La Vérité sur le différend sino-japonais

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LA VÉRITÉ
SUR LE
DIFFÉREND SINO-JAPONAIS

I.

HISTORIQUE DES RELATIONS SINO-JAPONAISES

L’action Japonaise en Chine, dont les différends sont toujours soulevés par le Japon lui-même, soit dit en passant, remonte déjà loin dans l’Histoire contemporaine. Elle se divise en trois périodes correspondant chacune à une orientation, toujours dirigée vers le même but : la Chine, mais prenant un caractère extérieur très différent selon les circonstances et les événements du moment.

Dès que le gouvernement Japonais se sentit en force, capable de franchir ses îles, ce fut à la Chine qu’il s’attaqua. D’abord progressivement vers les îles environnantes (Îles Liou-Kiou, 1876 et 1883), puis en Corée (affaires de 1876 et 1885), tâtant le terrain, cherchant à connaître les véritables forces de la Chine.

Traîtreusement, en 1894, il nous attaque sans déclaration de guerre (affaire du Kao-Shenn, 25 juillet 1894 — la guerre ne fut déclarée que le 1er août suivant après la bataille de Seï-Kouang, 29 juillet 1894 — exploit qu’il devait renouveler contre la Russie en 1905 à Tchemoulpo par l’attaque du « Variag » et de la « Korietz ». C’est le Japon qui, du reste, a inauguré cette nouvelle méthode dans l’histoire moderne, de l’attaque brusquée préalablement à toute déclaration de guerre !). Le moment était excellemment choisi, puisque nous n’avions pas d’armée moderne et ne possédions qu’une flotte très médiocre. Le Japon remporta une victoire facile et le traité de Shimonoseki (17 avril 1895). Dans cette affaire le Japon proposait également toute une longue liste de revendications et de réformes à accomplir en Corée, pour le grand bien des Coréens dont il obtenait l’indépendance (mais il oubliait de leur dire qu’il imposerait son protectorat sur ce pays, plus tard, en 1905, et que peu après il l’annexerait définitivement).

Toutefois, le traité de Shimonoseki laissait une rancune au cœur du Japon contre la France, la Russie et l’Allemagne[1]. Ces puissances étaient intervenues au sujet du Koang-Toung et de Port-Arthur, que les Japonais durent rétrocéder à la Chine. Port-Arthur était donné à bail au Gouvernement russe, deux ans plus tard (décembre 1897 et arrangement du 15-27 mars 1898).

La Russie se trouvait ainsi placée entre la Chine et le Japon, ce qui gênait terriblement les plans de ce dernier.

Pendant la deuxième période qui va suivre et qui dura plus de dix ans, tous les efforts du Japon se concentrent sur un vaste plan de campagne contre la Russie, qu’il doit évincer à tout prix de l’Extrême-Orient afin de mieux atteindre le but final.

Les événements Boxers sont aussi venus faciliter l’action japonaise. C’est principalement depuis cette époque, et pour une soi-disant garantie de sécurité internationale, que les Nippons s’installèrent solidement en Mandchourie. D’autre part, la Russie occupait (pour la surveillance du Grand Transsibérien) l’autre côté de cette vaste Mandchourie et disputait l’influence japonaise qui la menaçait. La situation se tendait de jour en jour. Le Japon grognait et montrait les dents et, fatalement, la guerre éclata entre ces deux puissances.

« Le Japon écrasa la Russie », réalisant une partie de ses convoitises en s’assurant le protectorat de la Corée, qui fut le gros morceau de cette phase d’action. Il devait, un peu plus tard, sans tambour ni trompette, annoncer au monde stupéfait l’annexion définitive de cette « pauvre et douce Corée » !

Les Puissances Étrangères, se doutant des aspirations du Japon, ne perdirent jamais de vue les faits et gestes de son gouvernement. Au traité de Portsmouth (septembre 1905) ce furent les États-Unis[2] qui intervinrent cette fois, enrayant le trop grand développement du Japon dont l’Impérialisme et le Militarisme inquiétants se manifestaient de plus en plus ouvertement. Le Japon demandait aux Russes une grosse indemnité de guerre qui lui permettrait, avec la vitesse acquise, de s’attaquer de suite, non seulement au gros « morceau de ses rêves » : la Chine, mais encore au Pacifique. Grisé par sa victoire sur « une grande nation européenne, » il ne dissimulait plus ses intentions belliqueuses, ses convoitises sur les Îles du Pacifique, sur la maîtrise possible du Pacifique ! (Et il faut relire, avec quelle chaleur, quelle arrogance même, la presse nipponne exposait les prétentions du Japon à cette époque !) Le Japon, pour ne pas perdre de temps, commençait déjà à exercer son influence sur la côte américaine ; il intriguait au Mexique, où des dizaines de mille de ses dociles sujets appliquaient la méthode japonaise de colonisation que chacun sait !

Le traité de Porstmouth était encore boiteux pour l’ambition du gouvernement de Tokio, puisqu’il n’obtenait aucune indemnité, ni les annexions demandées au détriment de la Chine !

Nous arrivons ainsi à la troisième période des relations sino-japonaises et dont la tension actuelle nous paraît être le dénoûment.

Durant cette dernière période, qui part du lendemain du traité russo-japonais, le Japon change de méthode. Elle consiste, sous le couvert de la Politique de la Porte ouverte en Chine, du Respect de l’Intégrité du sol Chinois et de « l’Opportunité égale » pour toutes les Puissances, à écarter l’action des Puissances Étrangères dans notre pays. Le Japon s’empressa de signer des Conventions, des Échanges de vues qui faciliteraient sa tâche et lui permettraient de mieux s’y installer lui-même, d’annexer la Corée… et la Mandchourie ; de prendre une position prédominante dans les affaires de la Chine, de la placer sous sa tutelle, sans oublier un pied solide dans les provinces du sud en vue d’annexions futures !

Il signe avec la France : « Un arrangement en vue d’assurer l’indépendance de la Chine…, etc. » (Paris, le 10 juin 1907. — Pichon-Kurino).

Avec la Russie : une « Convention en vue de consolider les rapports de paix et de bon voisinage », dont l’article 2 stipule que : « Les deux H. P. C. reconnaissent l’Indépendance et l’Intégrité territoriale de l’Empire de Chine et le principe de l’Opportunité égale pour ce qui concerne le commerce et l’industrie de toutes les nations dans cet empire et s’engagent à soutenir et à défendre le maintien du statu quo et le respect de ce principe par tous les moyens pacifiques à leur portée… » (Saint-Pétersbourg, le 17-30 juillet 1907 — Iswolsky-Motono).

Il fait un échange de vues avec les États-Unis, le 30 novembre 1908 (Root-Takahira), sur les mêmes principes et la question du Pacifique :

« 1° C’est le vœu des deux gouvernements d’encourager le développement libre et pacifique de leur commerce dans l’Océan Pacifique.

« 2° La Politique des deux gouvernements, à l’abri des tendances agressives, est destinée à maintenir le statu quo existant dans la région sus-mentionnée et à défendre le principe de « la Porte Ouverte » pour le commerce et l’industrie de toutes les nations en Chine.

« 3° En conséquence, les deux nations sont fermement résolues mutuellement à respecter les concessions territoriales qu’elles possèdent dans ladite région.

« 4° Elles sont également déterminées à préserver les intérêts communs de toutes les Puissances en Chine en défendant par tous les moyens pacifiques à leur disposition « l’Indépendance » et « l’Intégrité » de la Chine, le principe de « la Porte Ouverte » pour le commerce et l’industrie de toutes les nations dans cet Empire.

« 5° Si quelque événement menaçant le statu quo ainsi défini se produit, il restera aux deux gouvernements à entrer en communication l’un avec l’autre afin d’arriver à une entente sur les mesures qui pourraient être considérées comme utiles à prendre, etc… ».

Il fait un premier traité d’alliance avec l’Angleterre en 1902, où il déclare : maintenir le statu quo en Extrême-Orient et notamment en Chine et en Corée. Renouvelé le 12 août 1905 (après la guerre russo-japonaise), le préambule de ce traité déclare encore formellement dans son paragraphe b) : « Maintien des intérêts communs de toutes les Puissances en Chine, Indépendance et Intégrité de l’Empire de Chine et du principe de l’Opportunité égale (equal opportunity) pour le commerce et l’industrie de toutes les nations en Chine. » Nous retrouvons ce même paragraphe dans le préambule du nouveau Traité d’alliance anglo-japonaise de 1911.

C’est le triomphe de la politique du marquis Ito, continuée par celle non moins impérialiste et militariste, mais doublée de cléricalisme cette fois (bouddhisme) d’Okuma : « L’Asie aux Asiatiques », en réalité « L’Asie aux Japonais » !

En effet, entre temps, Okuma fonde à Tokio une vaste Association Pan-Asiatique ayant pour objet de rejeter les Occidentaux à la porte de l’Asie.

Il essaya d’endoctriner la Chine, mais n’y parvint pas. Notre esprit jeune-chinois, jeune républicain, démocrate et pacifiste s’accorde mal avec la théorie japonaise ! Notre idéal est trop différent et notre but tout opposé ! Alors que nous travaillons au développement de notre pays afin de l’amener au pas de la Civilisation moderne, d’établir des institutions, un droit commun, en harmonie avec ceux des Puissances Étrangères, et de pouvoir, en éduquant le peuple, ouvrir au plus tôt notre pays tout entier au Commerce international et à la circulation mondiale, au grand profit de l’humanité et du nôtre. Nous avons, du reste, commencé à appliquer ces principes dès le lendemain de notre Révolution, en facilitant de nombreuses entreprises étrangères dans notre pays. Le Japon, lui, veut restreindre tout ; exemple : Ce qu’il fait en Corée, qui se trouve actuellement plus fermée aux étrangers qu’avant la domination japonaise ! Tout pour le Japon ! Demandez donc aux commerçants et aux industriels étrangers devant quelles difficultés ils se trouvent en butte avec les Japonais !

N’oublions pas qu’en même temps, accomplissant leur vaste programme « L’Asie aux Japonais », les Nippons se répandent en Malaisie, en Indo-Chine (la France s’en défie encore), au Siam (dont ils espèrent bientôt faire une annexe japonaise, s’étant découvert une amitié, un amour subits pour les Siamois !), aux Indes (où ils soulèvent par d’adroites intrigues l’esprit « jeune-hindou » contre l’Angleterre), etc…, s’infiltrant partout au moyen de toutes les méthodes avouables et inavouables. Un de leurs députés M. Takéba, après un voyage de propagande japonaise dans ces divers pays, a publié à Tokio une brochure des plus édifiantes sur le « Plus Grand Japon » intitulée : « Nankokouké » ou « notes sur les Pays du Sud ».

Nous avons pu nous procurer, en 1911, une note secrète (dont il nous a paru intéressant de donner quelques extraits en addenda) sur l’organisation d’une Société japonaise à double face et dont le siège principal se trouve à Pékin en pleine capitale chinoise, qui ne laisse aucun doute sur les agissements nippons et sur leurs méthodes d’espionnage diplomatique et militaire.

En 1911 se fondait à Tokio une Société similaire, appelée : « Taheijo Mondat Danwakai », ou « Club des études des questions du Pacifique », sous la direction du Dr Hasegawa qui y fit une série de conférences intempestives contre les États-Unis.

Une autre Société « Taheijoka » ou « Société du Pacifique » était instituée le 29 mars de la même année, dont le manifeste ne laisse également aucune illusion sur les visées du Japon :

« Voilà un siècle que le champ de bataille où les nations luttent pour l’hégémonie se trouve dans l’Océan Pacifique… Aujourd’hui, la prospérité ou la décadence d’une nation dépend de sa puissance dans l’Océan Pacifique posséder l’empire du Pacifique, c’est être maître du monde ».

« Comme le Japon se trouve au centre de cet Océan, dont les vagues viennent baigner ses rivages, il doit réfléchir avec soin et avoir des vues nettes sur la question du Pacifique car son rôle dans cet Océan décidera de sa prospérité et même de son existence ».

Le manifeste continue en expliquant que le Japon doit posséder l’hégémonie dans le Pacifique.

On se rappellera peut-être que, peu avant la guerre de Mandchourie, une Société analogue s’était formée à Tokio pour a étudier la question de Mandchourie ». Sous la présidence du Prince Konoyé, elle protesta contre l’occupation de la Mandchourie par les Russes et organisa une agitation patriotique qui accoutuma le pays à l’idée de la guerre.

Or, les membres les plus ardents de la « Société de Mandchourie » — dissoute depuis la victoire — se trouvent actuellement dans la « Société du Pacifique ».

Et l’on doit comprendre que, bien plus que l’empire de la Mandchourie, l’empire du Pacifique est, pour le Japon, devant l’ouverture du Canal de Panama, une question de vie ou de mort. (La Revue Jaune, Bruxelles, 15 mai 1911, p. 357)[3].

Ajoutons qu’au moment de l’ouverture du Canal de Panama, le Japon, en réponse à « l’Armada de Roosevelt[4] », envoya sa flotte sous les ordres de l’amiral Yashiro afin de visiter San-Francisco et les eaux mexicaines. Dans des toasts échangés entre le Président Diaz et l’amiral Japonais, ce dernier déclarait sans sourciller : « Que le sang qui coule dans les veines du peuple japonais et du peuple mexicain est le même ! Tout semble établir la vérité de cette affirmation, qui explique cette affection qui vient d’éclater au grand jour ! » (L’Écho français de Mexico).

Yashiro, fidèle élève et émissaire d’Okuma, édifiait les États-Unis sur les sentiments nippons !

Rappelons, pour mémoire, car nous n’avons nullement l’intention de faire l’historique complet des relations sino-japonaises, ce qui sortirait de notre programme, les difficultés que soulevèrent le Japon en 1910, au sujet des chemins de fer Mandchouriens, Antong et la question du Kien-Tao. Le Japon refusa d’aller en arbitrage à La Haye sur la proposition du gouvernement chinois pour le règlement de cette affaire, qui ne s’arrangea qu’à la suite de l’intervention des États-Unis, proposant le rachat du réseau mandchourien par la Chine à l’aide d’un emprunt international. Cette proposition dérouta un peu le Japon et ses exigences en furent très atténuées. Nous devons rendre hommage ici aux États-Unis pour l’appui sincère qu’ils ont constamment apporté à notre patrie dans les situations difficiles. Un grave conflit fut ainsi écarté et grâce au pacifisme, à l’esprit de conciliation des Chinois, le sang, dont les Japonais font peu de cas, ne coula pas !

Il serait superflu de parler ici de l’affaire du Tatsu-Maru et des boycottages qui s’en suivirent. Mentionnons simplement la question des coolies chinois de Kagoshima, tandis que le Japon réclamait aux États-Unis pour ses sujets en Californie (Affaires des Écoles de San-Francisco, 1907).

La Révolution chinoise et la proclamation de la République sont venues un peu défriser les plans du Japon ! L’influence japonaise, c’est-à-dire son travail d’intrigues sournoises, allait se trouver compromise par le mouvement en avant des Chinois vers le progrès. À ce moment, nulle cause d’intervention ! Il fallait attendre, l’arme au pied, un prétexte que seul l’avenir pouvait leur réserver ! Mais nous savons que le Japon n’est pas gêné pour en soulever, même de futiles ! Pourtant, l’attitude neutre des Puissances étrangères à l’égard de notre révolution et de notre changement de régime, lui en imposa, malgré la démangeaison qu’il avait de débarquer son corps expéditionnaire déjà prêt ! toujours prêt du reste !

Ce ne fut qu’un léger recul du plan de son action contre nous.

Les événements européens de 1914 allaient lui donner « ce prétexte » tant attendu et tout à fait inespéré.


II.

LE CONFLIT ACTUEL

Dès que la Tension Européenne devint inquiétante et que la guerre fut imminente, le Japon se prépara à réaliser ses plans et, au mois d’août 1914, au moment de la Conflagration Générale, il se trouvait prêt. Très renseigné sur la force des Armées européennes, à peu près certain que la guerre prendrait des proportions gigantesques ; c’est le bon moment pour lui de se tailler un beau morceau du « gâteau » qu’il convoite tant et depuis si longtemps. Peu intéressé dans la grande lutte européenne, il lui importe peu que telle ou telle nation soit vainqueur ou vaincue, ce qu’il désire c’est que cette lutte dure assez longtemps, afin d’épuiser tout le monde et lui permette d’accomplir entièrement sa combinaison. La presse nipponne ne se gêne pas du reste pour étaler ces idées tout au long dans ses leaders et ses articles de fond. Donc, peu lui chaut l’Europe, mais au contraire l’Extrême-Orient va devenir son arène où seul il se trouvera devant la Chine. Il veut y établir sa prédominance ; aussi n’hésite-t-il pas à se jeter soi-disant dans la mêlée générale, cela grâce à son Traité d’Alliance de 1911 avec l’Angleterre, et sous le faux motif qui enthousiasma les Européens, de combattre l’Allemagne, il s’installait tout simplement en Chine ! Il utilisa donc à bon escient son alliance avec l’Angleterre pour pouvoir mener à bonne fin ses propres visées sur notre pays ! Le docteur Ukisa, un des plus importants écrivains politiques du Japon, le déclarait formellement dans la presse japonaise, et il était sincère : « que pour le Japon, la guerre faite à l’Allemagne devait en tout cas être considérée comme terminée à l’instant même où il avait atteint son véritable but ; c’est-à-dire son établissement dans la province du Chantoung ».

Le 15 août 1914, le gouvernement de Tokio envoyait son ultimatum à l’Allemagne :

« 1° Rappel ou désarmement immédiat de tous les navires de guerre allemands qui se trouvent dans les eaux chinoises et japonaises, le Japon considérant la présence de ces navires comme une menace pour la paix ;

« 2° Remise au Japon sans conditions ni compensations d’aucune sorte, du protectorat allemand de Kiao-Tchéou avec tout l’outillage qui s’y trouve. Cette remise devrait avoir lieu au plus tard le 15 septembre 1914, en vue d’une restitution éventuelle de Kiao-Tchéou à la Chine. »

L’Allemagne ne répondit pas à cet ultimatum et l’attaque japonaise commença dès son expiration le 23 août suivant.

Notre gouvernement, au courant des intentions du Japon, était fort inquiet. Le gouvernement des États-Unis, également prévenu des avantages que le Japon allait se créer par cette opportunité, adressa une note aux différentes puissances dès le 17 août, afin de préserver la Neutralité Chinoise qui avait été déclarée officiellement dès le début des hostilités européennes. Nous tenions, en effet, à notre stricte neutralité, et nous désarmions à Nankin la canonnière allemande Vaterland qui n’avait pu quitter le port dans les 24 heures selon les conventions de la guerre maritime (dépêche de Pétersbourg, 18 août).

Pour rassurer l’opinion étrangère, le comte Okuma proclamait au Parlement « Comme président du Conseil du Japon, j’ai déclaré et déclare à nouveau aujourd’hui aux peuples des États-Unis et du monde entier que le Japon n’a aucune ambition future, nul désir de s’accroître en territoire, nulle pensée de déposséder la Chine, ou n’importe quel autre pays. Mon gouvernement et mon pays en donnent leur parole et leur garantie, qui seront honorablement maintenues comme le Japon a toujours tenu ses promesses » (Independent, New-York, 24 août 1914).

Le Bureau de la Presse (Londres, 19 août 1914) communiquait le télégramme suivant : « Les gouvernements britannique et japonais, s’étant mis en communication, estiment qu’il est nécessaire que chacun agisse en vue de protéger les intérêts généraux en Extrême-Orient visés par l’Alliance anglo-japonaise et notamment, l’indépendance et l’intégrité de la Chine.

« Il est entendu que l’activité japonaise ne s’étendra pas dans l’Océan Pacifique, au delà des mers de Chine, sauf toutefois, en ce qui concerne les mesures nécessaires à la protection des lignes de navigation japonaise dans le Pacifique, ni au delà des eaux asiatiques à l’ouest des mers de Chine, ni dans tout autre territoire étranger en dehors de celui occupé par l’Allemagne sur le continent de l’Asie Orientale. » (Havas.)

D’autre part une note du gouvernement japonais faisait savoir que (Tokio, 26 août 1914) :

« Le gouvernement japonais vient de faire publier une longue note déclarant que la politique japonaise approuvée par l’empereur consiste à agir en toutes circonstances, dans le présent et dans l’avenir, en plein accord avec les conditions de son alliance avec l’Angleterre, ses traités d’entente avec les États-Unis et les engagements qu’il a pris avec la Chine.

« Le Japon rendra Kiao-Tchéou à la Chine, défendra l’intégrité territoriale de la Chine et fera son possible pour faire disparaître les motifs de suspicion alimentés depuis quelques années en Amérique par une campagne contre le Japon. » (Ouest-Éclair[5], 27 août 1914.)

Il déclarait également dans une autre note :

« Qu’il tient à faire savoir aux puissances qu’il demeure rigoureusement fidèle au principe du maintien de l’intégrité de la Chine. Que les opérations éventuelles en territoire chinois resteraient limitées aux frontières du protectorat allemand dans le Chantoung (août 1914). »

Ces déclarations rassurèrent tout le monde, sauf nous autres, Chinois, et nous en avions de justes raisons comme nous le verrons plus loin.

Dès ce moment, ce qui démontre encore mieux les idées de derrière la tête du Japon, ce dernier commence contre nous une odieuse campagne, un chantage en règle ; il tente de nous faire passer comme prenant parti pour la cause allemande aux yeux du Monde, et surtout à ceux des Alliés de la Triple-Entente, afin de nous faire détester, ce qui faciliterait singulièrement ses manœuvres. Nous reviendrons sur cette question.

Les opérations anglo-japonaises contre Kiao-Tchéou durèrent du 24 août au 7 novembre, jour de la reddition de la place de Tsing-Tao.

Les troupes japonaises occupèrent militairement un certain nombre de pays situés en territoire purement chinois, c’est-à-dire en dehors de la concession de Kiao-Tchéou, donc neutres ; elles occupèrent également le chemin de fer allant à Tsinan-fou ainsi que ▸ des mines situées en territoire également chinois. Malgré nos protestations, le Japon y maintint ses troupes. Il paraît que nous faisions là le jeu des Allemands ! Notre gouvernement accorda une « zone de guerre » pour faciliter les opérations japonaises par terre, espérant ainsi effacer toute suspicion contre nous et faire avorter la propagande japonaise de notre germanophilie. Il fut convenu que, sitôt les opérations terminées, c’est-à-dire sitôt la reddition de Tsing-Tao opérée, le Japon retirerait ses troupes et nous restituerait cette « zone de guerre ». (Exchange-Telegraph, Londres, 6 octobre.)

Connaissant la politique impérialiste du gouvernement japonais et sachant toutes les roueries dont il était capable, nous nous méffions de lui très sérieusement. Il nous était très facile, en effet, de contrôler l’opinion japonaise par sa presse. Tandis qu’en Europe le Japon laissait croire à sa magnanimité, à son amour de la gloire, et surtout à l’intervention possible de ses armées en Europe, lui s’occupait de toute autre chose ! Il travaillait l’opinion de son peuple contre la Chine, il lui faisait miroiter et convoiter notre riche patrie. Témoin cet article de l’officieux Journal Colonial Japonais de Tokio qui démontre irréfutablement le double jeu de leur premier

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  1. N’oublions pas que les États-Unis étaient également intervenus par l’intermédiaire de leur ministre à Tokio et de M. Foster, notre conseiller politique.
  2. Devenus puissance asiatique depuis la possession des îles Philippines, Tacoma et Hawaï.
  3. Dans un article du Word, un Japonais, Adachi Kinnosuke, examine la question du Japon contre les États-Unis. Il démontre que le Japon arme contre la Chine. Il analyse toutes les dépenses extraordinaires de la flotte et de l’armée ; les armements de Port-Arthur et à la frontière coréenne. Il exprime les craintes du Japon de voir la Chine évoluer vers le progrès ; se développer économiquement, politiquement et militairement ; en un mot le Japon craint la Chine ! Et il prétend que si le Japon a attaqué la Chine en 1895, c’est pour se défendre ; parce que la Chine installée en Corée était pour lui un cauchemar, car le Japon voyait ainsi entravé ses projets d’expansion. Le danger était que la Chine empêcha de réaliser son plan ; « danger lointain, il est vrai », et M. Adachi Kinnosuke nous permettra de lui répondre qu’il suffit d’un danger bien lointain, d’une menace bien indirecte, d’une simple entrave à ses projets pour que le Japon fasse la guerre ; et qu’il appelle cela une « guerre défensive ». Dans le même article, l’auteur analyse minutieusement les possibilités de conflits avec les États-Unis, quoique le Japon soit pacifique ! Il y discute à fond les projets Dickinson sur l’armement des Américains. Le canal de Panama est une arme redoutable contre le Japon, aussi doit-il augmenter à outrance sa flotte pour ne pas laisser la maîtrise du Pacifique à d’autres ! Le Japon s’est, du reste, assuré l’amitié de la Russie. Son accord de 1910 lui laisse les mains libres de ce côté et il peut porter son effort militaire ailleurs ! On ne peut pas être plus pacifique !
  4. Roosevelt crut sage de montrer aux Japonais, « à cette foule disposée aux entreprises les plus hasardées », par point d’honneur national, que les États-Unis possèdent une marine extrêmement puissante. Il fit faire le tour de l’Amérique à 10 cuirassés, à 20 croiseurs qui vinrent visiter les ports japonais. (Hoang-Pao, 15 janvier 1911, p. 100).
  5. Le Temps, 24 août 1914. « La réponse américaine, tout en regrettant le différend qui a surgi entre le Japon et l’Allemagne, prend occasion de cet ultimatum pour faire connaître le point de vue des États-Unis en ce qui concerne la situation, à savoir que le Japon ne cherche pas un agrandissement territorial ; que le Japon a promis de restituer Kiao-Tchéou à la Chine en maintenant l’intégrité de la République chinoise et en agissant conformément à l’alliance anglo-japonaise, dont le but est de sauvegarder également les intérêts commerciaux de toutes les puissances en Chine, et enfin qu’en cas de désordres le Japon consulterait les États-Unis avant de prendre des mesures au delà des frontières de Kiao-Tchéou.