George Sand, La petite Marie dans La Mare au Diable, 1889, illustr. Edmond Rudaux
Enfin, le dimanche matin, au sortir de la messe, sa belle-mère lui demanda ce qu’il avait obtenu de sa bonne amie depuis la conversation dans le verger.
— Mais, rien du tout, répondit-il. Je ne lui ai pas parlé.
— Comment donc voulez-vous la persuader si vous ne lui parlez pas ?
— Je ne lui ai parlé qu’une fois, répondit Germain. C’est quand nous avons été ensemble à Fourche ; et, depuis ce temps-là, je ne lui ai pas dit un seul mot. Son refus m’a fait tant de peine que j’aime mieux ne pas l’entendre recommencer à me dire qu’elle ne m’aime pas.
— Eh bien ! mon fils, il faut lui parler maintenant ; votre beau-père vous autorise à le faire. Allez, décidez-vous ! je vous le dis, et, s’il le faut, je le veux ; car vous ne pouvez pas rester dans ce doute-là.
Germain obéit. Il arriva chez la Guillette, la tête basse et l’air accablé. La petite Marie était seule au coin du feu, si pensive qu’elle n’entendit pas venir Germain. Quand elle le vit devant elle, elle sauta de surprise sur sa chaise et devint toute rouge.
— Petite Marie, lui dit-il en s’asseyant auprès d’elle, je viens te faire de la peine et t’ennuyer, je le sais bien : mais l’homme et la femme de chez nous (désignant ainsi, selon l’usage, les chefs de famille) veulent que je te parle et que je te demande de m’épouser. Tu ne le veux pas toi, je m’y attends.
— Germain, répondit la petite Marie, c’est donc décidé que vous m’aimez ?
— Ça te fâche, je le sais ; mais ce n’est pas ma faute : si tu pouvais changer d’avis, je serais trop content, et sans doute je ne mérite pas que cela soit. Voyons, regarde-moi, Marie, je suis donc bien affreux.
— Non, Germain, répondit-elle en souriant, vous êtes plus beau que moi.