que cette partie de la messe aVapport à l'œuvre et à la prédic-

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tioii du Christ, afin que les prédestinés soient appelés au vrai

ulte de Dieu. Dans certaines églises^ on dit des tropes [tropi),

m lieu des psaumes , selon l'ordre établi par le pape [saint] Grrégoire, pour marquer une plus grande joie de ra\énement 3u Christ.

VI. Le trope est^ à proprement parler, un petit verset qu'aux principales festivités on chante immédiatement avant ['introït, dont il est comme le préambule et comme la conti- nuation. Exemple : à la fête de Noël, avant l'introït Puer na- ins est y etc., on chante ce trope : Ecce adesty de quo Prophetœ ^ecinerunty dicentes : Puer natus est y etc. Le trope tire son ori- gine de l'ancienne loi. On lit, en effet, dans les Nombres, cha- pitre X, que pendant qu'on enlevait l'arche on chantait : c( Lève-toi , Seigneur ; » et pendant qu'on la portait : « Re- « viens. Seigneur, à ta grande armée. »

VU. Le mot trope vient de rpoTroç, conversion y parce qu'on s'en sert ordinairement pour revenir à l'introït , d'où vient que [[uelquefois on l'appelle d'abord verset {versus), et ensuite

yàaov (c). Et de là aussi le trope est appelé ceinture {zona) y

juœ couver titur ah umhilico ad umhilicum, eum cir'cumeundo,

VIII. On peut aussi l'appeler autrement, parce que l'introït ^st la louange que l'Eglise donne à Dieu pour la conversion les Juifs. Le trope contient donc trois choses , savoir : l'an- tienne, le verset et le Gloria. Et cela à cause des trois ordres ies fidèles , qui , dans la langue hébraïque , sont désignés ainsi : [es patriarches, les prophètes et les apôtres. L'introït ou l'an- denne , c'est l'ordre des patriarches , le verset celui des pro- phètes, le Gloria celui des apôtres. La répétition de l'antienne,

'est l'identité et la confirmation de la prédication ; comme si,

m quelque sorte , le prophète avait prédit et l'apôtre évangé- [isé ce que longtemps auparavant le patriarche avait figuré par ses actions. Et, relativement à cette conversion, il faut

(c) Qui éveille, excite, anime, de éyetpw.

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aussi remarquer que les tropes solennels sont greffés en quel- que chose sur l'introït, puisque les louanges qu'ils contiennent peuvent se souder à l'introït lui-même. TpoTcoç en grec se tra- duit par conversio en latin, comme on l'a dit plus haut.

CHAPITRE VI.

DE L'ARRIVÉE DU PRÊTRE ET DU PONTIFE A L'AUTEL, ET DE LA PROCESSION.

I. Pendant qu'on chante l'introït, le pontife ou le prêtre, paré et orné des sacrés vêtements, sort de la sacristie [de sa- cra œde) et s'avance vers l'autel, pour marquer que le Christ, attente des nations, ayant tiré sa très-sainte chair de la chair sans corruption d'une vierge, sortit, pour venir dans le monde, de l'impénétrable demeure des cieux ou de sa secrète retraite, c'est-à-dire du sein virginal, comme un époux de son lit nup- tial. Et Tévêque ou le prêtre s'avance de la sacristie à l'autel entre deux personnes, savoir : un prêtre et un diacre ; ce der- nier est précédé du sous-diacre portant le livre des évangiles fermé. Devant lui marchent deux portes-cierges, précédés eux- mêmes d'un clerc qui porte l'encensoir et l'encens. Enfin, l'é- vêque ou le prêtre , en arrivant à l'autel , ôte sa mitre , dit le Confiteor, ouvre le livre et le baise. Le prêtre ou l'évêque re- présente le grand-prêtre par excellence, qui est le Christ, dont l'Apôtre dit :.« Le Christ, pontife des biens futurs, etc. » Le prêtre et le diacre qui l'accompagnent figurent la loi et les pro- phètes, selon ce que le Seigneur lui-même établit dans la pa- rabole du Samaritain blessé : « Un prêtre, dit-il, passa par le « chemin, et, ayant vu le blessé, il passa outre ; un lévite passa (( et fit de même. » Moïse et Elie , pour figurer la loi et les prophètes , apparurent sur le Thabor, s'entretenant avec le

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[Ihrist ; et le prêtre et le diacre conduisent l'évêque, parce que la loi et les prophètes annoncèrent et promirent le Christ au monde . De là vient que Moïse dit : « Dieu vous suscitera un [( prophète du milieu de vos frères^ et vous l'écouterez comme [( moi-même. » Et Isaïe : « Voici qu'un grand prophète vien- ne dra, et il renouvellera Jérusalem. »

II. L'évêque ou le prêtre, marchant entre les deux personnes jusdites, symbolise le Christ entre l'Ancien et le Nouveau-Tes-

ament. Le Christ est, en efïet, hautement annoncé au monde

3ar les deux Testaments, par les prophètes et par les apôtres. Et comme le Christ, qui devait venir dans le monde, a envoyé levant lui les prophètes , les sages et les scribes ; ainsi , pour

enir lieu des scribes , le pontife ou le prêtre est précédé du

50us-diacre qui porte les Ecritures, et qui est apte [sapiens) à ipprêter les vases sacrés pour la messe des dimanches. Par- 'ois un archidiacre et un prêtre accompagnent le pontife, que jrécèdent immédiatement le diacre et le sous-diacre, symboles les apôtres et des disciples que le Christ envoya devant lui ; et încore chaque jour des prédicateurs et des évoques de l'Eglise

ont envoyés pour préparer, dans un sens spirituel, la voie de-

rant le Seigneur. Le sous- diacre qui précède le pontife mar- jue encore saint Jean-Baptiste , qui , avec l'esprit et la vertu i'Elie , fut le précurseur destiné à préparer au Seigneur un peuple parfait ; et le sous-diacre porte devant le pontife le li- vre des évangiles , parce que Jean commença avant le Christ la prédication de l'Evangile en disant : « Faites pénitence , car [( le royaume des cieux est proche. » Quant au diacre, il re- présente les prophètes qui annoncèrent la vie future, enseignée 3t promise par l'Evangile. L'évêque suit l'évangile pour mar- quer qu'il doit toujours y fixer ses yeux et l'avoir présent à son 5sprit; et on le porte devant lui, parce que c'est la doctrine de ['Evangile qui prépare la voie au Christ, qui est la vie.

m. On peut dire aussi que parle sous -diacre qui porte le livre des évangiles et par le diacre qui en est le hérault , sont

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désignés les saints du Nouveau-Testament. Le livre des évan- giles symbolise le Nouveau-Testament ; les porte-cierges et les thuriféraires , les saints qui ont ouvert les voies au Nouveau- Testament ; et les deux chandeliers, avec leurs cierges allumés, rappellent la loi et les prophètes, qui annonçaient le Christ, lu- mière du monde.

IV. Or, on ne doit pas sacrifier sans feu (Extra i)e celeh. miss., cap. Si) y selon cette parole du Lévitique, chap. vu : « Le feu «brûlera toujours sur mon autel. » On a dit, dans la première partie , au chapitre des Peintures , ce que signifient et la lu- mière et les chandeliers. On porte les cierges sur des chande- liers, lesquels désignent un fondement, parce que la lumière des prédicateurs doit briller devant les hommes sur le fonde- ment de l'Evangile. C'est donc par une magnifique raison que le diacre et le sous-diacre suivent les chandeliers qui précèdent l'évangile , parce que la loi et les prophètes précédèrent la loi de grâce. Dans certaines églises, il y a trois cierges, dont celui du milieu se rapporte à cette parole : a Partout où deux ou « trois personnes seront assemblées en mon nom , je serai au (( milieu d'elles. » Dans d'autres églises, il y a sept cierges (4), parce que les sept dons du Saint-Esprit illuminent toute l'E- glise. Nous parlerons de cela ailleurs, à l'article de FEvangile.

V. Le thuriféraire marche devant les porte-cierges et les autres, pour marquer que la mystique de l'encens est la même dans le Nouveau que dans l' Ancien-Testament, et que dans tous deux elle figure les saints. L'encensoir marque clairement le cœur humain, qui doit être ouvert par le haut pour recevoir, et fermé par le bas pour garder et retenir : il doit contenir le feu de la charité et l'encens de la dévotion, ou d'une très-suave oraison , ou des bons exemples qui tendent en haut , ce que marque la fumée odorante qui monte de l'encensoir. Or, de même que l'encens exhale un parfum suave dans le feu de l'encensoir et monte en haut, ainsi la bonne œuvre ou la prière qui procède de la charité embaume par-dessus tous les par-

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fums. L'encensoir garni d'encens désigne encore le corps du Christ plein de suavité ; les charbons figurent l'Esprit saint ; l'encens, l'odeur de la bonne œuvre. On parlera aussi de cela dans la cinquième partie , au chapitre de Matines et de Lau- des > et plus bas, au chapitre de l'Encensement.

VI. Quand on est arrivé à l'autel , les cierges qui avaient marché devant sont mis de côté, pour désigner l'enseignement avant la naissance du Christ, et la lumière qui suivit cet événe-

1 ment. Les acolytes tiennent à la main les chandeliers jusqu'au commencement du Kyrie, eleison, pour marquer que celui qui enseigne doit mettre en pratique les leçons qu'il donne, et qu'il ne doit pas abandonner le peuple ignorant avant qu'il sache dire : « Seigneur, aie pitié de nous. » Quand le Kyrie est com- mencé , les acolytes mettent quelquefois les chandeliers sur le pavé, autant parce qu'après avoir fait de bonnes actions nous devons nous humilier et reconnaître que nous sommes pous- sière, que parce que les docteurs, au milieu des bonnes œuvres et de la prédication, doivent reconnaître qu'ils ne sont que de la boue. Mais quand l'office commence, on doit les soulever de terre, parce que chacun, et surtout le prélat, doit s'élever par les bonnes œuvres, afin qu'à cette vue les autres glorifient leur Père qui est dans les cieux. En arrivant à l'autel, le pontife ôte sa mitre, comme on l'a dit dans la troisième partie, au chapitre de la Mitre ; puis il dit le Confileor .

VII. Pendant le Confiteor^ le sous-diacre tient le livre des évangiles fermé devant la figure du pontife, à gauche. Il se tient à gauche , parce qu'il tient en quelque sorte la place des prophètes, que tu lis souvent dans l'église; il tient le livre de- vant les yeux du pontife, afin qu'il ait toujours présent à la mé- moire la prédication de FEvangile ; et ce livre est tenu fermé, parce que la loi de l'Evangile est contenue et mystiquement enfermée dans les prophètes. Le Con^^eor étant achevé, le prê- tre ouvre le livre et le baise, comme on le dira au chapitre du Baisement de l'Autel.

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VIII. Selon le pape Innocent III, le pontife romain, lorsqu'il célèbre une solennité dite de station [stationalis (a) solemni- las), il va en procession , de la sacristie ou du lieu où il s'est habillé et paré, à l'autel, pour marquer que le Christ est sorti de son Père et est venu dans le monde ; et il est assisté de six ordres de clercs dont on a parlé dans la préface de la seconde partie. Cet ordre de procession représente l'ordre de la géné- ration du Christ , que saint Mathieu l'évangéliste a décrit , et dans laquelle on trouve six ordres de personnes, desquelles, selon la chair, le Christ tire son origine , et par la génération de qui il est venu dans le monde : ce sont les patriarches, les prophètes, les rois, les princes, les pasteurs et les chefs [du- ces) , le patriarche Abraham, le prophète Da\id, le roi Sa- lomon, le prince Salomon, le pasteur Judas et le chef Zoro- babel.

IX. Les deux diacres qui accompagnent le pontife repré- sentent Abraham et David, qui reçurent deux fois la promesse de l'incarnation du Christ. Au premier il fut dit : (c Dans ta « race toutes les nations seront bénies. » Au second il fut dit : <( Je placerai quelqu'un de ta postérité sur ton trône. » Et voilà pourquoi l'évangéliste met figurativement en tête de la généalogie du Christ ces deux personnages, en disant : ce Livre (( de la génération de notre Seigneur Jésus-Christ, fils de Da- (( vid , fils d'Abraham. » Ce sont les deux colonnes que l'an- cien pontife plaça dans le vestibule du temple, devant la porte, et que réunit un cordon de douze coudées, c'est-à-dire que la foi des douze apôtres embrasse , par le moyen desquels la porte du Christ est ouverte à ceux qui croient.

X. Quatre ministres portent au-dessus de la tête du pontife un voile [mapulam) dont les quatre extrémités s'appuient sur quatre bâtons, ce qui leur a fait donner le nom de mapularii. Ce voile, qui est orné de diverses figures et images, désigne la

(a) V. fes diverses acceptions du mot station dans le Glossaire de Du Gange, au mot Statio.

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sainte Ecriture , qui est ornée richement d'un grand nombre de mystères divers. On porte ce voile étendu sur la tête du pontife, au moyen de quatre bâtons , parce que la sainte Ecri- ture se rapporte de quatre manières au Christ ; car on peut l'ex- poser historiquement , allégoriquement , anagogiquement et tropologiquement , comme on l'a dit dans la préface du pre- mier livre. C'est le fleuve qui arrosait le paradis terrestre, parce qu'elle sort , comme lui^ de quatre sources ; c'est la table de Proposition, qui se dressait sur quatre pieds. On porte donc ce voile étendu sur le pontife _, pour montrer que celui dont la loi et les prophètes avaient parlé est venu. Car le Christ, en com- mençant par Moïse et les prophètes, était l'objet de l'interpré- tation de toutes les Ecritures^ qui parlaient de lui, et c'est pour- quoi il est dit ailleurs : « Si vous croyiez à Moïse, vous croiriez « aussi à moi, car c'est de moi qu'il a écrit. ?>

XI. Les quatre ministres porteurs du voile sont les quatre évangélistes qui proclament la sainte Ecriture et exaltent la foi. D'où vient qu'on place leurs images au haut des bâtons, et qu'on porte devant ce dais deux flambeaux" et l'encens, parce que la loi et les prophètes ont, avec les psaumes, annoncé par avance Favénement du Christ, comme le Christ même l'atteste lorsqu'il dit : « Il est nécessaire que soit accompli tout ce qui (( a été écrit touchant ma personne dans la loi de Moïse^ dans c( les prophètes et dans les psaumes. » Dans les fêtes majeures [majorihus solemnitatibus), on porte sept chandeliers devant le pontife , en mémoire de ce que décrit saint Jean dans l'A- pocalypse : (( M'étant retourné (dit-il), je vis sept chandeliers « .d'or, et au milieu quelqu'un de semblable au Fils de l'Hom- « me, vêtu d'une longue robe comme lui. » Par là on montre qu'il est arrivé Celui sur qui l'esprit de grâces aux sept formes s'est reposé , selon cette prophétie d'Isaïe : « Une tige sortira « de la racine de Jessé, et la fleur de cette racine montera, et « sur elle reposera l'esprit du Seigneur, etc. »

XII. Dans certaines basiliques aussi, vers le milieu du chœur,

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on suspend une poignée d'étoupe à laquelle le pontife met le feu quand il passe pour aller à l'autel, afin qu'à l'instant même elle soit réduite en cendre à la vue du peuple ; et ceci a lieu en commémoration du second avènement , dans lequel le Christ jugera par le feu les vivants et les morts et le siècle entier. Car le feu brûlera toujours en sa présence (Levit., vi), et une tempête violente Fenvironnera (Psal. xlix), pour que per- sonne ne reste dans une mauvaise sécurité. Doux et bon dans le premier avènement, le Christ sera terrible dans le second ; il est venu d'abord pour être jugé , et il reviendra pour juger. Cette cérémonie a lieu aussi afin que le pontife , en mettant le feu à l'étoupe, considère que lui-même doit être réduit en cen- dre^ et que ses ornements doivent être mis en poudre, et que, de même que l'étoupe est facilement brûlée^ de même aussi fa- cilement et en un moment le monde passe avec sa concupis- cence. Car (selon l'apôtre saint Jacques) « notre vie est une c( vapeur qui paraît un instant. » Que celui donc qui est plein de gloire ne se délecte pas dans les honneurs du temps , car c( toute chair est de Fherbe , et toute sa. gloire est comme la c( fleur des champs. » Lorsque le pontife est proche de l'autel^ le primicier , revêtu de la robe des chantres , baise l'épaule droite du pontife en présence des assistants, parce que_, quand le Christ vint au monde. Fange qui faisait partie de la multi- tude de la milice céleste qui louait Dieu annonça aux bergers la naissance de Celui dont le Prophète dit : « Un petit enfant c( nous est né, et un fils nous a été donné;, et il portera sur son ce épaule la marque de sa principauté. » Enfin, les trois prêtres qui viennent avec respect au-devant du pontife qui marche à Fautel, et qui s'inclinent et lui donnent un baiser sur la bouche et sur la poitrine ., symbolisent ces trois mages qui vinrent à Jérusalem en disant : « Oii est le roi des Juifs qui est nouvelle- (( ment né? » et qui_, tombant à terre, Fadorèrent, et, ouvrant leurs trésors, lui offrirent en dons de For, de Fencens et de la myrrhe. Le double baiser est une proclamation de la double

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nature du Christ, la divine et Thumaine : la divine , qui est comme cachée dans la poitrine; l'humaine, qui s'épanouit sur les lèvres. Ces deux natures furent aussi figurées d'une ma- nière mystique par les présents des Mages. Or, le baiser est le signe du respect, comme on le dira au chapitre du Baiser de paix.

XIII. La procession rappelle, par sa disposition, une armée rangée en bataille (5). Car les plus grands et les plus forts, comme l'avant et l'arrière-garde , l'ouvrent et la ferment ; les ordres mineurs, comme des soldats plus faibles, sont rassem- blés au milieu. Les évêques marchent devant, elles prêtres les suivent immédiatement, puis viennent le pontife et les diacres. Au milieu, on place les sous-diacres et les acolytes ; quant aux chantres, comme les trompettes, ils marchent en tête de l'ar- mée pour l'enflammer et la pousser au combat contre les dé- mons. L'Apôtre dit, en parlant de cette bataille : « Nous avons « à combattre non contre des hommes de chair et de sang, c< mais contre les esprits de malice répandus dans Tair. » — ce C'est pourquoi sonnez de la trompette en ce premier jour du « mois , au jour célèbre de votre grande solennité. »

XÏV. Nous avons d'abord parlé de la procession du Souve- rain-Pontife ; prenons-en occasion de dire quelque chose aussi des autres processions. Sur quoi il faut remarquer, en général, que , de même que dans la messe est figurée l'ambassade du Christ en notre faveur sur la terre, de même dans nos proces- sions nous représentons notre retour à notre patrie , dont la solennité imite presque en tous points la sortie des Israélites de l'Egypte. Or, de même que ce peuple fut arraché par Moïse aux mains de Pharaon , ainsi le peuple de Dieu a été délivré par le Christ de la gueule du lion. Et, de même que les tables du Témoignage furent reçues par Moïse sur le mont Sinaï et portées devant le peuple (Exod., cap. xxxiv et xlv), ainsi le livre des évangiles est pris de dessus l'autel et porté en proces- sion. Une colonne de feu précédait les Israélites, et la flamme Tome IL 4

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du cierge marche devant nous. Devant leurs tribus on portait des étendards ; nous nous faisons précéder de croix et de ban- nières. Là, des prodiges s'opéraient, et chez nous les miracles ne cessent jamais. Là, les lévites portaient le tabernacle de l'Al- liance , et nos diacres et nos sous-diacres portent des paix et des châsses. Là, l'arche du Seigneur était portée par les prê- tres, et chez nous le coffre ou la fierté, remphe de reliques, est portée par les prêtres. Chez eux, Aaron, le grand-prêtre, sui- vait paré de ses habits sacerdotaux ; et chez nous l'évêque , la mitre en tête. Chez eux. Moïse portait sa baguette ; chez nous le roi suit la procession, sceptre en main, et l'évêque appuyé sur sa crosse. Là, résonnait le fracas des trompettes; chez nous re- tentissent les cloches. Là , le peuple était en armes ; ici , le clergé se pare des saints vêtements, et le peuple de ses vertus. Là, le peuple recevait une aspersion de sang ; ici, l'eau bénite avec le sel sert à l'asperger. Amalech, altéré de sang, venait à leur rencontre ; la troupe des démons nous tend, à nous, d'in- cessantes embûches. Leur vainqueur était Josué, et notre Jésus nous a obtenu la \ictoire. Lorsque nous allons processionnel- lement à quelque église, c'est comme si nous portions nos pas vers la Terre de promission. Lorsque nous entrons dans l'église en chantant, c'est comme si, pleins de joie, nous étions arrivés à la patrie. Lorsque nous portons autour de l'église la fierté [h) au son des cloches, c'est comme si, avec l'arche, le son des trom- pettes et les cris du peuple, nous entourions Jéricho. Jéricho s'é- croule et est détruite , quand la concupiscence est vaincue en nous. Et quand nous allons du chœur à un autel, et que nous y faisons une station, cela signifie que nos âmes vont au Christ et désirent être associées aux troupes angéliques.

XV. En second lieu, c'est aussi David et Salomon qui nous ont formés aux processions, lorsque tous deux portèrent l'arche de Dieu, le premier dans le tabernacle, le second dans le tem-

(b) Châsse en forme de cercueil, contenant le corps entier d'un saint [Fere- rum).

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pie, au chant des hymnes et des cantiques , et qu'ils la mirent sous les ailes des chérubins ; ainsi l'humanité du Christ s'élève de la terre et entre au ciel, où les anges l'adorent éternellement et où Tame fidèle l'accompagne. Troisièmement, aussi^ la pro- cession nous fait souvenir que le Christ est venu du sein de son Père dans le monde ; de la crèche au temple, et de Béthanie à Jérusalem^ et de Jérusalem sur la montagne, où nous désirons retourner de ce monde à la patrie et d'une Eglise à l'autre, c'est-à-dire de la militante à la triomphante , en suivant la croix, c'est-à-dire les traces du Crucifié, et en crucifiant en nous nos vices et nos concupiscences ; en suivant aussi les tra- ces des saints, les préceptes de l'Evangile, revêtus des vêtements sacrés, qui sont la cuirasse de la justice, le ceinturon de la con- tinence , le bouclier de la foi et le casque du salut éternel. Le prêtre qui doit célébrer les saints mystères se revêt des vête- ments sacrés comme d'une armure pour combattre « contre « les esprits de malice répandus dans l'air, » comme nous l'a- vons dit dans la préface de la troisième partie.

XVI. Dans quelques églises , la procession est ainsi ordon- née : en tête marchent sept acolytes avec des flambeaux ; ils symbolisent tous ceux qui, par la grâce des sept dons de l'Es- prit saint, ont donné la lumière de la science aux fidèles. Ils sont suivis de sept sous-diacres portant des paix, et qui signi- fient ceux qui, par la même grâce, ont enseigné que la pléni- tude de la divinité devait habiter corporellement dans le Christ. Après ceux-ci viennent sept diacres représentant tous ceux qui, par la même faveur, ont eu l'intelligence spirituelle, c'est-à- dire celle que l'Evangile donne du Christ. Et, après eux, vien- nent douze prieurs y figurant tous ceux qui ont brillé par la foi en la sainte Trinité ou en trois personnes, ou parles œuvres des quatre vertus ; ces douze prieurs sont accompagnés de trois acolytes , avec encensoirs et navette , lesquels symbolisent les trois mages qui apportèrent des présents au Christ. Puis vient un sous-diacre qui porte le livre des évangiles ; il symbolise la

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loi , et il précède le pontife^ parce que la loi, qui contenait en elle le mystère de la Passion dont parle l'Evangile , a précédé Tavénement du Christ ; et il porte ce livre fermé , pour mar- quer que, sous la loi, il fut obscur avant que l'Agneau eût ou- vert les sceaux du septième livre. Ensuite le pontife est porté par deux personnes , comme dans un char, et il est accompa- gné de la feule qui prie et qui marque que le peuple suit le Christ dans le ciel. La suite du pontife se compose de dix or- dres, savoir : les portiers, les lecteurs, les exorcistes, les aco- lytes, les sous-diacres, les diacres, les prêtres, les chantres, les laïques, les hommes et les femmes, parce qu'il est dit que le char de Dieu est environné de plus de dix mille, pour marquer leur perfection. Et on compose principalement la procession des diacres^ des sous-diacres et des acolytes parés de leurs vê- tements , selon cette parole : « Voici que je vous envoie les ce prophètes, les sages et les scribes. » Les prophètes, ce sont les diacres ; les sages, les sous-diacres ; les scribes, les acolytes. Le vicaire du Christ , christ lui-même , est conduit par eux en public, comme par une troupe de jeunes filles jouant du tym- panon. Et lorsque les chantres, partagés en deux chœurs, re- çoivent avec des transports de joie ceux qui chantent l'introït, en leur répondant par le Gloria in excelsis , ces chantres ou clercs en aubes, qui se réjouissent, ce sont les anges qui reçu- rent le Christ lors de son ascension , avec gloire et louanges au plus haut des cieux. Les deux chœurs qui chantent ces louanges , ce sont les deux peuples , savoir, les Juifs et les Gentils, qui viennent au-devant du Christ en chantant ses louanges. La procession elle-même, c'est la voie qui mène à la céleste patrie. L'eau bénite qu'on porte en tête est la pureté de la vie. Les lumières sont les œuvres de miséricorde, selon cette parole : a Que vos reins soient ceints, et portez des lampes ar- ec dentés en vos mains, etc. » Donc le pontife ou le prêtre, qui est à peu près placé au milieu , entre le clergé et la croix qui marche devant lui, et le peuple qui le suit, offre en lui le type

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de médiateur de Dieu et des homraes. En outre, les premiers du chœur sont les derniers à la procession , parce que le salut s'opère par l'humilité. D'où vient que Zachée, prince des pu- blicains, étant monté sur un sycomore , parce qu'il était petit, pour voir passer Jésus, Jésus lui dit : ce Zachée^ descends, parce <( qu'aujourd'hui il faut que je m'arrête dans ta maison, yy Et Zacbée descendit^ et il reçut Jésus avec joie dans sa demeure. Les Juifs s'asseyaient sur des sièges élevés , et leurs maîtres avaient les premières places dans les synagogues.

XVII. Or, la croix passe la première dans les processions, comme un étendard royal et un signe triomphal : Première- ment^ pour c( que ceux qui la haïssent fuient de devant sa

[ face )) (Psal. lxvii). Elle est, en effet . le signe de la victoire du Christ , selon cette parole : « Les étendards du roi s'avan- ft cent, etc. » Par lui les démons sont vaincus; car, à sa vue, ils tremblent et fuient. Et pour cette raison , en certains lieux , on oppose la croix aux tempêtes de l'air, afin de mettre en fuite les démons et de leur faire cesser le trouble qu'ils répan- dent dans l'air. Le mystère de la sainte croix est, en effet, notre signe de ralliement et notre drapeau ; ce qui à fait dire à Isaïe : « Aussitôt que ce signe de ralliement aura été « dressé, les peuples lui adresseront leurs supplications, et son « tombeau sera glorieux. )> En second lieu, le drapeau de la croix va devant, parce que , comme le dit l'Apôtre aux Ga- lates, c( loin de nous la pensée de nous glorifier, si ce n'est « dans la croix de notre Seigneur Jésus -Christ, par qui le (( monde doit être crucifié avec nous et nous avec le monde.)) On parlera encore de ceci au chapitre de l'Evangile. Parfois aussi, les bannières marchent en tête de la procession, comme on le dira dans la sixième partie, au chapitre des Rogations.

XVIII. C'est avec raison, comme on l'a vu plus haut, que pendant la procession on sonne les cloches. Car, de même que les rois de la terre ont dans leur armée des signaux d'or- donnance , tels que les trompettes et les drapeaux , ainsi le

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Christ, roi éternel dans son Eglise militante, a les cloches, qui lui tiennent lieu de trompettes, et des croix, qui sont ses éten- dards ; et on a parlé de cela dans la première partie , au cha- pitre des Cloches. Le son retentissant des cloches représente encore les prophètes, qui annoncèrent d'avance, et d'une ma- nière figurative , Favénement du Christ. De plus, des draps et autres ohjets sont tendus dans les endroits par où doit passer la procession et oii elle doit s'arrêter pour chanter^ selon cette parole de Tobie , vers la fm : « Ses places seront pavées d'or (( pur et luisant, et dans ses rues on chantera Alléluia. »

XIX. Et sachez qu'il y a quatre processions solennelles, sa- voir : celle de la Purification de la bienheureuse vierge Ma- rie, celle des Rameaux ou des Palmes, celle de Pâques. Il sera parlé de ces trois processions en leurs lieux. La quatrième a lieu le jour de l'Ascension du Seigneur, pour représenter la dernière marche que les disciples firent à la suite du Seigneur^ le jour de son ascension dans le ciel, en venant avec lui au mont des Oliviers, d'oij il fut enlevé à leurs yeux; et c'est pour figurer cette marche qu'on fait la procession tous les di- manches.

XX. Sachez aussi que la primitive Eglise solennisait le di- manche comme nous le faisons aujourd'hui, et que ce jour- là elle faisait la procession en mémoire de la résurrection ; elle observait aussi la cinquième férié (le jeudi), et ce jour-là elle faisait une procession en mémoire de l'ascension du Seigneur; mais, les festivités des saints se multipliant de jour en jour, on supprima la solennité de la cinquième férié, et la procession qu'on faisait ce jour-là fut reportée au dimanche par le pape Agapet, afin qu'elle pût être faite solennellement avec le con- cours du peuple, qui se rend ce jour-là à l'église. La cinquième férié, à cause de cela, a retenu le nom vulgaire de jeudi [dies Jovis ) , qu'elle partageait , dès la plus haute antiquité , avec le dimanche. Donc, en faisant la procession les dimanches, nous rappelons la mémoire de la résurrection du Seigneur, puisque

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nous représentons la marche faite par les disciples à la suite du Seigneur^ non pas cependant qu'ils l'aient faite un diman- che, comme on Fa dit ci-dessus. En sortant et en rentrant, nous retournons en quelque sorte de Jérusalem à Jérusalem, comme ils firent, et nous suivons la croix, comme eux suivi- rent le Crucifié ; et, quoiqu'ils revinrent sans Jésus, nous reve- nons pourtant avec la croix , parce qu'il a dit lui-même : ce Je c( suis avec vous jusqu'à la consommation du siècle. » Cette procession doit se faire avant qu'on dise tierce , comme on le dira dans la sixième partie, à l'article de l'Ascension.

XXI. Il ne faut pas non plus oublier de dire qu'aux pro- cessions des dimanches nous devons seulement chanter quel- que chose du Nouveau-Testament, et saluer la Vierge, enchan- tant quelque chose qui ait particulièrement rapport à sa gloire. De là aussi s'est implantée l'habitude où l'on est de construire dans les cloîtres un oratoire de la Vierge , qu'on salue le pre- mier dans la station, selon l'usage primitif.

XXII. Quoiqu'il soit dit que le Christ, en; ressuscitant, appa- rut d'abord à Madeleine , cependant il est plus vrai de croire qu'il se montra à sa Mère avant toutes autres personnes ; mais il n'appartenait pas aux évangélistes de dire cela, parce que leur office était de produire des témoins de la résurrection , et qu'il ne convenait pas de produire une mère en témoignage pour son fils. Or donc, si les paroles des femmes étrangères paraissent un effet du délire aux incrédules, combien plus au- raient-ils cru au délire d'une mère aimant tendrement son fils 1 Et l'Eglise romaine semble penser ainsi , car, le premier jour après la résurrection , savoir, le jour de Pâques , elle fait une station dans Sainte-Marie-Majeure, mettant ainsi en quelque sorte au premier rang Jérusalem, c'est-à-dire la Vierge, qui a vu la paix (c) avant les autres , et qui a eu les prémices de son allégresse. Et c'est pourquoi, dès le premier jour, nous avons

(c) Allusion au nom de Jérusalem, qui signifie vision de la paix.

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recours à sa miséricorde, en allant à Sainte-Marie-Majeure; de même, en son honneur, nous lui consacrons la première station aux processions des dimanches, afm qu'en la comblant de louanges et nous pressant à son oratoire, nous paraissions dire avec l'Epoux : ce J'irai au mont qui produit la myrrhe (( et à la colline qui porte l'encens. » Le mont, c'est cette chaste Vierge à laquelle son Fils ressuscité vint en lui appa- raissant, et à qui nous allons en l'adorant. Mais il n'est pas nécessaire de dire : Quia nunquam disparuity et quod semel me- lius est y etc.; mais on le dit ainsi à cause des ignorants, et seu- lement pour ceux qui sentent, mais qui ne comprennent pas. Enfin, il est à remarquer que, dans certaines églises , .après la procession, tous les clercs viennent s'incliner devant le crucifix et lui dire : « Salut, notre Roi béni. » Et ceux qui ont porté le pluvial [d) ou autres vêtements de fêtes les déposent devant l'autel : premièrement, pour montrer que les fils des Hébreux jetaient leurs vêtements par terre sur le chemin par où pas- sait le Christ , dans l'entrée qu'il fit à Jérusalem ; deuxième- ment, pour montrer que ceux qui sont appelés à s'acquitter de l'office divin doivent rejeter loin de leur esprit toutes les super- fluités de ce monde.

CHAPITRE VII.

DE LA CONFESSION QUE L'ON DOIT FAIRE A LA MESSE, - OU DU CONFITEOR.

I. Le prêtre- OU l'évêque, avant de monter les marches de l'autel et avant de se préparer à offrir le saint sacrifice , ren-

[d] Sorte de chape. — Anciennement , comme les processions qu'on faisait aux mémoires ou oratoires éloignés des églises étaient assez fréquentes, on se munissait d'un manteau que les anciens Sacramentaires et Rituels nomment pluviale, pluvial. C'était donc uniquement pour se garantir de la pluie. Parla suite , on employa à la confection de ce vêtement, qui, dans l'origine, était en étoffe grossière et forte, le tissu moelleux de la soie, orné de fleurs brochées ou brodées en couleurs ou en or, et parfois en or et en diverses nuances.

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trant en lui-même , s'incline devant l'autel , pour symboliser l'abaissement du Christ, qui abaissa les cieux et descendit (Psal. XVII ), pour se réduire à néant, en prenant la forme d'un esclave. Le prêtre considère alors que, comme le dit Salomon, le juste s'accuse lui-même le premier, et, confiant en cette pa- role de consolation du Prophète : « J'ai dit : Je déclarerai au « Seigneur et confesserai contre moi-même mon injustice; et (c tu m'as aussitôt remis l'impiété de mon péché )> [De pœn., dist. I, Dixi)f il se confesse de tous ses péchés en général avec les assistants. Il dit d'abord, à cet effet, comme l'a ordonné le pape Célestin (I, q. i), un psaume qui se rapporte parfaite- ment à sa confession, et qui commence ainsi : « Juge-moi, c( ô Dieu! etc., » afin que, séparé de la race impie et délivré de l'homme inique, il puisse être trouvé digne de monter à l'autel. Il demande d'être délivré de la tentation et d'être illuminé de la grâce, comme on le voit dans ce même psaume. Il demande aussi à Dieu de lui donner ce qu'il va offrir , c'est-à-dire son Fils; car, s'il ne lui donnait pas une victime comme il en en- voya une à Abraham, il n'aurait rieh à lui présenter.

II. Il fait sa confession pour devenir plus pur et pour monter à l'autel sans souillure. Sur quoi il est à remarquer qu'il ne faut pas blesser les consciences des auditeurs (comme le font quelques-uns avec trop peu de soin), mais confesser ses péchés en général, parce que cet aveu n'est pas secret, mais manifeste et public , comme quand les prêtres disaient , dans le temple consacré à Dieu par Salomon : « Confessez le Seigneur, parce (c qu'il est bon, parce que sa miséricorde éclate dans tous les « siècles. » Alors une nuée remplit la maison du Seigneur et voila la face des prêtres, de telle manière qu'ils ne pouvaient se voir l'un l'autre. Et Salomon dit : « Le Seigneur a dit qu'il « habitait dans les nuées, et il l'a prouvé ; car, sur le mont Si- ce naï, il apparut dans une nuée ; il marcha devant Israël dans <( une nuée, et il passa dans u:ie nuée devant Moïse, qui était <( entré dans une caverne. »

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III. Nous nous frappons lu poitrine lorsque nous confessons nos péchés, à l'exemple du publicain^ qui frappait la sienne en disant : a Seigneur, sois-moi propice, parce que je suis un pé- (c cheur. » Dans l'action de se frapper la poitrine il y a trois choses : le coup, le son et le toucher, qui symbolisent elles- mêmes les trois qualités qui sont nécessaires pour avoir un vrai repentir, savoir : la contrition du cœur, la confession orale et les œuvres satisfactoires; car nous péchons de trois manières : de cœur, de bouche et d'action. Ensuite, le prêtre prie pour ceux qui l'entourent, en implorant le pardon de leurs péchés; car le Christ , en venant du sein de son Père au monde, et de celui d'une Vierge vers les patriarches, dont les soupirs multi- pliés l'appelaient ici-bas, entra à Jérusalem pour souffrir à notre intention. Il s'inclina sur la montagne des Oliviers, remettant à Dieu sa cause pour qu'il la défendît contre l'homme rusé et inique, et il se confessa à son Père , en disant : a Père du ciel, ce je te confesse, etc. » Lui aussi, plein d'indulgence pour nous, il a pris et porté sur son propre corps le fardeau de nos péchés.

IV. C'est avec raison que, devant l'autel, le diacre met le manipule au pontife qui doit faire sa confession (a). Première- ment, pour marquer qu'il doit recevoir et administrer les char- ges temporelles qui lui sont accordées par une main étrangère,

(«) La Rubrique du Missel marque que Tévêque qui dit la messe prend le manipule après la formule : Indulgentiam , absolutionem, etc. , qui termine le Confiteor du peuple. C'est un reste de l'ancien usage qui était observé non-seu- lement par les évèques, mais encore par les prêtres. La raison de cet usage est qu'autrefois les chasubles, n'étant pas échancrées comme à présent, elles couvraient tout le corps; et l'on allait ainsi à l'autel , tout le corps enveloppé comme dans un sac, sans que les bras parussent. Mais avant ou après le Confi- teor (Ordo rom., xiv, p. 294 et 296 ), avant que de monter à l'autel , on retrous- sait la chasuble sur le haut des bras à l'évèque ou au prêtre, afin qu'il pût agir librement ; et alors on lui mettait sur le bras gauche le manipule , qui aurait été inutile et embarrassant auparavant. Les évêques ont conservé cet usage. Il semble qu'ils pourraient prendre présentement le manipule, comme les prêtres, après l'aube et la ceinture, parce que toutes les chasubles sont également échan- crées ; mais lorsqu'ils officient pontificalement , le manipule pourrait s'embar- rasser dans les manches de la tunique et de la dalmatique, qu'ils prennent alors avant que de revêtir la chasuble.

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comme celle du sous-diacre ou d'un autre, et non par sa propre main. Secondement, pour indiquer que la confession de bou- che est insuffisante si elle n'est suivie du fruit des bonnes œu- vres, que représente le peuple. Troisièmement, afin que, se voyant parer pendant la fonction la plus basse du ministère, il soit humble d'esprit. Le pontife ne met pas le manipule avant la chasuble, mais après ^ parce que le Christ, dont il offre le type, n'a pas recueilli les gerbes [manipulos) , récompense de ses labeurs, que désigne le manipule {manipulus), avant d'avoir mené la vie du ciel que figure la chasuble, comme on l'a dit dans la troisième partie, à l'article de la Dalmatique. Le prê- tre, au contraire, met le manipule avant la chasuble, parce qu'il ne peut atteindre la vie du ciel avant d'avoir joui du fruit des œuvres des saints. Le pontife, avant de monter à l'autel, re- çoit le manipule, pour marquer que nous ne recevrons enfin la récompense réelle des bonnes œuvres que lorsque nous aurons paru devant le tribunal du juge éternel.

Y. Le prêtre, pendant la récitation du Confiteory et souvent pendant la célébration de la messe, joint ses mains, action qui est le symbole de la dévotion. Et , comme la dévotion est plus grande dans l'un et moindre dans l'autre , on n'a pas déter- miné d'une manière certaine le nombre de fois qu'on doit joindre les mains. Les mains jointes signifient encore _, de la part du prêtre , l'union et l'harmonie de tous les biens qui coulent de Dieu en lui. Et, parce que ces biens infinis peuvent procéder de Dieu de façons infinies et indéterminées, voilà pourquoi l'on n'a pas déterminé le nombre de fois que le prê- tre doit joindre ses mains.

VL Quant aux inclinaisons du prêtre pendant la célébration de la messe , elles sont restreintes à un nombre certain , d'a- près l'usage de quelques églises; car, régulièrement, le prêtre s'incline huit fois profondément devant l'autel , et treize fois légèrement sur l'autel même. Les huit profondes inclinaisons devant l'autel sont pour rendre grâces au Christ des huit choses

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principales qu'il fit avant son immolation, que le prêtre figure par la célébration de la messe. La première fut son admirable incarnation. La seconde, la vocation gratuite de ses disciples. La troisième, la défaite du démon dans les tentations. La qua- trième ;, l'opération des miracles. La cinquième, la guérison des malades. La sixième, la résurrection des morts. La sep- tième , la résolution de toutes les questions et de toutes les pro- positions par sa sagesse. La huitième, l'instruction des peuples, pour leur apprendre à faire leur salut. Tout ce qu'il fit avant son immolation paraît se rapporter à ces huit choses , selon [saint] Bernard.

VIL Pour ce qui est des treize moindres inclinaisons que le prêtre fait sur Fautel, elles se rapportent aux treize actions que le Christ fit sur Fautel de la croix, lorsqu'il en prit possession pour tout le temps de sa passion , qui commence à l'heure où il fut pris. La première, ce fut la douce réprimande qu'il adressa au traître, en lui disant : ce Judas, tu trahis et tu livres le Fils (( de l'homme par un baiser? » La seconde fut lorsqu'il se li- vra lui-même prisonnier , en disant aux soldats : « Qui cher- ce chez-vous? — Jésus de Nazareth. — C'est moi. » La troi- sième fut sa réponse pleine de mansuétude aux faux témoins et aux rois. La quatrième, le support des crachats et des coups sans murmurer. La cinquième, en ce qu'il vit et qu'il enten- dit, sans se troubler lui-même et sans troubler les autres. La sixième, le pardon de la faute du disciple qui l'avait renié trois fois. Les sept autres sont énumérées par [saint] Ambroise, commeayant été accomplies sur l'arbre de la croix. Ce saint docteur dit : ce L'auteur de la miséricorde, suspendu à la croix, <c y faisait le partage des charges et des offices ; il léguait la « persécution à ses apôtres , la paix à ses disciples, son corps «c aux Juifs, son esprit à son Père, un protecteur à la Vierge, (( le paradis à un larron , et l'enfer à un pécheur. » Les bai- sers sont aussi fixés à un nombre réglé , comme on le dira à l'article de la quatrième particule du Canon.

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CHAPITRE VIII.

DE LA BÉNÉDICTION DE L'ENCENS, ET DE LA GARNITURE DE L'ENCENSOIR.

I. Le Confiteor étant achevé et l'absolution donnée _, le pon- tife ou le prêtre, avant de dire : Deus^ tu conversus, etc., bénit l'encens et le met dans l'encensoir qu'on lui présente ;, parce que le grand-prêtre de l'ancienne loi, couvert du sang des vic- times, remplissait d'encens l'encensoir, afin que, pendant sa prière, la vapeur parfumée le couvrît d'un nuage, comme il a été dit dans la préface de cette partie. C'est aussi pour rappe- ler qu'un ange vint et se tint debout devant l'autel , portant en ses mains un encensoir d'or qu'il remplit du feu de l'autel, et il lui fut donné beaucoup d'encens, qui. était le résultat des prières des saints. Cet ange, c'est le Christ; Fencensoir d'or^ c'est son corps immaculé; l'autel, c'est l'Eglise; le feu, la charité; l'encens, la prière, selon cette parole du Prophète : (( Que ma prière s'élève vers toi comme la fumée de l'encens. » L'Ange, c'est-à-dire le Christ, est donc venu ; il s'est tenu de- vant l'autel, c'est-à-dire en présence de l'Eglise, ayant un en- censoir d'argent, c'est-à-dire un corps sans tache, plein de feu, c'est-à-dire de charité _, et il a reçu beaucoup d'encens des fidèles, c'est-à-dire leurs prières, afin d'offrir, c'est-à-dire de fïiire valoir auprès de son Père les prières des saints.

II. Et remarque que le célébrant ne dit pas toutes les orai- sons : le Christ, en effet, n'exauce pas toutes les prières ; mais il en dit quelques-unes , savoir, de celles qui se rapportent au sa- lut. D'où vient que Paul ayant demandé trois fois au Seigneur d'ôter de lui l'aiguillon de la chair, le Seigneur lui répondit : c( Ma grâce te suffit ; » car la vertu s'épure dans l'infirmité de

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ce monde. Donc, l'évcque ou le prêtre met l'encens dans l'en- censoir, parce que c'est le Christ qui inspire les prières à l'es- prit, afin qu'il offre un encens d'odeur suave. Et le prêtre as- sistant offre l'encens à l'évoque ;, ou le diacre au prêtre^ parce que l'ancienne loi a adopté ce précieux parfum , qu'il offre en odeur très-agréable au Très-Haut. Touchant ce parfum, le Seigneur dit, dans le chapitre xxx de l'Exode : « Vous n'en « composerez point de semblable pour votre usage, parce qu'il (c est consacré au Seigneur^ et l'homme, quel qu'il soit, qui en (( fera de même pour avoir le plaisir d'en sentir l'odeur, périra (( du milieu de son peuple. » Et sur cette parole il y en a qui ont dit que si, après l'offrande de l'encens bénit sur l'autel, l'en- censoir passe aux mains des clercs ou des laïques, alors on doit le garnir d'encens non bénit et en parfumer ainsi tant les clercs que les laïques , le premier encens étant consacré au culte de latrie et le second au culte de dulie. Il est mieux cependant d'agir ainsi au point de vue de l'esprit que de la lettre , car la lettre tue et l'esprit vivifie. Et c'est pour la cause précitée qu'on ne fait pas respirer l'encens bénit dans l'église au fiancé et à la fiancée.

III. La consomption et la consécration de l'encens marquent que le prêtre doit prier avec ardeur et dévotion. Or^ l'encens a la vertu de monter, à cause de la légèreté de la fumée ; il a celle de se durcir, à cause de sa nature ; celle de se resserrer, à cause de sa résine ; il a celle de conforter, à cause de son arôme : ainsi, pendant que la prière monte dans le souvenir de Dieu, elle affermit l'ame en ce qui a rapport à la faute pas- sée, dont elle lui vaut le pardon; elle la resserre en ce qui touche la facilité qu'elle a à le commettre en ce monde ; elle la conforte pour la défense du moment. Nous avons aussi parlé de ces choses au chapitre de l'Arrivée du Pontife à l'autel, et nous en parlerons à l'article de l'Encensement. La navette ( navicula ) où l'on met l'encens marque que ^ par la prière, que symbolise l'encens, nous devons nous efforcer de naviguer

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sur la grande et vaste mer de ce monde, de manière à aborder à la céleste patrie. D'où vient qu'on lit dans les Proverbes ces paroles touchant la femme forte : « Elle est comme le vaisseau « d'un marchand qui apporte son pain de loin. » L'encensoir peut encore figurer le cœur de l'homme; le feu^ la ferveur de la dévotion ; l'encens, les prières que l'ange porte à Dieu. Les vaisseaux [vascula ) qui reçoivent le feu, ce sont les enfants qui imitent le cœur de leur père par la piété et la bonté^ et qui s'ef- forcent d'attirer dans leurs âmes la flamme du sacrifice céleste qu'ils aperçoivent dans l'ame de leur prochain. Les instru- ments dont on se sert pour porter le feu à l'autel , ce sont les prédicateurs qui, par les exemples des saints, propagent le feu de la charité et portent dans les cœurs des fidèles les sentiments qui les leur font considérer comme un père regarde ses fils. On dira ce que signifie l'encensoir au chapitre de l'Encen- sement de l'autel.

CHAPITRE IX.

LE PRÊTRE BAISE L'AUTEL ET LE LIVRE.

L Après avoir mis l'encens dans l'encensoir, le prêtre ou l'é- vêqué, ayant dit Deus tu conversus^ etc., baise l'autel consacré^ pour marquer l'accord avec les Juifs et pour indiquer que le Christ, en venant à nous, s'est uni la sainte Eglise , selon cette parole du divin épithalame : a Qu'il me donne un baiser de sa ce bouche. » En effet, dans le baiser la bouche s'unit à la bouche , et dans le Christ non -seulement l'humanité est unie à la divinité, mais l'épouse est étroitement liée à l'époux, selon 'cette parole du Prophète : a 11 m'a ornée d'une couronne « comme une fiancée^ et, comme elle, il m'a parée de colliers. » Quand le verset prophétique de l'introït est entonné par le

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chantre, le prêtre, en montant à l'autel, le baise Une seconde fois, parce que le Christ est venu au monde par le témoignage des prophètes et à la passion dont l'autel est le théâtre. Com- \\ bien de fois baise-t-on l'autel en célébrant la messe, et sur quel | endroit? Pourquoi y pose-t-on les mains ^ et pourquoi on im-| prime d'abord la figure de la croix aux places qu'on doit baiser ? Autant de questions qui seront traitées à l'article de la quatrième partie du Canon. Ici, l'autel signifie le peu- ple juif.

II. Le livre des évangiles indique le peuple gentil, qui a cru par l'Evangile ; voilà pourquoi l'évêque ou le prêtre baise l'é- |j vangile et l'autel, parce que le Christ a donné la paix au monde quand, devenu la pierre angulaire, il a fondu les deux peuples en un seul. On peut dire aussi que le sous-diacre offre à révê-|j que ou au prêtre le livre des évangiles que l'on portait fermé à la procession. En arrivant à l'autel , le célébrant ouvre l'E- vangile, pour montrer que personne n'est digne d'ouvrir le livre écrit au dedans et en dehors, scellé de sept sceaux, que le lion de la tribu de Juda , la clé de David; ce fut lui qui ou- vrit le livre et brisa les sept sceaux. L'autel symbolise l'Eghse, selon cette parole de l'Exode : « Si tu me fais un autel de c( pierre, tu ne le bâtiras point de pierres taillées. » Par la taille des pierres employées à la construction de l'autel, l'Eglise dé-j signe et réprouve la division de ses fils; elle craint pour eux ' qu'ils ne soient divisés par les hérésies et les schismes. L'évê- que ouvre donc le livre quand il arrive à l'autel, parce que, dès que le Christ eut rassemblé la primitive Eglise des Apôtres, en les enseignant et en leur prêchant , il leur révéla les mystères de l'Ecriture, en leur disant : «. Il vous a été donné de connaî- « tre le mystère du royaume de Dieu; mais les autres ne l'ap-: « prennent qu'en paraboles. » C'est pourquoi, après sa résur-j rection, « il leur ouvrit l'esprit, afin qu'ils comprissent les « Ecritures. » L'évêque fait bien plus encore et bien mieux, lorsqu'il ouvre le livre des évangiles, quoique le Christ ait

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éclairci les mystères des Ecritures par le moyen de ses minis- tres. Le livre étant ouvert, il le baise à gauche^ pour marquer que les prédicateurs ont réconcilié et offert les Gentils au Christ , car il ne les a pas prêches par lui-même , quoiqu'il ait lui-même prêché la paix dans l'Evangile , en disant : « Je vous (( donne ma paix, etc. » Et parce que le Christ, suspendu à la croix, a fait la paix, voilà pourquoi le célébrant, avant de pas- ser au côté droit de l'autel^ se signe du signe de la croix, parce que, comme dit l'Apôtre aux Ephésiens , « le Christ est notre (( paix; » de deux peuples il n'en a fait qu'un, enjoignant ensemble deux murailles différentes, c'est-à-dire deux peuples étrangers l'un à l'autre. Ensuite le livre des évangiles est posé fermé sur l'autel , et cela représente Jérusalem , comme on le dira à l'article de l'Evangile.

III. Ensuite le pontife romain (et certains autres aussi) se retourne et donne un baiser au diacre , pour montrer que la paix dont nous parlons est arrivée à l'avènement du Christ et telle que les prophètes l'avaient promise. David s'écrie : « La (( justice paraîtra de son temps avec une abondance de paix « qui durera autant que la lune. » Et un autre. Prophète : (( La paix régnera sur notre terre quand il sera venu. » C'est pourquoi , au moment de la naissance du Christ , la voix des anges entonna ce chant : « Et paix sur la terre aux hommes « qui veulent le bien. » Parfois le baiser signifie la paix, comme on le dira au chapitre du Baiser de paix. Le diacre, s'inclinant aussitôt^ baise la poitrine du Pape, pour marquer que c'est par l'inspiration de Dieu que les prophètes ont prédit l'avènement de la paix. Et Jean, en dormant sur la poitrine du Seigneur, but à longs traits à la source de l'Evangile, qui réside dans la poitrine du Seigneur (xciii d. Legimus).

IV. Dans quelques églises, l'évêque baise d'abord ses assis- tants, puis l'autel, ensuite l'Evangile, parce que le Christ a d'abord rapproché de sa personne les apôtres, puis les Juifs, ensuite les Gentils. Dans certains endroits encore, l'évêque

Tome II. 5

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apporte le baiser de paix aux chantres, accomplissant en quel- que sorte à rebours cette parole : « Je vous donne ma paix, je « vous laisse la paix. » 11 la donne à ceux qui sont présents, il la laisse à ceux qui sont absents. Les chantres ne disent pas le Gloria Patri avant d'avoir reçu le baiser de paix, parce que la foi en la Trinité n'a pas brillé avant que le Seigneur se fût in- cliné, qu'il nous eût réconciliés, et qu'il eût ordonné aux apôtres de prêcher la Trinité. C'est pourquoi l'évêque, après leur avoir donné le baiser de paix, leur fait signe de dire : ce Gloire au u Père^ et au Fils, et à l'Esprit saint^ comme dans le principe, (c maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi (( soit-il. » Voici ce que le chantre annonce, c'est que les cœurs des pères pardonnent à leurs fils. Abraham vit trois anges et en adora un. Ainsi donc, nous, ses fils , nous devons croire à la Trinité dans l'unité. Après que la paix lui a été donnée, le chantre rend gloire à la sainte Trinité ;, comme s'il disait : ce Rendons gloire à Dieu le Père , Fils et Esprit saint, parce c( qu'il a daigné, dans les derniers temps, nous montrer la (( paix qu'il avait prophétisée par la voix de ses saints pro- (( phètes. » Quand il dit : a Comme dans le principe, » les dia- cres s'avancent vers l'autel et reviennent de nouveau à l'évê- que, ce qui figure que les apôtres se livrèrent à la mort pour se réunir au corps du Christ. Au commencement de la messe, les évêques se tiennent inclinés devant l'autel; mais, lorsque ce verset commence, ils se lèvent , parce que le chœur des saints martyrs, avant la dernière tribulation , était dans la vallée des larmes ; mais ensuite, couronnés par le martyre, ils se tiendront toujours debout, comme des hommes libres et pleins d'assu- rance devant le Seigneur. Le baiser donné, les diacres prient de nouveau le pontife , comme s'ils lui disaient : « Seigneur, (( apprends-nous à prier. »

V. Dans certaines églises aussi, les diacres, deux à deux, baisent les côtés de l'autel intérieurement ou alternativement, parce que le Seigneur envoya les apôtres prêcher deux par

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deux, en leur disant : a En quelque maison que vous entriez, « dites : Paix à cette maison. )) Et ils revinrent trouver le Christ, comme les diacres l'évêque.

CHAPITRE X.

LE CÉLÉBRANT ENCENSE L'AUTEL (6).

I. Le baiser de paix donné, l'évêque ou le prêtre, recevant l'encensoir des mains du diacre^ encense l'autel consacré, parce que le Christ, qui a pris un corps par la génération des prophètes, et qui est né, selon la chair, du sang et de la race de David;, embrasse l'Eglise dans ses prières, selon celle qu'il fait dans l'Evangile : « Père saint, c'est pour eux que je prie, (( et pas pour eux seulement, mais encore pour ceux qui doi- (( vent croire par leur parole. » Quand le diacre reprend l'en- censoir pour encenser l'évêque ou le prêtre, il nous apprend, dans le sens moral, que si nous voulons offrir dignement l'en- cens de la prière, nous devons prendre l'encensoir de l'incar- nation , car, sans la foi au Médiateur, les hommes ne peuvent plaire à Dieu. Et, selon sa promesse même, s'ils demandent quelque chose avec foi^ en priant, ils le recevront. L'encensoir symbolise donc le Verbe incarné.

II. Car, de même que dans l'encensoir la partie supérieure el la partie inférieure sont unies par trois petites chaînes,

m. Ainsi dans le Christ il y a trois anneaux qui rattachent Tentre elles la divinité et l'humanité, la chair et l'ame, en unis- sant l'humanité à la chair, la divinité à l'ame. Il y en a qui indiquent un quatrième anneau, qui est celui de la divinité jointe à un être composé à la fois d'une ame et de chair; d'où vient que quelques encensoirs ont quatre chaînettes. Moïse parle aussi de cet encensoir à Aaron d'une manière spéciale : « Prends l'encensoir et du feu sur l'autel, puis tu jetteras des-

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« SUS de l'encens. » Il y a encore une autre considération à faire relativement à l'encensoir, comme nous en avons touché un mot dans le chapitre de l'Arrivée du Pontife à l'autel.

IV. L'évêque ou le prêtre encense une seconde fois l'autel déjà encensé, pour montrer que le Christ est en même temps autel et hostie, pontife et prêtre; c'est à lui qu'on offre le sacri- fice, parce qu'on l'adore, non-seulement en tant que Dieu, mais aussi en tant qu'homme. C'est pourquoi, dans certaines églises , après avoir encensé le pontife , le diacre encense tout le tour de Tautel , ce qui a fait dire au Psalmiste : « Seigneur, <( j'entourerai ton autel. » L'encensoir d'or signifie la sagesse, parce que tous les trésors de la sagesse de Dieu furent cachés dans le Christ. De là vient que l'ange se tint debout auprès de l'autel, ayant un encensoir d'or, et qu'on lui donna de l'encens pour le garnir; c'est-à-dire que le Christ, par sa résurrection, a pris pouvoir de la chair. L'argent signifie la chair du Christ, pure de toute faute, et brillante de chasteté ; le cuivre, sa fragi- lité et sa nature mortelle ; le fer, la force qui l'a fait ressusciter. Si l'encensoir a quatre chaînettes, il démontre que le Christ est composé de quatre éléments ou orné de quatre vertus, qui sont : la justice, la prudence, la force et la tempérance. La cinquième chaînette, qui passe au milieu des autres, désigne l'ame qui, pendant trois jours, se sépara de la chair. Si l'encensoir a trois chaînettes , il figure l'ame , la chair et le Verbe unis en une seule personne. La quatrième chaînette, qui sert de séparation, est la puissance qui a été donnée au Christ de donner sa vie pour ses brebis. Si l'encensoir n'a qu'une chaînette, il marque que seul le Christ est né d'une vierge, et que seul il n'a pas été soumis à l'esclavage de la mort. L'anneau, auquel se rattachent toutes ces chaînettes, c'est la divinité du Christ, qu'aucune limite ne clôt, qui contient et qui opère toutes choses.

V. En outre de la raison mystique, on encense aussi l'autel pour en écarter toute la malice des démons. Car on croit que lafumée de l'encens a le pouvoir de mettre en fuite les dé-

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mens. D'où vient que, quand Tobie interrogea l'Ange pour connaître combien de vertus curatives il y avait dans le pois- son qu'il lui avait ordonné de conserver, l'Ange lui répondit : (( Si tu mets sur les charbons une partie de son cœur, la fumée « qui en sort chasse toutes sortes de démons. »

VI. Le pape Sother (xxiii d. Sacratas) défendit aux reli- gieuses d'encenser le tour de l'autel.

CHAPITRE XL

GOMMENT L'ÉVÊQUE OU LE PRÊTRE ET SES MINISTRES DOIVENT SE TENIR DEVANT L'AUTEL.

I. Après avoir encensé l'autel, l'évêque ou le prêtre passe au côté droit de l'autel : là, il récite en union avec ses assistants tout ce qui a rapport à cette partie de l'office de la messe, et il dit le Kyrie eleison. Ce passage du milieu de l'autel au côté droit signifie le passage du Christ à la vie éternelle , de la pas- sion par la résurrection. En allant de gauche à droite, le célé- brant imite le Christ entrant dans le monde : en effet, le Christ a atteint le côté gauche lorsqu'il a pris la vie du temps, et il a passé à droite quand il éleva son corps jusqu'à la droite de Dieu.

IL Ce mouvement du célébrant, qui lui fait gagner la droite, signifie encore que l'Emmanuel promis dans l'ancienne loi vint d'abord aux Juifs avant d'aller aux Gentils. Les Juifs alors étaient à droite , à cause de la loi , et les Gentils en quelque sorte à gauche, parce qu'ils adoraient les idoles. Donc, le prê- tre, orné des sacrés vêtements, symbolise le Christ revêtu de la chair de notre humanité ; son arrivée à l'autel marque que le Christ est venu des cieux vers son peuple pour le sauver. Lors- que le célébrant passe à droite, il marque que le Christ, en ve-

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nantaii monde, alla d'abord vers les Juifs, au milieu desquels il voulut naître; car la bienheureuse Marie était juive. On par- lera de ce passage à droite, au chapitre du Changement de Place du Prêtre et de celle qu'il tient. Et remarque que, quand le seigneur Pape célèbre ou entend la messe, ses chapelains lisent l'introït, le £^ï/ne eleisotiyle Gloria in eœcehiSy le Credo, le Sanclus et ÏAgnus Dei ; ils ne lisent pourtant pas le gra- duel, VAUelu-ia, le trait, TofTertoire et la post-communion, parce que ces parties de la messe sont autant d'instructions et d'explications dont le Pape a lui-même besoin de se pénétrer. Il est à remarquer que le prêtre se tient debout et droit devant l'autel, pour montrer que le Christ est venu régir les siens par son invincible enseignement, et le prêtre se tourne vers Torient parce que le Christ n'a pas cherché à faire sa propre volonté, mais celle de son Père; il ne regarde pas derrière lui , autant parce que le Christ regarde toujours la face de son Père, selon cette parole : « Je sais d'où je viens et où je vais, » que parce que c( quiconque ayant mis la main à la charrue regarde derrière (( soi, n'est point propre au royaume de Dieu » (Extra De voto magnœ). Enfin, le prêtre tourne le dos au peuple, pour figurer ce que le Seigneur dit à Moïse : « Tu me verras par derrière, « mais tu ne pourras voir ma face » (Exod., cap. xxxni).

III. Cependant les évêques et les archevêques [superiores), lorsqu'ils célèbrent les saints mystères , ne restent pas devant l'autel, mais en sont un peu éloignés à droite, où ils demeu- rent jusqu'après le chant de l'offertoire, et cela a lieu d'abord pour représenter que c'est du côté du Christ que notre rédemp- tion a commencé à sortir.

IV. En second lieu, cela se fait non-seulement pour impri- mer une plus grande solennité à la messe et pour que l'évêque soit ainsi distingué des prêtres, ses inférieurs, mais encore parce qu'à la messe l'évêque figure non-seulement la dignité et l'excellence du Christ et son oblation, mais aussi son humi- lité et son obéissance dans sa propre offrande et consécration.

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Car le Christ est égal à son Père en dignité, et il siège à la droite de Dieu le Père , comme on le lit dans le Symbole ; ce que représente le prélat debout, avant l'offrande, à la droite de Fautel. Dans l'oblation de soi-même, le Christ s'est fait hostie pour nous, et voilà pourquoi le prélat, qui est son type, dès le moment de l'offrande doit s'attacher tout entier à cet au- tel, qui figure celui de la croix.

V. En troisième lieu, comme les actions des prélats doivent être soumises dans leurs vues à la doctrine divine, voilà pour- quoi l'évêque reste jusqu'à l'offrande à l'écart de Fautel, et à ce moment il s'approche de l'autel pour se laver les mains, encenser et sacrifier, afin de montrer ainsi que tout ce qui com- pose la première partie de la messe n'est que cérémonies et louanges [De cons., d. ii. Partis est). Mais au moment de l'of- frande il s'apprête à faire l'essence ou la substance même du saint sacrifice.

VI. Quatrièmement, il représente ainsi le pontife de l'an- cienne loi lorsqu'il entrait dans le saint des saints, portant des charbons et couvert de sang, comme nous en avons touché un mot dans la préface de cette partie. '

VII. Cinquièmement, c'est pour représenter ce que dit le Prophète : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à « ma droite, jusqu'à ce que je réduise tes ennemis à servir « d'escabeau à tes pieds. » Le prêtre, qui représente en effet le Christ, s'asseoit à la droite de l'autel (symbole, dans l'E- glise, de Dieu le Père) , jusqu'à ce qu'il y remonte pour consa- crer l'hostie par laquelle les portes de l'enfer sont brisées, et ses ennemis les démons vaincus et mis sous ses pieds comme un escabeau. Et les assistants de l'évêque, savoir, le diacre et le sous-diacre , par leur position un peu en arrière de lui en présence de l'autel (quoiqu'ils aient marché devant lui pour l'y conduire ) , représentent les témoins [martyres) de l'An- cien-Testament, qui furent couronnés, comme ils l'avaient mé- rité , après la naissance du Seigneur. Et chaque fois qu'il va

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d'un côté à Tautre de Tautel , ils le suivent par derrière, pour | montrer que l'admonition du Seigneur s'est accomplie, lors- • qu'il dit : « Celui qui me sert doit me suivre, etc. w Les assis- {- tants de Tévêque ont toujours les yeux fixés avec sollicitude '| sur tous ses mouvements , pour montrer que les fidèles , bien | que vivant de la vie de ce monde , tendent cependant toujours I à la vie éternelle en la compagnie du Christ. Dans certaines églises, lorsque Tévêque se tourne vers le peuple, ils se tour- nent aussi vers le peuple, et se retournent en même temps que l'évêque du côté de l'autel . Car le Christ, pendant sa vie mor- telle, quittait la prière pour la prédication, et parfois la prédi- cation pour la prière , ce que figure l'action de se tourner vers le peuple et de se retourner vers l'autel. En quoi le Christ doit être surtout imité par les prédicateurs, que désignent avec raison les assistants de l'évêque.

VIII. Le pape Anaclet [De cons., dist. i, Episcopiis) or- donna que l'évêque, lorsqu'il offrirait le saint sacrifice, aurait pour témoins les diacres, qu'on appelle ses yeux, les sous-dia- cres et autres assistants. Et il voulut que tous, revêtus des vêtements sacrés, se tinssent de front devant et derrière lui, et qu'il eut un prêtre de chaque côté , c'est-à-dire à droite et à gauche; que tous eussent le cœur contrit, l'esprit humble, le visage incliné, et qu'ils le gardassent des malveillants, et qu'ils prêtassent leur concours au saint sacrifice. Et, selon le pape Lucius [De consec, dist. i, Juhemus), les assistants n'abandon- neront pas l'évêque, parce qu'à cause des malveillants il faut qu'il reçoive un bon témoignage de la part de ceux qui sont dehors. Il fut encore établi que le célébrant aurait derrière lui un aide et un consolateur, comme on l'a dit dans la préface de cette partie. Et c'est pourquoi, dans certaines éghses, quelques diacres se tiennent debout derrière l'évêque , dans l'attitude de la prière , pour le suivre jusqu'à la mort et pour passer avec lui à la vie éternelle. Cependant, le plus grand nombre des assistants demeure à droite de l'autel, et la moindre partie

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à gauche , parce que l'Eglise demande deux bénédictions, la bénédiction temporelle et la bénédiction éternelle^ afin que nous passions par les biens de ce monde de telle façon que nous ne perdions pas ceux de l'éternité. En outre, les susdits assis- tants , qui se tiennent derrière l'évêque et la tête inclinée , res- tent dans cette position jusqu'à la fin de l'oraison dominicale, et représentent ces apôtres qui, pendant la passion du Seigneur, oppressés par une grande tristesse , n'osaient pas se lever de terre pour confesser qu'ils étaient les disciples du Christ. Ce- pendant ils étaient couchés sur la figure de la foi. Ensuite, les assistants se relèvent , comme on le dira à l'article de la deu- xième partie du Canon^ aux mots : Nohis quoque peccatoribus. Les assistants figurent encore à nos yeux le chœur des saints martyrs qui demeureront dans cette vallée de larmes jusqu'au moment de la dernière tribulation. Puis, les assistants se lè- vent, parce qu'après avoir rendu témoignage, les martyrs se relèvent couronnés, c'est-à-dire à l'abri de toute persécution. Les assistants qui se tiennent la face inclinée représentent les femmes qui , la tête baissée , se rendirent du cénacle au tom- beau , emportées dans leur course par l'ardeur de leur amour pour le Christ.

IX. Le prêtre assistant , pendant les instants de repos, met le missel sur un coussin moelleux, pour montrer que le cœur du chrétien doit être dévoué et tendre, et que pour recevoir facile- ment les divines impressions il doit se mettre sous le joug du Seigneur et des préceptes du ciel, selon cette parole du Sage : <c Que ton cœur reçoive mes paroles, etc. ; » afin que l'esprit du Seigneur repose en lui. On parlera encore de ce coussin (pulvinar) à l'article de l'Evangile.

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CHAPITRE XII.

DU KYRIE ELEISON (7).

I. Enfin, le passage de l'évêque ou du prêtre à la droite de l'autel signifie que le temps de la plénitude et Tannée de la bonté sont arrivés, comme l'avait prédit le Psalmiste : « Tu te (( lèveras, Seigneur, et tu auras pitié de Sion. » Et, comme le temps de la miséricorde est venu , le chœur loue et invoque à juste titre la Trinité, en répétant trois fois, pour chacune de ses personnes, Kyrie ^ eleison. Et l'on dit le Kyrie eleison après l'introït, parce que, avant de faire toute autre prière, il est né- cessaire que le prêtre implore la miséricorde du Seigneur. Or/1 Kyrie, eleison^ en grec, veut dire en latin : Seigneur, aie pitié ; car Kyrie veut dire Seigneur, et eleison , aie pitié : par con- séquent, Christs, eleisoUy signifie Christ, aie pitié. D'oii vient i que le Prophète dit : « Aie pitié de nous , car nous t'atten-

« dons. »

II. On dit Kyrie eleison neuf fois : premièrement, pour que le. l genre humain , réparé par un homme , soit associé aux neuf ordres des anges; deuxièmement, pour que l'assemblée des fidèles [ecclesia) arrive à jouir de la compagnie des neuf ordres des anges ; troisièmement , contre neuf espèces de I péchés.

ÏII. 11 y a le péché originel, le véniel et le mortel. Puis le< péché de pensée , de parole et d'action. Enfin, le péché de fragilité, de simplicité et de malignité : péché de fragilité par faiblesse, de simplicité par ignorance , de mahgnité par envie. Pécher ainsi, c'est pécher contre le Père, contre le Fils, contre l'Esprit saint. Voilà pourquoi encore on dit trois fois Kyrie eleison au Père , trois fois Christe eleison au Fils , et trois fois

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Kyrie eleison à l'Esprit saint ; au Père et à l'Esprit on donne e même titre , parce que tous deux sont d'une même nature ; nais le Fils en reçoit un autre, parce que le Fils, tout en ayant a même nature qu'eux , en a encore une autre , comme un ^éant né de deux substances. Voilà pourquoi on dit trois fois a même invocation au Père, au Fils et à FEsprit saint, pour îiarquer l'union du Père avec le Fils, du Fils avec le Père, et le l'Esprit avec les deux. On parlera de cela dans la cinquième Dartie, au chapitre de Prime. Et au milieu de ces neuf invo- cations on change Kyrie en Chrhte , pour marquer qu'il y a ieux natures dans le Christ. Trois fois Kyrie eleison, multi- plié par trois, signifie les prières des Pères de l'Ancien-Testa- nent, qui s'étaient multipliées à un tel point que la grâce de a souveraine Trinité les associa , par l'avènement du Christ, lux neuf légions des anges.

IV. Or, l'efficacité de ces mots est grande. Car on lit que le bienheureux Basile ayant crié : Kyrie, eleison, les portes de l'é- glise de Ticina, ou Pavie, s'ouvrirent toutes seules. On dit en- core que le bienheureux Geminianos ayant crié Kyrie^ eleison, nit cinq rois en fuite. Cela vient peut-être de ce que cette pa- role a un autre sens que celui de Seigneur, aie pitié, mais que aous ignorons. Dans certaines églises, aussitôt après le dernier Kyrie eleison on ajoute èmas^ mot grec qui en latin veut dire nous. Et le sens de Kyrie ^ eleison èmaSy est : Puissance divine, %ie pitié de nous. Le bienheureux Grégoire établit le chant neuf fois répété du Kijrie eleison par le clergé seulement et à la messe où tout le peuple assisterait. Le Kyrie ^ chez les Grecs, était chanté^, dans l'origine, par le clergé et le peuple à la fois. Ce fut le pape Sylvestre qui emprunta le Kyrie eleison aux Grecs.

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CHAPITRE XIII

DU GLORIA IN EXCELSIS (8).

I. Aussitôt que le Kyrie eleison est dit, le prêtre ou le pon-' tife, d'après la règle du pape Télesphore, commence le Gloria in eoccehis Deo^ qu'on entendit chanter par les anges, comme on le lit dans l'évangile de [saint] Luc. Cet hymne des anges rend témoignage à la nativité du Christ, par rapport au temps. Le prêtre, le premier, l'entonne seul, parce qu'il représente l'Ange du grand Conseil. Car ce fut cet ange seul, dont le prêtre reproduit le type, qui annonça le premier la naissance du Sauveur, comme on lit dans [saint] Luc : «Voici que je « vous annonce une grande joie pour tout le peuple : c'est « qu'aujourd'hui il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le « Seigneur. » Et le prêtre, en entonnant ce cantique, se tient au milieu de l'autel , pour nous rappeler que pendant que le silence dominait sur toute la nature, au milieu du monde, c'est-à-dire pour le salut des hommes, naquit le Messie que les prophètes avaient prédit. Cette position du prêtre représente encore celle de l'Ange lorsqu'il annonça la nativité du Christ aux bergers ; et , en commençant le Gloria in excelsis _, le prêtre élève les mains pour les raisons que nous dirons à la fin du chapitre suivant. En commençant cet hymne, il se tourne aussi vers l'orient, autant parce que l'Ange vint de l'orient à Bethléem , que parce que nous avons coutume d'adorer le Seigneur du côté de l'orient. Troisièmement, en commençant le Gloria le prêtre se tient au milieu de l'autel pour marquer que le Christ fut médiateur entre nous et Dieu (x dist.), et c'est par sa médiation que nous avons fait la paix avec Dieu. Le chœur, qui répond en chantant, représente cette multitude

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ont parle l'Evangile : ce Au même instant il se joignit à l'Ange une grande troupe de l'armée céleste, louant Dieu et disant: Gloire à Dieu au plus haut des deux, et paix sur la terre

aux hommes qui veulent le bien, etc. » [De consec, dist. i,

(octe). Cet hymne n'est pas tant celui des anges que celui des Lommes se félicitant entre eux de ce que la femme qui avait •erdu sa dixième drachme et qui avait allumé sa lampe pour a chercher l'avait trouvée, et de ce que le berger ayant bandonné ses quatre-vingt-dix-neuf brebis dans le désert ve- lait d'arriver pour chercher la centième, qui s'était égarée.

II. Or, avant la naissance du Christ il y avait trois murailles ['inimitiés : la première , entre Dieu et les hommes ; la secon- ie , entre l'ange et l'homme ; la troisième , entre l'homme et 'homme. L'homme, en effet, par sa désobéissance avait offensé e Créateur, et par sa chute avait empêché la restauration des an- jes, enfin par ses diverses religions il s'était séparé de l'hom- ne. Le Juif avait ses cérémonies, le Gentil exerçait l'idolâtrie ; nais notre paix est venue, elle a fait un seul peuple des deux, et i détruit ces trois murailles. Elle a enlevé le péché et réconcilié 'homme à Dieu; elle a réparé la chute et réconcilié l'homme xvec l'ange ; elle a détruit les divers cultes et réconcilié l'homme avec l'homme, a Le Christ a donc, selon l'Apôtre, restauré tout (( ce qui est dans les cieux et tout ce qui est sur la terre ; » et voi- là pourquoi cette grande troupe de la milice céleste chantait : (( Gloire à Dieu dans les hauteurs des cieux î » qui sont les an- ges, lesquels n'ont jamais péché et ont toujours été d'accord avec Dieu. Et, sur la terre, la paix a été donnée par le Christ aux hommes, c'est-à-dire aux Juifs et aux Gentils de bonne volonté, qui jusqu'à la naissance du Christ avaient été en désaccord avec Dieu et avec les anges, à cause de leurs péchés. Voilà aussi pourquoi l'Ange parle aux bergers et se réjouit avec eux, parce que la paix s'est reformée entre les anges et les hommes. Un Dieu-homme naît, parce que la paix est rétablie entre Dieu et l'homme ; il naît dans la mangeoire du bœuf et de l'âne, par-

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ce que la paix a été réparée entre les hommes et les hommes Le hœuf représente le peuple juif, l'âne les Gentils, selon cett( parole : a Tu ne laboureras pas avec le bœuf et Tâne^ » c'est- à-dire le Juif et le Gentil. Et ailleurs : « Le bœuf connaît sor a maître , et l'âne la mangeoire de son possesseur. »

III. Et l'on chante donc cet hymne, parce que les hommeji vénèrent sur la terre Celui que les anges vénèrent dans les cieux. Ces paroles: Gloria in excelsis, etc., représentent la tristesse des anciens patriarches, qui attendaient depuis si long- temps l'incarnation du Seigneur (Esa.^ xxvni : Expectate Deum, etc.) , et l'on chante aussi Allelu-ia, parce qu'ils espé- raient en un libérateur ; ce qui a fait dire au Psalmistc : a Ils a ont espéré, et tu les as délivrés. » Cette hymne marque aussi l'espoir que l'Eglise nourrit de chanter avec les anges, d'où vieni que déjà elle leur emprunte leur cantique. Vient la phrase : Laudamus te, ce Nous te louons , » c'est-à-dire nous louons tej œuvres ineffables en les prêchant au monde.

lY. Ces paroles et les suivantes sont , comme on le croit, l'œuvre du bienheureux Hilaire de Poitiers. Anciennement or ne disait à la messe que les paroles rapportées par l'Evangile : Gloria in excelsis... honœ voluntatis Cependant Innocent III dil que ces paroles ont été ajoutées parle pape Télesphore. D'au- tres les attribuent au pape Symmaque.

V. Le pape Symmaque établit que, tant les dimanches qu'aux fêtes des martyrs , le Gloria in excelsis serait chanté à la messe, parce qu'il rappelle que les saints ont été associés s la gloire des anges par la résurrection du Seigneur. On le chante aussi aux fêtes des apôtres et des confesseurs en l'hon- neur de qui une église est dédiée _, et généralement aux fêtes qui nous représentent la fête éternelle du ciel. Mais dans les jours de deuil et de jeûnes on ne dit pas le Gloria ^ excepte aux deux samedis solennisés par des ordinations particulières, selon cette parole : « Chantez au Seigneur un cantique non- ce veau, » comme on l'a dit dans la préface de cette partie.

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Le pape Télesphore, déjà nommé, recommanda de chanter ie Gloria à la messe de la nuit de la naissance du Seigneur, ju'il institua. Il y en a qui disent qu'il ne faut chanter la messe qu'à l'heure de tierce , parce ce fut alors que l'Esprit 5aint descendit sur les apôtres et les remplit de gloire et d'al-

legresse.

VI. Innocent III établit que quand, les jours ouvrables, on célèbre une solennité en l'honneur de la bienheureuse Vierge, )u de l'Esprit saint, ou de la sainte Croix, on ne doit dire ni 'hymne angélique, ni le symbole, ni même le Te Deum lau- îamus, à laudes et à matines. Dans l'Avent ou à la Septua- ^ésime, on ne chante pas le Gloria ^ comme on le dira dans a sixième partie et au chapitre de la Semaine de Pâques.

VII. Cependant l'évêque de Bethléem, par suite d'un abus ex ahusu), chante le Gloria in excelsis tous les jours, à toutes es messes, même des morts ^ parce que, au témoignage de saint] Luc lui-même , cet hymne fut d'abord chanté dans le 3ays qui environne Bethléem.

CHAPITRE XIV.

LE CÉLÉBRANT SALUE LE PEUPLE.

I. L'hymne angélique étant terminé, le prêtre se tourne i^ers le peuple et le salue, en disant : Dominus vobiscum, « Que e Seigneur soit avec vous ; » paroles tirées du livre de Ruth, chapitre ii. On y lit que c'est ainsi que Booz salua ses mois- sonneurs ; et le Prophète (dans les Paralipomènes), le roiAsa ît tous ceux qui étaient avec lui ; et l'Ange , en saluant Gédéon, ui dit : c( Que le Seigneur soit avec toi. » Booz, qui épousa ?{uth la Moabite, exprima une des figures du Sauveur. Ce

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salut marque celui que le Christ fit aux apôtres après la résur^- rection, et on en parlera dans la cinquième partie, au chapitre de Prime.

II. Le prêtre fait précéder toutes les oraisons de la messe de ce salut : Dominus vohiscum, excepté celles qu'on dit avant les prophéties ou les prières que l'on fait sur le peuple en Carême ; il ne fait pas non plus ce salut avant les oraisons qui suivent immédiatement la première oraison, et dans celles que l'on dit le Vendredi saint. Mais ce jour-là on ne dit pas la messe, quoique le prêtre communie. Or, comme par ce salut on souhaite que le Seigneur soit avec le peuple , qui est en lui par l'Esprit de grâce aux sept manifestations, voilà pourquoi l'Eglise a établi qu'on saluerait sept fois seulement le peuple à la messe , comme on va le dire dans un moment. C'est aussi pourquoi , dans les oraisons énumérées plus haut , on ne fait ce salut qu'une fois.

III. On fait cependant précéder les autres oraisons d'une ex- hortation à l'humilité, par ces mots : Flectamus genua, a Piè- ce chissons les genoux ; » ou par ceux-ci : Humiliale capita vestra Deo, a Humihez vos fronts devant Dieu ; » parce que la prière qui doit être unie au jeûne pour chasser un démon violent n'a de valeur qu'autant que l'humilité la précède.

IV. Dans les jours de jeûnes , l'Eglise figure le temps de la captivité de Babylone. Donc, c'est avec raison que le prêtre ne salue pas le peuple, puisqu'en effet il est absent, et ne se tourne pas vers lui ; mais il commence comme s'il était seul, en disant : Oremus^ « Prions ». Il insinue par là qu'il faut prier pour lui ; et, parce que l'oraison doit être faite avec force, il ajoute aussitôt : Flectamus yenua , ou bien : Humiliate capi- ta vestra Deo. Cela représente encore le temps de la passion du Seigneur, qui commença surtout après la cène qu'il fit avec ses disciples ; et, comme pendant ce temps-là le Seigneur ne salua pas ses disciples, mais les exhorta plusieurs fois à prier^ c'est pourquoi le prêtre ne salue pas alors le peuple, mais lui

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donne le conseil de prier. Et parce qu'en ce temps-là le Christ fléchit les genoux pour prier, c'est pourquoi le prêtre invite aussitôt les fidèles à s'agenouiller. Il dit : Flectamus germa , en la personne de tous les fidèles de la terre , comme étant en quelque sorte le délégué qui les représente tous en soi-même ; et c'est pourquoi il parle à la première personne , s'excitant lui- même et excitant tous les autres à prier humblement et dévo- tement ; mais bientôt il se relève dans la personne d'un autre que lui , dans la personne même du Christ , dont il est le type en célébrant la messe , et alors il parle à la seconde personne et avec un chant tout autre, comme si le Christ lui-même di- sait : (( Levez-vous, car je vois votre foi et votre dévotion; » et alors le prêtre parle ou prie au nom de tous. On dira dans la sixième partie , à l'article de la Quatrième Férié , en tête des Jeûnes, ce que signifient les collectes que l'on dit après la for- mule Flectamus genua, et celle Humiliate capita vestra Deo. Les autres jours, l'Eglise représente le temps d'allégresse et d'abondance qui commença principalement après la résurrec- tion du Christ, et alors le prêtre, qui représente le Christ, sa- lue le peuple, comme il a été dit plus haut, parce que le Sei- gneur salua ses disciples après la résurrection. Le prêtre fait précéder ses oraisons de Dominus vohiscum, pour rendre le peuple attentif, et pour qu'il élève son esprit à Dieu et s'unisse à lui par une active intention. Le sens de : « Que le Seigneur <( soit avec vous » est celui-ci : ce Que le Seigneur habite en « vous, et vous récompense par le prix de la vie éternelle; <( qu'il accorde à vos demandes l'effet ou la grâce que vous «implorez de lui, et la persévérance dans cette grâce même. » V. Le chœur et le peuple répondent : Et cum spiritu tuo, <( Et avec ton esprit; » ce qui est tiré de la seconde épître à Timothée, vers la fin_, où l'Apôtre lui dit : « Que le Seigneur c( Jésus-Christ soit avec ton esprit. » Les salutations de cette sorte montrent que le prêtre et le peuple doivent être unis dans une seule et même affection, dans un désir unique. Voici le Tome IL 6

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sens de El cum spiritii tuo : a Tu vas prier le Seigneur pour « nous, et, parce que le Seigneur Dieu n'approuve et n'exauce (( que les prières qui procèdent d'un bon cœur, nous prions « aussi pour toi, afin que Celui sans qui il n'y a aucun bien « soit avec ton esprit; afin que ce qui est dans ta bouche passe « dans ton cœur, et demeure en toi. » Alors cesse l'hésitation de ceux qui demandent , car le peuple répond : « Et avec ton « esprit, » au souhait que le prêtre a fait pour lui, que le Sei- gneur soit avec lui, en disant : Dominus vabiscum, non-seule- ment en esprit, mais aussi corporellcment ; car tel est le désir que forme le peuple par sa réponse , comme on l'a vu plus haut. On peut dire encore que par cette réponse le peuple se joint seulement au sacrifice auquel procède le prêtre, et dans la per- pétration duquel il doit s'élever totalement au-dessus de la terre en esprit, et se débarrasser entièrement de tout lien terrestre. Après que le chœur a répondu, le prêtre se retourne devant l'autel, savoir, à l'orient, comme on le dira dans la préface de la cinquième partie; et, comme se confiant peu en sa propre bonté , il s'unit l'Eglise universelle, en disant^ comme le délé- gué de tous les fidèles : OremuSy « Prions, » c'est-à-dire : « Priez a tous avec moi, afin que nous obtenions plus tôt ce que nous « demandons , parce qu'il est impossible que la multitude ne (( soit pas exaucée. » Puis il dit l'oraison ; donc, en disant Ore- mus il exhorte les autres à prier^ parce que le Christ même a averti ses disciples de prier, en disant : (( Priez, pour ne pas « être tentés ; » et ensuite il prie, parce qu'après avoir dit les paroles précitées, le Christ pria. Le Christ agit et enseigna. La formule Oremm nous vient des anciens, qui la disaient pour s'inviter mutuellement à prier en commun. Le prêtre dit Ore- mus, en se tenant debout devant le milieu de l'autel, pour les raisons établies dans le précédent chapitre. La prière qu'il prononce signifie l'indulgence que le Seigneur a promise ; et ensuite il passe à la droite 3e l'autel , comme on le dira dans le chapitre suivant.

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VI. L'oraison étant terminée, le chœur répond : Amen. C'est un mot hébreu qui veut dire : « Que cela soit^ qu'il soit « selon ta prière , » ou « Que ta prière soit heureuse , qu'elle « soit exaucée. » Il est pris de l'Apocalypse, chapitre x. [Saint] Ambroise explique Amen par « C'est vrai;, que l'effet réalise ce « que demande la parole » [De consec, à. ii^ Rêvera ^ in fin. ; XXXVIII, d. SedulOf III, q. v) ; et ce mot s'emploie parfois pour dire : « Vraiment, c'est vrai, en vérité, » comme ici : « En « vérité [amen), en vérité, je vous le dis )) (Extra De jure jur.^ et Si Christus), comme on le dira au chapitre de l'Oraison. Et remarque que cette salutation préalable : Dominus vahiscum, s'adresse aux prêtres d'un ordre inférieur^ moins parfaits et ignorants. L'évêque ou son supérieur, qui doit être parfait, et qui porte gravée la ressemblance du Christ , pour se montrer son vicaire , lorsqu'il s'apprête à prier pour la première fois se sert de cette parole du Seigneur (Joan.^ xx) : « Paix à vous. »

VII. Ce fut la première parole du Seigneur à ses disciples, quand il leur apparut après la résurrection, comme s'il leur di- sait : « A présent, que la paix du temps vous soit donnée , et <c dans l'avenir vous recevrez celle de l'éternité. » Sur ces deux paix^ voyez [saint] Jean, chapitre xiii : « Je vous laisse la paix, « je vous donne ma paix. » Joseph se servit de cette expression en parlant à ses frères. Ensuite l'évêque dit, comme les au- tres prêtres : Dominus vohiscum^ pour montrer qu'il est un d'eux (xcv, à. Olim^ et c. seq. in fin.). Et il faut remarquer que l'on ne dit Pax vohis que quand on chante le Gloria in excelsiSy et cela parce qu'il y a une correspondance avec cette phrase : Et in terra pax hominihus honœ voluntatis. En outre, cette salutation ayant été faite par le Christ à ses disciples dans un temps de joie et d'allégresse, c'est-à-dire après la résurrec- tion, elle doit correspondre au cantique d'allégresse Gloria in excelsis. 11 y en a aussi qui disent que le pontife, célébrant so- lennellement aux jours où l'on dit le Gloria in excelsis^ repré- sente le Christ après sa résurrection ou la joie de la résurrec-

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tion, temps auquel le Christ salua souvent ainsi ses disciples; et c'est pour l'imiter (jue le pontife dit Pax vohis dans les pre-' miers jours de la semaine de Pâques. Aux messes qu'il dit les autres jours ou dans les autres temps, ou qui sont dites par ses inférieurs, on figure la passion du Christ, et il convient d'y ré- pandre les gémissements et l'affliction. C'est pourquoi l'on n'y dit pas Pax vohis, pour ne pas mêler la joie avec la douleur. On peut dire encore que la paix a été faite par le Christ entre Dieu et l'homme, et entre les anges et les hommes, ce que dé- clara l'Ange quand, à la nativité du Christ, il chanta : « Gloire ce à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hom- « mes. » Or, c'est le Christ qui a proclamé la paix entre Dieu et les hommes, quand , après la résurrection , il a dit aux apô- tres : c( Paix à vous. » Ces choses sont figurées dans la messe : Premièrement, par quel prêtre que ce soit qui peut chanter Gloria in excelsis y en figurant ainsi l'Ange. Deuxièmement, par l'évêque , qui seul dit : ce Paix à vous , » figurant ainsi le Christ, qui, dans la personne de l'Eglise, dit aux apôtres : ce Paix à vous. » Et l'évêque, quand il célèbre solennellement, dit ces deux paroles, parce qu'il représente à la fois le Christ et l'Ange. 11 est vicaire plus particulier du Christ que le simple prêtre, parce que, lorsqu'il omet l'office de l'Ange aux époques où les cantiques d'allégresse, tels que le Te Deum laudamus et le Gloria in excelsis se taisent un peu, il omet aussi l'office du Christ, en ne disant pas : ce Paix à vous , » mais : ce Que le Sei- ce gneur soit avec vous, » comme le simple prêtre. Or, l'évê- que, qui représente le Christ et l'Ange, n'annonce pas une paix sans l'autre. Il en est de même pour Vite missa est^ qu'on ne dit qu'autant qu'on chante le Gloria in excelsis.

VIII. Le diacre ne dit pas Dominus vohiscum aux heures, parce qu'il n'est pas la figure du Christ^ qui, par la bouche de Booz, employa ce salut , comme le prêtre l'emploie en la per- sonne du Christ. Cependant, lorsqu'il lit l'évangile il dit ce salut, parce qu'alors il rempUt l'office de prédicateur , et, en

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cette qualité , annonce la doctrine promulguée par le Christ même immédiatement ; et il fait aussi ce salut en bénissant le cierge pascal , parce qu'alors il représente la résurrection du Christ. 11 y en a cependant qui disent que dans les divins of- fices qu'on est tenu de dire , on peut licitement faire ce salut, car on ne lit pas que cela soit défendu. Cette opinion est con- tredite par l'usage général de l'Eglise, puisqu'ils se reconnais- sent inférieurs aux prêtres.

ÏX. Et il est à remarquer que le peuple est salué sept fois pendant la messe , afin qu'excluant les sept péchés capitaux de son cœur, il reçoive la grâce aux sept formes; car le mystère de la messe se rapporte aux sept dons de l'Esprit saint : Pre- mièrement, au commencement même de la messe, avant la collecte. Deuxièmement, avant l'évangile. Troisièmement, après l'évangile ou après le symbole, savoir, avant l'ofFer- toire. Quatrièmement^ avant la préface, quand le prêtre dit : (c Dans tous les siècles des siècles , » et ensuite : ce Le Seigneur « soit avec vous. » Cinquièmement, avant le baiser de paix, quand il dit : « Que la paix du Seigneur soit toujours avec « vous. )) Sixièmement, avant la première postcôminunion. Septièmement, quand le neume est terminé^ après la commu- nion. Par le premier salut on entend l'esprit de sagesse , parce que la science est entrée en ce monde pour nous sauver. Le second figure l'esprit d'intelligence^ parce qu'il a prêché pour nous instruire. Le troisième, c'est l'esprit de conseil : c'est par un secret dessein de Dieu que le Christ s'est soumis à la passion pour nous racheter. Le quatrième, c'est l'esprit de force, parce que, suspendu à la croix, le Christ a combattu le diable pour nous racheter. Le cinquième, c'est l'esprit de science, parce qu'étant ressuscité, il a salué ses disciples et leur a ouvert l'esprit pour qu'ils nous instruisissent. Le sixième est l'esprit de miséricorde , parce que par la seule miséricorde il a élevé au plus haut des cieux l'humaine nature pour nous exalter. Le sep- tième, c'est l'esprit de crainte , parce que les anges tremble-

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ront quand il viendra nous juger pour nous glorifier. Au reste, à chaque salut la messe prend un autre caractère , et d'une partie passe à l'autre. C'est pourquoi on met en tête de chacune de ces parties un salut; car, lorsque nous entrons pour la pre- mière fois dans une corporation d'ouvriers, nous avons cou- tume de leur donner la bien -venue [salutaire eos), et c'est d'a- près ce principe qu'il y a huit parties dans la messe. Le prêtre salue le peuple une huitième fois, comme le veulent quelques- uns, savoir, après l'offertoire et avant la secrète (secretellam) ; car, au moment où il se tourne vers le peuple pour dire Orate, fratres^ etc., il doit prononcer tout bas le Dominus vohiscum. X. Mais quoique, selon la règle ordinaire, nous présentions notre figure à ceux que nous saluons, pourtant le prêtre ne se tourne vers le peuple qu'en cinq des saints précités. Car dans le salut qui précède l'évangile il ne se tourne pas, parce qu'il s'emploie tout entier à annoncer la parole de Dieu ; il ne se tourne pas non plus en faisant le salut qui est avant la pré- face, parce que toute son attention est absorbée dans l'offrande du sacrifice ; il ne se tourne pas non plus en faisant le salut qui précède le baiser de paix, parce qu'il tient le corps du Christ entre ses mains, et qu'il a élevé son cœur vers Dieu. Et il est tout-à-fait attentif à manier ce corps divin avec révé- rence; car tout homme qui, ayant la main à la charrue, re- garde en arrière, n'est pas digne du royaume de Dieu (Extra De vo. magnœ). En outre, le cinquième salut que le prêtre fait au peuple , en disant : Dominus vohiscum , et en se tournant vers lui, symbolise les cinq apparitions du Christ à ses disciples au jour de sa résurrection. La première, à Marie-Madeleine (saint Jean , xx, et saint Mathieu, à la fin). La seconde, à la même et aux autres femmes, lorsqu'elles s'en revenaient du sépulcre, quand il leur dit : « Salut » (saint Mathieu, à la fin). La troisième, à Pierre. La quatrième, aux deux disciples qui allaient à Emmaûs. La cinquième, dans la maison aux dix dis- ciples, en l'absence de [saint] Thomas (saint Jean, xx). Mais,

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comme une de ces apparitions ne fut pas manifeste, savoir, quand il se montra d'abord à Marie-Madeleine , ou , selon les autres, à Pierre ; comme on ne sait ni quand, ni en quel en- droit, Yoilà pourquoi le prêtre, au moment de dire, avant la secrète : Orate, fratre^y dit d'abord tout bas : Dominus vohis- cum; mais il dit hautement, comme le Christ aux apôtres : Or aie, « Priez, afin de ne pas être tentés. » Il y a eu encore d'autres apparitions dont nous ne dirons rien maintenant.

Xi. Il ne faut pas omettre aussi de remarquer que le prêtre se tourne toujours vers le peuple, en appuyant sur la droite, et qu'il se retourne de la même manière vers l'autel, comme si, en agissant ainsi, il disait : a La droite du Seigneur a fait écla- « ter sa puissance ; la droite du Seigneur m'a élevé ; la droite <c du Seigneur a fait éclater sa puissance. » Secondement, c'est pour désigner que dans le sépulcre du Seigneur l'Ange était assis à droite. Troisièmement, afin que, parla, le prêtre fasse entendre qu'il a une droite et profonde intention , pour lui et pour le peuple , d'arriver à la céleste patrie , que symbo- lise le côté droit, selon cette parole du Cantique des cantiques : tt II m'embrassera avec sa main droite. » Quatrièmement, parce qu'en se tournant pour saluer le peuple , et en se retournant pour dire : « Prions, » il s'exhorte, autant lui que le peuple, à prier. Et sa prière doit être faite en vue des biens éternels, figurés par le côté droit, d'où vient qu'il est dit que le Christ est assis à la droite du Père. C'est donc à juste titre que le prêtre se tourne et se retourne du côté droit; car il porte en lui l'i- mage du Christ, qui est parfait dans les saints et les prières qui se font à droite. Mais cependant, après avoir dit : Orate, fra- treSy etc., le prêtre se retourne du côté gauche, selon cette pa- role du Psalmiste : « J'ai fait plusieurs tours , et j'ai immolé <c dans son tabernacle une hostie, etc. » Donc, lorsqu'il se prépare à consommer le sacrifice^ il fait un tour, et se tourne alors vers le côté gauche , qui est plus imparfait et plus faible, pour marquer l'imperfection de tout prêtre, le Christ seul

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excepté. C'est aussi parce qu'en disant les paroles précitées il supplie comme un homme imparfait et pécheur, et manquant du secours qu'ont les autres, à qui il demande ce secours ou le bienfait de leur prière. Deuxièmement, il se retourne encore alors à gauche, pour marquer, par ce mouvement, la tris- tesse de la passion du Christ, qu'il s'applique aussitôt à repré- senter. Or, le côté gauche figure bien la tristesse, selon cette parole de l'Apôtre : a A droite et à gauche , par la gloire et « l'ignominie, par l'infamie et la bonne renommée. » Ces tours et retours doivent se faire devant le milieu de l'autel, se- lon cette parole : ce La Sagesse lui a ouvert la bouche au milieu ce de l'assemblée, etc. » Ces mouvements nous rappellent que notre Rédempteur , selon Salomon , a brisé son corps par la charité qui y résidait [média), à cause des filles de Jérusalem. Et remarque qu'il y a des prêtres qui, après avoir dit Domi- nus vohiscum en se tournant de l'autel vers le peuple, disent ' Oremus en se tenant au milieu de l'autel, insinuant par là qu'ils sont en un lieu manifeste et où il convient au peuple de prier, c'est-à-dire au milieu de l'autel, parce que le peuple doit faire monter ses prières à Dieu du milieu de son cœur. D'au- tres, au contraire , disent Oremus au côté droit de l'autel , oii ils doivent réciter l'oraison, afin qu'ainsi, entre le symbole et la prière, aucune action ne vienne s'interposer, et afin que le symbole parte de l'endroit même où doit s'exécuter la prière, et où il convient que le peuple dirige son intention en priant.

CHAPITRE XV.

DE L'ORAISON OU COLLECTE.

I. Après avoir dit la salutation, on récite des oraisons, parce que toute notre prière, commençant par Dieu, doit se terminer à lui comme un cercle ; et c'est pourquoi la messe commence

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par une oraison et se termine par une action de grâces. C'est ici le lieu de voir qui doit dire les oraisons, comment et pour quelles personnes ou quelles choses on doit prier, ce que c'est que la prière, et quand, où et de quel côté on doit dire les orai- sons. Il nous faut parler du changement du prêtre d'une par- tie de l'autel à l'autre, d'oii vient le nom à' oraisons ^ et quelle est leur origine, comment on doit entendre leurs termes, com- ment elles se terminent, pourquoi on les appelle collectes ^ quelles sont les oraisons et en quel nombre on doit en dire , quels sont ceux qui les ont imaginées, commment le pontife ou le prêtre doit se tenir en les disant.

II. Touchant la première question, ainsi formulée ; Qui doit dire les oraisons? il est à remarquer que les prêtres , qui sont les médiateurs entre Dieu et le peuple , disent seulement celle par laquelle le peuple se met immédiatement en rapport avec Dieu. Parmi ces prières, certaines sont récitées publiquement, qui s'appliquent à tout le peuple, que le prêtre seul, comme représentant du peuple, offre à Dieu ; ce sont, par exemple, les prières et les actions de grâces. Il est certaines prières qui ont trait seulement au saint ministère , telles que les consécrations et oraisons de ce genre que le prêtre fait pour le peuple , sans cependant prier dans la personne du peuple ; et dans toutes ses prières il commence par Dominus vohiscum , afin que l'esprit du peuple s'unisse à Dieu, et parce que le peuple, dans ces prières qui se rapportent à Dieu , a pour guide et pour chef le prêtre : voilà pourquoi à la fin de chacune de ses prières le peuple donne son assentiment, en répondant : Amen^ comme cri le dira tout-à-l'heure , parce que toute oraison se termine à voix haute, lors même qu'elle serait faite en particulier.

III. On doit prier en peu de mots et non avec une grande abondance de phrases, comme on le dira bientôt (xiid., Omnia; xuii d., Sit rector.y prope fin.). D'oii vient que les Grecs prient peu et souvent, mais c'est avec larmes et le cœur pur; non en élevant la voix et jetant des cris; mais c'est avec une ferme in-

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tention et componction qu'il faut que nous soyons en présence de la divine majesté et des anges, afin que notre esprit soit à Tunisson de nos paroles, selon cette parole du Psalmiste : «Le c( Seigneur a exauce la voix de mes larmes ; » et encore : « Un (( esprit brisé de douleur est un sacrifice digne de Dieu , etc. » La prière doit aussi être dévote, car on doit supplier avec dé- votion le Créateur de toutes choses. Et pendant que le prêtre dit à voix haute l'oraison, les assistants ne doivent pas la réci- ter, mais la suivre attentivement et y répondre :Amen. Pour qui ou pourquoi doit-on prier? On dira cela dans la sixième par- tie, au chapitre du Vendredi saint. Qu'est-ce que la prière; à quelle heure et en quel lieu les Heures canoniales doivent- elles être dites, et de quel côté doit^on prier? On répondra à toutes ces questions dans la préface de la cinquième partie. Que signifie l'oraison qu'on dit avant l'épître? On le saura au chapitre où l'on parle de la manière dont s'asseoit le pontife. Or, pendant que le prêtre prie, il se tient à la droite de l'autel, selon cette parole de l'Exode : ce Aaron priera une fois l'an sur (( les cornes de l'autel , et cette expiation continuera toujours « parmi vous de race en race. » Cette position du prêtre à la droite de l'autel figure ce qui avait été prophétisé, savoir, que Dieu viendrait du côté du midi. Car le Christ a enseigné les Juifs, vers qui il avait été envoyé par son Père, parce que le ' côté droit figure les Juifs et le côté gauche les Gentils ; et comme l'allégresse est symbolisée par la droite , et la tristesse par la ( gauche , voilà pourquoi le prêtre va d'abord au côté droit de l'autel, pour montrer la joie que causa au monde la naissance du Seigneur. Ensuite , quand il va dire l'évangile il se tourne du côté gauche, pour marquer la tristesse de la passion. Mais il revient encore à droite, pour annoncer la joie de la résurrec- tion ; on parlera autrement de cela au chapitre du Changement de Place du prêtre. Et quand le pontife romain va prier, il se rend à son siège, élevé derrière l'autel ; et pour ce qui est d'un autre évêque, il monte au coin de l'autel, et, s'y tenant debout,

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prononce la collecte^ qu'il lit dans le livre ouvert ; et ensuite il ^a s'asseoir, parce que, comme l'atteste l'évangéliste , Jésus itaiit venu à Nazareth, où il avait été élevé, il entra, selon sa

outume, le jour du sabbat, dans la synagogue , et il se leva

pour lire. On lui présenta le livre du prophète Isaïe, et, l'ayant 3uvert, il trouva le lieu où ces paroles étaient écrites : « L'es- c( prit du Seigneur s'est reposé sur moi; c'est pourquoi il m'a c( consacré par son onction ; » et, ayant fermé le livre , il le rendit au ministre et s'assit. Le pcntife, s'étant assis à côté de ['autel, y demeure jusqu'à ce qu'on chante l'offertoire, comme 3n l'a dit au chapitre qui a pour titre : Comment l'Evêque ou ie Prêtre et ses Ministres doivent se tenir devant l'autel.

IV. Voyons maintenant, en poursuivant, d'où l'oraison tire îon nom, et d'où les oraisons ont pris leur source. Oraison vient ie orare, prier ; en effet, c'est par la prière que le peuple de- mande les biens du corps et de l'ame. Car, quoique Dieu sache

e dont nous avons besoin, nous devons cependant prier, comme

3n le dira à l'article de l'Oraison dominicale; or, le prêtre prie pour les bons, afin de les inviter à s'approcher de Dieu, et pour [es méchants, afin qu'ils s'éloignent de sa face. Dans l' Apoca- lypse, les prières sont désignées par la fumée des parfums qui monta des mains de l'Ange en la présence du Seigneur. Le Christ vraiment fait homme s'est livré pour nous à la passion, en disant : « Tu n'as point demandé d'holocauste ni de sacri- (c fice pour le péché, et j'ai dit alors : Me voici, je viens. » Le Christ priait toujours pour nous , parce que, selon l'Apôtre, (( il a été exaucé en toutes choses, à cause de son humble res- « pect pour son Père. »

V. Voyons comment on doit entendre les termes des prières. Or, ce que disent certains livres peut servir à cette intelli- gence ; et la prière , qui s'adresse au Saint par excellence , et qui est toute à sa gloire et à son honneur, a pour objet de le faire glorifier de plus en plus par les infidèles , et de le faire honorer par eux sur la terre (Extra De celeh. mis. cum Mar-

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thœ^ prope fin.). El, comme les saints sont parfaitement heu- reux, et que tout, dans les cieux, se rend à leur désir, ils n'ont pas besoin que nous priions pour eux. Ce serait même faire in- jure à un martyr que de prier pour lui, quoique plusieurs au- teurs pensent que la gloire des saints peut, par ces prières, être accrue jusqu'au jour du jugement; et c'est pourquoi l'on sou- haite, à juste titre, que l'Eglise s'efforce d'augmenter leur gloire. En ajoutant, à la fin de l'oraison, la formule : « Par « notre Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, » on marque ce que le Christ lui-môme dit dans l'Evangile : « Quoi que vous « demandiez à mon Père en mon nom, cela vous sera ac- « cordé. » Le prôire prie Dieu le Père, afin que, par son Fils, qui est également notre Seigneur, comme son Père, sa prière soit exaucée.

VI. C'est pourquoi toute prière, en général, est adressée au Père et se termine au nom du Fils. Nous ne pouvons, en effet, arriver aux bienfaits éternels de Dieu par une voie autre que lui, qui est le médiateur de Dieu et des hommes, homme lui-même. Christ Jésus (x d., Quoniam) ; de même que, par le moyen d'un cristal, on met le feu à un combustible placé loin du soleil (a). Cet usage de terminer les oraisons en invoquant le nom du Christ est pris de l'épître aux Romains, oii il est dit : « Nous nous glorifierons en Dieu par notre Seigneur Jésus- ce Christ. » Le Christ a dit : « Personne ne vient à mon Père (( que par moi. » Et ailleurs : a Si vous demandez quelque (c chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera. »

VII. Et remarque que Jésus est proprement le nom du (Christ, comme on l'a dit dans la préface de la seconde partie. Ce qui

(a) Sicut per mediantem crystallura mittitur ignis in escam superpositam a sole longinquo. — Allusion au miroir ardent d'Arohimèdc, et dont cet homme illustre se servit pour détruire successivement la flotte des Romains. Les expé- riences de Bufîon ont rendu à cette découverte, dans le XVIIle siècle, tout l'honneur qu'elle méritait et la croyance qui lui était refusée. Il paraîtrait qu'au XlIIe siècle on avait renouvelé la découverte d'Archimède ; mais l'appliquait- on à la guerre ? c'est ce que nous ignorons jusqu'à présent.

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[lit, c'est-à-dire la formule : (c Qui vit et règne avec toi dans

l'unité de l'Esprit saint, etc., » peut s'interpréter ainsi :

Dans l'unité de l'Esprit saint , » c'est-à-dire qui ne forme

u'un avec l'Esprit saint, car le Père, le Fils et l'Esprit saint

Dnt un ; ou : « Dans l'unité de l'Esprit saint, » c'est-à-dire dans

Esprit saint, qui est l'union du Père et du Fils , l'amour et la

onnexion de l'un et de l'autre. On peut encore expliquer de

i manière suivante les paroles précitées : «Par notre Seigneur

Jésus-Christ, etc., » en leur donnant ce sens : « Père!

exauce-nous par ton Fils , qui le veut et le peut ; il le veut,

parce qu'il a la vie ; il le peut, parce qu'il est roi ; il vit, dis-je,

et règne avec toi dans l'unité de l'Esprit saint, et il vit et

règne non comme un tyran plein de l'esprit d'iniquité, mais

il vit et règne comme un Dieu plein de l'esprit de bonté. »

e qui suit : « Dans tous les siècles des siècles , » peut s'en-

îiidre , ou bien consécutivement, ou bien personnellement

onsecutive , vel antonomastice ) ; consécutivement , comme

les générations des générations, » et comme si le prêtre di-

lit : « Dans tous les siècles des siècles qui se succéderont l'un

à l'autre. »

VIII. On dit, en effet, les siècles [seculâ], parce qu'ils suivent juia sequuntur)y car lorsque l'un finit, l'autre suit. On em- loie cette formule personnellement , comme dans le Cantique es cantiques , et en voici le sens : ce De même qu'avant tous

les siècles le Fils, avec le Père, dans l'unité de l'Esprit saint, vit et a vécu dans la divinité , ainsi il vit à présent et dans l'avenir, où les justes habiteront éternellement avec les an- ges, et les méchants seront torturés avec les diables. » On roit également qu'il vit avec le Père et l'Esprit saint, et que îur union, qui est sans bornes, n'aura jamais de fin.

IX. Suit : Amen, qui est un terme de souhait ou d'affirma- on , qui montre le désir ou le consentement , comme on l'a it ci-devant. En effet, le peuple donne son assentiment aux aroles du prêtre, qui vient de dire : ce Dans tous les siècles

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« des siècles. » Il donne son assentiment à ces mots, parce que le siècle a été créé par le Christ. D'où vient qu'à la fin des psaumes oii nous disons : Fiat^ ftat^ l'hébreu dit : Amen^ amen* Et le Christ, dans l'Evangile^ dit souvent : Amen y amen^ ou : « Je vous le dis^ en vérité. » Cette formule se rapporte donc bien à la forme de l'oraison pour qu'il arrive ce qu'on demande; ou bien elle est une sorte de conclusion, pour affirmer ce qui vient d'être dit : par exemple, quand le prêtre dit, en priant : (c Accorde-nous, nous t'en supplions^ Seigneur, le salut de c( l'ame et du corps, » le peuple répond : Amen, c'est-à-dire ; « Que cela arrive, fiât ; » et quand le prêtre conclut en ces termes : « Qui avec toi vit et règne dans l'unité de l'Esprit « saint, étant Dieu. Dans tous les siècles des siècles, » le peu-: pie répond avec affirmation : Amen, c'est-à-dire : « C'est vrai. y> Amen, c'est vérité; et dans l'Apocalypse, Jean, ce témoin fidèle, dit Amen dans ce sens. On a parlé de cela dans le pr^] cèdent Traité.

X. Pour ce qui est de la terminaison des collectes , il est à remarquer qu'on y adresse quelquefois la parole au Père, quelquefois au Fils, quelquefois à l'Esprit saint, et parfois à toute la Trinité. Si l'on adresse la parole au Père seul, sans faire mention du Fils ni de l'Eprit saint , alors on dira en ter- minant : c( Par notre Seigneur Jésus-Christ, ton Fils, qui avec « toi vit et règne dans l'unité de l'Esprit saint, étant Dieu. (( Dans tous les siècles des siècles, » sans dire « par le même » et « du même » [jper eumdem et ejusdem), comme dans cette oraison : Protector in te sperantium^ etc. Mais si l'on fait men- tion du F'ûs ou de TEsprit saint, on place cette mention soit avant la fin ou à la fin de l'oraison. Si, par contraire , on s'a- dresse au Père, en faisant mention du Fils avant de terminer, alors on dit à la fin : Per eumdem Dominum nostrum^ etc.,| comme dans cette oraison : Deus^qui deheatœMariœvirginis^^ etc. Si c'est à la fin, alors on ajoute immédiatement : qui te^ cum^ sans j5er eumdem et ejusdem^ comme dans cette collecte

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de saint Etienne : Omnipotens sèmpiterne Deus , qui primitias martyrum , et dans cette autre : Deiis qui salutis œternœ; ou Dominum nostrum Jesum ChristurUy sans per^ comme dans cette collecte : Deus, qui nos redemptione , que l'on dit la veille de Noël, et dans cette autre : Illumina quœsiimus^ que l'on dit le jour de l'Epiphanie; ou Jésus Christus Dominus noster, comme dans celle-ci : Deus, qui ad œternam, que l'on dit dans la troisième férié après Pâques, et dans cette secrète : Ipsi tihi^ du Jeudi saint [in Cœna Domini). Et si, dans l'oraison qu'on adresse au Père, il est fait mention de l'Esprit saint, on dit en terminant : Per Dominum nostrum^ en ajoutant alors in uni- tate ejusdem Spiritus sancti Deus, comme dans celle-ci : Deus qui corda fdelium, et dans cette autre : Adsit nohiSy quœsumus^ virtus Spiritus sancti ^ etc. Que si l'on fait mention de l'Esprit saint et ensuite du Fils, alors on ajoute à la fin, immédiate- ment, qui tecum, comme dans cette oraison : Mentes nostras quœsumus Domine Parade tus, et dans celle-ci : Ure igné , etc. Encore, quand nous adressons la parole au Père pour le prier de nous donner l'esprit de vie ou tout autre don, nous disons alors : Per Dominum, sans per eumdem ou ejusdem ^ comme dans cette oraison que l'on dit à la bénédiction des cendres : Deus^qui humiliatione , etc., et dans cette autre : Omnipotens sèmpiterne DeuSy respice, etc. Mais, si Ton adresse la parole au Fils, comme dans cette prière : Excita, Domine, potentiam tuam, et veni, et semblablement dans les autres collectes de r Avent , et dans celle-ci : Deus , qui virginalem aulam _, alors on dit en terminant : Qui vivis et régnas cum Deo Pâtre in unitate Spiritus sancti Deus, etc. Et si l'on y fait mention du Père, alors on dit : Qui cum Deo Pâtre, etc., comme dans cette oraison du canon : Domine Jesu Christe, Fili Dei, etc. Et si la parole s'adresse à l'Esprit saint, il y en a qui disent qu'alors on prononce en terminant cette fornmle : Qui cum Pâtre et I Filio vivit, et régnât Deus, etc.

XI. Mais, cependant, toute prière s'adresse au Père ou au

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Fils, et aucune n'est adressée a l'Esprit saint, parce que ce der- nier est le don, et qu'on ne demande pas un don au don , mais plutôt à celui qui peut accorder ce don ; on le demande donc au Père et au Fils, et c'est à eux qu'on adresse la parole^ comme aux donateurs, et non à l'Esprit saint, qui est le don, et qui procède également de l'un et de l'autre. Mais, si on adresse la parole à toute la Trinité, alors on dit en terminant : Per Do- minumy sans 'per eumdem ou ejusdem, comme dans cette orai- son du canon : Suscipe^sancta Trinitas, et dans cette autre, que l'on dit à la fin de la messe : Placeat tihi sancta Trinitas ^ où l'on emploie la formule : Per Christum Dominum noslrum, pour abréger. De même , dans la prière qu'on adresse à Dieu le Père, il en sera fait mention , comme dans celle-ci : Omni- potens sempiterne Deus^ qui dedisti famulis tuis; il y en a qui disent alors : Qui vivis et régnas Deus, per omnia secuîa secu- lorum. D'autres, par contraire, comprenant que cette prière môme s'adresse à Dieu le Fils, disent alors : Qui vivis et régnas in unitale Spiritus sancti Deus, per omnia secula seculorum^ et dans cette oraison : Fidelium Deus omnium conditor; car la Trinité tout entière est créateur et rédempteur, quoique le Christ soit, à proprement parler, le rédempteur. On peut aussi dire que la prière qu'on adresse à la Trinité se termine sans distinction de personnes; exemple : Qui vivis et régnas Deus per omnia secula seculorum. Que celui qui prie s'applique la prière ou la dise pour le peuple la Trinité daignera lui accor- der ce qu'il demande, et ainsi encore les prières sont accompa- gnées de bénédictions. Dans la prière oii l'on adresse la parole au chef ( caput ) de l'Eglise , il semble qu'on doit s'exprimer ainsi : Qui vivis et régnas^ puisque le Christ est le chef de l'E- glise (Extra De sacra unct., cap. i); mais il n'en est pas ainsi, car la Trinité tout entière est le chef de l'Eglise ; c'est pour- quoi l'on doit dire : Per Dominum noslrum.

XII. Dans les exorcismes pour chasser le démon, on se sert d'une autre formule, car, en bénissant l'eau, on dit : ce Par

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(( Celui qui doit venir juger les vivants et les morts, et le « monde par le feu. » De même, dans les instructions préli- minaires [in catechismis) , on dit aussi : Qui venturus est ^ etc. Et aussitôt que le diable entend dire que le Christ doit venir juger le siècle par le feu, il s'enfuit, redoutant le juge- ment du feu, parce qu'il sait qu'il doit être précipité dans le feu éternel après le dernier jugement. C'est pour la même rai- son que maître Gilbert dit qu'aux obsèques des morts les orai- sons doivent se terminer de la même façon; cependant l'usage général de l'Eglise est de dire : Per Dominum nostrum^ etc. Pourtant, dans cette oraison : Fidelium Deus omnium con- ditor, etc., on doit dire : Qui vivis et régnas ^ etc., comme on l'a indiqué ci-devant. Et remarque que les oraisons à laudes , à la 'messe et aux vêpres sont dites sur un ton uni- forme et plus solennel , parce que ces heures sont célébrées dans l'Eglise avec plus de solennité et d'allégresse. Aux autres heures et offices on observe un ton moins solennel, tant parce qu'on les dit moins solennellement que parce qu'on peut leur donner une autre signification. Mais, quoique dans toutes les prières ^ excepté dans celles qui servent aiix exorcis- mes , on dise d'abord : Oremus, cependant on ne dit pas tou- jours avant : Dominus vahiscum^ comme on l'a fait observer dans le chapitre précédent.

XIII. Il reste à voir pourquoi l'on appelle collectes les orai- sons qu'on dit au commencement de la messe. C'est parce que le prêtre, qui remplit auprès de Dieu les fonctions de délégué du peuple, en faisant ces prières, réunit [colligit) en une seule toutes les demandes et en fait un faisceau pour les offrir au Seigneur. Cependant on appelle ces prières proprement col- lectes , parce qu'elles sont dites pour le peuple assemblé [col- lectum) y soit dans les processions, ou lorsqu'on réunit le peu- ple [colligitur) pour faire une station , pour aller d'une église à un autel (uv dist., Quoniam de consec; dist. v, Convenit). Car, dans une ville , toute église dite de station a une autre église Tome IT. 7

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dans son voisinage où l'on réunit [colligitur] le peuple au jour de la station, et oii l'on dit la collecte [collecta) sur ce peuple assemblé (collectum), et de là tous se rendent ensemble à l'é- glise où a lieu la station. D'où vient qu'au Concile d'Agde (De cons., dist. v^ Convenity in fine) il fut dit que le peuple rassem- blé [collecta) pour prier à vêpres serait congédié par l'évêque avec sa bénédiction. Cet usagé est pris du Lévitique^ où la Sce- nopegia [b) , qui est la dernière des fêtes de l'ancienne loi , est appelée collecte, parce qu'elle avait lieu lorsqu'on cueillait [collectione) les fruits; et elle figurait la récolte [collectam) future de nos œuvres, alors qu'on dira : « Voici l'homme et (( toutes ses œuvres avec lui. »

XIV. Les collectes ont eu divers, auteurs ; le nombre et la variété de ces oraisons s'accroissaient tellement chaque jour, que le VIII° concile d'Afrique statua qu'on ne dirait aucunes prières^ oraisons, messes, préfaces, recommandations ou impositions des mains, que celles qui auraient été approuvées par le concile. Et l'on dit que le pape Gélase mit en vigueur les prières composées tant par lui que par ses prédécesseurs. Le bienheureux Grégoire, ayant retranché celles qui lui parais-' saient trop longues ou inconvenantes , rassembla en un seul corps celles qui étaient selon les règles de la raison, en y ajoutant beaucoup de choses convenables et non moins néces- saires.

XV. Mais il y en a qui, dépassant la forme et le nombre des prières, les multiplient tellement, qu'elles n'inspirent à ceux qui les entendent qu'ennui et fatigue ; ils croient donc que Dieu et l'homme peuvent être apaisés par la multitude des pa- roles, comme on l'a dit ci-devant [De consec, dist. v^ Non me- diocriter) , tandis qu'au contraire Isaïe dit : « Lorsque vous « multiplierez vos prières , je ne vous écouterai point. » Et le

(6) De (jx-Tivri, lente, et de Tcr/yv^w, assembler; c'était la fête des Tabernacles chez les Juifs.

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Seigneur dit dans l'Evangile : « N'affectez pas de parler beau- ce coup dans vos prières , comme les païens , qui s'imaginent « que c'est par la multitude des paroles qu'ils méritent d'être (( exaucés. » Et les apôtres lui ayant dit : c( Seigneur, apprends- (( nous à prier ^ » il leur enseigna cette courte prière : Vaier noster, etc. Donc^ en restant fidèles à cette manière de prier, les prêtres ne disent pas plus de sept oraisons dans le cours de la messe. Le Christ, en effet, comme on le dira à l'article du PaieVy a réuni dans les sept demandes de cette prière les choses qui sont nécessaires pour le corps et pour l'ame. Et, comme Dieu aime le nombre impair, quelques-uns observent que l'on dit un nombre impair d'oraisons pendant la messe, ou une seule ^ de même qu'on dit une seule épître et un seul évangile, et le nombre ordinaire des oraisons est de trois, cinq sept. Un, pour marquer l'unité de la foi ou le mystère d'un seul Dieu. Trois signifie le mystère de la Trinité, et que le Christ a prié trois fois pendant sa passion, en disant : « Père, (( si cela peut se faire , que ce calice s'éloigne de moi. » Cinq est la figure des cinq plaies du Christ , ou les cinq par- ties de sa passion. Sept marque l'esprit de grâce aux sept for- mes, ou les sept dons de l'Esprit saint. Dieu déteste la divi- sion et le désaccord. D'où vient qu'ayant béni ses œuvres de tous les jours de la création^ on ne lit pas qu'il ait béni celles du deuxième, parce que le nombre deux s'éloignait de l'unité, et que c'est de lui que la division des autres nombres tire son origine; le nombre impair est pur (XXXII, q. i, Nuptiœ). XYI. Et remarque que dans les plus grandes fêtes on dit une seule collecte, à moins que par hasard une autre fête se rencontre le même jour. Il faut aussi savoir qu'on doit dire autant de collectes et dans le même ordre à la secrète qu'a- près la communion , qu'on en a dit avant l'épître , au com- mencement de la messe , ni plus ni moins ; car la fin doit se rapporter à son principe , et les collectes d'après la commu- nion à celles qui ont précédé la secrète. Il faut prendre garde

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aussi de ne pas faire entrer la secrète pour les morts dans la messe qu'on dit pour les vivants. Il ne faut pas la dire à la fin, mais presque à la fin ou avant la fin, parce que la fin doit retourner à son principe (De comec, dist. i, Episcopm). On doit toujours faire mémoire des morts, comme on le dira à l'article de la dixième partie de la secrète , au mot Mémento etiarriy Domine^ etc., parce qu'on a besoin du secours des vi- vants et des saints qui vivent de la vie glorieuse, en l'honneur desquels l'on célèbre le divin sacrifice. Mais dans la messe pour les défunts on ne doit pas introduire la collecte pour les vivants, quoiqu'il y en ait qui disent que la collecte Deus qui vivorum dominaris ^ etc., est commune aux vivants et aux morts. [Saint] Augustin Ta composéepour marquer que les dé- funts ne peuvent aider ceux qui vivent en ce monde, ni implo- rer pour eux la vie éternelle, quoiqu'ils puissent s'aider les uns les autres. Cependant on peut, dans la messe pour les défunts, comme certains auteurs le disent , insérer une avant-dernière collecte des saints, et réciproquement. Le pape Innocent I" composa quatre collectes pour le mois de septembre. Inno- cent III est auteur de celle-ci : A cunctis nos^ quœsumuSy Do- mine , mentis et corporis défende^ etc.

XVII. Dans l'église deLatran jamais on ne dit d'oraison ; seulement à la messe et dans toutes les heures canoniales , au lieu d'oraison on prononce à voix haute l'oraison dominicale, qui fut la première prière du Nouveau -Testament. Dans la primitive Eglise on en agissait de même.

XVIII. Le pontife ou le prêtre, lorsqu'il commence à prier ou à dire une oraison élève ses mains et les étend, selon cette parole de saint Paul aux Hébreux , chapitre xii : « Elevez vos « mains que vous teniez baissées , et affermissez vos genoux (( chancelants ; » et dans beaucoup d'églises les assistants sou- tiennent les mains élevées du pontife romain , et aussi celles des autres évêques. Cette élévation des mains tire son origine de l'ancienne loi. On lit, en effet, dans l'Exode, chapitre xvi

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et ( XXXVI dist.. Si qiiis) que pendant qu'Israël combattait contre Amalech dans le désert. Moïse monta sur le sommet d'une colline, et lorsqu'il levait les mains Israël était vain- queur, tandis que quand il les laissait aller quelque peu Ama- lech faisait plier le peuple de Dieu. Mais Aaron et Hur se mirent des deux côtés pour lui soutenir 4es mains. On lit aussi dans le troisième livre des Rois , chapitre viii , que Salomon se tint debout devant l'autel du Seigneur, en présence de toute l'assemblée d'Israël, et qu'il étendit ses mains vers le ciel en priant pour le peuple ; et dans la Genèse , chapitre iv : « Je (( lève ma main vers le Seigneur Dieu Très-Haut. » Cette élé- vation des mains représente le Christ montant au ciel, les mains étendues. Ou bien encore le prêtre élève ses mains comme le Sauveur attaché à la croix. D'où vient qu'on lit : <c Que l'élévation de mes mains te soit agréable comme le sa- (( crifice du soir. » Le prêtre étend encore ses mains, parce que le Christ, après avoir étendu les siennes sur la croix, pria pour ses bourreaux, en disant : « Mon Père, pardonne-leur, parce « qu'ils ne savent ce qu'ils font. » Le prêtre fait ainsi com- prendre, dans le sens moral , que le Christ est toujours prêt à ouvrir ses bras au repentir , selon cette parole et cette pro- messe de lui : « Je ne jetterai point dehors tout homme qui « vient à moi. » Cependant certains hérétiques perfides tour- nent en dérision cette extension des mains, se fondant sur cette parole d'Isaïe : et Lorsque vous étendrez vos mains vers moi, c( je détournerai mes yeux de vous. »

CHAPITRE XVI.

DE L'ÉPITRE.

L L'oraison finie, on dit l'épître, qui signifie la doctrine des apôtres ; et c'est avec convenance qu'elle est précédée d'une

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oraison, parce qu'on lit en [saint] Luc, chapitre x : a Priez a le maître de la moisson d'envoyer ses ouvriers pour couper (( son blé. » Epistola\ienidu grec, et veut dire en latin ajout ou surérogation ; ce mot se compose d'èm, sur, dessus, et de oo).ov, mission, envoi. L'épître, en efïet, a été mise par les apô- tres en surplus de la Ipi de Moïse , en surplus du Psalmiste et des Prophètes^ en surplus de l'Evangile, comme les prophéties étaient en surplus de la loi. D'où vient que les lettres qu'échan- gent deux personnes de l'une à l'autre et qu'elles s'envoient sont nommées épîtres, comme qui dirait surmises ou mises sur, ou ajout, addition, supplément à ce que le messager dit de vive voix, comme l'Apôtre, quand il dit aux Ephésiens, aux Corinthiens et autres fidèles qu'il leur envoyait des épîtres.

II. Selon maître Pierre d'Auxerre, on doit lire l'épître à droite dans l'église , parce que le Christ est d'abord venu aux Juifs, qu'on désignait par le côté droit. Cependant il est mieux de faire cette lecture au milieu de l'église , parce que [saint] Jean-Baptiste sépara les apôtres des prophètes, comme on le dira bientôt. On dit aussi l'épître dans un lieu bas et après l'avoir posée sur un drap, dont on parlera à l'article de l'Evan- gile.

III. On dit l'épître avant l'évangile, parce que l'épître dé- signe la mission que remplit Jean avant le Christ , en mar- chant devant le Seigneur pour lui préparer les voies , comme lui-même l'atteste : « Je suis la voix de celui qui crie dans le « désert : Préparez la voie du Seigneur. » Donc Jean est en quelque sorte le sous-diacre et l'assistant de Celui qui a dit de lui-même : ce Je ne suis pas venu pour être servi. » Or, de même que la prédication de Jean a précédé celle du Christ , ainsi l'épître précède l'évangile. L'épître est encore la figure de la loi et des prophètes, qui précédèrent l'avènement du Christ, comme elle-même précède l'évangile. La loi a précédé l'Evangile comme l'ombre la lumière , comme la crainte Ta- mour, et comme le commencement la fin.

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IV. Un seul acolyte accompagne le sous-diacre quand il va lire l'épître , parce que peu d'hommes suivirent la prédication de Jean, parce que la loi ne conduit personne à la perfection. Au contraire, les sous-diacres, les acolytes et autres accom- pagnent le diacre qui va lire l'évangile, parce qu'un grand nombre d'hommes ont reçu la prédication de l'Evangile, qui enfante la perfection. On peut encore dire que la marche du sous-diacre et du diacre, lorsqu'ils vont lire, signifie la dou- ble manifestation du Christ par son double avènement , dont le premier n'a eu qu'un seul précurseur, savoir, Jean, figuré par le sous-diacre qui précède le diacre quand il va pour lire l'évangile. Dans le second avènement, il aura deux précur- seurs , savoir, Enoch et Elie , ce que figure le diacre précédé de deux ou plusieurs clercs quand il va lire l'évangile.

V. Celui qui lit l'épître doit avoir le visage tourné en face de l'autel, symbole du Christ, parce que la prédication de Jean le conduisait, lui et les autres, au-devant du Christ, de la face duquel procèdent le jugement et l'équité (Extra De eccl. hen. ut nostrum). Celui qui précède le sous-diacre quand il va lire l'épître ne tourne pas sa figure du côté du lecteur, parce que Jean ne se tournait pas vers ses auditeurs , mais plu- tôt vers le Christ ; tandis que ceux qui précédent le diacre allant lire l'évangile se tournent vers l'évangile et regardent le visage de celui qui le lit : Premièrement, pour que, par leurs mutuels regards , ils fassent connaître l'amour et la charité du Christ que l'évangile annonce. Deuxièmement, c'est pour mon- trer qu'ils sont tous ensemble les témoins de la doctrine évan- gélique, comme on le lit dans Isaïe : « Vous êtes témoins de (( ce que je dis , » dit le Seigneur. Et Jean fut la limite placée entre l'Ancien et le Nouveau-Testament ; il est au milieu , en- tre les apôtres et les prophètes. Car la loi et les prophètes vien- nent jusqu'à Jean , et à partir de lui le royaume de Dieu a été évangélisé. C'est pourquoi l'épître n'est pas toujours tirée des prophètes ou des apôtres , mais parfois prise de l'Ancien-Tes-

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tament et parfois du Nouveau. Or, Jean, dont l'épître figure la voix, a prédit avec les anciens la venue du Christ, quand il a dit : « Celui qui doit venir après moi m'a été préféré; » et il a montré le Christ présent avec les modernes, en disant ; (c Voici l'Agneau de Dieu qui porte les péchés du monde. » Donc, parfois l'épître est tirée des apôtres, parce^que, quoi- que leur enseignement n'ait pas précédé l'évangile, cependant il se rapporte à la vie éternelle, comme la loi et les prophéties ; et parfois l'épître se tire de l'Ancien -Testament, rarement pourtant, parce que le voile du temple fut déchiré et qu'on ne doit pas mettre de rideau devant les yeux. Cependant l'épître ne se prend pas dans les cinq livres de Moïse , parce qu'ils ne contiennent que des promesses temporelles ; en signe de quoi les leçons qu'on leur emprunte se terminent par un chant grave, comme on le dira bientôt.

VI. Il faut considérer que, quand la leçon [lectio) ou l'épître est prise des livres de Moïse ou de Salomon , on prononce leur nom , comme on le dira dans la préface de la sixième partie. Dans les épîtres qui sont tirées des Prophètes , des Actes des apôtres ou de l'Apocalypse, on dit au commencement cette oraison : In diebus illis ^ et à la fm : Ait Dominus omnipotens^ parce qu'on rencontre souvent ces formules dans ces livres. Pour la même raison on dit dans les épîtres de [saint] Jacques et de [saint] Pierre : Charissimi , et dans les épîtres de [saint] Paul : Fratres et In Christo Jesu Domino nostro. Cependant, dans l'épître aux Hébreux il y en a qui disent qu'on ne doit pas mettre cette formule : Fratres, parce que l'Apôtre était suspect aux Hébreux ; mais il est mieux de s'en servir, parce qu'il y en avait de bons parmi eux , que Paul lui-même appelle frères dans un endroit de la même épître. Pour la même rai- son précitée, on dit avant l'évangile : In illo tempore. Cepen- dant, à proprement parler, aucune épître n'est tirée de l' An- cien-Testament ; mais ces dernières reçoivent le nom de leçons [lectiones). Enfin, quoique dans les épîtres tirées de l'Apoca-

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lypse on dise : Lectio libri Apocalypsis beati Joannis apos- toliy cependant dans certaines églises on ne dit pas ce mot : beati... apostoli; car on sait avec certitude qu'entre tous les apôtres le bienheureux Jean fut principalement chéri par le Christ. Et l'amour de Dieu nous rend bons, car, « heureux (( celui que tu as choisi et pris à ton service. » Donc, à cause de cette considération , il est superflu de lui donner le titre de saint comme aux autres bienheureux , ce qui serait en quelque sorte porter de la lumière au soleil (YI, q. i, cap. Omnia), puisque Dieu, dans son amour. Fa évidemment distingué des autres , et lui a ainsi décerné de sa main un titre patent de sainteté.

VII. Au reste, personne ne doit lire solennellement Fépître dans l'église s'il n'est pas sous-diacre ; si l'on n'avait pas de sous-diacre, ce serait au diacre à la lire, comme nous l'avons dit dans la seconde partie , au chapitre du Sous-Diacre et du Dia- cre. En l'absence du diacre, c'est au prêtre à lire l'épître : car il est mieux que le prêtre , même quand il chante la messe, lise l'épître que de confier ce soin à un acolyte ou à un autre clerc d'un ordre inférieur. Sur quoi il faut remarquer qu'on instruit le peuple par la parole de Dieu , laquelle est transmise de Dieu par la bouche de ses ministres au peuple ; et voilà pourquoi ce qui a rapport à l'instruction du peuple n'est pas l'office du prêtre, mais de ses assistants.

VIII. Le ministère de la parole de Dieu est triple. C'est , en premier lieu, un ministère d'autorité, et il appartient au Christ, qui est appelé ministre dans l'évangile (S. Math., chap. vu) : «Il les instruisait comme ayant autorité. » Deuxièmement, c'est un ministère de manifeste vérité , et il appartient aux prédicateurs du Nouveau-Testament. Il en est parlé dans la deuxième épître aux Corinthiens, chapitre m, en ces termes: « C'est le Christ aussi qui nous a rendus capables d'être les (( ministres de la nouvelle alliance. » Troisièmement, c'est un ministère figuratif, et il appartient aux prédicateurs de

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rAncicn-Tcstamont ; voilà pourquoi le diacre propose rensei- gnement du Christ. Pour l'enseignement des prédicateurs de l'Ancien -Testament, il est exposé par les sous-diacres. Et rien ne s'oppose à ce que quelquefois ils lisent, au lieu de l'épître, quelque chose de l' Ancien-Testament , parce que les prédica- teurs du Nouveau-Testament prêchent aussi l'Ancien. Mais on ne lit pas toujours la doctrine des prédicateurs del'Ancien- Testament, et cette lecture n'a lieu qu'aux jours où l'on indi- que la ressemblance qui existe entre le Nouveau et l'Ancien- Testament, comme aux jeûnes des Quatre-Temps, et lorsqu'on célèbre quelque objet dont la figure est dans l' Ancien-Testa- ment, comme la passion du Christ , sa nativité, son baptême et autre événement de ce genre. Et parce que cet enseigne- ment partage en deux classes ceux qui allaient devant le Christ et ceux qui le suivaient , voilà pourquoi l'enseignement du Christ ne vient qu'après et comme à la fin de la marche. Lors- ^ qu'on dit l'épître , nous ne fléchissons pas les genoux , parce qu'il se rapporte au Nouveau-Testament ; mais nous nous as- seyons, parce que la doctrine doit être écoutée dans le silence et le repos.

IX. La coutume de s'asseoir vient de l' Ancien-Testament , comme on le lit dans E^dras. Cependant les chevaliers ont la coutume de se tenir debout pendant la lecture des épîtres de [saint] Paul , pour lui faire honneur, parce qu'il fut un guer- rier ( et c'est pour figurer son premier état qu'on le représente une épée à la main), ou parce qu'il a donné le nom d'évan- gile à sa prédication. Et sachez qu'on ne lit jamais d'épître de [saint] Paul pendant le Carême , excepté le Jeudi saint , parce que ce jour a rapport au Nouveau-Testament.

X. On ne sait pas très-bien quel est celui qui le premier a établi qu'on devrait lire les épîtres et les évangiles avant le saint sacrifice. On croit pourtant que ce sont les premiers suc- cesseurs des apôtres, parce que cet usage est indiqué chez eux.

XL On demande pourquoi nous finissons la lecture des pro-

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phéties en laissant tomber la voix plus bas^ tandis que nous terminons l'évangile et l'épître en élevant la voix? Je réponds que c'est parce que , par les prophéties contenues dans FAn- cien-Testament, on représente la synagogue qui s'inclina et tomba ^ et voilà pourquoi on finit de lire les prophètes en bais- sant la voix et en la laissant en quelque sorte tomber. C'est aussi pour cette raison que Ton représente la synagogue s'ap- puyant sur un étendard dont la lance est brisée. Mais l'évan- gile et l'épître représentent l'Eglise militante, qui a été exaltée, et c'est pourquoi on termine à voix haute l'épître et l'évangile. En outre , dans l'Ancien-Testament il n'y a que des promesses temporelles et caduques, et c'est pour les figurer qu'on finit les leçons d'une voix basse ; tandis que dans le Nouveau-Tes- tament les promesses sont spirituelles et éternelles : pour les symboliser, on termine d'une voix haute l'évangile et l'épître. Cependant on termine sur un ton élevé certaines leçons tirées de l'Ancien-Testament, qu'on lit souvent à la messe pour rem- placer les épîtres , et on les lit sur le même ton que l'épître , parce qu'alors elles en tiennent lieu ; et cela est convenable , parce qu'elles doivent reproduire le nom et la forme de l'é- pître.

CHAPITRE XVII.

DE LA REVERENCE QUE L'ON DOIT FAIRE APRES LA LECTURE

DE L'épître.

I. Après la lecture de l'épître ;, le sous-diacre, accompagné d'un acolyte, s'avance vers le prêtre, pour faire entendre (saint Math., chap. ii) que quand Jean eut appris , dans son cachot, les miracles opérés par le Christ^ il lui envoya deux de ses disciples qui ne croyaient pas que le Christ fût le Messie, pour lui adresser cette question : c( Es-tu celui qui doit venir, ou

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« devons-nous en attendre un autre? Et Jésus leur répondit : « Allez raconter à Jean ce que vous avez entendu et ce que « vous avez vu : les aveugles voient^ les boiteux marchent, (( les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts res- « suscitent, l'Evangile est annoncé aux pauvres, » comme on le dira dans la sixième partie, à l'article du Troisième Diman- che de l'Avent. Et, ayant vu les miracles opérés parle Christ, ils connurent qu'il était Celui que leur maître avait prédit en ces termes : « Celui qui doit venir après moi m'a été préféré , « et je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses chaus- « sures. )) C'est pourquoi le sous-diacre se penche et baise la mule du pontife romain.

II. En outre, parce que a la droite du Seigneur a fait écla- « ter sa puissance, » le sous -diacre, dans certaines églises, baise le côté droit de l'autel. Après avoir lu l'épître, le sous- diacre encore présente le livre fermé à l'évêque ; celui-ci pose dessus sa main, que le sous-diacre baise : car l'évêque est la figure du Christ, et le livre lui est présenté fermé, pour marquer que seul le Christ a pu ouvrir le livre et briser ses sceaux.] Dans ce livre avaient été renfermés le Christ même et ses mystères, jusqu'au jour où le Christ lui-même commença à l'ouvrir par la prédication de l'Evangile. Et le Christ accom- plit la loi dans le cercle de laquelle ses actions l'enfermaient, car il ne vint pas pour détruire la loi , mais pour la remplir ; ce que marque l'imposition de la main sur le livre. La main, en effet, symbolise les œuvres, et son imposition signifie le désir et la promesse de croire et de pratiquer ce qui vient d'être lu. Mais , comme personne ne reçoit la bénédiction promise dans la loi s'il n'a l'amour que désigne le baiser et s'il ne pra- . tique pas ce qu'il enseigne aux autres, voilà pourquoi le sous- diacre , pour se préparer à recevoir la bénédiction , baise la main de l'évêque.

III. Et, parce que le pontife (comme on l'a dit ci-dessus) re- présente le Christ, le sous-diacre et les autres assistants doivent

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ui subordonner humblement leurs actions et lui demander la yrâce de sa bénédiction. D'où vient qu'on lit dans l'Evangile : X Quand vous aurez bien fait toutes vos actions, dites : Nous c( sommes des serviteurs inutiles , nous avons fait ce que nous K devions faire. » Et ensuite l'évêque ou le prêtre bénit le sous- iiacre , parce que le Christ loua Jean , en disant : « Qu'êtes- (( vous allé voir dans le désert? Un prophète? Oui, je vous le « dis, et plus qu'un prophète. En vérité, en vérité, je vous le « dis, qu'entre ceux qui sont nés des femmes il n'y en a point (( eu de plus grand que Jean-Baptiste. » Donc, le sous-diacre après avoir terminé l'épître , et le diacre avant de commencer à lire l'évangile, s'approchent du prêtre et lui font la révé- rence, parce que la loi a fini au Christ et que l'Evangile a com- mencé à partir de lui ; car la loi et les prophètes vont jusqu'à Jean, et l'Evangile du Christ et les épîtres viennent après Jean. A la messe pour les défunts, le sous-diacre , après la lecture de l'épître , ne vient pas baiser la main du célébrant, tant parce qu'en cette circonstance la raison susdite est suspendue , que parce qu'on retranche quelques cérémonies solennelles de cette messe.

CHAPITRE XVIII.

LE PRÊTRE OU L'ÉVÊQUE ET SES ASSISTANTS S'ASSEOIENT.

I. L'oraison finie, le prêtre ou l'évêque s'asseoit. Il est à re- marquer que dans la célébration de la messe le prêtre s'as- seoit à trois moments : d'abord pendant la lecture de l'épître. On parlera de cette première fois au chapitre du Changement de Place du prêtre. Ces trois moments signifient les trois jours que le Seigneur demeura dans le temple de Jérusalem , au mi- lieu des docteurs^ les écoutant et les interrogeant. Le prêtre, en s'asseyant, se tient tourné vers le peuple, pour montrer la

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puissance qui lui a été donnée par Dieu, et pour pouvoir consî-' dérer ceux qui se tiennent liumblement debout dans l'église et dominer ceux qui s'y tiennent orgueilleusement ; car leurs âmes lui ont été confiées , et il doit en rendre compte à Dieu. Il doit encore être placé sur un siège élevé, afin que, comme le maître d'une vigne, il veille sur son bien et ait la haute main sur le peuple ; car le Seigneur , assis sur son trône dans les hauteurs des cieux, garde sa cité. Enfin, l'oraison qui précède l'épître, et que l'on dit avant que le prêtre s'asseoie, marque surtout le temps auquel le Christ, prêt à monter au ciel, bénit ses disciples. Quand il s'asseoit ensuite , cela signifie le repos du Christ à la droite de son Père , après son ascension ; s'asseoir, c'est un signe de victoire. Voilà pourquoi le prêtre, en s'asseyant, figure la victoire du Christ , comme on le dira au chapitre du Changement de Place du prêtre.

II. Quand les assistants s'asseoient, cela figure ce que dit le Christ : ce Vous serez aussi assis sur des trônes et vous jugerez « les douze tribus d'Israël; » et ils représentent les justes qui régnent déjà dans les cieux. Ceux qui vont et viennent dans le chœur représentent ceux qui accomplissent encore leur pèle- rinage en ce monde. C'est pourquoi les chantres elles lecteurs^ lorsqu'ils se lèvent pour remplir leur office , font l'œuvre de Dieu; c*est à eux qu'il a été dit : « Faites profiter cet argent a jusqu'à ce que je revienne. » Donc, quelques-uns des assis- tants s'asseoient avec l'évêque, pour symboliser les membres du Christ qui reposent déjà dans la paix^ et dont l'Apôtre dit : « Il nous a fait asseoir dans le ciel en Jésus-Christ. » Ils re- présentent encore ceux qui jugeront les douze tribus d'Israël. Les autres se tiennent debout pour figurer les membres du Christ qui combattent encore. Dans certaines églises, pendant que le pontife est assis on change les chandeliers de place et on les met en rang sur une seule ligne, en commençant par le premier jusqu'à l'autel, pour marquer que nous avons tous reçu de la plénitude du Christ l'unité de son esprit, mais aussi

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la variété de ses grâces ; car les grâces se divisent , mais l'Es- prit reste le même [De consec.^ d. iv, Cum omni). Or, l'Esprit, figuré par le premier cierge debout ou premier chandelier, c'est-à-dire le Christ, qui découle de lui, et qui va jusqu'à l'autel, c'est-à-dire jusqu'aux cœurs des élus , varie les dons de ses grâces alternativement dans chacun des membres du Christ. Et rappelle-toi que les acolytes mettent leurs chandeliers par terre, parce que les prédicateurs, après avoir achevé de prê- cher , reconnaissent humblement qu'ils sont poussière et cen- dre, comme dit Abraham : « Je parlerai au Seigneur, quoique « je ne sois que poussière et que cendre. »

III. On lit dans l'Ordre romain que le pontife ne doit pas s'asseoir avant que Y Amen n'ait été dit à la fin de la première oraison. Il ne doit pas s'asseoir jusqu'à la lecture de l'épître, parce que la partie de la messe qui précède ce moment est consacrée à la joie causée par l'avènement et les miracles du Christ. Or, l'évêque figure le Christ venant et agissant en ce monde, et les autres assistants représentent ceux qui allaient devant, derrière le Christ et à sa rencontre lorsqu'il fit son en- trée à Jérusalem. •

CHAPITRE XIX.

DU GRADUEL.

1. Après l'épître, on chante le graduel ou répons, qui a trait aux œuvres de la vie active, pour marquer que nous met- tons en pratique ce que nous avons entendu lire , c'est-à-dire la prédication. C'est aussi parce que Jean prêchait la pénitence, en disant : ce Faites pénitence , car le royaume de cieux est pro- (( che ; » et encore : « Faites de dignes fruits de pénitence. » C'est avec raison que l'épître est suivie du graduel, qui ex-

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prime les lamentations de la pénitence. Voilà pourquoi on le ' supprime de Toffice de la Pentecôte, comme on le dira bientôt. Troisièmement, Tépître est suivie du graduel , parce qu'après avoir ouï la prédication de Jean , ses disciples suivirent le Christ, comme le montre [saint] Jean l'évangéliste. Jean (dit- il) était avec deux de ses disciples, et, regardant Jésuç qui ve- nait à lui, il dit : « Voici l'Agneau de Dieu ; )> ce que lui ayant entendu dire ses deux disciples , ils suivirent Jésus. Ce chant suitl'épître, parce qu'à la suite des discours des prédicateurs l'Eglise se réjouit^ Dieu est loué^ et ceux qui reviennent à la foi célèbrent leur conversion. Le graduel figure la conversion des Juifs, le verset celle des Gentils, Vallelu-ia la joie des deux peuples unis par la même croyance ; enfin, la prose ou séquence symbolise le chant de victoire de l'Eglise. On en donnera encore une autre raison au chapitre du Trait.

II. Cependant, dans certaines églises on chante le graduel avant l'épître , pour marquer que le prédicateur doit d'abord enseigner par ses œuvres et ensuite par sa parole.

III. Le graduel ou gradal est ainsi appelé à cause des de- grés ( a gradihus ) , savoir^ ceux d'humilité , et il signifie que nous devons monter de vertu en vertu ^ comme les fils d'Israël s'avançaient d'étape en étape , afin de voir enfin le Dieu des dieux dans Sion. D'oii vient qu'on lit dans le Deutéronome : « Notre pays est extraordinaire. » Ce pays^ c'est la céleste Jé- rusalem, dont l'on prend possession par les pensées célestes. Le graduel se rapporte non à celui qui monte de vertu en vertu ;, mais qui est encore dans la vallée des larmes, et qui cependant rumine déjà dans son cœur de gravir la montagne.^

IV. On fait donc mieux de chanter le graduel simple- ment et sans modulations, comme une mélodie grave, sévère, simple et lamentable. Cependant on chante le répons comme d'habitude^ parce qu'il figure le Nouveau-Testament ; et on le chante plus haut que la leçon et l'épître, qui symbo- lisent la prédication de l'Ancien-Testament , afin que si par

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hasard il est un homme dont les oreilles du cœur, endurcies, ne sont pas réveillées par les avertissements de l'Ancien -Testa- ment, au moins elles soient touchées par le chant élevé du Nou- veau. Mais, cependant, le lecteur et le chantre qui s'apprêtent à remplir leur charge montent d'un ton [gradum) , parce que celui qui enseigne doit surpasser la foule du peuple par la per- fection de sa vie (iv d., Staluimus). On peut dire encore que répître figure la prédication de Jean, et le graduel celle des apôtres ; Vallelu-ia est le symbole de la dévotion et de l'allé- gresse. La lecture indique l' Ancien-Testament , et le chant le Nouveau. Ainsi donc, le chant est plus doux que là lecture, comme le Nouveau-Testament est plus doux que l'Ancien.

V. Deuxièmement, le graduel tire son nom des degrés (a gradibus) de Tautel, parce que dans les jours de fêtes on le chante, ainsi que Yallelu-ia^ sur les degrés ou marches de l'au- tel, pour marquer les degrés [gradus] précités des vertus. Les jours ouvrables , on le chante au milieu du chœur , au bas des marches de l'autel , pour indiquer que nous devons jeter dans notre cœur (qui est au milieu du corps) les bases des de- grés précités des vertus. Troisièmement, le graduel s'appelle ainsi, parce que les apôtres marchaient et s'élevaient ( gradie- hantur) à la suite du Seigneur, comme on le dira tout-à- l'heure.

VI. On donne encore au graduel le nom de répons, parce qu'il doit correspondre à un verset de psaume ou à une épître; de sorte que si dans l'épître on parle de joie, la joie se reflète dans le répons , et si c'est de tristesse , que le répons exprime le même sentiment, pour qu'on ne puisse pas nous faire le re- proche que Dieu formule en ces termes : a Nous avons chanté c< devant vous, et vous n'avez point dansé ; nous avons dit des c( airs lugubres , et vous n'avez point pleuré. » Et l'Apôtre ajoute : a Soyez dans la joie avec ceux qui sont dans la joie» « et pleurez avec ceux qui pleurent. » On appelle aussi le gra- duel répons, parce que quand on le chante le chœur répond à

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ceux qui l'ont commencé, et aussi parce qu'il marque la vie ac- tive, dans laquelle les saints s'exhortent mutuellement à tendre de tous leurs efforts à la vie éternelle. On peut cependant rap- porter le répons à la réponse que firent les apôtres au Christ , quand il les appela à lui, en leur disant : a Venez à ma suite. » Ils répondirent à cette invitation non-seulement de bouche, mais d'action; car, ayant tout abandonné, ils le suivirent et marchaient après le Seigneur comme des disciples à la suite de leur maître. On parlera de cela dans la préface de la cin- quième partie.

VII. Le graduel ou répons est le symbole de ceux qui sont livrés au travail en cette vie , et c'est pourquoi on ne le dit pas dans les octaves de Pâques et de la Pentecôte, qui figurent l'éternel repos [octavœ) après notre résurrection, quand nous serons exempts de tout labeur, ce Dieu essuiera toutes les lar- c( mes des yeux de ses saints. » C'est pourquoi dans le graduel nous semons, et dans VAllelu-ia nous recueillons. Le verset du répons s'appelle ainsi, parce qu'il ramène [fit reversio) au ré- pons, comme on le dira au chapitre de VAllelu-ia. Le graduel signifie aussi la bonne œuvre et la vie présente, pendant la- quelle nous semons et nous errons, en étrangers, loin du Sei- gneur, et le verset marque l'aide que le Seigneur nous donne.

VIII. On chante le verset après le graduel, parce que nous avons besoin d'aide aussi longtemps que nous serons retenus dans cette prison d'esclaves. Le graduel commence lentement (plane) , afin que le verset ne monte pas trop, et cela marque ceux qui redoutent d'entrer en religion à cause de son aus- térité ; le verset qui monte haut désigne ceux qui s'élèvent en jeûnant, en priant et en faisant d'autres bonnes œuvres, sans redouter la chair, qu'ils mortifient avec ses vices et ses mau- vais désirs. Ensuite, une seule voix chante le verset, pour aver- tir que chacun traîne [iractet) après lui sa fragilité. Et, quoi- que le verset soit chanté par un ténor, il ne s'entonne pas à voix haute ; ce qui signifie encore ceux qui, considérant leur

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propre fragilité, font humblement tout ce qu'ils font. Le verset terminé, la voix s'élève avec confiance, pour marquer que, confiants en la miséricorde de Dieu , ils s'appliquent en paix à toutes leurs actions.

IX. Le graduel est chanté par des hommes mûrs , comme on le dira au chapitre suivant. Entîn , on ne répète ni en en- tier ni en partie le répons qu'on chante à la messe, et on n'y ajoute pas la formule : Gloria Patri, ce qui se fait cependant pour le répons des autres heures canoniales. Sur quoi il faut faire attention que les autres heures canoniales ont été insti- tuées pour rendre à Dieu les louanges qui lui sont dues pour les divers bienfaits qu'on a reçus de lui à ces heures. C'est pourquoi on y dit d'abord une leçon , qui marque le bienfait ou la partie du bienfait accordé à cette heure ; ensuite on chante le répons , dans lequel la louange se rapporte au bienfait, parce que la louange doit être répétée , selon cette parole de l'Apôtre : ce Réjouissez- vous sans cesse dans le Sei- « gneur; je le dis encore une fois, réjouissez-vous, » c'est-à- dire : « Louez Dieu. » Voilà pourquoi l'on répète ainsi le ré- pons. Mais, comme tout homme est lié à son bienfaiteur, nous ne pouvons rien faire autre chose vis-à-vis de Dieu que de lui offrir gloire et honneur. C'est pourquoi, à la fin du répons et à chaque nocturne ^ dès que nous trouvons dans les leçons le souvenir de quelque bienfait entier ou en partie , nous ren- dons gloire et grâce à la Trinité. Le répons qu'on chante à la messe désigne la grâce , et on a dit ci-dessus que c'est la ré- ponse [responsorium) que firent les apôtres au Christ qui les appelait, en quittant tout. Et, comme ils ne gardèrent rien dont la possession eût pu obliger à les rappeler, voilà pourquoi ce répons ne se répète d'aucune manière et ne se termine pas même par Gloria Patri^ parce qu'ils furent appelés non à la gloire du siècle, mais à son deuil, selon cette parole du Sei- gneur, en saint Jean : « Comme mon Père m'a envoyé , je « vous envoie aussi de même.»

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X. Et remarque que Grégoire, Anibroise et Gélase compo- sèrent des graduels, des traits et des aUelu-ia, et établirent qu'on les chanterait pendant la messe. En outre, on chante parfois à la messe un seul répons, parfois aussi un seul allélu- ia, parfois un répons avec alklu-îa, parfois avec le trait, par- fois allelu-ia avec le trait. Et l'on parlera de cela dans la sixième partie, au chapitre des Sept Jours ou de la Semaine de Pâques.

CHAPITRE XiL.

DE VALLELU-IA.

I. Et comme la consolation suit la tristesse, « car bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés, » c'est pourquoi après le graduel on chante V Allelu-ia y qui est un cantique d'al- légresse qu'on entendit chanter aux anges, ainsi qu'on le lit dans l'Apocalypse , chap. xix. Et comme aussi l'ascension de vertu en vertu, que nous avons dit être symbolisée par le gra- duel, serait souvent ennuyeuse s'il ne s'y mêlait pas de la joie, comme dans le voyage des enfants d'Israël, qui coururent de grands périls d'étape en étape , c'est pourquoi après le gra- duel on chante Y Allelu-ia. On lit au livre de Tobie, vers la fin : c( Tes places seront pavées d'un or pur et brillant , et le « long de tes rues on chantera Allelu-ia. »

II. Or, V Allelu-ia est le chant de louange des anges; c'est une courte phrase qui renferme une grande joie ou qui invite à l'allégresse. Or, l'Eglise pousse de grands cris, parce qu'elle sait qu'il reste encore une longue route à fournir jusqu'à la montagne de Dieu, appelée Oreb, qui veut dire table; car elle craint que les fidèles s'endorment dans la foi et fondent un veau d'or, c'est-à-dire se laissent corrompre par les biens du temps.

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llï. Alléluia est un mot hébreu qui symbolise plutôt qu'il n'exprime l'ineffable joie qu'éprouvent ceux qui sont pèlerins en cette vie , joie qui est celle des anges et des hommes déjà placés dans le bonheur éternel que l'œil n'a point vu , que l'o- reille n'a pas entendu , et que le cœur de l'homme n'a jamais ressenti. Selon Innocent III (lib. ii, cap. xxxi), l'explication de ce mot est contenue dans le psaume cxii, qui a pour titre : Al- lelu-ia, et qui commence par ces mots : Laudate, pueri, Domi- num; et selon lui Allelu-ia veut dire : « Enfants, louez le Sei- gneur. »

IV. Augustin l'explique ainsi : Al sauf, le moi, lu fais, ia Seigneur : ce Seigneur^ sauve-moi ; » salvum me fac, Domine. Selon Jérôme , Allelu-ia vient de aile chanter, lu louange, Ta au Seigneur : « Chanter les louanges du Seigneur. » Grégoire traduit ainsi : Alle\e Père, lu le Fils, la l'Esprit saint ; ou bien : AlleldL lumière, lu la vie, ia le salut. Maître Pierre d'Auxerre : Al Très-Haut [Altisslmus), le il fut élevé sur la croix, ?u les apôtres pleuraient [lugehant), ia il est déjà ressuscité. Pierre Comestor dit, sur App. et Augustin,, dans sa Glose du Psautier ou des Psaumes [psalterii], qu allelu-ia est un verbe au temps de l'impératif, et qu'il signifie allelu louez, la l'Universel, ou la l'Invisible, c'est-à-dire Dieu, comme si l'on disait : « Lou- ange du Dieu invisible. » Et parce qn' Allelu-ia est en quel- que sorte le nom propre de la future béatitude , on le dit à juste titre plus particulièrement et plus fréquemment au temps de Pâques, où le Christ, en ressuscitant , nous a donné l'espé- rance et la promesse de la béatitude , comme on le dira bien- tôt.

Y. Jadis ce n'était pas la coutume de l'Eglise romaine de chanter Y Allelu-ia à la messe en d'autres temps ; mais cet usage fut établi ou plutôt rétabli par le bienheureux Grégoire. Car cette coutume , qui remontait au temps du pape Damase, était tombée en désuétude. Saint Jérôme dit que V Allelu-ia que l'on chante à la messe a été emprunté à l'Eglise de Jérusalem.

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Nous chantons donc VAllelu-ia après le graduel, comme un cantique d'allégresse après le deuil de la pénitence, en faisant tous nos efforts pour exprimer la grandeur de la consolation qui est préparée pour ceux qui pleurent , selon cette parole : (( Bienheureux ceux qui pleurent , parce qu'ils seront conso- « lés. » On crie YAllelu-ia plutôt qu'on ne le chante, et nous prolongeons en plusieurs neumes une courte syllabe qui est à elle seule une belle instruction, afin que l'ame étonnée soit rem- plie de ces sons agréables et soit ravie jusqu'au lieu où elle aura toujours une vie sans mort et un jour sans nuit.

VI. Allelu-ia est peu de chose en paroles et long en neume (a), parce que la joie éternelle est trop étendue pour qu'on puisse trouver assez de termes pour la développer. Le neume

(a) In jmeuma; rieuma ou pneuma est un mot grec qui signifie le souffle, la respiration, une suite ou un port de voix; et quand on soutient la voix pour ex- primer quelques sentiments de joie, cela s'appelle, parmi lesLatins, jubilatio : car (( la jubilation, dit S. Augustin, n'est autre chose qu'un son de joie sans paroles ("). — Ceux qui se réjouissent aux champs, en recueillant une abondante moisson ou en faisant une copieuse vendange, chantent, et quittent souvent les paroles pour ne faire retentir que des sons » (**). L'assemblée des Juifs et des chrétiens s'est aussi répandue souvent à l'égard de Dieu en cette espèce de ju- bilation, qui fait entendre qu'on voudrait produire au dehors ce qu'on ne peut exprimer par des paroles. C'est un langage ineffable ; et « à qui peut-on plus proprement adresser un tel langage qu'à Dieu, qui est ineffable? Il faut le louer: les paroles nous manquent. Que nous reste-t-il donc que de nous laisser aller à la jubilation, afin que le cœur se réjouisse sans paroles, et que l'étendue de la charité ne soit pas restreinte par des syllabes? » (***).

L'Ordre romain et Amalaire nous apprennent que cette jubilation ou ces notes redoublées sur le dernier a de Valleluia s'appellent sequentia, c'est-à-dire suite de Valleluia {*"**). Amalaire C*'^*'), Etienne d'Autun (**»***) et l'abbé Ru- pert (**»♦♦*») remarquent que cette jubilation sans parole nous rappelle l'é- tat bienheureux du ciel, oij nous n'aurons plus besoin de paroles , mais oij la seule pensée fera connaître ce qu'on a dans l'esprit.

(*) Sonus quidam est Isetitiae sine verbis (S. Augustin, in psalm. 99, n<'4).

(**) Maxime jubilant qui aliquid in agris operantur copia fructuum jocundati, etc. (S. Au- gustin, ibid.).

(•**) Quem decet ista jubilatio, nisi ineffabilem Deum? Ineffabilis enim est quem fari non potest, et tacere non debes ; quid restât, nisi ut jubiles, ut gaudeat cor sine verbis et immensa latitudo grandiorum metas non habeat syilabaram (S. Augustin, in psalm. 32, n» 8).

(****) Sequitur jubilatio quam sequentiara vocant (Ordo rom.).

(***♦♦) Lib. 3, cap. 16.

(******) De Sacram. altaris, cap. 12.

(•**•*") Offic, divin., lib. 1, cap. 33.

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(pneunia) ou cri de joie qui termine VAllelu-îa exprime la joie et l'amour des fidèles^ et la grandeur de l'allégresse et de la louange qui ont été les conséquences de Faudition de la parole de Dieu et de la foi en sa prédication , selon cette parole : « Sion a entendu^ et elle s'est réjouie, etc. ; » et dans les canti- ques : « Nous tressaillerons et nous nous réjouirons en toi. » On dira, dans la préface de la cinquième partie, ce que c'est que le neume. Quand on doit chanter la séquence, on ne dit pas le neume doives V Allelu-iay comme on le verra au chapitre de la Séquence. UAllelu-ia peut encore se rapporter à l'en- thousiasme de ceux qui se réjouissaient des miracles du Christ, louant le Seigneur et disant : « Nous avons vu aujourd'hui des c( choses prodigieuses, et le Seigneur a visité son peuple. » Alors, en effet, on chantait hautement Allelu-ia, parce que le peuple ayant vu , loua Dieu et se réjouissait de tout ce que le Christ faisait de glorieux. D'où vient qu'on ne chante pas VAllelu-ia depuis la Septuagésime jusqu'à Pâques , parce que dans le temps de la tristesse on ne doit pas chanter un chant d'allé- gresse, comme on le dira dans la prçface de la sixième partie. Quand on répète YAllelu-ia en y intercalant un verset et qu'on le dit ainsi deux fois à la messe , cela désigne la joie de la vie éternelle, et que les saints, au milieu de leurs transports d'allé- gresse , reçoivent deux robes de gloire, l'une pour leur ame, l'autre pour leur corps. Car c'est à cause de la robe de l'ame que les saints seront dans la joie, se voyant comblés de gloire, et qu'ils se réjouiront dans le repos de leurs lits ; et par rap- port à la robe de leur chair ils brilleront et étincelleront comme des feux qui courent au travers des roseaux. On parlera de cela dans la sixième partie, à l'article du Samedi in alhis (6). Donc, le verset ne doit avoir rien de sinistre ou de triste, mais résonner tout entier comme un chant agréable et doux, comme, par exemple : c( Le Seigneur a régné, et a été revêtu de gloire

(6) C'est le samedi de la semaine de Pâques,

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<( cl de majesté. — Que la terre tressaille de joie , que toutes (( les îles se réjouissent. — Chantez dans de saints transports à c( la gloire de Dieu, vous tous habitants de la terre, etc. — Le « juste fleurira comme le palmier, etc. — Dieu essuiera toutes <( les larmes de leurs yeux, et il n'y aura plus aussi là ni pleurs, « ni cris, ni afflictions. »

Vil. Le verset s'appelle ainsi du verbe rêver tere^ retourner, revenir, parce que c'est par lui que nous retournons à VAlle" lu'ia, et qu'il est ensuite suivi d'un autre Allelu-ia ; et il signi- fie qu'on doit joindre les œuvres aux paroles de louange, parce que celui qui cesse de faire bien ne loue pas bien Dieu. La ré- pétition de VÀllelu-ia avec le neume symbolise la louange et la joie ineffable de la patrie. En quelques églises, VAllelu-ia est chanté par des enfants, et le graduel par des hommes , pour marquer que Dieu tire sa plus parfaite louange de la bouche des enfants, es qui a fait dire au Psalmiste : <c Enfants, louez' « le Seigneur, » dans un psaume qui a pour titre : Allelu-ia. Or, ceux qui sont enfants louent dignement le Christ , et ceux qui sont forts dans la foi et dans le support des adversités, qui peuvent combattre contre les Amalécites, ceux-là doivent chan- ter le graduel.

Vlll. Sur quoi il est à noter que ce sont d'autres chantres qui dirigent les chants du chœur avec leur grande voix ; ils re^ présentent les gouverneurs de TEglise , qui louent Dieu et in- vitent les autres de la voix et de l'exemple à le louer ; ces au- tres, ce sont les enfants qui chantent le graduel sur les degrés de l'autel ou en élevant successivement la voix [in gradihus). Les premiers marchent à grands pas de vertu en vertu , gra- vissant les degrés [gradihus] de la charité, et invitant les au- tres à la componction. En chantant le verset ils brûlent les pensées qui reviennent les assaillir, et en le terminant ils font entendre qu'ils ont combattu un bon combat et qu'ils ont achevé leur course. Dans d'autres églises, ce sont des hommes d^un âge mûr qui chante-nt ensemble VAllelu-ia ou le trait au

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pupitre ; ils représentent les contemplatifs , qui affligent leur chair et qui châtient leur ame, et dont la vie, qui est aux cieux, n'est pas la vie des hommes, mais celle des anges. Mais ils ne chantent pas seuls la séquence : tout le chœur réuni la dit à pleine et joyeuse voix, parce qu'une joie éternelle et ineffable sera commune aux anges et aux hommes. On devrait aussi chanter VÂllelu-ia sur les marches de l'autel et dans la direc- tion de l'orient ; et comme VAllelu-ia est le symbole de la vie contemplative, on doit le chanter en un endroit plus élevé que le répons, qui désigne la vie active. Dans certaines églises, ce- lui qui chante VAllelu-ia tient quelque chose à la main pour montrer qu'il loue Dieu , non-seulement de bouche , mais en- core d'action ; ou bien il bat la mesure en frappant ses mains l'une contre l'autre , selon cette parole du Psalmiste : « Na- (( lions, frappez des mains toutes ensemble ; chantez la gloire (( de Dieu par des cris d'allégresse. » Dans la plupart des égli- ses aussi^ on chante trois fois VAllelu-ia en l'honneur de la Tri- nité , les dimanches , avec ces paroles : Benedictus ou Qualis Pater, afin d'arriver, par une joyeuse profession de foi, au ciel, terme de l'espérance. Et remarque que souvent nous omettons VAllelu-ia du dimanche, depuis la Pentecôte jusqu'à l'Avent, parce que les graduels sont à cette époque disposés dans un autre ordre que dans le reste de l'année ; et voilà pourquoi un chantre soigneux fera attention à cette différence, et assignera à chaque office les Allelu-ia qui s'y rapportent.

CHAPITRE XXI.

DU TRAIT.

I. Depuis le dimanche de la Septuagésime jusqu'à la veille de Pâques, qui sont des jours et des offices de deuil, comme on ne fait pas entendre alors de chant d'allégresse, au lieu de 1'^/-

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Iclu-ia, qui signifie le tressaillement de joie que nous donne l'es- pérance des biens éternels, on dit le trait, dont l'institution re- monte au pape Télesphore. Le trait s'appelle ainsi de trahere^ tirer, traîner, parce qu'on le chante en traînant [traclim), d'une voix dure, et en pesant sur les mots. Cela figure la misère et le labeur du présent exil , dont le Psalmiste dit : « Que je c( suis malheureux de ce que le temps de mon exil est si long ! » En etfet^ le trait représente la longue attente des saints patriar- ches, et la tristesse et l'affliction des Juifs captifs, qui, pendant la captivité de Babylone, assis sur le bord de l'Euphrate, pleu- raient et suspendaient leurs instruments de musique aux bran- ches des saules. Cette captivité est représentée par l'Eglise, lorsque, à partir de la Septuagésime, elle suspend le cours des cantiques d'allégresse et dit le trait.

II. Or, il y a autant de difi'érence entre YAllehi-ia et le trait qu'entre l'allégresse et la tribulation. Il y a encore autant de différence entre le répons, auquel tout le monde répond, et le trait , auquel personne ne répond , qu'entre la vie active et la vie contemplative. Le trait tient le milieu entre le répons et YAllelu-ia, comme on le dira dans la sixième partie, au chapitre de la Semaine après Pâques. Enfin, le trait, qui exprime les gémissements et les chants mêlés de pleurs, représente les lar- mes qu'ont répandues les saints , soit dans la vie active , soit dans la vie contemplative.

III. D'où vient qu'on l'appelle trait [tractus] , parce que les saints qui soupirent tirent (tractant) leur gémissement du fond de leurs poitrines; car, bien qu'ils se réjouissent, comme VAl- lelu-ia les en. avertit, cependant, demeurant dans cette vallée de larmes, ils sont arrosés en haut et en bas, ce que le trait in- dique d'une manière mystique. Il gémit, en effet, comme s'il pleurait à cause de l'amour de la béatitude d'en haut : comme les Juifs, assis sur les bords de l'Euphrate^ à Babylone, au sou- venir de leur patrie , et qui répandaient des larmes cependant aussi à cause de leur misère et de celle des autres, parce que t

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dans le voisinage du fleuve de Babylone ils se voient , eux , souvent arrosés^ et les autres entièrement inondés et emportés en bas par la rapidité du fleuve. Mais^ parce que ces pleurs sont parfois causés par la vue de la joie d'en haut, et parfois par la vue de notre misère ici-bas , de même le trait est parfois un chant d'allégresse pour remercier Dieu de Teau d'en haut, comme De profundis et autres traits de ce genre. Grégoire parle de ces deux arrosages dans le troisième livre de ses Dia- logues, chapitre xxxiii.

IV. Et il faut remarquer qu'après deux traits exprimant la tribulation suit un trait qui ressent l'allégresse, comme on peut le voir au dimanche de la Septuagésime et aux suivants, et cela parce qu'après les deux jours de la sépulture du Seigneur le troisième vit sa résurrection, et qu'ici-bas la joie n'est pas entière et continue, mais qu'elle est souvent interrompue. Voilà pourquoi l'Eglise interpose parfois le trait^ comme au temps de la Septuagésime , et lorsque le samedi de Pâques elle fait suivre les autres chants d'un trait , parce que la joie d'ici-bas ne doit pas être sans larmes. Cependant le samedi in albis on double r.4//e^w-m^ parce que dans l'éternelle vie la joie sera parfaite, la chair et l'ame étant également glorifiées, et la résurrection des saints ayant complété celle du Christ.

V. Depuis le dimanche de la Septuagésime jusqu'au mer- credi des Cendres, on dit seulement le trait les dimanches, parce qu'alors le peuple vient plus assidûment à l'église , con- duit par le besoin d'apprendre comment il doit déplorer la captivité du diable, figurée par celle de Babylone.

VI. Car le trait représente le temps de la captivité de Baby- lone ; mais, après le mercredi des Cendres , où commence le jeûne, nous sommes plus fréquemment rassemblés dans l'é- glise, parce que c'est alors une époque de tristesse et d'afflic- tion, et établie particulièrement pour secouer le joug de la cap- tivité du diable par la douleur de la contrition^ l'humilité de la confession et l'énergie de la satisfaction, qui se retrempent

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fortement, surtout dans le jeûne. Mais, quoique le dimanche figure la résurrection, cependant les dimanclies de la Septua- gcsime on suspend les cantiques d'allégresse et Ton dit des traits, parce que les Juifs, pendant les soixante-dix années de la captivité de Babylone, furent continuellement affligés, et que nous, pendant les soixante-dix ans de cette vie, qui s'ac- croît de sept en sept ans , et qui, par conséquent, nous mène jusqu'à soixante-dix ans , nous avons sans cesse des douleurs et des misères, jusqu'à ce que nous arrivions au repos éternel (octavam) [a) de la vraie, parfaite et non figurative résurrection, par la miséricorde du Christ.

VII. Enfin , il faut considérer que les versets des séquences se disent deux par deux , sur un même chant , ce qui a lieu parce que (la plupart du temps) ces versets sont placés deux à deux pour le même rhythme, sous un pareil nombre de syllabes; ce qui ne se rencontre pas dans les versets des traits, qui, poui la plupart, sont pris de la sainte Ecriture, et voilà pourquoi on ne peut pas les accoupler aussi bien. Les séquences sont com- posées sur un chant unique, pour marquer que le transport de la vraie charité est parfait en Dieu seul , car la séquence dé- signe le transport, et l'accouplement de ses strophes la cha- rité. Mais on chante un à un les versets des traits, parce qu'ils marquent la douleur, selon cette parole du Psalmiste : « Pour « moi, je suis seul jusqu'à ce que je passe. » Et Jérémie (II, q. I, Quando) : (( J'étais seul et assis à l'écart, parce que j'étais (( rempli d'amertume. » Il ne faut pas non plus oublier que régulièrement le graduel o\xV Allelu-ia suivent immédiatement l'épître, pour que nous ne soyons pas exposés au reproche ex- primé en ces termes par le musicien dont parle le Christ en ces mots : « Nous avons chanté, et vous n'avez point dansé; « nous avons chanté des airs lugubres , et vous n'avez point <( pleuré. » Car on chante V Allelu-ia pour exprimer un mou-

(a) Apud Du Gange, Gloss., verbo Odava, i.

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vement de danse , et le graduel comporte avec lui les krmes de la pénitence. Cependant VAUelu-ia ne se fait pas entendre les samedis des Quatre-Temps, non plus que le mercredi et le vendredi de la grande Semaine^, ni les jours où le Irait suit im- médiatement l'épître, et cela parce qu'en ces jours-là nous n'a- vons pas avec nous le musicien dont parle le Christ. On le vend le mercredi, on le crucifie le vendredi , ce que l'on représente en quelque façon les samedis des Quatre-Temps , et c'est pour marquer un plus grand deuil que ces samedis-là le trait suit immédiatement l'épître. Le trait indique un plus grand deuil [jue le graduel, pour nous faire entendre qu'on ne le chante jamais avec YAllelu-ia^ excepté, pour une raison particulière, le samedi de Pâques.

CHAPITRE XXII.

DE LA PROSE OU SÉQUENCE {a).

I. Après VAllelu-ia on dit la prose ou séquence , qui est aussi m chant de joie, pour marquer les deux robes de gloire que [es saints recevront, comme on l'a dit plus haut. Tous ensemble chantent la séquence en chœur, pour symboliser l'accord par- fait de la charité ; car c'est la louange qui plaît à Dieu, selon

ette parole du Cantique des cantiques : a Tu as blessé mon

c( cœur, ma sœur^ma fiancée, par l'un de tes yeux. » L'époux iit Xi par un, » pour marquer que l'accord et la volonté sont uniformes, car une louange ainsi formulée est le mets le plus igréable à Dieu; c'est là cette tunique sans couture que Dieu l'a pas souffert qu'on divisât (XYl, q. xi), comme on le dira

(a) Voir, à la fin de ce volume, Appendice n» 1 , un travail sur les proses du moyen -âge, comprenant tout ce qui nous reste en ce genre du célèbre Adam, îhanoine de Saint-Victor, au XII^ siècle. Ces pièces, au nombre de trente-huit, iont suivies de diverses autres séquences rares et curieuses.

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dans la préface de la cinquième partie , où l'on parle des an** 1 tiennes.

II. Notker^ abbé de Saint-Gall, en Allemagne, fut le pre-j mier qui composa des séquences pour remplacer les neumes | dont on faisait suivre VAUelu-ia, et le pape Nicolas permit de les chanter h la messe. Hermann Contracta allemand, inventeur de l'astrolabe, composa les séquences suivantes : Rex omnipo- tens et sancti Spirilus, etc., et Ave Maria gratia, et l'antienne Aima Redemptoris mater, et Simon Bar-Jona.

m. Pierre, évêque de Composielle, fît cette antienne : Salve, regina misericordiœ , vita, dulcedo et spes nostra, salve : ad te clamamus. Un roi de France, nommé Robert, composa la séquence suivante : Veni^ sancte Spiritus, et l'hymne Cho- rus novœ Hierusalem. Anciennement, on avait coutume de toujours chanter VAllelur-ia avec un neume; mais le pape Nicolas ordonna qu'à la place du neume ^ aux principales fêtes , on chanterait des séquences. Quand donc on ne dit pas YAllelu-ia, il ne convient pas de chanter la séquence, qui tient lieu du neume, lequel signifie que la joie et les délices de l'éternelle vie ne peuvent s'exprimer par aucune parole; eti voilà pourquoi on se sert du neume, qu'on peut appeler un son de voix vague, indéterminé et n'ayant aucun sens. De là vient aussi que quelques antiques séquences renferment habituelle- ment des mots nouveaux, inconnus et hors d'usage, tant parce que les joies du ciel sont cachées et inconnues aux mortels, que parce que nous ignorons la manière dont on loue Dieu dans l'éternelle patrie , et tant parce que le cri du cœur n'est pas bien connu dans la vie d'à présent , que parce que tout ce qui est nouveau a le prestige de la beauté (6), selon une expression de la préface du Digeste. Mais aujourd'hui on dit les séquences

(6) Omnia nova sunt pulchritudine decomta; c'est notre proverbe : « Tout ce qui est nouveau est beau. » C'est bien le cas de dire :

On ne s'attendait guère

A voir le Digeste en cette affaire.

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d'une voix bien articulée, pour marquer que dans cette grande solennité de la vie éternelle le chant de gloire sera tout-à-fait SU. Les séquences sont la figure mystique des louanges de la vie éternelle , selon cette parole : a Heureux ceux qui demeu- « rent dans ta maison . Seigneur ; ils te loueront dans les siè- c( des des siècles. » Les séquences, en effet, ont des termes d'où coule la louange, et leur chant est doux et suave, parce que dans la vie éternelle toutes choses porteront avec elles leur louange et auront une mélodie céleste , comme celle de l'orgue ; une allégresse d'où s'épanche la douceur coulera en abondance dans cette vie sans fin, qui sera habitée par un peuple d'heureux. Et parce que les expressions de la langue humaine ne peuvent pas rendre entièrement l'harmonie des louanges de l'éternité, dans certaines églises on soupire {pneu- malizant) à un point de vue mystique l'air des séquences, sans en prononcer les paroles , ou au moins quelques-unes de leurs strophes. Car on n'aura pas besoin de la parole dans la vie éter- nelle, où le livre de vie s'ouvrira devant tous, et où tous les cœurs pourront y lire l'un après l'autre ; là aussi la parole sera inutile pour se justifier contre le témoin accusateur et le Juge des juges (X, q. III, ^orwm). Et remarque que, selon [saint] Isidore, la prose est le produit d'une règle que la loi du mètre résout ; son nom de prose lui vient de son étendue {profusa) ; le terme de séquence vient de ce qu'elle suit [sequitiir) le neume de la joie. On applique aussi ce terme à l'évangile^ en disant : Sequentia evangeliiy « Suite de l'évangile ; » mais, dans ce cas, sequentia est employé au singulier.

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CHAPITRE XXIII.

DU CHANGEMENT DE PLAGE DU PRÊTRE.

I. Le prêtre se tiendra assis au côté droit de l'autel et sans parler, jusqu'à ce que Tépître soit lue et pendant que le chœur chante le graduel : c'est pour faire entendre que lorsque Jean prêchait, le Christ, en quelque sorte , se taisait , parce qu'il ne prêchait pas encore ouvertement. Mais le prêtre se lève quand il va dire l'évangile, parce que, comme l'Evangéliste nous l'apprend, lorsque Jean eut été mis en prison par Hérode, Jésus vint en Galilée pour prêcher la bonne nouvelle du royaume de Dieu [evangelium regni Dei). Et comme il n'est permis qu'au vainqueur de s'asseoir^ quand le prêtre s'asseoit il repré- sente à juste titre la victoire du Christ^ qui, après avoir jeûné, vainquit le diable^ qui, après l'avoir vainement tenté, le laissa, et en même temps les anges s'approchèrent de lui et ils le ser- vaient. Donc^ après le chant de la séquence le prêtre se lève et vient au côté gauche de l'autel , oii il lit l'évangile , pour marquer que le Christ n'est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, comme il l'a dit lui-même dans l'Evangile : a Ce « ne sont pas ceux qui se portent bien , mais les malades qui (( ont besoin de médecin » ( II, quœst. i, Mullï) . Or, le côté droit marque les justes, et le côté gauche les pécheurs, et c'est pourquoi au jugement le Seigneur mettra les brebis à droite et les boucs à gauche , comme on l'a dit au chapitre de l'Orai- son ou Collecte.

II. Il en est cependant qui ont dit qu'au commencement de la messe le prêtre allait à droite de l'autel, lorsqu'il lit l'évan- gile il va à gauche, et que vers la fm il retourne encore à droite, parce que le culte de Dieu fut d'abord le partage du peuple

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juif, qui alors était à droite ; ensuite les Juifs, ayant perdu la foi et méprisant la parole de Dieu, dont ils étaient indignes, le culte de Dieu passa aux Gentils, chez qui les apôtres portèrent leurs pas, et alors les Juifs furent à gauche, et, vers la fin du monde, ce culte retournera aux Juifs , prêches par Enoch et Elie , qui réuniront les cœurs des pères avec leurs enfants, parce qu'en ces jours-là Juda sera sauvé et les restes d'Israël aussi, car le Christ, qui avait d'abord dit : « N'allez pas au milieu des (( Gentils , » fit ensuite cette recommandation à ses apôtres : (( Allez par tout l'univers. » Donc, parce que la parole de Dieu a été portée à ceux qui étaient placés à gauche , pendant que la rosée mouilla toute la terre , à l'exception de la toison de Gédéon, qui resta sèche, c'est avec raison qu'on lit l'évan- gile à gauche de l'autel, comme on le dira dans le chapitre suivant. Sur quoi l'on a fait ces vers :

(( Voici pour quelle raison le prêtre qui célèbre le saint sa- crifice , au commencement et à la fin se tient à droite de l'au- tel , et au milieu de la messe passe à gauche :

c( Le côté droit figure les Juifs ; le côté gauche les Gentils. (( Notre foi a commencé par eux , elle nous a été ensuite apportée.

(( Elle leur sera rapportée un jour, et alors tous les hommes auront une seule et même foi. ))

Et, comme le prêtre qui lit l'évangile représente la personne du Christ, qui n'a pas prêché aux Gentils, mais aux Juifs, selon ce qu'il dit lui-même dans l'Evangile : « Je n'ai été envoyé que « pour ramener les brebis d'entre Israël qui se sont égarées, » > que celui qui entend ces paroles en pèse prudemment le sens parfait. On a parlé de cela au chapitre qui a pour titre : Com- ment l'Evêque ou le Prêtre et ses Ministres doivent se tenir devant l'autel. A quelque partie de l'autel où le célébrant se transporte, ses assistants doivent le suivre par derrière, comme on l'a dit dans le chapitre précité.

Tome II. 9

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130 RATIONAL

CHAPITRE XXIV.

DE L'ÉVANGILE.

I. Dans un des derniers chapitres, un peu ci-devant^ on a dit comment le prêtre , lorsqu'il ne célèbre pas une messe so- lennelle^ lit lui-même l'évangile. Mais quand l'évêque ou le prêtre célèbre le saint sacrifice en entier, dans toute sa pompe et entouré de ses assistants, alors, dans certaines églises^ comme à Rome, le diacre, après avoir baisé la main droite du pontife, prend sur l'autel le livre des évangiles , le passe ensuite au sous-diacre pour qu'il le porte, demande ensuite à l'évêque ou au prêtre sa bénédiction et la reçoit. Cependant, dans les au- tres églises le diacre demande d'abord la bénédiction avant que de prendre le livre sur l'autel. Après avoir reçu la béné- diction , le diacre va au pupitre placé à droite du chœur ; il est précédé du sous-diacre portant l'évangile, devant lequel on porte l'encensoir avec l'encens , que devancent les céroféraires avec leurs cierges allumés. Dans certaines églises, on porte en tête de la marche l'étendard de la croix, et c'est dans cet ordre que le diacre monte au pupitre et commence l'évangile, après la lecture duquel tous retournent ensemble devant l'é- vêque ou le prêtre. Nous examinerons Tune après l'autre "tou- tes ces particularités dans la suite de ce chapitre. Il est à remar- 1 quer qu'en certaines églises, aux principales festivités , lorsque le diacre veut aller lire l'évangile , il commence l'antienne qu'on dit à nocturne pour le psaume Benedictus , et que pen-| dant qu'il se rend au pupitre le chœur chante et finit cette antienne, pour marquer la charité; et on la dit sans neume, pour montrer que Dieu ne nous a recommandé que d'avoir la simple charité. Mais ce symbole est changé à l'heure qu'il est;

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car le diacre, qui d'abord représentait le Prophète, figure à présent Jean l'évangéliste , parce que la loi et les prophètes se sont arrêtés à Jean-Baptiste , et c'est à partir de lui que le royaume des cieux a été annoncé [evangelizatur). On lit donc l'évangile, afin que, comme le Christ a prêché lui-même après la loi, les prophéties et les psaumes^ de même, après l'épître, le répons et Vallelu-ia^ sa prédication est annoncée au peuple par l'évangile.

II. Evangileyeni dire bonne nouvelle, et se compose de deux mots grecs éy et ayyihov. L'Evaugilc, c'est la prédication du Christ et des apôtres; il annonce, en effet, la vie après la mort, le repos après la fatigue , la puissance après la servitude.

III. 11 faut savoir que, de même que la tête s'élève au-dessus de tous les autres membres du corps, et que tous dépendent d'elle, ainsi aussi , l'Evangile est le principe de tout ce qu'on dit à la messe et domine tout le saint sacrifice; tout ce qu'on chante et lit se rapporte à lui, qui en donne l'intelligence, comme on le dira dans la sixième partie, à l'article du Dimanche en général.

IV. Or, le diacre baise d'abord la, main droite du pontife, sans rien dire , parce que le prédicateur doit répandue l'Evan- gile en vue de la gloire éternelle, dont la fiancée dit dans le Cantique des cantiques : ce 11 m'embrassera de sa main droite.» Et l'ange qui venait annoncer la gloire de la résurrection du Christ était assis à droite dans le tombeau, et revêtu d'une

i robe blanche. Cependant, dans les autres églises il ne baise pas la main du célébrant, mais il s'incline seulement pour deman- der la bénédiction. Le sous-diacre ou le diacre ne baise pas les mains , mais les pieds du pontife romain , pour rendre au Sou- verain-Pontife un souverain respect , et pour montrer qu'il est le vicaire de Celui dont la femme pécheresse baisait les pieds. On doit adorer (adorandiim) l'escabeau de ses pieds, parce qu'il est saint, et quand le Christ fut ressuscité d'entre les morts, les femmes prirent ses pieds et les adorèrent. En géné- ral , personne ne doit baiser la main du Souverain-Pontife , à

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moins qu'il ne reçoive quelque chose de ses mains , ou quand il lui met quelque chose entre les mains, pour montrer que de deux manières nous devons rendre grâces à Celui qui donne toujours de ce qui lui appartient en propre, et qui ainsi ne reçoit jamais rien qui ne lui appartienne déjà. Nous dirons au chapitre des Oblations quelles sont les offrandes que reçoit le pontife romain.

V. Ensuite, le diacre prend sur l'autel le livre des évangiles, parce que « la loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur de (( Jérusalem. » Et il ne s'agit pas ici de la loi de Moïse, qui avait été tirée du mont Sinaï, mais de la loi de l'Evangile, dont le Prophète dit : te Voici que les jours sont arrivés, dit le Sei- (c gneur ; je consommerai le Nouveau-Testament avec la mai- ce son d'Israël et la maison de Juda. » On prend encore le livre de dessus l'autel, parce que les apôtres reçurent l'Evangile de l'autel, lorsqu'en le prêchant ils annonçaient la passion du Christ. Ou bien ici l'autel indique les Juifs, à qui le royaume de Dieu est ôté pour être donné à un peuple qui en produira les fruits. Prendre le livre de dessus l'autel signifie que l'E- vangile est la parole de Dieu, que symbolise l'autel, selon TExode, chapitre XX : ce Vous me dresserez un autel de terre.» Et, pour les raisons précitées, certains prêtres voulant dire à la fin de la messe l'évangile de saint Jean ou un autre , impri- ment d'abord le signe de la croix sur l'autel, et ensuite sur leur front.

VI. Le diacre prend le hvre, comme le veulent certains au- teurs, à droite de l'autel, parce que l'Eglise des Juifs, dont la nôtre a pris naissance anciennement, était à droite ; et il le met dans sa main gauche, en appuyant dessus sa main droite, selon cette parole : « Il met sa main gauche sous ma tête , et il m'em- (( brasse de sa main droite ; » et cela pour une triple raison. Premièrement , parce que l'Evangéliste nous enseigne à mettre les biens du ciel , figurés par la main droite, au-dessus des biens terrestres, représentés par la main gauche. Deuxièmement, le

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diacre abaisse le livre sur l'épaule gauche , pour marquer que la prédication du Christ passera des Gentils aux Juifs, selon cette parole d'Isaïe, chapitre xx : « En ces jours-là, Juda sera « sauvé. )) Troisièmement, parce que dans la vie du temps, designée parla gauche^ il est nécessaire de prêcher l'Evangile. Dans certaines églises, le livre des évangiles est orné à l'exté- rieur d'argent et de pierres précieuses , comme on Fa dit dans la troisième partie, au chapitre des Vêtements de l'ancienne loi. Ce livre, depuis l'entrée du prêtre à l'autel jusqu'à la lecture de l'évangile , reste sur l'autel pour figurer Jérusalem , parce que la doctrine de l'Evangile fut d'abord promulguée à Jéru- salem et y demeura depuis l'avènement du Seigneur jusqu'au moment de sa publication aux Gentils , selon cette parole : « La « loi sortira de Sion , et la parole du Seigneur de Jérusalem. » Or, Jérusalem est le théâtre de la passion, figuré par l'autel.

Vil. C'est avec raison que le diacre demande à être béni, parce que nul ne doit prêcher l'Evangile s'il n'en a reçu la mission , selon cette parole : « Comment prêcheront-ils , s'ils (( ne sont envoyés? » (Extra De hœred. cum ex injuncto). Et le Seigneur dit aux apôtres : « Priez le maître de la moisson qu'il <( envoie des ouvriers en sa moisson » (xxv d.. In novo). Et quand Isaïe entendit la voix du Seigneur qui disait : » Qui en- « verrai-je, et qui ira porter nos paroles? » il répondit : « Me « voici, envoie-moi. » Et le Seigneur lui dit : « Vas, et dis à « ce peuple : Ecoutez ce que je vous dis, etc. » (VIII, q. i, Sciendum) .

VIII. Moïse figura d'avance cette bénédiction, lorsque, mon- tant sur la montagne , il reçut les tables et la bénédiction du Seigneur, et transmit ses commandements au peuple. Le Sei- gneur a aussi béni l'ordre diaconat ; il lui a donné l'Esprit saint, et il l'a envoyé prêcher par tout l'univers. Voilà pourquoi le pontife ou le prêtre bénit d'une manière visible le diacre, qui doit lire l'évangile, ce qu'il n'a pas fait pour le sous-diacre, qui lit l'épître; parce que le Christ, demeurant invisible, envoya

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d'une manière invisible la loi et les prophéties figurées par l'é- pître ; mais , après qu'il se fut montré sur la terre et qu'il eut conversé avec les hommes , il instruisit et envoya d'une ma- nière visible les apôtres et les évangélistes. ce Et où vous irez c( (leur dit-il) prêchez, en disant que le royaume des cieux est c( proche. » Et, étant partis, ils allaient dans les bourgs, en prêchant la bonne nouvelle et opérant des guérisons. Le célé- brant envoie le diacre lire Févangile, pour marquer que le Christ envoya les apôtres pour annoncer le royaume de Dieu. IX. Puis le diacre, méditant ce que le célébrant lui a dit en le bénissant^ s'appliquera à avoir le cœur sans tache ^ la bou- che pure, et la chasteté dans ses actions, afin de pouvoir digne- ment annoncer le très-saint Evangile :, parce que la source des eaux vivantes, c'est-à-dire la'prédication de l'Evangile, ne coule avec impétuosité, c'est-à-dire librement, que du Liban, c'est- à-dire d'un cœur chaste et d'une bouche pure. En effet, la louange n'est pas belle sur les lèvres du pécheur; bien plus, Dieu lui a dit : « Pourquoi célèbres-tu ma justice et as- <( tu l'audace de me rendre témoignage par ta bouche? » (III, q. vm, § Quod testatur). Et c'est pourquoi le diacre se munit du signe de la croix ; puis , ayant obtenu son congé et la béné- diction qu'il demandait , et ayant fait le signe de la croix afin de marcher avec sécurité, il s'avance vers le pupitre, en si- lence, la tête inclinée, et sans rien porter, dans certaines égli- ses, à cause de la recommandation que le Seigneur lui-même fît aux apôtres, qu'il envoya pour prêcher le royaume de Dieu : « Vous ne porterez rien en voyage, et ne saluez personne dans le « chemin. » Cependant, dans d'autres églises le diacre porte le livre, comme on le dira tout-à-l'heure. Arrivé à l'ambon, il salue comme s'il entrait dans une maison et qu'il lui souhaitât la paix, comme on le dira plus bas ; et il passe de la droite du chœur à la gauche , pour que le livre des évangiles suive cette direction, selon cette parole : « La loi sortira de Sion, et lapa- « rôle du Seigneur de Jérusalem , » comme on l'a dit plus

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haut. En effet, la Judée ayant méprisé la parole de Dieu^ les apôtres allèrent des Juifs aux Gentils , figurés par la gauche , et leur prêchèrent cette parole divine. D'oia vient que F Apôtre dit aux Hébreux : ce Vous étiez les premiers à qui il fallait an- « noncer la parole de Dieu; mais^ puisque vous la rejetez et « que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éter- « nelle , nous nous en allons présentement chez les Gentils » (Extra Be renun. nid). On a parlé de cela ci-dessus, dans un des précédents chapitres.

X. Dans l'Eglise romaine et dans quelques autres, le sous- diacre ne suit pas le même chemin que le diacre pour aller au pupitre^ parce que tous les deux accroissent la somme de leur science d'une manière différente, celui-ci en enseignant, ce- lui-là en étudiant^ et parce qu'ils progressent dans la justice, le serviteur par le mérite de ses œuvres , et le prédicateur par celui de sa parole ; ce qui a fait dire au Psalmiste : ce Ta justice (( est comme les montagnes les plus élevées. » Us descendent cependant par le même chemin pour retourner au pontife, parce que c'est en persévérant jusqu'à la fin qu'on arrive à la récompense, comme le Seigneur l'a dit : a Celui-là sera sauvé (( qui persévérera jusqu'à la fin » [Depœnit.^ dist. n^ Aposto- lus y etc., multi). Et, comme la prédication sans les œuvres ne suffit pas , Jésus commença à faire et à enseigner ; c'est pour- quoi le prédicateur (le diacre) revient par le chemin qu'avait pris le serviteur (le sous-diacre) en allant. En outre^ celui qui doit lire l'évangile part et monte par un chemin, et revient et descend par un autre, pour rappeler cette parole de l'Evangé- lisle : ce Ils s'en retournèrent en leur pays par un autre che- « min ; » et parce que les apôtres prêchèrent d'abord les Juifs et ensuite les Gentils, selon cette parole de l'Apôtre déjà citée : « Vous étiez les premiers à qui il fallait annoncer la parole de (( Dieu ; mais^ puisque vous la rejetez et que vous vous jugez a vous-mêmes indignes de la vie éternelle, nous nous en al- « Ions présentement chez les Gentils. »

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13G RATIONAL

XI. C'est avec raison que le sous-diacre précède le diacre, parce que Jeaii-Bapliste et sa prédication précédèrent le Christ \ et sa parole ; de plus, en certaines églises, il porte un coussin pour mettre sous le livre. Le coussin qu'on met sous le livre pour l'y poser signifie la consolation de la vie ou les biens temporels, comme si l'on disait >: « Si donc nous avons semé c( parmi vous les biens spirituels , est-ce une chose surpre- « nante que nous recueillions un peu de vos biens lempo- « rels? » (I Cor.^ ix, 11, q. § i); car, selon l'Apôtre dans la première épître aux Corinthiens , « ceux qui servent à l'autel (( ont part aux oblations de l'autel )» (Extra De prœbe) , puis- \ que, selon le Christ, « celui qui travaille mérite qu'on le nour- | c( risse » (saint Mathieu, ch. x); et le Seigneur mit ce précepte dans la loi : « Tu ne fermeras pas la bouche au bœuf pendant (( qu'il foule le blé» (Extra De prœh. extirpandœ). On place ! encore un coussin sous l'évangile pour montrer que le joug du ^ Seigneur ou le fardeau de l'Evangile est doux à porter pour ceux qui veulent bien l'accepter. On lit en saint Mathieu : c( Mon joug est doux, et mon fardeau est léger. » — « Celui i (c qui s'est soumis [suhjicitur) à ce joug a tout subjugué [suh- j jecta hahet), » dit [saint] Augustin. Donc, le coussin c'est la | suavité et la douceur qui résident dans les commandements de l Dieu. C'est ce qui a fait dire au Prophète : « Tu t'es révélé au c( pauvre dans ta douceur^ ô Dieu ! » et encore : « Combien « sont doux à ma bouche tes enseignements , Seigneur ! » Ce- pendant, dans l'Eglise romaine le diacre marche le premier, en sa qualité de docteur, et le sous-diacre le suit, au titre d'au- diteur : le diacre marche le premier pour prêcher ; le sous-dia- cre le suit, pour remplir son emploi de serviteur. Mais, après la lecture de l'évangile , le sous-diacre , en quelque sorte suffi- samment instruit maintenant, précède le diacre en rapportant l'évangile , parce qu'il rapporte la récompense d'avoir servi la cause de l'Evangile, selon ce que le Seigneur même a promis dans l'Evangile ; c( Celui qui reçoit un prophète en quahté de

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 137

[ prophète recevra la récompense du prophète. » Et le diacre nvoie devant lui le sous-diacre au pontife , pour lui montrer [u'il rapporte le fruit de la prédication, touchant lequel le Sei-

neur avait ordonné ce qui suit : « Je vous ai établis, et je vous
ai établis , afin que vous marchiez , que vous rapportiez du
fruit, et que votre fruit demeure toujours. » Ajoutons à

ela que le sous-diacre , qui rapporte le livre et le coussin , aontre que le prédicateur doit offrir à Dieu sa vie ornée de lonnes œuvres. D'où vient que l'Apôtre dit aux Corinthiens :

Tout ce que vous faites ou en paroles ou en actions, faites-le

au nom du Seigneur Jésus-Christ» (XXVII, q. ult., Non hservetis) .

XII. Le diacre fait aussi marcher devant Févangile l'encen- oir et l'encens, parce que les œuvres du Christ précédèrent son nseignement, selon cette parole : « Jésus commença à faire

et à enseigner. » Et l'encensoir avec l'encens signifie la prière lite avec dévotion , que doivent surtout faire les fidèles alors u'ils se préparent à entendre la divine parole. Le diacre envoie ncore devant lui Fencensoir, parce que le prédicateur doit ex- aler de sa personne l'odeur d'une bonne réputation, selon ette parole de l'Apôtre : « INous sommes devant Dieu la bonne

odeur du Christ en tous lieux. » Car le mépris est réservé à i prédication de celui dont la vie est regardée sans respect Extra Be sac. une, ci).

Xin. Troisièmement, l'encensoir précède le diacre, afin que a prière monte vers le Seigneur comme la fumée de l'encens. )evant l'encensoir marchent deux porte-cierges avec des flam- leaux allumés, d'abord parce que le diacre doit allumer dans 3 cœur des auditeurs le désir et la joie d'entendre avec plaisir 'évangile et de lui obéir de plein gré. Cependant , dans cer- aines églises l'encensoir précède les cierges, parce que les )rières et les œuvres, toutes les vertus, en un mot, tirent leur lamme, leur lumière et leur éclat de la prière, figurée par Fen-

ens, selon cette parole
ce Que votre lumière luise ; » et : (( Il

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138 RATIONAL I

« sortait de lui une vertu qui les guérissait tous. » Ensuite , le" prêtre ou l'évêque fait précéder le diacre de deux acolytes por- tant des cierges et de l'encens, pour montrer que le Christ en voyait devant lui deux par deux ses apôtres dans toute ville ou pays où il devait aller lui-même, portant devant lui l'éclat des miracles et le parfum des vertus. D'où vient qu'à leur retout ils lui dirent : « Seigneur, les démons se soumettent à nous enj, (c nous entendant prononcer ton nom. » C'est avec juste rai son que les apôtres sont représentés ici comme la face même du Christ , car ils montraient aux peuples le modèle de sa doc- trine; c'est pourquoi il leur disait : ce Qui vous reçoit me re- c( çoit. » Troisièmement, l'encensoir et les chandeliers précè- dent le livre des évangiles , parce que les vertus et la réputa- tion du Christ précédaient son enseignement , au rapport de l'évangéliste saint Luc : ce Jésus s'en retourna en Galilée plein c( de la force de l'Esprit saint, et sa réputation se répandit c( dans tout le pays d'alentour , et il enseignait dans leurs sy- (( nagogues. » Quatrièmement, à cause de ce qui a été dit dans la seconde partie, au chapitre de l'Acolyte. '

XIV. Les deux cierges allumés désignent encore les docteurs de l'Eglise, par qui l'Eghse est illuminée, et la science qu'ils doivent avoir de l'Ancien et du Nouveau-Testament. Et l'on décore aussi ces cierges, la plupart du temps, de lignes de di- verses couleurs , pour montrer que la très-sainte Ecriture est expliquée de diverses manières par ces mêmes docteurs, comme on l'a dit au commencement de ce livre. Quand ces lignes sont d'or ou d'argent, elles marquent que l'on trouve dans ces doc-i teurs l'or de la science [sapientiœ) et l'argent de l'éloquence. |

XV. Ces mêmes cierges désignent aussi les deux Testaments,f par lesquels le genre humain est illuminé ; ou bien la loi et les prophètes , que dans certaines églises , pendant la lecture de l'évangile , on met sur le pavé , parce que l'ombre de la loi et les énigmes des prophètes sont compris même par les plus pe-^ tits (humilibus) , avec le secours de la lumière de l'Evangile;

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car devant la doctrine évangélique la loi et les prophètes se sont réduits entièrement à la lettre. Cependant, en certaines églises, aux jours ouvrables, un enfant portant un seul cierge précède le diacre, pour marquer qu'un seul précurseur^ savoir^ Jean-Baptiste, qui fut la lumière [lucerna) du Verbe, précéda le premier avènement du Christ, qui fut humble et caché. MaiS;, aux jours de fêtes, deux cierges marchent devant le diacre, parce qu'au second avènement, qui sera solennel et manifeste, deux héraults, savoir, Elie et Enoch^ seront envoyés en héraults et en éclaireurs, et ils seront tués par l'Ante-Christ dans Jérusalem, ce que symbolise l'extinction des cierges. On a parlé ailleurs des chandeliers et aussi des cierges , dans la pre- mière partie, au chapitre des Peintures.

XVI. La croix marche devant : Premièrement, pour mon- trer que le diacre doit prêcher le Crucifié. Deuxièmement, parce que celui qui le regarde avec foi est guéri de la morsure le l'antique serpent, car le Christ en croix c'est le serpent même d'airain sur le pilier. Troisièmement, la croix précède l'évangile, pour montrer que le prédicateur doit suivre le Cru- cifié. D'oi^i vient que le Seigneur dit à Pierre : «Suis-moi)» ([saint] Jean, chap. xxi). Puis le diacre monte à l'ambon.

XVII. On appelle, en latin, amhOy amhonisy le pupitre sur lequel on lit l'évangile (9). Le nom d'ambon vient du verbe ambio, ambis^ aller à l'entour, parce que cet endroit est en- touré [ambitur) de degrés ou marches. Dans certaines églises il y a deux paires de degrés ou deux montées à l'ambon au mi- lieu du chœur, l'une à gauche, savoir , vers l'orient^ par oii l'on monte ; l'autre à droite , savoir , vers l'occident , par où l'on descend, comme il a été dit plus haut. Le diacre monte du côté du midi, car le Christ vint [ascendit] de Béthel ou Bethléem , qui est au midi, à Jérusalem. Et il est dit : « Dieu (( viendra du côté du midi. » Le diacre monte donc à l'ambon pour marquer que le Christ entoure de sa protection (amhit) tous ceux qui gardent la parole de l'Evangile , pour pouvoir

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140 RATIONAL

être compris [ambiri) , et ainsi être mieux entendu par leS hommes.

XVIII. Le diacre monte aussi, pour, d'un lieu élevé et àl haute voix^ annoncer l'évangile, de manière à ce qu'il soit en- tendu partout et par tous , selon cette parole du Prophète i (( Monte sur une montagne élevée, toi qui annonces la honne (( nouvelle [evangelizas) à Sion ; emploie toute la force de ta c( voix. » Et le Seigneur dit dans l'Evangile : « Ce que je vous « dis dans les ténèbres, dites-le à la lumière, et ce que vous ce entendez à l'oreille, prêchez-le sur les toits » (Extra De hœ- red. cum ex injuncto), afin que nous imitions le Seigneur_, qui monta sur une montagne pour prêcher l'Evangile, et qui, ayant ouvert la bouche, instruisit ses disciples en ces termes : «c Bien- ce heureux les pauvres en esprit, etc. » La loi fut aussi donnée sur une montagne. Or, on lit l'évangile sur un endroit élevé et éminent, parce que la doctrine évangélique fut portée par toute la terre , selon cette parole : In omnem terram exivit so- nus eorum, etc. (ix d., Ita). On lit l'épître dans un endroil plus bas , parce que la loi et les prophètes , symbolisés par elle, furent renfermés en Judée, selon cette parole : «Dieu s'esl fait connaître dans la Judée, etc. » En outre, l'épître figure la prédication de l'Ancien-Testament, qui est terre à terre [humi- lior) ; tandis que par l'évangile on entend celle du Nouveau,' qui est plus élevée. En effet, la doctrine du Christ ou la loi évangélique surpasse celle des apôtres, et celle des apôtresl surpasse la doctrine de l'ancienne loi. Ce qui fait que l'Apôtre dit aux Hébreux, chap. vu : « La loi ne conduit personne à (( une parfaite justice , » tandis que l'Evangile sauve toul homme qui croit.

XIX. Mais à la messe pour les défunts on ne lit pas en un lieu éminent, mais près de l'autel, l'évangile et l'épître, pour marquer que les morts ne tirent aucun fruit des prédications que l'on fait publiquement aux vivants. Quand ces derniers manquent à l'église, on ne peut faire d'instructions publiques

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lU particulières, mais on prie plutôt pour eux le Christ, figuré >ar l'autel, pour qu'approchant de lui nous puissions obte- lir pour eux quelque révélation.

XX. On lit d'ordinaire l'évangile sur un aigle, selon cette larole du psaume xvii : « Il a volé sur les ailes des vents ; » et 'on couvre cet aigle ou l'endroit où on lit l'évangile les ours de fêtes, d'une étoffe de lin ou de soie, pour signifier la lexibilité des cœurs des chrétiens. Car le Seigneur a dit par a voix du prophète Ezéchiel : « Je vous donnerai un cœur de

chair, et j'écrirai ma loi dans vos cœurs. » Mais on ne cou-

re pas l'endroit sur lequel on lit l'épître, pour montrer la iureté des cœurs des Juifs.

XXI. Quand le diacre va lire l'évangile, il passe à gauche, omme on l'a déjà dit ci-dessus, au chapitre du Changement ie Place du prêtre, et il tourne sa figure vers l'aquilon ou lord-est, selon cette parole d'Isaïe, chap. xviii : « Je dirai à

l'aquilon : Donne-moi mes enfants, et au vent du midi : Ne
les empêche point de venir, » pour montrer que nous de-

ons nous armer de l'enseignement de l'Evangile et diriger pécialement la prédication du Christ contre celui qui a dit : c Je poserai mon trône contre l'aquilon, et je serai semblable

au Très-Haut ; » car, selon le Prophète, « c'est de l'aquilon

[ que tout mal se répandra sur les habitants de la terre. » On it aussi l'évangile vers l'aquilon , selon ce qu'on lit dans le ]antique des cantiques, chap. iv : « Que l'aquilon se retire, «  'est-à-dire que le diable s'enfuie, ce et que le vent du midi

vienne, » c'est-à-dire que l'Esprit saint s'approche. Or, c'est

vec raison qu'on lit l'évangile contre le diable pour le chas- er par sa vertu, car le diable ne hait rien tant que l'Evangile, i'aquilon , qui est un vent froid , signifie le diable , qui , par 3 souffle des tentations, refroidit et gèle les cœurs des hommes ar la crainte de Dieu. Comme donc la foi est renfermée dans Evangile , qui est notre armure contre le diable , selon cette arole : (c Résistez avec force au démon , » c'est avec raison

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qu'on lit révangile contre le diable. Parfois aussi on lit l'évan- gile en se tournant vers le midi, parce que la doctrine du Christ, qui fut d'abord enseignée aux Juifs, et qui l'est main- tenant aux Gentils , leur reviendra à eux à la fin des temps , et qu'ils y croiront. Ceux qui ont précédé le diacre pour aller à la recherche de l'évangile, se tournent vers l'évangile et en face de celui qui le lit, comme on l'a dit à l'article de l'Epître.

XXII. Ensuite, celui qui doit lire l'évangile salue le peuple pour le rendre attentif à écouter la parole de Dieu , en disant : « Le Seigneur soit avec vous. » Il montre aussi, par cette formule, qu'il prie afin que le Seigneur soit avec eux, et il observe ainsi cet ordre du Seigneur : « En quelque maison c( que vous entriez, dites d'abord : Que la paix soit dans cette c( maison. » Et le chœur et le peuple, rappelés en quelque sorte à l'ordre et à l'attention, se tournent vers le diacre et du côté où se lit l'évangile, parce qu'il a été dit à tous r (( Allez par tout le monde, prêchez l'Evangile à toutes les (( créatures , » c'est-à-dire à tous les hommes , pour qui tout ce qui est créé a été fait, ou qui participent en quelque chose avec toutes les créatures. Et ils répondront : « Et avec ton es- «c prit. » Ajoute à ces mots ceux-ci : « Afin que tu puisses (( dignement lire l'évangile , y) comme s'ils disaient : « Que le (( Seigneur soit avec toi pour le dire ; » et ils se saluent ainsi réciproquement, comme on le dira à l'article de la Préface.

XXIII. Or, c'est debout et non assis qu'on entend la lecture de l'évangile, d'après la règle établie à cet égard par le pape Anastase [De consec, c. i, Apostolica) , pour marquer quel'oa doit être prompt à marcher au combat pour défendre la foi du Christ. De là vient que [saint] Luc a]dit, chap. xxn : « QueJ « celui qui n'a pas d'épée vende sa tunique et en achète une (c épée. » Et parce que l'enseignement de l'Evangile dirige nos âmes vers Famour des biens du ciel , pour désigner cette promptitude dont nous venons de parler quelques-uns ôtent leurs manteaux pendant la lecture de l'évangile ; et c'est aussi

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pour montrer qu'il faut abandonner tous les biens temporels pour le Christ, selon cette parole de l'Evangile : « Quant à ce « qui est de nous, nous avons tout quitté et nous t'avons suivi. » D'après cela, il est manifeste que nous devons nous tenir de- bout, et non nous asseoir par terre (jacere) ou nous appuyer en écoutant la lecture de l'évangile. Donc, on quitte alors les sièges à dossier [reclinatoria], pour marquer que nous ne de- vons pas mettre notre confiance dans les princes, ni nous appuyer sur les choses de la terre , parce que l'Ecclésiaste a dit : ce Va- « nité des vanités, et tout est vanité, » excepté Dieu, sur le- quel nous devons reporter tous nos soins en ce monde. Et, se- lon l'ordre du même Anastase , nous devons nous tenir debout et inclinés , afin que la pose même de notre corps indique l'hu- milité que le Seigneur enseigne.

XXIV. On entend encore la lecture de l'évangile tête nue : Premièrement, pour montrer qu'on est attentif, et c'est aussi pour signifier la même chose qu'il y a certaines personnes qui alors tiennent dans leur main leur menton et leurs joues. Deu- xièmement, pour que les cinq sens soient largement ouverts, afin d'entendre. Troisièmement^ pour marquer que tout ce qui était contenu sous des voiles et des figures dans la loi et les prophè- tes, a été manifesté dans l'Evangile. Lors de la passion du Christ , le voile du temple se déchira en deux depuis le haut jusqu'en bas.

XXV. On met bas aussi alors les bâtons et les armes '(a) : Pre- mièrement, pour ne pas imiter les Juifs, qui portaient enpré-

(a) «' C'est une coutume qui a été pratiquée en certains lieux , et qui se pra- tique peut-être encore, que ceux qui ont des armes dans Téglise les mettent bas

durant le lecture de l'évangile, etc Cromer, historien de Pologne, rapporte

une coutume bien différente quant à ce point , qui est que , dès ausitôt qu'on commençait la lecture de l'évangile à la messe, les nobles polonais tiraient l'épée hors du fourreau, et la tenaient élevée jusqu'à la fin du même évangile, et les chevaliers de Malte pratiquent encore la même chose en pareille occa- sion , pour dire et faire voir qu'ils ne tirent l'épée que pour la cause de Dieu et pour soutenir l'Evangile. » (Gilbert Grimaud, la Liturgie sacrée, etc.; édit. de 1678, t. 2, p. 26.)

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sence du Crucifié des bâtons et des armes. Deuxièmement^ pour montrer que, lors de la prédication du Christ, toutes les observances de l'ancienne loi, symbolisées par les bâtons, furent mises de côté. Troisièmement, la mise à bas des bâ- tons et des armes montre l'humilité, et que le propre de la perfection chrétienne est de ne pas se venger, mais de confier le soin de sa vengeance au Seigneur, selon cette parole : ce C'est c( à moi que la vengeance est réservée , et c'est moi qui la « ferai, » dit le Seigneur. Et [saint] Mathieu, chap. v : ce Si « quelqu'un t'a frappé sur la joue droite, présente-lui encore c< l'autre » (XXIIÏ, q. i^ § i). On écoute aussi l'évangile en silence, parce que toutes les promesses contenues dans la loi et les prophètes ont été accomplies et tenues par l'Evangile. Et le pontife ou le prêtre, pendant qu'on lit l'évangile, tourne son visage dans cette direction , pour marquer que le Christ a toujours les yeux sur les prédicateurs de l'Evangile, pour leur venir aide; et il se tient sur le marche-pied de l'autel, pour montrer que toute puissance ennemie est battue en brèche par la prédication de l'Evangile et mise sous les pieds du Christ, et qu'ainsi s'accomplit cette parole du Psalmiste : « Jusqu'à ce « que je réduise tes ennemis à te servir de marche-pied [sca- c( hélium). »

XXVI. Le diacre, aussitôt qu'on lui a répondu : ce Et avec (( ton esprit, » afin de rendre tous les assistants dociles et bienveillants à ouïr la parole de l'Evangile, c'est-à-dire la bonne nouvelle qui annonce le royaume de Dieu, ajoute: (( Suite du saint évangile, » en encensant le livre et en le marquant du signe de la croix. Et même, en certains lieux, il baise le livre, comme s'il disait : « C'est le livre ou l'Evangile c( de Dieu ; c'est le livre du Crucifié que je prêche ; c'est le c( livre du Pacificateur, par qui nous avons reçu la réconci- (( liation; » ce qui a fait dire à l'Apôtre, P^ épître aux Corin- thiens, chap. I : « Nous vous prêchons le Christ crucifié. » La fumée de l'encens signifie l'odeur de la bonne prédication.

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XXVII. Ensuite il se signe au front, sur la bouche et sur la poitrine ou le cœur, pour que le diable, qui tend des pièges aux bonnes œuvres , ne lui ôte pas , par le respect humain , la dévotion du cœur ou le témoignage de la bouche. C'est comme si le diacre disait ( Rom., i ) : « Pour moi , je ne rougis point tt de la croix du Christ ; mais je la prêche de bouche et la crois <( de cœur; » car c'est de cœur que l'on croit à la justice , et de bouche qu'on la confesse pour être sauvé. L'Apôtre dit aux Co- rinthiens (I, chap. i) : ce Nous prêchons le Christ Jésus et le « Christ crucifié , qui est un scandale aux Juifs et une folie c( aux Gentils ; » et aux Galates, chap. vi : (c Mais, pour moi, <( à Dieu ne plaise que je me glorifie en autre chose qu'en la (( croix de notre Seigneur Jésus-Christ. » Le Seigneur dit aussi dans l'Evangile : ce Si quelqu^un rougit de moi et de mes pâ- te rôles , le Fils de Fhomme rougira aussi de lui lorsqu'il vien- ne dra dans sa gloire et dans celle de son Père et des saints an- <( ges. » D'oii vient qu'on lit dans Daniel : (c Ceux qui mettent c( leur confiance en toi ne tomberont point dans la confusion . » Il y en a qui se signent seulement au front et à la poitrine , com- me sur les deux entrées du corps. Le clergé et le peiiple, ayant ouï le titre de l'évangile , savoir : « Suite du saint évangile selon, <c etc., » ou la bonne nouvelle, se tournent vers l'orient ou du côté de l'autel, pour glorifier Dieu, qui est le véritable Orient qui leur a envoyé la parole du salut , comme on le lit dans les Actes des Apôtres : ce Et ils glorifièrent Dieu , en disant : Dieu c( a donc aussi fait part aux Gentils du don de la pénitence qui <c mène à la vie. » Ils répondront avec respect et honneur: «'Gloire à toi, Seigneur. » Ainsi, quand on se propose de leur lire l'évangile, qui traite de notre gloire et de notre délivrance, et qui apprend comment le Christ a vaincu le diable, nous a délivrés de son esclavage et est monté vainqueur à la gloire de son Père , ces mêmes auditeurs de Févangile, pleins de joie et louant leur Sauveur, s'écrient : « Gloire à toi. Seigneur, » comme s'ils disaient : ce Que ta gloire , qui nous est annoncée

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dans révangile , demeure avec nous sans fin , et qu'elle croisse toujours. »

XXYIIl. Et en disant ces mots ils se munissent en même temps du signe de la croix sur le front, la bouche et la poitrine, pour résister aux attaques du diable , afin qu'il ne les trouble pas pendant la lecture de l'évangile. Au front, parce que c'est là que résident la pudeur et la vergogne. C'est pourquoi, en imprimant la croix sur le front , on montre qu'on ne rougit pas de croire au Crucifié , dont on lit le livre , et de l'avoir pour Dieu et Seigneur. Sur la bouche , pour marquer qu'on prêche avec courage la croix du Seigneur. Sur la poitrine, pour mon- trer qu'on souffrirait volontiers pour le nom du Christ; et c'est aussi pour cette raison qu'il y en a qui , pendant qu'on lit l'é- vangile , posent leurs deux pouces sur la poitrine , de manière à y figurer une croix. Nous nous signons encore sur la bouche, pour indiquer que nos paroles doivent être empruntées à l'E- vangile ; et sur la poitrine^ pour montrer que les paroles de l'Evangile doivent nous frapper dans la poitrine et dans l'ame. Après avoir fait le signe de la croix, on se tourne vers le diacre pour entendre l'évangile. On parlera dans la préface de la cin* i quième partie du mystère de la croix.

XXIX. Enfin, en quelques endroits le sous -diacre^ pen-* i dant la lecture de l'évangile, met sa main gauche sous le livre, | pour montrer que ceux qui vécurent sous le temps de la loi, dont la fin ou le dernier fut Jean , que représente le sous-diacre, ^ lors même qu'ils faisaient quelque bien , ce bien était faible et 1 infirme; ce qu'indique la main gauche, parce que, si la loi disposait à la grâce, cependant. elle ne la conférait pas. C'est donc avec convenance que le sous-diacre met sa main gauche sous le livre des évangiles , dans lequel est annoncée la foi du f Christ, sans laquelle personne n'est sauvé , même par les œu- vres de la loi. La main gauche signifie aussi les choses tempo- relles, et le livre des évangiles désigne comme il faut les cho- \ ses spirituelles. Or, on met la main gauche sous le livre, pour

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marquer que, de même que Famé ne vit pas sans le corps, ainsi les choses de l'esprit ne peuveut subsister longtemps sans l'assistance des choses du temps. On termine l'évangile en éle- vant la voix à la fin, comme on l'a dit à l'article de l'Epître, et, sitôt qu'il est achevé , le diacre se munit du signe de la croix , pour que le diable ne dérobe pas la semence de l'Evangile, qu'il vient de prendre d'un vase scellé (vase signato).

XXX. Et ensuite il baise l'évangile pour montrer qu'il a an- noncé la bonne nouvelle par charité et amour. Les auditeurs se tournent vers l'orient , comme du côté de Jérusalem , pour rendre grâces à Dieu de ce que l'Evangile nous est venu de là, selon ce que dit le Seigneur dans l'Evangile : ce Vous me ren- te drez témoignage de ces paroles parmi toutes les nations , en « commençant par Jérusalem; » et ils se munissent du signe de la croix sur la poitrine^ contre le diable, de peur que la pa- role de Dieu soit étouffée en eux. D'où vient que [saint] Luc dit, chapitre viii : ce Les oiseaux du ciel l'ont mangée. » C'est aussi pour que le diable ne ravisse pas de leurs cœurs la parole du Seigneur, comme s'ils disaient : « Que Dieu nous fasse persé- « vérer dans la doctrine du Christ, » et pour signifier qu'ils ont dans leur cœur ce qu'exprime leur bouche. Ce que l'on dé- signe d'une manière encore plus claire en certaines églises oij, quand l'évangile est fini, on dit Amen. Et ajuste titre, comme si l'on disait : (c Ce qui est dit dans l'Evangile est vrai ; » et j cette pratique est contre certains hérétiques, qui, après avoir lu t ! l'Evangile, disent en quelque sorte : ce C'est faux, » par la con- i I tradiction de leur doctrine et de leur vie avec l'Evangile lui- il I même. Amen veut dire aussi : ce Qu'il nous advienne ce que le e j <c Seigneur promet dans l'Evangile , » selon cette parole de Il Néhémias, chapitre viii : (( Esdras bénit le Seigneur, le grand h a Dieu ; et tout le peuple, levant les mais en haut , répondit : }- j (( Amen y amen. Et, s'étant prosternés en terre, ils adorèrent « Dieu. » Dans d'autres églises on dit : Deo gratias , comme cela a lieu après quelque leçon (ou lecture) , ou le capitule.

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Certains lettrés disent aussi : ce Béni soit celui qui vient au non a du Seigneur, » qui est la fin de l'évangile de saint Mathieu qu'on lit à la fôte du bienheureux Etienne et le dimanche dei Rameaux. En certains lieux les cierges, qui signifient les doc leurs par qui l'Eglise est illuminée, sont éteints après la lectun de l'évangile, parce que c'est seulement quand 1q Christ parl( en eux qu'ils peuvent éclairer l'Eglise, tandis que lorsqu'il s( tait, c'est-à-dire quand l'Esprit saint se retire d'eux, ils ne peu vent plus posséder cette faculté. En outre, quand la prédicatior de l'Evangile sera terminée , la loi et les prophéties cesseront Cependant, dans quelques églises, pendant qu'on lit l'évangile on dépose à terre les chandeliers garnis de cierges, pour mon trer que la loi et les prophètes sont inférieurs à l'Evangile.

XXXI. C'est avec raison que le sous-diacre rapporte le livn des évangiles, tandis que le diacre revient à vide [vacuus) pour montrer qu'ayant fini de prêcher il se livre [vacare) à k contemplation. En venant pour lire l'évangile, il portait^ er certaines églises, le livre sacré , pour montrer qu'il devait non- seulement enseigner, mais aussi pratiquer. Il revient aussi l l'évêque ou au prêtre^ dont il a reçu sa mission, pour faire voii que toute doctrine vient de Dieu et retourne à lui. Ce qui a fai dire à Salomon : « Les fleuves retournent au même lieu d'oi^ a ils étaient sortis. » On rapporte aussi le texte de l'évangik sur un coussin, parce que l'Eglise, dès qu'elle eut ouï l'Evan- gile , le reçut avec douceur dans son cœur et fut remplie d( liesse , selon cette parole : « Sion l'a entendu, et s'en est ré- <( jouie ; » et : « Mon ame s'est fondue au son de la voix du <( Bien- Aimé. » On rapporte encore au pontife le livre de< évangiles et l'encensoir, parce que l'on doit rapporter tous les biens à Celui dont tous les biens procèdent. Car il est la fin qui consomme mais ne consume pas , l'alpha et l'oméga , le pre- mier et le dernier, le commencement et la fin. Et les apôtres ayant achevé de prêcher, revinrent au Christ, lui rendant grâ- ces de leurs miracles et du fruit de leur prédication.

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XXXII. L'évêque respire le parfum de l'encens et baise l'é- vangile : Premièrement , pour montrer que ce que l'évêque a inspiré et enseigné, il l'approuve et l'accepte. Car Dieu ne re- çoit rien que ce qu'il produit, et il ne récompense que ce qu'il donne, parce que^, comme tout ce qu'il a fait est bon, ainsi il n'y a de bon que ce qu'il a fait. « Dieu regarda ce qu'il avait créé, et cr tout était excellent. » Deuxièmement, le célébrant baise le livre ouvert, pour montrer qu'il doit savoir que tout est ouvert et à nu devant ses yeux dans l'ancienne loi , selon cette parole de [saint] Luc, chapitre viii : « Pour vous^ il vous a été donné de <( connaître le mystère du royaume de Dieu. » Et Malachie, chapitre ii : « Les lèvres du prêtre sont les dépositaires de la « science, et c'est de sa bouche que l'on recherche la connais- « sance de la loi » (Extra De hœr. cum ex injuncto). Troisiè- mement, parce que lui seul entre dans le saint des saints, comme on l'a dit dans la préface de cette partie. Quatrième- ment, parce que ce baiser signifie l'ardeur de l'amour pour l'E- vangile, qui doit surtout être plein de force dans l'évêque, de telle sorte qu'il soit prêt à subir la rriort pour lui (XXV, q. i, Violatores). Cinquièmement, le sous-diacre présente ouvert le livre au prélat ou au prêtre pour qu'il le baise , pour mon- trer qu'il doit mettre ses délices dans la foi , dont le cœur des fidèles est pénétré et ouvert à toutes les bonnes inspirations par la prédication de l'Evangile, qui avait été d'abord renfermée et comme contenue en germe dans la loi. Ensuite, dans certaines églises, on montre le livre fermé à ceux qui sont dans le chœur, parce qu'après les susdites paroles : « Pour vous , il vous a été c( donné de connaître le mystère du royaume de Dieu , » sui- vent celles-ci : « Mais pour les autres il ne leur est proposé « qu'en paraboles. »

XXXIII. Et il faut prendre garde qu'après que le diacre, ayant lu l'évangile, baise le livre pour montrer qu'il a évangé- lisé ses frères avec charité et amour , alors enfin on porte l'é- vangile à l'évêque, représentant du Christ, pour qu'il le baise.

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c'est-à-dire pour qu'il accepte la prédication; et on ne fait pas cela avant ^ pour montrer que Dieu n'a pour agréable que la prédication qui est le produit de l'amour et de la charité. Mais, cependant , à la messe pour les défunts on ne porte pas l'é- vangile à baiser au pontife, autant parce qu'alors les raisons précitées cessent, que parce qu'à cette messe toute solennité est suspendue, afin que les chants de fêtes ne se mêlent pas aux plaintes de la désolation. Pourtant, celui qui lit l'évangile à la messe pour les défunts baise le livre, en certaines églises, parce que- quiconque le prononce doit tendre par l'amour de la cha- rité à Celui dont il a répété la doctrine évangélique , et cet amour est symbolisé par le baiser.

XXXIV. Et il faut faire attention qu'aussitôt après avoir baisé le livre le prêtre assistant encense le pontife , figure du Christ, pour montrer que le principal office du prêtre est d'of- frir au Christ le sacrifice brûlant de la prière , symbolisée par l'encens, non-seulement en expiation du péché, mais encore en action de grâces, comme on le voit dans le Lévitique. On peut dire encore, en abrégé, que le livre des évangiles est porté par le sous-diacre ; que le diacre monte au pupitre ; qu'après avoir ouvert le livre^ il salue le peuple, et que tous répondent ; qu'il dit le titre précité de l'évangile, qu'il le lit à haute voix et distinc- tement, et contre l'aquilon ; que tout le peuple tourne ses oreil- les et ses yeux vers le livre et écoute en silence et debout, et qu'à la fin il lève ses mains au ciel et prie , en disant Amen. Tout cela, dis-je, est pris de l'ancienne loi. Car on lit, au com- mencement du livre de Néhémias, que le peuple s'étant assem- blé dans la place qui est devant la porte des Eaux, Esdras, doc- teur de la loi , apporta le livre de la loi de Moïse , et se tint debout sur un marche-pied de bois qu'il avait fait pour parler devant le peuple , et il ouvrit le livre devant tout le peuple. Enfin , les Lévites faisaient faire silence au peuple , afin qu'il écoutât la loi , bénissant le grand Dieu ; et tout le peuple de- bout, chacun en sa place, répondit Amen. Et ils lurent dans le

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livre de la loi de Dieu distinctement, et d'une manière fort in- telligible. Et tout Israël élevant ses mains , se prosterna à terre et adora Dieu.

XXXV. Il ne faut pas oublier de dire qu'en général deux préfaces précèdent les évangiles qu'on lit dans les églises. La première est : Initium^ « Commencement du saint évangile ; )> la seconde : Sequentia, « Suite du saint évangile. » Or, la pre- mière préface s'emploie au commencement de chacun des évan- giles des quatre évangélistes, savoir : de l'évangile de saint Jean, In principio eratVerhum ; de l'évangile de saint Mathieu,Zi6er generationis ; de l'évangile de saint Luc^ Fuit in diehus Hero- dis ; et de l'évangile de saint Marc, PrincipiiimEvangeliiJem Christi. On emploie cette formule le premier dimanche de l'A- vent, comme on le dira à cet article, et alors on n'y ajoute pas : In illo tempore, parce que dans ces commencements mêmes un temps certain est expliqué et déterminé ; d'où vient que ce serait un jeu et une superfluité que d'employer ces mots : In illo tempore. Quant à la seconde préface , on en fait précéder tous les autres évangiles. Et on l'appelle Suite ^ parce que ce qu'on va lire est la suite du commencement, ou après ce qui précède l'évangile du jour, d'où sont tirées les paroles du saint évangile, etc. Et Suite est du nombre singulier. Ainsi donc, quand on dit : a Suite du saint évangile selon saint Jean, » on sous-entend : « C'est là la suite, voilà la suite, etc. »

XXXVI. C'est avec raison que dans les évangiles devant lesquels on emploie la seconde préface on ajoute parfois : In illo tempore y et que parfois aussi on n'emploie pas cette for- mule. En effet, on laisse de côté In illo tempore quand les ter- mes mêmes de l'évangile marquent un temps certain, comme on l'a dit ci-dessus, et alors on débute par quelque époque dé- terminée d'un règne ou de tout autre pouvoir, comme : ce La ce quinzième année de Tibère ; » ou par une simple narration du fait accompli fixant lui-même son époque, comme celui-ci : « Cum esset desponsata. » Et cet autre : ce Postquam consum-

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(( mati sunt. » Et : « Quand Jésus fut né, — 11 arriva pendant (( qu'on le baptisait, — Lorsqu'il eut douze ans, — Les jours « étant accomplis, — Le soir du sabbat, — Elizaheth impletum « est y etc. Pour le reste des évangiles on ajoute : ïn illo tem- ^ pore, c( En ce temps-là^ » dont voici le temps : « En ce temps « de grâce , » dont l'Apôtre dit : « Voici maintenant le temps « favorable; voici maintenant le jour du salut » [De pœnit, ^ dist. I, Ecce).

XXXVII. Il ne faut pas non plus oublier de dire qu'on lit l'é- vangile à l'église parfois comme histoire, tel que celui du jour de Pâques, des saintes femmes, et celui qu'on chante à Noël à la deuxième messe , et qui a trait à l'adoration des bergers. Parfois on lit l'évangile au point de vue de l'allégorie, comme celui de l'Assomption de la bienheureuse Marie, oii il est parlé de Marie et de Marthe, et qui débute ainsi : « Jésus entra dans c( un bourg, etc., » comme on le dira dans la septième partie.. Parfois on lit l'évangile au point de vue d'une réalité [secun-^. dum rem) , comme celui de la sainte Trinité. Parfois il est per-^ sonnel, comme celui qu'on chante à la fête de saint Thomas^ apôtre, où l'on dit : « Thomas, un des douze. » Parfois au point de vue d'une particularité, comme celui de la fête de la sainte Croix , lequel traite de Nicodème , et où on lit : « Il faut « que le Fils de l'homme soit ainsi élevé, etc.; » parole par laquelle le Christ marque sa passion et l'élévation de son corps sur la croix. C'est pourquoi on lit, le jour de la fête de la sainte Croix , Tévangile qui en contient cette petite mention. Celui de la fête de saint Michel, archange, contient ce verset, et c'est ce qui l'a fait choisir pour cette solennité : « Les anges « voient toujours la face de mon Père qui est dans les cieux. » C'est encore au point de vue d'une particularité qu'on lit l'é- vangile qui commence ainsi : « Livre de la génération du « Christ, etc., » et cela à cause du dernier verset, dans lequel il est fait mention du Christ. Parfois au point de vue d'un évé^ nement complet, comme l'évangile qu'on lit à la Circoncision

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du Seigneur : « Postquam consummati sunt dies octo^ etc. » Par- fois selon le temps, comme celui qu'on dit le premier diman- che de Carême^ et qui a rapport au jeûne. Parfois à cause des litanies^ comme celui-ci : « Si vous demandez quelque chose « en mon nom, etc.^ » qu'on dit les jours de litanies , et où il est fait mention de quelques pains et d'un poisson. Et parfois selon l'endroit, comme celui qu'on lit le dimanche de la Sexa- gésime^ savoir : «Celui qui sème sortit^ etc. »

XXXVIII. C'est aussi avec raison qu'une abbesse ne doit pas lire l'évangile : car, quoique la bienheureuse Vierge fût plus digne et plus excellente que tous les apôtres , le Seigneur, ce- pendant, ne lui confia pas les clés du royaume des cieux (Ex- tra De pœn. et remis, nova). C'est aussi pourquoi une abbesse ne peut bénir ses propres nonnes, ou entendre leurs péchés en confession , ou lire l'évangile , ou prêcher publiquement. Elle pourrait cependant, à matines, dire l'évangile, mais non pas en public (VII, q. i, Diaconissam) . Et remarque qu'ily a quatre évangiles qui se rapportent à la bienheureuse Marie , comme on le dira dans la septième partie, à Farticle de la Fête de l'As- somption.

CHAPITRE XXV.

DU SYMBOLE (10).

L Après la lecture de l'évangile on chante immédiatement et à haute voix le symbole, c'est-à-dire : « Je crois en un seul « Dieu. » — (( Car il faut croire de cœur pour être justifié, et (c confesser sa foi par ses paroles pour obtenir le salut » (Saiqt Paul aux Romains, chapitre x). C'est pourquoi l'Eglise^ afin •de montrer qu'elle reçoit avec foi et de cœur la parole de l'E- ivangile ou sa prédication , chante immédiatement à pleine voix [ore) le symbole de la foi ; or, le symbole, qui suit l'évan-

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gile, marque la foi qui vient après la prédication. Ce qui a fait dire à saint Jean : « Après qu'il eut dit ces choses , beaucoup « crurent en lui. » Car, selon l'Apôtre aux Romains^ chap. x, « la foi vient de ce qu'on a ouï, et on a ouï parce que la pa- « rôle de Dieu a été prêchée. »

II. Et on dit le symbole à haute voix, afin que tous le disent et l'apprennent : car tout chrétien est tenu de confesser publi- quement la foi catholique, à cause de quoi il se signe au front. Mais à prime et à com plies on le dit tout bas, de peur que a les « mouches qui meurent dans le parfum n'en gâtent la bonne (( odeur, » comme on en touchera un mot dans la cinquième partie, au chapitre de Prime.

III. On dit encore à voix haute le symbole à la messe, pour marquer qu'aujourd'hui la foi catholique est librement prêchée et enseignée. Mais à prime on dit le symbole à voix basse, pour montrer que dans la primitive Eglise, surtout au temps de la passion du Christ, les prédicateurs et les professeurs de la foi gardèrent le silence ; et à compiles on le dit aussi tout bas, pour marquer qu'il en sera de même a la fin des siècles : car, lorsque la persécution suscitée par l'Ante-Christ sera. dans toute sa force, i les lèvres des prédicateurs et des docteurs de la foi seront clo- ses. C'est avec raison que le prêtre ou l'évêque commence le symbole, pour indiquer que tout bien procède du Christ : « car c< toute grâce excellente et tout don parfait vient d'en haut; o etc. » (I, q. I, Quant pio). Et afin que le musicien céleste ne dise pas : « Nous avons chanté devant vous, et vous n'avez « point dansé , )) le chœur répond d'une voix sympathique à l'enseignement de l'Evangile , et il célèbre avec un grand transport (tripudio) la foi catholique, en disant : Patrem om-i nipotentem^ etc., quoiqu'à la messe du Pape cela s'observe pari fois d'une autre manière, comme on le dira tout-à-l' heure.

IV. En outre, le prêtre, quand il commence le symbole, s^ place devant le milieu de l'autel, les mains étendues etélevéesi et il les joint ensuite en continuant sa récitation. Or, le prêtrei

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(jui représente le Christ , reste debout pour marquer que le Christ est toujours prêt à répandre largement sur tous les biens spirituels. Devant le milieu de l'autel, c'est pour montrer ^u'il ne fait acception de personne, mais qu'autant qu'il est en lui il coule également pour tous , et qu'il n'aime ni angle, ni détour. Les mains étendues, pour montrer qu'il est prêt à ré- pandre avec abondance ses biens sur ceux qui s'en rendent dignes. Et il élève ses mains en haut, comme pour montrer par cette action même que nous devons chercher les choses l'en haut, implorer la miséricorde de Dieu et espérer en lui seul. Ensuite il continue la récitation du symbole les mains jointes^ parce que nous devons rendre grâces à lui seul des biens que nous avons reçus et nous humilier. Et parce que le symbole est une parole évangélique quant au sens, c'est pour- quoi nous devons l'entendre debout , comme l'évangile ; et de même, après sa récitation, nous devons faire le signe de la 2roix.

V. SûpSoXov en grec se traduit en latin par juUcium (ju- ^ement)^ signum (signe), on coUatio (comparaison), tant parce ju'il indique une règle de foi pleine et parfaite , que parce ^u'il renferme en lui seul les articles de cette même foi.

YI. Et remarque qu'il y a trois symboles. Le premier est celui des apôtres, qu'on appelle petit symbole [symholum mi- nus) y que, d'après la règle du pape Damase, on dit tout bas cha- que jour, à toutes les heures canoniques. Symbole vient de juv [avec) et de jSbXov [sentence) y parce qu'il fut composé des diverses paroles des apôtres, comme les enfants, lorsqu'ils se réunissent aux jours de fêtes, ont coutume d'apporter des parts de mets [bolos) , c'est-à-dire des débris de viandes et de pain dont la réunion s'appelle écot [symbolum)^ c'est-à-dire assem- blage de menues choses (xliii d. , Non oportet) . On rapporte qu'a- près que les apôtres eurent reçu l'Esprit consolateur, comme ils s'apprêtaient à partir pour prêcher l'Evangile, et qu'ils confé- iraient ensemble sur les articles de la foi, ils établirent que, puis-

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qu'ils étaient tous unis par une seule foi, ils prêcheraient tous cette foi unique en des termes identiques; et c'est pourquoi, s'étant mis à composer le petit symbole, chacun d'eux y apporta son morceau ( boliim) , c'est-à-dire une particule. De là vienl qu'en suivant le catalogue ou le nombre des apôtres, on voit que le symbole contient douze parties.

VII. Car Pierre dit : a Je crois en Dieu, le Père tout-puis- (( sant, créateur du ciel et de la terre. » André : « Et en Jésus- ce Christ, son Fils unique, notre Seigneur. » Jacques : a Qui a « été conçu de l'Esprit saint, est né de la vierge Marie. » Jean ; (c A souffert sous Ponce-Pilate, a été crucifié, est mort et a été « enseveli. » Philippe : ce 11 est descendu aux enfers; le troi- a sième jour il est ressuscité. » Barthélemi : « Il est monte « aux cieux , il est assis à la droite de Dieu le Père tout-puis- (( sant. » Thomas : c< D'où il viendra juger les vivants et les c( morts. » Mathieu : « Je crois en l'Esprit saint. )) Jacques : a La sainte Eglise catholique, la communion des saints. » Si- mon : (c La rémission des péchés. » Thaddée : « La résurrec- « tion delà chair. » Mathias : « Et la vie éternelle. »

VIII. Le second symbole est celui qui commence par ces mots : « Quiconque veut être sauvé. » Il fut composé dans la ville de Trêves, par Athanase, patriarche d'Alexandrie. On peut cependant l'appeler le troisième symbole, car celui de Nicée , dont nous allons parler, fut recueilli dans le premier Synode de Nicée.

IX. Le troisième symbole est celui de Nicée (xv die), qui commence ainsi : « Je crois en un seul Dieu, etc. » Le pape Da- mase, de l'accord du Synode universel réuni à Conslantinople, établit qu'on publierait ce symbole et qu'on le chanterait à h messe à haute voix, quoique déjà le pape Marc 1" eût décrète qu'on le chanterait ainsi , et on l'appelle le grand symhoh [symholum majus). On croit que l'usage de chanter le sym- bole à la messe vient des Grecs; ce symbole contient douze articles.

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X. Le premier article est : a Je crois en un seul Dieu, etc. » jC second : « Et en un seul Seigneur, Jésus-Christ. » Le troi- ième : « Qui pour nous, hoiiimes, etc. » Et quand on dit :

Il s'est fait homme, » nous devons fléchir les genoux, parce

ue nous adorons le Christ fait homme et crucifié pour nous, -.e quatrième article est : ce lia été aussi crucifié pour nous. » je cinquième : « Et il est ressuscité le troisième jour^ selon c les Ecritures, » c'est-à-dire de la manière, dans l'ordre et au emps prédits dans les Ecritures. Le sixième article est : « Il

est monté au ciel. » Le septième : « Et il doit venir de nou-

c veau, etc. » Le huitième : a Et en l'Esprit saint, Seigneur. » jC neuvième : « Et l'Eglise une, sainte, catholique. » Le iixième : ce Je confesse un baptême. » Le onzième : « Et j'at- [ tends la résurrection des morts. » Le douzième : « Et la vie i du siècle à venir. Amen. » Et il est à remarquer que dans es susdits Conciles de Nicée et de Constantinople on ne lit >as ces mots : « Selon les Ecritures, » ni ceux-ci : ce Qui pro- ( cède du Fils. »

XI. Or, chez les Grecs, à la fin de ce même symbole on dit [u'il est défendu, sous peine d'anathème à qui que ce soit, l'oser enseigner ou de prêcher une autre doctrine touchant la bi en la Trinité, que celle qui est contenue dans le symbole ; ît le Concile de Calcédoine, tenu en Grèce, a recommandé d'a- lathématiser ceux qui oseraient composer, publier, écrire une mtre croyance, enseigner ou publier un autre symbole, comme )n l'a dit ci-dessus. C'est pourquoi les Grecs assurent que nous sommes anathèmes, parce que nous avons ajouté au symbole [es paroles rapportées plus haut. Mais ils parlent mal, autant parce que cetanathème n'est pas une règle confirmée par sen- tence publique , mais une sorte de menace , que parce qu'une puissance inférieure ne peut lier une puissance supérieure [xxi d., Inferior). Or, l'Eglise de Rome n'est pas soumise aux conciles^ mais bien plutôt les conciles lui sont soumis ( Extra De elecl. significasti). En outre, ces paroles : « Selon les Ecri-

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(( tiires, » sont tirées de l'exposition de foi de ce môme con- cile de Constantinople , et ainsi rien n'y paraît être ajouté ou respirer quelque erreur. C'est avec raison qu'on emploie ces mots dans le sens que nous avons exposé ci-dessus. Par ces pa- roles encore, nous n'enseignons rien d'étranger touchant la per- sonne du Fils ou à l'égard de la Trinité ; au contraire, c'est une seule et même doctrine^ car le Fils étant identique en substance au Père , ce qui procède du Père procède aussi du Fils : ainsi donc nous n'ajoutons rien, mais nous éclaircissons plutôt la doctrine reçue. Nous ne composons, nous ne publions, nous n'écrivons pas une croyance étrangère , pas plus que nous ne mettons en lumière un autre symbole ; en un mot , nous ne sommes soumis à aucun anathènae touchant l'enseignement précité.

XII. Il est cependant étonnant de voir avec quelle audace ces mêmes Grecs s'arrogent le droit de nier que l'Esprit saint procède du Fils^ lorsque cette doctrine est expressément conteH nue dans le Concile d'Ephèse, tenu contre eux (De consec, d. v,' ult. et pénult.). Mais envoyant qu'ils étaient tombés dans l'er-^ reur, ils envoyèrent quelques prélats des leurs au Concile général de Lyon, tenu sous le pape Grégoire X, et en notre présence ils professèrent publiquement, en leur nom et en celui de tous les prélats et de l'empereur des Romains, que l'Espril saint procède éternellement du Père et du Fils, non comme de deux principes, mais comme d'un seul principe; non de deux spi rations, mais d'une seule (Extra De summa Trini- tate et fide cath.), comme on le trouve dans la Constitution du même Grégoire ; et devant tout le Concile ils chantèrent troi^ fois en grec et trois fois en latin le symbole avec ces parole^ précitées : ce Selon les Ecritures , » et « Qui procède du Père « et du Fils. »

XIII. Et l'on chante ce grand symbole aux solennités seule-) ment de ceux qui l'ont composé, et à celles dont il y est far quelque mention^ savoir : tous les dimanches, aux festivités di

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seigneur, Noël^, l'Epiphanie, le Jeudi saint, Pâques, l'As- îension, la Pentecôte et la Transfiguration, et à la fête de la frinité^ et à toutes les festivités de la bienheureuse Marie^ de a sainte Croix, des Anges et des Apôtres, dont il est fait men- ion dans ce symbole en ces termes : « Et l'Eglise apostolique.)) \.ux solennités des évangéhstes Luc et Marc , au dire de quel- [ues-uns, on ne doit pas chanter le symbole, parce qu'ils n'ont )as été apôtres. On doit dire ce symbole aux dédicaces des îglises et à la commémoration de tous les saints , bien que îette même commémoration soit la festivité de la Dédicace. )n dit aussi ce symbole pendant l'octave de Noël, excepté le our des Innocents, dans lequel on suspend les cantiques d'al- égresse. Cependant on le chante pendant l'octave, comme on e dira dans la sixième partie, à l'article de cette fête. On chante lussice symbole pendant les octaves de l'Epiphanie, de Pâques, le l'Ascension, de la Pentecôte, des apôtres Pierre et Paul et de 'Assomption de la bienheureuse Marie. Et, quoiqu'aux jours le naissance des saints Jean-Baptiste et Laurent on ne chante 3as le symbole , cependant on le chante pendant l'octave de eurs fêtes , parce qu'elles se rencontrent entre les octaves des \pôtres et de l'Assomption; et c'est aussi pour cela que l'on îhante pendant l'octave de saint Jean-Baptiste la préface des \pôtres, et pendant celle du bienheureux Laurent la préface le l'Assomption. Cependant, en certaines églises on dit le

ymbole le jour de la fête du bienheureux Jean-Baptiste, et
ela avec juste raison , parce que dans le symbole il est fait

nention des prophètes en ces termes : (c Qui a parlé par les ( prophètes. » Et parce que Jean ne fut pas seulement un pro- phète , mais plus qu'un prophète , il est écrit de lui : « Il y eut

un homme envoyé de Dieu qui s'appelait Jean. )) Et ainsi

i fut apôtre, dit saint Jean-Chrysostôrne dans le sermon qu'on it le jour de la fête de la Décollation de saint Jean-Baptiste ; t le nom d'apôtre est synonyme de celui d'ange. Jean-Bap- j liste aussi fut le premier à baptiser et à prêcher le baptême,

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et dans le symbole il est fait mention du baptême ; au surplus, le symbole rappelle toutes ces choses. Il en est cependant dont il parle obscurément, comme de l'Epiphanie ; c'est pourtant ue jour solennel dans la vie du Seigneur, car c'est la fête de sor baptême, et il en est parlé en ces termes dans le symbole : « J( ce confesse un baptême , etc. » Il est aussi fait mention de h cène du Seigneur; c'est la solennité de l'eucharistie, à laquelle se rapportent ces mots : ce La communion des saints » et dei anges; mais ces derniers sont compris sous le nom du ciel, e^ il en est parlé dans cet article du symbole : « Créateur ou fa- ce bricateur du ciel et de la terre. » Cependant quelques-uns ne pensent pas qu'on doive chanter ces paroles dans ce sens, parce que les anges n'ont jamais eu la foi , mais Tespérance ils ne croient pas, mais ils savent, car ils ont une pleim science. On fait aussi commémoration dans le symbole^ quoi que d'une manière obscure, de la dédicace des églises, à la quelle se rapporte cette parole : ce La sainte Eglise catholi ce que; » car alors l'église est sanctifiée, et, pour ainsi parler proclamée catholique, lorsqu'on la dédie. Aux octaves a trai la résurrection des morts , dont il est dit dans le symbole ce Et j'attends la résurrection des morts. » A la fête de sainti Agnès on ne chante pas le symbole , parce que , quoiqu'on l< célèbre dans l'Eglise, ce n'est cependant pas une fête d'octave comme on le dira dans la septième partie , à l'article de cett( fête.

XIV. Enfin, il y en a qui chantent, non sans raison, le sym bole tous les jours depuis Pâques jusqu'à la fête de l'Ascen sion , comme tous les dimanches, et aussi à la solennité de L bienheureuse Marie-Madeleine, disant qu'elle fut la messager des apôtres, parce que la première elle les remplit d'allégress en leur annonçant la résurrection ; et à la fête du bienheureu Martin, parce que l'on chante de lui : ce Martin est l'égal de ce apôtres. » Il y en a aussi quelques-uns qui disent le symbol le jour de la principale fête d'une église ou d'un oratoire , i

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ion cependant dans Toctave de celte fête , s'ils la célèbrent. 1 est fait mention dans le symbole de certaines choses en commémoration desquelles on ne chante pas le symbole,

omme de la passion et de la sépulture ; car l'office de ces jours

le suit pas la règle des autres fêtes du cercle de l'année [alio- mm regnorum) . On ne dit pas non plus le symbole dans les jours de la semaine consacrés en l'honneur de la bienheu- reuse vierge Marie, ou de la sainte Croix, ou du Saint-Esprit 'Extra De celehratione missarum consilium). En certains en- Jroits, après qu'on a chanté le symbole , ou pendant qu'on le îhante, le peuple chante Kyrie, eleison , parce qu'après que le Christ et les apôtres eurent enseigné, les fidèles, ayant reçu la foi , louèrent Dieu ; ce que représente la mélodie très-agréable iu symbole. Et il faut savoir que le Christ n'est pas venu prê- cher les Gentils , mais les Juifs, selon cette parole de l'Evan- gile : c( Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de la maison d'Israël c( qui se sont perdues. » D'où vient qu'il fit cette recomman- dation aux apôtres : a N'allez point vers les Gentils, et n'en- c( trez point dans les villes des Samaritains. » Ce ne fut qu'a- près la résurrection qu'il leur donna cette autre recommanda- tion en ces termes : « Allez par le monde entier, prêchez TE- c( vangile à toute créature. » C'est pourquoi, quand le pontife romain célèbre solennellement, ce ne sont pas les chantres dans le chœur, mais les diacres devant l'autel, qui chantent le symbole de la foi, et ce sont eux qui répondent générale- ment à tout, jusqu'à ce que le pontife dise : « Que la paix du « Seigneur soit toujours avec vous; » parce que, jusqu'après la résurrection du Christ, la seule Eglise des Juifs, que symbolise le sous-diacre qui se tient en haut de l'autel, « crut de cœur c( pour être justifiée, et confessa sa foi par ces paroles pour ob- « tenir le salut » (Extra De sac, c,\). Mais, à partir de ce moment, les chantres répondront dans le chœur et chanteront tout , parce qu'après la résurrection l'Eglise des Gentils , sym- bolisée par les chantres, qui se tiennent au bas du chœur, reçut

Tome ÏI. U

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la foi du Christ et chanta en l'honneur du Sauveur de magni- fiques louanges. Cependant , entre Tévangile et le sacrifice le chœur chante d'une voix unanime l'ofTertoire , parce qu'entre la passion et la prédication les Gentils montrèrent un désir de foi à Dieu, quand la femme Chananéenne, venue du pays de Tyret de Sidon, fit entendre ce cri : « Seigneur, fils de David, « aie pitié de moi ; ma fille est misérablement tourmentée « par le démon. » Et le Seigneur loua sa foi en lui disant : (( femme! ta foi est grande; qu'il te soit fait comme tu (( le désires. »

XV. Enfin, exposons sous forme d'abrégé le symbole des apôtres, qui contient en peu de mots tous les articles de foi. <( Je crois en Dieu, le Père tout-puissant^ créateur du ciel et « de la terre. » Remarque que c'est autre chose ^ comme dit Augustin , de croire à Dieu , de croire Dieu et de croire en Dieu.

XVI. Croire à Dieu, c'est croire que tout ce qu'il dit est vrai, ce que les méchants mêmes croient ; nous croyons à un homme, et nous ne croyons cependant pas en lui. Croire Dieu, c'est croire qu'il est Dieu, comme font aussi les démons. Croire en Dieu, c'est joindre l'amour à la foi ; croire en Dieu , c'est aller à lui ; croire à Dieu, c'est s'attacher à lui , ce que seuls font les justes. Donc celui qui dit : « Je crois en Dieu, » ment, s'il ne chérit pas Dieu , à moins qu'il ne dise qu'il parle en la personne de l'Eglise. Et en disant Dieu au singulier, il montre son mépris pour la pluralité des dieux. D'oi^i vient qu'on a ajouté d'une manière remarquable dans le grand symbole ce mot : Unum^ « Un , un « seul, » selon cette parole : « Ecoute, Israël; le Seigneur ton « Dieu est le seul et unique Seigneur. » Et l'Apôtre : « 11 n'y « a qu'un seul Dieu, qu'une seule foi, qu'un seul baptême. »

XVII. En disant le Pêre^ le symbole, commence à distinguer les personnes, dont Isaïe a dit : a Qui soutient de trois doigts « toute la masse de la terre. » Et ailleurs : ce Les séraphins « criaient : Saint, saint, saint. » Et le Seigneur a dit : « Bap-

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« tisez toutes les nations au nom du Père^, et du Fils^ et de TEs- « prit saint. » Et Jean : « Il y en a trois qui rendent témoi- (( gnage dans le ciel : le Père, le Verbe et l'Esprit saint. » Le Père est la première personne, non pas selon le temps, mais selon l'autorité, dans la Trinité. Ce qui suit, tout-puissant , est son nom essentiel ; et voilà pourquoi nous le rapportons ^ non sans raison^, à Dieu substantiel, ou au Père, par relation, quand nous disons : a Je crois en Dieu , le Père tout-puissant, » ou : (( Je crois dans le Père tout-puissant. »

XVIII. De même pour ce qui suit : « Créateur du ciel et de c( la terre; » parole qui confond l'hérétique qui affirme que le créateur du ciel n'a pas été celui de la terre, que les choses célestes ont eu un autre créateur que les choses terrestres, et que les corps n'ont pas eu le même créateur que les âmes ; à quoi Moïse a répondu : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la (c terre. )) Et David : a Tu as. Seigneur, dès le commence- (( ment , fondé la terre , et les cieux sont les ouvrages de tes ce mains. » Et l'Apôtre : « Tout a été créé par lui dans le ciel <( et sur la terre. )>

XIX. Ensuite, le symbole dit : k Et en Jésus-Christ, son fils (( unique^ notre Seigneur. » Voici une autre personne dans la Trinité : c'est Jésus, qui sauve son peuple de ses péchés; c'est le Christ^ qui a été oint de l'huile de l'allégresse^ de préférence à ses frères ; car il est le Fils unique du Père, dont David a dit : (( Tu es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui; » et l'Apôtre: (( Dieu a envoyé son Fils né d'une femme et assujetti à la loi. (( — C'est notre Seigneur, qui nous a créés^ qui nous a rache- c(' tés, étrangers que nous étions , au prix de son sang. »

XX. Ensuite : « Il a été conçu du Saint-Esprit, est né de la (c vierge Marie. » Voici le premier mystère du Christ, c'est- à-dire son Incarnation ; c'est comme si le symbole disait : a Lui (( qui est en Dieu s'est fait homme , non par le concours de « l'homme, mais conçu par l'opération de l'Esprit saint; il est né (( de la vierge Marie. » Ce qui a fait dire à Isaïe : « Voici qu'une

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« vierge concevra et enfantera un fils, et on l'appellera Em- « manuel. » Et l'Ange, dans l'Evangile : «Salut, Marie pleine « de grâces, le Seigneur est avec toi; » et il ajoute : « L'Es- (( prit saint surviendra en toi , et la vertu du Très-Haut te a couvrira de son ombre. » Il y en a cependant qui joignent ces mots : « Qui a été conçu de l'Esprit saint, » avec ceux qui précèdent.

XXI. Ensuite : « Il a souffert sous Ponce-Pilate, il a été « crucifié, il est mort et a été enseveli. » Voici le second mys- tère relatif à l'humanité du Fils, c'est-à-dire la Passion, dont l'époque est assignée sous Ponce-Pilate ; la forme du supplice est indiquée par le mot crucifié, et la fin de la passion se con- clut en ces termes : mort et enseveli. D'où vient que le Christ dit en pleurant, par la bouche de David et de Jérémie : a Ils « ont percé mes pieds et mes mains, et ils ont compté tous (( mes os. » Touchant sa mort, le Prophète dit : « Le Seigneur (( est entré dans la mort. » Quant à son sépulcre, Isaïe dit : (( Son sépulcre sera glorieux. » Tout cela est démontré d'une manière évidente dans l'Evangile.

XXII. Ensuite : « Il est descendu aux enfers; le troisième (( jour, il est ressuscité d'entre les morts. » Voici un troisième mystère , celui de la Résurrection ; mais Ton parle d'abord de la descente aux enfers, par laquelle les morts sont délivrés. C'est pourquoi on lit dans le prophète Osée : « Je les délivrerai (( des mains de la mort ; je les rachèterai de la mort. mort ! je (c serai ta mort; enfer, je serai pour toi une morsure cruelle. » Le Christ est cet homme fort dont il est parlé dans l'Evan- gile, qui a enchaîné le fort et a brisé 'ses vases. C'est lui qui dit, dans le psaume : « J'ai dormi et j'ai été plongé dans « le sommeil , puis je me suis levé , parce que le Seigneur «c m'a pris par la main. » Son Père lui dit : « Lève-toi, toi « qui fais ma gloire , lève-toi au chant des psaumes et aux « accents delà harpe. » Le Christ lui répond ce peu de mots : (( Je me lèverai dès le point du jour. » Et dans l'Evangile

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les femmes et les hommes rendent témoignage de sa résurrec- tion. Ce qu'on dit dans le grand symbole : a II est ressuscité « le troisième jour, selon les Ecritures, » marque la manière, les particularités et le temps prédit par les Ecritures.

XXIII. Ensuite : « Il est monté aux cieux ; il est assis à la « droite de Dieu, le Père tout-puissant. » Voici un quatrième mystère, savoir : l'Ascension. « Il est monté, comme dit Da- « vid , porté par les chérubins , et il a volé sur les ailes des (( vents, et il a préparé dans le ciel sa demeure, et son royaume tt dominera tous les rovaumes. » Le Père lui dit : c< Assieds- « toi à ma droite , jusqu'à ce que je réduise tes ennemis à te (( servir de marche-pied. » Et, pour qu'il ne manquât point de témoins oculaires de son ascension, saint Luc dit : « Ses (( disciples le virent s'élever en haut , et il entra dans une nuée « qui le déroba à leurs yeux. » On lit ensuite ces mots : « D'où c( il viendra juger les vivants et les morts. » Voici un cinquième mystère qui n'a pas encore été révélé : « Il viendra dans tout (( l'appareil de sa royauté, lui à qui son Père a donné déjuger « le monde. » Et^ comme dit David : « Il a préparé son trône (( pour le jour du jugement , et il jugera l'univers entier avec « équité, il jugera les peuples dans sa justice. » Et ailleurs : <( Dieu viendra dans sa majesté , c'est notre Dieu ^ et il ne se « taira pas. » Et saint Luc : ce II viendra de la même manière « que vous l'avez vu monter dans le ciel. » Et Michée : ce Le c( Seigneur veut entrer en jugement avec son peuple. »

XXIV. « Je crois en l'Esprit saint. » Voici la troisième per- sonne de la Trinité : c'est l'Esprit saint, touchant lequel Moïse a dit : a L'esprit de Dieu était porté sur les eaux. » Et le Psal- miste : « Son esprit soufflera , et les eaux couleront. » Et le Seigneur, dans l'Evangile : « L'Esprit, qui procède du Père, « vous enseignera toutes choses. » Or, l'Esprit saint enseigne, il sanctifie, il vivifie, il remet les péchés ; par lui nous ressusci- tons dans la gloire , par lui nous arrivons à la vie éternelle. Le symbole ajoute : a La sainte Eglise catholique. »

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166 RATION AL

XXV. Et Ton peut entendre et joindre ainsi ces paroles et les suivantes : « Je crois en l'Esprit saint la sainte Eglise ca- (( tholique , » c'est-à-dire : c< Je crois que la sainte Eglise des « fidèles est sanctifiée par l'Esprit saint. Je crois aussi en l'Es- c( prit saint la communion des saints, c'est-à-dire que les « saints sont unis dans le lien de la charité par l'Esprit saint. « Et je crois en l'Esprit saint la rémission des péchés, c'est-à- « dire que les péchés sont remis par l'Esprit saint. Je crois, c( enfin, en l'Esprit saint la résurrection de la chair et la vie c( éternelle, c'est-à-dire que par l'Esprit saint la chair arri- (( vera à la gloire et l'ame à la vie éternelle. )) Nous ne disons pas : (( Je crois la sainte Eglise catholique, mais en l'Eglise y parce que, comme l'assure saint Augustin [De consec.y d. iv, Prima) , on croit en l'Eglise comme on croit en Dieu.

XXVI. Et nous croyons en la sainte Eglise catholique lors- que, priant dans son sein, nous croyons en Dieu. Ensuite, nous confessons que nous comprenons avec une foi très-grande ce qui suit, savoir : c( La communion des saints, la rémission (( des péchés , la résurrection de la chair et la vie éternelle, » toutes choses que tu joindras ainsi : « Je crois en la sainte « Eglise catholique la communion des saints ; » c'est-à-dire que par la foi que j'ai, et qui est fondée sur la sainte et universelle Eglise, j'arriverai à jouir de la communion des saints, c'est-à- dire de leur concorde et de leur union, car, de même qu'il n'y a qu'un pasteur et un troupeau , de même il n'y a qu'un seul Dieu, qu'une seule foi et un seul baptême; ou je reçois par avance la communion des saints^ c'est-à-dire le pain de béné- diction dont il est dit : « Crois et tu mangeras » [De consec, d. II, Ut quid). Même interprétation pour ce qui suit.

XXVII. <( Je crois en la sainte Eglise, la rémission des pé- chés; » c'est-à-dire que, par la foi que j'ai , et qui est fondée sur la sainte et universelle Eglise , j'aurai la rémission des pé- chés et je serai guéri de la lèpre.

XXVIII. Il est parlé de la lèpre dans l'ancienne loi et dans

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l'Evangile. Marie, sœur d'Aaron, ayant demeuré sept jours hors du camp, fut guérie de la lèpre (l dist.^ § Econtra). Le syrien Naaman, s'étant lavé sept fois dans le Jourdain, fut délivré de la lèpre ; et le Seigneur purifia dix lépreux, mais un seul, cependant^ rendit gloire à Dieu. Il est dit de Madeleine que beaucoup de péchés lui ont été remis, parce qu'elle a beau- coup aimé. Le Seigneur dit aussi au paralytique : « Mon fils, « tes péchés te sont remis. »

XXIX. (( Je crois en la sainte Eglise catholique la résurrec- « tion de la chair; » c'est-à-dire que par la foi que j'ai, et qui est fondée sur l'Eglise, j'obtiendrai de ressusciter dans cette chair dont Job a dit : « Je crois que mon rédempteur est vivant, « et que je ressusciterai de la terre au dernier jour, et que je (( verrai dans ma chair Dieu mon Sauveur. » Et il est dit dans l'Evangile : « Le Dieu d'Abraham , le Dieu d'Isaac et de Ja- (( cob n'est point le Dieu des morts , mais des vivants. » Et l'Apôtre : « Nous ressusciterons tous, il est vrai; mais nous ne <( serons pas tous transformés. » Il faut aussi unir de la même manière les paroles suivantes :

XXX. (( Je crois en la sainte Eglise catholique la vie éter- « nelle; » c'est-à-dire que, par la foi que j'ai, et qui est fondée sur l'Eglise, j'arriverai à la vie éternelle, cette terre des vi- vants dont David dit : « Je crois fermement voir un jour les « biens du Seigneur dans la terre des vivants. »

XXXI. Or, la vie éternelle, c'est voir Dieu le Père et Jésus- Christ qu'il a envoyé sur la terre. On parlera encore de cela dans la sixième partie, à l'article du Samedi saint, oii l'on traite du baptême.

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i 08 RATIONAL

CHAPITRE XXVI.

DE LA PRÉDICATION.

I. Comme, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, l'évangile est une prédication , et le symbole une profession de foi , voilà pourquoi, après ce dernier, on prêche au peuple la parole de l'évangile et du symbole, ou bien on lui explique le Nouveau et l'Ancien-Testament. Cet usage est tiré du livre de Néhémie, au commencement duquel on lit ces mots : « Les lévites lurent « dans le livre de la loi. » Néhémie, prêtre de Dieu, et Esdras, docteur de la loi, expliquaient toutes choses au peuple. En outre, anciennement on avertissait ceux qui avaient de la haine contre leurs frères de se raccommoder avant de communier, et d'être purs devant leur Sauveur, qui connaît le secret des cœurs. De cet usage prit naissance dans l'EgHse celui de prê- cher. De là vient aussi que la prière que l'on dit à prime et aux autres heures à voix basse se dit à la messe à haute et in- telligible voix, parce qu'elle renferme une sorte d'admonition fraternelle. Cependant on chante communément le symbole après la prédication, parce que l'Eghse s'engage par là à obser- ver la foi qu'on vient de prêcher.

II. Et, comme la charge de prêcher est un privilège, nul ne doit prêcher s'il n'en a reçu commission, ou si cela n'entre pas dans ses attributions , selon cette parole de l'Apôtre : « Com- « ment les prédicateurs prêcheront-ils, s'ils ne sont envoyés?» Extra De hœreticis, cum ex injuncto). Et voilà pourquoi celui qui doit prêcher en demande la permission , en disant : « Bé- c( nis-moi. Seigneur. »

III. Le prédicateur doit se placer sur un lieu élevé, comme le diacre lorsqu'il lit l'évangile , et cela pour les raisons indi-

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[liées au chapitre de l'Evangile : « Jésus, voyant tout ce peu- ( pie, monta sur une montagne, et, ouvrant sa bouche^ il les ( enseignait. » Et Esdras fit élever un marche-pied pour )arler devant le peuple, comme on Fa dit dans la première )artie, au chapitre de l'Eglise, où l'on traite du pupitre.

IV. Le prédicateur doit pourtant dire avec humilité ce qu'il snseigne; et, selon saint Grégoire ( xlvi d.^ Habet, in fin.), prê-

hera-t-il avec l'orgueil dans le cœur contre ce vice qu'il
herche à faire disparaître par de saintes paroles du cœur de

es auditeurs? Et, selon saint Ambroise, la prédication chré- ienne ne doit pas être dépouillée de la pompe et de l'ornement lu discours. Selon saint Grégoire, le prédicateur doit aussi avoir discerner ce qu'il ne faut pas dire de ce qu'il est utile le dire , afin qu'il ne dise pas ce qu'il faudrait taire , et pour ju'il ne taise pas ce qu'il faudrait dire (xliii d., Sirector.). 1 y en a cependant quelques-uns qui, oubliant cet enseigne- nent, perdent et noient en quelque sorte leurs auditeurs, comme litBède (II, q. yii, S ecutisunt), en leur prêchant, non pas ce jui les sauverait et les corrigerait, mjais ce qui leur plaît et les rompe. D'autres, par contraire, selon saint Grégoire (xlix dist., Hinc et enim; VIII, q. i, Oportet; xliii dist., § fin.), ne vou- ant pas s'acquérir la réputation d'hommes sans esprit , se fati- guent souvent à certaines recherches plus qu'il ne faudrait, et, par une subtilité immodérée , ils remplissent leurs prédica- tions de secrets et de mystères que ne comprennent pas les simples. Or, il faut que celui qui enseigne et instruit les autres se mette au niveau de ses écoliers et parle de manière à être compris de ceux qui l'écoutent; car celui qui enseigne des

hoses que ses auditeurs ne peuvent comprendre, ne parle pas

pour leur être utile, mais pour flatter sa vanité, afin de pa- raître savoir beaucoup de choses, ou bien par flatterie, afin de plaire à ses auditeurs, en leur révélant des choses cachées. Sur [juoi l'Apôtre dit : « Le Christ m'a envoyé pour prêcher, mais « sans employer la science et la sagesse de la parole. » Dans

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le Concile de Carthage](Z)e comec.y di. i, Sacerdote), il fut statué que l'on interdirait la parole au prêtre qui , prêchant dans une église, sortirait des bornes de Tintelligence de son auditoire, cela étant considéré comme une marque de mépris qui mérite l'excommunication.

V. Après la prédication, on fait la confession et on accorde rindulgence pour les péchés commis et pour les omissions, afin que nous soyons ainsi rachetés par l'aveu de nos cons- ciences, selon cette parole du Prophète : « Je roulais dans mon « esprit plusieurs pensées. » Puis, que tous s'approchent l'un après l'autre du sacrement de tous les fidèles , qu'ils doivent recevoir à la messe , soit sous les espèces sacramentelles , soit en esprit. La communion spirituelle a lieu par la foi , qui opère en nous par l'amour, selon cette parole d'Augustin : « Crois et tu mangeras » {De consec.y dist. ii, Ut quid).

CHAPITRE XXVII.

SECONDE PARTIE DE LA MESSE, QUI COMMENCE A L'OFFERTOIRE.

I. La seconde partie de la messe commence à l'offertoire ou au Dominus vohiscum^ et elle se subdivise en quatre parties. La première partie s'appelle secrète [secretella] ^ la deuxième préface^ la troisième canon, la quatrième oraison dominicale avec sa préface, qui est Prœceptis salutarihus. On peut encore appeler tout ce qui se dit depuis l'offertoire jusqu'à la fin de la messe du nom de secrète ^ et cette secrète se divise en cinq par- ties.

II. La première partie va de l'offertoire jusqu'au mélange de l'eau et du vin dans le calice ; c'est là ce qu'on appelle spécia- lement la secrète. La seconde se nomme préface^ la troisième canon y la quatrième oraison dominicale^ la cinquième embo^

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sme. Et par rapport aux effusions du sang de notre Seigneur, n en compte cinq. La première dans la circoncision, la se- Dude dans sa sueur au jardin des Olives , la troisième dans la agellation, la quatrième dans la crucifixion, la cinquième dans ) coup de lance donné à son corps mort. C'est dans un ordre Dnvenable qu'après la prédication viennent la foi dans le cœur, i louange dans la bouche, le fruit dans les œuvres. En efîet, i prédication est dans l'évangile , la foi dans le symbole , la )uange dans l'ofTertoire, le fruit dans le sacrifice ; c'est pour- uoi on chante l'offertoire , parce qu'on offre un sacrifice de )uange , ce qui a fait dire au Psalmiste : a J'ai fait plusieurs tours, et j'ai immolé dans son tabernacle une hostie avec des cris et des cantiques de joie ; je chanterai et je ferai retentir des hymnes à la gloire du Seigneur. » Et dans les Paralipo- lènes : ce Pendant qu'on offrait les holocaustes , ils commen- cèrent à chanter en chœur, et en s'accompagnant de divers instruments, les hymnes que le roi David avait composées à la louange du Seigneur. »

III. Et l'on chante l'offertoire entre l'évangile et le sacrifice, omme on Ta dit au chapitre du Symbole. Le prêtre, avant de ire OremuSy dit Dominus vohiscum, comme s'il disait : « Si le Seigneur n'est pas avec vous , nous ne pouvons prier pour votre salut. » Ensuite il ajoute Oremus, pour avertir le peuple e prier, afin qu'il croie tous les articles de la foi qu'il vient de éciter dans le symbole, et qu'il demeure ferme dans cette foi, arce que le Christ a dit à ses disciples : « Priez, etc. » Et saint iUc, chapitre xxii, recommande à chacun de rentrer en lui- aême , d'examiner sa conscience et de s'offrir en digne holo- auste à Dieu. Avant donc que le chœur chante l'offertoire, le ►rêtre le salue, afin qu'il puisse chanter dévotement. Aussitôt près que le célébrant a dit Oremus y le chœur chante le can- ique de ceux qui vont à l'offrande ou l'offertoire ; le peuple ap- porte son offrande , pour montrer qu'après avoir accompli les ommandements de Dieu nous nous offrons nous-mêmes,

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comme on le dira au chapitre de TOblation. C'est comme s chaque personne qui \a à ToITrande disait : « Je crois , et j <( complète par des œuvres la foi dont j'ai fait profession dan (( le symbole, et je m'unis à la prière du prêtre. )) C'est pour quoi le prêtre offre aussitôt les dons qu'il doit consacrer.

IV. Et remarque comme les versets que les anciens père avaient réunis avec beaucoup de soin sont omis aujourd'hui e beaucoup d'endroits , et c'est autant pour abréger l'offertoir que pour que les assistants du célébrant et le peuple vaquer plus librement aux oblations , à la prière et au sacrement d l'autel. C'est aussi parce que, comme dit Augustin (xn dist. Omma)y Dieu a voulu, dans sa miséricorde , que la religio chrétienne fût entourée de très-peu de mystères, et que ses ce rémonies fussent très à découvert. Selon Jérôme [De consec. dist. V, Non mediocriter) , il vaut mieux chanter cinq psaume avec un cœur joyeux, que tout le psautier avec ennui ; car c n'est pas la multitude des prières qui touche le cœur de Dieu On ne chante plus aujourd'hui les versets qu'à l'offertoire de 1 messe des Morts , parce que cet office ne suit pas la règle de autres offices en beaucoup de parties.

V. Or, on doit aux patriarches la coutume de chanter l'offer toire, parce que (comme on l'a dit plus haut), quand ils fai saient leurs offrandes au Seigneur, ils sonnaient de la trom pette ; car Dieu aime celui qui donne avec joie (XXIII, q. vi, §) C'est aux patriarches que Salomon , lors de la dédicace di temple et de l'autel, prit l'idée d'offrir avec une grande solen nité une innombrable multitude d'holocaustes ; cette idée lu avait été aussi inspirée par l'exemple de Moïse, au-devant du quel tout le peuple accourut pour offrir des présents à Dieu quand il descendait de la montagne en saluant le peuple et ei priant pour lui.

VI. On chante encore l'offertoire pendant l'offrande, en mé moire du bonheur avec lequel le peuple israélite offrit ses de niers pour la construction du tabernacle, ou plutôt pour mar

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ler le cri de la femme dont il est parlé dans l'Apocalypse, apitrexii. Une femme, c'est-à-dire l'Eglise, revêtue du so- [1, c'est-à-dire du Christ, dont elle s'est revêtue dans le bap- ne, ayant une lune sous ses pieds, c'est-à-dire foulant toutes ) choses passagères de ce monde et portant une couronne de uze étoiles sur sa tête , c'est-à-dire le chœur des douze apô- îs , et grosse de tout ce qui s'est accompli en elle depuis son igine, crie comme étant en travail et ressentant les douleurs l'enfantement. Or, l'offrande imite le cri de cette femme en ivail, ou les salutaires souffrances du Seigneur, par son chant ave et sonore. Ce chant, qui déborde de neumes, et qui est

ond en versets, ne peut assez exprimer l'immense triomphe

'il symbolise. Cependant on ignore quel est celui qui a ins- [lé le chant de l'offertoire.

VII. L'offertoire tire son nom du mot latin feriay qui signifie blation que Ton offre sur l'autel et que les pontifes consa- mt; d'où vient qu'on l'appelle offertoire, comme en quel- e sorte une chose offerte d'avance [prœfertum); et on Tap- lle oblation, parce qu'on l'offre. L'offertoire s'appelle encore isi, parce que pendant qu'on chante l'offrande le prêtre re- t des mains de ses assistants les oblations ou hosties dont on rlera au chapitre de l'Oblation.

VIII. Il faut faire attention que, quoique le prêtre dise d'a- rd Or émus y il ne prie pas cependant tout de suite ; au con- ire, il encense, il reçoit les offrandes et fait d'autres choses, Time si par cette action même il disait : «; Celui qui ne cesse pas de bien faire ne cesse pas de prier. » Pendant qu'on mfe l'offertoire et que l'on encense, comme on a présent le ivenir de la passion du Seigneur, on garde le silence jusqu'au ►ment où le célébrant dit à haute voix : Per omnia secula ulorum. C'est pour marquer que Jésus , après la résurrec- n de Lazare, ne se montrait pas à découvert aux Juifs, parce 'ils pensaient à le tuer ; mais il s'en alla dans une ville qu'on 3elle Ephrem, et il y demeura avec ses disciples. C'est alors

»

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que les pontifes elles pharisiens tinrent conseil, et qu'un d'eux, nommé Caïphe, dit : u 11 est bon qu'un seul homme meure <( pour le peuple, et non que toute une nation périsse. » Et à partir de ce jour ils pensèrent à le mettre à mort; ce dont on parlera au chapitre de l'Inclinaison du prêtre.

CHAPITRE XXVIII.

DE L'ABLUTION DES MAINS.

I. Avant que le prêtre offre le corps et le sang du Christ, i se lave une seconde fois les mains , quoique déjà une premièn fois il se les soit lavées en revêtant ses habits , comme on l'a di au chapitre m de ce livre. 11 se les lave encore après le seconc encensement, afin que, de plus en plus purifié, il offre à Diei une hostie immaculée _, sainte et agréable. Car le Psalmiste après avoir été purifié, demandait à être encore purifié davan tage, en disant : « Lave-moi de plus en plus de mon iniquité (( et purifie-moi de mon péché. » I

II. Et il lave toujours ses mains au côté droit de l'autel, ca le côté droit signifie la prospérité, et le gauche l'adversité- Or, on pèche plus dans la prospérité que dans l'adversité, se Ion cette parole du Psalmiste : c( Mille tomberont à ton côt « (le côté gauche), et dix mille à ta droite. » C'est donc juste titre que le prêtre se lave les mains plutôt à droite qu' gauche.

III. Donc, le prêtre qui va offrir l'hostie se lave les main pour marquer qu'il doit laver et purifier sa conscience par le larmes de la pénitence et de la componction, selon cette parole « Je laverai toutes les nuits mon lit de mes pleurs, j'arrosen « de mes larmes le lieu où je suis couché. » C'est pour ceï que le prêtre dit encore : ce Je laverai mes mains, c'est-à-dii^

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( mes actions, dans la compagnie des innocents. » Et Isaïe : c Lavez-Yous et purifiez-vous. » Car le Christ, avant d'offrir, lur l'autel de la Croix, le véritable et unique sacrifice, plein de

ommisération , versa des larmes pour ressusciter Lazare, au

émoignage de TEvangéliste : « Jésus, dit-il , frémit en son es- c prit , se troubla lui-même et pleura. » Le prêtre lave encore es mains pour ne pas se rendre coupable du corps et du sang lu Seigneur , selon cette parole : « Mes mains sont pures du c sang de cet homme. » Et lui, c'est afin que ses mains soient >ures du pain terrestre ou des désirs de la terre , après avoir eçu l'offrande du peuple.

CHAPITRE XXIX.

DES PALLES ET DES CORPORAUX.

1. Pendant que le prêtre lave ses mains , le diacre arrange ur l'autel la palle dite corporaly pour avertir ses assistants et le ►euple de se purifier de tous désirs de la chair, de même que a palle est pure de la verdeur naturelle au lin dont elle est aite, et de toute humidité. La netteté du corporal symbolise a pureté du peuple fidèle. C'est dans ces termes qu'il est parlé le la palle dans le canon [De cotisée. ^ dist. i, Ex consulto).

II. (( Or, de l'avis de tous, nous avons établi que personne le doit prendre sur lui de célébrer le sacrifice de l'autel avec ine étoffe de soie ou de couleur, mais avec un linge blanc con- acré par l'évêque. Ce linge sera le produit d'une plante de la erre, c'est-à-dire qu'il sera fait et tissu du lin que produit la erre. Et, de même que le corps de notre Seigneur Jésus-Christ ut enseveli dans un linceul de lin blanc, et que le Christ a tiré ilu corps terrestre d'une vierge sa véritable chair passible et

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mortelle , ainsi le corporal est fait de lin blanc et non teint , d'après la règle établie par le pape Sixte-Eusèbe. »

III. Le corporal symbolise le but de la passion ou le corps du Christ^ parce que, de même que le lin n'acquiert sa blan- cheur qu'après beaucoup de travail et un grand nombre d'opé- rations diverses [tunsionibus] , ainsi la' chair du Christ n'est arrivée à la gloire de la résurrection qu'après un grand com- bat. Le corporal symboHse aussi l'Eghse, qui figure elle-même le corps du Christ, et elle n'arrive à l'éclat de la vie éternelle qu'après beaucoup de souffrances et d'afQictions. Troisième- ment, le corporal signifie le Christ. Or, de même que le cor- poral est plié de telle façon qu'on n'en voit ni le commence-ij ment ni la fin (a), ainsi la divinité du Christ n'a paseu de com- mencement et n'aura jamais de fin. Et, de même que l'hostie est déposée 'sur le corporal et ensuite mise sur l'autel , ainsi la^ chair du Christ^ unie à sa divinité , a été attachée à la croix.

IV. Et remarque que dans certaines églises la palle dite corporal, que l'on met sous le calice, s'étend le long de l'autel; elle a quatre plis en longueur et trois en largeur. On l'étend le, long de l'autel, parce que, au dire de quelques-uns, le linceul dans lequel le corps du Fils de Dieu avait été enveloppé futi trouvé ainsi étendu dans la longueur du sépulcre. Ses qua- tre plis en long désignent les quatre vertus cardinales, sa- voir : la justice, la prudence, la tempérance et la force, paij lesquelles sont réprimées les passions qui nous sont naturelles

(a) Ut nec initium, nec finis ejus apparent. — Le corporal, appelé aussi H ceul, comme le dit Durand, ne se distinguait pas autrefois de la pnlle. Paît vient de pallium, manteau ou couverture : les nappes et les corporaux qui cou vraient l'autel étaient appelés pa//(5p, palla corporalis. Le corporaljétait autrefoi aussi long et aussi large que le dessus de l'autel , et il était si ample , qu'on 1 repliait sur le calice pour le couvrir (Greg. Turon., lib, 7, cap. 12). Mais comme cela était embarrassant, surtout depuis qu'on a fait l'élévation du ca lice, que quelques-uns voulaient tenir couvert rhême en l'élevant, on a fait deu corporaux plus petits, l'un qu'on étend sur l'autel, et l'autre plié d'une manier propre à couvrir le calice. L'on a mis ensuite un carton entre deux toiles, aft qu'il fût ferme et qu'on le prît plus commodément, et on lui a toujours laissé I nom de palle.

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Les trois plis du corporal dans sa largeur désignent les trois vertus théologiques , savoir : la foi , Tespérance et la charité, par lesquelles nous sommes unis à Dieu. Ces plis peuvent en- core avoir d'autres significations. Or, lapalle dite corporal se compose de deux pièces , une que le diacre étend sur Fautel^ l'autre qu'il met sur le calice après l'avoir pliée , ce qui figure les deux linceuls dans lesquels Joseph enveloppa le corps du Christ. La pièce étendue sur l'autel représente le suaire dans lequel le corps du Christ fut enseveli dans le tombeau, et voilà pourquoi on l'appelle corporal; la pièce pliée et mise sur le calice figure le suaire dans lequel la tête du Christ fut sépa- rément enveloppée. La pièce étendue que l'on appelle corpo- ral signifie la foi ; celle qui est pliée , et que l'on appelle maire, représente l'intelligence : car ce mystère doit être cru, mais il ne peut être compris, afin que la foi ait un mérite in- dépendant des preuves que donne la raison humaine [De pœn., d. IV, in Domo). Deuxièmement, le corporal, qui fait l'office de linceul, signifie aussi l'humilité du Christ dans sa passion, et le suaire figure ses souffrances. Troisièmement, le corporal représente le linge dont le Christ se ceignit les reiris le soir de la Cène, et le suaire représente ses fatigues au milieu des persécutions. La palle que Ton met sur le calice ne couvre pas toute la partie supérieure de ce vase , pour donner à entendre que le suaire couvrait une partie de la tête du Christ et en laissait une autre à découvert, comme c'est la coutume chez les Juifs. Cependant quelques églises n'ont qu'un corporal, parce qu'on lit dans l'Evangile que Joseph enveloppa le corps de Jésus dans un drap blanc , et non dans plusieurs ; et c'est pour marquer l'unité du sacrement et représenter le linceul dans lequel le corps du Christ fut enseveli.

V. Le corporal reste sur l'autel jusqu'après la consomma- tion du corps et du sang du Christ, et jusqu'à ce qu'on enlève le calice de dessus l'autel , parce que le linceul et le suaire res- tèrent dans le tombeau jusqu'au moment de la résurrection. Tome II. 12

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En outre, le corporal étendu sur l'autel montre , par sa blan- cheur ;, la pureté d'esprit que doit toujours avoir celui qui re- çoit le corps du Seigneur.

VI. Le pape Soter (xxi d. , Sacratas) établit qu'aucune sainte femme ou religieuse ne toucherait au calice , à la pa- tène, aux saintes pâlies et au corporal. Cependant elles peu- vent confectionner les ornements de l'autel et des prêtres , à l'exemple de Marie, qui fit divers tissus pour servir au mystère du tabernacle d'Alliance.

VII. Communément on donne le nom de palle à la nappe blanche sur lacjuelle on développe et l'on étend le corporal. Son nom palle vient de ce qu'elle couvre [valliat] ou cache en elle-même le mystère dont nous venons de parler. L'autel doit être couvert de deux nappes, pour figurer la robe de l'ame et celle du corps.

CHAPITRE XXX.

DE L'OBLATION DU PRÊTRE,

DE l'office de ses MINISTRES PENDANT CE TEMPS-LA, DE LA PATÈNE, ET DES OFFRANDES DU PEUPLE ET DES CLERCS.

L Le célébrant s' étant lavé les mains, le diacre ou le prêtre qui l'assiste, étendant ses mains munies d'une blanche serviette {tobalia) (a), prend les mains de l'évêque comme pour l'aider à se lever de son fauteuil; cependant, ce n'est pas tant pour l'aider que pour l'inviter, lui qui est la figure du Christ , à se lever et à prier pour le peuple , selon cette parole : a Lève-toi, I <( Seigneur, secoure-nous. » Et ailleurs : « Lève-toi, toi qui] (c dors. » Cette blanche serviette que l'assistant tient entre ses! mains est pour figurer qu'il n'y a que la vue de la pureté dej

(û) C'est notre vieux mot toaille, touaille, aujourd'hui toile.

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[)S mains , c'est-à-dire de nos œuvres , qui engage le Seigneur nous aider tous auprès de son Père. Or, si l'on rapporte cette îrémonie au pontife, vicaire du Christ, on peut dire alors ii'il est invité à venir en aide à ceux pour lesquels il prie , en 3yant la blancheur de leurs mains , et à donner à sa prière lute l'efficacité possible. C'est le Christ qui est le principal iteur de toutes les bonnes œuvres qui se font dans l'Eglise, Dmme on le lit dans Isaïe : (c Seigneur, c'est toi qui as fait en nous toutes nos bonnes œuvres. » Or, l'évêque tient la lace de Dieu. Quant au ministre, qui est comme son serviteur, )mme son coadjuteur, il représente l'Eglise coopérant avec I Christ, et qui, dans tout ce qu'elle fait, est la servante et aide du Christ, qui est le principe de toutes ses actions, 3mme dit l'Apôtre : ce Nous sommes les coadjuteursde Dieu, » ui donne la serviette, c'est-à-dire le respect dévoué ; car, selon Apôtre , ce nous ne sommes pas capables de former de nous- mêmes aucune bonne pensée comme venant de nous-mê- mes; mais c'est Dieu qui nous en rend capables. »

II. Ensuite, l'évêque ou le prêtre célébrant entre dans le mctuaire et monte à l'autel consacré ; il représente ' alors le hrist, qui entra dans une grande chambre haute toute meu- lée, pour y faire la cène avec ses disciples et leur donner 3n corps. Quand le célébrant reçoit l'offrande de la main de es assistants , il représente ce que raconte Jean l'évangéliste n ces termes : « Jésus, dit-il, six jours avant la Pâque, vint

à Bélhanie, où il avait ressuscité Lazare d'entre les morts.
On lui apprêta là à souper, et Marthe servait. »

III. L'évêque s'avance à l'autel sans mitre et sans crosse, evêtu des ornements sacrés, comme on l'a dit en son lieu. Considère l'ordre du sacrifice : l'évangile se dit d'abord, la foi uit dans le symbole , ensuite sont offerts les présents. Il faut, )n effet, d'abord entendre la parole de Dieu : a Comment, dit i l'Apôtre, croiront-ils dans le Seigneur, si personne ne leur { prêche? » Ensuite, nul ne peut offrir à Dieu un présent qui

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lui soit agréable , s'il n'a une foi droite, parce que sans la foi est impossible de plaire à Dieu. Nous devons donc parler i des trois espèces d'oifrandes, savoir : de l'offrande du prêtre des assistants et du peuple. Le prêtre s'offre lui-même le pn mier à Dieu.

IV. On doit offrir à Dieu ce qui vient de Dieu, c'est-à-dii les âmes, qui ont en elles la ressemblance de Dieu imprimée puis on offre les choses nécessaires au sacrifice, savoir : ] pain, le vin et l'eau, et autres choses convenables.

V. Et remarque que dans l'Ancien -Testament on metta sur la table du tabernacle douze pains azymes très-blancs (il six à chaque bout de la table, et chaque pain était sur un pk d'or garni d'une poignée d'encens..

VI. Ces pains furent appelés sacerdotaux y parce que les seul prêtres pouvaient les prendre , les ôter de l'autel pour les mar ger, ou, selon Josèphe, parce que le Seigneur avait command que les seuls prêtres les pétriraient , les feraient cuire , les pla ceraicnt sur la table et les y prendraient, toutes choses que ce pendant ils n'observèrent pas. Et cela prouve que les prêtre doivent faire les hosties eux-mêmes (12).

VII. On appelait ces pains pains de proposition ^ parce qu'il étaient placés sur la table de proposition , devant le Seigneur comme un souvenir éternel des douze tribus des enfants d'Is raël, ou parce qu'ils éidiient porro positi y c'est-à-dire placé pour un long temps, savoir, pour toute une semaine. Ca dès le point du jour du sabbat on en mettait de nouveaux e de tout chauds sur celte table, et ils y restaient _, sans qu'on ] touchât, jusqu'au sabbat suivant, et alors on les enlevait, oi ils y restaient toujours dans le même ordre qu'on les y avai mis.

VIII. L'hostie est ronde, parce que la terre appartient ai Seigneur avec tous les pays qu'elle renferme dans son cerch et avec tous ceux qui l'habitent (vin dist., Quojure); et la forme même de l'hostie représente Celui qui n'a ni commencemem

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fin, puisqu'il est l'alpha et l'oméga , le commencement des (mmencements et la fin des fins (Apocalypse, chap. i); et^ ►mme la figure ronde est formée point par point , cela veut re que tout part de lui et que tout retourne à lui , ce qui a it dire au Psalmiste : « La vérité forme ton entourage. » On parlé de cette figure dans la préface de la seconde partie, et i en traitera encore dans la sixième partie du canon , aux ois A ccepit panent.

IX. On offre deux choses , un don et un sacrifice. On appelle m tout ce qu'on offre en or, en argent ou en toute autre atière. Cependant un don et un présent sont deux choses dif- rentes, comme on le dira à l'article de la première partie du non , aux mots Hœc dona.

X. Le sacrifice, c'est la victime et tout ce qu'on brûle sur utel ou ce qu'on y met comme une chose devenue sacrée ou mme un symbole , parce que l'hostie est consacrée pour nous r une parole mystérieuse, en mémoire de la passion du iigneur. Mais certains hérétiques pervers nous reprochent être grandement présomptueux , patce que nous sacrifions parce que nous appelons sacrifice la consécration de l'hostie, ndis que l'Ecriture dit par la bouche du Seigneur : « Je ne veux pas de sacrifice. » Et Isaïe : « Qu'on ne m'offre plus un vain sacrifice. » Et dans l'Evangile : « Je veux la misé- ricorde et non le sacrifice. )> David : « Si tu avais souhaité un sacrifice, je n'aurais pas manqué à t'en offrir; mais tu n'aurais pas les holocaustes pour agréables. » Touchant la, nous avons dit ce que c'est qu'un sacrement, dans la pre- ière partie, au chapitre des Sacrements de l'Eglise. Tout ce l'on donne à Dieu lui est ou dédié ou consacré. Ce que l'on îdie se donne avec des paroles ( dicendo datur ) , d'où vient nom même de dédicace. Donc, ceux qui pensent que la con- cration a le même sens que la dédicace sont dans l'erreur. 3 mot immolation, employé par les anciens, vient de ce l'on plaçait un gâteau rond [mola) sur la tête de la victime

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devant l'autel. Les libations [mactari) viennent après l'immo- lation; mais maintenant on fait en même temps l'immolation et du pain et du vin contenu dans le calice.

XI. La libation a été remplacée par la seule offrande du ca- lice, selon cette parole : « 11 a offert à Dieu le sang de la vi- ce gne ; » et selon cette expression du poète : « Maintenant, «offrez les coupes à Jupiter. » Or, faire des libations , c'est répandre ; et dans l'antiquité, tout ce qu'on offrait de liquide, comme le vin et l'huile , s'appelait libation ou effusion, tandis que les offrandes sèches, comme le pain et l'encens , recevaient le nom d'oblation.

XII. Chez les anciens, les hosties s'appelaient sacrifices, et on les offrait avant de marcher contre les ennemis (/los^es). : On donnait le nom de victime au sacrifice que l'on immolait après la victoire , pour remercier le ciel d'avoir vaincu les en- nemis, et l'on parlera de cela à l'article de la Sixième partie du Canon , aux mots Qui pridie , et les victimes étaient de plus grands sacrifices que les hosties. Ou bien on les appelait victimes, parce que l'animal que l'on devait tuer était amené lié (vincta) aux pieds des autels.

XIII. L'holocauste est l'action par laquelle on offrait un ani- mal entier, comme un agneau ou un veau, que l'on brûlait dans le feu de l'autel. Car o)ov en grec veut dire entier, et xau^rov embrasement. Toutes les choses sacrées que les Latins appel- lent cérémonies y sont nommées orgies chez les Grecs, Cepen- dant on les appelle convenablement cérémonies , du verbe la-i tin carere, parce que les hommes se privent [careant), pouri leur usage, de ce qu'ils offrent dans les solennités religieuses. D'autres donnent le nom de cérémonies aux observances des Juifs, qui s'abstenaient de certaines nourritures, conformé- ment à l'ancienne loi, et ils tirent ce. nom du verbe latin ca- rere, parce que les Juifs manquent [carent) des choses dont ils s'abstiennent. Le sacrement du pain et du calice s'appelle eucharistie , comme on le dira aux mots Qui pridie.

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XIV . Enfin , à Pégard de Poblation du prêtre , ses assistants remplissent leurs offices , le diacre d'abord, en dépliant et en arrangeant le corporal sur Fautel , pour montrer que l'évan- gile figure d'une manière complète le Christ ou son corps, en un mot son humanité seule. Car le corporal représente le corps du Christ^ comme on l'a dit dans le précédent chapitre. En- suite, le sous-diacre préparera avant toutes choses le calice, en y mettant le pain et le vin que le prêtre doit consacrer ensuite ; et la loi, qui est convenablement désignée ici par le sous- diacre , a figuré d'avance le mystère de cette offrande , quand elle dit que Melchisédech, prêtre du Seigneur, offrit à Abra- ham du pain de froment et du vin exprimé de la grappe , deux choses que le Christ devait plus tard produire et consacrer en vérité, comme on le dira dans la Sixième partie du Canon, aux mots Accepit panem.

XV. L'offrande du. pain et du vin représente les pieux dé- sirs des fidèles , soit à l'égard de l'immolation , ou en vue de l'hostie vivante. Le pain figure le corps du Christ, le vin son sang, et l'eau le peuple. Le mot pain vient du grec pan^ qui veut dire tout^ parce que ce pain sera toute notre vie dans le siècle futur, et le vin est ainsi appelé a vite, de la vigne, à la- quelle le Seigneur se compare dans l'Evangile. Aqua, l'eau, est ainsi appelée du mot latin œqualitas, égalité, parce que ce sacrement nous égale [œquat) aux anges. Mais, quôqu'il y ait deux espèces, il n'y a cependant pas deux sacrifices, car l'unité de paroles fait l'unité du sacrifice. C'est ce manteau jdont les fils de Noé voilèrent leur père , et dont les chrétiens (couvrent l'ivresse du Christ, c'est-à-dire sa passion sous le sacrifice (6).

j XVL Ensuite, le sous-diacre, portant de la main gauche le calice couvert du corporal, et l'offrant au diacre, signifie que

(6) Hoc est enim illud pallium, quod Noe filii contexerunt, quo christiani Ghristi ebrietatem, id est passionem sub sacrificio tegunt.

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le Seigneur remplit l'office de sous-diacre quand il ouvrit le livre _, et de diacre quand il dit : « Je ne suis pas venu pour <c être servi, mais pour servir. » Le diacre reçoit de la main du diacre la patène avec l'hostie , et la tient entre le pouce et l'index de ses deux mains, après avoir interposé cependant un linge [manipulo) entre ses pouces et la patène. Les mains du sous-diacre, ce sont les œuvres de la loi ; la patène, c'est l'éten- due du cœur ; le manipule, ce sont les œuvres de l'Evangile ; le pouce, la force de la vertu; l'index, le discernement. Toutes ces choses ont lieu pour montrer que les œuvres de la loi^ l'éten- due du cœur et les actions charitables ne suffisent pas pour être sauvé , si elles ne sont aidées et menées à bonne fin par les œuvres de l'Evangile, dont le diacre est le hérault, et si l'on n'y joint la force de la vertu et le discernement de l'esprit. On met l'index sur le pouce , pour montrer qu'il ne faut pas dé- ployer la force de la vertu sans le discernement, qui est la mère" et le fondement de toutes les vertus (Extra De offic. Euc.^ cap. i).

XVII. Ensuite, le diacre présente au pontife la patène avec l'hostie, conformément au décret du Concile d'Ancyre (Anthi- ritani) (l dist., Preshyteros ; xxv dist., Perlectis), pour mar- quer que c'est parla tradition évangélique^ dont le diacre est la figure , que l'Eglise est arrivée à l'autel , c'est-à-dire à un rit solennel ; car la loi, dont le sous-diacre est la figure , a seule- ment symbolisé d'avance ce sacrifice de notre salut, comme on l'a dit ci-dessus. Ensuite, le pontife ou le prêtre place l'hostie sur l'autel; le diacre garde le calice avec le vin , et le met lui- même sur l'autel. Sur quoi il faut remarquer que l'hostie re-i présente le corps et non le sang du Christ, et le prêtre le Christ même. Or, le prêtre offre l'hostie sans le secours de qui que ce soit, en disant : « Reçois, ô Père saint.. .. cette hostie sans tache « que j'offre, » parce que le Christ s'est offert lui-même à Dieu le Père sur l'autel de la croix. Et le prêtre met l'hostie de l'autel sur le corporal, comme sur un blanc linceul, donnant

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ainsi à entendre que le Christ lui-même a institué ce sacre- ment^ et qu'il en a légué la tradition et l'observance à l'Eglise,

en disant : « Ceci est mon corps faites ceci en mémoire

« de moi » Le prêtre arrange et place Fhostie sur le cor-

poral, en faisant le signe de la croix, parce que , de même que l'offrande du Christ fut faite sur la croix ^ ainsi l'offrande du prêtre, qui a lieu en mémoire de celle du Christ, doit être faite avec le signe de la croix. Il place aussi le corporal sur la croix faite avec le chrême lors de la consécration de l'autel , parce que le Christ a attaché sa chair à la croix. Le vin dans le calice représente le sang du Christ, et c'est pourquoi le diacre seul, et non le prêtre, figure du Christ, tient le calice, pour montrer que dans l'immolation du Christ le sang fut séparé du corps. Cependant le diacre n'offre pas seul le calice, mais de concert avec le prêtre, et il le met surlapalle dite corporal, ou plutôt entre lui et le prêtre ; ce qui ressort de ce qu'il ne dit pas } offre au singulier, comme fait le prêtre à l'oblation de l'hostie, mais : ce Seigneur, nous t'offrons le calice du salut. » D'oii il apparaît clairement que tous deux doivent prononcer ces paroles. Or, le diacre offre le calice avec le prêtre, parce que non- seulement le Christ s'est offert lui-même à Dieu le Père , mais aussi parce que par son Evangile , dont le diacre est la figure et le porteur, il a institué les cérémonies de ce sa- crifice et les a confiées à l'Eglise. C'est le diacre, comme pré- dicateur de l'Evangile, qui doit, en vertu de sa charge, révéler et manifester cette institution et cette recommandation que l'Eglise militante est tenue d'observer. C'est pourquoi le diacre doit partager avec le prêtre le soin d'offrir le calice , mais non pas cependant celui de consacrer^ parce que cet office n'appar- tient qu'au seul prêtre.

XVII. Cependant c'est à l'évêque ou au prêtre seul à mêler dans le calice le vin et l'eau, chose qu'il n'est permis de faire là aucun de leurs inférieurs, parce que c'est le Christ seul qui a racheté les peuples par son sang. De plus, ce mélange désigne

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l'union du peuple avec le Christ, d'où il s'ensuit qu'elle ne peut avoir lieu que par la grâce du Christ, dont le pontife et l'évêque sont la figure. On mêle le vin et l'eau dans le calice (c), en vertu d'un décret du pape Alexandre I".

XIX. Premièrement , pour marquer que jamais un peuple n'a pu être sauvé sans l'effusion du sang, et aussi que l'effusion du sang a toujours sauvé un peuple. En effet, le Christ s'est réconcilié avec son peuple en mourant. Car il est écrit que les grandes eaux représentent les peuples nombreux. Le Christ a répandu son sang pour son peuple, comme il le témoigne lui- même : (( Ceci est mon sang, le sang du Nouveau-Testament, « qui sera répandu pour beaucoup en rémission des péchés. » Deuxièmement, pour marquer que du côté du Christ il sortit \ à la fois du sang et de l'eau. Car le Christ n'est jamais séparé du peuple, et le peuple du Christ. Et lorsqu'on mêle l'eau avec le vin, alors le peuple s'unit au Christ [De consec, dist. n, Cum omne, prope fînem ) . La loi de Moïse figura aussi d'avance ce mystère , comme l'Apôtre l'explique en disant : « Ils buvaient « de l'eau de la pierre spirituelle qui les suivait ; cette pierre, « c'était le Christ» [De consec, dist. u y Rêvera). Le prêtre verse l'eau dans le calice afin que, de mênie que l'eau est unie au vin , ainsi le peuple soit toujours uni au Christ. Troisième- ment, ce mélange a lieu pour faire comprendre que la divinité et l'humanité sont unies en une seule personne [De consec.

(c) C'est pour imiter Jésus-Christ , qui, dans la dernière pâque qu'il fit avec ses apôtres, consacra la coupe pascale, dans laquelle, selon le rit des Juifs, il y avait du vin et de l'eau. En effet, S. Justin [Apolog., 2); S. Irénée {De hères. y lib. 4, cap. 57); S. Cyprien (epist. 63) ; les Pères du troisième Concile de Car- thage (canon 4), et ceux du Concile in Trullo (canon 32), nous apprennent que, selon la tradition, le vin que Jésus-Christ consacra était mêlé d'eau.

Outre cette raison naturelle et essentielle , les Pères ont cru qu'il fallait met- tre de Teau dans le calice pour deux raisons mystiques, rapportées par Durand. La première, pour figurer le peuple uni à Jésus-Christ; et la seconde, pour figu- rer l'eau qui coula du côté de Jésus sur la croix. Dans le rit Ambrosien, et se- lon un grand nombre d'anciens Missels, en mettant le vin et l'eau on dit: « Du côté du Christ sortit du sang et de l'eau, » De latere Christi exivit sanguis et aqua.

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list. II, cap. III, IV et v). Car la divinité est figurée parle vin, 'humanité par l'eau ; donc celui qui , servant à l'autel;, donne m prêtre l'eau sans le vin ou le vin sans l'eau , sépare , autant ïu'il dépend de lui, la divinité de l'humanité [d). On parlera le cela à l'article du Canon , aux mots : Hoc est corpus meum^ ît à ceux-ci : Hic est calix,

XX. C'est avec raison que le prêtre assistant, avant de ver-

er le vin et l'eau dans le calice, en répand d'abord un peu

)ar terre, non-seulement pour laver le col ou l'endroit du vase )ar lequel l'eau ouïe vin doit couler, ou pour chasser une petite mpureté qui aurait monté à la surface d'un de ces deux liquides, nais aussi pour montrer que le sang et Teau coulèrent du côté lu Christ jusqu'à terre, mystère que le célébrant se prépare à iccomplir.

XXI. Il faut considérer aussi qu'on bénit l'eau (e) quand on a mêle au vin, tandis que, cependant, on ne bénit pas le vin ; et ^ela, comme disent quelques-uns : Premièrement, parce que e vin attend qu'on le bénisse ; mais cette raison ne paraît pas luffisante , car alors le vin est tout entier, puisque dans la bé- lédiction du vin sous le nom de calice on bénit à la fois tant

{d) Au Vie siècle, les Arméniens ne mirent point d'eau dans le calice, et pré- endirent s'autoriser d'une des homélies de S. Jean Chrysostôme sur S. Mathieu, klais les Pères du Concile in T^ullo, assemblés en 692 à Gonstantinople, où 5. Jean Chrysostôme avait été évêque , firent voir que les Arméniens enten- îaient fort mal les écrits de ce saint docteur, qui avait. seulement combattu les tiérétiques qui ne sacrifiaient qu'avec de l'eau. Les Pères ajoutent que l'usage ie mêler de l'eau avec du vin est fondé sur la tradition universelle des églises iepuis Jésus-Christ, et ils déclarent que l'évêque ou le prêtre qui ne mettra lue du vin dans le calice sera déposé comme un novateur qui ne suit pas l'or- Ire prescrit par les apôtres et qui n'exprime qu'imparfaitement le mystère du lacrifice (Conc. TrulL, canon 32). Le décret d'union avec les Arméniens, dans .6 Concile de Florence, déclara aussi qu'il était nécessaire de mettre de l'eau dans e calice : «Cui (vino), ante consecrationem , aqua modicissima admisceri de- 3et, etc. » (Conc, t. 1^2, col. 536).

(e) « Aux messes des Morts, le prêtre ne bénit pas l'eau par le signe de la

roix, » disent les rubriques ; c'est une suite de la raison mystique indiquée par

Durand. On n'emploie pas ce signe extérieur pour bénir l'eau, qui signifie le peuple , parce qu'on est tout occupé des âmes du purgatoire , qui ne sont plus en voie d'être bénites par le prêtre.

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le vin que l'eau [f). D'où vient qu'on peut dire , d'une autre manière, que le vin ici symbolise le Christ, qui n'a nullement besoin d'être bénit ; l'eau figure le peuple, qui , dans cette vie, ne peut être sans péché , et qui , pour l'éviter, a besoin de la bénédiction de Dieu pour être rendu digne d'être uni au Christ, comme on l'a dit ci-dessus. C'est donc pour marquer cela qu'on bénit l'eau quand on la mêle avec le vin. Deuxièmement en- core , on ne bénit pas le vin parce que le sous-diacre, qui n'a pas le droit de bénir, doit , selon son office , le verser dans le calice, comme on l'a dit ci-devant. Troisièmement, parce que le peuple est symbolisé par l'eau; il est uni au Christ seulement par la bénédiction de la grâce du Christ , que figure le prêtre en bénissant l'eau. Et l'on doit mettre plus de vin que d'eau, au jugement du prêtre , de telle sorte cependant que l'eau soit absorbée par le vin et garde le goût de ce dernier ( Extra De celeb. miss, perniciosus), et cela pour marquer que l'Eglise doit s'incorporer au Christ et non le Christ à l'Eglise. Ce qui a fait dire à saint Augustin : « Tu ne me changeras pas en toi, (( comme la nourriture de ta chair ; mais tu seras changé en « moi. ï) On parlera encore de cela au mot précité : Hic est calixy et dans la sixième partie, à l'article du Jeudi saint, vers la fin. Le pape Alexandre, cité plus haut, établit que l'oblation

(/) Le prêtre ne metqu'wn peu d'eau (rubrique) dans le calice, parce que ce qu'on met dans le calice pour le consacrer doit être censé du vin. Les chartreux se servent d'une petite cuillère pour n'y mettre que quelques gouttes d'eau (*). L'Ordre romain d'Amelius parle ainsi de la cuillère avec laquelle on met trois gouttes d'eau ('*) ; et le Concile de Tibur, tenu en 895, dit qu'il faut deux fois plus de vin que. d'eau, « afin que la majesté du sang de Jésus-Christ y soit plus, abondammnent que la fragilité du peuple représenté par l'eau » (***). Voilà encore la raison mystique qui donne lieu à l'oraison suivante que le prêtre dit en versant l'eau dans le calice : Deus, qui humanœ substantiœ, etc.

(*) Capit cochlear, et unam aut duas aquse guttas-infundil. [Oriin. Car tus , cap. 32, no 10.)

(**) Et post aquœ benedictioncm , ponit cum cochleari très guttas aquae. [Ordo rom., xv.) (***) Ut duae partes sint Tini , tertia vero aquae : quia major est majestas sanguinis Do- mini, quara fragilitas populi, qui per aquam designatur, juxta illud : Populi multi, aquae multae (canon 19).

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e ferait avec du pain azyme et en petite quantité, et il dit à
e sujet
a Plus cette oblation est petite , plus elle est pré-

( cieuse. »

XXII. Il ne faut pas aussi oublier qu'aux messes particulières

elui qui présente au prêtre la burette du vin ne baise pas sa

nain, ce qu'il ne fait qu'en lui donnant l'eau , parce que le vin eprésente le Christ, l'eau le genre humain, et le baiser la paix établie entre Dieu et l'homme. Régulièrement, pourtant, lors- [u'on présente quelque chose au célébrant cm qu*on reçoit [uelque chose de lui , on lui baise la main pour montrer que ont le culte et tout le respect qu'on rend à Dieu, dont le célé- )rant tient la place, doivent procéder de la ferveur, de la cha- ité et de l'amour figurés par le baiser de la main. On a aussi >arlé de ce baiser à l'article de l'Evangile, et on en traitera au hapitre du Baiser de paix. A Rome, on pose le calice à droite le l'hostie {oUatœ), et à juste titre, puisque le célébrant s'ap- >rête , en quelque sorte , à recevoir le sang qui coula du côté Iroit du Christ; c'est aussi pour marquer que le sang et l'eau ombèrent du flanc droit du Christ. En outre , si la croix que 'on fait ordinairement sur l'hostie et le calice n'est pas bien lirigée à droite, elle n'a pas lieu sur l'hostie, ce qui cependant loit nécessairement se faire ainsi. Car on doit commencer le igné de la croix sur l'hostie et l'achever sur le calice , comme 'indique évidemment la réunion de divers endroits et termes lu canon. On parlera de cela dans la huitième partie du Canon^ lux mots : Hostiam sanctam.

XXIII. Communément, cependant, ailleurs on met l'hostie intrè le prêtre et le calice : Premièrement, pour montrer que le Christ est le médiateur de Dieu et des hommes (x dist., Quando), it c'est dans ce sens que le prêtre représente Dieu le Père ; 'hostie , le Christ ; l'eau dans le calice , le peuple ; et nous ne jouvons arriver à la joie de la résurrection que par la média- ion du Christ. Deuxièmement, l'hostie est plus près du prêtre lue le calice , parce qu'on lit que le Christ la consacra bien

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avant que de donner son sang aux apôtres ; mais cette raison est mieux comprise des Romains, qui commencent les signes de croix sur l'hostie et les achèvent sur le calice. Enfin^ quand le prêtre prend la patène avec l'hostie , la hurette avec l'eau, le calice avec le vin, l'encensoir avec l'encens, il fait sur toutes ces choses le signe de la croix, afin de déjouer, par la vertu de la croix , toutes les embûches de la malignité du diable , pour qu'elles ne prévalent pas, en quelque manière, contre le prêtre ou le sacrifice. •

XXIV. Et remarque que, relativement aux burettes ou am- poules dans lesquelles on met le vin et l'eau pour le sacrifice, il est à considérer, au point de vue spirituel, que dans une pe- tite substance sont renfermés d'incompréhensibles mystères à venir. Ampulla (ampoule) veut dire en quelque sorte ampla[ huila (une large boule) : elle est la figure du cœur humain, qui doit être étendu de toute la largeur de la charité. Les am- poules ou vases à offrir le vin, ce sont les prédicateurs qui reprennent leurs auditeurs d'une manière mordante, ou qui, enivrés de la grâce de l'Esprit saint , communiquent aux au- tres leur ivresse. Quant aux aiguières ou vases à eau, ce sont les docteurs qui ont bu l'eau de la science du salut , et qui se sont largement abreuvés à la source de vie. Mais continuons à poursuivre l'explication de ce que nous avons dit plus haut, et passons à un autre ordre d'idées.

XXV. Dans certaines églises, le sous-diacre porte le calice à gauche , la patène couverte du corporal à droite ; un chantre porte l'hostie à consacrer , avec un linge {favone) dessus , et la burette au vin ; un autre apporte l'eau qu'on doit mêler avec le vin ; enfin, le diacre verse l'eau dans le calice, qu'il présente au prêtre ou à l'évêque. Le sous-diacre, c'est le Christ; le calice,, la passion ; la patène , la croix ; le côté gauche , la vie présente ; le droit , la vie future ; le corporal , l'Eglise ; le premier chan- tre figure le peuple juif; le second, les Gentils ; Tampoule, la dévotion ; l'hostie, le corps ; le vin, le sang; l'eau, l'Eglise;

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'archidiacre, le Christ ; le 'prêtre ou l'évêque, Dieu le Père.

XXVI. Or, le sous-diacre porte le calice à gauche^ parce [ue le Christ a bu de l'eau du torrent en son chemin , c'est- -dire qu'il a souffert la passion en cette yie ; on porte la patène

droite , parce que par la croix il est parvenu à la gloire : 'est pourquoi Dieu l'a exalté ; avec le corporal par-dessus, >arce que l'Eglise ne cesse d'imiter sa passion. On blanchit le orporal ; et l'Eglise se moule sur le Christ, à travers un grand lombre de tribulations. Notre sous-diacre, c'est-à-dire le Christ,

porté la patène avec le calice , quand il a porté la croix dans a passion.

XXVII. Le premier chantre apporte l'hostie couverte d'un inge , et la burette au vin, parce que la primitive Eglise reçut [es Juifs la foi de la passion, avec tout le dévouement [devo- ione) de son ame. 11 ne porte pas l'hostie dans ses mains nues , nais avec un linge blanc ou une serviette propre et pure, pour narquer que le corps du Christ n'est dignement reçu que par eux qui crucifient leur chair avec ses vices et ses concupis- ences.

XXVIII. L'autre chantre qui apporte l'eau que le diacre mêle vec le vin et qu'il présente au prêtre ou à l'évêque , c'est la lentilité qui a offert la multitude de ses peuples que le Christ . offerts à son tour à Dieu le Père dans sa passion. On peut en- ore dire avec justesse que l'autel est la table du Seigneur, au- our de laquelle il mangeait avec ses disciples ; la pierre con- acrée , la croix ; le calice , le sépulcre ou la passion du Christ , lont on a parlé dans la première partie, au chapitre des Pein- are?; et la patène , qui vient de patere, signifie un cœur large t vaste. Sur cette patène, c'est-à-dire sur l'étendue de la cha- ité , on doit offrir le sacrifice de la justice , afin que l'holo- auste de Famé soit agréable à Dieu. Les apôtres avaient cette irgeur du cœur^ lorsque Pierre disait : «S'il me fallait mou- rir avec toi^ je ne te renierais point. » Tous les apôtres dirent

ussi la même chose au Christ. Mais cette ampleur du cœur les

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abandonna et se cacha, quand tous, ayant abandonné leur maître, s'enfuirent et se cachèrent.

XXIX. C'est pour symbohser cette fuite qu'après avoir reçu l'hostie le prêtre cache la patène sous le corporal , ou au moins que le sous-diacre ;, l'ayant enlevée de dessus l'autel, la tient enveloppée par derrière. Cela désigne la fuite ou la retraite des disciples, ou l'aveuglement de leur infidélité; puisque, pendant que s'offrait le véritable sacrifice, ayant abandonné le Christ , ils s'enfuirent et se cachèrent , comme il le leur avait prédit lui-même, ce Je vous serai (leur avait- il dit) à tous une c( occasion de scandale. Car il est écrit : Je frapperai le pasteur , (c et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais, après que ce je serai ressuscité, j'irai devant vous en Galilée. » On ne laisse à découvert qu'une petite partie de la patène, pour montrer que la bienheureuse Vierge et le bienheureux Jean l'évangé- liste ne s'enfuirent pas et ne se cachèrent pas , comme on le dira au chapitre du Sanctus. C'est pourquoi le prêtre, avant de dire : Pax Domini, comme pour annoncer la bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur, reprend la patène^ parce que ce le soir du même jour, qui était le premier de la semaine, lei ce portes du lieu oii les disciples étaient assemblés de peur def- ce Juifs étant fermées , Jésus vint , et se tint au milieu d'eux ce et leur dit : La paix soit avec vous , » rassemblant ainsi sei' brebis que la frayeur avait fait fuir.

XXX. La patène, qui, à cause de sa forme, symbolise la divi nité, qui n'a ni commencement ni fin, est tenue cachée jusqu'; l'oraison dominicale , pour montrer que la divinité est caché- et voilée pour nous en ce monde ; mais quand , dans l'oraisoi dominicale, nous disons : Panem nostrum, on la montre, pou marquer que, quand nous aurons notre pain qui est dans le cieux, alors la divinité, qui dans ce monde est cachée et voi lée , se manifestera à nous , et nous verrons Dieu tel qu'il es! On parlera de cela au chapitre de la reprise de la Patène. Ce pendant, en certains endroits on tient la patène découverte

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pour montrer que le prêtre prie pour obtenir les biens éternels qui nous ont été révélés par la prédication du Christ. Car la patène , qui est ronde , figure très-bien l'éternité , qui n'a ni commencement ni fin.

XXXI. C'est avec raison que le sous-diacre tient la patène par derrière^ comme s'il disait : a Imitez-moi, car j'ai oublié a le passé et je m'avance vers l'avenir. » Il insinue aussi par là

que nous devons rapporter toutes nos actions au Christ et à la

j couronne éternelle. La patène, en dehors du calice et sens des- sus dessous, représente la pierre soulevée et roulée hors du sé- pulcre. Et remarque que le diacre donne à tenir la patène au sous-diacre ;, indiquant ainsi que le Christ a conféré à ses dis- , ciples le pouvoir de prêcher le royaume de Dieu. On verra en- core ce qui concerne ce sujet au chapitre de la Reprise de la Patène.

XXXII. Pour ce qui concerne l'offrande du peuple^ il est à remarquer que le peuple doit faire des oJBPrandes , selon cette parole de l'Exode : « Tu ne paraîtras pas en présence de ton «Dieu les mains vides » [De consec.^ dist. i, Omnis). Par l'of- frande de présents^, nous pouvons aussi rappeler le souvenir du grand nombre de victimes qui furent offertes par le peuple, quand le roi Salomon consacra au Seigneur un temple et un autel. Or, c'est à son exemple que le peuple fidèle offre sa per- sonne et des dons à Dieu ; car, dans l'Ancien-Testament , le peuple se rassemblait à Jérusalem^ à l'époque de certaines grandes solennités, savoir : Pâques, la Pentecôte et la fête des Tabernacles , pour prier dans le temple , et ils étaient tenus, à ces époques, de faire des offrandes. Et remarque que dans l'An- cien-Testament le peuple offrait le sacrifice légal et volontaire pour le péché, réservant pour l'action de grâces les dons, les vœux et les holocaustes.

XXXIII. Le sacrifice légal, ce sont les dîmes et les prémices que la loi ordonnait d'offrir (Deutéronome, chap. xii). Le sa- crifice volontaire est celui que le peuple offrait de lui-même

Tome II. 13

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pour le péché et pour la transgression de la loi. Les dons, c'é- tait ce qu'il offrait pour la décoration du temple. Les vœux étaient pour éviter les dangers de la maladie ou de la guerre. On a parlé, ci-devant, de l'holocauste ; et, à propos de tout ce que nous venons d'énumérer, il est dit , dans les Paralipomè- nes , que les princes firent des offrandes pour acquitter leurs vœux , de leur propre mouvement , pour le péché , pour le royaume, pour le sanctuaire, pour Juda.

XXXIV. Le cérémonial de la synagogue a passé dans le culte de l'Eglise , et les sacrifices d'un peuple charnel ont été changés aux observances d'un peuple spirituel. Car^ de même que quand Moïse descendit de la montagne le peuple lui of- frit divers dons pour la construction du tabernacle , ainsi , quand l'évèque quitte le pupitre, les chrétiens viennent lui of- frir leurs dévotes oblations. L'un apporte de l'or, pour imiter les Mages, qui offrirent de l'or au Seigneur. L'autre de l'argent, pour suivre l'exemple de ceux qui mettaient de l'argent dans le tronc du temple. Celui-ci quelque chose de ses biens , pour s'associer à ceux qui , par les mains de Paul et de Barnabe, donnaient ce qui était nécessaire aux pauvres. Et il ne faut pas faire attention à la quantité ou à l'apparence des offrandes, mais plutôt à l'intention de celui qui fait son offrande , selon cette parole des Proverbes : « Honore de ton bien le Seigneur c( ton Dieu. » Et Thomas^ iv : ce Fais l'aumône de ton bien. » Et les Mages offrirent au Christ, nouveau-né, de l'or, de l'en- cens et de la myrrhe, selon cette parole du Psalmiste : « Les c( rois t'offriront des présents. » Selon Grégoire, on ne se rend pas agréable, par ses présents, mais les présents sont agréables suivant la main qui les fait (^f). On offre aussi le sacrifice légal, consistant en dîmes et en prémices ; le sacrifice volontaire, qui se compose des oblations spontanées pour le péché , en se ra- chetant par la pénitence , en rendant grâces à Dieu lorsqu^on

{g) La façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne, dit Corneille.

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n a reçu quelque grâce ; on offre des dons, lorsqu'on donne de uoi bâtir des églises , ou des vases sacrés , ou quelque autre hose. On offre des vœux , quand on accomplit en partie ce u'on a promis à Dieu. Ils offrent ^des holocaustes ceux qui bandonnent le siècle et distribuent leurs biens aux pauvres.

XXXV. Celui qui offre baise la main du prêtre, ce qui figure i foi jointe aux œuvres, et l'on a parlé ci-dessus de cela. Celui ui offre le pain et le vin symbolise les disciples qui vinrent réparer tout ce qui était nécessaire pour la pâque.

XXXVI. Mais les clercs et les moines aussi qui ont des biens administrer ne font d'offrande qu'à l'office des Morts , quand n prêtre dit sa première messe , et dans certaines solennités rincipales (De consec, d. i, Alia). Et parce qu'ils vivent d'of- 'andes et qu'ils se sont offerts eux-mêmes à Dieu, ils ne sont as obligés de faire des offrandes. Les hommes passent avant 3S femmes à l'offrande. Comme le sexe le plus fort, ils figurent 3S martyrs , qui , dans la primitive Eglise , ayant souffert un

rand nombre d'injures , offrirent au Christ une victime , en

Qourant pour lui. Ensuite viennent les femmes, ce sexe plus ragile ; et elles figurent les confesseurs , qui , au temps de la >aix, offrirent leurs louanges comme autant d'hosties au Sei- gneur. En outre , l'homme est le chef [caput] de la femme^ i'est pourquoi elle doit lui céder le pas (ff. De edendo, Argen- arius-),

XXXVIÏ. Les sous- diacres et les acolytes reçoivent les of- randes qu'on apporte à l'évêque , pour montrer qu'il ne doit )as administrer de ses mains , mais par celles des autres , les )iens du temps.

XXXVIII. C'est avec raison que le pontife romain ne touche le ses mains aucune offrande autre que celle pour les morts, p'il reçoit de ses mains, pour fermer la bouche à l'erreur de zes dogmatisateurs qui disent que les aumônes ne servent pas lux morts; et il ne touche que l'offrande du pain, autant par respect pour le saint sacrifice, qui se fait avec du pain, que parce

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qu'il est le vicaire de Celui qui dit de lui : « Je suis le pain de « vie. » Il reçoit les autres offrandes à ses pieds, à cause de ce qu'on lit dans les Actes des apôtres , que les fidèles offraient à Dieu ce qu'ils avaient vendu, et qu'ils en déposaient le prix aux pieds des apôtres ; et aussi parce que tout est à lui , comme on en a touché un mot à l'article de l'Evangile. Le prêtre touche de la main les offrandes , parce qu'il représente ce que dit le Lévitique , chapitres i et iv : « Il mettra la main sur la tête de (( l'hostie , et elle sera reçue de Dieu , et lui servira d'expia- c( tion. »

XXXIX. Et remarque qu'on offre le pain et le vin pour les morts , d'après ce passage de Tobie , chapitre iv : « Mets ton c( pain et ton vin sur le tombeau du juste, » c'est-à-dire fais-en l'offrande. On offre une somme ou de l'argent^ à l'exemple de Judas Machabée, qui envoya offrir douze mille drachmes d'ar«  gent, afin qu'on fît un sacrifice pour les péchés des morts. En- fin, les fidèles mettaient aux pieds des apôtres le prix de leurs biens _, comme on l'a dit ci-devant. Cette offrande est un flam- beau pour éclairer ceux qui sont dans les ténèbres du pur- gatoire , comme si celui qui fait une offrande pour les morts disait : « Seigneur, que la lumière éternelle luise pour eux, etc. »

XL. Moïse, voyant que le peuple avait fait beaucoup d'offran- des, fit dire par un hérault que personne ne présentât plus rien (ExodC;, chap. xxxv et xxvi). Cependant, on n'a vu à notre épo- que aucun prêtre imposer un terme aux offrandes. En quelques endroits, les paroissiens offrent, le jour de Noël, des pains qu'ils appellent pains des calendes [panes... calendarios) , à cause de ce qu'on lit dans le Lévitique, chapitre xxii : a Vous offrirez a deux pains au prêtre pour son usage propre, et vous appel- a lerez ce jour un jour très-solennel et très-saint, etc. » Après qu'on a reçu les offrandes du peuple , et pendant que le chœur chante l'offertoire, l'évêque ou le prêtre retourne à l'autel, parce que le Christ , après avoir reçu les vœux de la troupe

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dèle, qui chantait : « Hosanna au plus haut des deux, » entra ms le temple , dans le voisinage duquel il allait être bientôt nmolé.

CHAPITRE XXXI.

LE PRÊTRE ENCENSE L'AUTEL UNE SECONDE FOIS.

I. Après avoir reçu l'offrande mystique dont nous venons de irler, on brûle de l'encens, pour figurer ce que raconte Jean ms l'Evangile , et dont on a dit un mot vers le commence- lent du chapitre qui précède celui-ci, savoir : que Marie-Ma- îleine prit une livre d'huile de nard pur et précieux, et en oi- lit les pieds de Jésus, et la maison fut remplie de l'odeur de ! parfum. Le prêtre balance l'encensoir sur l'autel et autour, 1 formant le signe de la croix sur le sacrifice et l'autel , afin, ir le signe de la croix et l'encens, de déjouer la malignité des éges du diable et d'y échapper.

II. En balançant trois fois l'encensoir sur l'autel et autour, rappelle que Marie oignit à trois reprises le corps de Jésus, remièrement , elle oignit les pieds de Jésus chez Simon le larisien. Deuxièmement, lorsque chez Simon le lépreux elle pandit un parfum sur sa tête. Troisièmement, lorsqu'elle heta des aromates et vint embaumer Jésus, qu'on avait déjà is dans le sépulcre , car la volonté est réputée pour le fait [yil, q. i). Si donc elle n'a pas accompli son désir, cepen- mt il a eu un commencement d'exécution. Lorsqu'ensuite on icense l'autel de tout côté, c'est pour montrer que cette action 3 Madeleine a été publiée par toute l'Eglise , comme le Sei- [leur lui-même l'atteste : a En vérité , en vérité , je vous dis

que partout où sera prêché cet Evangile, c'est-à-dire dans tout le monde, on racontera à la louange de cette femme ce qu'elle vient de faire. »

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III. On peut encore dire qu'on encense raulcl pour repré- senter l'ange qui se tenait devant l'autel du temple, ayant un encensoir à la main , d'où la fumée des aromates montait en la présence du Seigneur. Car le Christ, qui est l'Ange du grand Conseil, a offert pour nous au Seigneur, sur l'autel de la croix, comme un sacrifice d'agréable odeur, sa chair immaculée, embrasée du feu de l'Esprit saint. La fumée des aromates, ce sont les prières des saints, qui, entretenues par l'ardeur de la charité que leur inspire la passion du Seigneur , montent à Dieu le Père , et nous méritent d'être couronnés par la Tri- nité ; voilà pourquoi le prêtre encense en forme de croix et de couronne : en encensant une fois, il rappelle qu'il n'y a eu qu'une passion; en décrivant une fois le cercle [corona)^ il rappelle la récompense d'un denier ; en encensant trois fois , il figure la coopération de la Trinité dans la passion , et la glo- rification des trois ordres, d'où vient qu'en encensant il dit : c( Seigneur, que ma prière monte comme l'encens en ta pré- ce sence , etc. ; » c'est dans le sens moral qu'il faut brûler l'en- cens de la dévotion dans l'encensoir du cœur, avec le feu de la charité, pour qu'il exhale une odeur suave, afin que, tant nous que notre offrande, nous soyons en bonne odeur devant Dieu ; sur quoi l'Ecriture dit que nous sommes chargés des fonctions du sacerdoce et de louer le nom du Seigneur, etc. Le prêtre , qui figure le Christ , reçoit cet encens et en parfume le sacri- fice et l'autel. On peut dire aussi que l'encensoir, dans lequel le prêtre offre l'encens, représente le Christ^ par lequel il de- mande que Dieu lui soit propice. C'est avec raison que l'on encense toute l'assemblée des fidèles , pour montrer que tout ce que fait le prêtre se rapporte à tous ; ce qui a fait dire au : Psalmiste : « Seigneur, que ma prière monte comme l'encens : c( en ta présence. » Cette cérémonie n'a pourtant pas lieu à la messe des morts , comme on le dira dans la septième partie , au chapitre de l'Office des Morts.

IV. Dans le Concile de Rouen, publié par Bouchard , livre

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i, chapitre Ut tempore , on lit : ce Nous avons décrété qu'a- près la lecture de l'évangile on encensera l'offrande en mémoire de la mort de notre Rédempteur. » Le pape Léon tablit aussi qu'on encenserait l'offrande. Cependant certains érétiques disent follement qu'on ne doit pas encenser pendant 1 messe , parce que le Christ n'a pas fait fumer l'encens ter- estre dans la Cène , et qu'Isaïe dit : ce L'encens m'est en abo- mination.» On a dit au chapitre de l'Aspersion de l'Eau bénite ourquoi l'on encense l'autel et le crucifix. Après Fencense- lent , le prêtre lave une seconde fois ses doigts , et il ne tou- he plus rien, jusqu'après la communion^ avec les doigts qui ii servent à manier l'hostie consacrée^ et après l'élévation de hostie il joint ses mains, comme on le dira à l'article de 1 huitième partie du Canon. L'assistant de l'évêque tire et amène sur ses bras la chasuble [planetam] et ses autres vête- ments;, car dans l'ancienne loi, lorsque le grand-prêtre sacri- iait^ il rejetait les extrémités de sa ceinture sur ses épaules.

CHAPITRE XXXIL

LE PRÊTRE S'INCLINE, BAISE L'AUTEL ET PRIE.

L Le mystère de l'encensement étant accompli, le prêtre lit, en s'inclinant : « Reçois, ô Trinité sainte ! cette oblation que c nous t'offrons, etc. » Ce qui est tiré du chapitre m de Da- liel, afin d'offrir une hostie grasse de charité et qui soit di- jne d'être immolée pour le sacrifice. L'inclinaison du prêtre igure l'humilité du Christ qui s'est réduit au dernier abaisse- nent en prenant la forme d'un esclave, et en se rendant )béissant jusqu'à la mort , la mort de la croix ; qui s'est in- cliné aux pieds de ses disciples, et qui, après avoir institué son lacrement dans la Cène , pria son Père.

IL Ensuite le prêtre, se relevant, baise Tautel, pour montrer

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que, par la passion du Christ, le peuple a été délivré et récon- cilié avec Dieu le Père , comme l'Apôtre le dit aux Ephésiens , chapitre m : « Le Christ est le pacificateur qui réconciliera (( les deux peuples en Dieu , en en formant un seul corps. » C'est avec raison que le prêtre, avant de commencer les saints mystères, prie d* abord pour lui-même, et ensuite pour le peuple.

III. Il se tourne vers l'assemblée, en disant tout bas : « Le «c Seigneur soit avec vous, » comme on l'a dit au chapitre de la Salutation; et aussitôt après, élevant quelque peu la voix, il demande que les prières de tous lui viennent en aide, n'étant pas assez présomptueux pour penser qu'il peut seul accomplir un si grand mystère ; c'est pourquoi il avertit le peuple par ces mots : (( Priez pour moi, mes frères, etc., » et moi je prierai pour vous ; ce qui figure ce que le Christ a dit à ses disciples (Luc, chapitre xxn) : « Priez, afin que vous n'entriez point « en tentation. » Et au même endroit : a J'ai prié pour toi, « Pierre. » Et le prêtre avertit le peuple de prier, pour que son sacrifice soit agréable à Dieu ; et le peuple doit prier de même tout bas et répondre : « Que le Seigneur se souvienne de tous « tes sacrifices, et que l'holocauste que tu lui offres lui soit « agréable. » Ou bien le peuple répondra : « Que le Seigneur « reçoive cette oblation, s'il lui plaît; de tes mains ce sacri- a fice, etc. » Ou bien encore : te L'Esprit saint surviendra] en toi ; » ou : « Que le Seigneur t'envoie le salut de son sanc- « tuaire; » ou : « Immole à Dieu un sacrifice de louanges. » Nous devons prier les uns pour les autres, selon l'Apôtre, pour être sauvés. En effet, le Christ a prié d'abord pour lui-même ; « Père ( dit-il ) , l'heure est venue , glorifie ton Fils , afin que ce ton Fils te glorifie. » Ensuite, il a prié pour le peuple, en disant : « Père saint, conserve ceux que tu m'as donnés, afin a qu'ils soient un comme nous» (Extra De sum. Trinit., cap. II). Le prêtre^ pour dire : «Priez pour moi, frères, » se tourne devant le peuple ^ parce que c'est à lui qu'il adresse la

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parole d'une manière distincte ; mais quand il dit : « Prions, » après Dominus vohiscum^ il se tourne devant l'autel, parce qu'alors ce n'est pas d'une manière distincte, mais d'une ma- nière collective en quelque sorte qu'il les invite à prier avec [ui ou à rendre grâces à Dieu. Ayant averti le peuple , le prêtre se retourne aussitôt devant l'autel du côté gauche , comme on l'a dit au chapitre de la Salutation au peuple , et c'est alors qu'il dit l'oraison qu'il avait interrompue depuis l'offertoire, en disant : « Prions, » pour montrer que le Christ revint une seconde fois à Jérusalem dans la maison de prières qu'il avait [juittée pour un temps, quand il s'était retiré dans la ville d'Ephrem. On lit dans l'Evangile : (c Jésus étant venu à Jé- « rusalem, entra dans le temple, et il en chassa les ache- (( teurs et les marchands, en disant : Ma maison sera appelée « la maison de la prière. »

IV. Le prêtre s'applique à la prière, pour ne pas être trouvé indigne comme Oza, qui toucha témérairement à l'arche et fut frappé par le Seigneur. On ne voit pas cependant qu'il eût fait autre chose, nisi uxorem propriqm cognovisse in nocte prœcedenti. Les Bethsamites ayant aussi voulu toucher témé- rairement à l'arche du Seigneur, le Seigneur fît mourir soixante- dix personnes des principaux de la ville , et dnquante mille hommes du petit peuple. Cette arche précieuse, c'est le calice du Seigneur.

V. Le prêtre prie à voix basse : Premièrement , pour ne pas avilir l'office de la messe ; et c'est pourquoi l'oraison qu'on dit tout bas [persecrete) est appelée par quelques-uns secrète, et par d'autres secretella. On parlera de cela et de ce silence au chapitre de la Secrète , comme on l'a déjà dit au chapitre de l'Offertoire.

VL Deuxièmement, le prêtre prie en silence pour prier plus dévotement, et il ne pensera pas à plaire au peuple par sa voix et ses gestes, parce que le Seigneur s'éloigna de ses disciples à la distance d'un jet de pierres pour prier.

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VII. Troisièmement, en priant secrètement le prêtre figure les prières secrètes que le Christ faisait en ces termes : « Mor a Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi. »

VIII. Quatrièmement, ce silence du prêtre révèle le mystère caché dans les sacrifices des patriarches, tels que ceux d'Abel d'Isaac, de l'agneau pascal, de la génisse rousse, du bouc émis- saire.

IX. Cinquièmement, ce silence représente celui que le Sei- gneur garda pendant la passion , car il fut conduit tomme un( brebis à la boucherie, exemple que les martyrs ont imité. D'oi vient qu'on chante ces paroles : Non murmur resonat^ nor querimonia ^ etc.

X. Sixièmement, on dit en silence et en secret les prière! qui suivent Toblation, parce que les Juifs, aussitôt après h résurrection de Lazare , voulurent tuer Jésus ; mais il se cache dans la ville d'Ephrem^ dans la solitude, et cessa de prêchej et d'opérer des miracles, jusqu'au samedi des Rameaux, qu'i vint chez Simon le lépreux, et alors il prêcha ouvertement.

XI. C'est pour désigner cette prédication que le prêtre élève de nouveau la vgix à la fin de la secrète, et dit ouvertement ei à haute voix : Per omnia secula seculorum , qu'on a explique au chapitre de l'Oraison ou de la Collecte. Deuxièmement^ le prêtre dit tout haut : Per omnia ^ pour montrer qu'après ss résurrection le Christ a prêché ouvertement. Troisièmement) parce que c'est le commencement de l'oraison suivante, comme on le dira tout-à-l'heure. Et comme le prêtre réclame l'assen- timent du peuple et la confirmation de ses paroles, comme le prêtre est le délégué du peuple , c'est pourquoi l'assemblée ex- prime son assentiment en disant : Amen.

XII. Le monde ayant été créé par Dieu, le prêtre, avant de dire : Per omnia secula seculorum^ met ses mains sur l'autel : Premièrement, pour montrer qu'il se dépouille de toute pen- sée temporelle, et qu'il se jette entièrement dans le sein de Dieu , en s'attachant de toute son ame à l'immolation de la

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nte victime. Deuxièmement^ il met ses mains sur l'autel, rce qu'alors il invite le peuple à élever son cœur à Dieu et à [ rendre grâces , en se livrant à la contemplation et à l'exer-

e des bonnes œuvres que symbolisent les mains au repos.

>us rendons ensuite grâces de nos œuvres à Celui qui com- 3nce le bien en nous, et nous le prions d'y mettre le sceau, mme dit l'Apôtre ; et voilà pourquoi alors le prêtre repose

mains sur l'autel.

CHAPITRE XXXIII.

DE LA PRÉFACE.

[. Au-devant de la préface^ on dessine dans les livres une ure qui représente en haut la lettre U [a), et en bas la lettre

et ces deux lettres jointes ensemble sont mises là pour re dignum; ce sont les lettres initiales de ces deux mots. La tre U, ouverte par le haut et fermée par le bas^ symbolise umanité ou la nature humaine du Christ, qui part d*une race [tienne, et qui a eu son principe dans la Vierge, mais est is fin. Le D, qui se ferme en cercle, est la figure de la divi- é ou de la nature divine du Christ, qui n'a ni commence- !nt ni fin. Le trait qui relie par le milieu les deux parties du c'est la croix, par laquelle l'humanité est unie à la divinité.

met donc cette figure au commencement de la préface, rce que , par le mystère de l'union et de la passion du Sci- eur, les hommes font la paix avec les anges , et l'humanité ssocie à la divinité pour préconiser le Sauveur. n. Dans toutes les préfaces les hommes et les anges se missent pour chanter tous ensemble les louanges de leur i, et c'est pourquoi on chante les préfaces à haute et mélo- îuse voix , parce qu'elles représentent les chants des anges.

3) Pour V.

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204 RATIONAL

Et la préface est chantée devant l'autel et par le prêtre seul, selon cette parole de l'Apocalypse, cliap. xiv : ce Ils chantaient (( comme un cantique nouveau devant le trône...., et nul ne « pouvait chanter ce cantique que ces cent quarante-quatre « mille qui ont été rachetés de la terre. »

III. On appelle cette prière i^re/ace^ parce qu'elle précède le sacrifice principal. C'est en quelque sorte un préambule, c'est- à-dire une préparation au saint ministère. C'est le préambule de toutes les prières qui commencent à Te igilur, et qui voni jusqu'à VAgnus Dei, Dans la préface, le prêtre rend d'avance {prœloquitur) grâces et honneur à Dieu, afin de pouvoir mieu> parvenir à consacrer le corps du Christ. La préface s'appelh aussi préparation , parce qu'elle prépare les âmes des fidèleî au respect de la consécration qui va avoir lieu.

IV. On la nomme aussi l'hymne angélique, parce qu'elle es; remplie des louanges des anges. Cependant le sacrifice s'ap- pelle oblation dans la secrète [secretella) ; mais à partir dt Dominusvohiscum, que l'on dit immédiatement après la secrète jusqu'au Sanctus, le sacrifice reçoit le nom d'hymne. C'est avei raison que dans le dernier chapitre on a dit qu'à la fin de h secrète on prononçait à haute voix ces mots : Per oinniasecuk

seculorum, qui terminent cette oraison, et qui commencent L

il

préface ; car le prêtre fait entendre par là que le Christ est L pierre angulaire qui de deux peuples n'en a fait qu'un en Judée en unissant les Juifs et les Gentils^ afin qu'il n'y ait qu'unt seule bergerie et qu'un seul pasteur. Donc le prêtre, qui v; dire une chose très-digne d'attention , salue le peuple par ce mots : « Le Seigneur soit avec vous , » par lesquels il rioui souhaite d'être tels, que le Seigneur daigne habiter avec noi^ et célébrer avec nous ce repas dans lequel une femme apport un vase d'albâtre plein d'une huile de nard, qu'elle répandi sur la tête du Seigneur pendant qu'il était à table. Le peupl répondra : « Et avec ton esprit ; » et c'est ainsi que le prêtre e le peuple prieront mutuellement l'un pour l'autre.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 205

V. Car dans l'Ancien -Testament tons les prêtres priaient ndant la consommation du sacrifice : Jonathas commençait, les autres répondaient. Ensuite le prêtre, pour exciter le aple à la prière, ajoute : «Elevez vos cœurs^,» vers le ciel et n vers la terre. Et il élève ses mains pour les raisons que us avons dites à la fin du chapitre de l'Oraison ou de la Coi- te. Le chœur répondra : « Nous les avons vers le Seigneur^ » st-à-dire nous devons les avoir; d'où vient qu'on trouve isi ces mots dans un canon de Cyprien [De consec, dist. i, lando papœ). C'est pourquoi le prêtre, en disant la préface mt l'oraison du canon, prépare l'ame de ses frères par ces ►ts : (( Elevez vos cœurs , » afin que , quand le peuple lui ►ondra : a Nous les avons vers le Seigneur, » il se tienne pour

rti qu'il ne doit penser à rien autre qu'au Seigneur. Le

fiur ajoute encore : c( Nous les avons vers le Seigneur, » ir que l'Eglise , à l'exemple de la femme au parfum , élève i cœur au Verbe divin et oigne de l'huile de la foi catho- ue la tête du Christ ^ égal à Dieu le Père , qu'elle atteindra

la foi, et dont le prêtre poursuit avec raison les louanges

disant :

VI. « Rendons grâces au Seigneur notre Dieu^ » parce que as devons le remercier de tous les bienfaits qu'il nous a ac- 'dés. Le chœur répondra : ce Nous le devons, et il est juste, » rce que nous devons rendre grâces à Dieu tout-puissant. Le itre dit ensuite : (c Par le Christ notre Seigneur , » ce qu'il it compléter ainsi : « Confiants et croyants que parle Christ

Anges louent sa majesté, les Dominations l'adorent, les issances tremblent en sa présance. )) L'Eglise conclut admi- )lement les termes de cette sainte confession, lorsqu'elle ante avec les anges et les hommes, et de tout le dévoûment

son cœur^ l'hymne : ce Saint, saint, saint est le Dieu des nées, les cieux et la terre sont remplis de ta gloire, etc., » nt on parlera plus bas.

VII. On peut aussi rapporter l'office de la préface à ce que

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206 RATIONAL

dit saint Luc , que Jésus monta dans une grande cham bre haute , toute meublée , oii il parla beaucoup avec ses dis ciples, et, ayant rendu grâces , il chanta à Dieu le Père cett hymne dont parle saint Mathieu en ces termes : « Et, ayan c( chanté le cantique d'action de grâces , ils allèrent à la mon « tagne des Oliviers. » Donc le Dominus vohiscum représent la prière que le Christ fit avec ses disciples ; le Sursum corda c'est quand il monta au cénacle. Au Sursum corda nous nou levons pour confesser le Fils, et nous implorons le ministèr des anges, que nous prions de recevoir nos vœux et de les por ter à Dieu. En disant Grattas agamuSy nous rendons grâces ai Christ et nous invitons le peuple à remercier Dieu le Père pa son Fils , qui nous a rachetés et qui nous a admis à le loue avec les anges. Le prêtre dit au peuple Sursum (en haut) ! c'esl à-dire qu'il les exhorte à s'élever au-dessus d'eux-mêmes , oi à élever leurs cœurs vers Dieu, selon ce conseil de l'Apôtre « Recherchez ce qui est dans le ciel , et non ce qui est sur 1 (( terre. » En effet, parmi tout ce qui couvre la terre on ne peu rien offrir à Dieu qui soit digne de lui ; a et où est ton trésor « là est aussi ton cœur. » En effet , il y a beaucoup d'homme: qui parlent du ciel de bouche, dont le cœur est attaché à lî terre; c'est à ces hommes que le Seigneur adresse ce reprocb par l'organe du Prophète : « Ce peuple m'honore des lèvres i (( mais son cœur est loin de moi. » Quand le chœur répond, i déclare qu'il a reçu les avis du prêtre en disant : « Nous avon « nos cœurs vers le Seigneur.» Et le peuple veillera avec soin ji ce que son cœur ne s'abaisse pas jusqu'à la terre, afin de ne pai mentir d'une manière condamnable. Le prêtre, à son tour après avoir rendu les autres attentifs et dévots, nous exhorte i rendre grâces au Seigneur notre Dieu, parce qu'il est Dieu c'est-à-dire créateur ; il est aussi Seigneur, parce qu'il est re dempteur ; enfin, il est le Seigneur notre Dieu parce qu'il es notre sauveur, et il sera vraiment notre Dieu quand il sera tou pour nous, c'est-à-dire quand sa possession nous tiendra lie de tout.

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VIIÏ. Le peuple ayant proclamé qu'il est tout entier au Sei- leur, le prêtre ajoute : « Rendons grâces , » et le chœur, ap- ouvant et confirmant la parole du prêtre, répondra : « Nous le devons, et il est juste. )> Nous le devons à l'égard de Dieu, rce qu'il est le Seigneur notre Dieu. Il est juste par rapport îouS;, parce que nous sommes son peuple et ses brebis qu'il urrit dans ses pâturages. Nous le devons aussi, et il est juste r rapport à l'un et à l'autre , afin que le peuple et le prêtre semble rendent grâces à Dieu, dont nous avons reçu tous biens.

IX. Ensuite, le prêtre ajoute : Vere dignum^ etc. Selon litre Pierre d' Auxerre , ici commence la préface , c'est-à- e le prologue ou préambule du canon, qui se concilie la aie du Seigneur par ces paroles : ce II est véritablement de lotre devoir, et il est tout-à-fait juste, il est équitable et salu- aire ; » c'est un devoir pour nous, parce que le Seigneur est a; c'est une chose juste, parce qu'il est bienfaisant ; c'est une Dse équitable, parce qu'il est miséricordieux; salutaire, 'ce qu'il est notre salut. Ou bien : C'est notre devoir. Sel- sur, parce que tu nous as faits par ta simple volonté ; c'est te , parce que tu nous as rachetés par pure miséricorde ; 3t équitable, parce que tu nous justifies gratuitement ; c'est iitaire , c'est-à-dire plein de salut, parce que tu nous glori- 1 perpétuellement. « De te rendre grâces en tout temps et en ous lieux, ô Seigneur, Père saint. Dieu tout-puissant et éter- lel! » En effet, le Seigneur saint est partout, le Père tout- ssant est partout^ et Dieu est toujours éternel. C'est ce qui lit' dire au Psalmiste : a. Mon ame , bénis le Seigneur par- out où s'étend sa domination. » Et encore : « Je bénirai le kigneur en tout temps, sa louange sera toujours dans ma 30uche. »

^. Ensuite, le prêtre dit : a Par le Christ notre Seigneur, yy ^ nous avons , selon l'Apôtre , pour 'avocat auprès du Père, us-Christ notre Seigneur, qui plaide pour^nous et qui est la

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victime de propitiation pour nos péchés, qui nous exauce en toute chose qui est à son honneur. C'est donc par lui, comme par un médiateur, que nous offrons nos louanges; c'est par lui, comme par un avocat, que nous rendons grâces au Père. XI. « C'est par lui que les anges louent ta majesté, etc. » Majesté y c'est comme si l'on disait major stans ^ celui qui est plus grand , ou major potestas , parce que la puissance du Sei- gneur est plus grande que celle des hommes. « Les Anges « louent, les Dominations adorent, les Puissances tremblent, » parce qu'ils louent, adorent et redoutent Celui par qui tout a , été fait, et par qui tous les ordres d'esprits ont été créés dans la société du Père. Car Dieu dit : a Que la lumière soit faite, e( « la lumière fut faite; » il dit un mot et créa d'un mot, parce que c'est par la parole du Seigneur que les cieux ont été affer- mis; tout a été fait par lui, et rien n'a été fait sans lui. Le prêtn nomme les chœurs des anges , parce qu'il est hors de dont' que les anges sont présents à cette partie de la messe ; et il fau remarquer que l'Eglise doit être semblable aux anges, pou plaire» davantage à Dieu.

Xn. En disant : « Seigneur, Père saint. Dieu tout-puis « sant et éternel , par le Christ notre Seigneur , que les Ange, « louent, etc., » on donne à entendre que l'Eglise et les Ange louent Dieu, non-seulement en tant que Dieu, mais encor en tant que homme. Or , on dit que les Anges le louent, parc qu'on lit dans le Psalmiste : « Louez-le , vous tous qui êtes se c< anges, adorez-le, etc. » Et Esdras : « Les armées du ciel t'a « dorent. »

XIIL « Les Puissances tremblent, » car on lit dans Jobl (( Les colonnes du ciel tremblent devant lui, et il les fait tren « hier en sa présence. » On dit que les justes tremblent; ma ce n'est pas parce qu'ils redoutent le bras de Dieu, puisqu'i sont parfaitement heureux, mais c'est par un effet de sa puis sance ou de leur obéissance , car, selon l'Apôtre , tous l anges sont des esprits qui tiennent lieu de serviteurs et de m

a

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 209

nistres. Les Puissances tremblent, non parce que les ordres ies anges sont corporels; mais on s'exprime ainsi pour que nous comprenions que tout ce qui est dans le ciel, sur la terre 3t dans les enfers tremble et est rempli de crainte devant la [ace de la divine Majesté, de même que nous nous avons [îoutume de trembler et d'être pleins de crainte devant nos maîtres,

XÏV. Ensuite viennent ces mots : (( Les Cieux et les Vertus (( des cieux. » Par les Cieux on entend les Trônes , car le Sei- gneur a dit : « Le ciel est mon trône ; » et l'on dit que les Cieux louent Dieu, parce qu'ils sont un sujet de louange; ce qui a fait dire au Prophète : « Que les Cieux des cieux et que « toutes les eaux qui sont au-dessous des cieux louent le nom <( du Seigneur. » Les Cieux obéissent à l'ordre de Dieu ; car par eux-mêmes ils n'ont pas le pouvoir de se montrer purs et nébuleux.

XV. (( Les Chérubins et les Séraphins. » Pour comprendre ce qu'on dit en cet endroit , il faut remarquer qu'il y a neuf ordres d'anges, savoir : les Anges, les Archanges, les Trônes et les Dominations, les Vertus, les Principautés, les Puissances, les Chérubins et les Séraphins. Ayyào\ en grec, se traduit en la- tin par nuntiiy envoyés d'en haut et du ciel, parce qu'ils sont envoyés des cieux pour annoncer et exécuter la volonté du Seigneur.

XVL Le terme d'anges est le nom de leur emploi et non de leur nature, car ils sont avant tout des esprits ; mais quand ils sont envoyés ils reçoivent le nom d'anges. Les peintres se permettent de leur donner des ailes pour symboliser la rapi- dité de leur course en toutes choses, comme les fables des poètes attribuent des ailes au vent^ à cause de sa vitesse, selon cette parole du Psalmiste : « Ils marchent sur les ailes des <( vents. )) A^y^ccvyzkoi, OU grcc, se traduit par grands envoyés; en effet, ce sont les anges qui annoncent les petites choses ou celles d'un intérêt minime , tandis que les archanges procla-

TOME II. 14

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ment les grandes nouvelles. Les arehangcs sont ainsi appelés, parce qu'entre les anges ils tiennnent le premier rang ; car a^X^vy en grec, se traduit en latin par princeps, prince ou pre- mier. Les archanges sont donc les chefs [duces) et les princes par l'ordre de qui chaque ange reçoit ses commissions. Cer- tains auteurs donnent aux archanges des noms particuliers, afin de désigner par ces termes mêmes les attributions de cha- cun d'eux.

XVn. Gabriel , en hébreu^ veut dire force de Dieu ^ parce que partout où Gabriel est envoyé la puissance et la force de Dieu se manifestent. Ce fut lui qui annonça la naissance du Christ, qui combattit le diable,'et qui vint humblement batailler contre les puissances de Tair.

XVIII. Michel signifie qui est comme Dieu. Et quand il se fait quelque chose de merveilleusement fort dans le monde, cet archange est envoyé, et il tire son nom de son office même, car personne n'a la force de faire ce que Dieu peut faire , et c'est pourquoi cet archange fut envoyé en Egypte pour lancer les fameuses plaies. Cependant certains auteurs disent que Mi- chel est le nom d'un ange.

XIX. Raphaël signifie guérison ^ ou remède de Dieu, parce que partout où il est nécessaire de guérir ou de médicamenter l'archange Raphaël est envoyé. C'est ainsi qu'il fut adressé ài Tobic pour le déUvrer de sa cécité. On parlera de Gabriel^ de Michel et de Raphaël dans la septième partie, à l'article de la- fête de Michel.

XX. Uriel signifie feu de Dieu , et nous lisons que l'on vil le feu dans le buisson , et que la flamme voltigeait au-dessus e( remplissait la mission qui lui avait été donnée. Ces noms soni^ pour personnifier les anges, et ils ne leur ont été imposés n\ par eux-mêmes ni par Dieu, mais par les hommes, et on ne sait par qui : on ne trouve pas dans l'Ecriture d'autres person-. nifications. Voici les autres noms des ordres; ce sont : les Trônes, les Dominations, les Vertus, les Principautés et les

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uissances, par lesquels l'Apôtre entend toute la société du ciel ; 1 entend par ces noms les ordres des anges et leurs dignités , )mme on le dira bientôt.

XXI. Relativement à cette distribution des offices entre les îges , les uns sont appelés Trônes , les autres Dominations ,

ux-là Vertus , ceux-ci Principautés , d'autres Puissances , à

luse des dignités particulières qui les distinguent entre eux.

XXII. Les Trônes, ce sont les troupes d'anges qu'en latin 1 appelle Sedes et Throni^ parce que le Créateur est assis )rœsidet) sur leurs ailes , et qu'il rend ses jugements par leur iermédiaire.

XXIII. Les Dominations sont les anges placés au-dessus des ertus et des Principautés;, et qui, parce qu'ils dominent les itres troupes des anges, sont appelés Dominations. On en it mention dans la préface , pour montrer que nous devons ur ressembler davantage, parce qu'ils nous enseignent la ma- ère de nous dominer : se dominer^ c'est faire la volonté de [eu.

XXIV. Les anges qu'on appelle Vertus remplissent un mi- stère par lequel ont lieu les avertissements et les miracles i ce monde, et c'est pourquoi on les appelle Vertus.

XXV. Les Principautés^ ce sont les anges qui comman-

nt les troupes des anges^ et qui, parce qu'ils ont sous leurs

'dres des anges pour remplir les ordres de Dieu, ont reçu le )m de Principautés ; car les uns servent , et les autres assis- nt, comme le dit Daniel : ce Un million d'anges le servaient, et.mille millions assistaient devant lui. »

XXVI. Les Puissances, ce sont les anges auxquels les vertus memies sont soumises ; d'où vient qu'ils ont le nom de Puis- nces, parce qu'ils écartent loin d'eux les puissances du malin prit^ pour qu'elles ne leur nuisent pas autant qu'elles dési- nt. On nomme donc les Puissances dans la préface , pour arquer que nous devons enchaîner la puissance du diable.

XXVII. Les Chérubins rendent témoignage des mystères

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angéliques et des puissances sublimes des cieux , et leur nom se traduit de l'hébreu en latin par multitude ou plénitude de la science. Les Chérubins sont, en effet, les plus grandes trou- pes d*anges^ et, parce qu'ils approchent de plus près Dieu même, ils sont plus remplis que les autres de la divine science. Ce sont ces deux animaux de métal fondu qui avaient été pla- cés sur le propitiatoire de TArche , pour figurer la présence des Apôtres, au milieu desquels Dieu se montre.

XXYIII. Les Séraphins, c'est cette multitude d'anges dont le nom se traduit d'hébreu en latin par ardentes ou incen- dentes (enflammés ou brûlants) , parce qu'ils sont enflammés et qu'ils brûlent du feu de la charité par-dessus tous les autres anges, et parce qu'entre eux et Dieu il n'y a pas d'anges in- termédiaires. Comme ils sont plus près de sa face, ils rayon- nent plus que tous les autres anges de l'éclat de la divine lu- mière.

XXIX. C'est des Séraphins qu'Isaïe dit : a Ils voilent la face (( elles pieds de Celui qui est assis sur le trône'de Dieu.» Le reste de la foule des anges ne peut voir entièrement l'essence de Dieu, puisque les Séraphins la couvrent, selon Isaïe. On mentionné dans la préface les Chérubins et les Séraphins, parce qu'à leur exemple nous devons être tous enflammés de l'amour de Dieu. On trouve le mot Séraphin du genre neutre et du genre mas- culin; mais c'est un nom neutre qui se termme en n^ comme on le voit en cet endroit de la préface : Beata Séraphin. Au mascuhn, ce nom se termine en ?n, comme dans ce passage du Prophète : ce Les Séraphins [Seraphim) se criaient l'un à « l'autre. » Saint Jérôme dit que Chérubim et Séraphhn son^ du nombre singulier et du genre masculin : la terminaisor de ce nom est le plus souvent en n, non parce que les minis- tres de Dieu ont un sexe^ mais parce que l'on donne diven genres aux mots, suivant la propriété d'une langue. La langue grecque termine d'ordinaire les mots du genre neutre en m. Josèphe dit que Chérubim et Seraphim sont deux animaux qu:

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volent, comme on Ta dit dans la préface de cette partie. Les noms des autres ordres d'anges , à l'exception de ceux des Chérubins et des Séraphins et du nom général d'anges , sont latins. Il y a neuf ordres d'anges, comme on l'a dit.

XXX. Le dixième ordre d'anges étant tombé à cause de son orgueil , se changea en la personne du diable , et les neuf au- tres furent affermis dans la possession de l'éternelle béatitude. On cherche pourquoi trois ordres sont exclus dans la préface ordinaire, et pourquoi cette hymne n'en contient que six^ qui y sont désignés comme ayant seuls des trônes dans les cieux, comme on l'a dit. Il semble que ce soit parce que les trois or- dres exclus de la préface ne glorifient pas et n'adorent pas comme les autres la majesté divine; mais il n'en est rien , car les Vertus des cieux comprennent tous les ordres d'anges, comme l'atteste saint Grégoire dans son homélie sur l'évangile qui commence par ces mots : « Il y aura des signes dans le (( soleil et dans la lune. )) Ce qui a fait dire au Psalmiste : c< Les cieux ont été affermis par la parole du Seigneur, et toute « leur vertu a été confirmée par le souffle de sa bouche. » Et encore : « Le Seigneur des vertus est lui-même ce roi de (( gloire ; » ou peut-être cela a lieu pour cette raison ., quoique cachée.

XXXI. Saint Denys l'Aréopagile a enseigné qu'il y avait trois hiérarchies ou ordres d'anges ;, et il met trois ordres dans chaque hiérarchie, pour montrer que la ressemblance de la Trinité y est figurée. Hiérarchie vient de deux mots grecs : i£pov, saint y et àpx"^;, commandement; comme si l'on disait un îaint commandement. Il y a trois ordres supérieurs et princi- paux, trois inférieurs, et trois moyens. Les ordres supérieurs sont : les Chérubins, les Séraphins et les Trônes. Les ordres moyens sont : les Dominations , les Principautés et les Puis- sances. Les ordres inférieurs sont : les Vertus, les Archanges et les Anges.

XXXII. Dans la préface on passe l'ordre moyen de chaque

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hiérarchie, pour montrer qu'en comparaison de l'éternelle Tri- nité^dont on loue principalement la majesté dans la préface, toute autre trinité se trouve amoindrie et imparfaite ; car qui, dans les cieux, sera égal au Seigneur? et qui, parmi les enfants de Dieu, sera semblable au Seigneur? On ôte des ordres supé- rieurs les Chérubins ; des ordres moyens, les Principautés ; des ordres inférieurs, les Archanges. Les Anges louent cette éter- nelle et indivisible Trinité, les Dominations l'adorent, les Puis- sances tremblent en sa présence. « Et nous te prions de rece- cc voir nos voix avec les louanges de ces bienheureux es- c( prits, etc. »

XXXÏII. Le Dieu tout-puissant a mis au monde deux créatures raisonnables, les anges et les hommes^ pour qu'elles s'appli- quent à louer Dieu et à lui rendre des actions de grâces ; et quand , unies par un même désir, ces deux créatures célèbrent ensemble le Seigneur, elles sont de cœur à Funisson , comme les cordes hautes et basses dans cette harpe céleste dont saint Jean dit qu'il entendit une voix comme le son de plusieurs joueurs de harpes qui touchent leurs harpes , et ils chantaient comme un cantique nouveau.

XXXI V. Or, le prêtre dit : a Ils célèbrent ton saint nom (( dans des transports de joie, » parce que tous les ordres d'anges que nous venons de nommer, et avec eux les créatures humaines, célèbrent également tous ensemble la majesté de Dieu le Père, par le Christ, « en disant, par un humble aveu, » en disant, non avec une orgueilleuse présomption, mais en louant humblement Dieu : « Saint, saint, saint, etc. »

XXXV. Enfin, le pape Gélase a composé des traits et des hymnes, et il a noté des préfaces en musique dont le style n'est ; pas élégant. Il est à remarquer que, quoique jadis il y ait eu un nombre infini de préfaces , aujourd'hui elles sont réduites par les canons au nombre de dix seulement. D'où vient que le pape Gélase dit [De consec.y dist. i, Invenimus) : (c Nous avons

« trouvé qu'on ne devait recevoir que neuf préfaces dans les

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 215

[ saints Livres : la première pour la résurrection et le samedi

de Pâques, la deuxième pour le jour de l'Ascension du Sei-
gneur, la troisième pour le jour de la Pentecôte, la quatrième
pour Noël, la cinquième pour l'Epiphanie du Seigneur, la
sixième touchant les Apôtres , la septième relativement à la

i sainte Trinité, la huitième en l'honneur de la Croix, la neu- [ vième qui traite du jeûne et qu'on doit seulement dire pen- [ dant le Carême. » On parlera de cette dernière préface dans 1 sixième partie, au Mercredi des Cendres.

XXXVl. Le pape Urbain (lxx dhi. jSanctorum) ajouta une lixième préface, relative à la bienheureuse vierge Marie ; c'est elle qui commence par ces mots : jEquum et saluiare : quœ tunigenitum tuum sancti Spiritus^ etc.

CHAPITRE XXXI V.

DU SANCTUS, •

L L'Eglise espérant être unie aux Anges et aux Archanges, lont il a été fait mention dans la préface , aussitôt qu'elle est erminée se met à l'unisson du chant des anges , en chantant iette hymne : « Saint , saint, saint , » que le pape Sixte P"" or- lonna de chanter. Ce fut le chant que chantèrent les enfants, orsque le Seigneur parut devant eux à la dixième lune_, et fut jardé jusqu'à la quatorzième lune dans Béthanie. Donc, lors- [ue le prêtre finit le chant de louange ou préface, tout le chœur, [ui représente l'Eglise, chante en même temps l'hymne évan- ^élique précitée, pour célébrer la gloire^ la louange et l'hon- leur qui appartiennent également au Père , au Fils et à l'Es- )rit saint, comme à un seul Dieu.

IL 11 est à remarquer que cette hymne se compose en partie les paroles des anges et en partie de celles des hommes. La

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210 RATION AL

première moitié renferme la louange des anges, la deuxième et dernière celle des hommes. On lit, en effet, dans Isaie, cha- pitre vi_, que les Séraphins se criaient l'un à l'autre et disaient : « Saint, saint, saint est le Seigneur, le Dieu des armées; la (( terre est toute remplie de sa gloire. » On lit aussi dans l'é- vangile de Mathieu, chapitre xxi, et de Marc, chapitre xi, que ceux qui allaient devant Jésus et ceux qui le suivaient criaient : « Hosanna au fils de David; béni soit Celui qui vient (c au nom du Seigneur. » La voix des Anges dit : a Hosanna (c dans les profondeurs de la Trinité et de l'unité qui résident « en Dieu ; » et ces accents louent un mystère , tandis que la voix des hommes, qui dit : « Hosanna au fils de David, » ce- j lèbrele sacrement de la divinité et de l'humanité unies dans le i Christ. C'est avec raison que nous chantons à l'église les can-l tiques des anges, parce que nous ne doutons pas que par ce sa-' crifice la terre s'unisse au ciel, et c'est pourquoi nous nous écrions avec eux que le salut réside dans les hauteurs des, cieux. '

III. Or, il faut remarquer qu'on dit trois fois Sanctus, pour désigner la Trinité et la distinction de ses personnes ; mais on^ ne dit qu'une seule fois Dominus^ Deus sabaoth, pour montrer s l'unité de la nature [usia] (a) divine [De consec, dist. n) ^ parce qu'on adore l'unité, pour établir ainsi le mystère de la Trinité et de l'unité. On dit trois fois Sanctus au singulier, et non. sancti au pluriel , pour faire entendre qu'une seule sainteté et! une seule éternité sont communes aux trois personnes de la Trinité. Ce n'étaient pas seulement les Séraphins qui criaienti Sanctus sous le trône sublime de Dieu, comme nous l'apprend le Prophète ; ce cri était aussi celui des quatre animaux dont

(a) Du grec ouata, nature.

Has très personas unam dissertât usiam Nomine distinctam, sed majestate jugatam,

lit-on dans les Actes de S. Gassien, martyr (Fontanin. ad calcem Antiquitat. hortœ, p. 353).

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irle l'Apocalypse , qui entouraient ce même trône , et qui ne îssaient jour et nuit de dire : (c Saint, saint^ saint est le Sei- gneur Dieu tout-puissant. »

IV. On dit que Dieu est sainl^ c'est-à-dire qu'il sanctifie, et on qu'il est sanctifié ; d'où vient cette parole : (( Soyez saints, parce que moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. » Le Fils 3 Dieu, en parlant de son Père^ l'appelle saint : a Mon Père,

sanctifie dans la vérité ceux que tu m'as donnés , parce que tu es saint. » Le Fils de Dieu est appelé saint par l'Ange,

iii rend de lui ce témoignage : « Ce qui naîtra de toi (dit-il à la Vierge) sera saint ; on l'appellera le Fils de Dieu. » L'Es-

rit saint est nommé saint parle Christ, lorsqu'il dit : » Rece- vez l'Esprit saint. Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez. »

V. On dit aussi : « Le Seigneur Dieu sabaoth, c'est-à-dire le Seigneur des armées , des anges et des hommes , dont l'as- pect est terrible comme celui d'une armée rangée en ba- taille. » C'est de Lui que les anges disent dans un psaume : Qui est ce roi de gloire? — Le Seigneur des armées est lui- même ce roi de gloire. » Car Dieu a autant d'armées sur la

îrre qu'il y a d'ordres dans l'Eglise, et autant dans le ciel qu'il a d'ordres parmi les anges. Or, en nommant les cieux et la îrre, les anges et les hommes, pleins de la grâce divine, témoi- nent à la lettre que les cieux et la terre sont remplis de la race divine ; car la divinité est partout , ce qui a fait dire au 'rophète : ce Si je monte dans le ciel, tu y es ; si je descends dans l'enfer, tu y es encore. »

VL Sabaoth se traduit Seigneur des armées , ou des vertus xilitantes , ou des victoires , ou tout-puissant ; car « le Sei- gneur notre Dieu est tout-puissant , c'est lui qui range en bataille l'armée des anges et des hommes. » Le prêtre joute : « Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire, » afin lue les cieux et la terre soient gouvernés par la gloire de Dieu, t que ceux qui sont dans les cieux et ceux qui sont sur la terre

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glorifient et honorent son saint nom ; les cieux sont remplis de gloire, parce qu'ils possèdent Dieu, et la terre est pleine d'es- pérance de le posséder un jour. Alors elle jouira de Tentière réalité , lorsque cette parole : a Que ta volonté soit faite en la « terre comme au ciel » sera accomplie. Quand nous disons : c( Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire , » nous ren- dons grâces au Créateur pour tous ses bienfaits.

VII. Quand nous disons : ce Béni soit celui qui vient au nom « du Seigneur, » nous rendons particulièrement grâces à Dieu pour le bienfait de la rédemption ; et, comme il est nécessaire de confesser le mystère de l'Incarnation pour mériter le salut éternel, c'est avec raison qu'on ajoute : « Béni soit celui qui « vient au nom du Seigneur. » — « Je suis venu ,dit le Christ, (( au nom de mon Père. )) Le nom du Père, c'est son Fils, dont le Prophète dit : «Voici le nom du Seigneur, il vient de loin.» Quand on commence le Sanctus ^ nous devons nous tenir in^ clinés, parce qu'alors nous vénérons l'incarnation et l'inconnue majesté de Dieu, par le chant des anges et des hommes. En disant : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur , » comme ces paroles sont tirées de l'Evangile, nous devons faire ou mettre sur nous le signe ou l'étendard de la croix, parce que le Christ a triomphé par la croix et nous fait triompher par elle. Lorsque le Christ, venant à Jérusalem, descendit du mont des Oliviers , les enfants d'Israël criaient : a Béni soit celui qui (( vient au nom du Seigneur. » L'entrée du Christ à Jérusalem' figure la résurrection future, quand il viendra lui-même juger les vivants et les morts et qu'il apparaîtra à nos yeux avec ce corps dans lequel il a souffert pour nous; alors, au nom de Jésus tout genou fléchira au ciel , sur la terre et dans les en- fers. C'est pourquoi il y en a qui, au moment où l'on chante

(( Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur , » se metten à genoux et prient dévotement.

VIII. Hosanna est un mot hébreu qui veut dire : )) Sauve c( je t'en prie; » ajoute : a ton peuple, ou le monde entier. )

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mot se compose de osi, qui veut dire sauve, et de anna, qui, hébreu, est une interjection suppliante qui exprime Témo- n de l'ame tout entière à l'objet de sa demande. Pour parler rrectement, on devrait dire osianna; mais nous avons cor- npu ce mot en supprimant la voyelle i et en disant osanna , que nous faisons par ignorance, ou sciemment, par l'élision me voyelle que nous supprimons, comme on a coutume de faire dans les vers (6) .

IX. On dit deux fois : Hosanna in excelsis ^ à cause des IX choses que l'homme a à sauver, qui sont la robe de i ame et la robe de sa chair, qui toutes deux partagent le [iheur des saints dans la gloire , afin que , sauvés dans notre le et dans notre corps , nous soyons comptés au nombre des ^es (( dans les lieux élevés, » c'est-à-dire dans les hauteurs 5 cieux. On trouve dans le psaume cxvii ce petit verset, que ait la foule du peuple : Hosanna; c'est ce que nous disons is le Sanctus en ces termes : ce Seigneur ! sauve-moi ; » et es paroles on ajoute celles-ci : a. Béni soit celui qui vient au Qom du Seigneur. »

K. C'est avec raison que parfois les orgues se font entendre accompagnent ce chant des anges et des hommes ; usage i remonte à David et à Salomon , lesquels firent des hymnes 'on devait chanter pendant les sacrifices qu'on offrait au igneur, avec l'accompagnement des orgues (13) et d'autres itruments de musique , unis à la voix de tout le peuple chan- it les louanges de Dieu. Mais cependant, autant le cœur est

)) Hosanna est un de ces mots hébreux qu'on a conservés dans toutes les ses sans le traduire, comme amen et alléluia. Il signifie sauve maintenant, ou ve,je te prie. On trouve dans presque tous les anciens Missels manuscrits, lans Durand, osanna sans h. Il est pourtant mieux d'écrire hosanna avec un îomme il l'est dans tous les Missels d'à présent, parce que ce mot est écrit hébreu par un Y] ^*^- Si l'on voulait même s'en tenir rigoureusement aux res hébraïques, il faudrait dire hosianna et même hoschianna. Mais on sait 1 les manières de prononcer ne sont pas absolument fixes , et que dans toutes langues il se fait des élisions. Il n'est pas surprenant que Viod, étant suivi Valeph, soit mangé, et qu'ainsi on dise osanna au lieu dosia?ina; c'est la larque que faits. Jérôme, ép. 145, ad Damas.

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plus noble que le corps, autant nous confessons plus dévote- ment le Seigneur de cœur que de bouche ; on parlera de cela à la fin de la préface de la cinquième partie.

XI. Par ces paroles et par les gestes qui les accompagnent, à partir du Sanctus on représente la passion du Christ. Quand le diacre et le sous-diacre vont derrière Tévêque ou le prêtre, ils figurent la fuite des apôtres lors de la passion du Christ, comme on Ta dit au chapitre de TOblation. S'il en est qui se tiennent debout derrière l'autel, les yeux fixés sur Tévêque, ils représentent les femmes qui virent la passion de loin. Tous ceux qui sont derrière l'évêque ou derrière l'autel s'inclinent , par respect pour la majesté divine et Fincarnation du Seigneur, célébrées par le chant des anges et des hommes. L'ordre des anges, en disant : « Saint, saint, saint le Seigneur Dieu des armées , )) fait entrer en scène la majesté divine ; l'ordre des hommes , en disant : a Béni soit celui qui vient au nom du- Seigneur, » représente Tavénement corporel du Christ. Cette inclinaison figure aussi la tristesse que les disciples ressentirent de la mort du Christ; ils n'osaient pas se lever et confesser qu'ils étaient ses disciples; voilà pourquoi on se tient incline jusqu'au moment oii le célébrant dit : ce Délivre-nous du mal.» Il était inutile qu'ils se levassent avant la lumière , c'est-à-dir( qu'ils se glorifiassent d'appartenir au Christ avant sa résurrec- tion, qui les délivra de toutes leurs angoisses. De là vient qu( cette demande est la septième dans l'oraison dominicale ; 1( nombre sept est le complément de cette prière. On a parlé d< cela au chapitre qui a pour titre : Comment l'Evêque ou 1( Prêtre et ses Ministres doivent se tenir devant l'autel.

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CHAPITRE XXXV.

DE LA SECRÈTE , OU DU CANON DE LA MESSE.

I. Après avoir proclamé les louanges de Dieu, on fait un •ofond silence, pendant lequel on dit dévotement le canon de

messe et on accomplit les saints mystères. Le prêtre seul fait îtte prière, parce que, selon saint Mathieu, le Christ pria seul, îlon certaines personnes, c'est à ce moment que commence la esse , parce que tout ce qui précède le canon n'est qu'un as- mblage de cérémonies [De consec.y d. ii, Panis est). Le canon î la messe s'appelle oblation, comme on Ta dit au chapitre de la [•éface ; on lui donne aussi les noms d'action^ canon, sacrifice secrète. On l'appelle action, à cause des saints mystères que )n accomplit ( aguntur) pendant sa durée, et parce qu'alors prêtre plaide [agit) notre cause devant Dieu, comrne on l'a t dans la préface de cette partie. D'où vient qu'à ce début: ')mmunicanteSy etc., et à ces paroles : Hanc igitur ohlationeniy 1 ajoute et l'on dit, à certains jours fixés, certains mots en îhors des termes habituels du canon ou de l'action ; c'est )urquoi en divers endroits on écrit dans les Missels, au-dessus î ces additions , ce titre ou cette rubrique : Infra actionem, irce que ce que renferme cette rubrique doit être dit dans cours du canon , ou en quelque sorte au milieu de Faction 1 canon.

II. Le canon s'appelle ainsi, parce qu'il se compose des règles îs Pères _, lesquels ont institué quelques paroles mystiques )nt la réunion s'appelle canon en grec et règle en latin. Le mon s'appelle ainsi, parce que l'on y représente dans les 'gles le Christ, qui est le véritable prêtre, ou parce que c'est ir lui que la consécration du sacrement a Heu dans les règles.

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On donne au canon le nom de sacrifice , parce que c'est la par- tie de la messe dans laquelle nous méritons le plus ; on a dit , au chapitre de l'Oblation, ce que c'était que le sacrifice. On appelle aussi le canon secrète, comme pour désigner une chose cachée à nos yeux , parce que la raison humaine ne peut jamais entièrement saisir un si grand mystère, et c'est pour figurer cela que Ton dit avec raison le canon à voix basse {sécréta voce).

III. C'est aussi pour montrer que le prêtre lorsqu'il com- mence la secrète , est comme voilé par les rideaux qui sont de chaque côté de l'autel , comme on le dira ci-dessous dans la quatrième partie du canon, aux mots Hanc igitur. On appelle encore le canon secrète, parce qu*onle dit en secret et en si- lence. Car le Christ, au moment de consacrer son corps, pria en secret et seul depuis la Cène jusqu'à son crucifiement^ et c'est ce que figurent les oraisons secrètes. Dans les temps an- ciens, nos pères sacrifiaient et communiaient en silence, ce que nous observons aussi le Samedi saint. En outre, comme le raconte saint Jean l'évangéliste , le Christ, après avoir été reçu avec honneur par la foule et glorifié par elle avec des rameaux et des chants, s'enfuit et se cacha, non par crainte, mais pour accomplir sa mission. Son heure n'était pas encore arrivée; mais^, quand elle fut venue, il s'offrit de lui-même aux souffrances de sa passion. Donc ce secret et ce silence re- présentent la retraite du Christ ; pendant ce silence , la dévo- tion seule s'applique à la recherche du Seigneur. Alors le prêtre doit entrer dans la retraite de son cœur, et^ après avoir fermé la porte de ses sens , prier Dieu le Père , qui entend ef exauce le cri du cœur, et non celui de la voix.

IV. C'est pourquoi Anne, figure de l'Eglise, obtint ce qu'elle^ demandait, non par une prière à voix haute , mais par sa dé- votion secrète et cachée. On lit dans le livre des Rois, qu'Anne parlait dans son cœur et que l'on voyait seulement remuer ses lèvres sans qu'on entendît aucune parole. Le Seigneur dit à

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iloïse : « Pourquoi cries-tu vers moi ? » quoiqu'il gardât le ilence. Le Prophète dit aussi : «Parlez dans vos cœurs , et c soyez touchés de componction dans vos lits. »

Y. Cependant on peut dire que la première secrète [secre- ella) représente le temps auquel le Christ vint à Jérusalem, )our la fête, sans être connu , tandis que la deuxième secrète sécréta ) figure le temps où il fut reçu dans Jérusalem avec les hymnes et des palmes , puis crucifié six jours après. La ►réface, c'est quand le Christ chanta dans le cénacle le canti- [ue d'action de grâces après lequel il s'en alla avec ses apôtres ur le mont des Oliviers ; lorsque le prêtre dit : Sursum corda, ela représente l'ascension.

VL Deuxièmement, on dit la secrète^ en silence, de peur que 3 prêtre, en élevant la voix, ne soit moins attentif à ce qu'il fait, troisièmement , c'est pour que la voix du prêtre ne se fatigue •as trop par un chant élevé. Quatrièmement, c'est pour que 3S très-saintes paroles ne soient pas divulguées et livrées au népris.

VIL On rapporte que jadis, comme on disait publiquement t à haute voix le canon , presque tout le monde le savait par œur et le chantait sur les places et dans les rues. Des bergers, 3 chantant un jour dans les champs et ayant mis un pain sur ne pierre , au moment où ils prononcèrent les paroles du ca- lon le pain se changea en chair ; quant à eux , frappés par la istice de Dieu d'un feu céleste, ils périrent à l'instant (14). C'est ourquoi les Pères décrétèrent que l'on dirait ces paroles tout las, défendant, sous peine d'anathème, de les prononcera tous utres qu'aux prêtres à l'autel , pendant la messe et revêtus ^es ornements sacrés. On donne aussi le nom de secrètes à ertaines oraisons qu'on dit tout bas avant la préface. On a larlé de cela et du silence qu'il faut garder , au chapitre de Inclinaison du prêtre.

YIII. L'esprit du prêtre, au moment de la consécration, doit tre, comme on l'a dit ci-dessus, tout entier à ce qu'il fait, car

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il faut que ceux qui adorent Dieu l'adorent "en esprit et en vérité. Et afin que les mouches qui se mettent dans le parfum n'en gâtent pas la bonne odeur, c'est-à-dire pour que les pen- sées importunes n'ôtent pas la dévotion de la prière , on les chasse avec l'éventail [flahello) de l'esprit, c'est-à-dire qu'on les éloigne par l'inspiration delà grâce; car lorsque le vent du midi souffle et que l'Esprit saint arrive, il agite les arbres du jardin, c'est-à-dire il féconde l'esprit pour que les parfums en découlent, c'est-à-dire que les vertus y croissent en abondance. C'est pour figurer ces choses qu'en été on se sert d'un éventail matériel (15) pendant la récitation de la secrète.

ÏX. C'est pour cette raison, savoir, afin que les mouches qui se mettent dans le parfum n'en gâtent pas la bonne odeur, que l'on peut dire que le canon doit être récité rapidement et non d'une manière traînante et capable d'ennuyer ceux qui l'entendent. D'où vient qu'il est dit dans l'Exode : ce Hâte-toi, » ce qui s'entend de l'immolation de l'agneau, comme le prouve cet autre passage : « Vous mangerez à la hâte. » Il ne faut pas cependant dire le canon trop vite, parce qu'on ne doit pas offrir un sacrifice sans sel, c'est-à-dire sans discernement et sans dévotion. On doit aussi le lire dans le livre, pour qu'il ne puisse se produire aucune erreur.

X. Enfin le prêtre, en disant la messe, représente ce que dans l'ancienne loi le pontife faisait dans le saint des saints, ei ce que le Christ a réalisé, car le pontife n'était que sa figure. Tout ce qui a lieu depuis le commencement jusqu'à la fin de la secrète représente la passion, la sépulture et la résurrection du Seigneur. On rappelle le souvenir de tout ce qui s'est fait dans la semaine avant Pâques^ depuis la dixième lune du pre- mier mois, quand Jésus sortit de Jérusalem, jusqu'à la dix- septième lune, quand il ressuscita d'entre les morts. C'est pourquoi dans la plupart des cartons d'autel [sacrariis] on représente le Christ en croix, entre la préface [prœdicationem) et le canon , afin que non-seulement le sens de la lettre , mais

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icore la vue de la peinture, inspirent le souvenir de la passion 1 Seigneur.

XI. Et il est arrivé, par la permission de Dieu^ sans que l'in- Listrie humaine ait rien fait pour cela, que le canon commence îr la lettre T, qu'on appelle en hébreu thau^ et cette lettre ^présente et exprime par sa forme la figure et le mystère de L croix; d'oii vient que le Seigneur dit, par la bouche d'Ezé- biel : «Marque un thausurle front des hommes qui gémissent et qui sont dans la douleur de voir toutes les abominations qui se font au milieu de Jérusalem, » parce que, par la pas- on du Christ, toutes ces choses ont été accomplies et ont leur [ficacité dans la croix. Cependant, en certains livres, on re- résente la majesté du Père et aussi l'image de Jésus crucifié, [în que le prêtre ait en quelque sorte présent Celui qu'il invo- ue et auquel il parle en ces termes : Te igitur^ etc.^ et qu'il Dntemple avec les yeux du cœur la passion qui est représentée ans le livre. Le prêtre baise le bas de cette image^ qui repré- înte la majesté du Père , et fait le signe dé la croix sur son •ont, pour témoigner qu'il s'approche avec respect du mystère e la Passion : il y en a cependant qui baisent d'abord les ieds du Père et ensuite ceux du Fils , Selon l'ordre du anon. D'autres, au contraire, baisent les pieds du Christ, puis eux du Père, parce que c'est par le Fils qu'on arrive au Père. Insuite, le prêtre s'incline aux mots : Te igitur^ comme on le ira en cet endroit. La secrète représente la passion, et lapas- ion commence en cet endroit : Unde eimemores^ etc. Le cru- ifiement a lieu quand le prêtre dit : « L'hostie pure , l'hostie

sainte, l'hostie immaculée. » La prière que fit le Christ sur

a croix commence à ces mots : ce Nous te faisons donc cette c humble prière, etc. » Quand l'évêque ou le prêtre s'incline levant l'autel , cela signifie que Jésus rendit l'esprit la tête in-

hnée. Quand le prêtre élève la voix, en disant : « Et à nous

( pécheurs, » il reproduit le cri du Centurion, qui dit : ce Celui- ( ci était vraiment le fils de Dieu. )) Les deux croix que le

Tome II. 15

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prêtre fait sur lui et sur le calice nous apprennent que le Christ a été crucifié pour les deux peuples, les Juifs et les Gen- tils ; l'hostie dans le calice figure le corps du Christ ; le vir dans le calice, son sang. Quand le sous-diacre se retire d'au- près de l'évêque au moment où il commence le Pater noster. il représente les femmes qui, après que le Seigneur eut été en- seveli, s'éloignèrent du tombeau. La patène représente le cœui des femmes dans leur sollicitude pour la sépulture du Christ, et ouvert {patentia) par la charité qui le dilatait, comme or l'a dit au chapitre de l'Oblation ; et on traitera de toutes ces particularités en leurs lieux.

XII. La tradition nous apprend que Gélase, le cinquante-et unième pape depuis le bienheureux Pierre , fut le premier qu mit en ordre le canon. Mais la secrète tout entière n'a pas ét( composée à la fois par un seul auteur , comme on le dira à h troisième particule du canon, au mot Communicantes. Et quoi que quelques paroles du canon aient été ajoutées par quelques auteurs que nous ne connaissons pas , elles ne se trouvent pai dans le texte de l'Evangile^ comme on le dira dans la sixième partie du canon, aux mots Elevatis oculis. Cependant il n'es permis à personne de soustraire ou d'ajouter quelque chose ai canon autre que les noms de ceux pour qui l'on offre nommé- ment le saint sacrifice , comme on le montrera plus bas , dam la dixième partie du canon.

XIII. Il est à remarquer qu'il y en a qui s'asseoient pendan ie canon de la messe ; ils représentent les apôtres, qui s'étaien assis dans le cénacle, pleins de tristesse à cause de la mort di Seigneur ; d'autres se tiennent debout, pour figurer Moïse, qu priait les mains élevées , pendant qu'Aaron et Hur lui soute naient les bras , ce dont on a parlé au chapitre de l'Oraison Quelques-uns ;, enfin, comme plusieurs des assistants du celé' brant;, ne sont ni assis^ ni debout ; mais, revêtus des ornement! sacrés, ils inclinent leurs têtes, comme on l'a dit au chapitn du Sanctus et au chapitre qui a pour titre : Comment le Prêtn et ses Ministres doivent se tenir devant l'autel.

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CHAPITRE XXXVI.

EXPLICATION DU CANON , QUI COMMENCE PAR CES MOTS :

TE IGITUR.

Nous avons pensé que c'était ici le lieu d'exposer ou d'expli- quer le canon. Le moment nous paraît opportun pour nous efforcer d'exposer tout ce que cette partie de la messe contient. Cependant notre langue faiblit, la parole nous manque, notre îsprit est surpassé , notre intelligence est écrasée. Pourtant, je rapperai à la porte , afin que mon ami me prête trois pains - De pœ.^ d. i, Opportuna) qui me seront très-nécessaires pour pe repas, savoir : la foi qui demande et reçoit la vie, l'espérance [ui la cherche et qui la trouve , et la charité qui frappe à la )orte de la vérité et qui la voit s'ouvrir devant elle.

I. Le canon contient onze parties, dont la première est indi- quée en tête de ce chapitre. La seconde commence à ces mots : llementOy Domine ; la troisième à Communicantes ; la quatrième \. Hanc igitur ; la cinquième à Quant ohlationem ; la sixième à )ui pridie ; la septième à Simili modo ; la huitième à Unde et lemores; la neuvième à Supplices te rogamus; la dixième à lemento; la onzième à Nohis quoque.

II. D'autres disent que le canon renferme douze parties. La ii|euxième commence à In primis; la troisième à Mémento ; la

uatrième à Communicantes ; la cinquième à Hanc igitur; la xième à Qui pridie; la septième à Unde et memores; la hui- èmé à Supra, quœ propitio ; la neuvième à Mémento ; la di- ième à Nohis quoque ; la onzième à Per quem hœc omnia; la ouzième à Oremus^ prœceptis salutarihus moniti. l4 III. Mais, selon d'autres^ le canon contient seulement six ni arties. La seconde commence à In primis; la troisième à tu ommunicantes ; la quatrième à Hanc igitur ; la cinquième à tu upplices^ te rogamus; la sixième à Oremus^ prœceptis.

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IV. Il en est aussi qui disent que le canon a seulement cinq parties, et en vertu de cette opinion ils terminent chacune de ces parties en ces termes : « Par notre Seigneur Jésus-Christ, » pour donner à entendre par là que la prière des fidèles repré- sente les cinq parties de la passion du Seigneur^ ce dont on a parlé à la fin de la préface de cette partie.

V. Le canon commence donc par ces mots : Te igitur^ qui en sont la première partie. Igitur se traduit par certainement. En disant ces mots, le prêtre parle à Dieu comme s'il était pré- sent ; ou bien igitur est une continuation de ce qui précède, comme si le prêtre disait : « Tu es le Dieu saint ; donc [igitur), a Père très-clément, très-illustre, au cœur très-large, c'est-à- « dire très-miséricordieux, ou bien qui éclaircit l'esprit. » Car l'esprit s'éclaircit lorsqu'il sent que Dieu lui est propice. En prononçant ces paroles , le prêtre s'incline devant l'autel , afin de montrer que Pierre se baissa pour regarder dans le tom- 1 beau. Cette inclinaison du prêtre, au commencement du canon,.i marque encore l'humilité du Christ dans sa passion et aussi le respect avec lequel le prêtre s'approche du mystère de la croix. Ces paroles montrent que, de même que le grand-prêtre de l'an- cienne loi tournait son visage vers le propitiatoire, comme on l'a dit dans la préface de cette partie, ainsi notre prêtre doit avoir le cœur tourné vers la clémence de Dieu ; et que , de même que le pontife entrait dans le saint des saints une fois chaque année, couvert du sang d'un bouc ou d'un veau , ainsi le Christ, couvert de son propre sang , est entré une fois dans le saint des saint de l'éternité, après avoir accompli la rédemp- tion; ainsi le ministre de nos autels entre couvert de sang dans le saint des saints, chaque fois que, portant dans son esprit le souvenir du sang du Christ, il commence secrètement les saints mystères, et il doit non-seulement avoir ce souvenir dans l'es- prit, mais encore se munir du signe de la croix ( dont on par- lera bientôt), parce qu'il raconte la passion du Christ.

VI. Le prêtre dit ensuite : Supplices^ c'est-à-dire humiles :

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« Nous te supplions humblement de recevoir , » c'est-à-dire « d'avoir pour agréable ; » et en même temps il baise l'autel en considération delà passion, montrant ainsi par cette action qu'il y compatit.

VII. C'est avec raison que le même jour que la foule acclama les louanges du Christ , savoir , la dixième lune du premier moiS;, époque à laquelle, d'après la loi, on offrait chez les Hé- breux l'agneau figuratif [typicus)^ Jésus-Christ, le véritable Agneau, entra dans Jérusalem, et que ses ennemis cherchèrent par toutes sortes de ruses à le faire condamner à mort. Trois personnes le livrèrent au trépas : d'abord Dieu, pour notre sa- I lut, ce qui a fait dire à l'Apôtre : « Dieu n'a pas épargné son « propre Fils, mais il l'a livré à la mort pour nous tous. » En- ' suite, ce fut Judas qui livra le Christ, comme on lit dans saint Mathieu : « Judas cherchait une occasion favorable pour le \ c( livrer aux Juifs. » Enfin, le Christ fut livré à Pilate par les I Juifs, comme on lit en saint Jean : a Ceux de ta nation, et les I (( princes des prêtres, t'ont livré entre mes mains. » La pre- j mière tradition fut un effet de la grâce , parce qu'il nous aima j! et se livra pour nous. La seconde fut l'effet de l'avarice, parce ! que Judas se fit compter par les Juifs trente pièces d'argent. La troisième fut le résultat de la haine. Pilate savait bien que les Juifs lui avaient livré le Christ par un sentiment de haine. Dieu donc nous a livré son Fils en pur don ; Judas, en échange d'un présent; le Juif, comme un sacrifice sans tache.

VIIL C'est pour marquer cela que le prêtre fait trois signes de croix sur l'hostie et sur le calice , en disant : « Ces dons, « ces présents , ces saints sacrifices sans tache , » comme s'il disait : a Nous t'offrons, Père très-clément , ces dons, ces pré- ce sents, ces saints sacrifices, pour rappeler que Dieu a livré son

(C

Fils en pur don, que Judas l'a trahi pour un présent, que le « Juif l'a livré comme un sacrifice sans tache : tous trois ont (( livré le Christ à la mort, à la mort de la croix. » Deuxième- ment , on fait aussi ces trois signes de croix en considération

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de Celui qui est un Dieu erï* trois personnes , par la puissance duquel a lieu le changement du pain et du vin. Troisièmement, pour figurer la triple union qui se fait en nous quand nous re- cevons le Sauveur. Quatrièmement, en mémoire des trois crucifiements du Christ ; le premier par le désir de ceux qui le poursuivaient, dont saint Jean dit : «Les princes des prêtres (( et les pharisiens s^ssemhlèrent , etc. » Le second crucifie- ment eut lieu parles clameurs de la foule, dont saint Marc dit : « Ils criaient encore plus fort : Crucifie -le! » Le troisième crucifiement, ce fut quand on cloua les mains et les pieds du Christ sur la croix, a Ils le crucifièrent, » dit saint Luc. Cin- quièmement , ces trois signes de croix marquent les temps qui) précédèrent la loi, et que l'on distingue en trois époques, sa- voir : depuis Adam jusqu'à Noé, depuis Noé jusqu'à Abraham,| depuis Abraham jusqu'à Moïse. Pendant ces trois époques, le justes représentèrent le Christ dans leurs sacrifices : Abel e™( offrant un agneau , Melchisédech en offrant du pain et du vin,jjp( et Abraham en offrant son fils. Mais, en disant les trois parole^ précitées , on ne dit pas ceci ou cela , mais on loue une seule chose en lui donnant divers noms à cause de sa grandeur; c'est un don que Dieu nous fait, un présent que nous recevons, un sacri-^ fice que nous offrons. Le Père a 'donné, le Fils a offert, l'Esprit saint a reçu ; ce qui a fait dire à l'Apôtre : « Le Christ s'esl « offert àDieu par l'Esprit saint, comme une victime sans tache.): Chaque personne de la Trinité a donné, offert, et reçu; maisJ pour établir une distinction entre les attributs de chacune d( ces personnes , on dit que le Père a donné à cause de son auto-i rite, que le Fils a offert à cause de son humilité, et que l'Espri saint a reçu à cause de sa bonté.

IX. Or, ces sacrifices sont en même temps des dons et des présents : ce sont des dons que Dieu nous a faits pour notre entretien ; ce sont des présents que nous offrons à Dieu pour 1< louer. Car tout ce qu'on offre sur les saints autels s'appell* à la fois présents et dons ; d'où vient que le Seigneur dit, dam

k

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fei

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l'Evangile : « Avant d'offrir ton présent devant l'autel , vas « te réconcilier avec ton frère. » Daniel dit à Balthazar : «Que « tes présents soient pour toi , et fais don à un autre des hon- « neurs de ta maison » (XIII^ q. v). On lit ailleurs : (c Le Sei- « gneur regarda favorablement Abel et ses présents. » On ap- pelle ces dons et ces présents sacrifices^ parce qu'on les sacrifie et parce qu'on les offre pour nos péchés , afin qu'ils nous ren- dent saints [sacros efficiant). C'est pourquoi le peuple dit, en parlant du pontife , qu'il offre des dons et des sacrifices pour les péchés. La répétition des mêmes mots est un exercice de pieuse dévotion et la louange de l'ineffable sacrement que l'on appelle avec justice l'Eucharistie, comme on le dira dans la sixième partie du canon aux mots : Qui pridie, quant pa- teretur. A proprement parler, on fait un présenta un homme, un don à Dieu. Car on appelle présents les choses que l'on donne ou que l'on reçoit avec les mains. Le mot don se rap- porte au pain , dans lequel il y a de la farine et de l'eau , et celui de présent au vin , dans lequel il y a du vin et de l'eau. Les saints sacrifices se composent de dons et de présents, selon saint Augustin : « Nous offrons des dons , quand nous nous c( offrons nous-mêmes à Dieu , et nous donnons des présents « quand nous nous souvenons de ses bienfaits ; nous lui pré- « sentons des sacrifices sans tache lorsque nous nous humihons (( devant lui et que nous le louons. » Voir là-dessus le canon Comperimus [De consec, d. ii).

X. Et remarque que l'on dit au pluriel des dons, des pré-

r sents , des sacrifices , parce que le pain et le vin, avant d'être

1 consacrés , sont des espèces diverses de substances , et que ces

I substances sont diverses d'espèces ; mais, dès que la consécra-

j tion céleste est descendue sur le pain et le vin , quoique les es-

pèces demeurent, cependant les substances sont changées,

et, quoique contenant divers éléments , elles ne renferment

pourtant qu'un seul Dieu , lequel est contenu sous l'une et

l'autre espèces , bien que les deux substances ne se changent

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pas en lui, comme on le montrera ci-après d'une manière plus détaillée.

XI. On appelle aussi ces dons et ces présents saints et sans tache , parce que le pain et le vin sont rendus saints dans le très-saint corps et dans le sang immaculé du Christ. On ne leur donne pas Tépithète d'illibata dans le sens de choses qui n'ont pas encore été goûtées ^ mais plutôt dans le sens d'imma- culéeSy parce qu'il faut les offrir avec un cœur et un corps sans À tache [sine macula) ; car il faut que le cœur soit pur de toute iniquité^ et le corps de toute souillure, avant qu'on les offre tous deux, parce que, comme dit l'Apôtre [De consec.y d. ii. Qui cœlare, et c. seq.) : a Quiconque mangera le pain et boira le « calice du Seigneur indignement, sera coupable du corps et du <( sang du Seigneur. Que l'homme donc s'éprouve lui-même et (( qu'il mange ainsi de ce pain et boive de ce calice ; car quicon- « que en mange et en boit indignement, mange et boit sa pro- (( propre condamnation. » On appelle ces dons et ces présents illibatay c'est-à-dire sans tache, à l'exemple de l'agneau pascal immaculé, lequel représente le Christ, qui est sans tache, c'est- à-dire sans rouille. Illihata veut encore dire que ces dons et ces présents sont incorruptibles , non pas que la substance du pain et du vin ne puisse être corrompue, mais parce que le corps et le sang du Fils de Dieu, auxquels les espèces sont déjà ! changées d'une substance en une autre par la vertu des pa- roles divines, ne peuvent être corrompues. C'est ce qui a fait dire au Psalmiste : « Tu ne souffriras point que ton Saint soit c( sujet à la corruption. » Troisièmement , ces dons et ces pré- sents sont dits illibatay pour montrer qu'aucun homme étran- ger à la foi ne doit en approcher, comme on le dira dans la troisième partie du canon, au mot : Communicantes.

XII. Il y a trois sacrifices dans l'Eglise, que figurent lei trois sacrifices que l'on offrait dans l'Ancien - Testament comme on l'a dit dans la préface de cette partie.

XIII. Le prêtre dit ensuite : <( que nous t'offrons , premiè-

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« mièrement, etc. » C'est avec raison que le pontife de la loi priait en entrant dans le saint des saints, comme on l'a dit dans la préface de cette partie , et le Christ, avant sa passion, pria son Père de le glorifier et de conserver ses disciples, et même, maintenant qu'il est assis à la droite du Père , il inter- cède pour nous^ de même, notre prêtre, à l'exemple d'Aaron et du Christ , adresse à Dieu ses supplications pour toute l'E- glise , qui se compose des prélats et des fidèles qui leur sont soumis. Quoiqu'un seul prêtre offre un seul sacrifice, il dit cependant au pluriel : a nous offrons » [offerimus] , parce que le prêtre ne sacrifie pas seulement en son nom, mais au nom de toute l'Egfise. C'est pourquoi, dans le sacrement du corps du Christ, un bon prêtre n'ajoute rien et un mauvais prêtre ne retranche rien , comme on l'a dit dans la préface de cette partie.

XIV. C'est l'occasion de rechercher ici à qui, pour qui, comment et pourquoi nous devons offrir le sacrifice de l'autel. Nous pouvons clairement tirer ces quatre solutions du canon même. A qui? A Dieu seul, c'est-à-dire à l'indivisible Trinité. Pour qui? Pour la sainte Eglise catholique, c'est-à-dire pour tous ceux qui ont la vraie foi [orthodoxis) . Comment? Dans une foi unique, c'est-à-dire dans la communion des saints. Pour- quoi? Pour les biens du corps, de l'esprit et de l'éternité, et pour tous en vue de Dieu. A qui? On le voit par ces paroles : «Ils rendent leurs vœux à toi. Dieu éternel, vivant et véri- (c table. )) Pour qui ? Les paroles suivantes nous le disent : « Pour « ta sainte Eglise catholique. » Comment? Le voici : « Par- ce ticipant à une même communion , et honorant la mé- <( moire, etc. » Pourquoi? C'est « pour la rédemption de « leurs âmes , pour l'espérance de leur salut et de leur conser- « vation. » On offre le sacrifice de louanges pour tous les fidèles en général, et en particuher pour certaines personnes , c'est-à-dire pour les prélats, qui, selon l'Apôtre, sont élevés en dignité , et pour les hommes et les femmes qui leur sont sou-

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mis\ pour les prêtres et pour les assistants, pour nous et les nôtres. 11 est fait mention des prélats et de ceux qui leur sont soumis dans ces paroles du canon : ce avec ton serviteur, notre (( Pape, et tous les observateurs de la vraie foi. » Relativement aux hommes et aux femmes , le canon dit : ce Souviens-toi , (( Seigneur, de tes serviteurs et de tes servantes. » Pour les prêtres et les assistants , il est dit : « de tous ceux qui assistent <( à ce sacrifice et qui te l'offrent. » Pour nous et les nôtres, il est dit : « pour eux-mêmes, et pour tous ceux qui leur appartien- c( nent. » C'est ainsi qu'on doit expliquer ces mots : « que (( nous t'offrons premièrement, » c'est-à-dire » principalement (( pour ta sainte Eglise catholique , » répandue sur toute la surface du globe, mais unie par les sacrements de la foi; que, c'est-à-dire afin que tu daignes lui donner la paix, pour qu'elle ne soit pas troublée par les hérétiques et les schismatiques, « et (( la maintenir dans l'union, » elle qui est dispersée au milieu^ des infidèles et des païens. Ou bien, on veut dire ici qu'il faut prier pour ceux qui sont désunis entre eux, et l'on ajoute : ce Et daigne aussi la garder des vices et des démons, et la i( gouverner dans la prospérité et dans l'adversité. »

XV. Il semble pourtant que donner la paix ce soit la même chose que maintenir dans l'union , et que garder soit syno^ nyme de gouverner. Car le Christ donne la paix aux fidèles, quand il maintient leurs esprits dans l'union, afin que, la cha- rité étant répandue de toutes parts sur eux par l'Esprit saint, toute la multitude de ceux qui croient n'ait qu'un cœur et qu'une ame (Extra De sum. Trin., c. ii). Le Christ garde les fidèles, en lés gouvernant au milieu des périls de ce monde, quand il leur envoie du secours de son Saint, et que de la monr tagne de Sion il est leur défenseur. Quoique, dans l'Apoca- lypse, sept églises soient nommées, cependant ilVy a qu'une colombe dans le Cantique des cantiques. La Sagesse s'est bâti une maison, elle a taillé sept colonnes.

Il n'y a qu'une Eglise, distribuée en sept ordres ou marquée

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de sept onctions , à laquelle le Christ même donne la paix , et qu'il mantient dans l'union.

XVI. C'est encore le Christ qui garde et gouverne l'Eglise, lui qui , pour la gouverner et la défendre , a prescrit à tous les hommes d'être gouvernés par un seul homme , comme tous les membres du corps sont gouvernés par la tête ; c'est pour ce chef suprême que l'on prie, quand on dit : « avec notre Pape , « ton serviteur, » paroles que le pape Clément a ajoutées au canon. Car, comme dit le pape Pelage, il est évident qu'ils sont séparés du monde entier, ceux qui, pour quelque dissenti- ment, ne font pas mémoire, dans la célébration des saints mystères, du Pontife apostolique, suivant la coutume géné- rale ; mais ceux qui n'appartiennent pas au diocèse de Rome doivent aussi prier pour leur pontife , afin de garder l'unité de l'esprit dans le lien de la paix , et c'est pourquoi ils doivent dire les paroles suivantes, savoir : ce et avec notre prélat. » Cependant, quand le pontife célèbre en personne les saints mystères, il ne doit pas dire ces mots. C'est par une tradition nouvelle que certains prêtres ajoutent la mention du prélat et du roi, et c'est pour montrer que, quand on prie pour les pré- lats, on doit aussi prier pour le prince , comme l'enseigne l'A- pôtre dans sa première épître à Timothée, chap. ii.

XVII. «Je demande (dit-il) que tout d'abord on fasse des supplications, des oraisons, des demandes et des actions de grâces pour tous les hommes , pour les rois et pour tous ceux qui sont constitués en dignité , afin que nous menions une vie calme et tranquille au milieu de tous les exercices de piété et de chasteté » [De consec^ d. i. De hymnis^ ad fin.), car il y a deux vies, savoir : la vie céleste et la vie terrestre ; la première, par laquelle l'ame vit de Dieu ; la seconde, par laquelle la chair vit de l'esprit; ainsi, ce sont deux vies bien distinctes.

XVIIL II y a deux puissances, celle de l'Eglise et celle du monde, la première qui gouverne l'esprit, la seconde le corps : la première de ces deux puissances est exercée par les clercs, et

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la seconde par les laïques (xvi d., Duo). Après ces deux puis- sances , il faut prier pour tous les fidèles qui vénèrent et pra- tiquent les deux fois, la foi catholique et la foi apostolique, par où Ton voit que les hérétiques et les schismatiques sont exclus de ces prières. Le nom d'orthodoxes est un titre de gloire, parce qu'ils glorifient Dieu en confessant la droite foi.

CHAPITRE XXXVIL

DE LA SECONDE PARTIE DU CANON, SAVOIR : MEMENTO DOMINE (16).

« Souviens-toi , Seigneur , de tes serviteurs et de tes ser- (( vantes, et de tous ceux qui assistent à ce sacrifice, etc. »

I. Ainsi commence la seconde partie du canon, qui montre qu'on doit encore prier pour les fidèles soumis à l'autorité de l'évêque. On voit évidemment, par la phrase précitée et les termes dont elle se compose, qu'en cet endroit le prêtre doit particulièrement faire mémoire des vivants , tandis que les pa- roles suivantes : « Souviens-toi des morts , » marquent qu'il peut faire mémoire spéciale de ceux-ci. On voit clairement par là que c'est une chose sainte et salutaire que d'assister aux saints mystères de la messe , puisque le sacrifice de l'eucha- ristie s'offre spécialement pour ceux qui y assistent.

II. Mais, puisque Dieu n'ignore rien et qu'il ne peut ou- blier quoi que ce soit , d'où vient que nous demandons que Dieu se souvienne de nous? Or, on dit que Dieu connaît ceux qu'il justifie; d'où vient cette parole : « Le Seigneur connaît c( ceux qui sont à lui? » et on dit qu'il ne connaît pas ceux qu'il réprouve , selon cette parole : « Je ne. vous connais pas. » On dit encore qu'il oublie les méchants , quand un d'eux revient au bien, selon cette parole : « Si l'impie fait pénitence, je ne (( me souviendrai plus de toutes ses iniquités. » On dit aussi

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qu'il oublie les bons^ lorsqu'un d'eux tourne à mal , selon cette parole : ce Si le juste se détourne de sa justice , je ne me sou- « viendrai plus de toute son équité passée. » Dieu, parfois aussi, se souvient pour faire miséricorde, selon cette parole : « Souviens-toi de moi, mon Dieu, parce que ma vie est un « souffle; » parfois, pour punir, selon cette parole : « Sou- (i. viens-toi. Seigneur, des filles d'Edom, au jour de Jérusa- « lem. » Or, nous demandons, non pas que Dieu se souvienne de nous, mais qu'il ait pitié de nous, selon cette parole : (( Souviens-toi de tes miséricordes, Seigneur, des miséricordes c( que tu as fait paraître de tout temps. » Le prêtre dit ensuite : « dont tu connais la foi, et dont tu sais la dévotion, etc. » Comme s'il disait : ce Toi qui es propice à ceux qui sont fidèles « et dévots, qui seul lis dans les consciences si elles ont une « foi droite et si elles te chérissent dévotement ; ô Dieu ! toi qui « sondes les reins et les cœurs , Seigneur des sciences , qui re- c( cherches toutes les choses cachées , en la présence de qui au- cc cune créature ne peut se rendre invisible. » — « Pour qui (( nous t'offrons ou qui t'offrent ce sacrifice de louanges, etc., » comme si le prêtre disait : ce Souviens-toi , Seigneur', non-seu- (( lement de ceux pour qui nous offrons ce sacrifice de louan- « ges, mais encore des prêtres qui offrent ce sacrifice, etc. » En effet, le prêtre offre le saint sacrifice pour le peuple et aussi pour lui-même.

m. Ou bien le prêtre dit : a. Pour qui nous t'offrons, ou qui « t'offrent, » parce que ce ne sont pas seulement les prêtres, mais aussi tous les fidèles qui offrent; car, si le ministère des prêtres accomplit le sacrifice d'une manière spéciale , c'est le vœu des fidèles qui l'exécute d'un accord général. « Pour qui c( nous offrons » marque l'action; « qui t'offrent » indique la dévotion. On appelle ce sacrifice un sacrifice de louanges ^ selon cette parole de l'Apôtre : ce Tout ce que vous devez faire, « faites-le à la louange de Dieu, afin que Dieu soit loué en vous. ))

IV. Deuxièmement, on appelle ce sacrifice un sacrifice de

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louanges, parce que le Christ l'institua en rendant grâces à Dieu , comme on le dira dans la sixième particule du canon , aux mots : Grattas agens. Troisièmement, c'est parce que, quand nous offrons quelque chose à Dieu , nous lui rendons ce qui lui appartient, et que nous ne lui donnons rien qui soit à nous, selon celte parole : « Si j'ai faim, je ne te dirai pas : La terre et (( tout ce que renferme son globe est à moi; mais : Immole à (( Dieu un sacrifice de louanges, et rend tes vœux au Très- ce Haut.')) Quatrièmement, parce que nous devons louer Dieu, non-seulement parce qu'il a souffert pour nous, mais encore parce qu'il est toujours avec nous , chaque jour de la vie, jus- qu'à la mort ; ou bien , parce que non-seulement il s'est livré pour payer notre rançon, mais aussi parce qu'il s'est donné à nous comme une nourriture : comme rançon , afin de nous ra- cheter de la mort; comme nourriture, afin de nous sustenter jusqu'à la vie éternelle, selon cette parole : « Celui qui me « mange vit par moi, )) c'est-à-dire pour lui-même, car telle est l'ecthèse ou l'explication de ces mots qui suivent, et que voici : « pour la rédemption de nos âmes, pour l'espérance de « leur salut et de leur conservation. »

V. Le prêtre dit ensuite : « pour tous ceux qui leur appar- « tiennent, )) savoir : pour leurs parents ou alliés, pour leurs I connaissances ou amis ; car, bien que nous soyons obhgés de | chérir aussi nos ennemis , selon cette parole : a Chérissez vos I « ennemis, )) cependant nous devons observer l'ordre de la | charité, qui nous fait commencer par nous-mêmes (XXIII, q.v. Si non licet; Depœni.^ d. m, Sane cavendum extra de usu>s palliiy in fin:), selon cette parole : ce Le roi m'a fait entrer dans « le cellier où il met son vin, il a réglé dans moi la charité ; » et l'Apôtre ajoute : «Lorsque l'occasion se présente, faisons (( du bien à tout le monde, mais surtout aux fidèles. )) — (( Pour la rédemption de leurs âmes, etc. )) Comme si le prêtre disait : « Nous offrons ce sacrifice, non pour un avantage « temporel, ou parce que nous désirons les choses de la terre,

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x mais pour l'espérance de leur salut et de leur conservation, » î'est-à-dire afin de pouvoir espérer leur salut ou leur conser- vation. En effet, c'est l'espérance qui sauve l'ame et qui con- lerve le corps ; car la santé de l'une et de l'autre vient de Celui [ui dit : « Je suis le salut du peuple. » La santé de l'ame et lu corps provient de la rédemption de l'ame, c'est-à-dire le la rémission du péché ; et réciproquement , c'est de l'ac- omplissement du péché que procède la maladie de l'ame et lu corps, selon la sentence de la Vérité : <( Tu vois que tu

es guéri ( dit Jésus au malade) ; ne pèche plus à l'avenir, de
peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire » ( Extra De

)œnit. et remiss, cum infirmitas, in princ).

YI. L'homme possède trois sortes de biens, les biens du orps, de l'esprit et de l'éternité^ savoir : ici-bas, dans la ré-

ion moyenne, et en haut ; tels sont les biens pour lesquels le

irêtre dit qu'il offre le sacrifice. Il l'offre pour les biens du orps , c'est-à-dire pour sa conservation ; pour les biens spiri- uels, c'est-à-dire pour la rédemption de l'ame ; pour les biens ternels , c'est-à-dire pour le salut. Car le Seigneur nous ap- rend à prier pour ces trois sortes de biens ; pour ceux de l'é- îrnité, en disant : « Que ton règne arrive; » pour ceux de esprit, en prononçant ces mots : « Que ta volonté soit faite en la terre comme au ciel ; » pour les biens du corps , par es paroles : ce Donne -nous aujourd'hui notre pain quoti- dien. » Nous offrons le sacrifice pour les biens éternels, fin qu'ils nous soient donnés en récompense ; pour les biens pirituels, afin de les recevoir selon nos mérites ; pour les biens lU corps , afin que l'administration nous en soit donnée ^ pour ue, par les uns et les autres^ nous arrivions au ciel. Mais 'uisque, comme dit l'Apôtre, la vertu se perfectionne dans infirmité (Extra De sac. une, c. i), et qu'il ajoute : «Lorsque

je suis affligé par la maladie, je suis plus fort, » pourquoi

ffrons-nous un sacrifice '^de louanges pour la conservation iu corps, sinon pour rendre grâces à Dieu, dans l'Eglise, de la anté qui nous a été donnée ou rendue?

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VII. Le prêtre dit ensuite : « Et ils rendent leurs vœux à toi, « Dieu éternel, vivant et véritable. » On dit leurs vœux, parce qu'ils en font la promesse volontairement, parce que que nous devons volontiers et librement faire un vœu à Dieu et l'accomplir (Extra De voto, magnœ). Mais, puisque nous donnons ce qui nous appartient^ et que nous rendons ce qui est à autrui, pourquoi dit-on : « ils rendenl\eurs vœux, » plutôt que : « ils donnent leurs vœux? » ou bien, si l'on conserve l'ex- pression rendent, pourquoi met-on leurs vœux, plutôt que les vœux d' autrui ? C'est avec raison que le mot vœu est appliqué à l'homme et à Dieu : à Dieu , à cause de l'autorité de sa grâce ; à l'homme , à cause du libre arbitre ; ce qui a fait dire à l'Apôtre : « Ce n'est pas moi^ mais la grâce de Dieu avec (( moi. » Donner est le propre de l'homme ; mais rendre est l'attribut de Dieu.

CHAPITRE XXXVIIL

DE LA TROISIÈME PARTIE DU CANON.

I. Le mot Communicantes ouvre la troisième partie du canon. C'est le pape Sirice qui a ajouté au canon les paroles suivantes : « Participant à une même communion , et honoi « rant la mémoire. » C'est avec raison que le pontife selot l'ordre de la loi portait avec lui dans le saint des saints ui encensoir plein de charbons ardents , comme on l'a dit dans L préface de cette partie et que le Christ a élevé jusqu'au ciel l'encensoir de sa chair, rempli de toutes les vertus. De même! notre prêtre, qui tient la place du Christ, doit se préparer au se crifice de l'autel en se dépouillant du péché et en se remplissaiî du parfum des vertus. « Participant à une même communion, É « et honorant la mémoire. » Communiquer est la même cho^ que participer j parce que nous devons nous rendre commuD

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i nourriture des saints et des anges. On communie de quatre lanières dans l'Eglise, comme on le dira dans la sixième parti- ule du canon, aux mots : Quipridie. — Honorer la mémoire, 'est la même chose que conserver avec honneur le souvenir e la bienheureuse vierge Marie, qui , par l'opération de l'Es- rit saint , est devenue la mère du Fils de Dieu , Jésus-Christ iotre Seigneur , qui est Dieu et homme.

II. 11 faut remarquer que la secrète n'a pas été composée en ne seule fois et par un seul homme , mais pièce à pièce par lusieurs auteurs; ce que l'on reconnaît aux trois commé- morations des saints que la secrète contient, bien que cette épétition ait pour but la louange et la gloire de la Trinité. )ans la seconde commémoration des saints, on a mis en sup- lément ceux qui paraissaient manquer au nombre des saints rimitivement inscrits. Dans la commémoration qui précède la onsécration du corps du Christ on réclame le suffrage des aints, et dans celle qui alleu après cette consécration on im- ilore la communauté des saints, parce qu'avant que le corps u Christ, qui est l'EgHse universelle, soit consacré, c'est-à-dire vaut que son règne arrive, nous avons besoin du suffrage des aints sur le chemin qui y conduit, afin que, par leurs mérites t par leurs prières, nous soyons munis du secours de la pro- ection divine. Mais quand le corps du Christ aura été consa- ré, c'est-à-dire quand son règne sera arrivé, nous serons asso- ies à la communauté des saints dans la céleste patrie , et nous )artagerons la société et le bonheur éternel des saints apôtres it des martyrs. Sur la route de cette vie nous communiquons Lvec les saints par la foi qu'ils ont eue ici-bas et que nous Lvons aussi ; mais dans la céleste patrie nous entrerons en par- icipation avec les saints, par l'espérance qu'ils possèdent Maintenant et que nous posséderons aussi.

III. Nous avons la foi et l'espérance, les saints ont l'espé- 'ance et la réalité ; nous courons dans la carrière, eux ils ont léjà remporté le prix ; nous combattons en chemin , eux

Tome II. 16

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triomphent dans la patrie. Nous participons à une même communion , et nous honorons la mémoire des apôtres et des martyrs, surtout celle de la glorieuse vierge Marie, mère de Dieu, afin que parleurs suffrages nous arrivions de la foi à l'espérance, de la carrière au prix, du chemin à la patrie. On nomme en premier lieu la bienheureuse Marie , parce que c'est elle qui a mis au monde Celui qu'on doit offrir et qui est la véritable hostie. Dans le ciel, la Vierge tient le premier rang. On nomme ensuite les douze apôtres et les douze mar- tyrs, qui tous furent les témoins de ce sacrifice, et scélèrent leur foi en la passion du Christ par leurs paroles et par le té- moignage de leur sang répandu. Dans cette commémoration des saints, l'Eglise observe l'usage qu'elle a toujours eu de- puis la plus haute antiquité, de rappeler dans ses prières la mémoire des patriarches, afin d'obtenir plus facilement par le suffrage de leurs mérites ce qu'elle implore. C'est ainsi que Moïse, en intercédant pour le peuple qui avait péché, rappela le souvenir des patriarches, en disant à Dieu : « Souviens-toi « d'Abraham, d'isaac et d'Israël , tes serviteurs. » C'est ainsi qu'on lit qu'Azarias pria dans la fournaise : c( Nous t'en prions, « Seigneur notre Dieu, ne retire pas de nous ta miséricorde, (( à cause d'Abraham, ton bien-aimé ; d'isaac, ton serviteur, et « d'Israël, ton saint. » Et parce qu'en dehors de l'unité de l'E-i glise il n'y a pas lieu d'offrir un sacrifice d'union, voilà pour- quoi nous participons à la mémoire des saints dans le sacrifîcel de l'autel, pour offrir ce sacrifice en communion avec les sàintsj IV. Car, de même que le pain se compose d'un grand nom-* bre de grains de blé, et le corps de l'homme de beaucoup de membres, ainsi l'Eglise, qui est une, compte dans son sein la multitude des fidèles. Il est écrit : « Nul étranger ne mangera (c de ces choses, parce qu'elles sont.saintes. » C'est pourquoi nous ne recevons pour manger l'Agneau que celui-là seul qui fait partie de notre maison , c'est-à-dire tout serviteur de la foi; depuis le prince jusqu'à l'homme du peuple , depuis le peuple

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isqu'au publicain. Certains auteurs ont écrit que c'est parce ue le grand-prêtre de l'ancienne loi avait en écrit sur son pec- )ral les noms des douze tribus ou des douze patriarches que

prêtre de la nouvelle loi, pour conserver ce souvenir, fait

îémoire de la bienheureuse Vierge, des apôtres et de quelques lartyrs.

V. Mais, puisque l'Eglise, parmi les saints, honore avec ma- nifîcence la mémoire des confesseurs, pourquoi n'est-il pas lit commémoration d'eux dans le canon? A cela on peut ré- ondre que le canon a été publié avant que l'Eglise célébrât i mémoire des saints confesseurs. Car presque tous les saints ont il est fait commémoration dans le canon ont précédé aint Sylvestre, tels que pourtant Jean, Paul, Marcellin et ^ierre, qui se sont suivis de près. Ce ne fut qu'après la mort lu bienheureux Sylvestre que l'Eglise commença à honorer a mémoire des saints confesseurs. Une preuve convaincante [ue la publication du canon a précédé le culte des confes- ieurs, c'est que le catalogue des apôtres ne s'y trouve pas dis- )Osé de la même manière qu'on le rencontre dans des livres îlus corrects, ou bien dans les évangiles. En effet, dans les premières éditions, comme le dit saint Jérôme, non-seulement ['ordre des évangélistes est changé , mais encore leurs paroles 3t leurs sentences sont mêlées confusément.

YI. On peut encore dire qu'il est seulement fait mention, dans le canon, des martyrs, parce que ce sacrement étant un sacrement d'amour, lorsqu'on l'offre on doit seulement faire mémoire de ceux chez qui le signe du véritable amour s'est plus spécialement révélé. Dans les apôtres , cet amour s'est révélé par le mépris des biens temporels ; dans les martyrs, par l'of- frande de leurs corps aux tourments. En parlant du premier amour, saint Mathieu dit : « Pour nous autres, nous avons tout a quitté, et nous t'avons suivi. y> En parlant du second, la Sagesse dit : « S'ils ont souffert des tourments devant les hom- c( mes, leur espérance est pleine d'immortalité. »

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244 RATIONAL

VIL On ne fait pas non plus mention des confesseurs, parce qu'ils n'ont pas souffert comme le Christ , dont ce sacrement rappelle la passion. Grégoire III a ajouté au canon les paroles suivantes, que l'on dit en certaines églises, et que voici : « dont « aujourd'hui on célèbre la solennité, en présence de ta ma- c( jesté, dans l'univers entier^ ô Seigneur notre Dieu! » Cette particule du canon se termine ainsi : « Par le même notre Sei- (( gneur. » Car, de même que tout a été fait par le Christ et que tout doit être réparé et terminé par lui, c'est pourquoi certains auteurs disent qu'on ne doit pas répondre ici Amen^ ni jusqu'à la fraction de l'hostie, parce que le chœur des anges, qui assiste au saint sacrifice , répond Amen; cependant cela ne s'observe pas partout^ comme on le dira dans la deuxième par- ticule du canon.

CHAPITRE XXXIX.

DE LA QUATRIEME PARTIE DU CANON.

I. Ces mots : Hanc igitur ohlationem ouvrent la quatrième partie du canon , et dans certaines églises le prêtre, en les di- sant, s'incline profondément. C'est avec raison que le pontife J de l'ancienne loi, pendant qu'il priait, était enveloppé de la fumée des parfums et qu'il en était couvert, afin que personne ne le vît pendant qu'il brûlait l'encens, comme on l'a dit dans la préface de cette partie. Le Christ, lorsqu'il intercède son Père pour nous^ surpasse l'entendement des anges, parce qu'ilsi ne peuvent comprendre combien la vue du corps revêtu par le Christ est puissante auprès du Père pour nous obtenir s grâces. Le prêtre^, qui tient la place du Christ, est aussi en quelque sorte couvert et caché , parce qu'il est impossible de se faire une idée et de raconter l'immense vertu et puissance

Pela

îce

fie

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 245

que contiennent ces paroles et ce mystère caché aux hommes et aux anges. Dans quelques églises, pour représenter ce mys- tère , quand le prêtre commence la secrète on le couvre et on le voile avec des rideaux que l'on tire de chaque côté de l'autel. Cette expression : « de notre servitude , » veut dire : « de ma « servitude et de celle de tous ceux qui sont tes serviteurs et « tes amis. »

II. Et remarque qu'il y a deux espèces de servitude , l'une qui est due au Créateur seul et que l'on appelle latrie , l'autre que l'on exerce vis-à-vis des créatures et qui se nomme dulie; car nous pouvons vénérer certaines créatures entre toutes les autres. Le Seigneur détermine lui-même ces deux espèces de servitude^ lorsqu'il dit : a Rendez à César ce qui est à César, et « à Dieu ce qui est à Dieu.» On a fait à ce sujet les vers sui- vants :

Le culte de latrie appartient au Seigneur,

Celui de dulie à ses serviteurs ;

On rend le culte d'hyperdulie au corps du Christ.

Latrie^ c'est la servitude ou le culte que l'on doit à Dieu seul, créateur^ que nous devons révérer par-dessus toutes choses. A ce culte appartiennent les temples , les autels , le sacerdoce, les sacrifices , les festivités , les cérémonies et autres choses de ce genre, qu'on ne doit employer que pour Dieu seul, selon cette parole : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu ne serviras que « lui seul ; » c'est-à-dire « tu t'acquitteras envers Dieu seul de la « servitude de l'adoration. » Ce n'est pas, en effet, aux saints et laux. anges en l'honneur de Dieu, mais plutôt à Dieu en l'hon- neur des saints et des anges ^ que l'on dédie des temples, que iron consacre des autels et que l'on offre des sacrifices. Ce n'est pas envers eux, mais à l'égard de Dieu seul que l'on s'acquitte de la servitude de l'adoration ( comme on le dira dans la pré- face de la septième partie), de peur qu'en agissant autrement on ne rende pas à Dieu le culte qui lui est dû , mais qu'on en- coure l'accusation d'idolâtrie, en servant la créature comme le

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Créateur^ et en changeant la gloire de Dieu incorruptible en la ressemblance de Thomme corruptible.

III. Donc, si l'on ne doit adorer ni les hommes ni les anges, que ceux-là pèsent bien ce qu'ils font qui, sous le prétexte d'une certaine rehgion ou piété , adorent diverses images ; en effet, il n'est point permis d'adorer quoi que ce soit qui provient de la main des hommes, comme on l'a prouvé dans la première partie, au chapitre des Peintures. Il n'y a qu'une seule image de Dieu le Père que nous devons confondre dans une commune adoration avec Dieu le Père, et cette image c'est le Fils unique de Dieu, Jésus-Christ, qui est la splendeur de sa gloire et la figure de sa substance, dont nous devons adorer non-seulement la divinité, mais encore l'humanité, suivant ce texte : « Adorez « l'escabeau de ses pieds, parce qu'il est saint. » Pour ce qui est des autres images et créatures sacrées et saintes, à savoir,, les anges, les hommes et les sacrements, nous pouvons les vé- nérer, non par le culte de latrie^ mais par celui de dulie. Tou- chant l'adoration des anges , on lit qu'Abraham , ayant levé les yeux sur les hauteurs qui bordent la vallée de Membre, vit trois anges et adora l'un d'entre eux; Loth, de son côté, alla à la rencontre de deux anges qui entraient dans la ville, et les adora, les priant de recevoir l'hospitalité dans sa maison. A l'égard de l'adoration des hommes , on lit que Jacob, voyant venir Esaû, franchit les deux escortes qui accompagnaient les deux frères, et, se prosternant sept fois à terre, l'adora. Les, fils de Jacob adorèrent aussi Joseph en Egypte. L'Eghse dit touchant l'adoration des choses saintes : « Nous adorons U « croix , ô Seigneur ! » Et ailleurs on lit : « Les chrétiens vé a nèrent pieusement et adorent les saintes images. »

IV. Suivent ces mots : Dies quoque nostros. Et remarque qui le pape Léon les ajouta dans le corps du canon [infra actionem) Le prêtre ajoute : Hanc igitur ohlationem lusqu' kplacatus. Or on dit que le bienheureux Grégoire ajouta au canon les troi prières suivantes ; la première est celle-ci : ce Diesque nostros

k

Sri

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 247

c( etc. ; Place nos jours à l'ombre de ta paix tutélaire; » ajoute par supplément : a Au nom de celui qui, pour nous, a été livré (c aux mains de ceux qui poursuivent la paix de leur haine. » La seconde est : a Ah œterna damnatione nos eripi^ Arrache- « nous de l'éternelle damnation ; » supplée : « Par celui qui, « pour nous, a été condamné à la mort temporelle. » La troi- sième est ainsi conçue : « Et in electorum, etc. ; ((Et ordonne « que nous soyons comptés au nombre des élus ; » supplée : (( Par celui qui , pour nous , a été condamné à l'égal de ceux (( qui faisaient l'iniquité. » In pace tua, etc.

V. Et remarque qu'il y a la paix des pécheurs et la paix des justes, qui sont appelées la paix du cœur ou la paix spirituelle ; la paix dans le temps et la paix dans l'éternité. Pour ce qui est de la paix des pécheurs, le Psalmiste a dit : ((J'ai été saisi de (( dépit en voyant la paix dont jouissent les pécheurs et ceux « qui font l'iniquité. » A l'égard de la paix des justes, l'Apôtre dit : (( C'est un fruit spirituel^ c'est la charité, la joie, la paix, (( la patience. » C'est cette paix que le Seigneur laissa à ses apôtres en leur disant : (( Je vous laisée ma paix. » Voici com- ment le Prophète parle de la paix temporelle : ((Dans les jours « où il apparaîtra, naîtront la justice et l'abondance de la (( paix. » Touchant la paix éternelle, le Seigneur a dit à ses apôtres : (( Je vous donne ma paix, mais ce n'est pas de la ma- « nière que le monde la donne que je vous la donne. » Pour obtenir cette triple paix nous prions trois fois pendant la messe. D'abord, dans cette prière : (( Hanc igitur, » dans cet endroit : |« diesque nostros in tua pace disponas. » Deuxièmement, dans l'oraison (( Libéra nos, » dans cet endroit : (( da propi- t( tins pacem in diebus nostris, accorde-nous avec bienveil- (c lance la paix dans les jours où nous vivons. » Troisième- ment, quand le prêtre dit : (( Pax Domini , » à cet endroit : « da nobis pacem, donne-nous la paix, » afin que de la paix du temps nous arrivions, par la paix du cœur, à la paix de l'é- ternité. C'est encore pour cela que le prêtre, pendant la messe,

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baise trois fois l'autel; d'abord au commencement du canon, en disant ces mots : « uli accepta , etc. » Ensuite dans la prière « Supplices , » et après l'oraison « Domine , Jesu c( Chrisle, etc. » Pourtant, il y en a qui baisent neuf fois l'au- tel, comme pour s'aider à obtenir les suffrages des neuf cliœurs ou ordres des anges, dans lesquels ont été placés ou doivent être placés tous les saints qu'ils invoquent, dont ils réclament le secours ; ou bien ils n'agissent ainsi que comme pour rendre grâces à Dieu pour les neuf ordres que tout prêtre a reçus suc- cessivement.

VI. Quant à ces sortes de baisers qu'il donne à l'autel, il faut remarquer que le prêtre les donne pendant la messe, à trois époques correspondantes aux trois choses dont il a besoin et aux trois actions qu'il doit accomplir sur l'autel. Car, d'abord, il donne certains baisers avant de placer l'hostie et le calice, c'est-à-dire quand il s'approche de l'autel : pour la première fois, quand, premièrement, au moment de dire la collecte, il prononce : « Dominus vohiscum , le Seigneur soit avec c< vous; » puis une seconde fois après l'évangile, quand il va dire encore : ce Dominus vohiscum. )) Il donne ces baisers à l'autel, afin de devenir un digne ministre du sacrifice. Secon- dement^ il donne d'autres baisers après avoir disposé le calice et l'hostie , avant de communier , quand il est près de dire : ii Orale, fraires , Priez, mes frères; » quand il arrive à ces mots du canon : « uli accepla ; » puis lorsqu'il dit : « ex hac c( altaris parlicipalione ; » puis à la fin de cette prière : « Do- c( mine, Jesu Christe, qui dixisti aposlolis ; » ce qu'il fait « afin « de devenir juste , et pour recevoir convenablement le corps (( du Christ. » Troisièmement, il baise encore l'autel après la communion, à savoir : lorsqu'il est sur le point de dire : « Do- ii minus vobis, etc.; » avant la postcommunion et après l'orai- son c( Placeal lihi;y) il fait cela pour trouver le moyen de ren-^ dre au Seigneur Dieu des actions de grâces suffisantes pour leî choses saintes qu'il a reçues. Et les baisers qui ont lieu avan'

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a disposition de l'hostie et du calice, et ceux qui succèdent à a communion, se font au milieu de l'autel ; car, comme la di- gnité et l'autorité du prêtre en sacrifiant, comme sa suffisance i remercier Dieu des choses reçues , ne viennent que de Dieu, l'où dérive notre suffisance, c'est pourquoi, avant l'arrange- nent du calice et de l'hostie, et après la communion, il baise e milieu de l'autel, qui , par la vertu de la consécration et de 'onction qui y ont été faites pendant la messe, représente plus xcellemment Dieu, en qui les extrêmes sont unis. Les baisers, ,u contraire, qui se donnent après le placement du calice et de 'hostie, et qui précèdent la communion , ont lieu à la gauche lu calice , près de l'hostie; car, pour que le prêtre soit juste n sacrifiant, l'action divine n'est pas seule requise , celle du irêtre l'est aussi. C'est pourquoi saint Augustin a dit : ce Celui

qui t'a fait sans toi ne te justifiera point sans toi. » Une dis-

>osition est donc requise de la part du prêtre : c'est de ne point ésister aux avertissements divins ; car c'est de Dieu que vient 'infusion de la grâce , et c'est pour cela que les baisers que lonne le prêtre avant la communion n'ont pas lieu directe- nent au milieu de Fautel. Encore une fois, la part qui nous evient dans notre propre justification est fort minime et très- jeu de chose, si on la compare à ce qui procède de Dieu. C'est loncavec raison que ces baisers ont lieu à la gauche du calice,

ôté oblique et inférieur par rapport au côté droit. Ces baisers

)nt lieu cependant à côté de l'hostie , autant parce que dans la ustification la part la plus forte et la plus noble vient de Dieu )u du Christ , que parce que la part qui vient de nous serait )lulôt mauvaise que bonne, si elle n'était en quelque sorte épu- 'ée, réglée et rendue acceptable par la grâce prévenante. On )eut encore dire, en second lieu , que lorsque le calice et l'hos- ie ne sont pas sur l'autel , les baisers se donnent au milieu de .'autel, c'est-à-dire directement à l'endroit où se trouve la croix faite avec le chrême lors de sa consécration , parce que le Christ, se tenant debout au milieu de ses disciples , leur dit :

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« La paix soit avec vous , » laquelle paix est représentée par ces baisers eux-mêmes. Troisièmement, pour désigner, comme on le voit dans le Cantique. des cantiques, que le Christ est monté sur la croix par un degré rouge comme la pourpre, c'est- à-dire rougi de son sang, et qu'il a orné le milieu de la croix en y plaçant la charité même. Cette charité est désignée parle baiser précité. On dit encore qu'elle se trouve au milieu, parce qu'elle est commune pour tous les hommes , car il a voulu souffrir pour tous par charité.

VII. Ces baisers se donnent les mains appuyées sur l'autel, pour marquer que la charité, désignée par un baiser, doit s'appuyer sur les œuvres ; car, selon saint Grégoire, elle opère de grandes choses tant qu'elle subsiste ; mais , si elle so re- fuse à agir, c'est qu'elle n'existe pas. Secondement, pour marquer que dans le sacrifice de l'autel le prêtre doit déposer tout souci des choses temporelles et tenir son esprit uni(]uement appliqué au sacrifice. Troisièmement, afin de montrer que pour opérer ces œuvres il ne suffit pas seulement d'obtenir la miséricorde divine. Quelques-uns encore, de leurs trois doigts étendus, marquent auparavant d'un signe de croix les endroits qu'ils doivent baiser ensuite, autant parce que tout ce qui doit être fait doit l'être dans la foi ta la Trinité, que parce que, régu- lièrement, tout ce qui doit être appliqué à la bouche doit aupa- ravant être marqué du signe de la croix ; et, quoique la table de l'autel ait été consacrée et que dans l'office même de la messe beaucoup d'autres signes de croix aient précédé , cela n'est pourtant pas superflu, soit parce que ces signes doivent être faits non eu égard au lieu en lui-même, mais bien à l'œu- vre qui doit s'accomplir dans ce lieu ; soit parce que , encore bien que la table de l'autel ait été consacrée , on ne sait cepen- dant ce que Dieu peut permettre de faire à l'esprit malin dans ce lieu même. Beaucoup d'autres signes de croix encore faits auparavant l'ont été non par égard pour le lieu , mais en con- sidération de la consécration du corps et du sang du Christ.

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lependant il y a des prêtres qui, au pénultième et dernier Do- linus vobiscum^ ne baisent point l'autel, ni ne le marquent du igné de la croix , mais qui se contentent de se signer eux-mê- [les , et c'est avec raison , soit parce que par le baiser donné à autel à la fin de la messe on entend que le prêtre approuve ous ceux qui ont précédé et leur donne son adhésion de toute affection de son ame^ soit parce que l'on doit croire tout es- •rit immonde chassé de ce lieu même par la présence du corps lu Seigneur. On a parlé du baisementde l'autel et du livre au hapitre du Baisement de l'autel.

CHAPITRE XL.

DE LA CINQUIÈME PARTIE DU CANON.

ï. Quam ohlationem (17), etc., est la cinquième partie du anon, dans laquelle le prêtre s'apprête à consacrer le corps du leigneur, en disant : a Quam ohlationem. ^^y c'est-à-dire : « Nous 'en prions, ô Dieu ! sous tous rapports, » c'est-à-dire de toute lotre pensée, de toute notre ame, de toute la force de notre ntelligence, daigne bénir, etc., cette matière terrestre desti- lée à se changer au corps de ton Fils.

II. Or, le Mercredi saint, Judas, un des douze, possédé par Jatan , consomma un énorme sacrilège en vendant trente piè-

es. d'argent le Fils de Dieu aux pharisiens, pour compenser

e dommage qu'il avait éprouvé de la perte du parfum. « Pour- [uoi, dit-il, ne vend -on pas ce parfum trois cents deniers [ue l'on donnerait aux pauvres? Et il parlait ainsi, non qu'il )'embarrassât des pauvres, mais parce qu'il était voleur, et que, )ortanl la bourse, il dérobait l'argent qui lui était confié. » Or, îhaque pièce d'argent valait dix deniers ordinaires , et ainsi la 3erte du parfum , qui valait trois cents deniers, fut compensée

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pour lui parles trente pièces d'argent. Si nous admettons que les pièces d'argent étaient des deniers ordinaires, nous di- rons que Judas vendit le Christ comme un vil esclave , pour trente deniers , qui sont la dixième partie des trente deniers que valait le parfum, trente deniers dont le Seigneur parle avec dégoût par le Prophète : « Ils ont pesé trente pièces d'ar- gent pour ma récompense ; j'ai été évalué par eux à ce prix. » m. Or, pour désigner la quantité du prix que le Christ a été vendu, le prêtre, en cet endroit, fait ordinairement trois croix sur l'hostie et le calice , lorsqu'il dit : henedictam, adscriptam et ratam ; car trois cent trente, par la multiplication, viennent du nombre trois. Puis ensuite , pour désigner la vente et l'a- chat, il fait deux croix, figurant en quelque sorte le sceau, sur l'hostie , l'autre sur le cahce, lorsqu'il dit : ut nohis corpus et sanguis corpus fiât; comme s'il disait : Cette vente avait été maudite , prédite , inutile , inique et abominable ; mais toi , ô mon Dieu ! cette offrande , daigne la bénir, l'adopter, l'approu- ver, la tenir pour raisonnable et l'avoir pour agréable. Car Judas aima la malédiction et l'obtint; il rejeta la bénédiction, et elle s'éloigna de lui; mais toi, mon Dieu, daigne bénir cette ^ offrande, par laquelle tu nous béniras dans les cieux. Judas a été rayé du livre des vivants, et il ne sera pas inscrit avec les jus- tes; mais toi,' mon Dieu, daigne inscrire cette offrande, par' laquelle tu nous inscriras au nombre des élus. Judas se pendit, et un autre reçut sa charge [episcopatum]; mais toi, ô mon Dieu! daigne ratifier cette offrande par laquelle la promesse de notre salut sera ratifiée, ou bien ratifie-la, eu égard à la con- firmation dans tous les biens, de peur que nous ne présentions notre offrande comme Caïn, qui ne s'offrit pas en sacrifice à' Dieu, mais au diable. Ensuite Judas sortit condamné, et sa" prière ne fut efficace que pour le péché ; mais toi , mon Dieu , daigne rendre cette offrande raisonnable, c'est-à-dire pleine de raison, afin que par elle la soumission de notre servitude devienne déraisonnable aux yeux du monde. Judas, encore.

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endit ie mal pour le bien, et la haine pour l'amour; mais toi, mon Dieu ! daigne rendre acceptable cette offrande par la- uelle tu nous accepteras nous-mêmes.

IV. Deuxièmement, on fait communément trois croix sur l'of- •ande et sur le calice, parce que le Christ fit communément 'ois choses à l'égard du pain et du vin , c'est-à-dire il les prit, îs bénit et les donna. Après cela, le prêtre fait spécialement ne croix sur la chose offerte, en disant : « Mangez, ceci est ion corps, » et une autre sur le caHce, en disant : ce Buvez, 3ci est mon sang, » et, suivant ce sens^ on ajoute avec raison : ui pridie quam pateretur .

V. Troisièmement, on fait trois croix, parce que Judas ven- ît, pour être crucifié, le Christ à trois sortes de gens, savoir : IX prêtres, aux scribes et aux pharisiens. Donc, pour noter s trois acheteurs, le prêtre fait communément trois croix sur Dblation et le calice , pendant qu'il dit : henedictam^ adscrip- im et ratam. Et pour noter sans confusion le vendeur et le îndu, ou le livrant et le hvré, il fait distinctement deux 'oix surl'oblation et le calice, lorsqu'il dit : ut fiât corpus et mguis.

YI. Quatrièmement, les trois premières croix marquent iie ce qui a été fait l'est par la vertu du Crucifié, ou elles signi- 3nt les trois jours pendant lesquels Jésus-Christ prêcha après

dimanche des Rameaux, ou bien les trois jou^ qu'il reposa ms le sépulcre, ou encore les trois parties de son corps dans squelles il souffrit, c'est-à-dire les mains, les pieds et le côté, r, les deux suivantes symbolisent la nature divine et la nature Lim'aine, ou bien que le Christ souffrit en ame et en corps ; et on fait cinq croix pour figurer que le Christ reçut cinq bles- ires; ou bien, par ces cinq croix, nous exprimons le temps de . loi, que l'on divise en cinq livres , dans chacun desquels la assion du Christ est désignée ; cette loi était régie par cinq es- Bces de personnes, à savoir : le juge, le roi, le prince, lepro- hète et le prêtre, auxquels le Christ est assimilé.

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VII. On peut encore expliquer de celte seconde manière les paroles précitées. Nous demandons que Dieu bénisse, inscrive et ratifie cette offrande, c'est-à-dire qu'il la consacre, qu'il l'approuve, qu'il lui assure la valeur d'une hostie raisonnable et d'un sacrifice agréable, de sorte que, pour nous, c'est-à-dire pour notre salut, le pain devienne le corps, le vin devienne le sang de ton très-cher Fils Jésus-Christ, notre Seigneur, car le Fils est le bien-aimé du Père, comme le Père l'a attesté lui- même du haut des cieux, en disant : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, etc. ; » et nous, de notre côté, nous devons l'aimer, parce que, le premier, il nous a aimés et a souffert pour nous.

VIII .Troisièmement, de cette manière : Nous le prions, ô Dieu ! de daigner bénir cette offrande, c'est-à-dire de la bénir spiri- tuellement, ainsi que , par la vertu de notre Père , fut béni le fruit de la vierge Marie ; de l'inscrire, c'est-à-dire de la rendre telle qu'elle ne puisse jamais sortir de la mémoire; de la rati-. fier, c'est-à-dire telle qu'elle s'accorde avec ton bon plaisir; raisonnable , c'est-à-dire telle qu'elle s'accorde avec ta divine raison.

IX. Car il y a une différence entre raisonnable et ralionel. On.| appelle raisonnable ce qui procède de la raison, radonel [ratio- nale) ce qui est conforme à la raison; d'où ce livre est appeléf Rational, parce qu'il contient les raisons des cérémonies qui ont lieu danftes offices de l'Eglise ; acceptable , c'est-à-dire afin que par elle nous te soyons agréables, ô Dieu !

X. Quatrièmement, on peut encore expliquer ainsi ces pa- roles : (( digneris faeere benediclam y daigne bénir, etc., » c'est- à-dire remplir de l'Esprit saint; ac?scnpfam, l'ajoutera ta divi-t nité ; ralam , la ratifier, c'est-à-dire dans la vérité , afin que, par sa solidité, cette offrande suffise à notre salut; ralionabilem (raisonnable), c'est-à-dire raisonnable dans notre foi; accepta- bilem (accceptable) dans notre dévotion.

XI. On peut encore expliquer ces paroles d'une cinquième manière : « Cette offrande , ô Dieu tout-puissant ! daigne h

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 255

bénir, » c'est-à-dire la changer en cette hostie qui est à tous égards bénie, inscrite, ratifiée, raisonnable et acceptable.

XII. L'hostie salutaire est dite bénie, c'est-à-dire pure de toute source de malédiction , tant originelle qu'actuelle, tant criminelle que vénielle, dans le même sens qu'Elisabeth dit à la Vierge : « Le fruit de tes entrailles est béni ; » elle est dite Inscrite y c'est-à-dire désignée par les figures et les Ecritures mciennes, tant par l'agneau pascal que par la manne céleste; iant par Isaac, sur le point d'être immolé, que par Abel, vrai- nent immolé, parce que (comme dit saint Jean), « Celui-ci îst l'agneau qui a été immolé dès l'origine du monde. » Elle îst dite ratifiée^ comme si on voulait exprimer qu'elle n'est )as transitoire, comme la loi ancienne, qui a cessé du jour oii a nouvelle lui a succédé ; mais celle-ci reste pour l'éternité, lelon l'ordre de Melchisédech. Elle est dite raisonnable, comme )our exprimer qu'elle ne ressemble pas aux sacrifices antiques les animaux, comme l'ancienne loi, qui, parle sang des boucs

t des taureaux, ne pouvait purger du péché, tandis que la

louvelle, parle propre sang du Christ, lave la conscience, [u'elle délivre des œuvres mortes. Elle est dite acceptable,

omme pour la distinguer de celle dont le Prophète dit
ce Vous

ivez rejeté le sacrifice et l'oblation ; » de celle dont le Seigneur lit : (( Non acciplam de domo tua vitulos, etc. ; Je n'accepterai )as de veaux de ta maison, ni de boucs de tes troupeaux ; » mais î'est vraiment l'offrande dont le Psalmiste dit : « Tibi sacrifia abo hostiam laudis, Je te sacrifierai une hostie de louange. » ]'6st d'elle dont le Seigneur parle en ces termes : « Le sacri- ice de louange m'honorera. »

XllL Et, selon cette disposition, on ajoute avec raison : c ut /îat corpus et sanguis dileclissimi Filii tui Domini, etc., fin qu'elle devienne le corps et le sang de ton bien-aimé Fils, lotre Seigneur. ^) Car le Fils est le bien-aimé du Père, selon es paroles : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; » et nous de- ons l'airner, parce que lui-même, le premier, nous a aimés et

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a souiïert pour nous. Et saint Augustin explique ainsi les pa- roles précitées : « Benedictam [bénie), par laquelle nous sonunes bénis ; adscriptam ( inscrite), par laquelle nous sommes tous inscrits dans le ciel ; ratam ( ratifiée), par laquelle nous sonnnes censés dans les entrailles du Christ, c'est-à-dire faisant partie du corps du Christ, qui est l'Eglise; rationahilem [raison- nable), par laquelle nous sommes dépouillés du sens bestial; acceptabilem [acceptable), afin que nous, qui nous sommes à charge à nous-mêmes, nous soyons, par cette hostie, agréablcî au Fils unique de Dieu ; » et il ajoute que le prêtre emprunte k récit des évangélistes, en disant : «. qui pridie quam pateretur qui, la veille de sa passion, etc. » Saint Ambroise dit que cei paroles : quam oblationejn adscriptam, rationabilem, etc., son les paroles de l'évangéliste, jusqu'à ces mots : « Accipite et man ducate , et bibite ex eo omnes; Prenez et mangez, et buvez-er tous; » et d'autres prétendent que le pape Alexandre I" ajoutî au canon ces paroles : « qui pridie, » jusqu'à ces mots : alloi est corpus meum, Ceci est mon corps. »

CHAPITRE XLI.

DE LA SIXIÈME PARTIE DU CANON.

I. Ces mots : qui pridie quam pateretur, sont la sixième parti( du canon, et le pape Alexandre I", dit-on, les y ajouta, commi on Ta vu plus haut. Ce qui se passe en cet endroit représent ce que fit le Christ dans la cène, et voici le sens de ces parole qui pridie quam pateretur, c'est-à-dire : Le jour avant celui oi notre Seigneur souffrit pour nous, il voulut livrer le mystèr de son corps et de son sang à ses disciples, afin qu'eux-même nous le transmissent.

II. Car ce fut le quinzième jour du premier mois , qui alor

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lit la sixième férié, que le Christ souffrit; et la nuit précé- nte, c'est-à-dire à la quatorzième lune du premier mois, vers soir, afin de remplir les Ecritures, après la pâque typique institua le sacrement de son corps et de son sang, et l'Eglise ►us en a laissé la tradition et nous en a recommandé le fré- lent usage ; car c'est ainsi que ce sacrement avait été figuré ir avance dans l'Exode : ce Au dixième jour du premier mois, le chacun prenne, dans sa maison, un agneau par famille, et le conservera jusqu'au quatorzième jour de ce mois, et tout raël l'immolera sur le soir ; et ils prendront le sang de l'a- leau, et ils en teindront leurs portes et le seuil de leurs mai- ns dans lesquelles ils le mangeront. » Et plus loin on lit : Car c'est le passage (en hébreu phase ^ en grec Traa;)^a, en tin transitus) du Seigneur. »

III. Or, il faut noter ceci , que , comme la manne fut donnée IX Hébreux après le passage de la mer Rouge , oii les Egyp- îns étaient déjà engloutis , ainsi l'eucharistie est donnée aux irétiens après l'absolution du baptême , lorsque déjà les pe- lés sont effacés, pour que, par le baptême, nous soyons pur-

s du péché , et que, par l'eucharistie, nous soyons Confirmés

ms le bien. Car, de même que la manne conduisit ce peuple- dans la terre promise , à travers de vastes solitudes , sans lemin frayé , ainsi l'eucharistie conduit ce peuple-ci vers la itrie du paradis, à travers l'exil de la vie présente. L'eucha- stie est ainsi nommée , parce qu'on ne trouve pas , pour ex- 'imer dignement unjsi grand sacrement , de terme plus con- înable que le mot grec Evi^aptcTia, qui , selon saint Isidore, gnifie en latin hona gratia ( bonne grâce ) ; ou , selon autres, dator gratiœ (donneur de grâces). On l'appelle icore, et avec raison, viaticum (viatique), parce qu'elle 3nduit vers la patrie ceux 'qui tombent en faiblesse [in via) ins le chemin. Car, de même que la manne ne manqua oint aux enfants d'Israël depuis le passage de la mer Rouge isqu'à leur arrivée à la terre de promission ; de même , pour Tome II. 17

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les fidèles régénérés par le baptême, rougis et sanctifiés parle sang du Christ, l'eucharistie ne manquera pas jusqu'à la fin des siècles. Bien plus, elle ne manquera pas même alors, si ce n'est qu'elle ne sera plus prise d'une manière sensible , mais nous verrons Dieu face à face.

IV. Selon les Hébreux , hostie vient du mot ostium ( porte), parce qu'elle était ofTerte à l'entrée du tabernacle. Selon les Gentils , hostie vient de hoslis ( ennemi ) , parce que c'étail après la défaite des ennemis que l'on offrait une hostie, c'est- à-dire un sacrifice ; et la victime s'offrait pour obtenir la vic- toire, comme on l'a vu au chapitre de l'Oblation. L'hostie esi encore appelée immolation , parce que le Christ y est immole sacramentellement, lui qui, une fois, a été immolé en vérité, pour nos péchés, sur la croix. Immolatus vient de molay gâ- teau qu'on avait coutume de faire avec une espèce de fro- ment appelé /ar ou ador. Or, ce qui est arrivé auparavant pour la manne s'achève dans l'eucharistie ; car, quelque partie que chacun reçoive , il reçoit toute l'eucharistie , comme il arriva de la manne , puisque celui qui en avait le plus amassé n'en avait pas davantage , et celui qui en avait ramassé le moins n'en avait pas une moindre quantité. La manne figurait donc l'eucharistie, ce pain céleste dont le Sage dit : « Il a donné du ciel un pain qui^ sans aucun travail, renferme en lui tout agré- ment , et dont le goût a une suavité suprême ; » parole que le Christ s'applique en ces termes : « Ego sumpanis vivus qui de cœloy etc. ; Je suis le pain vivant, descendu du ciel ; celui qui mangera de ce pain vivra éternellement, et le pain que je don- nerai est ma chair, qui a été livrée et qui donne la vie au mon- de. )) Et il faut remarquer que dans l'Eglise on reçoit le corps du Christ lorsqu'on prend le pain, quand on offre le pain béni et quand on reçoit la bénédiction , comme il sera dit au cha- pitre du Baiser de paix. Or, celui qui veut communier doil être rempli de crainte, de foi et de joie {De comec, dist. ii, Timor em).

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V. Suivent ces mots : accepit paneniy etc. ; ce il prit du pain. » n lit que Melchisédech, le premier, célébra ce rit dans le sa- [•ifice, en offrant le pain et le vin, car il était prêtre du Dieu ès-haut. D'oii vient que David, s'adressant au Christ, dit : Tu es prêtre pour l'éternité, selon l'ordre de Melchisédech, te. » Le sacrifice de l'ancienne loi a donc précédé le sacrifice vangélique , non-seulement par la dignité , mais encore par ipport au temps, comme l'Apôtre le montre plus pleinement ans l'épître aux Hébreux. C'est pour cela que le Christ choisit ! pain et le vin pour le sacrifice de son corps et de son sang, [în que, dans la réception du corps et du sang du Christ, on iche qu'il y a un aliment parfait ; car, de même que le pain )utient le corps de l'homme d'une manière plus excellente ue toutes les autres nourritures corporelles , que le vin re- mit le cœur de l'homme d'une manière plus parfaite que tous îs autres breuvages corporels , ainsi le corps et le sang du lirist refont et rassasient l'homme intérieur d'une manière Lipérieure à toutes les autres nourritures et à tous les autres reuvages spirituels. C'est ce qui a fait dire au Psalmiste :

Que ta coupe enivrante est excellente ! » C'est en ces deux hoses que consistent la plénitude et la perfection de la réfec- ion, comme le Christ l'atteste lui-même : Caro mea vere est ihus et sanguiSy etc.; « Ma chair est vraiment une nourriture, t mon sang est vraiment un breuvage. » Nous reviendrons ncore sur ce sujet à la particule septième du canon, sur cette •arole : Hic est calix.

YI. Au reste, le pain doit être de froment, et le vin doit tre du vin de la vigne, parce que le Christ lui-même s'est omparé au froment , lorsqu'il dit : a à moins que le grain de roment, tombant dans la terre, ne vienne à périr ^ il reste eul et improductif. » Il se compare aussi à une vigne, lors- [u'il dit : (( Je suis la vigne véritable. » Il fut encore lui- nême la grappe pressée sous le pressoir de la croix; d'où rient qu'Isaïe dit : ce Tes vêtements sont comme ceux du

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vigneron qui foule aux pieds le raisin. » Or, ni la grappe de raisin, ni le grain de froment ne doivent être offerts, à moins que l'une ne soit pressée et réduite en la liqueur du vin , et l'autre en pain [De consecrat., d. xv^ Cum omne) , parce que le Christ dit qu'il est pain, et se compare au froment. Cepen- dant, dans le canon des apôtres (Bucard , lib. v, cap. Si guis), il est dit : ce Si quelqu'un , évoque ou prêtre, contre la règle établie par le Seigneur, offre sur l'autel , en sacrifice , certaines matières, comme par exemple, du miel, du lait ou de la bière au lieu de vin , ou certaines autres choses fabriquées , ou des oiseaux , ou des animaux quelconques , n'observant point ce qui a été réglé par la loi , qu'il soit déposé. » On a parlé de cela au chapitre de TOblation du prêtre.

Yll. On ne doit point mettre de sel dans le pain, quoique cer- tains hérétiques fassent le contraire et cela parce qu'il a ét^ écrit : ce Tout ce que tu offriras en sacrifice, tu l'assaisonneras de sel ; » et ceci : « Tu n'enlèveras pas du sacrifice le sel de l'alliance du Seigneur ton Dieu ; » et encore : « Dans toutes tes oblations , tu offriras le sel ; » et dans l'Evangile : a Toute victime sera salée ; » ce qui s'entend du sel de discrétion , et non du sel matériel.

YlII. Or , le pain eucharistique a la forme d'un denier^ tant parce que le pain de vie a été livré pour des deniers , que parce que le même denier doit être donné en récompense à ceux qui travaillent à la vigne, et il est de forme ronde, comme il a éttj, dit au chapitre de l'Oblation. Car sur ce pain est souvent grave le nom et l'effigie de notre Empereur ( q. i, Quod quidam, it fine) , parce que c'est par lui que nous sommes reformés à l'ij mage de Dieu et que nos noms sont écrits sur le livre de vie Quelques-uns même y figurent un agneau , tant parce que Ce, lui qui est immolé est un véritable agneau, que parce qu'on li dans l'Exode : « Or , voici ce que vous ferez sur l'autel : vo» offrirez des agneaux, et immédiatement après du vin pour fair» des libations sur l'agneau. »

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IX. On doit aussi offrir en sacrifice non du pain fermenté, nais du pain azyme , tant par la raison du fait que par la rai- on du mystère. Car il est écrit dans l'Exode : « Le premier et e quatorzième jours du premier mois, sur le soir, vous man- derez du pain azyme jusqu'au vingt-et-unième jour du même nois, vers le soir. On ne devra pas trouver non plus dans ^os maisons de pain fermenté pendant ces sept jours. De dus, celui qui aura mangé du pain fermenté, sa vie dispa- aîtra de l'assemblée d'Israël. De même, vous ne mange- ez rien de fermenté. De même, dans toutes vos habitations ous mangerez des azymes. » Puis donc que le Christ , le [uatorzième jour du premier mois, sur le soir [ad vesperam), it la cène avec ses disciples, et mangea l'agneau pascal, et [ue, d'après le rit légal, la pâque se faisait avec du pain izyme et des laitues sauvages , il est constant qu'à cette heure m ne trouvait pas de pain fermenté dans les maisons des Hé- )reux; ainsi, sans aucun doute, le Christ consacra le pain izyme en son corps. Car, comme ferment signifie corruption, i'où, selon l'Apôtre , « un peu de ferment corrompt toute la nasse, » afin que dans ce sacrement on ne voie rien de corrompu ni de susceptible de corrompre, mais que tout y joit pur et purifiant, nous consacrons non du pain fermenté, nais du pain azyme, d'après cette parole de l'Apôtre : « Le Christ, notre pâque, a été immolé ; c'est pourquoi rassasions- îous , non avec le ferment ancien, mais avec les azymes de la sincérité et de la vérité. »

X. Les Grecs, cependant, persistant dans leur erreur, se servent du pain fermenté. Ils appellent les Latins azijmites (à)^ lorsqu'ils méritent avec bien plus de raison d'être traités de ^ermentaires. Car ils disent que la veille de la mort du Christ 5e trouvait coïncider avec le quatorzième de la lune , jour au- quel le véritable Agneau fut immolé, afin que fût accomplie la

(a) Du Gange , in Gloss., verbo Azymitœ; — id., aux mots Fermentacei, Fer- nentarii et Fermentum.

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figure de la loi (lui ordonnait TimiTiolation de l'agneau pas- cal à la quatorzième lune du premier mois. Le Seigneur donc, ce jour-là, connaissant d'avance qu'il allait souffrir, forcé pai la nécessité , mangea la pâque le jour précédent par antici- pation ; et alors, disent-ils, il pouvait manger du pain lev( sans violer la loi ; c'est pour cela qu'ils usent de pain fermentt pour le corps du Seigneur. Car ils disent que, puisque lé bienheureuse vierge Marie se trouva enceinte par l'opératior du Saint-Esprit, l'incarnation du Seigneur est justement figu rée par le pain fermenté, h cause du gonflement du sein de If Vierge [propter virginei uteri tumorem). Mais on peut leui répondre que nous n'offrons pas en sacrifice le sein de h Vierge, et qu'il n'est pas nécessaire pour opérer la trans- substantiation, mais qu'il y faut la foi et la parole de Dieu.

XL Mais consacre-t-il celui qui, aujourd'hui, chez nous offre du pain fermenté, ou bien du pain azyme en même tempi que du pain levé? Il nous paraît que non , puisque h Christ consacra du pain azyme quand il institua le sacre- ment, comme il a été dit. En outre, comme on le dira plui tard, l'Eglise a reçu ce rit du sacrifice des bienheureux Piern et Paul. Certains disent le contraire ; mais c'est surtout pai négligence et par ignorance (Extra De celehmh., c. fin.). Cai on lit dans le Lévitique : (c Vous offrirez des pains levés ave( l'hostie d'actions de grâces ; on les offrira comme hostie pa- cifique. » On lit aussi dans le Pentateuque : « Vous offrire: les pains des prémices de deux dixièmes de fleur de farine fermentée; » et l'Eglise est en communion avec un grand nombre de ceux qui sacrifient avec du pain fermenté.

XIL Suivant ces mots : elevalis oculh in cœlum^ « ayani élevé les yeux vers le ciel , » le Christ , en levant les yeu5 vers le ciel , nous fiiit entendre qu'il tient de son Père toul ce qu'il a, et que nous devons, au commencement de toutes noî actions, diriger les yeux de notre ame vers le Seigneur comme vers celui qui enseigne toutes les bonnes œuvres. De mcme^

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i levant les yeux au ciel et en rendant grâces à son Père , il lus a enseigné que nous devons toujours supplier son Père, in qu^il daigne accomplir par nos mains un si grand sacri-

e.

XIII. C'est dans cet endroit que l'on fait mention de trois loses , dont aucun des évangélistes ne parle , savoir : eleva-

oculis in cœlum, jusqu'à discipulis suis; de même, œterni

Uamenti; ensuite, mysterium fidei. Qui donc a été assez au- cieux pour oser interposer ces mots de son propre mouve- ent? (Extra De cel. mi. cumMarthœ). Sans doute, les apôtres it reçu du Christ lui-même ces formules , et l'Eglise les tient s apôtres. Car beaucoup, tant des paroles que des gestes i Seigneur, ont été passés sous silence par les évangélistes, >ur abréger leur récit; mais les apôtres y ont suppléé, mme on peut le voir par ce que dit saint Paul dans l'épître I" IX Corinthiens (c. xv) : « Jésus fut vu de plus de cinq cents ères à la fois ; ensuite il apparut à Jacques , ensuite à tous s apôtres; dernièrement il m'est apparu à moi, bien que je î sois qu'un avorton. » En effet, chez les évangélistes eux- êmes certaines particularités qui sont omises par l'un sont ippléées par l'autre. Ainsi, quoique trois évangélistes citent is mots : Hoc est corpus meum, (c Ceci est mon corps, » saint uc seul a ajouté : quod pro vohis tradetur, (( qui sera livré )ur vous ; » et quand saint Mathieu et saint Marc disent : ^0 multis, « pour beaucoup, )> saint Luc dit : pro vohis, c< pour )us, » et saint Mathieu ajoute : in remissionem peccatorum y pour la rémission des péchés. »

XIV. Suivent ces paroles : gratias agens^ etc.^ «rendant races. » C'est de ces mots que se tire le nom de sacrifice de manges donné au sacrifice de la messe ; car il est dit : Chris- iSy gratias agens^ « le Christ, rendant grâces, » institua ce sa- pement. Or, il rendait grâces non pour lui, mais pour nous, cst-à-dire pour la réparation future de tous les hommes. On

parlé de cela dans la seconde particule du canon , sur cette

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parole : pro qiiihm hencdixil , etc. En effet, tu as béni d'un bénédiction céleste et par la vertu de ta parole, qui change L pain en la substance du corps du Christ, a Ceci est mon corps ; ) en prononçant ces paroles on fait sur le pain une croix qui signi fie que le Christ a souffert aussi dans sa nature, car il a souffer tout entier et dans son ame et dans son corps, comme on le dir; dans la particule onzième, sur ce mot : et prœstas, afin de ra cheter l'homme tout entier. Car^ de même que le Christ prit li pain et le calice dans ses mains saintes et vénérables, et béni l'un et l'autre, le prêtre aussi, à l'exemple du Christ, prcnan le pain et le calice dans ses mains, bénit l'un et l'autre par ui signe de croix. Ces deux croix indiquent le temps de la cène e le temps de la grâce, ou l'endroit oii viennent se réunir lei deux murailles sur la pierre angulaire, ou bien que le géan d'une double nature est crucifié. Or, comme en prononçant cei paroles : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang, » le prêtn consacre (De cons. , dist. ii, Panisest) , il est à croire que le Christ consacra en prononçant ces mêmes paroles.

XV. Mais, comme le Seigneur rompit le pain avant de h consacrer, il semble que l'Eglise, qui consacre le pain avant de le rompre, agisse autrement que n'agit le Christ, et pèche ainsi; car l'action du Christ doit être notre instruction (XII, q. I, Exemplum).A ce sujet, quelques-uns ont dit que le Chrisi brisa le pain après la bénédiction et la transsubstantiation, cai il consacra alors qu'il bénit , et ils rangent les mots dans cei ordre : « Il prit le pain , » il faut sous-entendre henedixii, en disant : « Ceci est mon corps, » et alors « il le rompit et le donna , » et dit : a Prenez et mangez ; » puis il répéta : « Ceci est mon corps. » Il prononça donc ces paroles la première fois pour donner à ses apôtres le pouvoir de consacrer; puis il les prononça une seconde fois pour leur enseigner la forme de la consécration. D'autres ont dit que le Christ rompit le pain avant de le consacrer; car, d'abord, il le bénit ^ et ensuite il le rompit, et enfin il prononça ces paroles : « Ceci est mon

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irps, » et alors il le distribua. D'après cette opinion, le Christ la fois consomma le sacrement et en institua la forme après bénédiction, lorsqu'il dit : « Ceci est mon corps. » Ceux qui nt de cet avis pensent que cette bénédiction fut quelque si- 16 qu'il imprima ou quelque parole qu'il prononça sur le dn ; mais ce qui vient surtout infirmer cette opinion , c'est l'il rompit le pain avant de prononcer : ce Ceci est mon rps ; » et il n'est pas croyable qu'il ait distribué le pain avant

l'avoir consacré. Sans doute, on peut dire que le Christ, ,r une vertu divine qui nous échappe , consacra d'abord, et suite exprima la forme sous laquelle ses successeurs bénis- nt ; car il a béni par sa propre vertu, et nous, nous ne bénissons le par cette vertu qu'il a attachée aux paroles. Donc, lorsque le être prononce ces paroles du Christ : « Ceci est mon corps » « ceci est mon sang, » le pain et le vin se changent en chair en sang , par cette vertu de la parole par laquelle le Verbe 3té fait chair et a habité parmi nous. Car il a parlé, et tout îté fait; il a ordonné, et tout a été créé. C'est par cette vertu l'il a changé la femme de Loth en une statue , la Verge de Dise en un serpent, les fleuves en sang, l'eau en vin. Car, si parole d'Ehe put attirer le feu du ciel , la parole du Christ I peut-elle pas changer le pain en chair ? Certainement, il est us grand de tirer quelque chose de rien, que de changer une bstance en une autre substance (De cons., d. n, Rêvera ^ etc., mis); et il est incomparablement plus grand de concevoir le Dieu soit homme sans cesser d'être Dieu, que de concevoir le du pain devenu chair cesse d'être du pain. Le premier de s prodiges ne s'est fait qu'une fois par l'incarnation, le se- nd se fait continuellement par la consécration. Au moment me où l'on prononce ces paroles, le pain, par la volonté divine,

transsubstantie en chair. Car la divine et matérielle subs- nce de ce sacrement est la parole qui, s'approchant de l'élé- ent , parfait le sacrement , comme le Verbe uni à la chair a it le Christ homme.

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XVI. Or, il faut remarquer que dans le corps du Christ on considère onze miracles, dont on ne peut donner expressément la raison, quoiqu'on puisse les prouver par des similitudes.

XVII. Le premier miracle, c'est que le pain soit transsubs- tantié au corps seul et au sang seul , ce dont on a déjà exposé les raisons. Une autre raison manquait encore ; c'est qu'une nourriture et un breuvage matériel, deviennent chair et sang en changeant de nature, et d'une nature bien supérieure à leur nature primitive ; car Dieu peut faire immédiatement que le pain soit changé en son corps, et le vin en son sang.

XVIII. Le second miracle, c'est que chaque jour le pain soit transsubstantiéau corps du Christ, et que Dieu n'en reçoive point d'augmentation. On n'a pas encore donné la raison de cela: c'est que, si je possède quelque secret que je manifeste à plusieurs, quoique tous sachent mon secret après ma révéla- tion, cependant dans moi seul ou dans mon esprit n'a lieu aucune espèce d'augmentation quant à ce secret.

XIX. Le troisième miracle, c'est qu'il est pris et consommé chaque jour sans que pour cela il éprouve aucune diminution. La raison en est que , si avec mon flambeau on allume mille flambeaux, le mien n'a rien perdu de sa lumière. Caria veuve de Sarepta mangeait sans que la farine diminuât dans son vais- seau, et l'huile dans sa cruche.

XX. Le quatrième prodige, c'est qu'étant indivisible, il est pourtant divisé et demeure intact et tout entier dans chaque partie de l'eucharistie; et la raison s'en trouve dans un miroir 011 quelque chose est représenté : si l'on partage ce miroir en morceaux , la chose même est représentée dans chaque frac- tion du miroir, comme on le dira dans la particule suivante, à cette parole : Simili modo.

XXI. Le cinquième prodige, c'est que, pris par des crimi- nels, il n'en reçoit point de souillures; la raison, c'est que, le soleil traversant de sa lumière des lieux infects, n'en est pas souillé pour cela (xix d., Secundum).

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XXII. Le sixième prodige, c'est que le corps du Christ, qui est un pain de \ie, devient mortel pour les pécheurs, comme il a été dit au commencement de cette partie; la raison en est que, pour les malades et les personnes faibles de corps, les fortes nourritures , comme les chapons et les bons vins, sont nuisibles.

XXIII. Le septième prodige, c'est que, pris par le prêtre ou par tout autre, quand la bouche de celui qui l'a pris est fer- mée^ il est ravi au ciel [De consec, d. ii. Quia corpus y in princ), comme on le dira bientôt au mot Accepit. La raison, c'est que le Christ sortit du corps d'une vierge pure , qu'il res- suscita d'un sépulcre fermé (quoique la chose soit des plus sim- ples pour Dieu) , et qu'il entra dans le lieu oii étaient ses dis- ciples , les portes restant fermées.

XXIV. Le huitième prodige, c'est que son corps, qui est immense, se trouve contenu dans une si petite hostie; on en peut donner cette raison , que la pupille de l'œil , qui pourtant est bien petite, ne laisse pas que d'embrasser une vaste mon- tagne.

XXV. Le neuvième prodige, c'est que le même corps se trouve tout à la fois dans divers lieux et est reçu par diverses personnes ; et voici ce qui nous paraît en être la raison : c'est que la parole humaine , une fois proférée , suivant la nature de la voix , frappe tout à la fois les oreilles de diverses personnes. En outre, celui qui a créé le corps et l'espace fait que l'un se trouve dans l'autre de la manière qu'il lui plaît. De plus, la lune et le soleil et la lumière sont aperçus dans divers lieux et par diverses personnes.

XXVI. Le dixième prodige , c'est qu'après la transsubstan- tiation du paiii, les accidents du pain , le toucher, la couleur et le goût restent néanmoins. Ici nous n'avons pas de raison de simihtude, comme on le dira au mot Fregit.

XXVII. Le onzième prodige, c'est que le corps et le sang du Christ, que dis-je! le Christ tout entier réside et est pris sous

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l'apparence du pain; le corps, le sang, le Christ tout entier se trouvent et sont pris sous l'espèce du vin^ sans que pour cela il y ait double absorption. La raison en est que, quoique dans un même repas je mange avant de boire et après avoir bu , on ne dit pas pour cela que je prends deux repas. Nous parlerons de cela à la particule septième, à cette parole : Simili modo. Cependant^ comme le dit le pape Léon (De consec.yd. ii.,/n quibus) : « Pourquoi cherches-tu l'ordre de la nature dans le corps du Christ, puisque le Christ est né d'une vierge, en dehors des lois de la nature? »

XXVIIL Ici vient se placer un fait digne de remarque : Une certaine dame , chaque dimanche , offrait des pains au bienheureux Grégoire. Un jour que celui-ci, après la messe, lui présentait le corps du Seigneur et disait : Corpus Do- mini nostri Jesu Christiy etc., «Que le corps de notre Sei- gneur Jésus-Christ te garde pour la vie éternelle , » cette femme effrontée se mit à sourire. Le saint, éloignant rapide- ment l'hostie de sa bouche , déposa sur l'autel cette parcelle du corps du Seigneur; ensuite, devant le peuple, il demanda à cette femme pourquoi elle avait la témérité de rire : « C'est, dit-elle , parce que tu appelais corps du Seigneur ce pain que j'ai pétri de mes mains. » Alors le saint se prosterna en prières pour expier l'incrédulité de cette femme, et^ se levant, il trouva cette parcelle de pain devenue chair , ayant la forme d'un doigt; et ainsi il convertit cette dame à la foi. Il pria de nouveau, et vit cette chair redevenue pain^ dont il communia cette dame.

XXIX. On lit encore que Hugues de Saint- Victor , docteur éminent , étant malade de la maladie dont il mourut, demanda instamment à recevoir le corps du Seigneur ; mais, comme il ne pouvait garder aucune nourriture , ses frères , craignant les suites de cette perturbation de l'estomac, lui apportèrent une hostie non consacrée ; mais il reconnut en esprit cette super- cherie : c( Mes frères^ dit-il, que Dieu ait pitié de vous ; pour-

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quoi voulez- vous me tromper? ce que vous portez là n'est point mon Dieu. » Ceux-ci, frappés d'étonnement, lui appor- tèrent aussitôt le corps du Seigneur ; et lui , voyant qu'il ne pouvait le recevoir , éleva les mains vers le ciel et pria ainsi : « Que le Fils remonte vers son Père , et que l'esprit retourne vers celui qui l'a créé ; » et en disant ces mots il rendit l'es- prit, et le corps du Seigneur disparut de ce lieu {&).

XXX. Cinq motifs ont engagé le Christ à donner sur Fautel le sacrement de son corps et de son sang sous les espèces. Le premier motif est d'augmenter notre foi ; car dans ce sacre- ment on voit une chose que l'on croit être autre chose que ce que l'on voit. C'est pour que la foi soit méritante, alors que la raison humaine ne peut l'éclairer [De pœn., d. iv. In domo). Le second motif est de flatter les sens ; car l'esprit pourrait

(6) Ce trait ne doit pas être attribué à Hugues de Saint-Victor , comme le fait Durand; c'est Maurice de Sully, illustre évêque de Paris au XII^ siècle, qui en est le héros, comme l'attestent ces vers latins tirés d'un manuscrit de l'abbaye de Saint-Victor, à Paris :

Migrât Parisii Pater ad patriam paradisi

Mauricius, mundo Martha, Maria Deo. Sic obit a quinta Id. junii luce viator.

Esurit in vera carne videre Deum. Offertur panis, quem clausis sensibus extra,

Spiritus inspirât corporis esse cibum. Verbo, mente, manu^, panem calicemque repellit :

Et sic crelesti corripit ore cibum. « lUusere mihi velut hostes : postulo passum ,

c( Passum sub vera postulo carne Deum. » Rem stupet auditor, offert venerabilis abbas

Quod petit : occurrit mente manuque Pater. Sentit adesse Deum , fervescit in oscula : sanctum

Vas tenet , et verum corpus adorât ita. « Ecce salus mundi, Verbum Patris, hostia vera,

« Viva caro, deitas intégra , verus homo. » Sic spes hic meruit rem prsesentire , fidesque

Scire, videre Deum glorificandus homo. Sic amor exarsit, sic spes prsesentit : ut una

Grederet, et sciret crédita vera fides.

Csesarius {Histor. memor.), lib. 9, cap. 43; Jacques de Vitri [Hist. occi- ^dent.), cap. 38; Bu Breuil {Antiq. de Paris), p. 425 et 426, s'accordent à at- tribuer le trait précité à Maurice de Sully.

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270 RATIONAL

avoir de la répugnance pour ce qui frapperait la vue , parce que nous n'avons pas riiabilude de manger de chair crue ni de boire de sang humain [De con.s., dist. Partis est). En effet, les sens sont flattes en ce point qu'ils ne voient rien qu'ils n'aient coutume de voir, et la foi est édifiée en cet autre point qu'elle reconnaît en ce qu'elle voit une autre chose qu'elle ne voit point. Le troisième motif est pour éviter le ridicule, afin que le païen n'insulte pas le chrétien lorsqu'il s'approche de ce sa- crement, et afin que la vérité subsiste sans le ridicule. Le qua- trième motif est que l'homme mortel ne pourrait contempler l'éclat du corps du Christ, comme il arriva aux disciples lors de la transfiguration. En outre, le pain fortifie et le vin réjouit le cœur de l'homme. Enfin, pour le cinquième motif, on ne prend pas le corps du Christ sous l'apparence d'un agneau, de peur de paraître judaïser en offrant un agneau, suivant la coutume de l'ancienne loi.

XXXI. Suivent ces mots : fregit, « il rompit. » On a coutume de demander ce que le Christ rompit sur la table, et ce que le prêtre rompt sur l'autel. Il y en eut qui dirent que , de même qu'après la consécration restent les vrais accidents du pain , de même la vraie substance du pain reste aussi , parce que, comme le sujet ne peut subsister sans les accidents , ainsi les accidents ne peuvent exister sans le sujet ; car l'être , sous le rapport de l'accident, n'est autre chose que l'être en soi ou en substance. Mais la substance du pain et du vin restant au mo- ment où se prononcent ces paroles : corpus et sanguis Cliristi^i elle commence véritablement à être sous le corps et sous le sang ; de sorte que sous les mêmes accidents on reçoit véri-t tabloment les unes et les autres substances, c'est-à-dire le paiij et la chair, le vin et le sang. Les sens font l'épreuve de deux de ces substances, la foi croit les deux autres. C'est alors qu'ils disent que la substance du pain est rompue et broyée, détour- nant dans ce sens la parole de l'Apôtre : partis querrt frangimus, « le pain que nous rompons, » et celles-ci de saint Luc : c( Ls

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►remier jour du sabbat, étant venus pour rompre les pains, » d frangendum panem.

XXXII. Et, selon eux, lorsque l'hostie est rongée par un rat, e qui est mangé est la substance même du pain, sous laquelle 3 corps du Christ cesse aussitôt de se trouver lorsque la subs- mce du pain a commencé d'être rongée [De cons.^ d. ii, Qui ene super hoc verho : hoc est corpus meum) . Innocent III, dans on Miroir ecclésiastique ^ dit que la forme du pain est rompue t broyée, mais que le corps du Christ est pris et mangé, rap- ortant à la forme du pain ce qui marque la corruption, et au orps du Christ ce qui marque la réception. CarBéranger, qui tait soupçonné d'hérésie (c), confessa devant le pape Nicolas

(c) Béranger, archidiacre d'Angers, trésorier et écolâtre de Saint Martin de ours, dont il était natif, vivait dans le XI« siècle. Il fut le prennier qui osa dire ue le sacrement de l'Eucharistie n'était que la figure du corps de notre Seigneur 5sus-Ghrist ; opinion dans laquelle il engagea Brunon, évéque d'Angers, et plu- eurs autres qui publièrent cette doctrine en France, en Italie et en Allemagne, e pape Léon IX lacondamna, avec ses fauteurs, dans un Concile de Rome, enl050. éranger se retira en Normandie, dans le dessein d'engager Guillaume, duc de oimandie, dans ses sentiments. Il fut condamné, dans une assemblée d'évêques înue à Brionne, et dans le Concile de Verceil tenu au mois de septembre de an 1050. Béranger, chassé de Normandie, se retira à Chartres, où il n'osa se éclarer, Théoduin, évêque de Liège, écrivit contre lui ; et Henri I", roi de rance, fit tenir un Concile à Paris au mois de novembre de l'an 1050, qui Dndamna la doctrine de Béranger, sa personne et ses sectateurs. Adelman, clerc e l'église de Liège, et Ascelin, moine de Saint-Evron , écrivirent des lettres Dntre lui. Léon IX étant mort en 1054, Hildebrand, légat en France de Victor II, nt un Concile à Tours, où il fit venir Béranger, qui prit le parti d'^abandonner 3S sentiments et de s'obliger avec serment de tenir la doctrine de l'Eglise tou- hant la réalité du corps et du sang de Jésus-Christ dans l'Eucharistie; mais, u il n'agissait qu'avec dissimulation, ou il changea bientôt de sentiments, car près ce Concile il continua à dogmatiser comme il avait fait auparavant, et à omposer des écrits pour soutenir son hérésie. Nicolas II, qui succéda en 1058

Etienne X, successeur de Victor, cita Béranger au Concile de Rome de l'an 059 , composé de 113 évoques de diverses nations. Béranger y signa une for- lule de foi dressée par le cardinal Humbert, dans laquelle il reconnut que le pain t le vin, après la consécration, ne sont pas seulement le sacrement, mais aussi î vrai corps et le vrai sang de notre Seigneur Jésus-Christ, et qu'il est touché ar les mains des prêtres, rompu et moulu par le? dents des fidèles. Il brûla 3S écrits et le hvre de Jean Scot. Cette profession de foi semblait être sincère; lais Béranger ne fat pas plus tôt revenu en France, qu'ayant trouvé le roi Henri lort et son fils Philippe en bas âge, il recommença à soutenir de nouveau son rreur. Le pape Alexandre II lui écrivit pour l'exhorter à se soumettre; mais

répondit qu'il n'en ferait rien. Il fut déféré en 1075 à un Concile de Poitiers :

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que lo pain vi le vin qui sont placés sur raulel après la consé- cration sont non-sculcmcnt un sacrement, mais encore réelle- ment le vrai corps et le vrai s;mg de Jésus-Christ, et que, sen- siblement et en vérité , le sacrement est touché et rompu par les mains des prêtres et broyé sous les dents des fidèles. Or, le corps du Christ ne peut être ni divisé en partie, ni broyé sous les dents, puisqu'il est immortel et impassible. Mais saint Au- gustin nous montre en quoi pourrait se faire la fraction ou le broiement [De comec,^ dist. ii. Qui mnnducat), lorsqu'il dit : « Quand le Christ est mangé, il restaure, il ne fait pas défaut; et quand nous le mangeons , nous ne le partageons pas. » Ef cela se passe ainsi dans le sacrement de l'Eucharistie. Car le Christ blâma vivement le sens charnel de ses disciples , qui pensaient que sa chair, comme une autre chair, serait divisée en parties et broyée sous les dents. Or, on dit la forme du pain, non qu'elle existe, mais parce qu'elle a existé ; de même qut Simon était appelé lépreux, non qu'il fût tel, mais parce qu*i l'avait été jadis.

XXXIII. Or, si l'on demande ce qui est mangé quand le sa- crement est rongé par un rat , ou ce qui est réduit en cendn quand le sacrement est brûlé , Innocent lui-même répondri que, de même que la substance du pain est miraculeusemcn changée au corps du Seigneur ([uand elle commence à fair partie du sacrement , de même, en quelque sorte, elle revien miraculeusement à sa forme primitive quand le corps du Sel gneur cesse d'exister sous son apparence; non qu'elle redc

Brunon se déclara alors contre sa doctrine, et enfin Grégoire VII cita Dérange à Rome. Il y comparut dans un Concile tenu en 1078, et y signa une nouv profession de foi ainsi conçue : '( Ego, Berengarius, corde credo et corde fiteor panem et vinum quae ponunlur in allari, per mysterium sacrae oralioij^ et verba nostri Redemptoris, substantialiter converti in veram ac propria m yl"\fi viviticatricem carnem et sanguinem Jesu Chri&ti Domini nostri » (ex Bertoldof Reg. Grcgorii VII, lib. 6), et promit de n'enseigner i)lus rien contre cette fo Cependant Bérnn.L'er fut encore accusé au Concile de Bordeaux de l'an 1080, ( jg obligé d'y rendre compte de sa foi. — Il mourut le 6 janvier 1088, converti « , Ion les uns, et, suivant les autres, dans ses sentiments erronés. ' ^

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vienne pain, cette substance qui a été changée en chair, mais à sa place est créée miraculeusement une autre substance, quoique les accidents de cette espèce puissent être sans sujet; et c'est dans cet état qu'il peut être rongé.

XXXIV. Dédit. On a coutume de demander quel fut le corps du Christ dans la cène ; s'il le donna mortel ou immortel, passi- ble ou impassible, et autres choses qui concernent cette ques- tion. Et quoique dans la simplicité de la foi il suffise qu'il Tait donné tel qu'il l'a voulu (et il sait bien lui-même comment il l'a donné), cependant il y en a eu qui ont prétendu que, de même qu'il était réellement le même qui donnait et qui était donné, de même en tant qu'il donnait il était passible et mortel, et en tant qu'il était donné immortel et impassible, comme il se portait visiblement et était invisiblement porté ; invisiblement, dis-je, quant à la forme du corps , non quant à l'espèce du sa- crement. Car, en tant qu'il se portait il apparaissait ce qu'il était; mais en tant qu'il était porté, ce qu'il était lui-même n'apparaissait pas, parce que la forme du pain et du vin voilait la forme de la chair et du sang. Celui-ci est le vrai David, qui, devant Acchis, roi de Geth, se portait de main en main! Donc , puisqu'il était donné imm.ortel , il était mangé d'une manière incorruptible. Ceux-là accordent sans doute que si quelque partie du sacrement eût été conservée pendant les trois jours de la mort du Christ, le même corps fût tout à la fois resté soumis à la mort dans le tombeau et vivant dans le sacrement; que sur l'autel de la croix il souffrait, et que sous la forme du pain il ne recevait aucune atteinte. Mais quelquefois on consi- dère comme incroyable que, selon la même nature, il fut tout à la fois mortel et immortel, ce qui, cependant, lui convenait, selon la même personne. D'autres ont dit que le Christ, à h vérité, fut mortel, non par nécessité, mais par volonté. Car, en ce qu'il était exempt de toute faute, il était hbre de toute peine ; de sorte qu'il ne devait rien à la mort, puisqu'il n'avait rien du péché. Il souffrit pourtant de lui-même et volontairement

Tome IL . ,.

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la condition de la mort, parce qu'il voulait supporter la mort, et que, s'il n'eût pas accepté la mortalité, il n'eût pu mourir entièrement. Afm donc de prouver qu'il était mortel (non par nécessite, mais volontairement), il déposa son immortalité quand il le voulut , et quand il le voulut aussi il reprit la con- dition mortelle. On lit dans l'Evangile que, les Juifs ayant con- duit Jésus sur le faîte d'une montagne pour le précipiter en bas, le Sauveur, traversant au milieu d'eux, s'en alla paisible- ment. En allant sur la montagne, il se laissait tenir comme un homme passible ; mais quand il fut sur le point d'être préci- pité , en sa qualité d'être impassible il passa paisiblement au milieu de ses ennemis.

XXXV. Cependant on peut, sans blesser la foi, accorder qu'il donna dans la cène un corps mortel tel qu'il l'avait alors, et évidemment aussi un corps passible, non qu'il puisse souf- frir sous le sacrement, c'est-à-dire maintenant, mais parce qu'il pouvait soufTrir sous le sacrement, c'est-à-dire à cette époque. Maintenant nous le prenons dans un état d'immorta- lité et d'impassibilité , et cependant il n'a maintenant ni une plus grande efficacité, ni une plus grande puissance. Or, parce' qu'il était mangé dans un état de passibilité, cependant il n'é- tait pas lésé; il n'appartenait pas à la nature humaine, mais en lui était la puissance divine , par laquelle il voulait tout ce ' qu'il voulait absolument. ,

XXXYI. Discipulis suis. On a coutume de douter si Judas reçut l'eucharistie avec les autres apôtres : car saint Luc le montre en compagnie des autres , puis aussitôt après il parle] de la livraison du calice, en faisant dire au Christ : « Ceci est le calice du Nouveau-Testament dans mon sang , qui sera ré- pandu pour vous ; et cependant voici que la main de celui qui va me livrer est avec moi sur la table. » Or, tous ceux qui furent présents reçurent l'eucharistie, selon le témoignage de saint Marc, qui dit : a Et tous burent de ce calice, » d'après ce que le Christ lui-même avait ordonné , témoin saint Mathieu :

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« Buvez-en tous. » D'un autre côté, il n'est pas prouvé que Judas fût présent; car, selon saint Mathieu, Jésus dit aussitôt à ses apôtres, en buvant le calice : « Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu'à ce jour où je le boirai de nouveau avec vous dans le royaume de mon Père, y) Or, Judas n'était pas pré- sent, car il ne devait pas boire avec Jésus dans son royaume. En ce cas^ peut-être faut-il s'en tenir à ce que saint Jean insi- nue, que lorsque Judas eut reçu sa bouchée de pain il sortit sur-le-champ;, car il était nuit. Or, le Christ ne donna l'eucha- ristie qu'après les autres mets ; témoin saint Luc , qui dit : Si- militer et calicem postquam cœnavit; « Il prit pareillement le calice après qu'il eut soupe. » Il est donc évident que Judas sor- tit avant que le Christ donnât l'eucharistie. Ce que saint Luc dit en ces termes : a post calicis traditionerriy » peut s'entendre comme récapitulation^ parce que souvent, dans l'Ecriture i sainte^ ce qui a été fait antérieurement est raconté après, I comme dans saint Mathieu, qui, deux jours avant la Pâque, ^ parle du vase d'albâtre rempli du parfum" que , selon saint Jean, une femme répandit, six jours avant la Pâque ;, dans la maison de Simon le lépreux.

! XXXVII. Mais, en accordant que Judas ait reçu l'eucha- ristie^ ce que la plupart accordent , d'où vient que le médecin qui sauve donna au malade une médecine qu'il savait devoir lui être mortelle, car celui qui mange indignement mange sa I propre condamnation ? Je réponds : Peut-être était-ce pour en- seigner^ par son exemple, que le prêtre ne doit pas refuser la I communion à celui dont le crime, bien que lui étant connu, n'est cependant pas manifeste pour l'Eglise, de peur que peut- être il le fasse connaître sans le corriger. C'est pourquoi on lit au canon (De consec^ à. ii, Non prohiheat) : « Que le dispensa- teur, c'est-à-dire le prêtre , n'éloigne pas ceux qui se sont en- graissés sur la terre, c'est-à-dire les pécheurs, de la table du Seigneur ou de la réception du corps et du sang du Christ, ,;pinais qu'il avertisse letransgresseur de craindre, y) Mais, comme

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c'est un moindre mal d'être suspecté de crime que de com- mettre le crime, et que de deux maux, quand l'un des deux est imminent, il faut choisir le moindre (xni dist., Duo, etc.), il paraît convenable que le prêtre discret refuse l'eucharistie au criminel , en tant qu'il s'expose à un mal moindre pour en éviter un plus grand , c'est-à-dire en faisant planer le soupçon pour empêcher qu'on ne mange indignement, ou en le rendant suspect pour l'empêcher de manger indignement. Sans doute, comme le prêtre ne doit point commettre un seul péché mor- tel de peur que notre prochain n'en commette un autre mor- tel , le prêtre doit plutôt ne pas démasquer le pécheur que de l'empêcher de pécher ; mais il vaut mieux qu'il le rende suspect en l'éloignant, que de le laisser manger indignement en lui donnant la communion (xiv d., cl).

XXXYIII. Mais on demande si le Christ donna l'eucharistie à Judas pour son bien ou pour son malheur ? Et, à la vérité, il ne paraît pas la lui avoir donnée pour son bien, pour ne pas être trompé dans son intention , lui qui , selon le Prophète , a fait tout ce qu'il a voulu : car Judas ne la prit pas pour son bien, mais pour son mal ; mais il ne paraît pas que Jésus-Christ la lui ait donnée pour son mal, parce que le Christ n'est pas l'au- teur, mais le vengeur du mal. On répond que si cette préposi- tion ad y lorsqu'il est dit : dédit ad malum^ dénote l'intention ou l'effet, la proposition est fausse ; mais si elle marque la con- séquence ou l'effet, elle est vraie. C'est sans doute parce que Jésus-Christ présenta à Judas une bouchée trempée, qu'il a été établi par l'Eglise que l'eucharistie ne serait pas trempée {in-'M tincta (18) Deconsec, dist. n, Cum omne). On ne doit pas en- tendre que le Christ ait donné à celui qui le livra l'eucharistie dans une bouchée trempée ; mais que , par la bouchée trem- pée, il voulut désigner celui qui le trahissait.

XXXÏX. Suivent ces mots : Accipite etmanducate, a Prenez et mangez. » Qui jamais croirait que le pain eût pu être changé en chair et le vin en sang, si le Sauveur lui-même ne l'eût dit.

ij

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lui qui a tiré le pain, le vin et tout ce qui existe des choses in- visibles ? Il a donc voulu que le pain et le vin lui fussent offerts par nous et fussent consacrés par lui d'une manière divine, afin que le peuple fidèle croie que c'est un vrai mystère ce qu'il a donné lui-même à ses disciples, en leur disant : c( Prenez et mangez; » et il s'exprima dans des termes semblables tou- chant le calice.

XL. Sans doute, il ne faut pas entendre ceci dans ce sens que les disciples, recevant le corps des mains du Seigneur, se l'ad- ministrèrent eux-mêmes. Celui-là même fut le ministre du sa- crement qui en fut le consécrateur. Ces mots nous insinuent que le Christ voulut dire en quelque sorte : « Prenez ce sacre- ment par une double manducation. » Car le corps du Seigneur est mangé doublement, parce qu'on le comprend d'une ma- nière double , savoir : le vrai corps , qu'il tira du sein de la Vierge et qui fut suspendu sur la croix , et le corps mystique, qu'il tire de l'Eghse, fécondée parle Saint-Esprit. Touchant son vrai corps , le Seigneur dit : « Ceci est mon corps , qui sera livré pour vous. )> Touchant le corps mystique , l'Apôtre dit : <( Nous sommes beaucoup, n'ayant qu'un pain et né foirant qu'un seul corps. » Mais le vrai corps du Christ est mangé sa- cramentellement, c'est-à-dire sous les espèces ; et le corps mys- tique est mangé spirituellement , c'est-à-dire sous l'espèce du pain, par la foi du cœur. Touchant la manducation sacramen- telle, le Seigneur dit : « Prenez et mangez, ceci est mon corps qui sera livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. » De cette manière, les bons comme les méchants mangent le corps du Christ; mais les bons le mangent pour leur salut et les mé- chants pour leur jugement. Car si les méchants aussi ne man- geaient pas le corps du Christ , l'Apôtre n'eût pas dit aux Co- rinthiens : c( Celui qui mange indignement, mange son juge- ment, ne discernant pas le corps du Seigneur. » Or, celui-là e prend indignement qui le prend sacramentellement et non spirituellement ; car Judas est dit avoir reçu l'eucharistie avec

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les autres, comme on l'a déjà vu. Touchant la manducation spirituelle, le Seigueur dit : a Si vous ne mangez la chair du Fils de l'honuîie et ne huvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous. » C'est de cette manière que les bons seuls man- gent le corps du Christ ; d'où : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang reste en moi, et moi en lui. » Car celui qui de- meure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu en lui : a Pour- quoi prépares-tu ta dent et ton ventre? crois, et tu as mangé » {Deconsec.y d. n, Ut quid). Celui qui croit au Christ mange le Christ, parce qu'il est incorporé au Christ par la foi, c'est-à- dire il devient membre du Christ ou s'identifie d'une manière plus forte avec le Christ, par T union de son corps avec celui du Christ. Car, en d'autres termes, ce que l'on mange s'incor- pore, et celui qui mange incorpore. Or, ce qui est mangé in- corpore, et celui qui mange s'incorpore. Le Christ insinue l'un et l'autre modes de manducation, quand il dit : u C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien, » parce que la chair du Christ , si elle n'est mangée spirituellement , est mangée non pour le salut, mais pour le jugement.

XLI. Mais qu'advient-il du corps du Christ, quand il a été pris et mangé? On peut répondre que, si l'on cherche la présence corporelle, c'est dans le ciel qu'il faut la chercher, dans le ciel, où le Christ est assis à la droite de Dieu [De consec.^ d. H, Tribus). Pour un temps, toutefois, il y a eu présence cor- porelle comme invitation à la présence spirituelle. D'où vient que, lorsque le sacrement est pris, goûté et mangé, le Christ se manifeste corporellement à la vue et au goût, et tant que le sens corporel est affecté, la présence corporelle demeure; mais dès que la perception échappe au sens matériel, il ne faut plus chercher de présence corporelle, mais garder la présence spi- rituelle, parce que, par une dispensation complète, le Chrisf passe de la bouche dans le cœur , et il vaut mieux qu'il s'em- pare de l'esprit que de descendre dans le ventre. Il est la nour- riture non de la chair, mais de l'ame ; il vient pour être mangéj

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non consommé ; pour être goûté, non incorporé; on le mange par la bouche^ mais il n'est pas digéré par l'estomac. Il restaure l'ame, mais il ne passe pas par les entrailles. Or, ce que dit le Seigneur : « Tout ce qui entre dans la bouche se dirige dans les entrailles, pour être rejeté du corps^ » ne s'entend pas de la nourriture spirituelle, mais delà nourriture corporelle.

XLII. Que si^ par hasard, après la seule réception de Teu- charistie , l'évacuation ou le vomissement arrive ( ils ne sont produits que par les humeurs provenant des accidents, et semblables aux humeurs qui sont la matière provenant d'une nourriture quelconque qui s'échappe par évacuation ou vo- missement), elle conserve en tout, à nos yeux, la ressemblance d'une nourriture corruptible, mais en elle-même ne perd rien de son essence de corps immolable [immolabilis], quand même l'espèce se trouve souillée et maculée. Mais la vérité n'est ja- mais corrompue ni souillée, et quand tu vois quelque chose de tel arriver, ne crains point pour le corps du Christ, ne t'in- quiète que de toi, de peur que, par hasard, tu ne sois lésé si tu n'as pas la foi nécessaire.

XLIII. Suivent ces mots : «Ceci est mon corps. » Comme c'est en prononçant ces mots : Hoc est corpus meum : « Ceci est mon corps, » et ceux-ci : Hic est sanguis meus^ « Ceci est mon sang , » que le pain est changé au corps, et le vin changé au sang ( De consec, d. ii, Partis est) , et que les uns sont pro- noncés avant les autres , il paraît que le pain est changé au corps avant que le vin soit changé au sang ; et ainsi il paraît, par conséquent , que le corps est sans le sang, ou le sang sans le corps. C'est pour cela qu'il a été dit par certains auteurs que tout est achevé lorsque tout a été dit, soit qu'ils veuillent ou ne veuillent pas déterminer le moment de la transsubstantiation. Mais d'autres disent que, quoiqu'au moment où les précé- dentes paroles sont prononcées le pain est auparavant changé au corps , et au moment où sont prononcées les paroles sui- vantes le vin est après changé au sang, jamais cependant le

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corps n'est sans le sang, ni le sang sans le corps (De consec, d. n). Nous avons découvert que, de même que ni l'un ni l'autre n'est sans ame , ainsi sous la forme du pain le sang existe dans le corps par le changement du pain au corps , et vice versa. Non que le pain, c'est-à-dire le corps, soit changé au sang ou le vin au corps ; mais ni Tun ni l'autre ne peuvent exister sans leur complément. On parlera bientôt de cela.

XLIV. Mais on demande ce que démontra le Christ quand il dit: Hoc est corpus meum^ « Ceci est mon corps. » Par le pronom hoc _, il ne paraît pas qu'il ait entendu parler du pain, parce que le pain n'était pas le corps du Christ, ni même un corps, puisqu'il n'avait pas encore prononcé ces paroles par la vertu desquelles il changea le pain en son corps. Tou- chant ce pronom hoc , quelques-uns prétendent qu'il ne dé- ( montre rien, mais qu'il se trouve placé là matériellement. Mais, d'après cela , comment la transsubstantiation s'opércrait-elle ) au moyen d'un mot qui ne signifie rien? Outre cela, le Sei- gneur se servait de ce mot d'une manière significative, et pour nous ce serait un mot insignifiant et matériel ! Donc , nous ne faisons pas ce que le Christ lui-même fit. D'autres disent que telle a été la vertu donnée à ces mêmes paroles, qu'au moment où elles sont prononcées la transsubstantiation s'o- père. Ainsi, c'est pour cela que le prêtre ne les profère pas d'une manière significative , parce qu'il ne pourrait les profé- rer ainsi. Il mentirait, s'il ne disait : « Ceci est mon corps. » Mais celui-là se tire facilement du filet de la question précitée qui dit que le Christ consacra alors qu'il bénit , ce dont on a parlé au moi' Benedi.xit. Car, si on objecte que le prêtre consa- i cre alors qu'il prononce ces paroles, on répondra que le prêtre I ne démontre rien , puisque le prêtre ne se sert pas de ces pa- ! rôles d'une manière énonciative, mais d'une manière récita- tive, comme il fait quand il dit : Ego vitis vera^ ego luxmundi; « Je suis la vraie vigne, je suis la lumière du monde, » et d'au- tres passages innombrables où revient cette formule.

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XLV. On demande encore ce que le prêtre a désigné en disant : Manducate ex hoc omnes , « Mangez-en tous , » quoi- que dans aucun des quatre évangélistes ceci ne se lise du corps, mais soit dit seulement du sang : Bibite ex eo omnes, « Buvez-en tous ; » car, lorsqu'il a eu rompu le pain , s'il a dé- signé un des fragments, tous ne devaient pas manger ce frag- ment, mais il devait en distribuer un à chacun d'eux {De con- sec. y d. II, Singuli.^ et c. seq.) ; s'il a désigné son corps, ils ne pouvaient manger de ce corps , mais bien manger ce corps , parce que le corps du Christ ne se mange point par partie , mais bien tout entier. Sans doute, il arrive fréquemment dans l'Ecriture sainte qu'il semble qu'il ne s'agisse que d'une seule chose, quand il est question de diverses choses, comme est ceci : Benedixity fregit et dédit , « Il bénit, rompit et donna, » pour : c( 11 bénit le pain, rompit la forme, et donna le corps. » [1 en est de même quand il dit : Manducate ex hoc omnes , « Mangez-en tous ; » le pronom désigne le corps tout entier, et la préposition ex signifie que la forme est divisée de telle sorte que le sens est : ce Mangez le corps tout entier sous la forme di- visée ; » car la forme seule est divisée en parties , et tout le corps est mangé en entier. On peut entendre semblablement qu'il ajouta : « Ceci est mon corps, » c'est-à-dire « ce que je présente sous cette forme. »

I XL VI. On demande encore si une addition ou une soustrac- tion, une transposition , interposition ou une mutation, se faisant lans la formule de paroles dont se servit le Christ , empêchent i'effet de la consécration ; comme si on disait par addition : Roc «f corpus, etc., quod assumpsi de Virgine, ce Ceci est mon corps |ïue j'ai pris dans le sein de la Vierge ; » ou par soustraction, ïïoc est corpus, « Ceci est un corps, » en retranchant meum,

mon; » ou par transposition, comme en disant : Corpus meum toc est ; ou par interposition , comme en disant : Hoc est corpus Ulque meum y « Ceci est certainement, etc. ; » ou en chageant m mot , comme ceci : Hoc est corpus Jesu. Mais il pèche griè-

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vemcnt celui qui, n'importe de quelle manière, entreprend sur quelqu'un de ces mots, surtout s'il a l'intention de changer la forme ou d'introduire une hérésie [De consec, d. xiv, Retur lerunl), parce que la forme des paroles dont le Christ s'est servi doit être en tout conservée intacte , quoique (suivant le Philosophe) les noms et les mots transposés aient la même signification ( Extra De rescriptum ) , et que l'utile ne soit pas vicié par l'inutile, ni un mot par un autre mot, car c'est le sens qui doit être tiré du sens (Extra Deverh. sign. prœtereà). Mais si, entre renonciation de la forme du pain et celle du vin, il se trouve un intervalle, la transsubstantiation se fait- elle néanmoins? A ce sujet , point de doute pour ceux qui as- surent qu'il y a deux formes, comme on le dira bientôt [De hœc not. de consec. , d. ii, Partis, si non sanctificalur).

XLVll. Mais comme, en prononçant ces paroles : a Ceci est mon corps, » le pain est changé en chair [De cons.y d. ii,i Panis), et qu'en prononçant celles-ci: «Ceci est mon sang, » le vin est changé en sang, il paraît que le pain sans le vin et que le vin sans le pain peuvent être consacrés , comme il a été dit ci-dessus. Ainsi donc, si, après renonciation des premières pa^ rôles et avant l'expression des dernières , il arrive au prêtre un accident qui l'empêche de continuer, il y a apparence que la chose arrive comme il a été dit, si le pain est changé en chair, le vin n'ayant pas encore été changé au sang. Faudra-li t-il donc, en ce cas, qu'un autre prêtre recommence tout le sa-lris crifice depuis le commencement, et réitère sur le pain la con sécration ; ou bien commencera-t-il à l'endroit où le premier s fini, etfaudra-t-ilquele mystère de l'unité soit scindé? (Extra D«  elect . , Quod sicut) . A ce suj et on lit dans le V* Concile de Tolèdr (q. I, Nihil) : « Nous avons pensé que, lorsque les saints mystère sont consacrés par les prêtres au temps de la messe, s'il sur vient quelque indisposition à un prêtre qui l'empêche d'ache ver le mystère de la consécration déjà commencée, il convien de laisser à l'évêque ou à tout autre prêtre le pouvoir d'achevé

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la consécration de l'office commencé , comme on Ta fait dans les conciles précédents [supplée], qui permettent volontiers qu'un prêtre succède à un autre pour compléter son office. » Nous parlerons encore de ceci à la septième particule du canon, à cette parole : Novi et œterni^ à la fin. Mais^ comme il y a di- verses opinions entre les théologiens touchant le temps de la consécration , certains disant que tout n'est fait que lorsque tout a été dit, d'autres assurant que le pain est d'abord changé au corps et que le changement du vin au sang n'a lieu qu'a- près , comme il a été dit , il en résulte que la plupart , mar- chant plus sûrement , affirment qu'un autre prêtre doit répé- ter la consécration et l'achever, parce qu'on ne peut dire répété ce qu'on ignore avoir été fait une première fois ( Extra De sacra non iter.^ ci). Cependant, pour qu'il n'y ait point ré- pétition ni division sacrée^ pour qu'aucun scrupule d'erreur ou de doute ne puisse rester^ il est jugé plus prudent de re- nouveler cette hostie , par égard pour les faibles ; de répéter tout le canon sur les autres espèces du pain et du vin; et, quant à l'hostie remplacée , après avoir été consacrée elle sera prise à la fin de la messe par un prêtre ou par un autre.

XL VIII. Mais, si l'on ne peut trouver de vin, et que, pour quelque raison que ce soit, il vienne à manquer, on demande [ si, la nécessité pressant et le cas intervenant, la seule matière [ du pain peut être consacrée pour l'eucharistie , ou si l'eucha- ristie doit être conservée sous la seule espèce du pain ? Il y en a qui disent que , comme c'est la parole et l'élément qui font le sacrement , ni la forme des paroles, ni la matière des choses que le Christ a exprimées ne peuvent être changées ou divisées, parce que , de même que le vin ne peut être consacré sans le pain, de même le pain ne peut être consacré sans le vin. D'où, soit que de l'eau soit versée dans le calice au lieu du vin, soit que Ide la farine d'orge soit pétrie en pain pour remplacer le fro- iment, comme ces deux substances sont neutres en elles-mêmes, de même ni l'une des deux substances de pain et du vin n'est

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Iranssubstanlicc en chaii' avec une autre, ni l'autre changée en sang avec la première. Car^ si le pain sans le vin ou le vin sans le pain pouvaient être changes en chair ou en sang dans les pays où ni l'un ni Tautre ne peuvent être trouvés, l'un pour- rait licitement être consacre sans l'autre , car l'ignorance excuse moins que la nécessité, ou la négligence que la difficulté. Mais d'autros disent que, puisque le Christ "changea le pain en chair avant d'avoir changé le vin en sang, comme le texte de l'E- vangile le montre, il arrive aussi que le pain est consacré sans le vin, et que le vin est consacré sans le pain. Cependant il pèche gravement celui qui, par négligence ou par ignorance_, omet l'une ou l'autre espèce. Celui-là pèche plus gravement encore qui le fait sciemment ou volontairement, surtout s'il a l'intention de changer la forme du sacrifice ou d'introduire une hérésie.

XLIX. Que doit donc faire le prêtre, si, après la consécra- tion, il s'aperçoit qu'il a omis le vin? Je réponds : S'il l'a fait vo- lontairement, pour introduire une hérésie, le sacrement du corps ne subsiste pas ; mais, s'il l'a fait par oubli ou par négli- gence, néanmoins le corps a été consacré, comme on l'a vu plus haLui{Decons.yd. iv,/?efu/erwnt). Car alors, comme disent quel- ques-uns, il doit verser le vin et prononcer sur lui seulement les paroles de la consécration du sang, c'est-à-dire à partir de ces mots : Simili modo /]\isqu'k\ai fin, en omettant toutefois les deux croix qui se font séparément sur le pain. D'autres disent que, le vin étant versé dans le calice , on doit mêler dedans le pain consacré et prendre ainsi le sacrifice sans aucune répétition, comme il arrive le Vendredi saint. Il paraît à d'autres qu'on ne doit pas verser le vin, pour éviter le scandale. Mais ce que di- sent les premiers est plus vrai , car il vaut mieux donner lieu au scandale que d'omettre la vérité (Extra De rejus. qui scanda- lizaierit) . Car si cette vérité est omise , c'est-à-dire si le vin n'est pas servi , cela ne peut pas vraiment être appelé sacre- ment. On ne doit prendre ni le corps et le sang mélangés, ni le

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corps du Christ sans son sang [De consec, d. ii, Comperimus) ; mais il faut conserver l'hostie et répéter le canon sur les autres espèces, comme on Ta dit ci-dessus. Cependant, si le prêtre, ayant pris de l'eaU;, rompait ainsi le jeûne , il ne devrait pas renouveler le sacrifice ce jour-là. Mais si, avant les paroles de la consécration, c'est-à-dire hic est calix, etc. , il remarquait par hasard que le vin ou même le vin et l'eau ont été omis, alors, qu'il les verse dans le calice et continue la consécration en recommençant à partir de cet endroit : Hanc igitur oblatio- nem , etc. Mais si le vin était versé sans l'eau , le sacrifice n'en existerait pas moins, comme il sera dit à la particule suivante, à ces mots : Novi et œterni Testamenti. Quant à ce qui pourrait arriver si quelques gouttes de sang s'échappaient du calice, on en parlera à ces mots : Qui pro multis, etc.

L. Mais, comme quelquefois un grand nombre de prêtres célèbrent avec le pontife seul, comme il sera dit dans la sixième partie, à Farticle du Jeudi saint, jour auquel l'on fait l'huile des infirmes , si , par hasard , tous en même temps ne prononcent pas les paroles consécratoires, on demande si celui-là seul con- sacre qui les prononce le premier, et si les autres réitèrent le sacrifice. Car, si on accorde ce point, il pourra advenir que celui-là ne consacre pas qui est le principal célébrant, et que celui-là consacre qui ne célèbre que d'une manière secondaire ; et ainsi la pieuse intention du célébrant est fourvoyée. Sans doute on peut dire que, soit que les prêtres prononcent les pa- roles plus tôt ou plus tard, leur intention doit être rapportée à l'instant où l'évêque , le principal célébrant et avec lequel ils com:élèbrent , prononce lui-même les paroles , et alors tous consacrent et consomment le sacrement en même temps, quoi- que plusieurs soient d'avis que celui qui prononce le premier est celui qui consacre , et que l'intention des autres n'est pas dévoyée , parce que ce qu'ils se proposaient de faire a été fait. Or, les prêtres cardinaux ont coutume de se tenir autour du Ipontife romain et de célébrer pareillement avec lui, et, après

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la consommation du sacrifice, de recevoir la communion de sa main, symbolisant ainsi les apôtres, qui, assis à la même table avec le Seigneur, reçurent de sa main la sainte eucharistie ; et, en tant qu'ils célèbrent, ils représentent les apôtres, qui alors reçurent du Seigneur la connaissance du rit du sacrifice.

LI. C'est avec raison qu'après avoir prononcé ces paroles : Hoc est corpus meum, « Ceci est mon corps^ » le prêtre élève le corps du Christ (19) : d'abord, pour que tous les assistants le voient et demandent ce qui est nécessaire au salut, conformé- ment à ces paroles (Joann., xii) : «Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi. » Secondement, c'est pour marquer qu'il n'est pas d'autre sacrifice digne de Dieu , et qu'il est au- dessus de toutes les hosties. Troisièmement, l'élévation de l'eu- charistie dans les mains du prêtre signale le Christ comme le vrai pain exalté par les prophètes dans les Ecritures , quand, - par exemple, ils prophétisaient son incarnation ; d'où Isaïe dit : - Ecce virgo concipiety «Voilà qu'une vierge concevra, » et que cette nourriture serait la plus excellente de toutes ; et il parle semblablement du divin breuvage. Quatrièmement, elle signifie la résurrection. Cinquièmement, l'hostie est élevée, pour que le peuple n'anticipe pas sur la consécration , mais : que , sachant, par l'élévation, qu'elle est accomplie et que le Christ est descendu sur l'autel, il se prosterne à terre avec res- pect, d'après ces paroles de l'Apôtre aux Philippiens : In no- mme Jesu omne genu fleclatur, etc., « Qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse , « et qu'on l'adore de cœur comme de bouche , selon cette parole de l'Apôtre aux Romains : Corde creditur ad- justitiam , ore autem confessio fit ad salutem ; « C'est par le cœur que l'on croit à la justice; mais les paroles que prononce la bouche servent pour le salut. » Une autre raison en sera donnée vers la fin de la onzième particule dulg^ canon.

LII. Donc, quoique la foi suffise pour le salut, d'après cej|'p que dit saint Augustin [De consec, dist. ii, Vt quid., crede, et

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manducastiy a Crois, et tu as mangé »), cependant l'élévation n'est pas superflue, tant à cause des raisons susdites que parce que c'est là le temps et le lieu de faire des œuvres , car ce la foi sans les œuvres, dit saint Jacques, est une foi morte. )) C'est pour les mêmes raisons qu'a lieu l'élévation du calice ; et, quoique le sang ne puisse être aperçu , cette élévation n'est pourtant pas superflue. Or, le calice doit être élevé couvert; nous en parlerons dans la particule suivante^ à ces mots : Qui pro vohis , et le corps autant que le calice , puisque tous deux sont élevés pour commander un plus grand respect et un plus grand silence. Ensuite le prêtre serre les pouces et les index, comme on le dira à cette parole : Et memores,

LUI. Or, à l'élévation de l'hostie et du calice la sonnette est agitée , car, dans l'Ancien-Testament, les lévites, dans le temps du sacrifice, sonnaient dans des trompettes d'argent, afin que ce son avertît le peuple qu'il se préparât à adorer le Seigneur. Pour la même raison, la sonnette est agitée quand le corps du Christ est porté aux malades. C'est ainsi que la mule qui porte la chapelle de notre Saint-Père le Pape a une sonnette au cou, par respect pour les reliques qu'elle porte. Alors aussi on allume des cierges pour la raison qui a été dite dans la deuxième )artie, au chapitre de l'Acolyte.

CHAPITRE XLII.

DE LA SEPTIÈME PARTIE DU CANON.

1. Simili modo y etc. Ces paroles sont la septième partie du

anon. Quoique le corps et le sang soient pris sous les deux es-

3èces, cependant l'une et l'autre espèce est consacrée, et ni l'une li l'autre n'est superflue {De cons.^ d. n, Comperimus), afin que 'on voie que le Christ a pris la nature humaine;, c'est-à-dire un

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corps et une ame pour racheter l'homme tout entier. Car le pain se rapporte à la chair, et le vin à Tame , parce que le vin forme le sang, où réside l'ame (XIII, q. ii, Moses). D'où vient qu'on lit dans le Lévitique : Anima carnis in sanguine, « L'ame de la chair est dans le sang. » Moïse, de son côté, atteste que la chair est offerte pour le corps et le sang pour l'ame : c'est pour- quoi le pain et le vin sont offerts en sacrifice pour la protection du corps et de l'ame ; qu'on ne éprenne donc pas sous l'espèce du pain l'espèce du sang avec le corps , mais qu'on ne prenne le sang que sous son espèce particulière , avec la pensée qu'on ne peut parvenir au salut que de cette manière. Et, quoique sous l'espèce du pain le sang soit pris avec le corps, et que sous l'espèce du vin le corps soit pris avec le sang, selon Innocent III, cependant le sang n'est pas bu sous l'espèce du pain, et le corpsj n'est pas mangé sous celle du vin, parce que, comme on nej mange pas le sang et comme on ne boit pas le corps, ainsi n}, l'un ni l'autre n'est bu sous l'espèce du pain ou mangé sous celle du vin, quoiqu'il paraisse que l'on peut accorder que lewi corps est pris en buvant et le sang en mangeant. Il est donc, d'après cela, une manière de prendre le corps et le sang par laquelle ni l'un ni l'autre n'est mangé ni bu. Et voilà pourquoi il est décrété avec raison , dans le canon [De consec, dist. u, Comperimus) : « Que le prêtre ne prenne pas le corps du Christ, sans son sang. » C'est pour cela que dans certains endroits après que l'on a pris le corps et le sang du Christ , on réserve une partie du sang dans le calice et on verse par-dessus du vir pur, afin que les communiants eux-mêmes en prennent ; cai il ne conviendrait pas de consacrer autant de sang, et on n( trouverait point de calice assez grand pour contenir une tell< quantité de vin. Mais, par le contact du sang, le vin que l'oi verse dessus devient-il sacrement? Nous en parlerons à ce mots : Hic est calix.

II. Suivent ces paroles : Postquam cœnatum est, ce Aprèi qu'on eut soupe. » Ce fut dans la quatorzième lune du premie

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mois, vers le soir, que le Christ, selon la loi, célébra avec ses disciples la pâque typique, dont il avait dit : a J'ai désiré d'un vif désir de manger cette pâque avec vous avant que de souf- frir. » En disant ces mots, il montra qu'il mettait fin à la pâque ancienne, et qu'il y substituait le sacrement de la pâque nou- velle ; car, prenant le pain, il le bénit, le rompit et le donna à ses disciples, en disant : c( Prenez et mangez, ceci est mon corps qui sera livré pour vous ; » et il prit semblablement le calice , après qu'il eut fait la cène, en disant : « Buvez-en tous ; ceci est le sang du Nouveau-Testament, qui sera versé pour vous et pour beau- coup, pour la rémission des péchés ; faites ceci en mémoire de moi. » Donc, instruits par cette institution, nous célébrons perpétuellement le sacrifice qui fut offert une fois pour notre rachat. En effet, là où la vérité a paru a cessé la figure; car le Christ, après la cène, donna son corps et son sang à ses apôtres, afin que ce sacrement, comme étant la dernière volonté du testateur, se gravât plus profondément dans leur mémoire [De consec, dist. ii. Liquida). C'est pourquoi, en donnant son dernier testament à ses héritiers, il dit : ce Vous êtes restés avec moi dans le temps de l'épreuve, et moi je vais préparer pour vous mon royaume , comme mon Père l'a préparé pour moi, afin que vous mangiez et buviez sur ma table, dans mon royaume. » Et, quoique les apôtres ne reçurent pas à jeun l'eu- charistie, ils ne faut pas de cela, par une fausse interprétation, inférer que l'on doit recevoir ce sacrement après avoir mangé,' comme faisaient ceux que blâme sévèrement l'Apôtre, en di- sant : (( Lorsque vous vous rassemblez entre vous, ce n'est plus Douf manger la cène du Seigneur; mais chacun de vous prend l'avance son souper pour le manger, et il y en a qui souffrent le la faim tandis que d'autres sont ivres. » Il paraît encore, d'à- )rès ces paroles : « Postquam cœnatmn est, » que le prêtre loit communier avant que de passer à la consécration du ca- ice. Mais nous parlerons de cela au chapitre de la Communion lu Prêtre.

Tome II. ^^

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III. Suivent ces paroles : Accipiens et hune prœclarum cali- ceniy etc., «Prenant ce calice illustre entre tous. » On parle du contenant pour le contenu. Car c'est toujours le seul et le même Jésus-Christ qui est sacrifié par tous les prêtres, maintenant, ici et ailleurs; qui est tout entier dans le ciel, tout entier sur l'autel et tout à la fois à la droite du Père, et qui demeure sous l'espèce du sacrement, comme il en a été touché un mot dans la sixième particule du canon, à la formule : Elevalis oculis. Or, il est évident que c'est en voulant parler du vin qu'il a con- sacré dans le calice, qu'il ajoute : « Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne , etc. » Et ces consécrations se font avec un signe de croix, comme il a été dit dans la sixième particule, à ce mot : Benedixit^ parce que par la vertu de la croix et des paroles a lieu la transsubstantiation des natures. Or, ces paroles sont : Hic est calix met sanguinis, « Ceci est le calice de mon sang, » c'est-à-dire contenant mon sang, ou signifiant la passion 011 je verserai mon sang.

IV. Remarque que la passion est appelée calice y soit à cause du breuvage qui échauffe [calida potione), soit parce que ce breuvage, est pris avec mesure; car Dieu, qui est fidèle, ne permet pas que nous soyons affligés au-delà de nos forces (I Cor._, x). On a parlé du calice dans la première partie, au chapitre des Peintures. En cet endroit, après avoir élevé un peu le calice, le prêtre le dépose sans le quitter, pour signifier que chacun des apôtres reçut ainsi le calice que le Seigneur ad- ministra à chacun d'eux.

Suivent ces mots : (c novi et œterni Testamenti^ etc.; » sous-'l entends confirmalio (l'assurance). Il dit novi, parce qu'il nous renouvelle par la foi du Christ; il dit œterni (éternel), parce que la loi nouvelle n'est pas transitoire comme l'ancienne loi (Extra De celeh., c. Cum Marthœ), Car l'Ancien-Testament, dans lequel on offrait le sang des boucs et des veaux , promet- tait à l'homme des biens temporels et passagers , tandis que le Nouveau, qui a été consacré par le sang du Christ, promet des

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iens éternels. Voilà pourquoi le premier Testament est appelé ncien et transitoire, et le second nouveau et éternel. Saint Luc arle du Nouveau-Testament, lorsqu'il dit : a Je vais préparer our vous mon royaume, etc., » comme on l'a vu précédem- lent.

Ce qui prouve encore qu'il est éternel , c'est-à-dire perpé- lel ^ c'est qu'on l'appelle le Nouveau , c'est-à-dire le dernier estament. Car le dernier testament d'un homme reste im- luable^ parce qu'il est confirmé par la mort du testateur, d'a- res cette parole de l'Apôtre : « Un testament est confîmé par i mort ; autrement , tant que le testateur vit il n'a point de aleur. »

V. Or, le Testament n'est pas seulement appelé écriture^ lais encore promesse^ comme on le dira dans la préface de la ixième partie, et c'est dans ce sens que l'on dit : Hic est sanguis ovi et œterni Testamenti , ce Ce sang est celui du nouveau et ternel Testament, » c'est-à-dire la confirmation de la nouvelle t éternelle promesse, comme le Seigneur lui-même le pro- let, en disant : « Celui qui mange mon corps et boit mon sang la vie éternelle. )) D'où vient que l'Apôtre dit : a Lé premier estament n'a pas été non plus consacré sans l'effusion du ang ; car» après que tous les commandements de la loi eurent té lus. Moïse , recueillant le sang des boucs et des veaux , en it une aspersion sur le livre même de la loi , puis sur tout le leuple, en disant : ce Ceci est le sang du Testament dont le Sei-

neur vous a confié l'exécution. » On voit donc que Moïse or-

lonna précisément ce que fit le Christ dans la cène.

YI. On demande si l'eau est changée en sang avec le vin et on traitera cette question plus bas). Car, si l'eau est chan- gée au sang, donc l'eau est le sacrement du sang ; bien plus, il )araît qu'elle est le sacrement du peuple, car les grandes eaux^ lans l'Ecriture, signifient la multitude des peuples. C'est pour iela que l'on mêle l'eau au vin , afin que le peuple soit uni au Christ. En effet, du côté de notre Seigneur sortit du sang et

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de l'eau, comme on l'a dit au chapitre de l'Oblation. Mais, si l'eau n'est pas changée au sang^ on demande ce qu'elle de- vient après la consécration, et comment elle est séparée du vin, auquel elle avait été mêlée. Si^ après la consécration , il ne reste que l'eau pure, il résulte que dans le sacrement le prêtre ne boit pas que le sang, et ainsi, après une première réception du sacrement, il ne peut communier une seconde fois le même jour, pas plus que s'il eût bu de l'eau auparavant; car ce qui fait que le prêtre, après une première messe, ne peut plus sa- crifier le même jour, c'est qu'il a pris les ablutions. Dira-t-on^ par hasard, que, de même que le vin est changé au sacrement de la rédemption , ainsi l'eau se change au sacrement de l'a- blution, qui coulèrent également du côté du Christ? Qui ose- rait afiirmer cette proposition ?

VII. Or, on demande aussi si le Christ, ressuscité d'entre les morts, reprit le sang qu'il versa sur la croix? Mais, si un seuL cheveu de notre tête ne doit pas se perdre, à combien plus forte raison ne s'est pas perdu le sang du Christ, partie inté- grante de sa nature. Et cependant on dit qu'on en conserve en plusieurs églises. Que dira-t-on aussi de la circoncision du , prépuce ou de l'amputation du nombril? Le Christ, en un mot, après sa résurrection, a-t-il repris d'autorité son inté- grité, la nature humaine, glorifiée dans sa nouvelle condition?

VIlï. Mais il vaut mieux remettre tout entre les mains de Dieu que de rien affirmer témérairement. Nous croyons, tou-i tefois, que le prépuce est conservé dans la basilique de Latran, . quoiqu'il y en ait qui prétendent qu'il fut transporté à Jérusa- lem par un ange et donné à Charlemagne, qui le fit porter à! Aix-la-Chapelle, où il fut déposé solennellement dans l'église] de Sainte-Marie; mais, dans la suite, Charles-le- Chauve le fit transporter dans l'église du Sauveur, àCharroux(a). Si cela est

(a) Apud Cmsmm.— Saint-Sauveur de Charrouï, abbaye dans le haut Poitou; , Charroux est dit pour chair rousse. (V. |le cardinal Tolet, Comment, in Luc.; et Salien, anno 1 Jesu Ghristi.)

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irrai, il faut s'en étonner. En effet, comme cette chair posséda a nature humaine dans toute sa vérité, on croit qu'à la résur- rection du Christ elle retourna glorifiée dans le ciel. Quelques- ms cependant ont dit que cela pouvait être vrai , d'après l'o- )inion de ceux qui prétendent que cela seulement appartient à 'intégrité de la nature humaine et ressuscite , qui a été trans- nis par Adam, Mais il est surtout défendu de s'arrêter à la pré- lomption de ceux qui prétendent que Feau se change en legme. Car ils ont parlé contre la vérité^ en disant qu'il est orti du côté du Christ non de l'eau , mais une humeur déri- vant de l'eau, c'est-à-dire un flegme (Extra De celeh. miss, n quadam) . Deux sacrements , en effet , ont découlé principa- ement du côté du Christ, c'est - à - dire le sacrement de a rédemption dans le sang , et le sacrement de la ré- génération dans l'eau, car on ne nous baptise pas dans le legme, mais dans l'eau, d'après ces paroles de l'Evangile : [ Si quelqu'un ne renaît pas par l'eau et par l'Esprit saint , il l'entrera point dans le royaume des cieux. » Cependant il ne )araît pas absurde à quelques-uns que l'eau avec lé vin passe [ans la substance du sang, par cette raison que l'eau, par nixtion, passe dans le vin , et le vin, par consécration, dans le ang (ut in cap. Cum Marthœ^ et nota, De consec.^ dist. ii,

. I, etc.); car l'eau passe dans le vin quand, dans une grande

luantité de vin, on verse une petite quantité d'eau; autre- Tient, toute la substance du vin , par une seule goutte d'eau, serait changée de telle sorte qu'il en résulterait je ne sais juel mélange qui ne serait ni de l'eau ni du vin , et ainsi

oute la masse d'eau d'une fontaine et même d'un fleuve , par

me seule goutte de vin, serait changée en quelque chose l'indéfinissable. Le pain lui-même , qui est fait de froment^ 16 pourrait être consacré en l'eucharistie, si par hasard au blé venait se mêler un grain d'orge ou d'avoine. Ainsi donc, 5i l'on verse dans le calice plus d'eau que de vin , le sacrement n'a pas heu, et il faut que le mélange d'eau soit tel que le vin

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garde toute sa saveur (Extra />e celeb. miss.^ c. peu.). On parlera de cela dans la sixième partie, à l'article du Jeudi saint, à la (in. Si, après la consécration du calice, on verse d'autre vin dans le calice , il ne se change ni ne se mêle au sang , mais il se mêle aux accidents du premier vin, devenu corps du Christ, et environne la substance consacrée, sans pourtant la mouiller. (Extra De celeb. miss., c. Cum Marlhœ). Cependant, les acci- dents paraissent modifier la matière qui leur est ajoutée, et qui i ensuite est consacrée; car, si c'est de l'eau pure qui a été versée dans le calice , elle contracte le goût du vin. Plusieurs, cepen- dant, ont voulu établir que, de même que l'eau pure est bé- nie par le contact de l'eau bénite , de même le vin se trouve consacré par son contact avec le sacrement , et est ainsi changé au sang ; mais la raison ne s'accorde point avec cette préten- tion (Extra De consec. eccL vel altaris). Nous reviendrons sur cette matière, à l'article du Jeudi saint.

IX. Mais ce que l'on fait n'est-il pas en pure perte, si Ton vient à omettre l'eau? Il paraît qu'il en est ainsi, d'après ce que l'on a vu au chapitre de l'Oblation ; et il est déclaré dans le canon de saint Cyprien {De consec. ^ d. u\_Smit in sanctift- cando] que l'eau seule ni le vin seul ne peuvent être le ca- lice du Seigneur, et qu'il faut pour cela que les deux choses soient mêlées ensemble ; et , comme le calice du Seigneur n'est pas l'eau seule ni le vin seul , de même de la farine seule ne peut devenir le corps du Seigneur : il faut donc que les deux matières soient réunies et formées en un seul pain; ce que quelques-uns affirment être constamment, assurant que, de même que l'eau sans le vin ne peut être consacrée, ainsi le vin sans l'eau ne peut être transsubstantié , parce que du côté du Christ sortirent à la fois du sang et de l'eau. D'autres, au con- traire , accordent que si un prêtre , sans avoir intention d'in- troduire une hérésie , vient à omettre l'eau par oubli ou par ignorance , le sacrement n'en subsiste pas moins. Cependant il ' pèche véniellement celui qui , par oubli , commet cette omis-

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sien, et mortellement si c'est par négligence, et il doit être sévèrement puni. Mais on peut toujours ajouter Teau avant la transsubstantiation, comme on Fa dit précédemment. Ils ne croient pas qu'on puisse offrir une matière sans l'autre ;, à moins jue ce ne soit par ignorance ou par simplicité , ou^ dès-lors ju'on ne peut le faire, on ne doit pas le faire. Car on dit que

hez les Grecs on ne mêle pas le vin au sacrement , et saint

[lyprien dit [De consec. , d. ii^, Scriptura) : «Si quelqu'un le nos prédécesseurs, ou par ignorance, ou par simplicité, l'a pas observé ce que le Seigneur nous a enseigné à faire par îOn exemple et par ses instructions, il peut trouver grâce pour sa simplicité dans l'indulgence du Seigneur, mais non devant lous , parce que maintenant nous avons appris du Seigneur jue l'on doit offrir son calice avec du vin mêlé , c'est-à-dire ivec du vin mêlé d'eau dans le calice , comme le Seigneur l'a )ffert lui-même. » D'après ces paroles, il est incontestable que e Christ, dans la cène, donna à ses disciples le vin mêlé ivec de l'eau. Pour ce qui est de l'omission du vin , nous en ivons parlé dans la sixième particule du canon , à ces paroles : ïïoc est corpus .

X. Or, quoique l'on doive apporter le plus grand soin à se )rocurer du vin d'excellente qualité pour le sacrifice (20), cependant la mauvaise qualité du vin n'influe pas sur la pureté lu sacrement. C'est pourquoi , soit que l'on offre du vin nou- veau que l'on appelle vin doux, soit que l'on offre du vin acide jue l'on nomme acetum (vinaigre) , le sacrement a lieu et est con- lacré par la vertu divine. Cependant il faut éviter de verser lans le calice du moût, du vin cuit , du vin mixtionné , du vin 'osat ou d'une espèce particulière. Pourtant il y en a qui di- 5ent que le vinaigre n'est pas du vin, puisqu'il a changé de na-

ure particulière ; car le vin est chaud, et le vinaigre est froid,

ît que pour cela il ne peut servir à la consécration , pas plus jue du vin de vigne sauvage (verjus) . On peut accorder ceci iu vinaigre qui provient d'une autre matière que du vin ; mais

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il n'en sera pas de même s'il a été fait avec du vin, puisque c'est proprement la même substance (en grec oùcta), fî., De contrah. empt. venditionib.;Deconsec., d. n, Ego^c. Desumm, Trinit. inter claras, § Omnes veroi). Le pape Jules [De cotisée. y d. II, Cumomne, et c. praecedenti) dit aussi qu'on ne peut con- sacrer avec du lait ; mais dans le cas de nécessité, on peut expri^ mer le jus d'une grappe de raisin et consacrer avec. Cepen- dant on ne peut communier avec une grappe qui n'a pas été pressée ; on ne peut pas non plus consacrer avec de l'eau où l'on aurait exprimé le vin contenu dans du pain trempé dans du vin doux.

XI. Or, il faut remarquer que si le vin vient à se congeler dans le calice , le prêtre doit tâcher de fondre la glace avec son haleine, et que s'il n'y peut parvenir il doit le faire avec du feu.

XII. Mais si une mouche, une araignée ou quelque chose de semblable vient à tomber dans le calice, on doit jeter le vin dans la piscine et prendre d'autre vin avec d'autre eau. S'il arrive après la transsubstantiation qu'un insecte tombé dans le calice soit touché par lui, qu'on prenne le sang, après avoir mis l'insecte dans un calice et l'avoir arrosé de vin. On le pu- rifiera avec le plus de soin et de précaution possible , et enfin on le brûlera sur la piscine, parce que c'est à peine si on pour- rait le prendre sans horreur et sans vomir. Puis le prêtre ou le ministre prendra l'ablution après la consécration. Mais si quelqu'un, aussitôt après avoir pris le corps du Christ, est saisi par des nausées , ce qu'il aura vomi sera également brûlé sur j la piscine, etla cendre en sera jetée dans la piscine. Si cepen- dant on aperçoit dans le calice quelques parties d'insecte , ou si le corps du Christ, donné à un malade, vient à être rejeté, | on le ramassera avec soin et on le prendra, en le mélangeant avec du vin dans le calice ; si on ne peut le recueillir entier et si l'on éprouve de l'horreur pour le prendre, on le gardera ( comme relique.

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XIII. On ne doit donc pas donner l'eucharistie à un malade ai vomit; mais qu'il ait la foi, et il a communié [De consec, st. II, Ut quid). Si quelqu'un est malade de telle sorte qu'il e puisse opérer la mastication , il prendra seulement de l'eau •uchée par le corps du Christ ; car en en prenant la moindre ircelle il reçoit le Christ tout entier, comme on l'a vu ci-

3SSUS.

XIV. On ne doit pas non plus donner l'eucharistie à un 3mme ivre, à un fou, à un hérétique, à un épileptique et au- es semblables, à moins que leur infirmité ne cesse (XXVI, . ult., Is qui). Cependant on peut la donner à un lépreux , à 1 muet et à un malade jouissant de ses facultés, après la con- ssion et l'absolution de leurs péchés. Mais quant à la péni- nce qu'on doit imposer à celui qui, à cause de l'ivresse , par )racité ou par infirmité, a rejeté l'eucharistie , on la trouve ms le canon de Bède [De consec.^ dist. ii. Si quis per to- im). Et remarque que celui qui a communié, s'il le peut )mmodément et sans faire violence à sa nature , doit s'abs- nir de cracher ; autrement, à l'heure convenable, il le îut faire au moins dans un lieu où ce qu'il a craché ne sera )int foulé aux pieds. En effet, l'homme spirituel juge tout et est jugé par personne , et tout est pur pour ceux qui sont jrs.

XV. Que si l'eucharistie ou quelque partie du sang vient à imber sur du bois, sur la pierre ou sur la terre, on doit lécher

sang^ ensuite gratter et laver la place, puis en porter la pous- ère dans la sacristie, où on la mettra avec les reliques. Si est sur le corporal que le sang est tombé, on le sucera avec I plus de soin possible , on lavera trois fois le corporal dans le ilice ; on prendra, après la messe, Peau provenant de la lo- on, puis on gardera le corporal comme relique.

XVI. Si la nappe de l'autel se trouve marquée du sang, on Dupera la partie qui aura été teinte , et on la conservera de lême comme relique. Si c'est sur la chasuble ou l'aube , on

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agira de même. Si c'est sur quelque vêtement profane, on doit brûler la partie qui aura été mouillée, et, si tu veux, en placer la cendre dans un lieu saint (comme on dit, ut c?/cmw<). Cepen- dant le pape Pie a statué {De consec.y dist. ii) que si c'est par négligence que quelque goutte de sang tombe à terre, on doit le léclier avec la langue ; si c'est sur une planche, on grattera la place pour que le sang ne soit pas foulé aux pieds , on brû- lera le résidu et on en placera la cendre dans l'autel. Si une goutte de sang tombe sur l'autel, le prêtre l'absorbera le mieux possible.

XVÏI. Si c'est sur un linge d'autel, le ministre lavera sur le calice les linges qui ont touché la goutte de sang, à trois repri- ses, et l'eau de l'ablution reçue dans le calice sera placée au- près de l'autel.

XVIII. Et ici suit la pénitence qu'il faut imposer, avant qu'il célèbre, au prêtre à qui ces accidents sont arrivés. Et remar- que que si c'est avant la transsubstantiation que quelques gout^ tes du sang sont tombées, le célébrant doit changer les linges d'autel en silence , et achever son office ; si tout le calice a été répandu, le ministre recommencera l'office (pour le pain et pour le vin) à partir de cet endroit : Hanc igitur ohlalionem, etc., en le faisant précéder de la confession ; si c'est après la transsubstantiation qu'une partie s'est répandue, il accomplira semblablement l'office. Si tout le sang vient à se renverser, de telle sorte qu'il n'en reste plus dans le calice , ce qui est une énormité, le ministre placera l'hostie sur le propitiatoire, re- mettra du vin et de l'eau dans le calice , et recommencera, lïanc igitur ohlationerriy en commençant toutefois par la con-^ fession ; et il prendra ensuite, après la messe_, l'hostie réservée, ou la conservera pour les malades. Le Concile d'Orléans statue ainsi ( De consec.y dist. ii) à l'égard de celui qui, gardant mal le sacrifice, le laissera dévorer par un rat ou par un autre ani- mal : « il aura, dit-il, quarante jours de pénitence. Celui qui l'aura perdu dans l'église, ou en aura laissé tomber une partie

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qui n'aura pas été retrouvée, fera trente jours de pénitence. » Touchant le même article, on lit la même chose dans Bucard, livre V. D'où il a été écrit : c( Celui qui renverse sur l'autel quelque partie du calice en l'offrant , fera six jours de péni- tence ; ou celui qui en renversera plus est condamné à sept jours. Mais celui qui renverse le calice pendant la célébration de la messe est condamné à quarante jours de pénitence; et si, après la célébration de la messe, le prêtre néglige de rece- voir le sacrifice, il fera également quarante jours. Et celui qui aura éprouvé une pollution pendant la nuit et aura néanmoins offert le sacrifice, fera sept jours de pénitence. Celui qui, par négligence envers le sacrifice, l'aura laissé manger aux vers en entier, fera pénitence au pain et à l'eau pendant trois carêmes. Si le sacrifice a été trouvé entier, on brûlera les vers qui s'y ont mis, et on en placera la cendre sur l'autel. Et celui à qui >era imputée cette négligence la paiera par seize jours de pé- litence. Si le vin du sacrifice, perdant sa saveur, vient à tourner lu doux, le ministre jeûnera vingt jours. Celui qui laissera le acrifice se conglutiner fera sept jours de pénitence. Si le sa- rifice est perdu de sordide vétusté, on le brûlera et on en en- errera la cendre près de l'autel , » comme on le lit dans Bu- ard (lib. V, c. Omne).

XIX. Il faut encore remarquer que si le prêtre saigne du lez pendant la célébration de la messe , ou s'il lui survient des lausées, il les recevra dans un vase, afin que les choses saintes 18 soient pas souillées ; et, après avoir lavé trois fois son nez >u sa bouche, il recommencera en silence à l'endroit où il en st resté. Si une faiblesse survient au prêtre , il s'appuiera sur e bord ou coin de Tautel , ou bien il s'asseoira jusqu'à ce qu'il e trouve mieux, et recommencera le sacrifice où il l'a laissé, il ne peut en aucune manière achever le sacrifice , un autre )rêtre , revêtu des ornements sacrés , continuera la messe à lartir de l'endroit où il en est resté , comme on l'a dit dans la ixième particule, aux mots Hoc est corpus meum. Ei s'il n'est

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pas certain de l'endroit où son prédécesseur en est resté, comme il y aurait danger de réitérer les paroles sacramentelles ou de les passer sous silence, il placera cette hostie sur le pro-| pitiatoire, et recommencera à officier^ comme nous l'avons dit! plus haut.

Suivent ces mots : mysterium fidei, « mystère de foi. » XX. On l'appelle mystère de foi, parce que l'on voit une chose et que l'on en comprend une autre. On nous ordonne de croire, nous n'osons pas discuter; car la foi ne subsiste que pour les choses cachées , d'après ces mots : ce La foi n'a pas le mérite, etc. » (ut supra, Greg., De consec.y d. n, Quidsit ad fi- dem). S. Grégoire dit qu'on l'appelle mystère de foi, parce que nous devons croire que notre salut consiste en cela, ou parce que sans la foi ce sacrement n'a pas lieu, c'est-à-dire, sans la' foi, ce mystère ne peut être complètement compris. Or_, on dit que c'est un mystère, parce qu'il renferme une économie se- crète et cachée (I, q. i, Multi). Or, mystère en grec veut dire secret en latin. Et, selon Innocent III [De celeh. mis.^ c. Cum Mar- thœ), aucun des évangélistes n'a dit ces paroles. Or, de ces pa- roles de l'Ecriture sainte, et d'autres encore, certains auteurs ont inféré que le corps et le sang du Christ ne se trouvent pas réel- lement dans le sacrement de l'autel, mais que c'est seulement une image, une apparence, une figure, par cette raison que l'E- criture nomme quelquefois ce que nous recevons sur l'autel un sacrement, un mystère et un exemple ; mais certainement ils se laissent prend re au filet de l'erreur, comme nous l'avons dit dans la sixième particule du canon, au mot Fregit. Car serait-ce que le sacrement de l'autel n'est pas une réalité, parce qu'il est une figure? Loin de nous cette erreur! Et, s'il en était ainsi, la mort du Christ ne serait donc pas une réalité _, parce qu'elle est une figure? La résurrrection du Christ ne serait donc pas une réa- lité, parce qu'elle est une figure? Car la mort et la résurrection duChrit sont une figure, une image et une similitude, comme l'Apôtre le déclare manifestement, lorsqu'il dit : « Le Christ

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est mort pour nos péchés, et il est ressuscifé pour notre justifi- cation. )) Et Saint Pierre : «Le Christ a souffert pour nous, et il vous a laissé un exemple afin que vous marchiez sur ses tra- ces. » Donc, la mort du Christ a été un exemple pour nous, afin que nous ne mourussions pas dans le péché, et sa résurrec- tion a été pour nous un exemple, afin que nous vécussions jus- tement. Car si elle n'a pas été une réalité, le Christ n'est donc pas mort véritablement, et il n'est pas vraiment ressuscité; sa mort et sa résurrection sont donc fausses. Mais loin de nous ce blasphème ; car le Prophète a dit par avance de lui : « Il a vraiment porté nos langueurs et pris sur lui nos douleurs. » Le sacrement de l'autel est donc tout à la fois vérité et figure.

XXL Or, trois choses doivent être distinguées dans ce sa-

rement, c'est-à-dire la forme visible, la réalité du corps et la
  • ^ertu spirituelle ('De consec, d. ii. Corpus). La forme est celle

lu pain et du vin; la réalité^ celle de la chair et du sang; la rertu, celle de la charité et de l'unité. La première est aper- çue parles yeux du corps; l'esprit croit à la seconde ; le cœur )erçoit la troisième. La première est le sacrement et non la éalité; la seconde est le sacrement et la réalité ; et la troisième îst la réalité et non le sacrement. La première est le sacrement l'une double réalité ; la troisième, la réalité d'un double sacre- nent ; et la seconde est le sacrement de l'une et la réalité de 'autre. Caria forme du pain signifie les deux chairs du Christ, î'est-à-dire sa chair vraie et sa chair mystique ; elle contient t symbolise la vraie chair, et elle symbolise aussi la chair nystique sans la contenir. Car, de même qu'un seul pain est ait d'un grand nombre de grains, et que le vin est exprimé 6 diverses grappes ainsi le corps du Christ est composé de leaucoup de membres, et l'unité eucharistique de diverses personnes, c'est-à-dire les prédestinés, les appelés, les justi- iés et les glorifiés; car ceux que Dieu a prédestinés, il les a ussi appelés, et ceux qu'il a appelés, il les a justifiés. D'oii fient que l'Apôtre dit : ce Nous ne faisons tous qu'un seul pain.

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un seul corps composé de beaucoup de membres. » C'est pour marquer la figure et le type de cette chose, que l'arche du Sei- gneur fut faite de bois de Sétliim, bois incorruptible et sembla- ble à l'aubépine.

XXII. Il est donc évident que la substance du corps et du sang du Christ est sacrement et réalité; mais elle et la réalité d'un autre sacrement , et le sacrement et la réalité d'une autre réa- lité; elle est aussi la réalité d'un autre sacrement et le sacrement d'une autre réalité. En effet, elle est la réalité du premier, par- ce qu'elle est figurée et renfermée dans le premier, c'est-à-dire dans la forme visible, etc. Elle est le sacrement du troisième, parce qu'elle signifie et renferme tout à la fois le troisième,' c'est-à-dire l'unité de l'Eglise. L'qucharistic est donc appelée mystère de foi , car on y voit une chose , tandis que l'on croit' que c'en est une autre que l'on voit. En effet, on voit l'espèce- du pain et du vin , et l'on croit, à la réalité de la chair et du* sang. Or, ce qui, en cet endroit, est appelé mystère de foi, est dit ailleurs esprit et yie ; car l'esprit est un mystère, d'après cette parole : « La lettre tue , mais l'esprit vivifie ; » et la foi est une vie, d'après ceci : « Le juste vit de la foi. » C'est pour-, quoi le Seigneur a dit : « Les paroles que je vou& ai dites sont esprit et vie. » Mais, comme la consécration fait le sacre- ment, et qu'après la consécration il n'y a plus sur l'autel ni pain ni vin , on demande quel pain est le sacrement du corps, quel vin est le sacrement du sang ; car si l'on dit que c'est le' pain qui a été et le vin qui a existé , certainement ni l'un n'est le sacrement du corps, ni l'autre le sacrement du sang, puis-' que le pain s'est changé au corps et le vin au sang. Mais si l'on dit que c'est cette espèce que l'on voit et qui est restée,' certainement elle n'a pas été faite avec du grain , ni avec des grappes de raisin, puisqu'elle n'en provient pas comme acci- dent, mais comme substance. Quelle similitude assignerons-- nous donc entre le sacrement de la réalité et la réalité du sacre- ment? Car, si les sacrements n'avaient pas la similitude des

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réalités dont ils sont les sacrements, c'est improprement qu'on les nommerait sacrements ; comme le sacrement de Baptême , qui est l'ablution extérieure de la chair, signifie^ par similitude, l'ablution intérieure de l'âme. Sans doute^ ce sacrement porte en lui la similitude du corps dans lequel le pain est figuratif ; l'espèce du pain est donc le sacrement du corps , non-seule- rnent en raison de la chose signifiée, mais encore en raison de la chose contenue.

XXIII. Or, on demande si l'espèce du pain et la réalité du corps sont un seul ou plusieurs sacrements ? Et il paraît qu'elles en forment divers, parce que, comme il y a divers signes, il paraît aussi qu'il y a divers sacrements. En outre, il est écrit : (( Nous te prions, Seigneur, que tes sacrements profitent en nous, y) lesquelles paroles seront expliquées au chapitre de la dernière Oraison. Et il paraît, d'un autre côté, qu'elles n'en font qu'un seul; car, comme elles signifient une même chose, il paraît qu'elles sont le même sacrement. On lit en outre : c( Fais que ce sacrement de ton corps et de ton sang ne serve pas pour notre châtiment. » A ce sujet , certains auteurs disent que la forme du pain et du vin font un seul sacrement, non à

ause de la seule chose contenue, mais à cause de la seule hose signifiée. Ceux-ci doivent accorder que, de même que diverses choses, à cause de leur seule et même signification , fie sont qu'un seul sacrement, ainsi une scuIq chose, à cause le ses diverses significations, forme divers sacrements. On eur objecte que si l'espèce du pain et la réalité du corps sont n même sacrement, puisque l'espèce du pain est le sacremeut lu corps , donc la réalité du corps est le même sacrement ; linsi , la même chose est pour elle-même son propre sacre- nent. Mais cecin'avance en rien, parce que l'espèce du pain îst comme un sacrement, qui est la réalité du corps. L'une !st ce que n'est pas l'autre, puisqu'elles sont deux sacrements livers.

XXIV. Mais d'autres prétendent que, soit qu'il y ait diverses

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choses signifiées, soit qu'il y ait plusieurs signes, il y a divers sa- crements, et qu'il faut accorder que sur l'autel il y en a au moins quatre , savoir : l'espèce du pain et l'espèce du vin , la réalité de la chair et la réalité du sang. En outre, comme les accidents du pain et du vin sont différents, tels que la saveur et l'odeur, le poids et la couleur , la quantité et la figure , il paraît que chacun en soi sont différents sacrements. Car, par quelle rai- son l'un serait-il appelé sacrement plutôt que l'autre? et de quelle réalité l'odeur ou le goût sera le sacrement? A ceci on peut répondre convenablement que tout ce que l'on reçoit à la fois forme l'unique sacrement de l'eucharistie , par cette raison qu'aucun de ces accidents en particulier n'a de signifi- cation par lui-même, mais que tous pris ensemble représentent l'espèce du pain qui contient et symbolise le corps du Christ.

XXV. Or, parmi ces signes, les uns sont naturels, les autres positifs. Les signes naturels sont ceux dont la signification est tirée de la nature , comme certains qui, par l'antécédent, an- noncent ou signifient le conséquent. Ainsi la rougeur du ciel^ sur le soir, annonce un temps serein pour le matin du lende- main. D'autres, par le conséquent _, signifient l'antécédent;- ainsi la fumée et la cendre annoncent qu'il a existé du feu. Les signes positifs sont ceux qui n'ont de sens que par imposition, c'est-à-dire qui ont une signification particulière' qu'on leur a imposée, comme le serpent d'airain, qui signifiait- notre Seigneur élevé sur la croix, préservant l'homme des at- teintes du démon. Parmi ces signes, les uns signifient une^ chose sacrée, comme le serpent d'airain élevé dans le désert;^ les autres une chose non sacrée, comme l'arc de triomphe élevé à l'endroit oii viennent aboutir deux chemins. Or, parmi les signes d'une chose sacrée, les uns sont sacrés, comme le baptême ; les autres non sacrés , comme l'agneau pascal. Sontfcl sacrés les signes du Nouveau -Testament; ne sont pas sacrés à pr^ les signes de l'Ancien. Quoique les uns et les autres soient le |rié(é signe d'une chose sacrée, c'est-à-dire signifiant une chose feUe

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 305

sacrée, cependant les uns et les autres ne sont pas sacrés, c'est- à-dire qu'ils ne servent pas à la justification, quoique quel- ques-uns aient prétendu que les sacrements de l'ancienne loi procuraient la justification.

XXVI. Car la différence entre les sacrements de l'ancienne loi et ceux de l'Evangile consiste en ce que les premiers ne fai- saient que signifier, tandis que les derniers signifient et justi- fient tout à la fois. Mais quelquefois le mot sacrement est pris dans une large acception , quelquefois dans un sens restreint : dans une large acception/ quand on appelle sacrement tout si- gne de la chose sacrée , que ce signe soit sacré ou qu'il ne le soit pas ; d'où vient que les symboles de l'ancienne loi sont appelés sacrements ; dans un sens restreint, quand le signe sa- cré seulement est appelé sacrement (De cons.^d. ii, Sacrificium, etc.; Signmriy etc.; Species^ i, q. i, Mulli).

XXVU. Or, le sacrement se dit actif et passif, selon que la chose sacrée signifie ou qu'elle est signifiée ; car tout sacrement est appelé diversement, quelquefois le signe de la réalité, d'autrefois la réalité du signe, suivant que le sacrement est pris pour le signe de la chose signifiée. Sacrement vient de sa- crum (chose sacrée). C'est aussi un signe, comme si on disait lun signe sacré. En tant que sacrement est pris pour le signe de la chose, il dérive de sacrum (secret), comme si on disait un se- \cret sacre . Donc l'espèce du pain s'appelle sacrement dans le sens [actif, c'est-à-dire dans le sens que la chose sacrée est signifiante ; mais Funité de l'Eglise s'appelle sacrement dans le sens passif, c'est-à-dire dans le sens que la chose sacrée est signifiée. Le corps du Seigneur se dit sacrement dans les deux sens, c'est-à-dire jqu'il est une chose sacrée signifiant et signifiée tout à la fois.

XXVIII. Or, le sacrement consiste en trois points, c'est-à- |dire dans les choses , dans les faits et dans les paroles , suivant la propriété, la simihtude et l'interprétation. Suivant la pro- )riété , le lion signifie le diable ; d'où vient qu'il est dit : « Le liable, votre ennemi, court çà et là comme un lion rugis-

TOME II. 20

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sant, cherchant une proie à dévorer. » Semer, par similitude, signifie prêcher ; d'où \ient que l'Evangile dit : « Le semeur sortit pour semer son grain ; une partie tomba dans la bonne terre, l'autre sur la pierre, une autre dans les épines. » Em- manuel, par interprétation, signifie le Christ; d'où Isaïe dit : « Et son nom sera Emmanuel, » ce qui signifie, par interpréta- tion, « Dieu avec nous nous. » On entend par la chose ou l'es- sence du sacrement, par exemple, l'eau du baptême ; par fait, le signe de la croix; par parole, par exemple, l'invocation de la Trinité. Toutes trois se trouvent dans ce sacrement, le plus excellent de tous; la chose ou l'essence s'y trouve, c'est-à-dire le corps du Christ et son sang ; le fait, c'est-à-dire la nourriture et le breuvage ; la parole, comme : « Ceci est mon corps; ceci est mon sang. »

XXIX. Suivent ces mots : qui pro vobis etpro multis effun- delur in remissionem peccalorum, « qui sera versé pour vous et pour beaucoup, pour la rémission des péchés. »

Il a été répandu pour les seuls prédestinés, quant à son effî- cacité ; mais il l'a été pour tous les hommes , quant à sa suffi- sance. Car l'effusion du sang du juste pour les injustes a été si. riche et d'un si haut prix , que si l'universalité des hommes croyait à la rédemption, tous les liens du diable seraient im- puissants à leur égard. Or^ le mot effusion signifie abondance (XVI, q. Revertimini) .

XXX. Le péché est remis de deux manières, c'est-à-dire quant à la peine de la couïpe., et c'est la foi au sang qui justifie de cotte peine; et quant à la dette de la peine, c'est le prix du sang qui nous en rachète; car tous nous avons erré comme des brebis, chacun s'égarant dans sa voie, et le Seigneur l'a chargé (le Christ) de toutes nos iniquités ; c'est pourquoi il a été blessé à cause de nos iniquités , il a été brisé à cause de nos crimes : le châtiment qui nous devait procurer la paix est tombé sur lui ; nous avons été guéris par les meurtrissures de ses plaies ; il a pris véritablement sur lui toutes nos langueurs, etc.

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(Isa., lui) ; et parce que le juste a été injustement puni, les injustes ont été justement délivrés. 11 a pris sur lui la peine de tous les hommes, pour donner toujours sa grâce à tous les hommes; et en cet endroit le prêtre élève le calice pour le montrer au peuple, et cette élévation n'est pas inutile, comme on l'a dit à la fin de la particule précédente. Il faut remarquer que certaines églises ont deux corporaux , et quand on élève le calice il est couvert de l'un de ces corporaux, pour marquer que ce sacrement doit être le plus mystérieux et le plus difficile à comprendre ; pour marquer aussi qu'au moment de l'institution de ce sacrement du sang du Christ, le sang était invisiblement le même qui coulait dans ses veines. Mais d'autres églises n'ont qu'un corporal, et au moment de l'élévation on élève le calice découvert et sans voile : Premièrement, pour désigner qu'après l'institution de ce sacrement du sang du Christ, ce sang se rendit visible par son effusion sur la croix; d'oii vient cette pa- role : Hic est sanguis meus, etc., « Ceci est mon sang. » Car, en ce que le calice n'est pas couvert du corporal sur lequel est l'hostie consacrée, on désigne que le sang du Christ à été versé et séparé de son corps. Secondement, parce que l'hostie est sur le corporal, et ne pourrait convenablement être placée ailleurs. Troisièmement , parce que, à cause du souffle du vent , il est dangereux de lever le calice couvert du corporal. Et remarque que le prêtre représente les actes du Christ, quand il dit : Acci- ipiens calicem. Il élève un peu le calice , le bénit ensuite ; et,

ctifilpour le bénir sans danger, il le dépose sur l'autel. Il dit encore ensuite : Accipite ; il tient le calice un peu élevé, jusqu'à ce qu'il l'élève entièrement pour le montrer au peuple. Suivent ces mots : Hœc qiiotiescumque feceritis^ « Toutes les fois que vous ferez ces choses. )) Cette clause^ qui a rapport tant à la consécration du corps qu'à celle du sang, doit se dire après que

\^M\e calice a été remis sur l'autel. Sans doute , nous devons ap- 3orter une grande discrétion dans la réception du corps et du eang du Christ ; car il faut prendre garde , si on diffère trop.

lari

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d'encourir le danger de mort dont nous menace le Seigneur en nous assurant que « si nous ne mangeons la chair ou ne buvons le sang du Fils de l'homme, nous n'aurons pas la vie en nous. » Mais si quelqu'un le reçoit indignement , d'après l'Apôtre il mange et boit son jugement, c'est-à-dire sa propre condam- nation {De consec.y dist. ii, Us qui scélérate^ et cap. seq.). C'est pourquoi, selon le même apôtre, « que l'homme s'éprouve lui- même, et qu'après s'être ainsi éprouvé il mange de ce pain et boive de ce calice, etc. y> Mais l'un dira qu'il faut communier tous les jours, l'autre dira le contraire ; que chacun fasse donc ce qu'il croit devoir faire pieusement : car Zachée et le centu- rion de l'Evangile ne se concertèrent pas entre eux et ne se proposèrent pas comme exemple l'un à l'autre, lorsque le pre- mier, plein de joie, reçut le Seigneur dans sa maison , et que l'autre dit : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres dans ma maison. » Et voici ce que dit saint Augustin à ce sujet (xii d. illa. De consec.y Quotidie) : « Les uns communient tous les jours au corps et au sang du Seigneur ; les autres ne les reçoi- vent qu'à certains jours ; » et c'est ce qu'il appelle la libre ob- servance. Nous reviendrons sur ce sujet au chapitre du Baiser . de paix.

XXXI. Et remarque que, bien que le Christ ait racheté une fois les croyants par sa mort, l'Eglise^ cependant , réitère né- cessairement ce sacrement tous les jours pour trois causes prin- cipales : Premièrement, parce que ceux qui travaillent à la^| vigne ont besoin de se restaurer tous les jours. Secondement, pour que, par ce sacrement, les néophytes soient incorporés au. Christ. Troisièmement , pour que le souvenir de la passion dij; Christ se grave tous les jours dans l'esprit des fidèles , afin^ qu'ils puissent l'imiter; car tous les jours nous avons besoin,! et voilà pourquoi l'eucharistie est appelée pain quotidien. Donot le sacrifice quotidien , comme le prouve le pape Paschase [Dé consec.^ dist. ii), lorsqu'il est réitéré, est le souvenir et non la réitération de la passion, et c'est pour cela que suivent ces pa-

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rôles : in mei memoriam facieiiSy c'est-à-dire, dans ce sacre- ment, chaque jour le souvenir de la mort et de la passion du Christ sera renouvelé pour vous (De consec, dist. ii. Corpus^ etc., c. Ileralur). C'est pourquoi saint Paul, dans la 1" épître aux Corinthiens (c. x);, dit : « Toutes les fois que vous man- gerez ce pain et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne. » Voilà pourquoi le Christ disait lui-même à ses apôtres : « Faites ceci en mémoire de moi. )> C'est là le dernier souvenir que nous a laissé le Sei- gneur, comme on l'a dit à cette parole : postquam cœnatum est. Et remarque que nous avons un triple mémorial de la pas- sion du Seigneur.

XXXII. Le premier se présente à notre vue dans les images et les peintures. C'est pour cela que l'image du Crucifié est figu- rée sur le Missel et dans les églises. Le second frappe l'ouïe^ comme la prédication de la passion du Christ. Le troisième se manifeste au goût, comme le sacrement de l'autel , où la pas- sion du Christ est évidemment exprimée ; c'est pourquoi le Christ a dit tout d'abord : « Faites ceci en mémoire .de moi. » Suivent ces mots : Unde et memores. Or, ceux qui élèvent le calice découvert, le couvrent avec le corporal en cet endroit, pour signifier que, lorsque le Seigneur fut enseveli et la pierre roulée sur le sépulcre, l'entrée du monument fut fermée, comme dit saint Marc, etc. [ut d. Mar., etc.).

CHAPITRE XLIIL

DE LA HUITIEME PARTIE DU CANON.

I. Unde et memores est la huitième partie du canon, et signi- Ifie que Ton a fait ce que le Seigneur avait ordonné lui-même [dans cette clause : Simili modo , et que nous faisons ceci en lémoire de lui. C'est pourquoi dans cette partie l'Eglise se

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propose le souvenir de trois choses, c'est-à-dire de la passion bienheureuse du Christ, de sa résurrection des enfers, et de sa glorieuse ascension dans les cieux. La première, c'est-à-dire la passion, excite notre charité ; la seconde, ou la résurrection, corrobore notre foi; la troisième, c'est-à-dire l'ascension, ré- jouit notre espérance.

II. Car quoi de plus capable d'enflammer notre amour que de voir que Dieu n'a pas épargné son propre Fils? (Rom., vin). Quoi de plus propre à confirmer la foi en nous que de voir que le Christ est ressuscité d'entre les morts? Car, de même qu'en Adam meurent tous les hommes, ainsi dans le Christ tous seront vivifiés. Quoi de plus propre à augmenter notre foi que le Christ montant au ciel, à la tête de ceux qu'il ramène de la captivité (cap. De do.) pour être ses serviteurs dans son propre royaume?

III. Le prêtre donc, qui représente ce mystère, en disant : ' tam heatœ passionis , étend les mains en forme de croix, afin que , par ce geste de son corps , il représente l'extension des mains du Christ sur la croix, ce que pourtant d'autres font en disant : Hanc igitur ohlalionem , représentant le crucifiement • qui doit suivre aussitôt. Et parce que le Christ, faisant une longue prière, entra en agonie, c'est pour cela que le prêtre représente en quelque sorte cette agonie par le maintien de ses yeux et de son visage; mais en disant : nec non et ah inferis resurrectionem , et après avoir ramené ses mains à lui comme auparavant, il les élève un peu. D'où vient que dans le can- tique d'Habacuc, il est dit : « La souveraineté a élevé ses mains en haut, » pour marquer que le Christ, lion invincible, est ressuscité d'entre les morts. Le prêtre fait aussi le même geste en disant : sed et in cœlos gloriosœ ascensionis; il les élèvi également jusqu'aux épaules, pour marquer que le Christ tenant ses mains étendues , fut enlevé aux cieux, où il est assi à la droite de Dieu le Père.

IV. On doit ainsi comprendre Unde et memores. Par ce»

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mots nous confessons que nous sommes prêtres, et nous ren- dons ce témoignage que ton peuple se ressouvient de ton Fils Jésus-Christ, etc. Les prêtres, en effet, doivent se ressouvenir et être instruits qu'ils célèbrent la messe, et qu'à l'exemple du Christ ils offrent le sacrifice. Le peuple saint doit se ressouve- nir que le Christ a souffert, non-seulement pour les prêtres, mais encore pour le peuple, qui est appelé saint parce qu'il a été sanctifié par l'effusion de la grâce et la réception du bap- tême.

V. Le prêtre alors serre ses doigts, c'est-à-dire le pouce et l'index, et il ne les desserre que quand il doit toucher l'hostie ou faire des signes, ce qu'il fait : Premièrement, par respect pour le sacrement, de peur que ses doigts ne touchent quelque chose après avoir touché le corps du Christ. Secondement, pour signifier que dans ce sacrement le second obéit au pre- mier, c'est-à-dire que le Fils obéit au Père. Et c'est pour cela qu'il ajoute : Undeet memores tamheatœ passionis, resurrectio- nis et ascensionisy etc. Troisièmement, les doigts qui ont touché le corps du Christ se joignent pour montrer que les fidèles, touchant ce corps par la foi et par la dévotion , doivent être unis par la charité. Et de même que les doigts, quand il faut toucher le corps du Christ ou faire des signes de croix, se sé- parent par le bout, ainsi les actions des fidèles sont quelquefois partagées dans cette vie quand il le faut , puisque parfois, par

j la contemplation , ils s'élèvent vers les choses spirituelles , et d'autres fois ils sont obligés d'administrer leurs affaires tempo- relles pour satisfaire aux besoins de cette terre. Quatrième- ment, la conjonction des doigts indique que l'esprit et le corps du prêtre doivent être inséparablement attachés au sacrement du corps et du sang de notre Seigneur. Cinquièmement, le prêtre serre les doigts, dans la crainte que la poussière ou une particule de l'hostie ne s'y attachent et ne tombent à terre.

VI. Or, comme l'Eglise a dit qu'elle se souvient de la passion du Seigneur, c'est pour cela qu'aussitôt elle en rappelle les cir-

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constances les plus cruelles, en symbolisant, par les cinq croix qu'elle fait sur l'hoslie, les cinq plaies du Seigneur. Car, comme l'explication subséquente le fera voir, (jepuis cet endroit jus- qu'au moment où Ton i^etire le corporal de dessus le calice, le prêtre rappelle l'ordre de la passion du Seigneur ; car dès qu'il dit: hostiam puram , hostiam sanctam, hosliam immaculaiam ^ panem sanclum vitœ eternœ et calicem salulis perpeluoBy il mar- que cinq signes de croix sur l'hostie et le calice _, signifiant les cinq plaies du Christ^ c'est-à-dire les deux plaies des mains, les deux des pieds et celle du côté , ou bien encore ces cinq croix signifient les cinq siècles ou générations que le Christ racheta. Or, le prêtre fait communément trois croix sur l'hostie et sur le calice, parce que par les trois expressions hostiam puram y hostiam sanctam , hostiam immaculalam, on comprend également l'hostie et le calice. Jamais, en effet, dans le signe de la croix le pain n'est séparé du calice, si ce " n'est quand on les nomme séparément dans le canon; et quand . l'hostie est placée par le prêtre à côté du calice, la partie verti- cale de la croix seulement doit se faire sur le pain; mais la par- , tie horizontale doit s'étendre jusqu'au calice, parce que ce fut \ la partie verticale de la croix qui porta le corps du Christ, et 1 que les bras furent étendus sur la partie horizontale. Or, les. deux croix, faites séparément, signifient l'ame du Christ sépa- rée de son corps ; mais c'est lorsque déjà la consécration a été pleinement et parfaitement consommée, car la matière du pain et du vin a déjà passé dans la substance de la chair et du sang, et ne peut plus ultérieurement être détériorée ni amé- liorée, et le prêtre désormais parle en son nom et non plus au nom du Christ [De consec.y dist. ii, Panis est).

VII. On demande pourquoi le prêtre fait encore sur l'eucha- ristie un signe de bénédiction ou profère encore quelques pa- I rôles consécratoires , et qu'en outre il ajoute quelques paroles qui se trouvent dans le canon, comme si la consécration n'était i pas encore consommée? Ace sujet, certains auteurs disent [De î

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consec, d. n) que l'Ecriture ici n'a pas égard au court espace du temps ; mais, comme le prêtre ne peut à la fois proférer beau- coup de paroles et faire beaucoup de choses , il parle et agit comme si le temps durait toujours et comme si ce qui n'était pas encore fait au commencement des formules était encore à faire, et ainsi les paroles et les signes ne doivent pas se rappor- ter au temps où ils sont faits ou proférés, mais à l'intention et a la conception de celui qui parle. Le pape Innocent III dit îue dans le canon les paroles ont une signification, et que les signes en ont une autre ; car les paroles se rapportent princi- palement à l'eucharistie, et les signes tendent principalement i en rappeler l'histoire. Nous nous servons des paroles pour ïonsacrer le pain et le vin au corps et au sang de Jésus-Christ; lous usons des signes pour rappeler ce qui s'est passé touchant e Christ pendant la semaine Sainte. Il est donc évident que, lans l'ordre de la consécration de l'eucharistie, cette formule • lut pridie qmm paleretur eût jùêtre placée à la fin du canon, «rce que c'est là la consommation de la consécration. Mais ette marche eût empêché de reprendre l'ordre historique ttendu que ce qui est arrivé au milieu serait placé à la fin' .'ordonnateur du canon , jaloux de conserver l'ordre histo- ique , et pressé par la nécessité, plaça au milieu le petit cha- itre : Qui pridie, etc., qui est comme le cœur du canon, pour ne l'on comprît que ce qui suit est ce qui précède, d'après ne figure qui a souvent lieu, que ce qui ne vient qu'après ans la narration précède dans la pensée, ou plutôt pour con- Tver tant à la lettre qu'à l'histoire leur ordre naturel; ainsi, le l'on dise que les signes ont trait à rappeler l'histoire de il ission, parce qu'ils signifient les cinq sens qui alors souf- aient dans le Christ, ou ses cinq plaies, comme on l'a dit. ais les paroles ne se rapportent pas à la consécration future

l'eucharistie ; que dis-je? elles ont trait à l'eucharistie déjà

insacrée. Suivent ces mots : nos servi, c'est-à-dire « nous 5 prêtres; » sed et plebs tua sancta, « et aussi ton peuple

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saint, » c'est-à-dire le peuple chrétien. Car ce que le peuple fait par ses \œux, les prêtres l'achèvent par leur ministère : Offerimus prœclarœ majeslati tuœ^ « Nous offrons à ta suprême majesté; » prœclarœ^ c'est prœ ceteria clarœ, (c illustre au- dessus de toutes les autres. » Car si les justes doivent briller comme le soleil dans le royaume de leur Père, avec combien plus d'éclat la majesté divine ne brille-t-elle pas au-dessus de la leur! De tuis donis, « de tes dons, » c'est-à-dire du fruit de nos moissons , par rapport au pain qui a été changé en la chair. Ac datis, c'est-à-dire des fruits des arbres; et cela se rapporte au vin qui a été consacré au sang.

VIII. Des uns et des autres: Offerimus hostiam puram^ hos- tiam sanctam , hostiam immaculalam ; a Nous t'offrons une hostie pure , une hostie sainte, une hostie sans tache, » c'est-à- dire l'eucharistie, exempte de toute souillure originelle, vénielle et criminelle. Nous avons dit, à la particule sixième, d'où dé-d rive le mot hostie, à ces mots : quipridie. Ou bien encore pure, quant à la connaissance; sainte, comme par un cœur pur, i quant aux paroles; immaculée, quant aux œuvres, parce qu'elle n'a pas fait le péché, et que la ruse n'a pas été trouvée sur ses lèvres. Supplée Hoc est^ c'est-à-dire panem sanctum,\ « un pain saint, » un pain sanctifiant ; supplée, qui donne la vie éternelle, quant à la robe de la chair. Et calicem salutis per-i petvœ , « et le calice du salut éternel, » quant à la robe de l'ame, d'après ces paroles : « Je suis le pain vivant descendu du ciel ; si quelqu'un mange de ce pain , il vivra éternellement. »

IX. Ces paroles peuvent encore être expliquées d'une autre manière, comme si le Christ était appelé hostie pure, parce qu'il a été conçu sans péché; pain de vie éternelle, parce qu'il est la nourriture des anges ; et calice du salut éternel , parce qu'il est la nourriture des hommes. Ou, d'une troisième ma- nière : hostie pure, parce que le Christ a été offert pour nous délivrer de l'impureté du péché originel ; hostie sainte, parce qu'il a été blessé , pour que de ses blessures coulassent en abon-.

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daiice les sacrements qui sanctifient l'Eglise ; immaculée, parce (ju'il est mort pour nous délivrer de la mort éternelle ; pain de vie éternelle , parce qu'il est notre viatique et pour ainsi dire notre voie; et calicem salutis perpetuœ, « et le calice du salut éternel, » parce qu'il est la réfection des anges, le calice dont ils s'enivrent dans la patrie. On peut encore expliquer d'une quatrième manière : de tuis donis et datis, ces dons sont éter- nels dans la réalité ; data^ ces fruits sont temporels dans leur application. Nous t'offrons une hostie pure, c'est-à-dire l'hos- tie de ton corps; une hostie sainte, c'est-à-dire ton sang; une [lostie sans tache, par rapport au corps comme par rapport au îang. Ou bien, encore, une hostie pure, c'est-à-dire séparée des îutres ; sainte , c'est-à-dire sanctifiée ; immaculée, c'est-à-dire pure de toute tache, une hostie d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi qui n'est pas feinte. Suivent ces mots : Supra quœ, etc. Après avoir prié pour la transsubstantiation de a victime , et l'avoir offerte au Père ainsi transsubstantiée , dors il prie pour qu'elle soit acceptée, afin que le Père la re- çoive, à l'instar des antiques sacrifices, j}roj)fa*o ; supplée nohis, c( pour nous , » ac sereno vuUuy « avec un visage propice pour lous , avec un visage serein. » C'est-à-dire, daigne la regarder i'un air clément : non que son visage soit jamais changé ; mais ilors Dieu illumine et assérénit son visage sur nous , lorsqu'il répand sur nous sa miséricorde, comme il le déclare d'après ces paroles du Psalmite : « Qu'il fasse briller son visage sur nous, et qu'il ait pitié de nous. » Ainsi, quand le prêtre pro- nonce respicere digneris^ on remarque qu'il tient ses yeux tour- nés vers le propitiatoire , ce dont nous avons parlé dans la pré- face de cette partie ; et alors il fait une aspersion dans l'inté- rieur du tabernacle, lorsque, par la miséricorde divine, il implore sa propitiation , afin que Dieu ait ces présents pour agréables, comme il a fait à l'égard de ceux du juste Abel.

X. Vient ensuite : sicuti accepta hahere dignatus es munera Ahel^ c( comme tu as daigné avoir pour agréables les présents

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d'Abcl. » Or, cet adverbe sicuti marque la similitude et n'ex- prime pas la quantité ; car ce sacrifice est beaucoup plus agréa- ble à Dieu que ne le furent ceux d'Abel , d'Abraham , de Mel- chisédech. La réalité vaut mieux que l'ombre, et la vérité que la figure. Nous devons donc faire plus attention à la similitude qu'à la quantité.

XI. Donc, en offrant nous ressemblons à Abel, mais en offrant bien. Faisons donc un juste partage, ce que ne fit pas Gain, qui pécha sous ce rapport , car il offrit bien à Dieu ce qu'il devait, mais il ne s'offrit pas lui-même, et en enlevant son cœur à Dieu il ne partagea pas bien. Abel, au contraire, offrit intérieurement dans son cœur un sacrifice agréable à Dieu, en se donnant lui-même sans réserve, et en se parta-[ géant et se donnant tout entier à Dieu ; et c'est pour cela qu'on lit dans la Genèse : « Dieu jeta un regard favorable sur Abel et sur ses présents, mais il ne fit attention ni à Gain ni à ses pré- sents » (XIV, q. VI, Et scriptum). D'abord, il tourna ses regards sur Abel et ensuite sur ses offrandes , parce que ceux qui of- frent ne plaisent pas à Dieu à cause de leurs présents , mais parce que les présents plaisent à cause de ceux qui les offrent.;

XII. Abraham, pareillement illustre par sa foi, s'offrait i d'abord tout entier au Dieu très-haut, et c'est pour cela que, lorsqu'il portait ses offrandes au Seigneur, il lui offrait des hosties pacifiques. Dieu exigea de lui qu'il lui sacrifiât ses affec- tions paternelles, afin que, sachant comment il a obéi, nous imL, tions son exemple. « Prends, lui dit-il, prends ton fils unique que tu aimes, Isaac, et offre-le-moi en holocauste sur une des montagnes que je te désignerai. » Et, aussitôt, il trouva Abraham prompt et obéissant; bien plus, il se plaît à nous le montrer tel.

XIII. Melchisédech, de son côté, s'il ne se fût d'abord lui- même offert comme un sacrifice agréable à Dieu, n'eût pas vu par avance les causes des choses futures , lui qui , plongeani dans l'avenir par un regard mystique , offrit le premier le sa-

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•ifice du pain et du vin , car il était prêtre du Dieu très-haut. es trois personnages sont appelés les pères de VAncien-Testa- lent, parce que leurs sacrifices^ d'une manière plus spéciale, curèrent le sacrement de l'Eucharistie. En effet, que signifie bel offrant les premiers -nés de son troupeau, sinon le hrist, premier-né pris au milieu de ses frères nombreux? Le hrist n'a-t-ilpasété tué méchamment par le peuple juif, comme bel le fut lui-même par la jalousie de son frère? Car , selon Apôtre, il est l'Agneau qui a été mis à mort dès l'origine du londe. Que désigne le sacrifice d'Abraham offrant son fils uni- ae et bien-aimé, si ce n'est la passion du Christ, dont l'Apôtre it : « Dieu n'a pas épargné son propre fils, mais il l'a vrépour nous tous? » — (c Celui-ci est, dit-il, mon fils bien- imé , dans lequel j'ai mis mes complaisances. » Le sacrifice e IVlelchisédech a aussi préfiguré d'une manière si précise le icrifice nouveau, que Ton a dit d'avance : « Tu es prêtre pour éternité , selon l'ordre de Melchisédech , » qui , d'après l'A- otre, assimilé en tout au Fils de Dieu, demeure prêtre pour éternité. Abel est appelé puer (enfant), non tant à cause de m enfance qu'à cause de sa pureté, d'après ces "paroles ; Voici mon enfant chéri que j'ai choisi : j'ai placé sur lui mon jprit. » Abraham est appelé 'patriarche ^ non tant du peuple raélite que du peuple chrétien. Il est le père du premier par L chair, celui du second par la foi, d'après ces paroles : « Ton om ne sera plus désormais Abram (a), mais tu seras appelé .braham (?)), parce que je t'ai établi le père de beaucoup de ations. )> Melchisédech est appelé roi de justice, ensuite roi de ale«i, c'est-à-dire de la paix, à cause de ce que qu'on lit : Dans ses jours naîtront la justice et l'abondance de la paix, asqu'à ce que la lune disparaisse. » Le pape Léon 1" a ajouté u canon : sanctum sacri/icium, immaculatam hostiam.

(à) Père élevé.

(6) Père d'une grande multitude.

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CHAPITRE XLIV.

DE LA NEUVIÈME PARTIE DU CANON.

1. Supplices te rogamus, « Nous te prions avec supplications. » Ces paroles sont la neuvième partie du canon. Le pontife, comme l'ordonnait la loi, et comme nous l'avons dit dans la préface de cette partie, faisait des aspersions sur la table et l'autel, et sur le sacrifice extérieur, avec le sdin^ pacifique. Le Christ aussi arrose son Père de son sang autant de fois qu'il. l'apaise par la chair dont il s'est revêtu. 11 arrose l'autel aussi longtemps qu'il restaure la troupe des anges; il arrose le sacri- fice extérieur en sanctifiant les hommes et en réconciliant avec son Père ceux qui sont sur la terre. Le prêtre fait une asper- sion sur ces mêmes hommes, parce que ce sacrifice apaise Dieu et obtient leur pardon ; il fait encore des aspersions sur eux, parce que celui qui nous purifie augmente le nombre des- citoyens du ciel ; il en fait aussi dans l'intérieur du tabernacle, comme nous l'avons dit dans la particule précédente. En di-i santces mots : sublime altare, il rappelle le saint des saints. Or, après la cène, l'hymne ayant été récité, Jésus sortit et se diri-i gea vers le mont des Oliviers, au-delà du torrent de Cédron, eV s'étant avancé un peu, il tomba sur sa face, et pria en disant:» « Mon Père , si c'est possible , éloigne ce calice de moi ; » puis! il s'isola une deuxième et une troisième fois , et pria en répé-| tant les mêmes paroles; et, étant tombé en agonie, il priaiv plus longtemps encore , et une sueur semblable à des goutte^ de sang coula de son corps sur la terre ; puis, retournant ve ses disciples, il dit : « Levez-vous, allons, voilà que celui qui va me trahir approche. » Or, le traître donna un signal à ceui! qui l'accompagnaient, en disant : « Celui que j 'embrasserai

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est Jésus, emparez-vous de lui. »Et aussitôt, s'approchant, il lui donna un baiser.

II. Or, parce que Jésus, tombant la face contre terre, pria en disant : « Mon Père, si c'est possible, etc., » c'est pour cela que le prêtre, s'inclinant , prie et dit : Supplices le rogamus, « Nous te supplions; » ou bien encore, l'inclinaison du prêtre signifie que le Christ rendit l'esprit, comme nous l'avons dit dans la préface du canon. Nous avons parlé des inclinaisons au chapitre de la Confession. De même, en disant : ut quotquot ex hac allaru . etc. , il baise une fois l'autel, pour représenter le baiser du traître après que le Seigneur eut fini sa prière et se fut levé. Quelques-uns baisent trois fois l'autel, pour rendre grâces à la Trinité, qui, par la passion du Seigneur, a récon- cilie le genre humain. D'autres le baisent deux fois, pour mar- quer qu'il y a dans le Christ une double nature, ou qu'il a souffert en ame et en corps.

III. Or, comme le Seigneur, dans son agonie, prolongea sa prière en répétant trois fois la même chose , le prêtre , pour signifier cette particularité, fait trois croix; il fait la première sur l'hostie, en disant : SacrosancCum Filii tui corpus; la se- conde sur le calice, en disant : et sanguinem; et il troi- sième en se signant lui-même sur le front, en disant : omni henedtcHone cœlesti. Peut-être est-ce à cause de la sueur du fcorps qu'il fait une croix sur le corps, et à cause des gout- tes de sang qu'il en fait une sur le sang. Peut-être en fait-il une troisième sur lui-même au front, pour marquer que Jé- |5us tomba la face contre terre en priant. Ou, plutôt, la croix qu II fait sur le corps désigne les liens qui attachèrent le

orpsdu Christ; celle sur le sang désigne les verges dont il

l^ut battu et le sang qui sortit de ses plaies. Touchant les liens ilont II fut attaché, on lit : « Les serviteurs des Juifs s'empa- •erent de sa personne et le lièrent, et, après l'avoir attaché,

ls le conduisirent et le livrèrent à Ponce-Pilate. ., Touchant

«s verges , on lit : « Pilate prit Jésus, et flagella Jésus, » par

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les meurtrissures duquel nous avons été guéris. Or, par la troisième croix que le prêtre imprime sur sa face, il rappelle que les Juifs crachaient au visage de Jésus^ lui donnaient des soufflets sur la figure, et lui couvraient la face d'un voile, en disant : « Devine, ô Christ! qui est celui qui t'a frappé.» Troisièmement, la croix qui se fait sur le corps désigne le martyre du Christ; celle qui se fait sur le sang désigne le martyre des saints. Quatrièmement, les deux premières croix signifient que le Christ a souffert pour deux peuples; la troi- sième, qui se fait sur la face, indique que le Christ a souffert dans son corps ; mais d'autres ne font pas les deux croix sus- dites.

IV. Il faut encore considérer que le prêtre, en disant Suppli- ces, etc., se tient incliné^ les deux mains jointes devant la poi- trine, pour désigner que l'humilité de la prière, figurée par l'inclinaison, mérite enfin d'être exaucée en cet endroit, et non ailleurs, si elle procède de la foi du cœur, c'est-à-dire de l'esprit. Je veux parler de la foi agissant par l'amour ; et c'est cette opération de la foi que l'on entend par le croisement des mains , parce qu'il y a certaines œuvres de la vie active et cer: taines autres de la vie contemplative. Les œuvres de la vie ac- tive sont comparées, en quelque sorte, conjointement auj œuvres de la vie contemplative , comme la main gauche s'ap- puie sur la main droite , par la raison que les œuvres de le vie active, comme placées au-dessous ou inférieures, disposen aux œuvres de la vie contemplative, et que les œuvres delà vi( contemplative, comme placées au-dessus ou supérieures, con- firment et perfectionnent les premières. C'est pour cela que dans la jonction des mains, la droite est placée au-dessus de h gauche. Le prêtre prie de nouveau les mains jointes sur li poitrine, comme si, par ce fait même, il disait : « Je te suppli par ta croix et par ta passion, d'ordonner que ces offrande soient portées, etc. )) Car la jonctiop des mains figure la pa& sion du Christ, et la droite, qui signifie la résurrection, es

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placée au-dessus de la gauche, qui désigne la passion, afin que par là soit indiqué que le Christ est ressuscité d'entre les morts.

V. Mais, dans certaines églises, le diacre, pendant l'action ou canon, lave ses mains pour signifier : premièrement, que Pilate lava ses mains pour proclamer qu'il était innocent de la mort du Christ; ou hien, secondement, pour marquer que nos œuvres infâmes sont lavées par la passion du Christ; troi- sièment, pour indiquer que personne, à moins qu'il ne soit pur, ne doit s'approcher pour recevoir les sacrements de la foi , sui- vent ces mots : Juhe hœc perferri^ etc. Ces paroles ont une si grande profondeur , que c'est à peine si l'intelligence humaine peut y pénétrer.

VI. D'où vient que le bienheureux Grégoire [De consec, d. II, Quid sit sanguis, et à la fin de ses Dialogues), digne in- terprète d'un si grand sacrement, parlant d'une manière ineffa- ble de cette formule , comme d'une chose presque ineffable : a Qui , parmi les fidèles , dit-il , pourrait douter qu'à l'heure même de l'immolation les cieux nq s'ouvrent à la voix du Christ, que les chœurs des anges n'assistent à ce mystère du Christ, que ce qu'il y a de plus bas ne s'associe à ce qu'il y a de plus élevé, que la terre ne s'unisse au ciel, et que l'invisi- ble et le visible ne se fondent en un seul tout. » Le même père dit encore ailleurs que dans un seul et même temps, dans le même moment, le sacrement, par le ministère des anges, est enlevé au ciel , c'est-à-dire vers la nature céleste , pour être associé au corps du Christ, c'est-à-dire à son corps mystique, et apparaît aux yeux du prêtre sur l'autel.

VII. Cependant, sauf le mystérieux sacrement du céleste oracle , ces paroles pourraient être expliquées plus sûrement, quoique plus simplement. — Juhe, «ordonne, » c'est-à-dire fais que ces choses, c'est-à-dire les vœux des fidèles, c'est-à- dire les supplications et les prières , perferri a soient présen- tées, » per manus sancti angeli tui , c'est-à-dire par le minis-

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tère des anges , esprits qui sont les ministres de Dieu et pré- sentent nos vœux devant le Seigneur, d'après ces paroles de Fange Raphaël à Tobie (Tobic, x) : ce Quand tu priais avec larmes^ j'offrais ta prière au Seigneur. »

VIII. Par 011 il est évident que l'on doit croire que TAnge assiste aux saints mystères, non pour consacrer, parce qu'il ne le peut pas, mais pour offrir à Dieu les prières du prêtre et du peuple , d'après ces paroles de l'Apocalypse : « La fumée des aromates, qui sont les prières des saints, monta en la pré- sence de Dieu par la main de l'ange. » In sublime altare tuum, supplée hoc est y c'est-à-dire in conspeclu divinœ majeslatis iuœ , en présence de ta divine majesté, dans la contempla- tion de ta majesté et de ta cour céleste, car Dieu lui-même est appelé Autel-Sublime (Exod.,xx). «Ne monte pas sur mon autel par des degrés, » c'est-à-dire, dans la Trinité, tu n'éta- bliras point de degrés. Or^ comme le bienheureux Augus- tin le déclare, on ne dit point que l'Ange offre à Dieu nos prières, dans ce sens que Dieu ne connaîtrait qu'alors seule- ment ce que nous désirons, parce que Dieu connaît toutes choses avant qu'elles se fassent; mais parce que la créature raisonnable, l'ange, doit nécessairement rapporter à l'éternité les causes temporelles, soit en demandant ce qui se fait à son égard , ou en consultant pour savoir ce qu'elle fera ; ou bien pour que , connaissant les choses que Dieu veut que nous fas- sions, elle nous en avertisse d'une manière évidente ou d'une manière cachée. On peut encore expliquer d'une seconde ma- nière les paroles susdites.

IX. « Dieu tout-puissant, ordonne que ces offrandes, » c'est- à-dire, c( le pain et le vin, soient portées, » c'est-à-dire chan- gées « sur ton autel sublime^ » c'est-à-dire changées au corps et au sang de ton Fils, et exaltées au-dessus des chœurs des anges, parce que le corps du Seigneur est appelé autel, d'après ces paroles : « Vous me construirez un autel avec de la terre ; » per manus angeli tui^ c'est-à-dire par le ministère

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du prêtre. Car, selon saint Augustin, le prêtre ne demande que l'hostie soit portée devant Dieu que pour cette raison c'est-à-dire pour que l'on comprenne que ces mystères ne se font, c'est-à-dire que le pain et le vin ne sont transsubstantiés dans ce sacerdoce ou ce mystère que parla vertu de l'Esprit saint. Mais, comme déjà la transsubstantiation a eu lieu on peut expliquer la formule de cette troisième manière • «Or donne que 'ces choses, c'est-à-dire le corps mystique du Christ, à savoir l'Eglise militante de Jésus-Christ, soient por- tées, soient associées, in sublime altare luum, à l'Eglise triom- phante, qui est appelée autel, d'après ces paroles du Lévitique • « Le feu brûlera toujours sur mon autel, » c'est-à-dire la fer- veur de la charité triomphera dans l'Eglise ; et ceci • « par les mains de ton ange, >, c'est-à-dire par l'opération et la vertu du Christ ton Fils, qui est l'ange du grand Conseil (ts., IX). Car II a uni son corps mystique à Dieu son Père et à 1 Eglise triomphante. On peut encore expliquer les susdites paroles d une quatrième manière : cet ange du grand Conseil c est ce Conseiller par le conseil dé qui le Père a créé le monde et créé une seconde fois le sublime autel. Le Christ crucifié est, en la présence de Dieu, assis à la droite du Père L'Ange porte donc ces sacrements sur le sublime autel en présence de Dieu ; et, montrant ses cicatrices, la victime inter- cède auprès de son Père, pour nous, qui consacrons ce sacre- ment. Or, quelles sont les choses que le prêtre désire être por- tées sur le sublime autel; le Seigneur nous l'explique en di- sant : mquotquot, etc. Car, par là, c'est le corps mystique du Lhrist que l'on désigne , que le Christ attire chaque jour à lui parles membres qui le composent, ce quia fait dire à Jérémie ■ « Tu m'appelleras Père, et tu entreras immédiatement après

imoi. »

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CHAPITRE XLV.

DE LA DIXIÈME PARTIE DU CANON.

I. Mémento etiam, Domine, etc. (21), est la dixième partie du canon. Cette conjonction etiam réunit ce qui suit à ce qui pré- cède, sans quoi on pourrait dire qu'elle est superflue. Car, dans les anciens livres , précédait immédiatement une oraison com- mençant ainsi : Mémento mei, quœso. Domine, etc.; ç( Souviens- toi de moi ^ je t'en supplie, Seigneur, etc. ; » dans laquelle le prêtre priait pour lui, afin de pouvoir offrir dignement le sacrifice ; puis suivaient naturellement ces mots : Mémento etiam, Domine , famulorum, etc. ; « Souviens-toi aussi de tes serviteurs, etc. » Mais comme cette oraison ne se trouve pas dans beaucoup de Missels modernes, c'est pour cela que, d'a- près ces livres , elle est superflue , ou , ce qui est mieux , a trait à autre chose. Dans le Mémento qui précède, le prêtre a prié pour les vivants ; dans celui-ci, il prie pour les morts.

II. Notre pieuse mère, l'Eglise, prie don^^ non-seulement pour les vivants , mais encore pour les morts ; elle fait cette prière pour les morts , et les recommande à Dieu le Père par l'intercession de la sainte victime, croyant d'une foi assurée que ce sang précieux qui a été versé pour beaucoup, pour la rémis- sion des péchés, est non-seulement efficace pour le saluLdes vivants, mais aussi pour l'absolution des morts. C'est pourquoi le concile de.Chalons [De cotisée, d. i, Visum) a statué que, dans la célébration de toutes les messes solennelles, au lieu con- venable, c'est-à-dire en cet endroit de la secrète, ou dans les jours non solennels (car, le dimanche^ on croit que les âmes des défunts jouissent du repos à cause de la résurrection du Christ), l'Eglise prierait le Seigneur pour les morts , d'après ces pa- roles de saint Augustin : a On ne doit pas omettre les prières i

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pour les ames des défunts; et j'approuve et je loue l'obligation de ces prières pour tous les défunts dans la société chrétienne catholique. » Et comme quelquefois les défunts n'ont pas de parents, d'enfants, d'alliés, d'amis qui prient pour eux, l'uni- que et pieuse mère, c'est-à-dire toute l'Eglise, comprend sous une commémoration générale tous les morts^ et se met en com- munion avec eux sans faire mention de leur nom. Le pape In- nocent a aussi statué (Eadem dist., De nominihus) qu'on ne réciterait pas le commun des défunts avant la consécration, car il pourrait être récité par le peuple. Mais cela n'est pas né- cessaire pour Dieu^ à qui rien n'est caché. Qui cum signo fidei nos prœcesserunt , a qui nous ont précédés avec le signe de la foi , » c'est-à-dire qui nous ont précédés devant le Seigneur (XIII, q. II, Quam prœposterum, in fine). Non que là se trouve la foi ou l'espérance, car où est l'espérance là se trouve la réa- lité ; car la foi cesse , mais la charité ne tombe jamais; mais parce que le signe de la foi est pris pour le caractère de la foi de la chrétienté [De pœ., d. ii, Charitas), qui distingue les fidèles des infidèles, d'après ces paroles : ce J'ai entendu le nombre des élus, qui est de cent-quarante-quatre mille, tirés de toutes les tribus d'Israël. » Et dormiunt in somno pacis, (c et dorment dans le sommeil de la paix , » d'après ces paroles : « Je dor- mirai, et je dormirai dans la paix ; » car l'Ecriture se sert sou- vent, pour les défunts, de cette expression : dormientes, a dor- mant. »

III. Par la raison que, de même que ceux qui sont endormis se réveillent, ainsi les morts ressusciteront, selon ce que dit l'Apôtre : ce Je ne veux pas que vous soyiez dans l'ignorance au sujet de ceux qui dorment, afin que vous ne soyiez pas con- tristés, comme ceux qui n'ont pas d'espérance. » Et le Christ dit dans l'Evangile : c( Lazare, notre ami, dort; » pro ipsis, et omnibus in Christo quiescentibus. En cet endroit, le prêtre doit faire une mention spéciale des défunts qu'il préfère. On a ter- miné la mémoire de la mort du Christ, et c'est pourquoi notre

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mort no fait que suivre. Le Christ nous a précédés dans la mort, et nous marchons sur ses traces.

IV. In C/iristo quiei^cenlibus , « reposant dans le Christ. » Mais est-ce que ceux qui sont morts dans la foi et qui dorment du sommeil de la paix dont on a parlé ci-dessus ne reposent pas dans le Christ? et ainsi ne paraît-il pas que ces mots soient superflus? Mais comme le prêtre, après ces paroles : in somno pacisy avait fait mention spéciale pour quelques âmes seule- ment, voilà pourquoi il ajoute : pro ipsis Dominus ; et bientôt il prononce encore, et non sans raison, cette formule générale : et omnibus in Christo quiescentibm y « et pour tous ceux qui reposent dans le Christ^ » et dont il avait déjà fait mention au- paravant.

V. Ici, on appelle quiescentes in Christo ceux qui sont morts dans la charité^ mais qui cependant ont encore quelque chose à expier, parce qu'ils n'ont pas pleinement satisfait pour les pé- chés qu'ils ont confessés ; c'est pour opérer cette satisfaction qu'ils sont descendus dans le purgatoire, oii ils ont besoin du suffrage de l'Eglise militante, comme n'ayant pas en réalité la paix et le rafraîchissement de la gloire. Cependant ils sont dans , l'espoir certain et infaillible d'entrer un jour dans le lieu du rafraîchissement, où ne se trouve pas la peine qui brûle ; dans la lumière, dans laquelle n'existe pas l'obscurité des ténèbres; dans la paix, où l'on n'éprouve plus la lutte des combats. Car Dieu séchera toute larme de leurs yeux, et alors il n'y aura plus de deuil, plus de cris, plus de douleur, parce que cet état primitif est passé ; mais ils se réjouiront et nageront dans la paix , puisqu'ils seront agréables au Seigneur, et resteront en sa présence dans la région des vivants. Or, le paradis est ap- pelé lieu de rafraîchissement^ à cause de l'ardeur du feu du purgatoire, par lequel passent les âmes, d'après ces paroles du Psalmiste : « Nous avons passé par le feu et par l'eau , etc. » î Le lieu de la lumière est en opposition avec les ténèbres de i l'enfer, dont parle saint Mathieu, xxui : « Jetez-le dans les ténè

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bres extérieures; » c'est un lieu de paix à cause de la tranquil- lité de l'ame , et en opposition avec le ver de la conscience de ceux qni ne seront pas sauvés. D'où vient qu'Isaïe dit : « Le ver qui les ronge ne mourra pas, et le feu qui les brûle ne s'é- teindra jamais. »

CHAPITRE XL VI.

DE LA ONZIÈME PARTIE DU CANON.

Nohû quoque est la onzième partie du canon : et cette prière s'étend jusqu'à Per oimiia secula seculorum.

I. Le prêtre, en prononçant ces paroles^ élève un peu la voix, frappe sa poitrine et rompt ainsi le silence pour marquer la contrition et la confession du larron qui reprenait l'autre lar- ron, à cet article de la passion du Seigneur, et disait : « Pour nous, nous recevons le châtiment mérité par nos crimes, mais celui-ci n'a fait aucun mal; » et il disait à Jésus (Luc, xxiii) : « Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton royau- me; » à cause de quoi Jésus lui dit : « En vérité, je te le dis : aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. »

IL Cette action du prêtre d'élever la voix et de se frapper la poitrine signifie encore que le centurion et ceux qui étaient avec lui, voyant les prodiges qui se faisaient, furent saisis d'une grande crainte et dirent : « Celui-ci était vraiment le Fils de Dieu; » et toute la foule de ceux qui étaient présents s'en re- tournait en se frappant la poitrine. Or, les amis de Jésus et les femmes qui l'avaient suivi depuis la Galilée se tenaient éloignés, voyant ce qui se passait. Ces derniers symbolisent les ministres, c'est-à-dire le diacre et le sous-diacre, qui se tiennent derrière le prêtre, et qui, à cette parole : Nobis quoque, lèvent la tête et se tournent en face du prêtre ou de l'évêque.

III. Or, l'unique fois que le prêtre frappe sa poitrine (selon

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l'Apôtre^ aux Romains, vu), il marque que le Christ est mort une fois pour nos péchés. C'est avec trois doigts seulement, sans le pouce ni l'index^ ce qui signifie que la Trinité se trouve dans l'unité ; cette action du prêtre désigne aussi quelquefois la pé- nitence, comme on l'a dit au chapitre de la Confession.

IV. Peccatoribus. Il parle ainsi, parce que « si nous disons que nous n'avons pas de péchés, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous [De pœ., dist. ii. Si enim, inquit). Car, bien qu'en tout temps nous devions^ de cœur, nous recon- naître pécheurs (v. g., dist. Testamentum) , cependant nous devons principalement le faire lorsque nous célébrons le très- saint mystère pour la rémission des péchés.

V. De mullitudine miserationum tuarum spera7itihuSy « Es- pérant en ta miséricorde infinie , » d*après ce que dit le Psal- | miste : « Selon la multitude de tes miséricordes, détruis mon | iniquité. Et remarque que Dieu n'a qu'une seule miséricorde,"^ qui n'est autre chose que Dieu miséricordieux ; mais il possède un grand nombre d'affections qui sont appelées misei^ationes^ « commisérations, sentiments de pitié. » D'oii il est dit : « Sou- viens-toi, Seigneur, de tes commisérations et de tes miséri-' cordes, qui sont éternelles. » Partem aliquam etsocietatem do- nare dignerisy « Daigne nous donner quelque part et quelque société, etc. » Mais, comme Dieu est tout pour tous, c'est-à- dire le salut, la récompense et la gloire de chacun, d'après ces paroles : a Je suis le salut du peuple, » que signifie aliquam partem, etc., comme si tous ne devaient pas recevoir le même denier?

yi. Sans doute, quoique la récompense de chacun soit une ïi seule et même chose, c'est-à-dire Dieu lui-même, dans la con-^ naissance duquel consiste le salut éternel , d'après ce qu'il dit' lui-même en FEvangile : « Cette vie éternelle est pour qu'ils te connaissent vrai Dieu , et qu'ils connaissent celui que tu a& envoyé, Jésus-Christ ; » cependant, selon la différence des mé- fe rites, les élus jouissent de la vue de Dieu, les uns plus, lesl

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autres moins; car une étoile diffère d'une autre étoile en clarté, et c'est pour cela que le Seigneur lui-même dit : « Il y a un grand nombre de demeures dans la maison de mon Père cé- leste )) {Depœ.y dist. iv, Indomo) ; de même qu'il n'y a qu'un seul soleil à la lumière duquel tous participent, les uns plus, les autres moins, selon la différence des vues.

Vil. Cum JoannSy Stephano , Mathia, Barnaha; « Avec Jean, Etienne, Mathias, Barnabe. » Dans cette seconde com- mémoration des saints , on supplée en grande partie à ce qui

I semblait manquer de saints primitifs dans la première partie. Mais pourquoi saint Jean est-il répété et pourquoi saint Etienne

j lui est-il associé avant les apôtres Mathias et Barnabe, qui sont passés sous silence ? A cela on peut répondre que saint Jean est placé dans la première commémoration et mentionné avec les autres, à cause de la dignité de l'apostolat ; mais, dans la der- nière, son nom est répété et associé avec celui de saint Etienne, à cause du privilège du célibat , car ils sont vierges et suivent l'Agneau partout oii il va ; voilà pourquoi ils sont placés avant les autres; car la virginité de Jean est surtout recommandée par ce fait que le Christ, sur la croix , confia sa mère vierge à son disciple vierge , « et à partir de cette heure le disciple la considéra comme sa mère. » Or, la virginité de saint Etienne est- surtout prouvée par ce fait, qu'il fut choisi pour remplir, sous la direction des apôtres , le ministère auprès des veuves, et, en ce qu'il fut chargé de servir les femmes, il mérita le té- moignage de la plus irréprochable chasteté. Or, par saint Jean on pourrait entendre , non saint Jean l'évangéliste , mais saint Jean-Baptiste, si ce nom n'était précédé de ces mots : cum tuis sanctis aposlolis et martyrihus, « avec tes saints apôtres et mar- tyrs, » par où l'on est convaincu qu'il ne s'agit que des apôtres et des martyrs, quoique l'on pourrait à juste titre compter Jean-Baptiste au nombre des martyrs. Le prêtre énumère donc les saints dont il demande la société , parce que le prêtre de rancienne loi avait par écrit les noms des enfants d'Israël,

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comme oçi Ta vu ci-dessus. Et remarque qu*en cet endroit se trouvent désignés huit hommes et sept femmes, attendu que, par ce sacrifice, les sept dons de la grâce et les huit béatitudes s'unissent en nous.

VIII. Suivent ces mots : non œslimator meriti, ce sans avoir égard aux mérites, » parce que Dieu ne nous récompense pas suivant la mesure de nos mérites , mais il nous punit moins sévèrement et nous rémunère plus largement que nous ne le méritons. D'oij ces paroles du Psalmiste : « Dieu ne nous punit pas suivant nos péchés et ne nous charge pas suivant nos ini- quités. » Et ailleurs il dit : « Et ils rapporteront dans votre sein une bonne mesure, une mesure pleine, pressée et sura- bondante. » — Per Christum Dominum noslrum , a Par le Christ notre Seigneur. » Ici, on ne répond pas Amen^ tant parce; que les anges , qui assistent toujours au sacrifice , répondent eux-mêmes, comme on l'a dit à la fin de la troisième partie,! que parce que ces mots se disent à voix basse et que les minis-i très ne peuvent les entendre, ou bien encore parce que les pa- roles suivantes : Per quem hœc omnia leur sont unies et en dépendent de telle sorte qu'on ne peut rien interposer. Or, c'est en cet endroit que l'on bénit les raisins , comme on le dira dans la sixième partie, au Jeudi saint, où l'on traite de l'office du jour. Dans le canon des apôtres, inséré dans Bucard (lib. \y c. Offert.)^ on lit ce qui suit : « Qu'on n'offre rien à bénir à l'autel, excepté des épis nouveaux ou des raisins, de l'huile, des fèves et des parfums à brûler, dans le temps qu'on célèbre la sainte oblation. »

IX. SuivenI ces mots : Per quem hœc omnia ^ etc. Le prêtre dit omnia j parce que tout a été créé par le Fils. D'où saint Jeau dit : a Tout a été fait par lui , et rien n'a été fait sans lui. El Dieu vit tout ce qu'il avait fait, et il trouva que tout était très- bon. » Créas signifie donc en formant la nature; sacrijîcas, eu consacrant la matière; vivificas , en transsubstantiant la créa- ture; henedicis , en accumulant la grâce. Or, ces mots hœe

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jmnia ne sont qu'un simple pronom démonstratif, nécessité par la confusion du temps du verbe ; car le temps présent obscur n'a pas l'acception du présent. Et voici le sens des paroles sus- iites, hœc omnia^ a toutes ces choses, c'est-à-dire le pain, le vin • ît l'eau; tu les crées toujours bonnes quant aux causes nor- males primordiales; tu les sanctifies selon les causes sacramen- telles; tu les vivifie, afin qu'elles se changent en la chair et au ïang ; tules bénis, pour qu'elles conserventFunité et la charité. » X. Déplus, en disant sanctiflcaSy il marque que tout ce qui est sanctifié est sanctifié par la grâce du Christ. Nous avons tous reçu de sa plénitude ; d'où saint Jean dit ( c. xvi) : a Mon Père , sanctifie-les dans la vérité^ )) c'est-à-dire dans le Fils. En disant vivi/îcas , il signifie que tout ce qui est vivifié l'est par le Fils (Joan., ii); d'où on lit dans saint Jean : « Je suis la voie , la vérité et la vie » (VIII , d. Qui contempla) . En disant benedlcis, il insinue que la bénédiction céleste nous est don- née par le fruit béni de la Vierge ; ou bien encore : créas, tu

rées ces choses pour qu'elles existent ; tu les sanctifies^ en les

dirigeant vers toi; tu les vivifies, en les animant; tu les bénis, pour qu'elles soient utiles, et tu nous les donnes pour qu'elles jiious servent. Le prêtre fait trois croix en prononçant ces pa- roles : sanctifîcas , vivificas , henedicis. Ces croix représentent .'Eglise primitive , qui reçut la foi à la Trinité. Mais nous don- nerons bientôt à ce sujet une explication différente. Lorsque le )rêtre est sur le point de dire etprœstas nobis, le diacre enlève e corporal de dessus le calice^ pour marquer que, lorsque le ]lhrist rendit l'esprit, le voile du temple fut déchiré depuis le lauf jusqu'en bas , et alors nous furent manifestées les choses nystérieuses et obscures de l'ancienne loi, comme il est dit lans l'Evangile, au sujet de certaines choses comme celle-ci : .( Et cette parole était cachée pour eux. » Mais elles nous fu- ent révélées lorsque le Christ, après avoir pris le vinaigre, 'écria : « Tout est consommé. » Et après que le calice a été lécouvert, le prêtre, prenant l'hostie dit : etprœstas nohis.

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XI. Or^ nous avons vu qu'on ne sait pas bien pourquoi le! calice est couvert, et non l'hostie ; on peut en donner quatre raisons. Premièrement, à cause du danger où se trouve le sang de recevoir plus facilement une impureté que l'hostici Secondement, parce que le calice et le sang signifient plus pré- cisément la passion du Christ que l'hostie ; d'où ces paroles du Christ : a Mon Père, si c'est possible , fais que ce calice s'éloi- gne de moi. » Et dans le canon, l'acte de l'effusion est place' dans la forme du sang, comme ici : qui pro vohis effundetur\ Et, comme le calice et le sang indiquent mieux que le corps la mort du Christ, c'est pour cela que, de même que le Christ mori fut couvert d'un linceul et d'une pierre, de même aussi le ca- lice est couvert d'un voile , et le sang renfermé dans le calice et couvert du corporal. Troisièmement, le sang dans le calice' couvert représente le corps du Christ dans un sépulcre fermé est scellé ; et l'hostie représente le corps du Christ hors du sé- pulcre. Quatrièmement, le sang du Christ dans le calice cou- vert représente le corps du Christ enveloppé dans un suaire : Or , ce n'est pas l'hostie qui le représente enveloppé dans If suaire.

XII. Suivent ces paroles : per ipsum. Ainsi, sans interposi- tion d'aucune parole ni d'aucun temps , réunis les formule.' susdites : Per Christum Dominum nostrum ^ perquem hœcomi nia y et en cet endroit tu marques un point. Et prœstas nohis la lettre est claire. Dis donc : « Par le Christ; » c'est-à-din comme par un médiateur qui s'adresse à son égal, parce que h Christ est égal à son Père . Il est en lui comme lui étant consubs tantiel, ou bien il est en lui, c'est-à-dire dans ses membres. Can dans le Père, on remarque l'autorité , parce qu'il est le prin cipe; dans le Fils, l'égalité, parce qu'il est le milieu; et dan( le Saint-Esprit, la communauté, parce qu'il est le lien du Pèr< et du Fils.

XIII. Or, le Vendredi saint, le Christ fut crucifié , à la troi sième heure, par les cris des Juifs, comme le raconte sain

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 333

larc; à la sixième heure , par les mains des Gentils, ce que iconte saint Jean ; et^ vers la neuvième heure, ayant incliné la îte, il rendit l'esprit. Or, pour rappeler le crucifiement fait à i troisième heure par les clameurs des Juifs, qui crièrent trois 3is : « Crucifie-le , crucifie-le ; » puis ensuite : « Prends-le , rends-le , crucifie-le ; » le prêtre fait trois croix sur l'hostie t sur le calice en disant : sanctificas^ vivificas et henedicis. ^our rappeler le crucifiement, qui eut lieu trois heures après, ar les mains des Gentils , lorsque les soldats crucifièrent Jé- us, le prêtre fait encore trois croix avec l'hostie sur le ca- ice, à ces trois mots : per ipsurriy et cum ipso, et in ipso.

XIV. Ensuite, pour désigner la division de la chair et de ame du Seigneur mourant, il fait deux croix avec l'hostie lême sur le bord du calice , en disant : est tibi Deo Patri om- ipotenti inunitate Spiritussancti. Quoique, dans le Christ, il

ait trois substances unies , c'est-à-dire la divinité , le corps et ame, deux seulement, c'est-à-dire le corps et l'âme, ont été ivisées dans la mort; mais la divinité n'a été" divisée et sépa- 36 ni de l'une ni de l'autre; c'est pour cela que la mort du eigneur n'est pas désignée par trois croix, mais par deux seu-

ment.

XV. Au reste, le prêtre, en faisant ces croix, étend les mains ir la table de l'autel , parce que le Christ étendit ses mains ir l'autel delà croix, d'après cette parole prophétique d'I- lïe : c( J'ai étendu mes mains vers le peuple qui ne croyait is en moi. »

XVI. Secondement, encore les trois croix ci-dessus faites fec l'hostie sur le calice découvert signifient les trois tortu- s que le Christ endura sur la croix nue ; c'est-à-dire la pas- on, la propassion [pati, souffrir; pro, pour) et la compas- on ; la passion dans son corps, la propassion dans son ame,

compassion dans son cœur. Touchant la passion du corps ,

Seigneur dit par le Prophète : (c vous tous qui passez

IV ce chemin, soyez attentifs, et voyez s'il est une douleur

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égale à la mienne ; car ils ont perce mes mains et mespieds, et ils ont compté tous mes os. » Touchant la passion de Famé, le Seigneur dit à ses apôtres : « Mon ame est triste jus- qu'à la mort ; )) car Jésus commença à être saisi d'ennui et de frayeur : il commença à être triste et abattu. Touchant la com- passion de son cœur, il pria son Père pour ses bourreaux, en disant : « Mon Père, pardonne-leur; ils ne savent ce qu'ils font. » Car s'ils l'eussent connu, ils n'eussent jamais crucifié le Seigneur de gloire. Et c'est pour cela que le prêtre fait ces croix avec l'hostie sur le calice^ parce que le Christ souffrit ces tour- ments dans son corps, sur le gibet de la croix. Carie calice désigne la passion , comme on l'a déjà dit^ etc.

XVÏI. Troisièmement, les trois croix faites avec l'hostie sur' le calice désignent la foi du centurion, disant (dans saint Mathieu^ xxvii) : « Celui-ci était vraiment le Fils de Dieu. » Et ainsi il ne connut qu'une seule personne dans la Trinité,' c'est-à-dire le Christ, Dieu et homme. Les deux croix qui se font sur le bord ou sur le côté du cahce désignent les deux sa crements qui s'échappèrent du côté du Christ, c'est-à-dire l'eau de la régénération et le sang de la rédemption , d'aprèsl' le témoignage de saint Jean : a Un des soldats ouvrit de sa! ^ lance le côté de Jésus , et aussitôt il en sortit du sang et de l'eau; » et c'est pour cela qu'immédiatement après ces deux croix, dans certaines églises, on touche le côté du calice avec- l'hostie, ce qui désigne l'ouverture du côté du Christ parla lance du soldat. Quatrièmement, les trois croix susdites se font dans certaines églises, et c'est avec raison. *

XVllI. L'a première^ qui se fait à per ipsum , a lieu sur le bord extérieur du calice, pour signifier que Dieu est en dehors tc de toute chose, mais pourtant sans exclusion. La seconde, qui i se fait aux mots cum ipso, a lieu un peu au-dessous de la ipr€0 Ht mière, c'est-à-dire d'un bord à l'autre du calice, pour marquel tfi que Dieu est au-dessus de toutes choses sans élévation. La trofr Itt sième, qui se fait à in ipso^ a lieu à l'ouverture du calice, ac Bu

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lîilieu de sa concavité, pour indiquer que Dieu se trouve entre

toutes choses, mais sans être renfermé dans aucune. La qua-

rième, qui a lieu au mot Deo P-alri, se fait d'une manière dia-

nétrale, à partir du milieu, d'un bord du calice, en venant

iboutir en droite ligne à l'autre bord, qui se trouve en face du

Drêtre, pour signifier que toutes les choses qui se font d'une

nanière mystérieuse , dans le sacrifice de la messe, seront ex-

)osées à nos yeux à la fin des temps. La cinquième, qui se fait

ji ces mots : in unitale Spirilus sancti, a lieu au côté du calice,

i;ntre le calice et le prêtre, c'est-à-dire en descendant depuis la

artie supérieure jusqu'à la partie inférieure, pour marquer

ue Dieu est au-dessus de toutes choses, et qu'il ne peut être

i comprimé ni renversé. Certains prêtres cependant réduisent

es deux dernières croix à une seule. Cinquièmement, les trois

roix sus~mentionnées signifient les trois tortures que subit le

irist à trois époques différentes , c'est-à-dire : avant sa mort,

s soufflets, les verges, les crachats et autres de cette espèce;

endant sa mort, le crucifiement; après sa mort, la plaie de

)n côté. La première croix signifie le premier supplice; la

conde désigne le second ; la troisième marque le troisième.

ais la quatrième signifie la séparation de Famé du Christ

avec son corps; la cinquième, sa descente dans les limbes ou

supplice de ses pieds. Sixièmement, il y a cinq espèces de

^nes de croix qui se font avant le sixième, c'est-à-dire avant

le le prêtre touche le caHce avec l'hostie. Or, si les deux der-

ers sont réduits à un seul, les cinq signes qui restent symbo-

ent les cinq âges du monde qui se sont écoulés avant la nais-

ncedu Christ. Or, le sixième signe, c'est-à-dire l'attouche-

ent du calice avec l'hostie, signifie le sixième temps, qui s'é-

id depuis la naissance du Christ jusqu'à la fin du monde.

r le seul attouchement lui-même signifie que le Seigneur est

e fois monté sur la croix pour finir sa vie mortelle. Mais la

hté de tout ceci est la torture par oii passaient tous les

mes pendant les cinq siècles sus-énoncés.

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XIX. Il faut donc remarquer que l'on fait sept fois des signes de croix sur le sacrifice pendant le canon. La première fois, on en fait trois, en disant : hœc dona^ liœc munera, etc. La seconde fois, on en fait cinq, en disant : quam oblationem tu Deus^ etc. La troisième fois, on en fait deux^, dont un en disant : quipri- die^ etc.; libi gratias agens benedixit; et l'autre à ces mots ; Simili modo y à cet endroit : ilem gratias agens. La quatrième fois on en fait cinq, en disant : hostam puram, etc. La cin- quième fois, on en fait deux , à ces mots : sacrosanctum Filii tui corpus y etc. La sixième fois, on en fait trois, à ces mots : sancti/îcaSy vivificas^ etc. La septième fois, on en fait cinq, à ces mots : per ipsum, comme on Ta dit en son lieu. Donc, dans ces sept fois, le sacrifice reçoit deux fois deux signes, deux fois trois, deux fois cinq, et la septième il en reçoit deux et trois.

XX. Ce qui, tout réuni, = 5x5 =25, nombre qui, élevé au carré, conserve toujours la même racine, quand môme on le multiplierait jusqu'à l'infini. Car, quelle que soit la multipli- cation du sacrement de l'eucharistie , il est toujours le même sacrifice. S. Augustin, cependant [De consec, dist. ii, Semel), dit que, si l'on ne faisait qu'un signe de croix sur le pain et le vin, cela pourrait suffire^ parce que le Soigneur n'a été crucifie qu'une fois. De plus, dans ce sacrement, les cinq sens du corp§, la vue , l'ouïe , le goût , l'odorat et le toucher entrent en exer- cice par la couleur, la saveur, l'odeur, la fraction et la mandu cation, afin que les cinq sens spirituels de l'ame soient comblés Ces cinq sens spirituels, ce sont : la vue de l'intelligence, l'ouïi de l'obéissance, l'odorat du discernement, le goût de la charii et le toucher des œuvres. Au sujet de ces cinq sens, on trouvi dans l'Evangile : «t Seigneur, tu m'as confié cinq talents ; voie que j'en ai cinq autres de plus. » Mais le nombre deux etl nombre trois conviennent bien à ce sacrement; le nombre deuj à cause de la chair et du sang ; le nombre trois, à cause du pain du vin et de l'eau. De même, le nombre deux convient, à caus de la double manière de prendre le sacrement, c'est-à-dire 1

idèl

ï

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manière sacramentelle, sous les espèces du pain et du vin, et la manière spirituelle^ dans la foi du cœur. Le nombre trois con- vient, à cause des trois choses que Ton distingue dans ce sacre- ment, c'est-à-dire la forme visible du pain et du vin, la réalité du corps et du sang, et la vertu spirituelle de l'unité et de la charité, ce dont nous avons parlé dans la sixième particule , à ces paroles : mysterium fidei. Afin que, de même que le nombre trois sert à former le nombre deux, de même la foi en la Tri- nité opère en nous par l'amour de Dieu et du prochain. On fait donc trois croix, qui forment quatre angles sur le sacrifice, parce que le Christ, attaché sur la croix, racheta les quatre parties du monde. Ces signes de croix sont partagés en sept ordres, pour marquer les sept dons du Saint-Esprit, qui sont ^ nécessaires dans ce mystère. Et presque tous les signes, dans chaque ordre , sont disposés par nombre impair, parce que le corps du Christ, restant un, n'est pas divisé, comme pour si- gnifier que tout honneur appartient au Seigneur et toute gloire à Dieu.

XXI. Suivent ces mots : Per omnia secula, etc. Non-seule- ment le signe de la croix, mais encore l'élévation de la voix, l'action de se frapper la poitrine, insinuent ce qui se passa au pied de la croix, comme on l'a dit à cette parole : Nohis quoque. Or donc, parce que Jésus, poussant un grand cri, rendit l'es- prit, le prêtre , pour cette raison, élève la voix et un peu aussi le calice, en disant : Per omnia; ou bien le prêtre élève la voix pour avertir le peuple que le canon est terminé, et afin qu'il ré- ponde Amen; ou bien, encore, parce que le centurion s'écria: « Celui-ci était vraiment le Fils de Dieu. » Or, parce que les femmes se lamentaient en pleurant le Seigneur, le chœur, comme se lamentant aussi, répond Amen, représentant les fidèles qui, le cœur contrit, pleuraient le Seigneur, comme jadis Adam et Eve poussaient des lamentations sur Abel tué par la fureur jalouse de son frère.

XXÏI. Ensuite le diacre s'avance, et, après avoir un peu

Tome II. 22

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élevé de l'autel le sacrifice, c'est-à-dire le calice avec le corps, il le dépose après, conjointement avec le prêtre, parce qu'on lit dans saint Jean (20) que Joseph d'Arimathie et Nicodème, après avoir obtenu de Pilate le corps de Jésus, le descendirent de la croix et l'ensevelirent. Le prêtre donc, en élevant le Christ, représente INicodème, et cette élévation même indiqué le Christ détaché de la croix ; et la déposition du calice marque l'ensevelissement dans le sépulcre. Et remarque que le prêtre,, en disant : Prœcepiis salularibus monili^ dépose en même temps sur l'autel le calice et l'hostie. Pour l'intelligence de cela, il faut se rappeler que le corps du Christ et son sang fu- rent deux fois élevés et descendus le Vendredi saint : la pre- mière fois, ils furent placés sur la croix et élevés ensuite, puis déposés à terre après leur détachement de la croix ; la seconde fois ils furent élevés de terre , puis placés dans la sépulcre. La première fois est représentée dans la première élévation et la déposition du corps et du sang du Christ, qui a lieu aussitôt après leur consécration ; la seconde est représentée à l'éléva- tion et à la déposition qui ont lieu à l'endroit dont nous par- lons. C'est donc avec raison qu'en prononçant ces paroles on élève le corps et le sang et qu'on les dépose ensuite sur l'autel, pour marquer l'élévation du corps du Christ de la terre et sa déposition dans le sépulcre, parce que Joseph, qui le détacha de la croix etl'éleva de terre, le plaça aussi dans le sépulcre. Il avait été averti et instruit des préceptes salutaires du Christ, dont il était le fidèle disciple ; et on lit de lui dans saint Marc : a et il attendait aussi le règne de Dieu. » Or, on élève en même temps le corps et le sang consacrés, parce que Joseph lui- même, comme quelques-uns le disent, plaça en même temps dans le sépulcre le corps avec le sang. On tient aussi l'hostie avec quatre doigts pendant cette élévation.

XXlll. Car, comme nous attendons et comme nous avons besoin d'obtenir quatre choses principales par les mérites de la , . passion du Christ , c'est-à-dire la puissance contre le diable ,

froi

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rhumilité contre le monde, la chasteté à l'égard de notre propre corps, la soumission et l'amour par rapport à Dieu et à notre prochain, c'est donc av€C raison, et pour représenter cela, que l'on tient l'hostie avec les quatre principaux doigts. Cependant certaines églises, dans les trois premières de- mandes de l'oraison dominicale, tiennent le calice élevé, et alors l'élévation du calice signifie autre chose, comme on va le dire. Dans quelques églises aussi, tandis que le calice est un peu élevé de l'autel, un enfant, se tenant le dernier derrière le diacre, porte une chape renversée [la tête en bas], pour dési- gner que la tête est devenue la queue, c'est-à-dire que les Juifs attendent le Messie ou le Christ, quoiqu'il soit déjà venu. Or, parce que Nicodème, après avoir enseveli le Seigneur, roula une grosse pierre à l'entrée du monument, le diacre, pour rappeler cette particularité^ place le corporal sur l'ouverture du calice déposé sur l'autel; et en enveloppant le calice avec le corporal, il représente Joseph, qui enveloppa le corps du Sei- gneur dans un suaire blanc.

XXIV. De plus, parce que le lieu du sépulcre est devenu un séjour de paix, le diacre, suivant la coutume de certaines églises, baise la table de l'autel ; et parce que la principauté est venue se placer sur les épaules du Christ , le diacre baise l'épaule droite du pontife, pour signifier, par ces deux actes, que le Christ s'est reposé et qu'il a vaincu après sa mort, comme il l'a prédit lui-même par le Psalmiste : « Mais, pour moi, je dor- mirai en paix et je jouirai d'un parfait repos. y> Et ailleurs : c( mort! je serai ta mort; je serai ton aiguillon, ô enfer ! » Carie Christ, parla mort, a triomphé de la mort, a Parce qu'il ja été obéissant jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort de la croix, pieu l'a exalté, etc. » Cela signifie encore que le Christ porta sa croix sur ses épaules. Secondement, le baiser que le diacre donne à l'épaule droite du prêtre signifie qu'il veut participer à ses travaux, afin de participer aussi à la rétribution éternelle. [Troisièmement, cela signifie encore que Joseph, en déposant

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dans le sépulcre le corps du Christ, l'embrassa. Dans certaines églises, le prêtre, en cet endroit, baise aussi l'hostie, pour mar- quer que Nicodème fit la môme chose (|ue Joseph, ou plutôt pour indiquer que par la passion du Seigneur a eu lieu notre réconciliation. Après ce baiser, le diacre se retire derrière le prêtre, pour représenter que les saintes femmes, quand le Sei- gneur fut enseveli, s'éloignèrent du sépulcre.

CHAPITRE XLVII.

DE L'ORAISON DOMINICALE : NOTRE PÈRE, etc.

I. D'après ceux qui disent que la troisième partie de la mes- se , appelée poslulaliones , [demandes) ^ commence à cet en- droit : Oremus, prœceplis salutaribns monili , et se poursuit jusqu'aux collectes^ cette partie renferme cinq clauses : la pre- mière est la préface même, Oremus, prœceptisy etc. (a), ajoutée au canon par le bienheureux Grégoire ; la seconde est Pater noster^ etc. ; la troisième , Libéra nos quœsumuSy Domine; la quatrième, Pax Domini^ et la cinquième Fiat communicatio. Comme donc Jésus dit, poussant un grand cri : « Seigneur, je remets mon esprit entre tes mains, » c'est pourquoi le prêtre, et non tout le peuple , comme cela se pratique chez les Grecs, élevant son visage vers le ciel^ dit : Oremus, prœceptis, etc. II ne prononce pas ces mots à voix basse, mais à haute voix, parce

(a) Cette préface est très-ancienne. S. Jérôme y fait allusion, lorsqu'il dit que Jésus-Christ a ainsi appris aux apôtres d'oser dire tous les jours, dans le sa- crifice de son corps : « Notre Père, qui êtes aux cieux » (*) ; et elle est presque en propres termes dans S. Cyprien (**), qui remarque que Jésus-Christ, parmi ses instructions salutaires et ses divins préceptes, nous a donné la forme delà prière et nous a instruits de ce qu'il fallait demander.

{*) Sic docuit apostolos suos , ut quotidie io corporis illius sacrificio credentes audeant lo- qui: Paler noster, etc. (lib. III contra Pelag.). (**) De Orat. domin.

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qu'on est sous la loi évangélique, et pour marquer que dans la loi nouvelle le Roi des cieux a parlé ouvertement et a prêché sans voile ; c'est pour cela que l'oraison dominicale et le Credo in unum Deum sont récités à haute voix^, afin que tout le peu- ple les dise (6) et les apprenne. On en a encore donné une autre raison au chapitre de la Prédication ; mais la troisième clause, c'est-à-dire le Libéra nos ^ est prononcé à voix basse, pour marquer que quelquefois le Christ s'abstenait de prêcher. On donnera pourtant une autre explication de ceci tout-à-l'heure. En prononçant Pater noster^ le prêtre, qui auparavant a étendu ses mains, les élève encore une fois. D'abord, en disant : Prœ- ceptis saliitaribus moniti^ etc., « Instruits par tes avertisse- ments salutaires, » il a représenté les actions de Joseph, dont on a parlé au chapitre précédent, actions qui furent dictées par des préceptes salutaires, et qui furent accomplies par l'ins- titution divine. Or, parce que la doctrine s'acquiert en écou- tant, en méditant et en apprenant dans la tranquillité (V, q. iv. In loco), c'est pourquoi le prêtre prononce ces paroles les mains appuyées sur l'autel, en disant : Pater nostèr, etc., re- présentant le Christ apprenant à prier au peuple ; el c'est pour cela qu'à l'exemple de Moïse quand il priait, il étend les mains et les élève de nouveau, pour désigner la ferveur du cœur et l'intention droite qui s'élèvent vers Dieu. En disant :Prœceptis salutaribus, il dépose de nouveau sur l'autel le calice et l'hos- tie, comme on l'a dit ci-dessus.

II. Or^ le pontife de l'ancienne loi, revenu vers le peuple, lavait ses habits, et cependant il était impur jusqu'au soir, comme on l'a dit dans la préface de cette partie. Ainsi le Christ, après être entré dans le Saint des saints, revient vers l'Eglise pour compatir à ses misères et pour lui porter secours, et il lave ses vêtements^ c'est-à-dire il purifie les saints. Cepen-

(6) Dans l'Eglise grecque, le Pater est chanté par tous les assistants; ce qui s'observait de même autrefois dans les Gaules (Greg.Turon., lib. 2, De Miracu- lis S. Martini).

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dant, jusqu'à la fin du monde quelques souillures s'attache- ront toujours à ses membres. Le prêtre aussi retourne vers le peuple, parce que, tandis qu'il multiplie de nouveau ses prières à haute voix, il est censé sortir dehors, et il lave et purifie ses habits, c'est-à-dire le peuple, avec ses prières, qui sont le sym- bole de l'eau, qui purifie. Cependant il est considéré comme impur, parce que jusqu'à sa mort il y aura toujours dans tout homme des souillures à laver.

111. Sur le point donc de prier et de montrer qu'il plaide sa cause devant Dieu, il avertit le peuple de prier pour demander ce que nous devons demander chaque jour, en disant : Paler nosler. Cette oraison se trouve dans saint Mathieu (c. vi). Nous pouvons prier avec confiance, comme des enfants prient leur père , puisque c'est le Seigneur qui nous a enseigné à prier ainsi. Le prêtre donc, au nom de l'Eglise universelle qu'il re- présente, prie aussi, et, pour qu'il ne paraisse pas demander de sa propre autorité et d'une manière présomptueuse, il dit au- paravant, et comme en manière de préface : Prœceplis saluta- ribuSy etc. Or, il dit prœceplis et divma iiisiiiutione^ parce que c'est le Seigneur qui a institué cette prière et qui a enseigné aux apôtres à prier ainsi. C'est surtout à ce moment que nous devons prier, prosternés à terre jusqu'à la fin de l'oraison do- minicale, surtout dans les jours ouvrables, et en nous tenant debout dans les jours de fête. Les trois articles suivants, c'est- à-dire Pi^œceptis salutarihus^ Pater nosler et Libéra nos ^ sym- bolisent les trois jours de la sépulture du Seigneur ; c'est pour- quoi nous les prononçons seulement le Vendredi saint. Dans certaines églises, pendant que le prêtre dit : Paler nosler , ses mains sont soutenues par le diacre; et quand un prélat donne la bénédiction solennelle après le Paler y ses mains sont soute- nues par un diacre et un prêtre, qui représentent Hur et Aaron soutenant les mains de Moïse pendant qu'il priait, ce dont nous avons parlé au chapitre de l'Oraison. Ce fut le bienheureux Grégoire qui pensa qu'il fallait réciter sur l'hostie l'oraison

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dominicale après le canon , et il assure, dans son Registre {c), qu'il était inconvenant de réciter sur l'hostie une oraison com- posée par un scolastique (ou écolâtre), tandis que l'on omet- tait celle que le Seigneur lui-même avait dictée et que les apôtres avaient coutume de dire. Chez les Grecs, elle est chan- tée par tout le peuple, et chez nous par le prêtre seul.

IV. Or, il faut remarquer que cette oraison surpasse toutes les autres pour quatre raisons, à savoir : par l'autorité de celui qui nous l'a enseignée, qui est Jésus-Christ; par la concision des paroles ; par la suffisance des demandes, et par la fécondité des mystères. Par l'autorité de celui qui nous l'a enseignée, parce qu'elle fut prononcée par la bouche du Sauveur lui- même, apprenant à prier à ses apôtres, et c'est pour cela qu'elle est appelée Oraison dominicale. Par la concision des paroles, parce qu'on la dit et qu'on la prononce facilement, d'après cette recommandation : « Lorsque vous priez, ne parlez pas beaucoup. » Par la suffisance des demandes , puisqu'elle ren- ferme les choses nécessaires à l'une et à l'autre vies. Parla fé- condité des mystères, parce qu'elle contient d'immenses sacre- ments. '.

V. Car, quoique le Seigneur sache ce que nous voulons, il veut cependant que nous usions delà prière vocale, pour beau- coup de raisons: Premièrement, pour exciter notre dévotion; car ce que fait le souffle pour le charbon , les paroles que l'on prononce le font pour la dévotion. D'où vient que le Psalmiste dit : (( J'ai crié vers lui avec ma voix, et ma langue a exalté son nom. » Secondement, pour l'instruction des autres, afin qu'un rideau tire un autre rideau, qui tous deux se joignent ensemble, et que celui qui entend dise : « Me voici ( Extra De sac. unc,^ chap. i). D'où on lit : ce Que votre lumière brille devant les hommes. » Troisièmement, pour la soumission de la langue, afin qu'ayant péché par la langue, nous puissions satisfaire par

•^ (c) Ou Sacramentairey publié par D. Hugues Ménard.

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la langue. D'où l'Apôtre dit : a Puisque vous avez laissé vos membres servir l'iniquité et pour l'iniquité, de môme per- mettez qu'ils servent la justice pour la satisfaction » (xlvii d., Omnes). Quatrièmement, pour rappeler le souvenir de la chose que nous avons à demander, parce qu'on obtient plus facile- ment ce qu'on demande avec plus d'instance {De pœn., d. i, Imporlunat ; xliii d., Sit reclor, in fine). D'où saint Luc : « Demandez, et vous recevrez; frappez, et on vous ouvrira. » Cinquièmement, pour la conservation de la grâce obtenue, parce que ce que l'on demande plus fréquemment, on le garde avec plus de soin. D'où : « Conserve ce que tu as, de peur qu'un autre ne reçoive ta couronne. »

VI. Or, dans cette oraison, on prie pour acquérir des biens, | pour éviter des maux; pour les biens temporels, spirituels et i éternels; pour les maux passés, présents et futurs. Touchant ) les biens éternels, il est dit : adveniat regnum tuuniy a que ton 1 règne arrive ; » touchant les biens spirituels : fiât volunlas tua^ sicut in cœlo et in terra, « que ta volonté s'accomplisse en la terre comme au ciel ; » touchant les biens temporels : panem nostrum quotidianum da nohis hodie , « donne-nous aujour- d'hui notre pain quotidien. >> Les choses éternelles sont de- mandées en récompense; les choses spirituelles pour nos mé- i rites, et les choses temporelles pour nous sustenter. Touchant t les maux passés : dimitte nohis débita nostra, « pardonne-nous nos offenses; » louchant les maux présents : sed libéra nos a malo, « mais délivre-nous du mal ; » touchant les maux fu- turs : et ne nos inducas, etc., « et ne nous induis pas en ten- tation. » Il faut gémir sur les maux passés, vaincre les maux présents, et se précautionner contre les maux futurs.

VIL L'oraison dominicale renferme sept demandes pour I nous attirer la bienveillance de Dieu; elles signifient les septs paroles du Christ sur la croix. La première de ces sept paroles ' fut : « Mon Père , pardonne-leur ; » la seconde : « Femme, ' voilà ton fils ; » la troisième : « Voilà ta mère ; » la quatrième.

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ou MANUEL DES DIAINS OFFICES. 345

«Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis; » la cin- juième : « Eloï, Eloï; » la sixième : a Mon Père, je remets en tes mains mon esprit; » la septième : a Tout est consommé. » 3u bien elles signifient les sept uniques paroles que la bien- leureose Vierge, selon ce qu'on lit, prononça touchant la personne du Christ. La première est une parole de discrétion : « Comment cela se fera-t-il ? » La seconde, une parole d'humi- ité : « Voici la servante du Seigneur, yy La troisième, une pa- role de salutation : « Dès que la parole de ta salutation est parvenue à mes oreilles. » La quatrième, une parole d'action le grâces : « Mon ame glorifie le Seigneur. » La cinquième, ime parole de compassion : a Mon Fils, ils n'ont pas de vin. » La sixième, une parole d'instruction : « Tout ce qu'il vous dira, faites-le. » La septième, une parole d'amour : «Mon Fils, pourquoi en as-tu agi de la sorte à notre égard ? » Or, la pre- mière demande est : « que ton nom soit sanctifié ; » la seconde,

( que ton règne arrive ; » la troisième, que ta volonté se fasse ; »

a quatrième, « donne-nous notre pain quotidien; » la cin-

juième, « et remets-nous nos dettes ; » la sixième, « ne nous

nduis point en tentation ; » la septième, «délivre-nous du mal.»

Vin. Et ces sept demandes, selon l'Apôtre, sont appelées

eptem postulationes (sept requêtes), dont les trois premières se

•apportent à la patrie éternelle. C'est pour cela que le prêtre,

llans certaines localités, les dit ave-; la préface Prœceplis salu-

arïbuSy en tenant le calice élevé. En disant : sicut in cœlo, il

«lève un peu plus le calice, qu'il repose ensuite sur l'autel, en

lisant : et in terra. Les trois dernières requêtes se rapportent à

a vie présente. C'est pourquoi le prêtre les prononce quand le

îalice a été reposé sur l'autel. Or, les paroles qui se trouvent au

nilieu, c'est-à-dire panem nostrum^ se rapportent à l'une et à

'autre vies. Les trois premières demandes se suivent selon

ordre du temps, mais précèdent dans l'ordre de dignité ; les

rois dernières se suivent dans l'ordre de dignité, mais pré-

èdent dans Tordre du temps.

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346 RATIONAL

IX. Il faut donc remarquer deux ordres dans l'oraison do- minicale : l'ordre ascendant, qui a rapport aux Ycrtus; l'ordre descendant, qui a rapport aux dons. Car les dons descendent de haut en bas; d'où ces paroles : « L'esprit de sagesse et d'intel- ligence se reposera sur lui. » Mais les vertus montent de bas en haut; d'où l'Evangcliste dit : « Bienheureux les pauvres d'es- prit, parce que le royaume des cieux leur appartient. Bien- heureux ceux qui sont doux, etc. » Car le Seigneur, dans l'o- raison même, a suivi un ordre artificiel de prééminence, en descendant du plus au moins ; mais les docteurs, dans l'expli- cation de l'oraison, suivent un ordre naturel de temps, c'est- à-dire en allant du moins au plus, en parlant des choses du temps pour s'élever aux choses de l'éternité. Or, c'est ce der- nier ordre que nous conserverons dans notre explication. Et ici a lieu la ligue des sept demandes, des sept vertus, des sept dons du Saint-Eprit et des sept béatitudes, contre les sept péchés capitaux opposés aux sept vertus. Car on obtient les dons par les prières, les vertus par les dons, et les béatitudes par les vertus. Les sept dons sont : la sagesse, l'intelligence, le conseil, la force, la science, la miséricorde et la crainte. Au sujet de ces dons , le Prophète dit : « Sur lui se reposera l'esprit de sa- gesse et d'intelligence, l'esprit de conseil et de force, l'esprit de science et de miséricorde, et il sera rempli de l'esprit de la crainte du Seigneur. »

X. Or, voici les sept vertus : la pauvreté d'esprit, la man- suétude, les larmes, la faim de la justice, la miséricorde, la pureté du cœur et la paix.

XL Les sept béatitudes sont : le royaume des cieux , la pos- session de la terre, la consolation, le rassasiement, la soif de la miséricorde, la vision de Dieu, la filiation divine. De ces vertus et de ces béatitudes réunies , le Seigneur dit de la pre- mière vertu : « Bienheureux les pauvres d'esprit , parce que le royaume des cieux est à eux. » De la seconde : « Bienheu- reux ceux qui sont doux, parce qu'ils posséderont la terre. »

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 347

De la troisième : « Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés. » De la quatrième : «Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés. » De la cinquième : « Bienheureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde. » De la sixième: «Bienheureux ceux qui ont le cœur pur^, parce qu'ils verront Dieu. » De la sep- tième : « Bienheureux les pacifiques , parce qu'ils seront appe- lés les enfants de Dieu. »

XII. Or, les sept péchés capitaux sont : la vaine gloire ou l'orgueil, la colère, l'envie, la paresse [acidia) (a), l'avarice, la gourmandise, la luxure, qui furent symbolisés dans les sept peuples qui possédaient la terre promise à Israël , à savoir : l'Ethéen, le Gergézéen, l'Amorrhéen, le Chananéen, leFere- zéen, l'Enéen et le Jébuséen. L'homme donc est-il malade, Dieu est son médecin: les vices sont les langueurs, les demandes sont les plaintes , les dons sont les antidotes, les vertus sont la .santé, les béatitudes sont les félicités etles joies. Ces sept vices

{d) Selon Cassien (lib. 10, De Cœnob. Instit., cap. 1, et collât, 5, cap. 2, 9), )n doit entendre par acedia^ accidia ^ acidia, « Tennui et l'angoisse du cœur j}ui s'emparent des anachorètes et des moines dispersés dans la solitude. » Se- lon S. Jérôme (ep. 4), c'est une espèce de mélancolie qui s'attaque surtout aux ïïioines, et que le grand docteur définit ainsi : Sunt qui humore cellarum, im^ noderatisque jejuniis tœdio solitudinis , ac nimia lectione , dum diebus ac loctibus auribus suis personant, vertuntur in melancholiam, et Hippocratis ma- ^s fomentisy quant nostris monitis indigent. — S. Althelme, dans son poème atin Des huit principaux vices, dit ( n» 6 ), en parlant de l'accidia :

Hinc aciem sextam torpens accidia ducit, Otia quœ fovet, et somnos captabit inertes, Importuna simul verborum frivola sontum, Instabilis mentis gestus , et corporis actus : Inquietudo simul stipulatur milite denso.

Gésaire d'Heisterbac ( lib . 4, cap. 27) définit Vacedia et donne l'étymologie e ce mot en ces termes : Âcedia est ex confusione mentis nata tristitia, sive œdium et amaritudo animi immoderata, qua jucunditas spiritalis extinguitur, t quodam desperationis prœcipitio mens in semetipsa subvertitur ; dicitur au- ém cedia, quasi acida, eo quod opéra spiritualia nobis acida redat et insi- nda.

Le vieux traité de morale manuscrit qui a pour titre le Miroir, dit : Li- mars pechié de Peieche, con apele en clerkois, accide.

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sont mis en fuite par les sept demandes de l'oraison , comm< on le montrera plus bas. Mais venons à l'explication de l'orai son elle-même ; et remarque que dans certaines églises , pen dant que les sept demandes ont lieu, le diacre se tient incliné attendant la communion; en quoi il symbolise les apôtres, qui après la mort du Christ, pendant sept semaines, attendirent I; confirmation de l'Esprit. Or, le sous-diacre ne dit rien , paro que les saintes femmes, le jour du sabbat, qui est le septièm de la semaine, gardèrent le silence.

CHAPITRE XLVIII.

DE L'EXPLICATION OU EXPOSITION DE L'ORAISON DOxMINlGALE.

I. Pater noster^ etc. , « Notre Père. » Comme nous ravon'l déjà dit en expliquant l'oraison dominicale , nous procèderon: dans l'ordre du temps, en commençant par la fin et nous' dirigeant ainsi vers le commencement, en suivant un ordr(' rétrograde. En effet, l'homme, environné d'un grand nombre de misères, demande d'abord à être délivré du mal, parce que la vie de l'homme sur la terre n'est pas exempte de ten' tation. C'est pourquoi, une fois délivré du mal , il demande l ne pas être induit en tentation ; et, comme il se trouve toujoun en quelque péché tant qu'il est dans cette vie , car si nous di- sons qu'il n'y a pas de péché en nous nous mentons, il de- mande que ses dettes, c'est-à-dire ses péchés, lui soient remi- ses. Mais lorsqu'il a été délivré du mal , lorsqu'il a vaincu lef tentations et que ses dettes lui ont été remises , comme il m peut se soutenir par lui-même , l'esprit de force lui est néces- saire afin qu'il ne tombe pas en défaillance en attendant la ré- compense. C'est pourquoi il demande que le pain quotidien lu

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 349

oit donné. Ensuite, quand il a été délivré du mal et fortifié [ans le bien , il demande que la volonté divine s'accomplisse ur la terre ainsi qu'elle s'accomplit dans le ciel. Et, comme îans cette vie les biens dont nous avons parlé ne peuvent ni arriver d'une manière parfaite, il demande que le règne de )ieu arrive, règne dans lequel le nom du Père soit sanctifié ans les cieux , afin que jamais, dans la suite , il ne puisse tre privé de la grâce de la sanctification. Puisque nous avons xposé plus haut la série des demandes, nous allons continuer ar leur explication détaillée.

IL II faut remarquer d'avance, cependant, que l'introduc-

ion de l'oraison , c'est-à-dire ce Notre Père qui es dans les

ieux, » est un moyen de capter la bienveillance, comme nous

î dirons tout-à-l'heure. En effet, père en grec se dit Trorvip, et

enitor en latin, et en hébreu ahha ; et Dieu est appelé père, de

atr ando OM perfîciendo (faire, achever), parce que par lui

)utes choses ont été faites. Or, Dieu est appelé Père d'une

lanière générale, d'une manière spéciale et d'une manière

nique. D'une manière générale, par la création de toutes

hoses; d'une manière spéciale, par l'adoption des* justes;

'une manière unique, par la génération du. Christ. Par la

réation , comme dans ce passage : « Je fléchis les genoux de-

jint toi, ô Dieu! Père tout-puissant, de qui toute paternité

bçoit son nom dans le ciel comme sur la terre. » Par adop-

pn , comme en cet endroit : ce Or , si vous , bien que vous

)yez mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vosen-

mts, à combien plus forte raison votre Père céleste ne vous

Dnnera-t-il pas un bon esprit, quand vous le prierez? » Par

înération, comme en cet endroit : « Personne ne connaît le

ils, si ce n'est le Père , ni le Père , si ce n'est le Fils et celui à

il le Fils a voulu le révéler. » Le prêtre, en disant : a Notre

ère qui es dans les cieux, » nous détourne de deux choses,

est-à-dire de l'orgueil, car nous ne disons pas Paier mi, « Mon

3re, » en considérant comme notre père particulier Celui qui

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350 RATIONAL

est le Père commun de la nature ; et de l'indignité, afin que nous ne nous rendions pas indignes d'un Père si grand , qui réside dans les cieux. Car Dieu est le Père, par nature, du Christ seul, à qui seul il convient de dire : « Mon Père. )> Or, il est, par sa grâce, le Père des fidèles , à qui il appartient de dire : a Notre Père. » Le Christ dit : « Mon Père^ s'il est pos- sible , fais que ce calice s'éloigne de moi ; » et nous, nous di- sons : « Notre Père qui es dans les cieux, que ton nom soit sanctifié. » Le Christ dit de lui-même : « Je vais à mon Père et à votre Père , » à mon Père par nature , à votre Père par la grâce. Par ces paroles, il nous exhorfe encore à deux choses, i savoir : à conserver la grâce d'adoption, en disant Pater, et l'union de la fraternité, lorsqu'il dit noster. De plus, en ce qu'il dit Pater y qui est un nom pieux , on remarque sa bonté et la dévotion de l'Eghsequi l'appelle aussi Père. Ce mot noster indique la dilatation de la charité ; par ce mot in cœlisy c'est à-dire parmi les saints, dont la demeure a été éloignée de la lie de ce monde, on désigne la miséricorde de Dieu.

IIL Or donc, comme on commence, dans cette oraison, par une captation de bienveillance, il faut savoir que l'on capte h bienveillance par le concours de trois personnes , c'est-à-din du juge, du demandeur et de l'assesseur. Le juge , c'est Dieu ; le demandeur, c'est l'homme; et l'assesseur, c'est l'ange. Le, prêtre capte la bienveillance du juge, quand il dit : Pater; dir demandeur, lorsqu'il dit : noster; de l'assesseur, en disant : qut es in cœlis y c'est-à-dire parmi les anges ou les saints, dont k Psalmiste parle ainsi : « Les cieux célèbrent la gloire de Dieu ; )) par 011 nous avons l'espoir qu'il nous rendra saints ; ou hier dans les cieux, c'est-à-dire dans le secret delà majesté divine, ce qui nous donne la confiance d'obtenir les biens cachés qut l'œil n'a pas vus, que l'oreille n'a pas entendus, et que le cœur de l'homme n'a pas sentis. 11 nous inspire donc la confiance d'obtenir ces biens ; aussi ne disons-nous pas : a Seigneur [toi que l'on sert avec crainte , » mais : « Notre Père [toi] que For

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ert avec amour^ » comme si l'on disait : Parce que tu es père, u as la volonté ; parce que tu es dans les cieux, tu as le pouvoir ; iélivre-nous donc du mal.

IV. Et remarque que l'on dit ciel^ du mot celando (celer, ca- her), parce que le ciel cache les secrets de Dieu ; ou bien de elsitudine (hauteur), parce qu'il est au-dessus des choses ter- estres.

V. « Mais délivre-nous du mal. »

Il existe trois maux dont nous demandons à être délivrés : î mal inné, le mal commis, le mal infligé. Le premier est con- racté, c'est-à-dire originel ; le second est commis^ c'est-à-dire ctuel ; le troisième est supporté , c'est-à-dire infligé comme unition (pœnale). Or, nous évitons le mal par l'esprit de rainte ; car, comme dit l'Ecriture, (c la crainte du Seigneur basse le péché. »

VI. Il existe trois espèces de craintes qui nous font éviter le lal : la crainte servile, la crainte initiale et la crainte filiale. Par

crainte servile nous cessons de pécher par l'horreur du châti-

lent ; la crainte filiale nous détourne du mal par amour de la

stice; et la crainte initiale, en partie^ nous fait éviter lé péché

itant par horreur du châtiment que par amour de la justice.

1 crainte servile est le propre de ceux qui débutent ; la crainte

itiale appartient à ceux qui progressent déjà ; la crainte filiale

t la prérogative de ceux qui sont arrivés à la perfection. Le

être dit donc : ce Mais délivre-nous du mal , » comme s'il

sait : Donne-nous l'esprit de crainte et la pauvreté d'es-

it^ afin que par l'esprit de crainte nous évitions le mal, et

e par la pauvreté d'esprit nous acquérions les biens^ pour

e , libres de tout vice et pleins de mépris pour les choses

restres, nous possédions les biens éternels, c'est-à-dire le

yaume des cieux, que Lucifer et nos premiers parents ont

rdu par la vaine gloire ou l'orgueil. Par cela donc qu'en

umiliant le prêtre demande à être délivré du mal (ce

'il obtient par le don de crainte), l'orgueil, opposé à la

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crainte, est mis en fuite, et ainsi la fin de l'oraison s'accorde avec le commencement, où il a débuté par l'humilité contre l'orgueil, comme on l'a vu ci-dessus.

Vil. Et ne nos inducaSy « Et ne nous induis pas en tentation, » c'est-à-dire en la séduction du diable. Remarque que nous som- mes tentés par Dieu, par l'homme et par le diable. Dieu nous tente pour nous éprouver, l'homme nous lente pour nous con- naître, le diable nous tente pour nous tromper. Touchant le premier, on lit : « Dieu tenta Abraham. » Touchant le se- cond: c( Tente-nous pendant dix jours , nous t'en supplions. » Sur le troisième: « Pourquoi Satan a-t-il tenté ton cœur?» Or, nous sommes tentés de deux manières : intérieurement, par délectation; extérieurement, par suggestion. La tentation in- térieure nous fait peu de chose ; mais la tentation extérieure nous profite beaucoup, si l'on n'y consent pas et que l'on y ré- siste. Car il est écrit : « Que la tentation ne vous saisisse pas à moins que ce ne soit une tentation humaine ; » et ailleurs c( Heureux l'homme qui souffre la tentation, parce que, lors qu'il aura été éprouvé, il recevra la couronne de vie. » Lors don( que nous sommes tentés sans notre consentement, nous soni mes conduits vers la tentation; mais quand nous donnons notn consentement, nous sommes induits en tentation, comme L poisson, avant d'être pris, est conduit vers le filet; mais lors- qu'il est induit ou introduit dans le filet, il est pris, on le tient, e alors s'accomplit ce que dit l'apôtre saint Jacques : «Or, chacui est tenté, entraîné qu'il est et alléché par sa mauvaise concupis cence; et, lorsque la concupiscence a conçu, elle enfante le pé ché ; et, lorsque le péché a été consommé, il enfante la mort. : Mais, comme le même apôtre ajoute : Q^^^^ Deus inlenlalo est malorurrij « Parce que Dieu ne nous tente pas en mal, pourquoi demandons-nous que Dieu ne nous induise point ei tentation?

Vlll. Il faut dire que Dieu, en quelque sorte, tente et n tente pas. Il tente pour éprouver, d'après ces paroles : (c Eprouve

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moi, Seigneur, et tente-moi ; » mais il ne tente pas pour trom- per, d'après ces paroles : c( Dieu ne tente personne. » Nous demandons donc que Dieu ne nous induise pas en tentation, c'est-à-dire ne permette pas que nous y soyons induits , parce que, de même que l'on dit : Il n'est pas dans la ville un mal que Dieu ne fasse , c'est-à-dire qu'il ne permette de s'accomplir ; car il est écrit : ce Dieu, qui est fidèle, ne permet pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces ; » c'est comme si nous disions : Donne-nous l'esprit de piété et la mansuétude de l'es- prit, afin que par l'esprit de piété nous surmontions les tenta- tions , en nous exerçant à la piété , et que par la mansuétude nous soyons vainqueurs de la colère, en ne rendant pas le mal pour le mal. Surmontons aussi l'envie , qui est opposée à la piété , afin qu'ainsi nous possédions la terre des vivants , que nous obtiendrons par l'esprit de piété et la mansuétude de l'es- prit; car la piété a la promesse de la vie présente et de la vie future^ et « bienheureux ceux qui sont doux , parce qu'ils pos- séderont la terre. » D'où le Psalmiste dit : « Ceux qui sont doux posséderont la terre et se réjouiront dans une paix sur- abondante. » •

IX. Dimitte nohis débita nostra. etc., ce Remets-nous nos dettes, etc. » Les péchés sont nommés dettes^ car ils nous cons- tituent débiteurs de la peine. Il ne s'agit point ici de dettes pé- cuniaires, mais de dettes d'offenses. Or, il y a trois dettes dont nous demandons à être allégés, savoir : le péché commis contre Dieu, le péché contre le prochain, et le péché contre nous- mêmes. Nous avons péché avec nos pères, nous avons agi in- justement, et nous avons fait l'iniquité, comme il est dit dans le psaume cv : «Nous avons, avec nos pères, péché envers Dieu, nous avons agi injustement à l'égard du prochain , nous nous sommes rendus coupables d'iniquité envers nous-mêmes. )) Et, parce que nous avons péché envers Dieu , c'est pour cela que nous lui demandons de nous remettre nos dettes; parce que pous avons péché envers nous-mêmes, nous lui demandons de Tome IL ??,

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354 RATIONAL

nous remettre nos dettes comme nous les remettons nous- mêmes à nos débiteurs ; elles ne nous sont donc remises que sous cette convention, à condition de les remettre nous-mêmes à nos débiteurs, sans quoi elles nous seront comptées comme dettes , même après avoir été remises , d'après ces paroles de FEvangile : a Méchant serviteur, je t'ai remis toute ta dette, parce que tu m'en as prié ; n'aurais-tu pas dû, de ton côté, avoir pitié de ton compagnon comme j'ai eu moi-même pitié de toi? Et le maître, irrité, le livra aux tourmenteurs jusqu'à ce qu'il rendît tout ce qu'il devait. C'est ainsi que mon Père céleste agira à votre égard, si chacun de vous ne pardonne à son frère du fond de son cœur. » Or, pour que le Seigneur montrât évidemment que le fruit de l'oraison tout entière serait nul si nous ne remettions leurs dettes à nos débiteurs, à la fin de l'évangile précité il ajoute encore, après tout ce qu'il a déjà dit : « Si donc vous pardonnez leurs péchés aux autres hommes , mon Père céleste aussi vous pardonnera les vôtres ; mais si vous ne pardonnez pas aux autres hommes leurs péchés, mon Père céleste non plus ne vous pardonnera pas les vôtres. » Pour ceux donc qui ne remettent pas leurs dettes à leurs débiteurs , cette oraison paraît plutôt nuisible qu'utile ; car celui qui demande qu'on lui remette ses dettes' comme il les remet lui-même à ses débiteurs, s'il ne les leur remet pas lui-même, paraît certainement demander qu'on ne lui remette pas les siennes [De consec, dist. ii, Panem).

X. Mais on demande ce que Dieu est tenu de remettre à celui qui ne veut ni satisfaire ni demander pardon? Sans doute il faut distinguer entre celui qui est parfait et celui qui est im- parfait. Pour celui qui a saisi la voie de la perfection, même' quand il ne demande pas pardon , Dieu est tenu d'avoir pouj lui toute espèce d'indulgence. D'où dans le canon d'Inno- cent [De pœn.j d. v, c. Fierl) on lit : « La pénitence est fausse si le pénitent ne satisfait pas l'offensé, ou si celui qu'il a offense n'a pas d'indulgence pour lui. » Mais celui qui ne s'est pas en

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 355

core élevé à la voie de la perfection est tenu de purifier la ran- eidité de son cœur, sans être pourtant obligé de donner la sa- tisfaction qui est due. D'où, dans le canon de Fabien (XXIII, q. IV, Cum in lege ita) il est dit : « Si quelqu'un, contristé par son frère, refuse de se réconcilier avec lui lorsqu'il en aura reçu satisfaction , qu'il soit condamné aux jeûnes les plus ri- goureux jusqu'à ce qu'il ait accepté avec reconnaissance la sa- tisfaction qui lui est offerte. » Quoique tous, généralement, nous soyons tenus d'aimer nos ennemis, de faire du bien à ceux qui nous haïssent, et de prier pour nos persécuteurs^et pour nos ca- lomniateurs (xc dist., Si quis).

XI. Comme il y a des fautes pour lesquelles se relâcher de la punition serait une faute (xxviii dist., Quœ sunt) , et que si nous sommes tenus de pardonner l'offense commise en- yers nous , nous n'en devons pas moins punir le péché com- mis envers Dieu et envers le prochain, quiconque donc est travaillé par la haine ou par l'envie voit son péché plutôt agravé qu'amendé par cette oraison , à moins qu'il n'ait aus- sitôt le ferme propos de pardonner. Cependant on ne doit pas prier en son nom particulier, mais au nom de toute l'Eglise. C'est pourquoi le prêtre ne dit pas : « Remets-moi mes dettes comme je les remets moi-même à mes débiteurs, » mais : ! (( Remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos dé- jbiteurs.

Quelques-uns veulent que ce passage s'entende ainsi : Di- mitie nobis, etc., c'est-à-dire : Remets-nous nos dettes de la même manière que nous les remettons à nos débiteurs, comme si on disait : Donne-nous le don de la science , la douleur et la vertu, afin que nous connaissions et que nous pleurions tant inos péchés que ceux des autres , afin que tu nous remettes nos dettes; et ainsi nous aurons une consolation contre l'envie, qui fait que les hommes se plaignent et sèchent de dépit en voyant les avantages d'autrui ; contre la colère , qui est con- traire à la science, parce que la colère empêche l'esprit de dis-

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3j0 RATIOÎVAL

linguer le vrai (XI , q. m , Illa^ et capite sequenti). Car par la science nous acceptons la douleur pour la rémission présente, et nous aurons la consolation pour l'avenir, d'après ce qu'on lit dans le Psalmistc : a Purifie -moi de mon péché, parce que je connais mon iniquité; » et dans rEvangile : c< Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés. »

Panem nostrum quotidiannm, etc., « Notre pain quotidien, etc. » On lit à ce propos dans l'évangile de saint Jean : « Sei- gneur, donne-nous toujours ce pain. » Or, -n-av en grec, signi- fie omne en latin (tout). D'où vient que nous prions le Père tout-puissant de daigner nous accorder en tout temps toute nourriture spirituelle, charnelle et corporelle.

XII. Or, cinq pains nous sont nécessaires, quatre comme viatique^ pour faire la route de ce monde, et le cinquième dansi Ja patrie : le pain corporel, pour nous soutenir; le pain spiri^ tueî, pour nous former; le pain doctrinal (ou^dela science)^ pour nous instruire; le pain sacramentel, pour expier nos pé- chés; et le pain éternel, pour notre récompense. Touchant le_ premier, on lit : a L'homme ne vit pas seulement de pain ; » pour le second : « Mon ami, prête-moi trois pains ; » sur Itj troisième : « Venez, mangez mon pain ; » sur le quatrième : (( Celui qui mange le pain du Seigneur indignement se rend coupable du corps du Seigneur; » touchant le cinquième : « Je suis le pain vivant descendu du ciel . » Car, après que l'hommJa d a été purifié de ses péchés il a besoin de l'esprit de force m comme nous l'avons dit ci -dessus; c'est pourquoi il -dit 1 1/^/ (( Donne-nous notre pain quotidien, c'est-à-dire celui qui nom \ est nécessaire chaque jour; autrement Dieu ne pourrait nou sro donner ce qui nous appartiendrait, en propriété, à moins quj ié cela ne cessât de nous appartenir (Extra De fide imtru., o m Inter.) c( Donne-nous aujourd'hui, » comme si nous disions) lanji Donne-nous l'esprit de force, parce qu'il est comme un paii p?oi multiplié qui fortifie l'ame, afin que nous ne manquions pa dm dans le présent, lorsque nous sommes affamés de la justice mte

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ou MANUfil. DES DIVINS OFFtCES. 357

par laquelle nous repoussons la paresse et l'ennui du bien ; par laquelle aussi nous serons rassasiés d'une* abondante jus- tice dans la vie future , d'après cette parole de l'Evangéliste : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés. »

XIII. Saint Mathieu dit : Panem nostrum supersuhstantia- lem^ (( Notre pain supersubstantiel; » ce qui peut être entendu de deux manières, ou bien d'après ce sens unique : ((Donne-nous notre pain supersubstantiel, » c'est-à-dire le Christ, qui est su- persubstantiel ou au-dessus de la substance créée, qui est le pain sur l'autel; ou bien^ dans un sens double, comme si l'on disait: ((Donne-nous notre pain supersubstantiel, » c'est-à-dire le Christ , qui est la nourriture propre des fidèles , et cela outre || le pain, c'est-à-dire outre le pain substantiel, le pain nécessaire à notre alimentation ; comme si nous disions : (( Donne-nous tout à la fois le pain de l'ame et le pain du corps. » Saint Luc dit : Panem nostrum quotidianum^ ce qui peut être entendu tant du pain corporel que du pain sacramen-tel, c'est-à-dire du viatique. Les Grecs disent zTtwvmov^ ce qu'on rend par super- à substantiel [Deconsec.^ dist. n, /)e ca/'/ce^ in fin.). Les Hébreux di- visent. çe^o?a, ce que l'on interprète par illustre ^ particulier, spé- cial. C'estpeut-être pour cette raison que saint Luc, voyant saint Mathieu se servir de l'expression segola, qui signifie spécial^ a dit quotidien. Or, l'interprète grec de saint Mathieu, voyant qu'il s'était servi de l'expression segola, qui signifie choisi, il- lustre , Fa traduit par sTrioufjîov, c'est-à-dire supersubstantiel . [i| XIV. Fiatvohmtas tua, a Que ta volonté se fasse. » Par ces paroles nous demandons à Dieu de le servir sur la terre sans péché grave, comme les anges et tous les saints, qui le servent dans l'état d'innocence. La volonté de Dieu s'entend de deux manières, à savoir : le bon plaisir éternel de Dieu, et la marque i|de son bon plaisir temporel. Le bon plaisir éternel de Dieu s'ac- complit toujours; de là ces paroles : (( Qui résistera à la vo- llonté de Dieu? » et : « Tout ce que le Seigneur a voulu, il Fa

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fait. » Les signes du bon plaisir temporel de Dieu sont au nom- bre de cinq. Co sont : le commandement, la défense, la per- mission, la résolution et l'action. De là viennent ces paroles du Psalmiste : « Les œuvres du Seigneur sont grandes et propor- tionnées à toutes ses volontés. » Elles ne s'accomplissent pas toujours, et pour qu'elles le soient on doit prier, en disant : c( Que ta volonté se fasse, » c'est-à-dire : Que ce que tu or- donnes, ce que lu conseilles, ce que tu persuades s'accom" plisse, parce que la volonté sans le pouvoir ne suffit pas (lxxxvi dist.. Non salis).

XV. Sicut in cœlo et in terra ^ « Sur la terre comme au ciel ; » c'est-à-dire : Puissions-nous sur la terre accomplir ta volonté, comme ceux qui habitent le ciel l'accomplissent; ou bien : Sur la terre comme au ciel, c'est-à-dire : Que ta volonté s'accomplisse chez les hommes comme chez les anges ; ou bien encore : s'accomplisse chez ceux qui sont convertis, comme chez ceux qui sont parfaits; ou bien : s'accomplisse dans TE- glise comme dans le Christ ; ou encore : dans la chair comme dans l'esprit^, afin que la chair, par sa concupiscence, ne s'é- lève pas contre l'esprit, d'après ces paroles du Psalmiste : c( Mon cœur et ma chair ont tressailli » (in v dist., v dist.). Donne-nous l'esprit de conseil, afin que nous fassions ta vo-. lonté, en pratiquant surtout la miséricorde^ qui tue l'avarice, afin que nous obtenions nous-mêmes miséricorde, d'après ces paroles : ce Bienheureux les miséricordieux, ceux qui font mi- séricorde ; » car, de même que l'avarice consiste à acquérir et à garder , ainsi la miséricorde consiste à donner et à remettre. L'accomplissement de cette demande et des deux autres com- mence sur le chemin de cette vie mortelle et est consommé dans la patrie, où nous ne pourrons rien vouloir que ce que nous saurons être la volonté de Dieu. Alors nous aimerons Dieu de tout notre esprit, de toute notre ame et de toutes nos forces.

XVL Nous aimons le Fils de cœur [ex corde ) , c'est-à-dire '

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par l'intellect; [toto) de tout notre cœur, c'est-à-dire sans er- reur. Nous aimons le Père de pensée, c'est-à-dire avec notre mémoire [tola) tout entière, c'est-à-dire sans oubli. Nous ai- mons l'Esprit saint avec notre ame, c'est-à-dire avec notre vo- lonté [tota), c'est-à-dire sans contrariété. Nous aimons le Père tout-puissant, le Fils plein de sagesse , le Saint-Esprit plein de bonté, c'est-à-dire la puissance, la sagesse et la bonté de la Trinité. Adveniat regnum tuum, « Que ton règne arrive. » Par là nous demandons que le Christ règne toujours sur nous, et non le péché , afin qu'il nous trouve prêts quand il ordonnera à notre ame de sortir de notre corps.

XVII. Or, on appelle règne de Dieu l'Eglise militante, qui est régie, et l'Eglise triomphante, qui règne. On appelle encore règne de Dieu la grâce de la foi et la gloire de l'espérance. On appelle encore règne de Dieu l'intelligence de l'Ecriture et le lieu de la patrie. Touchant le règne de l'Eghse militante, il est écrit : « Les anges sortiront , et^ comme des moissonneurs, ils recueilleront et enlèveront de son royaume tous les scandales. » Touchant le règne de l'Eglise triomphante, on trouve ces mots dans l'Evangile : « Ils viendront et s'asseoiront avec Abra- ham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux. » Sur le règne de la foi, l'Ecriture dit : « Le règne de Dieu est au milieu de vous. » Sur le règne de l'espérance, le Seigneur dit : « Venez jouir du royaume qui vous a été préparé dès l'origine du monde. » Touchant le règne de l'Ecriture, on lit : « Le règne de Dieu disparaîtra du milieu de vous pour être donné au peuple qui porte des fruits. » On trouve au sujet du règne de la patrie : « Les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père. » Et le Christ aussi est appelé règne de Dieu, d'après ces paroles :

XVIII. « Si donc c'est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, évidemment alors le règne de Dieu est venu au milieu de vous. )) Que ton règne arrive donc, c'est-à-dire qu'un règne se réunisse à l'autre, que l'Eglise militante se réunisse à l'Eghse

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Irioinpliantc ; ou bien encore : Que ton règne arrive^ c'est-à-dire vienne pour que nous te voyions^ afin que le règne de la foi passe au royaume de l'espérance ; parce que la vie éternelle consiste à ce que nous te reconnaissions connne seul vrai Dieu, ainsi que celui que tu as envoyé, Jésus-Christ; et comme si le prêtre disait : Donne-nous l'esprit d'intelligence, afin que, purs de cœur, nous comprenions que tu règnes présentement par la foi , afin que dans le temps à venir nous te voyions régner en nous par l'es- pérance. Alors nous connaîfrons Dieu comme il nous connaît, car maintenant nous voyons comme dans un miroir et d'une manière énygmatique ; mais alors nous le verrons face à face, et ainsi nous verrons le Dieu des dieux dans Sion. Ce qui est opposé à la gourmandise, dont le Prophète dit : « Le vin et l'ivresse enlèvent le cœur. » Car par rintelligence l'homme cesse de vivre d'une manière charnelle; d'où saint Jérôme dit : (( Aime la science des Ecritures, et tu ne t'attacheras pas aux vices de la chair. »

XIX. Sanctifîcelur nomen Inum^ « Que ton nom soit sancti- fié. » Par là nous demandons à être saints et justes, à nous éloigner du mal et à faire toujours le bien. Et remarque que le nom du Père est sanctifié de quatre mailières dans ses en- fants : de deux manières sur la terre et de deux manières dans la patrie. Sur la terre_, par l'action de produire des actes, l'ac- tivité et la persévérance ; dans la patrie, par la consommation ou le perfectionnement (ou Fachèvement de la sanctification). En effet, sur la terre le nom du Père est sanctifié dans ses en- fants quand il opère en eux l'acte du salut, ou quand la sanctifi- cation qu'ils ont reçue au nom du Père persévère en eux. Dans la patrie , le nom du Père est sanctifié dans ses enfants, parce qu'il est sanctifié et confirmé en eux de telle sorte qu'ils ne peuvent plus être séparés de la grâce de la filiation. Sur la terre le nom du Père est pour ainsi dire mobile et variable dans les enfants, car Judas aussi fut pendant un temps fils du Père; mais vint un jour oii il cessa de Tétre ; c'est à cause de ce chan- f

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gement» de cette mobilité possible que T Apôtre a dit (II q., VII §) : « Je châtie mon corps et le réduis en servitude, de peur ju'après avoir prêché les autres je sois moi-même réprouvé. » Et ici-bas le nom du Père est sanctifié dans les enfants, lors- ju'ils sont tels que la sainteté du Père brille dans ses enfants; ît en haut ils apparaîtront au grand jour ceux dont la vie est uaintenant cachée, d'après ces paroles : « insensés que nous Hions ! nous estimions que leur vie était une folie et leur fin >ans honneur, et voilà comment ils ont éic, comptés au nombre les enfants de Dieu et que leur sort est maintenant fixé au Tiilieu des saints!!! » On dit donc : a Que ton nom soit sanc- ifié, » comme si l'on voulait dire : ce Donne-nous l'esprit de 5agesse , » comme on dit de la saveur, la douceur éternelle, ifin que nous goûtions combien est agréable le Seigneur, qui îngendre la paix en nous, c'est-à-dire le repos des mouvements ntérieurs, afin que notre chair, stimulée par la concupiscence, ïe s'insurge pas contre l'esprit^, parce que la paix ne peut rési- ler dans mes os à la vue de mes péchés. Afinqu'ainsi ton nom ioit sanctifié, c'est-à-dire le Père dans les enfants ; en sorte que ce qui est difficile dans le temps présent ) nous ne soyons amais, dans le temps futur, séparés de la grâce de la filiation; îe qui est manifestement contraire à la luxure, parce que celui [ui travaille ne s'y complaît pas. Celui qui n'a pas la paix de 'esprit n'est pas enfant de Dieu ; mais il est assimilé à la bête le somme, qui pourrit dans son fumier. Car lorsque l'on a jouté à l'esprit toute chair cesse d'exister.

XX. A la fin de l'oraison dominicale, se trouve le mot imen, qui se rapporte à toutes les demandes. L'hébreu place à la fin un de ces trois mots : amen , seîa^ salem, qui tous signi- îent paix. Nous avons parlé de VAmen au chapitre de la Salu- afion du prêtre au peuple. Quoique ce mot exprime quelque- ois le sentiment du désir, ici cependant il montre, il indi- que l'affirmation de la conclusion. D'où, dans la glose de saint ifathieu (c.vi)_, amen signifie que dans toutes ces demandes Dieu

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nous accorde indubitablement ce que nous lui demandons , si nous conservons les conventions de la dernière condition ; d'où il ajoute : si dimiseriiis ^ etc., et c'est pourquoi en cet endroit amen n'est prononcé ni par le peuple^ ni par le clergé, mais par le prêtre; car il est, lui, médiateur entre Dieu et l'homme, et il lui appartient d'offrir à Dieu les vœux du peuple , et de faire savoir au peuple la volonté de Dieu , comme on le voit dans l'Exode (c. XIX ).

XXI. Il vaut mieux que ce mot soit prononcé par le prêtre, à qui il convient d' affirmer que ce que Ton a demandé au Seigneur est accordé , que par le peuple, qui ne doit être informé de ces choses que par Fintermédiaire du prêtre. Or, dans les autres oraisons qui se trouvent dans l'office de FEglise, amen exprime plutôt le sentiment du désir qu'une conclusion affirmative. Et c'est pour cela qu'alors il est convenablement prononcé par le peuple, qui désire avoir ce que le prêtre demande par ses prières dansées oraisons. Cependant en cet endroit le prêtre dit amen à voix basse : Premièrement, pour marquer que le Seigneur veut que ceux qui le prient laissent ignorer qu'ils ont été exaucés, de peur qu'ensuite ils ne tombent dans la tiédeur. Secondement, . parce que, s'il proférait à haute voix amen, mot qui affirme que l'oraison dominicale a été entendue de Dieu , on pourrait [ croire à la présomption et à une certaine ostentation de la part du prêtre.

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CHAPITRE XLIX.

TROISIÈME PARTIE DE LA MESSE,; DU SILENCE APRÈS L'ORAISON !|iij

DOMINICALE. « 

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I. La troisième partie de la messe commence à cette orai-.^ son : Libéra nos, quœsumuSy Domine^ etc.; ce Délivre-nous, Sei- gneur, nous t'en prions, etc. » Cette prière est appelée emho- lisme (e^êoXtofxoç), c'est-à-dire surabondance, répétition. Mais^

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quoique dans cette oraison on ne demande rien qui n'ait déjà été demandé dans la précédente oraison dominicale, elle n'est pourtant pas une superfluité , puisqu'elle est la répétition et l'exposition ou explication de la précédente oraison. Car celle- ci dit : c( Délivre-nous du mal ; » l'autre : ce Délivre-nous, nous t'en prions^ etc.; » et elle ajoute : ce de ces maux, » c'est-à-dire des maux présents, passés et futurs. 11 s'y trouve aussi une tran- sition à l'oraison Pro pace, pour la paix, en cet endroit : inter- cedente heata, etc. Peut-être cette oraison est-elle appelée une addition, parce que pendant un temps considérable, dans la primitive Eglise, il n'en fut pas question.

II. Et remarque qu'il y a deux embolismes , l'un quotidien, l'autre annuel. L'embolisme quotidien est cette oraison; car, comme le mot amen termine l'oraison dominicale , et que ce mot est réservé au prêtre par le clergé, qui dit : Sed libéra nos amalOy comme on l'a vu ci-dessus, il est évident que cette oraison est entendue comme un embolisme non- seulement quotidien, mais encore un embolisme de l'oraison domini- cale. Les préfaces Veredignum... Communicantes. . . Hanc igi- tur ohlationem... Te igitur, clementissime, etc., sont dés einbo- lismes quotidiens. Mais la consécration de l'huile des malades, dont nous parlerons dans la sixième partie, au chapitre du Jeudi saint; la bénédiction des raisins et de l'agneau pascal, etc.; celle même des premiers fruits et des fèves, qui, par l'ins- titution du pape Euticien, se pratique sur l'autel, sont des ein- bolismes annuels (ou qui n'ont lieu qu'une fois l'an ).

III. A la fin de l'embolisme, on ne conclut pas par la for- mula Per Dominum^ etc., selon l'usage des embolismes et des préfaces ; mais on continue par l'oraison Da propitius pa-

em , etc., Donne-nous, dis-je, la paix du cœur, afin que nous soyons libres du péché. Donne-nous la paix temporelle, afin |ue nous soyons à l'abri de toute espèce de trouble, car le aruit et le trouble nuisent aux malades ; et là se trouve expliqué explicitement de quels maux nous prions le Seigneur de nous

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délivrer. Cette oraison Libéra nos se récite en silence, comme on l'a dit au chapitre du Pater uoster, à ces mots : OremuSyprœ- ceptis. Ce silence signifie le samedi, oii le corps du Seigneur reposa dans le sépulcre ; car ce jour-là personne ne prêcha la ,foi. D'où saint Luc atteste que les femmes qui avaient pré- paré des parfums gardèrent le silence le samedi, suivant la prescription de la loi. Le Christ, cependant, ne garda pas le silence. Bien plus, lui qui, selon la chair, reposa dans le sé- pulcre, descendit en ame aux enfers, afin qu'y arrivant il s'y montrât plus fort que le fort armé et le vainquît. Pour symbo- liser cette action du Christ, l'EgUse romaine, ainsi que l'Eghse de Milan, prononcent toujours cette oraison à haute voix le Vendredi saint. Et alors il morditl'enfer, en retirant ses captifs vaincus du lac sans eau ; en les délivrant des maux présents, passés et futurs, et en leur donnant une paix perpétuelle, dont ils jouissent toujours, libres du péché et à l'abri de toute per- turbation. C'est pourquoi le prêtre demande à être tiré de ce lac , lui et toute l'Eglise , en disant : Libéra nos^ ce Délivre- nous. »

IV. Et, comme nous ne méritons pas d'obtenir le pardon de nos prévarications passées, présentes et à venir, à moins qu'il ne nous soit accordé par l'intercession de la bienheureuse Vierge , des bienheureux Pierre , Paul et André et des autres saints, c'est pour cela qu'en cet endroit nous invoquons leur patronage. Pour obtenir donc la grâce de la paix^ on implore la mère de Salomon, c'est-à-dire de l'homme pacifique ; saint Michel, messager de paix, et saint Jean-Baptiste, hérault de paix, et les trois apôtres témoins de la paix, et on n'en invoque pas davantage, parce que toute parole est croyable sur l'attesi tationde deux ou trois témoins. D'abord, nous avons demandè|t!( à être délivrés du mal ; maintenant nous prions pour la paix. Quoique tous les apôtres aient été énumérés plus haut, à caus^ de l'autorité de l'apostolat, cependant dans cette oraison, quî désigne les trois jours que le Seigneur passa dans le sépulcre.

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on n'en mentionne que trois spécialement, à cause de quel- ques prérogatives qui leur appartiennent , c'est-à-dire à cause du privilège de la haute dignité qui réside dans Pierre ; à cause du privilège de la prédication qu'eut saint Paul, et par rapport à ses immenses travaux; saint André, enfin, à cause de Tex- cessif désir qu'il eut d'être crucifié (a).

Y. Dans Foraison se trouve encore l'intention d'invoquer non-seulement les apôtres, mais encore tous les saints, qui sont distingués en trois états : car tous ceux qui font partie de l'E- glise militante ont été ou sont dans l'état conjugal, et ils sont représentés par Pierre; ou dans l'état de continence ou de veuvage, et ils sont représentés par André, que l'on croit, d'a- près saint Chrysostôme, être resté dans l'état de veuvage ; ou dans l'état virginal, et ils sont représentés par Paul ; à cet état appartiennent aussi les anges, parce que la virginité est la sœur des anges. On fait mention aussi de la bienheureuse Marie, comme de la porte de la miséricorde. Enfin, remar- que qu'après la secrète on dit trois choses pour achever le mystère de la consécration du corps du Seigneur, c'est-à-dire : Prœceptis salutarihus, l'oraison dominicale ; puis cette oraison : Libéra nos ^ quœsumus^ et cela à cause des^ trois jours que le corps du Christ séjourna dans le tombeau, ou à cause des trois lois, naturelle, mosaïque etévangélique.

{a) On sait qae S. André subit le supplice de la croix. Quand il aperçut de loin l'instrument sur lequel il allait terminer sa vie, il le salua en disant : « Sa- lut, croix qui a été consacrée par le corps de Jésus -Christ, et que ses membres ont ornée de tant de perles. Avant que le Seigneur eût été lié sur toi, tu étais un objet de terreur; maintenant ceux qui sont enflammés de l'amour céleste t*dppellent de tous leurs vœux. Je viens donc à toi plein de sécurité et de joie, afin que tu reçoives le disciple de celui qui est mort sur toi; je t'ai toujours chérie, et j'ai constamment désiré t'embrasser. bonne croix! longtemps dé- Isirée et que les membres du Sauveur ont revêtue de tant de beauté et d'éclat, Itoi que j'ai recherchée sans cesse, reçois-moi du milieu des hommes et rends- jmoi à mon maître , afin que celui qui m'a racheté par toi me voie arriver à. llui par toi. »

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CHAPITRE L.

DE LA REPRISE DE LA PATÈNE.

I. Comme^ après la tristesse de la passion, nous arrivons aux joies de la résurrection, d'après ces paroles du Psalmiste : (c Les pleurs continueront jusqu'au soir, et la joie viendra le matin, » c'est pourquoi le sous-diacre, pendant que le chœur ré- pond Sed libéra nos a malo, s'approche du diacre et lui remet la patène couverte du voile ; le diacre , la recevant, la découvre et la représente ainsi découverte , puis la donne au prêtre en embrassant sa main ou son épaule droite. Le prêtre, avec la patène, imprime sur son front le signe de la croix et la baise ensuite. Ces trois ministres, tant parleur nombre que par leur obéissance et leur soumission, représentent ces saintes femmes dont l'évangile de saint Mathieu parle ainsi : ce Mais, cette se- maine étant passée, le premier jour de la semaine suivante commençait à peine à luire que Marie et une autre Marie i vinrent pour voir le sépulcre, » présentant la patène, c'est-à-dire ' un cœur dilaté par la charité, pour honorer la sépulture du Christ, d'après ce qu'on lit que les saintes femmes a ache- tèrent des parfums pour venir embaumer le corps de Jésus; et le premier jour de la semaine, étant parties de grand matin, jï elles arrivèrent au sépulcre au lever du soleil , et elles disaient entre elles : Qui nous ôtera la pierre de devant le monument?» Or, l'approche du diacre, qui signifie les deux Marie, et la re- mise de la patène veulent dire que les deux Marie vinrent voir le sépulcre, et, croyant avec une foi entière à la résurrection du Christ, l'annoncèrent aux apôtres, qui enfln offrirent au Seigneur leur foi dans toute son étendue. C'est pour cela que; le prêtre reçoit de la main du diacre la patène, c'est-à-dire Fe^-' tendue de la charité, c'est-à-dire que le Christ l'accepte. Oui ^jt

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bien encore le sous-diacre représente Nicodème, qui crut aussi avec une foi large et entière, et rendit hommage au Christ, victime salutaire. Or^ la patène, d'abord enveloppée du voile et ensuite découverte et portée sur l'autel, est figurée par Moïse petit enfant, trouvé dans un berceau de jonc sur le Nil, et conduit au palais de Pharaon (Exod., ii) ; c'est la loi anti- que, jadis cachée au sens des Israélites, mais dont les mystères ont été révélés par l'Eglise exaltée, qui apprend ainsi à monter de l'Egypte au Christ.

11. Or, le signe de croix que le prêtre fait sur la patène qui lui est présentée par les ministres signifie ( comme on le lit dans saint Mathieu) que les princes des prêtres et les phari- siens scellèrent la pierre du sépulcre et y placèrent des gar- des ; mais ni cette raison ni le signe de croix ne sont néces- saires : l'action du prêtre qui reçoit la patène qui lui est )résentée signifie que le Christ reçoit avec ardeur ceux qui reviennent à lui par la charité ; ce qui est évident, en ce que le hrist apparut aussitôt après sa résurrection à Marie et aux autres qui persévéraient dans la charité. Nous avons déjà Darlé de cela au chapitre de l'Oblation du prêtre. Après avoir donné la patène au diacre , le sous-diacre plie le voile ( mani- oulam) qui enveloppait la patène, et ne la dépose pas sur a nappe de l'autel enveloppée, mais ailleurs, pour marquer ce qu'on lit dans saint Jean (c. xx), que Pierre, entrant dans le monument^ vit le suaire qui avait couvert le tête du Christ )lacé non pas avec les autres linceuls, mais dans un endroit à part.

in. Or, le diacre baise la main ou l'épaule droite du prêtre, 30ur marquer qu'il veut s'associer à la passion du Christ , afin le lui être associé dans son royaume (Extra De sepidc, ci), i'après ce que dit l'Apôtre : ce Si nous souffrons avec lui, nous 'égnerons avec lui. » L'action du diacre, de baiser l'épaule Iroite du prêtre , signifie encore que nous ne pouvons ici-bas îoïv Dieu que comme dans un miroir et d'une manière énig-

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matique; mais que dans la vie future nous le verrons tel qu'il est. Or, parce que les saintes femmes cherchaient h Crucifié avec un ardent désir, d'après ce que l'Ange leur dit : ce Je sais que vous cherchez Jésus crucifié , » c'est pourquoi le prêtre, avec la patène, marque le signe de la croix sur son front, où surtout se manifeste la force de l'ame , afin que , fortifié par ce signe , il puisse sans empêchement accomplir le service de Dieu. Et aussitôt le prêtre haise la patène pour montrer que le Christ combla sur-le-champ le désir des saintes femmes, car bientôt il vint à leur rencontre , en leur disant : « Je vous salue. » Celles-ci, se prosternant, tinrent ses pieds embrassés et l'adorèrent. On ne doit pas douter qu'elles aient embrassé ses pieds. Nous parlerons de ceci au chapitre du Baiser de paix.

Le prêtre baise encore la patène , comme s'il demandait à Dieu la paix du corps et de l'ame. Il prie aussi pour la paix temporelle , ce qui se fait d'une manière spéciale dans cer- taines églises. Ce baiser signifie encore la charité, comme on va le voir.

IV. Le prêtre se signe encore avec la patène et la baise ensuite , pour marquer que , si par la passion nous sommes des enfants réconciliés avec Dieu notre Père, nous serons héritiers du royaume céleste ; ou bien encore le signe de croixj avec le baiser signifie la glorification du Christ sur la crois avec la charité. Quelques-uns aussi signent leur poitrine avec la patène, pour marquer la sincère affection", qui,- daa< l'Ecriture sainte, est symbolisée par la poitrine et par le cœur Or^ certains prêtres baisent la patène en disant : Da propi- tins paceiriy et, après avoir baisé la patène, à cette dernièn clause : ab omni pertm^hatione securi, ils se signent, parc* que par cette croix, par ce sacrifice et son parfum, ils annon^ cent que tout est pacifié sur la terre comme dans le ciel. QudI ques-uns aussi, conséquemment, baisent la partie supérieure ê le pied du calice. Ce baiser marque que le prêtre est préseri

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de toute Taffection de son cœur au tombeau ou à la sépulture du Christ, à l'exemple de Madeleine, qui, remplie de senti- ments affectueux , se tenait en dehors du monument et pleu- rait, comme on le voit dans saint Jean. Le baiser du pied du calice signifie le baiser des pieds du Christ, ce dont on a déjà parlé. Quelques-uns encore, avec la patène, touchent la par- tie supérieure , le côté et le pied du calice ; ce qu'ils font éga- lement par un sentiment d'affection intime , comme s'ils em- brassaient tout le monument , qui est représenté par le calice et la patène : car c'est là le propre de ceux qui aiment avec ferveur, de ne pas se rassasier de toucher le bien-aimé dans toutes les parties de son corps et même ce qui appartient au bien-aimé, comme le prouve surtout Madeleine, qui ne s'éloignait pas du monument. L'attouchement, avec la patène, de la sommité, du côté et du pied du calice, signifie encore les trois tortures que le Seigneur éprouva dans sa tête , dans son côté et dans ses pieds.

CHAPITRE LL

DE LA FRACTION DE L'HOSTIE.

Quand Toraison dont nous venons de parler, c'est-à-dire e Libéra nos, est terminée, le diacre, après avoir repris la pa- ène , découvre le calice, enlève le corporal, et regarde avec soin sur le calice.

L Ensuite le prêtre, voulant rompre l'hostie, la lève de l'au- tel, met la patène dessous, et place l'hostie dessus; ensuite il prend l'hostie , qu'il rompt par le milieu sur le calice , en di- sant : Per eumdem Dominum nostrum. Dans certaines églises, la partie qui, après la fraction, est restée dans sa main droite, le prêtre la pose sur la patène, en disant : Qui vivit^ etc. ; la partie qui est restée dans sa gauche, il la rompt de nouveau

Tome II. 24

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parle milieu, et il joint la particule qui, après la subdivision, est restée dans sa main gauche, à la partie posée d'abord sur la patène, en disant : in unitate sancti SpiriluSy etc. Mais l'au- tre particule restant dans sa droite, il la tient sur l'ouverture du calice avec deux doigts , c'est-à-dire avec le pouce et l'in- dex ; puis, élevant en même temps le calice et la particule avec ses deux mains peu élevées , il dit à haute voix : Per omnla se- cilla seciilorum ; après quoi il dépose sur l'autel le calice et l'hostie, en disant : Pax Domiiii sit semper vohiscum. Et, en prononçant ces paroles, il fait trois fois le signe de la croix sur le calice avec ladite particule de Thostie ; ensuite , il la met [ dans le calice, en disant : Fiat commixtio corporis. Puis l'é- vêque donne la bénédiction solennelle. Mais il faut exami- ner chacune de ces cérémonies en particulier; et, d'abord, pour- quoi le diacre découvre-t-il le calice et regarde- t-il dedans le calice ainsi découvert? A ce sujet, nous devons dire quel'ou- .1 Yerture du calice signifie l'entrée du monument. Le diacre enlève le corporal de dessus le calice , et ensuite le fixe attenti- vement, pour signifier que l'Ange du Seigneur roula la pierre à l'entrée du monument, en retira les linceuls^ et veilla sur le sépulcre en le regardant avec soin. En second lieu, il faut examiner pourquoi le prêtre place l'hostie sur la patène, et, la retirant ensuite, la rompt sur le calice. A ce sujet, nous di- j rons que par le calice est désignée la passion du Christ ou la jouissance de Téternelle béatitude, d'où le Psalmiste dit : (( Qu'il est illustre et éclatant mon calice qui enivre! » Et en- suite : « Ils seront enivrés par l'abondance qui règne dans ta demeure. » Parla forme ronde de la patène, on entend la per- fection des bonnes œuvres.

II. Le prêtre donc, voulant rompre l'hostie, la place d'a^ bord sur la patène^ afin que, l'y prenant, il la rompe sur le | calice, pour marquer que personne ne peut être exposé aui passions du monde d'une manière méritoire , ni être admis à | ^^ la jouissance de l'éternelle béatitude, à moins qu'il ne se soit^j ^

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affermi dans la pratique des bonnes œuvres. D'où l'Apôtre dit aux Ephésiens : (c Revêtez-vous de l'armure de Dieu, afin que vous puissiez résister dans les jours mauvais, et vous soute- nir parfaitement en toutes choses. »

III. Ensuite, l'hostie est placée sur la patène et rompue sur 6 calice, pour signifier que le Christ, par l'immensité de sa

charité , s'est offert à sa passion, désignée parla disposition de a patène. L'hostie est rompue sur le calice, afin que ses menues )arcelles ne soient pas dispersées, mais reçues avec sûreté dans e fond du calice. Ailleurs, cependant, la fraction de l'hostie a ieu ensuite sur la patène , pour rappeler que le pain vivant, escendu du ciel , a été rompu pour nous sur l'autel de la croix. Ailleurs encore , quand on est pour consommer l'hos- ie on l'enlève de dessus l'autel. Car, dans l'ancienne loi, le prêtre mangeait les pains de proposition pris sur Tautel, omme on l'a dit au chapitre de l'Oblation du prêtre.

IV. Troisièmement, il faut voir pourquoi l'hostie est rompue, est parce que, dans l' Ancien-Testament, il était ordonné

^ue les victimes fussent offertes par parties. De plus, parce que lotre Rédempteur bénit le pain et le rompit, et le donna ainsi à les disciples, c'est pourquoi le prêtre, d'après la loi et d'après le Christ, divise en trois fractions le pain très-saint, afin que dans à fraction du pain nous reconnaissions le Seigneur, comme e firent les deux disciples auxquels le Seigneur lui-même ap- parut le jour de sa résurrection, lorsqu'ils allaient à Emmaûs. ilar, comme le dit saint Prosper [De consec, dist. ii ) : « Pendant ue l'hostie est rompue, et 'que le sang est versé dans la bouche es fidèles , l'immolation du corps du Christ sur la croix et effusion du sang de son côté se trouvent alors symbolisés. » . V. Quatrièmement : Pourquoi l'hostie est-elle rompue parle ilieu? A ce sujet, il faut remarquer qu'elle est partagée par i fraction en deux moitiés , d'après le double état des prédes- nés, c'est-à-dire l'état de la gloire éternelle et l'état de la lisère temporelle. C'est pour cela qu'une moitié est subdivisée

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en deux parties, dont l'une est pour les prédestinés qui achè- vent de se purifier dans le purgatoire , et l'autre pour ceux qui vivent encore en ce monde caduc , comme on le verra plus bas. Cinquièmement : Pourquoi la partie de l'hostie qui reste, après la fraction, dans la main droite du prêtre, est-elle placée dans la patène de préférence à celle qui est restée dans la main gauche ? C'est que la partie qui est restée dans la main droite dé- signe les prédestinés qui jouissent déjà de la gloire et qui possè- dent déjà cette droiture à laquelle aucune autre droiture ne peut être mêlée. Et c'est pour désigner cela que l'on choisit avec rai- son la partie de l'hostie qui est dans la main droite. L'autre par- tie de l'hostie désigne les prédestinés qui sont encore plongés dans les misères du temps , où l'on trouve bien des voies tor- tueuses, et peu de droiture. Et c'est pour ce motif, et avec rai- son, que cette partie se tient avec la main gauche. Celle donc qui est dans la droite , ne devant pas être divisée , comme on le dira bientôt , est déposée sur la patène ; mais celle qui est dans la gauche, devant être divisée , n'est pas déposée dans la patène, et est réservée pour être divisée. !

VI. Sixièmement : Pourquoi la partie qui est restée dans la main gauche est-elle divisée une seconde fois? Pour résoudrei ceci , il faut dire que ceux qui sont dans la gloire conservent un état uniforme et jouissent d'une seule et constante béati- tude. C'est pourquoi la partie retenue dans la main droite et placée sur la patène, qui les désigne, comme nous venons de le voir, n'est pas rompue ; mais ceux qui se trouvent encore pion-» gés au sein des misères du temps sont divisés dans leur étai et dans leur misère. Car autre est l'état de misère de ceux qui sont encore renfermés dans le corps , autre est l'état de ceu» qui achèvent de se purifier dans le feu du purgatoire. C'esl pourquoi on doit diviser la partie retenue dans la main gau-i che , et qui les désigne. '

VII. Septièmement : Pourquoi la particule qui reste après la division dans la main gauche est-elle réunie à la partie déjà

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placée sur la patène ? A cela il faut répondre que, d'après saint Augustin, Dieu a deux mains : la droite, instrument de ses miséricordes, et la gauche, qui punit ceux qui sont dans le purgatoire. En tant qu'ils sont purifiés de leur faute, le châti- ment seul est leur partage, et c'est pour cela que la particule qui se trouve dans la main gauche du prêtre figure ces âmes Mais ceux qui sont encore dans la vie présente, qui est un état de pénitence, pourraient, par leur repentir, acquérir la misé- ricorde ; c'est pourquoi ils sont figurés par l'autre particule qui se trouve dans la main droite. Et comme pour ceux qui sont dans le purgatoire, comme pour ceux qui sont dans le pa- radis, il n'y a nul doute quant à la gloire future, c'est pour- quoi Us sont désignés, avec raison, par la particule qui se trou- vait dans la main gauche, et qui est réunie à celle placée au- paravant sur la patène, qui désigne ceux qui sont dans le para- dis, parce que les premiers seront infailliblement réunis aux derniers. Cependant nous émettrons plus bas un autre sens à ce sujet. Mais la particule qui est restée dansla main droite, et qui désigne ceux qui sont dans la vie présente, n'est pas réunie i la fraction qui se trouve sur la patène ; elle est mêlée au sang iu Christ, parce que ces derniers ont encore besoin des mé- rites de la passion du Christ, mérites fondés sur l'effusion du iang de l'Agneau sans tache. Or, la réunion susdite des deux )arties de l'hostie ressemble aux deux quartiers formant la .leine lune qui brille sur le monde, et elle désigne la réunion les deux Testaments dans la passion du Christ. Ces deux .arties doivent être inclinées vers le calice, comme pour mcorporer le sang, sans lequel le corps n'existe pas. Cette eunion signifie encore certains fidèles qui, lorsqu'ils auront te purifiés par les afflictions tant présentes que futures, seront ms par l'union la plus parfaite à Dieu lui-même, qui est notre éatitude.

VIII. Huitièmement : Pourquoi les deux parties susdites sont- lies conservées hors du calice, sur la patène ?

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IX. Plusieurs disent à ce sujet que les trois fractions de l'hostie figurent les trois états des bienheureux dans le ciel, dans le purgatoire et dans le monde , comme on le dira bien- tôt. Or, à quelques égards, le calice figure l'éternelle jouis- sance, comme on Ta déjà dit. Et comme ceux qui vivent dans le siècle, aussi bien que ceux qui sont dans le purgatoire, doivent un jour être admis à partager cette jouissance, c'est pour cela que les deux parties de l'hostie sont conservées hors du calice, jusqu'à ce qu'elles soient consommées ; mais cette raison ne s'accorde pas en tout avec ce que nous avons dit ci-dessus, et nous donnerons plus bas une autre explication. On peut encore dire que les deux parties de l'hostie sont placées sur la patène, parce que, si l'on tenait dans les deux mains toutes les parti- cules à Touverture du calice, on pourrait encourir bien des dangers : ainsi , on pourrait se tromper facilement et mettre dans le calice une partie qui ne doit pas y être mêlée ; ou bien encore, par suite du tremblement des mains, ces parties pour- raient tomber dans le calice : le prêtre , ainsi embarrassé, ne pourrait s'acquitter librement de son office ; et autres choses semblables. D'autres, cependant, tiennent toutes les parties de l'hostie sur Touverture du calice , de peur qu'en les changeant de place quelque particule ne tombe ou ne reste dans la patène, ce dont on parlera encore au chapitre de la Communion du prêtre.

X. Neuvièmement : Pourquoi le prêtre tient-il sur le calic3 îa particule qui est restée dans sa main droite ? A ceci il faut répondre que cette particule, comme on Ta déjà vu, représente ceux qui, vivant dans leurs corps, ont encore besoin de la mi- séricorde de Dieu ou des mérites sus-mentionnés de la passioni ; du Christ et de l'effusion de son sang. Cette particule est donc i tenue à l'ouverture du calice, la face dirigée vers le sang, afin [ de donner à comprendre l'intention , l'attente et l'espérance :i des vivants, par rapport aux mérites et à la passion du Christ." ) Le prêtre la tient avec le pouce , qui signifie la vigueur de la i

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vertu, et avec l'index, symbole de la discrétion de Fesprit, pour montrer que l'on doit considérer et attendre ces mérites avec une foi robuste et un esprit discret; ou bien, encore, elle est tenue avec deux doigts , pour marquer la double nature qui exista dans le corps du Christ^ la nature divine et la nature humaine. Cette partie est mêlée au sang, pour montrer que ceux qui considèrent et attendent dignement et avec foi les mérites et la passion du Christ , sont aidés par cette passion et par ces mérites.

XI. Dixièmement : Pourquoi le prêtre se relève-t-il pour dire : Per omnia secula seculorum ? Nous répondrons que^ comme il veut demander que le Seigneur soit toujours avec nous, comme tout fruit excellent et tout don parfait viennent d'en haut (1, q. ii» Quam pio), c'est avec raison qu'il s'élève à Dieu de corps et d'esprit , espérant de recevoir ce qu'il de- mande.

XII. Onzièmement : Pourquoi, en prononçant ces paroles, élève-t-il la voix , tenant aussi le calice un peu élevé ? A ceci nous répondrons que le prêtre, vicaire du Christ^ après la frac- tion de l'hostie, comme on l'a dit, et sur le point d'annoncer la paix, élève la voix, pour que le peuple, qui désire la paix, le comprenne et réponde ilmen (xxxviii). Il montre aussi avec soin le calice un peu élevé de l'autel , pour désigner le Christ, c[ui était descendu par sa passion, symbolisée parle calice; mais qui , s'élevant par sa résurrection d'entre les morts , ap- )arut ensuite à ses disciples effrayés et leur dit : Pax vohis, « La paix soit avec vous. )> On peut encore dire, comme on Ta déjà- expliqué, que la particule que l'on tient à l'ouverture du

alice représente les vivants, les croyants et ceux qui attendent e secours des mérites de la passion et de l'effusion du sang du ]hrist. De plus, cette particule est ainsi tenue, pour que nous royions deux choses : premièrement , que le Christ est vrai )ieu, et que son corps et son sang n'ont jamais été séparés le sa divinité ; deuxièmement, que le Christ a été vrai homme.

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que son corps a été un vrai corps , que son sang a été du vrai sang; nous n'achevons pas. C'est pourquoi le prêtre élève un peu tout à la fois le calice avec ladite particule , pour montrer que nous croyons fermement le premier point, et il les dépose aussitôt sur l'autel, pour indiquer que nous adhérons au second de la même manière.

XIII. Douzièmement : Pourquoi ladite élévation et déposi- tion du calice se font-elles avec les deux mains, et non avec une seule? A cela nous répondrons que cela se fait et se fait ainsi , pour donner à entendre que , de même que nous croyons de toute la force de notre intellect aux deux points précités, de même nous les aimons et nous sommes entraînés/ vers eux de toute la force de notre affection. Cela a lieu encore pour plus de sûreté et de décence.

XIV. Treizièmement : Pourquoi le prêtre dit-il encore d'une voix plus élevée : Pax Bomini, etc.? C'est parce que nous devons exprimer non-seulement par des signes, mais encore par des paroles, la joie que nous cause la résurrection. C'est pourquoi le prêtre , à cause de l'allégresse que lui cause la ré- surrection, s'avance^ dépose aussitôt le calice, et prononce d'une voix plus forte : Pax Domini sit semper vohiscum , «La paix du Seigneur soit toujours avec vous, » pour marquer que, le premier jour de la semaine, Jésus, après sa résurrection jl d'entre les morts , se tint au milieu de ses disciples et leui dit : (c La paix soit avec vous ; )> puis une seconde fois : « Lî paix soit avec vous» (Joan., xx); comme s'il eût dit : « J( vous donne la paix du cœur sur la terre , et la paix de Téter-é nité dans la .patrie. » Le prêtre donc insinue la même chose Jj en disant : La paix du Seigneur, c'est-à-dire la paix du cœurf soit toujours avec vous, c'est-à-dire dans la vie présente, et la paix de l'éternité dans la vie future. Or, cette paix est celle^n qui a été donnée aux justes, quand l'ame du Christ, descei dant dans les limbes , en ramena tous les fidèles , séchai toute larme de leurs yeux^ afin qu'ils ne connussent plus dél

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oriTiais la douleur, mais qu'ils possédassent la paix, avec la-

juelle ils vivent dans l'éternité dans la société du Christ; )u bien encore c'est la paix qui a été donnée au corps du Christ, quand son ame retourna dans son corps, afin que, de nême que son ame ne fût jamais troublée par la mort de son îorps, ainsi son corps ne le fût plus désormais par aucun changement ultérieur; mais que l'un et l'autre possédassent la )aix et se réjouissent toujours au sein de l'éternelle béatitude.

XV. Quatorzièmement : Pourquoi le prêtre , en disant Fax Dominiy forme-t-il le signe de la croix sur le sang avec ladite )articule de l'hostie? A cela il faut répondre que les trois Toix signifient les trois jours que le Christ passa dans le lépulcre , ou les trois femmes qui cherchaient Jésus crucifié à 'entrée du monument ; d'oii ces paroles : « Pourquoi cher-

hez-vous parmi les morts celui qui est vivant? »

XVÏ. Quinzièmement : Pourquoi^ lorsque le prêtre a pro- loncé Fax Domini^ le chœur"répond-il Et cum spiritu tuo, « Et ivec ton esprit? » C'est qu'en répondant ainsi il souhaite la paix au prêtre lui-même, et il demande aussi que la paix ui soit donnée à lui-même; et, pour qu'il soit digne de la re- cevoir, il dit avant, trois fois, Agnus Dei^ etc. Cependant, lors- jue le pape célèbre à Rome , dans l'église de Sainte-Marie- Majeure, et qu'il dit Fax Domini, on lui répond comme [lous le verrons dans la sixième partie, au chapitre de Pâques.

XVII. Seizièmement : Pourquoi ladite particule de l'hostie 3st-elle mêlée au sang? Cette mixtion a lieu : premièrement, pour marquer que le corps du Christ ne fut pas sans le sang, ni le sang sans le corps; deuxièmement, pour désigner qu'un 5eul sacrement est consacré sous les espèces du pain et du nn ; troisièmement , le mélange du corps et du sang , après le iriple signe de croix, signifie le retour de l'ame dans le corps : ar, lorsque tout fut pacifié dans le ciel et sur la terre , la ^ertu de la Trinité fit rentrer dans sa chair l'ame du Crucifié, ifîn de ne pas laisser son ame dans les limbes et de ne pas

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permettre que sa chair vît la corruption, selon ce qu'il dit lui-même par le Psalmiste : a Je me suis endormi, et j'ai pris mon sommeil, et je me suis réveillé, parce que le Seigneur m'a pris sous sa protection. » Elle signifie donc l'unité de l'ame et de la chair qui furent réunis lors de la résurrection du Christ; car, comme on l'a déjà dit, le pain se rapporte à la chair et le vin au sang, parce que, suivant le Philoso- phe [a) , le sang est le siège de l'ame (XXXllI, q. ii, Moses). Nous avons encore parlé de cela au chapitre de l'Oblation.

XVIII. Dix-septièmemcnt : Quand la mixtion doit-elle se faire? Quelques-uns, il est vrai, mettent la particule dans le calice, et disent ensuite Pax Domini, parce qu'il est manifeste que la paix a été donnée aux hommes de bonne volonté par la résurrection, désignée par lesdites paroles. Mais d'autres ne le font qu'après avoir dit Pax Domini ^ et même après avoir dit VAgnus Dei, afin que leur prière soit plus efficace, lorsqu'en di- sant ÏAgnusDei ils tiennent dans leurs mains cette parcelle, la regardant tout à la fois des yeux du corps et des yeux de l'ame; d'autres encore, avec respect, la mettent dans le calice, en disant Da nohis pacem; car, comme on dit trois fois ^à^nus Dei y et que les deux premières fois on le termine par miserere nohis, (( aie pitié de nous » la première fois par rapport à l'ame qui réside surtout dans le sang, et la seconde par rapport à la chair, il est évident que cette double invocation est prononcée séparément, et c'est pour cela que la partie de l'hostie qui désigne la chair, et le sang qui désigne l'ame, ne doivent pas être réunis aux deux premiers Agnus Dei, mais seulement à la fin du troisième, terminé par pax, qui se rapporte aux deux substances, c'est-à-dire au corps et à l'ame. Car c'est lui qui nous a purifiés de nos péchés dans son sang.

XIX. Il y a d'autres prêtres, en quatrième lieu, qui font le mélange, après avoir dit Pax Domîniy et c'est avec bien plus de

{a) Avons-nous besoin de dire que ce Philosophe par excellence est Aristote

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raison et d'évidence qu'ils agissent de la sorte^ car il est certain que YAgnus Dei, qui a lieu après la salutation , représente ce que fit le Seigneur lorsqu'il visita ses disciples et leur donna le pouvoir de remettre les péchés. C'est pour représenter cela que le prêtre, après avoir mêlé au sang la particule de l'hostie, dit : Agnus Dei, qui tollis peccata mundi , miserere nohis, « Agneau de Dieu , qui enlèves (6) les péchés du monde, aie pitié de nous, » pour désigner que, de même qu'il a uni le corps au sang , ainsi, par sa miséricorde, il nous lave de nos péchés, après nous avoir réunis au même sang, ou aux mé- rites procédant de son effusion. Et, en mettant la particule dans le calice, il dit : Fiat commixtio, etc., ce Que le mélange se fasse, >> paroles qu'il faut rapporter aux espèces du pain et du vin, sous lesquelles le corps et le sang du Christ sont conte- nus. Or, on dit Agnus Dei après avoir couvert le calice, pour marquer que le Christ, entrant, les portes fermées, dans la maison où se trouvaient les apôtres, leur donna le pouvoir de remettre les péchés.

XX. Dix-huitièmement : Pourquoi fait-on trois parties de l'hostie? A cela on répondra que l'hostie est partagée en trois parties : premièrement, en mémoire de la Trinité ; deuxième- ment, en mémoire du triple état du Christ. Le premier de ces états consista à rester parmi les hommes ; le second à séjourner dans le sépulcre comme mort ; le troisième désigne son im- mortalité dans le ciel. Troisièmement, pour rappeler et mar- quer qu'il souffrit dans trois parties de son corps, c'est-à-dire dans ses pieds, dans ses mains et dans son côté. Quatrième- ment, pour désigner les trois parties de son corps mystique : la première est dans le ciel ou dans la patrie, et c'est l'Eglise triomphante ; la seconde est sur la terre, et c'est l'Eglise mi- litante ; la troisième est dans le purgatoire, et c'est l'Eglise souffrante . Cinquièmement, p our représenter les trois personnes

(6) Tollere, en latin , a le triple sens de potier, effacer et ôter.

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qui allaient à Emmaûs, à savoir : le Christ, Cléophas et Luc, comme certains le disent.

XXI. Dix-neuvièmement^ il reste à voir ce que ces parties elles-mêmes signifient. Et d'abord, d'après le pape Gélase, la partie mise dans le calice signifie le corps que le Christ tira du sein de la Vierge. La partie qui est mangée sèche désigne tous les fidèles. La partie réservée jusqu'à la fin de la messe (sui- vant l'antique coutume de l'Eglise romaine), pour les ministres ou les malades, signifie tous les morts. La seconde partie, mise dans le calice, désigne l'Eglise militante ; la partie réservée dé- signe les âmes du purgatoire. Troisièmement^ le pape Sergius (De consec, d. n, Triforme) s'exprime ainsi : « Le corps du Seigneur se présente sous trois formes : la partie offerte à la messe dans le calice représente le corps du Christ déjà ressus- cité ; la partie mangée par le prêtre nous désigne le Christ vivant encore sur la terre; la partie qui reste sur l'autel jus- qu'à la fin de la messe représente le corps du Christ, ou, selon d'autres^ le corps des fidèles caché dans la sépulture. » Cette partie reste sur l'autel jusqu'à la fin de la messe , parce que jusqu'à la fin des siècles les corps des saints resteront dans le sépulcre. Mais l'usage de réserver une partie jusqu'à la fin de la messe a passé. On peut encore expliquer ce mystère d'une quatrième manière : Le corps du Christ est l'Eglise univer- selle avec ses membres, d'après ces paroles de l'Apôtre : (( Nous sommes un grand nombre qui participons à un même pain et à un même corps, etc. » On trouve dans ce corps, en quelque sorte , trois parties , dans lesquelles consiste le tout. Une de ces parties est la tête, et c'est le Christ, qui est le caput (chef) et une partie du corps. Ceux dont les corps reposent dans le tombeau et les âmes qui régnent avec le Christ for- ment la seconde partie ; ces deux parties, c'est-à-dire la tête et cette autre partie du corps, sont comme réunies, selon ce qui est écrit : « Là oii sera le corps , là se rassembleront les ià\ aigles. » C'est pour cela que les deux parties réunies sont ré- î j|.

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servées à l'autel sur la patène, hors du calice , et comme hors de la passion, désignée par le calice. Car le Christ, ressuscité des morts, ne meurt plus désormais ; la mort ne le dominera plus, et les saints, qui sont avec lui, n'auront plus faim ni soif, le soleil ni la chaleur ne tomberont plus sur eux, parce que leur premier état est passé. La troisième partie qui est mise dans le calice signifie les saints qui vivent encore dans ce monde et qui doivent souffrir encore ses passions, jusqu'à ce que, sortant de cette vie, ils se réunissent à leur chef. Là ils ne mourront plus et ne souffriront plus désormais.

XXII. Voici la signification des trois parties faites du corps du Christ, dans les vers suivants : « La première signifie sa chair, la seconde les saints qui sont dans le sépulcre, la troi- sième désigne les vivants; cette dernière est trempée dans le sang du martyr par excellence. Les fidèles ne prennent le calice que sous l'espèce du pain. » Cinquièmement, selon maître Guillaume d'Auxerre , la partie qui est mêlée au sang signifie les vivants, une autre de ces parties signifie les âmes du purgatoire , et l'autre ceux qui sont dans le paradis.. Car l'E- glise prie pour les vivants , afin qu'ils restent dans le bien ; pour les âmes du purgatoire , afin que leur délivrance arrive plus promptement et qu'ils soient plus vite purifiés ; elle prie au nom de ceux qui sont dans le ciel , pour qu'ils prient eux- mêmes pour nous. Sixièmement, encore, d'après saint Augus- tin , la partie qui est mise dans le calice y est mise à l'in- tention de ceux qui ne vivent pas saintement et qui se roulent dans le sang et dans le péché. Les deux autres sont offertes 30ur les morts : une pour les saints^ qui déjà jouissent du re- )os (et c'est seulement en action de grâces, puisqu'il ne eur reste plus rien à expier) ; l'autre pour les âmes qui^ quoi- que devant être sauvées, sont encore dans les tourments. Et voilà pourquoi cette dernière est appelée oblation. Aus- isitôt que la particule de l'hostie est dans le calice , on couvre ce vase avec la pale dite corporal, parce que le coprs du Christ,

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une fois détache de la croix, resta dans le sépulcre enveloppé d'un suaire, que figure la pale.

XXIII. Vingtièmement : Pourquoi ne donne-t-on pas la bénédiction solennelle? Il est vrai qu'en cet endroit, c'est-à- dire avant la paix, l'évêque donne la bénédiction solennelle pour marquer que nous ne pouvons pas avoir la paix, à moins que notre Seigneur Jésus-Christ ne nous prévienne par ses plus douces bénédictions, qui sont les bénédictions de sa grâce elle-même , parce que , selon le Psalmiste , « le salut appartient au Seigneur, et sa bénédiction est sur son peuple. » Or, tandis que l'évêque se tourne pour bénir le peuple, le peuple fléchit respectueusement le genou, comme si par cette action il disait : « Que Dieu_, notre Dieu, nous bénisse, et que sur toute la surface de la terre on craigne le Seigneur, car il est le Seigneur qui bénit ceux qui l'invoquent. » D'où le Psal- miste : c( Il a béni tes enfants en toi ; » et, quoique cette béné- diction soit solennelle, néanmoins plusieurs donnent encore une autre bénédiction solennelle à la fin de la messe. Et sur cette bénédiction , nous dirons ici qu'elle a lieu tant parce que le Seigneur, après avoir salué les apôtres, leur dit deux fois Pax vohis, comme on Ta déjà vu (et nous en parlerons encore au chapitre du Baiser de paix ) , que parce que nous ne pouvons bien commencer ou acquérir la paix, à moins que nous ne soyons prévenus par la grâce de la bénédiction divine. Ainsi, nous ne pouvons profiter dans le bien, ni persévérer finalement dans la paix , si nous ne sommes pas aidés par la grâce de la bénédiction de Dieu.

XXIV. Or, à la messe des morts le pontife ne bénit pas t solennellement , tant parce qu'à cette messe cessent toutes les ! solennités, que parce que cette bénédiction solennelle est non- seulement destinée à détruire les fautes vénielles, mais encore

à exciter le peuple à se confier dans le bras du Seigneur et à,,«ii le confesser béni dans tous les siècles. Or, les défunts, comme-*! sp absents, ne peuvent être excités, quoiqu'ils puissent être aidé» ' fit

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par nos suffrages ; c'est encore parce que la joie ne peut être mêlée au deuil. Or, il faut observer que, par la mort et dans la mort du Christ^ Famé fidèle reçoit des bénédictions; c'est pour cela que dans l'office des morts le diacre invite , suivant l'usage , les fidèles à s'humilier, en disant : « Humiliez-vous,» pour recevoir la bénédiction , et aussitôt le pontife bénit. Cer- tains auteurs assurent que cet office n'est pas un des sept offi-

es de la messe , parce que ces bénédictions ne sont pas de

l'Eglise romaine, qui ne les donne pas, et c'est pour cela qu'elle le bénit pas à cet endroit, mais à la fin de la messe. Mais, juel que soit celui qui les a instituées , elles sont bien placées în cet endroit, où est représentée la descente du Christ aux mfers , c'est-à-dire peu de temps avant sa résurrection , lors- ju'il donna sa bénédiction éternelle à ceux qu'il venait de dé- ivrer de prison. Ces bénédictions ont été préfigurées par Ja-

ob bénissant ses enfants, par Moïse bénissant les enfants

l'Israël, et par le Christ qui, en mourant, bénit ses disciples.

CHAPITRE LU.

DE VAGNUS DEL

Comme Jésus, aussitôt après avoir salué ses apôtres, comme m l'a déjà vu, leur donna le pouvoir de remettre les péchés, în disant : « Ceux à qui vous remettrez les péchés , leurs pé- hés leur seront remis , et ceux à qui vous les retiendrez ils eur -seront retenus » ( Joan ., xx ) ,

I. C'est pour cela que le chœur élève la voix, crie à Dieu, et lit cette demande : « Agneau de Dieu, qui enlèves les péchés u monde, aie pitié de nous. » En effet, saint Jean, voyant venir 3SUS, dit : c( Voici l'Agneau de Dieu, voici celui qui enlève s péchés du monde. » Or, il détermine pourquoi il l'appelle gneauy en ajoutant «qui enlève,» c'est-à-dire qui est venu pour

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enlever les péchés du monde, parce que le Christ, qui est notre puque, a été immolé pour effacer nos péchés. Car dans l'Ancien-Testament on offrait un agneau pour les péchés du peuple , et dans le Nouveau le Christ s'est offert lui-même à Dieu son Père pour délivrer le genre humain et laver ses pé- chés dans son sang. C'est donc avec raison que lorsque l'on prend le corps et le sang du Seigneur on chante VAgnus Dei, afin que tous nous croyions que nous prenons alors le corps et le sang du même Agneau, qui a eflacé par sa mort les pé- chés du monde, et que Jésus-Christ notre Seigneur, par sa résurrection , nous a donné la vie éternelle ; et afin que nous le priions de ne point cesser jamais d'avoir pitié de nous^ lui quia eu pitié de nous dans sa passion.

II. Ayvoç en grec, signifie pur et chaste en latin , parce qu'il est une victime pure et propre à être immolée ; parce que Jésus-Christ , le véritable Agneau , par sa seule miséricorde s'est offert pour nous et nous a rachetés. Le mot agneau vien: encore d'innocentia (innocence), parce que l'agneau ne nui! ni aux hommes ni aux animaux. Donc les paroles susdites : c^ Agneau de Dieu, qui effaces les péchés du monde, aie pitié de nous , » sont une sorte d'invocation pour que , par la miséri- corde de l'Agneau innocent , les péchés, qui fondent sur nous d'une manière soudaine , soient enlevés de nos cœurs. Troisiè- mement , agneau se dit encore de agnoscendo ( reconnaître ), parce que dans un troupeau nombreux l'agneau reconnaît sa mère rien qu'à son bêlement. C'est ainsi que le Christ, sur l'autel de la croix ^ en nous donnant d'abord la paix, nous re- connut par'ses soins, comme on l'a déjà dit. Il reconnut aussi son Père par son obéissance, selon ces paroles de l'Apôtre a Philippiens : « Il s'estrendu obéissant jusqu'à la mort. » Il r connut aussi sa mère par les soins qu'il prit d'elle, car adressa cette parole à saint Jean (c. xx) : « Voici ta mère. » c'est pour cela que dans le sacrifice de l'autel on dit trois fai Agnus Dei, comme si l'on disait : « Agneau qui as reconnu tor^î

I

î(ir

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Père, aie pitié de nous. — Agneau qui as reconnu ta mère, aie pitié de nous. — Miséricordieux agneau qui as racheté le monde et qui t'es offert pour nous, donne-nous la paix. » Ou bien, encore, on dit trois fois Agnus Dei^ pour désigner les trois états du corps du Christ, sur la terre, dans le sépulcre et dans le ciel.

ÏII. On peut encore dire que le Christ est venu pour trois rai- sons. Premièrement, pour nous délivrer de la misère du pé- ché. Deuxièmement, pour nous racheter du mal de la peine. Troisièmement, pour nous donner de la plénitude de sa grâce. Pour les deux premiers motifs, on dit deux fois : miserere nobis. Quant au troisième, on dit : dona nobis pacem. Cette demande de la paix suit aussitôt après que l'on a dit trois fois : Agnus Dei, pour marquer que l'Agneau a été envoyé par la bienveillance de la Trinité. D'oii Isaïe : ce Envoie ton Agneau, Seigneur, etc. ; » comme on lit dans l'Apocalypse : ce Le Christ est l'agneau qui a été mis à mort dès l'origine du monde. » Et remarque que certains prêtres disent Y Agnus Dei les mains appuyées sur l'autel , montrant en cela qu'ils appliquent leur esprit tout en- tier aux paroles qu'ils prononcent. Car l'intention est propre- ment exprimée par la langue, non par les mains ; c'est pour cela que pendant que la langue parle les mains se reposent, et parce qu'aussi ils demandent pour le peuple la miséricorde et la paix céleste , et non terrestre , ce qui est désigné par la disposition des mains. D'autres, les mains jointes , se tiennent un peu inclinés sur l'autel, pour exprimer par cette inclinai- son l'humilité qui est nécessaire dans la prière, et la jonction des mains symbolise une seule et même intention. Or, suivant 'antique coutume de l'école des chantres dans l'Eglise ro- maine, coutume que cette école observe encore, on ne varie )as à ce sujet, et on dit uniformément trois fois : «Christ, aie )itié de nous , » à cause des trois genres de péchés dont nous demandons la rémission, les péchés de pensées, commis par le cœur ; les péchés de paroles, par la bouche ; et les péchés d'ac-

TOME II. 2j

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lions, par les œuvres ; ou bien en riionneur de la Trinité, ou à cause des trois ordres de fidèles qui sont dans l'Eglise, repré- sentés par Noé, Da\id et Job, dont Ezéchiel \it le salut assuré dans une vision. Dans la suite , de nombreuses adversités de plusieurs genres étant venues fondre sur l'Eglise, elle com- mença dans sa tribulation à crier vers le Seigneur : « Donne-nous lapaix,» et c'estpour que cescris soient plus facilemententendus, qu'elle les adresse à l'heure même de l'immolation. Cette va- riante ne difïere pas de la coutume où l'on était sous l' Ancien- Testament de répéter deux fois : « Epargne, Seigneur^ épargne ton peuple. » Et à la troisième fois on ajoutait cette variante : « Ne permets pas que ton héritage tombe dans l'opprobre. » Disons donc : « Aie pitié de nous » quant à l'ame, aie pitié de nous quant à la chair, et : a Donne-nous la paix, » sous les deux rapports de l'ame et du corps, afin que nous ayons la paix spirituelle du cœur et la paix temporelle du corps.

IV. Car il y a la paix des pécheurs et la paix des justes, la paix du temps et la paix de l'éternité, et voilà pourquoi on prie trois fois pour la paix pendant la messe, comme on l'a dit à la quatrième particule du canon, à ces paroles : diesque nostros, etc. Et, parce que Dieu ne donne la paix qu'à ceux dont il a pi- tié , c'est pourquoi on dit en dernier lieu : « Donne-nous la paix. » L'église de Latran ne dit jamais : ce Donne-nous la paix , » pas plus que l'école des chantres ; et cela, d'après une ancienne coutume, comme on l'a vu. D'où il résulte qu'elle n'est ni valable, ni vraie, la raison de ceux qui prétendent que dans l'église de Latran on ne dit pas le da nobis pacem parce^ que toutes lés autres églises doivent recevoir la paix de celle ci, qui passe pour avoir été consacrée la première, et qu'elle ne doit pas la recevoir des autres églises. Le Vendredi saint, on dit trois fois VAgnus Dei avec miserere nobis , comme onl verra à cet article. A la messe pour les morts, on dit deux fois \Aqnus avec cette finale : dona eis requiem , et à la troisième fois on ajoute : sempiternam. Et on ne dit pas : dona nobis

I

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}acem, parce qu'alors nous imitons les funérailles du Sau- veur. Ce n'est donc qu'au dernier Agnus qu'on ajoute sempi- ernam ; sur quoi il faut remarquer qu'on doit souhaiter aux idèles défunts un triple repos.

V. On doit souhaiter, premièrement, qu'ils soient délivrés le la peine^ dans laquelle se trouve le travail et non le repos ; leuxièmement, que la gloire soit accordée à leur ame, parce [u'alors véritablement ils se reposeront dans le bien désiré_,

'est-à-dire en Dieu même; troisièmement, qu'ils soient dotés

le la gloire du corps, afin que leurs corps ne soient plus désor- nais exposés aux misères. Le premier repos n'est pas le repos iternel, parce que, quand la peine n'existe plus, la gloire est incore à désirer ; le second même n'est pas complètement le •epos éternel. Suivant saint Augustin^ avant la résurrection les corps, il reste toujours dans les âmes un certain désir na- iurel de reprendre leur corps qui, en quelque façon, empêche [es corps de se porter entièrement dans le sein de Dieu. Mais ie troisième repos, avec la définition que nous en avons don- lée, est véritablement le repos éternel, parce que les âmes jui jouissent de la présence de Dieu, après avoir repris leur

orps, jouiront désormais en lui du repos éternel le plus par-

lait. C'est pour cela qu'il ne convient de dire que la troisième 'ois, et non les deux précédentes, requiem sem'piternam.

VI. Le pape Sergius 1" ordonna que V Agnus Dei serait chanté trois fois pendant la communion, par le clergé et par le peuple.

CHAPITRE LUI.

DU BAISER DE PAIX.

Après que le Seigneur eut salué les apôtres, comme nous l'avons vu_, il leur dit pour la seconde fois : « La paix soit avec [\rous. )) Nous montrerons que^ non-seulement nous devons ivoir la paix dans la bouche, mais encore dans le cœur, de

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peur que nous ne soyons du nombre de ceux qui parlent de paix avec le prochain et qui pensent du mal dans leurs cœurs. C'est pourquoi, quand le Christ eut ainsi parlé à ses apôtres, il souffla sur eux et dit : « Recevez le Saint-Esprit. »

I. Pour désigner cela, après avoir fait le mélange et dit l'o- raison, le prêtre, dans certaines églises, reçoit la paix de l'eu- charistie ou du corps même du Seigneur ; ou, selon d'autres, du sépulcre même, c'est-à-dire du calice ou de l'autel ; ensuite, il donne un baiser sur la bouche au ministre, c'est-à-dire au diacre. Ceux qui reçoivent du corps même ce baiser le font pour marquer que la paix spirituelle a été donnée par le Christ au genre humain. D'autres encore désignent la même chose. Alors le diacre donne la paix aux autres, qui se la donnent entre eux, pour marquer que tous doivent avoir la paix, sur- tout les enfants de l'Eglise. Et le diacre lui-même, en recevant la paix du prêtre, s'incline avec respect et baise la poitrine du prêtre. Suivant la coutume de certaines églises, il étend la planète (a) ou chasuble, afin que, par le baiser de paix et l'ex- tension de la planète, qui désigne la charité, comme on l'a dit dans la troisième partie, il montre que la charité doit se ré- pandre. Or, comme la charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par l'Esprit saint qui nous a été donné, c'est pourquoi le baiser de paix s'étend à tous les fidèles de l'Eglise ; car l'A- pôtre le recommande : ce Saluez-vous, dit-il, en vous donnant un saint baiser. )>

II. L'action du prêtre de donner la paix au peuple a été préfigurée par Josué qui, après avoir vaincu les ennemis, obtint la terré promise, qu'il partagea d'après le sort et qu'il posséda en paix. Et le Christ ressuscitant, après avoir vaincu le diable, donna aux hommes la paix et des dons. Or, le pon-

(a) C'est-à-dire la fait retomber sur les bras. Pour comprendre ce symbolis- me, il faut se rappeler que l'ancienne chasuble, dont le vêtement actuel du même nom donne une si pauvre idée , couvrait entièrement le prêtre , et figu- rait ainsi la charité, qui couvre la multitude des péchés.

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tife commence par donner la paix au ministre, qui d'abord était à sa gauche, mais qui, pour recevoir la paix, a passé à sa droite, qui désigne les gentils qui, les premiers, sont passés dans la paix, quittant la gauche de l'infidélité pour passer à la droite de la foi et de l'éternité, et, par le diacre _, la paix se transmet au peuple.

III. Au reste, dans la primitive Eglise, tous ceux qui assis- taient à la célébration de la messe avaient coutume de com- munier chaque jour, parce que les apôtres burent tous du ca- lice, le Seigneur leur ayant dit : c( Buvez-en tous » (De consec, d. II, Non iste) . Car on offrait un grand pain suffisant pour tous, coutume que les Grecs, dit-on, conservent encore. Mais, le nom- bre des fidèles venant à croître, il est de tradition qu'il fut établi qu'on ne communierait que le dimanche (Ead. d., Quo- tidie) y comme on l'a vu à la particule septième du canon, à ces mots : Hœc quotîescumque . Dans la suite, vu l'impossibilité d'observer dignement cette loi, on en suivit une troisième, qui enjoignait à tout chrétien de recevoir l'eucharistie au moins trois fois l'an . Et, si on ne le fait pas plus souvent, on est tenu aujourd'hui de communier au moins à Pâques. (Extra Depœni- tentia et remissione), ce remède ayant été imaginé afin que, comme on recevait l'eucharistie chaque jour, on reçût chaque jour le baiser de paix, comme pour en tenir lieu et pour le ministère de l'unité. Car le prêtre, dans certains endroits, en donnant la paix au ministre, dit : « Recevez le lien de la paix et de l'amour, afin de vous préparer aux trois saints mystères^ » comme s'il disait : a Prenez-en tous, et partagez entre vous. » Et i pour remplacer la communion qui avait coutume de se faire tous les dimanches , on donna tous les dimanches le pain béni (22), qui est comme le vicaire ou remplaçant de l'eucha- ristie , et qui est aussi appelé £vXo/:a, eulogie. Mais de plus, pour remplacer la communion quotidienne, on dit en carême, sur le peuple, à la fin de la messe, une prière que l'on fait pré-

céder de cette formule
c( Humiliez vos têtes devant Dieu. »

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IV. Of;, le peuple se donne le baiser pendant la messe : pre- mièrement, parce que (et nous l'avons déjà dit), comme nous avons été réconciliés au Très-Haut, après avoir été purifiés de nos péchés par l'immolation de la victime salutaire, c'est avec raison que TEglise a voulu qu'on se donnât le baiser de paix, lorsque l'hostie salutaire est immolée pour nos péchés. Les hommes se donnent donc mutuellement le baiser, c'est-à-dire le signe de la paix, pour montrer qu'ils sont unis dans le corps du Christ , par lequel la paix a été faite dans le ciel et sur la terre.

V. Deuxièmement, le pape Innocent I", qui statua qu'on se donnerait le baiser de paix dans l'église, ce que le pape Léon II avait déjà décrété [De consec.y d. Pacem), s'exprime ainsi : (c Vous désignez avant la consommation , c'est-à-dire avant la consécration des saints mystères, certains fidèles, pour donner le signal de la paix au peuple , ou bien vous faites en sorte que les prêtres se la donnent entre eux ; car, après toutes les choses, c'est-à-dire après la coneécration , que je ne dois pas découvrir, c'est-à-dire que je ne peux pas découvrir, la paix doit nécessairement, c'est-à-dire à cause du mystère, être dé- clarée, par laquelle ^ c'est-à-dire parce que c'est par elle qu'il est constaté que le peuple a donné son assentiment à tout ce qui a eu lieu dans les saints mystères et a été célébré dans l'é- glise , et dont l'achèvement ou la fin est désignée par le signe de la paix, qui les conclut ou les termine. »

VI. Troisièmement, le peuple se donne le baiser de paix, parce qu'il se félicite d'avoir mérité la grâce du Seigneur et d'être uni avec les anges par la mort de Jésus-Christ. Quatrièmement, dans ce baiser, la chair s'unit à la chair, et l'esprit à l'esprit, afin que nous, qui sommes unis par les liens du sang, par notre commune origine en Adam , nous soyions aussi unis par les liens de la charité. Ceux donc qui s'embrassent en se haïssantj imitent le baiser du traître Judas.

VII. Cinquièmement, à cause du précepte de l'Apôtre doni

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nous avons déjà parlé. Nous nous donnons encore la paix avant que de communier, pour montrer que la concorde subsiste entre nous^, et que nous prenons le corps du Seigneur dans cet esprit d'union, sans lequel nos présents ne sont pas reçus par le Seigneur.

VIII. Or, à la messe pour les morts, on ne donne pas la paix, parce que les âmes des fidèles ne sont déjà plus et ne seront plus désormais au milieu des désordres de ce monde; mais déjà elles se reposent dans le Seigneur. D'où vient qu'elles n'ont pas besoin du baiser de paix, qui est le symbole de la paix et de la concorde. C'est pourquoi, dans cette messe, on ne dit point l'oraison : « Seigneur Jésus , qui as donné la paix à tes apôtres, etc., » et le prêtre ne reçoit pas la paix de l'autel. Nous parlerons de cela dans la sixième partie, au chapitre de l'Office des morts. De là vient que, même entre les moines , la paix ne se donne pas, parce qu'ils sont censés morts au monde [De consec.y d. ii, Pacem).

IX. Les hommes et les femmes ne se donnent pas le baiser de paix dans l'église, de peur qu'il ne s'y glisse quelque indé- cence, parce que là on doit éviter les embrassements charnels, et les actes doivent être chastes et spirituels. C'est ce qui fait que les hommes sont séparés des femmes dans l'église.

La paix chasse la haine, la paix nourrit un chaste amour.

X. Le baiser, dans l'Ecriture sainte, signifie certainement l'union , la charité, la paix, le respect. Touchant le baiser de l'union, l'épouse dit dans le Cantique des cantiques : « Il me donnera un baiser de sa bouche. » Sur le baiser de la charité, Isaac dit à son fils : a Approche -toi de moi, mon fils, et donne-moi un baiser. » Sur le baiser de paix , l'Apôtre dit : ce Saluez-vous mutuellement dans un saint baiser. — Dieu est un Dieu de paix et d'amour, etc. )> Touchant le baiser respectueux, le Seigneur dit à Simon : ce Tu ne m'as pas donné le baiser, et cette femme, depuis le moment où je suis entré chez toi, n'a cessé de me baiser les pieds. » Et Esther, en signe

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de respect^ baisa ^ dit-on, rextrémitc du sceptre royal. Donc, pour désigner les trois unions dans le Christ^ c'est-à-dire l'u- nion de la divinité à l'ame, de la divinité à la chair, de la chair àFame, ou l'union qui a uni au Christ la nature humaine, la sainte Eglise et l'ame fidèle , le prêtre baise trois fois l'autel, comme on l'a vu à la quatrième particule du canon, à ces mots : Diesque nostros ^ pour désigner la triple paix temporelle , spi- rituelle et éternelle.

XI. L'évêque célébrant solennellement, d'après la coutume de certaines églises, donne trois baisers : un au ministre, l'au- tre au diacre et le troisième au prêtre (23). Dans la messe, on prie aussi trois fois pour la paix, comme on l'a dit à ces mots : Diesque nostros.

XII. L'évêque baise encore deux fois le Missel, pour mar- quer l'accord des deux Testaments, parce que la roue se trouve (renfermée) au milieu de la roue, et que les deux chérubins se regardent le visage tourné vers le propitiatoire. Pour marquer encore la charité, le prêtre baise la patène, symbole du cœur dilaté [patens] par la charité. D'où ces paroles : « Notre cœur n'était-il pas brûlant en nous pendant qu'il nous parlait dans le chemin ? » Pour marquer le respect, le sous-diacre et le diacre baisent les pieds et les mains du souverain-pontife. Le sous- diacre baise le pied après la lecture de l'épître, et le diacre I avant de lire Févanorile. Le sous-diacre baise la main en offrant !

la burette qui contient l'eau, le calice et le vin, et le diacre en offrant la patène avec l'hostie^, et l'encensoir avec l'encens. L'un et l'autre reçoivent aussi l'eucharistie de la main du souve- rain- pontife ^^ comme on le verra au chapitre suivant.

XIII. Ce n'est pas non plus sans quelque signification mys- térieuse que le souverain-pontife reçoit le baiser de sept ma- nières , c'est-à-dire à la bouche, à la poitrine, à l'épaule, aux mains, aux bras, aux genoux et aux pieds.

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CHAPITRE LIV.

QUATRIÈME PARTIE DE LA MESSE , ET EN PREMIER LIEU DE LA COMMUNION DU PRÊTRE.

Ici commence la quatrième partie de la messe. En effet, près le baiser de paix^ le prêtre communie de la manière uivante :

I. Or, voici ce qui nous a été transmis par le Concile de ^icée (xciii d.). On y lit que le prêtre mange l'eucharistie onsacrée par lui, après l'avoir prise sur l'autel ou sur la •atène ; or, il ne prend pas le calice avec le sang lui-même, nais le diacre le prend sur l'autel et le lui présente.

II. D'où, dans le canon de saint Jérôme (Ea. di., Diaconi unt ) , entre autres choses , on lit : « Il n'est pas permis aux rêtres, à cause de l'hostie qu'ils se sont déjà administrée, e prendre le calice du Seigneur sur l'autel , à moins, qu'il ne 3ur ait été donné par le diacre. » C'est pour cela que le prêtre Tend le corps du Christ de ses mains et non pas le calice avec 3 sang , parce que la manducation du corps signifie la restau- ation de nos corps , que le Christ n'a opérée par le ministère [e personne, et la résurrection future qu'il fera par sa propre ertu et sans le secours d'aucun ministre. Mais l'action de •rendre le sang signifie la rédemption des âmes ou le rachat les péchés, qui se fait par l'intercession des autres. Quoique ette coutume doive être prise en une juste considération, nous le voyons pourtant pas qu'elle soit observée.

III. Or, le prêtre lui-même mange toutes les parties de 'hostie. Cependant, dans certaines églises, le prêtre en prend ine partie et il partage l'autre moitié sur la patène en deux raclions qu'il donne à prendre aux ministres, c'est-à-dire au

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diacre et au sous-diacre , insinuant ce que saint Luc rappelle, que le Christ à Emniaiis prit du pain et le rompit sur la table. Le Christ aussi , dans cette circonstance , comme quelques- uns le disent, mangea devant les deux disciples, et, prenant le reste , il le leur donna. Il prit encore dans la suite un morceau de poisson grillé et un rayon de miel, et donna le reste à ses disciples. C'est pourquoi, après que le diacre et le sous- diacre ont communié _, les clercs et les religieux s'approchent pour communier, afin de recevoir eux-mêmes une partie de la sainte communion. Ensuite le peuple communie, parce que le Christ ne mangea pas seulement avec un petit nombre d'a-i pôtres; mais, sur le point de monter au ciel, il mangea avec une multitude de disciples , d'où vient que la manducation du. corps signifie l'ascension du Sauveur.

IV. Or, nous ne devons point passer sous silence ce qui se fait , pour qu'il n'y ait pas l'ombre de la supercherie dans la réception du corps et du sang du Christ, mais "pour que dans l'une et l'autre réception la vérité brille dans toute son évidence. Le souverain-pontife ne laisse pas aussitôt tomber la particule de l'hostie dans le calice ; mais , après avoir fait dessus un triple signe de croix, il la place sur la patène et, après le baiser de paix , montant à son siège et s'y arrêtant, à la vue de tous il prend la plus grande partie , de l'hostie de la patène apportée de l'autel par le sous-diacre, et, la subdivisant avec ses dents , il en prend une partie et met l'autre dans le calice; puis il suce une partie du sang avec un chalumeau (a),

(a) On trouve dans les auteurs liturgistes et anciens Sacramentaires ou Mis-j sels divers noms pour signifier l'instrument d'or ou d'argent qu'on insérai dans le calice pour boire le précieux sang. Le plus ordinaire est celui de cala< mus (dont se sert Durand) ; on le trouve aussi désigné sous les noms de fistula^ cannula, sipho, pipa et pugillaris. Bocquillot {Traité hist. de la Liturgi sacrée), décrit ainsi le chalumeau eucharistique dont on se servait pour li communion sous l'espèce du vin. « Le bout que l'on trempait dans le calio était large et convexe ou fait en bouton, et l'autre bout , qui se mettait dans L bouche, était plus petit et tout uni. On le tenait enfermé dans un petit sac d toile ou d'étoffe fait exprès Après que le prêtre avait pris le corps du Set

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ensuite il donne l'autre particule au diacre avec un baiser, et la troisième au sous-diacre moins le baiser. Et, parce que le liacre qui sert le pape baise le calice sur l'autel , c'est pour- juoi il prend le reste du sang avec la particule mêlée au calice. V. Ainsi, le pontife romain ne communie pas en faisant a fraction , puisqu'il fait la fraction à Fautel et qu'il commu- ne à son siège , parce que le Christ, à Emmaûs, fit la fraction levant les deux disciples et mangea à Jérusalem devant les louze disciples; car on lit bien qu'il fit la fraction à Emmaûs, nais on ne voit pas qu'il ait opéré la manducation. A Jéru- salem^ on ne lit pas qu'il ait brisé le pain, mais on lit qu'il 'a mangé. Selon Innocent III ^ c'est pour cela que le pontife nonte à son siège et y communie. En effet, selon l'Apôtre, e Christ est la tête de l'Eglise ; or, la tête dans le corps oc-

upe une place plus élevée et plus distinguée que les autres

nembres , à cause de sa perfection ; or, le calice , à cer- ains égards, désigne la béatitude éternelle ou la possession le Dieu même; et, parce que dans l'Eglise militante le sou- verain-pontife , comme vicaire de Jésus-Christ et chef de tous es prélats, représente plus parfaitement le Christ, il convient [u'il ne communie pas à l'autel, mais sur un lieu plus élevé, nontrant que le Christ même , dans son humanité , participe

neur, il mettait le gros bout du chalumeau dans le calice, prenait le précieux ang par le petit bout , et donnait ensuite au diacre le calice et le chalumeau. iC diacre prenait le calice de la main gauche et tenait le chalumeau directement u milieu avec les deux premiers doigts de la main droite ; ils les tenait ainsi ur le côté droit de Tautel, jusqu'à ce que tout le monde, et enfin lui-même t le sous-diacre eussent communié. Il tirait ensuite le chalumeau du calice, le uçait par les deux bouts Tun après l'autre , et les donnait en garde au sous- iacre. On le lavait après avec du vin par dedans et par dehors, et on l'enfer- fiait dans son sac, et le sac dans l'armoire avec le calice. » Le cardinal Bona 17e siècle) dit que le pape, quand il officie, se sert d'un chalumeau pour boire 3 précieux sang, et en laisse pour les [ministres du sacrifice, qui en prennent vec le même chalumeau ; cet usage est encore aujourd'hui en vigueur. On onçoit que la suppresion de la communion sous les deux espèces a entraîné elle du chalumeau. Il serait bien difficile de préciser l'époque à laquelle on a ommencé de se servir de ces chalumeaux; il est certain qu'ils étaient inconnus ans les premiers siècles de l'Eglise. Le Vie Ordre romain est le premier qui n parle, et il ne remonte pas au-delà du lOe siècle.

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plus parfaitement et plus largement à ces joies ineffables, f puisqu'en effet son humanité jouit de privilèges bien supé- rieurs. Quand il célèbre pour les morts ;, le pape communie sur l'autel, parce qu'alors , d'une manière spéciale , il repré- sente la gloire des membres du Christ, décédés en état de grâce ; et que les membres du Christ, lorsqu'ils parviennent à cette gloire, obtiennent un grade inférieur au Christ et ne viennent qu'après lui^ de même que les membres ne vien- nent qu'après la tête.

VI. Le pape communie encore à l'autel le Vendredi saint, i tant par respect pour la passion que parce qu'alors il célèbre j pour ainsi dire les funérailles de Jésus-Christ. Alors, et alors seulement, il communie seul, parce que, lors de la passion du Christ, tous les disciples s'étant enfuis, Jésus resta seul. Mais les autres prélats ne font pas de même; ils communient à l'autel , parce qu'ils ne représentent pas d'une manière aussi l particulière le Christ, chef de l'Eglise. Or, les ministres pré- sentent au pontife l'hostie et le calice , parce que les apôtres offrirent au Christ un morceau de poisson grillé et un rayon de miel. Le morceau de poisson grillé c'est le corps du Seigneur crucifié, qui fut comme grillé sur l'autel de la croix. Le rayon de miel est le sang du Christ, dont la douceur surpasse le miel ^ et le rayon qui le contient, au goût de l'ame qui aime. Tous deux communient de la main du pape, parce que les apôtres i| communièrent de la main du Christ.

Vn. Or, pour marquer une distinction entre les ordres sa- crés et ceux qui ne le sont pas, les diacres, qui appartiennent à un ordre supérieur, lorsqu'ils reçoivent l'eucharistie, reçoivent le baiser du pontife lui-même. L'acolyte et ceux qui appar- tiennent aux ordres inférieurs ne le reçoivent pas. Le sous- diacre lui-même, n'ayant pas un caractère différent, et consi- déré autrefois comme ne faisant pas partie des ordres sacrés, quoique maintenant cet ordre soit au nombre des ordres sacrés, ne reçoit pas le baiser du pontife en recevant le corps ; mais, en

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irenant le sang il reçoit le baiser du diacre ;, de telle sorte que es ordres non sacrés soient moins honorés, et les ordres sacrés e soient davantage. Et on peut donner là-dessus une raison nystique.

VIII. Or, le pontife lui-même prend cette partie de l'eucha- istie (comme nous l'avons dit au chapitre de la fraction de 'hostie ), qui désigne le chef de l'Eglise, c'est-à-dire le Christ, [ont il est le type, d'une manière plus spéciale; ce qu'il fait insi : il la subdivise avec ses dents, prend la particule qui reste [ans sa bouche, et mêle au calice celle qui reste dans ses doigts, )Our marquer qu'après sa résurrection le Christ, désigné, d'a- )rès le pape Serge, par la partie mêlée au calice, fit une cruelle norsure à l'enfer, et en tira ses fidèles pour les conduire au >aradis, d'après ces paroles d'Osée citées plus haut : a mort 1 e serai ta mort. » Et l'autre partie , qui sert à la communion les ministres, signifie que les membres sont plus conformes LU Christ lui-même ; et ils communient avec cette partie pour )ffrir le mystère de l'union , car l'eucharistie est le sacrement le la suprême union.

IX. Or, le seigneur pape ne reçoit pas la partie mêlée au lang dans le calice, et qui signifie les membres soumis aux louffrances à cause du Christ : premièrement, parce que, plus jue les autres, il représente dans l'office de la messe le Christ, jue la mort ne dominera plus désormais ; deuxièmement, 3arce que, dans l'église, il est le type de ceux qui, à cause âe eur excellente sainteté, éloignés de la vie active, sont déjà as- sociés au Christ par la vie contemplative. Mais ce sont les mi- nistres qui la prennent, parce qu'ils sont communément le type le la vie active ; et c'est principalement le sous-diacre qui prend jîette partie , parce qu'il communie le dernier, et que c'est au lernier à prendre les restes et à purifier le calice . D'oi^i vient que e Seigneur donna les restes aux disciples , comme on Fa dit )lus haut. On peut encore dire, dans un sens mystique, que la sarcelle teinte du sang représente la partie du corps mystique

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qui règne déjà avec le Christ. Or, comme le saint père le pape représente expressément le Christ, qui réellement et sacramen- tellement s'est incorporé à une partie de son corps mystique, c'est pourquoi ni lui ni le diacre ne prennent ladite partie; ni le diacre, ai-je dit, parce qu'il représente la loi évangélique, qu'il est chargé de lire, et qui est une loi d'amour ; car c'est par l'amour de la charité que chacun est incorporé au Christ, qui est le chef, et à toutes les parties de son corps mystique. Or, le sous-diacre représente la loi ancienne, qu'il lit souvent, et qui était la loi de crainte. Mais la crainte n'existe pas dans la charité; que dis-je ! la charité chasse la crainte, et voilà pour- quoi le diacre prend lui-même sacramentellement la particule mêlée au sang, peut-être comme figure, parce que le mélange de cette partie avec le sang figure ladite incorporation^ que ne produisait pas la loi ancienne, quoiqu'elle la figurât.

X. Or, il faut remarquer en peu de mots que le prêtre, avant la réception du corps et du sang du Christ, doit dire les orai- sons instituées par les saints Pères ; ensuite il doit méditer sur l'incarnation, la passion et la vertu de ce sacrement, en disant : Panem cœlestem accipiam^ etc.; « Je prendrai le pain céleste,' etc.» Mais comme, aussitôt après ces paroles, il ajoute : Domine^ non sum dignus^ etc.; « Seigneur, je ne suis pas digne, etc.; » il semble se contredire. Loin de nous cette pensée ; car, en ai- ^diWi panem , il s'excite lui-même à la dévotion en rappelant à sa mémoire ce qu'il va prendre, c'est-à-dire le pain descendu du ciel, et comment il doit le prendre, savoir : en invoquant le nom du Seigneur, afin qu'ainsi il le prenne avec plus de res- pect et de crainte ; et, en disant ensuite : « Seigneur, je ne suis! pas digne, etc., » il s'humilie et confesse son indignité, car^ s'exercer à la dévotion et professer l'humilité ne sont pas des choses qui s'excluent.

Xï. Ainsi, le moment convenable pour communier, c'est avant la dernière oraison que l'on dit pour compléter le sa- crifice, parce qu'en cet endroit surtout on prie pour ceux

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ui communient. Ensuite^ au moment de prendre le corps du eigneur, le prêtre imprime avec le corps et le sang un signe e croix sur lui; car^ de même qu'auparavant, en faisant active- lent des croix , il a sanctifié le sacrifice comme ministre , ainsi laintenant, et en se signant lui-même du signe de la croix , il emande passivement à être sanctifié. Ainsi ^ après avoir dit : Que le corps du Seigneur garde, etc., )> il prendra l'eucha- stie, et ensuite, les mains jointes et s'inclinant sur le calice, dira : « Que rendrai-je au Seigneur, etc.,» et en disant : « Je rendrai le calice du Seigneur, etc., » et il ne prendra rien iparavant ; il élèvera le calice de Tautel ; ensuite, en disant : J'invoquerai le Seigneur, » il se signera avec le calice, puis, î verset achevé, il boira le sang.

XII. Or, comme il s'agit de choses très-graves et impor- ntes, il faut avoir beaucoup d'attention. Le prêtre, en pre- mt le sang, pour plus de sécurité et de respect, doit tenir le ilice des deux mains; mais, en prenant les ablutions, il suffit 3 deux doigts de chaque main, comme pour marquer que le mg n'est plus dans le calice. Et en prenant le sang il l'absorbe 1 trois fois, pour désigner la Trinité, et les ablutions en deux is seulement, pour désigner par là la charité, qui a deux ob- ts : Dieu et le prochain; ou bien il agit ainsi toutes les fois l'il le trouve nécessaire. Que celui qui, le même jour, doit cé- brer une seconde fois , ne prenne pas le vin des ablutions, )mme on l'a dit dans la préface de cette partie ; mais, comme 1 dit dans le canon : « Et après qu'on eut fait la cène , pre- mt pareillement ce calice très-illustre, etc., » il semble, d'a- 'es* ces paroles , qu'il doit prendre aussitôt l'hostie consacrée rant de procéder à la consécration du calice , parce que toute

tion du Christ doit être notre instruction (XII, q. i, Exem-

um). A cela on répondra queFEglise a établi que l'on pren- 'ait l'hostie après la consécration du corps et du sang, pour outrer qu'en recevant l'hostie seule on ne reçoit pas le sacre- ent sacramentellement complet.

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XIII. Car, quoique dans l'hostie consacrée se trouve le sang du Christ, il n'y est pourtant pas sacramcntcUement, parce que le pain signifie le corps et non le sang ; le vin le sang et non le corps. Comme donc le sacrement n'est pas complet sous une espèce seulement, en tant que sacrement ou signe sensi- ble, ce sacrement doit être complété avant que le prêtre le reçoive. Cependant, comme l'une des deux parties ne peut subsister et n'a jamais subsisté sans l'autre , si l'on excepte les trois jours qui précédèrent la Pâque, jours pendant lesquels le corps du Christ fut en état de mort , et pendant lesquels , si quelqu'un des apôtres eût consacré l'hostie , le sang n'y eût pas été; s'il eût consacré le sang, la chair ne s'y fût pas trou- vée, parce que, comme nous l'avons dit, le pain ne signifie pas le sang, ni le vin la chair. D'après cela, maintenant que le sang du Christ coule dans ses veines , l'un ne peut être reçu sans l'autre, à cause de leur union ou mélange. Cependant ce n'est pas eu égard à la règle du sacrement ou signe sensible, ce qui est tout un.

XIV. Après avoir pris le sacrifice, il ne faut pas cracher (De consec, dist. ii, Ut quid), comme on l'a dit dans la particule" septième du canon, à cette parole : Novi et œterni. Il ne faut pas manger non plus l'eucharistie comme une autre nourri^- ture ; mais il faut la tenir avec discrétion , modération et dou- ceur, en se servant des dents de devant et en la liquéfiant avec la langue , de peur que quelque particule ne vienne à s'atta- cher aux dents. On pourrait aussi, en crachant, en laisser échapper une parcelle. Après la communion, le calice est £ms- sitôt enlevé de l'autel. Sur quoi il faut remarquer que le corps du Seigneur reste sur l'autel, jusqu'à ce que les trois capitules! soient terminées, c'est-à-dire le prologue de l'Oraison domini- cale, l'Oraison dominicale elle-même, et le Libéra nos, quœsu- mus, parce que le Seigneur reposa trois jours dans le sépulcre; ensuite , lorsque le corps du Seigneur a été mélangé avec le vin, et que la paix est annoncée, le corps du Seigneur dispa-

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raît de l'autel, parce que le troisième jour son ame, qui des- cendit aux limbes pour délivrer les justes et rendre à la vie ses propres membres, revint dans son corps, et le corps du Seigneur ne fut plus trouvé dans le sépulcre, parce que le Christ ressuscita homme tout entier et en une seule fois. C'e=t pour marquer cela que tout-à-coup et en même temps le corps du Seigneur avec loblation est enlevé de l'autel et pris ensuite C'est pour cela que le calice et le corporal sont entièrement levés de dessus l'autel , comme on l'a dit au chapitre des Pales et des Corporaux.

XV. Enfin, il faut remarquer que ceux qui doivent commu- nier doivent avoir jeûné et s'être abstenus de chair, car, comme les âmes sont immortelles et spirituelles, on doit prendre avant tous autres aliments, les alii^^nts spirituels ceux de la vie éternelle.

CHAPITRE LV.

DE L'ABLUTION (PERFUSIO).

I. Après avoir reçu le sacrement de l'eucharistie , le prêtre lave et arrose ses doigts, de peur qu'il n'y reste ou n'y adhère quelque parcelle par suite du contact avec le divin sacrement, non que ses doigts aient contracté quoi que ce soit d'impur par ce contact, mais plutôt pour que le prêtre se ressouvienne de son indignité, se jugeant indigne de célébrer d'aussi grand'î isacrements, selon ce que dit le Seigneur : « Lorsque vous aurez bien fait toutes choses, dites : Nous sommes des seiTiteurs inu- tiles. » De même aussi le prêtre de l'ancienne loi était impur jusqu'au soir après l'immolation de la génisse rousse ; d'où vient qu'il lavait tous ses vêtements. En effet , ce serait une imdigmté que les mains qui ont touché le corps incorruptible Idu Christ touchassent un corps corruptible, ou bien des choses

Tome II. ^^

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conimuncs de la vie, avant d'avoir été soigneusement lavées. C'est pourquoi, à la fin de la messe , après avoir quitté les or- nements sacrés, quelques prêtres lavent encore une fois leurs mains. L'eau de l'ablution doit être versée dans un lieu propre et convenable, pour que la grandeur du sacrement soit res- pectueusement honorée.

II. La triple ablution du prêtre, qui a lieu au commence- ment, au milieu et à la fm de la messe, désigne donc la pu- rification des pensées , des paroles et des actions , ou la des- truction des péchés originel , véniel et mortel , soit que l'on ait agi par ignorance , par négligence ou mauvaise volonté ; et pour la purification de ces fautes on offre le sacrifice du salut (De consec, d. ii, Cum omne, in princ). Cependant cette ablution peut signifier l'ablution du baptême , dont le Christ institua la forme après sa résurrection , en disant : (c Allez, instruisez toutes les nations , les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; celui qui croira et sera baptisé sera sauvé. ï)

III. Or, le prêtre purifie ses doigts et prend l'eau qui a servi à cette purification au côté droit de l'autel, ou du moins tourné dans cette direction : Premièrement, pour la raison que nous avons touchée au chapitre de l'Ablution des mains. Deuxièmement, parce que ce même côté signifie le peuple juif, parmi lequel le Christ a pris sa nature humaine. Or, de même qu'il a reçu cette nature des Juifs , c'est par eux aussi qu'il a délivré cette nature de toutes les faiblesses qu'il a\^it prises avec elle. En effet, il a été mis à mort par les Juifs ; sa mort a été suivie de sa résurrection , dans laquelle il s'est dé- | pouillé de toutes les faiblesses pour revêtir les vertus con- traires. Or, c'est pour représenter cela que le prêtre fait l'a-^ blution et la prend au côté droit de l'autel, ou du moins tourné h dans cette direction. Troisièmement, parce que, comme plu-'^ sieurs le disent, cette purification désigne Pilatc, qui se lava les mains pour que le sang du juste retombât sur les Juifs, dési-"

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gnés par le côté droit de l'autel. Quelques-uns , après avoir pris l'ablution , inclinent le calice pour montrer que le sépul- cre est vide , parce que le Christ est ressuscité et est sorti du tombeau (a).

CHAPITRE LVI.

DE LA POSTGOMMUNION.

I. L'antienne que plusieurs appellent Postcommunion est ainsi nommée parce qu'on la chante après la communion , ou pour marquer que la communion est achevée : car, dans la

, (a) Purifier un vase , c'est en ôter ce qui n'est pas de ce vase ; c'est poiirquoi l'ablution du calice et de la bouche du prêtre, qui se fait afin qu'il n'y reste rien du corps et du sang de Jésus-Christ, s'appelle purification. Durant les douze premiers siècles de l'Eglise, cette ablution ne se faisait pas communément. Les liturgistes, jusqu'au Traité des Mystères, par Innocent III, à la fin du Xlle siècle, marquent seulement que le prêtre se lave les mains, qu'on jetait l'eau dans un lieu propre et honorable qu'on appelait la piscine ou le lavoir, et 'qu'on jetait aussi dans le même endroit ce qui avait servi à laver le calice. Mais, pour un plus grand respect et une plus grande précaution, les prêtres ont jugé à propos de prendre l'ablution, dans laquelle il peut y avoir quelque particule du corps ou du sang de Jésus-Christ. Le pape Innocent III, quinze ou seize ans après son Traite' des Mîjstcres, écrivit, l'an 1212, à l'évêque de Maguelonne que le prêtre doit tou- jours faire l'ablution avec du vin et la prendre, à moins qu'il ne dût dire une autre messe ce jour-là. Cette ablution était en usage depuis longtemps parmi les ordres religieux. On voit', dans les anciennes Coutumes de Cluny et de Saint- Bénigne de Dijon (dans D. Martenne, De Rit. monach., p. 189 et seq.), que le prêtre prenait le vin avec lequel il purifiait le calice ; qu'il lavait aussi ses jûigts dans un autre calice, et qu'après avoir pris cette ablution il purifiait en- cre pe calice avec du vin qu'il prenait aussi. Ces ablutions avec le vin n'em- Dêchaient pas que le prêtre ne se lavât les mains ou les doigts dans la piscine u'on voit encore auprès de l'autel en plusieurs églises.

Quant à la prière Quod ore sumpsimics, que le prêtre dit après l'ablution, il laraît, par les Heures de Charles-le-Chauve, qu'au IX^ siècle les fidèles disaient ette oraison après avoir communié ; et, comme chacun se l'appliquait en par- iculier, on y lit au singulier : Quod ore sumpsi. On lit de même : Quod ore umpsi, au singulier, dans un Missel du XII^ siècle, de l'abbaye de Marchienne, au iocèse d'Arras; dans ceux de Saint- Vaast, d'Arras, vers le même temps ; dans 38 anciens imprimés de Meaux, etc.; peut-être parce que les prêtres, récitant ette oraison secrètement, se la sont appliquée en particulier.

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primitive Eglise, tous les fidèles, chaque jour, communiaient au corps et au sang du Christ, comme on l'a dit au chapitre de la Communion du prêtre ; et aussitôt après la communion ce chant avait lieu pour que le peuple rendît des actions de grâ- ces et fît entendre des louanges pour la réception du corps et du sang du Christ. Mais, à cause du péché qui nous environne, dans les siècles suivants il fut statué que l'on ne communie- rait que trois fois l'an , le prêtre seul devant prendre tous les jours le sacrement au nom de tous les fidèles, comme on l'a dit au chapitre du Baiser de paix. Qui donc spécialement a in- troduit l'usage de chanter cette antienne ? On l'ignore.

II. Or, cette antienne désigne la joie que conçurent les apô- tres de la résurrection du Christ , selon ces paroles : a Les dis- ciples se réjouirent à la vue du Seigneur, et ils étaient inondés d'une joie qui tenait de la stupeur. » Or, le chant alternatif qui a lieu dans certaines églises insinue que les apôtres se té- moignaient mutuellement leur joie de la résurrection. D'oii vient que les deux disciples ayant trouvé les onze rassemblés avec ceux qui étaient avec eux , disant : ce Le Seigneur est res- suscité véritablement , et il a parlé à Simon , » ils annon- çaient de leur côté ce qui leur était arrivé en chemin et com- ment ils avaient reconnu le Seigneur à la fraction du pain. Tous chantent l'antienne pour marquer la joie commune et l'apparition du Seigneur à tous ses disciples.

III. La communion est donc une action de grâces, d'après ces mots : « Les pauvres mangeront et seront rassasiés , et loueront le Seigneur. )) Cependant la dernière oraison, dont nous parlerons plus bas , peut être proprement appelée Post- communion,

î'ii ia

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CHAPITRE LVII.

DE LA DERNIÈRE ORAISON, ET DE VITE MISSA EST.

I. Le mystère de la communion achevé, le pontife ou le prêtre baise l'autel, pour marquer qu'il croit fermement et ac- quiesce à tout ce qui s'est passé touchant le sacrifice ; et s'étant retourné , il salue le peuple ; ensuite il retourne au côté droit de l'autel, pour marquer qu'à la fin du monde, après la mort de l'Ante-Christ, la prédication du Christ, ou le Christ, retournera vers les Juifs, qu'il a d'abord réprouvés : car alors ils seront convertis, elles restes d'Israël seront sauvés. Et, éle- vant les mains, il dit la dernière oraison, qui est appelée proprement Postcommunion

II. Dans cette oraison, il prie et rend grâces pour la récep- tion du sacrement, en disant autant de collectes qu'il y a de secrètes. Il prie aussi pour ceux qui, à cette messe, ont reçu l'eucharistie. Or, cette oraison signifie la prière de notre chef Jésus-Christ , qui intercède chaque jour son Père pour [nous. Elle marque encore que les apôtres, après l'ascension Idu Seigneur, persévérèrent dans la prière. Et la fin de cette loraison : « Par notre Seigneur Jésus-Christ, etc., » signifie [que nous avons dans le ciel un avocat auprès du Père. Il faut [faire attention que le prêtre , sur le point de dire la postcom- Imunion, la fait précéder de Domimis vohiscum et à'Oremus

« Prions , » se tenant debout au milieu de l'autel ; ensuite il passe au côté droit, prononce l'oraison, puis, l'ayant achevée, 1 revient au milieu de l'autel et dit Per Dominum, comme on |în a touché un mot au chapitre de la Salutation.

III. A ce sujet, il faut remarquer que le côté droit de Pautel signifie les Juifs, et le côté gauche les Gentils. La pré-

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(licatioii du Christ et de son Evangile a commencé par les Juifs et passé aux Gentils , et doit ensuite revenir aux Juifs. Le prêtre, pour désigner cela, passe du côté droit de l'autel au côté gauche , puis du côté gauche au côté droit. C'est donc avec raison que la postcommunion , qui est comme la fm de la messe (a), se dit au côté droit de l'autel. Or, comme le mi- lieu de l'autel représente la foi du Christ et Dieu lui-même, en qui les deux peuples sont unis, ramenés et terminés, c'est pour cela que l'on dit à cet endroit Per Dominum^ etc., qui est comme la fin de la postcommunion. Car c'est le Sei- gneur qui engage les deux peuples à le rechercher, et qui les éclaire pour cela. C'est pourquoi on dit ici Dominus vohiscum; car c'est par lui que nous obtenons tout ce que nous deman- dons de bon dans l'oraison, et c'est pour cela qu'on prononce le mot OremuSy « Prions, » dont on a parlé au chapitre du Changement de Place du prêtre.

IV. Et remarque que le samedi des Quatre-Temps de sep- tembre on dit la postcommunion suivante : (c Fais , Sei- gneur, nous t'en prions , que les sacrements produisent en nous des effets suivant la vertu qu'ils renferment, afin que ' ce que nous portons maintenant dans l'espérance nous le saisissions plus tard dans la réalité. » Saint Grégoire, ex- pliquant la dernière partie de cette oraison [De consec, d. ii, Species), s'exprime ainsi : «En effet, dit-il, le prêtre de- mande que le corps du Christ, qui est maintenant porté sous les espèces du pain et du vin, soit saisi un jour par une vision claire et distincte et tel qu'il est en effet, » quoique certains auteurs, et non sans probabilité, entendent en cet endroit, par les paroles précitées, la vérité et l'efficacité du corps et du sang, c'est-à-dire la rémission des péchés. On a parlé de cette oraison dans la particule septième du canon , à ces paro-

(a) L'oràison dite Postcommunion est aussi nommée complenda, ou oratio ad complendum , c'est-à-dire Voraison pour finir, parce que c'est la dernière orai- son de la messe ; c'est pourquoi le prêtre, après l'avoir dite, ferme le Missel.

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les : Mysterium fidei. Quand l'oraison est terminée le prêtre salue de nouveau le peuple, en disant : Domims vobLum. Sur quo, d faut remarquer que le Christ, après sa résurrection, salua deux fois ses disciples, en disant : « La paix soit avec vous,» pour désigner la double paix, c'est-à-dire la paix du cœur et la paix de l'éternité, qui, selon le Prophète, est la pa,x par excellence, touchant laquelle le Seigneur dit a ses apôtres : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix. >, Le prêtre indique cette double paix par un double baiser, a savoir, lorsque d'abord il baise le ministre et ensuite 1 autel. Or, la première salutation qui a lieu avant l'oraison signifie cette bénédiction que le Christ, sur le point de monter au ciel, donna à ses disciples; car, comme saint Luc le dit • «Il les mena en Béthanie, et, lorsqu'il les eut bénis, il s'éloigna d eux, et était emporté dans les airs. >, C'est pourquoi, après la dernière salutation que le prêtre fait au peuple après l'orai- son et qui signifie la vie éternelle, le diacre dit à haute voix • Ite musa est, « Allez, la messe est finie , « pour marquer ce qui fut dit aux apôtres : « Celui-ci est Jésus, qui a été enlevé aux cieux du milieu de vous. »

V. Or, il faut remarquer que la messe se termine de trois manières : d'abord, par Ite, missa est, qu'on chante dans les fêtes solennelles, toutes les fois qu'on chante Te Deum lau- damus et Glona in excelsîs Deo, comme on le dira dans la préface de la septième partie. C'est comme si le diacre di- sait : « Retournez à vos affaires, l'hostie salutaire a été envoyée ou offerte à Dieu pour le genre humain ; » ce qu'on n'a fait que toucher dans Ja préface de cette partie. Ou bien il an- nonce au peuple que la messe ou les prières sont terminées parce qu'il a été statué dans le Concile d'Orléans {De cotisée ' dist i, Cum ad celehrandum) , que « nul ne doit sortir dé 1 eghse avant que le signal n'ait été donné par le ministre. » Ou bien encore, Ite, missa est, signifie : « Allez derrière le Christ et suivez-le.» Car il ne faut pas s'arrêter dans ce monde, mais se

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hâter de gagner la patrie par la pratique des bonnes œuvres^ ce que nous pouvons faire rapidement , parce qu'on a adressé à Dieu le Père [missa est) une victime pour l'apaiser, victime qui a brisé l'enfer et rétabli l'entrée du paradis. Or, en disant : c( Allez, la messe est dite, » le diacre se tourne vers le peuple, parce que nous nous adressons à ceux que nous voulons con- gédier. Nous nous tournons vers ceux à qui nous nous adres- sons , comme il arrive quand on dit : Domimis vohiscum, ou Orale y fratreSy ainsi qu'on l'a dit au chapitre de l'Inclinaison du prêtre. Mais en disant : Benedicamus Domino^ ou Requies- cant in pace^ ou bien Oremus , le prêtre ne se tourne pas vers le peuple, parce qu'il ne l'interpelle pas directement; mais il tourne son visage vers l'orient et dirige son esprit vers Dieu. VI. Lorsque le diacre a prononé Ylte , missa est y le clergé et le peuple , en actions de grâces , répondent : Deo grattas ^ c( Rendons grâces à Dieu , » imitant les apôtres , qui , adorant Dieu, entrèrent à Jérusalem avec une grande joie, et, se diri- geant vers le temple^ louaient Dieu et le bénissaient. En effet, comme certains auteurs l'assurent, Beo grattas est une in- terjection gratulatoire ou congratulatoire , et elle a été prise dans Esdras, non quant aux termes, mais quant au sens ; car le peuple d'Israël , délivré par Cyrus de sa captivité de Babylone et de retour à Jérusalem , rendit grâces à Dieu. Et les apôtres aussi, après l'ascension du Seigneur, retournèrent à Jérusa- lem en bénissant Dieu. C'est ainsi que nous-mêmes, après avoir reçu la dernière bénédiction , nous irons dans la céleste patrie oii nous serons toujours en actions de grâces. De plus, | les apôtres prêchaient, en disant : « Rendez grâces et priez sans interruption.» On peut dire encore que le prêtre, lorsqu'il entonne le Gloria in excelsis, symbolise l'ange qui annonça i aux bergers la joie ineffable causée par la naissance du Christ. Ite, missa est^ désigne l'arrivée des bergers au lieu de la naissance du Christ, comme on le dira dans la préface t de la septième partie. Le chœur, en répondant : Deo gratias 1

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figure ce que saint Luc rapporte des bergers : « Les bergers, dit-il, s'en retournèrent glorifiant Dieu, à cause de toute^s les choses qu'ils avaient vues et entendues. »

VIL La messe est terminée d'une seconde manière par Be- nedicamus Domino. Cela arrive dans les jours ouvrables et généralement quand on ne prononce pas les susdits cantiques de joie. Par cette seconde manière de terminer la messe le peuple est invité à rendre grâces, parce que, après tout, nous devons nous humilier devant Dieu. Ces paroles : Benedicamus, sont empruntées des apôtres, des psaumes, ou du cantique des trois enfants dans la fournaise. Lorsqu'on dit : « Bénissons le Père et le Fils, » on répond : Deo gratias, « Rendons grâces à Dieu; » ce qui se rapporte à la joie des apôtres, dont nous avons parlé plus haut. Nous en reparlerons vers la fin de la préface de la cinquième partie. Et le peuple, rendant grâces à l'Dieu et retournant à ses affaires, représente les disciples re- tournant à Jérusalem en rendant grâces à Dieu, après l'as- cension du Seigneur. A ce sujet, nous ajouterons que, dans la primitive Eglise, lorsque les ministres de l'Eghse célébraient la messe sans le peuple, la messe était terminée par Benedi- camus Domino; mais quand le peuple y assistait, comme il ne savait pas autrement quand la messe était finie, on disait : Ite, missa est. C'est pour cela que dans les jours ouvrables, quand les prêtres célèbrent la messe presque seuls le plus souvent et sans assistance, ils disent : Benedicamus Domino, d'après la coutume ancienne ; mais dans les solennités oii le -peuple est présent, on dit : Ite , missa est. Cependant, la pre- mière messe de Noël, dans certaines locahtés, est terminée par Benedicamus Domino, parce que la nativité du Sauveur, dont il s'agit dans cette messe, fut annoncée par l'ange à un petit nombre, c'est-à-dire aux bergers, qui figurent les minis- tres de l'Eglise. Outre cela , les ministres sont pour ainsi dire seuls à cette messe. On en donne encore une autre raison Idans la sixième partie, au chapitre de l'A vent : c'est parce

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qu'ils ne doivent pas s'éloigner, mais assister encore à la seconde messe, celle de l'aurore. Dans les jours de jeûne, on termine encore la messe par Beiiedicamus Domino, pour mar- quer que, si on doit toujours bénir le Seigneur, nous devons le faire à plus forte raison dans ce temps. Or, Benedicamus a le même sens que henedictio, dont nous parlerons au chapitre de la Dernière Bénédiction.

VIII. Troisièmement, on termine par Requîescant'in pace quand c'est une messe des morts, et on répond Amen, c'est-à- dire (c Ainsi soit-il , » car on souhaite le repos à l'ame des morts.

IX. La fin de la messe signifie encore la fin du monde; Ite, missaest, ou Benedicamus Domino^ symbolise la liberté dont jouiront les justes dans la patrie, où ils béniront tou- jours Dieu.

CHAPITRE LVIII.

POURQUOI LE PRÊTRE BAISE-T-IL L'ÉPAULE DU PONTIFE?

ï. Après Vite, missa est, le prêtre qui assiste l'évêque à l'autel, dans certaines églises, baise la table de l'autel ou l'épaule droite du pontife , pour montrer qu'il est ce pontife dont l'épaule droite , d'après la figure de la loi , devait être la marque de séparation entre les hosties salutaires et les hosties pacifiques. La puissance et la royauté sont encore certaine- ment figurées par l'épaule , d'après ces paroles du Prophète : c( La principauté est venue se reposer sur ses épaules. » Or, la voix de l'Ange, du Prophète et de l'ancienne loi a vé- ritablement annoncé la principauté du Sauveur. Car l'Ange dit à la Vierge : « Le Seigneur lui donnera le trône de David son père , et il régnera sur la maison de Jacob pour l'éternité, et son règne n'aura pas de fin.)) Le Prophète dit : «Ton trône

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sera pour les siècles des siècles, et tu porteras le sceptre de ton royaume. C'est pourquoi Dieu, ton Dieu, t'a choisi par- dessus tes égaux et t'a oint avec l'huile de joie. » Moïse dit, dans la loi : a. Réjouissez-vous avec lui, ô cieux ! et que tous les anges de Dieu l'adorent. »

II. Pour désigner cela^ trois personnages dans l'Eglise ro- maine baisent l'épaule du Pape , en signe de respect ; ce sont : le primicier au commencement , le diacre au milieu , et le prêtre à la fin de la messe.

CHAPITRE LIX.

DE LA DERNIÈRE BÉNÉDICTION.

I. Après le baisement de l'autel ou de l'épaule, l'évêque ou le prêtre bénit le peuple. C'est avec raison qu'on bénit le peuple après la communion , car on lit dans saint Luc (ult.) qu'après que le Christ eut prié sur la croix et mangé devant ses disciples, il leur donna ce qui restait, et, tenant ses mains élevées, il les bénit. D'où le Concile d'Orléans a fait ce décret ( De consec^ dist. I, Cum ad celehrandas^ et (prgecedenti) : « Que le peuple, avant la bénédiction de l'évêque, ou du prêtre (en son abs- sence), ne sorte pas de l'église. » Or, cette dernière bénédiction sur le peuple signifie l'envoi du Saint-Esprit, que le Seigneur, en montant aux cieux, envoya du ciel à ses apôtres, selon qu'il leur avait promis lui-même : ce Vous recevrez , dit-il , la vertu de l'Esprit saint, qui surviendra en vous, » comme on l'a déjà dit au chapitre de la Dernière Oraison.

II. D'où vient que cette bénédiction s'exprime parles paroles de la bouche et le signe de la croix? Parce que cette mission se manifesta par un bruit dans l'air et par des langues de feu, d'après ces paroles : ce Tout-à-coup il se fit dans le ciel un bruit

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semblable à celui d'un vent impétueux qui survient soudain, et alors apparurent çà et là comme des langues de feu, etc. » Et bien , que le Saint-Esprit ait été spécialement envoyé aux apôtres, comme cependant les œuvres de la Trinité sont indi- visibles, toute la Trinité a participé à cet envoi. C'est pourquoi l'évêque fait cette bénédiction au nom de la Trinité, en vertu de l'autorité du Psalmiste , qui dit : « Que Dieu , notre Dieu , nous bénisse ; que Dieu nous bénisse. »

III. Secondement, cette dernière bénédiction signifie la der- nière que le Sauveur accomplira en ces termes : « Venez, les bénis de mon Père, etc. »

IV. Troisièmement, elle désigne celle que le Christ donna à ses disciples au moment de monter, au ciel. C'est pourquoi, après l'avoir donnée, le prêtre se tourne vers l'orient, comme pour se recommander au Christ montant au ciel.

V. Au reste, l'autorité de la loi ancienne a exprimé la forme de la bénédiction par ces paroles de Dieu et par la bouche de Moïse : (( Tu invoqueras mon nom sur les enfants d'Israël, et moi, qui suis le Seigneur, je les bénirai. » Puis ensuite par le Prophète : « Je répandrai sur vous l'esprit de grâce et de prière. » De même Aaron, après qu'il eut sacrifié, étendit la main sur le peuple et le bénit (Lévitiq., ix). Ainsi Moïse et Aaron , après avoir offert des hosties et des holocaustes , en- trèrent dans le tabernacle du témoignage ; puis, en étant sortis, ils bénirent le peuple ( Lévitiq., ix, à la fin). Ces bénédictions finales sont donc empruntées à l' Ancien-Testament. Ainsi Ja- cob, à la fin de sa vie , bénit ses enfants , et Moïse , avant sa mort, bénit le peuple, comme le Christ bénit ses disciples avant son ascension, ainsi qu'on Ta vu. De là vient que, lorsque nous nous séparons, nous demandons la bénédiction comitive et pro- tectrice. Ces bénédictions viennent encore de ce que le Sei- gneur ordonna qu'on fît sur le mont Garizim des bénédictions sur les observateurs de la loi, comme au contraire, sur le mont Hébal, il ordonna des malédictions contre les transgresseurs.

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C'est de là que les excommunications tirent leur origine (xxi distinct.).

VI. Enfin, il est dans l'ordre que le plus grand en dignité bénisse le plus petit. D'où vient qu'Abraham fut béni par Mel- chisédech, qui ne fut pas béni par Abraham. Donc aucun prêtre Ue doit donner la bénédiction à son supérieur que du consentement de celui-ci. Bien plus, quand l'évêque entend la messe , le prêtre célébrant lui demande en tout sa permission et sa bénédiction. Cependant le prêtre qui célèbre la messe peut bénir^ même quand l'évêque est présent, lorsqu'il le per- met , et même dans le cas où l'évêque ne voudrait pas bénir lui-même, autrement non, comme cela a été prévu par le Con- cile d'Orléans précité [cavetur). Car, selon saint Jérôme ( xcv d., eadem ), « le prêtre , qui n'a pas craint de consacrer le Christ , peut bénir le peuple. t> Et ce qu'on lit dans le Concile de Car- thage (XXYI, q. v) : « Il n'est pas permis au prêtre de célébrer et de donner la bénédiction au peuple , » doit s'entendre de la bénédiction solennelle, qui n'appartient qu'à l'évêque.

VII. Et cette bénédiction a lieu en ces termes : Sit nomen Domini benedictum. La bénédiction épiscopale se fait encore par manière d'imposition des mains. D'où l'évêque , quand il bénit, tient, comme Aaron, la main élevée sur le peuple, et aussi à l'exemple du Christ, qui, avant son ascension, éleva les mains et bénit ses disciples. Comme donc les seuls évêques im- posent les mains , parce qu'on lit dans les Actes des apôtres : « Les apôtres seuls imposaient les mains , à l'exclusion des autres disciples,» c'est pour cela que l'évêque seul donne la bé- nédiction solennelle. Or, après la bénédiction solennelle que donne l'évêque avant VAgnus Dei ^ il ne faut pas bénir une seconde fois solennellement à la fin de la messe. Cependant, à la messe pour les morts on ne bénit pas , comme on l'a dit au chapitre de la Fraction de l'hostie.

VIII. Viennent ces mots : Placeat tïbi, parce que, d'après le témoignage de saint Luc dans les Actes des apôtres (c. i).

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u le Seigneur Jésus, après qu'il cul parlé à ses disciples et qu'il les eut bénis, s'enleva aux cieux, où il est assis à la droite de Dieu. » C'est poun[uoi le prôtre ne s'adresse pas au Christ seul, qu'une nuée a dérobé aux yeux des disciples, mais à toute la Trinité, en disant : Placeat tibi , etc. Après cette oraison il baise l'autel, montrant par là qu'il adhère dévotement, de toute la force de son ame et de son corps, à tout ce qui a eu lieu pen- dant le sacrifice. Après quoi il s'éloigne de la vue du peuple, entre dans le vestiaire , et on fait tomber un voile entre lui et le peuple, pour marquer, comme on l'a dit déjà, que le Christ, montant au ciel , fut environné d'une nuée qui le déroba aux yeux de ceux qui le regardaient , comme on le lit dans saint Luc (ult.) : « 11 s'éloigna d'eux et était emporté vers le ciel. » Or, quand l'évoque entend la messe du prôtre, le prêtre, après avoir baisé l'autel et déposé ses habits sacerdotaux, s'approche de l'évéque, et, fléchissant le genou devant lui, il embrasse sa main , figurant par là la grande obéissance du Fils , qui obéit au Père dans l'incarnation, dans la passion, dans l'ascension et dans les autres circonstances que le prêtre a représentées pendant l'office de la messe, montrant ainsi sa foi et son adhé- sion à toutes ces choses. Or, le pontife le bénit, comme s'il di- sait : c( Celui-ci est mon Fils béni, etc. »

IX. Ensuite on chante aussitôt les hymnes Benedicite et Laudate , en tout ou en partie, parce que nous devons rendre grâces pour tous ses bienfaits à Dieu , que nous louerons dans l'éternité. D'où, dans le Concile d'Agde [De consec, dist. v. Convenu ) on lit ceci : « Après la conclusion des messes du matin ou de Taprès-midi, c'est-à-dire qui sont dites le matin ou vers l'heure de none ; après les hymnes , c'est-à-dire lorsque le prôtre a dit BenedirAte et Laudate^ on doit dire les capitules des psaumes, c'est-à-dire Confîteantur tihi Domine, omnla opéra ^ etc., et le peuple, rassemblé par la prière et pour la prière, est renvoyé jusqu'à vôpres par l'évoque, qui lui donne sa béné- diction. Or, par ces mots : « à vêpres, )> on entend que le Sei-

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gneur, par l'organe de ce concile^ parle des messes du carême, après lesquelles on chante aussitôt les vêpres ( De consec.^ d. i, Solet). Et le concile donne à entendre que Févêque ou le prêtre ne doivent pas alors bénir avant la fm des vêpres, ce qui ce- pendant n'est pas en usage.

X. Enfin , il faut remarquer, pour revenir à notre propos, que la bénédiction de la table commence de deux manières : D'abord, le plus ancien dit : Bénédicité^ « Bénissez ; » les autres répondent : Dominus, « Que le Seigneur bénisse, » parce que, de même que nous devons bénir le Seigneur par des actions de grâces , ce à quoi nous exhorte le plus ancien de la société, en disant : a Bénissez, » ainsi nous avons besoin aussi d'être bénis par le Seigneur, par l'infusion de sa grâce ; ce que les autres demandent en répondant : Dominus^ ce Le Seigneur, » suppléez « nous bénisse » par l'infusion de sa grâce. En se- cond lieu, le plus ancien commence, en disant : a Bénissez ; )> les autres répondent semblablement : <( Bénissez, » pour mon- trer que nous devons nous exhorter mutuellement à bénir Dieu. On peut encore dire que, par la première manière , on considère le respect qui est dû à Dieu ; car, lorsqu'on répond : Dominus, il faut suppléer henedicat^ « nous bénisse, » parce que nous ne sommes pas dignes de bénir. Dans la seconde manière, on a égard au respect du supérieur ; car, lorsqu'on répond : «Bénissez, » Benedicite, il faut suppléer vos Pater, avons, notre Père, » parce que le plus jeune ne doit pas bénir en présence du plus âgé. Ensuite le plus ancien commence le verset, et les [assistants l'aident à le dire , pour marquer que les inférieurs poivent aider les supérieurs à supporter leurs charges. Dans quelques églises, les enfants bénissent les tables même des pré- ats, parce que bénir le pain est l'office du lecteur ; mais cette 3énédiction se fait d'une manière plus convenable par les évê- jues, à l'exemple du Christ, qui, à Emmaiis , bénit la table de- jrantles deux disciples. Après le sacrifice, dans certaines églises, e prêtre bénit le pain qui doi t être distribué au peuple, à l'exem-

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pie du Christ, qui, dans le désert, bénit cinq pains et en rassasia cinq mille honnnes. Nous avons parlé de ce pain au chapitre du Baiser de paix. Ensuite le prêtre et les fidèles retournent chez eux. Le prêtre retournant à sa maison, c'est le Christ qui, après avoir accompli sa mission , est monté dans la gloire du Père. Et les fidèles aussi s'en retournent, en attendant que, dé- livrés de la prison de l'exil, ils soient ravis dans la liberté de la gloire (24).

FIN DU QUATRIÈME LIVRE.

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NOTES.

NOTE 1,

ETYMOLOGIE DU NOM DE MESSE.

La messe, comme le dit saint Irénée (1), est le sacrifice de la nouvelle loi , par lequel les chrétiens rendent à Dieu le culte suprême , en lui offrant le corps et le sang de Jésus-Christ sous les espèces du pain et du vin, par le ministère des prêtres.

Comme Jésus-Christ, en instituant ce sacrifice , dit simplement à ses 'apôtres : ce Faites ceci en mémoire de moi, » sans donner à cette action aucun nom particulier, l'Eglise , depuis les premiers siècles , lui en a donné plusieurs, tantôt pour faire connaître ce qui .s'opère dans ce divin office, et tantôt pour en cacher les mystères à ceux qui n'étaient pas du nombre des fidèles. On Ta nommé la liturgie (2), c'est-à-dire le ser- vice; la synaxe (3) ou la collecte (4), c'est-à-dire Y assemblée; les offices des divins sacrements (5), les solennels ou les divins solennels (6), le sacrifice (7), l'oblation (8), la supplication, les vénérables (9), les saints, les divins (10), les redoutables mystères. Mais, depuis plus de 1500 ans,

(1) Christus dicens : Hoc est corpus meum, etc., novi Testamenti novam do- cuit oblationem, quamEcclesia, ab apostolis accipiens in universo mundo, offert Deo (lib. 4, cap. 32). — Offerens ei cum gratiarum actione ex creatura ejus (cap. 34).

(2) Eusèbe, lib. 4, De Vita Constantini.

(3) Socrate, lib. 4 et 5. — S. Denys, Hier. eccL, cap. 5. — Anastas. Synaïta, De Synaxi.

(4) S. Jérôme.

(5) Officia divinorum Sacramentorum, S. Hilaire, in ps. 65.

(6) TertuUien, lib. De Anima et lib. De Fuga.

(7) S. Cyprien. — Eusèbe, Dem. evang., 1. 1. — S. Jean Chrysostôme. — Cyrille d'Alexandrie. — Les Actes du Concile d'Ephèse. — S. Fulgence; etc.

(8) Concile de Laodicée, canons 19 et 58.

(9) S. Cyrille de Jérusalem, Cafech. 5 Mystagog. — S. Jean Chrysostôme, homil. 41, in I ad Cor., cap. 3, et lib. 6 De Sacerdote.

(10) Divina mysteriorum Sacramenta celebrare, S. Hilaire.

Tome IL 27

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l'Eglise grecque s'est fixée au nom de LITURGIE, et l'on voit depuis le même temps, dans saint Ambroisc (1) et ailleurs, que l'Eglise latine a donné le nom de MESSE à cet office divin.

Ce mot de messe vient de l'ancien mol latin missa , pour missio (2) , qui signifie renvoi, parce qu'op renvoyait autrefois de l'assemblée, avant Toblation, ceux qui ne devaient pas assister au sacrifice. Saint Augus- tin , saint Avit de Vienne et saint Isidore de Séville ont marqué trop clairement cette origine pour pouvoir en douter (3).

Après que les empereurs , au commencement du IV^ siècle , eurent embrassé le christianisme et donné à l'Eglise la liberté de célébrer so- lennellement les divins offices, on permit aux catéchumènes (4) d'as- sister aux instructions et aux prières. Mais on avait soin de les faire sor- tir de l'église et de les renvoyer lorsqu'on voulait commencer l'obla- tion du saint sacrifice. C'est ce qui fit appeler ce divin office la messe, ou le renvoi.

(1) S. Ambroise, ep. 13 ad Marcellin., sor.

(2) Comme on lit dans S. Cyprien remissa pour remission : Remissam pec- catorum, de bono pat., p. 146, ep. 16 et 73, édition d'Oxford; et dans S. Jé- rôme, collecta pour collectio, ep. Pdulae et ep. 60.

(3) S. Augustin n'exprime pas autrement le renvoi de ceux qui devaient sor- tir de l'église avant l'oblation, car, pour dire : « On annonce le renvoi aux ca- téchumènes, les fidèles demeureront, » il s'exprime de cette sorte : Fit missa catechumehis , manebunt fidèles, sermon 49, al. 237; et S. Isidore, vers l'an 600, dit que c'est de ce renvoi que vient le mot de Messe : Missa tempore sacrificii est, quando catechumeni foras mittuntur..., et inde Missa, Origin, 1. 6, c. 19. Remy d'Auxcrre , au IX^ siècle, dit qu'on peut regarder' la messe comme ren- voi des prières et des oblations que le peuple fait à Dieu par le ministère du prêtre, qui tient la place du divin Médiateur, Florus , in can. Remig., expos. Miss.

Il y a deux remarques à faire sur ce mot de Messe : l'une , que depuis l'an 400 ce nom fut donné à tous les offices ecclésiastiques de la nuit ou du jour. Cassien, qui écrivait vers l'an 440, emploie très-souvent ce mot en ce sens: Post missam nocturnam, 1. 2, c. 7 ; — post orationum missam, c. 14 ; — congre- gationis missam, 1. 3, c.l7; — post vigiliarum missam, c. 8; etc. L'autre est que, vers l'an 500, on se servit du mot de Missœ au pluriel et de Missarum so- lemnia, pour marquer le sacrifice de la messe. C'est ce qu'on voit dans S. Cé-

saire d'Arles, qui'dit : Tune fiunt missœ quando munera offerufitur, et corpus

et sanguis Domini consecrantur, sermon 81. (V. aussi l'Hist. triparlite, traduite par Epiphane vers 510, 1. 4, c. 13 ; le Concile de Vaison et S. Grégoire de Tours.) Cette expression au pluriel venait de ce que la messe des chrétiens était composée de deux assemblées et de deux renvois : l'un des catéchumènes avant l'oblation, l'autre des fidèles après l'action de grâees qu'on appelle postcommu- nion.

(4) On appelait catéchumènes ceux qui croyaient en Jésus-Christ, mais qui n'avaient pas encore reçu le baptême et qui se faisaient catéchiser, c'est-à-direj instruire ; on en parlera ailleurs.

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11 était difficile de trouver uq mot qui marquât plus sagement ce que l'Eglise voulait faire secrètement pour les seuls fidèles, et qui en même temps en donnât une plus haute idée , puisque ce mot de messe ou de renvoi indiquait l'office où Ton ne pouvait admettre que ceux qui étaient censés avoir conservé ou recouvré la grâce du baptême. Les chrétiens non baptisés, tels qu'étaient les catéchumènes, les chrétiens mis en pé- nitence , tous étaient renvoyés , aussi bien que les infidèles , pour ne laisser assister aux saints mystères que ceux qui s'étaient conservés purs ou qui s'étaient purifiés par la pénitence.

Quoique la messe soit toujours essentiellement la même, diverses circonstances lui ont fait donner les divers noms de messe publique, solennelle, haute, grande, privée, basse ou petite.

Depuis pkis de 1300 ans , la messe qui s'est dite dans une église où l'on invitait tout le monde, hommes et femmes, a été appelée messe publique, pour la distinguer des messes appelées quelquefois privées, qui se disaient dans des oratoires particuliers, ou qu'on disait pour les morts, auxquelles on n'invitait que les parents et les amis, ou de celles qu'on célébrait dans les églises des monastères (i). Celles que saint Ambroise (2) , l«s prêtres d'Hippone (3) sous saint Augustin et Théodo- ret (4) , disaient dans des maisons ou dans une cellule , n'étaient point censées publiques , non plus que celles que le .Concile d'Agde (5), en 506, permettait de dire dans des lieux de la campagne éloignés de la paroisse. Le second Concile de Yaison (6), en S29, or(^onne qu'aux messes des morts on dira le Sanctus de la même manière qu'aux messes publiques , et saint Grégoire-le- Grand écrit à l'évêque de Rimini de ne point dire des messes publiques (7) dans les monastères, de peur de trou-

(1) A proprement parler, il n'y a point de messes prive'es. Le prêtre agit tou- jours comme ministre public de l'Eglise. Il ne change rien dans le canon , ni dans les autres prières. Il parle de même que si. tout le peuple était assemblé. Il dit toujours: Dominus vobiscum.., et omnium circumstantium... sed et plebs tua, etc., ayant toujours en vue que la communion des saints, que nous pro- fessons, peut faire assister en esprit tous ceux qui sont absents de corps. (V. le traité De Missa publica et pi-ivata, de Claude d'Espence, et celui De Missa pu- blica pror Uganda, fait en 1536 par Lorichius.)

(2) Paulin, Vita S. Ambros.

(3) S. Augustin, De Civiiate Dei, lib. 22, cap. 8, n» 6.

(4) Hist. relig.^ cap. 20.

(5) Canon 21.

(6) Canon 3.

(7) Missas autem illic publicas per episcopum fieri omnino prohibemus, ne in servorum Dei secessibus popularibus occasio praebeatur ulla conventibus, etc. (S. Grégoire, lib. 4, ep. 43).

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bler la retraite des serviteurs de Dieu par le concours des hommes et des femmes.

On appelle la messe grande ou solennelle {]) ^ quand on la célèbre avec plus d'appareil et de cérémonies; haute, quand le prêtre et le chœur chantent; et, par la raison opposée, la messe a été appelée basse lors- qu'elle se dit sans chant , et petite parce qu'elle est célébrée sans l'ap- pareil et les cérémonies de la messe solennelle. Mais on y dit également toutes les prières, et Ton n'y omet rien de ce qui appartient au sacrifice.

NOTE 2.

Traité de l'Eau bénite, par Gilbert Grimaud, prêtre, docteur en théologie. (Extrait de sa Liturgie sacrée, ouvrage très-rare, du XVIP siècle.)

C'est une coutume que tous les dimanches de l'année le curé ou celui qui tient sa place, avant que de célébrer la messe de paroisse, doit faire l'eau bénite, de laquelle il asperge les autels et le peuple; puis il com- mence la procession, en laquelle on porte de cette eau ^11 n'y a que les dimanches de Pasques et de la Pentecôte exceptez , en la place desquels on prend le samedy précèdent, auquel on baptisait autrefois les caté- chumènes, c'est-à-dire ceux qui estoyent suffisamment instruits dans les mystères de nôtre foi, et qui en étaient jugés dignes par leur bonne vie.

On tient que ce fut le pape Alexandre , premier du nom , qui vécut sous l'empire d'Adrien, environ l'an 120, qui, comme nous trouvons dans les saints décrets, ordonna (2) que l'eau de l'aspersion fût bénite avec le sel, Valfridus Strabo, qui écrivait l'an 830, le témoigne ainsi (3) : Le pape Alexandre a ordonné de bénir avec le sel cette eau , qui se nomme d'aspersion, et de l'asperger dans les maisons des fidèles. Néanmoins, nous trouvons une ordonnance de l'eau bénite, avant le pape Alexandre, dans les Constitutions de saint Clément (4), où il parle de la bénédiction de' l'eau et de l'huile , et en prescrit les formes , lesquelles encore il dit avoir été donnée? par saint Mathieu ; d'où il est évident que c'est une

(1) Tertullien et S. Cyprien appellent les solennels la célébration des saints mystères jusqu'à la communion du peuple. «Post transacta solemnia» (Ter- tuUien, lib. De Anima), v Solemnibus adimpletis, calicem diaconus offerre praesentibus cœpit » (S. Cyprien, De Lapsis, p. 94).

(2) Ut aqua aspersionis cum sale benediceretur.

(3) Aquam aspersionis cum sale benedici et in habitantiis fidelium spargi Alexander papa constituit {Tract. De Rébus écoles. y cap. 29).

(4) Lib. 8 Constit. Apost., cap. 33.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 421

tradition apostolique, de laquelle le pape Alexandre dressa le décret et le fit publier. En effet, saint Bazile, qui vivait l'an 370, met l'eau-benite entre les traditions venues des apôtres.

Voici comme ce saint pontife décrit la chose { 1 ) : Nous bénissons, dit-il l'eau mêlée avec le sel, en faveur des peuples, afin que tous ceux qui en seront aspersés soient sanctifiés, ce que nous recommandons de faire, à tous nos prêtres. Puis il déclare les vertus de l'eau-benite (2) . Cette eau, dit-il oste la stérilité des choses humaines; elle sanctifie et purifie celles qui sont souillées; elle détourne les embûches du démon et défend les hommes de ses trompeux artifices.

Reprenons nôtre discours touchant la coutume de faire l'eau-benite tous les dimanches; nous avons les décrets du Concile de Nantes, cité par Reginon ; il fut tenu sur l'an 900 (3) : Que tous les dimanches chaque cure ou mcatre en son église, avant la messe, fasse l'eau-benite dans un vaisseau net et propre pour un tel ministère, afin que de cette eau le peuple, entrant dans l'église, soit aspersé. Et un peu plus bas (4) : « Qui voudra peut prendre de cette eau dans de petits vases et en porter dans sa mai- son, en verser sur les fonds, sur les vignes et sur le bétail, même sur leur pâture, comme aussi sur le boire et sur le manger. » Ce même concile d,t encore une chose fort remarquable : « Que le curé qui aura avis que quelqu'un de ses paroissiens est, malade l'aille soudain visiter- qu .1 porte de l'eau-benite et en espande sur lui et dans^sa chambre prononçant cette antienne : [Asperges me, Domine, hyssopo], etc., c'est- a-dire : « Vous m'arroserez d'hysope, Seigneur, et je serai nettoyé. » Voyez maintenant si nos cérémonies ne sont pas recommandables par leur ancienneté, outre les autres fruits qu'elles produisent

Je ferais scrupule, si j'omettais sur ce sujet les ordonnances de Char- lemagne en ses Capitulaires (S), où il commande que chaque prêtre c est-a-d.re curé ou vicaire, tous les dimanches, avant que commence^ la messe, fasse le tour de son églis^en chantant, et qu'on porte l'eau-be- nite. Ce grand prince vivait il y a plus de huit cents ans. Coccius, dans

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422 RATIONAL

son Trésor, dit que la même chose est pratiquée parmi les Arméniens, et encore parmi les Syriens et les Ethiopiens. 11 est vrai que pour faire leur eau-henite, ils ont leurs oraisons particulières dans leurs Rituels; mais, quoique les prières soient diflérentes, Teffet est toujours le même ou tend à la même fm.

Avant que passer outre, il sera bon de remarquer que, dans les saints décrets (1), il est fait mention de ^quatre sortes d'eau-benile; je mar- querai pour la première celle qu'on nommait eau d'épreuve ou de ju- gement {aqua purgationis), de laquelle on usait pour découvrir quelque vérité cachée. Nous avons quantité d'histoires touchant cette eau ; elle avait ses particulières bénédictions ; mais on ne sait pas par qui elles ont été faites. L'Eglise en a défendu l'usage, parce qu'il semblait tenter Dieu et lui demander des miracles sans nécessité. La seconde est l'eau que nous appelons Grégorienne , instituée et bénite seulement pour la dédicace d'une église , ou pour la réconcilier si elle a été polluée. La forme en est décrite dans le Pontifical et dans les décrets (2) : l'eau est mêlée avec du vin et de la cendre , et le tout bénit. La troisième est celle qui est bénite les samedis avant Pâques et la Pentecôte, destinée pour le saint baptême ; car, bien qu'en cas de nécessité toute eau natu- relle et non corrompue soit propre , néanmoins celle-là est l'ordinaire. La quatrième est celle qui se fait tous les dimanches, de laquelle seule nous entendons parler présentement.

L'abbé Grimaud, qui vivait environ l'an 840, au livre qu'il a fait des Sacrements , la décrit en la même forme que nous l'avons dans nos Missels, et comme elle avait été pratiquée par ses devanciers. Pour faire cette eau, le prêtre bénit premièrement le sel avec plusieurs belles prières et cérémonies , puis il bénit l'eau aussi particulièrement; il met ensuite le sel dans l'eau, en ajoutant quantité de prières et de bénédic- tions. Jugez si tout ceci est sans mystère.

En premier lieu, pourquoi on y applique le sel? Je ne m'arrête pas à parler de l'usage du sel durant cette vie pour nôtre nourriture, ou à dire que sans le sel toutes les viandes sont sans goût et sans saveur ; que le sel préserve les corps de corruption , suppléant en quelque sorte l'of- fice de la vie ou de l'âme; mais, outre ces effets naturels, il est le sym- bole de plusieurs choses, comme d'une très-longue durée, de l'immor- talité , même de l'éternité , de la prudence , de la sagesse et de la dis- crétion , de quoi nous avons mille exemples dans l'Ecriture.

(1) 52, q. 5, cap. Mennam.

(2) Extra De consecrat. eccles., cap. 5.

I

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 423

Pourquoi est-ce que Dieu appelle (1) pacte de sel le pacte qu'il con- tracte avec Aaron et ses descendants , si ce n'est parce qu'il devait tou- jours durer, jusqu'à ce qu'il eût établi une autre loi? Pourquoi était-il défendu, en termes si formels (2), d'olfrir aucun sacrifice sans sel? Commandement qui depuis semble avoir été renouvelé par la bouche du Fils de Dieu, disant, en saint Marc (3) : Tout passera par le feu, et toute victime sera salée; comme s'il disait que personne ne pouvait être exempt des afflictions et même de quelque affection désordonnée, mais qu'il fallait du sel partout. Le sel, à la vérité, mis sur les plaies, est cuisant et douloureux, mais aussi il les purifie et les dessèche. Qu'est-ce autre chose que la prudence , pour bien user des passions et des afflictions de cette vie? 11 faut ce sel divin pour offrir ces choses à Dieu et en tirer du mérite, sans lequel notre sacrifice ne sera jamais accepté, et nos souffrances nous seront inutiles. Ce fut sans doute ce mystère qu'Elisée faisait entendre, lorsque, pour rendre les eaux de Hiéricho potables et fertiles , qui auparavant étaient extrêmement nui- sibles , il ne fit autre chose que de mettre du sel dans un pot neuf, puis jeter de ce sel dans les fontaines.

Mais pourquoi Dieu, pour punir la femme de Loth, la changea-t-il en statue de sel (4), laquelle se voyait encore du temps de Josèphe (5), ainsi que lui-même le rapporte , ayant subsisté plus de deux mille ans sans être détruite par la main des hommes, par les tempêtes ou par les pluies , bien que nous voyons le sel se fondre si facilement lorsqu'il est mouillé ou seulement exposé quelque temps à l'air? Dieu, pour marque de sa toute-puissance, le voulut ainsi, et encore pour instruire, par cet exemple, la postérité. Elle avait reçu commandement de ne pas regar- der en arrière , quand elle entendit le bruit épouvantable de la ruine des villes de Sodome, Gomorrhe et des autres ; à cause de quoi, comme dit le texte (6), regardant derrière elle, elle fut changée en une statue de sel. ^C'est la leçon si importante que le Sauveur a donnée depuis, que quiconque met la main à la charrue, c'est-à-dire s'est voué au service de Dieu, et qui regarde en arrière, c'est-à-dire, et porte après ses af- fections ailleurs, est indigne du royaume céleste. Voilà l'imprudence, l'indiscrétion et le manquement de sel.

(1) Pactum salis sempiternum (Num., cap. 18).

(2) Inomni oblatione tua offeres sal (Lévit. , cap. 2).

(3) Omnis igné salietur, et omnis victima sale salietur.

(4) Gen., cap. 19,

(5) Lib. 1, Antiq., cap. 11.

(6) Respicieris post se, versa est in statuam salis .

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.424 RATIONAL

Pourquoi les apôtres, et en leurs personnes leurs successeurs ou lieu- tenants, sont -ils nommés, de la bouche du Sauveur, le sel de la terre (1), si ce n'est qu'ils doivent, par leur bonne vie, par leurs instruc- tions, par remploi de leurs charges, empêcher la corruption des âmes et les rendre agréables à Dieu? Les tirer des vices et des péchés, et les c(»nduire dans le chemin de la pureté, et, enlin, à l'immortalité ; leur enseigner qu'il faut souffrir, mais comme il faut et jusqu'où il faut; en un mot, les règles et les préceptes de la vraie prudence : voilà le sel.

Pourquoi encore, entre tant de cérémonies qu'on pratique au bap- tême, met-on dans la bouche de celui qui doit être baptisé quelques grains de sel? C'est toujours la même marque que nous avons dite. Voici ce que dit Rabanus, docteur ancien : « On met du sel bénit dans la bouche de l'enfant, afin qu'étant assaisonné par le sel, qui est la figure de la sagesse, il soit nettoyé de la pourriture que causent les vers des péchés (2). » 11 faut qu'il sache que cette divine naissance du baptême l'oblige à perdre tout autre goût que pour les choses célestes et éter- nelles; que, comme enfant de Dieu, il observe désormais les vraies règles de prudence et de discrétion , entre autres, en ses paroles et en ses discours. A cause de quoi le sel lui est mis à la bouche, afin qu'il mette en pratique l'ordonnance de l'Apôtre : « Qu'il ne sorte jamais de votre bouche aucun discours qui n'ait du sel de discrétion. » Mais, ce qui est admirable, pourquoi les démons haïssent-ils le sel? Pourquoi ne s'en trouve-t-il jamais aux festins des sorciers, et en leurs sabbats, ce qui est remarqué par ceux qui traitent de cette matière ? C'est sans doute à cause que le sel est si souvent recommandé dans les saintes Lettres, qu'il est employé en tant de mystères, comme nous avons dit, et comme nous en pourrions encore dire davantage. Passons plus avant en notre dessein.

Comme l'Eglise a ordonné, par une cérémonie mystérieuse, que le sel soit employé au saint baptême, ce n'est pas sans raison que, pour bénir une eau qui fût salutaire pour l'ame et pour le corps , qui fût d'efficace contre les orages , les tempêtes , les pestilences et autres malignités de l'air et de la terre , contre les charmes et les tromperies des démons, elle a voulu qu'en cette eau on y mêlât du sel, mais du sel bénit, ce qui est encore un très-grand mystère. L'eau, qui se mêle et s'incorpore si facilement avec la terre, et par consé-

(1) Vos estis saî terrœ (S. Math., 5).

(2) [Datur sal benedictum in os pueri, ut per sal typicum sapientiae sale con- ditus, fœtore careat iniquitatis, nec a vermibus peccatorum ultra putréfiât.] (Lib. 1, Inst. clerc, cap. 27.)

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 42K

quenl se corrompt, représente, tant par sa froideur que par sa flui- d.le ,), ,e naturel de l'homme si facile à s'attacher aux cre' turls e à . se gâter par eur commerce , au lieu que le sel, par sa chaleur et n efficace, empêche la corruption. Ne pouvons-nous pas dire que c'es le symbole du Sauveur, qui s'unit à nous en tant de sortes, pour nous pr server de toute corruption et pour l'ame et pour le cor s? (2) Qui

eeinell , et je le ressusciterai au dernier jour. ,, Le sel est tiré de l'eau m,s dans l'eau, en la bénissant : il s'unit et s'incorpore auss avec leau; SX leau représente notre nature, le Sauveur en est sorti éZt vra. homme : aussi il se nomme si souvent Fils de l'Homme ■ s'uiiissan a nous, ,1 se faU un changement très-heureux, mais d'un la"

s unis at 'à'::," '" t " ^'^"^^ ■=" ^^"' - - ^- '«^ S-veu s umssan a nous, ne se change pas en nous, mais il nous change en

ÏtJ;' "' "='■■ P'^ '" '" ^"-"' -"«'^ '» ««-as converti

plutôt en moi, » comme saint Augustin le fait parler

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avec 1 eau, car, quoique le sel soit le symbole du Sauveur il est nour

Ïe 2rr'-/^'-^^°"t ^- "^ - P- -Viraux mi s I; erebemt, de même que le pain et les autres choses que nous em-

qtare:tT:-r'"?= r- '" -^'^ " "^ ^^"' "- que'tout:: lo^s

i Î i'e ,, 7"','" •""'"^^' ^"' ^^ f-' - "»'- <■«" bénite, du el et de 1 eau, desquels les bénédictions, avant leur mélange et anrès

les JOUIS, Dieu daignant, par sa bonté, ratifier du haut des cieux ou -ur mieux dire, exaucer en terre les prières que l'Eglise lu otf^ p";

sbenedictions. partie desquelles j'insérerai en cet endroit pou en f Ç er l'intelligence et augmenter la dévotion des fidèles. VoTcï c que"

.m et ce qui suit, c'est-a-dire :„ Donnez, Seigneur, votre bénédic- oi"; tfrrL"": ^T'"*^' •!"' -' -P>«yée à v^s saims mystè res,t-

mkde. !r r "' '"• P""'----'- 'es démonse guéri es

alade , afin que tout ce qui aura été arrosé de cette eau, dans les ma

.ns et les lieux appartenant aux fidèles, soit exempt de t^ut dommage •

(1) Aquœ multœ . populi multi ( Apocal.).

■m, T, t^tZ "n)"""""' "'"" "'"°^'"' ^' ^^» —="^"0 (3) iVo« me mutabis in te, sed tu mutaberis in me.

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426 RATIONAL

qu'il ne s'y arrête aucun air pestilentiel, ni aucun souffle corrompu; que toutes les embûches de Tennemi en soient chassées; et, s'il y a quelque chose qui puisse préjudicier à la santé ou au repos de ceux qui demeurent en ces lieux, que tout cela soit mis dehors par cette eau; qu'ainsi, la santé, que nous demandons par l'invocation de votre saint nom , soit délivrée de toute sorte d'attaques. » C'est ce que l'Eglise de- mande par ses bénédictions sur cette eau.

Maintenant nous avons tant d'expériences et si authentiques que ses prières sont exaucées de Dieu, et que cette eau est élevée, par sa toute- puissante main, pour servir d'instrument à produire tous cesefl'ets, qu'il n'y a personne de raisonnable qui ne soit contraint d'y acquiescer.

Saint Epiphane (1), qui vivait environ l'an 300 après notre Sei- gneur, duquel la doctrine et la piété sont assez connues, raconte d'un certain personnage juif, d'extraction , très-pieux et fort considéré pour ses richesses et son crédit, nommé Joseph, qui depuis longtemps avait abjuré le judaïsme, que, poussé d'un grand zèle, il entreprit de bâtir une église sur les ruines d'un vieux temple dédié autrefois aux idoles. Faisant les préparatifs, il fit, entre autres, bâtir sept fours à chaux. Les Juifs, irrités d'ailleurs de ce que cet homme les eût quittés, s'eflbr- çaient d'empêcher l'exécution de ce dessein , et , ne l'ayant pu par les voies ordinaires , ils eurent recours aux extraordinaires , jusque là qu'ils employèrent l'aide des démons pour rendre ses fours inutiles. En effet, par leurs charmes ils arrêtèrent en telle façon la force du feu, qu'il . ne put jamais s'allumer, quoi que les ouvriers pussent faire. Ce juif con- verti, s'apercevant bien qu'il y avait du charme et que les démons s'en mêlaient, s'adresse à Dieu et prend de l'eau-bénite, dont ayant ar- rosé le bois et les fourneaux, à l'instant le feu, qui semblait jusqu'alors endormi , s'allume avec une promptitude qui fut admirée de tout le peuple et suivie d'une extrême satisfaction, non-seulement des ouvriers, mais encore de tous ceux qui furent présents , qui étaient tous en sus- pens, attendant l'issue, lesquels tous ensemble rendirent grâces à Dieu.,

Théodoret (2), et après lui Nicéphore et quantité d'autres, raconte une histoire presque semblable de Marcel, évêque d'Apamée. Constan* tin-le-Grand lui ayant permis de démolir un ancien temple de Jupiter,, il fallut se servir de divers moyens, à cause de la solidité et de la fortcJ structure de cet édifice. Le meilleur expédient qu'on trouva fut d'arra- cher de vive force les fondements des piliers qui soutenaient la mass^ du temple , et, pour éviter tout inconvénient, de mettre en leur place

(1) Libro contra Hierarch., c. 30. (1) Uistor. eccles.y lib. 5, cap. 2.

fe

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 427

des pilotis de bois auxquels, après, on mettrait le feu. Cela fut exécuté en partie; mais la difficulté fut à mettre le feu aux pilotis , parce que, Lien qu'on appliquât toute sorte de matières sèches et combustibles, il ne put jamais s'allumer. Enfin, comme on essayait toujours d'y réus- sir, quoique inutilement, on aperçut un démon en forme de More, qui causait cet empêchement. La chose étant rapportée à l'évêque, nommé Marcel, il s'adresse à Dieu, puis il bénit de l'eau, commandant à son diacre d'en arroser le feu qu'on allumait autour des pilotis , et à l'ins- tant la flamme se prit avec tant de violence, qu'elle consuma le tout, en sorte que cette lourde machine fut renversée de fond en comble avec autant d'effroi du paganisme que de joie et de consolation de tous les chrétiens.

L'histoire rapportée par Palladius (1) , quoique assez commune, mé- rite néanmoins d'être considérée; il raconte qu'une belle jeune femme parut tout-à-coup changée en jument, par l'artifice d'un magicien. On la mène à saint Macaire d'Egypte, afin que l'homme de Dieu priât pour elle et fit cesser le sortilège , le mari assurant que c'était sa femme qui avait été changée de la sorte. Le saint bénit de l'eau avec plusieurs prières , puis lui en versa sur la tête. Aussitôt le charme fut levé, et celle qui semblait aux yeux des hommes être -une bête , parut en femme comme elle était; le saint déclara la cause de son accident, qui était qu'elle avait quitté sa coutume de fréquenter l'église et. surtout le saint sacrement, lui disant (2) : « Ceci vous est arrivé, parce que vous n'avez pas approché depuis cinq semaines du sacrement de l'autel. »

Voilà des preuves assez suffisantes pour montrer la force de l'eau-bé- nite contre les malices des démons. Nous pourrions en rapporter beau- coup d'autres , s'il était nécessaire, pour faire voir ce qu'elle peut con- tre les maladies, les tempêtes, les infections de l'air, les stérilités, et contre les animaux qui consument les fruits de la terre.

Métaphraste raconte, dans la Vie de saint Jean Chrysostôme, qu'il gué- irit un enfant grièvement malade, en jetant sur lui de Teau-bénite. Saint Malachie, au rapport de saint Bernard, fit un miracle presque [semblable. L'abbé Théodore, par le moyen de l'eau-bénite, faisait des

erveilles à tout moment; il guérit, entre autres, un des enfants de [l'empereur Maurice, qui avait la lèpre et qui passait pour incurable.

Palladius, en la Vie des Pères, raconte une pratique assez extraordi- |aaire d'un certain monastère touchant l'eau-bénite : Lorsque quelque

(1) In Laus. Histor., cap. 19,

(2) Ibid., ut supra : [Haec tibi acciderunt quod jam quinque hebdomadis non kccessisti ad interner ata nostri servatoris sacramenta.]

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428 RATION AL

frère du monastère ou du voisinage était attaqué d'une forte tentation, on le menait à Téglise, puis on mettait de Teau dans un bassin, la- quelle on bénissait, priant pour lui; après quoi tous les frères qui étaient présents lavaient leurs mains dans cette eau , puis on la lui versait dessus, et à l'instant il se sentait quitte de sa tentation.

L'eau-bénite a beaucoup de force contre les insectes qui gâtent les fruits, et nous en avons un témoignage bien assuré de Théodoret, dans son Philothée (1). Ecrivant la Vie du grand anachorète Aphraatcs, il dit qu'une année il survint des sauterelles en si grande quantité, qu'elles consommaient tous les fruits de la terre et dévoraient les blés et les herbes des prés, broutaient les bourgeons des vignes, des arbres, des forêts; volant, comme une armée ennemie , d'une terre à une autre et de province en province. Vn saint personnage, les voyant venir, s'avisa d'accourir à ce s^int et de lui exposer son danger et le dommage qu'il recevrait, lui et toute sa famille, si .ces sauterelles venaient sur son fonds. L'homme de Dieu, touché de pitié, bénit de l'eau, lui recom- mandant d'en arroser ses possessions; ce qu'étant fait, voici bientôt ar- river ces animaux en forme d'escadrons : mais , lorsqu'elles approchè- rent des lieux arrosés d'eau-bénite, elles s'arrêtèrent sans passer outre, et elles s'écartèrent ou retournèrent en arrière (2). « Les sauterelles, dit Théodoret, étant arrivées jusqu'à ces bornes, à la façon d'une armée volante, se retirèrent en arrière, comme ayant peur de la bénédiction qui avait été donnée à ces lieux-là, et se sentant retenues par sa vertu comme par un frein qui les empêchait de passer outre. »

Pierre Damien , discourant d'un certain prêtre de grande vertu , dit qu'ordinairement, aux incursions des chenilles et des sauterelles et aun très semblables insectes, il versait de l'eau-bénite sur les terres, et que, par ce moyen, il empêchait qu'elles ne fissent aucun dommage; nous en avons vu souvent les expériences et en pourrions rapporter grand nom- bre d'exemples ; mais ce que j'ai dit peut satisfaire à nôtre dessein, ^^ue' si vous me dites que l'eau-bénite ne produit pas toujours ces effets, qu'elle ne chasse pas toujours les démons , qu'elle n'empêche pas tou- jours les insectes de la terre, et qu'elle ne détourne pas toujours les orages ni les tempêtes, il serait aisé de répondre, par la maxime du Philosophe, « que les actions des causes ne sont effectives que dans uu sujet bien disposé. » Quand la cause efticiente serait la plus active di;

(1) In Philoth., cap. 8.

(2) [Usqiie ad illos fines replantes et circumvolantes locustœ, instar exer-' citus, retrocesserunt, benedictionem impositam extimescentes, et veluti quodanc fraeno progredi ulterius prohibitae. ]

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 429

monde, si le sujet qui doit recevoir Taction n'est pas en état, tous ses efforts seraient inutiles , et nous ne le voyons que trop en nos sacre- ments, lesquels sont si souvent sans effet par ce défaut.

Pierre, abbé de Cluny (1), rapporte sur ce sujet un exemple de Teau- bénite qui mérite d'être considéré. C'est d'un religieux qui, ayant mené une vie fort dissolue , à l'heure de la mort fut attaqué si horriblement d'un démon , qu'on ne pouvait le chasser, ni résoudre le malade. On y emploie l'eau-bénite et les prières, mais le tout en vain; le démon in- siste toujours, et tourmente ce misérable homme, nonobstant toutes les aspersions. Voici ce qu'en dit ce saint abbé : « Que personne, dit-il , ne s'étonne que l'eau-bénite n'ait pu chasser cet esprit malin : quand la pourriture est au dedans du corps , les emplâtres qu'on met au dehors ne profitent de guères. lien est de même à l'égard de l'ame: si elle n'est premièrement nettoyée de la pourriture du péché, l'application exté- rieure des choses les plus saintes est inutile. » Ce saint homme obtint du religieux qu'il fît une bonne confession, et aussitôt, à la première iaspersion, le démon fut contraint de le quitter.

j Outre les effets que jious avons dits, il y en a encore plusieurs autres.

^n lui attribue la vertu d'effacer les péchés véniels, comme aussi d'ob-

enir diverses grâces en faveur des trépassés. Ces choses méritent d'être

ixaminées. Nos maîtres enseignent qu'en suite des sacrements il y a

lans l'Eglise certaines choses qu'ils appellent sacramentales, lesquelles

lie a instituées pour attirer les hommes à la piété , et qui, eji effet, à

ause des prières et des bénédictions solennelles de l'Eglise, ou pour le

mdement qu'elles ont dans l'Evangile, sont de grande efficace pour

is âmes et pour les corps, jusques là qu'elles effacent les péchés véniels.

es choses sacramentales sont six en nombre, lesquelles , pour soulager

i mémoire, on a comprises dans ce vers :

Orans, tindus, edens, confessus, dans, benedicens.

Je que nous pouvons tourner ainsi en français :

L'eau-bénite , le pain , la bénédiction, La prière, l'aumône et la confession.

Par le mot orans (priant), on entend l'oraison dominicale, qui nous t recommandée dans les saints canons (2). Par le mot iinctus (arrosé)^ iliau-bénite. Par le mot edens [mangeant)^ le pain-bénit. Par le mot de Jifessus [confessé) ^la, confession générale, en disant le Con/iteor, comme

,j|J(l) Lib. 1, MiracuL, cap. 6. 1[2) Dist. 1, De Pœnit. cap.

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430 RATIONAL

à Id messe; dans (donnant)^ signifie raumônc; bencdicms [bénissant), la bénédiction épiscopalc. De ces saints exercices il y en a deux, savoir, To- raison dominicale et Taiimône, qui ne sont pas institués de TEglise, comme chacun voit ; lesquels, toutefois, exercés dévotement, ont le même effet que les quatre autres.

Entre les choses sacramentales instituées par l'Eglise, Teau-bénite, sans doute pour son ancienneté et pour sa vertu, tient le premier rang; et si elle est de l'institution des apôtres, comme saint Clément l'assure, et qu'elle ait été ordonnée par saint Mathieu , il y a grande api)arence que le Sauveur l'a enseignée de sa sacrée bouche. D'où il n'y aurait pas grand sujet d'étonnement si elle est de si grande vertu , comme nous avons dit et comme nous dirons encore.

Les docteurs tiennent donc qu'elle a le pouvoir d'effacer les péchés véniels, parce que , comme ils disent , pour les remettre il n'est pas tou- jours besoin d'une nouvelle infusion de grâce, pourvu qu'on soit en bon état et qu'on fasse quelque action par laquelle on déteste le péché. De là ils concluent que ces péchés se peuvent effacer en trois manières : par le sacrement de pénitence; par un acte de contrition , détestant, pour l'amour de Dieu , toutes sortes de péché ; et, enfin , faisant des actes de, religion , de charité et autres bonnes œuvres pour l'amour de Dieu, parce que ces actions enferment toujours dans elles une détestation di péché, soit directement, soit indirectement, comme sont les choses qu'ilî nomment sacramentales et comme est l'eau-bénite.

La grande difficulté entre les docteurs est si ces choses, pour pro- duire leurs effets, prennent leur vertu seulement de la dévotion ou fer veur de ceux qui les appliquent, soit en les donnant, soit en les rece vant, ce qu'ils appellent agir eœ opère operantis; ou si la seul application de ces choses, sans autre action de celui qui les emploi ou qui les reçoit (supposé toujours qu'il soit en état de grâce), suffi afin qu'elles produisent leur effet, ce qu'ils nomment ex opère operatc

Il y a de grands personnages et de fortes raisons pour l'un et l'autr parti. Mon sentiment, néanmoins, serait pour ceux qui soutiennent qui l'eau-bénite et autres choses semblables agissent par leur seule appli cation, qu'ils disent ex opère operato. Je le juge ainsi : premicremen parce que cette opinion est plus avantageuse à la piété, qui croît pa l'usage de ces choses, et au pouvoir de l'Eglise, qui les a instituées et h pratique tous les jours avec tant de zèle et de saintes prières, surtoi- pour l'eau-bénite. J'allègue pour cette opinion Canus, en ses Electioi des sacrements; Dominique Sotus, sur le Quatrième des sentences {i[

(1) Dist. 5, q. 2, art. 3.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 431

Azor,en ses Institutions (1) ; Henriquez, en sa Somme, duquel je me con- tenterai de produire l'autorilé; voici ses paroles (2) : « Afin que par Feau-bénite la rémission des péchés se fasse, il suffît de s'en servir avec un culte religieux, pour la fin qu'elle est instituée. Car ainsi, elle con- tient un déplaisir virtuel des péchés véniels ; et, parlant, elle est une disposition convenable afin que Dieu , pour la vertu même de l'œuvre ou de l'action dont on s'en sert, donne la rémission de ces péchés-là, et relâche aussi les peines temporelles qui leur sont dues, lesquelles étant ôtées, la cause cesse d'être en même temps. » Puis il ajoute, ce qui mé- rite d'être remarqué : « Car, autrement, ce serait en vain qu'on don- nerait de l'eau-bénite aux vivants, et qu'on en jetterait sur les tom- beaux des morts, si elle ne produisait d'elle-même aucun effet , ou ne causait aucun fruit par la vertu de son application ou par la force de l'action qui l'applique, etc. » On peut encore citer pour ce même avis Ledesma, Gregorius de Valentia et plusieurs autres, qui tous ensei- gnent que, comme l'Eglise a pu appliquer le mérite du Sauveur et des saints pour le pardon des peines, par le moyen des indulgences, ainsi, pour effacer les péchés véniels et produire tant de beaux effets, elle a pu instituer l'eau-bénite et choses semblables. Que si elles n'a- vaient cette façon d'agir comme nous disons , il y aurait peu de diffé- rence entre leurs actions et celles, par exemple, des images, des saintes lectures et autres dévots exercices, qui peuvent aussi émouvoir notre dévotion ex opère operantis, comme on dit , par la disposition de l'opé- rant ou de celui qui opère.

D'opposer que l'Eglise n'a pu instituer des choses qui aient la vertu d'effacer les péchés véniels, il me semble que c'est beaucoup restreindre les promesses que le Sauveur lui a faites si souvent dans son Evangile, où, sans exception et sans réserve, il lui donne comme autant de blancs- signés et un pouvoir d'accorder généralement tout ce qu'elle lui de- mandera. En saint Luc (3) : « Demandez et vous obtiendrez; » dans saint Mathieu (4) : a Si deux d'entre vous s'accordent sur terre, toutes les choses qu'ils demanderont seront données de Dieu mon Père ; » et ail- lleurs, dans saint Jean, il se plaint à ses apôtres de ce que, jusqu'alors, |ils ne lui avaient rien demandé, ajoutant ces mots (5) : « Demandez et

(1) Lib. 2, Instit.

(2) [Ut per aquam benedictam remittantur peccata venialia, satis est] (lib.l, l^ummœ , cap. 20).

(3) [Petite, et dabitur vobis] (S. Luc, cap. 2).

(4) [Si duo ex vobis consenserint per terram de omni re quamcumque pe- [ierint, fiet ilUs a Pâtre meo] (S. Math., cap. 18).

I (5) [Usque modo non petistis quidquam in nominemeo, petite et accipietis] poann., 16).

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432 RATIONAL

VOUS recevrez l'effet de votre demande. » Pouvait-il faire des offres plus belles et plus générales, et plus souvent réitérées? A quelle fin étaient faites ces promesses, si ce n'est pour les accomplir de point en point? Pourrait-il manquer à sa parole, lui qui est la véx^té môme, et la même bonté? avantage incomparable de la loi de grâce! Qu'on lise tous les prophètes, qu'on voie tous les privilèges accordés à Moïse, tout ce qu'il y a de plus singulier en faveur des hommes , dans toutes les saintes Lettres , vous n'y trouverez rien qui réponde à ces promesses. C'est un privilège de la loi de grâce : « Demandez en mon nom tout ce que vous voudrez, vous l'obtiendrez sans difficulté, sans restriction et sans ré- serve. » Que si donc l'Eglise, appuyée sur l'infaillibilité de ces pro- messes, voyant la nécessité de ses enfants, de temps en temps institue certaines actions, et demande à Dieu, par ses plus instantes prières, qu'il lui plaise les bénir et leur donner la vertu pour les âmes et pour les corps , même pour effacer les péchés véniels dont nous parlons, par l'application seule de ces choses, pourquoi mettrons-nous en difficulté qu'elle ne soit exaucée , surtout si telles choses ont pris leur origine dès la naissance de l'Eglise, comme on soutient de l'eau-bénite, de la- quelle on attribue l'institution à saint Mathieu?

J'ajoute encore que le Sauveur a laissé à son Eglise la puissance de lier et délier, avec assurance que ce qu'elle aura lié ou délié en terre serait lié ou délié au ciel. Par conséquent, il lui a donné aussi pouvoir d'en chercher et ordonner les divers moyens, entre lesquels pourquoi ne mettrons-nous pas les choses sâcramentales? Que si donc l'Eglise n'obtenait ce qu'elle d demandé avec tant de solennité, sans doute elle serait trompée, et même elle tromperait les (idèles employant ses prières sans un succès infaillible, pour lequel elle les a offertes.

De dire que l'eau-bénite ait la vertu d'effacer les péchés véniels , non pas ex opère operato, c'est-à-dire par la seule application , mais selon la disposition de la personne qui s'en sert , ce qui est agir seulement ex opère operantis, je demande : L'eau des fontaines de Jéricho, après qu'E- lisée y eut jeté du sel, a-t-elle été de plus grande vertu que notre eau- bénite? Qui pourrait le croire? Et toutefois, dès ce temps-là elles ont agi ex opère operato jT^àrce que d'amères elles devinrent douces; de stériles , fécondes ; et sont demeurées depuis en cet état, sans que la dé- votion de ceux qui s'en servaient causât leur effet ex opère operantis. Le même se voit encore dans les eaux miraculeuses de la piscine de Je- , rusalem, dont saint Jean parle; voici son texte (1) : « Celui qui des-.

(1) [Et qui prior descendisset in piscinam post motionem aquae, sanus fiebat a quacumque detinebatur infirmitate ] (S. Joann., cap. 5, vers. 4). v

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cendait le premier dans la piscine, après que l'Ange y était venu remuer l'eau, était aussitôt guéri, de quelque infirmité qu'il fût atteint. » 11 n'est pas dit qu'il fût nécessaire que celui qui était mis dedans fût sans pé- ché ou sans affection de péché. En traitant du pain-bénit, je montrerai qu'il a cette même vertu.

Je dis, bien plus, que dans la sainte Eglise, hors les sacrements et les choses sacramentales , il y a d'autres choses , lesquelles , en vertu de la bénédiction et des prières publiques, ont ce pouvoir d'agir ex opère ope- rato (2) : c'est ce qui a été très-bien remarqué par un docteur de ce temps. Je ne mettrai pour exemple que les choses qui ont la vertu d'empêcher la grêle, les tempêtes et les orages, surtout quand il est permis à l'es- prit malin de s'y mêler. Bien plus, elles arrêtent la fureur des démons, ce qui a été souvent avoué par la propre confession des sorciers , les- quels, au retour de leur sabbat, ont été abandonnés du démon qui les transportait, au son des cloches de l'Eglise , soit pour VAve Maria, soit pour le service divin , l'esprit malin ne pouvant pas supporter ce son. 11 ne faut que lire Baut-Grillaud, Nicolas Remy et Binsfeld. Je demande maintenant : Ce son agit-il seulement en vertu de la dévotion de celui qui sonne, qui assez souvent sera en très-mauvais état? Que si vous donnez aux cloches la vertu d'agir ex opère operato, pourquoi la déniez- vous à l'eau-bénite ?

Quelqu'un dira peut-être qu'il n'y a pas- grande difficulté d'accorder cette façon d'agir; mais il est difficile à persuader que l'eau-bénite étende sa vertu pour effacer les péchés véniels. Je me sers de ce que l'on objecte. On accorde que l'eau-bénite produit ses effets pour les choses temporelles, sur les corps et contre les démons ex opère operato; je demande d'où est-ce qu'elle tire cette vertu? C'est sans doute de la bénédiction et des prières de l'Eglise, qui tendent à ces effets; elle ne la peut prendre d'ailleurs. Or, l'Eglise fait les mêmes prières en même lieu et en même temps, pour effacer les péchés véniels et pour d'autres biens spirituels, comnje pour les temporels. 11 faut donc accorder l'un et l'autre, ou nier les deux tout à la fois.

La façon commune de se servir de l'eau-bénite est encore une forte raison pour servir ici de preuve. 11 n'y a personne, soit à l'entrée , soit à la sortie de l'église , qui n'en prenne ; les mères en donnent à leurs enfants; l'on en jette dans les maisons , sur les fonds, sur les arbres et sur le bétail; et, si on craint quelque infection, l'on en arrose les égli- ses, les cimetières, les corps morts et leurs tombeaux; et non-seulement

(1) De la Torré, in Summa de Relig.^ qusest. 83, art. 16, disp. 8. Tome II. 28

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le peuple s'en sert de la sorte, mais encore le clergé, les curés et les prélats : nous avons nos Rituels qui Tordonnent. Je demande si tous ceux qui usent de cette pratique sont toujours en bon état. Il est peu croyable qu'il soit ainsi, parce que les bons et les méchants, sans exception, tous les jours, sont le même. Que s'il y en a en péché mortel, cet acte de religion leur sera inutile, et ce sera un abus qui peut-être ne pourrait s'excuser de péché, puisque c'est dans une chose sainte et dédiée à la piété. Toutefois, nous ne trouvons pas que cet usage ait jamais été blâmé. 11 faut donc que la chose serve d'elle-même et produise son action, étant appliquée, pourvu que le sujet qui la reçoit n'y apporte point d'empêchement.

Quelque difllculté qu'on apporte, jamais on n'empêchera l'éclat delà vérité et que cette pratique ne paraisse enfin très-dévote , bien qu'elle se trouve un peu de haute spéculation. Je dis sommairement que l'eau- bénite donnée aux morts sert et pour les âmes et pour les corps , quoi- que de différente sorte. Quand nous jetons de l'eau-bénite sur les corps des trépassés en priant Dieu pour eux , nous professons que ces per- sonnes sont vivantes devant Dieu et dans la communion des saints. L'Eglise donne cela à entendre dans l'invitatoire par lequel nous com- mençons l'office pour les défunts, qui est tel : Regem, eut omnia vivunt, venite, adoremus; c'est-à-dire : « Venez, adorons le Roi devant lequel toutes choses vivent. » Aussi, faisant mémoire des jours que les mar- tyrs ont souffert la mort, elle appelle ces jours leur naissance nata- litia martyrum. Nous avons tiré cette lumière de saint Paul, lecjuel nomme les chrétiens trépassés non pas morts, mais dormants (1) : « Ne vous attristez pas à cause des dormants, » dit-il , pour dire des morts. Mais avez-vous considéré le nom que nous donnons au lieu où nous les ensevelissons? Us sont appelés cimetières, d'un mot grec qui si- gnifie un lieu où l'on dort. Je dis maintenant que nous croyons que les défunts sont vivants devant Dieu et dans notre communion , et que néanmoins, pour être sortis de cette vie avant que d'avoir entièrement sa- tisfait la justice de Dieu, ils ont besoin de nos assistances : aussi nous usons envers 'eux à peu près comme s'ils étaient vivants; et c'est pour cela particulièrement que nous jetons de l'eau-bénite sur eux et sur leurs tombes.

Je montre que l'eau-bénite sert pour l'ame et pour le corps, par l'u- sage de TEglise de toute ancienneté; car, Bi les âmes ne tiraient quel- que allégement de l'eau-bénite , pourquoi serait-elle employée aux en*

(1) [ Nolite contristari de dormientibus] ( I ad Thessal ).

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terrements, aux anniversaires et à tous les offices publics qui se font quelquefois cent ans et.deux cents ans après le décès? Ce serait employer mal a propos un acte de religion et de piété. Donc il faut croire que cette eau, élevée de Dieu à une vertu extraordinaire par les prières et henédictions deTEglise, peut produire des effets surnaturels sur les âmes , comme elle fait contre les démons et contre les maladies corpo- relles et spirituelles. Cette vertu extraordinaire, qu'on appelle obédien- tielle, n est autre qu'un droit que Dieu s'est réservé sur ses créatures en leur donnant leurs vertus et leurs propriétés pour les employer ainsi qu 11 lui plaira au-delà de leur activité naturelle et de ce qu'elles peu vent dans leur usage, comme il se sert du feu d'enfer, quoique maté riel pour agir contre les démons et les âmes damnées, qui en sont brûles.

De définir quel allégement les âmes peuvent tirer de ces aspersions et autres actes de religion qui se pratiquent tous les jours en leur faveur Il n'y a que Dieu seul qui le sache; mais il nous doit suffire que ces choses-la ne leur sont pas inutiles, puisque l'Eglise les emploie si ordi- nairement.

Je ne fais aussi point de doute que l'eau-bénite ne serve pour les corps des trépassés, afin d'empêcher que les démons ne puissent s'en emparer et exercer sur eux leurs méchancetés, comme ils ont fait bien souvent; et c'est entre autres sur quoi est fondé ce désir si ardent que nous avons d'être inhumés ou dans les églises ou dans les, cimetières que nous appelons terre sainte, parce que les démons n'osent approcher ces heux consacrés à la piété par l'administration des sacrements et par quantité d autres actes de religion, entre lesquels nous pouvons juste- ment mettre ces apersions d'eau-bénite.

Voici encore une autre raison pour montrer que l'eau-bénite sert aux corps, a laquelle peu de personnes prennent garde. Ceux qui ont lu quelque chose del'antiquité saventle soin que les Gentils prenaient aue les sépulcres fussent hors des villes, en des endroits éloignés de la de meure des vivants. Les Grecs, les Romains, les Juifs et les Barbares mêmes lobservaient ainsi, afin d'éviter l'infection qui sortait des ca davres, de laquelle l'air était empesté; c'est pour cela aussi qu'en plu- sieurs endroits on brûlait les corps. Cicéron , entre ses Lois, met celle- c (1) : « N ensevelis pas le mort dans la ville. „ Notre pratique est bien . différente de la leur, car non - seulement nous enterrons les morts dans les villes, mais même dans les églises, qui sont des lieux le plus

(1) [Mortuum in urbe ne sepelitc]

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souvent fermés, où le peuple s'assemble continuellement et où le même air croupit toujours, et néanmoins nous n'y sentons point les infections des corps morts, n'y n'en voyons arriver aucun mal, par la grâce de Dieu; pour moi, j'attribue cet ellot particulièrement à la vertu de l'eau- bénite, qui nous sert de préservatif contre toute sorte de corruption. Aussi on ne voit pas qu'elle se corrompe, quelque temps qu'on la garde, non plus que le pam-bénit.

Terminons enfin ce discours. J'ai dit que l'eau-bénite se renouvelait chaque dimanche; qu'on en aspergeait l'église, le cimetière et le peuple. Or, afin qu'elle serve pendant la semaine, et que chacun en puisse prendre, entrant dans l'église et en sortant , et aussi en porter dans les maisons , suivant qu'on le juge nécessaire pour la piété, de toute an- cienneté, proche les portes des églises, on tient quelques vases qui en sont remplis; ce qui se pratiquait dès le temps de Synesius, qui vivait environ l'an 404, comme on voit en ses Epîtres (1) : « 11 y a, dit-il, des vases d'eau dans l'entrée des temples. » Je ne sais si le Saint-Esprit n'aurait point voulu nous en donner la figure dans le temple de Salo- mon , duquel il est rapporté que proche de l'autel où les sacrifices se devaient faire il y avait un grand bassin toujours plein d'eau, lequel, à cause de sa grandeur et qu'il était d'airain, était nommé mare œneum, une mer d'airain. Les sacrificateurs et les lévites qui les assistaient étaient obligés de s'y laver les mains et les pieds. Nos bénitiers, bien que posés presque en même endroit, sont destinés à un usage bien différent, au- tant relevé par-dessus celui de Salomon que l'ame surpasse le corps et que l'intérieur est considérable par-dessus l'extérieur, puisque notre eau-bénite porte sa vertu contre les princes des ténèbres, contre les in- firmités de l'ame et du corps , et généralement contre tout ce qui peut nuire à l'un et à l'autre.

Je dirai encore que l'esprit malin, qui a toujours tâché de se faire vendre le même culte, en la même sorte et avec les mêmes cérémonies que Dieu commandait pour soi, avait suggéré aux païens de tenir de l'eau à l'entrée de leurs temples, pour s'en laver avant que commencer leurs sacrifices, ce que saint Justin dit clairement (2).

C'est pour cette raison qu'ordinairement les temples des idolâtres étaient bâtis auprès des fontaines , afin qu'ils eussent l'eau à comman- dement, dans laquelle ils trempaient des rameaux et quelquefois des herbes dont ils arrosaient le peuple à l'entrée , croyant que ces eaux

(1) [Sunt in templorum vestibulis aquaria] (epistola 121).

(2) [Qui adeunt templa seipsos aspergunt, postea offerunt libamina] {Apos- %., 22).

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oc MANCEL DES DIVINS OFFICES. 437

avaient la vertu de les purifier. Nous avons à ce propos une action hé- roïque de Valentinien, pour récompense de laquelle il semble que Dieu releva depuis à la dignité impériale. Comme il était encore premier capitame des gardes de l'empereur Julien, et que, suivant sa charge il marchait devant lui dans le temple de la Fortune, un des sacrificateurs selon la coutume , tenant un rameau qu'il avait trempé dans ces eaux profanes pour en donner à ceux qui entraient, il arriva que de cette eau II en tomba quelques gouttes sur la robe de Valentinien lequel à l'mstant se jette sur ce sacrificateur et le charge de coups à la vue de 1 empereur et de toute sa suite ; puis, tirant son poignard, il coupa l'en- droit de son habit qu avait été mouillé. Julien, pour punition, le bannit du pays; mais bientôt après Dieu lui donna l'empire. C'est ainsi que les païens abusaient des eaux.

Que si quelqu'un nous reprochait qu'en cela nous imitons les Juifs ou les Gentils, nous avons répondu ailleurs que l'Eglise n'a pas toujours rejeté une cérémonie parce que les Juifs ou les Gentils l'avaient prati- quée et même profanée; ces anciens et sages prélats n'ont pas voulu ,donner cet avantage au prince des ténèbres , de rejeter et de condam- ner, sans exception , tout ce qu'il s'était fait attribuer ou dédier et dont les Idolâtres s'étaient servis pour l'adorer. Ils ont reçu à peu près la substance et l'extérieur des mêmes choses; ils n'en ont changé qne la fin , retranchant tout ce qui ressentait l'idolâtrie ou l'erreur, et ordon- nant que désormais elles fussent employées au service de Dieu et pour sa gloire. Voici le sens de l'Eglise, expliqué par saint Augustin (I) : « Ceux qui sont instruits dans la connaissance des livres chrétiens ne b ament pas, parmi les cérémonies des païens, qu'ils bâtissent des tem- ples m qu'ils fassent des sacrifices, mais qu'ils les emploient pour les Idoles et les démons. >, Ce grand docteur ne parle pas seulement des temples et des sacrifices, mais encore de l'encens et généralement de .toutes les autres cérémonies pratiquées par les idolâtres ; sur quoi il ajoute fort a propos que si les démons n'eussent connu qu'elles eus- sent agréé ou dû agréer à Dieu, ils ne les eussent pas demandées à leurs adorateurs. Cette même raison nous sert pour l'eau-bénite

Quelqu'un pourrait demander pourquoi Dieu a donné tant de vertu 1 1 eau-benile, pourquoi elle est renouvelée tous les dimanches, pour- îuo. 1 Eglise veut que l'usage en soit si ordinaire et si fréquent. Une «ule réponse suffit pour toutes ces demandes : c'est la fin pour laquelle

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cette eau a été instituée, qui n'est autre que pour nous faire ressouve- nir de la grâce que nous avons reçue par les eaux vivifiantes du saint baptême, par lequel nous acquérons droit à la résurrection. Pour mar- que de ce que je dis, c'est que nous avons deux jours dans l'année, qui sont le Samedi saint et celui de la Pentecôte, auxquels l'cau-bénite se fait avec beaucoup plus grande solennité. Ces mêmes jours étaient des- tinés pour baptiser avec cérémonie les catéchumènes, comme déjà nous l'avons dit. L'Eglise, pour nous obliger à conserver toujours la mémoire du baptême, par lequel nous avons reçu tant de grâces et de faveurs cé- lestes, a institué l'eau-bénite; et Dieu, par sa bonté, pour accroître en- vers elle notre dévotion, l'a comblée d'une infinité de vertus pour l'ame et pour le corps, pour le spirituel et pour le temporel : de quoi tous les jours nous faisons mille expériences. Ainsi elle a cela, comme nous disons de notre sacrifice , qu'elle est ensemble commémorative et effec- tive, de même que le pain-bénit.

NOTE 3.

LA DANSE AU POINT DE VUE LITURGIQUE.

Quand l'ancien monde grec et romain s'abîma dans la barbarie, l'E- glise chrétienne , en réunissant les fidèles, en leur inspirant un dégoût légitime des vains plaisirs du monde , en les attachant à l'amour seul des biens éternels, cherchait à les remplir en même temps d'une joie pure dans la célébration des fêtes qu'elle avait établies pour leur rap- peler les bienfaits d'un Dieu sauveur.

La danse avait été de tous les temps un signe d'adoration , une dé- monstration extérieure de la dépendance des créatures , une expression primitive de reconnaissance. Elle se présenta naturellement à l'esprit des premiers chrétiens comme un moyen d'animer leurs fêtes , d'em- bellir leurs cérémonies, de rendre leur culte plus imposant.

Pendant les persécutions qui troublèrent leur paix, il se forma des j congrégations' d'hommes et de femmes qui, à l'exemple des Thérapeu- tes (1), se retirèrent dans les déserts. Ils se rassemblaient dans les ha- meaux les dimanches et les fêtes, et ils y dansaient pieusement en chantant les prières , les psaumes et les hymnes qui retraçaient la so-| lennitédu jour (2).

(1) C'est un mot grec qui signifie servitew\ On avait nommé ainsi ceux ^ s'appliquaient à la vie contemplative. (V. le Père Hélyot, Hist. des Ordres m nastiques.)

(2) TertuUien , Apologet.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 439

Lorsqu'après les orages le calme qui leur succédait laissa la liberté d'élever des temples , on disposa ces édifices relativement à celte partie extérieure du culte. Ainsi , dans toutes les premières églises on pra- tiqua un terrain élevé auquel on donna le nom de chœur. Il était, comme dans les temples de Tancienne loi, séparé de Tautel et formé en espèce de théâtre. Tels sont ceux qu'on voit encore aujourd'hui à Rome , dans les églises de Saint-Clément et de Saint-Pancrace.

C'est là qu'à l'exemple des prêtres et des lévites, le sacerdoce de la loi nouvelle formait des danses sacrées à l'honneur du Dieu des chrétiens.

Chaque mystère, chaque fête avait ses hymnes, son office et ses dan- ses. Les prêtres, les laïques, tous les fidèles dansaient pour honorer Dieu. Si l'on en croit même Scaliger, les premiers évêques ne furent appelés prœsulcs (aprœsiliendo)^ dans la langue latine, que parce qu'ils commençaient et menaient la danse dans les fêtes solennelles.

Les chrétiens d'ailleurs les plus zélés s'assemblaient la nuit devant la porte des églises, la veille des grands jours , et là, pleins d'une sainte joie, ils formaient des danses en chantant des cantiques qui rappelaient le mystère qu'on devait solenniser le lendemain.

Ces faits historiques une fois connus , on ne doit plus être étonné des éloges que les saints Pères font de la danse dans mille endroits de leurs écrits. Saint Grégoire de Nazianze prétend que celle que le roi Da- vid exécuta devant l'Arche était un mystère qui nous enseigne quel- les sont la joie et l'agilité avec lesquelles' on doit aller à Dieu; et lors- que ce Père reproche à l'empereur Julien l'abus qu'il faisait de cet exercice, il lui dit avec la véhémence d'un orateur et le zèle d'un chrétien : « Si vous vous livrez à la danse, si votre penchant vous en- traîne dans ces fêtes que vous paraissez aimer avec fureur, dansez , j'y consens ; mais pourquoi renouveler les danses licencieuses de la bar- bare Hérodias, qui firent verser le sang d'un saint? Que n'imitez-vous plutôt ces danses respectables que le roi David exécuta avec tant de zèle devant l'Arche d'Alliance ? Ces exercices de piété et de paix sont dignes d'un empereur et font la gloire d'un chrétien. »

.C'est dans cet esprit que les interprètes sacrés nous disent que les apôtres , les martyrs , les docteurs et tous les chrétiens qui ont défendu la foi contre les ennemis de l'Eglise , sont , dans la célébration de ses solennités , ces troupes de soldats vainqueurs qui , dans le Cantique des cantiques, dansent après le combat (I).

(1) Quid videhitis in Sulamite, nisi clioros castrorum (Gantic, cap. 7, vers. 1) . — Chori castrorum sunt choreœ , tripudia et saltationes militum triumphan" Hum (Cor.).

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Le Pomeranche et Le Guide n'ont peint les anges dansants que d'a- près saint Basile, qui nous les représente toujours occupés à cet exer- cice dans le ciel, en nous exhortant à les imiter sur la terre (1).

Telle était en effet la pieuse simplicité des premiers chrétiens, qu'ils ne voyaient dans la danse qu'une imitation sainte des transports d'al- légresse des bienheureux. Les hymnes , la tradition , les cantiques ne leur présentaient cet exercice que comme une expression touchante de la félicité pure à laquelle ils aspiraient.

Tantôt c'étaient les tendres victimes de la cruauté d'Hérode , ces pre- miers martyrs de la loi nouvelle, qui, couronnés de fleurs et la palme à la main, formaient des danses légères autour de l'autel qu'ils avaient arrosé de leur sang (2).

Quelquefois on leur retraçait des chœurs de jeunes filles qui se ras- semblaient autour de l'Époux céleste et exécutaient des danses vives et modestes (3).

On ne représentait à leur foi toute cette foule de saints qui les avaient précédés dans la carrière où ils couraient que comme des chœurs dilTérents (4), dont la danse triomphante célébrait dans le ciel la miséricorde, les bienfaits et la gloire de Dieu.

Cependant la danse sacrée de l'Eglise, susceptible, comme les meil- leures institutions, des abus qui naîtront toujours de la faiblesse et de la bizarrerie des hommes , dégénéra, après les premiers temps de fer- veur, en des pratiques dangereuses qui alarmèrent la piété des papes et des évêques. Cette institution éprouva le sort des festins de charité ou agapes. Comme la dissolution et la débauche se glissèrent dans cette fête établie pour réunir par des liens de paix et les païens et les juifs qui avaient embrassé le christianisme, la dissipation et la licence cor- rompirent de même les danses des chrétiens, qui n'avaient été insti- tuées que pour les maintenir dans un esprit de recueillement, de joie

(1) Quid itaque beatius esse poterit quam in terra tripudium angelorum imitari (S. Basile, ep. 1 ad Greg.).

(2) . Vos prima Christi victima,

Grex immolatorum tener, Palmis et coronis luditis.

(Prudence, hymne de la fête des SS. Innocents.)

(3) Septus choreis virginum Sponsus decorus gloria Sponsisque reddens praemia.

(4) Te gloriosus apostolorum chorus Chorus sacratus martyrum, Chori sanctarum virginum , etc.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 441

pure et de piété. L'Eglise alors s'arma de ses foudres pour les réprimer, et successivement elles furent tout-à-fait abolies par différents conciles, par un grand nombre d'assemblées synodales , et par les ordonnances de nos rois.

Dans quelques pays catholiques, cependant, la danse faisait encore partie, il y a moins d'un siècle, des cérémonies de l'Eglise. En Portu- gal, en Espagne , dans le Roussillon , on exécute des danses solennelles en représentation de nos mystères et en l'honneur de quelques saints.

Le cardinal Ximénès établit dans la cathédrale de Tolède l'ancien

usage des messes des Mussarabes, pendant lesquelles on danse dans le

chœur et dans la nef. En France même, au milieu du XVIP siècle, on

voyait encore les prêtres et le peuple de Limoges danser en rond dans le

chœur de Saint-Léonard. A la fin de chaque pseaume, ils substituaient

au Gloria Patri ce verset , qu'ils chantaient avec les plus vifs transports

de zèle et de joie :

San Marceau pregas per nous , Et nous espingaren per bous (1).

' Le P. Ménétrier (2) dit avoir vu de son temps (XVIP siècle), dans quelques églises, les chanoines et les enfants de chœur qui, le jour de Pâques, se prenaient tout bonnement par la main et dansaient en chan- taM des hymnes de réjouissance.

Cette joie simple et naïve supposait des mœurs douces et sans fard, [que nous avons troquées contre un peu d'esprit (fort contestable, du [reste) et beaucoup de corruption.

Les danses baladoires, qui, dès les premiers siècles de l'Eglise, prirent

|Ia place des danses sacrées, n'étaient plus qu'un assemblage mons-

itrueux de piété, de débauche et de superstition. Le pape Zacharie fit un

[décret, en 744, pour les défendre. Dans la suite, les évêques, les rois,

fes empereurs s'unirent tous à lui pour les proscrire; et la danse sacrée,

[uelque innocente qu'elle eût été dans son institution primitive, fut

lugée dès-lors assez dangereuse pour engager la sagesse du clergé à ne

[aplus mêler aux autres cérémonies de l'Eglise (3).

(1) « S. Martial, priez pour nous, et nous danserons pour vous (en votre hon- |eur). »

(2) Préface de son Traité des Ballets anciens et modernes selon les règles du héâtre, 1682. (V. aussi Pierre Bonnet , Histoire générale de la Danse sacrée et Vofane, etc., 1724; — et de Gahusac, La Danse ancienne et moderne, ou Traité \.storique de la Danse, 3 vol. in-12. )

(3) Prohibeant sacerdotes ne fiant choress maxime in tribus locis : in eccle- is, in cœmeteriis et processionibus (Conc. synod. d'Odon, évêque de Paris, knst. 26).

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RATIONAL

La danse des Brandons et celle de la Saint-Jean échappèrent néan- moins à la proscription, et on renouvela celle du premier jour de mai On exécutait la première à la lueur de plusieurs flambeaux de oailie le premier dimanche de Carême, et la seconde autour des teus L'on'allumait dans les rues la veille de la fête de saint Jean.

Nous parlerons ailleurs de ces danses, et nous entrerons a leur su- jet dans de curieux détails.

NOTE 4.

DES CIERGES QU'ON ALLUME POUR LA MESSE. -^ D^OU VIENT QU'ON ALLUME EN PLEIN JOUR. - ORIGINE DE CET USAGE.

I

I

I

Durant les premiers siècles de l'Eglise, les chrétiens, qui s assem- blaient les dimanches avant le jour, et qui souvent, à cause des persé- cutions , étaient contraints de s'assembler dans des heux obscurs e rouvai nt obligés d'allumer des cierges ou des lampes pour être cla- rouelquefoil même, selon la coutume des ,uifs,^ils en redoub a.en | le nombre, pour une plus grande marque de joie (1); =amt Luc d.t (2 ™"l « aJun grand nombre de lampes dans l'endroit ou samt Paul fit un long discours le premier jour de la semaine, qui a ete app J par saint jL le jour du Seigneur. De là vient l'usage -"-- ^^^^^^^^^^ lumer aux offices de la nuit quelques cierges, lorsqn .Is «o»"^^^^ pour lire mais encore d'en allumer un grand nombre pour .élever la

Innité des grandes fêtes (3). Vers l'an 230 Dieu fit ^^^^^ ne pas priver l'Eglise de Jérusalem de la jme des ^-^-^^ilZe comme le rapporte Eusèbe (4), l'huile ayant ™»"1"'=; ^^^ f'";;; 7/, Narcisse fit tirer de l'eau d'un puits voisin pour remplir toutes les "qui brûlèrent mieux que si elles avaient été remplies de la

U m^m E "èbe nous apprend que, la nuit de Pâques, outre les illu- minatrns des églises, l'empereur Constantin faisait ^^^^ ■ les rues de la- ville de grands cierges et toutes sortes de ampes, qu rendaient cette nuit plus brillante que le jour le plus clair (5). ;

(1) Baronius, Annales ecclesiastici , ad annum 58, no 70 ^

, Una sabbati cnm convemssemus ad frangendurn P^^^^^^^^^^

traxit sermonem usque in «^^^iam noctem erant autem iamp y

in cœnaculo, ubi eramus congregati [Ada Apost , cap. 20,

(3) Le Concile de Trente.

(4) Eusèbe, Hist. eccles., lib. 6, cap. 7.

(5) In Vita Constantini, lib. 4, cap. 22.


dm

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 443

« Si nous nous contentions de raisons vraisemblables, dit le P Le- brun (1), nous pourrions dire, comme diverses personnes font aujour- d hu>, que l'usage d'allumer des cierges à la messe en plein jour vi nt de ce que les chrétiens, obligés d'en allumer originairement par néces- site, ont contmué d'en allumer pendant le jour par coutume. Ma mme U faut chercher le vrai et s'y arrêter, nous devons reconnaître i qu on n a pas toujours allumé des cierges à la messe en plein jour • 2» que les eghses d'Orient ont donné l'exemple aux autres d'en allume

llTÎLl": ' '"""^ ""''■' ^° ^"'^ "-^ «""- des cier- ges en plem jour a la messe et à d'autres offices que pour les rendre

plus solennels, ou pour des raisons mystérieuses »

Quoiqu'au me siècle, vers le temps de saint Cyprien, on dît la messe en plem jour, parce que l'Eglise était souvent en paix, on ne wt pas qu on allumât des cierges pendant le jour. Cet usage ne fut pas même mtrodu.t au commencement du IV^ siècle, lorsque l'Eglise jouit d une profonde paix et qu'elle pouvait exercer avec majesté les céré- niomes les plus solennelles. On n'allumait point encore des cierges pen- . dant la messe vers l'an 400, car, lorsque Vigilance eut la hardiesse de reprocher comme une superstition à l'Eglise la dévotion des personnes pieuses qu. allumaient en plein jour des cierges aux tombeaux des martyrs, samt Jérôme, qui lui répond avec beaucoup de force et d'indi- gnation, dit en termes précis, par rapport aux offices ecclésiastiques: « Nous n allumons point de cierges en plein jour , comme' tu l'avances faussement. Nous ne les allumons que pour mêler quelque joie avec les ténèbres de la nuit, pour veiller à la lumière, et éviter de nous en- dormir comme toi dans l'aveuglement et dans les ténèbres » (2)

Personne ne pouvait mieux être informé de ces sortes d'usages que ce samt docteur, qui avait visité toutes les Gaules et parcouru presque tout l'Occident aussi bien que l'Orient, où il résidait. Nous devons donc dire, sur son autorité, en premier lieu, qu'on n'a pas allumé des cierges en plein jour parce qu'on avait coutume d'en allumer pendant la nuit; et, en second lieu, que les églises d'Orient allumaient des cierges en plein jour pour des raisons mystiques. « Dans toutes les églises d'Orient dit saint Jérôme (3) , on allume des cierges en plein jour quand il faut

(1) Explication de la Messe, t. 1, p. 67.

Jl?^ri '"T """J "'" '""' accendimus, sicut frustra calumnlaris; sed ut noctis tenebras hoc solatio temperemus et vigilemus ad lamen, m cœc tecum dormiamus m tenebris (Ep. adversus Vigilantium ).

(3) Fer totas Orientis ecclesias, quando evangelium leeendum est accen- duntur lum,naria, jam sole rutilante, non utique ad fugandas tënebri', sed ad

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i44 RATIONAL

lire révangile, non pas par conséquent pour voir clair, mais comme un signe de joie et comme un symbole delà divine lumière, dont il est (lit dans le Psaume : « Ta parole est la lumière qui éclaire mes pas. »

L'usage des lumières à la messe en plein jour vient donc des églises d'Orient; et si Ton veut savoir d'où ces églises ont pris cet usage, il y a lieu de croire qu'elles l'ont tiré des Juifs. 11 est constant que dans ces églises on a pratiqué, durant les trois premiers siècles , quelques rits judaïques , tel qu'était celui de célébrer la Pâque le quatorzième de la lune , sans attendre le dimanche ; et l'on peut bien avoir voulu imiter en quelque manière, par rapport à l'Evangile, ce que les Juifs ont pratiqué par rapport au livre de la Loi. Or, les Juifs ont fait et font encore brûler continuellement une lampe devant le livre de la loi de Moïse; et il convenait bien mieux que l'Evangile, annoncé solennelle- ment , fût précédé par des lumières qui marquassent le respect dû au saint livre qui porte la lumière dans les obscurités de l'ancienne loi.

Ce qui s'était observé dans les églises d'Orient, et qui s'y pratiquait constamment au lY^ siècle, fut imité par les autres églises après le temps de saint Jérôme. On y alluma des cierges pour lire l'évangile , et on les éteignait dès qu'il était lu , ainsi qu'il est marqué dans les an- ciens Ordres romains et dans Amalaire. Ordinairement les pratiques édifiantes se répandent au voisinage , et les causes de leur origine leur font faire du progrès. La même raison mystique qui avait fait allumer des cierges pendant l'évangile détermina bientôt après à en allumer pendant l'action du sacrifice , où Jésus-Christ, notre vraie lumière, est réellement présent. Saint Isidore , vers l'an 600 , dit que les acolytes sont appelés en latin ceroferarii (céroféraires) , à cause des cierges qu'ils portent quand on lit l'évangile ou qu'on offre le sacrifice ; car alors ils allument et portent des luminaires non pour chasser les ténèbres, puis- que le soleil luit, mais comme un signe de joie , afin que cette lumière corporelle représente la lumière dont il est dit dans l'Evangile : a II était la vraie lumière » (i).

Jusqu'alors on n'allumait des cierges que pendant l'évangile et pen- dant l'action du sacrifice, et ces cierges étaient tenus à la main par des acolytes. Enfin, depuis ce temps-là, on en a allumé dès le commence-

signum leetitise demonstrandum..., ut sub typo luminis corporalis illa lux os- tendatur, de quain Psalterio legimus : Lucerna pedibus mets verbum tuum, Do- mine^ et lumen semitis meis (Id., ibid.).

(1) Acolyti graece, latine ceroferarii dicuntur a deportandis cereis, qtlando evangelium legendum est aut sacrificium otferendum. Tune enim accendun- tur luminaria ab eis, et deportantur, etc. ( Orig. , 1. 7 , cap. 12).

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Do-

OU MANUEL DES DIVINS OFFICES. 445

ment de la messe, et pendant quelques offices divins, par les mêmes raisons mystiques , c'est-à-dire pour faire paraître un signe de joie dans les offices qu'on a voulu rendre plus solennels, et pour faire plus sensi- blement connaître au peuple assemblé qu'il devait penser à Jésus-Christ, qui est la vraie lumière.

L'Eglise a toujours goûté et approuvé ces sortes de symboles mysti- ques , qui sont autant d'instructions courtes et édifiantes pour le peu- ple. Rien de plus ancien que la coutume de faire tenir aux nouveaux baptisés un cierge à la main; et saint Cyrille de Jérusalem leur dit, vers l'an 350 (1), que a ces cierges qu'ils allument sont les symboles de la foi qu'ils doivent conserver avec som. « L'usage d'allumer des cierges au baptême fit appeler en divers endroits l'Epiphanie la fête des saintes lumières, parce qu'on y honorait le baptême de Jésus-Christ et qu'on y baptisait. Saint Grégoire deNazianze a fait deux fort beaux discours sur cette fête des lumières, où il représente en cent manières différentes la lumière corporelle comme un symbole de la divine lumière qui doit remplir nos esprits (2).

Il y a plus de 1300 ans qu'on bénit et qu'on allume solennellement le cierge pascal, non simplement pour éclairer pendant la nuit de Pâ- ques, puisque l'église était alors illuminée par un nombre de cierges et de lampes incomparablement plus grand qu'elle ne l'était à toutes les autres veilles de l'année; mais on l'a fait pour des raisons mystiques. Le quatrième Concile de Tolède , en 633 , blâme les églises où l'on n'observait pas cette cérémonie et qui demandaient pour quelle raî- ison on le faisait. C'est, dit le concile , « afin que la bénédiction de ce luminaire nous fasse contempler le sacré mystère de la résurrection, » [c'est-à-dire l'éclat lumineux de la nouvelle vie « de Jésus-Christ ))(3).

C'est encore par des raisons mystiques qu'on a allumé des cierges à la

Ifête de la Présentation de Jésus-Christ au Temple , ou de la Purifica-

llion de la Vierge, pour prendre part à la joie qu'eut le saint vieillard

[Siméon, de tenir ce divin enfant entre ses bras, et pour exprimer plus

dvement qu'il était la lumière des nations ( lumen ad revelationem

l^entium ) .

Dès le IV^ siècle , les corps des fidèles qui étaient morts avec les mar-

(1) Catéchèse 1.

(2) In sancta lumina oratio 39 et 40.

(3) Lucerna et cereus in praevigiUis Paschae apud quasdam ecclesias non be-

ledicunLur, et cur a nobis benedicantur inquirunt. Propter gloriosum enira

pctis istius sacramentum solemniter haec benedicimus, ut sacrée resurrectio-

j.s Ghristi mysterium , quod tempore hujus votivee noctis advenit, in benedic-

bne sanctificati luminis suscipiamus (canon 9).

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446 RATIOSAL

nues de la foi {cum signo fidei, dit le canon) ont été portés à l'église avec un -rand nombre de cierges allumés. L'empereur Constanlm (1), samte Paulc saint Siméon Slïlite et tant d'autres ont été ainsi portés, comme on le fait encore; et l'on a voulu marquer par ce luminaire solennel que c'étaient de vrais enfants de lumières {vos filii lucis estis).

Enfui ce grand nombre de cierges qu'on allumait au IV= siècle sur les tombeaux des martyrs, le jour et la nuit, suivant le témoignage de saint Paulin et de Prudence, ne brûlaient qu'en l'honneur de la lumière céleste dont les saints jouissent, et qui font toute la joie des chrétiens (i). Les cierges allumés dans l'église en plein jour ont donc toujours e e regardés comme des ssmboles de la divine lumière. Saint Jérôme ) et saint Isidore (4) nous l'ont appris. L'Ordre romain , Amalaire et Al- cuin ont parlé de même ; et c'est conformément à leur autorité que , le Micrologue, vers l'an 1086 , s'énonce ainsi (3) :.« Nous ne célébrons iamaisla messe sans lumière, non pour chasser les ténèbres, pu.squil est Bi-and jour, mais pour avoir un symbole de la divine lumière que nou's rendons présente à l'autel par le sacrement que nous y opérons, sans laquelle nous verrions aussi peu en plein midi qu'en la plus somb.^ nuit » Les cierges allumés nous avertissent encore qu'étant autrefois dans les ténèbres, nous avons été éclairés en Jésus-Christ, et que nous devons nous comporter comme des enfants de lumière, par des actions de charité, de justice et de vérité (6).

NOTE 5.

I

II

Traité des processions, et de leurs cérémonies , par Gilbert Grimaud, prêtre, docteur en théologie. (Extrait de sa Uturgie sacrée.)

Comme on fait l'eau-bénite le dimanche, de même on en porte à la procession pour en asperserle peuple et autour de l'eglise.

(1) Eusèbe, in Vita Constuntini , lib. 4, cap. 66.

(2) Lux orta est juste, et rectis corde lœtitia ( ps. 96 ) .

(3) Lettre contre Vigilance, 1. c.

i:] s oldLr;omanum, nunquam missam ^^-J-^- „f " m non inique ad depellendas tenebras, cum s.t clafa «î^^ = ^'='* P°'^"^;° '"/"T- Zusluminis, cujus sacramentum ibi conflcimus sine que et m mendie pal nabimus ut in nocte (Mkrolog. de Ecoles, observât., p. 11).

ambulate. Fructus enim lucis est in omni bomtate, et ju.titia, et vema (S. Paul ad Ephes. , cap. 5, vers. 8 et 9).

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 447

L'usage ordinaire de cette cérémonie nous oblige de parler en général des processions, touchant leur pratique et ancienneté. En premier lu ce nom de procession est considérable; car, quoiqu'il descende du mot atm procrfo q„. de soi est indifTérent pour marquer une action p" ne ou sacrée, néanmoins il marque toujours «ne démarche grve et qu, n est pas ordinaire. Si les historiens, parlant d'un prince se se vent de ce mot, c'est lorsqu'il marche avec appareil et mS^L'E.: sen sert en même sens, et l'a rendu si vulgaire, que la upaÏ peuples, quoique d'ailleurs très-différents en leurs langues, s'en serven pour sigmfler la même chose, changeant seulement l'acen 1'" les Italiens, les Espagnols, lesPolonais, les Allemands. Ce n'est r^uTs qu Us n'aient quelques autres noms pour déclarer la même hose oa

Oiecs ce u, de htame, comme très-ancien, et des Latins celui des roaa twns et de supplication, usité souvent par Sidonius ^

Pour l'ancienneté des processions, je ne veux pas recourir à la pra .que du peuple de Dieu dans l'ancienne loi, quoiqu'il s'y en tro e des exemples très-mémorables , comme celle qui se fit autour dj^ cho par la vertu de laquelle ses murs furent renversés • celle dVLv^' conduisant l'.\rche d'Alliance avec tant dp J°7'^ '-«^"^ de Dav.d, autres II spmhi» „ ,"*"'=« '*^ec tant de magnificence; et plusieurs sol des" 1 ?f '^" '? Z"'"' P"^^^ "-^ "^ '^«'-'à ne sont Jas assez solides sans la lumière de l'Evangile. 11 est mal aisé d'en tirer aussi de

r!f' l'tr"'"'- "' ""' "" ' persécutions, l'espace des trois cents premières années, empêchait que les chrétiens ne pussent a.re en public les actes de religion si solennels que sont le prlces

aeLonstantm et de ses successeurs, empereurs chrétiens l'usage Hp,

processions fut rétabli et remis en vogue. Eusèbe, dans la Y^'de ce S^^^^^^ monarque (t), et Nicéphore, en son Histoire de 'Eglise (2) elJZ

yanUriTS '"' """' "' '^ ^"'« ^« Consta'ntinopt. Ce pi " ayant prie les Pères qui avaient tenu le Concile de Nicée de se trans

porter en cette nouvelle cité qu'il venait de bâtir, pour n fah-e a d" cace, l'histoire dit qu'étant arrivés ils célébrèren la me se e f^i- nt ut: procession solennelle autour des murs , par les rues et p a e " L^ cipales, chantant des hymnes et ranfimio. ^ i i • /'^^^^ P"""

•'^ cantiques a la srloire de nipn Imî

sa sainte mère et sous sa protection. Mais quel exemple plus authentique et plus agréable au sujet des

(1) Lib. 3, cap. 47.

(2) Lib. 8, cap. 26.

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4i8 RATIONAL

processions que celle qui se fit autrefois à Antioche pour la translation des reliques de saint Babylas*^ Elle est rapportée par Thcodoret (l),par Sozomène (2) et plusieurs autres, et même par saint Chrysostôme, qui, au Traité qu'il a fait contre les Gentils, assure qu'il y assista étant en- core petit garçon.

L'histoire raconte qucGallus, prince très-pieux, et autant zélé pour les choses de la foi que Julien , son frère , était adonné à Tidolàtrie , cher- chant les moyens pour arrêter les fourbes du démon, qui, sous la figure d'Apollon, rendait ses oracles dans un des faubourgs d'Antioche, s'avisa de celui-ci, également religieux et ingénieux, qui fut de faire trans- porter en ce même faubourg de Dapnne le corps de saint Babylas, qui de son vivant avait été évêque de la ville, et pour preuve de sa sainteté avait souffert un très-glorieux martyre. Le dessein de ce dévot prince réussit si heureusement, que depuis l'heure de cette translation l'oracle se trouva la bouche muette, sans qu'on le pût obliger à rendre aucune réponse. Mais le prince étant décédé, et l'impie Julien ayant pris le gou- vernement de l'empire, comme il eut choisi Antioche pour son séjour, où il voyait que cet oracle, autrefois si fameux, était devenu muet par la seule présence des ossements sacrés de ce glorieux saint, il ordonna aux chrétiens de retirer ces reliques de ce faubourg , permettant néan- moins qu'il fût rapporté dans la ville, où il était auparavant. Les chré- , tiens obéirent; mais en cette translation ils firent, entre autres solen- nités , une très-célèbre procession du clergé et du peuple , avec une affluence presque incroyable, depuis le faubourg jusque dans la ville, à la vue de l'empereur et malgré lui : l'air retentissait d'hymnes et de cantiques ; on chantait particulièrement à deux chœurs et par reprises, dit Sozomène, ce verset du psaume xcvi : Que les adorateurs des idoles soient confondus et ceux qui se glorifient dans leurs simulacres (3). Ces chants si publics et si glorieux à Dieu ne furent pas sans effet , à la confusion du malheureux apostat, parce que, peu de temps après, ce même temple du faubourg de Daphné, où le diable avait recommencé à rendre ses oracles, fut désolé par un coup de foudre, et le toit et l'idole d'Apollon, avec tous les ornements et agencements, réduits en cendre; en sorte qu'il n'en resta que les murailles et les colonnes , encore toutes llti noircies, pour servir à la postérité de témoignage du pouvoir absolu de Jik ce grand Dieu, et de l'estime qu'il fait de ses serviteurs en ce monde et

(1) Lib. 3, cap. 10.

(2) Cap. 19.

(3) Confundantur omnes qui adorant sculptilia , et qui gloriantur in simu' lacris.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 449

2n l'autre. Voilà sans doute un effet admirable des processions, lorsque,

omme celle-là, elles sont également pieuses et solennelles.

Je continue et dis qu'à mesure que l'Eglise a été en liberté elle a pra- tiqué ces saints exercices des processions, et les empereurs et les autres monarques plus chrétiens ont en cela montré ♦leur zèle aux occasions, ^uflin (1) récite du grand Théodose, qu'ayant à combattre contre le tyran Eugène, il mit premièrement sa confiance en Dieu, et, pour obtenir son issistance, il allait à l'église, dit l'historien, revêtu d'un cilice, avec les orêtres et le peuple, invoquant les saints et se prosternant par terre devant leurs reliques.

Ses enfants, Arcadius et Honorius, ayant succédé à son empire, mon- tèrent qu'ils étaient successeurs de sa piété, parla loi qu'ils firent dans ie Code, défendant à tous, sous peine de la vie , de troubler les litanies,

'est-à-dire les processions, et au peuple d'en faire aucune sans le clergé

)u sans oraisons et sans la croix (2). Voilà une marque bien ancienne le la forme de nos processions, contre les hérétiques de ce temps , qui le veulent point voir de croix.

Revenons encore à la pratique. C'est une chose assez vulgaire que, lans toute la chrétienté, dans les plus grandes nécessites on a eu re-

ours aux processions, même du temps du jeune Théodose , lorsque les

3luies étaient continuelles et que la terre ne pouvait rien produire; .'empereur commanda qu'on fît une procession, à laquelle il assista lui- néme, revêtu comme un particulier, et chantant comme Tes autres, ^oici comment Nicéphore le raconte (3) ; L'on fit. une procession dans aquelle l'empereur lui-même , mêlé parmi les autres, et vêtu comme eux, '.ommençait les hymnes. Incontinent après, voilà l'air qui redevint serein, it, la pluie ayant cessé tout-à-coup, la terre reprit la fécondité qu'elle ivait perdue.

Il raconte encore, durant le règne du même empereur, et lorsque. le )atriarche Proclus gouvernait l'église de Constantinople, une autre )rocession qui fut ordonnée pour apaiser l'effroyable tremblement de erre qui dura l'espace de six mois, surtout dans cette grande ville, d'où a plupart des habitants furent contraints de se retirer et loger à la campagne, à cause du bouleversement des édifices; il se fit des priè- res générales avec pleurs et gémissements, chacun criant miséricorde.

Dans le même historien , on voit que ceux d'Antioche ayant irrité ce

(1) Lib. 2, Hist., cap. 33.

(2) Laicis facere litanias interdicimus sine clericis, quae sine oratione et cruce ieri non debent (lib. 14, De episc. et clericis).

(3) Lib. 14, cap. 3.

Tome IL oo

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450 RATIONAL

môme empereur, pour avoir abattu la statue de Placidia, sa femme, s'avisèrent de recourir à Dieu et d'implorer sa grâce par le moyen des processions; voici comment il en parle : Faisant des processions pu- bliques , ils chantaient avec harmonie certains cantiques lugubres et pro- pres pour donner de la pitié (1). Aussi Dieu , qui tient en ses mains les cœurs des rois, adoucit aussitôt le cœur de ce prince.

Saint Jean Clirysostôme (2) , au récit de Socrate en son Histoire, voyant Tinsolence des ariens dans Constantinople , et ne pouvant la ré- primer par une autre voie, ordonna des processions le jour et la nuit, qui se faisaient par les rues et carrefours de la ville, auxquelles on re- marqua des ferveurs extrêmes d'une dévotion extraordinaire.

Les ariens, depuis, ayant voulu imiter les processions de l'Eglise sous l'empire d'Arcadius , il leur fut défendu par l'édit du même empereur, qui jugea messéant que ceux qui refusaient d'obéir à l'Eglise pussent pratiquer ses solennités.

Saint Porphyre, évêque de Gaze, au rapport de Marc, le diacre, qui a écrit sa Vie, voyant la Palestine affligée d'une extrême sécheresse qui perdait tous les fruits , ordonna une procession solennelle ; voici comment il en parle : Le matin étant venu , nous primes la sainte croix qui marchait devant nous, et, chantant des hymnes, nous allâmes vers une ancienne église qui est située à l'occident de la ville (3).

Les processions qui se tirent à Constantinople , lorsqu'elle était ré- duite presque à l'extrémité par les Barbares, qui l'assiégèrent sous l'em- pire d'Héraclius, témoignent ouvertement ce que nous disons. Le Trio- dion des Grecs dit que le patriarche, accompagné du clergé et du peuple , fit tout le tour des murs de la ville en priant Dieu. Et il ajoute qu'ils portaient Yimage divine de la mère de Dieu (4). Le succès si favo- rable et miraculeux qui survint après fit assez connaître combien Dieu avait agréé cette dévotion.

Du temps de Léon-l'lsaurique , dans une semblable rencontre , on fit la même chose avec le même succès. Us portaient, dit le même Trio- dion , le bois de la précieuse croix et la sainte image de la mère de Dieu, et en cet oi-dre, ajoute-t-il, ils faisaient le tour des murs de la

(1) Publicas peragentes supplicationes, carmina qucedam luctuosa et ad com- miseralionem commovendam composita , numeroso concentu cantabant (l. 12, cap. 43).

(2) Lib. 6, cap. 8.

(3) Facto mane, accepte signe venerandse crucis quod nos praecedebat, egressi sumus cum hymnis ad antiquam ecclesiam, quœ est a parte occidentali civitatis.

(M Tàç Oe'iaç ètxovaç t^ç Gîop-mrÉpoç.

li

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 451

vme .^apaisant la colère de Dieu par leurs larmes ; ce fut environ Tan- Saint Grégoire-le-Grand, en ses Epî.res, parle souvent des proces- ns. 11 y a peu de personnes qui ne sachent le miracle qui survLtl celle qu'il fit pour obtenir de Dieu au'il Ini ni,-„ f ■ qui ravageaitRome et toute Tltal où 1 A^eS " "T'. "'' d-Adrien, remettant dans le four;eau it ': ^^T/' 'T"" se: .e Cteau Mti depuis au m^me^L^t I^r '.X:

autres saint Basile, en son épitre 65, quMl adresse à c ux d N oc s " " desquels il loue la pi.té pour ces sortes de saints exercices Hlvivlu

Mais que faudrait-il de plus que nos Rogations? On estime aue saint Mammert, evêque de Vienne , qui vivait sur Pan 440, f^ e p.em ër qui les pia iqua pour apaiser la colère de Dieu , qui sembtu meuT

■ ^ ' à tou?r""t?" '^'^'^ '■"'"'■ «" ™ï^"' "'-' '- h" -

r e e, outr^nW 'f "' '" "" l-mblements de

lerre, et, outre plusieurs autres prodiges des hpfp« fnr^.,.K

ruaient furieusement sur les person'nes. ïl 'r^ZÏZ e SfuTL: processions , lesquelles on nomma Bogations

censio"n"E/r '" '•"" '" P"^"^'""^ «i"' ^ ^-' '--' As- cension n eut tte plus ancien , comme remarque Sidonius ApoUinaris

^i^^'ltZ "" ""^^ ™'^' les paroles :./.,„/,L,;]: vent^, d.t-il , mazs , pour en parler avec le respect dû à la foi eûaient

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452

RATIONAL

sein de maler notre corps; nous allons en procession, mais pour cou- rir ou paraître et comme par divertissement; nous entendons pronon- cer et nous prononçons les prières ordonnées de TEglise, mais sans esprit, sans attention et sans respect.

Le premier Concile d'Orléans, du temps de Glovis , notre premier roi chrétien, recommande, au chapitre xn, les Rogations en ces termes : Que les Rogations (c'est-à-dire les litanies) soient célébrées avant l'Ascension de notre Seigneur, en sorte que le jeûne qui doit précéder trois jours devant finisse à la fête de cette solennité.

De tous ces discours, chacun peut remarquer trois choses : la pre- mière, qu'il y a dans TEglise deux sortes de processions, les unes ordi- naires , qui se font tous les ans, ou tous les mois , ou toutes les semai- nes ; les autres extraordinaires , suivant les diverses occurrences. La seconde, qui nous montre évidemment leur ancienneté; et la troisième, que ces mêmes cérémonies, que nous observons, se sont toujours faites. Mais nous en dirons encore davantage. Pour les processions des dimanches, au sujet desquelles nous avons fait tout ce discours, je ne trouve pas de grands témoignagnes de leur ancienneté; mais la pratique que nous en avons et le mystère qu'elles représentent , comme je dirai , persuadent assez qu'elles ont commencé avec les autres exercices publics de la sainte Eglise; jusque là que l'abbé Ru- pert (i) remarque qu'en plusieurs lieux, le dimanche des Rameaux, outre la procession qui se faisait en mémoire de ce jour particulier, on faisait encore une autre procession à cause du dimanche ordinaire.

Durand, en son Rational (2), dit que le pape Agapit, qui tint le siège sur l'an 535, fut le premier qui ordonna les processions des diman- ches. Voici comme il le raconte : On célébrait , dit-il, de toute ancien- neté, le jeudi presque de la même manière que le dimanche, à cause de quoi le jeudi est vulgairement appelé parent du dimanche (3) ; ce qui se faisait en mémoire de l'ascension triomphante du Fils de Dieu. Le même, jour aussi, et pour la même raison, on faisait une procession; mais le nombre des fêtes, le long de l'année, s'étant accru, à cause des solennités dédiées aux saints, la célébrité du jeudi fut retranchée, et la proces- sion de ce jour transférée au dimanche, afin que le peuple, qui, aupa- ravant, avait été obligé aux offices du dimanche , se trouvât disposé pour assister à cette procession.

(1) Lib. 4, cap. 8.

(2) Lib. 4, cap. 6.

(3) Dies jovis vulgariter dicitur cognatà diei domiiiicae.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 453

11 y a grande, apparence que la chose était arrivée de la sorte : Le di- manche fut le jour que Jésus-Christ ressuscita et qu'il commanda à ses apôtres de l'aller attendre en Galilée. Cette procession fut belle; mais elle s'acheva le jeudi de l'Ascension, que le Sauveur, ayant donné l'heure à sa sainte mère, à ses apôtres et aux autres tidèles, alla avec eux sur le mont des Olives, comme en procession, où il leur donna la mis- sion pour prêcher, pour baptiser, et, en un mot, pour régir son Eglise sur toute la terre jusqu'à la consommation des siècles.

Comme donc nous célébrons le dimanche en mémoire de la résur- rection , et qu'à ce même jour le Sauveur invita les siens à venir ouïr ses derniers commandements et pour être les spectateurs de son ascen- sion, nous joignons dans ce même jour ces deux grands mystères, quand nous solennisons le dimanche et quand nous faisons la procès^ sion qui en doit être inséparable, dans laquelle on porte de l'eau-bénite dont on asperse le peuple, parce que ce fut alors que le Sauveur ordonna le baptême et en prescrivit la forme.

Disons maintenant , pour finir, quelque chose des cérémonies que nous observons généralement dans les processions. On peut dire qu'elles nous représentent la vie du Fils de Dieu en ce monde , qui a été comme une procession continuelle; car, étant né, on le porte de la crèche au temple, du temple à Nazareth, de là en Egypte, d'où, étant de retour dans la Judée et parvenu à l'âge de trente ans, il allait de ville en ville et d'un lieu à un autre, parcourant tous les endroits, afin que tous ressentissent ses bienfaits. Aussi , sur ce souvenir, nous devons en nos processions marcher après lui et à son exemple , avec gravité et modestie, ayant tous nos cœurs et nos pensées au ciel.

On y porte la croix, qui est une pratique aussi ancienne que les mêmes processions ; j'en ai donné tantôt une preuve , parlant de saint Porphyrius. En voici une autre bien remarquable : Socrate (1) et Sozo- mène (2), parlant des processions que saint Jean Chrysostôme ordonna contre les ariens, disent que l'on portait des croix faites d'argent, avec plusieurs flambeaux, et que l'impératrice en faisait la dépense. Dans la Yie de saint Barnabe, dans Surius, il est dit que le corps de cet apôtre ayant été trouvé dans une église de Chypre, l'évêque de Salamine y vint en procession avec son clergé et son peuple , clero populoque con- gregato et cruce portata processit. Grégoire, archevêque de Tours, qui gouvernait cette célèbre église il y a plus de mille ans, en rapporte

(1) Lib. 6, cap. 8.

(2) Lib. 8, cap. 8.

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y

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plusieurs exemples, mais principalement au cinquième livre de son Histoire, au chapitre iv, et au livre premier des Miracles de saint Martin, où il dit qu'on y portait la croix, et que c'était une chose commune en ce temps.

Au second Concile de Nicée; il est rapporté que les Pères allèrent au- devant des reliques de saint Anastase-le-Martyr, en procession et en por- tant la croix (i).

J'ai déjà allégué le Concile de Nantes pour le regard de Teau-bénite ; le même cojumanda expressément les processions du dimanche avec la croix : Que les dimanches, dit-il, on fasse l'aspersion de l'eau -bénite dans le parvis de l'église, faisant tout le tour avec des croix (2). Saint Isidore , dans Tépître qu'il écrivit à Ludefredus , évêque de Cordoue, marque que c'est de l'office du diacre de porter la croix quand on marche en procession.

Mais il suffit de l'ordonnance de Justinien, qui veut que les prêtres sor- tent en procession avec la sainte croix (3).

Anastase-le-Bibliothécaire rapporte qu'entre les dons que notre Char- lemagne fit aux églises de Rome, lorsqu'il y fut couronné empereur, il offrit dans l'église de Saint-Jean-de-Latran une grande croix d'or, de- mandant à Léon III, souverain pontife, qu'il lui plût ordonner qu'aux processions qui se feraient à l'avenir cette croix fût toujours portée de- vant le pape; ce qui fut depuis pratiqué.

Cette cérémonie, sans doute, est remplie de piété. Comme nous sa- vons notre peu de mérite et que nous ne pouvons être exaucés que par les mérites de Jésus-Christ , nous exposons la croix et nous la faisons porter devant nous afin que les fidèles, à la vue de cet objet, songent à celui qui y est mort, pour le supplier qu'il rende nos pas, nos prières et nos cantiques agréables à Dieu son Père; c'est aussi pour la même fin que dans nos litanies nous prions la Vierge, les anges et les saints, dont quelquefois nous portons les reliques et les images, afin qu'ils inter-^ cèdent pour nous.

En troisième lieu, ordinairement on porte aux processions quelque bannière, ou l'image du patron de l'église , pour montrer qu'en cette action l'Eglise paraît en forme d'armée qui marche en bataille sous les enseignes de Jésus-Christ , nous proposant à imiter, après lui , l'exemple

(1) Gum supplicationibus et cruce. ,,fs. (2) Ut dominicis diebus atrium cum crucibus circumeundo aspergatur (ca- non 5 ) .

(3) Sacerdotes cum venerabilibus crucibus in supplicationibus egrediantur {Authent.,l'iZ).

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 455

<3e ceux qui ont excellé dans la sainte milice. C'est à quoi saint Paul nous exhorte : Ressouvenez -vous de vos prélats, dit -il, qui vous ont instruits et qui vous ont annoncé la parole de Dieu , desquels , contemplant V issue de la conversation, imitez aussi la foi (1). Nous paraissons donc en public sous ces étendards, comme animés par l'exemple et le souve- nir des saints dont nous voyons les images devant nous.

Quelquefois aussi , comme je Tai déjà dit, on porte les reliques et les images des saints avec grand appareil. Le célèbre miracle rapporté par S. Augustin en sert de preuve bien assurée. C'est d'une dame qui, étant du tout aveugle, reçut la vue sur l'heure , ayant fait toucher quelques fleurs à la châsse de saint Etienne , qu'on portait en procession , et les ayant appliquées sur ses yeux. L'évêque Project, dit-il, en cette pro- cession portait la sainte châsse.

Quelquefois aussi, mais avec beaucoup plus de pompe, on porte le très-adorable Sacrement de l'autel..

En beaucoup de processions, comme celle du saint Sacrement et des reliques, on porte des torches et des flambeaux, par honneur et révé- rence , comme on l'a vu pratiquer envers quelques empereurs romains, devant lesquels on portait des flambeaux allumés en plein jour, pour témoigner la joie qu'on avait de les voir et pour leur rendre un honneur extraordinaire. Nous trouvons même , dans nos histoires , qu'assez sou- vent on a observé la même chose envers plusieurs prélats et saints personnages encore vivants. Saint Grégoire de Nazianze assure que, saint Athanase étant rappelé d'exil, tout son peuple lui alla au-devant avec des flambeaux allumés et des instruments de musique , pour faire voir la satisfaction qu'il avait de son retour. Victor d'Utique (2) dit que les évêques et les prêtres qui avaient été bannis de leurs sièges, à leur retour furent reçus par les chrétiens avec des cierges allumés sur les passages. On peut dire aussi qu'on porte des flambeaux en nos pro- cessions devant le saint Sacrement et devant les reliques des saints, par mystère. C'est que Jésus-Christ, qui est contenu au Sacrement, a été la vraie lumière du monde , et ensuite les saints , auxquels le même Sauveur a dit : Vos estis lux mundi, « Vous êtes la lumière du monde » (3).

Je pourrais montrer, par plusieurs miracles faits en ces rencontres, que cet honneur rendu aux reliques est bien fondé, et que cette pra- tique est agréable à Dieu; je me contenterai d'un seul, que j'ai tiré de

(1) Mementote prœpositorum vestrorum qui vobis locuti sunt verbum Dei, [quorum intuentes exitum conversationis , imitamiai et fidem (Hebr., c. 13 ).

(2) De Persecutione vandalica.

(3) Math. , 5.

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456 RATIONAL

rilisloirc du Bordelais, où il est parlé de la translation de saint Ma- caire, dont la fête est célébrée à Bordeaux le l®"" de mai : il est dit que le jour que son corps fut transféré de la ville, qui depuis a pris son nom , dans la ville de Bordeaux, distante d'environ sept lieues, qu'on alluma quantité de flambeaux autour de la châsse, qui ne s'éteignirent jamais dans tout le chemin , quelque vent et pluie qu'il survînt , éclairant toujours, jusqu'à ce que le corps du saint fût parvenu à l'église métropolitaine. Cette translation fut faite par le soin et le zèle de Guillaume, duc de Guienne, surnommé le Bon.

L'ordre qu'on observe aux processions est que personne n'en est ex- clu, et que tout sexe et toute condition y a place, suivant le souhait de David : Que les jeunes gens et les vierges , les vieillards avec ceux du plus bas âg? , louent le nom du Seigneur (1). On fait marcher en tête les jeunes garçons, après eux la croix, et puis le clergé suit; après le clergé, les hommes laïques , et ensuite les femmes , un sexe étant séparé de l'au- tre, ce qui est très-convenable pour la bienséance. Or, quoique les reli- gieux y puissent assister et qu'ils y assistent assez souvent, pourtant la disposition appartient seulement au clergé, qui y doit paraître en habit de cérémonie, lequel il ne porte pas ordinairement, parce que la pro- cession est un exercice public de religion, dans lequel il est nécessaire d'avoir tout ce qui peut servir à donner des sentiments de dévotion à ceux qui sont présents , comme quand on officie à l'église.

On chante ordinairement aux processions, afin que l'esprit et les oreilles du peuple et du clergé soient toujours saintement occupés ; j'en ai marqué quelques preuves ci-dessus.

Chacun voit assez qu'il n'y arien aux processions qui ne nous attire ou ne doive nous attirer à Dieu. Mais, hélas! que notre faiblesse est grande , et avec quelle facilité nous laissons-nous aller à abuser des exercices les plus religieux, avec scandale du public et à la honte de notre profession! Nous allons à la procession comme à la promenade^ et, au lieu de parler à Dieu du fond du cœur, ce ne sont qu'entre- tiens ou profanes ou ridicules, et des égarements des yeux et de l'esprit en mille sortes.

Je ne dirai rien des différends qu'on a pour le pas et pour les rangs, qui tiennent bien peu de l'humilité delà croix qu'on porte devant nos yeux. Bien plus, il y en a qui se parent avec autant d'étude et d'afTec-^ tation que s'ils devaient paraître dans un bal; et c'est le malheur des

(1) Juvenes et virgines, senes cum junioribus laudent nomen Domini (psalm. 148).

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chrétiens, que les actions qui devraient servir à obtenir de Dieu le pardon de nos péchés ne servent plus qu'à augmenter sa colère et à rirriter davantage.

NOTE 6.

ORIGINE ET RAISONS DE l'eNCENSEMENT.

On ne voit pas dans les premiers Ordres romains qu'on encensât Tau- tel au commencement de la messe. Il y est dit seulement que Févêque ou le prêtre, allant de la sacristie à Fautel, était précédé d'un (1) , de deux (2), ou de trois encensoirs (3) fumants ; et, selon un ancien Missel de Narbonne, on ne l'encensait qu'après l'offertoire. Mais toutes les li- turgies grecques , de saint Jacques , de saint Basile et de saint Jean Chrysostôme, font mention de Tencensement et des prières qui l'ac- compagnent au commencement de la messe. On encensait tout le tour de l'autel. On l'a fait de même depuis sept à huit siècles dans plusieurs églises latines. 11 est expressément marqué dans l'Ordinaire de Mont-Cas- sin, vers l'an 1100, qu'après le ConfUeor le prêtre encense le dessus de l'autel, et que le diacre ensuite en encense tout le tour.

Depuis que la disposition des lieux et les ornements qu'on a ajoutés aux autels n'ont pas permis communément d'en faire le tour, la rubri- que a marqué qu'on encenserait le fond , le dessus et les trois côtés qui paraissent (4). Nous allons marquer ici l'origine et les raisons de l'en- censement.

Quelques liturgistes , dont le naturalisme est poussé aux dernières limites (5), croient que la vraie raison qui a déterminé les anciens chré- tiens à se servir d'encens dans l'église a été la même qu'on a, dans les maisons particulières, de brûler de bonnes odeurs pour chasser les mau- vaises (6). Cette raison a été imaginée sans fondement. Elle ne se trouve

(1) Ordo rom. 1, Muséum italicum, p. 8; — Ordo, 3, p. 55; et Amalaire, lib. 3, cap. 5.

(2) Ordo rom., 5, p. 65.

(3) Gum thuribulis non amplius ternis (Ord., 2, p. 43).

(4) Quoique le prêtre semble encenser chaque chandelier, quand il y en a SIX sur Tautel, trois de chaque côté, ce ne sont pas les chandeliers qu'il en- cense, mais le fond et le derrière de l'autel, autant qu'il lui est possible; et pour encenser uniformément, il donne trois coups d'encens de chaque côté' suivant l'ordre des chandeliers, qui sont également distribués.

(5) Entre autres D. Claude de Vert, Explication simple, liUérale et histori- que des Cérémonies de l'Eglise, 4vol. in-8o (première moitié du X Ville siècle). y. D. Guéranger, Institutions liturgiques, t. 2, p. 230 à 246.)

(6) D. Claude de Vert, 1. c. sup. , 1. 1, préface, p. 18, 19 et 20.

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458 RATIONAL .

pas dans rantiquilc, et nous recherchons ici l'ancien esprit de TE^j^ise à l'égard de l'emploi de l'encens dans ses saintes cérémonies.

1° Durant les trois premiers siècles, nous n'apercevons, par aucun témoignage constant, que les chrétiens se soient servis d'encens daas les églises. TertuUien nous dit même claiiemenl (ju'on ne s'en servait point du tout : car, aux reproches <jue les païens faisaient aux chrétiens d'être inutiles au commerce et aux usages de la vie, il répond : « Véri- tablement, nous n'achetons point d'encens. Si les marchands d'Arabie s'en plaignent , les Sabéens sauront que nous employons plus de leurs aromates et avec plus de profusion à ensevelir les chrétiens, qu'on n'en consume à parfumer vos dieux » (t). L'encens était alors trop profané à l'égard des idoles, poin* l'employer dans le culte du vrai Dieu. 11 fal- lait attendre que les assemblées des chrétiens ne fussent plus environ- nées de tant de parfums idolâtres, et (ju'on pût aisément discerner ces encensements détestables d'avec ceux qu'il convient de faire en l'hon- neur du vrai Dieu dans les saintes solennités. Si l'encens avait dû être employé dans l'église à chasser les mauvaises odeurs, il n'aurait jamais été si nécessaire que dans les siècles de persécution , parce qu'on s'as- semldait dans des caves ou dans des lieux fort serrés, et que les pau- vres composaient la plus grande partie de l'assemblée.

2° Au IV® siècle, lorsque les princes donnèrent la paix à l'Eglise et qu'ils devinrent eux-mêmes chrétiens, les mauvaises odeurs n'étaient point à craindre dans les assemblées. On bâtit des églises spacieuses et magnifiques , et elles étaient même plus aérées que celles d'à présent; car, selon la coutume des Orientaux, il n'y avait aux fenêtres que des jalousies ou treillis (2), qui laissaient passer l'air de tous côtés. Dans quelques-unes de ces églises , loin de craindre les mauvaises odeurs, il y en avait toujours d'agréables , parce que la boiserie et les poutres étaient de bois de cèdre, ainsi qu'Eusèbe le dit de celle de Tyr, bâtie en 313 (3). C'est cependant parmi ces magnificences des églises du

(1) Thura plane non emimus. Si Arabi quaeruntur, scient Sabœi pluris et carioris suas merces christianis sepeliendis profligari, quam diis fumigandis {Apolog. , cap. 42).

(2) Au IVe siècle, les fenêtres de plusieurs églises des Gaules étaient vi- trées (Greg. Turon., lib. 6, cap. 10; lib. 8, cap. 29; lib. 1, Mime, cap. 59). Fortunat loue les vitres de la cathédrale de Paris, bâtie parChiidebert (lib. 2, poème 11, De Ecdesia parisiaca); mais cet usage commença plus tard ailleurs. Il n'y eut point de vitres en Angleterre avant le Ville siècle. Alors on envoya chercher des ouvriers en France, et l'on vitra les fenêtres de plusieurs églises vers Tan 726 (Bède, lib. 1, cap. 5; — de Wiremont, Monast,; —Ada pontificum Eborac, anno 726).

(3) Hist. eccles., lib. 10, cap. 4.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 459

'^ et du V® siècles que nous trouvons Tencens en usage, par les témoi- lages constants des Canons apostoliques, de saint Ephrem, de saint Am- 'oise; des liturgies de saint Jacques , de saint Basile, de saint Chry- stôme, et des écrits de saint Denys-rAréopagite (1). 3o Pour chasser les mauvaises odeurs et réjouir l'assemblée par d'a- éables parfums, il n'aurait fallu que des cassolettes placées par qui le ce fût, sans cérémonie, autour de l'autel ou en diverses autres par- îs de l'église. Ici, c'est le pontife, le chef de l'assemblée, qui met l'en- ns , qui le bénit et qui fait toute la cérémonie de l'encensement au- ur de l'autel, comme le marquent saint Arabroise et saint Denys- U'éopagite.

4° Ce saint Denys nous dit , dans sa Hiérarchie ecclésiastique (2) , qu'à cérémonie solennelle de la consécration du saint chrême le pontife immence par encenser le tour de l'autel , comme à la synaxe ou semblée du sacrifice. Eh ! quelle mauvaise odeur y aurait-il eu alors îu de craindre? Toute l'Eglise était déjà embaumée, car, parmi les s Grecs, depuis un temps immémorial, le saint chrême n'a pas été mplement composé d'huile et de baume, comme à présent dans l'E- ise latine ; les Grecs y ont joint tout ce qu'il y a de plus odoriférant (3). i mélange de toutes ces agréables odeurs, bien plus exquises que l'en- ns, se préparait sur le feu, dans Téglise, dès le Lundi saint, c'est-à- re durant trois jours avant la consécration. Rien donc alors de plus utile que l'encensement, s'il avait été fait pour chasser les' mauvaises leurs. L'Eglise avait certainement des vues plus élevées ; et ces odeurs êmes si suaves, qui entraient dans la composition du saint chrême, étaient recherchées et préparées avec tant de soin que pour repré- nter, autant qu'il est possible, la douceur et le plaisir que produi- nt la grâce de Jésus-Christ et les opérations du Saint-Esprit dans tou- > les facultés d'une ame bien disposée ; car ce ne sont là que des

(1) Voyez les œuvres de S. Denys-rAréopagite, traduites du grec en fran- is? précédées d'une Introduction où Ton prouve l'authenticité de ces livres et

Ton montre la haute portée des doctrines qu'ils renferment , par l'abbé irboy; un vol. in-S". — M. l'abbé Fayon,le savant sulpicien auquel on doit jà la réhabilitation de sainte Madeleine, de sainte Marthe et de saint La-

e comme apôtres de la Provence, se prépare à publier un travail considé-

ble, à l'effet de prouver que le premier apôtre et évêque de Paris a été S. De- s-l'Aréopagite, celui-là même qui dut sa conversion à S. Paul.

(2) Gap 4.

(3) De Materia et Consecratione saan unguenti, Euch. graec. du P. Goar, 637 et suiv.

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symboles, comme Texposent bien au long le môme saint Denys (1) cl SCS commentateurs , saint Maxime (2) et Pachymère.

Ces observations , auxquelles nous nous bornons , sont décisives. L'antiquité n'est nullement favorable aux conjectures des liturgislcs îiaturali^tes et matérialistes du XVll^ siècle , tels que le troi) fameuï D. Claude de Vert. Elle est, au contraire, toute pleine de vues spirituelles et mystiques , que nous réduirons à quatre :

1° L'encens est brûlé à Tautel pour marquer dans ce lieu saint que les créatures doivent être employées et consumées pour son service et pour sa gloire. En eOet, Dieu avait ordonné à Moïse (3) qu'on lui offrît de l'encens sur l'autel d'or. Le iV-' canon apostolique (4) met l'encens au nombre des choses qu'il convenait d'offrir pendant la sainte oblalion. Saint Ephrem suppose qu'on brûle l'encens dans l'Eglise en l'honneur de Dieu, lorsqu'il dit, dans son testament : « Ne m'ensevelissez pas avec des aromates, olTrez-lcs à Dieu » (5) ; et samt Ambroise était persuadé que l'encensement de nos autels était une cérémonie religieuse, et qu'un ange présidait à nos encensements, comme autrefois à ceux du temple. Ce qui lui fait dire , à l'occasion de l'apparition de l'ange au saint patriarche Zacharie, père de saint Jean-Baptiste : « Plaise à Dieu qu'un ange soit présent, ou plutôt qu'il se rende visible, lorsque nous encensons les autels et que nous offrons le sacrifice! » {<i\). L'Eglise grecque fait aussi clairement connaître que l'encensement de l'autel se fait en l'honneur de Dieu , puisqu'elle fait dire en même temps par le célébrant : « Gloire à la très-sainte, consubstantielle et vivifiante Tri- nité, maintenant, toujours, et dans tous les siècles des siècles » (7).

2° On voit dans l'antiquité que l'encens qu'on brûle autour de l'autel, d'où le parfum se répand dans l'église, a été regardé comme une marque de la bonne odeur de Jésus-Christ, qui se répand de l'autel dans l'ame des fidèles. Saint Denys (8), saint Germain de Constantinople au VllI* siècle (9), et Siméon de Thessalonique (10), nous ont marqué ce sens

(1) L. G. sup., cap. 4.

(2) Tome 2, p. 324.

(3) Exode.

(4) Can. Apost., 3 et 4. Le 3^ et le 4e canons n'en font qu'un dans quelques an- ciens manuscrits.

(5) Me orationibus vestris comitamini, et arc mata Dec offerte.

(6) Atque utinam nobis quoque adolentibus altaria , sacrificium deferen- tibus assistât angélus, irno praebeat se videndum (S. Ambroise, Comment, in Evangelium Luc, lib. 1, cap. 1, vers. 11 et 12).

(7) Ordo sacri ministerii, Euchol. graec. du P. Goar, p. 2.

(8) L. c. sup., cap. 3 et 4.

(9 lierum ecrJesiastic. Theoria. (10) De Templo.

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ystique. Saint Germain dit que l'encensoir marque Thumanité de sus-Christ , le feu sa divinité , et la vapeur du parfum sa grâce. L'au- ur des homélies sur l'Apocalypse, attribuées à saint Augustin (1), re- irde aussi l'encensoir dont parle saint Jean comme le corps de Jésus- irist, et l'encens comme ce même corps offert en sacrifice pour le lut du monde, et reçu comme un doux parfum par le Père céleste. 1 un mot, tous les anciens auteurs ecclésiastiques ne regardent l'en- nsement fait à l'autel que comme le signe d'un culte spirituel et re-

ieux.

Les chrétiens regardaient autrefois avec tant de vénération l'encens l'on brûlait dans les églises , qu'ils tâchaient d'en porter l'odeur avec main à la bouche et au nez , en disant ce que le prêtre dit encore : Que le Seigneur allume en nous le feu de son amour et la flamme de iternelle charité » (2).

3° L'encens a toujours été pris pour une vive expression des prières le nous adressons à Dieu et du désir que nous avons qu'elles s'élèvent rs lui comme ce doux parfum s'élève en haut. Dans les liturgies de int Jean Chrysostôme et de saint Basile, le prêtre, prenant l'encensoir, t (3) : (( Jésus-Christ qui es Dieu î nous t'offrons cet encens en eur d'un parfum spirituel, afin que tu daignes le recevoir en ton saint sublime autel, d'où nous attendons les effets de ta miséricorde )> (4). est sans doute pour se conformer à cet esprit de l'Eglise , qu'en 526, Césarée en Palestine , le saint prêtre Zozimas , dans le moment que ville d'Antioche fut abîmée, fondant en larmes, fit apporter l'encen- ir dans le chœur, y alluma de l'encens , se prosterna par terre , et gnit à la fumée de cet encens ses soupirs et ses prières, pour tâcher ipaiser la (iolère de Dieu (5). L'encens n'a donc été regardé que comme

l) Ipse enim Dominus factus est thuribulum ex que Deus odorem suavita- accepit, etpropitius factus est mundo (homil.6 in Apocalyps., t. 3 , S. Aug,, p., 167).

^2) Voyez la Messe de Du Tillet, dans le P. Menard, p. 271, et le Pontifical

Séez, vers Tan 1045, où on lit qu'en recevant Tencens chacun doit dire :

cendat in nobis Dominus ignem sui amoris et flammam œternœ caritatis.

[3) Euchol. grœc. du P. Goard, p. 52.

[4) Selon la liturgie des Ethiopiens , qui furent convertis par les soins de Âthanase, et qui ont toujours suivi les rits de l'Eglise d'Alexandrie, l'encens i offert à la sainte Trinité, et on dit, en encensant : « Louange à Dieu Père, lange à Dieu Fils, louange à Dieu Saint-Esprit. » Plusieurs anciens Missels

France et d'Allemagne ont aussi fait dire cette prière en offrant l'encens : scipe, sanda Trinitas , hanc oblationem iyicensi hujus de manibus meis, et r hanc oblationem dimitte nobis delicta nosti-o, et tribue nobis misericordiam im (Missale senonense, ann. 1556, 1575 et 1715).

[5) Evagre, Hist écoles., lib. 4, cap. 7.

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462 RATIONAL

une image de nos dispositions intérieures. « Nous composons un bon encens d'aromate, dit saint Grégoire (1), lorsque nous apportons à Vaulel la bonne odeur des vertus , (iui est d'autant plus suave que ces vertus sont plus grandes et en plus grand nombre. »

Les prêtres latins font presque la même prière que les grecs : a Que ctt encens, disons-nous, que tu as béni, Seigneur, monte vers toi, etc. » (2). Ce n'est pas une fumée matérielle , mais un parfum spirituel qui peut monter au trône céleste; et le prêtre exprime encore plus distincte- ment que la fumée de rcncens n'est qu'une image de nos prières , en disant, pendant l'encensement : a Que ma prière, Seigneur, s'élève vers toi comme cet encens » (3).

« Il n'est pas possible de trouver un symbole qui pût nous mieux marquer quelles doivent être nos prières. L'encens ne s'élève en haut que par l'activité que le feu lui donne; et nos prières, qui ne sont réel- lement que les désirs de notre cœur, ne peuvent aller jusqu'à Dieu qu'étant animées par le feu de l'amour divin. Ce qui s'élève de l'en- cens est de bonne odeur, et nous devons demander à Dieu qu'il prépare de telle manière notre cœur, qu'il ne s'en élève rien qu'il ne reçoive agréablement. Tout l'encens est consumé, il ne reste aucune partie qui ne s'élève en vapeur, et tous les désirs de notre cœur doivent tendre vers Dieu, sans qu'aucun s'attache à la terre » (4).

Enfin, en quatrième lieu, si ce parfum spirituel, dont parlent les Li- turgies, signifie nos prières, il marque encore plus expressément celles des saints, puisqu'elles ne sont représentées dans l'Ecriture que comme un parfum qui est offert à Dieu (5). On ne pouvait mieux placer le pre- mier encensement qu'immédiatement après la prière Oramus te. Do- mine, dans laquelle nous demandons à Dieu d'avoir égard aux mérites et aux prières des saints pour nous faire miséricorde.

Théodore de Cantorbéry, au VIP siècle, dit qu'il faut offrir de l'en- cens aux fêtes des saints, parce que leurs actions ont été devant Dieu comme des lys d'une agréable odeur (6). j

(1) Thymiama ex aromatibus compositum facimus, cum in altari boni operis virtutum multipKcitate redolemus. Quod mixtum et purum fit , quia quanto ^ virtuti jungitur, tanto incensum boni operis sincerius exhibeatur {Moral, lib. 1, caput 19).

(2) Incensum istud a te benedictum ascendat ad te, Domine, et descendat super nos misericordia tua (OrdoAIissae).

(3) Dirigatiir,* Domine, oratio mea sicut incensum in conspectu tuo, etc. Ibid., ex psalmo 140).

(4) Le P. Lebrun, 1. c. sup.,t. 1, p. 154 et 155.

(5) Apocalypse, chap. 5, verset 8;— id.,chap. 3.

(6) Incensum Domini incendatur in natali sanctorum pro reverentia diei, quia

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 463

NOTE 7. REMARQUES HISTORIQUES SUR LA RÉCITATION DU KYRIE ELEYSON.

On n'a pas toujours dit le Kyrie au milieu de l'autel ; on l'a dit au- trefois au côté de l'épître : les Chartreux , les Carmes et les Domini- cains le disent encore en cet endroit, où ils ont dit Vlntro'tt; ce qui s'observe généralement à Rome et ailleurs, aux grandes messes.

L'ordre et le nombre des Kyrie n'ont pas aussi toujours été les mêmes. Au temps de saint Grégoire, on disait autant de fois Christe que Kyrie (1). Dans le rit ambrosien, on dit trois fois Kyrie après le Glo- ria in excelsis (2) ; et durant plusieurs siècles , lorsque le Pape disait la messe, on lui demandait s'il voulait changer le nombre des Kyrie , et les chantres continuaient jusqu'à ce qu'il fît signe de cesser (3). L'usage ictuel, qu'on suit depuis plusieurs siècles, est très-pieux. On dit neuf bis Kyrie ou Christe, pour imiter le chant des anges, qui composent [leuf chœurs ; et l'on dit trois fois Kijrie au Père, trois fois Christe au Pils, et trois fois Kyrie au Saint-Esprit, pour adorer également les trois personnes de la très-sainte Trinité.

Kyrie eleison sont deux mots grecs, qui signifient : Seigneur, aies ntié; et il est clair par là que cette prière B. commencé en Orient.

Dans les Constitutions apostoliques, qui contiennent les rits de la plu- part des églises grecques des quatre premiers siècles, on voit que cette 3rière se faisait premièrement pour les catéchumènes (4). Un diacre

riait : « Catéchumènes, priez ; que les fidèles prient pour eux, et qu'ils

lisent Kijrie eleison. » Le diacre récitait tout haut diverses demandes )our les catéchumènes : Qu'il plût à Dieu de les éclairer des lumières le l'Evangile, de les remplir de sa crainte et de son amour, de les dis- )oser au sacrement de la régénération pour les laver de toute tache, ît d'en faire une demeure où il daignât habiter, pour les préserver de out mal. A toutes ces prières, les enfants, qui composaient un chœur, lisaient Kyrie eleison , et tout le peuple répétait ces paroles.

psi sicut lilia dederunt odorem suavitatis {Pœnit., cap. 1, apud d'Achéry, ipicileg . ) .

(1) Epist. S. Gregorii, lib. 7, ep. 64.

(2) Missale Ambres. , 1492, 1548 et 1669.

(3) Ut ei annuat, si vult mutuare numerum lilaniae ( Ordo rom.^ l,p. 9: Paris, ^e crassis in carem,}.

(4) Lib. 8, cap, 6.

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On faisait aussi des prières pour les pénitents. Toute VEglise disait de même pour eux Kyrie eleison; et Ton a retenu dans la suite celle prière pour tous les fidèles. Dans la Conférence entre Pascentius , arien, et saint Augustin, dont Vigile de Tapse est apparemment l'auteur, il est dit que les églises latines gardaient des mots grecs et barbares, atin qu'on invoquât également la divine miséricorde dans les langues étran- gères aussi bien que dans la latine (1).

Cette prière : Aie pitié, qui est le commencement des supplications de la messe, est la plus ancienne (2), la plus commune parmi les nations, et la plus répétée dans l'Evangile (3).

Cette prière a toujours paru si belle et si touchante, que les églises des Gaules, qui ne la disaient pas encore à la messe en 529 , ordon- nèrent , au second Concile de Vaison , qu'on la dirait à l'avenir, non-seu- lement à la messe, mais aussi à matines et à vêpres (4).

Le troisième canon de ce concile nous apprend que cette prière était déjà en usage à Rome, en Italie et dans toutes les provinces d'Orient, au commencement du Vi* siècle ; de sorte que plusieurs auteurs se sont trompés, quand ils ont dit que saint Grégoire l'avait introduite à Rome, | puisque ce saint pape n'a occupé le saint-siége que plus de soixante ans après le Concile de Vaison. Quelques personnes éloignées de Rome s'é- taient trompées sur ce point, au temps même de ce saint pontife. C'est ce qui l'obligea de répondre à des Siciliens qu'il n'avait pris des Grecs ni le Kyrie eleison, ni les autres rits dont on parlait; qu'ils avaient été établis avant lui; qu'il y avait même en ce point de la diffé- rence entre l'usage des Grecs et celui des Romains; que les Grecs chan- taient tous ensemble le Kyrie; que, dans l'Eglise de Rome, les clercs com- mençaient et le peuple répondait ; qu'on y disait Christe eleison autant de fois que Kyrie, ce qui ne se faisait pas ainsi chez les Grecs; et que, dans les messes de chaque jour, c'est-à-dire des jours ouvriers, où Ton omettait diverses prières, on y retenait toujours le Kyrie et le Christe eleison comme une prière qui intéressait davantage tous les fidèles (5)1 ^

(1) Una rogatur ut misereatur a cunctis Latinis et Barbaris unius Dei natura, ut a laudibus Dei' unius, nec ipsa lingua barbara fit uliatenus aliéna. Latins,] enim dicitur : Domine, miserere (S. August., t. 2, app., p. 44).

(2) Isaie, chap, 33, vers. 2; — Baruch, ni, 2.

(3) S. Math., XX, 30; — id., xv, 22; — S. Luc, xvn, 13; — S. Marc, x, 48.

(4) Et quia tam in sede apostolica quam etiam per totas orientales atque ita- licas provincias dulcis et nimium salutaris consuetudo est intromissa , ut Kyrie eleison frequeritius cum grandi affectu et compunctione dicatur, placuit etiai nobis ut in omnibus ecclesiib nostris ista tam sancta consuetudo et ad matuti- num, et ad missas, et ad vesperam Deo propitio intromittatur (canon 3).

(5) Gui ego respondi : Quia in nullo eorum aliam ecclesiam secreti su-

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NOTE 8.

ANTIQUITÉ DU GLORIA IN EXCELSIS. — SON AUTEUR; — DEPUIS QUAND ON LE DIT A LA MESSE.

i. Le Gloria in excelsis a été dit pendant longtemps aux prières pu- bliques et particulières des fidèles, avant qu'on Fait chanté ou récité à la messe. Saint Athanase (1) veut qu'après avoir dit, dès le grand ma- tin , le psaume et le cantique que nous disons encore à laudes , Deus Deus meus et Benedicite, les vierges chrétiennes récitent cette hymne (2) : Gloria in excelsis Deo, etc. Cette même hymne (à quelques variétés près) est tout entière dans les Constitutions apostoliques (3), sous ce titre : Prière du matin, suivant Tusage des églises orientales. Parmi les Latins , on a dit aussi en beaucoup d'églises cette hymne à l'office du matin , du moins le dimanche , depuis un temps immémorial. Elle se trouve dans les Psautiers et dans les anciens livres d'églises écrits en France et en Angleterre depuis neuf ou dix siècles , où on lit en quelques-uns ce titre : Hymne du dimanche à matines, c'est-à-dire laudes (4).

2. Plusieurs auteurs latins (5) ont cru que saint Hilaire était l'auteur de cette hymne. Mais le seul témoignage de saint Athanase, contempo- rain de saint Hilaire , fait voir qu'ils se trompaient , puisque de son temps les femme» d'Orient la savaient communément par cœur. Elle doit être beaucoup plus ancienne , et il y a apparence que c'est une de

mus Kjjrie eleison autem nos neque diximus, neque dicimus sicut a Grœcis

dicitur, quia in Graecis simul omnes dicunt; apud nos autem a clericis dicitur, et a populo respondetur, et totidem vicibus etiam Christe eleison dicitur, quod apud Graecos nullo modo dicitur. In quotidianis autem missis , alia quae dici soient tacemus, tantummodo Kyrie eleison et Christe eleison dicimus, ut in his deprecdtionis vocibus paulo diutius immoremur (lib. 7. , ep. 64).

(1) De Virginitate, vers. fin.

(^) Hymne est un cantique de louange en l'honneur de Dieu : Hymnus ergo tria ista comprehendit, et canticum, et laudem, et Dei... (S. Augustin in ps. 148;

— S. Isidore, Orig., lib. 6, cap. 19;— Platon, lib. 3 De Legibus).—Le Gloria in excelsis est Thymne que les Grecs appellent la grande doxologie, pour la dis- tinguer du Gloria Patri, qui est la petite.

(3) Lib. 7, cap. 47.

(4) Dans Durand, on lit souvent : Mntutinœ laudes, confondant ainsi les deux offices de matines et de laudes, qui constituaient ce qu'on appelait autrefois noc- turne.

(5) Remy d'Auxerre, Expositio Missœ ; — Alcuin, cap. 40 ; — Robert Paululus ;

— Honorius ; —Jean Beleth , etc.

Tome II. 30

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celles que les premiers ûdèles chantaient en l'honneur de Dieu et de Jésus-Christ vrai Dieu. Il est fait mention de ces hymnes dans la lettre de Pline à Trajan (1) , dans Lucien (2) et dans Eusèbe (3) ; et Ton s'en servit, vers la fm du second siècle, pour réfuter Thérésie d'Artemon, qui atla(juait la divinité de Jésus-Christ. On ne doit pas espérer de connaître plus distinctement l'auteur du Gloria in excelsis. Les Pères du quatrième Concile de Tolède ont dit sagement que les premières pa- roles avaient été prononcées par les anges, ce qui Ta fait appeler l'hymne des anges, et que la suite avait été composée par les docteurs de l'Eglise (4).

3. Le Pontifical attribué au pape Damase, ou plutôt le Recueil des Vies des Papes, dont on trouve d'anciens manuscrits qui finissent au temps de Justinien , sont les premiers monuments où l'on voit que le Gloria in excelsis ait été dit à la messe. On y lit (5) que le saint pape Télesphore, qui tenait le siège de Rome vers le milieu du W siècle, ordonna qu'au commencement de la messe de la nuit de Noël on chan- terait l'hymne des anges Gloria, etc. Dans un autre catalogue des pa- pes (6) , aussi bien que dans la Collection d'Anastase (7) , il est dit que le pape Symmaque, vers l'an 500, ordonna qu'on dirait le Gloria in excelsis les dimanches et les fêtes des saints. Depuis ce temps , c'est- à-dire depuis saint Grégoire-le-Grand , le Gloria in excelsis devait être dit les dimanches et les fêtes par les évêques et non par les prêtres. Suivant ce qui est marqué dans les Sacramentaires (8) écrits jusqu'au commencement du XV siècle, « on dit le Gloria in excçlsis les dimanches et les fêtes, quand l'évêque officie, et les prêtres ne le disent que le le jour de Pâques » (9).

(1) Garmenque Ghristo quasi Dec dicere, secum invicem.

(2) Philop.

(3) Hist. eccles., lib. 7, cap. 27 : Sed et psalmi vel cantica ab initio scripta sunt quae a fralribus fidelibus verbum Dei esse Ghristum et Deum , tota hym- norum suorum laude concélébrant.

(4) Reliqua quae ibi sequuntur ecclesiastici doctores composuerunt (cap, 12)

(5) Hic fecit ut... in ingressu sacrificii hymnus diceretur angelicus Gloria in. excelsis Deo , etc., tantum noctu Natalis Domini (Bolland., Catalog. pontif'., in Propyl. ad acta SS. Mali).-

(6) Ibid., p. 74.

(7) De Vif.is Pontificum, p. 33.

(8) Dicitur Gloria in excelsis Deo, si episcopus fuerit tantummodo die domi- nico, sivediebus festis. A presbyteris autem minime dicetur, nisi solo in Pascha.

(9) Cette règle n'était peut-être pas exactement observée; car Remy d'Au- lerrc , vers U fin du IX^ siècle , ne met aucune différence entre Tévéque et le prêtre que sur le Pax vobis, et nullement sur le Gloria in excelsis {Expositio missœ).

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Mais quelques années après Tan 1000, Bernon, abbé de Richenous, s'appliqua à montrer, dans un chapitre exprès (1), que, puisqu'il était permis aux prêtres de dire le Gloria in excelsis le jour de Pâques , il devait à plus forte raison leur être permis de le dire le jour de Noël ; que ce qu'on lisait à la tête des Missels n'était pas une preuve que saint Grégoire eût fait cette défense aux prêtres, puisqu'on ne pouvait la trouver dans aucun de ses ouvrages; et que, pour augmenter les louan- ges de Dieu , on devait leur permettre de le dire tous les dimanches et toutes les fêtes des saints, parce qu'il ne paraît nulle part que cela ait été défendu par les saints Pères.

Le souhait de Bernon avait déjà été prévenu , et il fut généralement accompli bientôt après. Le Gloria in excelsis fut dit par les prêtres. Cela est évident par les Coutumes de Cluny (2), écrites par saint Ulric ; par celles des Chartreux, institués en 1084; et par l'Ordinaire de Mont- Cassin , écrit vers le même temps.

Un fort beau Sacramentaire dé l'église d'Albi, écrit vers l'an 1110, ne met plus de distinction entre les évêques et les prêtres; il marque simplement (3) qu'après le Kyrie eleison on dit le Gloria in excelsis aux jours de fêtes. Le Micrologue dit positivement, vers l'an 1090 (4), qu' « aux fêtes qui ont un office plein , les prêtres aussi bien que les évêques disent le Gloria in excelsis. » — « De sorte, remarque le P. Le- brun (5), qu'on peut dire que l'origine des Chartreux, en 1084, concourt presque avec le temps de la liberté qu'ont eue les prêtres de dire le Gloria in excelsis comme les évêques. » . .

(1) Super haec omnia cum in capite libri Missalis, quando presbyteri roma- ni Gloria in excelsis Deo canere et non canere soleant, legimus, solummodo praetitulatum ; nusquam autem vel a beato papa Gregorio, vel aliquo sanc- torum Patrumnobis iuterdictum puto, quinomni die dominica vel in sancto- rum Natalitii liceat nobis sœpe dictum hymnum canere ad augmentum, tau- dis divinae (Bernon, De Quibusdam rébus ad Missam spectantibus , cap. 2).

(2) Gloria in excelsis Deo nunquam omittitur, nisi in Adventu Domini , et a Septuagebima usque ad Pascha {Spicileg., t. 4, p. 45).

.(3) Ordo qualiter in catholica Ecclesia missa celebretur, in primis Antiphona ad Iritroitum, deinde Kyrie eleison tertio, Christe eleison tertio, Kyrie eleison tertio; postea, Gloria in excelsis Deo diebus festis tantummodo.

(4) Gap. 2.

(5) L. 0. sup., t. 1, p. 171.

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NOTE 9.

DES JUBÉS OU AMBONS.

Jean-Baptiste Thiers et les Ambonoclastes du xvii® siècle.

Ali XVIP siècle, il arriva un jour que non -seulement quelques prê- tres, mais des chapitres entiers, se prirent à trouver fort incommodes et déparant leurs églises , les ambons ou jubés qui avaient si long- temps survécu à l'injure du temps et aux fureurs des hérétiques. Ou- bliant alors les raisons mystiques de l'établissement de ces voiles de sculpture jetés devant l'entrée du sanctuaire, et n'écoutant que la voix de la lettre et de la raison, qui tuent, ces ecclésiastiques entrepri- rent de renverser les jubés et de dégager ainsi, contre toutes les règles de l'Eglise, la vue de ce sanctuaire impénétrable où s'accomplit le mystère le plus consolant et le plus terrible à la fois.

Un homme que ses vertus et ses talents ont rendu vénérable, s'éleva avec une sainte colère contre ce vandalisme sans nom, et, dans un tra- vail très-remarquable (1), stigmatisa à tout jamais les Ambonoclastes, mot qu'il créa dans son indignation, à l'image du terme d'Iconoclastes; l'un signifie briseurs d'ambons ou de jubés, l'autre briseurs des [saintes] images.

C'est ce traité que nous avons analysé et qui nous a fourni la matière d'une note non moins intéressante que celles sur les porches et les autels des églises , en grande partie empruntées aux savantes recher- ches du docte Thiers.

K On confond souvent, en France, les jubés avec les tribunes. Et, dans le vrai, je ne trouve guère d'autre différence entre les uns et les autres,, sinon que les jubés sont de grandes tribunes, et que les tribunes sont de petits jubés (2). »

Les anciens auteurs donnent aux jubés le nom de pupitres, à cause des pupitres ou lutrins qui sont dans les jubés, et qui servent à soutenir les livres dans lequels on lit ou on chante. Le P. Meurisse les appelle « des lectriers, parce que, dit-il (3), ils servaient aux lecteurs. » En Flan- dre, ils ont reçu le nom de doxales, pour trois raisons : 1° parce que les

(1) Dissertation sur les jubés des églises.

(2) Thiers, 1. c, p. 1.

(3) L. 2, Hist. des évêques de Metz, tit. De l'êvêque Godegrand, p. 165.

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ecclésiastiques qui sont dans le chœur les ont à dos en regardant l'autel; 2® parce qu'ils servent comme de tapisseries au bas du chœur, et qu'une tapisserie, dans les auteurs de la basse latinité, s'appelle dorsale, dos- sale et doxale; 3° enfin, du mot grec Aôja, gloire, soit parce que les ju- bés sont des lieux de gloire, par rapport aux cérémonies pompeuses et magnifiques qui s'y font , soit parce que l'on y annonce et y prêche l'Evangile, que saint Paul (i) appelle « V Evangile de la gloire de Dieu souverainement heureux. »

Quoi qu'il en soit, le mot de jubé, celui de tribune et celui de pupitre tirent leur origine du latin. Pupitre vient de pulpitum; tribune, de tri- bunal; jubé est l'impératif du verbe jubeo, et le commencement de la soumission que les diacres et les lecteurs rendent aux évêques ou aux prêtres, en leur demandant leur bénédiction avant que de chanter l'é- vangile et les autres leçons de l'office divin au pupitre : Jubé domne be- nedicere.

En outre , les Latins ont donné une foule de noms aux jubés : pluteus et pluteum, lectricium, lectorium et legitorium, analogius et analogium, exedra, suggestus, suggestum, dicterium et auditorium, ostensorium, absis ou absida, pyrgus , tous mots synonymes de jubé. Mais le nom le plus ordinaire est celui à'ambon, qui vient du grec afxSwv, un lieu élevé, un lieu où l'on monte, selon Onufre Panvin (2), Scaliger (3), Casau- bon(4), Saumaise (5), Hospinien (6), Vossius (7), etc.

Les anciens jubés n'avaient pas tous la même situation qu'ont au- jourd'hui nos chaires à prêcher, comme quelques savants se le sont imaginé. Il y avait sept situations différentes des jubés, sans parler de ceux qu'on appelait gloria, A6^a, en certains lieux :

1° Entre le clergé et le peuple, c'est-à-dire vers le milieu de l'église, dans un lieu élevé;

2° Hors le chœur des églises ;

3" Il y avait quelquefois deux jubés dans le milieu de l'église;

4^ Certains jubés étaient du côté de l'évangile , d'autres du côté de l'épître, et tous deux dans la nef;

5** On les plaçait d'ordinaire comme ceux que nous voyons encore au- jourd'hui;

(1) I ad Timoth., cap. 1, vers. 11.

(2) In interpret. vocum ecclesiast., etc.

(3) Gonjectan. in Varr.

(4) Animadv. in Athen.

(5) Exercitat. ad Sohn.

(6) L. 2, De Origin. et progress. TempL, cap. 3.

(7) In etymol. ling. latin. (V. Ambo).

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60 Les Grecs les placent indifféremment à droite ou à gauche;

7° Enfin, il y en avait (jui, au lieu de masquer Tenlrée du chœur, la laissaient découverte et s'étendaient des deux côtés du chœur, parallèles à Taulel, dans la nef.

On donnait le nom de gloria à des tribunes établies au-dessus du grand portail de certaines églises, à Textérieur, parce qu'on y chantait tous les ans Gloria , laus et honor, etc., au retour de la procession du di- manche des Rameaux.

On donnait, chez les Grecs, le nom de solea (I) à l'espace compris sous la voûte du jubé, formant une espèce de porche ou vestibule à rentrée du chœur.

11 y avait des jubés de différentes matières et de différentes formes, comme de différentes situations.

De différentes matières, comme de bois, de marbre, de pierre, etc. Les formes des jubés varient selon leurs situations. Les uns ont quatre escaliers, les autres deux, d'autres enfin n'en ont qu'un. « Pour être réguliers, dit Thiers, ils doivent en avoir deux, l'un tourné vers l'o- rient, l'autre vers l'occident. » Les anciens jubés n'étaient pas si petits que quelques auteurs (2) l'ont cru. Celui de Sainte-Sophie, de Constanti- nople, entre autres, était d'une grandeur considérable (3). 11 y avait même des autels dans certains jubés, comme dans celui de Lyon. Il y avait, selon le Père Cabassoût (4), ordinairement quatre portes dans les jubés: deux du côté de la nef, qu'on appelait les belles portes, et deux du côté du chœur, qu'on nommait les portes saintes. Mais il est plus vraisemblable de dire que les jubés avaient autant de portes que d'es- caliers : une pour un , deux pour deux. Malgré la multiplicité des lu- trins qu'on trouve dans quelques anciens jubés, deux suffisent pour tout ce qu'on doit y chanter. Ainsi , un pupitre pour les leçons de matines, l'épître, le graduel, l'a/Ze/wm, le trait, etc.; l'autre, plus grand et plus élevé, pour l'évangile.

On prêchait autrefois dans les jubés des églises , tant en Orient qu'en Occident. On y prêchait encore en certaines églises au XVll® siècle. Cela n'empêchait pas qu'anciennement on ne prêchât ailleurs. Les chaires uniquement destinées à là prédication ne paraissent pas plus anciennes

(1) Du Gange, in Descript. S. Soph., n» 74 ; -7 Habert, Nota raargin. ad part. 9 liturg. ord., p. 179; —le P. Goar., Net. in ord. sacri mmist., p. 18.

(2) Arcudius, Hb. 6 De Concord., cap. 2; — le Père Morin, 1. 6 De Pœnit., c. 1, n» 9; — de Merbes, Sum. Christ., t. 2, dissert. 4 de Pœnit., q. 74.

(3) J. Gantacuzène, 1. 1 Hist., c. 41 ; — Godin, De Officiai., GP., c. 17.

(4) Not. Concil. diatri. De vet. eccles. situ, part, et forma.

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que le XIIl^ siècle , quoiqu'elles soient ordinairement plus commodes pour prêcher que les jubés.

Les jubés étaient les lieux d'où l'on annonçait aux fidèles tout ce qu'ils avaient intérêt de savoir. C'est de là qu'on leur déclarait les jeû- nes qu'ils devaient garder, les veilles qu'ils devaient célébrer et la fête de Pâques. On leur annonçait cette grande fête, ou vers Noël, ou le jour des Rois. Cela se pratiquait encore ou XVII® siècle, à Milan, à Paris et ailleurs. On annonçait aussi ce jour-là, en quantité d'églises, le com- mencement du Carême et les fêtes mobiles. Toutes ces proclamations faites dans les jubés nous semblent la réalisation mystique de cette pa- role de l'Ecriture : ce 11 est bon de garder le secret du roi, dit Jésu, fils de Sirach ; mais, pour ce qui est du secret de Dieu, montez sur les toits et proclamez-le hautement.

Anciennement, l'on lisait dans les jubés des lettres de paix ou de communion. Les évêques s'envoyaient autrefois les uns aux autres des lettres de paix (litteras paci/îcas, irenicas), pour marquer l'union qui était entre eux dans les matières de la foi , et pour faire connaître aux fidèles les prélats et les peuples avec lesquels ils pouvaient sûrement avoir communication. On a beaucoup d'exemples de ces lettres dans l'antiquité. Toutes celles de saint Paul , à la réserve d'une seule (celle aux Hébreux) , étaient de cette sorte. Selon de l'Aubespine (1), on les lisait publiquement dans l'église , pour deux raisons :

« L'une, pour nourrir et entretenir la paix et l'union de Jésus-Christ par toute la terre , et pour assembler toutes les églises. Et, pour mieux faire entendre cet effet et cette raison, tous les fidèles, en quelque lieu de la terre qu'ils habitassent et qu'ils habitent, doivent être unis ensemble et composer un corps, qui est l'Eglise et l'Epouse de Jésus-Christ. Or, tout ainsi que les membres des corps naturels sont liés ensemble et sont unis par une union et une liaison extérieure de muscles, de tendons et de nerfs, et par une union intérieure produite par la chaleur et par les esprits vitaux et par les esprits animaux, ainsi ce corps de l'Eglise est lié et entretenu par deux unions , l'une invisible et spirituelle , l'autre exté- rieure et corporelle. Et, de rechef, tout ainsi qu'il faut nourrir les cho- ses qui entretiennent et qui unissent les membres des corps naturels, de même aussi faut-il entretenir et nourrir les unions des membres du corps de l'Eglise ; autrement la division pourrait s'y mettre et y appor- ter quelque altercation. C'était en cela que les évêques, anciennement, mettaient tout leur soin et toute leur diligence. Mais, parce qu'ils nepou-

(1) L. 2, De l'ancienne police de l'Eglise, etc., c. H.

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vaicnt pas communier et faire des actes d'union et d'incorporation ac- tuelle avec ceux qui étaient en des provinces très-éloignces, par les baisers de paix, par les salutations, parles eulo{^ies, parla synaxe et par les au- tres moyens par lesquels on pouvait entretenir Talliance et l'union vi- sible et invisible avec Jésus-Christ et avec son Eglise, comme ils fai- saient entre les présents; comme aussi, parce qu'ils ne pouvaient pas s'unir et s'incorporer avec eux par les eulogies ou par l'eucharistie, comme ils faisaient avec ceux qui étaient peu éloignés , d'autant que sacramenta non sunt longe portanda, comme saint Innocent a ordonné sur ce sujet; et aussi parce que, par le concile de Laodicée, il fut défendu d'envoyer l'eucharistie pour exercer ces communions, ces anciens se ser- vaient de lettres dans les(juelles ils envoyaient la paix et la salutation de notre Seigneur, par le moyen desquelles ils exerçaient les actes de com- munion, et s'unissaient et s'entretenaient en union avec les provinces et les peuples les plus éloignés. Ces lettres donc, qui servaient à cet effet, de faire jouir un diocèse entier avec un autre ou un particulier avec un autre particulier, de l'union qui doit être entre les membres d'un même corps , se lisaient à la messe comme au lieu et en l'occasion la plus propre et la plus commode pour cet effet.

« La seconde raison était pour les instruire aux choses de la foi et pour les animer à la piété. Car ces lettres étaient ou pleines de doctrine, ou elles contenaient la mort de quelque martyr et l'action de quelque grand serviteur de Dieu. De là est sortie la coutume des leçons de ma- tines. Car tout ce qui se fait à l'église, aux heures dés prières , se rap- porte, autant qu'il peut, à la messe, comme à la base et au fondement de toutes les prières , et comme à la principale action et au principal devoir que les chrétiens rendent à Dieu. »

On lisait dans les jubés les actes des martyrs dont on célébrait la mé- moire. L'Eglise en usait de la sorte, principalement afin d'instruire les fidèles et de les porter à l'imitation des saints dont ils entendaient lire les actes , qui leur tenaient lieu de miroir et d'exemple tout ensemble , et qui étaient comme un assaisonnement de leur vie sur la terre, pour nous servir des termes de saint Bernard (1) : [Sunt in spéculum et exem- plum , ac quocldam veluti condimentum vitœ hominum super terram.] C'est de là que vint la coutume de lire à matines les Vies des saints. François Bernardin croit aussi que c'est de là qu'est venue la coutume de lire le Martyrologe dans le chœur des églises, après prime; mais cela n'est pas vraisemblable. On ne sait pas précisément quand on a commencé

(1) Prolog, in Vita S. Malach.

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de lire le Martyrologe, soit dans les chapitres des chanoines et des moi- nes, soit dans le chœur des églises. On le lisait avant le temps de Louis-le-Débonnaire , selon le Père Ménard (1).

On publiait dans les jubés les nouveaux miracles qui pouvaient servira rédiûcation des fidèles. Les nouveaux baptisés et les nouveaux convertis y faisaient aussi leur profession de foi. L'exemple du célèbre rhéteur Victo- rin est trop beau , pour que nous ne le rapportions pas ici , d'après saint Augustin (2) : « Simplicien, dit ce grand docteur, me raconta comme Vic_ torin, ce savant vieillard, qui excellait dans toutes les belles sciences, qui avait lu tant de livres des philosophes, qui en avait porté des jugements si solides, qui les avait éclaircis par les lumières de son esprit, qui était le maître fameux de tant de sénateurs illustres; qui, par la haute répu- tation que ses leçons publiques lui avaient acquise, avait mérité qu'on lui élevât une statue dans la principale place de Rome, ce que les hom- mes du siècle tiennent à si grand honneur, et qui jusqu'alors avait adoré les idoles et participé à ces mystères sacrilèges, pour lesquels toute la noblesse et tout le peuple, à la réserve d'un très-petit nombre, avaient alors une si violente passion, qu'ils mettaient même au nom- bre des dieux l'aboyeur Anubis et ces autres monstres qui avaient au- trefois tenu le parti des Romains contre Neptune , Vénus et Minerve, et auxquels néanmoins Rome faisait des sacrifices après les avoir vaincus. Il me racontait, dis-je, comme ce même Victorin, qui ayait défendu durant tant d'années ces divinités abominables avec une bouche qui ne respirait que la terre, n'avait point de honte, en sa vieillesse, de s'assu- jettir comme un enfant à la puissance de Jésus-Christ, d'être lavé comme un enfant dans les eaux salutaires du baptême , de soumettre sa tête altièreà l'humble joug de l'Evangile, et d'abaisser son front superbe sous les opprobres de la croix.

« Grand Dieu, qui avez abaissé lescieux et en êtes descendu, qui avez frappé les montagnes et les avez embrasées! par quelle douceur et quels attraits êtes- vous entré dans cette ame et vous en êtes-vous rendu le maître? Il lisait avec attention, à ce que rapportait Simplicien, la sainte Ecriture et tous les livres des chrétiens qu'il pouvait trouver, et s'efforçait, avec un extrême soin, d'en pénétrer l'intelligence; puis il disait à Simplicien, non pas devant le monde, mais en particulier et en secret, comme à son ami : Sachez que maintenant je suis chrétien. A quoi il lui répondit : Je n'en croirai rien , et je ne vous considérerai

(1) Not. ad libr. Sacram. S. Grég., p. 208.

(2) L. 8 Confess. , c. 2.

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point comme tel, jusqifà ce que je vous voie dans TEglise de Jésus- Christ. Victori» se moquait de cette réponse, et disait : Sont-ce donc les murailles qui font les chrétiens? et, lui répétant souvent <pril était chrétien, Simplicien repartait toujours la même chose, et Victorin con- tinuait toujours à s'en mo(iuer et à parler avec raillerie de ces mu- railles; car il craignait de déplaire à ses amis, qui étaient de superhes adorateurs des démons, et il jugeait que leur haine, fondant sur lui du haut de ce comble des dignités temporelles où ils étaient élevés, dans cette puissante Babylone, comme des cèdres du Liban (lue la main du Seigneur n'avait point encore brisés, elle serait capable de Taccabler.

(c Mais, lorsqu'en lisant et en priant avec ardeur, il se fut rendu plus fort dans'la foi, il appréhenda d'être désavoué par Jésus-Christ en pré- sence de ses saints anges, s'il craignait de le confesser à la vue des hommes, et il connut qu'il se fût rendu coupable d'un très-grand crime s'il eût rougi de faire une profession publique des mystères sacrés dans lesquels votre Verbe s'est humilié, lui qui n'avait pas rougi de révérer publiquement les mystères abominables et sacrilèges des démons su- perbes, auxquels il avait ajouté foi en se rendant leur superbe imita- teur. Ainsi, ayant une sainte honte de trahir la vérité, il perdit cette malheureuse honte qu'il avait d'abandonner le mensonge, et tout d'un coup, lorsque Simplicien y pensait le moins, il lui dit : Allons à l'église, car je veux être chrétien. Simplicien, transporté de joie, l'y accompa- gne à l'heure même; et aussitôt qu'il eut été instruit dans les principes de notre religion, il lui donna son nom pour être ^crit avec ceux qui devaient être régénérés en Jésus-Christ par les eaux sacrées du baptême. Rome fut remplie d'étonnement , et l'Eglise de réjouissance. Les su- perbes entraient en fureur, ils frémissaient de rage, et ils séchaient de dépit- mais votre serviteur, mon Dieu, mettait toute son espérance en vous,' et ne considérait plus ni les vanités ni les folies trompeuses du

siècle.

« Lorsque l'heure fut venue de faire la profession de foi que ceux qui doivent être baptisés ont accoutumé de rendre à Rome, en certains ter- mes qu'ils apprennent par cœur et qu'ils prononcent d'un lieu éminent, en présence de tous les fidèles , les prêtres proposèrent à Victorin de faire cette action en secret, ainsi que c'était la coutume de le proposer a ceux que l'on jugeait pouvoir être touchés de crainte par une pudeur et une timidité naturelles. Mais il aima mieux faire cette action en pu- blic qu'en particulier, et, certes! avec grande raison : car, s'il n'avait pas craint d'enseigner publiquement l'éloquence, dont il ne pouvait tirer aucun bien véritable pour son ame, ni d'avoir une troupe de païens et

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d'insensés pour témoins de ses discours et de ses paroles , à combien plus forte raison devait-il faire une profession publique de la religion scilutaire quMl embrassait, et ne pas craindre vos humbles enfants lors- qu'il prononcerait votre parole dans votre Eglise!

« Lors donc qu'il fut monté au jubé pour faire sa profession de foi, tous ceux qui le connaissaient commencèrent à le nommer avec un bruit confus de réjouissance (et y avait-il là quelqu'un qui ne le connût '^j On entendit ce mot de Victorin sortir avec joie, comme une voix sourde de la bouche des assistants. L'extrême contentement de le voir excita ce soudam murmure, et le désir de l'entendre parler le fit cesser aus- sitôt. II récita le symbole avec une assurance merveilleuse. Tous les fidèles qui étaient présents eussent voulu comme l'enlever pour le mettre dans le fond de leur cœur; et ils l'enlevaient, en effet, en l'ai- mant et en se réjouissant de la grâce particulière que Dieu lui faisait. Leur joie et leur amour étaient comme les deux mains avec lesquelles ils l'embrassaient et l'emportaient, en quelque façon, dans eux-mêmes, par une douce et sainte violence. »

, On dénonçait les excommuniés dans les jubés, et on y fulminait les excommunications. On récitait dans les jubés les prières appelées Ataxovtxà, et quelques autres encore, ou pour tous les fidèles en géné- ral, ou pour quelques-uns d'eux en particuher. Les diacres qui étaient dans les jubés les en avertissaient. Encore au XVIP siècle, dans l'église de Milan, le diacre, étant au jubé, faisait faire silence avant la lecture de l'évangile. La lecture des dyptiques avait souvent lieu dans les jubés. Selon une homélie de saint Jean Chrysostôme, c'était le diacre qui, étant au jubé, criait aux fidèles à haute voix, avant la communion : Sancta sanctis, « Les choses saintes sont pour les saints. »

« Le diacre, dit ce grand docteur (1) , crie à haute voix, appelant les saints à cette table, et se rendant par cette parole comme un censeur exact de toutes les âmes , afin que personne ne s'en approche sans être bien préparé. Car, comme dans un troupeau de brebis dont il y en a plusieurs qui sont saines et plusieurs qui sont malades, il faut néces- sairement séparer les saines de celles qui ne le sont pas : aussi, d'autant qu il y a dans l'Eglise des brebis saines et des brebis malades, le diacre faisant retentir de toutes parts cette épouvantable voix, sépare les unes d avec les autres , appelant les justes , les amenant avec lui à cette ta- ble. Et parce qu'il est impossible que l'homme sache ce qui est dans le cœur de son prochain, selon ce que l'Ecriture dit : Quel est l'homme

(1) Homil. 17, in c. 10, epist. ad Hebr.

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qui sait ce qui est dans riiomme , sinon l'esprit de Thomme qui est dans lui-môme? il élève sa voix de la sorte à la fin du sacrilice, afin que personne ne s'approche témérairement de cette fontaine spirituelle. Car, pour user encore du môme exemple que je viens de rapporter, comme dans un troupeau le berger enferme en un lieu obscur les brebis qui sont malades, leur donne une nourriture particulière, ne les laisse point aller au grand air, ni paître les herbes toutes pures, ni sortir de la bergerie pour aller boire à une fontaine; de ihôme, cette voix du diacre est dans TEglise comme un lien qui doit retenir tout le monde. Ainsi vous n'avez plus lieu de dire : J'ignorais cette vérité , je ne savais pas le grand péril qui accompagne cette action. Et, certes! saint Paul nous le témoigne encore d'une bien haute manière. Que si vous me dites que vous ne l'avez pas lu, je vous réponds que c'est ce qui vous condamne, au lieu de vous défendre. Vous venez tous les jours dans l'église, et cependant vous ignorez encore ces choses. Mais, afin que vous ne puissiez pas même vous couvrir de ce prétexte, le diacre se tient debout en un lieu éminent , et , levant la main en haut comme les héraults qui portent la parole des princes, élevant sa voix avec un cri épouvantable, la faisant retentir dans ce profond silence qui imprime tout ensemble le respect et la crainte, le diacre, dis-je, appelle les uns et rejette les autres, quoiqu'il ne fasse cette séparation avec la main, sa langue le faisant plus puissamment que ne le ferait sa main même. Car le bruit de cette voix, venant frapper nos oreilles, est comme une main qui repousse les uns, qui amène et conduit les autres à cette table sainte. Mais je vous prie de considérer ce que je m'en vais vous dire. N'est-il pas vrai que dans les jeux olympiques il y a un hérault qui , se présentant devant tout le monde , crie à haute voix : Que si quelqu'un peut accuser en quelque chose l'un des com- battants, s'il sait qu'il est esclave, ou qu'il est voleur, ou qu'il est dé- réglé et corrompu dans sa vie , qu'il le vienne dire ? Cependant il ne s'agit point dans ces combats du règlement de l'ame ni .des mœurs, mais seulement de la force et de l'adresse du corps. Que si on a tant de soin d'examiner les volontés lorsqu'il ne s'agit que d'exercer les corps , combien en doit-on plus avoir dans ce lieu où l'ame doit com- battre toute seule! Nous avons aussi parmi nous un hérault qui paraît devant le monde, qui ne va pas prendre les hommes par quelque chose d'extérieur pour les produire ainsi en public , mais qui les prend par le fond de la conscience et par l'ame môme ; qui ne leur oppose point des accusateurs étrangers, mais qui les oppose eux-mêmes à eux-mê- mes. Il ne dit pas : Si l'on accuse une telle personne, mais : Si quel-

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qu'un s'accuse soi-même. Car, lorsqu'il prononce publiquement ces paroles : Les choses saintes sont pour les saints, c'est autant que s'il di- sait : Si quelqu'un n'est pas saint, qu'il ne s'approche point de cette table. Il ne dit pas seulement : Si quelqu'un n'est pas purgé de ses péchés, mais s'il n'est pas saint. Car ce n'est pas la simple ré- mission des péchés qui rend un homme saint, mais la présence du Saint-Esprit dans son ame et une abondance de bonnes œuvres, comme s'il disait : Je ne veux pas seulement que vous vous soyez retirés de la fange et de la boue, mais qu'on voie reluire en vous une blancheur et une beauté particulières. Car si le roi de Babylone, choisissant parmi les captifs quelques jeunes hommes pour s'approcher de lui, n'en prit point qui ne fussent bien faits et beaux de visage, comme le re- marque l'Ecriture, combien sommes-nous plus obhgés, lorsque nous approchons de cette table royale, d'être beaux intérieurement, d'être braves et magnifiquement parés , d'avoir une robe toute blanche et toute pure, de porter une chaussure vraiment royale, d'avoir une grâce et une beauté qui reluise sur le visage invisible de l'ame , d'être tout couverts d'ornements où l'or éclate, et de porter la ceinture de vé- rité dont parle l'Ecriture-Sainte ! Que ceux qui sont dans cet état s'a- vancent pour avoir l'honneur de boire en la coupe royale. Mais si quel- qu'un ne craint point de s'approcher de la table du roi, étant couvert de haillons, étant sale, maigre et défiguré, considérez combien il en sera puni sévèrement ! » . '-

Les diacres, étant dans le jubé, mettaient autrefois les catéchumènes hors de l'Eglise. L'élection et l'intronisation des évêques se publiaient au- trefois dans les jubés. L'installation et la prise de possession des arche- vêques de Paris s'y publiaient encore au XVIP siècle. Charlemagne (i) voulait qu'on y lût ses ordonnances touchant l'émancipation des escla- ves qui devaient être promus aux ordres sacrés. Les empereurs d'Orient étaient autrefois couronnés dans le jubé de la grande église de Cons- tantinople. Nos rois très-chrétiens étaient intronisés dans le jubé de l'é- glise métropolitame de Reims, le jour de leur sacre.

Les jubés servaient à marquer la place des pénitents publics du troi- sième et du quatrième degrés. Le lieu appelé solea était situé entre la place des pénitents du dernier degré et le sanctuaire, a Dans les jubés de certaines églises, dit Thiers (2), on fait l'absoute le mercredi des Cen- dres et le Jeudi saint. On y repose le saint Sacrement; on l'y réserve le

(1) L. 1, Cdpitular., art. 88.

(2) Lgc. cit., cap. 18, p. 120 à 125.

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Jeudi saint ; on y dit la messe ; on y expose des reliques des saints; on y bénit les rameaux, les cierges le jour de la Purification, et les cendres. Dans le jubé de Téglise de Beauvais, on lit en Carême une leçon tirée de roffice au commencement de complics. A Saint-Jcan-de-Latran, on fait la bénédiction du cierge pascal le Samedi saint, dans un jubé por- tatif. » . j 1 • 1 ' ri •

Les chantres chantaient et les lecteurs lisaient dans lesjubes. Quoi- que les fonctions des chantres fussent diflerentes de celles des lecteurs, une même personne était souvent chantre et lecteur tout ensemble. Les lecteurs ont été particulièrement établis pour lire rEcriturc-Sainte dans les jubés. La manière de lire VEcriture-Sainte dans les jubés peut être venue de ce que fit Esdras en la lisant au peuple sur un degré de bois. Les chantres chantaient dans les jubés les psaumes et les hymnes. Us y chantaient plus de psaumes en Orient qu'en Occident, et ils n'y chan- taient pas V Introït de la messe, en Occident.

L'épître se chantait autrefois dans les jubés, aux principales fêtes de Tannée. Elle ne s'y chantait pas ordinairement aux messes des morts. Elle s'y devait chanter sur un pupitre plus bas que celui sur lequel on y devait chanter l'évangile. Le graduel, Valleluia et le trait se chantaient dans les jubés de quantité d'églises, aux fêtes et aux dimanches. Le graduel et le trait s'y chantaient même, en quelques-unes, aux messes des morts. Le graduel est ainsi appelé, parce qu'il se chante sur les de- grés, a rjradibus (i). Mais quels sont ces degrés? S'agit-il ici de ceux de l'autel ou de ceux du jubé?

Beleth (2) prétend que ce sont les uns et les autres , mais en di- vers temps, et que le graduel se doit chanter sur les degrés devant l'au- tel, les jours de fériés : Quod in gradibus ante altare diebus profestis cani soleat; et au jubé, les jours de fêtes : In solemnitatibus vero, in altiori- bus, hoc est inpulpito.

Mais Uhenanus (3) dit avec plus de justesse que c'est parce qu'il se chante dans le temps que le diacre monte les degrés du jubé pour chan- ter l'évangile : Graduale succinebatur dum minister ascendit in locum edi- tioremadlronuntiandum evangelium. a On doil chanter le graduel sur le lutrin où l'on chante l'épître, à moins qu'il n'y en ait un exprès pour cela. On devrait aussi y chanter les proses, ipuïsquc Valleluia s'y chante. Il est contre l'institution des proses, qui sont des chants de joie et d'alle-

(1) Gassander, cap. ^l, Liturg.

(2) In Explicat. divin, offic, c. 38.

(3) Annotât, in lib. Tertull. De coron, milit.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 479

Consuntinople, qui Lit dans ï y .S^r" ^^' :""'^ '* jubé représente la pierre qui él-.it a1 ,T "^ *"'"' '^" •ï"<= '« 

que range renversa'avanV; n Le -T r V" ""' ^'^P"'" «' aux femmes qui portaient des 2 < '^'^^""•'=^""" ^u Fils de Dieu

qui lit l'évangile, ai un ces rf"; '"" '"' '"^'^ '" '«^"^■■'= tendard sur une Z2ln^ 1 ' f ' ^ ^^P^"^ '^^'^ ^ « Levez Vé-

rEvangiie.sio„,e~L":oî:r':;3r""^' ^°"^ '"* -~ cremen;::t^":i:;ïr ïetr ^'"'T"' ^^- -^-"«-^" Sa-

parce qu'il est commandéVcë, i "" '*"'" '■'^™"8"e au jubé,

^e monter, et quersaintso rpo" le "^"'^ '^'^ ^ «- d'avancer vers Dieu dans cette val e de . """' ""'^'"'

, leur a donné sa gloire dans 1 ^^ " \ f™!^ " "" '^" ""'^ "'^" sur la ferre. Aussi faut-il nnhi;. . '""' ""emoire heureuse

la vue de tout le m nde al V 'T T'" "^"^ "" ^^ <^'-« «' * ■ sèment à leur im"aU„n . '*' '" "'^"^^'^ '«-^^'"-^ généreu-

principales (4) : ^ ^^"^^^ conclut huit choses

en quelque façon esTropié" ' ' °" ""' '" -^^"^«^ ""P-f^"^^ et

crerpaTiLrin^rs^rpirjfrr; '-"'- '^^ ^--^^ •>-

des autres écrivains ecclésiastiques ^ ' ' '^'"'^ " <='

nietim?o:tat:::r ;:;:;f '^^ "'^^^' -- -'---^^ ^- ^^^^-o.

dimmue, par conséquent, le culte de Dieu.

<*' T'>i!':s, I. cit.. cap. 23. ',,•' '" Theor. rerum eccles.

3 De observanda in missa célébrât. W V. loc. eu., cap. 26, 27, 28, 29, SO, 31, 32 et 33.

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r Qu'en abattant les jubés, on anéantit les raisons des cérémonies qui

s'y font

8« Qu'en renversant les jubés, Ton renverse l'ordre de l'Eglise, et l'on

scandalise les catholiques et les hérétiques.

On peut lire avec intérêt , dans le savant Tra.te de J.-B. Th ers les raisons pleines de force par lesquelles le docte théologien défend son opinion, et les .autorités si respectables sur lesquelles se fonde sa colère contre les ambonoclastes.

Et pourquoi cette manie, au XV11= siècle, au XVUl» et au commen- cement du XIV siècles , de renverser les jubés ? Quels motifs assez puis- sants purent porter des hommes respectables à anéantir ces monu- ments' Hélas! des raisons purement de commodité et de nouveauté, que l'on peut réduire à trois seulement : débarrasser l'entrée du chœur ; éclairer cette partie, impénétrable jusque là, du sanctuaire; enfin, ren- verser ce qu'on appelait du nom de constructions gothiques et lourdes.

Mais cette nouveauté introduite dans l'Eglise nous semble être ce le que saint Bernard (l) nous représente comme la mère delà temerite, ( la sœur de la superstition, la fille de l'inconstance : Novitas muter terne- ritatis, soror superstitionis , filia levitatis. On dira peut-être : « Mais ce n'est qu'une petite observance que nous détruisons en abattant les ^

jubés ! )) r. 1 • • f

Rappelons-nous alors cette parole', de l'Evangile (2) : « Celui qui est infidèle et injuste dans les petites choses, sera infidèle et injuste aussi dans les grandes. » - « Les petites choses, dit admirablement saint Au- gustin (3), sont petites, à la vérité ; mais c'est une grande chose quede- tre fidèle dans les plus petites. »

Tel était en peu de mots, le raisonnement de Thiers. Sans doute les reproches du pieux curé ne s'adressent plus dans la même proportion a notre époque, car, loin d'abattre le peu de jubés qu'à laisses debout la main des vandales , nous les réparons avec soin et nous les regardons avec justice comme de magnifiques monuments de l'art chez nos pères Mais ne semble-t-il pas, cependant, que nous ayons oublie quelle etai leur destination et leur sens mystique, puisque l'on n'y \°" Pl"f '.'i';^^ les cérémonies qui jadis attestaient, par leur multiplicité , 1 utilité cette construction jetéecomme un mur entre les fidèles et l'autel, comme un voile placé entre le Créateur et les créatures?

(1) Epist. 174 ad Canonic. Lugdun.

(2) S. Luc, ivi, 10.

(3) L. 4DeDoctrin. Clirist., cap. 18.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 481

Thiers conclut, enfin, en disant « que la faute des ambonoclastes n est pas irréparable, mais qu'ils ne la peuvent réparer qu'en rétablis- sant des jubés aux lieux de ceux qu'ils ont démolis, ce qu'ils peuvent fan-e en trois manières >. (1) qu'on nous dispensera d'indiquer ici car elles ne sont pas très-conformes aux saines doctrines de l'archéoloRie qu'ignorait, du reste, le XV11« siècle. '

Quels furent les fruits de ce conseil? A peu près nuls. Pourquoi non contents de conserver les jubés épargnés par les hommes ou par le temps n en élevons-nous pas dans les églises dites gothiques qu'on batU de nos jours? N'est-ce pas parce que, d'abord , la construction des édifices religieux est abandonnée à des hommes qui n'ont de chrétien que le nom ou bien à des hérétiques, et, ensuite, parce que nous avons tellement perdu même l'habitude de voir les jubés dans nos temples que leur reediflcation paraîtrait une nouveauté aussi peu nécessaire qu incommode au plus grand nombre des fidèles?

NOTE 10.

NOTIONS HISTORIQUES SUR LE SYMBOLE DE LA FOI.

i.Le Symbole des Apôtres. - Le Credo est l'abrégé de la doctrine chrétienne, et U s'appelle le Symbole des apôtres, le Symbole de la foi Le mot de symbole signifie un signe duquel on convient pour distinguer une chose avec une autre. Dans l'armée, le mot d'ordre est un svm-

davec ceux qui ne 1 étaient pas (2). De là est venue cette ancienne n^aniere de parler : « Donne le signe du chrétien, dis le Symbole'ls) 1 est nomme pour ce sujet le Symbole de la foi ou des chrétiens- ei j est aussi appelé le Symbole des apôtres , parce qu'il vient d'eux. C'est

1 symbole qu'on récite plusieurs fois chaque our dans les prière 1 ny en eut point d'autre pendant les trois premiers siècle S. Le^ h etiens 1 apprenaient par cœur et ne l'écrivaient pas (5) , de peur de le faire connaître aux Gentils. f ( ; . t= peur ae

/ïl D ■f!?"' ""■; " ""'""" «^P- '4 '3t dernier. S. AuguS,';:'^"*"' '■ - '• ""™^ "' Turin,,e.;„o 3 in trad. Symbol, -

(3) Dasignum,dasymboIum.

(4) In ea régula incedimns (Tertullien, De Prœso.ipt )

(0) S. Jérôme, ep. a, Pammach. ; -Rumn;-S. iugustin, etc. Tome II.

31

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482 RATIONAL

2. Le Symbole de iVîcée. — Mais aulV« siècle, lorsqu'Arius eut attaqué la divinité du Verbe, les Pères du premier Concile général tenu à Nicée en 325 , pour faire rejeter Thérésie arienne , expliquèrent et étendirent le second article du Symbole des apôtres, touchant le Fils , et dressè- rent le symbole qui finit par ces paroles : Et in Spiritum sanctum (1).

3. Le Symbole de Constantinople. — Peu de temps après , Macédo- nius, évêque de Constantinople , attaqua la divinité du Saint-Esprit: ce qui obligea les Pères du second Concile général, en 381, d^expliquer Particle Et in Spiritum sanctum, et de faire plusieurs additions au Symbole de Nicée ; et c'est ce qui a formé un troisième symbole, qui de- vrait, ce semble, être toujours nommé le Symbole de Constantinople. Cependant on le nomme souvent, depuis le Vl« siècle, le Symbole de Nicée , à cause qu'il le renferme entièrement et qu'il n'en est qu'une

extension.

4. Le Symbole de saint Athanase, — En(\ , depuis les hérésies qui atta- quèrent l'essence et les propriétés de l'humaïiité de Jésus-Christ, quel- que saint et savant auteur inconnu fit un quatrième symbole plus étendu que tous les autres, qui fut trouvé sibeau, qu'on l'attribua à saint Athanase, le plus illustre des défenseurs de la foi. Ce symbole se trouve écrit et cité depuis le VIP siècle. Théodulphe, évêque d'Orléans , vers l'an 800, l'expliqua, et Ahyton, évêque de Bâle, qui lui était contem- porain, prescrivit aux clercs de le dire à prime. On voit aussi, dans plusieurs auteurs (2) , qu'au XIP siècle on le récitait tous les jours à prime dans la plupart des églises. Ratherius, évêque de Vérone vers l'an 930, voulait que les prêtres de son diocèse sussent par cœur le Symbole des apôtres, celui qu'on dit à la messe, et celui qui est attribué à saint Athanase (3).

A l'égard de la messe, on n'y a point récité de symbole durant les cinq premiers siècles. Cela, en effet, ne paraissait convenir ni aux catéchu- mènes, à qui on ne voulait faire connaître le symbole que peu de jours avant leur baptême, ni aux fidèles, qui étaient censés bien instruits des vérités de la foi lorsqu'ils assistaient au saint sacrifice.

Mais Théodore-le-Lecteur nous apprend (4) que, les erreurs des macé- doniens faisant quelques progrès, Timothée , évêque de Constantinople,

(1) Ap. Alhanas., Decr. Nie. syn., 1. 1, p. 239; -Socrate, lib. 1, cap. 5 ; — Théodoret, lib. 1, cap. 12.

(2) Honorius, Gemma animœ, lib. 2, cap. 59 ; — Jean Beleth, Divin. Of/ic.,

caput. 11.

(3) Sijnodic, t. 2, Spicil., et t. 9 de la Collection des Conciles, col. 1268.

(A) Lib. 2, Collectam,

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 483

ordonna en S 10, de réciter à toutes les assemblées le svmhnip .' .

^ puM. ,.e le ^:^::'2:;:z^zz:::^à::^

a a ceux qui devaient être baptisés. On a donc fait chanter ce symbl" a la messe préférablemenl aux deux premiers narre „.,1V

chant le Saint-Esprit y est évidemmLrpZ-U Les'Xl 1^"' '""" suivirent bientôt cet exemnlp ot i . • .5 ^^'"^- ^^^ églises voisines

qui voulazt que Jésus-Christ ne fût que flls adopUf de ofeu On^f ' disait pas à Rome au commencement du XIF sied rS' Henri, qui y alla en 1014, en fut surori et d . '^"" '"'"'

chantait pas à Rome ce q;i se cLntTi ; A,, '"""" '"" "«^

• clercs de Rome lui diren qu on „ e c L'^Z'": " """"' '" cause qu'il n'y avait point d'héié i CeZTS "'" '^'"' '

Benoît Vlllleût chanter f21 "««^^"=- Cependant, a sa prière, le pape

Voici le lext laHn de , ^ ' ' '"""""^ j"^^"'^ présent, faire en peu de m'riS^^^^^^ '""'" "" ^°' "-' "^ menons de

I. Symbole des Apôtres.

inrmÏhrmrSrm-Srm^Oo^^-" -" ^' '--• ^' ceptus est de Spiritu sancto , La^TeTMlTi'rre ruTsu^tT Pilato ; crucifixus mnrfunc «f 1. "o'"^- *^assus sub Pontio

die re^urrexi a moirilce ;rad "r""'" '"'^^"^^ '-'-

Patrisomnipotentisl evt : e ti!d ' "*' '""=""' "«'

in Spiritum Sanetum. Sanc am Ecclesil rr '""'""■ '"'°

munionem. Remissionem peccatorumclnl ' """"'" '•""-

œlernam. Ptccatorum. Carms resurrectionem. Et vilam

(1) DtperomnesecclesiasHisDaniiBVAl raii«.„- ' bolum fldei recitetur (canon 2 , ^"""P"'"^'. hoc est 150 episcoporum sym-

Siècle. (V. le P. Lebrun locU SUD Tr t "" '" <^^ ^ «»"« ^" K'

326 et 871.) ' '"• '"P *• 2' P- 29, 32, 57, 404, 488, S91, 279

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484 RAT ION AL

II & III. Symboles de Nicée et de Constantinople.

On indique en italiques ce qui a été ajouté au symbole de Nicée par le concile de Constantinople.

Credo in unum Deum, Patrem omnipotentem, factorem cœli et terrœ, visibilium omnium et invisibilium; et in imum Dominum Jesum Chris- tum, Filium Dei unigenitum; et ex Pâtre natum ante omnia secula; Deum de Deo, lumen de lumine , Deum verum de Deo vero; genitum non factum, consubstantialem Patri; per quem omnia facta sunt. Qui propter nos hommes, et propter nostram salutem descendit de cœlis, et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria virgine , et homo factus est. Crucifixus etiam pro nobis sub Pontio Pilato , passus , et sepultus est, et resurrexit tertiadie, secundum Scripturas, et ascendit in cœlum, sedet ad dexteram Patris, et iterum venturus est àam gloria judicare vivos et mortuos; cujus regni non erit finis; et in Spiritum Sanctum Dominum et vivificantem; qui ex Pâtre [Filioque) procedit; qui cum Pâtre et Filio simul adoratur et conglorificatur ; qui locutus est per prophetas.

Et unam sanctam, catholicamet apostolicamEcclesiam. Confiteorunum baptisma in remissionem peccatorum; et expecto resurrectionem mortuo- rum et vitam venturi seculi. Amen.

IV. Symbole dit de saint Âthanase..

Quicumque vult salvus esse, ante omnia opus est ut teneat catholi- cam fidem ; quam nisi quisque integram inviolatamque servaverit, absque dubio in seternum peribit. Fides autem catholica haec est, ut unum Deum in Trinitate, et Trinitatem in unitate veneremur. Neque confundentes personas , neque substantiam séparantes. Alia est enim persona Patris, alia Filii, alia Spiritus Sancti. Sed Patris, et Filii, et Spiritus Sancti una est divinitas, œqualis gloria, coseterna majestas. Qua- lis Pater, talis Filius, talis Spiritus Sanctus. Increatus Pater, immensus Filius, immensus Spiritus Sanctus. .Eternus Pater, œternus Filius, œter- nus Spiritus Sanctus; et tamen non très œterni ; sed unus œternus. Si- cut non très increati , nec très immensi; sed unus increatus, et unus immensus. Similiter omnipotens Pater, omnipotens Filius, omnipotens Spiritus Sanctus. Et tamen non très omnipotentes; sed unus omnipo- tens. Ita Deus Pater, Deus Filius, Deus Spiritus Sanctus. Et tamen non très dii; sed unus est Deus. Ita Dominus Pater, Dominus Filius, Domi-

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 48o

nus Spiritus Sanctus. Et (amen non très Domini; sed imus est Domi- nus. Quia sicut singillalim unamquamque personam, Dcurn ac Domi- num confiferi christiana veritate compellimur; ita très deos aut domi- nos dicere cattiolica religione prohibemur. Pater a nulle est factus nec ereatus, nec genitus. Filius a Pâtre solo est; non factus, nec crea- tus, sed genitus. Spiritus Sanctus a Pâtre etFilio,non factus, nec ereatus nec genitus, sed procedens. Unus ergo Pater, non très Patres; unus Films non très Filii; unus Spiritus Sanctus, non très Spiritus Sancti. Et in hae Trmilate nihil prius aut posterius, nihil majus aut minus; sed tôt* très personœ coœternœ sibi sunt et coœquales. lia ut per omnia sicut jam supra dictum est, et unitas in Trinitate, et Trinitas in uni- tate veneranda sit. Qui vult ergo salvus esse, ita de Trinitate sentiat. Sed necessarium est ad œternam salutem ut incarnationem quonue Domininostri Jesu Chrisli fideliter crcdat. Est ergo fides recfa ut creda- mus et confiteamur quia Dominus noster Jésus Christus Dei Filius Deus et homo est. Deus est ex subslanlia Patrisanle secula genitus ; et homo est ex subslantia matris in seculo natus. Perfectus Deus , perfectus , homo ; ex anima rationali et humana carne subsistens. Jîqualis Patri secundum d.vmi(atem ; minor Pâtre secundum humanitatem. Qui licet Deus s.t et homo, non duo tamen, sed unus est Christus. Unus autem non converszone divinitatis in carnem ; sed assumptione humanitatis in ûeum. Unus omnmo, non confusions substanliœ; sed unitate personœ.

uZ Tn""T ■■"""" "' " """^ ^^' °™= "* »^- homo unus est Christus, qui passus est pro sainte nostra, descendit ad inferos

lertia die resurrexit a mortuis; ascendit ad cœlos, sedet ad dexterara De. Patris omnipotentis ; inde venturus est judicare vivos et mortuos; ad cujus adventum omnes homines resurgere habent cum corporibus suis; et redd.turi sunt de factis propriis rationem. Et qui bona egerunt ibunt m vitam «ternam; qui vero mala, in ignem œternum. Hœc est ndes cathoUca, quam nisi quisque fideliter firmiterque crediderit sal- vus esse non poterit.

NOTE 11.

nu PAIN QUE LE PRÊTRE OFFRE A l'aUTEL.

.n^ ""f ' ^" '"" """' ' ^ '"*ï"«« Pa>- Jésus-Christ, qui consacra du pam et du vin (1). L'Eglise a voulu que ce pain fût aiyL,

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486 RATIONAL

c'est-à-dire sans levain, de la plus pure farine , fort propre, et qu'il eût des marques qui le distinguassent du pain commun et ordinaire.

A l'égard du pain sans levain, il n'y a pas de décret formel qui l'ait ordonné avant le Xl^ siècle; jusqu'alors on ne se fondait que sur l'usage d'un temps immémorial , et il n'y avait point eu de dispute là-dessus avec les Grecs, qui consacrent avec du pain levé. Mais depuis le milieu du Xl« siècle, on a toujours disputé. Les plus sages ont dit que c'était là un point de pure discipline assez indifférent, et qu'il fallait que cha- que église suivît sa pratique, sans se blâmer les uns les autres. Les Grecs croient qu'on s'est toujours servi de pain levé parmi eux. Les Latins peuvent clairement montrer que les azymes sont en usage dans nos églises depuis le Vlll® siècle, sans qu'on en puisse trouver le com- mencement. Alcuin, vers l'an 790 , écrit que le pain doit être fait sim- plement d'eau et de farine sans levain (1). Raban Maur, dans son Traité de l'Institution des Clercs, qu'il composa en 819, prouve, par l'Ancien- Testament et par l'exemple de Jésus-Christ, que le pain du sacrifice doit être sans levain (2). 11 dit même , dans un ouvrage resté manus- crit, que les prêtres doivent faire tous les dimanches des eulogies avec du pain azyme et les distribuer après la messe (3). Ce qui fait assez voir qu'on ne se servait alors que du pain azyme pour l'eucharistie , puisque le pain , qui n'en était qu'une représentation , devait l'être aussi.

En second lieu , outre ces preuves incontestables de l'usage des azy- mes depuis le Vlll® siècle , nous voyons qu'avant ce temps-là l'Eghse faisait faire des pains exprès , qui peut-être étaient aussi sans levain. Ces pains étaient ronds. La pape Zéphyrin , au commencement du III^ siècle , leur donne pour ce sujet le nom de couronne (4) ; saint Grégoire-le-Grand se sert aussi du même terme (5). Ils avaient une marque qui les distinguait du pain commun. On voit, par un grand

(1) Panis qui in corpus Christi consecratur, absque fermento uUius alterius infectionis débet esse mundissimus (epist. 69 ad Lugdunenses).

(2) Quod autem panem sacrificii sine fermento esse oporteat , testatur liber Leviticus, etc. (lib. 1, De Institutione clericorum, cap. 31).

(3) De Eulogia, manuscrit cité par Ciampini, qui en a tiré ces mots : Faciat azymes panes per singulos dominicos, et det populo eulogiam in dominico die post missam his qui non sumant sacrificium Domini ( De Azymo et Ferm, Ro- mœ, 1688, p. 158).

(4) Voyez l'ancien Catalogue des papes, donné par le P. Henschenius {PropyL Mail), où on Ut cet ordre du pape Zéphyrin : Ut... ex ea consecratione de manu episcopi, jam coronam consecratam acciperet presbyter, tradendam populo.

(5) Dialog., lib. 4, cap. 55.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 487

nombre d'anciennes figures, qu'on y imprimait le signe de la croix. Le Concile d'Arles , en 554 , ordonne « que les obldtions que tous les évêques de la province feraient offrir à l'autel auraient la même forme que celles de l'église d'Arles» (i). La reine sainte Radegonde, qui éta- blit son monastère à Poitiers, sous la règle de saint Césaire d'Arles, vers le temps de ce concile, s'appliquait avec beaucoup de dévotion à faire de sa propre main les pains du sacrifice, pour les distribuer à beaucoup d'églises; et Fortunat dit qu'elle y employa tout un carême, suivant le conseil de saint Germain , évêque de Paris , qui était son directeur. Le Concile de Tolède, de l'an 693 , blâme fort des prêtres qui avaient souf- fert qu'on eût coupé en rond un morceau d'un pain commun, pour l'offrir à l'autel (2) . 11 ordonne que le pain qu'on présentera sera entier, propre, préparé avec soin, et qu'il ne sera pas trop grand, mais une petite oblation , suivant la coutume ecclésiastique (3).

L'Eglise latine prescrit de ne se servir que de pain azyme , en quoi elle est autorisée par l'exemple de Jésus-Christ, qui institua l'eucharis- tie après avoir mangé l'agneau pascal, et qui, par conséquent, consacra du pain azyme; car, dès que l'agneau pascal était immolé, il n'était plus permis de manger ni de conserver du pain levé.

NOTE 12.

DE LA CONFECTION DES HOSTIES DITES PAINS d'AUTÈL OU PAINS A CHANTER.

« L'hostie, dit D. Martenne (4), doit être unie, ronde et ferme, sans tache , sans fente ou fissure. »

Bocquillot (5) dit à ce sujet, et avec beaucoup de raison : « Pour ap- prendre aux sacristains de nos églises comment ils doivent faire les pains destinés aux sacrifices , il est bon de rapporter ici comment les anciens moines les faisaient. »

(1) Ut oblatae quae in sacre offeruntur altario a comprovincialibus episcopis, ad formam arelatensis offerantur ecclesiae, cap. 1).

(2) Temerario ausu provocati... de panibus suis usibus preeparatis crustu- lam in rotunditatem auferant (Concile de Tolède, 16, canon 6).

(3) Ut non aliter panis in altari Domini sacerdotali benedictione sanctifican- dus proponatur, nisi integer et nitidus, qui ex studio fueritpraeparatus, neque grande aliquid, sed modica tantum oblata, etc. (Ibid.).

(4) [Hostia solida sit et recta, rotunda et rigida , sine macula, sine rimae scis- sura] {De antiq. monach. rit., i. % c. 8).

(5) Traité hist. de la Liturgie ou de la Messe, 1. 1, c. 12, p. 289 à 291.

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488 RATIONAL

L'on faisait des hosties toutes les fois qu'on en avait besoin dans les monastères (1) ; il y avait néanmoins deux temps principalement des- tinés à ce travail , savoir, un peu avant Noël et avant Pâques. Cela prouve qu'il fallait que ces pains fussent assez épais et solides pour du- rer si longtemps. Les novices triaient les grains de froment sur une ta- ble, l'un après l'autre; on les lavait ensuite, et on les étendait sur une nappe blanche pour les faire sécher au soleil. Celui qui les portait au moulin lavait les meules, se revêlait d'une aube, et mettait un amict sur sa tête. Le jour de faire les pains étant venu, trois prêtres ou trois diacres avec un frère convers , après l'office de la nuit , mettaient des souliers, se lavaient les mains et le visage, se peignaient et récitaient en particulier dans une chapelle l'office des laudes , les sept psaumes de la pénitence et les litanies. Les prêtres ou les diacres, revêtus d'aubes, venaient dans la chambre où les pains devaient se faire; le convers y avait déjà préparé le bois le plus sec et le plus propre à faire un feu clair. Ils gardaient le silence tous quatre; l'un répandait la fleur sur une table polie , propre et faite exprès , dont les bords étaient relevés pour contenir l'eau qu'il jettait dessus et délayait la pâte. C'était de l'eau froide, afin que les hosties fussent plus blanches. Le convers, avec des gants, tenait le fer et faisait cuire les hosties six à la fois (2). Les deux autres coupaient les hosties en rond avec un couteau fait exprès ; et , à mesure qu'on les coupait , elles tombaient dans un plat couvert d'un linge. Ce travail durait longtemps dans les grandes communautés, et se faisait néanmoins à jeiin ; mais on soulageait aussi leurs peines par une meilleure portion à leur dîner.

D. Marlenne (loc. cit.) dit que cet usage dura dans les monastères jus- qu'au XV® siècle.

D. Claude de Vert (3) nous apprend encore d'autres particularités des hosties que nous croyons devoir rapporter ici. 11 dit, premièrement, que le sacristain de Cluny était encore chargé de son temps (XVll® siècle), moyennant une redevance , de fournir le pain à chanter à toutes les

(1) De antig. monach. nY., 1. 1, c. 8.

(2) Honoré d'Autun {Gemma animœ, 1. 1, cap. 66) dit que, de son temps (XII® siècle), les hosties n'excédaient point la grandeur d'un denier. Les auteurs du Voyage littéraire (t. 2, p. 35) virent encore à Braine, dans le X Ville siècle, les anciens fers (XII^ siècle) avec lesquels on les faisait, et que Ton y conservait. On voit, parle dessin que les deux Bénédictins en ont donné, qu'on ne pouvait faire que quatre hosties à la fois ; elles avaient la grandeur d'un sou, et étaient marquées des monogrammes suivants :IHG. xpc. XJ. DNS. (Jésus, Ghristus, Alpha Oméga, Dominus). Le tout surmonté d'une croix dont le pied représente un double joug de bœuf.

(3) Explical. simple , litt. et hist. des Cérémonies de l'Eglise.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 489

paroisses de la ville de ce nom , où l'on n'eût pas souffert que l'on en eut employé d'autre que celui qui se faisait en cérémonie dans l'abbaye Secondement, que l'un des officiers claustraux d'un prieuré du Puy en Velay était appelé Vhostier, parce qu'il était autrefois chargé de faire les hosties pour toutes les églises de ce diocèse; que, le revenu de cet hostier^ ne pouvant plus suffire depuis la multiplication des messes il avait ete contraint d'abandonner sa charge et son titre, qui depuis resta vacant. Troisièmement, que les hosties ne se faisaient encore au XVIF siècle, dans ce diocèse, qu'avec la permission de l'évêque et qu'on voyait dans la ville une enseigne avec ces mots au bas : CéJm se font de belles hosties avec permission de M. l'évêque du Puy.

NOTE 13.

HISTOIRE DE l'orgue.

L'orgue est le chantre sublime du catholicisme, le seul qui, produit par lui, n'ait pas profané ses accents parmi les hommes et soit resté tidele a sa mission. Nous aimons donc à croire que quelques recherches sur cette grande voix de notre culte ne seront pas sans intérêt pour nos lecteurs. ,

Orgue, dans sa signification primitive, a un sens frès-lkrge et très- etendu; il désigne toutes sortes d'outils ou d'instruments dont on se servait pour quelque ouvrage que ce fût. Dans la suite, ce nom fut plus particulièrement affecté aux instruments de musique en général

Sans nous arrêter, comme D. Bédos de Celles (1), à énumérer ici toutes les idées qu'éveillait le mot organum chez les Hébreux et chez les autres peuples (2), nous arrivons brusquement à parler de l'orgue dans le sens que nous donnons à ce mot; tel doit être notre but prin- cipal (3). "^

les'?nsta^n,!^'■^ '" '^'"- :. '"P-, * • ™"- ^* ! - Dom Calmet , Dissert, sur Pietrrde7aTaI,e:e"r6r.' '"^ '^ ™'- '^" ^'""- ««• *^ ^^^ I" «'•=-

roslfoifllf ',' t P'""' "■" "' ™rtout l'assemblage des tuyaux de

  • /."autd^t iSr T P°'"' ^^breux, auquel on donne le nom de flMe

trament au reZV ', f t "'*'"' " '"^'"'" * '^ "^'»*"'=^ "<' «^ g'-™'3 '"S- ■Mute de gammes impossible aux flûtes précitées, et possède un son plein de

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490 RATIONAL

« On appelle Torgue le roi des instruments, dit Titalien Jérôme Di- ruta, parce qu'il les réunit et les imite tous, même ceux à corde; aussi a-t-il été choisi et préféré à cause de sa noblesse et de sa supériorité, comme plus conforme à la majesté du culte divin. »

Les anciens divisaient les orgues en deux classes principales , en hy- drauliques et en pneumatiques. Les unes et les autres n'ont jamais pu jouer que par le vent, excité, dans les hydrauliques, ou par une chute d'eau, comme aux grandes forges à fer; ou par un courant d'eau qui, faisant tourner une roue à aubes, comme dans plusieurs usines de France, donnait le mouvement à des manivelles , à des pompes semblables à celles de nos machines pneumatiques ; ou par la vapeur de l'eau bouil- lante, comme aux pompes à feu; ou, enfin, par des soufflets que l'eau faisait mouvoir par le moyen de manivelles adhérentes à leurs axes, comme aux moulins à scier le bois; ou par quantité d'autres machines que chacun imaginait, et où l'eau était la cause du mouvement qui procurait le vent. Les orgues pneumatiques sont celles d'aujourd'hui, où l'eau n'est point nécessaire.

L'orgue hydraulique est le plus ancien. Il fut inventé par Ctésibius, mathématicien célèbre d'Alexandrie, sous Ptolémée Physcon (120 ans avant Jésus-Christ). C'est lui qui avait imaginé un arbre sur lequel on faisait chanter un grand nombre d'oiseaux. Tertullien (1) attribue l'in- vention d'un orgue à Archimède , et l'abbé de Sainte-Biaise (2) remar- que que cet instrument était différent de celui de Ctésibius.

Vitruve (3) a fait la description de l'orgue hydraulique le plus cé- lèbre, mais en des termes si obscurs, que, malgré leur science et leur habileté , le Père Kircher (4) et Perraut , l'un par la description et le dessin, l'autre par des essais mécaniques, n'ont pu en donner que des idées très-imparfaites.

L'auteur d'une lettre faussement attribuée à saint Jérôme parle d'un orgue en usage chez les Hébreux, qui s'entendait de mille pas, comme de la ville de Jérusalem au mont des Oliviers. Cette machine consistait en deux peaux d'éléphant, qui formaient la laye, contenant peut-être

force et de rondeur; son qui met entre lui et les autres instruments à vent toute la distance et toute la différence du souffle de l'homme, au vent de plu- sieurs soufflets immenses venant tous aboutir à un réservoir qui le distri- bue à d'innombrables tuyaux.

(1) Dans le Traité de l'Ame , ch. 14.

(2) De Cantu et Mmica sacra , t. 2, p. 138.

(3) De Architect., lib. 10, cap. 13.

(4) Magia phonocamptica.

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les soupapes (ce qu'il est difficile de concevoir, dit D. Bédos) (i) ; il y avait douze grands soufflets et quinze tuyaux d'airain. Les deux peaux d'éléphant, selon l'auteur anonyme de cette lettre, représentent les deux Testaments; les quinze tuyaux, les patriarches et les prophètes; les douze soufflets, les apôtres (2).

L'abbé de Saint-Biaise (loc. cit. ) a donné deux figures de cet orgue : l'une d'après un manuscrit du X® siècle , de l'abbaye de Saint-Emme- rand de Ratisbonne ; l'autre d'après un manuscrit de son abbaye, qui est du XIII« siècle. Ces deux dessins ne se ressemblent pas et sont d'une composition arbitraire.

Sous Néron, qui régna depuis l'an 54 de Jésus-Christ jusqu'en l'an 68 , on vit paraître à Rome un orgue hydraulique d'une construction inconnue jusqu'alors. Suétone (3) raconte que ce prince employa la moitié d'une journée à l'examiner avec la plus grande satisfaction.

La décadence des beaux-arts entraîna la perte des orgues hydrauliques, lorsque les Barbares eurent ravagé l'empire et toute l'Europe. Saint Au- gustin (4) n'a connu que l'orgue à soufflets. L'invention de l'orgue hydraulique fut donc renouvelée dans le IX® siècle. L'histoire fait men- tion , à cette époque , d'un orgue de ce genre que Louis-le-Débonnaire fit construire dans son palais d'Aix-la-Chapelle , par un prêtre vénitien nommé Georges (5). Il est dit ailleurs qu'il fut construit à la manière des Grecs (6). L'usage s'en était donc perdu en Occident; mais il s'était conservé dans l'empire grec, et il reparut dans notre pays sous les em- pereurs français. On ignore et le temps où l'on a commencé à introduire cette espèce d'orgue dans les églises , et celui où l'on a cessé de s'en servir. Du temps de Guillaume de Malmesbury (7), écrivain du XIP siècle, on s'en servait encore dans une église d'Angleterre.

(1) Loc. cit., p. 5.

(2) V. Opéra S. Hyeronimi, dans les additions au tome 5, p. 191, epist. 28, ad Dardanum, De Instrumentis musicis.

(3) Reliquam diei partem , per organa hydraulica , novi ignotique operis circumduxit (Suet. in Nerone).

(4) Organa dicuntur omnia instrumenta musicorum. Non solum illud orga- num dicitur quod gracile est et inflatur follibus, sed etiam quidquid aptatur ad cantilenam et corporeum est. Quo instrumento utitur qui cantat, organum dicitur (S. Aug. in ps. 56).

(5) Hic est Georgius veneticus qui de patria sua ad imperatorem venit, et in Aquensi palatio organum, quod grœce hydraula vocatur, mirifica arte com- posuit (Eghinard, De Translatione SS. martyr. Pétri et Marcellini, cap. 16).

(6) Presbyter quidam de Venetia qui diceret organum more Graecorum posse componere (auctor Vitae Ludovici Pii).

(7) Extant etiam apud illam ecclesiam organa hydraulica, ubi mirum in mo- dum aquae calefactae violentia, ventus emergens implet concavitatem barbiti, et

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i92 RATIONAL

C'est à tort que quelques auteurs ont attribué rinvention de Torgue .^ans eau, dit pneumaticjuc, à Tcmpcreur Théophile, car il y avait de ces orgues des le V« siècle au moins, où saint Augustin en parle (loc. cit. ) , et cet empereur n'a vécu que dans le IX^. Cette erreur provient de deux passages de Constantin Manassès et de Michel Glycas , mal enten- dus. Selon le grammairien Léon , cité par Du Cange (voce Organum), l'orgue de Théophile, dont parlent ces historiens, était un arbre avec des oiseaux, doni il imitait le chant.

L'orgue à soufflets était donc connu, dès le V« siècle, en Occident; mais on ne peut dire s'il était en usage dans les églises ou seulement dans les concerts particuliers.

Le président Duranti (1) croit que l'introduction de l'orgue dans l'E- glise est fort ancienne. Un commentateur de TEcriture-Sainte , plus ancien que saint Grégoire-le-Grand, dit, en expliquant un verset de Job, « que l'usage des orgues n'était point défendu (2), puisqu'on peut s'en servir par un sentiment de piété, et qu'on s'en sert même dans les églises. » Les auteurs des Pontificaux ou des Vies des Papes disent, en parlant du pape Vitalien, élu en 657, et mort en 672, quHl régla le chant ecclésiastique (3) , et qu'il y employa des instruments communé- ment appelés orgues. BuUée, cité par l'abbé de Saint-Biaise, rapporte deux vers d'un poète mantouan, dont le sens est que le pape Vitalien, natif de Ségni(4), établit des orgues composées de métal, qui jouaient aux grandes fêtes pendant le service divin. Mais les orgues dont il parle, dit D. Bédos (loc. cit., p. 8), n'étaient pas celles que saint Au- gustin appelle les grandes orgues.

Telles sont les autorités produites par Duranti pour justifier son opi- nion , et pourtant rien n'est moins certain. Car , depuis l'invasion des Barbares, l'usage de cet instrument fut inconnu en Occident, jusqu'à l'époque célèbre où l'empereur Constantin Copronyme envoya, vers l'an 757, un orgue au roi Pépin-le-Bref. La manière dont les auteurs

per multiforatiles transitus aeneae fistulae modulatos clamores emittunt (Villel. Malmesb. apud Du Gange, ad vocem Organum). On voit par ce passage qu'on employait la force' élastique de la vapeur de l'eau bouillante à faire marcher les soufflets d'un orgue.

(1) Lib. 1, cap. 13, De Organis.

(2) Neque enim organorum usus prohibitus erat , quando quidem hoc ipsum cum pietate fieri potest. In templis enim sunt illis ipsi usi (Ibid. , p. 92 et 93).

(3) Instituit cantum adhibitis instrumentis , quaè vulgari nomine organa di- cuntur (Vit. Pontifie. ).

(4) Signius adjunxit molli conflata métallo , Organa quae festis résonant ad sacra diebus.

{De Cantu et Musica sacra, t. 2, p. 141.)

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ont parlé de cet orgue, et même d'un autre que Charlemagne reçut, vers 812, de l'empereur Constantin Curopalate, prouve qu'on les regar- dait comme des instruments de musique nouvellement inventés, ou du moins inconnus jusqu'alors dans toute l'étendue de l'empire français; d'où il s'en suit que ces orgues étaient d'une espèce bien différente de celles que le pape Vitalien employait à Rome dans les grandes solen- nités. Celles-ci consistaient en des instruments de musique à vent, pro- pres à soutenir et à faire mieux paraître les voix, mais dont la forme nous est d'ailleurs inconnue.

Tous nos auteurs ont parlé de l'orgue dont l'empereur Constantin Copronyme fit présent au roi Pépin vers 757; mais aucun n'a dit à quel usage il fut employé, ni où il fut placé : si ce fut à l'église ou dans le palais de Compiègne, où le roi tenait alors une assemblée de la na- tion. Même silence de la part des historiens sur l'usage que fit Charle- magne d'un autre orgue qui lui fut envoyé de Constantinople, vers 812, par l'empereur Constantin Curopalate.

Deux chartes, rapportées par Ughelli (1) et citées par Du Cange (voce Organum), prouvent que, sous le règne de Charlemagne, il y avait un orgue dans l'église de Vérone.

Le premier orgue à soufflets, sans le secours de l'eau, qui paraisse certainement avoir été en usage dans les églises,. est celui que l'empe- reur Louis-le-Débonnaire fit placer dans celle d'Aix-la-Chapelle. 11 était dilTérent de l'orgue hydraulique dont on se servait dans le palais impé- rial, et que ce prince avait fait construire par le prêtre vénitien dont nous avons déjà parlé. Walafrid Strabon (2) , observant que cet ou- vrage était un de ceux dont la Grèce se vantait d'être en possession, donne à entendre : i° que c'était un orgue de la même espèce que celui que Charlemagne avait reçu en présent de l'empereur de Constantino- ple, et qui était certainement à soufflets, comme on va le voir ; 2® que ni l'Eglise romaine, ni aucune autre de l'empire d'Occident, ne s'était vantée jusqu'alors d'avoir à son usage un orgue de la même espèce.

L'habile facteur qui avait présidé à sa construction forma des élèves qui en tirent bientôt de semblables dans les autres églises d'Al- lemagne : de sorte que, trente ou quarante ans après la mort de Louis- le-Débonnaire , l'Allemagne se trouva en état de fournir à Rome des orgues et des facteurs ; ce qu'on voit par une lettre du pape Jean VIll à Annon, évêque de Frisingue, dans la Haute-Bavière. Ce pape fut élu en.

(1) Italia sacra, t. 5, p. 604 et 610.

(2) In quels prœcipue jactabat Grsecia sese Organa rex magnus non inter maxima ponit.

(Walafrid Strab., carmina de apparatu templi Aquisgran. )

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RATIONAL

872, et mourut en 882. « Nous vous prions, dit-il (1), de nous envoyer le meilleur orgue, avec un artiste capable de le bien gouverner et de le mettre sur tous les tons nécessaires pour la perfection de notre musi- que. » C'est le premier instrument de cette nature qui ait été en usage dans les églises de Rome; car on n'a pas de preuves certaines qu'il y en ait eu auparavant.

De Rome, l'art de faire des orgues passa bientôt au reste de l'Italie, et les moines devinrent habiles dans cette partie. On peut l'assurer, en par- ticulier, de Bobio, abbaye fondée par saint Colomban, dans le Milanais. Gerbert, abbé de ce monastère, et depuis pape sous le nom de Syl- vestre II, était le plus grand mathématicien de son temps. Gérard, abbé d'Aurillac, dans la Haute-Auvergne, qui avait eu soin de son éducation, lui écrivit vers l'an 986 pour lui demander un orgue. On peut voir, dans le iv® tome des Annales de D. Mabillon (p. 34 et 40), les causes pour lesquelles Gerbert ne put procurer cette satisfaction à son ami. Mais les deux lettres de Gerbert prouvent au moins que , dans le X" siècle, les orgues d'Italie avaient de la réputation , qu'elles étaient connues en France, et que le monastère d'Aurillac voulait en avoir aussi dans son église.

Dans une pièce de vers en l'honneur de Sigon, abbé de Saint-Florent- de-Saumur, en Anjou , on voit qu'il y avait un orgue dans son église, car on loue son habileté dans la musique organique (2).

Le premier orgue de France dont on ait une connaissance bien assu- rée ne remonte pas au-delà du XIP siècle : alors il y en avait un dans l'église de l'abbaye de Fécamp. Baudri, archevêque de Dol, écrivant aux religieux de cette abbaye , témoigne la satisfaction qu'il a eue de l'en- tendre. Une courte description qu'il en donne fait voir que c'était un orgue à soufflets, comme les nôtres (3).

Cet usage a commencé bien plutôt en Angleterre qu'en France. On voit^ par quelques vers de Wolstan , moine de Westminster, en l'honneur d'Elfage,évêquedulieu, au milieu du X^ siècle, un orgue considérable dans l'église même de Westminster, qui était cathédrale et abbatiale.

Il serait curieux de pouvoir s'étendre sur la fabrication de l'orgue à

(1) Precamur autem ut optimum orgamim cum artifice , qui hoc moderari et facere ad omnem modulationis efficaciam possit , ad instructionem musicae disciplinae nobis aut déferas, aut mittas (Epist. Joan. pap. VIII).

(2) Singularis organali regnabatin musica (apud Mabil., Annal., t. 4, p. 551).

(3) V. YEssaihist. et litt. sur l'Abbaye de Fécamp, par M. Le RouxdeLincy; livre plein d'intérêt et d'érudition, enrichi des légendes, jusqu'à ce jour inédites, du précieux Sang de Jésus-Christ et du Saint- Graal, le grand et magnifique poème du moyen-âge.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 495

cette époque, et de suivre ses développements jusqu'à nos jours; mais Fabsence des documents , ou leur obscurité profonde , nous force d'y renoncer.

Les premières orgues, c'est-à-dire les flûtes à plusieurs tuyaux , dont les divers assemblages ont donné la première idée des grandes orgues , étaient des roseaux; dans la suite, on y employa le métal; mais on a fait aussi des orgues avec d'autres matières. En employant le verre, par exemple, on était parvenu à lui donner beaucoup de son. Un ouvrier napolitain en fit un dont les tuyaux et le clavier étaient d'albâtre. Léan- dre, au rapport de Majolus (1), assure avoir vu cet orgue à Venise. D'autres en ont fait avec du carton. «11 y a maintenant à Paris, dit D. Bédos (loc. cit., p. 12), qui écrivait en 1776 environ , un particulier, rue des Ciseaux, qui s'est fait un orgue dont tous les tuyaux, tant à bouche qu'à anches, sont faits avec des cartes à jouer. » On en a fait avec l'or, l'argent et le cuivre; mais les métaux qu'on a trouvé les plus commo- des à faire les tuyaux d'orgue , c'est le plomb et l'étain. Ils ne sont pas chers comme l'or et l'argent, ils ne sont pas difficiles à travailler comme les autres métaux , et ils rendent un son doux et harmonieux, r On employait aussi beaucoup le bois, comme on le fait encore au- jourd'hui.

Les anciennes orgues, surtout en Allemagne , so.nt garnies de tuyaux de cuivre, comme celui de Charlemagne (2), celui dont parle Guil- laume de Malmesburi (3) et celui de Fécàmp (4). Il y avait aussi des tuyaux de cuivre dans celui de Ramesie en Angleterre (5), au X^ siècle.

Ces orgues devaient rendre un son bien aigre et bien perçant ; il était cependant bien diversifié. L'orgue de Charlemagne (6) imitait à la fois le bruit du tonnerre, le son de la lyre et de la cymbale. Selon Wala- frid Strabon (7) , l'harmonie de l'orgue que fit construire Louis-le- Débonnaire dans l'église d'Aix-la-Chapelle était si ravissante, qu'une femme perdit la vie dans les transports qu'elle lui causa.

(1) CoUoq., 23.

(2) Per fistulas œneas (Monach. San-Gal, apud Du Gange, loc. cit.). (SJ.^neae tîstulae (Villelm. Malmesbur., ibid.).

(4) Fistulis eeneis compactum (Epist. Baldric. ad monach. Fiscan., apud ab- latem S.Blasii, t. 2, p. 144).

(5) Martene apud eumdem , nota a.

(6) Rugitu quidem, tonitrui boatum, garrulitatem lyrae vel cymbali, dulce- ine ccaequabat (Monach. San-Gall, ibid.).

(7) Dulce melos tantum vanas deludere mentes G(fipit, ut una suis decedens sensibus ipsam Faemina perdiderit vocum dulcedine vitam.

(Walafrid Strab. apud abb. S. Blasii, p. 140.)

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496 RATIONAL

Nous ignorons le nombre et la qualité des jeux dont se composaient ces anciennes orgues. Cependant Torgue de Charlemagne (IX^ siècle) devait en avoir plusieurs, puisqu'il imitait le bruit du tonnerre, l'har- monie de la lyre et le son perçant de la cymbale, composée de deux calottes d'airain, dont l'une frappait contre l'autre (1). 11 en était de même de celui de Westminster, dans le X^ siècle composé de quatre cents tuyaux (2).

La distinction et l'augmentation des jeux d'orgue n'ont été bien con- nues que dans le XV® siècle. Alors seulement, il est fait mention du trente-deux pieds, du seize pieds, du huit pieds, du quatre pieds ou prestant, du nasard ou quinte, avec la fourniture; on connut aussi la trompette et la voix humaine. On inventa alors le tremblant, qui n'est qu'une modification du vent, et qui sert peu aujourd'hui. La régale est le premier jeu d'anche qu'on ait trouvé. Le cromorne vint vers la fin du XV* siècle. Les Allemands sont les inventeurs du hautbois et du basson. Tous ces jeux se trouvaient réunis dans uh orgue de Gothingen, cons- truit dans le XV® siècle, et qui subsistait encore en 4615. Ce fut dans le XV® siècle que les orgues se multiplièrent en Allemagne et en France. Il est difficile de concevoir qu'il fallût à l'orgue de Westminster vingt-six soufflets pour quatre cents tuyaux qui composaient tout cet orgue au X® siècle; tandis que depuis on a fait jouer un orgue de deux ou trois mille tuyaux avec quatre, cinq ou six soufflets, et de nos jours, avec deux seulement. Cette soufflerie devait être bien grossière et bien imparfaite, puisque soixante-dix hommes vigoureux, employés pour la mettre en mouvement, n'en venaient à bout qu'avec beaucoup de peine. Le vent (3) était reçu dans une grande caisse (4), d'où il se dis- tribuait aux quatre cents tuyaux par autant de trous.

En 1613 , la soufflerie de l'orgue d'Halberstat était composée de vingt soufflets; il fallait dix hommes pour la faire jouer. Les souffleurs se te-

(1) D. Gdlmet , Dissert, sur les Instrum. de Musique, p. 97.

(2) Capsa

Scia quadriagintas quae sustinet ordine musas.

(Volstanus, apud Du Gange).

(3) Bisseni supra sociantur in ordine folles, Inferiusque jacent quatuor atque decem Quas agitant validi septuagenta viri ;

Brachia versantes, multo et sudore madentes, Ij

Certatimque suos quisque movet socios, '

Viribus ut totis impellant flamina sursum.

{*) Et rugiat pleno capsa referta sinu ,

Sola quadragintas quae sustinet ordine musas.

(Volstan., apud Du Gange, voce Organum).

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on MANUEL DES DIVINS OFFICES. 497

naient comme suspendus à une perche hori^onlale. D'un pied ils fou laient un soufflet, et avec l'autre pied ils en relevaient un autre à 1 près comme on sonne les grosses cloches en les foulant Ces s;ufflet^ neta,ent point chargés, comn.e les nôtres. On attachait bien o emen un sabot de bo,s sur Textrémité de la table supérieure de ehaqueTouf flet^ Le souffleur mettait un pied dans le sabot d'un soufflet et l'auÏe

Ltiu": ut,:? " ^°""'^'^"'""- '-' ^'"'^ '1"'" -ev^iri'ut

loulait 1 autre en s y appuyant de tout le poids de son corps De cette manœuvre, qui devait être bien fatigante, il résultait un ve^' fort in ga . On conçou donc qu'il n'était pas possible de bien accorder un orgue Les ancens n'ont parlé de leurs sommiers que d'une manière fort gue. Gu. aume deMalmesburi parle d'une gra'nde concavité ou e^S

leur S rtd "'" '" '" "" ^^^"^ -™- '^ '-- (0 e mo ne wn, , "",™" '"'^'°^"'- ^'"S"* Westminster, qu

aisr o , , " ""'f' '"'■' '" ^" ' (2). -^^'^ "n^ g and

a.s e, ou la,r reun. de vingt-six soufflets se trouvait fort con.nrimé 1 pa a, que les quatre cents tuyaux qui composaient cet orgue et "nt implantessur cette caisse. ^ eiaient

Les anciennes orgues n'avaient ni soupapes, ni registres. Il n'en est pas fait mention pour l'orgue de Westminster, ni pour celui de rZ ' een Vers la fin ri., wie - i '^m "* pour celui de Gothin-

porte Pr.torius auteur allemand, dont l'ouvra 'e Ï^t^J ^^X

vé^::zi:r '"-"' ^"'^^ '™"™' ^-^ - ---'-« d^

levectie de Wurtzbourg, un ancien sommier fait nar ,m rv..- rr

nomméTimothée,facteurd'orgues,leraccom:S e le srirpo,: un orgue qu',1 était chargé de renouveler. Ce sommier avaif/'l ^ res et des soupa,es. Ce facteur arrangea le touT; r; \?sra:; ne parlassent pas tous à la fois. A cet effet il vL»u ".'■'5'aui

W Li rugiat pleno capsa referta sinu,

c.^ r -K .. ^""^^ quadragintas quœ sustinet ordine musa.-. [à) Lib. 10, cap. 13.

Tome II.

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RATIONAL

Les claviers sont aussi anciens que les soupapes. Dans les commen- cements, ils étaient fort grossiers. Tant qu'ils n'eurent qu'un octave d'étendue, on ne les touchait qu'avec la main droite. Dans la suite, on les étendit du côté des basses , et alors on commença à toucher l'orgue des deux mains. Les premiers claviers à la main n'avaient que neuf à treize touches; ils étaient de cinq pieds six pouces de longueur, et cha- que touche avait cinq à six pouces de largeur. Ils étaient si durs à bais- ser ou à enfoncer, qu'on ne touchait l'orgue qu'à coups de poings. De là l'expression allemande orgel schlayen , « battre de l'orgue , » au lieu de : (( jouer de l'orgue. »

Bernard dit l'Allemand , très -habile musicien à Venise, fut le pre- mier qui augmenta les jeux de l'orgue, et inventa les pédales, qu'il fai- sait jouer par des cordelettes (1).

Ce fut vers le commencement du XIIP siècle que l'on commença à faire la gamme chromatique à Venise, dans l'église de Saint-Sauveur.

On ignore généralement les noms des artistes qui , depuis le prêtre Georges , vénitien , fabriquèrent des orgues ; ils sont restés dans l'oubli jusqu'aux XIV® et XV« siècles , où l'on mit dans l'orgue d'Halberslat deux inscriptions contenant le nom de celui qui l'avait construit en 1361 , et de celui qui l'avait refait en 1493. Le premier était prêtre, et se nommait Fabri ; le second s'appelait Grégoire Kleng. Timothée in- venta les registres vers la fin du XVP siècle ; Bernard dit l'Allemand , le clavier de pédales ; Henri Trendorf, facteur d'orgues, le perfectionna en 4475. Conrad Rotemburges, natif de Nuremberg, fils d'un boulanger, était célèbre dans l'art de la facture de l'orgue. Mais la France se mon- tra bientôt supérieure aux nations voisines dans la facture de l'orgue , et surtout dans celle des jeux d'anche : les D. Bédos, les Cliquot, et, de nos jours, les Cavailhé Coll, ont fait voir, en construisant Torgue de Saint- Denis , que la palme de cet art devait désormais appartenir à notre patrie.

L'introduction de l'orgue dans les églises trouva pour le moins au- tant d'opposants que de partisans. Au XIP siècle, la question fut débat- tue avec chaleur ; parmi les opposants , il faut compter le bienheureux «  Alrede , abbé de Rhieval; saint Thomas d'Aquin (2) ; et, parmi les par- tisans, Baudry, évêque de Dol; Pierre -le -Vénérable, et après eux Gerson (3).

L'esprit de l'Eglise a été de régler l'usage de l'orgue plutôt que de le

(1) Sabellicus, lib. 8, ip 10, en 1740.

(2) 2, 2q. 91, a. 2 ad 4.

(3) Tome 3, opéra 2, p. 628.

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bannir. Les conciles du XVP siècle s'élèvent contre Tabus qui s'était in- troduit de laisser jouer à l'orgue les parties les plus essentielles de la liturgie , telles que l'épître, le Credo , la préface et l'oraison dominicale. Ils défendent de faire entendre sur cet instrument des mélodies profa- nes ou des airs lascifs, plus propres à éveiller de mauvais souvenirs

qu'à entretenir la piété des fidèles , etc., etc. (1).

Enfin, l'interdit jeté sur une église tombait également sur les or- gues (2). Une coutume plus singulière encore, quoique très-ancienne, c'est que l'usage de l'orgue était suspendu jusqu'à ce que le clergé du lieu où il y en avait , eût satisfaction des torts qu'il prétendait avoir reçus. Cette discipline se prouve par une lettre d'Amaury , évêque de Meaux, de l'an 1221 , à son chapitre, et par un acte capitulaire du cha- pitre de Lyon, de 1374, qu'on lit dans Du Gange (loc. cit. ). Ce dernier acte prouve , contre l'opinion communément reçue , que , dans le XIV* siècle, l'Eglise de Lyon avait des orgues, malgré son adage si connu :

(( L'Église de Lyon ne sait ce que c'est que les nouveautés , » Ecclesia Lugdunensis nescit novitates.

NOTE 14.

DU SECRET DES PAROLES DE LA CONSÉCRATION.

Voici comment Grimaud (3) rapporte ce fait très-authentique :

« Histoire miraculeuse touchant les paroles de la consécration et l'obligation

de les tenir secrètes .

<( Moschus , dans son traité (4) qu'il intitule le Pré spirituel, dont la vérité a esté authorisée par le second Concile de Nicée (en 786), qui a esté le septième gênerai, rapporte une histoire prodigieuse au sujet des paroles de la consécration, pour monstrer combien elles doivent estre tenues secrètes, et prononcées auec crainte et révérence. Il dit donc qu'en un village nommé Thorax, de la prouince d'Apamée, quantité de jeunes enfants s'estant assemblez dans vne campagne, pour garder le bes- tail, ils voulurent, en se jouant, dire la messe à la manière de l'Eglise;

(1) Goncil. Colon., I, part. 2, cap. 12 ; Labbe, t. 14, p. 506. — Goncil. Sen., ann. 1525 , in Decretis morum, cap. 17; — Labb., 1. 14, p. 471 ; — Goncil. Trid., sess. 22, Decretum de observandis et vitandis in celebratione missœ.

(2) Willelmus Neubregensis, apud Du Gange, Gloss., voce Organum.

(3) Gilbert Grimaud, La Liturgie sacrée, part. 3, chap. 7, p. 47, 48 et 49 inclus.

(4) Pratum spirituale, cap. 196, apud Rosweyd; Vitœ Patrum, lib. 10.

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rvn d'eux entreprit de faire le prestre, vn autre le diacre, et vn troi- sième le sou-diacre. 11 y avait sur le lieu vne grande pierre, laquelle ils choisirent pour autel, et mirent dessus du pain et du vin ; puis ils commencèrent l'office, avec toutes les cérémonies qu'ils auoient veu pratiquer entendans la messe. Celui qui faisoit le prestre, estant arrivé au point de la consécration , de laquelle il sçauoit les paroles , comme les ayant oûy souuent prononcer {parce que, comme dit l'auteur (1), c'estoit la coustume pour lors en l'Eglise que les enfants assistassent à la messe proche de l'autel, et communiassent les premiers auec les clercs aux saints mystères; et parce que, comme il adjoûte ensuite, les prestres pro- nonçoient en quelques endroits les saintes paroles si haut , que les jeunes enfants pouuoient les apprendre, par la longueur du temps); comme donc il eut prononcé à haute voix les diuines paroles sur le pain et sur le vin, voilà tout d'un coup le feu du ciel, avec vn grand éclat de foudre, qui tombe sur la pierre et consume le tout, donnant vne telle épouvante à ces pauures enfants, qu'ils demeurèrent comme morts sans mouuement et presque sans apparence de vie. Le bruit de cet accident s'estant répandu, les voisins accoururent , et , ayant trouvé ces enfants en cet estât, ils ne peurent apprendre d'eux ce qui leur estoit arrivé, jusqu'au lendemain, qu'estant vnpeu remis, ils racontèrent le tout comme il s'estoit passé.

tt La chose estant diuulguée et venue aux oreilles du prélat, il voulut luy-mesme s'y transporter auec son clergé, et, ayant sçeu des mesmes enfants la chose au vray, il visite le lieu, et y void encore les vestiges du feu du ciel imprimez sur la pierre; ce qu'ayant bien examiné, et voyant qu'vn prodige si extraordinaire, arrivé de la part de Dieu, ten- doit à l'instruction de toute l'Eglise, il voulut en conseruer la mémoire. C'est pourquoi il fitbastir au mesme endroit vn célèbre monastère, dans lequel il mit tous ces jeunes enfants, comme dés-ja initiez au culte de Dieu, et les fit religieux, leur donnant l'habit luy-mesme. L'auteur dit qu'il auoit apris cette histoire de celuy qui estoit en ce temps- là gou- uerneur de la prouince, nommé Grégoire , lequel assuroit d'auoir veu l'vn de ces mesmes garçons pour lors religieux en ce monastère. Quoy que la chose soit arriuée comme nous venons de raconter, il ne faut pourtant pas croire que celuy qui faisoit le prestre eust consacré, puis- que chacun sçait qu'il n'y a que ceux qui ont le caractère de la pres- trise qui ayent ce pouuoir.

(1) [Quia consuetudo fuit in Ecclesia, ut pueri in missis ante sacrarium as- sistèrent, primisqne cum clericis communicarent sanctis Dei mysteriis.]

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 501

« A celte première histoire, j'en ajoûteray vne seconde sur le mesme sujet, qui est de très-grand exemple, et laquelle sera moins suspecte aux huguenots, après que je leur auray decouuert Tauteur qui la rap- porte; c'est Erasme, dans la lettre qu'il escrit à l'euesque de Liège. Il y auoit, dit-il, dans vn village nommé Vieux-Bourg , vn païsan qui faisait l'office de secretain (sacristain) dans l'église. Cet homme estant allé vn jour chercher des pains à chanter, que nous nommons vul- gairement des hosties, comme il en rapportoit la boëte pleine, il ren- contre sur le chemin un autre homme de sa condition, et tous deux en- trent de compagnie dans vn cabaret. Ce second, qui estoit vn libertin acheué, prend de cette boëte une hostie, malgré le secretain, et, la te- nant entre les mains, commence à contrefaire le prestre et à prononcer les sacrées paroles de la consécration. L'hostesse et quelques -vns des assistants le voulurent reprendre et l'empêcher de passer outre , mais inutilement ; au contraire , il presse l'hostesse d'aller tirer du vin : comme elle esta la caue, elle entend vn grand bruit, et, estant de re- tour, elle trouue ce blasphémateur estendu roide mort sur le plancher, sans qu'aucun des assistants se fût apperçeu et pût dire de quelle sorte il auoit esté frappé. »

Le P. Le Brun a consacré une savante Dissertation à l'usage de réci- ter en silence une partie des prières de la messe dans toutes les églises et dans tous les siècles, etc., qu'il a insérée au tome iv de son bel ou- vrage; elle comprend près de 300 pages, et épuise tout ce qu'on peut penser et dire sur cette importante question.

NOTE 15. ÉVENTAIL — {FLABELLUM).

En vieux français esmouchoer, instrument dont on se servait dans la liturgie pour chasser les mouches du calice et des espèces sacrées.

Hildebert, évêque du Mans, écrit à saint Anselme (V. 1. 3, epist. 162) : <( Je t'ai envoyé un éventail [flabellum] qui t'est nécessaire pour chasser les mouches. »

Le moine Bernard parle ainsi de cet instrument, dans ses Coutumes manuscrites de Cluny, au chapitre 37, dont Udalric a emprunté ce qu'il dit (1. 2, c. 29, p. 142 ) : [Unus autem ministrorum , qui semper duo debent esse, stans cum flabello prope sacerdotem , ex quo muscarum infestatio exurgere incipit , donec finiatur, eas arcere a sacrificio et ab

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altari , seu ab ipso sacerdote non negligit.] Les Grecs appellent cet ins- trument Pitt'kÎiov, et les llaliens Buffadors.

On lit, dans la Vie de saint Fulgence {BolL, januar., 1. 1 , p. 38) : [Pal- marum foliis jlahellos sœpissime contexebat. ]

Dans la célèbre abbaye de Saint-Philibert de Tournus (en Bourgogne), et dans le monastère de Pronille , de Tordre de saint Dominique , on voyait un éventail singulier, dont les diacres se servaient autrefois pour empêcher les petits animaux volants de tomber dans le calice. On l'appe- lait en latin flabellum, et deux diacres le tenaient de chaque côté de l'autel. Cet éventail avait à peu près la même figure que ceux dont se servent encore aujourd'hui les dames, excepté qu'il avait beaucoup plus d'étendue et que le manche en était fort long. Autour de celui qui se conservait dans l'abbaye de Tournus on lisait ces vers, en gros caractères :

D'un coté :

Flaminis hoc donum , regnator summe polorum,

Oblatum puro pectore, sume libens. Virgo parens Ghristi voto celebraris eodem;

Hic coleris pariter, tu, Filiberte, sacer. Sunt duo quae modicum confert aestate flabellum :

Infestas abigit muscas et mitigat aestum, Et sine dat taedio munus gustare ciborum. Propterea calidum qui vult transire per annum , Et tutus cupit ab atris existere muscis , Omni se studeat aestate munire flabello.

Autour de cet éventail étaient représentés les saints dont voici les noms : Sancta Lucia, sancta Agnes, sancta Cœcilia, sancta Maria sanctus ; Petrus, sanctus Paulus, sanctus Andrœas.

De l'autre côté :

Hoc decus eximium pulchro moderamine gestum

Gondecet in sacro semper adesse loco. Namque suo volucres infestas flamine pelht

Et strictim motus longius ire facit. Hoc quoque flabellum tranquillas excitât auras, ^stum du m éructât ventum excitatque serenum , Fugat et obscœnas importunasque volucres.

Au-dessus des figures on lisait : Judex sanctus Mauritius, sanctus Dio~ nysius, sanctus Philibertus, sanctus Hilarius, sanctus Martinus levita;

Sur la première pomme du manche, au-dessus des quatre figures en relief : Sancta Maria, sancta Agnes, sanctus Philibertus, sanctus Petrus;

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 503

Sur la seconde : Johel me sanctœ fecit in honore Mariœ. Ce Johel était le nom de celui qui avait fait cet éventail.

Voir D. Juenin, Nouvelle histoire de Vabbaye royale et collégiale de Saint-Philibertde Tournus,t. l,p. 44, 45, 46. -D. Martenne et Durand Voyage littéraire de deux religieux bénédictins de Saint-Maur t l' p. 232. ' * '

NOTE 16.

QUESTION SINGULIÈRE.

Si une messe célébrée pour plusieurs peut autant valoir pour chacun d eux comme pour un seul, par lequel elle aurait été demandée? (Extrait de la Liturgie sacrée de Gilbert Grimaud.)

Cette difficulté est célèbre et donne encore tous les jours de la peine aux plus savants théologiens. La raison est que nous devons considérer la valeur de la messe ou comme finie, ou comme infinie. Quelque parti qu'on prenne, il est mal aisé de satisfaire aux difficultés qui se présen- tent de toutes parts. Si vous dites qu'elle est finie, on vous oppose la

pratique du saint canon , qui nous obhge à prier pour tant de sortes

de personnes, bien que notre intention s'oit de célébrer pour celui qui nous l'a demandée ou pour un défuncl. Que si donc la "valeur de la messe est finie , celuy pour qui nous avons intention de la célébrer participera bien peu à la valeur du sacrifice, et n'aura gueres plus d'a- vantage que les autres, suivant la maxime que Toute quantité finie étant partagée en plusieurs parties, en devient toujours plus petite ( 1 ) . D'ailleurs, les messes solennelles , comme les épiscopales et paroissiales, où il y a plus grand concours, lesquelles sont tant recommandées par les conciles et par les Pères, seront de moindre valeur, parce qu'elles seront plus dispersées; et ainsi les messes où il y a moins d'assistants seraient plus a j-echercher, parce que leur valeur serait moins partagée et chacun y participerait plus, ce qui est pourtant contre le sentiment commun. Que si, d'autre part, vous dites que cette valeur est infinie, il s'ensuivra qu'une messe servira autant que plusieurs ; que les fondations perpé- tuelles seront inutiles; que pour ce qui est de la satisfaction et impétra- tion, elle pourra tirer toutes les âmes du purgatoire ; qu'une seule messe pourra également servir à mille personnes, et autant qu'à un seul,

(1) Omne finitum , in piures partes divisum , semper minuitur.

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504 RATIONAL

parce que rinfini suipasse toujours le fini , comme réternité surmonte et enferme toutes les difi'érences du temps.

Pour résoudre la difficulté, nous supposons que le sacrifice, considéré à regard de la chose qui est oflerte et du principal sacrifiant , qui est Jésus-Christ Dieu et homme, est véritablement infini. Ce n'est pas aussi de celui-là dont nous parlons ; nous traitons ici du sacrifice comme d'un acte de rehgion que ce divin Sauveur a voulu instituer et commettre à son Eglise. On demande donc si une telle action, étant appliquée, est d'une valeur infinie, ou si elle est purement finie. Les docteurs répon- dent qu'il y a deux sortes d'infinité : l'une, qu'ils appellent extensiva^ qui s'étend en telle sorte qu'elle ne peut produire tant d'eflels, ni se ré- pandre sur tant de personnes , qu'elle ne le puisse encore davantage j l'autre, iniensivay qui regarde l'être de la chose en qui elle peut pro- duire des effets dans un degré infini et d'une vertu infinie. En la pre- mière sorte, notre sacrifice est sans doute infini, de môme que celui de la croix l'a été, sa valeur ne pouvant être épuisée par aucune multitude; mais, en la seconde, il est fini, parce que la grâce , la faveur et le bien que nous en pouvons tirer est toujours fini, de même que la capacité de celui qui le reçoit, la maxime du Philosophe étant très-certaine, qui dit Que tout ce qui est reçu est reçu à la mesure et proportion du sujet qui le reçoit {{). D'ailleurs, il est aussi déterminé par l'application ac- tuelle qui s'en fait aux particuliers. La connaissance de cette applica- tion est si importante, que l'intelligence de cette question semble en dépendre, et c'est pour cette raison qu'il faut l'examiner singulière- ment.

11 y a deux choses qui concourent pour appliquer le sacrifice : l'une est l'intention, l'autre la dévotion. L'intention regarde le célébrant, la dévotion lui est commune avec les assistants. L'intention , à dire vrai, applique le sacrifice; mais la dévotion en attire l'effet. Parlons de l'in- tention ; après nous viendrons à la dévotion.

C'est une chose hors de doute que l'intention du prêtre qui veut cé- lébrer pour quelqu'un est déterminée ou par celui qui a demandé le sacrifice, ou par le prêtre même, ou par l'action du sacrifice qui doit être offert, laquelle, par conséquent, est finie et peut être divisée entre plusieurs ; d'où il s'ensuit qu'étant appliquée à plusieurs, elle diminue pour chacun à proportion, suivant la règle ci-dessus alléguée, que toute quantité finie étant divisée devient moindre. Supposons, par exemple, que Dieu , qui fait toutes choses avec nombre, poids et mesure, ait dé-

(1) Quidquid recijjitur, ad modum recipientis recipitur.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 505

terminé d'alléger pour un an les peines d'une ame détenue en purga- toire , par une messe qui sera célébrée à ce dessein : il est certain que le prêtre, appliquant son intention pour cette ame seule, obtiendra pour elle cet allégement. Que s'il l'applique en même temps encore pour un autre , il n'obtiendra qu'un allégement de six mois pour cha- que ame; ainsi il prive par ce moyen cette ame du juste secours qu'il lui devait. On peut raisonner tout de même des autres à proportion. D'où il est évident que le prêtre ne peut satisfaire par une messe pour plusieurs qui l'auront demandée chacun en particulier, parce que, outre le péché d'avarice dont il déshonore son ministère , il diminue le culte de Dieu, à qui on offrirait deux ou trois sacrifices au lieu d'un; ainsi il pèche contre la vertu de religion. De plus , il fraude l'intention des particuliers, chacun desquels a demandé la messe pour soi ; en quoi il pèche contre la justice. Outre cela, il prive quelqu'autre ecclé- siastique qui aurait peut-être besoin de ce subside pour s'aider à vivre, en célébrant l'une de ces messes; en quoi il pèche encore contre la cha- rité. Tellement que les docteurs condamnent cette procédure de péché ^ mortel, quand même le prêtre serait pauvre, parce que la pauvreté ne le peut dispenser de faire contre la justice , si ce n'est qu'elle fût ex- trême, ou que celui qui fait célébrer donnât moins qu'à l'ordinaire et que la coutume du lieu ne porte. Hors de là, ils l'obligent à restitu- tion.

S'il est ainsi, dira quelqu'un , comment est-ce que l'Eglise oblige tous les célébrants, dans le saint canon, de faire tant de mémoires, comme nous avons dit ci-dessus? Ne sera-ce point au préjudice du par- ticulier qui a demandé cette messe pour soi? D'ailleurs, il semble que nous ôtons les moyens au célébrant de se souvenir en sa messe de ses parents et amis, et de prier pour soi-même, lorsqu'il offrira ce sacrifice pour une personne seule. A cela je réponds qu'il y a grande différence entre les choses qui se font par le motif de charité et celles qui s'exer- cent ordinairement par devoir de justice, parce que, comme la justice regarde l'intérêt d'autrui, elle ne peut sortir de ses limites, étant obligée à satisfaire; mais la charité, n'étant pas si resserrée qu'elle, est comme un germe divin qui se dilate toujours autant qu'il lui est pos- sible. C'est sur cette charité que s'appuie l'intention publique de l'E- glise en ses mémoires communes , et par conséquent elle ne peut crain- dre de porter préjudice à aucun particulier; au contraire, comme elle est une bonne mère, elle procure en ce rencontre , aussi bien que par- tout ailleurs, le salut de ses enfants. C'est elle qui pratique et enseigne si saintement cette belle maxime rapportée par saint Bernard : Ce qui

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506 RATIONAL

est institué pour la charité ne peut pas combattre la charité (i). Nous avons montre... que le canon de la messe avait été dressé par les apô- tres, ou, de leur temps, par des hommes apostoliques. Comme donc ces mémoires y sont inséiées, il faut juger que ça été par le mouvement et les lumières du Saint-Esprit, et que, bien loin d'apporter quelque détriment aux particuliers qui demanderaient pour leur consolation que la messe fût célébrée spécialement à leur intention , au con- traire elles sont instituées pour leur bien. Pour preuve de cela, nous recommandons à Dieu son Eglise, nous prions pour le saint-père et pour le roi ; et ne sont-ce pas eux sous Tombre desquels nous vivons tous en tranquillité ? N'est-ce pas de leur conservation que la^nôtre dé- pend , puisqu'ils gouvernent le spirituel et le temporel de ce monde? D'ailleurs, la charité ainsi dilatée est un moyen très-efficace auprès de Dieu pour obtenir de sa bonté l'effet de nos désirs. C'est Dieu qui a taxé la valeur du sacrifice , lorsqu'il serait appliqué avec telle intention et dévotion; qu'il accepte aussi à tel degré de grâce qu'il lui plaît, et qui est connu de lui seul; lequel, ayant inspiré l'Eglise à faire ces mémoi- res , les considère, les agrée et les récompense sans que l'un fasse pré- judice à l'autre.

Je dirai bien plus, et j'ajouterai une chose qui nous devrait embraser d'un zèle extrême pour ce saint sacrifice, savoir : qu'il ne se célèbre ja- mais soit pour les vivants, soit pour les morts, soit solennellement, soit privément, que tout le corps de l'Eglise et tous les particuliers n'y participent, bien que peut-être le célébrant n'y pense pas. Telle est la magnificence de Dieu envers son Eglise; tel est l'agrément qu'il a pour cet admirable sacrifice , parce que sa valeur extensive étant infi- nie, comme nous l'avons dit, il tire de cette infinité les grâces qu'il a destinées et au degré qu'il les a déterminées, en faveur de celui qui le célèbre pour sa dévotion ou qui le fait célébrer; et ensuite il élargit de cette même valeur, comme d'un trésor inépuisable, des faveurs singu-. lières sur toute son Eglise et sur chaque particulier, à proportion qu'il est disposé ou qu'il en a besoin. Et cette merveille continuera autant que le monde , dé même que le sacrifice de la croix.

C'est la même charité sur laquelle l'Eglise fonde son mtention en toutes les mémoires ordinaires. A quoi le célébrant se doit conformer comme officier public, député de la même Eglise, et dispensateur de ses mystères. Ce même motif le met en liberté de faire mémoire en toutes

(1) Quod est institutum propter caritatem non potest contra caritatem pu- gnare.

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ses messes de ses parents, amis et bienfaiteurs, et prier pour eux. Mais il n'en est pas de même quand il est obligé, par titre de justice, de célé- brer pour quelque particulier, car alors il ne peut célébrer par même titre pour lui et pour un autre. Prenons l'exemple suivant pour tout ce discours : Celui qui doit deux cents écus à deux personnes n'a pas satisfait s'il n'en paie que cent pour toutes les deux , parce qu'il n'y aura que cinquante écus pour chacune. Mais s'il paie à chacune cent écus, et si, outre cela, il en donne mille à plusieurs autres de pure li- béralité, il est quitte envers les deux auxquels il devait, et la largesse des mille écus qu'il fait d'ailleurs n'apporte aucun préjudice à ces deux créanciers. 11 en est de même de ces mémoires, si on y prend garde. C'est pourquoi il faut que celui qui célèbre pour quelqu'un ait toujours deux intentions : la première, celle de l'Eglise, qui lui est prescrite , et laquelle est fondée en charité, comme nous l'avons dit; la seconde, pour celui qui l'a employé, qui est fondée en justice; outre lesquelles il peut ajouter, par un motif de charité et de libéralité, pour ses parents, etc. , sans apporter aucun détriment à celui pour lequel il s'était obligé de célé- brer. Voilà pour l'application de la part du célébrant, qui est l'intention. Venons à l'autre moyen par lequel le fruit de la messe nous est ap- pliqué, qui est la dévotion. Cette voie est bien diverse de la précédente. Celle-là est extérieure et ne dépend pas de celui qui . assiste au sa- crifice ou qui le demande, mais du seul célébrant ; au lieu que celle-ci est intérieure et prend sa vertu de nous-mêmes, si nous sonàmes préve- nus et aidés de la grâce, et ne peut recevoir empêchement que de notre défaut. Nous avons dit ci-dessus que c'est la dévotion qui attire sur nous la valeur du sacrifice, ce qui nous doit causer une extrême consolation, parce que, comme cette valeur est infinie, et qu'elle suffit pour répon- dre à une infinité de dévotions, et même les surpasse toutes, aussi elle ne se peut épuiser par aucune multitude d'applications que le prêtre fasse. D'où il s'ensuit, comme Caïetan (1) infère doctement, que quand une messe demandée par un particulier serait célébrée pour plusieurs, par l'intention déréglée du célébrant , celui qui l'avait demandée ne perd rien de la valeur du sacrifice, pourvu qu'il ait la dévotion qu'il doit avoir, parce que cette valeur ne dépend pas de l'intention du prêtre, mais seulement de la dévotion de celui pour lequel le sacrifice est offert ou qui y assiste; de sorte que chacun des assistants peut obtenir le même eflet, à mesure de sa dévotion, non pas pourtant comme celui qui fait célébrer, lequel y doit avoir plus de part.

(1) Tome 2, Opusc. Tract.

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508 RATIONAL

Quelqu'un trouvera de la conlradiclioii sur ce que nous avons di ci-dessus en parlant de Tintention du célébrant : que si Dieu , pai exemple, avait déterminé que par une messe les peines du purgatoin fussent relâchées à une ame pour un an, et que si le prêtre appliquai la même messe à deux , il n'ol)tiendrait d'allégement à chacune de ce deux âmes que pour six mois, parce que, divisant son application , i diviserait aussi le sacrifice, en quoi ces âmes soufl'riraient un grand pré judice. Et toutefois nous disons ici que (juand le prêtre, qui est obligi pour un seul, appliquerait sa messe à plusieurs (\m auraient demandi la même messe, ils n'y perdraient rien pour cela. A ceci je réponds (ju si coque nous disons est bien considéré, il ne s'y trouvera point de con trariété. Lorsque nous avons produit l'exemple (ju'on nous oppose , c n'a pas été pour montrer que le sacrifice ou sa valeur se pût diviser mais seulement pour faire voir que le prêtre ne peut, par une seule messe satisfaire à plusieurs , chacun desquels l'aurait demandée ; comm celui qui devrait cent écus à un et plusieurs sommes à d'autres n'au rait pas satisfait en donnant les cent écus à tous les créanciers. Et quan^ nous avons dit que rien ne dépérit à celui qui a demandé la messe, nou entendons que rien ne lui peut dépérir pour ce qui dépend de lui, parc qu'il reçoit toujours la grâce qui répond à la pieuse intention qu'il avai de faire célébrer pour soi en particulier ; il reçoit aussi la grâce c l'effet du sacrifice par le moyen de sa dévotion , comme nous avons dil Il est vrai que, par l'injustice du célébrant, il perd le fruit de l'applica lion qui lui en devrait être faite; il perd aussi, en ce que Dieu en es moins glorifié, vu que Dieu tire plus de gloire de plusieurs sacrifices qu d'un seul, et que sa gloire accroît par l'accroissement du bonheur de créatures, particulièrement de celles qui ont plus contribué à cett gloire. Ainsi , dans le Cantique des Anges nous rendons grâces à Diei de sa plus grande gloire (i) pour les biens et avantages qui nous en ai rivent. Mais pour le surplus, la valeur du sacrifice lui revient entière sans aucune diminution , nonobstant la pluralité des applications. Ains nous n'avons qu'à demander à Dieu cette vraie dévotion et le zèle ar dent envers cet atlorable sacriûce, pour attirer à nous ses divines grâces sans appréhender qu'aucune sinistre intention, d'ailleurs, ou aucun multitude nous y apporte empêchement.

De ce principe ainsi établi, nous voyons aussi , comme aux messes so lennelles, la vertu du sacriûce communiquée avec une largesse tout divine , à cause de quoi elles sont tant recommandées. C'est qu'outr

(1) Gratias agimus tibi proptcr magnam gloriam tuam.

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i quantité des prières qui procèdent de la multitude des assistants; utre le lien de charité qui les unit encore plus étroitement et qui est [ agréable à Dieu; outre l'exemple des uns pour exciter les autres, la aleur du sacrifice est la môme pour chacun de celte multitude, quand s seraient cent mille , tout de même que s'il n'y en avait qu'un seul, apposé toujours que chacun y assiste avec la dévotion requise et en on état. Prenons la similitude de la divine eucharistie en qualité de icrement. Qu'un célébrant ait devant lui mille hosties ou pains à con- icrer, et qu'il ait l'intention; proférant une seule fois les paroles divines, is pains seront tous consacrés. Voilà mille personnes disposées qui re- vivent ces mille hosties consacrées ; ce sont mille communions ; et, )utefois, il n'y a eu qu'une seule consécration. De ces mille , autant en reçu l'un que l'autre , et quand il n'y en eût eu qu'un seul, il n'eût as plus reçu que les mille, suivant le mot de la prose :

Un le reçoit, et mille aussi ,

Avec un égal avantage;

Non plus celui-là que ceux-ci,

Sans qu'il se consomme ou partage (1).

e qui provient de la vertu extensive de cet adorable sacrement, qui va isqu'à l'infini et se communique par indivis, sans -se diminuer; laquelle i^.rtu chacun des communiants attire à soi par le moyen de sa dévotion. 3 dis de mcme du sacrifice; il n'est qu'un, offert, si vous .voulez, par n évêque ou par un curé, lequel, suivant sa charge, le présente à Dieu our tout son peuple. Je dis que chacun des assistants attire à soi, sui- ant sa dévotion, l'elTet du sacrifice, de même que s'il était seul; et uand il serait seul il n'en tirerait pas davantage , sa disposition étant i même, comme nous venons de dire du sacrement. Et pour ce qui est e l'intention du prêtre dans les messes solennelles, on ne peut dire u'elle soit divisée, parce qu'elle est toute dans les termes de la justice t de la charité, puisqu'il a la même obligation d'olTrir pour tout son euple que celui qui est obligé par quelque particulier de céléber pour eseul particulier, dans l'ordre delà justice.

On infère encore de la vertu de cette dévotion qu'une messe est de lus grande efficace pour celui qui l'a demandée que si le prêtre la élèbre pour la même personne sans en être requis ; et de même, si

(1) Sumit umis, sumunt mille, Tantum isti quantum iste; Nec sumptus consumitur.

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510 UATIONAL

elle est demandée de plusieurs. La raison est que la grâce croît par la dévotion de ceux qui la demandent.

De tout ce discours il me semble que la question (jue nous avons agi- tée est assez décidée. Ainsi, Ton voit en (juel sens la valeur du sacri- fice est infinie, et en quel sens elle est finie. On voit que le nombre des assistants ne diminue en rien refiet du sacrifice, mais qu'au con- traire il l'augmente. On voit ce que peut l'intention du célébrant. On voit qu'un prêtre ne peut pas satisfaire , par une messe, à plusieurs, si chacun l'a demandée pour soi ; et qu'une telle messe, célébrée pour ur seul, lui est plus fructueuse, à cause de l'intention et de la dévotion du célébrant, que si elle était célébrée pour plusieurs qui l'auraient auss demandée. On voit, enfin, comment la multitude des mémoires ordon- nées dans le saint Canon n'apporte aucun détriment à celui qui a de- mandé la messe pour soi en particulier.

11 reste une difficulté assez importante, sur ce que nous avons dit qui la dévotion était si nécessaire pour attirer à nous la valeur du sacrifice C'est touchant les âmes des trépassés , qui sont hors d'état d'avoi cette dévotion et de se pouvoir autrement aider , en quoi elles son dignes de compassion. On demande si elles seront privées de c( grand secours, et si elles ne pourront pas avoir part à la valeur in- finie de ce sacrifice, à cause qu'elles ne peuvent pas se l'applique] faute de cette dévotion actuelle? Je réponds que Dieu est trop bon poui n'avoir pas suggéré quelque remède à ce défaut. Je dis donc que la dé- votion actuelle de ceux qui assistent aux messes qui se célèbrent pour ceî aroes, et de ceux qui sont conviés à leurs obsèques et s'y trouvent, par ticulièrement les proches, les héritiers et légataires; leur dévotion dis-jc, est reçue de Dieu en cette nécessité. D'où il faut conclure qu( les personnes qui se trouvent chargées de ce devoir doivent consultei leur conscience et considérer ce qu'elles répondront lorsque ces ame: les accuseront devant Dieu d'avoir manqué à ce juste devoir. Il est vra que Dieu récompense quelquefois la grande dévotion que ces âmes on eue envers ce sacrifice, ou à le célébrer, ou à le faire célébrer duran le temps de leur vie. Dieu ne laissant jamais aucune bonne œuvn sans salaire : Vos cheveux, dit- il, sont tous comptés {\). Pourquoi se- raient-ils comptés , si ce n'est pour récompenser l'emploi que nous er aurons fait à son honneur? Les cheveux signifient les moindres pen- sées. N'en doutons point, la moindre élévation de cœur à Dieu recevrs son salaire. Oh ! que c'est un grand avantage, pour cette vie et poui l'autre, d'avoir toujours bien fait, de s'être plu aux exercices de piété,

(1) Omnes capilli capitis vestri numerati sunt (S. Mathieu, chap. 10, et S. Luc, chap. 12).

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 511

ntre autres à la sainte messe! Certes! le célébrant peut beaucoup, en ette rencontre, lorsqu'il joint son intention avec sa dévotion , les em- loyant pour ces pauvres âmes; sans doute, il peut beaucoup, et, par onséqucnt, il doit beaucoup. Aussi, il en arrive de merveilleux effets. Le vénérable Bède, en son Histoire des Anglais (1), en raconte un îcemple très-mémorable. 11 dit qu'en une bataille sanglante, donnée n Angleterre pour la couronne , il y eut un jeune gentilhomme qui it pris et mené captif par le victorieux; et, comme son port et sa phy- onomie le faisaient juger de grande extraction, ce que toutefois on ne ouvait vérifier, ni par sa bouche, ni par autre voie, ils renfermèrent troitement dans une prison, les fers aux pieds et aux mains. Cependant îs proches, n'en pouvant apprendre aucune nouvelle, jugeaient qu'il vait été tué dans ce grand carnage, et ils le firent chercher soigneu- îment parmi les morts. On trouva effectivement un corps, entre les litres, que l'on crut être celui que l'on cherchait; et, dans cette créance, n lui rendit tous les honneurs accoutumés aux funérailles des chré- ens, particulièrement un frère qu'il avait, très-dévot religieux, et abbé 'un fameux monastère en ces lieux-là ; lequel de sa part célébrait tous !S jours la messe pour ce frère qu'il croyait mort. Ecoutez et admirez effet de ce divin sacrifice. Au même temps et à la même heure que itte messe se célébrait, les chaînes du prisonnier se brisaient et ►mbaient en terre , lui laissant les mains et les pieds libres ; ce qui le împlissait d'étonnement, n'en pouvant imaginer la cause. Ceux qui li portaient à manger ou qui l'allaient voir s'en étant aperçus, cru-

nt au commencement que cela venait de l'adresse du captif, et lui

îmettaient les chaînes, qu'ils renforçaient de nouveau ; mais, comme le lême arrivait tous les jours , ils attribuèrent cela à quelque enchante- lent. C'est pourquoi, craignant qu'un jour, se trouvant ainsi libre, il ne ur échappât, ils le vendirent à un marchand frison qui se trouva sur !S lieux, lequel le lifsemblablement enchaîner pour le mieux garder, imme les précédents. Mais il expérimenta le môilie, trouvant tous les alins son prisonnier libre, quelque soin qu'il y apportât : ce qui le mtraignit enfin de traiter avec lui pour sa liberté moyennant quelque imme, laquelle payée et le gentilhomme mis en liberté, il s'achemine !rs son fière. Le bon abbé, surpris à cette première vue, crut que c'é- it un songe ou quelque fantôme qui lui apparaissait; mais enfin, étant venu à soi et connaissant au vrai que c'était son frère , les voilà aux utueis embrassements , se baignant l'un l'autre de leurs larmes. Us

(1) Hist. Angl.^ lib. 4, cap. 29.

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se raconteront ensuite ce qu'ils avaient soufTcit ; l'un combien de larmes il avait versé clans l'opinion où il avait été de sa mort, et combien de- puis ce temps-là il avait offert de sacrifices pour le salut de son ame, le croyant décédé. Le gentilhomme faisait le récit de ses peines depuis le malheur de ce funeste combat , de quelle façon il se vit enchaîner les pieds et les mains comme un esclave , n'oubliant pas d'ajouter qu'il lui arrivait tous les matins une chose merveilleuse, de laquelle il n'avait pu savoir ni conjecturer la cause, qui est (ju'à certaine heure du jour il sentait ses chaînes se rompre d'elles-mêmes, si bien qu'il de- meurait libre jusqu'à ce qu'on les lui eût remises de nouveau. Sur ce récit , l'abbé, homme très-sage et très-avisé, comparant l'heure que ce miracle arrivait avec l'heure à laquelle il célébrait la messe à son in- tention, jugea qu'assurément ce ne pouvait être autre chose qu'un ef- fet du sacrifice, et que Dieu, rompant miraculeusement ses chaînes^ avait voulu montrer ce qu'il fait et accorde en faveur du sacrifice pour alléger et mettre en liberté les âmes détenues dans les cachots du pur- gatoire , lorsqu'il est célébré avec la pureté de conscience qu'il faut et avec une sincère mtention et ardente dévotion. Voilà ce que Bède rapporte. Et afin qu'on ne croie pas que ce miracle soit le seul en cette matière, saint Grégoire, en ses Dialogues (1), récite une autre histoire toute semblable à cette première que nous venons de raconter, de la- quelle, comme aussi de plusieurs autres qui n'ont pas été recueillies ou qui ne sont pas venues à notre connaissance, nous pouvons tirer deux ou trois conclusions importantes. La première, touchant la vertu et l'ef- ficace de la sainte messe. La seconde, qu'il plaît à Dieu de l'accepter, non suivant notre intention ou application particulière, en laquelle nous nous pouvons tromper bien souvent, mais selon la nécessité de ce- lui pour lequel elle est célébrée ; comme en l'histoire précédente , où le sacrifice est appliqué pour un mort qui toutefois est plein de vie, et pour lequel il opère cette merveille. La troisième , que l'intention et dévotion du célébrant peuvent suppléer très-abondamment à l'impuis- sance de celui pour lequel il est offert , qui ne peut pas se l'appliquer par sa dévotion particulière.

Ce que nous disons pour les trépassés se doit entendre à peu près aussi pour les absents pour lesquels on fait célébrer, lesquels, ne sa- chant rien de l'oblation du sacrifice ou du temps , ne peuvent en at- tirer l'effet par leur actuelle dévotion.

(1) Dialog., lib. 4, cap. 57.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 513

NOTE 17.

OBSERVATIONS SUR LA. PRIÈRE QUAM OBLATIONEM, ET SUR LES PAROLES

DE LA CONSÉCRATION.

11 paraît nécessaire d'exposer ici ce que les Pères de FEglise et les professions de foi nous apprennent touchant les paroles de la consécra- tion, afin d'en mieux comprendre la force et la vertu.

L'auteur du Traité des Sacrements (qu'on a cru depuis mille ans être saint Ambroise) regarde toutes les paroles de cette prière , Quam ohla- tionem, comme des paroles célestes , qui servent à la consécration du corps de Jésus-Christ, k Voulez-vous voir, dit-il, que la consécration se fait par des paroles célestes? Voici quelles sont ces paroles. Le prêtre dit : Accorde-nous que cette oblation soit admise, stable, raisonna- ble, etc. » Cet auteur ajoute que le changement du pain et du vin au corps et au sang est opéré au moment qu'on prononce les paroles de Jésus-Christ. « Avant la consécration, poursuit-il, c'est du pain; mais dès que les paroles de Jésus-Christ surviennent, c'est le corps de Jésus- Christ ))(!).

Saint Ambroise s'énonce presque en mêmes termes sur le change- ment, dans le Traité des Initiés , qui est incontestablement de lui. 11 ajoute beaucoup d'exemples pour faire mieux comprendre la merveille du changement, 'et il fait remarquer « que la bénédiction a plus de force que la nature, puisque la bénédiction change même la nature » (2). On voit, par les remarques de ces traités, que le changement vient essen- tiellement des paroles de Jésus-Christ , et qu'elles doivent néanmoins être accompagnées de celles de FEglise, qui attirent et qui expriment la bénédiction en demandant le changement.

Quoique la seule bénédiction ou la seule prière de Jésus-Christ, mentale ou vocale, ait sans doute pu produire le changement du pain en son corps, comme sa seule volonté changea l'eau en vin aux noces deCana, ou comme sa bénédiction multiplia des pains, les Pères nous disent, sans aucune ambiguïté, que Jésus-Christ consacra son corps par ces paroles : Ceci est mon corps. « Le Christ prenant du pain , dit Ter- tuUien, et le distribuant à ses disciples, il en fit son corps, en disant :

(1) S, Ambroise, De Sacram., lib. 4, cap. 4, t. 2. . (2) S. Ambroise, De lis qui initimitur, seu De Mystev., cap. 9.

Tome II. 33

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5H RATIONAL

Ceci est mon corps » {{). Saint Ambroise, saint Auf^iistin ont parlé de mcnie, et c'est ainsi que TEglise veut que nous parlions.

11 en faut dire autant de la consécration (|ui se fait tous les jours sur nos autels, avec cette réflexion que TEglise doit faire ce que Jésus- Christ a fait. C'est un ordre : Hoc facile, « Faites ceci en mémoire de moi, » Or, Jésus-Christ a prié, béni et prononcé ces mêmes paroles. Ces prières que le prêtre doit faire sont venues de la plus haute tradition à toutes les grandes églises. Saint Basile , voulant montrer qu'il y a des dogmes non écrits : « Qui est-ce, dit-il, qui nous a laissé par écrit les paroles qui servent à la consécration de l'eucharistie? — Car, poursuit- il, nous ne nous contentons pas des paroles qui sont rapportées par l'Apôtre et par l'Evangile ; mais nous y en ajoutons d'autres avant et après, comme ayant beaucoup de force pour les mystères, lesquelles nous n'avons apprises que de cette doctrine non écrite » (2).

Saint Justin dit que « nous savons que ces aliments ( destinés à être notre nourriture ordinaire) sont changés parles prières au corps et au sang de Jésus-Christ » (3), parce qu'en effet ces prières renferment les paroles de Jésus-Christ et tout ce qui doit les accompagner.

Origène joint aussi à la parole de Dieu la prière qu'il appelle la consécration (4). C'est le nom que lui donne saint Augustin, lorsqu'il dit que l'eucharistie est faite par une certaine consécration (5). Et il dit encore plus distinctement qu'elle est faite par la prière mystique (6). Le septième Concile général parle le même langage.

« Est-ce que les prières de l'Eglise ont la même vertu que les paroles de Jésus-Christ? Ce n'est point ce que les Pères et les Conciles veulent nous faire entendre, puisqu'ils nous disent ouvertement en beaucoup d'endroits que les paroles de Jésus-Christ renferment essentiellement la vertu qui change les dons en son corps et en son sang, comme le Con- cile de Florence l'a déclaré après eux, et comme les Grecs l'ont reconnu, suivant le rapport même de ceux qui sont demeurés dans le schisme (7). Mais tous les anciens auteurs joignaient toujours avec soin aux paroles

(1) Acceptum panem et distributum discipulis, corpus illum suum fecit, hoc est Corpus meum dicendo (TertuUien, adcersus Marciofiem, lib. 4, cap. 40).

(2) Basile, lib. De Spiritu sancto , cap. 27.

(3) ApoL 2, ad Anton.

(4) Edimus de pane verbe Dei , etper consecrationem sanctifîcato (homil. 15 in Math.).

(5) Noster autem panis et calix certa consecratione mysticus fit nobis

(lib. 20, contra Faust., cap. 13).

(6) Prece mystica consecratum (lib. 3 De Trim'tate, cap. 4, n^ 10).

(7) Syropul., Hist. Concil. Florent., cap. 8, sessio 10.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 515

de Jésus-Christ les prières de TEglise , comme ayant beaucoup de force dans la consécration, suivant l'expression de saint Basile. Pourquoi cela? Parce que dans les sacrements Tintention de l'Eglise doit être expri- me'e. Or, les prières qui accompagnent les paroles de Jésus-Christ mar- quent l'intention, les désirs et les vues qu'a l'Eglise en faisant prononcer ces paroles, qui sans cela pourraient être regardées comme une lecture historique. C'est l'Eglise qui, par l'autorité de Jésus-Christ, consacre des prêtres, à qui elle marque ce qu'ils doivent faire dans la plus grande action du sacrifice. Le prêtre est le ministre de Jésus-Christ et de l'E- glise. Il doit parler en la personne de Jésus-Christ et comme député de l'Eglise. Il commence, au nom de TEglise, à invoquer la toute-puissance sur le pain et le vin, afin qu'ils soient changés au corps et au sang de Jésus-Christ, et d'abord après, comme ministre de Jésus-Christ, il ne parle plus en son propre nom, disent les Pères. Il prononce les paroles de Jésus-Christ , et c'est par conséquent la parole de Jésus-Christ qui consacre la parole de celui par qui toutes choses ont été faites » (1). Ainsi , c'est Jésus-Christ qui consacre , comme le disent aussi plusieurs fois saint Chrysostôme et les autres Pères ; mais il le fait par la bouche des prêtres (2) et à leurs prières (3), dit saint Jérôme. 11 le fait par les prêtres, qui prient et qui bénissent avec des signes de croix , disent les auteurs ecclésiastiques (4) et les conciles (5). Admirons donc toutes ces paroles sacrées que les prêtres prononcent , et disons avec saint Jean Chrysostôme ; « Quand vous voyez le prêtre appliqué au saint sacrifice, faisant les prières, environné du saint peuple qui a été lavé du précieux sang, et le divin Sauveur qui s'immole sur l'autel, pensez-vous être encore sur la terre, et ne vous croyez-vous pas plutôt élevé jusqu'au ciel? miracle! ô bonté! Celui qui est assis à la droite du Père se trouve dans un instant entre nos mains et va se donner à ceux qui veulent le recevoir » (6).

Au reste, on a souvent recommandé aux prêtres de prononcer les pa- roles de la consécration de suite, d'un ton simple et uni, sans faire des

  • (1) Le Père Lebrun, loc. cit. sup., 1. 1, p. 457.

(2) Absit ut de bis quidquam sinistrum loquar, qui apostolico gradui suc- cedentes, Ghristi corpus sacro ore conticiunt (S. Jérôme, ep. ad Heliod. ).

(3) Ad quorum preces Ghristi corpus sanguisque conficitur (S. Jérôme, ep. ad Evagr.).

(4) Presbyteri cum pontifice verbis et manibus conticiunt ( Amalaire , lib. 1, cap. 12).

(5) Par orationem et crucis signum conficcre corporis Ghristi et sanguinis sacramentum {Synod. Carisiac, anuo 858, apud Hincmar. ).

(6) De Sacerdotio, lib. 3.

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aspirations et des élans ([ui ne conviennent pas. On ne peut donner sur ce point des avis plus sages aux prêtres que ceux qui sont nianjuésdans le Missel de Grenoble de 1522, dont voici les termes : Neque sunt [verba sacramentalia) prœcipiti ore, aut confuse pronuncianda, sed cum summa attentione, rêver entia et veneratione , intègre, distincteque ,proferenda, quoniam illa sacerdos quasi ore Christi eloquitur, et illa loquens Christi fungitur officio, debentque proferri tractim, uno Spiritu, ne se inimisceat alla cogitatio ; nec dividenda est forma illa , cujus tota virtus dependet ah ultimo verbo, quod in Christi persona dicifur.

NOTE 18.

DE l'iîNTINCTION.

Les prêtres arméniens donnent l'eucharisticî' trempée dans le sang, et ils sont les seuls qui la trempent tout entière dans le calice et qui en prennent de petites parcelles avec les doigts pour les mettre dans la bouche des tidèles. Toutes les églises du monde chrétien qui ont con- servé leurs liturgies, trempent du moins une partie de Thostie dans le calice, ce qui vient par conséquent de la plus haute antiquité. Toutes ces églises conviennent aussi qu'il n'était pas absolument nécessaire de communier sous les deux espèces séparément, ou de donner du moins l'hostie trempée dans le sang. Les deux espèces séparément ont toujours été regardées comme nécessaires pour l'intégrité du sacrifice, mais non pas pour l'intégrité du sacrement ; aussi n'a-t-on jamais dé- fendu aux malades, à ceux qui étaient éloignés des églises, aux soli- taires, aux voyageurs, de communier sous la seule espèce du pain, non plus que de donner la communion, aux enfants nouvellement baptisés, sous la seule espèce du vin. Il est aisé de le montrer par un grand nombre d'exemples , parce qu'on a toujours été persuadé que le corps de Jésus-Christ n'était point sans le sang, ni le sang sans le corps. Ce- pendant , comme l-'union des deux espèces marque plus sensiblement l'union du corps et du sang, lorsqu'on n'a pas jugé à propos de donner le calice aux fidèles on a cru, en plusieurs endroits, devoir leur donner l'hostie trempée dans l'espèce du sang. Les Grecs se servent, depuis le commencement du IX^ siècle , d'une petite cuiller pour prendre dans le calice quelques parcelles de l'hostie trempée, ce qui est aussi en ussige parmi les Cophtes, les Ethiopiens, les Syriens, les jacobites et même les nestoriens.

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 517

L'usage de communier les laïques et même les clercs inférieurs en leur donnant reucharistie trempée dans le sang, a été aussi quelque temps en usage dans TEglise latine. Le troisième Concile de Brague, tenu vers la fin du VIP siècle, nous apprend que quelques-uns, au lieu de donner aux fidèles le sang séparément , leur donnaient l'eucharistie trempée , et qu'ils croyaient en cela imiter Jésus-Christ , qui donna à Judas un morceau trempé; mais le concile condamna cette pratique, et déclara que la raison qui l'avait fait introduire ne valait rien , parce que le morceau de pain que Jésus-Christ donna à Judas n'était pas l'eu- charistie, et que les évangéhstes nous apprennent que Jésus-Christ donna aux disciples son corps et son sang sous les deux espèces séparé- ment (1).

Mais, en abandonnant la raison tirée de l'exemple de Judas, qui cer- tainement n'était pas bonne , on ne laissa pas dans la suite de donner la communion au peuple avec une parcelle de l'hostie trempée , pour éviter les inconvénients de l'effusion du sang. Ce que nous lisons dans la messe du Sacramentaire de Ratoldus, abbé de Corbie, écrit vers le milieu du X*^ siècle, suffirait pour en être persuadé, puisqu'on y dis- tingue la communion sèche d'avec la communion înixte (2). On peut le voir aussi dans la messe d'illyricus, dans laquelle, après avoir marqué la formule de la communion donnée séparément et aux prêtres et aux diacres , on dit, en communiant : Corpus et sanguis Domini nostri Jesu Christi prosit tibi , etc. On approuvait fort l'intinction pour la commu- nion des malades, et un Concile de Tours, rapporté par Reginon et par Burchard, ordonne qu'on conservera l'hostie trempée pour le viatique qui doit être porté aux malades (3).

A l'égard des fidèles qui communiaient dans l'Eglise, les sentiments étaient partagés, les uns blâmant la pratique de l'intinction, parce

(1) Audivimus quosdam intinctam eucharistiam populis pro complemento communionis porrigere... Illud vero quod pro complemento communionis in- tinctam tradunt eucharistiam populis , nec hoc prolatum testimonium ex Evangelio recipit, ubi apostohs corpus suum et sanguinem commendavit; nam quod Dominus intinctam buccellam Judae dédit, id fecit ut proditorem ostenderet, etc. [Concil. Bracar.^ 3, canon 1).

(2) Et episcopus communicet presbyteros et diaconos cum osculo pacis, sicco tamen sacrificio, et subdiaconos mixto sacrificio. Et diaconi et presbyteri sum- matim gustent cum calice, tenente subdiacono , de ipso sanguine [Appendice au Sacramentaire de S. Grégoire, publié par D. Hugues Ménard , p. 265).

(3) Ut omnis presbyter habeat pixidem aut vas tanto sacramento dignum, ubi corpus dominicum diligenter recondatur ad viaticum recedentibus ab hoc seculo. Quse tamen oblatio intincta esse débet in sanguine Christi , ut veraciter presbyter possit dicere infirmo : Corpus et sanguis Domini proficiat tibi , etc.

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(jif elle ne se trouve point dans l'Evangile , etc. ; les autres la croyant utile pour éviter Tinconvénient de TelTusion du sang. Ceux-ci croyaient qu'il suffisait que le prêtre observât exactement ce qui est marqué dans l'Evangile, en prenant toujours séparément le corps et le sang. C'est ce (]u'ont marqué Yves de Chartres, et Jean, évoque d'Avranches, qui écrivait son Traité des Offices vers Tan 1070, où il parle ainsi de la communion du prêtre et du peuple : Non autem intincto pane, sedjuxta defiaitionem Concilii Bracarensis seorsum corpore^ seorsum sanguine sa- cerdos communicet, excepta populo , quem intincto pane, non autoritate, sed summa necessitate timoris sanguinis Christi effusionis permittitur communicare (1).

On était obligé de reconnaître que cela se faisait sans autorité, et c'est ce défaut d'autorité qui porta le pape Urbain 11, dans le Concile de Clermont, tenu en 1095, d'ordonner la communion sous les deux es- pèces séparément, exceptant pourtant les cas de nécessité ou d'un dan- ger évident d'effusion (2). Ce fut aussi ce que le pape Pascal II, suc- cesseur d'Urbain II, recommanda dans une de ses lettres (3), mais toujours avec exception en faveur de ceux qui ne pouvaient recevoir séparément les deux espèces (4).

La pratique ne fut pas tellement fixée, qu'elle ne donnât encore lieu à des variétés et à des partages de sentiments qu'il ne sera pas inutile de rapporter ici.

Arnoul, moine de Saint-Lucien de Beauvais, disciple de Lanfranc et de saint Anselme, et mort évêque de Rochester en H 24, traita la ques- tion, qui lui avait été proposL-e : « Pourquoi on donnait l'eucharistie au- trement que Jésus-Christ ne Pavait donnée : Ut tribuatur hostia san- guine intincta » (5). Il répond que Jésus-Christ nous a enseigné ce qu'il fallait faire, sans en déterminer toujours la manière ; dixit: Hoc facite, et non dixit : Hoc modo facite. Il dit : Baptisez; mais il n'a pas dit : Plon- gez une fois ou trois fois dans Peau; ce qui nous montre qu'il faut faire ce qu'il a commandé, mais qu'entre plusieurs manières de le faire il

(1) P. 24.

(2) Ne quis communicet de altari, nisi corpus separatim et sanguinem su- mat, nisi per necessitatem et per cautelam (cap. 27 Concil. Clurom.).

(3) Epit. ui , ad Ponc. Cluniac.

(4) Igitur in sumendo corpore et sanguine dominjca traditio servetur, etc. Novimus enim per se panem, per se vinum ab ipso Domino traditum. Quem morem sic semper in sancta Ecclesia conservandum docemus atque praecipi- mus, praeter in parvulis ac omnino infirmis, qui panem absorbere non pos-

SUQt.

(5) Spicil., t. 2, p. 432.

I

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est permis de suivre celle ù laquelle la nécessité ou Thonnêteté nous porte (1). « Pourquoi trouver étrange, dit-il, qu'on mêle le corps avec le sang pour la communion des laïques , puisque tous les jours , en célébrant la messe, on partage Thostie et on en met une partie dans le calice? On évite par là de répandre le précieux sang en le donnant à boire aux jeunes gens, aux femmes, et aux hommes qui ont une grande barbe. »

Guillaume de Champeaux, évoque de Châlons, qui était lié d'une étroite amitié avec saint Bernard, et qui mourut en 1121, n'approuvait pas qu'on condamnât aucun des usages de donner l'eucharistie soit sous les deux espèces , ou sous une seule , ou sous l'espèce du pain trempé dans le sang. Il croit qu'on blâmait celui-ci par une raison fri- vole , comme si c'était pour représenter le morceau trempé que Jésus- Christ donna à Judas (2). 11 convenait que les deux espèces exprimaient mieux la mort de Jésus-Christ et l'effusion de son sang. « Mais ce qu'on doit bien savoir, dit-il, est que celui qui ne reçoit qu'une espèce y reçoit Jésus-Christ tout entier, et que de là vient qu'on ne donne que le calice aux enfants nouvellement baptisés, parce qu'ils ne peuvent en- core user de pain, et qu'ils reçoivent Jésus-Christ tout entier dans le calice... Qu'au reste, c'est une hérésie de dire qu'il est nécessaire de re- cevoir les deux espèces, parce que Jésus-Christ; après sa résurrection, est indivisible et impassible; qu'ainsi oi;i ne peut recevoir ni son sang sans la chair, ni la chair sans le sang , ni l'un et l'autre sans l'ame, ni toute la nature humaine sans le Verbe , dont la personne lui est unie. »

Toutes ces solides réflexions ont fait conclure que, pour éviter tous les inconvénients , il valait mieux ne donner la communion aux laïques que sous l'espèce du pain. Le Concile de Londres, en 1171 , défendit môme de donner l'eucharistie trempée (3).

C'est toujours le grand respect pour le sacrement de l'autel qui a fait prendre diverses manières de donner l'eucharistie, pour éviter le dan- ger de répandre quelques gouttes du précieux sang, parce qu'on a tou- jours dû dire ce que disaient les chrétiens au temps de Tertullien : « Nous souffrons une grande angoisse lorsque la moindre parcelle de

(1) Qua ratione insinuasse videtur quae prsecepta sunt non fieri non licere; pro ratione vero necessitatis vel honestatis, alio etalio modo fieri licere.

(2) Quod enim panis intinctus prohibitus est accipi , ex frivola causa fuit, scilicet : pro buccella intincta quam Dominus Judas ad distinctionem porrexit, Tamen cum fide bonum est {Secul. III, Bened. Pref., p. 53 et 54).

(3) ConciL, t. 10, can. 16, col. 1465.

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noire pain, ou la moindre goutte de notre calice tombe à terre » (1). (rest pour cette raison ([iic toutes les é<.^lises d'Orient et d'Occident ont pris insensiblement le parti de ne point donner le calice au peuple, ou que, voulant leur montrer qu'on leur donnait autant (ju'on le pouvait sans péril les deux espèces, on leur donnait l'bostie trempée dans le san{; , et c'est ce qui met hors de reproche la liturgie arménienne.

NOTE 19.

DE L ADORATION ET DK L ELEVATION DE L HOSTIE.

Quoique nous soyons peu informés des rits des premiers siècles, nous ne pouvons pas ignorer qu'on n'ait adore l'eucharistie. Origène le suppose, lorsqu'il dit qu'il faut révérer les paroles de Jésus-Chrit comme l'eucharistie, c'est-à-dire comme Jésus-Christ même (2). Saint Ambroise dit (juc « nous adorons dans les mystères la chair de Jésus-Christ, que les apôtres ont adorée » (3). — « Personne ne mange cette (^air, dit saint Augustin, sans l'avoir auparavant adorée; » (4) et toutes les égli- ses grecques et latines ont toujours été persuadées qu'après la consécra- tion, les anges mêmes se tenaient autour de l'autel pour y adorer Jé- sus-Christ réellement présent.

Les Grecs ont exprimé cette vérité, dans la plupart de leurs églises, par des peintures où Jésus-Christ est représenté sous la forme d'un en- fant dans le disque ou plat que nous appelons la patène (5). Denys, pa- triarche de Constantinople, mit pour ce sujet une figure de ce genre à la tête de l'attestation qu'il envoya au roi de France en 1672. C'est de

(1) Aliquid panis aut calicis nostri decuti in terram anxie patimur {De Co- rona, n» 3 ).

(2) Homil. 13 in Exod.

(3) Caro Christi qiiam hodie quoque in mysteriis adoramus et quam apos- toli in Domino Jesu, ut supra diximus, adorarunt {De Spiritu sancto, lib. 3, cap 12).

(4) Nemo illam carnem manducat, nisi prius adoraverit (in psalm. 98).

(5) Dans cette figure, reproduite dans l'ouvrage du P. Lebrun (t. 1, p. 472), le calice est placé à côté , et non derrière rhostie. Cela s'observait de même au- trefois dans l'Eglise latine, comme il est marqué au premier Ordre romain, p. 12; Ponit eum {calicem) super altare juxtn oblatam a dextris. Et Amalaire dit expressément : Calix in lotere oblatœ corn/jonitur, non post teryum ( Pref. 2 in lib. De Offic). — La plupart des Missels manuscrits, dans lesquels il y a des figures en miniature, le représentent ainsi jusqu'au XV» siècle; et c'est ce qui a été prescrit dans le Missel romain Jusque vers la fin du XV'e siècle.

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là que le savant abbé Renaudot Ta tirée pour la mettre à la tête du tome IV de la Perpétuité de la foi , avec Tobservation suivante : « Cette représentation est assez ordinaire dans les églises grecques , comme le témoigne Dosithée dans le Synode de Jérusalem. » — « Il est étonnant, dit-il, que les hérétiques n'aient pas vu Jésus-Christ représenté sous rhémicycle du sanctuaire, en la figure d'un enfant dans le disque sacré; car ils pouvaient reconnaître que , comme les Orientaux représentent au-dedans du disque non pas la figure, ni la grâce , ni aucune autre chose , mais Jésus-Christ même , ainsi ils croient que le pain de l'eu- charistie n'est pas autre chose , mais qu'il est fait substantiellement le corps même de Jésus-Christ. »

Comment les hommes n'adoreraient-ils pas ce corps sacré , qui est adoré par les anges ? L'Eglise a toujours prescrit cette adoration aux fidèles; mais elle ne leur a pas toujours marqué en quelle posture du corps ils devaient la faire, parce que l'adoration consiste essentielle- ment dans l'intention de se soumettre à celui qu'on adore, comme à son souverain principe et à sa dernière fin ; et les circonstances où l'on se trouve peuvent marquer cette intention ou cette disposition inté- rieure, dans quelque situation du corps où l'on se tienne, soit debout, soit assis, soit à genoux ou prosterné par terre. Les différentes postu- res ne signifient rien par elles-mêmes, et ne marquent le respect que selon que les mœurs et l'usage des peuples les déterminent (1).

Pour ne parler que de l'Eglise latine, l'élévation ni l'adoration de l'eucharistie n'ont pas été toujours faites de la même manière qu'elles se font à présent. Jusqu'au commencement du XIP siècle , les prêtres se contentaient, à la fin du canon , d'élever les dons sacrés, le calice et l'hostie, en disant : Per ipsum, etc., ou seulement,à ces mots : Omnis honor et gloria per omnia secula seculorum, ce qu'on appelle à présent la seconde ou la petite élévation. Mais depuis les premières paroles du canon jusqu'à la fin , tout le clergé se tenait incliné , adorant la Majesté divine et l'incarnation, dont le mystère de l'eucharistie n'est qu'une extension. « Ceux qui sont derrière le prêtre et ceux qui sont en face, dit Amalaire, s'inclinent, révérant la divine Majesté et rmcarnation du Sauveur, et ils se tiennent dans la môme posture durant tout le canon, jusqu'à la fin de l'oraison dominicale » (2). Cela se faisait encore de

(1) Le P. Lebrun, t. 1, p. 473 et 474.

(2) Inclinant se et qui rétro stant, et qui in facie, venerando, scilicet: Majes-

tatenri divinam et incarnationem Domini Persévérant rétro stantes incli-

nati usque dum fîniatur omnis prcesens oratio , id est usque dum dicatur post orationem dominicain : Sed libéra nos a malo (lib. 3, cap, 22 et 23).

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même au XI** siècle , comme on le voit dans le Traité des divins Offices de Jean d'Avranches, vers Tan iOGO.

Quelque marquée que fût cette adoration , on crut en devoir donner des signes plus exprès et plus éclatants, lorscjue Bércnger eut osé blas- phémer contre la présence réelle de Jésus-Clirist dans Teucharistie. Les fldèles ont toujours tâché de relever les vérités que Thérésie attaquait. C'est pour ce sujet qu'après Thérésie de Bérenger, mort en 1088, plu- sieurs saints voulurent faire une profession expresse et particulière de la présence réelle. Saint Bruno dit immédiatement avant sa mort» en 1101 : «Je crois que le pain et le vm qu'on consacre à l'autel sont, après la consécration, le vrai corps de Jésus-Christ notre Seigneur et son vrai sang; » et l'Eglise a porté tous les fidèles à faire tacitement cette même profession de foi, en leur montrant l'eucharistie pour la leur faire adorer d'abord après la consécration.

Cet usage a commencé vers 1100. 11 y a lieu de croire qu'Hildebert, évêque du Mans et ensuite archevêque de Tours , qui avait paru favori- ser Terreur de Bérenger, fut un des premiers qui voulurent faire rendre cet acte particulier d'adoration à l'eucharistie , et que les Chartreux ont fait l'élévation et l'adoration dès le temps même de saint Bruno, leur instituteur.

Le cardinal Bona remarque avec raison que l'usage de sonner les cloches et la clochette au moment de l'élévation avait sans doute com- mencé en France, comme l'a très-bien établi le P. Lebrun (1). Cet usage remonte au commencement du Xll® siècle. On alluma aussi des torches pour rendre cette cérémonie plus auguste , comme la rubrique le prescrit à présent. Enfin , en détestation de l'hérésie de Bérenger, on ne cessa de porter les fidèles à faire souvent d'une manière très-mar- quée des actes d'adoration envers le très-saint Sacrement.

NOTE 20.

DU VIN ET DE l'EAU DU SAINT SACRIFICE DE LA MESSE (2).

On mêle le vin à l'eau dans le calice. Cependant les saints évangélistes, dans le récit qu'ils font de l'institution de l'eucharistie, ne parlent quede

(t) Tom. l,p. 478 à 480.

(2) Bocquillot, Traité hist. de la Liturgie sacrée, etc., p. 292 à 294 inclus.

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vin, sans dire s'il était môle d'eau ou non (1). Mais la tradition nous dit clairement ce que l'Ecriture ne nous dit pas. Saint Justin (2), si voi- sin des apôtres, nous assure clairement, en plus d'un endroit, que le vin qu'on offrait dans le calice était mêlé d'eau. « Celui qui préside parmi les frères, dit-il (loc. cit.) , ayant reçu d'eux le pain et le calice où est le vin mêlé d'eau, ofFre à notre Père commun , au nom du Fils, etc. » Dans le deuxième siècle, il y eut des hérétiques appelés Aquarii (3), parce que , par horreur du vin , qu'ils croyaient venir d'un mauvais principe , ils ne mettaient que de l'eau seule dans le calice qu'ils of- fraient. La même pratique s' étant glissée en Afrique, plutôt par l'igno- rance et la timidité de quelques prêtres que par le principe erroné que nous venons de dire, saint Cyprien (4) écrivit contre, pour l'abolir. Il ap- pelle cette pratique une institution humaine et nouvelle. 11 dit qu'elle est également contraire à l'Evangile et à la tradition du Seigneur. 11 ajoute qu'on doit mettre du vin mêlé d'eau dans le calice; que le vin si- gnifie le sang du Seigneur, et que l'eau représente le peuple, et qu'ainsi, en ne mettant que de l'eau , le peuple se trouve seul; qu'en ne mettant que du vin, Jésus-Christ y est totalement seul; mais qu'en mêlant le vin et l'eau, on représente mieux ce que signifie ce sacre- ment , savoir, l'union de Jésus-Christ avec son peuple. D'autres saints

(1) S. Thomas d'Aquin (3^ part., q. 74, art. 6) donne quatre raisons de ce mé- lange de Teau et du vin : 1° C'est parce que le Sauveur en a ainsi usé, selon l'u- sage de ce pays-là, dit-il (secundum morem illiusterrae). « C'est, dit Grimaud {la Liturgie sacrée, p. 153), que le vin de la Palestine, comme d'un pays fort chaud, était très-fort; et comme le Sauveur avait toujours été très-modéré en sa façon de vivre, il n'eût pas voulu boire du vin pur ou en donner à boire à ses apôtres ; et n'importe que c'eût été pour changer ce vin en son sang, puis- que les qualités du vin devaient toujours demeurer. 2o C'est parce que le mé- lange nous représente cet article de la passion , qui est qu'il sortit de l'eau et du sang du côté du Sauveur (exivit aqua et sanguis); c'est la raison du pape Alexandre, qui vivait l'an 110, en sa première épître : « L'un et l'autre, savoir, le vin et l'eau, doit être offert en ce sacrifice, à cause que l'un et l'autre est coulé du côté de Jésus - Christ » [Utrumque (vinum et aqua) débet ofTerri , quia utrumque ex latere ejus (aqua et sanguis) fluxisse legilur]. 3° C'est que cela montre clairement l'effet de notre sacrifice, qui est l'union du peuple avec Dieu; c'est la raison de S. Cyprien (can. in Sacrament., dist. u) que l'eau est mêlée avec le vin au calice, le peuple est uni à Jésus -Christ, et la troupe des croyants est jointe à Celui qui est le terme et l'objet de la croyance. 4" Enfin, c'est que ce mélange représente l'union qui se fera de l'ame avec son Dieu , lorsqu'étant élevée au royaume de gloire, elle sera absorbée dans ses grandeurs. »

(2) II Apol.

(3) Epiphan., Hœres., 64.

(4) Epist. 63^ et S. Ambroise, 1. 4 DeSacram.^ c. 14; — S. Augustin, 1. 4 De Doctrina Christi, cap. 24.

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524 RAT ION AL

Pères ont parlé depuis de la même manière que saint Cyprien, se ser- vant comme lui du sens mystique qu'il donne au vin mêlé d'eau.

Cette ancienne tradition s'est toujours conservée dans les églises grec- ques et latines , à cette dillerence près que les Latins mettent de l'eau froide dans le calice, et que les Grecs y mettent de l'eau chaude. Les uns et les autres ont encore observé ceci, qu'ils mettent dans le calice moins d'eau que de vin. On a quelquefois défendu l'usage du vin blanc dans les saints mystères, à cause des accidents qui en peuvent résul- ter (1). Avant ces défenses et depuis qu'elles ont cessé, on a toujours préféré le vin rouge au vin blanc, tant pour éviter les accidents que parce qu'il représente mieux le mystère (2). Lorsque les fidèles offraient du pain et du vin pour le sacrifice, c'était toujours du meilleur qu'ils pussent trouver. S'il n'y en avait pas de bon sur les lieux, on en faisait venir de loin du plus exquis (3). Des Gaules mômes, où il y avait, comme à présent, de bon vin en plusieurs lieux, on ne laissait pas d'en faire venir de Gaza (Asie), parce qu'il avait la réputation d'être le plus ex- quis. On ne se contentait pas d'en fournir du meilleur pendant sa vie, mais on laissait par testament ou donation aux églises des vignes pla- cées dans les meilleures côtes, pour fournir le vin nécessaire au sa- crifice.

Les anciens moines attachaient beaucoup d'importance au choix et à la qualité du vin ainsi que de l'eau du sacrifice : car, dans le vin, dit D. Martène (4) , ils regardaient la couleur et le goût, qu'il fût pur et point aigre. Et pour ce qui est de l'eau, ils prenaient garde qu'elle fût nette et récemment puisée.

(1) C'est pour cela que les premières burettes furent de verre ou de cristal; mais, depuis qu'on les a faites d'argent ou d'or, on a toujours observé de dis- tinguer celle du vin de celle de l'eau, par une grappe de raisin dans le pre- mier cas, et par une touffe de roseaux dans le second. Il y a aussi des burettes en étain ; la pauvreté des églises peut seule autoriser l'usage de vases d'un mé-" tal qui, comme celui-là, est sujet à se salir, et peut donner un mauvais goût aux liqueurs que l'on y met.

(2) La couleur rouge du vin symbolise d'autant mieux celle du sang , que, dans l'Ecriture, le vin est souvent appelé le sang de la vigne ou de la grappe.

(3) Greg. Turon. , lib. i)e ^r/or. Confe.ss., c. 65.

(4) De antiq. monach. rit.^ l, 2, c. 8. [In vino quatuor sunt consideranda : co- lor et sapor, ut purum sit et non acidum ; aqua munda sit et recens. ]

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NOTE 21.

Du Mémento pour les trépassés, ou Résolutions sur plusieurs demandes touchant la prière pour les morts qu'on fait à la messe, par Gilbert Grimaud, prêtre, docteur en théologie. (Extrait de sa Liturgie sacrée.)

Nota. — L'abondance des matières de ce volume nous oblige à réserver pour un autre volume cette remarquable dissertation du savant Gilbert Grimaud. Elle trouvera sa place dans le tome cinquième et dernier, à l'article de l'Office des Morts.

NOTE 22.

Traité du Patn-bénit, par Gilbert Grimaud, prêtre, docteur en théologie. (Extrait de sa Liturgie sacrée.)

Nous trouvons queVEglise, dès lé commencement, avait trois sortes de pains, quoique très-différents. Le premier , celui de Veucharistie; le se- cond, celui des agapes; le troisième, celui des eulogies; Le premier est le sacrement de l'autel. Les agapes étaient les soupers que les chré- tiens faisaient, dans l'Eglise primitive, en mémoire de la dernière cène que le Sauveur avait faite avec ses apôtres lorsqu'il institua le saint Sacrement. Elles se faisaient dans les églises après la sainte commu- nion, et s'appelaient ainsi, parce que c'était comme des festins d'amour, de charité et de dileclion, le mot àyâiz-n^ agape , signifiant tout cela. Les riches fournissaient à la dépense et y conviaient les pauvres; mais l'abus, qui commença de s'y glisser dès'le temps de saint Paul, comme on voit en sa première épître aux Corinthiens, obligea les prélats à les interdire, premièrement dans l'Eglise, et puis ailleurs. Nous trouvons que saint Grégoire permit aux Anglais convertis de nouveau de faire des festins sous des tentes ou feuillages , au jour de la dédicace de leur église ou des fêtes des martyrs , auprès des églises , mais non pas au- dedans.

te troisième pain sont les eulogies , desquelles les saints Pères et les Conciles ont si souvent parlé. Il est vrai que ce mot a été quelquefois emplo)'é pour signifier la divine eucharistie , qui est en effet le pain de bénédiction donné et distribué avec bénédiction , la source de toute sorte de bénédictions; mais communément en l'Eglise ce mot a été pris pour le simple pain-bénit, duquel nous parlons , qui est une des choses sacramentales, lequel a une vertu sanctificative qu'il prend de sa béné- diction, comme nous avons dit ci- dessus de ïeau-bénite.

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526 RATIONAL

Il serait difficile de dire au vrai la première institution de ce pain. Nous trouvons un ancien canon de saint Pie, premier de ce nom, qui commande que des oblations de pain qui seront faites dans l'église et qui auront été bénites, ou en prenne quelque partie pour la couper en morceaux, afin d'en donner, les dimanches et fêtes après la messe, à ceux qui n'auront pas communié. Voici ses termes (1) : « Que ceux qui n'auront pas été prêts pour recevoir la communion, tant les diman- ches que les jours de fêtes , reçoivent des eulogies après la célébration de la messe , ou leurs parts des pains que le prêtre aura bénits et divi- sés en morceaux. » Ce saint pontife présida en l'Eglise l'an 158. Voilà une belle antiquité.

Le Concile de Nantes, environ l'an 895, au chapitre ix, renouvelle, ou, pour mieux dii'e, réitère le même décret en ces termes : a Les jours de fêle, on donne des eulogies ou du pain-bénit au peuple qui n'a pas communié » (2). Ainsi, le pain-bénit était donné pour supplément de la sainte communion , à cause de quoi l'évêque Durand dit que le pain- bénit tient la place de l'eucharistie.

Sur quoi il faut se ressouvenir de la piété des premiers chrétiens dans l'Eglise naissante, qui était de communier tous les jours; mais le le nombre des fidèles s'élant accru et le zèle diminué, la communion fut réglée aux dimanches, ce qui est évident du canon Quotidie. Ce zèle envers le saint sacrement s'étant encore plus ralenti , on ordonna Id sainte communion trois fois l'année; et, enfin, au seul jour de Pâques. Pour donc tenir le peuple toujours en dévotion envers la sainte eucha- ristie, il fut ordonné qu'on bénirait du pain pour distribuer à ceux qui n'auraient pas communié.

Comme les anciens ont souvent parlé de ce pain-bénit, ils lui ont aussi imposé divers noms. Le papeMelchiades, comme on voit entre ses décrets, insérés au livre des Décrets des Pontifes de Rome, sur l'an 313, l'appelle euloyie , qui a été le nom le plus commun; il le nomme aussi fermentwn , c'est-à-dire levain , pour le distinguer de la divine eucha- ristie , laquelle ne se fait qu'avec du pain azyme , c'est-à-dire sans le- vain, au lieu que le pam-6ene7 est du pain ordinaire qui est levé.

Saint Augustin appelle ce pain sacramentum {sacrement)^ comme aussi le pape Innocent I", à cause de l'excellente chose qu'il signifie, qui

(1) [Ut de illis panibus à presbytère benedictis, et in frusta sectis, post lïiissarum solemnia, qui communicare non fuerint parati, eulogias omni die dominico et in diebus festis accipiant.]

(2) Apud Burchard, 1. 5, c. 27.

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est Funion de charité. Et saint Paulin, en la première épîtrc qu'il écrit à saint Augustin, l'appelle panis unanimitatis [pain et symbole de bonne intelligence). Aussi, les évoques s'entre-envoyaient du pain-bénit en témoignage d'amitié et d'union. Nous avons, à ce propos, l'histoire de saint Aubin, évêque d'Angers , qui , ayant excommunié un certain sei- gneur pour avoir contracté un mariage incestueux, fut prié première- ment, et enfin forcé par les autres évêques de l'absoudre, quoiqu'il n'eût pas quitté son péché , et de lui envoyer des eulogies, comme parle l'histoire. 11 arriva, par un juste jugement de Dieu, que l'excommunié se trouva mort avant de les avoir reçues.

Saint Grégoire, comme on voit souvent dans ses épîtres , en envoyait souvent à ses amis ; et non-seulement les prélats envoyaient des eulogies aux particuliers, mais aussi les paroisses en usaient de même les unes envers les autres , jusque là que, comme c'était la coutume d'en en- voyer le dimanche, quelques-uns osèrent, le jour de Pâques, au lieu de l'eulogie, envoyer la sainte eucharistie. A cause de quoi le Concile de Laodicée fit ce décret au canon xiv^ (1) : « Qu'à la fête de Pâques on n'envoie point la sainte eucharistie aux paroisses étrangères, au lieu de l'eulogie. »

Comme donc les présents étaient réciproques, les Grecs les appelaient àvri(îcupa, remuneraiiones ; ou peut-être, en un autre sens, comme le supplément du plus excellent de tous les dons, qui est la communion de l'eucharistie. Les apôtres, s'étant aperçus que quelques chrétiens re- cevaient ces eulogies des hérétiques, firent ce canon, qui est le trente- deuxième : « Qu'il ne faut pas recevoir des hérétiques des eulogies, parce qu'elles sont plutôt des malédictions que des bénédictions; » ou- tre qu'il ne peut y avoir de vraie union entre les catholiques et les hé- rétiques.

Saint Augustin appelle eulogie le pain des catéchumènes, et dit ces belles paroles (3) : a Ce que reçoivent les catéchumènes, encore que ce ne soit pas le corps de Jésus-Christ, c'est toutefois quelque chose de plus saint que les aliments dont nous usons d'ordinaire.» Parce que, comme les catéchumènes ne pouvaient pas recevoir le saint sacrement, on leur donnait du pain-bénit , lorsqu'on les congédiait de la messe.

(1) Mirrâ ayia i\ç Xôyov Iv'koynxç xarà tyjv éopTr/v tou Ilàcycx, tu; tzioaç irapoixiaç §i(XTti^-n:taQai.

(2) Quod non oporteat ab haereticis eulogias accipere, quia sunt maledictio- nes potius quambenfcdictiones.

(3) Gatechumeni quod accipiunt, quamvis non sit corpus Christi, sanctum tamen est et sanctius quam cibiquibus ahmur(lib.l DePeccatorum meritis^ etc., cap. 20). •

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528 RATIONAL

Origène Tappcllc panem sanclificalum , c'est-à-dire pam sanctifié; saint Grégoire de Nazianze, panem candidum, pro more benedictum ac cruce coîisignatum , c'est-à-dire pain blanc, qui est bénit, selon la cour- tume, avec le signe de croix.

De toutes ces choses, chacun peut juger de Tancienneté du pain-bénit; mais en ce que je vais dire, on connaîtra combien Tusage de ce pain a été agréable à Dieu.

Ruftin, dans la Vie des Pères , rapporte de Tabbé Jean que tous ceux à qui il envoyait du pain-bénit et qui en goûtaient guérissaient de leurs maladies. Nous lisons dans la Vie de saint Pacôme qu'il délivra un possédé en lui donnant du pain qu'il avait bénit. Saint Grégoire de Tours (1) raconte à ce propos une chose remarquable d'un prêtre qui, traversant la Limagne d'Auvergne, fut obligé de loger chez un villa- geois. Il se leva la nuit pour prier Dieu , et le villageois pour aller aux champs; cependant l'hôtesse apprêta le déjeûner de son mari, qui ne voulut point manger que le prêtre n'eût bénit la table. Après quoi, pre- nant du pain qui avait été bénit, il se mit en chemin avant le jour. Comme il passait une rivière dans un bac, il se trouva en grand danger de sa vie, et quand il en fut dehors il ouït une voix en l'air qui disait que le pain-bénit l'avait garanti du naufrage.

Vincent de Beauvais , en la Vie de saint Menant , dit que quelques soldats de Clovis, premier de nos rois chrétiens, ayant attenté sur la personne de ce saint homme, furent tout-à-coup frappés de Dieu, en sorte que l'un d'eux se tua après s'être déchiré, les autres devinrent aveugles et frénétiques. Le roi, informé de ce désastre, vint au saint abbé et lui demanda pardon pour ces misérables. Le saint homme bé- nit du pain qu'il leur envoya, et , leur ayant départi la bénédiction des eulogies par un morceau de pain , il leur rendit la santé entière et la liberté de retourner à l'armée , comme le rapporte tout au long cet auteur.

Quelles merveilles ne raconte-t-on pas pour avoir été faites par saint Bernard avec le pain-bénit, avant le célèbre voyage qu'il fit en Guyenne avec Albéric, évêque d'Ostie; Geoffroy, évêque de Chartres, et quelques autres évêques et prélats français. Etant à Sarlat , après avoir prêché à une grande affluence de peuple, on lui apporta quantité de pains afin qu'il les bénît , comme il faisait aux autres lieux , ce qu'il accorda. Et, pour montrer la vertu de la bénédiction , en les élevant en haut il dit à ceux qui les avaient donnés : <( Vous connaîtrez en cela que la doc-

(1) L. 1 De glor. Confess., ch. 51.

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trine que nous vous annonçons est autant véritable que celle des héré- tiques est fausse ; c'est que les malades qui goûteront de ces pains gué- riront de leurs maladies. » L'évêque de Chartres, qui était présent, voulut ajouter ces mots : a Ils guériront s'ils en goûtent avec la foi re- quise; » mais saint Bernard repartit : « Je ne dis pas ainsi , mais j'as- sure absolument que ceux qui en goûteront seront guéris. » Ce qui ar- riva effectivement , car tous les malades qui goûtèrent de ces pains-là recouvrèrent leur santé. C'était un grand témoignage de sa vive foi et de la confiance qu'il avait en Dieu ; mais cette même histoire est aussi une forte preuve que le pain-bénit et autres choses sacramentales agissent véritablement ex opère operato , ce pain ayant produit ces ef- fets sans aucune disposition de ceux qui en usèrent, encore que cela fût un miracle.

On raconte plusieurs autres prodiges du pain bénit par la main de ce saint; entre autres, que le pain avait été conservé les sept, les huit et les onze ans, sans aucune altération ou en sa couleur, ou en sa saveur. Sur quoi on récite de lui un trait fort agréable, savoir, qu'un archevêque de Danemarck l'étant venu visiter par dévotion , sur le point de son re- tour il le pria qu'il lui bénît du pain pour l'emporter avec soi. Mais, afin qu'il le pût mieux conserver, il voulut que ce fût du biscuit, à causé qu'il dure fort longtemps sans se corrompre. Le saint , ayant aperçu l'opinion de cet archevêque, relève sa créance un peu faible, le suppliant de croire que sa bénédiction était plus efficace que n'était pas la qualité de ce pain cuit deux fois. C'est pourquoi il commanda d'apporter du pain commun , qu'il bénit et donna au prélat , qui l'emporta , et ce pain se conserva autant d'années qu'il vécut, sans qu'il s'altérât ou en sa sub- tance, ou en ses qualités.

Théodore, en la Vie de sainte Hildegarde, dit qu'une jeune demoiselle de Trêves, étant extrêmement tentée, fut délivrée de son fol amour par le conseil de cette sainte , laquelle lui fit seulement prendre du pain- bénit.

11 ne faut point douter qu'il ne soit arrivé mille choses semblables

  • en la sainte Eglise, et que le même n'arrivât aux rencontres et aux né-

cessités. Mais le peu de respect et de révérence que nous rendons à ces choses, le mépris de la piété et le mauvais état de nos consciences em- pêchent l'effet et le fruit de ces choses saintes. Ce que nous pouvons dire aussi des sacrements, de notre sacrifice, de la parole de Dieu, enfin de tous les moyens qui nous sont ouverts pour nous conduire à la per- fection et à la gloire.

Tome II. 'i4

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530 RATIONAL

NOTE 23.

DU BAISER DE PAIX.

La paix donnée en se baisant a toujours été le signe d'une vraie amitié entre personnes égales, et c'est la manière dont se la donnaient autre- fois les chrétiens, qui se regardent tous comme frères.

Toutes les personnes du même sexe se donnaient mutuellement le baiser de paix, les hommes de leur côté et les femmes du leur. C'était même la principale raison pour laquelle la place des hommes était sé- parée de celle des femmes, afin que ces baisers ne pussent être que des signes d'une charité toute pure et toute sainte (1).

Les apôtres avaient recommandé ce saint baiser (2), et Ton voit dans saint Augustin de quelle manière et pour quelle raison cela se faisait : (c Après l'oraison dominicale, dit-il, on dit : La paix soit avec vous, et les chrétiens se donnent les uns aux autres le saint baiser ; ce n'est là qu'un signe de paix. Ce que les lèvres représentent doit avoir son effet dans la conscience , c'est-à-dire que, comme vos lèvres s'approchent de celles de votre frère, votre cœur doit se tenir uni à son cœur » (3).

L'Eglise a souvent demandé que cette cérémonie se fît saintement, et que l'union des lèvres, sur lesquelles les personnes sincères portent leur cœur, fût une image sensible de l'union de leurs cœurs et de leurs âmes. L'ancien Missel des Goths (4) et le Missel gallican (5), avant Charlemagne , demandaient que « le baiser qui se faisait sur les lèvres se fit dans l'ame et demeurât dans le fond du cœur. »

La coutume de s'embrasser n'a point varié jusqu'au milieu du XIII* siècle. Beleth, au XIl"^ siècle, et Durand, auXIlP, recommandent seule- ment que les hommes ne donnent pas la paix aux femmes , de peur de donner lieu à des pensées contre la pureté ; ce qui porte à croire que les places des deux sexes n'étaient plus si exactement distinguées. Mais à l'égard des hommes, on y lit qu'ils se donnaient toujours la paix en se

(1) Cmstit. Apost., lib. 2, cap. 77, et lib. 8, cap. 11.

(2) Salulate invicem in osculo sancto (Rom., 16, vers. 16).

(3) Postipsam dicitur : Pax vobiscum, et osculantur se christiani. Pacis si. gnum est : sicut ostendunt labia, fiat iu conscieritia ; id est quomodo labia tua ad labia fratris tui accedunt, sic cor tuum a corde ejus nonrecedat (Sermon 227, al. 83).

(4) Ut osculum quod in labiis datur, in cordibus non negetur (Missa 11).

(5) Pacem quam in labiis proferimus, in intimis teneamus visceribus (Mis- sa 26).

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baisant (1). Durand ajoute que les moines ne se donnaient pas la paix, parce qu'ils se regardaient comme morts au monde (2).

Ce que dit Durand a besoin de quelque distinction; car de son temps il y avait des moines et un grand nombre de religieux qui se donnaient la paix, et qui se la sont donnée encore longtemps après, de la même ma- nière que le clergé.

Les moines de Cluny et du mont Cassin se la donnaient aux fêtes so- lennelles (3). Ceux de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon avaient les mêmes usages (4). Selon les Us de Cîteaux (5) et les Constitutions des Guillemites , publiées et conlirmées dans un chapitre général en 1279, à toutes les messes conventuelles les ministres de Tautel recevaient et se donnaient la paix par un baiser, et les dimanches, qui étaient des jours de communion , tous ceux qui communiaient la recevaient de même et se la donnaient mutuellement (6). On voit aussi dans les sta- tuts des chartreux, de l'an 1259 (7), que le diacre portait la paix au chœur, et on ne trouve chez eux la coutume de donner la paix avec un instrument que dans leurs nouveaux statuts de 1368 (8). Tous les reli- gieux qu'on appelle vulgairement les quatre-mendiants se donnaient aussi la paix par un baiser. Les franciscains et les augustins suivaient exactement le rit romain. Il paraît, par l'Ordinaire du Missel des car- mes, en 1514, et surtout par leur Cérémonial, imprimé à Rome en 4616 (9), qu'ils le suivaient aussi en ce point. Mais au XVlP siècle (10), dans la plupart des couvents de France, ils donnaient là paix avec un instrument. Les dominicains, de même qu'au rit romain, se sont donné la paix par un baiser jusqu'au XVP siècle (11). Alors, il fut réglé que

(1) Homines osculum, id est pacis signum sibi invicem dant {Rationale, 1. 4, cap. 53, no 4).

(2) Hinc est quod etiam inter monachos pax non datur, quia mundo mortui reputantur (Id., lïb. 4, cap. 53, n» 8).

(3) D. Martène, De monach. rit., p. 187 et 188.

(4) Ibid.

(5) G. 57.

  • (6) Divertat os suum ad diaconum osculans eum, etc. Diebus vero dominicis

et festis quibus soient fratres ad communionem ire, prior illorum qui voluerint coiumunicare, veniens ad gradum, accipiat a subdiacono pacem, etc. [Ordin. Miss. Guillelm., tit. De Pace).

(7) Part. 1, c. 43, n» 46.

(8) Part. 1, cap. 5, n» 14.

(9) Cœrem., lib. 2, rubrica 6.

(10) Traité des Offices à l'usage de l'Ordre, en 1680, p. 351.

(11) Cela se voit dans les remarques sur ^Ordinaire de l'Ordre, écrites à Sa- lamanque en 1576, où on lit, sur l'article de la paix : « Nota circa pacem dan- dam, quod antiquitus erat consuetudo dandi pacem per osculum pacis, et ita est

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532^ UAÏIONAL

le prêtre baiserait la patène , et qu'on ferait baiser au chœur un ins- trument de paix.

Voilà assez de religieux et de moines qui se donnaient la paix au temps de Durand. On on Irouve pourtant (juelques-uns qui justifient ce (ju'il a dit.

Les Constitutions de Grammonl (1) marquent que la paix ne sera donnée qu'au diacre et au sous-diacre. A l'abbaye de Saint-Pons-de- Tomières, en Languedoc, outre le diacre et le sous-diacre, l'abbé, ou quelqu'un en son absence, recevait seul la paix (2). Les autres moines ne s'embrassaient point, et ils donnaient la raison que Durand a allé- guée, qu'étant morts au monde, ils se comportaient à toutes les messes comme à celles des morts, où la paix ne se donne point.

rt C'est peut-être, dit le P. Lebrun (3), une des premières causes qui a déterminé les laïques à ne se plus donner la paix dans l'Eglise, ne voyant pas que ceux du chœur se la donnassent, et pers(»nne ne la leur portant. Une seconde cause est qu'en plusieurs églises , et surtout en celles des religieux, les places des deux sexes n'étant pas distinguées, les hommes se trouvant indifTéremment auprès des femmes, on ne pou- vait plus s'embrasser avec bienséance. C'est apparemment pour cette raison qu'au milieu du XllP siècle on introduisit en Angleterre l'usage de donner la paix avec un instrument qu'on appela Vosculatoire , la faix , la table de la paix, le symbole de la paix (4). Ce qui fut imité dans la suite en France, en Allemagne, en Italie et en Espagne. »

Quoi qu'il en soit, le clergé seul, selon le rit romain, a conservé une partie de l'ancien usage en s'embrassant , et l'on s'est contenté de pré- senter au peuple Vosculatoire, appelé la paix (5).

intelligenda littera hœc. Sed jam in multis capitulis ordinatum est quoddetur pax cum patena vel imagine aliqua, sicut patet in capitulo Salmanticae celebrato anno Domini 1551 » {Adnot. Joan. de Palenciain Ordin. FF. Prœd.).

(1) Cap. 129, dansD. Martène , Rit. Monach , p. 188.

(2) Ibid.

(3) Tom. 1, p. 609 et 610.

(4) Dans les Constitutions synodales de Vautier Gray, évêque d'Yorck vers 1250 et 1252, on lit que parmi les ornements de l'Eglise il faut avoir oscula- torium; on lit aussi dans lôs Statuts de Cantorbéri, vers 1281 : osculatorium pacis; dans le Concile d'Oxfort, en 1287 : asser ad pacem\ dans le Concile de Merton, vers 1300 : tabulas pacis ; dans le Synode de Bayeui, vers 1300 : mar- mor deosculandum {Concil., i. II).

(5) « On a pourtant encore abandonné cet usage presque partout, à cause des disputes sur le rang, excitées à l'occasion d'une cérémonie qui devait servir à entretenir la paix. On conserve en quelques paroisses un vestige de la paix don- née aux laïques avant la communion, en la faisant baiser aux marguilliers et à ceux qui sont à la sainte table pour communier. V Ordinaire de Narbonne ,

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ou MANUEL DES DIVINS OFFICES. 533

11 n'est point fait mention d'instrument de paix dans aucun Ordre ro- main avant la fin du XV« siècle. Jusqu'alors , la paix ne s'y'donnait qu'en s'embrassant , et même dans le Cérémonial romain , imprimé pour la première fois en 1516, où il y a un chapitre exprès de la ma- nière de donner la paix à la messe du Pape, la paix ne se donne qu'en s'embrassant [per osculum pacis)^ quoiqu'il y ait des laïques qui la reçoivent et se la donnent mutuellement (1). Burcard, maître de céré- monies du Pape à la fin du XV® siècle, paraît être le premier qui ait mis dans VOrdo, pour les messes basses, que le ministre, à genoux, présente au prêtre un instrument de paix à baiser. 11 est dit dans cet Ordo, réim- primé à Rome en 1524 , qu'après avoir présenté l'instrument de paix au prêtre il va le présenter aux laïques et aux femmes mêmes. Paris de Crassis, qui, après Burcard , fut maître de cérémonies à Rome sous les papes Jules 11, Léon X, etc., jusque vers l'an 1525, parle (2) de l'usage de donner la paix par un instrument, aux messes solennelles, en quel- ques églises d'Italie ; mais il ajoute que ce n'est pas là l'usage de l'Eglise de Rome et de plusieurs autres , et qu'on ne doit porter la paix avec un instrument qu'aux petits clercs (pueris clericis) , au peuple {populo vulgari) et aux femmes. Ce qui pouvait autoriser l'usage d'un instru- ment de paix aux messes basses.

Pour se conformer à cette parole du Sauveur : « Si ton frère a quel- que chose contre toi, laisse-là ton don devantl'autel, et vas auparavant te réconcilier avec ton frère, y) les Eglises d'Orient ont marqué le baiser de paix au commencement de l'oblation (3), et l'on en 'usait de même dans les Gaules avant Charlemagne, comme on le voit dans le Missel des Goths et dans l'ancien Missel gallican, où l'oraison pour la paix est toujours marquée avant la préface. Mais à Rome et en plusieurs autres Eglises latines , on avait jugé plus à propos de placer ce baiser de paix après l'oraison dominicale , immédiatement avant la communion , <( afin, dit le pape Innocent 1", que l'on confirme en cet endroit, par le baiser, tout ce qui a été dit et opéré pendant les saints mystères. » Les

-écrit depuis près de 200 ans, veut qu'on porte la paix aux laïques qui sont au- tour de l'autel , circumstantibus ; aux clercs qui sont obligés de se tenir à la sacristie, et aux femmes dévotes , devotis mulieribus. — De Officia pueromm. » (Note du P. Lebrun, t. 1, p. 610, note 10.)

(1) Deinde oratores Gaesaris laico vel prœlato, et ille alteri oratori juxta eum stanti, et sic de aliis {Cœrem., lib. 3, cap. 3. ).

(2) De Cœr. Car. et Episc., lib. 1, cap. 50.

(3) S. Justin, ApoL, 2; — S. Clément de Jérusalem, Catéchèse 5; — Mijst. Const. Apost., 1. 2 et 1. 8; — Goncil. Laod., cap. 19; — S. Denys-l'Aréopagite Hier, cccles.

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534 RATIONAL

Eglises de France, prenant le Missel romain, se conformèrent à cet usage. Le Concile d'Aix-la-Chapelle (1), en 789, renouvela le décret du pape Innocent I*"", pour ne faire donner la paix qu'après la consécration. Le Concile de Francfort, en 794, ordonna expressément de ne la donner qu'en cet endroit de la messe (2) ; et le Concile de Mayence, en 813, re- commanda de ne pas omettre cette cérémonie de la paix, non plus que celle de Toblation , parce que la paix qu'on se donne est le signe de la concorde et de l'unanimité (3).

Nous croyons faire plaisir au lecteur en publiant ici deux oraisons très-belles, servant de préparation au baiser de paix dans la liturgie d'Alexandrie ou des Cophtes.

Oraison au Père, pour le baiser de paix.

a Dieu grand et éternel , qui as créé l'homme dans l'état de justice et pur du péché , qui as détruit la mort que la jalousie de Satan avait fait entrer dans le monde, par l'avènement vivifiant de ton Fils unique, Jésus-Christ notre Seigneur et notre Sauveur, et qui as comblé la terre d'une paix céleste ; toi que célèbre l'armée des anges , en disant : (( Gloire à Dieu au plus haut des cieux; que la paix soit sur la terre, et la bonne volonté dans les hommes ; » accomplis ton bon plaisir. Sei- gneur, en remplissant nos cœurs de ta paix; et purifie-nous de toute tache et de toute haine , de toute fraude , de tout mal et de tout ressen- timent mortel des injures. Fais, Seigneur, que nous soyons tous dignes de nous embrasser mutuellement dans un saint baiser, et qu'ainsi nous y participions, afin que tu ne nous repousses pas, au jour du jugement, de ton don immortel et céleste , par Jésus-Christ notre Seigneur. »

Autre Oraison du baiser de paix.

« La richesse de tes dons , Seigneur, est au-dessus de toute expression du langage , et surpasse toute faculté et toute intelligence de l'ame, parce que tu as voilé aux sages et aux prudents, et révélé à nous, petits, ce que les prophètes et les rois ont désiré de voir et n'ont pas vu. Ces présents, tu as daigné, dans ta faveur, nous en faire part, à nous pé- cheurs , pour que nous en soyons les ministres , et que par eux nous

(1) Capit. 53.

(2) Ut confectis sacris mysteriis in missarum solemniis, omnes generaliter pacem ad invicem praebeant (canon 50).

(3) Quia... in ipsa pace vera unanimitas et concordia demonstratur (cari. 44),

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soyons sanctifiés , lorsque tu nous as établis les dispensateurs de ton Fils, et que tu nous as légué le rit sacré de ce sacrifice non san- glant. Car notre sacrifice ne consiste plus dans le sang des victimes de Tancienne loi, ni dans une justice toute matérielle; mais c'est l'Agneau spirituel , c'est le glaive raisonnable et incorporel que nous t'offrons dans ce sacrifice. Nous en prions et supplions ta bonté, ô toi qui aimes les hommes ! purifie nos lèvres, délivre nos âmes de toute contagion mortelle , envoie-nous la grâce de ton Saint-Esprit , et rends- nous dignes de nous saluer mutuellement dans un saint baiser , afin que nous ne tombions pas sous les coups de ta justice, mais que nous re- cevions ton don immortel et céleste, par Jésus-Christ notre Seigneur» (1).

NOTE 24 ET DERNIÈRE.

ORIGINE ET ANTIQUITÉ DE LA RÉCITATION DE l'ÉVANGILE DE SAINT JEAN

A LA FIN DE LA MESSE.

L'évangile de saint Jean est la dernière addition qui ait été commu- nément faite à la messe. Il y a environ six siècles que beaucoup de prêtres l'ont récité tout bas par dévotion, en commençant leur action de grâces, et la dévotion des peuples les a portés à le réciter tout haut avant que de quitter l'autel. Selon un grand nombre d'anciens Sacra- mentaires , aussi bien que selon les anciens Rituels , on finit les céré- monies du baptême par la récitation de l'évangile de saint Jean sur les nouveaux baptisés , à cause de ces paroles : ce 11 leur a donné le pou- voir d'être faits enfants de Dieu, à eux qui croient en son nom, qui sont nés de Dieu , etc. » Et il ne convient pas moins de dire à la fin du saint sacrifice celles-ci : a Le Verbe s'est fait chair, et il a habité en nous , )) puisque Jésus-Christ se rend réellement présent sur l'autel et qu'il habite en nous par la sainte communion. Au XllP siècle, on trouve dans quelques Missels l'évangile de saint Jean parmi les prières que le prêtre, suivant sa dévotion, disait après la messe; et l'on a vu dans Durand , en 1286 , que des prêtres commençaient cet évangile à l'autel. On le trouve dans la suite en plusieurs Missels, comme le commence- ment de l'action de grâces. Il est marqué , dans les livres plus moder- nes , que le prêtre le dit en ôtant sa chasuble. De là vient qu'au diocèse de Paris et en plusieurs autres églises de France , à la messe solen-

(1) V. le P, Lebrun, 1. c, t. 2, p. 488 et 489.

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536 RATIONAL.

nelle, on dit cet évangile en allant de Tautcl à la sacristie, ou mémo ù la sacristie.

Cela suffisait à la piété des prêtres ; mais ce n'en était pas assez pour satisfaire la dévotion des assistants, qui ont souhaité de l'entendre ré- citer. Les peuples ont toujours eu une grande vénération pour Tévan- gile de saint Jean. Saint Augustin avait entendu dire plusieurs fois à saint Simplicicn , qui succéda à saint Ambroise, qu'un platonicien di- sait que le commencement de cet évangile devait être écrit en lettres d'or dans tous les lieux d'assemblée , pour pouvoir être lu de tout le monde. Le Concile de Salingestad , en 1022, nous apprend que les laï- ques, surtout les femmes , avaient dévotion d'entendre tous les jours à la messe l'évangile de saint Jean.

De tout temps on a eu dévotion de faire mettre le saint évangile sur là tête, pour être guéri de quelque mal. Saint Augustin ne le désap- prouvait pas, de peur qu'on ne recourût à quelque préservatif supersti- tieux; et le pape Paul V ordonne, dans son Rituel, qu'en allant visiter les malades on mettra la main sur leurs têtes en récitant l'évangile de saint Jean.

Dans les grandes actions qui étaient accompagnées du serment, on faisait réciter par le prêlre, à la fin de la messe, l'évangile de saint Jean , sur lequel ensuite on prêtait le serment. 11 est marqué dans la Bulle d'Or, pour l'élection de l'empereur, qu'après avoir entendu lire l'évangile de saint Jean, à la fin de la messe, les électeurs jureront en touchant ce saint évangile.

Les fidèles ont si fort souhaité qu'on le récitât à la fin de la messe, qu'ils l'ont expressément demandé dans les fondations qu'ils faisaient. Bientôt après, il ne fallut plus le recommander dans les fondations : presque tous les prêtres le récitèrent tout haut avant que de quitter l'autel. 11 est dans le Pontifical romain, dressé par Augustin Patrice, évêque de Pienza, imprimé pour la première fois à Rome en 1485, etc. Cette louable coutume est enfin devenue une loi dans le Missel du saint . pape Plie V , qui a mis l'évangile de saint Jean parmi tout ce que de- vaient réciter à la messe ceux qui se serviraient du Missel romain. (Voyez le P. Lebrun, tome 1 , p. 687 à 693.)

FIN DU TOME DEUXIÈME.

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TABLE DES MATIERES

CONTENUES DANS LE TOME DEUXIÈME

QUATRIÈME LIVRE.

l

X.A MESSE.

I. De la Messe, et de tout ce qui a lieu pendant la Messe l

II. Des cinq Psaumes que le Pontife dit avant de célébrer les saints Mys-

tères . • ' 28

III. Le Gélékant se peigne les cheveux et se lave les mains 29

IV. De la Consécration et de l'Aspersion de l'Eau-bénite 32

V. De l'Offics ou de l'Introït de la Messe 3T

VI. De l'Arrivée du Prêtre et du Pontife à l'Autel, et de la Procession. . 4^2-

VII. De la Confession que l'on doit faire à la Messe , ou du Confiteor .... 56

VIII. De la Bénédiction de l'Encens, et de la Garniture de l'Encensoir. ... 61

IX. Le Prêtre baise l'Autel et le Livre. 63

X. Le Célébrant encense l'Autel 67

XI. Comment l'Evêque ou le Prêtre et ses Ministres doivent se tenir de-

vant l'Autel ; 69

XII Dvi Kyrie eleison ■ 74

XII. Du Gloria in excelsis 76

XU. Le Célébrant salue le peuple .* 79

Xi De l'Oraison ou Collecte 88

I. De l'Epître 101

II. De la Révérence que l'on doit faire après la lecture de l'Epître. . 107

III. Le Prêtre ou l'Evêque et ses Assistants s'asseoient , . 109

X. Du Graduel 111

De VAllelu-Ia 116

I. Du Trait 1 12i

XII. De la Prose ou Séquence 125

XIII. Du Changement de Place du Prêtre 128

XIV. De l'Evangile 130

XV. Du Symbole 153

XVI. De la Prédication 168

XVII. Seconde partie de la Messe, qui commence à l'Ofifertoire 170

XVIII. De l'Ablution des mains 174

XXIX. Des Pâlies et des Corporaux 175

XXX. De rOblation du Prêtre, de l'Office de ses Ministres pendant ce

temps-là, de la Patène, et des Offrandes du peuple et des clercs. 178

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538 TABLE DES MATIÈRES

XXXI. Le Prêtre encense l'Autel une seconde fois 197

XXXII. Le Prêtre s'incline, baise l'Autel et prie 199

XXXIIT. De la Préface . 203

XXXIV. Du Sanctus 215

XXXV. De la Secrète, ou du Canon de la Messe 221

XXXVI. Explication du Canon, qui commence par ces mots : Teigitur. . 227

XXXVII. De la seconde partie du Canon, savoir : Mémento Domine. . . 236

XXXVIII. De la troisième partie du Canon 2i0

XXXIX. De la quatrième partie du Canon 2 H

XL. De la cinquième partie du Canon •. . . 251

XLI. De la sixième partie du Canon 256

XLII. De la septième partie du Canon 287

XLIII. De la huitième partie du Canon 309

XLIV. De la neuvième partie du Canon 318

XLV. De la dixième partie du Canon 324

XL VI. De la onzième partie du Canon 327

XLVII. De l'Oraison Dominicale : Pater noster , etc 3i0

XLVIII. De l'Explication ou Exposition de l'Oraison Dominicale 348

XLIX. Troisième partie de la Messe. — Du Silence après l'Oraison Domi- nicale .' 362

L. De la Reprise de la Patène 366

LI. De la Fraction de l'Hostie . . ' 369

LU. De VAgnus Dei 383

LUI. Du Baiser de paix 387

LIV. Quatrième partie de la Messe, et, en premier lieu, de la Communion

du Prêtre 393

LV. De l'Ablution [Perfusio] , 401

LVI. De la Postcommunion 403

LVII. De la Dernière Oraison, et de Vite Missa est. 405

LVIIl. Pourquoi le Prêtre baise-t-il l'épaule du Pontife? 410

LIX. De la Dernière Bénédiction 411

NOTES.

1. Etymologie du nom de Messe i.17

2. Traité de l'Eau-bénite , etc 20

3. La Danse au point de vue liturgique 38

4. Des Cierges qu'on allume pour la Messe. — D'où vient qu'on en allume

en plein jour. — Origine de cet usage 42

5. .Traité des Processions, et de leurs Cérémonies, etc 46

6. Origine et raisons de l'Encensement 4r

7. Remarques historiques sur la récitation à\i Kyrie eleison 4<

8. Antiquité du Gloria in excelsis. — Son auteur. — Depuis quand on

le dit à la Messe 46

9. Des Jubés ou Ambons. — Jean-Baptiste Thiers et les Ambonoclastes du

XVIIe siècle 46

10. Notions historiques sur le Symbole de la Foi 48

11. Du Pain que le Prêtre offre à l'Autel 48.

12. De la confection des Hosties dites Pains d'Autel ou Pains à chanter. 48'

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DU TOME DEUXIÈME. 539

13. Histoire de l'Orgue 489

14. Du Secret des paroles de la Consécration 499

15. Eventail [Flabellum) 501

16. Question singulière : Si une Messe célébrée pour plusieurs, peut au-

tant valoir pour chacun d'eux comme pour un seul, par lequel elle aurait été demandée 503

17. Observations sur la Prière Quam Oblationem, et sur les Paroles de la

Consécration 513

18. De rintinction 516

19. De l'Adoration et de l'Elévation de l'Hostie 520

20. Du Vin et de l'Eau du saint Sacrifice de la Messe 522

21. Du Mcmento pour les Trépassés, ou Résolutions sur plusieurs demandes

touchant la Prière pour les Morts, qu'on fait à la Messe, etc 525

22. Traité du Pain-bénit, etc. 525

23. Du Baiser de paix 530

24. Origine et Antiquité de la Récitation de l'Evangile de saint Jean à la

lin de la Messe 535

FIN DE LA TABLE DU TOME DEUXIEME.

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777013

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I

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