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avoir de la répugnance pour ce qui frapperait la vue, parce que nous n’avons pas l’habilude de manger de chair crue ni de boire de sang humain (De cons., dist. Panis est). En effet, les sens sont flattés en ce point qu’ils ne voient rien qu’ils n’aient coutume de voir, et la foi est édifiée en cet autre point qu’elle reconnaît en ce qu’elle voit une autre chose qu’elle ne voit point. Le troisième motif est pour éviter le ridicule, afin que le païen n’insulte pas le chrétien lorsqu’il s’approche de ce sacrement, et afin que la vérité subsiste sans le ridicule. Le quatrième motif est que l’homme mortel ne pourrait contempler l’éclat du corps du Christ, comme il arriva aux disciples lors de la transfiguration. En outre, le pain fortifie et le vin réjouit le cœur de l’homme. Enfin, pour le cinquième motif, on ne prend pas le corps du Christ sous l’apparence d’un agneau, de peur de paraître judaïser en offrant un agneau, suivant la coutume de l’ancienne loi.

XXXI. Suivent ces mots : fregit, « il rompit. » On a coutume de demander ce que le Christ rompit sur la table, et ce que le prêtre rompt sur l’autel. Il y en eut qui dirent que, de même qu’après la consécration restent les vrais accidents du pain, de même la vraie substance du pain reste aussi, parce que, comme le sujet ne peut subsister sans les accidents, ainsi les accidents ne peuvent exister sans le sujet ; car l’être, sous le rapport de l’accident, n’est autre chose que l’être en soi ou en substance. Mais la substance du pain et du vin restant au moment où se prononcent ces paroles : corpus et sanguis Christi, elle commence véritablement à être sous le corps et sous le sang ; de sorte que sous les mêmes accidents on reçoit véritablement les unes et les autres substances, c’est-à-dire le pain et la chair, le vin et le sang. Les sens font l’épreuve de deux de ces substances, la foi croit les deux autres. C’est alors qu’ils disent que la substance du pain est rompue et broyée, détournant dans ce sens la parole de l’Apôtre : panis quem frangimus, « le pain que nous rompons, » et celles-ci de saint Luc : « Le