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le vin que l’eau[1]. D’où vient qu’on peut dire, d’une autre manière, que le vin ici symbolise le Christ, qui n’a nullement besoin d’être bénit ; l’eau figure le peuple, qui, dans cette vie, ne peut être sans péché, et qui, pour l’éviter, a besoin de la bénédiction de Dieu pour être rendu digne d’être uni au Christ, comme on l’a dit ci-dessus. C’est donc pour marquer cela qu’on bénit l’eau quand on la mêle avec le vin. Deuxièmement encore, on ne bénit pas le vin parce que le sous-diacre, qui n’a pas le droit de bénir, doit, selon son office, le verser dans le calice, comme on l’a dit ci-devant. Troisièmement, parce que le peuple est symbolisé par l’eau ; il est uni au Christ seulement par la bénédiction de la grâce du Christ, que figure le prêtre en bénissant l’eau. Et l’on doit mettre plus de vin que d’eau, au jugement du prêtre, de telle sorte cependant que l’eau soit absorbée par le vin et garde le goût de ce dernier ( Extra De celeb. miss, perniciosus), et cela pour marquer que l’Église doit s’incorporer au Christ et non le Christ à l’Église. Ce qui a fait dire à saint Augustin : « Tu ne me changeras pas en toi, comme la nourriture de ta chair ; mais tu seras changé en moi. » On parlera encore de cela au mot précité : Hic est calix, et dans la sixième partie, à l’article du Jeudi saint, vers la fin. Le pape Alexandre, cité plus haut, établit que l’oblation

  1. Le prêtre ne met qu’un peu d’eau (rubrique) dans le calice, parce que ce qu’on met dans le calice pour le consacrer doit être censé du vin. Les chartreux se servent d’une petite cuillère pour n’y mettre que quelques gouttes d’eau (*). L’Ordre romain d’Amelius parle ainsi de la cuillère avec laquelle on met trois gouttes d’eau (**) ; et le Concile de Tibur, tenu en 895, dit qu’il faut deux fois plus de vin que d’eau, « afin que la majesté du sang de Jésus-Christ y soit plus, abondammnent que la fragilité du peuple représenté par l’eau » (***). Voilà encore la raison mystique qui donne lieu à l’oraison suivante que le prêtre dit en versant l’eau dans le calice : Deus, qui humanæ substantiæ, etc.

    (*) Capit cochlear, et unam aut duas aquse guttas infundit. (Ordin. Cartus, cap. 32, n° 10.)
    (**) Et post aquœ benedictionem, ponit cum cochleari tres guttas aquæ. (Ordo rom., xv.)
    (***) Ut duæ partes sint vini, tertia vero aquæ : quia major est majestas sanguinis Domini, quam fragilitas populi, qui per aquam designatur, juxta illud : Populi multi, aquæ multæ (canon 19).