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corps, » et alors il le distribua. D’après cette opinion, le Christ à la fois consomma le sacrement et en institua la forme après la bénédiction, lorsqu’il dit : « Ceci est mon corps. » Ceux qui sont de cet avis pensent que cette bénédiction fut quelque signe qu’il imprima ou quelque parole qu’il prononça sur le pain ; mais ce qui vient surtout infirmer cette opinion, c’est qu’il rompit le pain avant de prononcer : « Ceci est mon corps ; » et il n’est pas croyable qu’il ait distribué le pain avant de l’avoir consacré. Sans doute, on peut dire que le Christ, par une vertu divine qui nous échappe, consacra d’abord, et ensuite exprima la forme sous laquelle ses successeurs bénis sent ; car il a béni par sa propre vertu, et nous, nous ne bénissons que par cette vertu qu’il a attachée aux paroles. Donc, lorsque le prêtre prononce ces paroles du Christ : « Ceci est mon corps » et « ceci est mon sang, » le pain et le vin se changent en chair et en sang, par cette vertu de la-parole par laquelle le Verbe a été fait chair et a habité parmi nous. Car il a parlé, et tout a été fait ; il a ordonné, et tout a été créé. C’est par cette vertu qu’il a changé la femme de Loth en une statue, la verge de Moïse en un serpent, les fleuves en sang, l’eau en vin. Car, si la parole d’Elie put attirer le feu du ciel, la parole du Christ ne peut-elle pas changer le pain en chair ? Certainement, il est plus grand de tirer quelque chose de rien, que de changer une substance en une autre substance (De cons., d. ii, Revera, etc., panis) ; et il est incomparablement plus grand de concevoir que Dieu soit homme sans cesser d’être Dieu, que de concevoir que du pain devenu chair cesse d’être du pain. Le premier de ces prodiges ne s’est fait qu’une fois par l’incarnation, le second se fait continuellement par la consécration. Au moment donc où l’on prononce ces paroles, le pain, par la volonté divine, se transsubstantie en chair. Car la divine et matérielle substance de ce sacrement est la parole qui, s’approchant de l’élément, parfait le sacrement, comme le Verbe uni à la chair a fait le Christ homme.