Utilisateur:Мишоко/Match013 Génération des animaux T2 011-136

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/11 modifier

LIVRE DEUXIEME



CHAPITRE PREMIER.

Du principe supérieur de la génération des animaux ; l’idée du mieux et la cause finale ; de la séparation des sexes ; animaux qui émettent du sperme ; animaux qui n’en émettent pas ; fonctions du mâle et de la femelle : les vivipares et les ovipares : différence de l’œuf et de la larve ; variétés dans les vivipares et les ovipares ; des quadrupèdes et des bipèdes ; la différence dans le nombre des pieds n’est pas un caractère suffisant de classification ; diversité de la génération selon les degrés de chaleur dans les animaux ; les poissons, les crustacés, les mollusques ; classification des animaux d’après la perfection plus ou moins grande des jeunes qu’ils produisent : les insectes et leurs larves ; les chrysalides et leurs métamorphoses ; résumé partiel.


§ 1[1]. Nous avons établi antérieurement que la femelle et le mâle sont les principaux agents de la génération, et nous avons défini l’action de chacun d’eux et étudié leur essence. Pour expliquer comment il se fait que l’un devient et est femelle, et que l’autre devient et est mâle, il faut que la raison se dise qu’elle

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/12 modifier

n’a que deux partis à prendre, soit en recourant à la nécessité d’un premier moteur et d’une matière déterminée, soit en recourant au principe supérieur du mieux et à la cause finale. § 2[2]. C’est qu’en effet, parmi les choses, les unes sont éternelles et divines, tandis que les autres peuvent indifféremment être ou n’être pas. Le bien et le divin, par leur nature même, sont toujours causes du mieux possible dans les choses contingentes ; mais ce qui n’est pas éternel peut, tout à la fois, exister, et être susceptible de participer, tour à tour, du pire et du meilleur. Or, l’âme vaut mieux que le corps ; l’être animé vaut mieux que l’être inanimé, à cause de l’âme qu’il possède ; être vaut mieux que ne pas être ; vivre vaut mieux que ne pas vivre. Il n’y a pas d’autres causes que celles-là pour la

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/13 modifier

génération des animaux. § 3[3]. Cet ordre d’êtres n’est pas de nature à être éternel ; mais une fois nés, ils deviennent éternels dans la mesure où ils peuvent le devenir. Numériquement et pris un à un, c’est impossible, puisque l’essence de tout ce qui est, c’est d’être individuel ; s’il était dans les conditions voulues, il serait certainement éternel ; mais il peut être éternel en espèce. C’est ainsi que subsistent perpétuellement l’espèce humaine, par exemple, l’espèce des animaux, et l’espèce végétale. § 4[4]. Le principe des uns et des autres étant la femelle et le mâle, la femelle et le mâle sont faits en vue de la génération dans les êtres qui ont les deux sexes. Mais la cause qui donne le mouvement initial étant, de sa nature, meilleure et plus divine que la matière, puisque c’est dans cette cause que se trouvent l’essence de l’être et son espèce, il vaut mieux aussi que le meilleur soit séparé du

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/14 modifier

moins bon. Voilà comment, partout où la séparation est possible, et dans la proportion où elle est possible, le mâle est séparé de la femelle ; car le principe du mouvement, qui est le mâle dans tous les êtres qui naissent, est meilleur et plus divin ; la femelle n’est que le principe qui représente la matière. § 5[5]. Le mâle se réunit donc et se joint à la femelle pour accomplir l’œuvre de la génération, qui leur est commune à tous deux. C’est en recevant une part du mâle et de la femelle que les êtres participent à la vie. C’est encore à cette condition que les plantes ont aussi une part de vie, bien que l’ordre des animaux se distingue des plantes par la faculté de la sensibilité, dont ils sont doués.

§ 6[6]. Dans la plupart des animaux qui peuvent se mouvoir, la femelle et le mâle sont séparés, par les raisons que nous venons d’exposer. Les uns, ainsi que nous l’avons vu, émettent du sperme dans l’accouplement ; d’autres n’en émettent pas. La cause en est

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/15 modifier

que ces animaux sont plus élevés et plus indépendants par leur nature même, et qu’ils prennent plus de développement et de grandeur. Or, ce développement ne saurait avoir lieu sans la chaleur que l’âme produit ; car il faut nécessairement une force plus grande pour mouvoir un être plus grand ; et c’est la chaleur qui détermine le mouvement. Aussi, à considérer les choses en général, peut-on dire que les animaux qui ont du sang sont plus gros que ceux qui n’en ont pas, et que les animaux qui marchent et se meuvent sont plus gros que les animaux immobiles.

§ 7[7]. On doit comprendre maintenant d’où vient qu’il y a un mâle et une femelle. Mais, parmi les animaux, les uns mènent à fin et produisent au dehors un être semblable à eux, et ce sont ceux qui mettent au jour des êtres vivants ; les autres produisent un être qui n’a pas encore de membres, et qui n’a pas reçu définitivement

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/16 modifier

sa forme. De ces derniers animaux, ceux qui ont du sang font des œufs : ceux qui n’ont pas de sang font des larves. L’œuf et la larve diffèrent en ce que dans l’œuf, il y a une certaine partie d’où vient l’être qui en naît, tandis que l’autre partie restante sert à nourrir l’être naissant. Au contraire, la larve est ce dont sort entièrement fait l’être auquel toute entière elle donne naissance. § 8[8]. Quant aux animaux vivipares qui mettent au jour un être qui est semblable à eux et complet, les uns sont directement vivipares en eux-mêmes, comme l’homme, le cheval, le bœuf, et, parmi les animaux marins, le dauphin et les êtres de même ordre. Les autres sont d’abord ovipares en eux-mêmes, et ensuite vivipares au dehors,

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/17 modifier

comme ceux qu’on appelle Sélaciens. § 9[9]. Entre les ovipares, les uns font leur œuf complet, comme les oiseaux, par exemple, comme les quadrupèdes ovipares, et les ovipares dépourvus de pieds, tels que les lézards et les tortues d’une part, et, d’autre part, le plus grand nombre des espèces de serpents. Dans tous ces animaux, les œufs une fois sortis ne prennent plus d’accroissement. Au contraire, d’autres ovipares font des œufs imparfaits, comme les poissons, les crustacés et ceux qu’on appelle des mollusques ; car les œufs de ceux-là ne se développent qu’après leur sortie.

§ 10[10]. Tous les vivipares et les ovipares ont du sang ; et tous les animaux qui ont du sang sont ou vivipares ou ovipares, quand ils ne sont pas absolument inféconds. Mais, parmi les exsangues, les insectes font des larves, soit qu’ils naissent d’un accouplement, soit qu’ils se fécondent eux-mêmes. C’est qu’en

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/18 modifier

effet, il y a des insectes qui naissent spontanément ; mais il y en a aussi qui sont mâles et femelles ; ils produisent un être en s’accouplant ; mais l’être ainsi produit est imparfait. Nous avons exposé la cause de ce phénomène dans d’autres ouvrages, antérieurs à celui-ci. § 11[11]. Il y a de grandes variétés de ce genre selon les espèces. Ainsi, tous les animaux à deux pieds ne sont pas vivipares, puisque les oiseaux sont ovipares ; mais, tous les animaux à deux pieds ne sont pas non plus ovipares sans exception, témoin l’homme, qui est vivipare. De même non plus, tous les quadrupèdes ne sont pas ovipares, puisque le cheval, le bœuf et des milliers d’autres espèces sont vivipares ; mais tous les quadrupèdes ne sont pas vivipares, puisque les lézards, les crocodiles et une foule d’autres font des œufs. § 12[12]. Ce n’est pas d’ailleurs parce que les animaux ont des pieds, ou qu’ils n’ont pas de pieds, qu’ils diffèrent

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/19 modifier

à cet égard ; car il y a des animaux sans pieds, des apodes, qui sont vivipares, témoins les vipères et les sélaciens ; et d’autres apodes sont ovipares, comme l’ordre des poissons et le reste des serpents. Parmi les animaux qui sont pourvus de pieds, il s’en trouve un bon nombre qui sont ovipares et vivipares, comme ceux qu’on vient de nommer, et qui ont quatre pieds. En outre, il y a des animaux qui sont pourvus de pieds et qui sont vivipares en eux-mêmes, tels que l’homme, et aussi des animaux apodes, tels que la baleine et le dauphin, qui sont vivipares de la même façon.

§ 13[13]. Il n’est donc pas possible de diviser les classes d’animaux par ces caractères ; et aucun des organes destinés à la marche ne suffiraient à expliquer la cause de leurs différences. Tout ce qu’on peut dire, c’est que les animaux dont la nature est plus parfaite

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/20 modifier

et qui représentent un principe plus pur, sont vivipares, et qu’aucun animal n’est vivipare en lui-même, s’il ne reçoit l’air et s’il ne respire. Les plus parfaits sont ceux qui, de nature, sont plus chauds et plus humides, et qui ne sont pas terreux. § 14[14]. C’est le poumon qui détermine la chaleur naturelle, dans tous les animaux où cet organe est plein de sang. En général, les animaux qui ont un poumon sont plus chauds que ceux qui n’en ont pas ; et même parmi ceux qui ont un poumon, les plus chauds sont ceux dont le poumon n’est, ni spongieux, ni visqueux,

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/21 modifier

ni peu sanguin, mais, au contraire, plein de sang et mou.

§ 15[15]. De même que le jeune peut être complet, tandis que l’œuf est incomplet ainsi que la larve, de même il est dans l’ordre de la Nature que l’être complet vienne d’un être plus complet que lui. Les animaux qui sont plus chauds parce qu’ils ont un poumon, et qui sont d’une nature plus sèche, ou bien qui sont plus froids et plus humides, tantôt font un œuf complet quand ils sont ovipares ; et tantôt, après avoir fait un œuf, ils sont vivipares en eux-mêmes. Ainsi, les oiseaux et les animaux à écailles pourraient produire des êtres complets à cause de leur chaleur ; mais ils sont ovipares à cause de leur sécheresse. § 16[16]. Quant aux sélaciens, comme ils sont moins chauds que les oiseaux et plus humides qu’eux, ils participent des deux organisations ; ils produisent en eux-mêmes un œuf, et ensuite un être vivant, faisant un œuf, parce

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/22 modifier

qu’ils sont froids, et un être vivant parce qu’ils sont humides. C’est que l’humide est plein de vie, et que le sec est de beaucoup ce qu’il y a de plus éloigné de l’être animé. Or, comme ils n’ont ni ailes, ni carapaces, ni écailles, qui sont les marques d’une nature plus sèche et plus terreuse, ils font un œuf qui est mou. § 17[17]. Mais le terreux ne flotte pas plus à la surface dans l’œuf qu’il n’y flotte dans l’animal lui-même ; et c’est là ce qui fait que ces animaux produisent en eux-mêmes un œuf ; car si l’œuf, n’ayant rien qui le protège, allait au dehors, il y périrait. Mais les animaux plus froids et plus secs produisent un œuf qui est incomplet, et qui a une pellicule dure, parce que ces animaux sont terreux. Cet œuf, tout incomplet qu’il est, peut subsister sain et sauf, parce que son enveloppe est assez ferme pour le protéger.

§ 18[18]. Les poissons qui ont des écailles et les crustacés,

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/23 modifier

qui sont terreux, font aussi des œufs revêtus d’une peau assez résistante. Les mollusques, dont le corps est naturellement visqueux, font réussir les œufs qu’ils répandent de la manière suivante, c’est-à-dire, en versant en abondance sur la ponte une liqueur visqueuse. § 19[19]. Quant aux insectes, ils sont tous larvipares ; et comme ils n’ont pas de sang, ils font leurs larves au dehors. Cependant, les animaux exsangues ne font pas tous des larves sans exception. On remarque beaucoup de variétés entre eux et des uns aux autres, selon qu’ils font des larves, ou selon que l’œuf qu’ils pondent est incomplet, comme le font aussi les poissons, les animaux à carapaces, les crustacés et les mollusques. Pour ceux-ci, les œufs sont produits

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/24 modifier

sous forme de larves, et ils se développent et croissent au dehors ; pour les autres, les larves prennent plus tard la forme d’œufs. Dans ce qui va suivre, nous expliquerons comment se passent tous ces phénomènes.

§ 20[20]. Il faut bien nous dire que la Nature s’arrange toujours pour que la génération soit régulière et continue. Les animaux les plus parfaits et les plus chauds font un jeune qui est complet quant à la qualité ; car aucun animal ne produit un jeune qui soit complet quant à la quantité, puisque tout ce qui naît prend de la croissance ; et les animaux supérieurs produisent les jeunes immédiatement en eux-mêmes. § 21[21]. Mais, les animaux de second ordre n’engendrent pas directement en eux-mêmes des êtres complets ; ils ne sont vivipares qu’après avoir fait préalablement un œuf en eux-mêmes ; et au dehors, ils font un petit vivant. Il en est qui ne font pas un animal vivant, mais seulement un œuf ; et cet œuf, en

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/25 modifier

lui-même, est complet. Ceux même d’entre ces animaux dont la nature est plus froide ne font pas un œuf complet ; mais leur œuf se complète et s’achève au dehors, comme on le voit dans les poissons à écailles, dans les crustacés et dans les mollusques. Quant au cinquième ordre, qui est le plus froid de tous, il ne produit pas d’œuf directement ; mais il subit au dehors les transformations dont on a parlé. Ainsi, les insectes font d’abord des larves ; la larve en se développant devient une sorte d’œuf ; car ce qu’on appelle la chrysalide remplit la fonction de l’œuf ; et de cet œuf, provient ensuite un animal qui, dans ce troisième changement, prend son développement définitif.

§ 22[22]. En résumé, il y a des animaux qui, comme on l’a dit antérieurement, ne viennent pas de sperme ; mais tous les animaux qui ont du sang viennent de sperme, et ce sont ceux chez lesquels, à la suite d’un

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/26 modifier

accouplement, le mâle introduit le sperme dans la femelle ; cette semence ainsi introduite fait que le jeune se constitue et reçoit la forme qui lui est propre. D’autres animaux reçoivent la vie dans les parents eux-mêmes ; enfin, d’autres animaux viennent dans des œufs, dans des spermes, ou par des transformations analogues.


CHAPITRE II

Question générale de la production des animaux ; trois conditions indispensables, la matière, la cause et l’essence ; la matière est dans la femelle ; la cause est dans le sperme ; son action spéciale ; citations des vers Orphiques ; de la production des différents organes ; comparaison avec le mouvement des automates, dont l’un fait mouvoir l’autre, et produit une succession de mouvements indépendants ; mouvement à peu près semblable communiqué par le sperme ; il donne le premier mouvement, et les parties diverses de l’animal se développent à la suite ; comparaison des productions de la Nature et des productions de l’art ; le sperme a une âme, principe de la nutrition et de la croissance de tous les êtres, des plantes aussi bien que des animaux ; le cœur est le premier organe qui paraît en eux : et il est le principe de la croissance ultérieure.


§ 1[23]. Une question plus difficile se présente ici : comment se peut-il que de la semence, soit des plantes,

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/27 modifier

soit des animaux, il sorte un être quelconque ? Il y a nécessité évidente que tout ce qui naît naisse de quelque chose, par l’action de quelque chose, et soit lui-même quelque chose. De quelque chose, c’est la matière, que certains animaux portent primitivement en eux-mêmes, après l’avoir reçue de la femelle. C’est ce que font tous les animaux qui ne viennent pas de vivipares, mais qui proviennent d’œufs ou de larves. D’autres aussi tirent leur nourriture de la femelle, pendant un temps fort long, par l’allaitement, comme le font tous ceux qui sont issus de vivipares, soit au dehors, soit même en dedans. Ainsi, cette matière est bien ce dont viennent les animaux. § 2[24]. En second lieu, on se demande non plus De quoi viennent les animaux, mais Par quelle action sont faites les parties qui les composent. Ou bien, c’est quelque chose d’extérieur qui les fait ; ou bien, il y a dans la semence et dans le sperme quelque chose qui s’incorpore à eux : et ce quelque chose est, ou une certaine

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/28 modifier

partie de l’âme, ou l’âme entière, ou ce qui pourrait acquérir une âme. Mais, la raison ne peut pas admettre que ce soit quelque chose d’extérieur qui vienne composer chacun des viscères, ou chacune des autres parties quelconques de l’animal ; car il est impossible qu’il y ait mouvement s’il n’y a pas de contact, et que, s’il n’y a pas de moteur, l’être puisse éprouver de lui quoi que ce soit. § 3[25]. Il faut donc qu’il y ait primitivement, dans le germe même, quelque chose d’originaire qui soit, ou une partie de lui, ou quelque partie qui en soit séparée. Que ce quelque chose soit séparé, et autre que lui, c’est ce que raisonnablement on ne saurait supposer. L’animal une fois produit, ce quelque chose disparaît-il ? ou reste-t-il ? Mais, on ne voit rien qui soit en lui sans être aussi une partie du tout, qu’il s’agisse d’une plante ou d’un animal. Il n’est pas

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/29 modifier

moins impossible que ce qui a fait, ou toutes les parties ou certaines parties de l’animal, puisse périr et disparaître ; car alors qui formerait les parties restantes ? § 4[26]. Si ce quelque chose forme le cœur, par exemple, et qu’il disparaisse, et que le cœur à son tour forme quelque autre organe, l’objection est toujours la même, et il faut que tout périsse ou que tout subsiste et demeure. Or, l’animal subsiste ; il y a donc une partie de lui qui se trouve immédiatement dans le sperme, et s’il n’y a rien de l’âme qui ne doive être aussi dans une certaine partie du corps, il faut que, dès l’origine, cette partie soit immédiatement animée par l’âme. Et alors, comment les autres parties le sont-elles ? § 5[27]. De deux choses l’une : ou toutes les parties se forment ensemble et à la fois :

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/30 modifier

cœur, poumon, foie, œil, et tout le reste ; ou bien, elles se forment successivement, comme il est dit dans les vers attribués à Orphée, où l’on prétend que l’animal se forme successivement « comme les mailles d’un filet. » Que toutes les parties du corps ne soient pas formées en une fois, c’est ce que la moindre observation sensible nous fait voir. Dès le premier instant, certains organes se montrent, tandis que d’autres n’apparaissent pas encore. Et qu’on ne dise point que c’est à cause de leur petitesse qu’on ne les aperçoit point ; car le poumon, qui est plus gros que le cœur, ne se montre qu’après le cœur, dans ces premiers développements de la génération. § 6[28]. Puisque tel

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/31 modifier

organe vient auparavant, et que l’autre organe vient après, on demande si l’un des deux produit l’autre, ou s’il vient simplement à la suite, ou, pour mieux dire, si l’un ne vient pas après l’autre Voici ce que je veux dire : ce n’est pas le cœur qui, après avoir été fait lui-même, fait à son tour le foie, comme le foie ferait encore tel autre viscère ; mais l’un vient uniquement après l’autre, comme après l’enfant vient l’homme, sans que l’homme soit fait par l’enfant. La raison de ceci, c’est que, dans tous les produits de la Nature et de l’art, ce qui est en puissance vient de ce qui est en réalité et par son fait, de telle sorte qu’il faudrait qu’ici l’idée et la forme fussent déjà dans l’être actuel, et, par exemple, que la forme du foie fût d’abord dans le cœur. Autrement, on ne fait qu’une hypothèse dénuée de sens, et une pure rêverie. § 7[29]. Mais ce qui est encore tout aussi faux, c’est de supposer qu’il y a immédiatement dans le sperme une partie

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/32 modifier

intrinsèque, soit de la plante, soit de l’animal, naissant tout à coup, que cette partie d’ailleurs puisse ou ne puisse pas former tout le reste, s’il est vrai que tout être vienne ou de semence ou de liqueur génératrice. Il est clair en effet que l’embryon serait formé par l’être qui fait le sperme, si l’embryon était d’abord dans cet être. Mais il faut que le sperme soit antérieur à l’être produit ; et le sperme n’est l’œuvre que de l’être qui engendre. Il n’est donc pas possible qu’il y ait en lui aucune partie de l’être engendré. Ainsi, l’état qui en fait un autre n’a pas en lui-même les parties de l’être qu’il fait. § 8[30]. Mais il n’est pas possible davantage que ces parties soient en dehors de lui. Cependant, il faut nécessairement qu’une de ces deux assertions soit vraie, et nous devons essayer de résoudre ces difficultés. Dans les deux alternatives qu’on vient d’indiquer, il n’y a rien d’absolu ; et peut-être ne doit-on pas affirmer que, d’une certaine

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/33 modifier

manière, à un certain moment, il soit impossible que quelque être ne puisse provenir d’une cause extérieure à lui. Ceci est en partie possible et en partie impossible. § 9[31]. Dire le Sperme ou dire l’Être d’où vient le sperme, c’est au fond la même chose, en ce que cet être a en lui-même le mouvement qu’il a communiqué à son sperme. Il est tout à fait possible que telle ou telle chose mette en mouvement telle autre chose, et que cette autre en meuve une autre encore, comme on le voit dans les automates, que l’on montre par curiosité. Les parties qui y sont immobiles ont une espèce de force motrice ; et quand l’une de ces parties a reçu un premier mouvement du dehors, la partie suivante se met aussitôt en un mouvement réel. § 10[32]. De même donc que, dans les automates, telle partie donne le mouvement sans rien toucher actuellement, mais parce qu’elle a touché antérieurement ce qu’elle meut, de même l’être d’où vient le sperme,

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/34 modifier

ou qui a fait le sperme, a bien touché naguère quelque partie, mais il ne la touche plus actuellement ; ou plutôt, c’est le mouvement qui est en lui qui a touché, tout comme c’est l’art de l’architecte qui met la construction de la maison en mouvement.

§ 11[33]. Il est donc certain qu’il existe en ceci quelque chose qui fait et produit l’être, sans que ce soit en tant qu’être déterminé, ni en tant qu’être préalablement et absolument accompli. Quant à savoir comment chaque être peut se produire, il faut tout d’abord poser ce principe supérieur, que tous les produits de la Nature ou de l’art ont pour cause un être réel et actuel, produit par un être qui en puissance est tel que lui. Le sperme est donc de telle nature, et il a une action et un mouvement de telle nature, que, même après que son mouvement a cessé, chacune des parties de l’être se forme et devient animée. Il

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/35 modifier

n’y a plus de visage, il n’y a plus de chair, si cette chair et ce visage n’ont pas d’âme et de vie ; car une fois détruits par la mort, ce n’est plus qu’une simple homonymie qui peut les désigner encore sous ce nom, comme on parle de main et de chair, quand il ne s’agit que d’une main et d’une chair de pierre ou de bois. § 12[34]. Les parties similaires de l’animal et ses parties organiques se forment tout ensemble ; et de même que nous ne dirions pas que c’est le feu qui a fait une hache ou tel autre instrument, de même on ne peut pas dire non plus que le sperme ait fait le pied, la main, la chair, etc., qui ont également leur fonction particulière. La chaleur et le froid peuvent bien produire, dans les parties qui sont une fois animées, la dureté, la mollesse, la viscosité, la rudesse et d’autres qualités de ce genre ; mais le froid et la chaleur ne peuvent pas faire l’essence qui forme, de ceci de la chair, et de cela un os. Ce qui produit cette essence, c’est le mouvement venu du parent qui existe en acte, et qui engendre ce qui n’est qu’en puissance. § 13[35]. C’est

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/36 modifier

de ce parent que vient le mouvement, et il en est ici tout à fait de même que pour les produits de l’art. La chaleur et le froid font bien que le fer s’amollit ou se durcit ; mais ce qui fabrique l’épée, c’est le mouvement des instruments, lequel mouvement a la raison même de l’art. En effet, l’art est le principe et l’idée du produit ; seulement, l’art agit dans un autre être, tandis que le mouvement de la nature a lieu dans l’être lui-même, et ce mouvement vient d’une autre nature qui a déjà l’espèce en acte et en réalité.

§ 14[36]. Du reste, on peut se demander pour le sperme, tout aussi bien que pour les organes, s’il a ou s’il n’a pas d’âme. L’âme ne se trouve exclusivement que dans l’être dont elle est l’âme ; et il n’y a de partie véritable que celle qui participe de l’âme ; ou autrement, ce n’est qu’une simple homonymie, comme l’œil d’un cadavre. Il est donc clair que le sperme a une âme, et qu’il est

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/37 modifier

âme puissance. D’ailleurs, ce qui est en puissance peut être, relativement à lui-même, plus ou moins loin de se réaliser, de même qu’un géomètre qui dort est plus loin de faire de la géométrie que le géomètre éveillé ; et celui-ci, quand il ne fait pas de géométrie, est plus éloigné que celui qui en fait. § 15[37]. Aucune partie de l’âme n’est la cause réelle de la génération ; et la génération ne vient que de l’être qui a été auteur du mouvement extérieur. Aucune partie de l’animal ne s’engendre elle-même ; mais une fois engendrée, elle peut s’accroître par elle toute seule. Il y a donc un premier degré, et tout ne se fait point à la fois ; mais, de toute nécessité, ce qui se produit tout d’abord, c’est ce qui contient le principe de la croissance future. Que l’être soit une plante ou qu’il soit un animal, il a toujours la faculté de se nourrir ; et cette faculté est aussi celle qui fait que l’être produit un autre être semblable à lui, parce que c’est là une fonction inhérente à tout être qui est naturellement complet, soit animal, soit plante. § 16[38]. Il y a donc nécessité qu’il en soit ainsi, parce qu’une fois que l’être existe, il faut nécessairement qu’il se développe et qu’il croisse. C’est bien un être synonyme à lui qui l’a produit, comme l’homme engendre l’homme ; mais

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/38 modifier

une fois produit, l’être s’accroît de son propre fond. Il y a donc une cause à la croissance qu’il doit prendre plus tard. Et quand il y a quelque cause de ce genre, il faut que ce quelque chose existe avant tout le reste. Si c’est le cœur qui est produit le premier dans les animaux, et la partie correspondante au cœur chez les animaux qui n’ont pas de cœur, il s’ensuit que c’est le cœur qui est le principe dans ceux qui ont un cœur, et que c’est la partie analogue dans ceux qui ne sont pas pourvus de cet organe.

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/39 modifier


CHAPITRE III

De la nature du sperme ; singulières propriétés du sperme ; il est d’abord épais et blanc ; le froid le rend liquide, et la chaleur l’épaissit ; le sperme n’est ni de l’eau, ni de la terre ; ni un mélange des deux ; nécessité d’une analyse plus exacte ; le sperme est un mélange d’eau et d’air ; transformation de l’huile et de la céruse mêlées l’eau et à l’écume ; effets divers de l’agitation donnée au mélange ; erreur de Ctésias sur le sperme des éléphants ; erreur d’Hérodote sur celui des Éthiopiens ; le sperme est toujours blanc comme de l’écume ; du nom d’Aphrodite : le sperme ne gèle pas, parce que l’air non plus ne peut geler.


§ 1[39]. Pour répondre aux questions que nous nous étions posées antérieurement, nous venons d’expliquer quelle est la cause qui, en tant que principe, produit dans tout animal le premier mouvement et qui l’organise. Mais, il nous reste encore à éclaircir bien des questions sur la nature du sperme. Quand le sperme sort de l’animal, il est épais et blanc ; une fois refroidi, il devient liquide comme l’eau, et il prend la couleur de l’eau. Le fait peut paraître assez singulier ; car l’eau ne s’épaissit pas en s’échauffant ; mais, le sperme

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/40 modifier

sort épais de la chaleur intérieure ; et s’il devient liquide, c’est par le refroidissement. § 2[40]. Cependant, tous les liquides se congèlent, tandis que le sperme mis à l’air, par des jours de glace, ne se congèle pas, et devient liquide, comme s’il ne pouvait s’épaissir que par le contraire du froid. Il est vrai que la raison ne comprend pas davantage que ce soit la chaleur qui l’épaississe. Tous les corps qui sont plutôt terreux se condensent et s’épaississent quand on les échauffe, comme on le voit par le lait. Le sperme en se refroidissant devrait donc devenir solide ; mais il ne prend pas du tout de solidité, et il devient tout entier comme de l’eau. § 3[41]. Voici donc où est la difficulté : si le sperme est de l’eau, on peut observer que l’eau ne s’épaissit pas par la chaleur, tandis que le sperme sort épais et chaud du corps, qui est chaud, ainsi que lui. Si le sperme est terreux, ou s’il est un mélange d’eau et

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/41 modifier

de terre, il ne devrait pas devenir tout entier liquide, ni devenir tout à fait de l’eau.

§ 4[42]. Du reste, nous n’avons peut-être pas bien analysé tous les phénomènes qui se présentent ici. En effet, ce n’est pas seulement le liquide composé d’eau et de terre qui se congèle et s’épaissit ; c’est encore le composé d’eau et d’air, comme on le voit par l’écume qui s’épaissit et qui devient blanche ; et plus les bulles en sont petites et indistinctes, plus sa masse devient blanche et épaisse. L’huile présente le même phénomène ; mélangée d’air, elle s’épaissit. Ainsi, en blanchissant, le corps de l’huile devient plus épais, parce que la partie aqueuse qui est dedans se sépare par l’action de la chaleur, et se change en air. Le blanc de plomb mêlé à de l’eau et à de l’huile change un petit volume en un volume plus considérable ; de liquide, il devient solide ; et, de noir, il devient blanc. Cela tient uniquement au mélange de l’air, qui augmente le volume et y développe la blancheur,

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/42 modifier

comme dans l’écume, et dans la neige, qui n’est guère non plus que de l’écume. § 5[43]. C’est également ainsi que l’eau mêlée à l’huile devient épaisse et blanche ; l’agitation à laquelle on la soumet y renferme de l’air ; et l’huile elle-même contient déjà de l’air en grande quantité ; car le corps qui est gras n’est, ni de la terre, ni de l’eau ; il est de l’air. C’est pour cela que l’huile surnage à la surface de l’eau. L’air qui y est contenu, comme dans un vase, la porte en haut, la retient à la surface, et cause sa légèreté : L’huile s’épaissit par le froid et dans les temps de gelée ; mais elle ne se congèle pas ; et si elle ne gèle pas, c’est à cause de la chaleur, parce que l’air est chaud et qu’il ne gèle pas ; mais c’est parce que l’air se contracte et s’épaissit par le froid que l’huile devient également plus épaisse.

§ 6[44]. C’est donc par les mêmes raisons que le sperme sort de l’intérieur du corps épais et blanc, contenant, à cause de la chaleur du dedans, beaucoup d’air chaud

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/43 modifier

et qu’une fois sorti il devient liquide et noir, quand il a perdu sa chaleur et que l’air s’est refroidi. Alors, il ne lui reste que l’eau, et une petite quantité de matière terreuse, qui se retrouve dans le phlegme aussi bien que dans le sperme desséché. A ce point de vue, le sperme est un mélange qui tient du souffle intérieur et de l’eau tout à la fois ; car le souffle n’est que de l’air chaud, et si le sperme est liquide par sa nature, c’est qu’il vient de l’eau. § 7[45]. Ctésias de Cnide, s’est évidemment trompé dans ce qu’il dit du sperme des éléphants. Il prétend que ce sperme durcit tellement, en se desséchant, qu’il devient solide autant que de l’ambre. Cela n’est pas exact. Ce qui est vrai, c’est que le sperme doit nécessairement être plus terreux dans tel animal que dans tel autre, et qu’il l’est surtout dans les animaux ou, à cause de la masse du corps, il y a

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/44 modifier

beaucoup d’élément terreux. § 8[46]. Mais le sperme est épais et blanc, parce qu’il est mélangé de souffle. Chez tous les animaux sans exception, il est blanc ; et Hérodote est dans l’erreur quand il dit que le sperme des Éthiopiens est noir, comme s’il fallait absolument que tout ce qui vient d’hommes à peau noire fût noir comme eux. Cependant, Hérodote voyait bien que les dents des Éthiopiens sont blanches. § 9[47]. Ce qui fait que le sperme est blanc, c’est qu’il est de l’écume, et que l’écume est blanche. L’écume qui est la plus blanche est celle qui se compose de particules extrêmement petites, et tellement petites que chaque bulle, prise à part, est imperceptible. C’est précisément là ce qui se produit pour l’eau et l’huile, qu’on mélange et qu’on agite, comme on vient de le dire. D’ailleurs, il ne semble pas que les Anciens aient ignoré complètement que le sperme est, de sa nature, une sorte d’écume ; car c’est de cette propriété du sperme qu’ils

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/45 modifier

ont tiré le nom de la Déesse, qui est la souveraine de l’union des sexes (Aphrodite.)

§ 10[48]. Ainsi, se trouve résolue la question que nous avions posée un peu plus haut ; nous sommes remontés à la cause ; et nous devons voir maintenant que, si le sperme ne gèle pas, c’est que l’air ne peut pas geler.


CHAPITRE IV

De la première apparition de la vie dans l’embryon : il ne peut pas être privé du principe vital, et il doit avoir les deux principes de la nutrition et de la sensibilité, qui constituent l’animal ; citation du Traité de l’Âme ; extrême difficulté de savoir à quel moment l’intelligence se montre : les spermes et les embryons ont l’âme en puissance, sans l’avoir en fait : l’entendement vient du dehors et est un principe divin : action de la chaleur animale, partie de la vie universelle : c’est le sperme qui communique le mouvement et l’âme à l’embryon. — Interpolation.


§ 1[49]. En admettant que, pour les espèces d’animaux où a lieu une émission de sperme dans la femelle, ce qui est émis ainsi n’est point une partie quelconque du jeune qui est conçu, il faut, comme suite de tout ce qui précède, rechercher et dire ce que devient la partie matérielle et corporelle du sperme, puisqu’il

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/46 modifier

exerce une action par la force déposée en lui. Il nous faut résoudre, avec précision, la question de savoir si le produit constitué dans la femelle reçoit quelque chose, ou ne reçoit rien, de ce qui entre en elle. Quant à l’âme, qui distingue l’animal et lui vaut cette appellation, car il n’y a réellement d’animal que par la partie sensible de l’âme, il faut savoir si elle réside, ou ne réside pas, dans le sperme et dans l’embryon, et d’où elle vient. § 2[50]. Il est impossible en effet de considérer l’embryon comme étant sans âme, et absolument privé de toute espèce de vie ; car les spermes et les embryons des animaux vivent tout aussi bien que les graines des plantes, et, jusqu’à un certain point même, ils sont capables de fécondité. Il est donc évident qu’ils ont l’âme nutritive, et que bientôt aussi ils ont

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/47 modifier

l’âme sensible, qui fait l’animal. Que l’âme nutritive soit de toute nécessité celle qu’on doit supposer la première, c’est ce qu’on peut voir clairement d’après ce que nous avons, ailleurs, dit de l’âme. § 3[51]. Ce n’est pas d’un seul coup que l’être devient animal et homme, animal et cheval ; et ceci s’étend à toutes les espèces également. Ce qui vient en dernier lieu, c’est le complément qui achève l’être ; et ce qui est propre à l’animal est la fin même de la génération de chacun des animaux. D’où vient l’intelligence, à quel moment, de quelle manière, vient-elle dans les êtres qui participent à cette sorte d’âme, c’est là une question des plus difficiles ; et il faut l’aborder résolument pour essayer de la résoudre, autant que nous le pourrons, et autant qu’elle peut être résolue.

§ 4[52]. Évidemment, il faut supposer que les spermes et les embryons qui ne sont pas encore séparés, possèdent l’âme nutritive en puissance, mais qu’ils ne l’ont pas

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/48 modifier

en fait, avant que, comme les germes qui sont une fois séparés, ils ne prennent leur nourriture, et ne fassent acte de cette espèce dame. Aux premiers moments, tous ces êtres ne semblent avoir que la vie de la plante. Il est du reste bien entendu que, après cette première âme, nous aurons à parler de l’âme sensible et de l’âme douée d’entendement ; car il faut nécessairement que les êtres aient toutes ces sortes d’âme en puissance, avant de les avoir en réalité. § 5[53]. Ce qui n’est pas moins nécessaire, ce sont les alternatives suivantes : ou toutes ces âmes qui n’existaient point auparavant se produisent dans l’être ; ou elles y étaient toutes antérieurement ; ou bien, quelques-unes y étaient et quelques autres n’y étaient pas ; ou bien elles sont dans la matière sans y être apportées par le sperme du mâle ; ou elles se trouvent dans la matière, en y

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/49 modifier

venant du sperme. Si elles sont dans le mâle, ou elles viennent toutes du dehors, ou aucune n’en vient ; ou bien enfin, les unes viennent de l’extérieur, et les autres n’en viennent pas. § 6[54]. Que toutes ces âmes viennent extérieurement dans l’être et y préexistent, c’est là une chose impossible, et voici ce qui le prouve évidemment. Pour tous les principes dont l’action est corporelle, il est clair qu’ils ne peuvent exister sans le corps ; et par exemple, il est bien impossible de marcher sans pieds. Il est donc très certain que les principes dont nous parlons ne peuvent venir du dehors. Puisqu’ils sont inséparables, ils ne peuvent venir par eux seuls et isolément, ni entrer dans le corps ; car le sperme est une sécrétion de la nourriture qui a été modifiée de façon à devenir du sperme. § 7[55]. Il ne reste donc plus qu’une hypothèse, c’est que l’entendement seul vient

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/50 modifier

du dehors, et que seul il est divin ; car son action n’a rien de commun avec l’action du corps. Toute âme paraît donc tirer sa force d’un autre corps, et d’un corps plus divin que ce qu’on appelle les éléments. Mais, comme les âmes diffèrent les unes des autres par leur dignité plus ou moins haute, la nature des éléments ne diffère pas moins. Dans le sperme de tous les animaux, il y a ce qui rend les spermes féconds et ce qu’on appelle la chaleur. Ce n’est pas tout à fait du feu, ni une force de ce genre ; mais c’est le souffle, ou l’esprit, qui est renfermé dans le sperme et dans sa partie écumeuse. La nature qui est dans le souffle, ou l’esprit, est analogue à l’élément des astres. § 8[56]. Aussi, ce feu ne produit-il jamais un animal quelconque ; et

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/51 modifier

aucun être ne se forme dans les matières brûlées, que ces matières soient liquides ou qu’elles soient sèches. Mais, c’est la chaleur du soleil et la chaleur que possèdent les animaux, non pas seulement par le sperme, mais aussi par toute autre sécrétion qui aurait la même nature que lui, qui est également en elles le principe de la vie. § 9[57]. Ceci doit nous prouver que la chaleur qui est dans les animaux n’est pas du feu, et que ce n’est pas davantage du feu qu’elle tire son principe. Le corps de la semence génératrice, dans lequel se constitue le principe de l’âme, est en partie séparé du corps dans les êtres où est renfermée quelque parcelle divine ; et c’est bien une parcelle divine que ce qu’on nomme l’entendement ; mais, en partie, il n’en est pas séparé. Le corps spécial de la semence se dissout et se convertit en souffle et en esprit, parce qu’il est de nature liquide et aqueuse. Aussi, ne faut-il pas rechercher si le sperme sort toujours au dehors, ni s’il n’est aucune partie de la forme qui se constitue, pas plus que la présure n’est une partie du

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/52 modifier

lait qu’elle fait cailler ; elle modifie le lait, sans être en quoi que ce soit une partie des masses qu’elle forme.

§ 10[58]. Nous venons donc d’expliquer comment, en un sens, les spermes et les embryons contiennent l’âme, et comment, en un autre sens, ils ne la contiennent pas. Ils l’ont en puissance ; mais ils ne l’ont pas en acte et en fait. Le sperme étant une excrétion, et donnant un mouvement semblable à celui qui fait croître le corps, où se repartit la nourriture à son dernier degré de perfection, il se condense dans la matrice, et il communique à l’excrétion de la femelle le mouvement dont il est lui-même animé. Car cette excrétion a aussi tous les organes en puissance, sans les avoir en fait ; et elle possède en puissance toutes les parties qui distinguent la femelle du mâle. § 11[59]. De même que, de parents contrefaits, naissent parfois des enfants contrefaits,

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/53 modifier

et parfois aussi des enfants non contrefaits, de même, de la femelle, il sort tantôt une femelle, et tantôt au contraire il en sort un mâle. Car la femelle peut être considérée comme un mâle qui à certains égards est mutilé et imparfait ; les menstrues sont du sperme, mais du sperme qui n’est pas pur, puisqu’il lui manque encore une seule chose, à savoir le principe de l’âme. Chez tous les animaux qui font des œufs clairs, l’œuf qui se forme contient bien les deux parties ; mais il n’a pas le principe de l’âme ; et c’est là ce qui fait qu’il n’a pas la vie ; car c’est le sperme du mâle qui doit l’apporter ; et quand l’excrétion de la femelle reçoit ce principe spécial, il se forme un embryon.

§ 12[60]. Dans les matières liquides mais corporelles, il se produit, quand on les échauffe, un bourrelet sec, comme dans les mets qui se refroidissent. C’est le visqueux qui maintient tous les corps ; mais le visqueux se trouve absorbé quand les corps deviennent plus

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/54 modifier

vieux et plus grands, par la nature du nerf qui maintient les parties des animaux, nerf chez les uns, ou matière analogue au nerf chez les autres. La peau, la veine, la membrane et tous les corps de ce genre sont de la même forme ; car entre eux, ils ne diffèrent que du plus au moins, par l’excès dans celui-ci, ou par le défaut dans celui-là.


CHAPITRE V

Des différents modes de parturition ; étude spéciale sur les animaux supérieurs ; du rapprochement des sexes dans l’espèce humaine ; erreur sur l’action de la respiration ; disposition de la matrice chez les femmes ; époques périodiques de la menstruation ; abondance des menstrues ; la femme fournit la matière ; et l’homme donne le mouvement et la vie ; des hybrides ; mélange de la liqueur spermatique et du fluide mensuel ; du plaisir provoqué dans l’homme et dans la femme ; conceptions sans la sensation du plaisir ordinaire ; action particulière de la matrice retenant le sperme déposé par l’homme ; erreur de ceux qui supposent que la femme émet aussi une liqueur spermatique ; cette émission est impossible ; car, si elle était extérieure, elle aurait pour résultat d’empêcher la génération, contre le vœu de la nature.


§ 1[61]. Les animaux à qui la Nature a donné une organisation moins complète, mettent au jour un embryon qui est complet dès qu’il naît, mais qui, sous le rapport de l’animalité, n’est pas encore un animal complet ;

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/55 modifier

nous avons expliqué plus haut comment cela peut se faire. Le jeune embryon est complet en ce sens qu’il est déjà mâle ou femelle, dans toutes les espèces où cette différence existe. Car il y a des espèces qui ne produisent ni femelle ni mâle ; et ce sont les espèces qui ne naissent elles-mêmes, ni de femelle et de mâle, ni d’animaux accouplés. Nous aurons aussi plus tard à parler de la génération de ces animaux. § 2[62]. Les animaux complets qui sont vivipares dans leur propre sein, gardent et nourrissent, dans leur intérieur, l’animal de même nature qui doit naître d’eux, jusqu’au moment où ils le produisent au dehors et le mettent au jour. Mais les animaux qui produisent aussi à l’extérieur un être vivant, après avoir d’abord conçu un œuf dans leur sein, pondent un œuf complet. Chez quelques-uns, l’œuf se détache, comme on le voit pour l’œuf des ovipares, et le jeune sort de l’œuf, qui était dans la femelle ; chez d’autres,

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/56 modifier

au contraire, lorsque la nourriture fournie par l’œuf a été absorbée tout entière, l’animal est achevé par la matrice ; et alors, l’œuf ne se détache pas de la matrice même. C’est l’organisation que présentent les sélaciens, dont nous aurons bientôt à parler d’une manière toute spéciale.

§ 3[63]. Pour le moment, nous allons premièrement étudier les premiers des animaux. Or ce sont les animaux complets qui tiennent le premier rang ; ces animaux sont vivipares ; et parmi les vivipares, c’est l’homme qui est le premier de tous. Dans tous les vivipares, la sécrétion du sperme se fait comme celle de tout autre excrément. Toute excrétion se porte dans le lieu qui lui est propre, sans que la respiration ait besoin de l’y pousser par aucun effort violent, ou sans qu’aucune autre cause analogue ait à exercer

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/57 modifier

une action indispensable. § 4[64]. Car on a prétendu que les testicules attirent le sperme à eux en manière de ventouse, et qu’on l’y pousse par la respiration, comme s’il se pouvait que, sans ce violent effort, cette sécrétion particulière, et l’excrément de la nourriture liquide ou solide, se dirigeât ailleurs, parce que, dit-on, c’est en accumulant sa respiration qu’on expulse ces excréments divers. Cette condition est commune tous les cas où il faut déterminer quelque mouvement, parce que c’est en effet en retenant sa respiration qu’on se donne de la force. Même sans qu’il y ait besoin de cet effort, les excrétions sortent pendant qu’on dort, quand les lieux qui les reçoivent sont relâchés et pleins de leur sécrétion particulière. Cette théorie n’est pas plus raisonnable que si l’on allait croire que, dans les plantes, les semences sont poussées, par un souffle quelconque, vers les lieux où d’ordinaire elles portent leur fruit. § 5[65]. La cause de ce phénomène, c’est tout simplement, ainsi qu’on l’a dit, que, dans tous les animaux, il y a des organes faits pour recevoir les excrétions et les matières inutiles à

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/58 modifier

la nutrition, soit sèches, soit liquides, comme, pour le sang, il y a ce qu’on appelle les veines. Dans les femelles, la région des matrices est disposée de telle façon que les deux veines, la grande veine et l’aorte, se divisant, des veines nombreuses et fines viennent aboutir aux matrices. Ces veines étant surabondamment remplies par la nourriture, et leur nature, à cause de sa froideur même, n’étant pas capable de coction, la sécrétion se rend par des veines très fines dans les matrices ; et comme les matrices ne peuvent, étroites ainsi qu’elles le sont, recevoir cette surabondance excessive, il s’y produit comme un écoulement sanguin, ou une hémorroïde.

§ 6[66]. Il n’y a pas, pour les femmes, d’époque absolument régulière ; mais on conçoit bien que l’évacuation ait lieu ordinairement vers la fin des mois. En

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/59 modifier

effet, les corps des animaux deviennent plus froids quand l’air ambiant se refroidit aussi. Or, les fins de mois sont froides, à cause de la disparition de la lune ; et c’est là ce qui fait que les fins de mois sont généralement plus agitées et plus refroidies que leurs milieux. C’est à cette période que l’excrétion qui s’est changée en sang, tend à produire les évacuations mensuelles ; et la coction a beau n’être pas complète, il sort toujours du sang, mais en petite quantité. § 7[67]. Même à l’époque où les femmes sont encore tout enfants, il sort quelques vestiges blancs très faibles. Lorsque ces deux genres d’excrétions sont dans une mesure modérée, les corps s’en trouvent bien, parce qu’il y a, dans ce cas, évacuation purgative des excrétions qui

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/60 modifier

pourraient causer des maladies. Au contraire, si les évacuations n’ont pas lieu, ou si elles sont trop abondantes, le corps souffre, soit qu’elles déterminent des maladies, soit qu’elles épuisent simplement le corps en l’affaiblissant. Quand elles sont continuellement blanches ou trop abondantes, elles empêchent la croissance des filles. § 8[68]. D’après les causes qu’on vient d’indiquer, on doit voir pourquoi cette évacuation est nécessaire chez les femmes. Comme la coction naturelle ne peut se faire, il faut qu’il se forme un excrément, non pas seulement de la nourriture qui n’a pas été employée, mais il faut aussi que cette excrétion se produise dans les veines, dont les plus étroites se trouvent surabondamment remplies. C’est en vue du mieux et de la fin à atteindre que la Nature emploie, en faveur de la génération, la matière accumulée en ce lieu, pour qu’il en sorte un autre être pareil, ainsi que cela doit se faire ; car cet être nouveau est déjà en puissance ce qu’est le corps qui a cette sécrétion.

§ 9[69]. Ainsi, toutes les femelles doivent nécessairement

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/61 modifier

avoir cette excrétion, qui est plus abondante chez les animaux pourvus de sang, et qui l’est dans l’espèce humaine plus que dans toute autre. Il y a également nécessité, pour les autres espèces, qu’il se forme une certaine accumulation de sang dans la région de la matrice. Mais nous avons dit, antérieurement, pour quoi cette sécrétion est plus abondante chez les animaux qui ont beaucoup de sang, et pourquoi elle l’est plus particulièrement chez l’homme. § 10[70]. Cette excrétion a lieu dans toutes les femelles sans exception ; mais elle n’a pas lieu chez tous les mâles ; car il y en a qui n’émettent pas de semence. Mais de même que ceux qui en émettent engendrent, par le mouvement du sperme, le produit qui se forme de la matière fournie par la femelle, de même ces autres animaux, grâce au mouvement qui est en eux, dans la partie où s’élabore le sperme, accomplissent la même fonction et constituent également un être nouveau. § 11[71]. Ce lieu, dans tous les animaux de ce genre, est placé sous le

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/62 modifier

diaphragme, quand ils en ont un ; car le cœur, ou l’organe correspondant, est le principe de leur nature et de leur vie ; la partie inférieure n’en est qu’une annexe, et elle est destinée à faciliter son action. Ce qui fait que tous les mâles n’ont pas cette excrétion génératrice, tandis que toutes les femelles doivent l’avoir, c’est que l’animal est un corps vivant. Toujours la femelle donne la matière, et le mâle fournit le principe créateur. Selon nous, c’est là réellement l’action de l’un et de l’autre ; et c’est précisément ce qui fait que l’un est femelle, et que l’autre est mâle. Il y a donc nécessité que la femelle fournisse le corps et la masse ; mais ce n’est pas nécessaire pour le mâle. Dans les êtres qui sont produits, il n’est pas nécessaire non plus que se trouvent déjà les organes, ni le principe qui les fait. § 12[72]. Ainsi, le corps vient de la femelle, et l’âme vient du mâle. L’âme est l’essence d’un corps ; et voilà comment, lorsque, dans des genres qui ne sont pas les mêmes, la femelle et le mâle viennent à s’accoupler, parce que les époques

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/63 modifier

du rut et de la gestation se rapprochent et que les dimensions corporelles ne sont pas par trop différentes, le produit qui résulte de l’accouplement ressemble d’abord aux deux parents, comme on le voit sur les hybrides du renard et du chien, de la perdrix et de la poule ; mais au bout de quelque temps, et avec les générations qui se succèdent, les produits reprennent la forme de la femelle. C’est ainsi que les semences de plantes étrangères se modifient selon le sol où on les met ; car c’est le sol qui fournit la matière et le corps aux semences qu’on y dépose.

§ 13[73]. Voilà encore pourquoi, dans les femelles, l’organe qui est destiné à recevoir l’embryon n’est pas un simple canal, et pourquoi les matrices sont susceptibles de s’agrandir. Les mâles qui émettent du sperme ont des canaux ; et ces canaux n’ont pas de sang. Ainsi, les deux sécrétions se produisent chacune dans les lieux qui leur sont propres ; et c’est là également qu’elles se forment. Mais auparavant, il n’y a

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/64 modifier

rien de cela, à moins que ce n’y soit introduit par une grande violence et contre nature. § 14[74]. Tout ceci doit faire voir comment les excrétions génératrices se forment dans les animaux. Quand le sperme est sorti du mâle, dans les espèces qui émettent de la liqueur spermatique, c’est le plus pur de l’excrétion mensuelle qu’il y constitue ; car, dans les menstrues, la plus grande partie est inutile et est liquide, comme dans le mâle la plus grande partie de la semence est très liquide, à la prendre dans une seule émission ; le plus souvent, la première émission est inféconde plus que la suivante. Elle a moins de chaleur vitale, parce qu’elle a moins de coction, tandis que la semence parfaitement cuite a de l’épaisseur et beaucoup plus de corps. § 15[75]. Les femmes, ou dans les autres espèces d’animaux, les femelles qui n’ont pas d’émission extérieure, parce que, chez elles, il n’y a pas dans cette sorte de sécrétion une assez grande quantité d’excrément inutile, ne produisent de ce liquide que ce qui

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/65 modifier

en reste chez les animaux qui ont une émission extérieure. Ce résidu est organisé par la force qui est dans le sperme élaboré par le mâle, ou bien par la partie analogue de la matrice qui est introduite dans le mâle, ainsi qu’on l’observe chez quelques insectes. § 16[76]. Nous avons dit, plus haut, que la liqueur provoquée par le plaisir dans les femmes ne contribue en rien à la conception. On pourrait tirer un argument qui semblerait décisif de ce fait que les femmes sont soumises aussi bien que les hommes à des rêves lubriques. Mais ce n’est pas là du tout une preuve ; car cet accident arrive à des jeunes gens qui sont près d’avoir du sperme, mais qui n’en émettent pas encore, ou à des mâles qui n’en émettent que d’infécond. C’est que, sans l’émission du sperme du mâle dans la copulation, la conception est impossible, de même qu’elle l’est sans l’excrétion des règles, soit qu’elles se manifestent au dehors, soit que, restant en dedans, elles y aient une abondance suffisante. § 17[77]. Il se peut d’ailleurs

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/66 modifier

fort bien que la conception ait lieu sans que le plaisir ordinaire que ce rapprochement cause aux femmes, ait été ressenti ; il suffit que le lieu se soit trouvé en orgasme et que les matrices se soient abaissées assez près. Mais d’ordinaire la conception se produit même en ce cas, par cela seul que l’ouverture de la matrice ne s’est pas fermée, au moment où survient l’émission qui cause habituellement le plaisir au hommes et aux femmes. Dans cette disposition des organes, la voie est plus facile à la liqueur sortie du mâle. § 18[78]. D’ailleurs, l’émission de la femme ne se fait pas à l’intérieur, comme quelques naturalistes le supposent, parce que l’ouverture des matrices est trop étroite ; mais elle se fait en avant, là où la femme émet la sérosité qui se remarque chez quelques-unes, et où le mâle émet aussi la liqueur séminale. Parfois, les choses demeurent dans cette condition ; mais, parfois aussi, la matrice

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/67 modifier

attire le sperme à elle au dedans, quand elle est convenablement disposée, et qu’elle est échauffée par l’évacuation mensuelle. Ce qui le prouve, c’est que les compresses mouillées qu’on place dans la matrice, sont sèches quand on les retire.

§ 19[79]. Dans tous les animaux qui ont la matrice sous le diaphragme, comme les oiseaux et les poissons vivipares, il est impossible que le sperme n’y soit pas attiré et qu’il y aille par l’émission. Mais le lieu attire la semence par la chaleur qui lui est propre. L’éruption des menstrues et leur accumulation enflamme la chaleur de l’organe, de même que des vases sans bouchon, si on les emplit d’eau chaude, tirent l’eau à eux,

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/68 modifier

quand on en renverse l’ouverture. § 20[80]. C’est ainsi que le sperme est absorbé ; mais l’absorption ne se fait pas du tout, comme quelques naturalistes le prétendent, dans les organes qui concourent au rapprochement des sexes. Les choses se passent aussi tout autrement que ne le croient ceux qui assurent que les femmes émettent du sperme comme l’homme ; car si les matrices faisaient quelque émission au dehors, elles la devraient reprendre au dedans, pour la mêler à la liqueur séminale du mâle ; mais ce serait là une opération bien inutile, et la Nature ne fait jamais rien en vain.

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/69 modifier


CHAPITRE VI

Action des sécrétions féminines sur la semence du mâle, qui agit à peu près comme la présure sur le lait ; des membranes et des chorions qui se forment autour de l’embryon ; analogie du développement du fœtus et de la graine des végétaux ; le cœur est l’organe qui apparaît le premier ; erreur de Démocrite ; action du sang ; citation de l’Histoire des Animaux et des Descriptions Anatomiques ; des veines qui partent du cœur pour se rendre à la matrice ; rôle du cordon ombilical ; Démocrite se trompe sur la nutrition du fœtus ; impossibilité de sa théorie ; les membres du fœtus ne viennent pas des membres de la mère ; la femme fournit la matière, et l’homme fournit le principe du mouvement ; action spéciale de l’âme nutritive ; procédés de l’art comparés à ceux de la Nature.


§ 1[81]. Quand la sécrétion de la femme contenue dans la matrice a pris quelque consistance, sous l’action de la semence du mâle, cette semence y produit quelque chose qui ressemble beaucoup à l’action de la présure sur le lait. La présure est un lait contenant de la chaleur vitale, qui réunit en une seule masse toute la matière identique pour la solidifier. C’est là précisément l’action de la semence génératrice sur la nature

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/70 modifier

des menstrues ; car la fonction naturelle du lait et des menstrues est toute pareille. § 2[82]. La partie corporelle se coagulant, la partie liquide se sépare ; puis, les portions terreuses se desséchant, il se forme des membranes tout autour, par une action nécessaire, et aussi en vue d’un certain but à atteindre. Les extrémités doivent se dessécher, soit que les autres parties s’échauffent, soit qu’elles se refroidissent ; car il ne faut pas que l’embryon soit dans le liquide ; mais il doit en être séparé. Ces extrémités s’appellent les unes des membranes ; les autres, des chorions ; mais entre les unes et les autres, il n’y a différence que du plus au moins. On les retrouve également, soit dans les ovipares, soit dans les vivipares. § 3[83]. Quand l’embryon a pris de la consistance, il se conduit à peu près comme les

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/71 modifier

graines qu’on a semées en terre ; car le principe premier du végétal se trouve aussi dans les semences elles-mêmes. Mais lorsque le principe, après n’avoir été qu’en puissance d’abord, vient ensuite à se diviser, il en sort à la fois la tige et la racine ; et l’on sait que c’est par la racine que le végétal prend la nourriture qui est nécessaire à son développement. De même, tous les organes sont en puissance dans l’embryon à certains égards ; mais c’est surtout le principe qui est près de se manifester. § 4[84]. Voilà comment, en fait, c’est tout d’abord le cœur qui se distingue dans l’animal ; et c’est ce dont on peut s’assurer, non pas seulement par l’observation sensible, qui constate que les choses se passent bien ainsi, mais encore par la réflexion. En effet, quand l’embryon s’est détaché des deux parents, il doit avoir une existence à part et par lui-même, comme doit se suffire un enfant mis par son père

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/72 modifier

hors de la maison. Il faut par conséquent qu’il possède, dès lors, le principe d’où sort plus tard, pour les êtres vivants, l’organisation régulière de leur corps ; car, si ce principe devait lui venir du dehors, pour entrer dans l’embryon à une époque postérieure, non seulement on aurait à se demander à quel moment ce principe pourrait survenir ; mais on peut affirmer qu’il y a nécessité qu’il existe préalablement, dès que chacune des parties de l’embryon vient à se diviser, puisque c’est de ce principe que tous les organes doivent recevoir et leur croissance et leur mouvement.

§ 5[85]. Aussi, n’est-on plus dans le vrai quand on dit, avec Démocrite, que ce sont les parties extérieures des animaux qui se divisent les premières, et que ce sont ensuite les parties internes. Cela est bon à dire quand il s’agit d’animaux de bois ou de pierre ; mais ces animaux-là n’ont pas le moindre besoin d’un principe, tandis que tous les animaux vivants en ont un, et qu’ils l’ont à l’intérieur. Aussi, dans tous les animaux qui ont du sang, c’est le cœur qui apparaît et se

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/73 modifier

distingue le premier, parce que c’est lui qui est le principe des parties similaires, aussi bien que des parties non similaires. § 6[86]. Il est tout simple, en effet, de supposer que c’est le cœur qui est le principe de l’animal et de son organisme entier, dès que l’animal a besoin de se nourrir. Du moment qu’il existe, il se développe ; or, la nourriture dernière de l’animal est le sang, ou tel autre fluide analogue à celui-là. Le vase qui contient ces fluides, ce sont les veines ; et c’est pour cette raison que le cœur en est le principe. On peut voir tout cela dans l’Histoire des Animaux et dans les Descriptions Anatomiques. § 7[87]. L’embryon étant déjà en puissance un animal, mais un animal incomplet, il doit nécessairement tirer sa nourriture d’un autre être. Il se sert donc de la matrice et de la femelle qui possède cet organe, comme la plante se sert de la terre, pour se nourrir, jusqu’à ce qu’il soit devenu un animal assez achevé pour être capable de marcher. C’est là pourquoi la Nature a tracé les deux premières veines qui partent du cœur ; et de celles-ci, de petites veines qui se rendent à la matrice. C’est ce qu’on appelle l’ombilic, qui est tantôt une seule veine chez certains animaux, et tantôt plusieurs veines chez d’autres. Autour des veines, il y a une enveloppe de peau qu’on appelle l’ombilic, pour maintenir et protéger ces veines, qui autrement seraient trop faibles. § 8[88]. Les veines se rendent à la matrice, comme des racines,

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/75 modifier

d’où l’embryon tire la nourriture dont il a besoin ; car c’est pour se nourrir que le petit animal séjourne dans les matrices, et non pas du tout, comme le croit Démocrite, pour que les membres du fœtus s’y moulent sur les membres de la mère. On peut voir bien clairement ce qu’il en est dans les ovipares ; les petits prennent leur développement et les divisions de leurs membres dans l’œuf, bien qu’ils soient séparés de la mère.

§ 9[89]. Mais si le sang est la nourriture de l’animal, et que le cœur soit le premier organe où se montre le sang, et si la nourriture doit venir du dehors, on peut se demander, puisque c’est le sang qui nourrit, d’où vient la première nourriture qui est entrée dans l’embryon ? Ou bien, peut-être est-il faux que toute espèce de nourriture vienne toujours de l’extérieur, et peut-être vient-elle immédiatement dans l’embryon, et que, de même que dans les graines des végétaux, il y

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/76 modifier

a aussi quelque chose d’approchant qui d’abord se montre sous une apparence laiteuse, de même, dans la matière des animaux, c’est le résidu de l’organisme qui devient la nourriture du fœtus ? Ainsi, l’accroissement de l’embryon se fait par le cordon ombilical de la même manière qu’il se fait dans les plantes par les racines, et comme il se fait pour les animaux eux-mêmes, quand ils sont séparés de leur auteur, par la nourriture qu’ils ont en eux. § 10[90]. Nous nous occuperons de tous ces détails lorsque le moment en sera venu dans nos études. Pour l’instant, il suffira de dire que la division des membres ne se produit pas de la manière que supposent quelques naturalistes, qui croient que le semblable va nécessairement au semblable ; car, sans parler de bien d’autres difficultés que cette théorie peut présenter, il faudrait, dans cette hypothèse, que chacune des parties similaires se formât séparément : les os se formeraient à part et à eux seuls ; les nerfs aussi, et les chairs également, si l’on admettait cette cause du phénomène. Mais, c’est parce que l’excrétion

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/77 modifier

de la femelle est en puissance ce que l’animal est dans sa nature complète, et que tous les organes s’y trouvent virtuellement sans qu’aucun y soit en fait, que chacun de ces organes se produit. Dès que l’agent et le patient sont en contact, dans le rapport où l’un est agent et où l’autre est patient, et j’entends par là qu’ils se touchent de la manière, dans le lieu et dans le moment où ils doivent se toucher, tout aussitôt l’un est actif et l’autre est passif.

§ 11[91]. On voit donc que la femelle fournit la matière, et que le mâle fournit le principe du mouvement. De même que les produits de l’art sont exécutés par les instruments dont l’artiste se sert, ou plutôt et pour mieux dire, par le mouvement des instruments, ce mouvement n’étant que l’acte de l’art, et l’art n’étant que la forme des choses produites dans une autre chose, de même ici se manifeste la force de l’âme nutritive. De même encore que c’est elle qui produit plus tard, par la nourriture, l’accroissement des animaux et des plantes, en se servant comme instruments de la chaleur

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/78 modifier

et du froid, par lesquels elle développe son mouvement et devient l’une et l’autre dans une proportion déterminée, de même c’est elle qui constitue également, dès le début, l’être que crée la Nature. § 12[92]. L’âme nutritive est la matière même qui fait croître l’animal et qui le détermine tout d’abord, de telle sorte que la force qui le produit se confond avec le générateur primordial. Si c’est bien là ce qu’est l’âme nutritive, c’est elle aussi qui engendre l’être. Elle est précisément la nature de chacun des êtres, qui se retrouve essentiellement inhérente à toutes les plantes et à tous les animaux, tandis que les autres parties de l’âme se trouvent dans tels animaux, et ne se trouvent pas dans tels autres.

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/79 modifier


CHAPITRE VII

De la question de savoir pourquoi la femelle ne peut pas engendrer à elle seule ; c’est que l’animal se distingue par la sensibilité, et que c’est le mâle qui apporte l’âme sensible ; des œufs clairs des oiseaux ; ils n’ont que l’âme nutritive, qui ne suffit pas sans l’âme sensitive ; le mâle serait alors inutile, et la Nature ne fait jamais rien en vain ; comparaison avec les automates et leurs mouvements successifs ; erreur de quelques naturalistes ; le cœur agit le premier, et cesse d’agir le dernier.


§ 1[93]. Dans les végétaux, la femelle n’est pas séparée du mâle ; mais dans les animaux où les deux sexes sont isolés, le mâle a besoin de la femelle, sans qui il ne peut rien. Ici l’on peut se poser une question : Si la femelle a la même âme que le mâle, et si la matière du fœtus est bien l’excrétion de la femelle, comment se fait-il que la femelle ait encore besoin du mâle ? Et pourquoi la femelle n’est-elle pas en état d’engendrer à elle seule, en tirant tout d’elle-même ? § 2[94]. La cause en est que c’est par la faculté de la sensibilité que l’animal diffère de la plante et s’en distingue. Or, il est

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/80 modifier

impossible que le visage, la main, la chair ou toute autre partie du corps existent sans que l’âme sensible ne soit dans toutes ces parties, ou en acte ou en puissance, sans qu’elle y soit ou jusqu’à une certaine mesure, ou d’une manière absolue. Autrement, le corps ne serait qu’un cadavre ou une partie de cadavre. Si donc le mâle est le créateur de l’âme sensitive, dans les espèces où la femelle et le mâle sont séparés, il est bien impossible que la femelle à elle seule produise un être animé ; car nous avons vu que c’était là la fonction propre du mâle. § 3[95]. Cependant, la question qu’on se pose ici n’est pas sans quelque raison, et on peut l’appuyer sur le fait de la production des œufs clairs que pondent les oiseaux ; ce fait prouve que jusqu’à un certain point la femelle peut engendrer à elle seule. Il est vrai qu’on doit se demander aussi comment on peut aller jusqu’à dire que ces œufs-là

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/81 modifier

sont vivants. Ainsi, l’on ne peut pas croire que ces sortes d’œufs soient tout ce que sont les œufs féconds, puisqu’alors il en sortirait également en fait un être animé ; mais ces œufs ne sont pas davantage des choses inertes comme le bois ou la pierre. § 4[96]. Il faut donc supposer qu’il y a pour ces œufs une espèce d’altération qui les détruit, et qu’en quelque manière ils avaient antérieurement la vie en partage. Ils ont donc évidemment une âme quelconque en puissance. Mais quelle est cette espèce d’âme ? Certainement, ce ne peut être que le plus bas degré de l’âme, en d’autres termes, l’âme nutritive, qui se trouve indifféremment dans tous les animaux et dans toutes les plantes. Pourquoi ne suffit-elle pas à faire tous les organes et l’animal complet ? C’est que l’animal et les organes doivent avoir l’âme sensitive. § 5[97]. Les parties des animaux ne sont pas comme celles de la plante ; et voilà pourquoi elles ont besoin de la coopération du mâle, qui est séparé dans les animaux de cette espèce. C’est

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/82 modifier

précisément ce qui arrive pour les œufs clairs ; ils peuvent devenir féconds, si, à un certain moment, le mâle couvre la femelle. Du reste, nous essaierons ultérieurement d’expliquer la cause de ces phénomènes. S’il existe une espèce d’animaux qui soit femelle, sans qu’il y ait de mâle séparé, des animaux de ce genre peuvent sans copulation produire d’eux seuls un être animé. § 6[98]. Jusqu’à présent du moins, on n’a pu en avoir la certitude par des observations dignes de foi ; mais on peut hésiter en ce qui concerne les poissons. Parmi ceux qu’on appelle des rougets, on n’a pas pu encore reconnaître de mâle ; ils sont tous des femelles pleines de frai. Mais, les observations sur ces poissons ne sont pas encore tout à fait concluantes ; on n’y connaît pas plus de femelles et de mâles que

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/83 modifier

dans le genre de poissons qui composent les anguilles, et une espèce de muges qui vivent dans les rivières marécageuses.

§ 7[99]. Dans les espèces où la femelle et le mâle sont séparés, il est impossible que la femelle à elle seule puisse produire un jeune complètement formé ; car alors le mâle serait inutile, tandis que jamais la Nature ne fait rien en vain. Aussi, dans ces espèces, est-ce toujours le mâle qui achève et complète la génération. Il y apporte l’âme sensitive, soit directement par lui-même, soit par l’intermédiaire de la semence. Les organes de l’embryon sont en puissance dans la matière, lorsqu’y survient le principe du mouvement, ainsi que, dans les automates bien faits, les mouvements se produisent à la suite les uns des autres. § 8[100]. Quand quelques naturalistes prétendent que le semblable se porte vers le semblable, il faut entendre cette théorie

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/84 modifier

en ce sens, non pas que les parties se meuvent en changeant de place, mais que, restant en place et modifiées par la mollesse, par la dureté, par les couleurs, ou telles autres différences analogues des parties similaires, les organes deviennent en fait ce qu’ils n’étaient antérieurement qu’en puissance. Tout d’abord, c’est le principe de tout le reste qui se constitue ; et ce principe, ainsi que nous l’avons souvent répété, c’est le cœur dans les animaux qui ont du sang ; et c’est, dans les autres, l’organe correspondant. § 9[101]. C’est ce qu’on peut voir par l’observation sensible, non seulement au début de l’existence, mais en outre au moment de la mort. Le cœur est le dernier organe qui garde la vie, et qui cesse le dernier de vivre. Or, toujours ce qui naît en dernier lieu est le premier à disparaître ; et le premier en date est ce qui disparaît le dernier, comme si la Nature faisait une course

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/85 modifier

double et revenait à son point de départ. La génération en effet va de ce qui n’est pas à ce qui est ; et la destruction va en sens contraire, de ce qui est à ce qui n’est pas.


CHAPITRE VIII

De la succession des organes paraissant les uns après les autres ; erreur de quelques naturalistes sur l’influence de la respiration de la mère ; cécité des jeunes au moment de la naissance ; des sens divers du mot Antérieur ; trois conditions indispensables à l’être : le moteur, le but et le moyen ; explication insuffisante de Démocrite, qui n’admet que la nécessité et l’éternité des choses ; démonstration possible de certaines vérités éternelles ; le cœur est le premier viscère qui entre en action ; effet de la chaleur interne et du froid sur la formation successive des organes ; la chaleur constitue le cœur, et le froid constitue le cerveau ; c’est surtout la tête qui se développe après le cœur ; grosseur excessive des yeux dans le fœtus ; constitution de l’œil ; la vue est le seul sens qui ait un organe isolé ; formation de la fontanelle chez les enfants ; grosseur démesurée de leur tête ; sagesse de la Nature ; développement général des os ; de la croissance des ongles et des cheveux, qui poussent encore sur le cadavre après la mort ; des dents, particulièrement chez l’homme ; ce sont des os, mais se distinguant des autres par leur croissance constante : usure des dents avec l’âge : l’homme naît sans dents ; indication d’études ultérieures.


§ 1[102]. Une fois que le principe est formé, ainsi qu’on vient de le dire, ce sont les viscères intérieurs qui se

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/86 modifier

développent tout d’abord, avant les organes externes. Les organes volumineux paraissent avant les plus petits, bien que quelques-uns n’existassent même pas auparavant. Les parties supérieures, c’est-à-dire celles qui sont au-dessus de la ceinture, se divisent les premières en membres reconnaissables ; et elles grossissent. Le bas reste plus petit et moins distinct. § 2[103]. Cet aspect successif se présente chez tous les animaux dans lesquels on distingue un haut et un bas. Il faut cependant en excepter les insectes ; dans ceux d’entre eux qui font des larves, la croissance se fait par le haut ; le haut chez eux est plus petit dès le début. Le haut et le bas ne sauraient se distinguer dans les seules espèces des mollusques qui se déplacent. D’ailleurs, cette même observation peut s’appliquer aux plantes, dans lesquelles la masse d’en haut se développe avant celle du bas ; car les graines poussent des racines

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/87 modifier

avant de pousser des tiges. § 3[104]. Il est bien possible que les parties diverses des animaux se déterminent par le souffle qui les anime ; mais ce n’est pas certainement par celui de la mère, qui les produit, ni par celui de l’animal lui-même, comme le prétendent quelques naturalistes. C’est ce dont il est facile de se convaincre en observant les oiseaux, les poissons et les insectes ; car parmi ces êtres, les uns, séparés de la mère, sortent d’un œuf dans lequel ils reçoivent l’articulation de leurs membres ; d’autres ne respirent pas du tout ; et ils paraissent à l’état de larves ou à l’état d’œuf ; d’autres enfin qui respirent, et qui prennent et forment leurs organes dans la matrice, ne respirent pas cependant avant que le poumon n’ait reçu son complet développement. Le poumon lui-même s’organise

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/88 modifier

ainsi que les parties antérieures, avant que l’animal ne puisse respirer.

§ 4[105]. Tous les quadrupèdes fissipèdes, tels que le lion, le loup, le renard, le lynx, font tous des petits aveugles ; et chez ces animaux, la paupière des jeunes ne s’ouvre que plus tard. Ceci prouve évidemment que, dans ce cas aussi bien que pour tous les autres, de même que la qualité et la quantité ne sont d’abord qu’en puissance et ne deviennent en acte que postérieurement, de même et par suite des mêmes causes qui déterminent la qualité, il se forme deux êtres au lieu d’un. § 5[106]. Il faut nécessairement qu’il y ait là un souffle de vie, puisqu’il y a tout à la fois liquidité et chaleur ; et ce souffle vital doit être celui de l’être qui agit, et aussi de l’être qui souffre. Quelques-uns des

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/89 modifier

naturalistes anciens ont tâché de nous dire quelle partie vient avant l’autre, sans avoir suffisamment observé les faits tels qu’ils se passent. Pour les organes aussi bien que pour tout le reste, il est bien vrai que l’un se forme naturellement avant l’autre et lui est antérieur. § 6[107]. Mais, Antérieur est un mot qui a plusieurs sens ; et il faut bien distinguer entre la cause finale prise en général, et la cause finale de telle chose en particulier. L’une est antérieure à l’autre, parce qu’elle naît plus tôt ; mais l’autre est antérieure par son essence. La cause finale particulière présente elle-même deux sens distincts : ici l’origine du mouvement, et là le moyen qu’emploie la cause finale pour atteindre un but spécial. § 7[108]. J’entends par là, d’une part, l’être qui engendre ; et d’autre part, l’organisation de l’être engendré. De ces choses, l’une doit nécessairement être antérieure à l’autre ; et l’antérieure est celle qui fait l’action, comme, par exemple, le

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/90 modifier

maître qui enseigne est antérieur à l’élève qu’il instruit ; comme la flûte ne vient qu’après celui qui apprend à en jouer ; car des flûtes seraient bien inutiles pour qui ne saurait pas jouer de cet instrument. § 8[109]. Il y a donc ici trois choses à considérer : d’abord le but, c’est-à-dire ce qui, selon nous, est le pourquoi en vue duquel se fait tout le reste ; en second lieu, parmi ces pourquoi et ces buts, vient le principe moteur et générateur ; car ce qui fait et engendre n’est ce qu’il est que relativement à l’être fait et engendré par lui ; en dernier lieu, la troisième chose à considérer est le moyen dont la fin se sert et qui est à son usage. De toute nécessité, il faut donc qu’il y ait d’abord une partie où se trouve le principe du mouvement ; et ce principe devient directement une portion du but, la portion unique et capitale entre toutes. Vient en second lieu, l’être total et le but poursuivi ; et en troisième et dernier lieu, les organes dont ils

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/91 modifier

ont besoin pour pouvoir accomplir certaines fonctions particulières.

§ 9[110]. Par conséquent, s’il y a quelque organe qui doive être nécessairement dans les animaux, et qui renferme, la fois, le principe et la fin de ce qui fait toute leur nature c’est cet organe qui doit nécessairement naître avant tout autre, en tant que moteur premier, et aussi en tant que partie de la fin de l’être et de tout son ensemble. Ainsi donc, dans les parties organiques qui sont faites naturellement pour engendrer, ce sont celles-là qui doivent toujours être antérieures aux autres, puisque, en tant que principe, elles ont un autre être pour but ; et que celles qui ne sont pas dans cette condition, ne doivent venir qu’après celles qui ont un autre être pour objet. § 10[111]. Du reste, il n’est pas facile de distinguer quels sont les organes qui sont antérieurs, quels sont ceux qui ont un autre être pour but, et quel est leur but véritable. Ce qui redouble

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/92 modifier

l’embarras, c’est que les parties qui donnent le mouvement sont, sous le rapport de leur production, antérieures à la fin poursuivie ; et les parties motrices sont bien difficiles à distinguer des parties organiques. § 11[112]. C’est cependant par cette méthode qu’il faut rechercher comment tel organe vient après tel autre. Tantôt la fin est postérieure ; tantôt elle est antérieure ; et voilà pourquoi l’organe qui renferme le principe vient le premier, et pourquoi la masse supérieure du corps ne vient qu’à la suite de celle-là. Voilà aussi comment c’est la région de la tête et celle des yeux qui se montrent les plus grandes dans les fœtus, et comment les parties au-dessous du nombril, telles que les jambes, se montrent d’abord si petites. Cette disposition tient à ce que le bas est fait pour le haut, et qu’il n’est, ni une partie de la fin à atteindre, ni capable de la produire.

§ 12[113]. C’est donc se tromper et mal expliquer la nécessité du moyen employé que de se borner à dire que

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/93 modifier

les choses sont toujours ce qu’elles sont, et à trouver là toute l’origine des choses, comme le fait Démocrite d’Abdère, quand il avance qu’il n’y a pas de commencement pour l’éternel ni pour l’infini, que le moyen employé est le seul principe et que l’éternel est infini ; de telle sorte que, selon lui, demander sur ces questions quel est le moyen employé pour atteindre le but, c’est rechercher encore le commencement de l’infini. § 13[114]. Si l’on adoptait cette façon de raisonner, qui dispense ces naturalistes d’étudier le moyen par lequel se font les choses, il n’y aurait plus de démonstration possible de choses éternelles. Cependant, il y a bien des choses éternelles qu’on démontre, soit qu’elles se produisent éternellement, soit qu’elles

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/94 modifier

existent de toute éternité. Ainsi, une des vérités éternelles, c’est que le triangle a ses angles égaux à deux droits, c’est que le diamètre est incommensurable au côté ; cependant, on trouve la cause et la démonstration de ces vérités géométriques. Sans doute, on a bien raison de croire qu’il ne faut pas chercher un principe à tout sans exception ; mais on aurait tort de ne pas chercher le principe de ce qui est toujours ou se produit toujours, si ce n’est quand il s’agit des principes mêmes des choses éternelles. C’est par une tout autre voie qu’on connaît alors le principe, et il n’y a pas pour lui de démonstration possible. Dans les choses immuables, le principe, c’est ce qu’elles sont ; mais dans les choses qui naissent et se produisent, il y a plusieurs principes, qui sont fort divers, et qui ne sont pas les mêmes pour toutes.

§ 14[115]. Un de ces principes, c’est celui d’où part le mouvement ; et c’est pourquoi, chez tous les animaux qui

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/95 modifier

ont du sang, c’est le cœur qui se montre le premier, ainsi que nous l’avons dit en commençant. Dans les animaux qui n’ont pas de sang, c’est l’organe correspondant au cœur qui se montre avant les autres. Du cœur, partent des veines qui font l’effet de ces dessins que les peintres esquissent sur les murs. Les parties se disposent autour de ces veines comme si elles-mêmes en sortaient. § 15[116]. Les parties similaires sont produites par le froid et la chaleur ; car il y a des choses qui se constituent et se coagulent par le froid ; d’autres, par la chaleur. Sur la différence de ces actions du froid et du chaud, on peut voir ce que nous en avons dit dans d’autres ouvrages, où nous avons expliqué quelles sont les matières solubles par le liquide ou le feu, et quelles sont les matières qui ne sont pas solubles dans l’eau, et que le feu ne fond pas. § 16[117]. La nourriture circule donc dans les veines et dans les vaisseaux de chaque organe, comme l’eau

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/96 modifier

peut circuler dans des tuyaux de poteries sèches. Les chairs et les parties qui leur correspondent se constituent sous l’action du froid, et c’est pour cela que le feu les dissout. Quant aux matières en circulation qui sont trop terreuses et qui ont peu d’humidité et de chaleur, elles se refroidissent ; et, l’humidité s’évaporant avec la chaleur, elles deviennent dures et de nature terreuse, comme les ongles, les cornes, les soles et les becs. Ces matières s’amollissent par le feu ; mais aucune ne se fond. Quelques-unes sont solubles dans l’eau, comme les coquilles des œufs. § 17[118]. Sous l’influence de la chaleur intérieure, les nerfs et les os se forment, parce que le liquide se dessèche. Les os ne sont pas solubles par le feu, et ils y résistent à peu près comme l’argile ; car la chaleur développée au moment de la génération les a fait cuire comme dans un fourneau. D’ailleurs, la chaleur ne fait pas la chair ou l’os indifféremment, ni dans un lieu quelconque, ni à un moment quelconque ; mais elle fait ce qui

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/97 modifier

doit être fait selon le vœu de la Nature, là, où, et quand la Nature l’exige. Ce qui n’est qu’en puissance ne peut passer à l’être lorsque le moteur n’a pas l’acte indispensable, pas plus que l’agent qui a l’actualité voulue ne peut amener à l’être la première chose venue. C’est comme l’ouvrier qui ne peut faire un vase qu’avec du bois, et comme le vase qui, sans l’ouvrier, ne peut sortir du bois dont il doit être formé.

§ 18[119]. La chaleur qui est contenue dans l’excrétion spermatique, y est animée d’un mouvement et d’une force, qui, sous le rapport de la quantité et de la qualité, sont en proportion de chacun des organes. Selon que cette force est ou insuffisante ou surabondante, elle compose moins bien l’être qui doit naître, ou même elle le mutile, à peu près comme les matières extérieures qu’on fait cuire pour en tirer nos aliments, ou pour tel autre usage. C’est nous qui pour ces matières mesurons la chaleur, en proportion du mouvement que nous voulons lui faire produire ; mais pour

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/98 modifier

les animaux, c’est la nature du générateur qui la leur donne ; et pour les animaux qui naissent spontanément, c’est le mouvement et la chaleur de la saison qui les font surgir. Quant au froid, il n’est que la privation de la chaleur. § 19[120]. La Nature emploie ces deux agents, qui ont nécessairement la force de produire, l’un tel effet, et l’autre tel effet différent ; mais pourtant, dans les choses qui se produisent en vue d’une certaine fin, l’un de ces agents refroidit, tandis que l’autre échauffe. C’est ainsi que chacune des parties de l’animal s’organise ; et que la chair devient molle en partie, parce que les deux agents lui donnent nécessairement cette propriété, et, en partie, parce qu’elle est faite en vue d’une certaine fin. C’est encore ainsi que le muscle devient sec et contractile, et que l’os devient dur et fragile. La chair, en se desséchant, forme la peau, comme, sur les mets de nos tables, se forme ce qu’on appelle leur croûte. § 20[121]. Non seulement

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/99 modifier

la peau se forme ainsi, parce qu’elle est la plus extérieure et superficielle, mais aussi parce que le visqueux qui n’a pu se vaporiser reste à la surface. Dans les autres animaux, le visqueux est desséché ; et voilà comment les derniers des animaux privés de sang sont des testacés et des crustacés ; mais dans ceux qui ont du sang, le visqueux se rapproche davantage de la graisse. Chez ceux qui n’ont pas une nature trop terreuse, la partie graisseuse s’accumule sous le revêtement de la peau, comme si la peau venait de cette viscosité ; car il y a toujours une certaine viscosité dans le graisseux.

§ 21[122]. Nous pouvons le répéter : tous ces phénomènes ont lieu, tantôt par une nécessité inévitable, tantôt sans nécessité, et uniquement en vue d’une certaine fin. C’est d’abord la masse supérieure qui se détermine en se produisant ; et c’est après un intervalle de

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/100 modifier

temps que la partie inférieure se développe, dans les animaux qui ont du sang. Mais tous les organes ne s’esquissent d’abord que par de simples contours ; puis ensuite, ils prennent leurs couleurs, leur mollesse ou leur dureté, comme si la Nature les dessinait d’abord grossièrement, ainsi que font les peintres, qui tracent préalablement une esquisse et des lignes, et qui lie mettent qu’après ces préparations les couleurs de l’animal qu’ils veulent représenter. § 22[123]. Comme le principe de la sensibilité et de l’animal entier réside dans le cœur, c’est le cœur qui se forme en premier lieu. En vue de la chaleur que développe le cœur, auquel aboutissent les veines d’en haut, le froid constitue le cerveau, qui fait contrepoids à la chaleur dont le cœur est environné. Aussi, ce sont les parties avoisinant la tête qui se développent immédiatement après le cœur ; et leur grosseur dépasse celle des autres parties, parce que le cerveau est volumineux et humide.

§ 23[124]. Le phénomène que présentent les yeux des animaux est difficile à expliquer. Au début, ils semblent énormes, aussi bien dans les animaux qui marchent que dans ceux qui nagent, ou dans ceux qui volent. Et cependant, les yeux sont la partie qui se montre la dernière. Puis, après quelque intervalle, ils s’affaissent. La cause de cette disposition, c’est que le sens de la vue, tout comme les autres sens, se fait par des canaux. Mais, les sens du toucher et du goût sont immédiatement, ou le corps même de l’animal, ou une partie de son corps ; l’odorat et l’ouïe sont des canaux en rapport avec l’air du dehors, pleins du souffle naturel, et aboutissant aux petites veines qui, du cœur, montent au cerveau. § 24[125]. Au contraire, l’œil est le seul sens à avoir un corps qui lui soit propre.

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/102 modifier

Ce corps est humide et froid, et il n’est pas préalablement dans le lieu qu’il doit occuper, comme les autres parties, qui sont d’abord en simple puissance, et qui ensuite passent à l’acte. Mais, de l’humidité qui est dans le cerveau, se détache la partie la plus pure, pour filtrer par les canaux qui s’étendent des yeux à la méninge qui entoure le cerveau. La preuve, c’est que la tête n’a aucune partie autre que le cerveau qui soit humide et froide ; et que l’œil est également froid et humide. C’est donc une nécessité que cette région soit d’abord fort grosse, et qu’ensuite elle diminue et s’affaisse.

§ 25[126]. Le même changement se passe pour le cerveau, qui est d’abord humide et volumineux, et qui, à mesure qu’il respire et qu’il mûrit, prend plus de corps et s’affaisse, ainsi que s’affaisse également la grosseur des yeux. Au début, la tête, grâce au cerveau, paraît énorme ; et les yeux paraissent non moins gros,

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/103 modifier

à cause de l’humidité qu’ils renferment. A la fin, ils prennent leur dimension définitive, au moment où le cerveau lui-même est à peine complètement formé ; car ce n’est qu’assez tard qu’il cesse d’être froid et humide, dans tous les animaux en général qui ont un cerveau, mais surtout dans l’homme. § 26[127]. C’est aussi pour cela que la fontanelle est le dernier des os à se solidifier ; car chez les enfants, au moment où ils viennent au jour, cet os est encore mou ; et si cette disposition est surtout marquée dans l’homme, c’est que l’homme a le cerveau plus humide et plus gros que tout autre animal, parce que c’est lui aussi qui a la chaleur la plus pure dans le cœur. Son intelligence atteste cet heureux équilibre, puisque l’homme est le plus intelligent de tous les êtres. § 27[128]. On peut remarquer même que les enfants ne sont pas maîtres de leur

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/104 modifier

tête jusqu’à un certain âge, à cause du poids du cerveau et de ce qui l’entoure. Il en est du reste ainsi de toutes les autres parties du corps que l’enfant doit mouvoir. En effet, ce n’est qu’assez tard et en dernier lieu que le principe du mouvement régit et domine les parties supérieures du corps, et toutes les parties qui, comme les membres, ne sont pas en rapport direct avec ce principe. C’est là précisément ce qui arrive pour la paupière. La Nature ne faisant jamais rien d’inutile et jamais rien en vain, il est clair que ce n’est pas davantage en vain qu’elle fait que telle chose est postérieure, et que telle autre chose est antérieure ; car alors ce qu’elle aurait produit serait vain et inutile. Par conséquent, il faut tout à la fois et nécessairement que les paupières se séparent, et qu’elles puissent se mouvoir. § 28[129]. C’est donc tardivement que les yeux des animaux sont tout à fait organisés, à cause de la coction énorme qui se fait dans le cerveau ; et s’ils sont les derniers à se former, c’est qu’il faut une

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/105 modifier

force bien puissante pour mettre en mouvement des organes qui sont éloignés du principe et qui sont froids. Ce qui prouve que c’est bien là la nature des paupières, c’est que si nous ressentons quelque lourdeur à la tête, soit par le besoin du sommeil, soit par l’ivresse ou telle autre cause analogue, nous ne pouvons soulever nos paupières, bien qu’elles ne pèsent pas cependant beaucoup par elles-mêmes.

§ 29[130]. Nous venons de dire pour les yeux comment et par quel procédé ils se forment, et pourquoi ils sont les derniers de nos organes à se constituer. Toutes les autres parties du corps se développent par la nourriture. Mais celles qui sont les plus importantes, et celles qui participent du principe dominateur, viennent de la nourriture la plus élaborée et la plus pure, de la

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/106 modifier

nourriture première ; les autres, qui sont nécessaires et qui sont faites pour les plus relevées, viennent d’une nourriture moins bonne, composée des résidus et des excrétions. § 30[131]. La Nature, comme un sage économe, a l’habitude de ne perdre rien de ce qu’elle peut utiliser, de quelque façon que ce soit. Dans l’administration des ménages, la nourriture la meilleure est réservée aux personnes libres ; la moins bonne et les restes sont donnés aux serviteurs ; et l’on donne ce qu’il y a de plus mauvais aux animaux qu’on nourrit dans la maison. De même donc que l’intelligence du maître fait, du dehors, tous ces arrangements pour que les choses prospèrent, de même, à l’intérieur des êtres que la Nature produit, elle compose, avec la matière la plus pure, les chairs et le corps de tous les autres sens, et, avec les déchets, elle compose les os, les nerfs, les poils, les ongles, les cornes et toutes les parties de même ordre. § 31[132]. De là vient que ces parties secondaires ne prennent leur consistance qu’en dernier lieu, quand déjà, dans le corps, il s’est formé naturellement du superflu. Lors de la constitution première de ces parties, la nature des os vient de la sécrétion spermatique ; et quand les animaux sont arrivés à toute leur croissance, les os prennent leur développement de la nourriture ordinaire, d’où viennent les

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/107 modifier

parties maîtresses du corps, bien qu’ils n’en soient encore que les résidus et les excrétions superflues. § 32[133]. Dans tout être, il faut distinguer deux degrés de nutrition, un premier et un second ; l’un servant à nourrir, et l’autre à accroître. Ce qui nourrit est ce qui procure l’existence à l’être entier et à ses parties diverses ; ce qui procure la croissance est ce qui donne le développement en grandeur. Mais c’est là un sujet

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/108 modifier

que nous approfondirons plus tard. Les nerfs se constituent de la même manière que les os, et des mêmes matériaux, à savoir de l’excrétion spermatique et de l’excrétion nutritive. Les ongles, les poils, les soles, les cornes, les becs et les ergots des oiseaux, et les autres parties semblables, viennent de la nourriture accumulée et de celle qui sert à la croissance, que d’ailleurs cette nourriture soit tirée de la femelle, ou qu’elle vienne du dehors. § 33[134]. Si les os ne croissent que jusqu’à un certain point, c’est que tous les animaux ont une limite à leur grosseur, et que les os en ont également une ; car, si les os croissaient sans cesse, tous les animaux qui ont des os ou des parties correspondant aux os, croîtraient durant leur existence tout entière. Mais ce sont les os qui posent une limite à la croissance des animaux. Plus tard, nous expliquerons comment il se fait que les os ne peuvent

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/109 modifier

pas se développer toujours. § 34[135]. Quant aux ongles, et à toutes les parties analogues, ils croissent tant qu’ils existent. C’est dans les maladies, dans la vieillesse et dans la destruction successive qu’elle amène, qu’ils croissent davantage, parce qu’il reste une plus grande quantité d’excrétion superflue, et qu’il en est moins dépensé pour les parties maîtresses de l’organisation. Aussi, quand cette superfluité vient à manquer par suite de l’âge, les poils manquent également. Pour les os, c’est tout le contraire ; ils dépérissent en même temps que le corps et ses organes, tandis que les cheveux poussent encore même sur le cadavre, sans toutefois s’y renouveler.

§ 35[136]. Les dents offrent matière à plus d’une question ; leur nature est la même que celle des os ; et c’est des os qu’elles proviennent, tandis que les ongles, les

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/110 modifier

poils, les cornes et autres parties de ce genre viennent de la peau, et changent de couleur en même temps qu’elle, tantôt blanches, tantôt noires, ou avant des couleurs diverses, suivant que la peau est elle-même colorée différemment. Pour les dents, il n’y a rien de pareil ; elles viennent des os, dans toutes les espèces qui ont à la fois des dents et des os ; mais seules de tous les os, elles ne cessent de croître durant la vie entière. § 36[137]. C’est ce qu’on peut voir aisément sur les dents qui tendent à se toucher mutuellement. Ce qui fait que les dents poussent sans cesse, c’est l’objet même de leur fonction et le but qu’elles doivent atteindre. Elles seraient bien vite usées si elles ne recevaient pas un certain accroissement ; et l’on voit sur les personnes qui vieillissent en mangeant beaucoup, et qui n’ont pas les dents très grandes, qu’elles s’usent absolument, parce qu’elles perdent plus

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/111 modifier

qu’elles ne gagnent par leur croissance. § 37[138]. La Nature a très bien combiné les choses dans ces circonstances. Elle fait coïncider l’usure des dents avec la vieillesse et la fin de l’existence. Si la vie était de dix mille ans ou seulement même de mille ans, les premières dents devraient devenir énormes et repousser plusieurs fois ; car elles auraient beau croître continuellement, elles n’en deviendraient pas moins, par l’usure, incapables de remplir leur office. Voilà donc pourquoi les dents croissent toujours. § 38[139]. Mais on peut remarquer, en outre, que les dents ne sont pas de la même nature que les autres os. Les os, dès leur première constitution, se montrent tous sans exception, et aucun ne vient plus tard que les autres. Mais les dents ne poussent qu’assez tard après la naissance ; aussi peuvent-elles repousser

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/112 modifier

après être tombées ; elles s’appuient sur les os, qu’elles touchent ; mais elles ne poussent pas avec eux néanmoins. Elles proviennent de la nourriture qui sert à la formation des os ; aussi, ont-elles la même nature, et apparaissent-elles, quand les os ont déjà le nombre qu’ils doivent avoir.

§ 39[140]. Tous les autres animaux naissent avec des dents ou avec des parties qui y correspondent, toutes les fois qu’il ne se passe rien de contraire aux lois de la Nature, parce que les animaux naissent beaucoup plus achevés que l’homme, dès leur origine. Loin de là, dans l’ordre habituel de la Nature, l’homme naît sans avoir de dents. Nous verrons plus tard comment il se fait que certaines dents poussent et tombent, et comment d’autres ne tombent jamais. Mais comme ces parties viennent d’excrétion, l’homme est de tous

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/113 modifier

les animaux celui qui a le moins de poils, relativement à son corps, et dont les ongles sont les plus petits en proportion de sa grosseur. C’est que c’est lui qui a le moins d’excrétion terreuse ; mais l’excrétion est le résidu qui n’est pas cuit ; et l’excrétion terreuse, dans les corps, est la moins cuite de toutes.


CHAPITRE IX

Du cordon ombilical par lequel se nourrissent les embryons des vivipares ; fonctions des cotylédons, du chorion et des membranes ; disparition des cotylédons ; détails à vérifier sur les Dessins Anatomiques et dans l’Histoire des Animaux ; erreur de quelques naturalistes sur la nutrition du fœtus ; accouplements hybrides entre les espèces voisines ; conditions particulières qui, en Libye, favorisent ces accouplements ; stérilité des hybrides ; toute leur race est inféconde ; stérilité relative de quelques individus dans l’espèce humaine ; signes de stérilité chez les hommes et chez les femmes ; expériences sur le sperme des hommes ; observations sur le teint et l’haleine des femmes : action des plaisirs de l’amour sur la vue et sur le cerveau.


§ 1[141]. Nous venons de dire comment se forment chacun des organes, et quelle est la cause de leur développement.

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/114 modifier

Les embryons des vivipares reçoivent la croissance qu’ils prennent par l’intermédiaire du cordon ombilical, ainsi que nous l’avons expliqué. Comme tous les animaux ont en eux-mêmes la force nutritive de l’âme, ils projettent l’ombilic dans la matrice, en guise de racine. Le cordon ombilical se compose de veines renfermées dans une enveloppe ; ces veines sont plus nombreuses dans les plus gros animaux, tels que le bœuf et autres animaux de ce genre. Il y en a deux dans les animaux de grosseur moyenne ; il n’y en a qu’une seule dans les derniers et les plus petits. § 2[142]. C’est par l’ombilic que les animaux reçoivent le sang qui les nourrit ; car les matrices

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/115 modifier

sont le terme où aboutissent beaucoup de veines. Les animaux qui n’ont pas une double rangée de dents, et, parmi les animaux qui ont la double rangée, ceux dont la matrice n’a pas seulement une grande veine qui s’y rende, mais en a plusieurs au lieu d’une, tous ceux-là ont dans la matrice ce qu’on appelle des cotylédons, auxquels se rend le cordon ombilical et auxquels il s’attache. § 3[143]. Les veines qui traversent l’ombilic s’étendent en tous sens et se répartissent dans toute la matrice ; et c’est au point où elles finissent que se trouvent les cotylédons, dont la partie convexe touche la matrice, et la partie concave, l’embryon. Entre la matrice et l’embryon, sont placés

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/116 modifier

le chorion et les membranes. Quand l’embryon a pris sa croissance et qu’il s’achève, les cotylédons deviennent plus petits, et ils disparaissent complètement quand l’être est tout à fait formé. C’est en eux que la Nature a préparé, pour les embryons, la nourriture sanguine de la matrice, comme elle en prépare dans les mamelles ; et la nourriture s’y accumulant petit à petit, et y arrivant de plusieurs côtés, le corps du cotylédon prend une sorte de floraison et d’inflammation. § 4[144]. Tant que l’embryon reste assez petit, et qu’il n’a pas besoin de grande nourriture, les cotylédons sont beaucoup plus gros ; mais quand l’embryon a pris sa croissance, ils s’affaissent. La plupart des petits animaux et de ceux qui ont la double rangée de dents n’ont pas de cotylédons dans la matrice ; chez eux, le cordon aboutit à une seule veine, qui est fort grosse, et qui, elle-même, aboutit à la matrice. Bien que, parmi ces animaux, les uns ne fassent qu’un

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/117 modifier

petit, et que d’autres en fassent plusieurs, les embryons plus nombreux se développent de la même manière que se développe un seul embryon. Il faut étudier tous ces détails dans les figures représentant les Dissections et dans les descriptions de l’Histoire des Animaux. § 5[145]. Les animaux proviennent de l’ombilic ; et l’ombilic provient de la veine, l’un à la suite de l’autre, comme si la veine s’écoulait par un canal. Autour de chaque embryon, il y a des membranes et un chorion. On se trompe quand on prétend que les enfants se nourrissent dans la matrice, en y tétant un petit morceau de chair. Il faudrait que le même phénomène se répétât dans les autres animaux ; mais on ne l’y voit pas dans l’état actuel des choses, ce dont on peut aisément se convaincre par l’anatomie.

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/118 modifier

Pour tous les embryons, soit que les animaux nagent, soit qu’ils volent, soit qu’ils marchent, il y a également de légères membranes, qui les entourent pour les séparer et de la matrice et des liquides qui s’y forment. Dans les espèces où il ne se passe rien de pareil, ni dans ces liquides, ni dans ces membranes, il n’est pas possible non plus à l’embryon de se nourrir par aucun de ces moyens. Pour tous les ovipares, il est de toute évidence qu’ils prennent leur développement indépendamment de la matrice, puisqu’ils sont dehors.

§ 6[146]. L’accouplement est naturel entre les animaux de même espèce ; il peut même avoir lieu entre des animaux dont la nature est très voisine, sans que leur espèce soit néanmoins tout à fait identique. Mais alors, il faut qu’ils soient à peu près de même grosseur, et que les temps de gestation soient à peu près égaux. Ces accouplements sont rares chez les autres animaux ;

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/119 modifier

mais ils ont lieu assez souvent entre les chiens, les renards et les loups. Les chiens Indiens viennent de l’accouplement d’une bête fauve, qui ressemble au chien, et d’un chien. § 7[147]. On peut voir que ce fait se répète aussi chez les oiseaux lascifs, comme les perdrix et les poules ; et parmi les oiseaux à serres recourbées, les éperviers d’espèces diverses s’accouplent les uns avec les autres. Il en est encore de même pour quelques autres oiseaux. Pour les poissons de mer, on n’a encore observé rien de bien précis. Ce qui semble le moins improbable, c’est que les poissons appelés Rhinobates viennent d’une raie et d’une lime. § 8[148]. Le proverbe qui dit que, dans la Libye, il surgit toujours quelque monstre nouveau, vient de ce qu’en Libye, des animaux qui ne sont pas de la même espèce ont néanmoins l’occasion de s’accoupler. Comme l’eau est excessivement rare en ce pays, les animaux se rencontrent aux lieux très peu nombreux qui ont des nappes d’eau, et ils s’accouplent alors, quoiqu’ils ne soient pas de genre identique.

§ 9[149]. Les animaux issus de ces mélanges semblent aussi s’accoupler les uns avec les autres ; et en s’unissant, ils semblent pouvoir à leur tour produire des femelles et des mâles. Mais les mulets, seuls parmi les animaux nés de cette manière, sont inféconds ; ils ne peuvent produire, ni entre eux, ni en s’accouplant avec d’autres. Du reste, la question vaut la peine qu’on la généralise, et l’on peut se demander d’où vient la stérilité, soit dans le mâle, soit dans la femelle ; car, il

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/121 modifier

y a des femmes et des hommes stériles, et il y a aussi des individus inféconds dans toutes les autres espèces, chevaux, moutons, etc. Mais il n’y a que les mulets où l’espèce tout entière soit stérile. § 10[150]. Les causes de la stérilité sont plus nombreuses dans les autres animaux. Ainsi, la stérilité peut être de naissance ; et quand les organes destinés au rapprochement sont mal conformés, les femmes et les hommes sont stériles, les unes n’ayant pas de poils au pubis, les autres n’ayant pas de barbe, et restant toute leur vie des eunuques. Tantôt, chez les uns, c’est dans le cours de la vie que cette même infirmité survient par excès d’embonpoint, les femmes devenant trop grasses, et les hommes ayant un corps trop bien portant, où se perd l’excrétion spermatique. Alors, les femmes n’ont plus de mois, et les hommes n’ont plus de semence. Tantôt aussi, l’infirmité survient par suite de maladie ; les hommes émettent une semence aqueuse et froide ; les femmes n’ont plus que des évacuations viciées et pleines d’excrétions morbides.

§ 11[151]. Bien

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/122 modifier

des hommes et bien des femmes sont frappés d’impuissance, par suite de difformités dans les organes et les parties nécessaires au rapprochement. Si quelques-unes de ces affections sont curables, d’autres sont incurables ; le plus souvent, la stérilité persiste quand elle tient à la constitution première de l’individu. Les femmes prennent un air masculin, et les hommes un air de femme ; les unes n’ont plus leurs mois, et les autres n’ont qu’un sperme léger et froid. § 12[152]. On a donc raison d’essayer des expériences faites avec de l’eau pour s’assurer que le sperme des hommes est infécond. Celui qui est léger et froid se dissout très vite, en se répandant à la surface : celui qui est fécond tombe au fond. Ce qui est complètement cuit est chaud ; et le sperme qui a toute la coction nécessaire est compact et épais. Pour les femmes

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/123 modifier

on s’assure de leur état par des observations extérieures ; par exemple, si la mauvaise odeur monte de bas en haut jusqu’à leur haleine, au dehors ; on s’en assure aussi en observant les couleurs qui cernent leurs yeux, et la couleur de leur salive dans leur bouche. § 13[153]. Quand les bonnes conditions ne se présentent pas, il est clair que les vaisseaux par lesquels doit filtrer l’excrétion sont obstrués et bouchés. La région des yeux est celle qui, dans la tête, subit le plus vivement l’influence du sperme. Ce qui le prouve bien, c’est que cette région est la seule qui change et se modifie par la copulation ; et quand on abuse des plaisirs vénériens, les yeux le révèlent sur-le-champ. C’est que la nature de la semence ressemble beaucoup à celle du cerveau. La matière de la semence est aqueuse, et sa chaleur lui vient d’ailleurs. Les évacuations mensuelles partent du diaphragme ; et c’est de là que vient le principe de la vie, de telle sorte

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/124 modifier

que les émotions partant des organes sexuels remontent jusqu’au thorax, et que les odeurs qui en émanent se font sentir jusque dans l’haleine.


CHAPITRE X

De la stérilité du mulet ; elle atteint tous les individus de l’espèce sans exception ; erreurs de Démocrite et d’Empédocle ; réfutation de leurs théories ; citation des Problèmes ; exemple d’une mule qui a conçu ; essai d’une explication logique de la stérilité du mulet ; l’observation des faits réels est encore préférable aux raisonnements les plus spécieux ; de l’organisation comparée des juments et des ânesses ; on fustige ces dernières après l’accouplement ; tempérament de l’âne et du cheval ; température de leur sperme ; la mule, n’ayant pas de menstrues, ne peut nourrir le fœtus ; le Ginnos ; les nains.


§ 1[154]. Ainsi que nous le disions un peu plus haut, la stérilité dans les hommes et dans les autres espèces d’animaux n’est qu’individuelle ; mais pour les mulets, c’est la race tout entière qui est stérile. Quelle est la cause de ce fait, c’est un point sur lequel Empédocle et Démocrite se sont trompés, le premier, en s’expliquant trop peu clairement ; l’autre ne se trompe

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/125 modifier

pas moins, tout en se prononçant avec plus de netteté. Tous deux traitent d’une égale manière, et sans faire de distinction, l’accouplement de tous les animaux qui s’unissent sans être congénères. § 2[155]. Ainsi, Démocrite assure que les canaux prolifiques des mulets sont détruits dans les matrices mêmes des mères, parce que le principe de ces animaux vient de parents qui ne sont pas de genres identiques. Mais ce phénomène se présente aussi chez d’autres animaux, qui cependant n’en sont pas moins féconds. Si c’était là vraiment la cause de la stérilité, il faudrait que tous les autres animaux qui s’accouplent dans les mêmes conditions irrégulières, fussent également stériles. § 3[156]. Quant à Empédocle, il attribue la stérilité des mulets à ce que le mélange formé des deux spermes devient épais, bien que, de part et d’autre, la semence soit fluide et molle.

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/126 modifier

Les vides de l’un se combinent avec les parties solides de l’autre ; et de ces deux éléments, qui sont mous, il se forme un mélange qui est dur, ainsi que le cuivre se durcit quand on le mélange avec l’étain. Mais, Empédocle se trompe sur le cuivre et l’étain, en assignant une telle cause à la dureté de leur mélange ; nous l’avons expliquée dans nos Problèmes. Il se trompe encore en ne tirant pas de faits bien connus les principes sur lesquels il veut s’appuyer. § 4[157]. Comment les creux et les solides pourraient-ils, en se combinant les uns avec les autres, former un mélange, de vin et d’eau par exemple ? Ceci dépasse notre intelligence ; car il est bien impossible à l’observation sensible d’apercevoir les prétendus creux de l’eau et du vin. § 5[158]. D’autre part, comme de chevaux vient un cheval, et d’ânes vient un âne ; et comme d’un cheval

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/127 modifier

et d’un âne vient un mulet, qui est un demi-âne, l’un ou l’autre des parents pouvant être indifféremment mâle ou femelle, comment se fait-il que le sperme venant de tous les deux, soit si épais que le produit en soit infécond, tandis que, du cheval femelle et mâle, ou de l’âne femelle et mâle aussi, il ne sorte pas de produit stérile ? Cependant le sperme du cheval mâle et celui du cheval femelle sont mous et fluides. § 6[159]. Le cheval femelle et mâle s’accouple à l’âne mâle et femelle ; et, à ce que dit Empédocle, le produit auquel ces deux accouplements donnent naissance est infécond, parce que, de l’un et de l’autre, il se forme une certaine unité, grâce à ce que les deux spermes sont mous. Il faudrait que la même stérilité se représentât dans le produit du cheval avec sa femelle. Si ce n’était qu’un seul des deux qui s’accouplât, on

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/128 modifier

pourrait croire que l’un des deux est cause que la semence de l’âne ne peut rien engendrer de pareil ; mais dans le fait, quelle que soit la semence à laquelle l’autre se mêle, c’est toujours comme si c’était celle du congénère.

§ 7[160]. De plus, la démonstration d’Empédocle s’applique indistinctement aux deux sexes, à la femelle et au mâle ; mais le mâle seul peut engendrer, à ce qu’on dit, jusqu’à sept ans, tandis que la femelle reste toujours stérile, parce qu’elle ne peut amener son fruit à terme. Pourtant, on cite une mule qui avait une fois pu concevoir un fœtus.

§ 8[161]. Il y aurait peut-être ici une explication, toute logique, qui vaudrait mieux que celles que nous venons de rappeler. Je dis de cette explication qu’elle est logique, parce que plus elle est générale, plus elle s’éloigne des principes spéciaux de la question.

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/129 modifier

La voici : si d’êtres de même espèce, mâle et femelle, il sort naturellement un mâle ou une femelle ressemblant spécifiquement aux parents qui l’ont engendré ; si, par exemple, d’un chien mâle et d’un chien femelle il sort un chien mâle ou femelle, la conséquence, c’est que, d’espèces différentes, il doit sortir aussi un produit différent en espèce. Par exemple, le chien étant d’une autre espèce que le lion, du chien mâle et du lion femelle, il doit sortir un produit autre, comme il en sort un autre encore de l’accouplement du lion mâle et du chien femelle. § 9[162]. Par conséquent, s’il se produit un mulet mâle ou femelle, l’espèce restant identique pour les deux, et que le mulet ne vienne que du cheval et de l’âne, qui ne sont pas de même espèce que le mulet, il s’ensuit que le mulet ne peut rien produire ; car il est impossible que le genre soit autre, puisque un mâle et une femelle qui sont de même espèce, ne produisent qu’un être de la même espèce qu’eux. Or, le mulet provient du cheval et de

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/130 modifier

l’âne, qui sont autres spécifiquement ; et il est positif que d’êtres qui sont autres en espèce, il provient toujours un être qui est autre aussi, comme ils le sont eux-mêmes.

§ 10[163]. J’avoue que ce raisonnement est trop général, et qu’il est assez vide. Les arguments tirés de principes qui ne sont pas spéciaux à la question qu’on traite, sont vides et sans force ; ils semblent la résoudre, tout en ne s’appliquant pas réellement aux choses. En effet, les arguments tirés des principes géométriques sont géométriques, et il en est de même de tous les autres. Mais ce qui est vide et creux ne fait que paraître quelque chose, tandis qu’au fond, ce n’est rien. Il est faux, ainsi que nous l’avons déjà dit, que, de parents qui ne sont pas de même espèce, il naisse souvent des êtres féconds. § 11[164]. Ce n’est pas là une méthode à suivre, ni dans les autres études, ni dans celles

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/131 modifier

dont la Nature est l’objet. Mais en observant les faits que présentent l’espèce des chevaux et l’espèce des ânes, on se rendra bien mieux compte de la cause de la stérilité du mulet. D’abord, on voit que l’une et l’autre de ces espèces, parmi tous les animaux de même ordre, ne font jamais qu’un seul petit. Les femelles ne sont pas toujours disposées à recevoir les mâles ; et c’est pour cela qu’on ne les laisse saillir par les chevaux qu’à de longs intervalles, parce qu’elles ne peuvent pas porter continuellement. § 12[165]. La jument n’est pas sujette à des menstrues régulières ; et de tous les quadrupèdes, c’est elle qui a la plus faible émission. L’ânesse ne garde pas la semence qu’elle a reçue, et elle la rejette avec son urine ; et voilà pourquoi des gens placés derrière elle lui donnent des coups de fouet, en la poursuivant. De plus, l’âne est un animal froid ; aussi ne vient-il pas dans les climats où

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/132 modifier

l’hiver est trop rude, parce que naturellement il souffre beaucoup d’une température froide. Ainsi, il ne vit pas dans la Scythie, ni dans les contrées voisines, ni chez les Celtes, au nord de l’Ibérie, pays qui n’est pas moins exposé aux frimas. § 13[166]. C’est ce qui fait qu’on permet la saillie aux ânes, non pas à l’équinoxe comme aux chevaux, mais au solstice d’été, afin que les ânons puissent venir au monde dans la saison chaude. D’ailleurs, l’ânesse met bas dans la même saison que celle où elle a été couverte, puisque le cheval et l’âne portent un an. § 14[167]. L’âne étant par sa nature un animal froid, comme on vient de le dire, il faut nécessairement que sa semence soit froide également. Ce qui le prouve, c’est que, si un cheval monte une femelle déjà couverte par un âne, il n’annule pas la saillie de l’âne, tandis que si, au contraire, l’âne vient à saillir après le cheval, il annule la saillie du cheval, parce que sa semence est très froide. Quand les

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/133 modifier

deux s’accouplent, la saillie réussit, parce que la chaleur de l’un la sauve, la sécrétion du cheval étant plus chaude que celle de l’âne. La matière et la semence de l’âne sont froides ; mais celles du cheval sont plus chaudes. Quand la chaleur se mêle au froid, ou que le froid se mêle au chaud, alors l’être qui est conçu des deux parents peut vivre ; et les deux ainsi accouplés peuvent être féconds l’un par l’autre ; mais le produit qui en sort ne l’est plus, et il est stérile, sans pouvoir aboutir à rien de complet.

§ 15[168]. L’un et l’autre, le cheval et l’âne, ont une constitution naturelle qui les prédispose à être inféconds. Ainsi, l’âne, outre les conditions qu’on vient de rappeler, ne peut plus engendrer jamais s’il n’engendre pas après la chute des premières dents. Il s’en faut donc de bien peu que le corps des ânes ne soit stérile. De même aussi pour le cheval. Il est disposé également à être stérile, et la saillie risque d’autant plus d’avorter que le résultat qui en doit sortir est plus froid. C’est précisément ce qui arrive quand la

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/134 modifier

semence du cheval se mêle à celle de l’âne. § 16[169]. L’âne est donc bien près d’être infécond dans son accouplement régulier ; et par suite, lorsque cet accouplement n’est plus naturel, comme l’accouplement normal peut à grand-peine pour les deux produire un seul petit, à plus forte raison, le produit, venant des deux contre le vœu de la Nature, sera-t-il infécond, et ne lui manquera-t-il rien pour l’être, ou plutôt le sera-t-il de toute nécessité. § 17[170]. Ce qui fait que le corps des mulets a de fortes dimensions, c’est que l’excrétion qui devrait tourner aux menstrues tourne chez eux à la croissance. Comme la gestation est d’une année pour les deux espèces également, il faut non seulement que la mule conçoive, mais encore quelle nourrisse le fœtus. Or, c’est impossible s’il n’y a pas de flux mensuel ; et les mules n’en ont pas ; la partie qui n’y est pas employée s’en va avec l’excrétion qui vient de la vessie. C’est là ce qui fait que les mulets ne flairent

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/135 modifier

pas les parties sexuelles des femelles, comme les autres solipèdes, mais ils flairent l’excrétion elle-même. Ainsi, le résidu tout entier tourne au développement du corps et à sa grosseur. § 18[171]. Par suite, la mule pourrait bien concevoir, ce que d’ailleurs on a déjà observé ; mais il est absolument impossible qu’elle nourrisse le fœtus et qu’elle mette bas. Quant au mâle, il pourrait sans doute engendrer, parce que le mâle est naturellement plus chaud que la femelle, et aussi, parce que le mâle n’apporte dans l’accouplement rien de matériel. Le produit qui sort du mulet s’appelle un Ginnos ; c’est un mulet contrefait ; car ce sont des Ginnos qui viennent du cheval et de l’âne, quand le fœtus a souffert de quelque maladie dans la matrice. Le Ginnos est quelque chose, en effet, comme les arrière-porcs dans la race des porcs ; car, dans cette race, on appelle arrière-porcs le produit qui est mutilé dans la matrice de l’animal. C’est d’ailleurs un accident qui peut atteindre un fœtus quelconque. La même difformité

Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/136 modifier

produit les nains ou pygmées, qui ont été également estropiés dans certaines parties de leur corps et dans leur grandeur, pendant la durée de la gestation ; et eux, aussi, sont des espèces d’arrière-porcs et de Ginnos.

  1. Antérieurement. Plus haut, liv. 1, ch. 1, § 5, et ch. II, § 2. — Qu’elle n’a que deux partis à prendre. Le texte n’est pas aussi précis ; mais l’opposition que l’auteur a mise dans les deux membres de la phrase, autorise l’addition que j’ai faite. — À la nécessité… au principe supérieur du mieux. C’est à ce dernier principe qu’Aristote a recours le plus ordinairement ; et c’est ainsi qu’il justifie son admiration pour la sagesse de la Nature. — Et à la cause finale, Qui se confond avec le mieux, la Nature faisant toujours les choses le mieux possible. Voir la Métaphysique, liv. V, ch. V, et la Physique, liv. II, ch. IX, de ma traduction.
  2. Éternelles… être ou n’être pas. La distinction est très simple ; mais elle n’en est pas moins profonde. Voir le Traité des Parties des animaux, où elle a été exposée admirablement, liv. I, ch. V, de ma traduction, pp. 56 et suiv. — Le bien et le divin. Qui, au fond, ne sont qu’une seule et même chose. — Causes du mieux. C’est là le véritable rôle du bien, réalisant de plus en plus sa propre essence, à mesure qu’il se développe. — Participer, tour à tour… Être tantôt mieux, et être tantôt pis. Les choses éternelles au contraire sont absolument immuables. — Il n’y a pas d’autres causes que celles-là. Sur ce point, Aristote est d’accord user le Timée de Platon et avec la Genèse ; il n’y a pas d’autre cause à l’existence du monde que la bonté de Dieu : la philosophie et la raison ne peuvent pas remonter à un principe plus haut que celui-là.
  3. Cet ordre d’êtres. C’est-à-dire, les êtres animés, comprenant les plantes aussi bien que les animaux proprement dits. — Éternels dans la mesure où ils peuvent le devenir. Par la reproduction perpétuelle des individus, transmettant la vie qu’ils ont reçue à d’autres êtres de même espère. C’est là une vérité incontestable, ressortant du spectacle de la Nature, telle que l’homme peut l’observer. Aristote a donc cru d’une manière imperturbable à la fixité des espèces ; et il aurait été bien étonné des théories qui nient cette fixité et y substituent une perpétuelle mobilité ; voir la préface au Traité des Parties des animaux, p. CLXIII, de ma traduction. — L’espèce humaine….. et l’espèce végétale. J’ai conservé ces formules, qui sont fort acceptables à la biologie moderne : la vie est dans les trois espèces, bien qu’à des degrés divers, et c’est là ce qui permet de les réunir sous une même théorie.
  4. Le principe des uns et des autres… Comme ceci s’adresse aux plantes aussi bien qu’aux animaux, il semblerait qu’Aristote admet aussi des sexes dans les plantes. Voir plus haut, liv. 1. ch. 10. — Il vaut mieux… C’est résoudre la question par la question, puisque c’est supposer d’abord que le mâle vaut mieux que la femelle, le mâle donnant le mouvement et la vie, la femelle ne fournissant que la matière. La femelle ne vaut pas moins que le mâle ; ce sont deux êtres égaux, et tous les deux indispensables.
  5. Qui leur est commune à tous deux. Ainsi, l’égalité semble régner entre eux et l’un n’est pas plus que l’autre. — À cette condition que les plantes. Ceci semble prouver encore que le philosophe soupçonnait l’existence des sexes dans les végétaux, sans d’ailleurs connaître leurs organes. — La faculté de la sensibilité. Voir plus haut, liv. I, ch. XVI, § 8. Voir aussi les citations indiquées dans la note sur ce passage.
  6. Dans la plupart. Il y a des exceptions pour les espèces hermaphrodites. — Que nous venons d’exposer. Dans ce chapitre, sans parler des théories du premier livre. — Ainsi que nous l’avons vu. Plus haut, liv. I, ch. X, § 2. — N’en émettent pas. Ce sont en général les insectes, selon Aristote. — Ces animaux. C’est-à-dire ceux qui émettent de la liqueur séminale. — Plus de développement et de grandeur. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — La chaleur que l’âme produit. L’âme représente ici le principe vital, ainsi que dans tout le Traité de l’Âme. — La chaleur qui détermine le mouvement. Cette assertion ne saurait être prouvée. La volonté est plus puissante que la chaleur pour déterminer le mouvement. — Sont plus gros… Cette observation est exacte, si on la prend dans sa généralité.
  7. On doit comprendre maintenant. Cette assertion n’est peut-être pas aussi clairement justifiée que l’auteur le suppose ; mais on ne doit pas s’en étonner après les efforts qu’il a faits pour résoudre ce grand problème. — Mais, parmi les animaux… Les distinctions qu’Aristote fait ici sont très réelles et la science moderne ne saurait dire mieux. — Qui mettent au jour des êtres vivants. Ce sont les vivipares, parmi lesquels les mammifères tiennent la principale place. — Qui n’a pas… de membres. Comme en ont les jeunes vivipares. — Sa forme. On pourrait comprendre aussi qu’il s’agit de la forme transmise par les parents ; mais le premier sens est plus naturel. — Ceux qui ont du sang. Les oiseaux et les poisons. — Ceux qui n’ont pas de sang. Ce sont les insectes. — Larves. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IV, §§ 3 et 7. Mais nulle part mieux qu’ici Aristote n’a expliqué la différence de l’œuf et de la larve. — Une certaine partie. Dans l’œuf c’est le blanc d’où naît le poussin. — L’autre partie restante. C’est le jaune, qui nourrit le poussin pendant un temps déterminé. — Entièrement fait. Il y a des insectes qui subissent des métamorphoses ; mais les insectes, qui n’ont point d’ailes sortent de l’œuf avec la forme qu’ils doivent toujours garder. Il y a aussi des insectes qui ne subissent qu’une demi-métamorphose. Voir Cuvier, Règne animal, tome. IV, p. 316. édition de 1829.
  8. Quant aux animaux vivipares. Les distinctions entre les animaux vivipares ne sont pas moins fondées que celles qui précèdent. — En eux-mêmes. Ce sont les mammifères. — Le dauphin. Voir Cuvier, Règne animal, tome I. p. 287. Le dauphin fait partie dès cétacés à tête de grosseur ordinaire, par opposition aux cachalots et aux baleines qui ont la tête démesurément grosse. — Sélaciens. Voir Cuvier. Règne animal, tome II, p. 383. Les sélaciens sont la première famille des chondroptérygiens à branchies fixes : cette famille se compose de deux genres, les squales et les raies. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. 1. ch. ch. IV. et liv. II ch. IX, § 5., et passim : et M. Claus, Zoologie descriptive. p 812. trad. franç.
  9. Entre les ovipares. Les différences entre les ovipares sont très exactement indiquées, et elles sont incontestables. — Leur œuf complet. Une fois pondu, l’œuf n’a plus qu’à se développer intérieurement, par l’action de la chaleur venue de l’incubation. — Quadrupèdes ovipares. Les lézards et les tortues. — Ovipares dépourvus de pieds. Les ophidiens proprement dits, parmi les reptiles. Le texte présente une confusion que je n’ai pu éviter, tout en l’atténuant — Ne prennent plus d’accroissement. Le fait est exact. L’accroissement se fait dans l’intérieur de l’œuf, sans se produire en rien au dehors. — Ne se développent qu’après leur sortie. La différence n’est peut-être pas aussi grande que l’auteur le pense, et l’incubation de la mère dans les oiseaux est un complément qui ne vient aussi qu’après la ponte.
  10. Ont du sang. Ce caractère est très réel. — Absolument inféconds. L’infécondité est un fait accidentel, à moins qu’un ne veuille parler des hybrides ; on ne peut pas la considérer comme un fait permanent. — Se fécondent eux-mêmes. Ce sont les espèces hermaphrodites. — Dans d’autres ouvrages. Voir l’Histoire des Animaux, qui s’est beaucoup occupée des insectes, liv. 1, ch. 1, § 13, et surtout le livre IV, qui leur est consacré presque tout entier, et aussi liv. V. ch. XVIII. Le traité des Parties des animaux parle également beaucoup des insectes, liv. II, c. VIII, § 8 de ma traduction.
  11. De grandes variétés de ce genre. Toutes ces généralités sont d’une exactitude irréprochable ; la science actuelle n’a peut-être plus à s’en occuper ; mais, au début, elles étaient indispensables et fort instructives. On ne classe plus les animaux selon qu’ils sont vivipare ou ovipares ; mais on distingue les mammifères et les oiseaux, ce qui revient à peu près au même. — Tous les quadrupèdes ne sont pas ovipares… ne sont pas vivipares. Ces distinctions sont aussi claires que réelles. — Une foule d’autres. C’est exagéré, parce que les espèces de quadrupèdes ovipares ne sont pas nombreuses.
  12. Parce que les animaux ont des pieds. Aristote, voit bien que les pieds ne peuvent être un élément suffisant de classification. Voir le paragraphe qui suit. — Sans pieds, des apodes. Il n’y a que le dernier mot dans le texte. — Les vipères et les sélaciens. Ces exemples sont bien choisis, et on les connaît par les détails donnés précédemment. — Le reste des serpents. Par opposition à la vipère qui est vivipare, comme son nom l’indique. — Parmi les animaux… Ce paragraphe paraît n’être qu’une répétition assez peu utile. — La baleine et le dauphin. Voir plus haut, § 8.
  13. Il n’est donc pas possible… La remarque est parfaitement juste ; et en effet, il n’y a pas de naturaliste qui ait essayé une classification d’après cette donnée. — Expliquer la cause de leurs différences. Le nombre de pieds, la présence ou l’absence de ces organes, sont des détails anatomiques importants : mais ils ne sont pas assez décisifs. Voir Cuvier. Règne animal, tome I. pp. 48 et suiv. : Distribution générale du règne animal en quatre grandes divisions, vertébrés, mollusques, articulés, rayonnés. C’est bien toujours l’anatomie qui détermine la classification ; mais c’est l’ensemble de l’organisation qu’il faut considérer, et non pas seulement une partie. — Dont la nature est plus parfaite. Sans croire à l’échelle des êtres, on peut affirmer que certains animaux sont plus parfaits que certains autres. — Un principe plus pur. Au fond, le principe est toujours le même : et ce principe dernier est le Créateur : mais c’est la forme qui est inférieure, si d’ailleurs la cause est identique. — Plus chauds et plus humides… qui ne sont pas terreux. C’est toujours la théorie des quatre éléments, qui se reproduit dans ces premiers essais de chimie organique.
  14. C’est le poumon. Cette théorie est absolument celle de la science moderne : c’est la combustion du carbone et de l’hydrogène par l’oxygène de l’air, dans le poumon, qui est regardée aujourd’hui comme la cause de la chaleur animale. Quelques naturaliste de nos jours se sont trompés en affirmant que les Anciens faisaient venir du cœur la chaleur animale : on voit qu’il n’en est rien. Il est admis maintenant que la chaleur se produit dans l’organisme par le contact de l’oxygène de l’air avec les éléments solides ou liquides. Ce contact a lieu particulièrement dans le poumon. Ainsi. Aristote est dans le vrai pour ce qui concerne ce phénomène essentiel ; voir M. G. Colin. Physiologie comparée des animaux, tome II, p. 933, 2e édition, et M. Gavarret, « De la chaleur produite par les êtres vivants ». p. 507 ; voir aussi M. Béclard. Physiologie humaine, 6e édition, pp. 446 et suiv. C’est de l’action plus ou moins vive du poumon qu’on a tiré la distinction des animaux à sang chaud et à sang froid. — Ni spongieux, ni visqueux. On sait que le poumon n’existe que dans les trois premières classes des vertébrés, où il est essentiellement composé de canaux aériens cartilagineux, de vésicules membraneuses, de vaisseaux sanguins très ramifiés, et d’une membrane extérieure, qui les enveloppe et les protège ; voir Cuvier. Anatomie comparée, tome IV, pp. 308 et suiv., 1ere édition. — Plein de sang et mou. Ces caractères sont exacts.
  15. Le jeune. Le texte dit d’une manière générale : « l’animal », le vivant : c’est le produit des vivipares. — Dans l’ordre de la Nature. Dont Aristote ne cesse d’admirer la sagesse. — L’être complet. C’est le petit des vivipares, qui est complet en naissant, parce qu’il a tous les organes qui plus tard ne feront que se développer. — D’un être plus complet que lui. L’enfant vient de l’homme ; l’homme engendre l’homme, selon les formules aristotéliques. — Un œuf complet. Comme les œufs de gallinacés, qui n’ont plus besoin pour produire le poussin que de la chaleur de l’incubation. — Ils sont vivipares en eux-mêmes. Comme les sélaciens, cités dans le paragraphe suivant. — À cause de leur sécheresse. L’explication est bien hypothétique.
  16. Quant aux sélaciens. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 384. Il y a des sélaciens dans le corps desquels éclosent les petits ; d’autres ont des œufs revêtus d’une coque dure et cornée. — Froids… humides. Ces théories ne sont pas acceptables, bien qu’elles soient ingénieuses. — Plus sèche et plus terreuse. Entre les quatre éléments, c’est la terre seule qui représente le sec.
  17. Ne flotte pas à la surface. Ceci veut dire que la partie terreuse, étant la plus lourde, reste au fond, où elle produit l’œuf, d’où le jeune doit sortir. Le texte n’est pas plus précis que ma traduction. — N’ayant rien qui le protège. Ce qui protège l’œuf des gallinacés, par exemple, c’est la coquille, qui a la dureté nécessaire : et cette dureté ne peut venir que de la partie terreuse, selon la théorie des quatre éléments. — Les animaux plus froids et plus secs. Ceci est bien vague ; et un ne voit point assez nettement quels sont les animaux que l’auteur veut désigner. — Une pellicule dure. Cette organisation de l’œuf est de toute évidence dans les oiseaux ; mais chez les poissons mêmes, l’œuf a toujours une pellicule résistante ; et sans elle, il ne subsisterait pas. Aristote le fait remarquer dans le paragraphe suivant.
  18. Les poissons qui ont des écailles. Peut-être Aristote veut-il distinguer par là les cétacés et les poissons cartilagineux des autres animaux aquatiques. La plupart des poissons ont le corps couvert d’écailles : mais la zoologie moderne ne semble pas attacher d’importance à ce caractère ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 125, édition de 1829. — Qui sont terreux. Sans doute à cause du test ou carapace que portent ces animaux. Voir Cuvier. Règne animal, tome IV, pp. 26 et 27. — Dont le corps est naturellement visqueux. C’est là ce qui leur a fait donner le nom qu’ils portent. « Leur peau est nue, dit Cuvier, très sensible, ordinairement enduite d’une humeur qui suinte de ses pores. » Règne animal, tome III, p. 3. Leur peau ressemble à une membrane pituitaire ; et elle se développe en une sorte de manteau, qui recouvre tout le corps. Leurs œufs, dans les mollusques ovipares, sont enveloppés d’une coquille plus ou moins dure, ou même d’une simple viscosité ; Cuvier, id., ibid., p. 6.
  19. Quant aux insectes. Voir sur la génération des insectes. Cuvier-Latreille, tome IV, p. 314. du Règne animal. Le premier état des insectes dans leurs métamorphoses est celui de larves. — Larvipares. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. 7, de ma traduction. Le mot de Larvipares est admis dans le langage de la science ; mais il ne l’est pas par l’Académie. — Comme ils n’ont pas de sang. Ce n’est pas là sans doute la véritable cause. — Beaucoup de variétés. C’est dans les insectes, troisième embranchement, ou forme, de Cuvier, que la fécondité de la matière se montre la plus étonnante ; les espèces sont a peu près innombrables ; elles s’élèvent déjà à plusieurs centaines de mille ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 563, trad. franç. — Sous forme de larves. Sur les larves et leurs métamorphoses, voir M. Claus, id., ibid.. pp. 557 et suiv. — Plus tard la forme d’œufs. Ces détails ne sont pas assez complètement exposés pour être tout à fait clairs ; et l’auteur lui-même semble le sentir en annonçant des études ultérieures. — Dans ce qui va suivre. Voir plus loin, liv. III, ch. III et suiv., sur les œufs des poissons et des animaux inférieurs.
  20. La Nature s’arrange toujours… Nouveau témoignage d’admiration pour la sagesse de la Nature. — Régulière et continue. C’est la fixité et la perpétuité des espères, niées dans ces derniers temps avec tant de légèreté et d’audace, malgré l’évidence des faits. Voir plus haut, ch. I, § 3. — Quant à la qualité. C’est l’espèce et l’essence. — Quant à la quantité. Ces distinctions sont très nettes. Tout animal s’accroît, après sa naissance, par la nourriture qu’il prend.
  21. Les animaux de second ordre. Tout ce passage est un des plus importants en ce qui concerne la classification telle que l’entendait Aristote, et telle qu’il l’établissait : vivipares proprement dits ; vivipares après production d’un œuf en eux-mêmes ; ovipares à œuf complet ; ovipares à œuf incomplet ; enfin larvipares. La science moderne a trouvé d’autres principe de classification, tirés surtout de l’anatomie. Mais les caractères indiqués par Aristote n’en méritent pas moins d’attention ; ils s’adressent au principe même de la génération et de la vie. — Les transformations. Ce sont les métamorphoses des insectes. — Dont on a parlé. Plus haut, ch. I, § 7. — Une sorte d’œuf. Voir plus haut, § 19. — La chrysalide. Le rôle de la chrysalide est très bien exposé. C’est en effet une espèce d’œuf particulière. — Ce troisième changement. Ce sont les trois métamorphoses des insectes.
  22. Antérieurement. Liv. 1, ch. I, § 5. — Qui ont du sang. Nous dirions aujourd’hui : « à sang rouge », pour les distinguer des animaux à sang blanc. — Dans les parents eux-mêmes. Ce sont les vivipares. — Transformations. Le mot du texte signifie littéralement « séparations ». L’œuf habituellement se sépare, en effet, de l’animal qui le produit.
  23. Une question plus difficile… La question qu’Aristote va discuter est en effet très importante : mais il semble qu’elle ne tient pas de très près à celles qui précèdent. Par sa nature même, elle aurait dû trouver place dans le premier livre, et comme préambule de tout le traité. Mais quoi qu’il en soit, il faut laisser les choses telles qu’elles sont ; tout changement serait arbitraire. — De quelque chose, par l’action de quelque chose… Ces répétitions sont dans le texte. — De quelque chose, c’est la matière. Qui se trouve dans l’œuf, pour nourrir le poussin, ou dans la larve, d’où le jeune doit sortir. — D’autres aussi. On pourrait croire que cette phrase a été ajoutée par une main étrangère. L’allaitement ne vient que beaucoup plus tard pour le développement de l’animal ; mais le lait n’est pas sa matière primitive. — Ce dont viennent les animaux. Voir la Métaphysique, liv. V, ch. XXIV, de ma traduction.
  24. En second lieu. Le texte dit simplement Maintenant. — De quoi. C’est la seconde question posée au paragraphe précédent. — Quelque chose d’extérieur. L’action de l’extérieur peut produire le développement ; mais il faut d’abord un principe intérieur, que le dehors peut développer. — Qui s’incorpore à eux. J’ai cru pouvoir ajouter ces mots pour rendre toute la force de l’expression du texte. — Qui pourrait acquérir une âme. Le grec se sert d’un conditionnel, qui me paraît avoir le sens que je donne. — La raison ne peut pas admettre. Aristote fait toujours une part à la raison dans l’explication des phénomènes, après la part faite à l’observation. — S’il n’y a pas de contact. Ceci précise le sens dans lequel il faut entendre l’idée d’Extérieur ; mais les pensées ne semblent pas se suivre ici très régulièrement.
  25. Primitivement… d’originaire. La répétition est bien dans le texte, quoiqu’elle y soit moins marquée. — Quelque partie qui en soit séparée. Ceci vient d’être dit déjà au paragraphe précédent. — Raisonnablement. Même remarque. — L’animal une fois produit. Ici le mot d’Animal ne désigne que l’embryon qui vient de recevoir la vie. — Ce quelque chose. L’indécision est aussi grande dans le texte. — Sans être aussi une partie du tout. Ce qui implique que ce n’est point quelque chose d’extérieur. — Ce qui a fait, ou toutes les parties… Le principe qui a donné la vie subsiste après cette première manifestation, pour que l’être qui a reçu la vie puisse se développer. — Les parties restantes. Ce ne sont pas des organes nouveaux, qui s’ajoutent à d’autres ; ce sont les mêmes organes qui s’accroissent et se complètent.
  26. Forme le cœur. Aristote prend le cœur pour exemple, parce que, de tous les viscères, c’est le premier qui se montre dans l’embryon, à cause de ses battements ; voir le Traité des Parties, liv. III, ch.. VII, § 8 de ma traduction. — Il faut que tout périsse. Le texte n’est pas plus explicite : et sans doute, l’auteur veut dire que, si le principe initial vient à disparaître, tous les organes cessent de fonctionner, et que le mouvement de l’un ne suffit plus pour mouvoir les autres. C’est le principe même qui doit subsister, pour que tout le reste subsiste et conserve la vie. — Une partie de lui. C’est une cause qui subsiste dans l’embryon plutôt qu’une partie de l’embryon même. — Dans une certaine partie du corps. L’union de l’âme et du corps a toujours été conçue par Aristote de cette manière ; voir le Traité de l’Âme, liv. II, ch. 1, §§ 4 et 5, et passim. L’âme ne signifie que la vie dans ce passage : ce ne peut pas être encore l’entendement, qui ne vient que plus tard.
  27. De deux choses l’une. Le texte n’est pas aussi formel. — Attribués à Orphée. Ainsi du temps même d’Aristote, les poésies d’Orphée, si jamais il avait composé des vers, n’étaient pas authentiques. — Comme les mailles d’un filet. Ce sont les ramifications des veines, qui, sans doute, auront prêté à cette comparaison. — Que toutes les parties du corps. Ceci n’est peut-être pas exact ; tous les organes existent dès le début à l’état embryonnaire ; et ils ne font ensuite que se développer. — La moindre observation sensible. C’est chronologiquement le premier élément de la science ; la réflexion ne vient qu’après, pour former la théorie et donner l’explication des phénomènes et de leurs causes. — D’autres n’apparaissent pas encore. Mais ils n’en existent pas moins, quoique invisibles. — Et qu’on ne dise point… En ceci. Aristote se trompe, et il est certain que même aujourd’hui où la science dispose d’instruments si puissants, la petitesse des objets est un véritable obstacle aux observations les plus attentives. — Le poumon….. ne se montre qu’après le cœur. Ceci est exact. Mais c’est le système nerveux qui se développe le premier de tous, sur la tache germinative de l’embryon : puis, les sens, les os, les muscles, la peau. C’est vers le quinzième jour que se montrent les premiers vestige de l’appareil vasculaire et respiratoire. Le cœur, ou punctum saliens, a dès lors des contractions, qui commencent la circulation utérine. Mais tous ces détails sont excessivement ténus, et il n’est pas étonnant que les premiers observateurs ne s’en soient pas rendu compte, voir M. Béclard, Traité élémentaire de physiologie humaine, 6e édition, pp. 1185 et suiv. ; et M. Colin. Physiologie comparée des animaux, 2e édition, tome II, pp 842 et suiv.
  28. Si l’un des deux produit l’autre. Cette explication est tout à fait inadmissible. — Simplement à la suite. C’est bien là ce qui semble se passer en effet l’évolution développe successivement tous les organes suscités par un seul et même principe, sans qu’un des organes produise un autre organe. — Après l’enfant vient l’homme. L’enfant se développe dès le jour de la conception, d’abord par la vie intra-utérine puis, par la vie au dehors, où après une vingtaine d’années, plus ou moins, il est arrivé à toute sa croissance, et est enfin devenu homme. — Une hypothèse dénuée de sens, et une pure rêverie. Toutes ces observations physiologiques, sur le développement successif des organes, sont d’accord avec les théories modernes les plus autorisées, ainsi que le remarquent MM. Aubert et Wimmer, p. 136. en note.
  29. Une partie intrinsèque. Ceci est peut-être aussi exact : et les spermatozoïdes ne semblent pas du tout être une partie intégrante de l’embryon, qu’ils animent. — Soit de la plante, soit de l’animal. C’est que la vie est dans la plante, comme elle est dans l’animal, bien que les manifestations soient différentes. — Il n’est donc pas possible. Cette impossibilité n’est pas aussi bien démontrée que le croit Aristote : mais, il fait bien d’agiter ses questions profondes, et de scruter tous ses mystères. — Les parties de l’être qu’il fait. Ce serait en effet impossible, et rien ne doit le faire supposer.
  30. En dehors de lui. Voir plus haut. — Une de ces deux assertions. L’expression du texte est plus vague. — Ces difficultés, Dans un sujet tel que celui de la génération, les obscurités se présentent de toutes parts : elles arrêtent encore nos physiologistes, bien qu’ils en sachent beaucoup plus long qu’Aristote ; et il n’y a point à s’étonner qu’il n’ait pas mieux résolu ces problèmes. Il n’y a qu’à le louer au contraire de les avoir abordés. — D’une certaine manière, à un certain moment. Ces restrictions sont exprimées dans le texte d’une façon un peu moins précise.— D’une cause extérieure à lui. Même remarque.
  31. Dire le sperme. C’est la liqueur fécondante, élaborée par les organes du parent. — L’être d’où vient le sperme. C’est le parent lui-même. On peut en effet les confondre la raison qu’en donne Aristote : le parent ou le sperme, c’est tout un : seulement, dans un cas, on s’arrête à la cause la plus prochaine, qui est le sperme et dans l’autre, à une cause plus éloignée, qui est l’être d’où vient le sperme. C’est alors l’homme qui engendre l’homme, selon la formule aristotélique. — Telle ou telle chose. Le texte n’est pas plus précis. — Dans les automates. Aristote semble affectionner cette comparaison ; voir la Métaphysique, liv. I, ch. II, § 22, de ma traduction. Il suffit de la détente d’un ressort pour faire marcher toutes les autres pièces. — Par curiosité. J’ai ajouté ces mots, dont le sens est impliqué dans l’expression du texte. — Une espèce de force motrice. Le mécanisme des automates est ici très bien décrit.
  32. De même l’être d’où vient le sperme. Cette comparaison ne sert pas à éclaircir les choses, en se continuant. Celle qui suit et qui assimile le rôle du parent au rôle de l’architecte, n’est pas plus heureuse, ni plus utile.
  33. Qui fait et produit. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Déterminé. J’ai ajouté ce mot pour rendre toute la force de l’expression grecque. — Préalablement et absolument accompli. La vie a été donnée tout d’abord dans sa forme la plus embryonnaire, et le développement ne vient que plus tard. — Réel et actuel. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Produit par… C’est bien le sens de l’original grec ; mais, il semble que ceci est en contradiction avec la théorie ordinaire d’Aristote, qui fait toujours venir la puissance de l’acte, et non l’acte de la puissance. Logiquement, la puissance est antérieure, puisqu’une chose ne devient réelle que parce qu’elle est possible, mais sous le rapport du temps, la réalité précède la puissance. — Le sperme est donc… Cette explication est très remarquable en ce qu’elle se rapproche beaucoup de celle que paraît adopter la science moderne. — De telle nature… de telle nature. La répétition est aussi dans le texte. — D’âme et de vie. Il n’y a dans le texte que le premier mot : mais évidemment l’âme ici c’est la vie à son degré le plus général. — Par la mort. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté. J’ai dû développer quelque peu tout ce passage. — Main… chair. Ces exemples d’homonymies sont familiers d’Aristote.
  34. Les parties similaires… organiques. Voir l’Histoire des animaux, liv. 1. ch. 1, § 1 de ma traduction. — Le feu. Il s’agit du feu de la forge, que dirige l’ouvrier pour produire les instruments qu’il façonne. — Ne peuvent pas faire l’essence. Le grec dit précisément « la raison », la notion, qui sert à exprimer le nom de l’être ou de la chose. — Venu du parent. D’après ce principe aristotélique que c’est l’homme qui engendre l’homme. — Ce qui n’est qu’en puissance. Voilà le dernier mot du philosophe sur le problème de la génération ; mais cette explication peut paraître par trop logique, tout ingénieuse qu’elle est.
  35. C’est de ce parent… C’est l’acte même de la génération, dans ce qu’elle a de plus apparent et de moins contestable. — Ce qui fabrique l’épée. Voir, au paragraphe précédent, l’action du feu servant à façonner une hache. — Le mouvement des instruments. Dirigé par l’ouvrier. — A la raison même de l’art. Le texte n’est pas plus précis que la traduction que j’en donne. — L’art est le principe. Il vaudrait peut-être mieux dire l’artiste plutôt que l’art. — Vient d’une autre nature. Qui est celle du parent lui-même.
  36. Se demander pour le sperme… La question peut sembler assez bizarre : mais la découverte des spermatozoïdes la justifie du moins en partie, bien que le fait de leur existence fût profondément ignorée au temps d’Aristote. — S’il n’a pas d’âme. Ou de vie. — Qui participe de l’âme. Même remarque. — Une simple homonymie. Voir plus haut, § 11, les mêmes idées, exprimées en termes analogues. — Le sperme a une âme. Ici encore, on ne peut comprendre Âme que dans le sens de Vie, de principe vital. — Un géomètre qui dort. L’exemple peut paraître assez bizarre, quoiqu’il soit vrai. Le géomètre, quand il ne fait pas de géométrie, n’est géomètre qu’en puissance. MM. Aubert et Wimmer supposent qu’il y a ici une lacune.
  37. Aucune partie de l’âme. Les parties de l’âme, prises au sens aristotélique, sont la nutrition d’abord, la sensibilité, ensuite, le mouvement et l’entendement. — Auteur du mouvement extérieur. C’est le parent mâle : mais le mouvement qu’il donne et qui transmet la vie, pourrait être attribué à la faculté locomotrice de l’âme. — Elle peut s’accroître. Toutes ces observations sont exactes. — Une plante… un animal. Aristote rapproche toujours, autant qu’il peut, les plantes et les animaux, de manière à considérer la vie dans toute son étendue. C’est déjà de la biologie, telle que l’entendent les Modernes, ainsi qu’on l’a vu plus haut, liv. 1, ch. II, § 1. — La faculté de se nourrir. La première des facultés et la plus indispensable de toutes : voir le Traité de l’Âme, liv. II, ch. II § 3, de ma traduction.
  38. Qu’il se développe et qu’il croisse. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — L’homme engendre l’homme. C’est la formule habituelle d’Aristote. — De son propre fond. Ou, par lui-même. — Existe avant tout le reste. Ln cause est nécessairement antérieure à son effet. — Si c’est le cœur. La forme est dubitative ; mais Aristote n’hésite pas à regarder le cœur comme le viscère qui se développe le premier.
  39. Antérieurement. Dans ce second livre aussi bien que dans le premier. — En tant que principe. C’est le mouvement et la vie venus du mâle. — Sur la nature du sperme. On aurait pu croire que cette discussion spéciale était épuisée ; voir plus haut, liv. 1, ch. XII et XIII. La nature de la liqueur séminale a été étudiée d’abord physiologiquement ; ici c’est une sorte d’analyse chimique. — Il est épais et blanc. Il est plutôt blanchâtre : mais il est épais et filant, peu près comme l’albumine de l’œuf. C’est dans l’épididyme et dans le canal déférent qu’il est le plus blanc ; il devient grisâtre pour arriver à l’urètre. — Liquide comme l’eau. C’est exagéré ; mais il est vrai qu’il contient neuf dixièmes d’eau. — C’est par le refroidissement. La physiologie moderne ne semble pas avoir porté son attention sur ce point.
  40. Par des jours de glace. Ce sont là des expériences : ce ne sont plus de simples observations. — Ne se congèle pas. En se refroidissant, le sperme dépose des cristaux qui ont la forme de pyramides quadrangulaires. — Du froid. J’ai ajouté ces mots. — Qui sont plutôt terreux. Après que le sperme s’est évaporé dans ses parties aqueuses, il reste un dixième de matière organique jaunâtre, qui ressemble à de la corne. C’est la matière qu’on a nommée spermatine, ou matière organique de la liqueur séminale ; elle entre pour six centièmes dans le sperme : il contient, de plus, divers sels, du phosphate de chaux et de soude. — Il devient tout entier comme de l’eau. Voir le paragraphe précédent. Aristote lui-même fait des objections à cette théorie ; et il voit bien qu’il manque beaucoup d’éléments à l’analyse du sperme.
  41. Où est la difficulté. Cette difficulté ne tient pas aux phénomènes eux-mêmes ; elle ne tient qu’à cette fausse hypothèse qui assimile la liqueur séminale à de l’eau. — Mélange d’eau et de terre. Il y a en ceci un fond de vérité, puisque le sperme contient neuf parties d’eau sur dix, et que le reste est composé de corps plus lourds que l’eau.
  42. Nous n’avons peut-être pas bien analysé. On remarquera la circonspection et la modestie du naturaliste, qui sent bien tout ce qui lui manque. — D’eau et de terre… d’eau et d’air. Ceci se rapporte toujours à la théorie des quatre éléments. — L’écume, Il eût fallu designer spécialement quelque matière particulière ; car il en est beaucoup qui peuvent produire de l’écume. — Mélangée d’air. En effet, on épaissit l’huile en la battant, c’est-à-dire en y faisant entrer de l’air. — Le blanc de plomb. Il serait difficile de savoir à quelle expérience ceci fait allusion ; voir sur la céruse le traité élémentaire de chimie, de V. Regnault, tome III, p. 213, 6° édition. — Et, de noir, il devient blanc. Il semble que ce devrait être le contraire. — Que de l’écume. Sans doute parce qu’elle contient beaucoup d’air ; ce qui la rend à la fois légère et blanche.
  43. C’est également ainsi que l’eau mêlée à l’huile. Ce sont là encore des expériences ; en même temps que des observations. — Y renferme de l’air. Le fait est exact, quoique Aristote, qui ne connaissait pas la composition de l’air, ne puisse pas juger jusqu’où s’étend son action dans ces mélanges. — Il est de l’air. L’expression est trop forte. — Surnage à la surface de l’eau. C’est que l’huile est plus légère que l’eau. — S’épaissit par le froid. Le fait est exact ; mais c’est bien aussi une sorte de congélation qu’elle présente, sans que d’ailleurs la température soit très basse. — Se contracte. Le sens du mot grec peut être douteux.
  44. Par les mêmes raisons. Il est bien possible que ces raisons ne soient pas les vraies ; mais cette analyse, quelque imparfaite qu’elle soit, démontre avec quel soin le philosophe étudiait les phénomènes qu’il voulait comprendre. — Liquide et noir. Liquide est exact ; mais Noir ne l’est pas, il est difficile de s’expliquer cette erreur. — Que l’eau a une petite quantité de matière terreuse. Ces observations sont d’une exactitude étonnante. — Dans le phlegme. On ne voit pas précisément ce que le phlegme peut désigner ici ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. 1, § 9. n., de ma traduction. — Du souffle intérieur. On pourrait traduire aussi : « de l’air » ; mis le mot grec, signifie plutôt la respiration, le souffle du dedans ; et ce qui suit semble confirmer cette interprétation. — C’est qu’il vient de l’eau. On a déjà vu plus haut que la liqueur séminale contient neuf parties d’eau sur dix. Voir plus haut, § 1 et la note.
  45. Ctésias de Cnide. Aristote adresse la même critique à Ctésias, dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVII, § 3, de ma traduction. En général, il fait peu de cas de son témoignage ; et il juge sévèrement ses erreurs, et les contes fabuleux qu’il rapporte avec la plus extrême crédulité. — Ce qui est vrai. Il ne paraît pas qu’Aristote eût observé l’éléphant d’une manière spéciale mais la conjecture qu’il propose est fort plausible. — D’élément terreux. La proportion doit rester à peu près la même bien que la masse totale puisse différer beaucoup.
  46. Mélangé de souffle. J’ai conservé le mot de Souffle, à cause de ce qui précède : mais il semble que le mot d’Air serait ici plus convenable. — Hérodote. Voir l’Histoire des Animaux liv. III, ch. XVII, § 1, de ma traduction, où la même erreur est attribuée à Hérodote. — Les dents des Éthiopiens ; Ce ne serait pas un argument suffisant ; et la liqueur séminale pourrait être d’une autre couleur que les dents : mais l’argument pris d’une manière générale, comme il l’est n’est pas sans force.
  47. C’est qu’il est de l’écume. Voir plus haut, § 4. — L’écume est blanche. Elle peut état aussi d’une autre couleur, selon les matières. — Comme on vient de le dire. Voir plus haut § 4. — Les Anciens. Il semblerait qu’on doit entendre par là les Théologues plus encore que les philosophes. Le nom d’Aphrodite appartient à la mythologie, et remonte aux premiers temps de la civilisation grecque, puisqu’il est déjà dans Homère, Iliade, chap, III. v. 374 et passim.
  48. Se trouve résolue la question. La solution n’était pas aussi définitive qu’Aristote le supposait ; mais c’était déjà beaucoup de l’avoir discutée. — L’air ne peut pas geler. C’est l’explication donnée plus haut, § 5, et qui ici n’est que répétée.
  49. N’est point une partie… du jeune. C’est ce qu’on a essayé de démontrer plus haut, ch. II. — Matérielle et corporelle. Le texte n’a que le dernier mot. — Reçoit quelque chose, ou ne reçoit rien. Il semble, d’après tout ce qui précède, que l’action du mâle se borne, d’après les théories d’Aristote, à transmettre le mouvement et la vie, sans donner rien de matériel. — Quant à l’âme… C’est une question déjà posée plus haut, ch. II, § 14. — Et lui vaut cette appellation. L’étymologie est dans notre langue la même que dans la langue grecque : anima, âme ; animé, animal. — La partie sensible. C’est la sensibilité qui constitue primitivement l’animal ; la nutrition est déjà dans la plante, et c’est une faculté commune et non pas spéciale. — Dans le sperme et dans l’embryon. Il s’agit ici de l’embryon dans sa ferme la plus simple et dans ses premiers linéaments. — Et d’où elle vient. Question qui restera toujours mystérieuse et insoluble.
  50. Privé de toute espèce de vie. Cette supposition serait d’autant moins possible que c’est tout d’abord dans l’embryon que la vie apparaît. — Que les graines des plantes. Analogie fort exacte entre la plante et l’animal, qui, à ces premiers moments, ont également la vie sous forme rudimentaire. — De fécondité. C’est bien le sens du mot grec ; mais peut-être vaudrait-il mieux dire : « de développement ». — Ils ont l’âme nutritive. C’est la première et la plus indispensable des facultés, soit dans le plante, soit dans l’animal : la sensibilité, qui constitue l’animal et est refusée à la plante, ne vient qu’après. — Ailleurs. Voir le Traité de l’Âme, liv. II. ch. II, § 4. de ma traduction.
  51. Ce n’est pas d’un seul coup. Il semble que ce serait plutôt tout le contraire : dans les obscurités insondables de la génération, l’espèce est déterminée tout d’abord et en un instant indivisible : c’est un homme ou tel autre animal. Tout le développement postérieur dépend de cette condition initiale, la plus cachée de toutes. — Le complément qui achève l’être. C’est le développement que prend l’être aussitôt qu’il a été conçu. — D’où vient l’intelligence. Ou l’Entendement. C’est là une question toujours pendante, et comme le dit Aristote, une question des plus difficiles. La physiologie peut aborder le problème dans une certaine mesure : mais il appartient surtout à la philosophie.
  52. Qui ne sont pas encore séparés. C’est-à-dire, quand ils sont encore les uns dans le mâle, et les autres dans la femelle. — En puissance.. en fait. Ces formules sont ici mieux placées que partout ailleurs. Le passage de la simple possibilité à la réalité actuelles n’est nulle part mieux marqué que dans le mystère de la génération. L’ovule est un animal en puissance : il ne devient réel que par l’action de l’autre sexe. — Une fois séparés. C’est-à-dire, déterminés et distincts, de manière à former un individu nouveau. — La vie de la plante. C’est bien là en effet la vie intra-utérine — L’âme sensible… l’âme douée d’entendement. Voir le Traité de l’Âme, liv. II et III, de ma traduction.
  53. Les alternatives suivantes. Le texte n’est pas aussi précis : mais j’ai cru devoir prendre cette formule, pour rendre plus claires les distinctions qui suivent. — Toutes ces âmes. C’est-à-dire, l’âme nutritive, l’âme sensible, l’âme locomotrice, l’âme raisonnable on intellectuelle — Se produisent dans l’être. L’expression du texte est aussi vague. — Ou elles y étaient toutes antérieurement. Ces questions peuvent paraître assez subtiles, sous la forme où elles sont présentées ici : mais elles n’en sont pas moins importantes : et le problème se présente toujours à nous, aussi mystérieux qu’il pouvait l’être pour les Anciens. A quel moment l’âme est-elle donnée à l’embryon. — Sans y être apportées par le sperme du mâle. Aristote incline à penser que c’est de l’action du mâle que viennent primitivement le mouvement et la vie, avec toutes leurs conséquences selon les espèces. — Les unes… les autres. Il s’agit toujours des diverses sortes d’âmes, ou plutôt des diverses facultés de l’âme.
  54. C’est là une chose impossible. Si cette assertion peut sembler téméraire, Aristote du moins essaie de la justifier par des arguments qu’il croit irréfutables, et qui ne sont pas certainement sans valeur. — L’action est corporelle… sans le corps. Cette tautologie est dans le texte. Au lieu de Principes, MM. Aubert et Wimmer préféreraient Actions ; et alors il faudrait traduire : « Pour toutes les actions dont l’exécution est corporelle » : les manuscrits n’autorisent pas cette variante. — Il est bien impossible de marcher sans pieds. La marche n’est pas un principe ; et c’est pour ce motif que MM. Aubert et Wimmer proposent une leçon nouvelle. — Dont nous parlons. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté ; ils me semblent indispensables. — Inséparables. Ils sont essentiels à l’être, qui sans eux n’existerait pas. — De façon à devenir du sperme. Le texte n’est pas aussi explicite.
  55. L’entendement seul vient du dehors… il est divin. Voir les mêmes théories dans le Traité de l’Âme, liv. I, ch. IV, § 14, et liv. III, ch. V, 2. p. 104, de ma traduction : voir encore liv. III, ch. VII, § 8. p. 319. Des théories analogues se retrouvent aussi dans la Métaphysique, liv. VII, ch. X, § 15, de ma traduction. — D’un autre corps. L’expression est bien vague. — Plus divin que ce qu’on appelle les éléments. On ne peut pas affirmer plus clairement l’immatérialité de l’âme : et Platon n’a pas mieux dit. — Les éléments. La formule qu’adopte ici Aristote a quelque nuance de dédain, qui relègue la matière au dernier rang des choses. — La nature des éléments ne diffère pas moins. Ceci résulte de l’ordre même dans lequel on range d’ordinaire les quatre éléments : Terre, eau, air, feu, selon leur pesanteur, ou leur ténuité. — La chaleur. Nous ajouterions aujourd’hui : La chaleur animale. Tous les physiologistes modernes traitent le sujet de la chaleur animale, comme un des plus importants de toute la science. — Ce n’est pas tout à fait du feu. La restriction est exacte, quoique le fait de la chaleur dans l’animal puisse être considéré comme une combustion. — Le souffle, ou l’esprit. Il n’y a qu’un mot dans le texte, et MM. Aubert et Wimmer remarquent avec raison que ce mot est bien obscur. — Analogue à l’élément des astres, c’est une pure hypothèse qui peut sembler bien chimérique.
  56. Ne produit-il jamais un animal quelconque ? Le fait est incontestable, en dépit de quelques assertions contraires. — Aucun être ne se forme… Les grandes expériences faites de nos jours sur les générations spontanées, ont démontré la vérité de ce principe. — La chaleur du soleil. L’action de la chaleur solaire ne doit pas tenir de place ici. — La chaleur que possèdent les animaux. Cette chaleur est la seule dont la physiologie ait à tenir compte. — Le principe de la vie. C’est l’expression même du texte. Il n’y a pas de vie possible sans chaleur plus ou moins grande.
  57. N’est pas du feu. Le fait est certain ; et la chaleur animale est fort différente du feu, bien qu’à quelques égards elle lui ressemble, puisqu’elle cause aussi une sorte de combustion. Mais la preuve sur laquelle Aristote appuie son assertion n’est peut-être pas très forte. — En partie séparé du corps. C’est le spiritualisme platonicien, qui reparaît ici dans les théories du disciple empruntées au maître. — Quelque parcelle divine. C’est le Divinae pacticulam aurae, d’Horace. — L’entendement. Ou l’intelligence. — En partie, il n’en est pas séparé. Nous ne connaissons l’âme que jointe à un corps ; et si l’âme se distingue et se saisit elle-même par un acte de conscience, elle ne se sent jamais isolée du corps, auquel elle est unie étroitement dans les conditions de la vie présente. — En souffle et en esprit. Il n’y a qu’un mot dans le texte. Le rôle attribué à la semence génératrice est assez singulier : mais cette théorie revient à ne voir dans le sperme qu’un excitateur, qui ne donne à l’embryon rien de matériel.
  58. Nous venons… d’expliquer. L’explication n’est pas aussi claire, que, sans doute, l’auteur le suppose : mais il faut toujours penser à la difficulté insurmontable du problème, et l’on ne doit pas s’étonner qu’il ne soit pas mieux résolu par Aristote, puisqu’il n’est pas non plus résolu complètement de nos jours. — Le même mouvement que celui qui fait croître. Cette assimilation des deux mouvements n’est pas très juste, puisque l’un ne dure qu’un instant, tandis que l’autre dure pendant la vie entière. — Il se condense. C’est un fait qu’il serait bien difficile de vérifier. — Cette excrétion. C’est-à-dire celle de la femelle.
  59. De même que des parents contrefaits… Le fait est exact ; et la difformité des parents ne passe pas toujours aux enfants. — Une femelle… un mâle. La comparaison dont se sert Aristote n’explique pas suffisamment le fait. — Comme un mâle. Ceci est vrai dans une certaine mesure, puisque le mâle et la femelle sont d’une seule et même espèce. — Mutilé et imparfait. Il n’y a qu’un seul mot dans le grec. — Le principe de l’âme. Il faut entendre par l’âme le principe vital, avec les facultés qui le constituent, la nutrition, la sensibilité, etc. La suite de ce paragraphe montre bien que c’est le sens donné ici au mot d’Âme. — Un embryon. Qui peut devenir un animal complet.
  60. Dans les matières liquides. Il est évident que tout ce paragraphe est ici absolument déplacé ; on ne saurait dire quelle en serait la véritable place. Il est possible aussi que ce soit une note marginale qui sera passée dans le texte par l’inattention des copistes. La phrase est à rejeter tout entière, et MM. Aubert et Wimmer ont eu raison de la regarder comme apocryphe.
  61. Une organisation moins complète. Ce sont sans doute les ovipares qu’Aristote veut désigner ainsi. — Complète… complet… complet. Ces répétitions sont dans le texte. — Sous le rapport de l’animalité. Le texte n’est pas aussi explicite. — Plus haut. Voir ci-dessus, liv. I, ch. XVII, § 3. — Est complet en ce sens… La restriction est peut-être un peu trop forte ; et l’embryon est, à ce qu’il semble, complet aussi à d’autres égards que le sexe ; il a déjà les organes nécessaires à sa vie et à son développement. — Plus tard. Voir plus loin, liv. III, ch. VIII et suiv.
  62. Les animaux complets. Aristote met les vivipares au premier rang de tous les animaux : et la science moderne est sur ce point capital d’accord avec lui ; voir le paragraphe suivant. — Gardent et nourrissent. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Conçu un œuf. Ce sont les ovipares pris de la manière la plus générale. Dans ce qui suit, Aristote distingue deux classes pour les ovipares : ceux qui produisent au dehors un œuf qui n’a plus qu’à se développer, et ceux qui produisent l’œuf dans leur intérieur, où il se développe avant que le jeune puisse sortir. — Pour l’œuf des ovipares. Les gallinacés par exemple. — Achevé par la matrice. Il semblerait que ce serait plutôt : Dans la matrice — Les sélaciens. Voir plus loin, liv. III. ch. VI ; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome II, p. 384 ; mais Cuvier insiste moins que le naturaliste grec sur cette génération particulière des sélaciens.
  63. Premièrement… les premiers… le premier rang. Toutes ces répétitions sont dans le grec. — Sont vivipares. La science moderne dirait. Mammifères ; ce qui revient à peu près au même. — L’homme… le premier de tous. Sur ce point, il y a unanimité ; la seule divergence entre les naturalistes, c’est que, tout en reconnaissant la suprématie de l’homme, on ne le regarde que comme le dernier terme de la série animale, tandis que d’autres naturalistes, mieux inspirés, le regardent comme un être à part. Ce dernier avis peut passer pour être aussi l’avis d’Aristote. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 26, et ch. XII, §§ 3 et 6 ; liv. II, ch. V, § 3 ; liv. IV, ch. IX, § 15 ; liv. VII ; et liv. VIII, ch. 1, de ma traduction. Voir aussi le Traité des Parties, liv. II, ch. X, § 3, de ma traduction. — La respiration. Ou le Souffle. — Aucune autre cause analogue. Qui agirait à la façon de la respiration, retenue et poussée ensuite avec violence.
  64. On a prétendu. On peut croire qu’il s’agit ici de Démocrite ou d’Anaxagore. — De ventouse. C’est-à-dire, par une sorte d’aspiration qui produit le vide. — En accumulant sa respiration. Ou peut-être aussi : « En retenant ». — Quelque mouvement. Plus énergique qu’à l’ordinaire. — Même sans qu’il y ait besoin… C’est un cas pathologique plus ou moins grave, mais qui n’est plus dans l’ordre de la santé. — Sont relâchés. Les causes de ce phénomène sont bien celles qu’indique Aristote. — Pleins de leur sécrétion particulière. C’est souvent l’effet d’une continence excessive. — Dans les plantes. Ici le rapprochement entre les plantes et les animaux n’est pas très exact.
  65. Ainsi qu’on l’a dit. Voir plus haut, liv. I, ch. III, § 1. — Ce qu’on appelle les veines. Il semble que, dès le temps d’Aristote, le rôle des veines devait être assez généralement connu pour qu’il ne fût pas nécessaire de prendre ces formes de langage. — La grande veine et l’aorte. C’est la veine cave inférieure et l’aorte. — Viennent aboutir aux matrices. Ces descriptions anatomiques sont très insuffisantes ; il est à peine besoin de le faire remarquer. L’aorte sortie du ventricule gauche est thoracique et abdominale. Cette dernière est destinée au bassin et aux membres inférieurs. L’artère utérine en particulier se ramifie dans les parties génitales, matrice, ovaire, trompe, et produit les artères vaginales, qui sont en grand nombre. Ainsi, Aristote ne se trompe pas en disant d’une manière générale que de l’aorte viennent les vaisseaux de la matrice. — Écoulement sanguin ou hémorroïde. Il n’y a qu’un mot dans le texte.
  66. D’époque absolument régulière. Les pensées ne se suivent pas très bien ; et celle-ci ne tient pas à ce qui précède. D’ailleurs, le fait est exact ; le flux menstruel ne revient pas absolument aux mêmes intervalles. — Vers la fin des mois. Il faut se rappeler que, chez les Athéniens, les mois étaient lunaires ; mais ce rapport entre la fin des mois et les menstrues n’existe pas. C’est une croyance vulgaire, que le naturaliste n’aurait pas dû reproduire. — Les fins de mois sont froides. Il n’y a rien de régulier à cet égard ; et il n’est pas probable qu’il en soit autrement sous le climat d’Athènes que sous le nôtre. — De la disparition de la lune. La lune donne si peu de chaleur que son absence et sa présence sont à peu près indifférentes ; elle ne donne guère que de la clarté. — Il sort toujours du sang. Le fait n’est pas exact ; et quand il sort quelques gouttelettes en dehors des époques voulues, c’est le signe d’un désordre morbide, plus ou moins dangereux.
  67. Il sort quelques vestiges blancs très faibles. Ce sont là des cas individuels, qui proviennent toujours d’un mauvais régime. En général, le premier liquide qui s’écoule est plutôt un mucus que du sang proprement dit ; et ce mucus se représente encore à la fin de la menstruation. C’est là sans doute ce qui aura trompé Aristote et les physiologistes de son temps ; voir le Traité élémentaire de physiologie humaine de M. Béclard, pp. 1128 et suiv., 6e édition. — Ces deux genres d’excrétions. Les flueurs blanches et les menstrues. — Une mesure modérée. Quant au flux menstruel, il paraît que la quantité moyenne peut être évaluée à deux cent cinquante grammes ; mais les variations sont nombreuses et considérables. — Les corps s’en trouvent bien… n’ont pas lieu… trop abondantes. Tous ces détails sont exacts. — Elles empêchent la croissance. Ceci encore est d’une exactitude parfaite.
  68. On doit voir. La conclusion n’est pas aussi justifiée que l’auteur semble le supposer. — La coction naturelle. Cette théorie est bien vague, et elle n’explique rien. — Dans les veines. Sans doute les veines, ou les vaisseaux, qui se ramifient dans toute la région génitale. L’hémorragie utérine coïncide avec la maturité et la rupture d’une vésicule de de Graaf. La membrane muqueuse est très tuméfiée, et le sang se fait jour par de petites gerçures ; voir M. Béclard, id., ibid., p. 1130. — Un autre être pareil. Ou plutôt : « De même espèce », soit mâle, soit femelle. — Qui a cette sécrétion. Ou : « Dont il est la sécrétion ».
  69. Toutes les femelles. Le fait n’est pas aussi général qu’Aristote paraît le croire ; voir le traité de Physiologie comparée de M. G. Colin ; tome II, p. 767, 2e édition. Il n’y a guère d’exception que pour les femelles des singes. — Plus que dans toute autre. Le fait est exact. — Antérieurement. Voir plus haut, liv. I, ch. XIV, § 8 et 11. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. IV, § 9, liv. VII, ch. II, §§ 1 et suiv. ; et aussi liv. VI, ch. XVII, § 16.
  70. Dans toutes les femelles. Même remarque qu’au paragraphe précédent. — Chez tous les mâles. Ces observations ne sont pas très exactes ; et il aurait fallu indiquer plus précisément les espèces où l’on signale ces anomalies. — Ces autres animaux. Cette indication est encore trop vague, comme les précédentes. — De la matière fournie par la femelle. C’est la théorie qu’Aristote a toujours soutenue. La femelle fournit la matière, et c’est le mâle qui anime la matière, en lui transmettant le mouvement et la vie.
  71. Dans tous les animaux de ce genre. Ceci semblerait se rapporter plus particulièrement aux insectes ; mais tous ces détails ont le tort d’être trop peu précis. — Toutes les femelles doivent l’avoir. Consulter les paragraphes qui précèdent et les notes. — Est un corps vivant. L’argument n’est rien moins que démonstratif. — Le principe créateur. Ou Générateur. — C’est précisément ce qui fait. C’est en quelque sorte résoudre la question par la question. — Le corps et la masse. Les deux mots sont dans le texte. — Les organes. Donnés par la femelle. — Le principe qui les fait. Donné par le mâle.
  72. Le corps… l’âme… Nulle part cette théorie n’a été plus clairement exposée que dans ce passage. — Est l’essence d’un corps. Voir le Traité de l’Âme, liv. II, ch. I, § 4, de ma traduction. L’essence se confond ici avec l’entéléchie ; le corps n’existe réellement que par l’âme, qui le fait ce qu’il est. — Les hybrides du renard et du chien… On avait donc fait de ces expériences dans l’Antiquité ; on les a renouvelées de notre temps. — Reprennent la forme de la femelle. Cette observation paraît être exacte. — Les semences des plantes. Ici comme partout, Aristote cherche à montrer les relations du règne végétal et du règne animal. — La matière et le corps. Les deux mots sont dans le texte.
  73. Voilà encore pourquoi. On ne voit pas bien la nécessité de cette conséquence. — Sont susceptibles de s’agrandir. C’est évidemment pour que l’embryon puisse s’y développer et grossir, dans toutes les espèces de vivipares. —
  74. Le plus pur de l’excrétion mensuelle. Aristote ne pouvait connaître les ovules sortis de l’ovaire, et arrivant par les trompes de Fallope jusqu’à l’utérus ; mais cette phrase peut faire croire qu’il les soupçonnait dans une certaine mesure, et qu’à côté de la partie la plus grossière de la menstruation, il entrevoyait la nécessité d’une autre partie plus essentielle. — La plus grande partie est inutile. Il est clair qu’au point de vue de la génération, il n’y a de vraiment nécessaire que l’ovule. — Est très liquide. Ceci est exact, puisque l’eau forme les neuf dixièmes de la liqueur séminale dans l’homme. — La première émission est inféconde. Ceci semblerait concerner les premières émissions de l’animal imparfaitement formé. Trop jeune, l’animal est infécond, comme il le devient par les progrès de l’âge. — Vitale. Le texte dit : « Psychique ».
  75. Chez elles. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté. — D’excrément inutile. C’est-à-dire, d’excrément qui ne contribue pas à la génération. — Ne produisent de ce liquide que ce qui en reste. L’explication peut être ingénieuse ; mais rien ne prouve qu’elle soit exacte ; il aurait fallu des observations plus précises pour la démontrer. — La force. Le texte dit : « la puissance ». — Introduite dans le mâle… quelques insectes. Voir plus haut, liv. I, ch. XVII, § 4. et ch. XV, § 4.
  76. La liqueur provoquée par le plaisir. C’est le mucus vaginal, qui en effet ne contribue pas à la génération ; voir plus haut, liv. I, ch. XIV, § 7. — Des rêves lubriques. En d’autres termes, des pollutions nocturnes. — Cet accident arrive. Cette réfutation semble péremptoire. — La conception est impossible. Le fait est de toute évidence. — Sans l’excrétion des règles. Dans les espèces où ce phénomène a lieu, et notamment dans l’espèce humaine. — Restant en dedans. Voir plus haut, § 15. — Une abondance suffisante. Pour que la génération puisse avoir lieu.
  77. Sans que le plaisir ordinaire : Le fait paraît certain, bien qu’il soit assez rare. — Aux femmes. Le texte dit d’une manière plus générale : Aux femelles ; mais c’est évidemment des femmes qu’il s’agit. — Les matrices se sont abaissées. Il paraît probable que ceci se rapporte à l’abaissement de l’utérus dans la copulation ; plusieurs physiologistes l’ont constaté ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, p. 163 de leur édition et traduction du Traité de la Génération. — Par cela seul… Ces détails attestent de patientes et attentives observations, pour des faits qu’il est très difficile de bien connaître. — Dans cette disposition des organes. Il s’agit sans doute ici des mucosités et des sécrétions des glandes de Bartholin ; voir, pour des détails plus précis sur les fonctions de ces glandes, le Traité élémentaire de Physiologie humaine, de M. Béclard, p. 1146, 6e édition. — La voie est plus facile. On peut croire que c’est bien là en effet le but que la nature se propose.
  78. L’émission de la femme. Le fait n’est peut-être pas exact ; et il n’y a pas d’émission chez la femme comme chez l’homme. — Quelques naturalistes. L’expression est bien vague ; et l’auteur eût bien fait de nommer les naturalistes qu’il réfute. — La sérosité qui se remarque chez quelques-unes. Cette sécrétion vaginale, analogue à la salive, est plus ou moins abondante selon les sujets ; et ce n’est pas chez toutes les femmes qu’elle se produit. — La liqueur séminale. Après ces mots, il y a, dans la plupart des manuscrits et des éditions, un petit membre de phrase qui signifie : « Si quelque chose vient à suinter ». Il est clair que ce membre de phrase n’est pas à sa place et qu’il faudrait tout au moins le mettre immédiatement après la phrase précédente. MM. Aubert et Wimmer le regardent comme apocryphe, et ne le traduisent pas. — Dans cette condition. C’est-à-dire, l’abaissement de l’utérus, dont il a été parlé plus haut. — Attire le sperme. Le texte est moins précis ; mais le sens ne paraît pas douteux. — Ce qui le prouve. Le fait allégué peut être exact ; mais il peut tenir à de tout autres causes, et, par exemple, à la chaleur animale, qui agit là comme partout ailleurs.
  79. Les oiseaux et les poissons vivipares. Chez les uns et chez les autres, la matrice n’est pas précisément placée sous le diaphragme, comme le dit Aristote ; mais elle est beaucoup plus haut que chez les quadrupèdes vivipares et que chez l’homme. — Par la chaleur qui lui est propre. Cette cause paraît bien peu probable. — L’éruption des menstrues. Ceci se rapporte à l’espèce humaine, et ne se rattache pas très directement à ce qui précède. — Des vases sans bouchon… MM. Aubert et Wimmer trouvent avec raison que cette expérience n’est pas assez clairement exposée. Il semble qu’il s’agit de vases pleins d’eau bouillante qu’on renverserait, et dont on mettrait le goulot dans un bain d’eau froide, qui monterait dans l’eau chaude, où elle serait attirée. Ce qu’il y a de plus curieux dans ce passage, c’est l’essai d’une expérience pour s’assurer d’un fait naturel qu’on cherche à s’expliquer.
  80. Quelques naturalistes. Voir plus haut, § 18, note. — Dans les organes. C’est là un point de physiologie que la science moderne n’a pas éclairci ; on ne sait pas au juste où la liqueur séminale rencontre l’ovule et se met en contact avec lui. — Ceux qui assurent. Même remarque que pour la phrase précédente. — Elles la devraient reprendre. L’argument est décisif. Une opération bien inutile. Puisqu’il faudrait une autre opération en sens contraire. — La Nature ne fait jamais rien en vain. Ce principe incontestable domine toute l’histoire naturelle d’Aristote.
  81. À l’action de la présure sur le lait. Ce n’est là qu’une pure hypothèse : et aujourd’hui même, après tant de recherches, il serait difficile de dire ce qui se passe en ce moment, dans les profondes obscurités de cette partie de l’organisme. La présure fait cailler le lait ; mais ce que la liqueur mâle peut faire sur la liqueur féminine, c’est ce qu’on ignore absolument. D’ailleurs, la comparaison que fait Aristote ne laisse pas que d’être ingénieuse. — Un lait contenant de la chaleur vitale. Rien n’est moins prouvé. L’action de la présure est incontestable ; mais la cause en est inconnue. Comme la présure se trouve dans le quatrième estomac, ou caillette, des animaux ruminants, on peut croire que le lieu même où elle se trouve lui communique une chaleur spéciale. — Est toute pareille. C’est exagéré ; le lait et les menstrues ont certains rapports sans doute ; mais il y a encore plus de différence que de ressemblance.
  82. Corporelle. J’ai conservé le mot du texte. Corporelle équivaut ici à Matérielle. — Il se forme des membranes tout autour. L’analyse, comme on le voit, n’est pas poussée très loin ; il n’y a pas à s’en étonner pour ces débuts de la science. — Des membranes… des chorions. C’est surtout sur l’œuf des oiseaux que, de nos jours comme au temps d’Aristote, on peut faire des observations suivies ; les premiers développements de l’œuf dans l’espèce humaine ne peuvent pas être observés aussi aisément. Dans l’œuf, on distingue bien vite la membrane vitelline, et la membrane qu’on appelle blastoderme. Aristote les avait-il distinguées ? C’est fort douteux ; ce n’est pas cependant impossible. Un peu après que le blastoderme s’est montré, l’œuf se revêt de trois tuniques emboîtées, intérieure, moyenne, et extérieure. La membrane extérieure de l’œuf qu’on appelle le chorion, ne vient qu’un peu plus tard, ainsi que l’amnios. Voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard, p. 1170, 6e édition. — Les ovipares… les vivipares. Ce rapprochement est fort remarquable ; et il semble que, dès cette époque reculée, Aristote soupçonne de grandes analogies entre l’œuf des oiseaux et l’œuf des vivipares.
  83. À peu près comme les graines. La vie qui se développe dans la plante n’est pas moins mystérieuse que la vie dans l’animal ; mais elle a été moins étudiée, parce qu’elle est moins compliquée, et plus loin de nous. — Dans les semences elles-mêmes. Peut-être vaudrait-il mieux traduire : « Dans les spermes ». Le mot grec a les deux sens, et l’on pourrait indifféremment adopter l’un ou l’autre. — À se diviser. Ou : « A s’organiser ». Les racines et les tiges se ramifient dans la plante, comme les membres se séparent et se divisent dans l’animal, qui n’est d’abord qu’une masse tout à fait indistincte. — Est près de se manifester. Le texte est aussi vague.
  84. Qui se distingue. Le fait est exact ; et le punctum saliens de l’embryon est le cœur qui commence à battre ; c’est le premier des organes qui se révèle et qui fonctionne. — Dans l’animal. J’ai ajouté ces mots, qui ne sont qu’implicitement compris dans le texte. — Par la réflexion. Qui comprend et qui explique les phénomènes donnés par l’observation sensible. — Comme doit se suffire un enfant. La comparaison est juste ; mais elle paraît d’abord assez inattendue dans le style ordinaire d’Aristote. — Qu’il possède, dès lors, le principe… Autrement, il n’aurait pas la vie, que l’action du mâle a dû lui transmettre. — On peut affirmer qu’il y a nécessité. C’est la raison qui est autorisée à prononcer cette affirmation, indépendamment des faits observés. — Leur croissance et leur mouvement. Il ne faut entendre ici le mouvement que dans le sens de l’accroissement, qui est un genre de mouvement particulier.
  85. Avec Démocrite. L’erreur de Démocrite est évidente ; car on doit croire que sa théorie est fidèlement reproduite par Aristote. — Qui se divisent. Ou : « Qui s’organisent ». — Cela est bon à dire. Le texte n’est pas aussi net. D’ailleurs, la réponse est péremptoire. — D’animaux de bois ou de pierre. Faits par la main d’un artiste. — Apparaît et se distingue. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Qui est le principe des parties similaires… C’est la même opinion que celle des Modernes, qui voient dans le sang le fluide nourricier de tous les organes, et de toutes les parties dont le corps se compose, liquides ou solides ; voir ma Préface au traité des Parties, p. XV, sur l’analyse du sang, d’après Aristote, et d’après la chimie organique de notre temps.
  86. Il est tout simple, en effet, de supposer. C’est la théorie, guidée par la raison, qui s’explique de cette façon les faits observés au moyen de la sensation. — Et de son organisme entier. Le texte dit : « De son système ». — La nourriture dernière. C’est-à-dire, les aliments ingérés d’abord sous forme grossière, et élaborés successivement par les organes de toute espèce qui se trouvent dans le corps, de manière à devenir le sang qui les nourrit. — Dans l’Histoire des Animaux. Ceci se rapporte à la grande discussion d’Aristote sur l’origine des veines contre Diogène d’Apollonie, Syennésis de Chypre et Polybe, le gendre d’Hippocrate. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, II, III, de ma traduction. — Les Descriptions anatomiques. Malheureusement elles ne sont pas arrivées jusqu’à nous. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. X, § 18, de ma traduction, et Préface, CLXVI, et passim.
  87. Étant déjà en puissance un animal. Cette expression est ici mieux placée que partout ailleurs ; et le développement

    Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/74 modifier

    de l’embryon n’est qu’une réalisation successive de la puissance déposée dans le germe. — D’un autre être. Ceci est vrai d’une manière générale pour les ovipares, aussi bien que pour les vivipares. — Comme la plante se sert de la terre. Métaphore très exacte qui, depuis Aristote, a été répétée plusieurs fois par les physiologistes. — Les deux premières veines. Dans le système d’Aristote, c’est l’aorte et la veine qu’il appelle la grande veine, c’est-à-dire la veine cave supérieure ; voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. III, § 6. et ch. IV, avec les notes. — Qui se rendent à la matrice. C’est le cordon ombilical qu’Aristote veut décrire, mais qu’il décrit trop sommairement. — Qu’on appelle l’ombilic. MM. Aubert et Wimmer regardent ces mots comme apocryphes, et ils les mettent entre crochets. — Une seule veine… plusieurs veines. On ne peut pas demander plus de précision à l’anatomie aristotélique ; aujourd’hui même, cette anatomie est encore excessivement difficile ; voir le Traité pratique d’Anatomie descriptive, de M. J. N. Masse. 1858. pp. 353 et suiv., et son Atlas. 1879, pl. LXXVI. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. III et suiv., de ma traduction. — Une enveloppe de peau. Le cordon ombilical se compose en effet d’une gaine avec du tissu cellulaire, des artères et des veines. Il est très apparent dès la fin du premier mois ; sa longueur et sa grosseur varient beaucoup. Il se tord en spirale vers la fin du troisième mois ; voir M. Masse, loc. cit. Il est d’ailleurs évident, par ce passage, qu’Aristote avait fait des observations anatomiques sur le cordon ombilical dans plusieurs espèces d’animaux, outre l’espèce humaine.

  88. Comme des racines. C’est une suite de la métaphore du paragraphe précédent. — Pour se nourrir. Le fait est de toute évidence ; et les développements du poussin dans l’œuf le prouvent assez. — Comme le croit Démocrite. Cette erreur semblerait démontrer que Démocrite était loin d’observer les phénomènes avec toute l’exactitude qu’Aristote essayait d’apporter à ses investigations. — Bien qu’ils soient séparés de la mère. L’argument est décisif, ainsi que nous venons de l’indiquer.
  89. Si la nourriture doit venir du dehors. Un peu plus bas, cette opinion est réfutée ; et l’on suppose que l’embryon lui-même peut d’abord se nourrir, sans rien emprunter au dehors. — Dans l’embryon. J’ai ajouté ces mots, qui sont indispensables pour la clarté de ce passage. — Immédiatement dans l’embryon. Le texte n’est pas aussi développé. — Dans les graines. Nouveau rapprochement entre les plantes et les animaux. Mais le germe dans les végétaux semble se nourrir de lui-même plus clairement que l’embryon animal. — Du fœtus. J’ai ajouté ces mots. — Se fait par le cordon ombilical. Ceci paraît en contradiction avec ce qui précède. Si l’embryon se nourrit par le cordon ombilical, c’est par sa mère qu’il se nourrit, et non par lui-même. — Dans les plantes par les racines. Répétition de la comparaison employée plus haut, § 8.
  90. Nous nous occuperons… Voir plus loin dans ce livre, ch. IX ; et dans le liv. III, ch. II. Peut-être aussi est-il fait allusion ici au traité spécial de la Nourriture, qui n’est pas parvenu jusqu’à nous. — Quelques naturalistes. Sans doute, Démocrite, nommé un peu plus haut, § 8, et qui croit que les membres de l’embryon se moulent sur ceux de la mère. — L’excrétion de la femelle. Il semble que l’auteur fait ici à la mère une part beaucoup plus grande que dans toutes ses théories antérieures. — L’agent et le patient. C’est le mâle et la femelle. — De la manière, dans le lieu et dans le moment. C’est le mystère de la fécondation, qui se produit évidemment par un contact, comme le dit Aristote.
  91. On voit donc… Ce n’est pas la conclusion de ce qui précède mais c’est la théorie ordinaire de l’auteur ; la femelle ne fournit que la partie matérielle ; le mâle fournit la vie. — Dont l’artiste se sert. J’ai ajouté ces mots. — Dans une autre chose. C’est-à-dire, Dans la matière, comme la statue est formée dans le marbre par le sculpteur. — La force de l’âme nutritive. Qui est la première à entrer en action, et qui est la plus indispensable, comme il est dit un peu plus bas. — De la chaleur et du froid. Il semble que c’est la chaleur qui agit à eu près exclusivement. — Dès le début. Il est évident que l’embryon doit être nourri dès le moment même où il a reçu la vie.
  92. Est la matière même. Cette expression ne paraît pas très exacte ; et la force est distincte de la matière, qu’elle transforme. — Le générateur primordial. J’ai admis la leçon proposée par MM. Aubert et Wimmer, et qui seule rend ce passage intelligible. — Qui engendre l’être. C’est exagéré ; la nutrition développe l’embryon ; mais elle ne le produit pas. — Essentiellement inhérente. La faculté nutritive se retrouve en effet dans tous les êtres animés, puisqu’ils ne sauraient vivre sans elle, plantes ou animaux ; c’est une des lois fondamentales de la biologie. — Les autres parties de l’âme. Sensibilité, locomotion, intelligence. Voir le Traité de l’Âme, liv. II, ch. IV, de ma traduction, et passim.
  93. Dans les végétaux. On comprend sans peine que les Anciens aient ignoré le sexe des végétaux, et qu’ils ne se soient pas rendu compte des fonctions du pistil et des étamines : mais ce qui est plus étonnant, c’est qu’ils n’aient pas constaté la division des sexes dans quelques plantes dioïques fort usuelles, telles que le chanvre. Voir le Traité général de Botanique de MM. Le Maout et Decaisne p. 507. Théophraste ne paraît pas avoir connu le chanvre. — Le mâle a besoin de la femelle. Et réciproquement, la femelle ne peut rien sans le mâle. — La même âme que le mâle. C’est le contraire qu’on a cru au Moyen âge ; et quelques docteurs ont pensé que l’âme de la femme n’est pas l’égale de celle de l’homme. C’est peut-être ce passage d’Aristote qui aura donné lieu à cette étrange théorie. La question que se pose Aristote est d’ailleurs curieuse ; et il était tout simple qu’il se la posât.
  94. La cause en est… Cette explication est d’accord avec toutes les théories Aristotéliques. — Diffère… et s’en distingue. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Le visage, la main. C’est-à-dire, les parties non similaires. — L’âme sensible. Outre l’âme nutritive, qui doit tout d’abord apparaître dans l’animal. — Qu’un cadavre. C’est une comparaison qu’Aristote emploie assez souvent. — Le créateur de l’âme sensitive. L’expression du texte est peut-être un peu moins forte. — Car nous avons vu… du mâle. MM. Aubert et Wimmer croient que ce passage est altéré ; pour moi, je ne le pense pas.
  95. N’est pas sans quelque raison. Cependant, l’exemple des œufs clairs, que cite Aristote, prouve au contraire que cette opinion n’est pas soutenable. — Jusqu’à un certain point. La mesure où la femelle semble pouvoir engendrer à elle seule, est fort restreinte, puisque l’œuf ne produit rien. — Ces œufs-là sont vivants. En effet, ils ne le sont pas ; et l’impuissance de la femelle à pouvoir rien faire par elle seule est prouvée par là. — Les œufs féconds… des choses inertes. La distinction est ingénieusement présentée. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. II §§ 6 et suiv., de ma traduction.
  96. Ils avaient antérieurement la vie en partage. Je ne sais si la physiologie moderne accepte cette hypothèse. Si la vie avait été d’abord dans ces œufs, elle s’y serait développée comme dans les autres. — Une âme quelconque en puissance. La supposition est peut-être tout à fait arbitraire. — Quelle est cette espèce d’âme. Il serait bien difficile de le dire ; et supposer que l’âme nutritive est dans les œufs clairs, c’est aller beaucoup trop loin ; comme il n’y a pas d’âme au-dessous de l’âme nutritive, il semble rationnel d’admettre que celle-là même n’est pas dans les œufs clairs. — Doivent avoir l’âme sensitive. C’est résoudre la question par la question ; si l’âme nutritive est déjà dans les œufs clairs, on peut se demander pourquoi elle n’y nourrit pas l’embryon.
  97. Voilà pourquoi. L’explication peut paraître insuffisante. — Ils peuvent devenir féconds. C’est là une question que la science moderne semble avoir négligée. Il est assez peu probable qu’à aucun moment les œufs clairs puissent devenir féconds. — Ultérieurement. Voir plus loin, liv. III, ch. I à VI, consacrés presque tout entiers à la question des œufs en général, et spécialement à celle des œufs clairs, ch. VI. — Qui soit femelle. Il faudrait dire : Hermaphrodite, et non femelle ; car s’il n’y a que des femelles, la génération n’est pas possible. Il y a des animaux qui se fécondent eux-mêmes ; mais ils sont au plus bas degré de l’animalité. — Produire d’eux seuls. Aristote n’avait peut-être pas observé directement des animaux de ce genre ; mais on peut croire que sa sagacité les supposait.
  98. Par des observations dignes de foi. Ceci prouve avec quel soin Aristote contrôlait les observations qu’il pouvait faire. — En ce qui concerne les poissons. Il ne semble pas que le doute soit plus fondé à l’égard des poissons. — Des rougets. L’identification n’est pas sûre ; voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 5, p. 113, de ma traduction, et la note. — On n’a pas pu encore reconnaître de mâle. On voit que l’observation était très attentive, si d’ailleurs elle n’a pas été heureuse. — Tout à fait concluantes. Même remarque. — Anguilles… muges. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XII, § 1 et n., ch. XV, § 1 ; et liv. VIII, ch. XXIX. On connaît d’ailleurs la génération des muges ordinaires, Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XIV, § 2, de ma traduction.
  99. La femelle à elle seule. Répétition nouvelle de ce qui vient d’être dit déjà plusieurs fois. — La Nature ne fait rien en vain. Grand principe qu’Aristote a formulé le premier, et que la science moderne perd trop souvent de vue. — Achève et complète. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Par l’intermédiaire de la semence. Ceci se rapporte surtout aux poissons, répandant leur laite sur les œufs qu’a pondus la femelle. — Dans les automates bien faits. Aristote s’est souvent servi de cette comparaison ; il est probable que l’ingénieux mécanisme des automates l’avait étonné et charmé : car de son temps, sans doute, ils étaient encore fort nouveaux.
  100. Quelques naturalistes. On peut supposer qu’il s’agit de Démocrite et d’Anaxagore. — Le semblable se porte vers le semblable. La formule est bien vague, si l’on ne cite quelques applications à l’appui ; Aristote semble cependant l’accepter. Il est probable que cette théorie se rapporte à celle qui est déjà critiquée plus haut, ch. VI, § 8, et qui prétendait que les membres du fœtus se moulent sur ceux de la mère. — Le principe de tout le reste. C’est-à-dire, le principe de la vie et du mouvement, communiqué à l’embryon par le mâle, et qui se manifeste en premier lieu par le cœur et ses battements. — Souvent répété. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. II, § 3, n. et passim. Voir aussi dans le Traité des Parties, liv. II, ch. VI, § 4. et ch. 1, § 16.
  101. Par l’observation sensible. Il faut remarquer une fois de plus combien Aristote attache d’importance à la méthode d’observation. — Au début de l’existence. Le texte dit seulement : « D’abord ». — De la mort. L’expression du texte est plus générale : « de la fin ». — Qui cesse le dernier de vivre. Je ne sais pas si le fait est aussi exact que le croit Aristote ; mais les battements du pouls, en cessant, semblent annoncer que le cœur a été le dernier des viscères à vivre. — Ce qui naît en dernier lieu.., Ces théories sont bien vagues, quoiqu’elles soient vraies pour le cas spécial du cœur, qui est le premier à paraître et le dernier à vivre. — Et revenait à son point de départ. La comparaison n’est peut-être pas très juste ; seulement, le cœur, destiné à manifester la vie dès ses premières opérations, la manifeste jusqu’aux dernières. Aristote explique d’ailleurs clairement ce qu’il entend par « la double course » qu’il attribue à la Nature.
  102. Ainsi qu’on vient de le dire. Dans le chapitre précédent, et aussi dans plusieurs des chapitres antérieurs, sur l’action du mâle constituant l’embryon, en transmettant à la matière qui est dans la femelle le mouvement et la vie. — Les viscères intérieurs… Le fait est exact ; et c’est surtout sur les œufs des gallinacés qu’on peut faire aisément toutes ces observations. — Avant les plus petits. Sans doute, parce que les organes volumineux sont plus nécessaires à la vie. — En membres reconnaissables. Il faut étudier cette évolution merveilleuse dans les ouvrages contemporains de physiologie et d’embryologie.
  103. Cet aspect successif. Le grec n’a qu’un pronom indéterminé. — On distingue un haut et un bas. La distinction est plus frappante chez les insectes, cause de leur conformation même ; l’observation sur la croissance des larves n’est peut-être pas très exacte. — Dans les seules espèces des mollusques. Voir sur les mollusques l’Histoire des Animaux, liv. V. ch. V, § 1, n. — La masse d’en haut. Il faut se rappeler que, dans les théories d’Aristote, le haut de la plante c’est la racine, parce que c’est la racine qui nourrit le végétal ; voir plus haut, ch. XVII, § 5, du liv. I ; et aussi dans le Traité des Parties.
  104. Se déterminent par le souffle. Il est difficile de comprendre ce que l’auteur veut dire par là. MM. Aubert et Wimmer soupçonnent que le mot de Souffle pourrait bien avoir ici quelque sens mystérieux ; c’est peu probable ; et rien dans les théories d’Aristote n’autorise cette hypothèse. Sans doute, l’auteur pouvait s’expliquer plus clairement ; mais on ne peut pas lui attribuer une doctrine secrète, dont il y aurait ici quelque fragment obscur ; voir plus bas, § 5. — Qui les anime. J’ai ajouté ces mots. — Par celui de l’animal lui-même. C’est cependant la seule alternative qui subsiste, après que la première a été repoussée. Il est à croire que ce passage présente quelque altération. — Quelques naturalistes. Voir au chapitre précédent, § 8. — En observant les oiseaux… Ici, comme dans une foule d’autres passages, Aristote a recours à l’observation attentive des faits, pour fonder et justifier ses explications. — Les uns, séparés de la mère. Par exemple, les oiseaux domestiques et particulièrement les gallinacés. — Ils reçoivent l’articulation de leurs membres. Sans que la mère y soit désormais pour rien, comme le poussin des poules. — Ou à l’état d’œuf. Par exemple, les œufs de poissons, sortis du sein de la mère et fécondés par la laite que répand le mâle. — Avant que le poumon… Le poumon ne se forme qu’assez tard dans le développement du fœtus ; et avant qu’il ne soit formé, le fœtus a une circulation et une respiration particulière très compliquée. La vie fœtale a ses conditions propres, que la science, même de nos jours, ne s’explique pas encore complètement. — Ne puisse respirer. Sous-entendu : « l’air du dehors ». Voir, pour ces détails anatomiques, le Traité élémentaire de physiologie humaine de M. Béclard, pp. 1173 et suiv., 6e édition.
  105. Tous les quadrupèdes fissipèdes. Cette généralité est exacte. — La qualité et la quantité. La qualité, c’est l’espèce transmise par les parents au jeune qui naît de leur rapprochement ; la quantité, c’est le développement successif que prend l’embryon, une fois qu’il a reçu la vie. — Il se forme deux êtres au lieu d’un. C’est la traduction fidèle du texte ; mais la pensée reste obscure. Le second être qui se forme ici est sans doute le jeune, distinct de la mère.
  106. Un souffle de vie. Voir plus haut, § 3. Le texte dit seulement : « Un souffle ». — Et ce souffle vital. L’expression du texte est tout à fait indéterminée. — Doit être celui… On pourrait traduire encore, et peut-être plus exactement, en disant : « l’un agissant et l’autre souffrant ». C’est la reproduction exacte du grec ; mais j’ai cru devoir être moins concis, afin d’être un peu plus clair. — Quelques-uns des naturalistes anciens. Voir plus haut, § 3, et ch. VII, § 8. Ces anciens physiologies sont probablement Anaxagore, Démocrite. Empédocle. — Sans avoir suffisamment observé les faits. On ne saurait recommander plus nettement la méthode d’observation. Mais quelle que fût l’erreur de ces anciens physiologistes, il est évident qu’ils cherchaient à se rendre compte de la vie du fœtus, et du développement successif de ses différents organes.
  107. Antérieur… a plusieurs sens. Voir la Métaphysique, liv. V, ch. XI, de ma traduction. Ici, cette définition ne paraît pas très nécessaire. — La cause finale prise en général. Le texte n’est pas aussi précis. — De telle chose en particulier. Même remarque. Les formules dont se sert Aristote sont d’une extrême concision, que je n’ai pas cru devoir conserver.
  108. J’entends par là. Le texte grec emploie aussi la première personne du singulier. — Est celle qui fait l’action. Selon la formule aristotélique, c’est l’homme qui engendre l’homme, c’est-à-dire que l’être complet est antérieur à l’être incomplet. C’est le mystère même de la génération. — Comme, par exemple. Peut-être, ces exemples ne sont-ils pas très bien choisis. — Seraient bien inutiles. Aristote s’est encore servi de cette comparaison, dans le Traité des Parties, liv. IV, ch. X, § 14, de ma traduction.
  109. Trois choses à considérer. L’analyse faite ici peut paraître subtile ; mais elle est fort exacte ; et les trois termes que signale le philosophe sont en effet distincts les uns des autres. — Le but, c’est-à-dire… Il s’agit d’abord de l’espèce, qui doit être celle de l’être engendré ; c’est le but supérieur, auquel tout le reste va se subordonner. — En second lieu. J’ai suivi la leçon adoptée par MM. Aubert et Wimmer, d’après un manuscrit et plusieurs éditions. — Ces pourquoi et ces buts. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — D’abord… L’ordre des trois termes est ici changé, parce que la question est considérée surtout au point de vue de la réalité ; et le principe générateur doit être le premier chronologiquement. — L’être total. C’est l’expression même du texte. L’être total est l’embryon, sorti de l’union des parents. — Dont ils ont besoin. Le texte est tout aussi indéterminé ; et le pluriel dont il se sert doit se rapporter ici, comme dans ma traduction, au mâle qui engendre, et à l’embryon engendré par lui.
  110. Quelque organe… c’est cet organe. Le texte est plus vague, et il n’a qu’un pronom neutre. — Naître avant tout autre. Cette conclusion est nécessaire, du moment que le principe produit tout le reste. — En tant que moteur premier. Communiquant le mouvement et la vie à l’embryon, quel qu’il soit. — Les parties organiques. C’est l’expression même du texte. — Elles ont un autre être pour but. J’ai dû conserver la généralité un peu vague du grec. — Ne doivent venir qu’après. Tout ceci ne doit être entendu qu’au sens purement logique. Chronologiquement ce ne sont pas les parties génératrices qui paraissent les premières dans le fœtus.
  111. Il n’est pas facile. Il semble que, dans ces matières, l’embarras de l’auteur ne soit pas moindre que le nôtre, à les bien comprendre. — Un autre être. Le texte n’est pas aussi précis. — Leur but véritable. J’ai ajouté ce dernier mot, qui me paraît ressortir du contexte. — Antérieures à la fin poursuivie. C’est ce qui a déjà été dit, sous une autre forme, dans le paragraphe précédent. — Parties motrices… parties organiques. L’auteur lui-même trouvait la distinction difficile ; elle l’est également pour nous, en l’absence d’explications suffisantes.
  112. Tel organe. Le texte n’a qu’un pronom relatif neutre ; j’ai cru pouvoir être un peu plus précis. — La fin est postérieure… antérieure. Ceci méritait une explication plus claire. — La masse supérieure du corps. On ne voit pas que cette conclusion ait rien de nécessaire. — Voilà aussi comment… Le fait est exact ; et il est certain que la tête et les yeux, chez beaucoup d’animaux, sont d’abord d’une grandeur démesurée. Mais la cause ne peut pas être celle qu’Aristote indique ; le bas peut être fait à quelques égards pour le haut, et les jambes sont faites réellement pour soutenir le corps, placé au-dessus d’elles : mais les raisons toutes logiques qu’on donne de leur petitesse dans les premiers temps de la vie, ne sont pas suffisantes. — Moyen employé. Le texte dit simplement : « du pourquoi ».
  113. Sont toujours ce qu’elles sont. Peut-être vaudrait-il mieux dire : « ont été » au lieu de « sont ». L’argument se réduit alors à constater ce que sont les choses, sans essayer d’en pénétrer la cause, en remontant à leur origine. — Et à trouver là toute l’origine. Ou « tout le principe ». En grec, le mot du texte a les deux sens. — Démocrite d’Abdère. Sur les travaux zoologiques de Démocrite, voir la préface à l’Histoire des Animaux, pp. LXI et suiv. Ici, il ne s’agit que d’une théorie métaphysique, par laquelle Démocrite essayait d’expliquer la nature. — Le seul principe. Le texte dit simplement : « le principe ». — C’est rechercher encore le commencement de l’infini. Ici, comme dans bien d’autres passages, nous avons peine à bien comprendre les réfutations qu’Aristote oppose à ceux qu’il contredit ; c’est sans doute parce que nous ne connaissons pas assez bien les opinions auxquelles il répond. Si nous avions sous les yeux les œuvres de Démocrite, comme Aristote les avait, nous verrions mieux le sens des objections, dont la force nous échappe trop souvent.
  114. Qui dispense ces naturalistes… Au fond, c’est là sans doute la principale objection d’Aristote. Dire que les choses sont ce qu’elles sont, ce n’est pas les expliquer ; c’est simplement les voir ; ce n’est plus de la science. — De démonstration possible. C’est la traduction exacte du texte ; mais ici Démonstration est pris pour Explication. — Une des vérités éternelles. Les exemples cités sont empruntés à la géométrie, où les vérités sont plus incontestables que partout ailleurs. — La cause et la démonstration. En fait, la cause et la démonstration se confondent ici. — De ces vérités géométriques. Le texte n’a qu’un pronom indéfini au pluriel. — Il ne faut pas chercher un principe à tout. Autrement, il n’y aurait rien de démontrable. Les principes doivent être indémontrables, pour qu’avec leur aide la démonstration devienne possible. Cette grande théorie est exposée tout au long dans les Derniers Analytiques, liv. I, ch. II, §§ 6 et suiv. de ma traduction, et passim. — Par une tout autre voie. C’est-à-dire, par intuition ; voir les Derniers Analytiques, liv. II, ch. XIX et dernier. — Il n’y a pas pour lui de démonstration. C’est à cette seule condition qu’il est principe. — Immuables. Et éternelles.
  115. Celui d’où part le mouvement. Ceci se rapporte simplement à l’organe qui le premier jouit du mouvement, et qui le communique aux autres organes. — Ainsi que nous l’avons dit. Voir plus haut, ch. VIII, § 9. — De ces dessins. Où il n’y a encore que de simples traits, sans nuances et sans couleurs. Le mot dont se sert le texte est l’étymologie de notre mot Canevas. — Se disposent autour de ces veines. Cette description peut paraître bien générale et bien insuffisante.
  116. Sont produites. L’expression n’est pas très juste ; les parties similaires peuvent s’organiser sous l’action de la chaleur et du froid ; mais ce n’est pas le froid et la chaleur qui les produisent. — Dans d’autres ouvrages. Voir la Météorologie, liv. IV, ch. I et suiv., p. 273 de ma traduction. — Solubles par le liquide ou le feu. Id., ibid., ch. VII, § 15, p. 315. Toutes les questions qui ne sont qu’indiquées ici, sont traitées tout au long dans le IVe livre de la Météorologie.
  117. La nourriture circule donc. Ces idées se suivent peu. — Dans les veines et dans les vaisseaux. La distinction des artères et des veines n’était pas connue d’Aristote. Cependant, celle qu’il fait ici entre les veines et les conduits, ou vaisseaux, atteste qu’il pressentait la différence, sans la comprendre encore. — Dans des tuyaux de poteries sèches. La ramification des veines a été comparée aux irrigations des vergers, dans le Traité des Parties, liv. II, ch. 1, § 16, p. 79, de ma traduction. La comparaison est d’ailleurs toute naturelle ; voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. V, § 2. — Sous l’action du froid. Rien ne le prouve. — Les ongles, les cornes… L’explication n’est pas acceptable. — Comme les coquilles des œufs. Le fait n’est pas exact : et la coquille des œufs ne se fond pas sous l’action de l’eau.
  118. Les nerfs et les os… Cette explication est purement arbitraire ; et l’on ne saurait voir sur quoi elle s’appuie. — Comme l’argile. Cette comparaison n’est pas non plus fort exacte ; et l’action du feu sur les os est tout autre que sur la terre argileuse. — Comme dans un fourneau. Ces explications toutes hypothétiques se rapprochent trop de celles du Timée de Platon. — Selon le vœu de la Nature. C’est là en effet la vérité ; mais la question est de savoir réellement comment la Nature agit. Au fond, c’est toujours la théorie des conditions d’existence, si admirablement exposée par Cuvier ; voir la préface à l’Histoire des Animaux, pp. CXXIV et CLIX.
  119. La chaleur qui est contenue… Cette théorie sur les effets de la liqueur séminale est absolument hypothétique ; il ne faut pas trop s’en étonner dans une question aussi difficile. Aujourd’hui même, nos physiologistes les plus habiles seraient fort embarrassés de dissiper toutes ces ténèbres. — De chacun des organes. C’est-à-dire, des organes que l’embryon doit avoir, et qui se développeront plus tard. — Pour en tirer nos aliments. La comparaison, pour être familière, n’en est pas plus juste. — La nature du générateur… Dans les espèces d’animaux où les sexes sont séparés. — Qui naissent spontanément. Voir plus haut, liv. I, ch. I, § 5, et passim. — La chaleur de la saison. Ce n’est là qu’une apparence ; et même, sans le secours du microscope, Aristote aurait pu s’en convaincre. — La privation de la chaleur. Ceci contredit le Traité des Parties, liv. II, ch. II, § 18, de ma traduction, où il est établi que le froid n’est pas une simple privation de chaleur, mais que c’est une nature à part et absolue. On pourrait croire que cette phrase : « Quant au froid… de la chaleur », n’est qu’une interpolation.
  120. Ces deux agents. C’est-à-dire : le chaud et le froid. Comme plus haut, toute cette théorie n’est qu’une hypothèse, et un essai d’explication peu vraisemblable. — Chacune des parties… s’organise. C’est au principe vital, plutôt qu’à la chaleur, qu’il conviendrait de rapporter tout le développement de l’embryon. — Devient molle. Ce n’est pas l’action successive de la chaleur et du froid qui peut causer cet effet, non plus que tous ceux qu’on lui prête, sur la formation des muscles et des os.
  121. La peau. Cette explication sur la peau ne vaut pas mieux que les précédentes. — Le visqueux qui n’a pu se vaporiser. Rien dans les faits ne répond à cette théorie et ne la justifie. Il est remarquable que Cuvier, dans son Anatomie comparée, n’ait rien dit de la peau ; voir la 1ere leçon, Économie animale, tome I, édit. de 1800. — Le visqueux est desséché. Ceci n’est pas plus exact que tout ce qui précède. — Comme si la peau venait de cette viscosité. Voir M. G. Colin, Traité de Physiologie comparée, tome II, p. 119, Absorption cutanée, 2e édit. Si ces théories d’Aristote sur la nature de la peau ne sont pas exactes, elles attestent du moins des études bien curieuses.
  122. Nous pouvons le répéter. Ceci peut se rapporter au Traité des Parties des Animaux, liv. I, ch. I, § 9, et à une foule d’autres passages. — Une nécessité inévitable. Mais purement hypothétique ; c’est-à-dire qu’une certaine fin étant à réaliser, les moyens employés pour l’atteindre sont nécessaires ; mais la fin elle-même ne l’est pas. — C’est d’abord la masse supérieure. Voir plus haut, § 1, où ceci a été déjà dit. — Que par de simples contours. Ceci est exact, surtout dans le développement de l’embryon. — Comme si la Nature. L’observation est sagace, autant qu’elle est exacte. — D’abord…. une esquisse et des lignes. C’est une nécessité résultant de la nature même des choses, à laquelle l’art est de nos jours soumis, comme il l’était dans l’Antiquité. La tradition de ces procédés de l’art est utile à recueillir.
  123. Le cœur qui se forme en premier lieu. Ceci est exact ; et le punctum saliens, qui manifeste les battements du cœur, est un des premiers phénomènes qu’on observe dans l’œuf. — Les veines d’en haut. Ce ne sont pas seulement les vaisseaux d’en haut qui aboutissent au cœur : ce sont aussi ceux d’en bas. Voir sur les veines l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. III, de ma traduction. — Le froid constitue le cerveau. Sur le cerveau faisant contrepoids à la chaleur du cœur, voir le Traité des Parties, liv. III, ch. VII, § 7, de ma traduction. — Avoisinant la tête… leur grosseur… Tous ces détails sont exacts. — Est volumineux et humide. Ceci est surtout vrai dans l’espèce humaine.
  124. Les

    Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/101 modifier

    yeux… semblent énormes. Ceci est vrai dans quelques espèces ; mais ce n’est pas aussi général qu’Aristote paraît le croire. — Qui se montre la dernière. Ceci demanderait plus d’explications, et n’est pas aussi exact que ce qui précède. Voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine de M. Béclard. p. 1175, 6e édition. — La cause de cette disposition. La cause indiquée par Aristote n’est pas fondée sur les faits. — Se fait par des canaux. Il est difficile de savoir ce qu’Aristote entend par là ; il n’est pas probable qu’il veuille parler des nerfs optiques ; mais on conçoit aisément qu’il se soit trompé dans une analyse aussi délicate que celle de la vision. — Du toucher et du goût. Le goût n’est lui-même qu’un toucher propre à certains organes. — L’odorat et l’ouïe. Ce rapprochement peut paraître assez singulier, parce que l’organisation de ces deux sens est fort différente. — Avec l’air du dehors. Il faut voir, sur les fonctions des sens, le Traité de l’Ame, liv. II, ch. VII et suiv., pp. 208 et suiv., de ma traduction.

  125. Le seul sens qui ait un corps. Ceci ne semble pas tout à fait exact, puisque l’ouïe a bien aussi son appareil spécial, dans l’oreille et dans les autres parties qui sont intérieures. — Le corps est humide et froid. Humide se prend ici dans le sens de Liquide, selon les théories d’Aristote. — Dans le lieu qu’il doit occuper. Il semble qu’il vaudrait mieux dire : « De la grosseur qu’ils doivent avoir ». Mais le texte ne parle que de Lieu. — De l’humidité qui est dans le cerveau. Cette explication n’est pas plus admissible que quelques-unes des précédentes. — Qui s’étendent des yeux à la méninge, ici, il n’y a plus à douter qu’il s’agisse des nerfs optiques, qui en effet se rendent du globe de l’œil à l’encéphale, où ils se ramifient. — La preuve… Cette prétendue preuve n’a rien de solide. — C’est donc une nécessité… La conclusion ne repose pas sur des prémisses démonstratives ; et la froideur du cerveau ne suffit pas à expliquer la grosseur des yeux, dans certains animaux, au début de la vie.
  126. Le même changement se passe pour le cerveau. C’est peut-être trop dire ; mais ce qui est vrai, c’est que la tête est, chez les enfants, beaucoup plus forte proportionnellement qu’elle ne l’est plus tard. — La tête… paraît énorme. Cette observation est exacte. — Qu’il cesse d’être froid et humide. Le cerveau change de dimensions proportionnelles : mais il ne change pas de nature. — Mais surtout dans l’homme. Ces phénomènes se manifestent en effet plus particulièrement dans l’espèce humaine. Sur la grosseur des yeux des petites seiches, voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XVI, § 5. de ma traduction.
  127. La fontanelle. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VII, VIII et XIII, de ma traduction, et aussi liv. VII, ch. IX, § 8. Aristote semble avoir attaché beaucoup d’importance à ce curieux phénomène ; la science moderne s’en est beaucoup moins occupée. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, VIIIe leçon, Ostéologie de la tête. — C’est que l’homme a le cerveau plus humide. Cette explication n’est pas très satisfaisante. — Plus gros. Le fait est exact. Il est déjà signalé dans l’Histoire des Animaux. liv. I, ch. XIII,, §§ 4 et suiv. de ma traduction. — La chaleur la plus pure dans le cœur. Il serait bien difficile de justifier cette théorie. — Cet heureux équilibre. Le texte dit précisément : « Cette bonne combinaison. » — Le plus intelligent de tous les êtres. Voir l’Histoire des Animaux, liv. 1, ch. I, § 26, de ma traduction, et aussi liv. IV, ch. IX. § 15, et liv. VIII. ch. 1, § 1.
  128. Maîtres de leur tête. C’est une observation que chacun peut faire ; les enfants sont ainsi forcés de marcher à quatre pattes, durant quelque temps. — Régit et domine. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Les parties supérieures du corps. Qui sont les dernières à obéir à la volonté. — Ne sont pas en rapport direct. On n’avait pas encore distingué du temps d’Aristote les nerfs du mouvement et ceux de la sensibilité. — Pour la paupière. L’exemple pouvait être mieux choisi. — Rien d’inutile… rien en vain. Principe auquel Aristote s’est toujours tenu inébranlablement, et que la science moderne perd trop souvent de vue. — Il est clair… La conséquence qu’Aristote indique est d’une évidence absolue. — Par conséquent. La conclusion ne sort pas nécessairement de ce qui précède.
  129. À cause de la coction énorme. C’est une explication purement arbitraire. — Les derniers à se former. Le fait ne paraît pas exact. — Une force bien puissante. L’exagération est évidente ; et les paupières, bien que tout extérieures, ne sont pas si éloignées du cerveau. — Ce qui prouve bien… On peut trouver que la preuve n’est pas péremptoire. Sur les paupières, voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VIII, § 3, de ma traduction ; voir aussi le Traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. XIII. § 1, de ma traduction. — Quelque lourdeur à la tête. On a bien souvent la tête lourde, sans que les paupières le soient ; et réciproquement. La lourdeur des paupières tient surtout au besoin du sommeil.
  130. Nous venons de dire. Voir plus haut, §§ 23 et suiv. — Les derniers de nos organes à se constituer. Ceci n’est pas absolument exact ; et si la vision ne devient tout ce qu’elle doit être qu’assez tard chez les enfants, il en est de même pour d’autres sens, et notamment pour le sens du goût, qui, dans les premières années de la vie, est à peine formé. — Toutes les autres parties. Ou, Organes. — Les plus importantes… La distinction qu’Aristote fait ici entre les diverses parties du corps ne repose pas sur des observations certaines ; et sa théorie reste obscure et confuse dans le genre de celles du Timée. La nourriture n’est ni plus pure ni moins pure selon les parties du corps ; seulement, selon la nature des viscères et des glandes, les sécrétions sont différentes. Mais elles viennent toutes également du sang, qui a les mêmes qualités partout, et qui est modifié par les organes.
  131. Comme un sage économe. La sagesse de la Nature est incontestable ; mais la difficulté est de la bien comprendre ; et la comparaison que fait le philosophe est loin d’être juste dans tous ses détails. — Ne perdre rien. Ceci est vrai, et se rattache au grand principe que la Nature ne fait rien en vain ; mais il n’y a pas, dans la nutrition du corps des animaux, les degrés d’alimentation que peuvent observer les ménages bien réglés. Le sang est partout le même ; et ce ne sont que les appareils sécrétoires qui diffèrent : le suc gastrique, la bile, l’urine, la semence, etc. — L’intelligence du maître… du dehors. On pourrait traduire encore : « Une intelligence extérieure ». — Avec la matière la plus pure, les chairs. Les chairs ne sont pas composées d’une matière plus pure que les autres parties. — Et, avec les déchets. Il n’y a pas de déchets ; seulement, l’élaboration est différente selon les organes.
  132. De là vient… L’explication est purement arbitraire. — Ces parties secondaires. J’ai ajouté l’épithète pour plus de clarté. — Il s’est formé… du superflu. L’expression n’est pas exacte ; ce n’est pas là un emploi du superflu ; c’est un élément nécessaire, sans lequel le corps ne serait pas constitué. — Vient de la sécrétion spermatique. Rien ne prouve que ce soit là l’origine des os. — Les os prennent leur développement… Le texte ne désigne pas spécialement les os, et il se sert d’un pronom indéterminé ; j’ai cru devoir être plus précis ; et tout ce contexte prouve bien que c’est des os qu’il s’agit. — De la nourriture ordinaire. Le grec dit : « La nourriture naturelle ». — Superflues. Cette nuance est implicitement comprise dans l’expression du texte.
  133. Deux degrés de nutrition. Le grec n’est pas tout à fait aussi précis. — L’un servant à nourrir, et l’autre à accroître. Il semble qu’il faudrait renverser cet ordre, et que le premier degré de la nutrition doit servir à la croissance de l’animal ; le second sert uniquement à maintenir, pour un temps plus ou moins long, le développement et les forces de l’animal. — Ce qui procure l’existence. Il serait mieux de dire : « Ce qui entretient l’existence ». — Plus tard. Dans le reste du Traité de la Génération, il ne se trouve rien à quoi on puisse rapporter ce passage. Peut-être l’ouvrage indiqué ici est-il celui De la Nutrition, qui n’est pas arrivé jusqu’à nous. Voir la préface au Traité des Parties, p. IV. — Les nerfs… les os. La théorie n’est pas meilleure pour les nerfs que pour les os. — De l’excrétion spermatique et de l’excrétion nutritive. Même remarque. — De la nourriture accumulée… Ce sont là de pures hypothèses, qui ne s’appuient sur aucune observation. — Soit tirée de la femelle. Chez les vivipares, où le jeune vit plus ou moins longtemps dans le sein de sa mère et où il vit de sa substance.
  134. Jusqu’à un certain point. Cette condition n’est pas particulière aux os ; toutes les parties du corps ont leur limite ; car, sans cela, le corps n’aurait plus les proportions qu’il doit avoir. Aristote le reconnaît dans ce qui suit. — Une limite à leur grosseur. C’est un fait de toute évidence. — Ce sont les os qui posent une limite. Toutes les autres parties du corps en sont là. — Plus tard. Il n’y a rien dans les ouvrages d’Aristote qui réponde à cette indication, si, comme on doit l’admettre, le Traité de la Génération ne vient qu’après l’Histoire des Animaux ; mais, dans ce dernier ouvrage, il a été question des os assez longuement, liv. III, ch. V, et suiv., de ma traduction. Voir aussi le Traité des Parties, liv. II, ch. IX.
  135. Quant aux ongles… ils croissent. Ceci est exact, comme chacun de nous peut s’en convaincre par son observation personnelle. — C’est dans les maladies. Ce détail encore est exact comme ce qui précède. — Les parties maîtresses. L’expression grecque est tout à fait analogue à celle dont se sert ma traduction. Voir le Traité élémentaire de Physiologie humaine, de M. Béclard, p. 621, 6e édition. — Pour les os, c’est tout le contraire. Les os une fois arrivés à leur complet développement, vers l’âge de vingt-cinq ans, ne font plus que vivre et s’entretenir comme le reste du corps. La science contemporaine n’est pas encore bien fixée sur ce point, malgré les nombreuses expériences qui ont été tentées. Les os de l’adulte ont une nutrition différente de celle des os du jeune ; voir M. Béclard, loc. cit., p. 624. — Même sur le cadavre. C’est, un peut dire, le dernier effort de la vie expirante.
  136. Les dents. Voir le traité des Parties, liv. III, ch. I, et surtout l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III et IX ; liv. III, ch. VII et IX ; liv. IV, ch. II et suiv., et passim. — À plus d’une question. La science moderne s’est aussi beaucoup occupée des dents ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome III, XVIIe leçon, pp. 103 et suiv., 1ère édition. — C’est des os qu’elles proviennent. Cette indication n’est peut-être pas très exacte ; mais la dent est bien en effet un corps essentiellement osseux. Les dents n’appartiennent qu’aux mammifères, aux reptiles et aux poissons, si ce n’est même à tous, du moins à la plupart. — Viennent de la peau. Le fait est exact, et les ongles se développent aux dépens du derme vasculaire sous-jacent. — Pour les dents, il n’y a rien de pareil. La différence est très réelle. — Elles viennent des os. Il serait mieux de dire : « Elles sont des os ». Cuvier n’a pas étudié spécialement le rapport des dents aux os. — Elles ne cessent de croître. Il est bien probable qu’ici l’expression aura trahi la pensée. Les dents ne croissent pas durant la vie entière ; elles se nourrissent seulement comme toutes les autres parties du corps. Leur croissance proprement dite a des bornes comme celle de tout le reste.
  137. C’est ce qu’on peut voir. L’observation n’est pas bien faite. — Poussent sans cesse. Répétition de la même erreur qu’au paragraphe précédent ; la dent ne croit pas ; elle se nourrit et s’entretient. — Bien vite usées. Ceci est vrai ; et voilà pourquoi elles se renouvellent par la nutrition, ainsi que les os. — Elles perdent plus qu’elles ne gagnent. C’est-à-dire qu’elles vieillissent comme les autres organes, qui s’entretiennent de moins en moins complètement, par les progrès de l’âge. — Par leur croissance. De chaque instant, si l’on veut, mais dans des limites qui ne peuvent être dépassées ; ce n’est donc pas une véritable croissance.
  138. La Nature a très bien combiné les choses. Ici Aristote est fidèle, comme toujours, à son admiration pour la sagesse de la Nature ; et il ne se trompe pas plus sur ce détail que sur les autres. Mais l’hypothèse qu’il fait ensuite n’est peut-être pas très juste. Si la Nature nous eût accordé une existence de dix mille ans, elle aurait organisé nos dents dans une proportion égale ; et relativement, elles auraient duré comme elles durent aujourd’hui. — Beau croître continuellement. Elles se seraient nourries de la même manière qu’elles se nourrissent aujourd’hui, et elles auraient duré davantage. — Voilà donc pourquoi. Ce n’est pas une conséquence aussi nécessaire que l’auteur le croit.
  139. De la même nature que les autres os. Ceci est très exact. Voir Cuvier, sur la structure des dents, loc. cit., p. 104. — Ne vient plus tard que les autres. Tous les os sont en effet dans le fœtus, et ils ne font plus tard que se développer. — Assez tard après la naissance. Non seulement chez l’homme, mais encore chez une foule d’animaux. — Peuvent-elles repousser. Elles ne repoussent qu’une seule fois après la première chute. — Elles proviennent de la nourriture. Les dents sont nourries par le sang, comme le sont toutes les parties du corps ; et comme ces parties diverses, elles ont une sécrétion propre. — La même nature. Ceci n’est pas exact : la composition des dents est tout autre que celle des os ordinaires.
  140. Tous les autres animaux. Cette observation est très simple et très profonde. Il ne semble pas que la science moderne l’ait recueillie. — Beaucoup plus achevés. Il est vrai que les petits des animaux sont, au moment de leur naissance, moins imparfaits que les enfants ; mais en général ils ont encore beaucoup à gagner, et leur développement est plus rapide. — Sans avoir de dents. C’est le cas le plus ordinaire, quoique les exemples en sens contraire ne soient pas très rares. — Nous verrons plus tard. Le ch. VIII du livre V traite en effet des dents, comme l’indique aussi Philopon ; mais ce cinquième livre ne tient guère aux quatre premiers ; voir la Dissertation sur la composition du Traité de la Génération ; voir aussi le ch. I du liv. III du Traité des Parties des Animaux. — Mais comme ces parties… Tout ce passage, jusqu’à la fin du chapitre, ne tient pas à ce qui précède. Les manuscrits ne donnent aucun moyen d’expliquer ce désordre, qui n’a pas été assez remarqué. — Le moins de poils… Ceci est exact d’une manière toute générale ; mais on pourrait citer bien des exceptions ; beaucoup d’animaux plus grands que l’homme ont encore moins de poils que lui. Voir sur les poils l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. II, et surtout liv. III, ch. X.
  141. Nous venons de dire… La fin du chapitre précédent a été consacrée à des matières qui sont étrangères à la génération. Mais il serait difficile d’isoler ces matières et de les considérer comme n’appartenant pas à ce traité. Ces irrégularités de composition sont assez fréquentes : on doit les signaler ; mais on ne pourrait les corriger qu’à l’aide des manuscrits, s’ils donnaient quelque indication précise. Philopon commente ce nouveau chapitre sans faire remarquer l’incohérence. — Chacun des organes. Voir le commencement du chapitre précédent, et ch. VI, § 4. — Ainsi que nous l’avons expliqué. Voir plus haut, ch. VI, § 7. — Ils projettent l’ombilic. On pourrait dire avec plus d’exactitude que c’est l’ombilic qui va trouver l’embryon. — En guise de racine. La comparaison est fort ingénieuse ; et c’est Aristote sans doute qui l’a employée le premier. Depuis lors, elle a été bien souvent répétée. — Se compose de veines… Ceci est exact, bien que l’analyse anatomique ne soit pas poussée assez loin. Le cordon ombilical se compose d’une gaine, de tissu cellulaire, de gélatine, de deux artères, et de la veine dite ombilicale. La gaine est formée du chorion et de l’amnios ; le tissu cellulaire est en petite quantité, ainsi que la gélatine. Les artères sont très épaisses, et elles servent à rapporter le sang du fœtus au placenta ; la veine apporte le sang de la mère au fœtus ; voir le Traité pratique d’Anatomie descriptive de M. Masse. p. 353. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VII et IX. — Ces veines sont plus nombreuses… Tous ces détails prouvent qu’Aristote faisait des dissections fort attentives. — Il n’y en a qu’une seule. Ceci n’est pas exact ; seulement les vaisseaux sont alors assez ténus pour échapper à l’œil nu ; c’est le microscope qui a fait découvrir la réalité des faits, sans d’ailleurs nous apprendre encore tout ce que nous voudrions savoir.
  142. Reçoivent le sang qui les nourrit. La science contemporaine elle-même n’est pas encore très bien fixée sur les rapports si complexes de la mère au fœtus, et sur la manière dont il se nourrit dans les premiers temps. — Qui n’ont pas une double rangée de dents. Ce sont les ruminants. — Des cotylédons. Les cotylédons sont des agglomérations de vaisseaux ombilicaux ; ils ne communiquent point les uns avec les autres. Ils sont en rapport avec le placenta, et ils contribuent à la nutrition de l’embryon dans les premiers temps. Voir le Traité pratique d’Anatomie descriptive de M. J. N. Masse, 1858, p. 351. Il est de la dernière évidence qu’Aristote n’a pu connaître les cotylédons de la matrice que par des dissections profondes et très attentives. Ce passage-ci, entre cent autres, suffirait à le prouver. — Auxquels il s’attache. Il serait plus exact de dire que les cotylédons s’attachent au cordon ombilical.
  143. Les veines. Par l’expression de veines, il faut entendre les veines proprement dites et les artères, qu’Aristote ne distinguait pas. — Se répartissent dans toute la matrice. Ceci est exact ; et c’est par l’anatomie seule que ces détails encore pouvaient être constatés. — Que se trouvent les cotylédons. Même remarque. — Dont la partie convexe… Je ne crois pas que l’anatomie moderne puisse admettre ces descriptions. Si ce n’est pas là très exactement la forme des cotylédons, c’est du moins celle du placenta, qui a deux faces, utérine et fœtale. Peut-être est-ce là ce qu’Aristote a voulu désigner. — Entre la matrice et l’embryon… Le chorion vient après la membrane caduque ; ses viscosités initiales se convertissent en vaisseaux pour constituer le placenta ; c’est le chorion qui d’abord sert d’enveloppe à l’œuf. Puis après le chorion, vient l’amnios, avec les eaux qu’il contient et qui doivent protéger le fœtus en l’entourant. L’amnios est une membrane séreuse, dont le tissu cellulaire est assez serré. C’est sans doute l’amnios qu’Aristote veut indiquer en parlant des Membranes. — Les cotylédons deviennent plus petits. Ce détail est fort exact. — C’est en eux que la Nature… Je crois que la physiologie moderne admet toutes ces explications. — Comme elle en prépare… Le texte est un peu moins précis. — Une sorte de floraison. C’est le mot même du texte ; cette comparaison est fort juste.
  144. Les cotylédons sont beaucoup plus gros. Ceci n’est guère qu’une répétition de ce qui précède. — Ils s’affaissent. Voir au paragraphe précédent. — N’ont pas de cotylédons. Je ne sais pas si la science actuelle confirme ces généralités. — Aboutit à une seule veine. Ou plutôt : « Ne se compose que d’une seule veine ». — Qui est fort grosse. Le cordon ombilical, qui se montre très distinctement vers la fin du premier mois, grossit par l’adjonction de la vésicule ombilicale et du corps réticulaire. Sa grosseur est parfois celle du pouce, et sa longueur est de plus de cinquante centimètres ; sa résistance est fort grande. Voir M. J. N. Masse, loc. cit.. p. 353. — Les embryons plus nombreux… Il y a tout l’appareil fœtal pour chacun des fœtus, qui ne peuvent vivre qu’à cette condition. — Dans les figures représentant les Dissections. Ce passage est un des plus positifs sur cette curieuse particularité. — De l’histoire des Animaux. Voir passim dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, § 18 ; liv. III, ch. 1, § 15 ; liv. IV, ch. I, § 21 ; liv. V, ch. XVI, § 5 ; liv. VI, ch. X, §§ 8 et 18 ; voir aussi la préface de ma traduction, p. CLXVI, etc., etc. Pour les cotylédons en particulier, voir ibid., liv. III, ch. I, § 25 ; et liv. VII. ch. VII, § 3.
  145. Proviennent de l’ombilic. L’expression n’est pas très juste, et il vaudrait mieux dire : « Se nourrissent par l’ombilic ». — De la veine. Voir plus haut, § 2. — L’un à la suite de l’autre. Ceci ne se comprend pas bien. — S’écoulait par un canal. C’est la veine elle-même qui est le canal, et qui porte la nourriture à l’embryon. — On se trompe. On ne sait au juste à qui s’adresse cette critique contre une théorie si étrange. — Se convaincre par l’anatomie. On voit ainsi que non seulement Aristote pratique l’anatomie, mais qu’en outre il se rend parfaitement compte de toute la valeur de cette méthode. — De légères membranes. Cette explication est bien générale ; mais elle est juste. — Et des liquides qui s’y forment. Ce sont surtout les eaux de l’amnnios qui servent, à la fois, à garantir le fœtus et la matrice contre les chocs plus ou moins violents qui peuvent se produire. — Il est de toute évidence. L’exemple en effet est décisif.
  146. L’accouplement est naturel… Ceci ne tient pas à ce qui précède, et il y a sans doute là quelque désordre dans le texte : mais les observations que présente Aristote n’en sont pas moins très intéressantes et très exactes. — De même espèce. C’est le cours régulier des choses. — Dont la nature est très voisine. Les exemples cités un peu plus bas montrent bien ce qu’Aristote entend par là. — De même grosseur… les temps de gestation… égaux. Ces conditions sont indispensables, puisque sans elles l’accouplement serait impossible. — Ces accouplements sont rares. Cette observation n’est pas moins : vraie que les précédentes. — Entre les chiens, les renards et les loups. Il est possible que ces accouplements soient spontanés ; mais des naturalistes curieux de ces études peuvent bien aussi les avoir provoqués, comme on le fait encore aujourd’hui, par manière d’expérience. — Les chiens Indiens… Voir sur cette espèce de chiens l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. XXVII, § 11, où toutes les observations présentées ici le sont avec plus de détails, notamment en ce qui concerne les chiens Indiens, qui provenaient à la troisième génération d’un tigre et d’une chienne. Aristote rapporte d’ailleurs ces particularités d’après des traditions auxquelles il n’a pas l’air de croire beaucoup.
  147. Comme les perdrix et les poules. Il aurait fallu préciser la pensée davantage, et indiquer les accouplements hybrides qu’on supposait ; car il ne peut pas s’en produire entre les poules et les perdrix. — Les éperviers d’espèces diverses. Je ne sais pas si la science moderne a confirmé ce fait, qui d’ailleurs n’aurait rien d’impossible. Les éperviers sont de la famille des faucons, qui comprend aussi les aigles ; leurs espèces sont nombreuses et assez rapprochées les unes des autres ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 333, édit. de 1829. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. V, § 1, de ma traduction, Aristote distingue deux espèces d’éperviers. — On n’a encore observé rien. Preuve nouvelle de l’importance qu’Aristote attache à la méthode d’observation. — Rhinobates. J’ai conservé le mot grec, parce que l’identification est incertaine. — D’une raie et d’une lime. Voir sur ces deux poissons l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. X, § 21, de ma traduction ; le fait d’ailleurs n’est rien moins que certain, et Cuvier le réfute, Règne animal, tome II, p. 395, en note, édit. de 1829. La science moderne a conservé le nom.
  148. Le

    Page:Aristote - Traité de la génération des animaux - tome II.djvu/120 modifier

    proverbe… dans la Libye. Tous ces détails se retrouvent en termes presque identiques dans l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. XXVII, § 9 et 10. — Qui ne sont pas de la même espèce. Mais qui doivent être d’espèces assez rapprochées, comme il a été dit un peu plus haut, § 6. — De genre identique. La Nature a posé des limites à ces accouplements, qui sont toujours très rares, même en Libye.

  149. Semblent aussi… Le doute est justifié, et cette génération contre nature est bien vite épuisée. — À leur tour produire. La fécondité ne persiste guère au delà de la troisième génération, et c’est à peine si elle va jamais jusque-là. — Mais les mulets. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIX, § 5, Aristote parle des mulets de Syrie comme pouvant se reproduire indéfiniment ; mais il est probable qu’il s’agit d’hémiones, et non de mulets proprement dits. — D’où vient la stérilité. C’est une question fort délicate et fort obscure, même pour la physiologie de nos jours. — L’espèce tout entière. La distinction est juste ; mais c’est que l’espèce des mulets n’est pas naturelle, et la reproduction s’arrête pour eux dès le premier degré.
  150. Plus nombreuses. Sous-entendu : « que chez les mulets », où la cause de stérilité est originelle et unique. — Peut être de naissance. Les exemples sont assez fréquents. — N’ayant pas de poils au pubis. Ce défaut n’est pas un signe péremptoire de stérilité. — N’ayant pas de barbe. Il y a des hommes sans barbe qui n’en sont pas moins féconds, ni moins forts ; mais ce sont, il est vrai, des exceptions. — Dans le cours de la vie. Ceci est exact. — Excès d’embonpoint… trop bien portant. Même remarque. — Par suite de maladie. Et surtout par suite d’abus. — Évacuations viciées. Par exemple, les flueurs blanches.
  151. Bien des hommes et bien des femmes. Tous les détails contenus dans ce paragraphe sont exacts ; mais ils répètent ce qui vient d’être dit sous une autre forme. — Un air masculin… un air de femme. Ceci est également très exact. — Léger et froid. Il serait plus vrai de dire : « aqueux et liquide ». A l’état sain, le sperme doit être assez épais.
  152. Des expériences faites avec de l’eau. Ainsi les Anciens pratiquaient la méthode de l’expérience, aussi bien que celle de l’observation. Les Modernes ont extrêmement développé ces méthodes ; mais ils ne les ont pas inventées. — Se dissout très vite. La densité du sperme est plus grande que celle de l’eau. Il se mêle à ce liquide en proportion du mucus qu’il contient. Chimiquement, il se compose, d’après Vauquelin et Berzélius, de 90 parties d’eau, de 6 parties d’une matière organique appelée spermatine, de 3 parties de phosphate de chaux, et de 1 partie de soude. — Celui qui est fécond tombe au fond. Je ne sais si le fait est exact. Peut-être cette observation s’adresse-t-elle plus spécialement à la spermatine, bien que les Anciens ne pussent pas la distinguer, comme nous le faisons aujourd’hui. — Compact et épais. Cette observation est exacte. — Si la mauvaise odeur… leur haleine. Ceci est exagéré, quoique ce ne soit pas tout à fait faux. — Les couleurs qui cernent leurs yeux. Ces signes sont trop évidents pour que, même dans l’Antiquité, on ait pu les méconnaître. — La couleur de la salive. Ce signe est moins certain que le précédent.
  153. Sont obstrués et bouchés. Il est possible que le désordre des fonctions se manifeste sous d’autres formes ; mais celle-ci peut en être une. — La région des yeux… Tout ce paragraphe contient de précieuses vérités, aujourd’hui banales, mais qui étaient bien neuves du temps d’Aristote. Ce n’est pas d’ailleurs la région seule des yeux qui est affectée ; ce sont surtout les yeux mêmes, et les altérations y sont frappantes pour leur éclat et leur vivacité. — Les yeux le révèlent sur-le-champ. Chacun de nous a pu faire de ces observations, sans avoir besoin d’être médecin ou physiologiste. — Ressemble beaucoup à celle du cerveau. C’est sans doute dire trop ; mais les relations étroites des deux organes sont incontestables. — Aqueuse. L’analyse chimique démontre le fait. — Odeurs… haleine. Il semble que ce paragraphe se rapporte au précédent, qu’il ne fait guère que répéter.
  154. Un peu plus haut. Voir plus haut, ch. IX, § 9. — Quelle est la cause de ce fait. Il semble que la discussion de ce fait, tout curieux qu’il est, n’est pas bien placée ici. — Empédocle et Démocrite. Sur les travaux zoologiques d’Empédocle et de Démocrite, voir ma Préface à l’Histoire des Animaux, pp. LVIII et LXI. Aristote se borne ici à discuter leurs théories sur la stérilité du mulet. — Et sans faire de distinction. Le texte n’est pas aussi explicite. — Sans être congénères. Comme l’âne et le cheval.
  155. Ainsi, Démocrite assure. Il est probable que cette assertion ne reposait pas sur des observations anatomiques. — Ce phénomène se présente aussi. On ne voit pas comment on avait pu s’en assurer. — Chez d’autres animaux. Il aurait fallu désigner ces animaux plus précisément. — N’en sont pas moins féconds. Le fait est peu probable ; et la génération s’arrête vite chez les hybrides. — Dans les mêmes conditions irrégulières. J’ai ajouté cette épithète. Du reste, la pensée de ce paragraphe n’est pas assez claire, et l’auteur ne l’a pas assez développée. Les mulets sont les plus remarquables des hybrides ; et même aujourd’hui, c’est surtout d’eux qu’on s’occupe dans l’étude des accouplements contre nature.
  156. Quant à Empédocle… La pensée d’Empédocle est beaucoup plus nette que celle de Démocrite ; mais la cause qu’il assigne à la stérilité des mulets n’est pas plus acceptable. Il est vrai que, même de notre temps, on ne connaît pas encore cette cause, malgré beaucoup de recherches. — Fluide et molle. Le texte grec n’a que le dernier mot, qui ne m’a pas semblé suffisant. — Les vides de l’un… Cette explication est tout hypothétique, et Aristote la réfute. — Le cuivre se durcit… Mêlé à l’étain, le cuivre produit le bronze, qui est en effet plus dur que l’un et l’autre pris séparément. Les Anciens faisaient usage du bronze plus que nous. — Une telle cause. Je ne sais si aujourd’hui nous pourrions mieux expliquer cette cause. — Dans nos Problèmes. Les Problèmes, tels que nous les avons maintenant, ne renferment rien qui se rapporte à ce passage. — De faits bien connus. On voit qu’Aristote s’en tient toujours étroitement à la méthode d’observation ; sans la connaissance préalable des faits, il est impossible d’établir des théories vraies.
  157. De vin et d’eau par exemple. Cet exemple vulgaire est choisi à dessein pour bien montrer l’erreur d’Empédocle. — Ceci dépasse notre intelligence. Il y a cette nuance d’ironie dans le texte. — À l’observation sensible. Les Anciens n’avaient point les instruments puissants dont nous disposons aujourd’hui ; mais leur attention n’était pas moins vive à bien observer les phénomènes, avec le simple secours des sens.
  158. D’autre part. Cette objection contre la théorie de Démocrite est très forte, étant donné le principe d’où il part. Pourquoi ce qui se produit pour la génération du mulet ne se produit-il pas pour la génération naturelle des chevaux et des ânes ? — L’un ou l’autre des parents… Il y a cependant une différence entre le mulet et le bardot, que le bardot vient d’un cheval et d’une ânesse, tandis que le mulet vient d’un âne et d’une jument. Le produit n’est pas tout à fait le même ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIV, § 1, et la note. — Sont mous et fluides. Ici encore il n’y a qu’un seul mot dans le texte : voir plus haut, § 3.
  159. Le cheval femelle et mâle. C’est la formule du texte, que j’ai cru devoir conserver. — Une certaine unité. Plus haut, la pensée d’Empédocle est rendue plus nettement ; ce n’est pas une simple unité qui se forme des deux spermes ; mais c’est un mélange qui est dur, tandis que les deux éléments qui forment ce mélange sont mous. — Il faudrait… Ceci n’est que la répétition de ce qui précède, au § 5. — Qu’un seul des deux qui s’accouplât. C’est-à-dire, si c’était le cheval seul qui s’accouplât à l’ânesse, ou si c’était l’âne seul qui s’accouplât à la jument. D’ailleurs, ce passage reste obscur, et MM. Aubert et Wimmer y proposent, et adoptent dans leur traduction, une correction fort ingénieuse, mais qui n’a pas pour elle l’autorité des manuscrits : « que la semence de l’âne est cause que le mulet ne peut engendrer ». — La semence de l’âne… C’est la traduction exacte du texte grec ; mais la pensée reste obscure. — Si c’était celle du congénère. C’est-à-dire, du cheval uni à la jument, ou de l’âne uni à l’ânesse.
  160. Indistinctement aux deux sexes. Ici, les deux sexes sont la mule et le mulet, qui, dans ces théories, doivent être également stériles. — Mais le mâle seul peut engendrer… La même assertion se retrouve dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIV, § 1. — Jusqu’à sept ans. Le texte n’est pas aussi précis ; mais, rapproché du passage de l’Histoire des Animaux, il ne peut avoir que ce sens. — Pourtant, on cite… Le texte est moins développé.
  161. Une explication, toute logique. On voit qu’Aristote ne repousse point le secours de la logique et de la raison : mais il n’emploie cette méthode qu’avec grande circonspection ; et il fait passer les phénomènes en première ligne. L’argument qu’il donne n’est pas sans force ; mais des faits contraires, s’ils étaient constatés, suffiraient à le détruire. — Plus elle s’éloigne… Voilà le motif grave qui doit en général rendre la logique, si ce n’est suspecte, au moins d’un usage rare et difficile. — La voici… Le raisonnement semble juste ; mais ce n’est qu’un raisonnement toujours douteux, si les faits ne le vérifient pas. — Le chien… le lion. L’accouplement du chien et du lion n’a rien de réel : c’est une simple supposition admise pour faciliter le raisonnement.
  162. Par conséquent… Suite de la même hypothèse logique, qui ne repose pas sur les faits, mais qui cherche à les expliquer. — Mâle ou femelle. J’ai imité la formule même du texte ; mais on pourrait traduire aussi : « S’il se produit, soit un mulet, soit une mule ». — Il s’ensuit que le mulet ne peut rien produire. La conclusion n’est pas du tout certaine, comme l’auteur semble le croire. — De la même espèce qu’eux. C’est le fait naturel et constant. — Qui est autre aussi. Ceci est évident ; mais la question n’est pas là, et il s’agit uniquement de savoir pourquoi le mulet est stérile ; c’est le point spécial qu’il fallait traiter.
  163. J’avoue. L’expression du texte n’est pas aussi vive ; mais cette nuance y est implicitement comprise. — Assez vide. C’est la formule dont Aristote se sert assez souvent, contre les théories purement métaphysiques qu’il combat. — Sont vides. La répétition est dans l’original. — Et sans force. J’ai ajouté ces mots. — Ils semblent… Ils n’ont qu’une apparence trompeuse, et ils ne démontrent pas. — Vide et creux. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Ainsi que nous l’avons déjà dit. Il y a, dans tout ce qui précède, une foule de passages auxquels ceci peut s’appliquer. — Il naisse souvent des êtres féconds. Sous une autre forme, c’est le principe même de la perpétuité des espèces.
  164. Ce n’est pas là une méthode à suivre. Il est impossible de se prononcer plus nettement en faveur de la méthode d’observation, dans les sciences en général, et spécialement en histoire naturelle. La logique ne doit être appliquée que dans les questions où l’observation n’est pas possible. — En observant les faits. Aristote ne s’est jamais écarté de cette méthode, qu’il n’a pas créée précisément, mais qu’il a comprise et appliquée aussi bien que nous pouvons le faire. — On se rendra bien mieux compte… C’est le moyen le plus sûr, sans que d’ailleurs il soit absolument efficace. — D’abord, on voit. C’est la constatation des faits les plus frappants. — Un seul petit. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XX, §§ 2 et 3, de ma traduction, et liv. VI, ch. XXIII, §§ 2, 3, 4. — À de longs intervalles. Il faut d’ailleurs que les femelles soient en chaleur.
  165. La plus faible émission. Je ne sais pas si cette observation a été confirmée par la science moderne. En général, l’évacuation mensuelle est très faible chez tous les quadrupèdes. — Lui donnent des coups de fouet. Cette coutume existe toujours dans plus d’un pays ; et elle vient de la cause qu’indique Aristote, c’est-à-dire de la facilité qu’a l’ânesse à perdre immédiatement la semence qu’elle vient de recevoir. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIII, § 1, et la note empruntée à Buffon. — Un animal froid. Aristote explique lui-même ce qu’il entend par là. — Où l’hiver est trop rude. Ceci est exact. — La Scythie. C’est la contrée au delà du Danube, et la Russie. — Les Celtes, au nord de l’Ibérie. C’est la France, dont le climat, au temps d’Aristote, était sans doute plus rude qu’il ne l’est de nos jours. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VIII. ch. XXIV, § 1.
  166. Au solstice d’été. L’ânesse portant douze mois, les ânons naissent ainsi en pleine chaleur, vers la fin de juin. — Le cheval et l’âne portent un an. Dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXII, § 2, la durée de la gestation de la jument n’est pas fixée avec autant de précision.
  167. Comme on vient de le dire, plus haut, § 11. — Il faut nécessairement… C’est une conclusion peu sûre, tirée d’une simple hypothèse. — Ce qui le prouve. Cette preuve n’est rien moins que concluante. Je ne sais pas d’ailleurs si le fait cité par Aristote est certain. — Parce que sa semence est très froide. Il aurait fallu dire comment ce fait avait été constaté. — Sont plus chaudes. Même remarque. — Le produit qui en sort ne l’est plus. Ce sont là de pures hypothèses.
  168. Le cheval et l’âne. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté. — Les prédispose à être inféconds. On ne soit pas sur quoi repose une semblable assertion. — Ne peut plus engendrer jamais. Ceci est encore une simple hypothèse ; voir sur l’âne l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIII, p. 376, de ma traduction. Il n’y est rien dit d’ailleurs de ce qu’on avance ici. C’est sans doute une opinion populaire, qu’Aristote aura recueillie. — Il s’en faut donc de bien peu. Cette nouvelle assertion n’est pas moins arbitraire que les précédentes. — Il est disposé… à être stérile. Tout au contraire, le cheval est très prolifique, comme le prouvent les étalons. — Se mêle à celle de l’âne. La même chose à peu près est dite dans l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXIII, § 2.
  169. L’âne est donc bien près… Ce qui peut justifier en partie cette théorie, c’est le fait des finesses avant tant de peine à garder la liqueur séminale qu’elles viennent de recevoir. — N’est plus naturel. L’accouplement d’où naissent le mulet et le bardot n’est pas selon les lois habituelles de la Nature. — À plus forte raison… C’est un nouvel argument pour expliquer la stérilité du mulet. — Le sera-t-il de toute nécessité. Le fait est certain, si l’explication ne l’est pas.
  170. Ce qui fait… Ici encore, on peut contester l’explication que donne Aristote, bien que cette explication soit fort ingénieuse, ainsi que tout ce qui suit. — D’une année pour les deux espèces. L’observation est très juste. — Avec l’excrétion qui vient de la vessie. Je ne sais pas si la physiologie moderne a vérifié les faits sur lesquels Aristote s’appuie. Il semble supposer que les menstrues de la mule se mêlent à son urine, et que, ne pouvant nourrir son fœtus, elle reste nécessairement stérile. — Ils flairent l’excrétion elle-même. L’explication ne laisse pas que d’avoir de la vraisemblance.
  171. On a déjà observé. Nouvelle preuve de l’attention qu’apportait Aristote à observer exactement les phénomènes, avant de chercher à les expliquer. — Impossible qu’elle nourrisse. C’est tout au moins très spécieux. — Il pourrait sans doute engendrer. Ainsi, Aristote semble imputer la stérilité à la mule toute seule. — Un Ginnos. J’ai dû conserver le mot grec. — Des Ginnos qui viennent du cheval et de l’âne. Ceci semble une contradiction de ce qui vient d’être dit sur le Ginnos, qui semblait ne provenir que du mulet tout seul. — Arrière-porcs. C’est la traduction exacte de l’original. Comme la truie fait beaucoup de petits, il arrive assez souvent que les derniers sont mal conformés. — Qui peut atteindre un fœtus quelconque. Le fait est exact. — Nains ou pygmées. Il n’y a que le dernier mot dans le texte. Voir sur les Pygmées l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. XIV, § 3, p. 58, de ma traduction. — On a pu remarquer, dans cette fin du second Livre, que les idées sont souvent confuses, et qu’elles ne sont pas classées avec assez d’ordre. Ce même défaut se retrouve dans plusieurs autres parties de toute l’histoire naturelle d’Aristote. Cette exposition irrégulière peut nous choquer à bon droit. Mais pour la comprendre et l’excuser, il faut se reporter aux conditions dans lesquelles était alors placée l’Antiquité ; la science y est déjà fort avancée, si l’on considère le nombre prodigieux des faits bien observés ; mais le langage de la science n’a pas encore la rigueur et la clarté qu’il a pu acquérir aujourd’hui, après tant de travaux accumulés par les siècles. On doit en outre se rappeler la mort prématurée d’Aristote, qui ne lui a pas permis de mettre la dernière main à ses écrits. Mais son style, malgré les justes critiques dont il peut être l’objet à certains égards, a très souvent une grandeur et une netteté que personne n’a dépassées, même dans du temps beaucoup plus favorisés que le sien. Voir sur ces questions les préfaces à l’Histoire des Animaux, p. CXII ; et au Traité des Parties, p. V, et D. p. CXCIX ; Voir aussi la préface au présent Traité de la Génération des Animaux, où la question a été traitée de nouveau.