Dictionnaire de la Bible/Tome 2.2.c ESCOBAR-FUSEAU

Dictionnaire de la Bible
Letouzey et Ané (Volume IIp. 1927-1928-imp.).

1927

ESCLAVE — ESCOL (VALLÉE D’)

1928

en quelques traits instructifs le portrait des esclaves employés dans une maison. Le serviteur fidèle et prudent, que le maître a chargé de veiller sur ses gens et de leur distribuer la nourriture, se verra confier des fonctions encore plus importantes, si son maître le trouve toujours à son devoir. Quant à l’esclave négligent, qui abuse de l’absence de son maître pour battre ses compagnons, manger et boire avec les débauchés, il sera maltraité comme il le mérite. Matth., xxiv, 45-51. L’esclave vigilant se tient en costume de service et la lampe à la main pour attendre le retour de son maître, à la deuxième ou à la troisième veille, c’est-à-dire même après minuit passé. Le châtiment atteindra l’esclave qui a connu la volonté du maitre et ne l’a pas exécutée, et, proportion gardée, celui qui n’a pas connu la volonté de son maître, mais s’est mal comporté. Luc, xii, 35-38, 42-48. Quand l’esclave revient des champs, il a encore à préparer le souper de son maître, à le ceindre ; à le servir, à attendre qu’il ait fini son repas. C’est seulement ensuite qu’il peut songer à sa propre nourriture. En servant son maître le premier, malgré sa propre fatigue, il ne fait que son devoir, sans qu’on ait à lui en rendre grâces. Luc, xvii, 7-9. — 3° Dans leurs Épitres, les Apôtres rappellent aux maîtres les devoirs de justice qu’ils ont à remplir vis-à-vis de leurs esclaves, Col., iv, 1, et à ceux-ci la soumission à laquelle ils sont obligés à l’égard des maîtres. Eph., VI, 5 ; Col., iii, 22 ; Tit., ii, 9 ; I Petr., ii, 18.

V. Les esclaves dans le sens métaphorique ou spirituel. — 1° La Sainte Écriture prend quelquefois le mot’ébéd dans un sens moins strict que celui d’esclave proprement dit. Elle appelle de ce nom ceux qui tiennent à quelque supérieur par un lien de dépendance, comme les ministres d’un roi, Gen., XL, 20 ; Exod., v, 21 ; I Reg., xvi, 18 ; xxix, 3, etc., ceux-ci pouvant d’ailleurs parfois être des esclaves de naissance ; les soldats qui obéissent à un chef militaire. II Reg., ii, 12, 13 ; iii, 22, etc. — 2° La politesse orientale exige que quand on parle à un supérieur, on se dise son esclave. Le mot’ébéd revient continuellement dans les textes sacrés avec ce sens métaphorique. Gen., xxxii, 18, 20 ; xxxiii, 5 ; xlii, 10 ; xliii, 28 ; xliv, 7 ; xlvi, 34 ; xlvii, 3 ; Num., xxxi, 49 ; xxxii, 25 ; Ruth, ii, 13 ; iii, 9 ; I Reg., xviii, 32, etc. Abigaïl fait même répondre à David, qui lui propose de l’épouser, qu’elle est son esclave (’âmdh) pour être l’esclave (sifhâh) qui lavera les pieds des esclaves (’abdim) de son seigneur. I Reg., xxv, 41. Il est difficile de pousser plus loin la formule de l’humilité. — 3° À plus forte raison, on prend le nom d’esclave quand on parle à Dieu. Gen., xviii, 3, 5 ; xix, 19 ; xxxii, 10 ; Exod., iv, 10. Ici, le mot’ébéd ne constitue plus une simple formule, puisque Dieu est le maitre de l’homme beaucoup plus que celui-ci ne l’est de son esclave. Le nom d’esclave ou de serviteur du Seigneur est donné à Moïse, Deut., xxxiv, 5 ; à Josué, xxiv, 29 ; à Samuel. I Reg., iii, 9. Marie prend le nom de 80û).ï] Kupîou, « esclave du Seigneur, » Luc, i, 38, pour marquer son total acquiescement à la volonté divine, qui lui est révélée par l’ange. Dieu se plaît lui-même à appeler son’ébéd, « son esclave, » c’est-à-dire son serviteur parfaitement obéissant, Moïse, Jos., i, 2, 7 ; Job, i, 8 ; ii, 3 ; David, II Reg., vii, 5 ; III Reg., xi, 13 ; etc. Il appelle aussi de ce nom son peuple élu, Is., xli, 8 ; Jer., xlvi, 27, 28, pour indiquer ce qu’il devrait être plutôt que ce qu’il est, et même Nabuchodonosor, Jer., xxv, 9 ; xxvii, 6, en tant qu’agissant au nom de Dieu pour le châtiment des Israélites. — 4° Les Apôtres aiment à s’appeler dans un sens figuré les « esclaves de Jésus-Christ », c’est-à-dire ses ministres. Rom., i, 1 ; Phil., i, 1 ; Jac, i, 1 ; II Petr., i, 1 ; Jude, 1. Saint Paul fait profession d’être l’esclave de tous. I Cor., ix, 19 ; II Cor., iv, 5. Les chrétiens, jadis « esclaves du péché », Joa., vui, 34 ; Rom., vi, 17 ; II* Petr., ii, 19, sont devenus par la grâce « esclaves de la justice », Rom., vi, 18, et du Christ. I Cor., vii, 22. "..-..,

. VI. Le Messie’ébéd de Jéhovah. — Par deux fois, le Seigneur promet d’envoyer au monde son’ébéd. Is., xlii, 1 ; Zach., iii, 8. Jésus-Christ a été cet’ébéd ; « il s’est anéanti en prenant la forme d’esclave, » Phil., ii, 7, et n’a vécu sur la terre que pour faire la volonté de son Père, comme un esclave fidèle fait celle de son maître. Joa., vi, 38. Cf. H. Hottinger, De servo Dei electo, dans le Thésaurus de Hasée et Iken, Leyde, 1732, t. i, . p. 892-897. — Voir M. Maimonide, De servis et ancillis tractatus, trad. de J. C. Kall, Copenhague, 1744 ; M. Mielziner, Die Verhâltnisse der Sklaven bei den alten Hebràern, nach biblischen und talmudischen Quelle », dargestellt, in-8°, Copenhague, 1859 ; Sam. Meyer, Die Rechte der Isræliten, Athener und Hômer, 2 in-8°,

Leipzig, 1862-1866, t. ii, p. 40-67.
H. Lesêtre.

ESCOBAR Y MENDOZA Antoine, jésuite espagnol, né à Valladolid en 1589, mort dans la même ville le 4 juillet 1669. Entré au noviciat des Jésuites le 16 mars 1605, il fut presque toute sa vie appliqué à la prédication et se fit un nom dans la chaire ; il prêcha pendant cinquante ans le carême. Ses ouvrages sur l’Écriture Sainte se ressentent un peu de ce ministère, auquel il s’adonna spécialement. Mais c’est surtout comme théologien moraliste qu’il est connu, grâce à Pascal, qui a immortalisé son nom. Ses ouvrages exégétiques sont : 1° In caput VI Joannis de augustissimo ineffabilis Eucharisties arcano, in-f », Valladolid, 1624. — 2° In Evangelia Sanctorum et temporis, Christi, Deiparse, Apostolorum… Tomus primus de Sanctis. Christus. Volumen prius, in-f », Arcos, 1637 ; — Volumen l-vi. Lignum vitale, in-f", Lyon, 1642-1648. Chacun de ces volumes a un sous-titre : Christi vita, — Christi solernnia, — Maria vera, — Sunamitis, — Apostoli, — Religionum fundatores, — Angeli, martyres, conf essores. .., defunctorum obsequia. — 3° In Evangelia temporis commentarii. Lignum vitale Christi miracula, — persecutiones, — colloquia, — sermones, — prophétise,

— paraboles, 6 in-f°, Lyon, 1648. — 4° Vêtus ae Novum Testamentum litteralibus et moralibus commentariis illustratum, 8 in-f°, Lyon, 1652-1667. — 5° In Canticum commentarius sive de Marias Deiparss elogiis, in-f°, Lyon, 1669. C. Sommervogel.

1. ESCOL (hébreu : ’Éskôl ; Septante : ’ErçtSX), Amorrhéen, frère de Mambré et d’Aner ; tous les trois firent alliance avec Abraham et poursuivirent avec lui Chodorlahomor et ses alliés. Gen-, xiv, 13, 24. Ils habitaient près d’Hébron. Gen., xiii, 18. La vallée d"É$kôl, aux environs de cette ville, lui doit son nom, d’après quelques-uns. Voir Escol 2. Josèphe, Ant. jud., i, x, 2, le nomme’Ea^tôXn ; , et prétend qu’il était l’aîné : ce qui s’accorde bien avec l’ordre suivi par les Septante, dans Gen., xiv, 24 ; mais non avec l’hébreu massorétique, qui nomme Aner le premier.

2. ESCOL (VALLÉE D’) (hébreu : Nahal’ÉSkôl ; Septante : (fâpatf pâxpuoç ; Vulgate : Torrens botri, Num., xiii, 24 ; Nehelescol, id est Torrens botri, Num., xm, 25 ; Vallis botri, Num., xxxil, 9 ; Deut., i, 24), vallée des environs d’Hébron, d’où les espions envoyés par Moïse, pour explorer la Terre Promise, rapportèrent une magnifique grappe de raisin, avec des grenades et des figues. Num., xiii, 24 ; xxxii, 9 ; Deut., i, 24. Les versions grecque et latine ont traduit littéralement l’hébreu ; ’éskôl veut dire, en effet, « grappe » de raisin. D’après le texte sacré, Num., xiii, 25, le lieu en question devait son nom au fait lui-même mentionné Num., xiii, 24. Il faut remarquer cependant que, bien avant l’arrivée des Hébreux en Chanaan, l’un des frères de Mambré s’appelait Escol. Gen., xiv, 13. Celui-ci aurait-il primitivement, comme celui-là, donné son nom à une vallée voisine d’Hébron, nom que les Israélites auraient plus tard 1929

    1. ESCOL##

ESCOL (VALLÉE D’) — ESDRAS

1930

appliqué sous forme de paronomase, suivant leur habitude ? Nous ne savons. — Eusèbe, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 299, expliquant le çâpce-jÇ pVS-rpuoç, dit, d’après une tradition, que « c’est Gophna (aujourd’hui Djifnéh), dont le nom signifie vigne, et qui est éloignée d’jElia de quinze milles (vingt-deux kilomètres), sur la route conduisant à Neapolis (Naplouse) ». Mais il a soin d’ajouter : « on se demande si cette tradition est fondée. » Il n’y a, en effet, aucune raison pour aller chercher si loin l’endroit dont nous parlons. Saint Jérôme, Epist. cviii, Epitaph. Paulse, t. xxil, col. 886, est plus dans le vrai en le plaçant au sud de Jérusalem, entre Bethsur (actuellement Beit Sour) et Hébron. On a signalé au nord de cette dernière ville, à quelques minutes de distance, une source appelée’Ain Keschkaléh, mais mentionnée aussi sous la dénomination à"Aïn Eshali par Van de Velde, Reise durch Syrien und Palâstina, Leipzig, 1855, t. ii, p. 97 ; Memoir to accompany the Map of the Holy Land, Gotha, 1858, p. 210, et F. de Saulcy, Voyage en Terre Sainte, Paris, 1865, 1. 1, p. 152, Quelle est la vraie forme du mot ? Est-ce un même nom. dont la prononciation vulgaire laisserait tomber la première consonne ? Ce sont des questions qu’il nous serait difficile de trancher. Il y a donc là une certaine similitude, mais elle n’assure pas complètement l’identification. Suivant M. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 216, la colonie israélite qui habite aujourd’hui Hébron identifie la vallée d’Escol avec Vouadi Teffâh, qui s’étend à l’ouestnord-ouest de cette ville, vallée où l’on admire encore de belles plantations de vignes. Ce qu’il y a de certain, c’est que ces environs d’Hébron sont réputés pour leur fertilité, riches en vignobles et arbres à fruits, oliviers, figuiers, grenadiers, etc. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 214 ; Physical Geography of the Holy Land, Londres, 1865, p. 110 ; H. B. Tristram, The Land of Israël, Londres, 1866, p. 397 ; W. M. Thomson, The Land and the Book, Soutliern Palestine, Londres, 1881, p. 277 ; C. R. Conder, Tent Work in Palestine, Londres, 1889, p. 237. D’après ces auteurs, c’est là qu’on voit les plus beaux raisins de tout le pays. On y trouve des grappes pesant dix et douze livres. Cependant si celle que cueillirent les explorateurs hébreux fut « portée par deux hommes au moyen d’une perche », Num., xiii, 24, ce n’est pas qu’un seul en eût été incapable, mais ce mode de transport permettait de’la conserver plus fraîche jusqu’au retour.

A. Legendre.

ESDRAS. Hébreu : ’Ëzrâ’, « secours ; » Septante : "E<r8poc. Nom de plusieurs personnages et titre de deux livres canoniques et de deux livres apocryphes.

^ 1. ESDRAS, prêtre et scribe, qui ramena de Babylone en Judée la seconde caravane de captifs, auteur du premier livre d’Esdras (Voir Esdras 5).

I. Histoire d’Esdras. — Il nous a fait connaître lui-même sa généalogie. I Esdr., vii, 1-5. Il descendait d’Aaron par Phinées, Achitob, Sadoc, Helcias. Il se dit fils de Saraïas. Quelques commentateurs pensent que le mot « fils » doit se prendre ici à la lettre et que son père était réellement un prêtre, d’ailleurs inconnu, appelé Saraïas ; mais on croit plus communément que le mot « fils » signifie simplement dans ce passage, comme dans plusieurs autres, « descendant » et qu’Esdras, énumérant seulement ses principaux ancêtres, rappelle qu’il avait pour aïeul le grand prêtre Saraïas, contemporain de Sédécias, qui fut mis à mort à Reblatha par ordre de Nabuchodonosor, IV Reg., xxv, 18-21, environ 130 ans avant l’arrivée de son arrière-petit-fils en Palestine. — Les -détails authentiques de l’histoire d’Esdras ne nous sont connus que par le livre qu’il nous a laissé, I Esdr., vn-x, et par celui de Néhémie. II Esdr., vm ; xii, 26. Cf. Josèphe, Ant. jud., XI, v, 1-5. — Le temple de Jérusalem, que le décret de Cyrus en 536 avait permis de rebâtir,

I Esdr., i, 1-4, avait été enfin achevé, après de longues difficultés et au prix de grands efforts, en 516, sous le règne de Darius I er, .fils d’Hystaspe. Esdras, plein de zèle et de piété en même temps que de science, conçut à Babylone, où il vivait au milieu des Juifs, qui y étaient demeurés depuis Cyrus, le projet d’aller à Jérusalem, pour y rehausser l’éclat du culte qu’on rendait à Dieu dans son temple et pour travailler à la réforme des abus qui s’étaient glissés parmi les Juifs de Palestine. Afin de réaliser son dessein, il mit à profit la faveur dont il jouissait auprès du roi de Perse, Artaxerxès I er Longuemain (464-424). Voir Artaxerxès 1, t. i, col. 1040.

II obtint de ce prince l’autorisation d’aller en Judée avec d’autres Juifs vivant comme lui à Babylone, et au nombre de plus de 1700. I Esdr., ii, 1-58 ; vu", 7 ; viii, 1-14. Le roi lui donna en même temps une somme d’argent, lui permit d’emporter les offrandes qui lui seraient faites pour le temple, et de demander aux gouverneurs royaux les sommes qui pourraient lui être nécessaires jusqu’à concurrence de cent talents d’argent, etc. Les prêtres, les lévites et les serviteurs du temple étaient en même temps affranchis de tout impôt, et Esdras recevait des pouvoirs très étendus qui comprenaient même le droit de vie et de mort. I Esdr., vii, 13-26.

Esdras donna rendez-vous à ceux qui devaient l’accompagner en Judée, sur les bords du fleuve Ahava (voir 1. 1, col. 290). Là on célébra un jeûne, pour obtenir un heureux voyage. On se mit en route sans aucune escorte.

I Esdr., viii, 22. Douze des principaux prêtres, aidés par dix de leurs frères, furent chargés dû trésor. I Esdr., vin, 24-30. Toute la caravane partit d’Ahava le 12 du premier mois, viii, 31, et elle arriva sans accident à Jérusalem le premier jour du cinquième mois (459 avant J.-C), vii, 8-9. Après avoir remis au Temple les trésors apportés de la Chaldée et avoir offert des sacrifices, Esdras se mit aussitôt à l’œuvre de la réforme qu’il avait projetée. Elle consista principalement à obliger les prêtres, les lévites et les autres Israélites qui avaient épousé des femmes païennes à s’en séparer, afin d’échapper aux dangers de perversion auxquels plusieurs avaient succombé. I Esdr., ix-x. II. accomplit cette œuvre dans un espace d’environ six mois, I Esdr., x, 17, et avec le plus grand succès, car on ne voit pas qu’il ait rencontré de résistance sérieuse. Le premier livre d’Esdras se clôt brusquement sur le récit détaillé de ce fait, et avec la liste de ceux qui répudièrent leurs épouses étrangères. Pendant les treize années suivantes, nous ignorons ce que fit le réformateur. La vingtième année d’Artaxerxès Longuemain (444), nous le retrouvons à Jérusalem avec Néhémie. II Esdr., ii, 1 ; viii, 1. On suppose généralement qu’il était resté, dans l’intervalle, en Judée, comme gouverneur du pays ; mais comme il n’avait quitté Babylone qu’avec une mission temporaire, I Esdr., vii, 14-15, on peut croire aussi qu’il était retourné auprès du roi de Perse, après les événements racontés à la fin de son livre : on s’expliquerait ainsi plus aisément, par son absence, les abus qui s’étaient de nouveau produits à Jérusalem à la suite de son départ et que le livre de Néhémie nous fait connaître. Néhémie était arrivé à Jérusalem avec des pouvoirs fort étendus, attachés à son titre d’ATHERSATHA (t. i, col. 1221). Esdras fut son principal auxiliaire dans toutes ses réformes religieuses, cf. II Esdr., viii, 9 ; xii, 26 ; c’est lui qui lit la Loi au peuple, qui l’interprète aux lévites, etc. H*Esdr., viii, 1-6, 13. Sa présence est mentionnée lors de la dédicace des murailles de Jérusalem,

II Esdr., xii, 35 ; mais son nom ne figure pas parmi ceux qui signèrent l’alliance, II Esdr., x, 1-27 (l’opinion de ceux qui supposent que le Saraïas ou l’Azarias du ^. 2 est Esdras semble peu vraisemblable). La signature de celui qui avait été un des principaux promoteurs de cet acte put être considérée comme inutile. (Sur l’opinion qui place les derniers événements de I Esdras après Néhémie, voir t. i, col. 1041.) — La date de la mort d’Esdras

est inconnue. Comme il n’est pas question, de lui à l’époque du second voyage de Néhémie à Jérusalem, la trente-deuxième année d’Artaxerxès Longuemain (433), on peut admettre qu’il était mort en Judée avant 433, ou bien qu’il était retourné en Babylonie. D’après Josèphe, Ant. jud., XI, v, 5, il serait mort à Jérusalem ; mais cet historien paraît mal renseigné sur la fin du célèbre réformateur, car il le fait mourir avant l’arrivée de Néhémie en Palestine, ce qui est en contradiction formelle avec II Esdr., ii, 1 ; viii, 1. D’après une tradition juive, il serait mort à Babylone, à l’âge de cent vingt ans ; d’après une autre tradition, c’est en revenant de Jérusalem à Suse, à la cour d’Artaxerxès, qu’il aurait terminé sa vie, dans le cours de son voyage, à Zamzoumou, sur le Tigre, près du confluent de ce fleuve avec

moire tous les livres hébreux de l’Ancien Testament, qui avaient été perdus. Cette fable trouva créance, même chez quelques Pères de l’Église. Voir J. Fabricius, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti, ccxxxiv, 2e édit., Hambourg, 17-22, t. ii, p. 1156-1160. — 3° Les auteurs juifs du moyen âge ont fait d’Esdras le président de ce qu’ils appellent la Grande Synagogue, n’rnin tidm, kenéséf hag-gedôlâh ; mais tout est controversé au sujet de cette institution, même son existence. Voir Canon, col. 140. — 4° La substitution de l’écriture carrée à l’ancienne écriture phénicienne, dans la transcription des Livres Saints, fut l’œuvre d’Esdras, d’après le Talmud, Sanhédrin, c. 2. Cf. S. Jérôme, Prolog, galeat., t. xix, col. 548-549. Il est néanmoins plus admissible que l’écriture hébraïque se modifia insensiblement et se trans 603. — Tombeau d’Esdras, snr les bords du Tigre, d’après une tradition Juive.

l’Euphrate. A. Layard, Nineveh and Babylon, 1853, p. 501-502. On voit là un tombeau qui porte son nom (fig. 603), et qui est depuis des siècles un lieu de pèlerinage pour les Juifs. — Esdras est l’auteur du livre qui porte son nom (I Esdras). On lui attribue aussi la rédaction des Paralipomènes ; quelques-uns ont cru, mais sans raison, qu’il avait également composé les deux derniers livres des Rois. Quant aux livres apocryphes connus sous les noms de troisième livre d’Esdras et d’Apocalypse ou quatrième livre d’Esdras, voir plus loin, col. 1948, et t. i, col. 765.

II. Légendes sur Esdras. — Esdras avait joué un rôle important à son époque, et les réformes qu’il avait introduites parmi les Juifs revenus de la captivité lui avaient acquis une telle réputation, que la légende ne tarda pas à s’emparer de sa personne et à en faire comme un second Moïse. Voir Jost, Geschichte des Isrælilen, Berlin, 1828-1847, t. iii, p. 44. — 1° On lui attribua, et avec quelque raison sans doute, une grande part dans la fixation du canon de l’Ancie.n Testament (Voir Canon, col. 138-140). — 2° Un livre apocryphe, le quatrième livre d’Esdras, xiv, 22-47, raconte qu’il dicta de îné forma d’elle-même avec le temps par variations graduelles. Voir Écriture, col. 1581-1582. On pourrait seulement supposer qu’Esdras autorisa officiellement, dans la transcription des Livres Saints, l’emploi de l’écriture carrée, déjà usitée dans l’usage profane. — Quant à l’invention des points-voyelles, dont on a voulu faire aussi honneur à Esdras ( voir Fabricius, Codex pseudepigraphus V. T., ccxxxv, p. 1160-1161), elle lui est de beaucoup postérieure, parce que ces points n’existaient pas encore lorsque saint Jérôme fit sa traduction de l’Ancien Testament. — 5° Les traditions juives attribuent à Esdras, probablement avec plus de raison, une part importantedans l’organisation des synagogues. On dit que ce fut lui qui établit le janir, tôrgoman, drogman ou « interprète », chargé de traduire et d’expliquer au peuple les Livres Saints. Megilla, f » 74. Voir Synagogue. — 6° Certains rationalistes de nos jours ont abusé des fablesjuives sur Esdras pour lui attribuer, sans preuves, la rédaction définitive du Pentateuque et du livre de Josué. Voir Pentateuque. F. Vigouroux.

2. ESDRAS, prêtre qui revint de Babylone avec Zoro1933

    1. ESDRAS##

ESDRAS (PREMIER LIVRE D’)

1934

babel. II Esdr., xii, 1, 13. En comparant la liste de ce chapitre xii avec celle du chapitre x, on est porté à identifier cet Esdras avec Azarias : la différence des noms est peu considérable en hébreu non ponctué entre nlff (Azarias) et >nîy (Esdras) : une faute de copiste était facile à faire.

3. ESDRAS, un des chefs de Juda qui assistait à la dédicace des murs de Jérusalem et accompagnait Néhémie. II Esdr., xii, 33.

4. ESDRAS. Un personnage de ce nom est mentionné par la Vulgate dans II Mach., viii, 23 ; mais c’est par erreur. Il s’agit, comme on lit dans le grec et le syriaque, d’Éléazar, le frère de Judas Machabée. Voir Éléazar 8, col. 1651.

5. ESDRAS (PREMIER LIVRE D’). Hébreu : N-tfy, ’Ezra’; Septante : "Es8pa « irpûTo ? ; Vulgate : Liber pritnus Esdrse.

I. Il est distinct du livre de Néhémie et des Para-LIPOMènes. — 1° Dans nos Bibles actuelles, le premier livre d’Esdras est séparé du second et porte un titre particulier ; mais ces deux écrits ont été réunis autrefois et étaient considérés par les Juifs comme ne formant qu’un seul et même ouvrage. Josèphe, Cont. Apion., i, 8, qui ne comptait que treize livres historiques de Moïse à Artaxerxès I er, groupait par conséquent les deux livres d’Esdras. Saint Méliton de Sardes, qui reproduit le canon juif de l’Ancien Testament, ne mentionne qu’un seul livre d’Esdras. Eusèbe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 397. Le Baba bathra (voir Canon, col. 140) n’en connaît qu’un non plus. L’union des deux écrits a persévéré longtemps chez les Juifs. Les massorètes ne comptent Esdras et Néhémie que pour un livre, Nlîy isd, qui contient 688 versets, et dont le milieu se trouve Neh., iii, 32. J. Buxtorf, Tiberias, Bâle, 1620, p. 134. Dans beaucoup de manuscrits hébreux, Néhémie n’est que la seconde partie du livre d’Esdras, et dans quelques-uns qui proviennent d’Espagne ou de Naples, le copiste a continué la ligne et n’a laissé aucun intervalle entre les deux écrits. De Rossi, Varies lecliones Veteris Teslamenti, Parme, 1788, t. IV, p. 157. On ne sait pas à quelle époque la séparation des deux livres s’est opérée dans les textes hébraïques et le second a reçu le titre de Néhémie. On peut légitimement présumer que c’est sous l’influence et par imitation des Bibles chrétiennes. — Anciennement toutefois, les chrétiens ont connu et suivi l’usage juif de réunir en un seul volume les deux livres d’Esdras. Si les manuscrits des Septante contiennent deux livres d’Esdras, les plus anciens, tels que YAlexandrinus et le Sinaiticus, appellent "Ea8pa « np&To ; l’écrit apocryphe que nous nommons le troisième livre d’Esdras, et reproduisent sous le titre d’"Ea8pa ; SeÛTepo ; les deux livres d’Esdras et de Néhémie. Ainsi procèdent encore la Synopsis Sacrée Scriptural qui porte le nom de saint Athanase, t. xxviii, col. 332, et saint Chrysostome, Synopsis Sacrai Scriptural, t. lvi, col. 358. Plusieurs canons latins de la Bible ne mentionnent qu’un seul livre d’Esdras ; ainsi le catalogue du Codex Claromontanus (voir col. 147), qui compte 1 500 versets ou stiques ; le canon découvert par Mommsen, qui annonce vingtquatre livres de l’Ancien. Testament et n’en nomme que vingt-trois, les deux livres d’Esdras étant oubliés (voir col. 152) ; le canon du Codex Amiatinus, cf. Tischendorf, Codex Amiatinus, Leipzig, 1854, p. xvi ; le canon d’un manuscrit de Bobbio, publié par Mabillon, Musseum italicum, Paris, 1687, 1. 1, p. 397 ; cf. Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, t. ii, Erlangen et Leipzig, 1890, p. 285 ; enfin le canon des soixante livres canoniques, cf. Zahn, ibid., p. 291. Dans plusieurs manuscrits latins de la Vulgate, Esdras et Néhémie sont divisés comme un seul tout, en soixante-cinq, trente-six ou trente-huit chapitres. S. Berger, Histoire de

la Vulgate pendant les premiers siècles du moyen âge, Paris, 1893, p. 349. Les Pères grecs et latins, tout en admettant deux livres d’Esdras, savaient que les Juifs les réunissaient en un seul volume. Origène, In Ps. i, t. xii, col. 1084, cf. Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 581 ; S. Cyrille de Jérusalem, Catech., iv, 35, t. xxxiii, col. 500 ; S. Athanase, Epist. fest. xxxix, t. xxvi, col. 1777 ; S. Épiphane, De ponderibus et mensuris, 4, t. xlhi, col. 244 ; S. Hilaire de Poitiers, Ps. prol., n. 15, t. ix, col. 241 ; S. Jérôme, Epist. lui ad Paulinum, n.7, t. xxii, col. 548 ; Prsef. in lib. Esdr., t. xxviii, col. 1403 ; Rufin, In Symbolurn Apostol., 37, t. xxi, col. 374 ; S. Isidore de Séville, Elymol., i, 28, t. lxxxii, col. 233. Deux livres d’Esdras sont mentionnés dans le 85° canon apostolique : "EaSpa 8ûo ; cf. Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, t. ii, 1890, p. 192 ; dans le canon du concile de Laodicée : "Es8pa « a’xai (5’; Zahn, op. cit., p. 202 ; par saint Amphiloque : "E<r8pa « Ttpwro ; , e18’ô BeOrspo ; , Ad Seleucum, t. xxxvii, col. 1593 ; dans le décret de Gélase (voir col. 154) ; dans la lettre de saint Innocent à Exupère, évêque de Toulouse (Zahn, op. cit., p. 245) ; dans le canon du concile d’Hippone (Zahn, ibid., p. 252) ; par saint Augustin, De doctrina christ., ii, 8, t. xxxiv, col. 41 ; par Cassiodore, relatant l’ordre de l’ancienne version latine, Institut, div. litt., xiv, t. lxx, col. 1125 ; par Nicéphore, Chronograph., t. c, col. 1057. Mais dom Calmet, Dissertation sur le troisième livre d’Esdras, dans le Commentaire littéral, 2e édit., Paris, 1724, t. iii, p. 250, pense que « quand les Pères et les conciles des premiers siècles ont déclaré les deux livres d’Esdras canoniques, ils l’en-I tendaient suivant leurs exemplaires, qui ne faisaient qu’un

; livre du premier d’Esdras et de Néhémie, et qui comp ! taient pour premier d’Esdras celui qui est le troisième

dans nos Bibles ». M. Loisy, Histoire du canon de l’An ; cien Testament, Paris, 1890, p. 92, adopte ce sentiment et dit que l’ancienne Vulgate latine comprenait Esdras et Néhémie réunis. Quoi qu’il en soit, les commentateurs catholiques modernes expliquent généralement l’union des deux livres d’Esdras en un seul par le groupement que les Juifs firent de leurs Livres Saints de façon à ne pas dépasser les vingt-deux ou vingt-quatre lettres de l’alphabet hébreu ou grec. Ils tiennent ces deux écrits pour deux livres bien distincts, qui se relient intimement l’un à l’autre, mais dont le style, malgré certaines analogies frappantes, accuse deux auteurs différents. Voir Néhémie (Livre de).

2° Plusieurs critiques rationalistes de nos jours, s’appuyant sur l’ancienne réunion d’Esdras et de Néhémie, ne se sont pas contentés de réunir ces deux écrits ; ils les ont rapprochés encore des Chroniques ou Paralipomènes, et, faisant ressortir les affinités de plan, de méthode et de style que présentent ces trois livres, ils y ont vu les différentes parties d’un même tout, d’un ouvrage compact et unique, que Reuss, La Bible, Ancien Testament, 4 « partie, Paris, 1878, p. 3-51, a désigné sous l’appellation commune de Chronique ecclésiastique de Jérusalem. Non seulement les trois livres se suivent chronologiquement et ont entre eux unité de fond pour les choses racontées et la manière dont elles sont présentées ; mais même dans l’état actuel du texte, il reste des traces de l’unité primitive. Il semble, en effet, qu’entre les Chroniques et Esdras notamment, il y ait eu rupture violente plutôt que séparation, et la rupture a laissé subsister dans chaque partie des fragments qui la dévoilent à tous les regards et qui s’adaptent à merveille dès qu’on les rapproche. Les Chroniques, II Par., xxxvi, 22 et 23, se terminent par le décret de Cyrus, qui rend aux Juifs captifs la liberté de retourner à Jérusalem. Le premier livre d’Esdras, I, 1-4, débute par le même décret. Mais ce qui est tout à fait singulier, c’est que le texte du décret est incomplet à la fin des Paralipomènes et que la coupure s’est produite au milieu d’une phrase qui reste inachevée et dont la suite se lit I Esdr., i, 3. Il y a là une lacune béante entre

deux livres qui étaient primitivement unis, et qu’un travail d’école a plus tard plus ou moins heureusement séparés. Cf. Nôldeke, Histoire littéraire de l’Ancien Testament, trad. franc., Paris, 1873, p. 79 ; M. Vernes, Paralipomènes, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses, t. x, Paris, 1881, p. 189-191. Cette conclusion peut paraître spécieuse ; elle ne s’impose pas. La parenté littéraire des Paralipomènes et du premier livre d’Esdras s’explique suffisamment par la communauté d’auteur. La répétition du décret de Cyrus se comprend, puisque cet acte de liberté est la conclusion nécessaire des Chroniques et le point de départ du retour des captifs. Esdras l’a cité incomplètement la première fois ; parce qu’il voulait en rapporter le texte intégral dans un autre ouvragé. R. Cornely, Hist. et critica inlroductio in utriusque Testamenti libros sacros, t. ii, 1° pars, Paris, 1887, p. 329. Cf. J.-P.-P. Martin, Introduction à la critique générale de l’Ancien Testament. De l’origine du Pentateuque, t. ii, Paris, 1887-1888, p. 16-23.

II. Argument et. division du livre.— Le premier livre d’Esdras raconte l’histoire du retour et de l’établissement en Judée, d’abord sous la conduite de Zorobabel, puis sous celle d’Esdras lui-même, d’un certain nombre de Juifs captifs en Chaldée. Il commence par le décret de Cyrus, qui, en 536 avant J.-C, permit aux Israélites, transportés en Chaldée par Nabuchodonosor, de retourner dans leur patrie et de rebâtir le Temple de Jérusalem. Il relate les suites heureuses de ce décret de liberté et conduit son récit jusqu’au delà de là septième année du règne d’Artaxerxès LongueMain. Il embrasse donc une période d’environ quatre-vingts ans ; mais il est loin de rapporter tous les faits qui se sont produits dans ce laps de temps. Le récit ne contient que les événements les plus importants de cette période et concerne presque exclusivement la reconstruction du Temple au milieu des plus grandes difficultés et la restauration de la ville et du culte divin. Il se divise tout naturellement en deux parties principales, dont les événements sont séparés par un intervalle de cinquante-neuf ans. La première, i-vi, comprend le retour des Juifs sous la conduite de Zorobabel et leurs travaux pour reconstruire le Temple, de 536 à 516 avant J.-C. La seconde, vii-ix, raconte le départ d’une nouvelle caravane de Juifs rapatriés, la septième année d’Artaxerxès Longue -Main (457), et les efforts d’Esdras, leur chef, pour remettre en vigueur les prescriptions de la loi mosaïque et réorganiser le culte dans le Temple restauré.

III. Analyse du livre. — première partie. Retour en Judée, sous la conduite de Zorobabel, d’une première caravane de Juifs exilés, et reconstruction du Temple de Jérusalem, i, 1-vi, 22. — 1° Voyage de la caravane, entrepris sous les auspices de Cyrus et heureusement réalisé, I, l-’H, 70. — 1. Édit de Cyrus, roi des Perses, permettant la rentrée des Juifs en Palestine et la reconstruction du Temple de Jérusalem, i, 1-4. — 2. Départ d’une colonie de Juifs pour la Terre Sainte, 5-6. — 3. Cyrus fait rendre aux partants les vases et objets sacrés que les Çhaldééns avaient enlevés du Temple de Jérusalem, 7-11. — 4. Liste des Juifs qui revinrent à Jérusalem avec Zorobabel, ii, 1-70 : hommes du peuple, 2-35 ; prêtres, 36-39 ; lévites, 40-42 ; Nathinéens, 43-54 ; fils des serviteurs de Salomon, 55-58 ; Juifs, laïques ou prêtres, qui ne purent indiquer d’une manière certaine leur lignée, 59-63 ; nombre total des rapatriés, 64-67 ; leur heureuse arrivée en Palestine, 68-70. — 2* Reconstruction du Temple, commencée sans retard et bientôt suspendue à cause de la jalousie des Samaritains, iii, 1rv, 24. — 1. Érection de l’autel des holocaustes, reprise du sacrifice perpétuel et célébration de la fête des Tabernacles, m, 1-5. — 2. Commencement des fondations du Temple, 6-13. — 3. Opposition que les Samaritains font à la reconstruction du Temple, iv, 1-5. — 4. Leurs manœuvres auprès des rois de Perse pour empêcher la

restauration de la ville de Jérusalem, 6-16. — 5. Réponse d’Artaxerxès, qui interdit toute reconstruction, 17-22. — 6. Interruption des travaux commencés, 23-25. — 3° Reprise et achèvement de la construction du Temple, v, 1-vi, 22. — 1. Encouragés par les prophètes Aggée et Zacharie, les Juifs reprennent leurs travaux sans demander l’autorisation du roi, v, 1-2. — 2. Le gouverneur Thathanai en réfère à Darius, 3-17. — 3. Darius permet, par un rescrit, de poursuivre la reconstruction du Temple, vi, 1-12. — 4. Les Juifs achèvent les travaux et font la dédicace solennelle du nouveau Temple, 13-18. — 5. Célébration de la fête de la Pàque, 19-22. — deuxième partie. Esdras ramène une seconde caravane d’Israélites et poursuit l’œuvre de la restauration religieuse de la Judée, vu, 1-x, 44. — 1° Retour d’Esdras et de ses compagnons de Babylone à Jérusalem, vii, 1-vni, 36. — 1. Généalogie d’Esdras, vii, 1-5. — 2. Récit du voyage, 6-10. — 3. Édit d’Artaxerxès, conférant à Esdras une autorité suprême pour régler en Palestine toutes les affaires religieuses et civiles, 11-26. — 4. Action de grâces qu’Esdras rend à Dieu pour cet édit, 27-28. — 5. Liste des Juifs qui revinrent avec Esdras, viii, 1-14. — 6. Préparatifs du départ, 15-30.

— 7. Voyage et arrivée à Jérusalem, 31-36. — 2° Annulation des mariages illicites que beaucoup d’Israélites, précédemment revenus de la captivité, avaient contractés en Palestine, ix, 1-x, 44. — 1. Les chefs du peuple révèlent à Esdras l’existence de ces mariages, ix, 1-2.. — 2. Tristesse et prière d’Esdras, 3-15. — 3. Ordre qu’il donne de répudier les femmes étrangères, x, 1-17. — 4. Liste des coupables, 18-44 : parmi les prêtres, 18-22 ; les lévites, 23-24, et les laïques, 25-43.

IV. Unité pu livre malgré la diversité des sources.

— À la première lecture, le livre d’Esdras, dans son état actuel, paraît n’être qu’une compilation qui groupe plus ou moins heureusement des morceaux différents d’origine, de nature et de langue. On y trouve des documents officiels, des lettres de gouverneurs, des firmans royaux, dont quelques-uns sont reproduits dans leur langue originale, le chaldéen. On y remarque deux écrivains qui parlent à la première personne et se donnent comme les témoins oculaires des événements successifs qu’ils racontent. L’un rapporte des faits qui se sont passés au début du règne de Darius, ’fils d’Hystaspe, en 521, 1 Esdr., v, 4 ; l’autre, ce qui est advenu la septième année d’Artaxerxès LongueMain, en 457, I Esdr., vii, 28. Enfin le style et la rédaction ne sont pas partout uniformes et offrent des disparates. On en a conclu que l’ouvrage entier manquait d’unité et n’était qu’une indigeste compilation.

— La conclusion est certainement exagérée, car l’unité du livre peut se concilier avec la diversité des sources consultées ou des documents employés par l’auteur. Celui-ci a pu introduire dans son récit des pièces officielles qu’il avait sous la main, ou même des narrations étrangères qui répondaient à son but et qu’il agençait dans sa propre composition. L’emploi de documents différents n’est donc pas de soi un indice de.la diversité des auteurs dans le premier livre d’Esdras. Seul l’examen des morceaux détachés peut donner la solution du problème et servir à déterminer exactement la nature de la composition de cet écrit.

Les critiques, qui admettent généralement la multiplicité des documents employés dans le premier livre d’Esdras, ne sont pas parvenus à s’entendre sur leur nombre et leur étendue. Les uns procèdent avec modération et aboutissent à des conclusions qui ne manquent pas de vraisemblance ; les autres multiplient à plaisir les morceaux et font de l’ouvrage entier une mosaïque de pièces disparates et mal agencées. De Wette, Lehrbuch der historisch-kritischen Einleitung in die kanonischen und apokryphischen Bûcher des Alten Testaments, Berlin, 1817, p. 218-219, distinguait deux documents, insérés dans la première partie du livre. L’un est la liste des Juifs revenus avec Zorobabel, ii, 1-70. L’autre, iv, 84937

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ESDRAS (PREMIER LIVRE D’)

iras

VI, 18, rédigé en chaldéen, n’est pas la simple reproduction de lettres ou décrets, comme vii, 12-20 ; c’est une narration particulière de la reconstruction du Temple de Jérusalem. De plus, le récit de la célébration solennelle de la Pàque, vi, 19-22, est peut-être ajouté par une autre main, parce qu’au y.’22 Darius est désigné sous le nom de roi d’Assyrie. La seconde partie du livre, qui rapporte les faits survenus la septième année du règne d’Artaxerxès LongueMain, quoiqu’elle forme un tout, n’est pas d’une seule main. Le morceau, vii, 27-IX, 15, où Esdras parle à la première personne, est manifestement de lui, el il faut y rattacher le document chaldéen, vii, 12-20. Le chap. x, où il est question d’Esdras à la troisième personne, ressemble certainement aux précédents, et peut être attribué soit à lui-même, soit à l’un de ses compagnons de retour. Les yv. 1-Il du chap. vu ont été plus tard mis en tête de l’écrit d’Esdras par un des admirateurs du célèbre scribe. Tous ces morceaux ont vraisemblablement été réunis à une date postérieure encore, et peut-être la compilation est-elle l’œuvre de l’auteur de vt, 19-22. Ces conclusions ont été adoptées avec des modifications plus ou moins grandes par tous les critiques rationalistes. Les voici dans leur dernier état, telles qu’elles sont proposées par ïîenan, Histoire du peuple dlsracl, t. iv, Paris, 1893, p. 2, note 3, et p. 97 et 119. Les six premiers chapitres d’Esdras sont composés de deux documents : l’un (A), de vraie valeur historique, s’étend de il, 1 à iv, 5, puis de vi, li à vi, 22 ; l’autre (B), plein de pièces apocryphes, comprend le chap. i, puis iv, 6-vi, 13. Les quatre derniers ont été composés, ainsi que les chap. vin -X de Néhémie, d’après de prétendus Mémoires d’Esdras, où ce scribe était censé parler à la première personne. C’est le chroniste qui les a placés dans l’ordre actuel, en combinant à son point de vue les documents antérieurs. Cf. Kosters, Jîet Jlerstel van Israël in Jiet perzische tijdvak, Leyde, ISO’t, p. 28. Parmi les exégétes catholiques, les uns se sont bornés à reconnaître qu’Esdras reproduisait dans son récit les documents officiels qui s’y rapportaient. J.-IJ. Glaire, Introduction à l’Écriture Suinte, 2° étlit., Paris, 181, ’! , t. iii, p. 238 ; Lamy, lntroductio in Sac. Script., 2e édit., Malines, 1873, t. ii, p. 81 ; Eillion, La Sainte Bible, t. iii, Paris, 1891, p. 210. D’autres ont admis en outre qu’Esdras, ayant trouvé le fragment IV, 8-vi, 18, rédigé en chaldéen par un témoin oculaire, l’avait inséré dans son œuvre, parce qu’il entrait da « is son (dan. Vigoureux, Manuel biblique, 10e édit., Paris, 1898, t. II, p. 100 ; Clair, Esdras et Nëliémias, Paris, 1882, p. v ; Trochon et Lesétre, Introduction à l’étude de l’Ecriture Suinte, Paris, 1890, t. ii, p. 290. Cf. van IloonacUer, Nouvelles études sur la restauration juive après l’exil de Babulone, Louvain, 1890, p. 18-27. D’autres enfin estiment que ce fragment provenait lui-même de dein mains différentes. Le même écrivain, qui raconte comme témoin la construction et la dédicace du Temple, iv, 20-vi, 18, sous Darius 1°, n’a pu vraisemblablement assister aux oppositions que les ennemis des Juifs tirent sous Xerxès et Arlaxerxés ! ’r au rétablissement des murailles de la ville. Ce récit, iv, 8-23, n’est pas à sa place ; il est l’o-nvre d’un autre rédacteur, et il faut le considérer dans le texte actuel comme une parenthèse. Enfin la narration hébraïque de la célébration de la Pique, VI, 19-22, doit être attribuée à un auteur différent. Kaulen, Eiuleitunij in die hciluje Schrift, i- é-lil., Fribourg-en-IJrisgau, 1890. p. 211) : Cornely, lntroiUictio in utriust/ue TcsUvmenti libes, Paris, 1887, t. ii, 1° pars, p. 301-302. Nous puuvons dune conclure que le premier livre d’Esdras n’est pas un écrit que l’auteur a tiré’complètement de son fond, mais une sorte de compilation. formée de documents entiers ou d’extraits de documents, qui sont juxtaposés et reliés les uns aux autres par de courtes réflexions. Cette variété’des sources n’empêche pas cependant l’unité de la composition. Le compilateur ou le dernier rédacteur qui a mis en œuvre les docu ments antérieurs a disposé les pièces et les récits dans leur ordre chronologique, sauf peut-être IV, 8-23, el les a réunis et rattachés à la trame de sa narration. Celle ordonnance et cette disposition îles parties donnent à l’ensemble une unité qui répond d’ailleurs parfaitement au but poursuivi.

V. Auteur DU livre. — Puisque le premier livre d’Esdras est un, il faut attribuer sa rédaction dernière à un auteur unique, qui s’est servi île documents préexistants. Le rédacteur définitif du livre est le scribe Esdras. La tradition juive a toujours affirmé celle attribution. Le Baba Bathra (voir col. 110) dit explicitement : « Esdras écrivit son livre et continua les généalogies des Parahpomènes jusqu’à son temps. >> Ce témoignage ne se rapporte qu’au premier livre d’Esdras ; car, au même endroit, les rabbins attribuent assez clairement la lin de l’écrit d’Esdras, c’est-à-dire le second livre qui porte son nom, à Néhémie, fils d’Ileleias. AYogue, Histoire delà Udjle et de l’e.cëgcse biblique, Paris, 1X81. p. 80-82 ; Loisy, Histoire du canon de l’Ancien Testament, Paris, 1890, p. 20. Le contenu du livre justifie pleinement la tradition juive. La seconde partie, en ell’el, esf manifestement de la main d’Esdras. Tout le passage, vii, 27-IX, 15, où il parle à la première personne, est sou u’iivre, et les rationalistes eux-mêmes y reconnaissent mi extrait de ses Mémoires. Or le début du chap. vii, 1-20, s’y rattache étroitement et en forme l’introduction historique. Si Esdras y parle de luimême à la troisième personne, c’est qu’en commençant le récit de sa carrière publique, il devait se faire connaître, dire son nom, tracer sa généalogie et justifier ses litres, en reproduisant le lirman royal qui le chargeait officiellement de pourvoir aux affaires civiles et religieuses de son peuple en Palestine. Un a objecté les louanges qu’il se donne, vii, et 10 ; mais Néhémie, dans les passages de ses Mémoires qu’on lui attribue sans conteste, est plus personnel encore. D’ailleurs les mots : « scribe habile dans la loi de Moïse, » sont plutôt un titre qu’un éloge ; et les qualifications du y. 10 ne sont pas de celles que la modestie doive absolument s’interdire. Le chap. X, dans lequel l’auteur revient à l’emploi de la troisième personne, après s’être longtemps servi de la première, ne doit pas pour cette seule raison être refusé à Esdras et attribué à un écrivain plus réeenf, qui aurait complété les Mémoires d’Esdras ou les aurait insérés dans la Chronique. Ce changement de’personnes dans les récits était un usage des Juifs, que 1 on constate dans des œuvres certainement originales. Cꝟ. 1s.. vii, 3, et viii, I ; .1er., xx, 1-0, et xxviii, 1, 5 ; Dan., i, 1-vn, 2, et vii, 3-ix, 27 ; x, 1, et x. 2-.MI, 13. Thucydide use du mémo procédé, Hist., i, 1 ; I, 20 ; iv, 104 ; v, 20. Le lieu entre les deux derniers chapitres du livre d’Esdras est tellement (’droit, qu’on ne peut les séparer ; la suite des faits exige leur liaison et par conséquent leur attribution à un seul auteur, qui est Esdras lui-même. Le commencement du livre, I, 1 -IV. 7, peut légitimement être attribué au même écrivain que la seconde partie. La ressemblance du stvle autoi ise cette attribution, car nu icmarqur dans ces premiers chapitres (les expressions qui sont particulières à Esdras. Ainsi kcfùc, « coupe, » ne se lit que 1 Esdr., I. 10 ; viii, 27. et I Par., xxviii, 17 : iiisteràn. « lettre. » I [ ; - le., iv, 7, (d vii, 11. Les autres paities sont ou des documents officiels ou des n’vits anterii urs. qu’Esdras a insérés dans sa propre narration Il est donc l’auteur de la majeure portion du livre et le rédacteur de l’ensemble. Les critiques rationalistes continuent a leur façon cette conclusion. quand ils rapportent la rédætiou définitive des ParalipomeUéS. d’Esdras et de Xehemie au (duelliste dé Jérusalem. Les commentateurs catholiques tiennent, en etlet. Esdias pour l’auteur des Par.dipomenes. La i, ssemblance des deux écrits pr.aive la communauté d’origine. Si les rationalistes rabaissent la date de la composition des Paralipùinènes et d’Esdras, c’est pour la faire concorder avec leur hypothèse de l’oii-ine taidive du 1939

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ESDRAS (PREMIER LIVRE D’)

1940

Pentateuque. Ces livres connaissent le Pentateuque ; ils lui sont donc postérieurs. Les arguments particuliers tirés de la liste des grands prêtres seront réfutés à l’article Paralipomènes. À ceux qui objectent que la chronologie admise par les rabbins fait descendre Esdras à l’époque d’Alexandre le Grand, on peut opposer à bon droit que l’ensemble des docteurs juifs la font remonter au temps de Zorobabel. On peut aussi reconnaître peu de valeur à cette chronologie, qui ne comptait que cent douze ans depuis la destruction de Jérusalem jusqu’au commencement de l’ère des Séleucides. Le livre d’Esdras a vraisemblablement été terminé peu après les événements qu’il raconte. Or il finit brusquement par l’affaire de la rupture des mariages mixtes, qui eut lieu la septième année du règne d’Artaxerxès, c’est-à-dire en 459 avant notre ère. Il paraît certain du moins que l’ouvrage a été composé avant l’arrivée de Néhémie à Jérusalem, la vingtième année du même règne, selon la computation ordinairement reçue ; car Esdras n’aurait pu omettre une circonstance si importante, si elle s’était déjà produite lorsqu’il écrivait.

VI. But de l’auteur. — Esdras ne s’est pas proposé d’écrire sa propre biographie, car il donne à peine quelques détails sur sa famille et ses antécédents. Il ne parle de lui-même qu’à l’occasion du rôle qu’il a joué dans la restauration de la communauté juive à Jérusalem. Il ne veut pas davantage faire l’histoire générale et politique de son temps, pas même l’histoire complète du judaïsme à cette époque. Il n’en raconte que de simples épisodes, en se plaçant exclusivement au point de vue religieux. Son plan est donc intentionnellement limité à deux ordres de faits, au rétablissement et à la réorganisation du culte mosaïque à Jérusalem après le retour de la captivité. Ce but explique la reproduction intégrale des décrets royaux qui autorisaient cette restauration, le silence de l’auteur sur les événements qui se sont passés pendant près de soixante ans, et l’importance donnée à des faits particuliers et à des questions de détails, qui seraient petits et mesquins dans une histoire générale. Relativement à la réorganisation du culte en conformité avec la loi mosaïque, tout ce qui concerne les prêtres et les lévites, les fêtes et les femmes étrangères, devient intéressant et attire l’attention de l’écrivain. J.-P.-P. Martin, Introduction à la critique générale de l’Ancien Testament. De l’origine du Pentateuque, Paris, 1887-1888, t. ii, p. 23-25.

Le but d’Esdras, en écrivant le livre qui porte son nom, était le même que celui qu’il avait eu en vue en composant les Paralipomènes. Ici, Esdras avait voulu stimuler le zèle de ses contemporains en faveur du Temple à reconstruire et du service divin à rétablir, et il avait rapporté dans ce dessein l’exemple des anciens et le souvenir des promesses et des bénédictions de Dieu relatives à son culte. Là, il rappelle dans quelles circonstances historiques et de quelle manière la religion nationale et l’état social des Juifs ont été restaurés ; il consigne pour la postérité ce qu’ont fait les exilés, de retour dans la patrie, en faveur de cette restauration ; il énumère les familles rapatriées et montre comment Dieu reste fidèle à ses engagements. La captivité de Babylone était une juste punition des péchés de Juda- ; mais elle n’a pas interrompu le cours régulier des bénédictions de Jéhovah sur son peuple. Dieu, par la bouche de Jérémie, avait prédit qu’elle prendrait fin un jour, et cette consolante prédiction a reçu son entier accomplissement. Dieu n’avait donc pas rejeté Israël ; il ne l’avait pas non plus abandonné pour toujours. Si à l’avenir les Juifs restent fidèles à Jéhovah, ils jouiront des promesses faites à leurs ancêtres. Les rois étrangers eux-mêmes concourent à réaliser, quand l’heure est venue, les desseins de Dieu sur son peuple, et les pieux Israélites qui ont travaillé à la réorganisation de leur religion ont heureusement surmonté tous les obstacles qu’on leur opposait, et ils

ont mené à bonne fin la grande entreprise dont la Providence les avait chargés. Jéhovah continue donc à protéger Israël, pourvu que de son côté le peuple soit fidèle à observer la volonté de son Dieu.

VII. Autorité historique du livre. — Le premier livre d’Esdras se composant en grande partie de documents officiels, de firmans des rois de Perse, de rapports de satrapes ou gouverneurs, de généalogies et de listes publiques, a généralement été tenu pour exact et véridique. Les relations qui reproduisent ces documents proviennent de témoins oculaires, dont la véracité n’est pas ordinairement contestée. D’ailleurs il existe entre elles et les renseignements certains que nous possédons sur l’histoire des Perses à cette époque une concordance complète. Voir Cyrus et Darius I", t. ii, col. 1191-1194 et 1299-1306 ; Artaxerxès I" et Artaxerxès II, t. i, col. 1039-1043. Cependant les critiques rationalistes ont contesté récemment le caractère historique de bien des faits racontés dans ce livre.

1° L’édit de Cyrus pour la liberté d’Israël et la reconstruction du Temple, ordonnant de restituer les vases sacrés que Nabuchodonosor avait fait enlever, est, dit-on, apocryphe. On l’a inventé d’après Isaïe, xliv, 28, et on a imaginé que le fondateur de la monarchie persane avait donné à Zorobabel la mission de rebâtir le Temple. Kosters, Het Herstel van Israël in het perzische tijdvak, Leyde, 1891, p. 30-32 ; Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. iii, Paris, 1891, p. 518-519. — Les historiens peignaient Cyrus comme un monothéiste rigide, un sectateur sévère du zoroastrisme, un ennemi implacable des idoles. Or, dans les inscriptions de Babylone qui le concernent, Cyrus ne dit pas un mot d’Ahura-Mazda, le dieu suprême des Perses ; mais par application d’un principe politique tout à fait opposé à ceux des monarques assyriens qu’il remplaçait, il reconnaît l’autorité et la protection des dieux des peuples vaincus. Si donc Cyrus honorait Bel, Nébo, et rétablissait le sanctuaire de Marduk, il pouvait à plus forte raison honorer Jéhovah, l’unique Dieu des Juifs, reconnaître qu’il avait reçu des ordres de lui et concourir au rétablissement de son culte. Il nous apprend aussi qu’il assembla les peuples tributaires et les fit retourner dans leur pays. Cette affirmation confirme suffisamment le récit d’Esdras et rend plus vraisemblable le fait que Cyrus mit fin à la captivité des Juifs et les autorisa à retourner dans leur patrie. Sayce, La lumière nouvelle, trad. franc., Paris, 1888, p. 193-205 ; Vigourqux, La Bible et les découvertes modernes, 6° édit., Paris, 1896, t. iv, p. 404-419.

2° M. Kosters, professeur à Leyde, Het Herstel van Israël, p. 19-25, a été plus loin et a prétendu que le retour des Juifs dans leur patrie sous le règne de Cyrus était une pure fiction. Selon lui, Zorobabel et le grand prêtre Josué n’ont jamais été à Babylone, et les Juifs qu’ils commandaient n’étaient pas des captifs rapatriés, mais les descendants des habitants de la Palestine qui n’avaient pas été transportés hors de leur pays par Nabuchodonosor. Le critique néerlandais appuie ses affirmations sur les prophètes Aggée et Zacharie, qui ne considèrent pas Zorobabel et Josué comme les chefs d’une émigration, ni le peuple qui les entoure comme une colonie revenue en Palestine, mais comme un reste du peuple juif, comme la population qui n’avait jamais quitté le pays. Agg., i, 2, 12, 14 ; II, 2, 14 ; Zach., viii, 6, Il et 12. Mais les expressions le peuple, ce peuple, peuvent de soi s’appliquer aussi bien au peuple revenu de l’exil qu’à la population qui était restée dans le pays. De fait, elles désignent, Neh., viii, 3, 5, etc. ; x, 35, la communauté des rapatriés, et la caravane d’Esdras est indiquée, Esdr., x, 1, comme une partie du peuple. L’expression le reste du peuple convient aux Juifs, emmenés en captivité. I Esdr., ix, 13-15 ; II Esdr., vii, 72 ; Jer., xxui, 3 ; xxxi, 7. Quant au peuple de la terre, auquel s’adressent Aggée, n, 4, et Zacharie, vii, 5, ce n’est pas la population païenne 1941

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établie en Palestine, mais ce sont ou bien les Juifs de la province en opposition aux habitants de Jérusalem, ou bien les hommes du peuple, distincts des princes et des prêtres. Du reste, la mission d’Aggée (voir t. i, col. 266267) et de Zacharie fut d’encourager les captifs, revenus de Babylone, à relever le Temple de Jérusalem. A. van Hoonacker, Nouvelles études sur la restauration juive, Louvain, 1896, p. 66-91.

3° On a attaqué l’exactitude de la liste des exilés revenus à Jérusalem avec Zorobabel. I Esdr., ii, 1-67. Si on la compare avec la reproduction qui en est faite H Esdr., vii, 6-69, et III Esdr., v, 7-43, on trouve de nombreuses divergences de détail. — On a eu recours à diverses hypothèses pour expliquer ces divergences. Plusieurs interprètes, avec dom Calmet, Commentaire littéral de la Bible, 2e édit., Paris, 1724, t. iii, p. 286, ont pensé que la première liste avait été dressée à Babylone, avant le départ, et que la seconde comprenait en outre ceux qui étaient revenus plus tard avec Néhémie. Mais comme la somme totale est dans les trois listes de 42360, le dénombrement doit être le même. Les différences portent donc sur les chiffres partiels, qui, additionnés, donnent des résultats inégaux et inférieurs au total commun aux trois livres. La solution la plus simple consiste à attribuer ces divergences partiellement aux auteurs, qui n’auraient pas indiqué nommément toutes les familles qu’ils comprennent dans le tolal général, et partiellement aux copistes, qui ont fait des omissions ou mal transcrit des chiffres. — Il faut résoudre de la même manière l’objection tirée de la différence des deux listes de dons faits au Temple. I Esdr., ii, 68 et 69 ; II Esdr., vu, 70-72. L’erreur de copie est facile dans la transcription des chiffres. A. van Hoonacker, Nouvelles études sur la restauration juive, p. 38-40.

4° On a relevé une contradiction entre I Esdr., m et v au sujet de la construction du Temple. Elle a commencé, prétend-on, la seconde année de Darius. I Esdr., v, 2. Par suite, le chap. iii, d’après lequel les fondements auraient été posés sous Cyrus, n’a aucune autorité historique. Kosters, Het Herstel van Israël, p. 5-15. — Le récit d’Esdras se développe cependant suivant une marche bien régulière. Il nous apprend que les travaux, commencés sous le règne de Cyrus, furent interrompus par ordre d’Artaxerxès, et repris sans autorisation royale, la seconde année du règne de Darius. Pour constater une contradiction dans ce récit, il faut confondre la fondation du Temple avec le commencement de la construction des murs extérieurs au-dessus du sol. S’il est dit, I Esdr., v, 2, qu’on commença à bâtir le Temple de Dieu, ce commencement ne doit pas s’entendre de la pose des fondements, mais du début de la construction des murs. A cette reprise des travaux, on commença, en un sens très juste et très rigoureux, à bâtir la maison de Dieu. A. van Hoonacker, Nouvelles études, p. 19-23. — Mais le même critique néerlandais prétend que les prophètes Aggée, ii, 15-19, et Zacharie, viii, 9, attestent clairement que les travaux <lu Temple ne furent inaugurés qu’en la seconde année du règne de Darius I er. La prétention n’est pas fondée. Il est certain, en effet, qu’Aggée, ii, 15-18, invite le peuple à considérer attentivement ses misères passées. Par conséquent, quand il parle du jour où le Temple fut fondé, il l’entend d’un jour antérieur à la date de sa prophétie, d’un terme fixé à distance dans le passé, pour servir de point de départ à ses considérations des épreuves endurées depuis lors. Quant à Zacharie, viii, 9, il établit une antithèse entre les jours de la restauration du royaume et l’époque des pères, entre les bénédictions de l’époque actuelle, qu’il fait commencer à la pose des fondements du Temple, et les châtiments de la période de l’exil ; mais il ne fixe pas la date de la fondation du Temple à l’époque même où il parlait. Le récit d’Esdras relativement à cette date n’est donc pas en opposition avec le témoignage du prophète Zacharie. A. van Hoo nacker, Zorobabel et le second Temple, Gand, 1892, p. 58-103, et Nouvelles études sur la restauration juive, Louvain, 1896, p. 104-138.

5° Le caractère historique du récit chaldéen, inséré par Esdras, iv, 6-23, est suffisamment garanti par ce qui a été dit aux articles Asénaphar, t. i, col. 1080-1082 ; Assuérus, col. 1141-1142 ; Apharsachéens et Apharsatachéens, col. 722-724 ; Erchuéens, col. 1906.

6° Enfin, au jugement de Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. iv, Paris, 1893, p. 96-106, la seconde partie du livre d’Esdras, qui raconte le rôle de ce fameux scribe dans la restauration de Juda, n’est qu’une légende, inventée de toute pièce, d’après de prétendus Mémoires d’Esdras, par la réaction sacerdotale et lévitique qui se produisit après la mort de Néhémie. On trouva dangereux qu’un laïque ait eu une pareille influence, et on voulut qu’un scribe de famille sacerdotale ait contribué pour une part au moins égale à la grande œuvre de la restauration juive. On créa le rôle d’Esdras, parallèle à celui de Néhémie, et les Mémoires de Néhémie servirent de modèle. Renan ne donne pas d’autre raison positive de son hypothèse que le silence de Sirach, Eccli., xlix, 13-15, qui ne connaît que Zorobabel, Josué et Néhémie. L’omission d’Esdras dans ce catalogue des personnages qui ont illustré l’histoire d’Israël est certainement étonnante. On ne peut guère supposer qu’Esdras ait pu être ignoré d’un écrivain qui connaissait Néhémie. M. Loisy, Histoire du canon de l’Ancien Testament, Paris, 1890, p. 44, répond « que le rôle historique d’Esdras n’avait pas jusqu’alors été exagéré par la légende, et que la figure de Néhémie dominait encore celle du fameux scribe dans le souvenir traditionnel ». Quant à la réaction sacerdotale contre l’élément laïque qui aurait opéré la restauration de Juda, elle n’a existé que dans l’imagination de Renan, et rien dans l’histoire juive ne la justifie.

VIII. Autorité divine du livre. — Le premier livre d’Esdras a été reconnu comme sacré sans aucune contestation par les Juifs et les chrétiens. Les autres écrits de l’Ancien et du Nouveau Testament ne le mentionnent pas explicitement. De l’avis de quelques critiques, il serait désigné, II Mach., ii, 13, par ces mots : xaï iiticro-Xà ; paaiXÈuv ircpi ivxfeu.âiu>i. Mais « les épîtres des rois touchant les offrandes » sont plutôt une collection de lettres émanées des rois de Perse, collection d’un caractère purement profane, dans laquelle Esdras a pu prendre les documents épistolaires qu’il a insérés dans son livre. Loisy, Histoire du canon de l’Ancien Testament, p. 45 ; Gillet, Les Machabèes, Paris, 1884, p. 215 ; Trochon, Introduction générale, t. i, Paris, 1886, p. 108. C’est donc uniquement la tradition juive et chrétienne qui établit la canonicité de ce livre. Or la tradition n’a jamais émis le moindre doute à ce sujet, et aucun canon important de l’Ancien Testament n’a omis volontairement ce livre. L’omission du canon de Mommsen (voir col. 152) est certainement due à une distraction du scribe.

IX. Langue et texte de ce livre. — 1° La majeure partie du texte original a été écrite en hébreu, i, 1-iv, 7 ; vi, 19-22 ; vii, 1-11 ; vii, 27- x, 44. L’hébreu d’Esdras ressemble à la langue des écrits de la captivité ; il est cependant plus pur que celui d’Ézéchiel, et il présente moins d’anomalies grammaticales. Il contient des aramaïsmes, provenant du mélange des deux langues hébraïque et chaldaïque. Une partie du livre est du reste rédigée en chaldéen. Ce sont des documents officiels, iv, 8-22 ; v, 6-17 ; VI, 6-12 ; vii, 12-26, et le récit de la construction du Temple, iv, 23-vi, 18. D’après Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. iv, Paris, 1893, p. 3, note, le passage de l’hébreu à l’araméen et le retour à l’hébreu n’ont pas de signification critique. Comme pour le verset araméen de Jérémie et pour la partie araméenne de Daniel, c’est là un simple accident de copiste, qui a pris le targum au lieu de l’original. Le livre aurait donc été écrit tout entier en hébreu, et les parties chaldéennes actuelles 1943

ESDRA.S (PREMIER LIVRE D’) — ESDRAS (TROISIÈME LIVRE D’)

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seraient dues, non pas à des citations de documents, mais à des causes accidentelles en vertu desquelles, pour certains passages, le targum nous est parvenu au lieu de l’original. Cette hypothèse est d’autant plus invraisemblable, qu’il ne nous reste pas de targum d’Esdras et de Daniel. L’emploi des deux langues dans l’original s’explique facilement. À une époque où l’hébreu et le chaldéen étaient connus des Israélites, Esdras a pu se servir indifféremment de l’un et de l’autre. Il était naturel qu’il rapportât les documents officiels qu’il citait dans leur propre idiome, c’est-à-dire en chaldéen, usité par la chancellerie perse dans ses rapports avec ses sujets de l’Asie occidentale. Une citation en cette langue l’a porté à l’employer dans son propre récit, eomme Daniel, qui, après avoir reproduit en chaldéen l’entretien des mages avec le roi, II, 4, cesse de parler hébreu et continue lui-même dans la langue des mages, m-vu. Ou bien Esdras a inséré dans sa relation des récits préexistants, qu’il trouvait en chaldéen, comme, par exemple, le fragment IV, 23-vi, 18. L’araméen d’Esdras ressemble à celui de Daniel. Voir col. 1272. Il présente les mêmes particularilés grammaticales, Trochon, Daniel, Paris, 1882, p. 35-36, et tous deux se distinguent, par de nombreux hébraîsmes, des plus anciens Targums. On a relevé aussi dans le premier livre d’Esdras quelques expressions d’origine persane, telles que athersatha, I Esdr., ii, 63 (voir t. i, col. 1221) ; nistevân, I Esdr., iv, 8 ; pifgâmd, I Esdr., iv, 17 ; ’ahaSdarpenim, I Esdr., viii, 36. Leur emploi résulte des rapports politiques que les Juifs avaient alors avec les Perses, sous la suzeraineté desquels ils vivaient.

2° Le texte d’Esdras nous est parvenu en assez mauvais état. On y constate de nombreuses altérations dans les noms propres et dans les nombres. S. Bær, Libri Danielis, Esdrse et Nehemiæ, Leipzig, 1882, a recueilli les variantes. Quelques fautes de transcription ont été signalées par Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 213-214.

X. Commentateurs. — Aucun des anciens Pères grecs et latins n’a commenté le premier livre d’Esdras. Le plus ancien commentaire est celui du vénérable Bède, In Esdram et Nehemiam prophetas allegorica expositio, t. xci, col. 807-924. À partir du xvi* siècle, on compte quelques commentaires spéciaux : Sanchez, Commentarius in libros Ruth, Esdrse, Nehemiæ, Lyon, 1628 ; A. Crommius, In Job…, Esdram, Nehemiam, Louvain, 1632 ; N. Lombard, In Nehemiam et Esdram commentarius litteralis, moralis, allegoricus, Paris, 1643 ; L. Mauschberger, In libros Paralipomenorum, Esdras, Tobiæ, Olmutz, 1758. Au XIXe siècle, nous citerons : parmi les catholiques, B. Neteler, Die Bûcher Esdras, Nehevnias und Esther aus dem Vrtext ubersetzt und erklàrt, Munster, 1877 ; Clair, Esdras et Nehemias, Paris, 1882 ; parmi les protestants, E. Bertheau, Die Bûcher Ezra, Nehemia und Esther, Leipzig, 1862 ; F. C. Keil, Bvblischer Commentar ùber die nacliexilischen Geschichtsbûcher : Chronik, Esra, Nehemia und Esther, Leipzig, 1870 ; G. Rawlinson, Ezra, Nehetniah, Londres, 1873 ; F. W. Schnltz, Die Bûcher Esra, Nehemia und Esther, Bielefeld, 1876 ; Œttli et Meinhold, Chronik, Esra und Nehemia, Ruth und Esther und Daniel, Munich, 1889 ; W. Adeney, Ezra, Nehemiah and Esther, in-8°, Londres, 1893 ; Ryle, Ezra (dans Cambridge Bible for schools).

E. Mangenot.

6. ESDRAS (SECOND LIVRE D’). Le livre de Néhéinie est ainsi intitulé dans la Vulgate. Voir Néhémie (Livre de).

7. ESDRAS (TROISIÈME LIVRE D’). Le livre apocryphe que nous appelons Troisième livre d’Esdras porte dans la Bible des Septante le titre dePremier livre d’Esdras, tandis que notre Esdras canonique y est qualifié de Second livre d’Esdras, et que notre Néhémie canonique ne fait

qu’un avec le Second livre d’Esdras. — Le livre apocryphe dit Troisième livre d’Esdras est pour une part une compilation. Il reproduit le livre canonique d’Esdras (n, 1-14 = 1 Esdr., i ; ii, 15-25= I Esdr., iv, 7-24 ; v, 7-70 = 1 Esdr., ii, 1-iv, 5 ; vi-vii = I Esdr., v-vi ; viii-ix, 36 = I Esdr., Vll-x), auquel il ajoute : — 1° en tête, chapitre premier, un fragment des Paralipomènes (II Par., xxxvxxxvi), c’est-à-dire l’histoire du royaume de Juda depuis la restauration du culte sous Josias jusqu’au départ pour la captivité ; — 2° à la fin du chapitre neuvième (37-55), un fragment de Néhémie (II Esdr., vii, 73-vm, 13) racontant la lecture de la Loi de Dieu, que fait Esdras aux enfants d’Israël. Au milieu de ces pièces rapportées, l’auteur a inséré (m-v, 6) un texte qui lui est propre. À l’exception de ce texte, auquel nous allons revenir, notre apocryphe n’est donc qu’une suite de deutérographes. Le compilateur paraît avoir travaillé, non sur une version grecque, mais sur l’original hébreu-araméen : à ce compte, sa compilation peut servir à faire la critique du texte original des morceaux qu’il a employés, quoiqu’il traduise assez librement. On a soutenu, il est vrai, que notre apocryphe était antérieur à l’Esdras canonique que nous disons qu’il a compilé ; mais ce paradoxe, soutenu par Howorth, n’est pas pris au sérieux. Tout ce que l’on peut dire pour fixer une date au Troisième livre d’Esdras, c’est qu’il est très postérieur aux événements qu’il rapporte, et antérieur à Josèphe, qui le transcrit presque en entier (Ant. jud., XI, i-v).

Le compilateur n’a pas suivi les données chronologiques de l’Esdras canonique : il paraît distinguer entre l’expédition de Sassabasar, sous Cyrus, et celle de Zorobabel, . qu’il avance jusqu’à la seconde année de Darius (520). Il ignore que le passage iv, 7-24, de l’Esdras canonique n’est qu’une parenthèse, ou plutôt un fragment hors de sa place ; il le reporte plus avant encore, entre l’édit de Cyrus (536) et le retour de Zorobabel (520). Le Temple est achevé en 516, et on en fait une dédicace solennelle. Puis le récit passe immédiatement, comme dans l’Esdras canonique, à l’action réformatrice d’Esdras, favorisée par un Artaxerxès (II ou III), roi de Perse. Il n’est pas le moins du monde question de Néhémie ; le compilateur n’emprunte à ses Mémoires que le morceau (ix, 37-55, correspondant à II Esd., vii, 73vm, 13) consacré au récit de la lecture solennelle de la Loi par Esdras.

La partie propre du Troisième livre d’Esdras (m-v, 6) parait être une légende ou haggada fixée directement en grec. À la suite d’un festin, trois gardes du corps de Darius font un pari à qui écrira la sentence la plus sage et méritera par là les faveurs royales. Le premier écrit : « Le vin est fort. s Le second : « Le roi est plus fort. » Le dernier : « Les femmes sont plus fortes, mais la victoire reste encore à la vérité. » Le roi, à son réveil, lit les sentences, assemble son conseil, et ordonne aux sages de défendre chacun son opinion. Suit une description de la force du viii, de la puissance royale et de la séduction féminine. Toutefois l’avocat de cette’troisième cause conclut par l’éloge de la vérité et de son pouvoir invincible : c’est que la vérité est Dieu. Toute l’assemblée acclame le dernier orateur et s’écrie après lui : « Grande est la vérité, à elle reste la victoire. » Le roi, charmé lui-même, promet au vainqueur de combler tous ses désirs. Or le vainqueur est Zorobabel : il rappelle au prince le dessein qu’il avait formé de relever Jérusalem et de rebâtir le Temple. Darius lui permet de rentrer dans la patrie de ses pères, de relever le Temple aux frais du trésor royal, et Zorobabel part avec une escorte octroyée par Darius. Suit l’énumération des expéditionnaires.

Le dessein du compilateur du Troisième livre d’Esdras paraît avoir été de fournir une histoire du Temple depuis Josias jusqu’à une époque que nous ne pouvons déterminer avec précision ; le livre se termine trop brusquement pour qu’il ne soit pas naturel de penser à une lacune 1945

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ESDRAS (TROISIÈME LIVRE D’) — ESDRELON

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finale plus ou moins considérable, suivant la date de composition. Il est vraisemblable que le livre dans son intégrité continuait de copier II Esdr., au delà de toi, 13. C’est le Temple, avec le culte légal dont il est le centre, qui fait tout le sujet de notre apocryphe. Là où I Esitras ne fait mention que des murailles de Jérusalem, le compilateur parle aussi avec insistance du Temple, qui, à l’en croire, était achevé dès la sixième année du règne de Darius. Si Néhémie n’est pas nommé, c’est sans doute que son nom était surtout associé à la mise en état de défense de la ville.

En somme, le Troisième livre d’Esdras procède des Targums et de la tradition rabbinique, qui amplifia si démesurément le rôle d’Esdras ; il était de nature à encourager les Juifs dans leur observation zélée de la Loi. Peut-être aussi le compilateur voulait-il, par l’exemple de la munificence des rois de Perse, gagner au judaïsme de nouveaux protecteurs du même genre parmi les souverains étrangers, peut-être les Ptolémées. Josèphe le suivit de préférence parce qu’il était plus récent, et plus apprécié, sans doute, de ses contemporains dans les milieux hellénisants.

Le Troisième livre d’Esdras a flotté aux premiers siècles de notre ère sur les limites du canon chrétien ; cela tient peut-être à la faveur dont jouissait cet écrit parmi les Juifs de langue grecque. D’ailleurs il n’était guère autre chose qu’une recension nouvelle de passages reçus comme canoniques. Le morceau inconnu à l’Esdras canonique trouvait grâce aux yeux les plus sévères, parce que les docteurs des premiers siècles lui donnaient une signification mystique. L’éloge de la vérité leur semblait un éloge prophétique du Messie, qui devait dire de lui-même : « Je suis la vérité. » Nous trouvons ce rapprochement dans saint Cyprien, Epist. ad Pomp., lxxiv, 9,

! t. iii, col. 1134, et saint Augustin, De Civ. Dei, xviii, 36, 

t. xli, col. 596. Saint Cyprien, loc. cit., et Origène, Hom. ix in Josue, 10, t. xii, col. 879, introduisent leurs citations du livre apocryphe d’Esdras par la formule ré ! servée à l’Écriture : ut scriptum est. Le De singularitate’clerirorum du Pseudo - Cyprien fait allusion aux paroles de Zorobabel en les appliquant à la chasteté cléricale : Victoriam non habent apud quos contra Esdram mulier potius quant veritas vincit. Patr. lat., t. iv, col. 863. Saint Ambroise, Epist. ad Simplic., xxxvii, 12, t. xvi, col. 1087, cite tout au long l’exemple du roi Darius, III Esdr., iv, 29-31, esclave de son amour pour Apeme et honteusement dominé par une femme. Enfin Prosper d’Aquitaine ou quel que soit l’auteur du De promiss, et prxdict. Dei, ii, 38, Patr. lat., t. ii, col. 814, paraphrase comme une prophétie le discours de Zorobabel : la femme symbolise à ses yeux l’Église du Christ, surtout quand elle a nom Esther ou Judith. On s’explique donc aisément la présence de notre apocryphe dans l’ancienne version latine et dans les manuscrits Vaticanus et Alexandrinus. Mais le catalogue des livres canoniques contenus dans la 39e lettre festivale de saint Athanase ne le mentionne pas. Dans les Églises latines où il avait eu le plus de crédit, il fut éliminé à mesure que la Vulgate hiéronymienne eut supplanté l’ancienne version dans l’usage.

— On trouvera le texte grec dans Swete, The Old Testament in Greek, t. ii, Cambridge, 1891, p. 129-161 ; le latin, qui traduit très fidèlement le grec, en appendice de nos Vulgates. Howorth, The real character and the importance of the first book of Esdras, dans VAcademy, janvier-juin 1893 ; E. Schûrer, Apokryphen des A. T., dans la Realencyclopâdie fur prot. Théologie und Kirche, 1. 1, Leipzig, 1896, p. 636-637.

P. Batiffol.

8. ESDRAS (QUATRIÈME LIVRE D’). Voir APOCALYPSES APOCRYPHES, t. i, col. 759.

    1. ESDRELON##

ESDRELON ( Codex Vaticanus : ’Earfp-y Judith, i, 8 ; ’EuîpaijXûv, iii, 9 ; ’Eup-/)).(ôv, iv, 6 ; Codex Sinaiticus : ’EaBprjVôv, i, 8 ; iii, 9 ; Codex Alexandrinus : ’E^Spr)-Xwpi, vu, 3 ; ’E(repir)xtiv, iv, 6), nom qui représente h forme grecque du mot hébreu Yzre’ê'l, « Jezraël, » et ne se trouve que dans le livre de Judith, i, 8 ; iii, 9 ; iv, 6 ; vu, 3. Il désigne la grande plaine, to [iéycx ireïfov, Judith, 1, 8, qui coupe aux deux tiers de sa longueur le massii montagneux de la Palestine occidentale, et s’étend entre les collines de la Samarie au sud et celles de la Galilée au nord.

I. Nom. — Cette plaine, un des traits caractéristiques de la terre biblique, tire son nom de l’antique cité royale qui la commandait à l’est, Jezraël, aujourd’hui Zer’in, au pied du Gelboé. Aussi est-elle appelée o vallée de Jezraël » (hébreu : ’êméq Yzre’ê'l ; Septante : xotXâ. ; ’IeÇpae’l ou toû’UÇpaéX ; Vulgate : vallis Jezraël ou Jezrahel), Jos., xvii, 16 ; Jud., vi, 33 ; Ose., i, 5 ; même une fois simplement « Jezrahel », 6’IeÇpairçX, II Reg., ii, 9. Une autre ville cependant, non moins importante par sa situation du côté de l’ouest, lui donna aussi son nom ; de là l’expression « plaine de Mageddo » (hébreu : biq’a( Megiddô ou Megiddôn ; Septante : tô iteSîov MayeSStô, iteSi’ov âxxoitTOjiévou ; Vulgate : campus Mageddo ou Mageddon), qu’on trouve II Par., xxxv, 22 ; Zach., xii, 11. Pour les derniers auteurs de l’Ancien Testament, I Mach., xii, 49, et Josèphe, Ant. jud., XII, .viii, 5 ; Bell, jud., III, iii, 1, etc., c’est « la grande plaine », to ireSfov to [iéya. Les deux termes hébreux, biq’âh et’êméq, lui conviennent parfaitement, l’un désignant une « ouverture » ou une fente entre deux montagnes, l’autre une « dépression ». Les Arabes l’appellent aujourd’hui Merdj ibn’Amîr, « prairie du fils d’Amlr. »

II. Description. — La plaine d’Esdrelon forme un triangle irrégulier, dont la base, longue de trentecinq kilomètres environ, s’appuie sur le Carmel et les monts de Samarie, et dont la pointe est au Thabor. De cette pointe au nord jusqu’à Djénîn au sud, le côté oriental a à peu près vingt-cinq kilomètres. La ligne septentrionale en compte autant jusqu’à la gorge par laquelle s’engouffre le Cison, pour gagner la plaine de Saint-Jean-d’Acre. Bordée à l’est par deux petites chaînes, dont l’une est la dernière des monts de Galilée, l’autre la première des monts de Samarie, elle se prolonge de ce côté en plusieurs vallées latérales. L’une d’elles, vers le nord, est comprise entre le Thabor et le Djebel Dâhy ou Petit Hermon ; une autre, plus bas, court entre le Djebel Dàhy et le Djebel Fuqu’a ou Gelboé ; une troisième est un cul-de-sac en forme de fer à cheval, au sud de cette dernière montagne. Il y a deux versants bien distincts, celui de la Méditerranée et celui du Jourdain. Le seuil, qui se trouve à peu de distance au nord-ouest de Zer’in, est à une altitude d’environ 120 mètres. Du côté de la Méditerranée, la plaine s’étend en pente fort douce, avec une altitude moyenne de 80 mètres. Mais, vers le Jourdain, le sol s’affaisse rapidement, et le torrent qui coule au pied des collines est bientôt plus bas que le niveau, méditerranéen. C’est le long de ces pentes brusques que coulent Vouadi esch - Scherrar et Vouadi el-Biréh, et au-dessous le Nahr Djalud. Quant à la plaine proprement dite, elle est traversée d’un bout à l’autre par le torrent de Cison ou Nahr el-Muqatta’, dont les ramifications la pénètrent comme les veines dans le corps humain. Tantôt il la creuse profondément, tantôt il en transforme quelques coins en marais couverts de joncs et de roseaux. Il en fait partie intégrante ; aussi, pour avoir une idée complète de la vallée, faut-il y joindre la description du fleuve. Voir Cison, col. 781.

Cette large plaine doit son origine en partie aux phénomènes volcaniques Ou aux éruptions basaltiques d’oui sont sortis les cônes environnants, en partie aux effets de dénudation ou. au passage de grandes nappes d’eau qui ont déblayé le sol des alentours et laissé les quelques » tertres dont elle est parsemée. L’aspect général est celui d’une campagne unie ; les fonds, où des cendres volca—

niques se mêlent à l’humus, sont d’une grande fertilité. Là, ce sont d’interminables champs de blé dont les épis atteignent une hauteur extraordinaire. Ailleurs ce sont de vastes espaces recouverts de grandes herbes et de chardons géants (Notobasis syriaca), qui portent de belles fleurs, d’un bleu violacé, semblables à celles des artichauts et des cardons. Dans les jachères, d’immenses étendues sont entièrement recouvertes des ombelles blanches de la carotte sauvage (Oaucus carota), au milieu desquelles on aperçoit les innombrables fleurs bleues des orobanches [Orobanche pruinosa), qui vivent en parasites sur les racines des autres plantes. De tous les côtés partent, à certains moments de l’année, des nuées

qui mène de Jérusalem à Tibériade et à Damas. Une autre voie commerciale la traverse d’un bout à l’autre, de l’ouest à l’est, pour aller des ports de Khaïfa et de Saint -Jean-d’Acre au Jourdain et dans le Hauran, en passant par Zer’in et Béisân. Une troisième, débouchant des montagnes de Samarie, près de l’ancienne Mageddo, la traverse en diagonale pour rejoindre la première, coupant celle qui longe le pied des hauteurs, de Djénin au Carmel. C’est donc bien un carrefour où se croisent toutes les directions. De là son importance historique.

III. Histoire. — Jacob, sans nommer cette magnifique plaine, en chante cependant la beauté et les richesses, quand il représente Issachar, à qui elle devait

coi. — Vue de la plaine d’Esdrelon, prise du pied des monta de Galilée, avec le Carmel comme arrière-fond.

D’après une photographie.

de cailles, qui se réunissent en troupes nombreuses avant de traverser la Méditerranée pour venir en Europe. Au milieu des herbes courent dès lièvres, des chacals et des gazelles, tandis que planent dans les airs de grands aigles, des vautours et une myriade d’oiseaux de proie. Le terrain noirâtre est formé d’une argile fine, sans cailloux, qui se crevasse profondément sous l’influence des rayons solaires, mais qui se détrempe aussi d’une manière effroyable, sous l’action des pluies, de manière à rendre les bas-fonds impraticables.

Aucune ville importante n’est située dans la plaine, à cause de l’impossibilité de s’y défendre contre les incursions ennemies. S’il y a quelques villages épars au milieu, les autres sont surtout rangés le long de ses bords. Les arbres y sont rares, excepté autour des hameaux et près des sources abondantes, dont plusieurs groupes sont remarquables. Les routes y forment un réseau qui s’ajoute à la fertilité pour faire de cette vallée une des contrées prédominantes de la Palestine. L’une de ces voies, qui va de Djénin à Nazareth, continue le chemin séculaire

échoir en partage, comme « un âne robuste, couché dans son étable, voyant que le repos est doux et le pays agréable ». Gen., xlix, 14, 15. Elle portait donc bien son nom de Jezraël, c’est-à-dire « semence de Dieu », et l’on comprend la fascination qu’elle exerça de tout temps sur les enfants du désert ou les Bédouins. Voilà pourquoi nous voyons, à l’époque de Gédéon, les Madianites, les Amalécites et les fils de l’Orient ou Arabes nomades, après avoir passé le Jourdain, venir dresser leurs tentes noires au milieu des champs d’Israël, et couvrir la plaine comme des nuées de sauterelles, ravageant sans merci toutes les récoltes. Jud., vi, 33 ; vii, 12.

Mais ce qu’elle fut surtout, c’est un champ de bataille. Elle ressemble bien, en effet, à un immense amphithéâtre créé tout exprès pour la rencontre des peuples divers. Là, nous venons de le voir, se croisent les routes qui reliaient autrefois les empires de l’Orient, de Memphis à Damas, à Babylone et à Ninive, d’Antioche et d’Émath à Jérusalem. Les sommets qui la dominent à l’est, le Thabor, le Petit Hermon, le Gelboé, constituent

d’excellents postes d’observation et des forteresses naturelles. Dès la plus haute antiquité, des places fortes, échelonnées tout autour, en gardaient les différentes issues. Jéconam au pied du Carmel, Haroseth des Nations, probablement aujourd’hui El-Harthiyéh, sur les derniers prolongements des monts galiléens, défendaient à l’ouest l’étroit passage par lequel s’échappe le Cison. Mageddo (El-Ledjdjun) et Thanac ( Ta’annuk) commandaient la route qui débouche dans la plaine de Saron ; Engannim (Djénîn), celle qui monte vers Jérusalem. A l’est, Jezraël (Zer’în) et Bethsan (Bèisân) se tenaient comme deux forts protecteurs aux deux extrémités de la vallée qui descend vers le Jourdain. Enfin Casaloth (Iksâl) protégeait l’entrée des montagnes du nord.

C’est donc là que devaient s’entrechoquer les armées rivales de l’ancien monde. Un des premiers combats que nous rapporte l’histoire est celui de Thotmès III contre Mageddo. Rien de plus curieux que le récit de cette campagne qui nous a été conservé sur une muraille voisine du sanctuaire de granit, à Karnak. Voir Mageddo. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1897, t. ii, p. 256-259. Il est à remarquer cependant qu’aucune des batailles qui assurèrent aux Israélites la conquête de la Palestine n’eut lieu dans cette vallée. C’est que les Hébreux avaient tout avantage à combattre dans les montagnes un ennemi qui, avec sa cavalerie, leur était bien supérieur dans la plaine. Il fallut une protection spéciale de Dieu pour que les soldats de Débora et de Barac pussent y défaire l’armée de Sisara. Jud., iv, v. Voir Cison, col. 784, où nous avons résumé le récit biblique ; pour les détails, cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 111-123. — C’est là également que Gédéon, avec ses trois cents hommes, mit en déroute l’innombrable multitude des nomades qui avaient envahi cette riche contrée, et dont le camp s’étendait au nord du Gelboé jusqu’au mont Moréh ou Petit Hermon. Jud., vu, 1. Ils gardaient là l’entrée de l’ouadi qui conduisait aux gués du Jourdain et dans leur pays. Surpris par une attaque subite et saisis de frayeur, ils s’enfuirent naturellement vers Bethsan, par la vallée du Nahr Djaloud actuel, cherchant à gagner le fleuve. Jud., vii, 12, 23. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iii, p. 131-146. — Néchao, roi d’Egypte, se dirigeait vers l’Euphrate, lorsque Josias, roi de Juda, voulut lui barrer le passage. Mais celui-ci fut mortellement blessé dans le combat qu’il lui livra au milieu de la plaine de Mageddo. II Par., xxxv, 22. Le deuil qu’occasionna la mort de ce prince est rappelé par le prophète Zacharie, xii, 11. Voir Adadremmon, t. i, col. 167. L’histoire de Judith nous transporte sur le même terrain et, en dehors de Béthulie, mentionne dans les environs de la plaine d’Esdrelon des villes comme Dothaïn (Tell Dothân), Belma (Khirbet Bel’amêh) et Chelmon (El-Yâmôn). Judith, i, 8 ; iii, 9 (texte grec) ; iv, 6 ; vii, $. — Osée, 1, 5, fait allusion à ce rôle que joua comme champ de bataille la plaine d’Esdrelon, qui vit plus tard passer les soldats de T’ryphon, I Mach., xii, 49 ; les armées romaines, Josèphe, Bell, jud., IV, i, 8 ; celles des croisés et de Bonaparte. — VoirE. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 315-330 ; t. iii, p. 113-119 ; C. Ritter, The comparative Geography of Palestine, trad. W. L. Gage, Edimbourg, 1866, t. iv, p. 343-351 ; Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, p. 335-357 ; Oscar Fraas, Aus dem Orient, Stuttgart, 1867, p. 3, 69, 197 ; C. R. Conder, dans Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1873, p. 3-10 ; Tent Work in Palestine, Londres, 1889, p. 58-70 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. ii, p. 36-50 ; Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xli, p. 59-60 ; G. A.Smith, The historical Geography of the Holy Land, Londres, 1894,

p. 380-410.
A. Legendre.
    1. ESDRIN##

ESDRIN (Septante : "EtrSpiv), un des chefs de l’armée de Judas Machabée dans le combat contre Gorgias. II Mach., XII, 36. Il n’est pas connu par ailleurs, et plusieurs critiques pensent que le passage dans lequel il est nommé a été altéré.

    1. ÉSÉBAN##

ÉSÉBAN (hébreu : ’ÉSbân ; Septante : ’Aaêâv, ’Arc6(iv ; Codex Alexandrinus : ’Ea-eëctv), chef horréeh, un des fils de Dison, dans la descendance de Séir. Gen., xxxvi, 26 ; I Par., i, 41.

    1. ÉSÉBON##

ÉSÉBON (hébreu : ’Ésbôn ; Septante : ©acro6àv), le quatrième fils de Gad, parmi les descendants de Jacob qui descendirent avec lui en Egypte. Gen., xlvi, 16. Dans Num., xxvi, 16, il est appelé Ozni (hébreu : ’Oznî ; Septante : ’AÇevEi’), sans doute par corruption du texte. Voir Ozni.

ÉSEC (hébreu : ’Êséq ; Septante : "Aarfl. ; Codex Alexandrinus : ’EcrOix), Benjamite, descendant de Saûl. 11 était fils d’Élasa, frère d’Asel et père d’Ulam, de Jéhus et d’Éliphalet. I Par., viii, 37-39.

    1. ÉSÉLIAS##

ÉSÉLIAS (hébreu : ’Âsalyâhû ; Septante : EeXià), père de Saphan, le scribe, sous le règne de Josias. II Par., xxxiv, 8. Il est appelé Aslia par la Vulgate, dans IV Reg., xxil, 3 : nom qui se rapproche davantage du mot hébreu, le même dans les deux cas. Voir t. i, col. 1103.

ESEM (hébreu : ’Asém ; Septante : Codex Vaticanus, A<rôji ; Codex Alexandrinus, Auéji.), ville de la tribu de Juda, Jos., xv, 29, appelée ailleurs Asern, Jos., xix, 3 ; Asom. I Par., iv, 29. Voir Asem, t. i, col. 1078.

ÉSEQ (hébreu : ’Êséq ; Septante : ’A81xio ; Vulgate : Calumnia), nom hébreu d’un puits creusé dans la vallée de Gérare par les bergers d’Isaac, et dont ceux du pays leur disputèrent la possession. Gen., xxvi, 20. Ce fut précisément en raison de cette querelle (hit’asseqû, « ils se querellèrent » ) que le patriarche appela le puits’Eséq, c’est-à-dire « altercation, rixe ». Les Septante ont lu’ÊSéq, avec un schin au lieu d’un sin ; de là leur traduction : ’ASixfa, « injustice, » et rjSixria-av, « ils agirent injustement. » La Vulgate les a suivis en mettant Calumnia. Cependant la paraphrase chaldaïque et la version syriaque sont d’accord avec l’hébreu en traduisant par’êséq, « litige, » avec un samech. Telle est aussi la leçon adoptée par Josèphe, Ant. jud., i, xviii, 2, qui nomme le puits "Ea-xov, ajoutant cette explication : « comme qui dirait le puits du combat. » Pour l’emplacement, voir Gérare.

A. Legendre.

1. ÉSER (hébreu : ’Êsér ; Septante : Sâap), sixième fils de Séir l’Horréen. Il était chef de tribu dans le pays d’Édom et eut pour fils Balaan, Zavan et Acan. Gen., xxxvi, 21, 27, 30 ; I Par., i, 38, 42. Dans I Par., i, 38, les Septante ont’Ûvâv, et au ꝟ. 42, r Qcrap : dans ces deux endroits, le Codex Alexandrinus porte’Aodtp.

2. ÉSER, I Par., iv, 4, nom d’un descendant de Juda, écrit plus correctement, dans les bonnes éditions, Ézer. Voir Ézer.

    1. ESKUCHE Balthasar Ludwig##

ESKUCHE Balthasar Ludwig, théologien protestant allemand, né à Cassel le 12 mars 1710, mort à Rinteln le 16 mars 1755. Il fit ses études à Marbourg, et devint, en 1734, second prédicateur et professeur de grec à Rinteln, où son père exerçait les fonctions de premier prédicateur. Il a beaucoup écrit, bien que sa vie ait été courte ; parmi ses ouvrages, nous nous contenterons de citer : Erlâulerung der heiligen Schrift aus morgenlândischen Reisebeschreibungen, 2 in-8°, Lemgo, 1745, 1755 ; Observaliones philologico-criticse in Novum Testa

mentum, Rinteln, 1748-1754 ; Christlicher.Unterricht von der heiligen Schrift, in-Ï2, Buckebourg, 1752.

A. Régnier.

ESNA (hébreu : ’Asnâh ; Septante : Codex Vaticanus, ’Iavâ ; Codex Alexandrinus, ’Aa-swdt), ville de la tribu de Juda. Jos., xv, 43. Elle fait partie du troisième groupe des cités de « la plaine » ou Séphélah. Sa position est par là même indiquée dans le rayon qu’il détermine aux environs de Beit Djibrin, avec des noms bien identifiés, comme Nésib (Beit Nusib), Marésa (KhirbetMer’asch), etc. Or au-dessous de ces deux points se trouve le village à’Idhna, qui rentre parfaitement dans ces limites, et dont le nom se rapproche assez de la forme hébraïque. Les explorateurs anglais, Survey of West. Pal., Nome Lists, Londres, 1881, p. 394, l’écrivent l>3, ’Idnâ (avec

dal ou th anglais doux). M. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 364, l’écrit’Idnâ, avec dal, et l’identifie avec Vledna, °Ie8và, d’Eusèbe et de saint Jérôme. Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p.. 132, 266. Voir Juda, tribu et carte.

A. Legendre.
    1. ÉSORA##

ÉSORA (Atutopâ), nom d’une ville mentionnée dans le texte grec de Judith, iv, 4 ; omise dans la Vulgate. L’opinion la plus vraisemblable est que Aiawpct est pour Tiïn, JJâsôr, ’AaïAp, c’est-à-dire Asor de Nephthali. Cf. O. F. Fritzsche, Die Bûcher Tobi und Judith, in-8°, Leipzig, 1853, p. 147. "Voir Asor 1, t. i, col. 1105.

    1. ESPAGNE##

ESPAGNE, pays de l’Europe méridionale, borné au nord-est par les Pyrénées qui le séparent de la France, au nord-ouest, à l’ouest et au sud-ouest par l’océan Atlantique, au sud-est et à l’est par la mer Méditerranée. — 1° Les Hébreux connurent l’Espagne, ou du moins sa partie méridionale, avant la captivité de Babylone, par l’intermédiaire des Phéniciens, qui y avaient été attirés de bonne heure par les richesses minérales du pays. C’est là, en effet, qu’était situé Tharsis, abondant en or et en argent, dont il est parlé plusieurs fois dans l’Écriture. Voir Tharsis. — 2° Les Targums, la Peschito et beaucoup de rabbins, ont vu l’Espagne dans la contrée de Sefârad, où Abdias, ꝟ. 20, place une colonie de Juifs exilés. Cette identification n’est pas scientifiquement soutenable (pas plus que celle de Sefârad avec le Bosphore, qu’a adoptée saint Jérôme, dans la Vulgate ; cf. son Comm. in Abd., 20, t. xxv, col. 11Î5) ; l’usage n’en a pas moins prévalu chez les écrivains rabbiniques d’appeler l’Espagne Sefârad. Buxtorf, Lexicon chaldaicum, édit. B. Fischer, 1869, p. 769. — 3° Le nom même de l’Espagne apparaît pour la première fois dans I Mach., viii, 3 (’Io-Ttavîa, d’après le nom latin qu’on lit dans la Vulgate, Hispania ; Codex Alexandrinus : Sitotvîa, d’après la forme plus usitée chez les Grecs). Le bruit des guerres que les Romains avaient faites dans la péninsule était arrivé jusqu’en Judée. « Judas avait appris, dit l’auteur sacré, le nom des Romains, … et ce qu’ils avaient fait dans la terre d’Espagne, et qu’ils s’étaient emparés des mines d’argent et d’or qui s’y trouvent, et qu’ils s’étaient rendus maîtres de tout le pays par leur sagesse et par leur patience. » I Mach., viii, 1, 3. La rumeur publique en Orient exagérait le succès des Romains, qui n’avaient pas encore complètement soumis toute l’Espagne ; ce ne fut que sous Auguste (19 avant J.-C.) que les Cantabres, les derniers champions de l’indépendance ibérique, mirent bas les armes et que la domination latine fut reconnue de toute la péninsule ; mais longtemps auparavant, après la bataille de Zama (201 avant J.-C), les Carthaginois vaincus avaient cédé le pays aux Romains. À l’époque de Judas Machabée (vers 163), les Romains avaient déjà remporté des succès considérables, qui expliquent ce que la renommée en racontait en Orient. Les auteurs grecs et romains ont vanté, comme le récit sacré, la richesse de l’Espagne en métaux précieux. Le rhéteur Posidonius disait, au rapport de Strabou, III, II, 9, que son sol était

riche à la surface et riche au-dessous, itiovela xi ùitôitXouo-io ; x<opa, et que ce n’était pas le dieu des enfers, mais le dieu de la richesse, qui habitait là le monde souterrain. Voir aussi Diodore de Sicile, v, 35 ; Pline, H. N., m, 4. — 4° Saint Paul nomme aussi l’Espagne (Eitavia), dans son Épitre aux Romains, xv, 24, 28 : il y annonce son intention d’aller prêcher l’Évangile dans ce pays, après être passé à Rome. C’est une question fort débattue parmi les critiques de savoir si l’Apôtre mit son projet à exécution. Le Canon de Muratori (voir Canon, col. 170), qui est une autorité importante, parce qu’il exprime l’opinion de l’Église romaine vers 170, est en faveur du voyage. Voir S. P. Tregelles, Canon Muratorianus, in-4°, Oxford, 1867, p. 40, 41. Le passage de saint Clément, / Cor., 5, t. i, col. 220, disant que l’apostolat de saint Paul s’étendit « jusqu’aux limites du couchant », siti tô Tepiia ttjç 811(7£(i>{, n’est pas aussi explicite, mais peut s’interpréter dans le même sens. C’est ce qu’établit, entre autres, P. B. Gams, qui a étudié le problème avec beaucoup de soin dans sa Kirchengeschichte von Spanien, t. i, Ratisbonne, 1862, p. 1-75, et qui conclut, t. iii, part, il (1879), p. 470-471 : « J’ai prouvé par les témoignages des auteurs profanes et ecclésiastiques que, dans toute l’antiquité, tô xépjia Tij ? Sûaewç ou ultima Besperia désigne toujours et exclusivement l’Espagne, » Ce savant place le voyage dé saint Paul en Espagne en l’an 63, après sa première captivité à Rome. Ibid., et 1. 1, p. 51-52. — On peut voir aussi Fr. "Werner, qui soutient la même thèse : Die Reise Pauli nach Spanien und dessen zweite rômische Gegangensckaft, dans VŒsterreichische Vierleljahreschrift fur katholische Théologie, de Th. Wiedemann, Vienne, 1863, p. 321-346 ; 1864, p. 1-52. Voir sa conclusion, 1864, p. 35.

F. Vigouroux.

    1. ESPAGNOLES##

ESPAGNOLES (VERSIONS) DE LA BIBLE. En Espagne, le latin fut la seule langue littéraire et savante jusqu’au XII 8 siècle. Ce n’est peut-être qu’à partir de la seconde moitié du XIIe siècle ou mieux sous le règne d’Alphonse X qu’on commença à traduire les Livres Saints en langue vulgaire. La Bible gothique, qu’on disait avoir été traduite au xp siècle, et qui se conservait, disait-on, à San Millan de la Cogolla (N. Antonio, Biblio-Iheeà hispana vêtus, 2e édit., Madrid, 1785, t. ii, p. 5, n. 14), n’a jamais existé. On avait pris faussement un texte latin pour une version en romance. (En voir des spécimens dans la Espana sagrada, t. xxvi, p. 77, et t. L, p. 20.) C’est également par erreur qu’on a affirmé que le célèbre rabbin espagnol David Kimchi, qui florissait dans les premières années du xme siècle, avait traduit en espagnol une partie de la Bible. (Rodriguez de Castro, Biblioteca de autores espaHoles, Madrid, 1781, t. i, p. 411.) Ce rabbin a écrit en hébreu et en latin, non en espagnol ; il est commentateur et non traducteur. — Il a pu cependant exister une version espagnole, au moins partielle, de la Bible dès la fin du xii » siècle ; car Jacques l « r, roi d’Aragon, porta, avec l’approbation d’un concile régional tenu à Tarragone, en 1233 (non en 1276, comme on l’a dit faussement), un décret royal « qui défendait à tous, clercs ou laïques, de garder dans sa maison aucune traduction en langue vulgaire (en romance) de l’Ancien ou du Nouveau Testament ». Gonzalès, Concilia Hispaniæ, Madrid, 1851, t. iii, p. 363. Cette version n’est point arrivée jusqu’à nous. La prohibition dont elle fut l’objet avait eu pour cause la nécessité de se prémunir contre l’abus que les Albigeois faisaient alors des Livres Saints et de leur lecture en langue vulgaire. Une fois le danger passé, la défense tomba d’elle-même.

I. Bible espagnole, dite Hiblia Alfonshta ou d’Alphonse X (1252-1286). — Alphonse X, roi de Castille et de Léon, surnommé el Sabio (le Savant), à cause de son zèle pour la culture des lettres et des arts, avait réuni autour de lui, à Séville, une élite de savants en partie Juifs ou Arabes, auxquels il fit traduire en espagnol les écrits

de Ptolémée et de divers autres anciens. Il donna également des ordres pour une traduction littérale de la Bible d’après le texte latin de saint Jérôme. Mariana l’affirmait explicitement au XVIe siècle, sans distinguer entre l’Ancien et le Nouveau Testament (Historia de Espana, xiv, 7) ; Rodriguez de Castro l’affirma de nouveau à la fin du XVIIIe siècle, en ajoutant que cette version se conservait à l’Escurial, en original ou en copie. Biblioteca espaHola, t. i, p. 411 ; t. ii, p. 674. Cette Bible était répartie en cinq divisions, d’après un ordre chronologique plus ou moins exact, et l’histoire profane, représentée par Hérodote, Tite Live et les autres classiques de l’antiquité, y faisait en quelque sorte corps avec l’histoire biblique elle-même ; mais tous nos livres sacrés de l’Ancien et du Nouveau Testament y étaient traduits intégralement (dit Rodriguez de Castro déjà cité). Voici d’après cet auteur et d’après les renseignements fournis par le bibliothécaire actuel de l’Escurial, le R. P. Bénigne Fernandez, augustin, comment était disposée la Bible alphonsine. La première division contenait la traduction intégrale du Pentateuque. On en possède encore actuellement deux exemplaires à l’Escurial. L’un, du xme siècle, n’est qu’en papier ; mais néanmoins il pourrait bien être le manuscrit original. Il se compose de 385 feuillets grand in-f° et porte le n° 1 parmi les manuscrits bibliques. Le second, en vélin et plus orné, n’est qu’une copie du XVe siècle. Il occupe le n° 6 parmi les mêmes manuscrits de l’Escurial. — La seconde partie s’étendait de la mort de Moïse à celle de David, et renfermait la traduction intégrale des livres de Josué, des Juges, de Ruth et les deux premiers des Rois. La Bibliothèque de l’Escurial en a trois exemplaires, tous copies du XVe siècle (n os 2, 13 et 22 des manuscrits). — La troisième division embrassait le Psautier (auquel s’adjoignaient les cantiques du Bréviaire), puis le Cantique des cantiques, la Sagesse, l’Ecclésiaste, Joël et enfin Isaïe. (R. de Castro, Biblwteca, 1. 1, p. 421-425.) On n’en connaît plus qu’une copie du XVe siècle. Elle se compose de 235 feuillets (n° 8 à l’Escurial). — La quatrième partie est aujourd’hui perdue, paraît-il ; elle s’étendait, d’après R. de Castro, t. i, p. 425, depuis le roi Ptolémée Philopator jusqu’à Antiochus le Grand. Par malheur ces deux monarques ont été contemporains : ce qui rend l’assertion sujette à caution. En outre le savant espagnol oublie de signaler quels étaient les livres correspondants de la Bible. C’étaient probablement les troisième et quatrième livres des Rois, les deux livres des Paralipomènes et le prophète Osée. — Nous sommes un peu mieux renseignés relativement à la cinquième partie. Elle est représentée par un manuscrit de 249 feuillets, copie du xve siècle, dont Rodriguez de Castro nous a laissé une description, t. i, p. 426-431. Voici la liste des livres qui y sont traduits : Daniel, Jérémie, Baruch, Habacuc, Judith, Esdras, Néhémie, Aggée, Zacharie, Malachie, Ecclésiastique, les deux livres des Machabées, les quatre Évangiles, les Épîtres de saint Paul et les sept Épîtres canoniques. Le manuscrit paraît intact. Mais le copiste en a pris à son aise pour le choix des livres qu’il admettait, comme pour l’ordre dans lequel il les plaçait. Un nommé Bæna, que Rodriguez de Castro regarde comme un des traducteurs d’Alphonse X, nous avertit, dans une note du folio 95, qu’il y a de fréquentes lacunes dans ce manuscrit, et renvoie pour les combler à un autre manuscrit. C’est peut-être un codex de l’Escurial, qui a 249 feuillets et date de la fin du xme siècle ou environ. Il passe pour faire partie de la Bible d’Alphonse X. On y trouve traduit en espagnol Daniel, Abdias, Sophonie, Jérémie, Baruch, Habacuc, Judith, Esdras, Esther, l’Ecclésiastique, les Machabées, les Évangiles et le Prologue des Actes des Apôtres. Comme il se termine par un prologue, il est évidemment incomplet.

II. Versions datant des xiv et xv « siècles. — Pendant le cours des xiv « et xv « siècles, divers auteurs,


presque tous anonymes, traduisirent diverses parties des Livres Saints. Aucun d’eux ne paraît avoir laissé de version complète de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ces versions sont faites tantôt sur les textes originaux hébreu et grec, tantôt sur le latin de saint Jérôme.

I. FESSlOyS ABTÉRIEURES AU XVI’SIÈCLE FAITES SUS

L’Bébreu. — Il est impossible d’assigner à ces versions une date précise ; on ne peut donc les classer chronologiquement. — 1° Signalons en premier lieu, un peu au hasard, une version anonyme, qui porte actuellement le n° 4 parmi les manuscrits bibliques de l’Escurial. On croit que cette version remonte au xive siècle, mais la chose reste cependant un peu indécise. Le codex comprend 530 feuillets grand in-f°, avec quelques enluminures, lettres ornées ou gravures. 1.1 embrasse tout l’Ancien Testament, tel qu’il figurait dans le canon des Juifs de Palestine. L’ordre dans lequel les livres sont placés est aussi celui des Juifs, non celui de la Vulgate. On y remarque même certaines particularités qui seraient propres aux Juifs d’Espagne, d’après Bleek, Enleitung in das A. T., Berlin, 1860, p. 36. De même les noms qu’on donne à certains livres sont différents des noms usités parmi nous. Les voici selon l’ordre qu’ils occupent : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, Josué, les Juges, Samuel, les Rois, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, les douze petits Prophètes ( ordre de la Vulgate), la Chronique des Rois, c’est-à-dire les Paralipomènes, les Psaumes de David, Job et ses trois amis, les Exemples (Proverbes) de Saloinon, le Cantique des cantiques, Ruth, les Lamentations de Jérémie, le Vanitas vanitatum (ou Ecclésiaste) de Salomon, le roi Assuérus et la reine Esther, Daniel le prophète du Seigneur, Esdras et enfin les Machabées. Ce dernier écrit n’a jamais appartenu au canon des Juifs de Palestine, bien que des deux livres dont il se compose le premier ait été écrit en langue hébraïque. Sa présence ici a donc lieu de surprendre et amènerait presque à supposer que la version dont il s’agit était faite sur le latin de saint Jérôme. Mais, d’autre part, l’absence des deutérocanoniques, Tobie et Judith, Sagesse et Ecclésiastique, comme aussi la place assignée aux différents livres, le nom qu’on donne à plusieurs d’entre eux et divers autres indices paraissent de sûrs garants que le traducteur a dû faire son travail principalement sur l’hébreu et devait être du nombre de ces Juifs qui embrassèrent le christianisme sans renoncer réellement à certaines opinions qu’ils tenaient de leurs pères. Tel est le sentiment de R. de Castro, Biblioteca, t. i, p. 431-433. On peut établir d’ailleurs par le témoignage d’un auteur du IXe siècle, Alvare de Cordoue, qui vivait au milieu des musulmans, qu’à cette date les Espagnols catholiques admettaient les mêmes livres sacrés que nous, mais les plaçaient de lait dans un ordre assez différent du nôtre. Voir Espana sagrada, t. xi, p. 281-284. Le fait a lieu de surprendre, puisque saint Isidore suivait l’ordre de la Vulgate, Etymolog., vi, 1, t. xxxii, col. 229 ; mais il n’en est pas moins indiscutable.

2° Eguren mentionne une seconde version espagnole de l’Ancien Testament, qu’il dit faite <c en partie sur l’hébreu », et dont on ne connaît non plus qu’un seul exemplaire, encore bien incomplet, puisqu’il ne commence qu’aux grands Prophètes. Les deux livres des Machabées y sont compris et en font la conclusion. Cette version, d’après le même auteur, est l’œuvre d’un Juif converti, le rabbin Salomon. Le manuscrit, en beau vélin, appartient à la Bibliothèque de l’Académie royale d’histoire de Madrid. Il est à deux colonnes : la première contient le texte latin, la seconde le texte espagnol. Les chapitres xm et xiv de Daniel, qui manquent dans le texte hébreu, ne sont représentés ici que par le texte latin : ce qui donne réellement à penser qu’Eguren est dans le vrai lorsqu’il affirme que le traducteur espagnol ne s’occupe que du texte hébreu. Les Lamentations de. Jérémie y font également défaut, quoiqu’elles fassent partie

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du canon juif. Voir Eguren, Memoria descriptiva de los Codices mas notables de Espaûa, in-4°, Madrid, 1859, p. 8.

3° On peut regarder également comme faite en partie sur l’hébreu, en raison de l’ordre qu’occupent les livres, une troisième version de l’Ancien Testament, qui se conserve â l’Escurial. Le manuscrit est partie en parchemin, partie en simple papier, mais avec lettres ornées ^et autres illustrations. Il se compose de 258 feuillets. Il commence par les trois grands prophètes Isaïe, Jérémie et Ézéchiel. Viennent ensuite les douze petits (ordre de la Vulgate), Ruth, les Psaumes, Job, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique de Salomon, les Lamentations de Jérémie, Daniel, Esther, et enfin pour conclure les deux livres des Paralipomènes. R. de Castro, Biblioteca, p. 434 et 435 ; Eguren, Memoria, p. 45.

4° La bibliothèque de l’Escurial possède aussi, sous le n° 8, une autre version de l’Ancien Testament, différente des précédentes. Elle pourrait bien être l’oeuvre de plusieurs auteurs. On lit dans une note-qui se trouve au folio 224, en tête du Psautier : « Cette traduction est l’œuvre dé maître Hermonel, Allemand de naissance, et elle a été faite sur l’hébreu. » Ce manuscrit est incomplet au commencement et à là fin ; car tout ce qui précède le chapitre vu du Lévitique y fait défaut, comme aussi tout ce qui suit le Psaume lxx. Ce manuscrit fut offert en don à Philippe II par le cardinal Quiroga, d’après une note du bas de la première page. Castro, Biblioteca, p. 438.

5° La même bibliothèque dé l’Escurial possède encore, sous le n° 17 des codices bibliques, un manuscrit qui parait assez analogue au précédent. Il s’étend de la Genèse au IV 8 livre des Rois inclusivement et se compose de 450 feuillets ; mais les vingt-quatre premiers chapitres de la Genèse y font absolument défaut. Il a pour début un chapitre qu’on appelle chapitre huitième, bien qu’il ait trait à la naissance des deux jumeaux Ésaû et Jacob. Or cet événement occupe le chapitre xxv dans nos Bibles. De là on est porté à croire que cette version est faite au moins en partie sur l’hébreu, puisqu’elle en a adopté une manière de sectionner les Saints Livres qui n’est en rien celle de la Vulgate.

6° Une dernière version de l’Ancien Testament faite sur l’hébreu est connue sous le nom de Bible du duc d’Albe, du nom de son possesseur actuel. Elle a pour auteur le rabbin Mosé Arrajel (de Tolède), qui l’acheva le 2 juillet 1430, après huit années d’un travail persévérant. Elle lui avait été commandée et chèrement payée (80000 francs de notre monnaie) par don Louis de Guzman, grand maître de l’ordre de Calatrava. Étant faite sur l’hébreu, elle ne renferme naturellement que les livres protocanoniques. Ce qui lui donne un nouveau prix, c’est qu’elle est enrichie de nombreuses miniatures ainsi que de gloses. Celles-ci sont dues partie au traducteur, partie au P. Arias de Encéna, alors gardien du couvent des Frères Mineurs de Tolède. Voir Joachim Vilanueva, De la leccion de la Sagrada Escritura, Appendice, Valencia, 1791, p. 137-228.

II. VEBSIOlfS FAITES SUS LA VULQATB LATINE. — 1° Bible

de Quiroga, n° 4 de l’Escurial. Le cardinal et grand inquisiteur Quiroga donna au roi Philippe II une seconde version complète de l’Ancien Testament. On a parfois considéré cette version comme faite sur l’hébreu (Eguren, Memoria, p. 45), sans doute parce que l’auteur était un Juif converti. Mais l’ordre dans lequel sont placés les livres est celui de notre Vulgate, et on y trouve les livres deutérocanoniques. Le manuscrit se compose de 468 feuillets en parchemin, avec enluminures, lettres ornées, etc. Castro, Biblioteca, p. 433 et 434. — 2° C’est encore l’Escurial qui nous fournit une seconde version analogue à la précédente. Elle passe pour avoir été commandée par Alphonse V, roi d’Aragon (1416-1458). -Castro, Biblioteca, p. 437. Le manuscrit qui nous l’a conservée ne commence qu’aux

Proverbes ; mais à dater de ce livre il embrasse tout ce qui suit dans nos Bibles jusqu’à l’Apocalypse inclusivement. Il se compose de 358 feuillets grand in-f°. — 3° Un manuscrit, qui est inscrit à l’Escurial sous le n° 7 et ne se compose que de 155 feuillets, contient une traduction incomplète. Il ne s’étend que du chapitre vu du Lévitique au IV » livre des Rois. Castro, Biblioteca, p. 438. — 4° Martin de Lucena, surnommé le Machabée, était un Juif converti, mais très instruit et très versé dans les langues latine et grecque. Il traduisit en castillan, vers 1450, les Évangiles et les Épltres de saint Paul, à la prière d’Inigo Lopez de Mendoza, marquis de Santillane (S. Julianus). Cette version paraissait digne de beaucoup d’estime aux yeux de Nicolas Antonio et de Rodriguez de Castro. Voir ce dernier, Biblioteca, p. 439. Le manuscrit autographe s’est conservé à l’Escurial, sous le n° 11, jusqu’à la fin du siècle dernier ; mais aujourd’hui il ne se retrouve plus. (Lettre du P. Fernandez, bibliothécaire, en date du 3 février 1896.)

Par tout ce qui précède, on voit que, durant le moyen âge, la lecture de l’Écriture Sainte en langue vulgaire avait été encouragée et facilitée en Espagne, à part trente ou quarante années pendant lesquelles on fut obligé de se prémunir contre les Albigeois. À la fin du XVe siècle, on s’occupait même d’imprimer les Livres Saints traduits en espagnol, témoin le Pentateuque espagnol, qui parut à Venise, en 1497, par les soins des Juifs expulsés de leur patrie (Castro, Biblioteca, t. i, p. 448-449), et le Psautier espagnol, qui fut édité à Tolède, vers le même temps, selon toute apparence. Ibid., p. 449. Mais l’hérésie de Luther et l’abus qu’il fit du texte sacré vinrent arrêter ce mouvement.

III. Versions publiées de 1500 à 1780. — i. vebsioxs catholiques. — Les fondateurs du protestantisme se servirent des versions de la Bible en langue vulgaire, arrangées à leur guise, pour propager leurs erreurs. Afin de remédier au mal, le concile de Trente interdit la lecture de ces versions. Cependant cette prohibition, telle qu’elle fut décrétée à Trente, puis formulée dans la règle iv de l’Index romain, n’était point absolue, mais simplement conditionnelle ; elle n’atteignait que ceux qui ne voulaient pas solliciter une permission auprès des supérieurs légitimes. L’Inquisition espagnole alla plus loin et aggrava la défense. Elle prohiba purement et simplement, pour des motifs plutôt politiques que religieux, « l’impression et la lecture des Livres Saints en langue vulgaire, » en comprenant même dans cette prohibition les Heures du bréviaire, l’Office de la Sainte Vierge, celui des défunts et les choses analogues. ( Voir la règle v de l’Index espagnol des livres prohibés.) On sait avec quelle vigilance et même quelle rigueur l’autorité temporelle s’employa en Espagne, pendant les xvie, xviie et xviiie siècles, à procurer l’exacte observance d’un pareil décret. Les usages d’alors et l’intolérance au moins aussi grande de Luther, de Calvin et d’Henri VIII expliquent ces mesures, si elles ne les justifient pas. On ne saurait d’ailleurs s’empêcher de reconnaître que ce fut cette sévérité même qui préserva la péninsule ibérique du double fléau de l’hérésie et des guerres de religion, qui firent couler des flots de sang dans d’autres pays.

Sous le coup des menaces de l’Inquisition, les catholiques espagnols se bornèrent à essayer de traduire quelques-unes des parties des Ecritures qui entrent dans la liturgie ou quelques livres sapientiaux, et ils ne réussirent pas toujours à les publier. Voici rémunération de ces tentatives.

1° Versions des Évangiles. — 1° La première de toutes eut pour objet la version des évangiles et des épîtres de l’année. Elle a pour auteur le franciscain Ambroise de Montésino, prédicateur des rois catholiques Ferdinand et Isabelle. Son travail fut édité à Madrid, en 1512, longtemps avant la publication explicite faite en 1554 des Règles de l’Inquisition, qui prohibaient la lecture des

Livres Saints en langue vulgaire. Mais, à vrai dire, cette prohibition existait déjà en fait dés cette époque, comme l’affirmait, en 1543, François de Enzinas, dans la préface d*une version espagnole du Nouveau Testament dont il sera question plus loin. La traduction du religieux franciscain ne fut point cependant mise à l’index espagnol. Elle reparut même en 1601, sans réveiller, parait-il, aucune susceptibilité, ou du moins sans attirer sur l’œuvre aucune condamnation. Voir N. Antonio, Biblioteca hispana nova, 2° édif., Madrid, 1783, t. i, p. 64. — 2° Un anonyme donna, vers 1530, selon toute apparence, mais certainement quelques années après la publication de la Bible d’AJcala (1514-1517), puisqu’il la prend pour guide, une traduction restée manuscrite des quatre Évangiles, qu’il intitula : Nova translation y interprétation espanola de los cuatro Evangelios. L’auteur, dans son Prologue (Castro le reproduit intégralement, Biblioteca, t. i, p. 439-441), ne fait aucune mention des prohibitions de l’Index ; mais soit que l’Inquisition espagnole mit obstacle à l’impression de ce travail, soit pour toute autre cause, il est toujours resté manuscrit. La Bibliothèque de l’Escurial l’a conservé sous le n° 9 des manuscrits bibliques. — 3° Une nouvelle version et interprétation des quatre Évangiles faite vers 1550, par le P. Jean de Robles, bénédictin du Mont-Serrat (-(-1573), est restée également manuscrite. Ce fut l’Inquisition qui s’opposa à l’impression. L’original se trouve à l’Escurial, sous la cote H 1, 4, et forme un volume de 489 feuillets. (Lettre du P. Fernandez, en date du 3 février 1896.) — 4° Le P. Joseph de Siguenza, hiéronymite, la principale gloire littéraire du couvent de l’Escurial, s’employa lui-même à traduire en espagnol, avec son rare talent, les deux Évangiles de saint Matthieu et de saint Luc ; mais il ne fut pas plus heureux que ses émules. Son écrit est resté manuscrit et se conserve à l’Escurial, sans avoir jamais reçu les honneurs de l’impression.

2° Versions des Psaumes. — 1° Fernand Jaraba, qui écrivait avant la publication de l’Index espagnol, publia à Anvers : 1. en 1540, une traduction espagnole de l’Office des défunts, et des passages de Job, qui en font partie intégrante ; 2. dans la même ville, en 1543, une traduction des Psaumes pénilentiaux, du Cantique des cantiques et des Lamentations de Jérémie. Castro, Biblioteca, t. r, p. 449 ; N. Antonio, Biblioteca hispana nova, t. i, p. 378. Son livre fut proscrit plus tard. Voir l’Index espagnol, au mot Jaraba. — 2° Le P. Benoit Villa, bénédictin du Mont-Serrat, n’eut pas un meilleur sort avec sa Harpe de David ou traduction paraphrasée des Psaumes. Cet écrit, qui avait d’abord été publié en Catalogne, fut édité une seconde fois, en 1545, à Médina del Campo, avec licence et privilège royal (voir Hidalgo., Diccionario de bibliografia espanola, Madrid, 1862, t. i, p. 232), ce qui n’empêcha pas l’auteur de tomber, neuf ans plus tard, sous le coup de la Ve règle prohibitive de l’Index espagnol, et de voir son travail inscrit au nombre des livres prohibés. — 3° Ce fut probablement pour échapper aux effets d’une condamnation de ce genre que le Flamand Cornélius Snoi alla publier à Amsterdam, en 1553, une autre traduction espagnole des Psaumes, qui n’est pas sans mérite, d’après Castro, Biblioteca, t. i, p. 462. — 4° Trente ans plus tard, le pieux Louis de Grenade, dont on connaît le grand renom et le talent littéraire, traduisit partie en vers, partie en prose, le Psautier et les cantiques du bréviaire. Mais son travail dut attendre que l’Inquisition espagnole eût mitigé la rigueur de ses décrets pour être livré à l’impression : il ne fut édité qu’en 1801. Hidalgo, Diccionario, Madrid, 1862, t. i, p. 226. — 5° Jean de Soto, de l’ordre de Saintvugustin, fut plus heureux au commencement du xviie siècle. Il réussit en 1615, avec la protection d’une infante d’Espagne, à mettre au jour une traduction en vers des Psaumes et des cantiques du bréviaire. Cette traduction n’a pas été censurée par l’Inquisition. N. Antonio, Biblioteca, 1. 1, p. 782. — 6° Le

P. Jean de la Puebla, hiéronymite, fut plus réservé. Il s’employa bien à traduire en vers espagnols les Psaumes de David, mais sans les livrer à l’impression. L’original de cette traduction se conserve à l’Escurial. — 7° Antonio de Cacérès y Soto Major, évêque d’Astorga et confesseur du roi Philippe IV, est aussi auteur d’une version littérale des Psaumes, accompagnée de quelques gloses. C’est sans doute pour cela que l’Inquisition la toléra. Elle fut imprimée en 1615, non en Espagne, mais à Lisbonne. Castro, Biblioteca, t. i, p. 472. — 8° Huit ans plus tard, en 1623, parut à Madrid même, et avec approbation, une autre traduction analogue des Psaumes et des cantiques du bréviaire. Elle était due à Joseph de Valdivielso, l’un des chapelains de la cour. Antonio, Biblioteca, t. i, p. 488.

— 9° Le comte Bernardin de Rebolledo, seigneur d’Irian, après avoir combattu vaillamment dans l’armée et rempli aussi avec distinction plusieurs ambassades, s’appliqua semblablement aux arts de la paix et cultiva en particulier la poésie avec un certain succès. Antonio, Biblioteca, t. i, p. 219. On lui doit un ouvrage intitulé Selva sagrada, qui n’est autre chose qu’une traduction en vers castillans des Psaumes, de Job et des Lamentations de Jérémie. La première édition de cet ouvrage parut à Cologne, en 1659 ; elle ne renfermait que les Psaumes. Une seconde fut publiée à Anvers, en 1661, et une troisième à Madrid, en 1778. Ces deux dernières renfermaient, avec les Psaumes, Job et les Lamentations de Jérémie. Hidalgo, Diccionario, t. i, p. 237-238. — 10° Il y eut encore, à la même époque, des versions particulières des Psaumes pénitentiaux ou de quelques autres parties du Psautier ; mais elles ne valent pas la peine d’être nommées.

3° Versions des livres sapientiaux. — 1° L’Ecclésiaste fut traduit en espagnol et annoté, au commencement du XVI » siècle, par un anonyme, qui prit pour modèle le célèbre Arias Montanus. Mais sa traduction ne fut pas imprimée. Elle se conserve en manuscrit à l’Escurial. Castro, Biblioteca, t. i, p. 443 et 444. — 2° Le Cantique des cantiques trouva (vers 1570) un traducteur espagnol dans la personne du célèbre Louis de Léon, de l’ordre des Augustins. Cet écrivain, théologien consommé et littérateur du plus grand mérite, traduisit aussi le livre de. Job. Mais ce double travail ne put être imprimé que plus tard, Job en 1779 et le Cantique en 1798, à Salamanque. Hidalgo, Diccionario, t. i, p. 223 et 239. — 3° Alphonse Ramon, de l’ordre de la Merci, est auteur d’une version espagnole des Proverbes de Salomon. Elle parut à Madrid, en 1629, et n’attira à son auteur aucune condamnation, sans doute parce qu’elle était accompagnée de gloses et d’éclaircissements. Antonio, Biblioteca, t. i, p. 42 et 43.

4° Version de l’Apocalypse. — Le vénérable serviteur de Dieu Grégoire Lopez, missionnaire ou plutôt ermite au Mexique, mort le 20 juillet 1596, en odeur de sainteté, laissa manuscrite une traduction espagnole de ce livre si mystérieux et si obscur. Elle fut publiée après sa mort, en 1678, par le bénédictin Argaiz. Elle a obtenu une seconde et une troisième édition enrichie de gravures, à Madrid, en 1789 et 1804.

Telles sont dans leur ensemble les quelques rares versions espagnoles catholiques, toutes partielles, de nos Livres Saints, que nous présente la période de 1500 à 1780. Elles ne représentent qu’une partie insignifiante des travaux scripluraires qui furent l’œuvre des catholiques espagnols pendant les xvi", xviie et xviii « siècles. On sait assez, en effet, que le xvi » siècle en particulier fut l’âge d’or des théologiens et des exégètes en Espagne. Mais, au lieu de rédiger leurs travaux bibliques dans leur langue maternelle, ces auteurs les écrivirent en latin, avec autant d’abondance que de perfection et de succès. La langue espagnole y perdit sans doute ; mais l’Église entière y gagna, puisque leurs ouvrages profitèrent à plus d$ lecteurs.

II. rEXHOirs juives. — 1° Versions de l’Ancien Testament. — 1. Isaac Abarbanel a traduit plusieurs livres sacrés en espagnol. Né à Lisbonne, en 1439, de parents juifs, il passa en Castille et y conquit la faveur des rois catholiques, sans renoncer cependant à sa religion. Aussi, lors du décret de 1492, il prit le parti de quitter l’Espagne et se réfugia d’abord à Naples, puis à Corfoue, enfin à Venise, où il mourut en 1508. Voir t. i, col. 15. Il a traduit de l’hébreu en espagnol le Deutéronome, Josué, les Juges, les Rois, les grands et les petits Prophètes. Voir Rodriguez de Castro, Biblioteca, t. i, p. 346-349. —

2. Isaac llaraman ben Moseh, originaire de Zamora, contemporain et coreligionnaire d’Abarbanel, prit comme lui le parti de l’exil, en 1492. Il avait traduit et commenté en espagnol, avant de quitter son pays natal, les livres d’Esther, de Ruth, de l’Ecclésiaste, du Cantique des cantiques, ainsi que les Lamentations de Jérémie ; mais il ne parait pas qu’aucun de ces écrits ait été livré à l’impression. Castro, Biblioteca, t. i, p. 361. Le manuscrit de la traduction de l’Ecclésiaste se conserve à l’Escurial. —

3. Bible de Ferrare ou des Juifs. — En 1553 parut la Bible espagnole la plus renommée et la plus souvent réimprimée. Elle a pour titre : Biblia en lengua espanola traduzida palabra por palabra de la verdad hebraica por muy excelentes letrados. En Ferrara, 16 de adar de 5313 (1 er mars 1553). Cette traduction est connue sous le double nom de Bible de Ferrare et de Bible des Juifs. Elle doit son premier nom à ce qu’elle fut publiée à Ferrare, sous la protection du duc Hercule II, qui favorisait ouvertement le luthéranisme. Elle doit le second à ce qu’elle est l’œuvre de deux Juifs portugais, Duarte Pinel, appelé aussi Jom Tob Athias, et Jérôme de Vargas, nommé aussi Abraham Usque. Rodriguez de Castro, Biblioteca, t. i, p. 400 et 401. Elle contient tous les livres protocanoniques de l’Ancien Testament, à l’exception des Lamentations de Jérémie. Daniel est rangé parmi les hagiographes, après Job. Esther est le dernier livre de tout le volume. Cette version eut, paraît-il, deux tirages simultanés en 1553, lors de sa première publication. L’un portait une dédicace au duc de Ferrare et s’adressait sans doute aux catholiques, qu’on voulait tromper ; car on s’y targuait frauduleusement d’avoir obtenu pour cette version de la Bible une approbation explicite du saint office. Le second tirage, destiné selon toute apparence aux Juifs, était dédié à une de leurs coreligionnaires, dona Gracia Nasi. M. Hidalgo, Diccionario, p. 214, qui a confronté les deux tirages, n’y a remarqué d’autre divergence que la suivante : dans le verset Ecce virgo concipiet, Is., vii, 14, l’un traduit virgo par virgen, qui est une traduction littérale, tandis que l’autre substitue le mot moza, qui offre un sens vague. La traduction en général laisse beaucoup à désirer pour l’élégance et la correction du langage, en dépit de la réputation qu’on lui a faite. L’espagnol y est froid, compassé, parfois inexact ; les hébraïsmes y abondent. Ménendez Pelayo, Heterodoxos, t. ii, p. 466. La Bible de Ferrare fut en partie corrigée dans les réimpressions qui en ont été faites, toujours par des Juifs et presque toujours à Amsterdam, en 1611, 1617, 1661, 1665, 1728, 1762. Rodriguez de Castro, Biblioteca, t. i, p. 472, 481, 517-518. La dernière édition, celle de 1762, a été donnée par lé rabbin Abraham Mendez de Castro, et passe à tort auprès de quelques auteurs pour être une version autre que celle de Ferrare.

2° Versions du Pentateuque. — 1. On doit au rabbin Manasseh ben Israël, Juif espagnol réfugié en Hollande, une traduction espagnole des cinq livres de Moïse, publiée à Amsterdam, en 1627 et 1655. Cette version ne diffère pas notablement de celle de Ferrare. — 2. En 1695, Joseph Franco Serrano, professeur de théologie à la synagogue d’Amsterdam, édita un Nuevo Pentateucho traducido en lengua espanola, avec paraphrase empruntée aux meilleurs commentateurs juifs. R. Castro, t. i, li.491-4’J3. — 3. Dix ans plus tard, le rabbin Isaac de

Cordova publia aussi à Amsterdam une traduction du Pentateuque. R. Castro, t. i, p. 493.

3° Versions des Psaumes. — 1. À une époque inconnue, un poète donna le premier, prétend-il dans sa Préface, une traduction en vers des Psaumes, sous le nom probablement supposé de Jean Le Quesne. On croit qu’il était Juif. On a pour cela plusieurs motifs, et en particulier cette circonstance, qu’il se vante d’avoir traduit sur le texte hébreu. Sa version n’était pas d’ailleurs sans mérite. Rodriguez de Castro, Biblioteca, t. i, p. 471. Mais elle était entachée de plusieurs erreurs doctrinales. Elle figure à l’Index espagnol comme livre prohibé, au mot Quesne. — 2. En 1625 parut à Amsterdam une autre version espagnole des Psaumes. Elle était anonyme et n’offre rien qui lui mérite une attention particulière. Rodriguez de Castro, Biblioteca, t. i, p. 472 et 473. — 3. En 1626, David Abénatar-Melo, Juif espagnol, d’abord converti au christianisme, puis relaps et réfugié en Allemagne, publia à Francfort une traduction espagnole en vers de tout le Psautier, faite d’après la Bible de Ferrare. Voir Amador de los Rios, Estudios sobre los Judios de Espana, in-8°, Madrid, 1848, p. 521-530. — 4. Les rabbins Éphraïm Bueno et Jonas Abravanel publièrent à Amsterdam, en 1650, une autre traduction espagnole des Psaumes, faite également sur l’hébreu. R. de Castro, Biblioteca, t. i, p. 477 et 478. — 5. Le rabbin Jacob Jehudah, Juif originaire de Léon, publia également une version des Psaumes à Amsterdam, et sa version n’était pas sans valeur. R. de Castro, t. i, p. 483-487. — 6. Mentionnons en dernier lieu à cet égard la traduction très prosaïque, bien qu’en vers castillans, du rabbin Daniel Israël Lopez-Laguna. Elle parut aussi à Amsterdam, en 1720. L’auteur avait consacré vingt années de sa vie à la composer, et comme elle avait été faite spécialement pour les Juifs, ceux-ci à leur tour ne négligèrent rien, en dépit de la pauvreté de la poésie, pour que la beauté de la forme et la richesse de l’ornementation ne laissassent rien à désirer. R. de Castro, t. i, p. 500-506.

4° Versions du Cantique des cantiques. — 1. Il fut traduit en espagnol vers 1631, par le rabbin David Cohen Carlos ; mais sa version est restée manuscrite. Elle se conserve à la Haye, en Hollande. R. de Castro, 1. 1, p. 476.

— 2. En 1766 parut à Amsterdam une édition du Cantique des cantiques en trois langues, hébreu, latin et espagnol. La version espagnole était l’œuvre du rabbin Moseh Belmonte. Castro, t. I, p. 519 et 520.

5° Version des premiers Prophètes. — Elle est due au rabbin Isaac de Acosta ; mais, comme ses coreligionnaires, il désigne par cette expression : « les premiers Prophètes, » Josué, les Juges et les quatre livres des Rois. L’ouvrage parut à Leyde, en 1732, sous le titre de Conjeturas sagradas sobre los Prophetas primeros. Voir Rodriguez de Castro, qui en donne des extraits, t. i, p. 506-510.

6° Version des hagiographes. — Juan Pinto Delgado, Juif portugais, qui avait fui la péninsule ibérique pour échapper à l’Inquisition et s’était réfugié en Normandie, traduisit en espagnol et en vers quelques-uns des livres qui sont appelés hagiographiques dans le canon hébreu, savoir ceux d’Esther et de Ruth, ainsi que les Lamentations de Jérémie. Sa version parut à Rouen, en 1627, avec une dédicace au cardinal de Richelieu. Ce fut sans doule grâce à ce patronage que le livre ne fut pas prohibé par l’Inquisition espagnole. Castro, p. 510-516.

7° Version d’Isaïe et de Jérémie. — En 1569, Joseph ben Isaac ben Joseph Jebetz avait publié à Strasbourg une édition du texte hébreu d’Isaïe et de Jérémie, avec traduction espagnole en regard. Le volume était à deux colonnes. La première offrait le texte hébreu, la seconde la traduction. Mais celle-ci était presque identique à celle de la Bible de Ferrare. R. de Castro, t. i, p. 464.

/II. VEBSlOiïS protestantes. — 1° Juan de Valdès. — C’est le premier luthérien originaire d’Espagne qui se soit

occupé d’une version espagnole de la Bible. Philologue et littérateur de talent, il vivait dans la première moitié du XVIe siècle, et sa mort arriva en 1541, douze ans avant l’apparition de la Bible de Ferrare. Il laissait en manuscrit : 1. une version espagnole du Psautier faite sur l’hébreu. Elle n'était pas sans mérite, au jugement de M. Menendez Pelayo. Elle était restée manuscrite à la Bibliothèque impériale de Vienne jusqu’en 1880. À cette date, Bdhmer l’a mise au jour à Bonn, in-8° de 196 pages. — 2. Une version du même genre faite sur le grec et accompagnée d’un commentaire de l'Épître de saint Paul aux Romains et de la première aux Corinthiens. Ces deux dernières furent imprimées séparément à Venise ou plutôt à Genève, peu de temps après la mort de l’auteur, l’une en 1556, l’autre en 1557. Voir Menendez Pelayo, Heterodoxos espanoles, t. ii, p. 185 et 186.

2° François de Enzinas. — Il esf l’auteur de la première version protestante du Nouveau Testament -.ElNuevo Testamento de Nuestro Redemptor y Salvador Jesu Christo, traduzido de griego en lengua castillana por Francisco de Enzinas. Enveres (Anvers), octobre 1543. François de Enzinas, appelé aussi Driander ou Duchêne, avait fui l’Espagne, sa patrie, pour se retirer à Wittemberg et y professer librement les opinions nouvelles, mises en vogue par Luther. Il était théologien à ses heures et connaissait passablement la langue grecque. Sa traduction fut accueillie avec faveur par ses coreligionnaires et a été bien des fois réimprimée parles protestants. Mais les théologiens catholiques y découvrirent tant d’erreurs, qu’ils s’empressèrent de la censurer, en dépit de la précaution que l’auteur avait prise de rentrer en pays espagnol avant de publier son livre et de le dédier à CharlesQuint, dans l’espoir de se ménager sa protection. Voir Menendez Pelayo, Heterodoxos espanoles, in-8°, Madrid, 1881, t. ii, p. 223-237. - En 1550, Sébastien Gripho, imprimeur de Lyon, édita sans nom d’auteur une version espagnole faite sur l’hébreu du livre de Josué, des Psaumes et des Proverbes. On a parfois attribué cette traduction à Enzinas ( M. Pelayo, Heterodoxos, p. 516), mais par pure conjecture.

3° Juan Perez de Pinéda. — Cet écrivain espagnol était recteur du collège de la Doctrine, à Séville, lorsqu’il s’enfuit â Genève, pour échapper à l’Inquisition, qui menaçait de le poursuivre pour son attachement aux erreurs de Luther. Il y employa ses veilles à donner une version du Nouveau Testament faite sur le grec et une autre desPsaumes d’après l’hébreu. Ces deux traductions furent publiées à Venise en 1556 et 1557, en même temps que celle de Juan de Valdès. R. de Castro, t. i, p. 463. Juan Perez écrivait avec correction et élégance. Sa traduction des Psaumes passait, en 1720, pour la meilleure que l’on connût en castillan, d’après Lelong, Bibliotheca sacra, Paris, 1723, t. i, p. 364. M. Menendez Pelayo, cité plus haut, la regarde comme inférieure à celle de Valdès.

4° En 1563, on publia à Paris une nouvelle traduction espagnole du Nouveau Testament. Elle ne portait pas de nom d’auteur ; mais le venin des erreurs de Calvin y était si apparent, que la Sorbonne de Paris en prohiba la lecture par décret du 2 août 1574. D’Argentré, Collectio judiciorum, t. ii, p. 421-425.

5° Biblia del Oso, première traduction espagnole intégrale de la Bible, Bàle, 1567-1569. Les premiers luthériens espagnols, malgré leur zèle à multiplier les versions de la Bible dans leur langue maternelle, n'étaient pas parvenus à en mettre au jour une traduction intégrale faite sur les textes originaux. Cette version ne parut que dans la seconde moitié du XVIe siècle. Elle fut l'œuvre d’un religieux hiéronymite, qui avait jeté le froc aux orties et fui sa patrie pour se retirer à Bàle, en 1559, et contracter mariage. Cassiodore de Reina, c'était son nom (voir plus haut, col. 340), était helléniste distingué et littérateur de talent. Mais, comme Luther, il ne savait pas

parfaitement l’hébreu, et se contenta à peu près pour toute la partie hébraïque de la Bible de mettre en espagnol le texte latin de Santé Pagnino. Le traducteur employa douze années entières de sa vie â ce travail sans jamais se rebuter. Au moins l’affirme-t-il dans sa dédicace à tous les princes chrétiens. C’est grâce à ce travail acharné et persévérant qu’il réussit à doter la langue espagnole d’une version de la Bible supérieure à tous les points de vue à celle des Juifs de Ferrare. Cette version n’a point été égalée non plus plus tard par les traducteurs catholiques Philippe de Scio et Torrès-Amat, dont il sera question plus loin. Tel est le jugement de Menendez Pelayo, ouvr. cité, t. ii, p. 468-471. La version de Cassiodore de Reina doit son nom de Biblia del Oso, « Bible de l’Ours, » à l’emblème qui figure à son frontispice. Malgré son mérite, elle n’a eu qu’une édition proprement dite ; c’est pourquoi elle est devenue d’une rareté extrême. Mais, à vrai dire, la version de Cyprien de Valera, qui l’a supplantée, n’en est guère qu’un plagiat.

6° Cyprien de Valera. — D’abord religieux hiéronymite comme Cassiodore de Reina, puis défroqué comme lui et réfugié en pays protestant, il l’imita aussi dans son zèle à traduire la Bible en langue vulgaire. À l’entendre, il aurait employé vingt années de sa vie à préparer sa Biblia del Viejo y Nuevo Testamento, revista y conferida con los textos hebreos y griegos y con diversas translaciones, in-f°, 2 col., Amsterdam, 1602. De fait cependant, il n’a fait qu’améliorer en quelques endroits le texte de Cassiodore de Reina. Menendez Pelayo, t. ii, p. 496. Cyprien de Valera avait débuté dès 1596, à Londres, par la publication d’une version du Nouveau Testament, faite sur le texte grec, nous dit-il, mais en réalité d’après Cassiodore de Reina. — En 1718, Sébastien de la Encina, qui se disait ministre de l'Église anglicane en résidence à Amsterdam, publia une version espagnole du Nouveau Testament, qui n’est guère, en somme, qu’une réimpression de celle de Cyprien de Valera. Menendez Pelayo, ouvr. cité, t. iii, p. 99 et 100.

IV. Versions publiées de 1780 a nos jours. — Elles sont toutes l'œuvre d'écrivains catholiques. Les circonstances qui avaient fait porter, au xvie siècle, les règles prohibitives de l’Index en ce qui concerne la lecture de la Bible en langue vulgaire s'étaient modifiées peu à peu. Le danger de perversion n'étant plus le même, le pape Benoit XIV, par un bref en date du 23 décembre 1757, permit Ja lecture des Livres Saints en langue vulgaire, pourvu que la version eût été autorisée par l’autorité compétente et fût accompagnée dans les endroits difficiles de quelques éclaircissements empruntés aux saints Pères et aux exégètes catholiques. L’Inquisition espagnole, suivant cette voie, promulgua, le 20 décembre 1782, un décret analogue. Dès 1777, D. Francisco Gregorio de Salas, chapelain majeur de la maison royale des Retraitantes de Madrid, avait publié une traduction en vers castillans des Lamentations de Jérémie et d’une partie notable des offices de la Semaine sainte. En 1779 parut le livre de Job, traduit et commenté par Louis de Léon. Hidalgo, t. i, p. 234. De même, en 1782, Léon de Arroyal traduisit en espagnol l’Office de la sainte Vierge, celui des défunts, et les publiait avec une autorisation explicite du suprême conseil de l’Inquisition. Hidalgo, t. i, p. 239. Mais l’apparition du décret du 20 décembre 1782 devait encourager à produire des travaux plus importants.

1° Versions catholiques complètes de la Bible. — 1. Le P. Philippe Scio de San Miguel, clerc régulier des Écoles Pies de San Joseph Calasanz, ancien précepteur de Charles III, devenu évêque de Ségovie, entreprit de traduire complètement les Saintes Écritures. Sa version parut pour la première fois à Valence, de 1791 à 1793, en 10 volumes in-folio. Elle était faite strictement d’après la Vulgate latine, et les notes y étaient fort clairsemées. Elle ne manque d’ailleurs ni de correction ni d'élégance. Mais Ï963

    1. ESPAGNOLES##

ESPAGNOLES (VERSIONS) DE LA BIBLE

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cependant, comme le traducteur s’applique à suivre d’aussi près que possible le texte latin, sans s’occuper en aucune -manière du texte original ou des versions antérieures à la sienne, il manque parfois de clarté et de précision et plus souvent encore de chaleur et de vie. Toutefois, comme cette version était la première version complète qui eût pour auteur un catholique espagnol et ne fût déparée par aucune tache d’hérésie, elle fut accueillie avec un véritable enthousiasme dans le pays, et les éditions s’en multiplièrent rapidement, avec ou sans gravures et illustrations. — Ce n’est que plus tard que le public - éclairé sentit le besoin d’avoir une seconde traduction, pour laquelle l’auteur aurait recouru à l’hébreu, au grec et aux autres sources originales, afin d’être plus assuré du vrai sens de l’auteur sacré. Le roi Charles IV donna même des ordres à cet égard, en 1807, une année avant son abdication. Mais les circonstances difficiles que l’on traversait, et surtout la guerre de l’Indépendance, qui éclata sur ces entrefaites, amenèrent des retards dans l’exécution de cet ordre royal. — 2. Ce fut don Félix Torres y Amat (voir t. i, col, 446), alors prêtre sacristain de la cathédrale de Barcelone, et plus tard évéque d’Astorga, qui se chargea de ce travail et s’en acquitta avec zèle et talent. Sa traduction fut publiée sous la protection de Ferdinand VII, de 1823 à 1825, en 9 in-4°. Cette seconde version, complète comme la précédente, obtint un grand succès, et plusieurs éditions en ont été données successivement. Toutefois elle n’a point fait tomber la précédente, ou plutôt celle-ci continue à jouir d’une plus grande faveur, et les éditions s’en écoulent encore aujourd’hui plus rapidement que celles de sa rivale. L’édition la plus estimée de Scio parait être celle qui fut donnée à Barcelone, en 1846, par don José Palau. Elle est enrichie de divers éclaircissements et de quelques rectifications. — Ces deux versions complètes de la Bible sont les seules, en langue espagnole qui aient, eu pour auteurs des écrivains catholiques. Mais ceux-ci ont publié depuis 1780 un certain nombre de versions partielles.

2° Version des quatre livres des Rois. — Ils ont été traduits en espagnol par don Eugène Garcia, vicaire général de Madrid et de Carthagène, Madrid, 1790.

3° Les Psaumes. — Ils ont été traduits à diverses reprises en vers ou en prose. — 1. Thomas Gonzalès Carvejal, membre de l’Académie royale espagnole, a fait à lui seul cette double traduction, 5 in-12, 1816 à 1824. Il a aussi traduit le Cantique des cantiques, les prophéties d’Isaïe et le livre de Job : ce qui le mit à même de publier 7 autres in-12. Mais plus tard il réunit ces écrits en un seul recueil, qu’il intitula Los libros poeticos oie la Biblia, 7 in-8°, Valencia, 1827-1832. — 2. Trente ans avant lui, en 1789, don Ange Sanchez, qui avait appartenu à la Compagnie de Jésus avant sa suppression temporaire par Clément XIV, avait déjà donné à Madrid une traduction en vers de tout le Psautier. — 3. Don Pedro Antonio Ferez de Castro est l’auteur d’une autre traduction, qui fut publiée après sa mort, en 1799. — 4. Don Paul Olavide en composa une à son tour. Cet auteur assez connu à’El Evangelio en triumfo était une âme droite, mais faible, à laquelle les écrits des philosophes et des encyclopédistes français du xviii « siècle avaient fait d’abord perdre en partie la foi. Revenu à de meilleurs sentiments après sa condamnation par le tribunal de l’Inquisition, il mit à profit sa prison et son exil pour se convertir, se faire l’apologiste de la religion et traduire les Psaumes en vers castillans. Sa version parut à Madrid, en 1800, sous le titre de Salterio espanol. Elle a été plusieurs fois réimprimée, bien qu’elle ne soit pas un chef-d’œuvre. Menendez Pelayo, t. iii, p. 217-219. — 5. Un an plus tard, en 1801, le dominicain Diego Fernandez publia une nouvelle traduction en prose du Psautier. — 6. Plus récemment, de 1825 à 1837, D. Joseph Viruès a mis au jour, à Madrid, une traduction du Psautier avec commentaire, en 4 volumes in-4. L’archevdque de Tolède en pro hiba la lecture par décret du 4 avril 1827, à cause des erreurs qu’elle contient.

4° Les livres sapientiaux. — 1. Les Proverbes, l’Ecclésiaste, la Sagesse et l’Ecclésiastique furent aussi traduits en vers castillans, à la fin du xviii » siècle, par don Ange Sanchez, l’auteur de la traduction des Psaumes dont il vient d’être question, et publiés sous ce titre : La verdadera filosofia del espiritue del coraion. Les Pro-. verbes parurent à Madrid, en 1785 ; l’Ecclésiaste en 1786, la Sagesse en 1789, l’Ecclésiastique en 1789. — 2. Le Cantique des cantiques fut traduit et commenté par un pieux bénédictin, dom Placido Vicente : El Cantico el mas sublime de la Escritura, 2 in-12, Madrid, 1800, — 3. Vers le même temps, Thomas Gonzalès Carvajal traduisit en vers Job et le Cantique des cantiques, comme il a été dit plus haut. — 4. Vers 1880, don Xavier Caminero, mort en 1884 évêque élu d’Oviedo, traduisit Job d’après le texte hébreu ; mais son travail n’a pas été jusqu’ici livré à l’impression. Menendez Pelayo, t. iii, p. 829. Le manuscrit en appartient aujourd’hui àM. Pelayo. (Lettre du 5 juillet 1897.)

5° Tobie^ Judith et Esther. — Un anonyme les a traduits en espagnol et les a publiés avec le texte latin en regard, 3 in-12, Madrid, 1789-1790.

6° Évangiles. — Il en existe deux traductions nouvelles. — 1. L’une est due au P. dom Anselme Petite, de l’ordre de Saint-Benoit et ancien abbé de Saint-Millan de la Cogolla. Elle parut pour la première fois en 1785. Mais depuis elle a été maintes fois réimprimée. Le même auteur s’était d’abord essayé sur quelques psaumes et avait donné à Valladolid, en 1784, une traduction en vers des Psaumes graduels et des Psaumes pénitentiaux. — 2. Une seconde traduction des Évangiles parut à Madrid, en 1843, illustrée de 40 gravures. Elle était l’œuvre collective de plusieurs membres de la Société littéraire de la ville.

7° Actes des Apôtres. — Un prêtre séculier, le docteur don Ignacio Guerea, en a donné une traduction espagnole d’après le latin de la Vulgate, Madrid, 1784. Sa traduction a eu plusieurs éditions.

8° Épîtres. — 1. Les Épîtres de saint Paul ont trouvé un traducteur estimé dans la personne de don Gabriel Quijano, in-8°, Madrid, 1785. Plusieurs fois réimprimé.

— 2. Une traduction espagnole des sept Épîtres catholiques parut aussi en 1785, à Madrid. Elle avait pour auteur un bénédictin, dom Richard Valsaloire. — 3. En 1816, un prêtre séculier, don François Jiménès, traduisit de nouveau en espagnol les Épîtres de saint Paul et les Épîtres catholiques et les publia en un seul volume.

9 tl Apocalypse. — Don José de Palacio y Vina publia une traduction espagnole de l’Apocalypse à Madrid, en 1789.

La période dont nous venons de nous occuper n’a vu paraître aucune nouvelle version protestante. L’Espagne a bien été inondée, de 1800 à 1870 et surtout de 1833 à 1876, de bibles protestantes, distribuées par les émissaires des Sociétés bibliques d’Angleterre ; mais leurs éditions n’étaient que de simples réimpressions des versions de Cassiodore de Reina, de Cypriano de Valera et de leurs émules, ou bien, en en retranchant les livres deutérocanoniques, de P. de Scio et de Torrès Amat, cette dernière publiée par un prêtre apostat et marié, Laurent Lucena, vers 1850. Menendez Pelayo, t. iii, p. 674.

Voir José Rodriguez de Castro, Bïblioteca rabbinica de autores espafioles, 2 in-f°, Madrid, 1781, p. 346-350, 400-520 ; Joachim Villanueva, Calificador del Santo Oficio, De la leccion de la Sagrada Escritura en lenguas vulgares, in-f°, Valence, 1791 ; José Maria de Eguren, Memoria de los codices notables de Espana, in-4°, Madrid, 1859, p. 1-50 ; Francisco Caminero, Manuale isagogïcum, in-8°, Lugo, 1868, p. 213-215 ; Menendez Pelayo, Historia de los Heterodoxos espafioles, 3 in-8°, Madrid, 1880, t. ii, p. 185-186, 223-237, 466-468} t. iii, p. 217-219,

674, etc. ; G. Borrôw, La Bible en Espagne, trad. franc., 2 in-8°, Paris, 1845 ; M. ILaiserling, Bi, Ulwtheca espanola judaica, in-8°, Strasbourg, 1890. F. Plaise.

ESPENC/CUS (Claude d’Espence), théologien catholique, né à Châlons-sur-Marne en 1511, mort à Paris le 5 octobre 1571. Il devint, encore jeune, recteur de l’Université de Paris. Il était le protégé du cardinal de Lorraine, qui l’emmena à Rome, en 1555, et où Paul IV songea un moment à le retenir pour l’élever au cardinalat. En 1561, il prit part au Colloque de Poissy et défendit habilement les vérités catholiques contre Théodore de Bèze. Parmi ses nombreux écrits, on remarque : Commentarii et digressiones in priorem et posteriorem D, Pauli ad Timotheum Epistolam, 2 in-f°, Paris, 1561 et 1564 ; Exposition du Psalme cent trentième : Domine, non est exaltatum cor meum, etc., par forme de sermon, in-8°, Paris, 1561 ; Commentants in Epistolam D. Pauli ad Titum, cura aliquot digressionibus, seu totidem locis communibus, ex parte ad hodiernas in religione controversias pertinentibus, in-8, Paris, 1567. Tous les écrits de Claude d’Espence ont été réunis en un volume : Opéra omnia quibus accesserunt posthuma a Gilberto Genebrardo in lucem édita, in-f°, Paris, 1619. — Voir Richard Simon, Histoire critique du Nouveau Testament (1693), p. 591 ; Dupin, Histoire des auteurs ecclésiastiques de 1550 à la fin du siècle, p. 358-378 ; E. de Barthélémy, Etude biographique sur Claude d’Espence,

in-8°, Châlons-sur-Marne > 1853.
B. Heurtebize.
    1. ESPÉRANCE##

ESPÉRANCE (hébreu : tiqvâk ; Septante et Nouveau Testament : .êXni’ç ; Vulgate : spes), terme employé dans l’Écriture pour désigner d’une manière générale le désir et l’attente de quelque bien que ce soit, Prov., xiii, 12 ; I Cor., ix, 10 ; mais le plus souvent le désir et l’attente des biens spirituels, cf. Ps. cxviii, 50 ; surtout de la béatitude éternelle et des moyens de l’obtenir, par les mérites de Jésus-Christ. Act., xxiii, 6 ; xxvi, 7 ; Rom., v, 4, etc. ; Ephes., i, 12 ; I Joa., iii, 2, 3, etc. L’espérance constitue, avec la foi et la charité, les bases essentielles de la vie du chrétien, I Cor., xiii, 13 ; elle est opposée à la possession, car on n’espère plus ce qu’on tient. Rom., vm, 24. Elle tient le milieu entre la foi et la charité, s’appuyant sur la foi pour conduire l’âme à la charité. Dans l’Ancien Testament, iXnîç, spes, n’a pas la même précision que dans le Nouveau. Outre le mot piqvâh, « espérance, » les Septante traduisent aussi par èXiu’ç les mots hébreux bétah, mibtah, « confiance, » et mahséh, « ce en quoi on se confie » ou « refuge ».

Considérée comme vertu théologale, l’espérance n’est pas seulement une conception vague de l’autre vie, accompagnée de la conviction philosophique que nous sommes destinés à une existence ultérieure. Elle n’est pas cette aspiration innée à toute créature de secouer le joug de la servitude pour arriver à la liberté. Rom., viii, 20-22. Elle est la certitude, fondée sur les promesses divines, que nous sommes appelés à une vie éternelle et que Dieu, si nous sommes fidèles, nous donnera dès ici-bas les moyens d’y parvenir. Cette certitude est un don de Dieu, que Jésus-Christ nous a mérité, que tout chrétien peut et doit obtenir, Rom., xv, 4, 13 ; Hebr., iii, 6 ; vi, 11, 18, et que l’Esprit-Saint répand dans les âmes. II Cor., v, 5 ; xv, 13 ; Gal., v, 5 ; I Petr., i, 3. C’est pourquoi l’espé-* rance, et une espérance invincible, se manifeste dans les disciples de Jésus-Christ, dans lesquels le Saint-Esprit répandait en abondance les dons divins. Au contraire, l’espérance ne se trouve qu’imparfaitement dans l’Ancien Testament. C’est dans ce sens que saint Paul dit que la loi nouvelle nous a introduits dans une meilleure espérance, Hebr., vii, 19, dont l’objet comprend les biens surnaturels les plus précieux : le salut, utùtTipia ; la filiation divine, utoûeai’a ; la justification, Sixaioinivr). P.om., viii, 23 ; Gal., v, 5 ; I Thess., v, 8 ; II Tim., iv, 8.

L’espérance est un élément si essentiel de la vie chrétienne, que ce terme est quelquefois substitué à celui de foi, pour désigner la religion chrétienne tout entière. I Petr., iii, 15 ; Hebr., x, 23. Et parce qu’elle est intimement liée à la vocation du chrétien à la foi, l’expression « l’espérance de la vocation » devient synonyme de la vocation elle-même. Ephes., i, 18 ; iv, 4. Elle est désignée, avec l’enseignement de la vérité révélée, comme l’objet de la prédication évangélique, Col., i, 5, 23 ; mais dans ces passages le mot « espérance » est employé pour les biens qui sont l’objet de l’espérance. C’est dans ce sens que saint Paul dit de lui-même qu’il est le prédicateur de l’espérance, dans le même sens qu’il se donne ailleurs comme prédicateur de la foi. Tit., i, 2. Les infidèles sont expressément désignés, dans l’Écriture, par l’expression « ceux qui n’ont pas l’espérance », Ephes., n, 12 ; I Thess., iv, 13, parce qu’ils sont ici-bas sans le vrai Dieu, qui est le « Dieu de l’espérance ». Rom., xv, 13. Jésus-Christ est appelé l’espérance du chrétien, d’abord parce que le chrétien place en lui toute sa confiance et espère les biens éternels par ses mérites, et ensuite parce que dans son second avènement Jésus-Christ, devenu notre juge et notre rémunérateur, nous mettra lui-même en possession de l’objet de notre espérance. Col., i, 27 ; I Tim, i, 1 ; Tit., ii, 13. — La patience est donnée comme l’un des fruits de l’espérance chrétienne, parce que la certitude de jouir d’un bonheur éternel nous aide à supporter avec courage les épreuves passagères de cette vie. Rom., viii, 25 ; I Thess., i, 3. Cette connexion entre la patience et l’espérance, dont elle est le fruit, est si grande, que dans l’énumération des vertus pastorales saint Paul inscrit la patience là où il semble que doive être mentionnée l’espérance, à côté de la foi et de la charité. I Tim., vi, 11 ; II Tim., iii, 10 ; Tit., ii, 2. Saint Paul voit d’autres fruits de l’espérance dans la joie spirituelle, Rom., xii, 12, et dans l’attachement inébranlable du chrétien à sa foi. Col., i, 23. — Voir O. Zockler, De vi ac notione vocabuli iXitii in Novo Testamento, Giessen, 1856. P. Renard.

    1. ESPHATHA##

ESPHATHA (hébreu : ’Aspafâ [cf. azpata, « cavalier, » J. Oppert, Commentaire du livre d’Esther, dans Annales de philosophie chrétienne, t. lxviii, 1864, p. 26] ; Septante : $a<T-f « )> troisième fils d’Aman, que les Juifs firent périr avec ses frères après la chute de leur jpère. Esth., IX, 7.

    1. ESPION##

ESPION (hébreu : meraggêl ; Septante : xccTctaxoitoc ; Vulgate : explorator), celui qu’on envoie en avant d’une armée pour observer secrètement la configuration d’un pays, les forces et les mouvements de l’ennemi, et tout ce qui peut être utile pour l’attaque ou la défense. — Les espions sont de tous les temps, et on les signale chez tous les peuples. 1° Les Égyptiens les connaissaient. Quand Joseph reçoit ses frères, par lesquels il lient à n’être pas reconnu, il feint de les prendre pour des espions « venus dans le but d’observer les points faibles du pays ». Gen., xlii, 9. Sur un monument d’un temple de Thèbes, on voit deux espions héthéens saisis et bâtonnés par les soldats de Ramsès II (fig. 605). Champollion, Monuments de l’Egypte et de la Nubie, pi. x ; Lepsius, Denkmàler, Abth. iii, Bl. 153. — 2° Chez les Hébreux, Moïse envoie des espions pour reconnaître la terre de Chanaan. Num., xm, 3, 17, 18, 22, 26, 33. Ceux-ci font un rapport très exagéré, qui excite les murmures du peuple. Josué et Caleb disent seuls la vérité. Num., xiv, 6, 7, 24 ; Deut., i, 22-26. Moïse fait de même explorer Jazer. Num., xxi, 32.

— 3° Josué envoie ses espions à Jéricho, Jos., ii, 16, où ils sont sauvés par Rahab, qu’ils sauvent plus tard à leur tour. Jos., vi, 22. — 4° Les Danites font explorer la montagne d’Éphraïm par des espions, afin d’étendre leur domaine de ce côté. Jud., xviii, 2, 14, 17. — 5° David a des espions qui surveillent la marche de Saûl, I Reg., xxvi, 4 ; ses

envoyés sont pris plus tard pour des espions et traités en conséquence par Hanon. roi des Ammonites. II Reg., x, 2-5. — 6° Absalom charge des espions de proclamer dans toutes les tribus son avènement à Hébron. II Reg., xv, 10.

— 7° Quand les Syriens lèvent subitement le siège de Samarie, les espions Israélites les suivent pour savoir ce qu’ils deviennent. IV Reg., vii, 13. — 8° Pendant le siège de Béthulie, les Assyriens ont leurs espions qui se saisissent de Judith, et qui publient ensuite le meurtre d’Holopherrie. Judith, x, 11 ; xiv, 3, 8. — 9° Judas Machabée et Jonathas ont aussi leurs espions qui observent les mouvements des ennemis. I Mach., v, 38 ; xii, 26. — 10° Quant aux espions qui surprennent Daniel en prière,

leur participation en commun à une même nature divine. La divinité du Saint-Esprit résulte également des œuvres qui lui sont attribuées et dont nous parlerons tout à l’heure. Sa distinction d’avec le Père et le Fils apparaît, d’autre part, dans la doctrine des Évangiles sur sa procession et sur les missions qu’il reçoit. Il « procède du Père ». Joa., xv, 26. Il procède aussi du Fils ; car le Sauveur disait : « Tout ce qu’a mon Père est à. moi ; c’est pourquoi je dis qu’il (le Saint-Esprit) recevra de ce qui est à moi. » Joa., xvi, 15. Il est en conséquence « envoyé par le Père, au nom du Fils », Joa., xïv, 26, et aussi « par le Fils, de la part du Père ». Joa., xv, 26 ; xvi, 7. Tenant tout de ces deux premières personnes, « il ne

603.

Espions héthéens battus de verges. Tuèbes. xix « dynastie. Temple de Eamsès II. D’après Lepsins, Denkmaler,

Abth. iii, Bl. 163.

Dan., vi. 11, et le dénoncent au roi, ce sont des agents de la police secrète qui était au service des rois médo-perses, ou plutôt des courtisans que la jalousie portait à perdre

le jeune Hébreu.
H. Lesêtre.

ESPRIT. Voir Ame, t. i, col. 454-455.

    1. ESPRIT -SAINT##

ESPRIT -SAINT, la troisième personne de la sainte Trinité. Il est aussi appelé, dans le Nouveau Testament, « l’Esprit de Dieu, » Rom., viii, 9 ; I Cor., ii, 11 ; iii, 16 ; « l’Esprit du Père, » Matth., x, 20 ; « l’Esprit du Fils, » Gal., iv, 6 ; « c l’Esprit du Christy » I Petr., i, 11 ; « c l’Esprit de grâce, » Hebr., x, 29 ; « l’Esprit de vérité, » Joa., xiv, 17 ; xv, 26 ; xvi, 13 ; « le Paraclet » ou Consolateur. Joa., xïv, 16, 26 ; xv, 26.

I. Nature et origine du Saint-Esprit d’après l’Écriture. — L’Ancien Testament ne nous fournit aucune indication précise sur le Saint-Esprit. Lorsqu’il y est question de lui, c’est en des termes qui peuvent s’appliquer à la nature divine aussi bien qu’à une personne distincte de la Trinité. Le Nouveau Testament est beaucoup plus clair. Sans doute c’est au sujet du Fils qu’il a formulé ses principaux enseignements sur la manière dont les personnes divines se distinguent et procèdent l’une de l’autre ; cependant il nous dit nettement ce qu’est le Saint-Esprit. La distinction de ce divin Esprit d’avec les deux premières personnes et son rang dans la Trinité sont exprimées dans la formule que le Christ prescrivit à ses Apôtres d’employer pour le baptême, Matth., xxviii, 19, et qui n’a cessé d’être en usage depuis les origines de l’Église. Act, xix, 3. Cette formule : « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, » montre en même temps l’égalité des trois personnes adorables et

parle pas de lui-même, mais dit tout ce qu’il a entendu. » Joa., xvi, 13. D’ailleurs, comme le remarque saint Paul, rien de ce qui est en Dieu ne lui échappe ; car il « pénétre toutes choses, même les profondeurs de la divinité ». II Cor., ii, 10.

II. Œuvres du Saint-Esprit. — Toutes les œuvres que Dieu accomplit dans ce monde sont communes aux trois personnes divines. Les actions du Verbe incarné sont seules les opérations d’une personne distincte. Cependant, pour se mettre à la portée de notre intelligence, l’Écriture attribue à chaque personne une partie des œuvres divines vis-à-vis du monde créé. Elle attribue plus spécialement au Saint-Esprit les dons surnaturels que Dieu répand sur ses créatures et même tout ce qui prépare ces dons. — 1° Sans présenter clairement l’Esprit de Dieu comme une personne distincte, l’Ancien Testament le dépeint porté sur les eaux de la création avant que Dieu accomplit l’œuvre des six jours. Gen., i, 2. Il explique par un don de l’Esprit de Dieu les lumières surnaturelles de Joseph, Gen., xli, 38 ; celles d’Othoniel, Jud., iii, 10 ; l’habileté de Beséléel, Exod., xxxi, 3 ; l’inspiration prophétique de Balaam. Num., xxiv, 2. Isaïe, xi, 23, fait aussi de la sagesse, du conseil, de la force, de la science, de la piété, de la crainte de Dieu, des dons di* Saint-Esprit. Voir Dons surnaturels, col. 1484. — 2° Les œuvres surnaturelles attribuées au Saint-Esprit dans le Nouveau Testament se rapportent 1. au Christ, 2. à l’Église, et 3. aux fidèles pris individuellement. — 1. C’est par la vertu du Saint-Esprit que le corps du Christ a été formé dans le sein de Marie. Luc, I, 13 ; Matth., i, 20. C’est lui qui « sous la forme d’une colombe descendit et demeura au-dessus de Jésus », lorsqu’il reçut le baptême de Jean. Matth., iii, 16 ; Marc, i, 10 ; Luc, iii, 22 ; Joa.,

i, 32, 33 ; c’est par lui que le Sauveur « est conduit ensuite dans le désert », où il devait être tenté, Matth., iv, 1 ; c’est en lui que le divin Maître accomplit ses miracles, Matth., xii, 28 ; cf. Hebr., x, 13, 16, et qu’il remplit sa mission ; car c’était au Christ que s’appliquait cette prophétie d’Isaïe, lxi, 1 : « L’Esprit du Seigneur est sur moi ; c’est pourquoi il m’a oint et m’a envoyé évangéliser les piiuvres et guérir ceux qui ont le cœur brisé. » Luc, iv, 18.

— 2. Après l’ascension du Sauveur, le divin Paraclet fut envoyé aux Apôtres, le jour de la Pentecôte, Act., ii, 4, pour leur « enseigner toutes choses, les faire ressouvenir de tout ce que [le Sauveur] leur avait dit ». Joa., xiv, 26, et « leur apprendre les choses à venir », Joa., xvi, 13. C’est sous l’action de cet Esprit, dont ils étaient remplis, Act., ii, 4, que les Apôtres parlèrent de nouvelles langues, Act., Il, 4, prêchèrent l’Évangile, établirent des Églises en divers lieux, suivant l’impulsion qu’ils recevaient de ce guide divin. Act., xjii, 4 ; xvi, 6, 7. C’est lui qui appela Saul et Barnabe à l’apostolat, Act., xiii, 2 ; lui qui inspira les écrivains sacrés, II Petr., ii, 22, comme il avait inspiré les prophètes de l’ancienne loi. Act, i, 6 ; xxviii, 25. C’est en son nom que les Apôtres assemblés portaient des lois pour l’Église naissante, Act., xv, 28, et c’est lui qui « établit les évêques pour gouverner l’Église de Dieu ». Act., xx, 28. Puisque l’Église doit subsister jusqu’à la fin des siècles sous la direction des successeurs des Apôtres, le Saint-Esprit doit également demeurer éternellement avec elle et en elle, Joa, , xiv, 16, 17 ; c’est-à-dire qu’il doit assurer à jamais l’accomplissement de la mission qu’elle a reçue de son divin fondateur. Cette action continue du Saint-Esprit dans l’Église est appelée par les théologiens « assistance ». — 3. Le Saint-Esprit agit aussi dans l’âme des fidèles. Il leur est donné au baptême, Act., xix, 2, et plus abondamment encore par l’imposition des mains des Apôtres, Act., viii, 17, c’est-à-dire par la confirmation. Il habite en eux, Rom., viii, 9, 11, les rend « fils adoptifs du Père et cohéritiers du Christ ». Act., vm, 16, 17. Il répand la charité dans leurs cœurs. Rom., v, 5 ; il y grave la loi du Christ, II Cor., iii, 3, et les fait avancer de clarté en clarté. II Cor., iii, 18. Leur corps même est « le temple du Saint-Esprit », qui réside en eux ; il sera un jour rendu à la vie, à cause de cet hôte divin. Rom., viii, 11. Cet état précieux que reçoivent du Saint-Esprit tous ceux qui appartiennent au Christ est appelé par les théologiens « la grâce sanctifiante ». Mais, pour faire des actions saintes, la grâce sanctifiante ne suffit pas. Alors même que ces actions semblent faites, comme celle d’invoquer le Seigneur Jésus, il nous faut pour les accomplir Un secours particulier du Saint-Esprit, I Cor., xii, 3, celui que les théologiens nomment « la grâce actuelle ». C’est aussi au Saint-Esprit que sont attribués par l’Écriture les dons surnaturels extraordinaires que Dieu accorde quelquefois aux hommes. Ces dons étaient fréquents dans la primitive Église. La descente du Saint-Esprit sur les premiers fidèles était souvent rendue sensible, Act., viii, 19, en particulier pour le don des langues. Act., xix, 6. Cet Esprit divin accordait en outre aux fidèles de l’âge apostolique non seulement les grâces dont nous parlions tout à l’heure, mais encore des dons miraculeux, qui étaient distribués entre eux, suivant le bon plaisir de l’auteur de ces dons. I Cor., xii, 1-11. — On a expliqué à l’article Blasphème, 1. 1, col. 1809, ce qu’il faut entendre par le blasphème contre le Saint-Esprit, dont il est question, Matth., xii, 31 ; Marc, iii, 28 ; Luc, xii, 10. Quand saint Paul recommande aux fidèles de ne pas « contrister le Saint-Esprit », Ephes., iv, 30, il les veut détourner de tout ce qui pourrait l’otfenser, et par conséquent l’attrister, s’il pouvait l’être. Lorsque le même Apôtre dit, I Thess, , v, 19, que nous ne devons pas « éteindre » cet Esprit divin, il entend parler de ses grâces et de ses dons, dont nous abuserions, si nous ne les faisions pas servir soit à notre sanctification, soit à la sanctification de nos frères. Voir Ma r Ginouilhac, Histoire du dogme catholique,

2e édit., Paris, 1866, t. iii, p. 388-412 ; cardinal Manning, La mission du Saint-Esprit dans les âmes, traduit de l’anglais par Mac-Karthy, in-12, Paris, 1887. A. Vacant.

    1. ESPRIT MAUVAIS##

ESPRIT MAUVAIS (itveOjux rcovT, p<5v, spiritus malus), nom donné au démon dans le Nouveau Testament, à cause de sa malice. Luc, vii, 21 ; viii, 2 ; Act., xix, 12, 13, 15 (Vulgate, 13 et 15 : nequam). Cf. ô novripôç, « le malin, » Matth., v, 37 ; vi, 13 ; xiii, 19, 38 ; Luc, xi, 4 ; Joa., xvii, 15 ; Ephes., vi, 16 ; I Joa., ii, 13, 14 ; iii, 12 ; v, 18, 19 (noter cependant qu’un certain nombre de commentateurs entendent plusieurs de ces passages du « mal », par opposition au bien, et non de 1’  « esprit malin » ). Cf. aussi Matth., xii, 45. — L’épithète de ttovt, pôv, malus, donnée à nveûfia pour désigner le démon, est le plus souvent remplacée par celle de àxâôaprov, immundus, « impur. » Matth., X, 1 ; xii, 43 ; Marc, i, 23, 26, 27 ; iii, 11, 30 ; v, 2, 8, 13 ; vi, 7 ; vii, 25 ; ix, 25 ; Luc, iv (33), 36 ; vi, 18 ; viii, 29 ; ix, 42 (43) ; xi, 24 (26) ; Act., v, 16 ; viii, 7 ; Apoc, xvi, 13 ; xviii, 2. Voir Démon, col. 1367.

    1. ESRIEL##

ESRIEL (hébreu : ’Aèriel ; Septante : ’Ao-epeciri). ; Codex Alexandrinus : ’Eo-piTJi, I Par., vii, 14, et’IéÇet, Codex Alexandrinus, pour’A/teÇlp, Jos., xvii, 2), un des fils de Galaad, dans la descendance de Manassé, le fils de Joseph, I Par., viii, 14 ; Jos., xvii, 2 ; il fut chef de la famille des Asriélites. Num., xxvi, 31. Dans ce dernier passage, il est appelé plus justement Asriel. Voir t. i, col. 1127.

1. ESRON, fils de Phares, Ruth, iv, 18, 19, ancêtre de Notre -Seigneur. Matth., i, 3 ; Luc, iii, 23. Son nom est écrit Hesron, dans I Par., ii, 5. Voir Hesron 2.

2. ESRON, fils de Ruben, I Par., v, 3, appelé Hesron, Gen., xl vi, 9. Voir Hesron 1.

3. ESRON, ville de Juda, Jos., xv, 3. Voir Hesron 3.

ESS (Léandre van), religieux bénédictin, né à Wartbourg en 1772, mort à Marbourg le 13 octobre 1843. III avait embrassé la vie religieuse à l’abbaye de Munster. Après la suppression de ce monastère, il devint curé de Marbourg et enseigna la philosophie dans cette ville. Avec son cousin, Charles van Ess (25 septembre 177022 octobre 1824), il traduisit en allemand le Nouveau Testament : Die heiligen Schriften des Neuen Testaments ûbersetzt, in-8°, Brunswick, 1807. Cette version, souvent réimprimée, fut condamnée par un décret de l’Index du 17 décembre 1821. Léandre publia de nombreuses éditions de la Bible, fort en honneur pendant longtemps près des protestants et des sociétés bibliques. Mentionnons : Testamentum Novutn grsece et latine expression ad binas editiones a Leone X adprobatas ; additx simt aliarum novissimarum recensionum variantes lectiones grxcx una cum Vulgata editionis Clémentine ad exemplar Romse 1592, etc., in-8°, Tubingue, 1827 ; Testamentum Vêtus grxcum juxta LXX interprètes ex auctorilate iiixli V editum, in-8°, Leipzig, 1835. En 1840, il publia une édition complète de la Bible en allemand, et en même temps il faisait paraître une série de brochures destinées à prouver qu’on ne saurait interdire aux laïques la lecture de l’Écriture Sainte en langue vulgaire. — Voir Hurter, Nomenclator lilterarius, t. m (1895), p. 1042. B. Heubtebize.

EST, point du ciel où le soleil se lève. Voir Cardinaux (Points), col. 257, et Orient.

    1. ESTELLA##

ESTELLA (Diego de), franciscain portugais de la seconde moitié du xvie siècle. Orateur et écrivain, il fut le confesseur du cardinal de Granvelle, ministre de Phi

lippe II. Parmi ses nombreux écrits, on remarque : In Evangelium Lucss commentarii, 2 in-f°, Alcala, 1578. Ce commentaire fut condamné par l’Index et les théologiens espagnols. Une édition corrigée en fut publiée à Venise, en 1582, et à Anvers, en 1584. On doit encore à cet auteur une Explicatio Psalmi cxxxvi, qui parut à la suite d’un autre ouvrage intitulé Rhetoriea ecclesiastica, in-8°, Cologne, 1586. — VoirWadding, Scriptores Ordinis Minorum, p. 102 ; N. Antonio, Eibliotheca

hispana nova, t. i, p. 282.
B. Heurtebize.

A. ESTHAMO (hébreu : Éitemôa’; Septante : ’E<rfiaititiv ; Codex À lexandrinus : ’EoSejitiv, I Par., iv, 17, et’E<T6ai[i(ow| ; Codex Alexandrinus : ’Is<18£(jiw7], I Par., IV, 19) est donné par quelques-uns comme un nom d’homme dans I Par., iv, 17, parce qu’il est dit que Jesba est le père d’Esthamo. Mais cela signifie que des descendants de Jesba furent les habitants d’Esthamo. Voir Esthamo 2. Au ꝟ. 19, il semble bien aussi que Esthamo est le même nom de ville et qu’on doive traduire : « Les fils de la femme d’Odaïa (Hôdiyyâh) sont le

père de Ceïla, hag-Garmite, et (sous-entendu abî) le père d’Esthamo, le Maacathite. » Ceïla est un nom de ville, et l’épithète haggarmite s"applique au père ou fondateur de la ville ; de même pour Esthamo, Maacathite se rapporte au père ou fondateur de la ville. Cependant un bon nombre d’exégètes voient dans ce t- 19 un nom d’homme, qui serait peut-être un des fondateurs de la ville à laquelle il aurait donné son nom. E. Levesque.

2. ESTHAMO, ville de la tribu de Juda, ainsi appelée par la Vulgate. I Reg., xxx, 28. Son nom est écrit ailleurs Esthémo. Voir Esthémo.

    1. ESTHAOL##

ESTHAOL (hébreu : ’ÉStâ’ôl ; Septante : Codex Vaticanus, ’Aa-mil, Jos., xv, 33 ; ’Ao-i, Jos., xix, 41 ; ’£o0a<iX, Jud., xiii, 25 ; xvi, 31 ; xviii, 2, 8, 11 ; Codex Alexandrinus, ’E<r0aoXï, Jos., xv, 33 ; ’E8a£X, Jud., xih, 25 ; Vulgate : Estaol, Jos., xv, 33 ; Esthaol, Jos., ’xix, 41 ; Jud., xiii, 25 ; xvi, 31 ; xviii, 2, 8, 11), ville primitivement attribuée à Juda et citée en tête du premier .groupe de « la plaine » ou Séphélah, Jos., xv, 33 ; mais plus tard donnée à Dan. Jos., xix, 41. C’est entre cette place et Saraa, avec laquelle elle est toujours mentionnée, que se trouvait Mahânéh-Dân ou « le camp de Dan », où Samson ressentit pour la première fois l’impulsion divine. Jud., xiii, 25. C’est entre ces deux localités, dans le sépulcre de son père Manué, que fut également enseveli le héros d’Israël. Jud., xvi, 31. Toutes deux enfin fournirent les cinq explorateurs envoyés par les Danites avant d’aller surprendre Laïs, et les six cents hommes qui prirent part à l’expédition. Jud., xviii, 2, 8, 11. Elles se trouvaient non loin de Cariathiarim (Qariet el-’Enab), Jud., xviii, 12, à laquelle les unissait une certaine communauté d’origine. I Par., ii, 53.

Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gcettingue, 1870, p. 119, 255, placent Esthaol à dix milles (environ quinze kilomètres) d’Éleuthéropolis (Beit Djibrin) en allant au nord vers Nicopolis (Amoàs). On l’identifie généralement et justement avec le village actuel d’Eschu’a ou Aschu’a, situé dans cette direction. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. iii, p. 25 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 62, etc. Voir la carte de Dan, col. 1232. Les raisons sont les suivantes : 1° Esthaol est toujours mentionnée avec Saraa (hébreu : Sor’âh). Dans l’énumération de Josué, xix, 41, elle se trouve entre cette ville et Hirsémès (hébreu : ’Ir Semés’, « ville du soleil » ), ou Bethsamès (hébreu : Bit iéméi, « majson du soleil » ). Or Saraa subsiste encore actuellement sous le même nom, Sûr’ah ou Sara’â, et Belhsamès a son correspondant exact dans’Ain Schems, « la source du soleil, « au

sud de la première. Il est donc tout naturel de reconnaître Esthaol dans Eschu’a, situé à quatre kilomètres au plus au nord - est de Sara’â. — 2° Si le nom actuel ne reproduit qu’imparfaitement l’ancien, on peut s’appuyer sur une vieille tradition recueillie par M. V. Guérin, à Beit Athab, de la bouche de plusieurs vieillards, et d’après laquelle Aschu’a se serait primitivement appelé Aschu’al ou Aschthu’al. — 3° « La Bible, ajoute le même auteur, Judée, t.’li, p. 13, nous apprend que Samson fut enterré par ses frères entre Sara’a et Esthaol, dans le tombeau de son père Manué. Jud., xvi, 31. Or, chose singulière, entre Aschou’a et Sara’a, les musulmans vénèrent depuis des siècles un oualy qui porte, il est vrai, vulgairement le nom à’oualy Scheikh Gherib ; mais qui m’a été désigné pareillement sous celui de Qabr Schamschun (tombeau de Samson). » Voir aussi dans le même ouvrage, t. ii, p. 382 ; t. iii, p. 324-326. Ces raisons suffisent pour fixer l’emplacement d’Esthaol.

— Eschou’a est situé sur une faible éminence et renferme à peine trois cents habitants. On n’y remarque aucun débris antique, à l’exception d’une arcade ruinée, qui remonte peut-être à l’époque romaine et qui se voit près d’un puits probablement plus ancien. — Cf. C. Schick, Artuf und seine Umgebung, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. x, 1887, p. 134

et suiv.
A. Legendre.
    1. ESTHAOLITE##

ESTHAOLITE (hébreu : hâ-’Éstà’ulî ; Septante : « toi’Eo8aà(i ; Codex Alexandrinus : o’EaïauXacoL ; Vulgate : Esthaolitse), habitants d’Esthaol, qui étaient primitivement de la même famille que les habitants de Cariathiarim et de Saraa. I Par., ii, . 53.

    1. ESTHÉMO##

ESTHÉMO (hébreu : ’Ésfemôa’, Jos., xxi, 14 ; I Reg., xxx, 28 ; I Par., iv, 17, 19 ; vi, 58 ; une fois sans’aïn final, ’Eslemôh, Jos., xv, 50 ; Septante : Codex Vaticanus, ’E(jxat(jiàv, Jos., xv, 50 ; 7) Tefj.â, Jos., XXI, 14 ; ’E<161xî, I Reg., xxx, 28 ; ’Eaôaifuiv, I Par., iv, 17, 19 ; ^1’E(T8a(iai, I Par., vi, 58 ; Codex Alexandrinus, ’Ea9e[i<i, Jos., xv, 50 ; xxi, 14 ; ’É<j()£jji<x, I Reg., xxx, 28 ; ’E<j6e ! « iv, I Par., iv, 17 ; ’Ie<j8etuiï], I Par., iv, 19 ; Vulgate : Istemo, Jos., xv, 50 ; Esthémo, Jos., xxi, 14 ; I Par., vi, 58 ; Esthamo, I Reg., xxx, 28 ; I Par., iv, 17, 19), ville de la tribu de Juda, appartenant au premier groupe de « la montagne », Jos., xv, 50, donnée avec ses faubourgs aux enfants d’Aaron. Jos., xxi, 14 ; I Par., vi, 58. C’est une des places auxquelles David envoya de Siceleg une part du butin qu’il avait fait sur les Amalécites. I Reg., xxx, 28. D’après I Par., iv, 17, on peut croire qu’elle eut pour fondateur ou pour chef de sa première population Jesba, appelé « père d’Esthamo ». À l’époque d’Eusèbe et de saint Jérôme, Onomastica sacra, Gcettingue, 1870, p. 119, 254, c’était encore « un très grand village », habité par des Juifs, dans le Daroina, et faisant partie du district d’Éleuthéropolis. Sa situation est nettement indiquée par les villes du même’groupe : Jéther (Khirbet’Attir), Socoth (Khirbet Schuéikéh), Dabir (Dhâheriyéh), Anab {’Anab), etc. On l’a justement identifiée avec Es-Semu’a, à l’est de Schuéikéh et au sud d’Hébron. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. 1, p. 494 ; R. J. Schwarz, Dos héilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 76 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 18811883, t. iii, p. 403. Le nom actuel, ^., .*<.J, Es-Semu’a,

avec l’article, a bien la même racine que l’hébreu y" ! DF.W, ’ÉSfemôa’, dont la forme correspondante en arabe est

^L » X » o, ’Istemâ’. Cf. G. Kampffmeyer, Alte Narnen

im heutigen Palâstina und Syrien, dans la Zeitschrift des deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. xvi, 1893, p. 19.

Le village d’Es-Semu’a occupe le sommet et les pentes d’une colline oblongue, qui, élevée sur un haut plateau, domine au loin la contrée. Sur le point culminant on remarque les restes d’une forteresse, dont une partie existe encore. Construite avec des pierres très régulières, elle date probablement de l’antiquité ; mais elle paraît avoir été réparée à différentes époques. Parmi les débris d’anciennes maisons, on distingue les arasements et même les assises inférieures de plusieurs édifices publics, qui ont été construits avec des blocs gigantesques complètement aplanis ou relevés en bossage. L’un d’eux principalement a été, d’un côté, creusé dans le roc, et, de l’autre, bâti avec des blocs immenses, très régulièrement taillés et comparables par leurs dimensions à ceux du Haram esch-Schérif de Jérusalem. Plusieurs portes ont des pieds-droits surmontés de linteaux élégamment sculptés, avec de gracieuses arabesques, ou des grappes de raisin, ou des vases à fleurs séparés par des espèces de rosaces, ou d’autres moulures d’un bon travail. Une trentaine d’arceaux encore debout et de forme cintrée supportaient jadis des voûtes, maintenant écroulées ; d’autres, avec la forme ogivale, accusent une époque moins ancienne. Chaque édifice public, chaque maison même renfermait un magasin souterrain creusé dans le roc. La ville était alimentée d’eau par des citernes et par des puits pratiqués de même dans le roc, et dont l’orifice était fermé avec une énorme pierre ronde, perforée à son centre. Le village actuel, qui possède des ruines si considérables, ne compte plus maintenant que deux cents habitants qui y séjournent constamment. Le reste de la population, qui peut être évalué à huit cents individus, vit sous la tente à la manière des Bédouins, ou dans des cavernes plus ou moins éloignées, afin de jouir d’une plus grande indépendance et d’échapper plus facilement à l’impôt et au recrutement militaire. Cf. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 173, 174. A cinq minutes au sud-ouest, sur une montagne rocheuse jadis exploitée comme carrière, on voit les restes d’un petit monument aux trois quarts détruit et appelé par les Arabes El-Beniyéh, « la Construction. » De forme carrée, il mesurait cinq pas de chaque côté. La façade occidentale et une partie de la façade méridionale sont seules debout. Il s’élevait sur un soubassement formé de plusieurs gradins et était flanqué sur chaque face de trois pilastres couronnés de chapiteaux fort simples. La chambre intérieure était voûtée. C’est peut-être un ancien mausolée de l’époque romaine. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 412, plan, p. 413 ; Robinson, Biblical Researches in Palestine, t. ii, p. 204-205. A. Legendre.

1. ESTHER (hébreu : ’Ésṭêr, du perse stâra, « astre, étoile ; » Septante : Ἐσθήρ), reine de Perse, femme d’Assuérus.

1° Elle était d’origine juive, de la tribu de Benjamin. Son nom hébreu était Édissa (Hăḑassâh), « myrte. » Sa famille (voir Cis 5, col. 781) avait été déportée de Jérusalem en Babylonie du temps de Jéchonias (599 avant J.-C.) Elle naquit dans la terre de la captivité. De bonne heure orpheline de père et de mère, elle fut élevée dans la ville de Suse, par Mardochée, son cousin (son oncle, selon la Vulgate). Esth., ii, 5-7. Voir Mardochée et Suse. La jeune Juive était d’une beauté remarquable. Assuérus, c’est-à-dire Xerxès Ier, fils de Darius Ier (voir Assuérus 1, t. i, col. 1141), ayant répudié la reine Vasthi (voir Vasthi), qui avait refusé de lui obéir, Esth., i, 9-19, Esther devint reine ou épouse favorite (479 avant J.-C.) en sa place, mais sans que le roi connût son origine et sa parenté. Esth., ii, 8-18.

Quelque temps après, Aman l’Agagite (voir t. i, col. 433 et 260), devenu favori du roi et son premier ministre, conçut une haine violente contre Mardochée, qui refusait de lui rendre les honneurs auxquels il prétendait, et contre la nation juive tout entière. Il résolut de satisfaire sa rancune en exterminant tous les Juifs et confisquant leurs biens, et il obtint d’Assuérus plein pouvoir à cet effet. Suivant une coutume perse, le jour du massacre fut déterminé par le sort (pûrpûr ; Vulgate : phur) et fixé au treizième jour du mois d’Adar ou douzième mois. Esth., iii, 7, 12-13.


606. — Une reine perse.
D’après de Clercq et Menant, Collection de Clercq, Catalogue raisonné, t. i, in-f°, 1888, pl. xxxiv, fig. 385.

Mardochée, consterné du malheur qui menaçait son peuple, fit demander à Esther d’intercéder pour le salut de ses frères. Se présenter devant le roi de Perse sans être mandé, c’était, même pour la reine, s’exposer à la mort.


607. Plan de l’Acropole de Suse. D’après M. Dieulafoy.

Au premier moment, Esther, effrayée du danger qu’elle allait courir, hésita à se charger de cette mission. Mais sur de nouvelles instances de son père adoptif, après avoir fait faire un jeûne de trois jours à tous les

Juifs de Suse, elle n’hésita plus à se sacrifier, s’il le fallait, pour sauver ses frères, et, revêtue de ses ornements royaux (fig. 606), elle se rendit, du palais des femmes, auprès du roi Assuérus, « dans la cour du palais intérieur du roi, » Esth., v, 1 (voir le plan dupaiais de Suse, fig. 607). Le roi était assis sur son trône, dans la salle royale, en face de l’entrée. Charmé de la beauté et de la grâce d’Estlier, il lui fait l’accueil le plus favorable ; elle l’invite à aller le soir chez elle à un festin avec Aman, et il accepte l’invitation. La reine lui demande de revenir chez elle le lendemain. En attendant, le favori du roi fait dresser une potence pour y pendre son ennemi. Esth., V.

Cependant la nuit qui suivit le premier repas, Xerxès,

quer directement le premier décret. Grâce à cette autorisation, la date fatale qui devait être celle de l’anéantissement du peuple de Dieu devint, au contraire, celle de son triomphe. En mémoire de ce grand événement, Esther et Mardochée instituèrent une fête solennelle, celle des sorts (pûrim ; Yulgate : phurim), que les Israélites célèbrent encore aujourd’hui avec solennité. Esth., vm-x. Voir Phurim. — La tradition juive place le tombeau d’Estlier à Hamadan (Ecbataue), avec celui de Mardochée. Voir Ecbatane 2, col. 1532. Cf. B. Kér Porter, Travels in Georgia, Persia, 2 in-4°, Londres, 1821-1822, t. i, p. 105-114.

2° L’histoire d’Esther ne nous est connue que par le livre qui porte son nom, mais tout ce que nous y lisons

608. — Anderoun (maison des femmes) du palais royal de Téhéran. D’après G. W. Benjamin, Persia and the Perslana, 1887, p. 202.

ne pouvant dormir, se fit lire les annales de son règne, et comme on y racontait de quelle manière Mardochée lui avait sauvé la vie en dénonçant une conspiration tramée contre lui, il demanda quelle récompense avait été donnée à son sauveur. On lui répondit qu’il n’en avait reçu aucune. Le lendemain survint Aman. Consulté par le roi sur ce qu’il fallait faire en faveur de celui que le souverain voulait honorer, le favori, s’imaginant que c’était de lui-même qu’il s’agissait, conseilla de le faire promener dans Suse, revêtu des ornements royaux et monté sur le cheval royal. Il dut conduire en personne Mardochée dans sa marche triomphale, ce qui fut considéré par la famille d’Aman comme un présage de sa ruine prochaine. Après cette humiliation, le premier ministre alla au second festin de la reine. Esth., vi. Là, Eslher découvrit au roi sa nationalité et lui demanda protection pour elle et les siens contre Aman, leur persécuteur. L’ennemi des Juifs fui pendu à la potence qu’il avait fait dresser pour Mardochée. Esth., vu. Le père adoptif d’Esther lui succéda dans tous ses honneurs. Un édit nouveau autorisa les enfants de Jacob à se défendre contre leurs ennemis le jour fixé pour le massacre, parce que les coutumes perses ne permettaient pas de révo est d’accord avec ce que nous savons par les sources profanes du caractère de Xerxès I er et des mœurs et coutumes des Perses. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. iv, p. 621-670. Plusieurs critiques, à la suite de Scaliger, Opus de emendatione temporum, in-f°, Leyde, 1598, p. 555-566, ont identifié Esther avec la reine Amestris, la seule femme de Xerxès I er dont le nom nous ait été conservé par l’histoire ; mais elle était d’origine perse et non juive. Hérodote, vu, 61, 82, 114 ; ix, 108-112. C’est sans plus de fondement qu’on a tenté aussi de confondre Amestris avec Vasthi, comme l’a fait M. J. Gilmore, The Fragments of the Persika of Ctesias, xii-xiii, 51, in-8°, Londres, 1888, p. 153.

3° On a accusé Esther de cruauté pour avoir fait suspendre à des potences le corps des fils d’Aman et pour avoir demandé et obtenu de son royal époux un second jour de massacre afin d’exterminer les ennemis des Juifs à Suse, Esth., ix, 13 ; mais il ne faut pas oublier, dans l’appréciation de sa conduite, quelles étaient les idées et les mœurs du temps et du pays où elle vivait. Il serait injuste de demander à cette reine des sentiments inconnus avant l’apparition du christianisme. On doit, au con-1977

ESTHER — ESTHER (LIVRE D’)

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traire, admirer son dévouement à son peuple, qui va jusqu’à lui faire exposer sa vie, Esth., iv, 16 ; son courage, sa foi, sa piété, comme son patriotisme, sont certainement dignes d’éloges, et elle a mérité d’être regardée par les Pères et les docteurs comme une figure de la Très Sainte Vierge. — L’histoire d’Esther a inspiré de nombreux poètes. Voir la bibliographie en tête du Mystère d’Esther, dans J. de Rotschild, Le mis 1ère du Viel Testament, t. vi, 1891, p. xiii-lxiii ; R. Schwartz, Esther ïm deutschen und neulateinischen Drama des Reformationszeitalters, in-8°, Oldenbourg (1894).

F. Vigouroux.

2. ESTHER (LIVRE D’). — I. Nom. — Ce livre est désigné dans le canon juif sous le titre de’Ester, et dans les Septante sous celui de’E<t8yJp, du nom de l’héroïne dont il raconte l’histoire. Il est encore appelé par les rabbins megillat’Ester, « volume d’Esther, » ou simplement megillâh, « le volume, » parce que ce livre était généralement écrit sur un rouleau séparé, dont on réservait la lecture pour la fête des Phurim. C’est cette circonstance qui, jointe à Esth., ix, 20, 29, lui a fait donner parfois, chez les Juifs d’Alexandrie, le nom d’à Épître des Phurim ». Cf. Esth., xi, 1.

II. Texte. — 1° Le livre d’Esther, écrit originairement en hébreu, ne nous est pas parvenu dans son intégrité première, et le canon des Juifs n’en renferme qu’un teste écourté, ou partie protocanonique du livre. La langue ressemble à celle du livre d’Esdras et des Paralipomènes. Elle est généralement pure, mais entremêlée d’un certain nombre de mots perses. — 2° La traduction grecque des Septante, beaucoup plus complète, diffère de l’hébreu, moins par un certain nombre de divergences, que par des additions, généralement documentaires, ajoutées dans le corps et à la fin du récit. Cette version elle-même a été conservée en deux recensions principales. 0. F. Fritzsehe, ’EcrGTjp. Duplicem libri textum ad optimos codices emendatum et cum selecta lectionis varietate, Zurich, 1848 ; J. Langen, Die beide griechischen Texte des Bûches Esther, dans la Quartalschrift de Tubingue, 1860, p. 224. Outre les variantes qui les différencient, la longueur du texte et l’élégance du style les distinguent si bien l’une de l’autre, que la seconde semble n’être qu’une édition résumée et corrigée de la première. — 3° Enfin notre Vulgate renferme, i-x, 3, la traduction presque littérale de l’hébreu, faite par saint Jérôme ; et, x, 4-xvi, elle réunit, groupées ensemble, les parties deutérocanoniques d’Esther. Mais le saint docteur, qui les avait trouvées dans l’ancienne Vulgate grecque, prend soin d’indiquer à quel endroit du texte on doit les rattacher. Cet appendice, qui forme environ le tiers du livre, se compose de sept fragments distincts, qui, dans notre Vulgate, se suivent ainsi : — 1° x, 4 -XI, 1. Interprétation du songe de Mardochée, rapporté seulement au chapitre xi, et mention de l’introduction en Egypte du livre d’Esther. Saint Jérôme a laissé ce fragment à la place qu’il occupait dans l’ancienne Vulgate et dans les Septante. — 2° xi, 2-xii. Songe de Mardochée et découverte de la conspiration des deux eunuques. Dans les Septante, il forme le prologue du livre, avant i, 1. — 3° xiii, 1-7. Édit d’Assuérus contre les Juifs. (Septante : après iii, 13.) — 4° xiii, 8-xiv. Prières de Mardochée et d’Esther. ( Septante : après IV, 17.) — 5° xv, 1-3. Avis de Mardochée pressant Esther d’aller trouver le roi. (Septante : après iv, 8.) — 6° xv, 4-19. Récit de la visite d’Esther à Assuérus. (Septante : x, 1-2.) — 7° xvi. Édit d’Assuérus en faveur des Juifs. (Septante : après viii, 13.) Voir R. Cornely, Introduct. in libros sacros, t. ii, part, i, 1887, p. 417-420.

III. Histoire du texte. — Le texte original hébreu ne contient plus un certain nombre de documents que nous ont conservés les Septante. — Pour ces fragments deutérocanoniques, leur origine hébraïque ou tout au moins chaldaïque est indéniable. — 1° En effet, la pureté du grec

relevée dans les deux lettres d’Assuérus ne prouve rien en faveur de la composition de tout le livre dans cette même langue ; car les rois de Perse faisant promulguer leurs décrets dans les différents idiomes parlés dans leur empire, la rédaction a dû en être confiée à un écrivain de race, dont le style était nécessairement irréprochable.

— 2° D’autre part, nous sommes amenés à la même conclusion par la présence de nombreux hébraïsmes, par exemple :-ri) puà toC Nicràv (xi, 2) ; irâv £8voî Stxaîwv ço601l|iEvoi laviTôv xaxrié (xi, 9) ; èv ica-m Xoyw XI, 12) ; èvÛTTiov toO pa<Ti).sw ; (xii, 6), èvtiîuov crou XIV, 6) (…>2sb) ; cm èv èljovcrtï cra-j (xm, 9) (^rV-’CCî "ru ?X) ;

xi’vSvvdç (j.ou èv 5(£ipi |xou (xiv, 4) (>ts) ; emploi fréquent de xa’i îoo-j pour n : m (xi, 5, 6, 8), de xal vjv pour nnyï (xm, 15 ; xiv, 6, 8) ; construction de aîveîv et npo-rxuveîv avec le datif et l’accusatif, comme h et ninnur-b,

etc. C. Rohart.

IV. Division. — Le livre d’Esther peut se diviser en deux parties, la première relatant les événements qui précèdent et amènent le décret ordonnant l’extermination des Juifs, i-m, 15 ; xi, 2-xin, 7 ; la seconde racontant comment les Juifs échappent au danger et se vengent de leurs ennemis, rv-v, 8 ; xm-xv. — première partie. — i. Prologue ( deutérocanonique) : 1° Songe de Mardochée annonçant le péril que doivent courir ses compatriotes, mais non compris par lui. xi, 2-12. — 2° Mardochée découvre une conspiration contre le roi Assuérus et le sauve ; cet événement est inscrit dans les annales des rois de Perse, xo, 1-5 ; il commence à exciter contre Mardochée la haine d’Aman, qui était l’ami des conspirateurs, xii, 6. — 2° Première section. Élévation d’Esther à la dignité de reine ou d’épouse favorite, après la répudiation de Vasthi, à la suite d’un grand banquet donné à Suse. i-il. — 3° Deuxième section. Décret de persécution porté par Assuérus contre les Juifs, à la sollicitation d’Aman, m. Ce décret est reproduit dans la partie deutérocanique du livre, xiii, 1-7. — seconde partie.

— 1° Première section. Esther, sur les instances de Mardochée, se résout à faire une tentative auprès du roi en faveur de son peuple, iv, 1-14 ; xv, 1-3. — 2° Deuxième section. Jeûne et prière d’Esther et de Mardochée pour implorer la miséricorde divine, iv, 15-17 ; xiii, 8-xiv, 19.

— 3° Troisième section. Esther se présente au roi et l’invite à un festin, v ; xv. — 4° Quatrième section. Humiliation d’Aman, obligé de rendre de grands honneurs à son ennemi Mardochée. vi. — 5° Cinquième section. Chute d’Aman, vu. — 6° Sixième section. Triomphe complet des Juifs, qui se vengent de leurs ennemis, vm-ix, 15 ; xvi. — 7° Septième section. Institution de la fête des Phurim en mémoire de la délivrance des Juifs et élévation de Mardochée. ix, 16-x, 3.

V. Auteur. — L’auteur du livre d’Esther est inconnu. Le Talmud, Baba Batlira, 15 a (voir Canon, col. 140), l’attribue à la Grande Synagogue ; saint Augustin, De civ. Dei, xviii, 36, t. xli, col. 596, à Esdras ; Eusèbe, Chron. arm., édit. Aucher, Venise, 1818, t. ii, p. 209-211 (cf. p. 340, qui suppose qu’Esther a vécu après Esdras), à un auteur postérieur à Esdras, mais inconnu ; Clément d’Alexandrie, Slrom. i, 21, t. viii, col. 852, à Mardochée. C’est cette dernière opinion qui compte le plus de partisans parmi les anciens commentateurs. — 1° Elle a en sa faveur l’exactitude de la description des lieux, la minutie des détails relatifs au grand festin donné par Assuérus, aux eunuques et aux officiers du palais, à la famille d’Aman, aux annales royales, aux usages de la cour de Perse : tout cela indique du moins un écrivain qui avait vécu à Suse et était fort bien renseigné. — 2° De plus, nous lisons au chapitre ix, 20 : « Mardochée écrivit toutes ces choses et envoya les lettres (qui contenaient ce récit) à tous les Juifs qui étaient dans les provinces du roi Assuérus, soit proches, soit éloignées. » 1979

    1. ESTHER##

ESTHER (LIVRE D')

1980

Quoiqu’on puisse entendre ce verset en ce sens que Mardochée envoya simplement à ses coreligionnaires un résumé des événements, il semble plus naturel de l’appliquer au livre lui-même, tel qu’il nous est parvenu.

— 3° Le style d’ailleurs convient à l'époque où s’accomplissent les faits. Il est simple, vif, animé, et l’hébreu en est généralement pur, assez semblable à celui d’Esdras et des Paralipomènes, avec un certain nombre de mots perses qui indiquent le milieu dans lequel vivait l'écrivain. — On s’est demandé si le livre avait été composé en Palestine ou en Perse. L’absence d’allusions à Jérusalem et tout ce qu’on vient de voir ne permettent guère de douter que cet écrit n’ait été publié en Perse, à la fin du règne de Xerxès I er (485-465) ou sous le règne de son fils Artaxerxès I er Longuemain (465-425).

— La critique négative n’admet pas ces conclusions et assigne au livre d’Esther une date postérieure. Hitzig le place après l’an 238, à l'époque de la prépondérance des Parfhes. Reuss, Grâtz, J. S. Bloch, Hellenistiche Bestandtheile im biblisches Schriftthum, eine kritische TIntersuchung ùber das Buch Esther (extrait des Jùd. Literaturblat, 1877, n os 27-34), le font descendre jusqu'à l'époque des Machabées (167 avant J.-G), de même que Cornill, qui le place même à une date un peu plus récente (135 avant J.-C). De là la négation du caractère historique du livre. A. Kuenen, qui en fixe la rédaction au me siècle avant J.-C, Histoire critique des livres de l’Ancien Testament, trad. Pierson, t. i, 1866, p. 532, l’appelle « un roman », p. 528, 530. Cependant ce n’est que le parti pris qui peut nier la réalité des faits racontés dans le livre d’Esther.

VI. Caractère historique. — Il y a sur ce point trois sentiments différents. — 1° D’après la croyance universelle jusqu'à notre époque, le livre d’Esther est historique dans son ensemble et dans ses détails. — 2° Parmi les modernes, un certain nombre, comme S. Davidson, Introduction to the Old Testament, 3 in-8°, Londres, 1862-1863, t. ii, p. 162, soutiennent qu’il est en partie historique, en partie fictif. « Qu’une jeune Juive, vivant à Suse, dit M. Driver, ait été emmenée dans le harem du roi de Perse, et que là, sous l’inspiration d’un parent, elle soit devenue un instrument de salut pour une partie de ses concitoyens ; qu’un dignitaire, qui se croyait offensé par eux, ait formé contre eux de mauvais desseins, tout cela est parfaitement dans les limites de la possibilité historique… Cependant le récit peut difficilement être considéré comme exempt de toute invraisemblance. » S. R. DriverJ. W. Rothstein, Einleitung in die Litteratur des alten Testaments, in-8°, Berlin, 1896, p. 517-518. — 3° Quelques-uns, à la suite de Semler, Apparatus ad liberalem Yeteris Testamenti interpretationem, Halle, 1783, p. 152, prétendent qu’il est une pure invention romanesque, eine Erdichtung, dit Zunz, Bibelkritisches, dans la Zeitschrift die deutschen morgenlândischen Gesellschaft, t. xxvii, 1873, p. 686. — La seconde et la troisième opinions ne doivent pas être acceptées. Le caractère historique des événements rapportés dans le livre d’Esther est certain. — 1° II ressort de la vivacité et de la simplicité même du récit ; la narration abonde en détails précis et circonstanciés ; on n’a pu y relever aucun anachronisme, et tous les détails que les recherches historiques et archéologiques contemporaines ont permis de contrôler sont d’une exactitude irréprochable. Voir Vigouroux, Le livre d’Esther, dans La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 621-670. — 2° Mais un fait surtout établit la véracité du livre d’Esther : c’est l’existence de la fête de Purim (Phurim), célébrée encore de nos jours dans les synagogues, et destinée à perpétuer la mémoire de la délivrance des Juifs par Esther et Mardochée. Esth., ix, 20-23, 26-30. Le second livre des Machabées, xv, 37, qui la mentionne accidentellement, atteste par là même qu’on la célébrait en Judée au temps de Nicanor, vers 160 avant

J.-C, et Josèphe, Ant. jud., XI, vi, 13, au I er siècle de notre ère. On n’a pu donner aucune explication sérieuse de l’origine de cette fête en dehors de celle que donne le texte sacré. Voir Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 590. Cf. Bleek -Wellhausen, Einleitung in das aile Testament, in-8°, Berlin, 1878, p. 301. Même ceux qui attaquent le caractère historique du récit sont obligés de le reconnaître : « Le but du livre d’Esther est manifeste : il doit expliquer l’origine de la fêle des Purim et exposer les motifs pour lesquels on doit l’observer. » DriverRothstein, Einleitung, p. 517. Comment alors cette origine pourrait-elle être fausse et ces motifs imaginaires ? Comment l’auteur pourrait-il dire aux lecteurs : Voilà ce qui s’observe parmi vous depuis l'époque de Xerxès I er, Esth. i, lorsque rien de cela ne serait vrai ? Cf. K. G. Kelle, Vindicise Estheris, libri sacri ad castigatam historiée interpretandi norrnam exactse, in-4°, Freiberg, 1820 ; Mich. Baumgarten, De fide libri Estherse, in-8°, Halle, 1839 ; J. G. Herbst, Einleitung in die heiligen Sc.hriften des alten Testaments, 1842, t. ii, part, i, p. 254-258 ; P. E. Faivre, Le livre d’Esther et la fête des Pourim, in-8°, Montauban, 1893.

VII. Canonicité. — Le livre d’Esther a toujours été compris dans le canon. Voir Cakon, col. 140, 147, etc. L’omission de ce livre dans quelques catalogues anciens est accidentelle ou sans conséquence. Les Juifs l’ont toujours accepté comme canonique, quoique le Talmud de Jérusalem raconte, Megilloth, 70, 4, qu’un certain nombre d’anciens firent des difficultés sur la célébration de la fête de Phurim, parce qu’elle n'était pas sanctionnée par la loi de Moïse. À la suite de la Synagogue, la grande majorité des Pères l’a regardé comme un livre inspiré. Les attaques contre sa canonicité ont commencé avec le protestantisme. Luther, dans ses Tischreden, 59, Opéra, édit. Walch, t. xxii, 1743, col. 2080, disait qu’il désirerait que « ce livre n’existât point ». Les rationalistes modernes lui reprochent de n’avoir point le même caractère religieux que les autres livres de l’Ancien Testament, parce qu’on n’y trouve pas le nom de Dieu. « Le livre d’Esther, dit Zunz, Die gottesdienstliche Vortrâge der Juden, in-8°, Berlin, 1832, p. 14-15, demeure un monument remarquable de l’esprit non-prophétique. Quoiqu’il ait assez de place pour nommer le roi de Perse cent quatre-vingt-sept fois et le royaume de Perse vingt-six fois, il n’a jamais trouvé l’occasion de mentionner une seule fois le nom de Dieu. » Le fait est certain pour la partie que nous ne possédons plus qu’en hébreu, et l’on en a donné diverses explications ; mais, quoi qu’il en soit, le reproche ne s’applique pas à la partie deutérocanonique du livre, qui complète la partie protocanonique. Elle se compose surtout de documents et de morceaux mentionnés ou indiqués dans la partie protocanonique ; or ces morceaux contiennent, entre autres choses, des prières qui sont remplies du plus pur sentiment religieux. Il est vrai que cette partie d’Esther est celle dont la canonicité est la plus contestée ; mais la tradition chrétienne établit solidement qu’elle fait corps avec l’ensemble et est inspirée comme le reste. C’est ce qu’a démontré en particulier J. Langen, Die deuterocanonischen Stïicke des Bûches Esther, qui a recueilli, p. 3-11, les textes des Pères et des docteurs sur ce sujet. Voir aussi B. Welte, Specielle Einleitung in die deuterokanonischen Bûcher das alten Testaments, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1844, p. 265 ; Kaulen, Einleitung in das aile Testament, Abth. ii, 1881, p. 229 ; Id., dans Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, t. iv, 1886, col. 923.

VIII. Commentaires. — Il existe trois Targums d’Esther. Voir Targum. Voir aussi S. Gelbhaus, Das Targuni Scheni zum Bûche Either (t. i de Die Targumliteratur vergleichend agadisch und kritisch philologisch beleuchtetj, in-8°, Francfort-sur-le-Main, 1893. La traduction 1981

    1. ESTHER##

ESTHER (LIVRE D’) — ESTIENNE

1982

deceTargum, d’après P. Cassell, est reproduite en ex1raits, dans J. Winter et A. YV’ùnsche, Die jïidisclie Littej’aJur, 31n-8°, Trêves, 1. 1, 1894, p. 73-79. — On possède plusieurs commentaires rabbiniques : L. H. d’Aquin, Raschii scholia in lïbrum Esther, in-4°, Paris, 1622. Les commentaires rabbiniques de Menahem ben Chelbo, de Tobie ben Éliézer, de Joseph Kara, de Samuel ben Meir et d’un anonyme, ont été publiés par A. Jellinek, Commentarien zu Esther, Ruth und den Klageliedern, zum ersten Maie herausgegeben, in-8°, Leipzig, 1855. — Le livre d’Esther, à cause de son contenu, a plus intéressé les anciens Juifs que les premiers chrétiens ; aussi n’en trouve-t-on point de commentaires dans les œuvres des anciens Pères. Ce n’est qu’assez tard qu’on a commencé à l’expliquer séparément. — Parmi les commentateurs chrétiens, en dehors des commentaires généraux de l’Écriture, on peut nommer : Rhaban MauT, Expositio in libruni Esther, t. cix, col. 635-670 ; G. Sanctius, In libros Ruth, … Esther commentarii, in-f°, Lyon, 1628 ; D. de Celada, In Estherem, in-f », Lyon, 1648, 1658 ; Venise, 1650 ; 0. Bonartius, In Estherem commentarius litteralis et moralis, in-f°, Cologne, 1617 ; Léandre Montanus, Commentaria litteralia et moralia in Esther, in-f », Madrid, 1647 ; * E. Ph. L. Calmberg, Liber Estherse illustratus, in-4°, Hambourg, 1837 ; * 0. Fr. Fritzsche, Zusàtze zum Buch Esther, dans Handbuch zu den, Apokryphen, t. i, 1851, p. 69-108 ; J. A. Nickes, De Estherse libro, Rome, 1856-1858 ;

  • Bertheau, Ezra, Nehemia und Esther, in-8°, Leipzig,

1862 ; 2e édit., par Ryssel, 1887 ; J. Langen, Die deuterokanonischen Stùcke des Bûches Esther, in-8°, Fribourgen-Brisgau, 1862 ; B. Neleler, Die Bûcher Esdras, Nehemias und Esther, in-8°, Munster, 1877, p. 137-191, 200-207 ; * P. Cassell, Das Buch Esther, mit dem Targum Scheni, Berlin, 1878 ; trad. anglaise, Edimbourg, 1888 ; * C. F. Keil, Chronik, … Esther, in-8°, Leipzig, 1870, p. 603-659 ; * A. H. Sayce, Introduction to the Books of Ezra, Nehemiah and Esther, in-12, Londres, 1885 ; Gillet, Tobie, Judith et Esther, in-8°, Paris, 1879 ;

S. Œttli, Das Buch Esther, dans Strack et Zdckler, Kurzgefasster Kommentar zu den heiligen Schriften, Altes Testament, t. viii, Nordlingue, 1889, p. 227-254 ;

Fr. W. Schultz, Die Bûcher Esra, Nehemia und Esther (t. ix du Theologisch-homilitisches Bibelwerk de J. P. Lange), in-8°, Bielefeld, 1876 ; ’Al. Raleigh, The Book of Esther, in-8°, Londres, 1880 ; * G. Rawlinson, Esther, dans le Speaker’s Bible, t. iii, 1873, p. 469-499 ; " J. M. Fuller, The liest of Esther, dans la même collection, Apocrypha, t. ï, 1888, p. 361-402 ; * G. Rawlin-Eon, Ezra, Nehemiah. and Esther (dans le Pulpit-Commenlary), in-8°, Londres, 1880 ; * J. W. Haley, The Book of Esther, a new translation with critical notes, in-8°, Andover, 1885. — Voir aussi J. Oppert, Commentaire historique et philosophique du livre d’Esther d’après la lecture des inscriptions perses, in-8°, Paris, 1864 ; M. Dieulafoy, Le livre d’Esther et le palais d’Assuérus, in-8°, Paris, 1888 ; Id., L’Acropole de Suse, in-4°, Paris, 1892, p. 360-389 ; Scholz, Die Namen im Bûche Esther, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, 1890, p. 209-264. — La librairie Hachette a publié à Paris, grand in-f°, 1882, L histoire d’Esther traduite de la Sainte Bible, par Lemaistre de Sacy (sans notes), avec des illustrations par Bida. Les illustrations sont remarquables au point de vue artistique ; mais, au point de vue archéologique, elles sont inexactes, parce qu’elles reproduisent les données des monuments assyro-chaldéens, au lieu de celles des monuments perses. F. Vigouroux.

    1. ESTHON##

ESTHON (hébreu : ’Estôn ; Septante : ’Amra8ûv), Bis de Mahir, descendant de Caleb, dans la tribu de Juda. 1 Par., IV, 11, 12. Parmi ceux qui sont appelés ses fils on rencontre, mêlés avec des noms de personnes, des

noms de lieu, comme Bethrapha, t. i, col. 1712 ; on veut marquer par là que des descendants d’Esthon fondèrent ou habitèrent ces localités.

    1. ESTIENNE Robert##

ESTIENNE Robert, imprimeur célèbre, né à Paris en 1503, mort à Genève le 7 septembre 1559, se distingua dans la connaissance des lettres latines, grecques et hébraïques. Il travailla d’abord sous la direction de son père, Henri Estienne ; puis, après la mort de celui-ci, avec Simon de Colines, que sa mère avait épousé en secondes noces. Il n’avait que dix-neuf ans lorsque celui-ci lui confia le soin d’une édition latine du Nouveau Testament, qui parut à Paris, en 1523, in-16. Quelques améliorations, qu’il avait prétendu apporter au texte, lui valurent toutes les sévérités des docteurs de Sorbonne. Il n’en continua pas moins à étudier avec ardeur les Saintes Écritures. En 1526, il fonda une imprimerie sous son nom, rue SaintJean-de-Beauvais, et deux ans plus tard épousa Pétronille ou Perrette, fille de Joseph Bade, professeur et imprimeur renommé. Il publia alors : Biblia sacra, latine, vulgatse editionis, ex veteribus exemplaribus emendata ; accédant ad calcem interpretationes hebraicorum, grsecorum et latinorum nominum, in-f », Paris, 1528. Il s’efforça de publier un texte correct ; mais les notes sommaires des chapitres lui valurent de nouveau les reproches de la Sorbonne, contre laquelle d’ailleurs il était protégé par la bienveillance déclarée de François I er. En 1532, nouvelle édition de la Bible : Biblia sacra, latine, vulgatse editionis, ex veteribus exernplaribus emendata : accedunt brèves in eadem annotationes, ex doctissimis interpretationibus et hebrseorum commentariis ; interpretatio propriorum nominum hebraicorum, index reruni et sententiarum Veteris et Novi Testamenti, in-f°, Paris, 1532. Cette édition fut reproduite dans une Bible publiée en 1534, in-8°. Quatre ans plus tard paraissait en deux volumes in-f » : Biblia sacra, latine, vulgatse editionis ad fidern vetustissimorum codicum mss. et editionum antiquarum emendata ; adjectis ad marginem quamplurimis variantibus lectionibus ex Mis collectis. Le texte est en outre accompagné de courtes notes exégétiques, de même que dans les éditions du Nouveau Testament latin, in-8°, de 1541 : Novum Testamentum, latine, cum brevibus variarum translationum annotationibus, adjecta veterum latinorum exemplarium manuscriptorum diversa lectione : cum prsefatione Roberti Stephani. D’autres éditions, in-16, paraissaient en 1543 et 1545. De 1539 à 1544, il publiait une Bible hébraïque en quatre volumes in-4°, et pour ce travail il employait les magnifiques caractères que Guillaume Le Bé avait gravés sur l’ordre de François I er. Ce prince, pour récompenser Robert Estienne de tous ces travaux, le nommait son imprimeur pour les langues hébraïque et latine, et quelques annéesplus tard lui accordait le même titre pour le grec. En 1546, nouvelle Bible hébraïque, 8 in-8°. En même temps, il continuait ses publications de Bibles latines. En 1545, paraissait en caractères très petits et très nets : Biblia sacra, latine, duplici distincta columna, quarum altérant occupât versio latina vulgata, alteram vero nova translatio Tigurina, adjectis annotationibus-Francisci Yatabli, excerptis studio Roberti Stephani, cum variis lectionibus ad marginem, 2 in-8°. L’année suivante, il éditait le Novum Testamentum grxcum, . in- 16, Paris, 1546, édition qu’on désigne sous le nom de O mirificam, des premiers mots de la préface. Une seconde édition, reconnue comme supérieure, était imprimée en 1549. Pour l’une et l’autre, on s’était servi des magnifiques caractères grecs de Garamond. Robert Estienne avait pris pour base de son travail la dernière édition d’Érasme ( 1535), corrigée par le texte de la Polyglotte de Complute, et en quelques passages d’après des manuscrits. La 3e édition, editio regia, in-f », 1550, reproduit en marge les variantes de quinze manuscrits de

Paris. Toutes ces éditions des Livres Sacrés lui avaient attiré, non sans quelques raisons, les sévérités de la Sorbonne. Henri II continuait à le protéger, mais ne le défendait pas avec la même ardeur que son prédécesseur François I er. Robert Estienne se retira alors à Genève, où il possédait déjà une imprimerie. Il se déclara aussitôt le partisan zélé des doctrines de Calvin. Le premier livre qu’il fit paraître dans cette ville fut le Novum Testamentum grœcum cum duplici interprelatione D. Erasmi et veteris interpretis ; Harmonia item evangelica et copioso indice, 2 in-16, Genève, 1551. Pour la première fois, le texte est séparé en versets chiffrés. En 1553, il publiait la Bible en français, revue par Calvin, in-f ». En 1556-1557, parut une nouvelle édition de la Bible latine, 2 in-f° : Biblia utriusque Testamenti latine, Vêtus juxta editionem vulgatam et versionem Sanctis Pagnini cum annotationibus qux dicuntur Vatabli ; Novum secundum vulgatam veterem et novam Theodori (cujus hœc est prima editïo) cum ejus notis, additis quoque notis Claudii Baduelli in libros Veteris Testamenti quos protestantes vocant apocrxjphos. Sur les diverses éditions de la Bible publiées par ce célèbre imprimeur, et dont nous avons mentionné les principales, Richard Simon porte ce jugement : « Il est certain que Robert Estienne n’a pas agi avec assez de sincérité dans la plupart des éditions de la Bible qu’il a données au public et qu’il a voulu imposer en cela aux théologiens de Paris. D’autre part, il semble que les mêmes théologiens de Paris auraient pu traiter avec plus de douceur et de charité Robert Estienne à l’occasion des nouvelles traductions de la Bible qu’il fit imprimer avec des notes fort utiles, bien qu’il y en eût, en effet, quelques-unes qui seules méritassent d’être condamnées. » (Histoire critique de l’Ancien Testament, 1685, p. 328.) Robert Estienne publia divers autres travaux, parmi lesquels : Nomina hebrœa, chaldaia, grœca et latina virorum, mulierum, populorum, idolorum, urbium, fluviorum, montium cœlerorumque locorum quse in Bibliis leguntur, restituta, cum latina interpretatione ; descriptio locorum ex cosmographie ; et index rerum et sententiarum qux in Bibliis continentur, in-8°, Paris, 1537 ; Phrases hebraicse, seu loquendi gênera kebraica quse in Veteri Testamento passim leguntur, et commentariis Hebrseorum, aliisque doctissimorum virorum scriptis explicata, thesauri linguse hebraicse altéra pars, in-8°, Paris, 1538 ; ces deux ouvrages se trouvent à la suite de plusieurs éditions de la Bible latine ; Jobus, sive de constanlia libri IV poetica metaphrasi explicata, in-8°, Paris, 1538 ; Les Pseaulmes de David, tant en latin qu’en françois ; les deux translations traduictes de l’hebrieu, respondantes l’une à l’autre, verset à verset, notez par nombres, in-8°, Genève, 1552 ; Les Proverbes de Salomon, l’Ecclesiaste, le Cantique des cantiques, le livre de la Sapience, l’Ecclésiastique et les Pseaulmes de David, tant en latin qu’en françois : les deux translations traduictes de l’hebrieu, in-8°, Genève, 1552 ; In Evangelium secundum Matthseum, Marcum et Lucam commentarii ex ecclesiasticis scriptoribus collectes, nova ; Glossx ordinarise spécimen, in-f », Genève, 1553 : c’est un commentaire formé d’extraits des principaux auteurs de la réforme. En 1552, il publia contre la Sorbonne un écrit où il raconte tous ses démêlés avec les théologiens de cette faculté : Responsio ad censuras theologorum Parisiensium, quibus Biblia a Roberto Stephano, typographo regio, excusa calumniose notarunt ; lui-même prit soin de faire la traduction de cet ouvrage : Les censures des théologiens de Paris par lesquelles ils avoyent faulsement condamné les Bibles imprimées par Robert Estienne, imprimeur du Roy ; avec la réponse d’iceluy Robert Estienne : traduictes du latin en françois par le même, in-8°, Paris, 1552. — L’ouvrage de Robert Estienne qui rendit le plus de services fut sans contredit la publication de ses Concordances. Il se proposait de

combler les lacunes des éditions précédentes, et il indiqua les références au moyen de la division par versets, qu’il avait introduite depuis peu dans les éditions de la Bible. Voir Concordances, col. 397. Il donna pour titre à cet ouvrage : Concordantise Bibliorum utriusque Testamenti, Veteris et Novi, novse intégrée, quas rêvera majores appellare possis, in-f°, 1555. — Voir Reuss, Bibliotheca Novi Testamenti gr., p. 49 ; Rosenmùller, Handbuck die Literatur der Biblische Kritik, t. iii, p. 220 ; Renouard, Annales de l’imprimerie des Estienne, ou Histoire de la famille des Estienne et de leurs éditions, 2 in-8°, Paris, 1837-1838 ; Crapelet, Robert Estienne, imprimeur royal, et le roi François I er, in-8°, Paris, 1839 ; E. Werdet, Histoire du livre en France, me partie, t. i (1864), p. 2 ; 0 ; Journal des savants, 1811, p. 29. B. Heurtebjze.

    1. ESTIUS Guillaume van Est##

ESTIUS Guillaume van Est (ou Hessels), théologien catholique, né à Gorcum en 1542, mort à Douai le 20 septembre 1613. Après avoir commencé ses études à Utrecht, il se fit recevoir docteur à Louvain, en 1580. Il professa la théologie à Douai, fut supérieur du séminaire de cette ville, et pendant dix-huit ans chancelier de l’Université. Son principal ouvrage a pour titre : In omnes divi Pauli et septem catholicas apostolorum Epistolas commentarii, 2 in-f », Douai, 1614-1616. Il fut terminé après la mort de Guillaume Estius par son collègue, le professeur Barthélémy Pétri, qui ajouta les notes sur le chapitre v de la première Épitre de S. Jean et sur les deux autres Épitres du même apôtre. Ce commentaire, remarquable à bien des titres, eut de nombreuses éditions à Cologne, à Paris, à Rouen, à Mayence, 7 in-8°, 1841-1845, et 3 in-8°, 1858-1860. On doit cependant signaler au point de vue doctrinal quelques idées qui se rapprochent trop de celles de Baius, son maître. Ses sentiments furent néanmoins toujours très catholiques, et Benoît XIV l’appelle Doctor fundatissimus. Citons encore de cet auteur : Annotationes in prxcipua difficiliora loca Sanctx Scripturx, in-f », Anvers, 1621. Tous ces travaux de Guillaume Estius sur la Sainte Écriture furent réunis en 3 volumes in-f°, publiés à Venise, en 1659. — Voir André Hoy, Elogium amplissimi viri D. Guilielmi Estius, en tête de la première édition de son commentaire sur les Épitres ; Valère André, Bibliotheca

belgica, p. 313.
B. Heurtebize.
    1. ESTRADE##

ESTRADE (hébreu : hîyyôr ; Septante : pà<ri ;  ; Vulgate : basis), sorte de plate-forme ou tribune, élevée par Salomon au milieu du parvis (hà-’âzârdh) du Temple et où se tint le roi pour la cérémonie de la Dédicace. II Par., VI, 13. C’est à genoux sur cette estrade qu’il adressa à Dieu la belle prière conservée dans II Par., vi, 14-42. Le texte sacré ne nous renseigne qu’imparfaitement sur la forme de cette estrade : il nous dit simplement qu’elle était en bronze ( nehôséf) et avait cinq coudées de longueur et autant de largeur (environ 2 mètres 65), et trois coudées (ou à peu près 1 mètre 60) de largeur. De l’indication de ces dimensions, il résulte qu’elle était de forme carrée ; et la matière dont elle était faite porte à croire qu’elle avait été érigée là d’une manière durable, et non pas seulement pour la cérémonie de l’inauguration du Temple. Elle était posée sans doute sur le sol.

    1. ESTURGEON##

ESTURGEON, poisson de la famille des sturioniens, rappelant le squale par sa forme générale (fig. 609). Son corps, qui peut atteindre de un à cinq mètres de longueur, porte sur le dos et sur le ventre une série de petites plaques osseuses distantes l’une de l’autre ; sur les côtés sont deux autres rangées de plaques plus petites, mais deux fois plus nombreuses que les précédentes. La tète se termine par un museau assez pointu, au-dessous duquel s’ouvre un bouche très large. L’esturgeon com

mun, acipenser sturio, a le corps d’un brun verdàtre. Ou le rencontre particulièrement dans la Méditerranée et la mer Rouge. Sa chair est délicate et recherchée. Il se nourrit de poissons plus petits, harengs, maquereaux, morues et même saumons ; mais il n’a que des cartilages au lieu de dents et est tout à fait inoffensif. — La Sainte Écriture ne nomme aucun poisson. Néanmoins l’esturgeon devait être connu des Hébreux, puisqu’il habite dans les eaux de la Palestine et remonte le Nil

I. Étables À bœufs. — 1° Noms. — 1. Elles sont appelées dans Habacuc, iii, 17, refâtim (Septante : aiïvst :  ; Vulgate : prsesepia). C’est le seul passage de la Bible hébraïque où ce mot se rencontre ; mais on le trouve aussi dans le Talmud, Baba bathra, II, 3 ; vi, 4. Réfét paraît signifier proprement « un râtelier pour fourrage », et par extension « étable ». — 2. Le nom le plus ordinaire des étables à bœufs dans l’Ancien Testament est marbêq, derâbaq, « lier, attacher. » Tanchum (Th. Haarbrue 609. — L’esturgeon.

au printemps. Il se trouvait dans les conditions nécessaires pour pouvoir servir de nourriture, Lev., xi, 9, 10, et devait être un de ceux que Salomon avait décrits dans son livre sur les poissons. III Reg., iv, 33. — Quelquesuns ont supposé, mais sans preuve, que le poisson qui avait failli dévorer le jeune Tobie sur les bords du Tigre,

Tob., vi, 2, était un esturgeon.
H. Lesêtre.
    1. ÉTABLE##

ÉTABLE, endroit où on loge le bétail. L'étable diffère de l'écurie en ce que l'écurie est particulièrement des cker, Tanchumi Hierosolymitani Commentarium arabicum ad librorum Samuelis et Regum locos graviores, in-8°, Leipzig, 1844, texte arabe, p. 50, latin, p. 51) explique ainsi ce mot : « Rabaq signifie en arabe la corde avec laquelle on attache le veau à l’engrais ; marbêq est le nom du lieu où est attaché le veau qu’on engraisse, et 'êgél marbêq, celui du veau à l’engrais. » Dans tous les endroits de l'Écriture où on lit marbêq, il est question des veaux à l’engrais, 'êgél marbêq, I Sam. (I Reg.), xxvin, 24 'Septante : SâfiaXiç votms ; Vulgate : vitulum

Étable à btsuH dans l’ancienne Egypte. Tell el-Amama. D’après Wilkinson, ilanners and Customs of the ancient Egyptians, t. i, p. 370.

tinée aux chevaux et aux ânes, tandis que l'étable sert spécialement à abriter les bceufs, les brebis et les chèvres.


pascualem) ; Jer., xlvi, 21 (Septante : xhuy_o : (titeuto' ; Vulgate : vituli saginali ; cf. Luc, XV, 23, 27, 30) ; Mal., m, 20 (iv, 2) (Septante : ^oayipix £x Seo-^Ov ; Vulgate :

IL - C3 vituli de armento) ; Amos, vi, 4,‘ăgâlîm miṭṭôk marbêq, « les veaux [pris] du milieu de rétable » (Septante : μοσχάρια ἐκ μέσου βουκολίων ; Vulgate : vitulos de medio armenti).

Dans le premier passage cité, I Reg., xxviii, 24, le texte dit que la pythonisse d’Endor, qui tue le veau gras pour le roi Saül, avait cet animal dans sa maison. En Palestine, aujourd’hui encore, l’étable fait, en effet, souvent partie de la maison, et quelquefois il n’y a même qu’un seul logis pour la famille et pour l’âne ou la vache à qui un coin est réservé. Les grands propriétaires seuls, tels que les rois et autres personnages importants, devaient avoir des étables spéciales, séparées de leur habitation.

3.’Êbûs, de ’âbas, « nourrir, engraisser, » Prov., xv, 17, signifie à la fois « crèche » et « étable ». Job, xxxix, 12 (19 ; Prov., xiv, 4 ; Is., i, 3.

Forme.

Nous n’avons d’ailleurs aucun renseignement direct sur la façon dont les étables étaient disposées en Palestine. Nous connaissons seulement par les monuments de la vallée du Nil les étables à bœufs égyptiennes. Elles se composaient d’un hangar où l’on mettait ces animaux à l’abri, et d’une cour où étaient fixés des pieux ou bien des anneaux pour les tenir attachés lorsqu’ils mangeaient, pendant le jour (fig. 610).

[photo à insérer] 611. — Bergerie orientale moderne.

II. Étables pour les brebis.

Dans l’Ancien Testament.

Les bergeries pour le petit bétail sont assez souvent mentionnées dans l’Écriture. Ce sont des lieux enclos, fermés soit par des murs de pierres brutes, soit par des palissades, où les brebis sont ordinairement parquées en plein air, selon l’usage de l’Orient. Ces parcs de troupeaux portent en hébreu les noms suivants :

1. Gedêrâh, Num., xxxii, 16, 24, 36 (Septante : ἔπαυλις ; la Vulgate a traduit deux fois en termes différents le mot gedêrâh au ꝟ. 16 : Caulas ovium fabricabimus et stabula jumentorum ; de même ꝟ. 24 : Ædificate… caulas et stabula ovibus ac jumentis. Dans ces deux endroits, comme au ꝟ. 36, le texte hébreu porte simplement :
giderôṭ ṡ’ôn, « des parcs pour les troupeaux de brebis, » ainsi que l’a traduit la Vulgate au ꝟ. 36 : Caulas pecoribus suis) ; I Sam. (I Reg.), xxiv, 4 (Septante : ἀγέλας ; Vulgate : caulas) ; Soph., ii, 6 (Septante : μάνδρα ; Vulgate : caulæ). —
2. Boṣrâh, « clôture, » Mich., ii, 12 (Septante : ἐν θλίψει ; Vulgate : in ovili). —
3. Dôber, « lieu de pâturage, » Mich., ii, 12 (Septante : κοίτη ; Vulgate : caulae). —
4. Miklâh, « clôture, » Hab., iii, 17 (Septante : μάνδρα ; Vulgate : ovile) ; Ps. l (xlix), 9 (Septante : ποίμνια ; Vulgate : greges, « troupeaux » ), lxxviii (lxxvii), 70 (Septante : ποίμνια ; Vulgate : greges).
5. Les bergeries sont appelées II Par., xiv, 15,’ôhǒlêmiqnéh, « les tentes du troupeau, » ce qui indique, non plus un parc, mais un abri couvert comme une tente (Septante : σκηνὰς κτήσεων ; Vulgate : caulas ovium).

Le mot caula se lit quatre autres fois dans notre version latine dans des endroits où le texte original ne parle pas expressément de bergeries : —
1. et 2. La Vulgate, paraphrasant ou interprétant le texte original, a employé le mot caulae, « parc pour le bétail, » dans deux passages où l’hébreu parle simplement des « troupeaux ». Gen., xxix, 7 ; Deut., xxviii, 4. —
3. Dans Isaïe, lxv, 4, caulae traduit nâvėh, « lieu où habitent les troupeaux, pâturage. » Cf. Ezech., xxv, 5. —
4. Enfin dans Ézéchiel, xxv, 4, saint Jérôme a rendu par caulas le mot tirâh, qui désigne un campement de nomades fermé par des barrières d’épines ou par une sorte de mur, ce que les Arabes appellent un douar.

Les bergeries dans le Nouveau Testament.

1. Notre-Seigneur, en saint Jean, x, 1, 16, nomme trois fois la bergerie αὐλή, (Vulgate : ovile). Le mot grec désigne, comme gedėrâh, un enclos en plein air où l’on

enferme les troupeaux. C’est le terme dont se sert Homère en parlant de la bergerie des Cyclopes ; la description qu’il en fait convient parfaitement aux bergeries de la Palestine. Odys., ix, 181-185. Les bergers qui gardaient leurs troupeaux la nuit, dans les environs de Bethléhem, Luc, ii, 8, lors de la naissance du Sauveur, devaient les tenir enfermés dans ces sortes de parcs. La description qui va être donnée de ces bergeries orientales fera comprendre les détails de la parabole du bon Pasteur en saint Jean, x, ainsi que ce qui en est dit dans les autres passages des Écritures.

III. Description d’une bergerie en Orient. — La bergerie orientale consiste essentiellement dans un espace enclos, comme l’indiquent la plupart des noms qui lui sont donnés. Ces parcs sont souvent placés près des cavernes, qui abondent en Palestine. Cf. I Reg., xxiv, 14. M. Thomson dit à ce sujet : « J’en ai vu un grand nombre à l’entrée des cavernes ; et, en vérité, il n’y a pas dans le pays une grotte habitable où l’on ne remarque, en avant, un parc ou bercail, enclos en entassant, les unes sur les autres, des pierres détachées de manière à former un mur circulaire, qu’on recouvre d’épines pour garantir davantage le troupeau contre les voleurs et les bétes fauves. Pendant les orages et durant la nuit, les troupeaux s’abritent dans la caverne ; le reste du temps, ils demeurent dans ce bercail fermé. » W. M. Thomson, The Land and the Book. Southern Palestine, in-8°, Londres, 1881, p. 313. Les pares des troupeaux sont en effet toujours clos par des murs ou par des palissades d’épines, par crainte des bêtes féroces et des voleurs. Quand ils ne sont ; pas placés près d’une caverne, il y a dans les bergeries actuelles, en Syrie, au fond du parc en plein air, une. étable grossièrement bâtie, basse, à toit plat (fig. 611), qu’on appelle mârâh, et où l’on enferme le troupeau quand les nuits sont froides, depuis le mois de novembre jusque vers Pâques. Lightfoot, Horx hebraicss, sur Joa., x, 1, dans ses Works, 2 in-f°, Londres, 1684, t. ii, p. 575 ; B. Winer, Biblisches Realwôiterbuclt, 3e édit., 1848,

t. ii, p. 661. Lorsque le temps est beau, chèvres et. brebis restent eh plein air. On pénètre dans la clôture par la porte qu’on voit sur la figure 611. Les voleurs cherchent à y pénétrer par un autre endroit que par la porte, Joa., x, 1, afin d’échapper à la vigilance de celui qui la garde et que l’évangéliste appelle ostiarius, 6upwpô ; . Joa., x, 3. — D’après le Talmud, Becoroth, ꝟ. 386, pour payer la dime des brebis, on les enfermait dans leur parc, et l’on y ouvrait une petite porte où elles ne pouvaient passer que l’une après l’autre ; on les faisait alors sortir par cette porte, en comptant depuis un jusqu’à dix ; chaque dixième était marquée d’une marque rouge, et l’on disait : « Voici la dîme. »

IV. L’étable de Bethléhem. — Saint Luc, ii, 17, raconte que Notre -Seigneur, après sa naissance, fut placé dans une crèche (tpcmv, ; Vulgate : prsesepium). Il était donc né dans une étable. Voir t. i, fig. 146, col. 573. L’évangéliste nous explique que Jésus naquit en ce lieu, Luc, n, 17, parce que Marie et Joseph n’avaient point trouvé de place dans le caravansérail de Bethléhem (y.a.xilifi.oi ; Vulgate : diversorium. Voir col. 254). Le caravansérail ou khan dont il est question ici est probablement celui qui avait été élevé par Chamaam. Voir col. 516. La tradition nous apprend que la sainte famille, ne pouvant s’installer dans le khan, se réfugia dans une grotte naturelle, aKr, xwv, disent saint Justin, Dial. cum Tryph., 70, t. vi, col. 657, et Origène, Cont. Cels., i, 51, t.xi, col. 756 ; ômpov, dit Eusèbe, De Vit. Constant., iii, 41, t. xx, col. 1101 ; specus, dit saint Jérôme, Epitaph. Paulse, Epist. crin, 10 ; Êpist. lviii ad Paulin., t. xxii, col, 884, 581 ; elle servait d’étable, suivant un usage assez commun j dans le pays. Voir Bethléhem. 1. 1, col. 1692-1693 ; Mislin, I Les Saints Lieux, édit. de 1858, t. iii, p. 486-500. Les ! nombreux changements qui ont étC faits à cette grotte, j enfermée aujourd’hui dans l’église de la Nativité, ne |

permettent pas de dire ce qu’elle a été autrefois. Voir V. Guérin, La Judée, t. i, p. 143-159.

V. Le stabclum du bon Samaritain. — La Vulgate, dans la parabole du bon Samaritain, dit qu’il conduisit le blessé qu’il avait rencontré sur la route de Jérusalem à Jéricho in stabulum (7cav80-/EÏov), et qu’il en confia le soin au stabularius (™ 7cav80^eî). Luc, x, 34-35. Le stabulum n’est pas autre chose dans ce passage que le caravansérail, et le stabularius est le gardien du caravansérail. Stabulum en latin ne signifie pas seulement « étable », mais aussi un lieu où on loge hommes et bêtes, et le stabularius est celui qui loge. La Vulgate se sert de ces deux mots, parce que le caravansérail, qui n’avait pas de nom spécial en latin, sert effectivement de logement pour les bêtes en même temps qu’il abrite les voyageurs. Voir Caravansérail, col. 251, 255. F. Vigouroux.

    1. ÉTAIN##

ÉTAIN (hébreu : bedil ; Septante : xonrof-repoç ; Vulgate : stannum), métal grisâtre, plus léger mais plus dur que le plomb, qui ne se présente dans la nature qu’à l’état de combinaison avec l’oxygène ou avec le soufre.

— Le bedil est bien l’étain : c’est ce qui ressort de la simple énumération de métaux de Num., xxxi, 22, et de Ezech., xxii, 18, 20 ; xxvii, 12, où il faut remarquer de plus la place du bedil à côté du plomb. C’est du reste la traduction des Septante, xaacmepo ; , et de la Vulgate, stannum, pour les endroits où ce mot se rencontre. Le nom même, bedil, paraît d’ailleurs dérivé du nom sanscrit de l’étain, pâtira, comme aussi son nom grec, xotsafiepoç, vient du sanscrit kastîra. A. Pictet, Les origines indo-européennes, 2e édit. (sans date), in-8°, Paris, t. i, p. 210-213. — Quant au lieu de provenance de l’étain, on ne connaissait anciennement que l’Hindou-Kousch et les monts Altaï à l’orient, et l’Espagne avec l’Armorique et la Grande-Bretagne à l’extrémité de l’occident. G. Bapst, L’étain dans l’antiquité, dans la Revue des questions scientifiques, avril 1888, p. 355-356. C’est probablement de caravanes venues de l’extrême Orient que les Madianites avaient acheté l’étain que les Israélites, à l’époque de Moïse, trouvèrent parmi leurs dépouilles. Num., xxxi, 22. Voir Bronze, t. i, col. 1949. — Plus tard, les Hébreux purent le recevoir des Phéniciens ; car il venait de Tharsis sur les marchés de Tyr. Ezech., xxvii, 12. Tharsis, pour les Hébreux, était l’Espagne et l’extrémité de l’Occident. Même en identifiant Tharsis avec l’Espagne, on n’en devrait pas conclure que tout l’étain apporté à Tyr venait de ce seul pays ; les Phéniciens pouvaient aller le chercher sur les côtes de Bretagne et dans le pays de Cornouailles et les îles appelées pour cela Çassitérides. Pline, H. N., xxxiv, 47 ; Diodore de Sicile, v, 38 ; Strabon, III, ii, 9. Au retour, il fallait passer par l’Espagne ; de sorte que tout l’étain paraissait provenir de ce pays. G. Bapst, L’étain dans l’antiquité, p. 364-365, et t. i, col. 1949. — L’étain devait arriver ordinairement déjà travaillé, et c’est ainsi que les Hébreux pouvaient surtout le connaître. Cependant ils avaient remarqué que divers métaux sont unis au minerai d’argent et que la fusion sépare l’argent d’avec les scories d’étain, comme aussi de cuivre, de fer et de plomb. Ezech., xxii, 18. Aussi est-il dit dans une comparaison : « Israël, qui était autrefois un métal précieux, n’est plus maintenant que scories d’étain, de plomb, restées dans le creuset. » Ezech., xxii, 18, 20. — KaaatTepoç, comme stannum, outre le sens particulier d’étain, désigne encore le plumbum nigrum mêlé avec l’argent, comme une impureté dans le minerai. Pline, H. N., xxxiv, 47. Il en est ainsi de bedîlîm, le pluriel de bedil. « J’ôterai toutes les impuretés (bedilîm) qui sont en toi, » est-il dit, Is., i, 25, comme parallèle à : « Je te purifierai de toutes les scories (sîgîm). » Les Septante n’ont pas rendu l’image, mais seulement le sens de la phrase, en mettant ivôu.ouç, « les prévaricateurs. » Le terme bedil n’a pas non plus la signification spéciale d’étain, mais paraît désigner le plomb,

dans l’expression « la pierre de bedîlit, c’est-à-dire le fil à plomb placé dans la main de Zorobabel. Zach., iv, 10. Les anciens confondaient parfois l’étain et le plomb sous la même dénomination ; ou bien le plomb employé pour cet instrument était mélangé avec de l’étain pour acquérir plus de dureté, de solidité. — Dans l’éloge de Salomon, rapporté par le texte grec de l’Ecclésiastique, xlvii, 18, il est dit que de son temps l’or et l’argent étaient communs comme Vétain et le plomb :

Tu as amassé l’or comme l’étain (xaffTfrspoç), Tu as accumulé l’argent comme le plomb.

Au lieu de l’étain, la Vulgate, xlvii, 20, a aurichalcum,

trouve ni dans le texte hébreu ni dans les autres versions ; il n’en est pas moins un document historique, paraissant indiquer Étam dans le voisinage de Thécué, de Bethléhem et de Phagor. Étam est citée, II Par., xi, 6, entre Bethléhem et Thécué. La région (-/Mp ! o-j) appelée Étam est, d’après Josèphe, Ant. iud., VIII, vii, 3, distante de Jérusalem de deux schènes (ou soixante stades, c’est-à-dire onze kilomètres un quart) ; elle est remarquable par l’abondance des eaux et la fertilité de ses jardins. Les explorateurs modernes sont généralement d’accord à reconnaître dans le nom de’Aïn-’Etân, gardé par une fontaine située à quatre kilomètres au sud-ouest de Bethléhem, près de l’ouadi’Vrtâs, le nom biblique d’Étam ; ils sont d’avis que c’est dans les environs de ce

612. — Ouadi-Ourtâs. — Village d’Ourtâs. — Khirbet el-Khoukh. D’après une photographie de M. L. HeMet. « le cuivre. » Mais les deux versions se trompent également : le texte original récemment découvert porte Vna, barzel, « le fer. » A.. E. Cowley et Ad. Neubauer, The original Hebrevi of a portion of Ecclesiasticus, in-4°, Oxford, 1897, p. 34, ꝟ. 18e. Voir Bronze. E. Levesque.

ÉTAM, nom de deux villes de Palestine et d’un rocher.

1. ÉTAM (hébreu : ’Êtâm ; Septante : A’-rav ; Codex Alexandrinus, Akâu., Jos., xv, 60 ; ’Htcîu., Jud., xv, 8 ; AïtcÎv ; Codex Alexandrinus, Afravi, II Par., xi, 6), ville de la tribu de Juda.

I. Identification. — Étam, dans la version des Septante, Jos., xv, 60, est nommée parmi les villes assignées à la tribu de Juda. Elle est du nombre de onze villes mentionnées dans l’ordre suivant : « Théco, et Éphrata. qui est Bethléhem, et Phagor, et Aitan (transcription de saint Jérôme : jEtliam), et Coulon, et Tatam, et Soris, et Gallem, et Baiter, et Manocho, onze villes et leurs villages. » Ce passage est particulier aux Septante et ne se’Aïn-’Etân, situé, en effet, entre Bethléhem et Téqua’(Thécué), à sept kilomètres au nord de Beit-Fadjur (Phagor) et à près de douze kilomètres au sud-sud-ouest de Jérusalem, qu’il faut chercher l’emplacement de la ville de même nom.

Robinson, Van de Velde, Conder, Armstrong et plusieurs autres croient trouver Étam au village actuel d’Ourtâs (fig. 612), situé sur le côté nord de la vallée du même nom, à un kilomètre au nord-ouest du’Aïn-’Etân. .Victor Guérin, F. de Saulcy, Socin et quelques autres le voient dans un khirbet couvrant le sommet d’une colline sise du côté sud de la même vallée, à cinq cents mètres du village d’Ourtâs et à l’est de la fontaine de’Etân. Un berger l’a désignée à V. Guérin sous le nom de Khirbet el-Khûkh ; c’est le nom que lui donnent généralement les habitants du pays. Khûkh est un mot arabe désignant la « prune s et la « pêche ». Cette ruine, à cause de son peu d’étendue, paraît à ce savant occuper une partie seulement de l’antique ville d’Étam. Rien n’empêche d’admettre que des habitations établies aux -i

environs et dépendantes de la ville augmentaient son importance ; un groupe de maisons, dans ces conditions, pouvaient, dès les temps anciens, se trouver à la place où est aujourd’hui’Ourtâs ; le khirbet el-Khûkh pouvait être l’acropole de la ville. Toutefois un grand nombre de localités désignées dans l’Écriture sous le nom de villes et même de villes fortes, n’occupaient pas un emplacement plus vaste que celui de la ruine dont nous parlons. Comme il n’existe pas dans tous les alentours d’autre ruine plus considérable, et que le site d’Ourtàs ne se prête nullement à être fortifié et défendu, il ne semble pas que l’on puisse chercher ailleurs l’ancienne ville forte d’Étam qu’au Khirbet el-Khoùkh. La région (-^copiov) d’Étam dont parle Josèphe ne paraît point différente de la vallée d’Ourtàs, située, en effet, à peu près exactement à la distance de Jérusalem indiquée par l’historien juif, se distinguant précisément par la fertilité de ses jardins, par l’abondance des eaux qui y convergent, et prés de laquelle se retrouve le nom d’Étàn.

II. Description. — Le Khirbet el-Khûkh occupe le sommet d’une colline se terminant en forme de cône. Des vallées assez profondes l’environnent comme d’un vaste fossé naturel. Ses flancs recèlent plusieurs grottes et des cavernes sépulcrales. La ville, d’après l’étendue de ses ruines, pouvait contenir un millier d’habitants. Le village d’Ourtàs est distant de cette colline de moins d’un kilomètre. Il est situé au-dessous du chemin qui vient de Bethléhem, en suivant le côlé nord de la vallée. Ses maisons descendent comme par gradins jusqu’au bas de la montagne. Elles sont généralement de misérable apparence, mal entretenues et tombant en ruines. Ses habitants, tous musulmans, n’atteignent pas le nombre de trois cents. Au pied du village jaillit une source abondante d’eau limpide et saine ; elle est appelée’Aïn’Uriâs. Ces eaux se rendaient jadis, par un canal dont les restes sont visibles en plusieurs endroits, jusqu’au Djébel-Ferdés, l’antique Hérodium. Elles passent aujourd’hui dans un petit bassin de dix mètres de longueur sur six de large, en grande partie ruiné. Un peu plus bas, un second bassin de onze mètres de côté, formé de belles pierres et bien conservé, recevait aussi une partie des eaux de la fontaine par un canal pratiqué sur le flanc de la montagne. On a trouvé, il y a quelques années, tout à côté une grande salle ruinée, où gisaient, parmi les débris, des tronçons de belles colonnes de marbre blanc et des chapiteaux corinthiens. Les gens de l’endroit nomment cette ruine El-Hammàn, « le bain, » parce que cette construction parait, en effet, avoir eu cette destination. Sur un des contreforts de la montagne, en face du village d’Ourtàs, à l’ouest, s’élève une construction d’assez gracieuse apparence et environnée d’un mur élevé ; elle est destinée à être habitée par une communauté de religieuses.

La vallée d’Ourtàs a son origine à deux kilomètres à l’ouest du village. Elle se dirige d’ouest à est l’espace de trois kilomètres ; prenant alors la direction du sudest, elle change de nom et devient l’ouadi et -J’âhûnéh, « la vallée du Moulin. » Depuis’Ourtâs presque jusqu’à ce point, la vallée est un grand jardin dont la végétation luxuriante contraste avec la nudité pierreuse des montagnes qui le resserrent au nord et au sud et paraissent le fermer de toutes parts. Les amandiers, les cognassiers, les citronniers, les orangers et les grenadiers y croissent à côté des pêchers, des poiriers, des pruniers, des pommiers et des noyers. Toutes les espèces de légumes y sont cultivées avec succès, et on a pu obtenir dans le cours d’une année jusqu’à cinq récoltes successives de pommes de terre. La prodigieuse fertilité de ce jardin est due sans doute à la nature du sol, à la température tiède de la région, protégée par les montagnes qui l’environnent contre la rigueur des vents ; mais surtout à l’abondance de l’eau fournie spécialement par les trois grands bassins, £7-Burak, connus des Européens sous le nom de Vasques

ou Etangs de Salomon. Voir t. i, col. 799 et fig. 190, ibid. Ces bassins occupent toute la partie supérieure de la j vallée, au-dessus de la colline El-Khoùkh. À quelques | pas de la piscine, en face de son angle nord-ouest, est un grand château de forme rectangulaire, avec des murs crénelés et flanqué d’une tour carrée à chacun de ses angles. Il a été bâti au xviie siècle, pour y loger les soldats chargés de la garde des bassins. L’intérieur en est maintenant fort délabré. Il est désigné sous le nom de Qala’at el-Burak, « le château des Vasques. » — Destinés à capter les eaux des pluies de l’hiver, comme on le voit par des canaux à ciel ouvert qui descendent des montagnes voisines, les trois bassins devaient recueillir en outre les eaux de toutes les sources importantes de la région. Celle qui leur a toujours apporté le tribut de ses eaux est le’Aïn $âleh. Voir t. i, col. 799. Une seconde source jaillit au sud du château et unit son eau à celle qui va se déverser dans le canal du’Aïn $âléh. Une troisième source abondante sort dans la chambre du bassin inférieur. La quatrième, ’Aïn’Etdn, captée dans une chambre à voûte cintrée, construite à deux cents pas du grand bassin, envoie ses eaux par un canal à un petit réservoir disposé au nord de ce bassin et destiné à recevoir également les eaux des autres sources qui devaient être conduites plus loin. Un canal long de huit kilomètres amène du sud, en passant par l’ouadi Deir el-Benât, les eaux des sources de l’ouadi el-Biâr, « la vallée des Puits. » Un autre canal prend les eaux des fontaines de’Arrûb, à dix kilomètres des Vasques, près de la route d’Hébron, et leur fait parcourir, par d’innombrables circuits à travers les montagnes, un espace de quarante-cinq kilomètres avant de les amener aux bassins d"Urtâs. Toutes ces eaux auraient été surabondantes pour l’arrosage des jardins ; elles étaient destinées principalement au service du Temple et aux besoins de Jérusalem. On peut suivre encore les canaux, en grande partie ruinés aujourd’hui, partant des Vasques, qui conduisaient ces eaux par de longs détours jusqu’au Haràm es-Sérîf, qui a remplacé l’ancien Temple. Voir Aqueduc, t. i, col. 798-803.

III. Histoire. — Samson, après avoir incendié les moissons des Philistins, alla habiter une caverne du rocher d’Étam. Les Philistins pénétrèrent sur le territoire de Juda pour s’emparer de lui. Trois mille hommes de la tribu vinrent à Étam, à la caverne où était Samson, le lièrent et le conduisirent aux Philistins. Jud., xv, 8-13. Le rocher d’Étam, selon V. Guérin, n’est autre que la colline rocheuse sur laquelle se trouve le Khirbet el-Khùkh. Le récit de Josèphe, Ant. jud., V, viii, 8, faisant d’Étam un rocher fortifié, itrrpa ô-/upâ, confirme cette opinion. Cependant, d’après Conder et d’autres, le rocher d’Étam serait différent de la forteresse d’Étam ; il faudrait le chercher aux environs de Beit-’Atâb, et voir le refuge de Samson dans quelqu’une des cavernes des montagnes des environs. Nous ne voyons aucune raison solide pour supposer l’existence d’un second Étam. La Bible, en nommant Étam de la tribu de Juda, semble l’indiquer comme s’il était seul. — Une croyance répandue chez les Juifs, les chrétiens et les musulmans, attribue au roi Salomon la création des jardins d’Étam, la construction des piscines et de plusieurs des aqueducs et des autres travaux exécutés pour capter les eaux de3 sources. Le monarque ferait allusion à ces jardins lorsque, parlant de sa bien-aimée, Cant., iv, 12, il dit d’elle : « C’est un jardin fermé, ma sœur, mon épouse, c’est un jardin fermé ; » et il parlerait de la fontaine’Aïn Sâléh, lorsqu’il ajoute : « [Elle est] une fontaine scellée. » Fondés sur cette croyance, depuis plusieurs siècles les pèlerins chrétiens ont coutume d’appeler le’Aïn Sâléh Fons signatus, « la fontaine scellée, » et les jardins d’Ourtàs Hortus condusus, « le jardin fermé. » Il semble même que c’est cette dénomination d’hortus, acceptée des Arabes, qui se continue sous la forme’Urtâs. Salomon aurait

; eu encore spécialement en vue les mêmes jardins et les 

mêmes œuvres, lorsqu’il dit, dans l’Ecclésiaste, II, 4-6 : « Je me suis fait des choses magnifiques… Je me suis créé des jardins et des vergers, que j’ai remplis de toutes sortes d’arbres ; je me suis construit des réservoirs d’eau pour arroser mes bosquets et mes plantations. » Cette opinion, en tant qu’elle attribue à Salomon l’établissement de jardins à Étam, aujourd’hui’Ourtàs, est du moins d’une très grande probabilité, parce qu’elle s’appuie sur un passage de Josèphe qui peut être considéré comme l’expression de l’antique tradition du peuple juif : « Escorté de ses gardes armés et munis d’arcs, dit cet historien, le roi, monté lui-même sur un char et revêtu d’un manteau blanc, avait coutume, à l’aube naissante, de sortir de Jérusalem. Or il y avait un endroit éloigné de deux schènes de la ville et appelé Étam. Grâce à ses jardins et à l’abondance de ses eaux courantes, ce lieu était à la fois plein de charme et de fertilité. C’est là que Salomon se faisait transporter. » Ant. jud., "VIII, vii, 3. Le Talmud fait déjà remonter la création des œuvres hydrauliques d’Étam au temps de l’établissement du premier Temple. Yoma, 31 b ; Zebahim, 54 b. La nécessité d’y amener des eaux abondantes a dû, en effet, se faire sentir dès le principe, et l’on ne comprendrait pas que Salomon, avec les moyens dont il disposait, n’y eût pas pourvu. Les autres rois de Juda ont pu développer son œuvre ; mais il paraît difficile de faire descendre l’origine de ces travaux jusqu’après la captivité de Babylone. — Roboam, fils et successeur de Salomon, pour se prémunir contre les tentatives du roi d’Israël, fit fortifier en Juda un grand nombre de localités ; Étam fut du nombre. II Par., xi, 6.

— Quelques écrivains ont cru pouvoir attribuer à Ponce Pilate les travaux d"Urtâs. Josèphe raconte, en effet, que ce procurateur provoqua de grands troubles, en s’emparant des fonds du trésor sacré, appelé qorbân, pour conduire des eaux à la ville. Il les avait fait venir d’une distance de quatre cents stades. Ant. jud., XVIII, iii, 2 ; Bell, jud., II, ix, 4. L’historien désigne, selon toute vraisemblance, l’aqueduc de’Arrûb, dont le parcours jusqu’à Jérusalem est de près de soixante kilomètres ou trois cent vingt stades ; mais il peut parler d’une simple restauration. La création de ce canal aurait-elle été l’œuvre de Pilate, il n’en résulterait pas que les piscines et les autres canaux, dont les ruines indiquent une grande différence de structure, fussent de lui. — Les piscines et les aqueducs ont souvent été restaurés dans la suite des temps. Il est difficile de déterminer quelles parties sont de l’œuvre primitive et quelles parties appartiennent aux diverses restaurations. Le canal, qui, il y a quelques années, avait cessé d’amener les eaux d’Ourtâs au jffarâtn es-Ëérif, a été restauré en 1898 et les y conduit de nouveau.

— Voir V. Guérin, La Judée, Paris, 1869, t. iii, p. 104-119 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, in-4°, Londres, 1883, p. 43 et 83. L. Heidet.

2. ÉTAM (hébreu : ’Etâm ; Septante : A’/rdtv), village (hébreu : hâsér ; ce qui correspond au douar des Arabes d’Afrique) de la tribu de Siméon (probablement aussijM, ou père = fondateur). 1 Par., iv, 32. Il n’est pas contenu dans la liste parallèle de Josué, xix, 7. Aussi quelques auteurs ontils cru qu’il était mis pour Athar (hébreu : ’Étér ; Septante : ’Iibïo), le troisième nom de cette dernière. Mais dans ce cas il devrait occuper la même place, au lieu de se trouver en tête de la liste : Athar ou Éther, en effet, est, dans Josué, xv, 43 ; xix, 7, placé prés d’Asan. Cf. Keil, Chronik, Leipzig, 1870, p. 70. On l’a aussi à tort confondu avec Étam de Juda, Jos., xv, 60 ( texte grec) ; II Par., xi, 6, qui, cité avec Bethléhem, Coulon, Thécué, etc., était plus haut, dans le district montagneux. Voir Étam 1. Le village de Siméon fait partie d’un groupe qui est déterminé principalement par Remmon, qu’on identifie généralement avec Khirbet Oumm er-Roumàmim, au nord de Bersabée. C’est donc dans ces parages qu’il faudrait le chercher. Voir Aïs 2, t. i, col. 315 ; Asan,

t. i, col. 1055. Conder a proposé de le reconnaître dans Khirbet’Aïtoun, au sud de Beit Djibrin. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. iii, p. 261 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 62. Il n’est pas sûr que la tribu de Siméon remontât jusque-là. A. Legen’dre.

3. ÉTAM (ROCHER D’) (hébreu : Séla’'Ëtâm ; Septante : IIÉTpa’Htat* ; Vulgate : Silex Etam), rocher situé près d’Etam, dans lequel se trouvait une caverne où Samson s’était réfugié après avoir battu les Philistins. Jud., xv, 8, 11. Ramathléchi était dans le voisinage, probablement au-dessous, au bas de la montagne, non loin de Bethléhem, dans la tribu de Juda. Jud., xv, 8-17. Voir Étam 1, col. 1994.

ÉTANG. La Vulgate rend par le mot stagnum, « étang, » l’hébreu’âgâm, Ps. ovi (hébreu, ovn), 35 ; cxm (cxiv), 8 ; Is., xxxv, 7 ; xli, 18 ; xlii, 15, et le grec litivi), II Mach., xii, 16 ; Luc, v, 1, 2 ; viii, 22, 23, 33 ; Apoc, xix, 20 ; xx, 9, 14, 15 ; xxi, 8. Dans d’autres passages cependant elle a traduit le même terme par paludes, « marais, » Exod., vii, 19 ; viii, 5 (hébreu, 1) ; Is., xiv, 23 ; Jer., li, 32. On trouve dans les Septante les pluriels Xiirm, Ps. ovi, 35 ; cxiii, 8 ; Ht, , Exod., vii, 19 ; viii, 5 ; Is., xxxv, 7 ; xli, 18 ; xlii, 15, et rrjozrni.xza., Jer., li, 32. L’expression hébraïque indique donc d’une façon générale des eaux « stagnantes », où croissent les roseaux, par opposition aux eaux courantes du « torrent », nahal, ou de la « rivière », nâhâr. Elle désigne des bassins naturels, distincts par là même des réservoirs artificiels creusés dans le sol et entourés de murs, comme la « piscine », berêkâh, le birket arabe. L’Écriture du reste, parlant des eaux de l’Egypte, Exod., vii, 19 ; viii, 5, a bien soin de distinguer les’âgammim, « étangs, » des naharôt ou bras du Nil, des ye’ôrim, canaux, et des amas d’eaux laissées par le fleuve, kol rniqvêh mayim, mares et bourbiers. — Dans le Nouveau Testament, la Vulgate a traduit par stagnum le grec)i|x-/r, , « lac, » appliqué justement par saint Luc, v, 1, 2 ; viii, 22, 23, 33, au lac de Tibériade. Voir Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques, 2e édit., p. 54 ; Id., Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4= édit., t. i, p. 182. Nous lisons aussi stagnum Apoc, xix, 20 ; xx, 9, 14, 15 ; xxi, 8, et de là est venue l’habitude de traduire ces passages de saint Jean par « étangs de feu » ; mais « lacs de feu » serait plus exact. — Pour la signification précise et la distinction des termes hébreux qui concernent les eaux, on peut voir Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, p. 509-516. — Sur les étangs artificiels et entourés de maçonnerie, destinés à conserver .l’eau des sources, voir Piscine. — Sur les étangs ou vasques de Salomon, voir t. i, col. 798, 799.

A. Legendre.

ETE (qayis, de qûs, « couper, » le temps où l’on coupe la moisson ; Septante : 6spo ;  ; Vulgate : œstas), la saison la plus chaude de l’année dans notre hémisphère boréal. Pour nous elle commence en juin, au solstice, et se termine à l’équinoxe de septembre ; chez les Hébreux cette saison n’était point délimitée avec précision, et le mot qayis désigne en général la saison chaude, celle où l’on coupe les moissons déjà mûries. En Palestine, la température de l’été varie suivant l’altitude. À Jérusalem et dans les régions montagneuses du pays, la moyenne de la température se maintient, du commencement de mai à la fin d’octobre, entre 22° et 26°, avec maximum en juillet. Dans les pays de plaine, la chaleur est beaucoup plus forte et les moissons se font un mois plus tôt qu’à Jérusalem. La vallée du Jourdain a des températures encore plus élevées, à cause de la dépression et de l’encaissement du sol. La moyenne de l’été est de 28° pendant le jour dans la plaine de Génézarelh ; elle va en

croissant à mesure qu’on descend la vallée, et atteint jusqu’à 43° à l’ombre sur les bords de la mer Morte. La pluie ne tombe pour ainsi dire jamais durant cette période de mai à octobre. En réalité, l’été occupe en Palestine les six ou sept mois les plus chauds de l’année ; le reste appartient à la saison plus tempérée, à laquelle l’été succède ou laisse la place presque sans transition. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 27-30 ; Ghauvet et Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 96. — La Sainte Écriture parle plusieurs "^is de l’été. C’est Dieu qui a fait l’été et l’hiver, Ps. lxxiii (lxxiv), 17, les deux saisons qui se partagent l’année en Palestine. L’été est l’époque de la moisson. Jer., viii, 20. Le sage en profite pour amasser son bien, Prov., x, 5, à l’exemple de la fourmi. Prov., vi, 8 ; xxx, 25. Le paresseux, qui ne laboure pas durant l’hiver, ne récolte rien pendant l’été (hébreu : qàsîr, à la moisson). Prov., xx, 4. Durant cette chaude saison, l’encens exhale son parfum. Eccli., l, 8. La neige et la pluie seraient choses tout à’fait extraordinaires à cette époque. Prov., xxvi, 1. Aussi des eaux vives qui coulent l’été aussi bien que l’hiver sont-elles le symbole d’une grande bénédiction. Zach., xiv, 8. Les riches avaient une maison d’hiver et une maison d’été. Am., iii, 5. Saint Jérôme, Comm. in Amos, ii, 3, t. xxv, col. 1022, explique que l’une était

    1. ÉTENDARD##

ÉTENDARD, bannière militaire sous laquelle les soldats s’assemblent pour s’exercer et combattre. I. Étendards juifs. — La langue hébraïque a trois

613. — Étendards égyptiens. El-Amarna. xvin » dynastie. Lepsius, Denkmaler, Abtû. iii, Bl. 92.

mots différents pour désigner les étendards ou enseignes militaires : dégel, ’ôt, nés. Si la signification précise de ces trois termes ne ressort pas clairement de leur étymo 614. — Étendards assyriens. D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 22.

tournée au midi et l’autre au nord, pour obtenir la chaleur ou la fraîcheur selon la saison. — Eglon, roi de Moab, se reposait dans sa « chambre de fraîcheur », ’âliyat hammeqêrâh, « chambre d’été, » d’après les versions, quand Aod vint le mettre à mort. Jud., iii, 20. Notre-Seigneur dit que l’été est proche quand les rameaux du liguier s’attendrissent, que les feuilles apparaissent, Matth., xxiv, 32 ; Marc, an, 28, et que le fruit commence à se montrer. Luc, xxi, 30. Les fruits du figuier commencent, en effet, à pousser avant les feuilles, au plus tôt vers la fin de février en Palestine ; les feuilles poussent un mois après. Tristram, The natural history, p. 351. — Dans un passage où les versions parlent de l’été, le texte hébreu nomme le temps des semailles, zéra’, qui est plutôt l’hiver. Gen., viii, 22. Par contre, là où le psalmiste dit que sa vigueur dépérit aux chaleurs de l’été, les versions lisent qôs, « épine, » au lieu de qaîs, Ps. xxxi (xxxii), 4. Voir Saisons. ii, Lesètre.

logie, elle est clairement indiquée par leur emploi dans la^Bible.

1° Le dégel était une grande bannière qui groupait pour les marches et les campements dans le désert trois tribus, dont l’assemblage formait comme un corps d’armée. Xum., i, 52 ; ii, 2, 3, 18, 25 ; x, 14 et 25. Les anciennes versions l’ont toutes entendu du corps d’armée, de la division militaire, marchant sous son drapeau (Septante, Symmaque et Théodotion : Tcty|j. : x, fifsiiovi’a ; Vulgate : turma). Cette signification résulte d’ailleurs de la racine, qui, Cant., vi, 4 et 9, désigne une armée rangée sous son étendard (Yulgate : acies ordinata), et plusieurs commentateurs donnent au verbe dàgal, Ps. xx, 6, le sens de « lever l’étendard en signe de triomphe ». Cf. Is., lix, 19. Comme la première mention de ces étendards suit de très près l’exode, on peut penser que les Hébreux les avaient empruntés aux Égyptiens, et que leurs étendards ressemblaient à ceux de l’armée égyptienne, Voir

Fillion, Allas archéologique de la Bible, 1886, pi. lxxxvi, fig. 12 et 13. D’après les rabbins, les quatre étendards du peuple juif se distinguaient par la couleur et les emblèmes dont ils étaient ornés. Les tribus de Juda, d’Issachar et de Zabulon avaient un lion pour emblème, sur un drapeau ayant la couleur de la sardoine ; celles de Ruben, Siméon et Gad, avaient un homme ou une tête d’homme sur un étendard de couleur rubis ; Éphraïm, Manassé et Benjamin, avaient le taureau pour emblème, sur un drapeau de couleur hyacinthe ; enBn Dan, Aser et Nephthali, avaient l’aigle sur un fond de saphir. Voir le Targum du

>±quiUferi. D’après Frôliner, La colonne Trajave, pi. 102.

Pseudo-Jonathan, Num., ii, 2. — Le dégel est pris au sens métaphorique, Cant., ii, 4 : l’épouse compare l’amour de son époux à un étendard sous lequel elle marche, à la bannière qu’elle suit. Gesenius, Thésaurus, t. i, p. 320-321.

2° Le’ôt (Septante : drjU.Etov ; Vulgate : signum) était un étendard plus petit que le dégel, le drapeau propre à chaque tribu et peut-être même aux portions de tribus, appelées « maisons des pères ». Num., ii, 2. Le Psalmiste, Ps. lxxiii, 4, décrivant la prise de Jérusalem par les Chaldéens, dit : « Ils ont placé leurs étendards comme étendards, » c’est-à-dire ils ont déployé leurs étendards à la place de ceux des Israélites. On ignore la nature des’ôtôf hébreux ; on peut supposer qu’ils ressemblaient à ceux que les Égyptiens et les Assyriens donnaient aux simples détachements de leurs armées. Voir Fillion, Atlas archéologique de la Bible, 1886, pi. lxxxviii, fig- 2.

3° Quant au nés (Septante : <rr, (is.îov : Vulgate : signum, vexillum), ce n’était pas un drapeau portatif, mais un objet élevé, planté en terre et destiné à être vu de loin pour servir de signal ou de point de ralliement. On le dressait le plus souvent sur une montagne ou une haute colline. Is., xiii, 2 ; xviii, 3 ; xxx, 17. En même temps les trompettes sonnaient le rappel au pied du signal. Ce signal convenu faisait connaître aux soldats du même coup

l’appel aux armes et le lieu du rassemblement. Jer., iv, 21 ; li, 27. Voir t. i, col. 980. Parfois aussi il servait à rallier les fugitifs. Jer., iv, 6 ; Ps. lix, 6. On ne connaît pas exactement la nature de ces signaux. Par analogie avec d’autres objets qui sont désignés par le même nom, on peut penser qu’ils étaient composés simplement d’un pieu ou d’une perche, qui était fichée en terre et à laquelle on attachait comme à une hampe un lambeau d’étoffe voyante, de pourpre, par exemple, ou quelque autre objet qui put être agité par le vent. — Le nés a plusieurs fois dans l’Écriture un sens métaphorique, et il désigne un emblème symbolique. Ainsi, après la victoire remportée sur les Amalécites, Moïse érigea un autel comme mémorial, et il le nomma (d’après l’hébreu) : « Jéhovah est ma bannière. » Exod., xvii, 15. La protection de Jéhovah envers son peuple fidèle est un étendard qui assure la délivrance et sauve les fugitifs, Ps. lix, 6 ; Is., xi, 12. Sa vengeance contre les Juifs coupables lui fera agiter son étendard pour appeler contre eux les armées ennemies. Is., v, 26. Le peu de Juifs qui échapperont aux Assyriens seront, comme le mât d’un vaisseau en détresse, le signal qui avertira les hommes de la justice de Dieu et de la vérité de ses menaces. Is., xxx, 17. Le rejeton de la tige de Jessé, c’est-à-dire le Messie, sera comme un étendard autour duquel se rallieront les peuples païens. Is., xi, 10. Cette image a été encore employée par lsaïe pour annoncer le Messie ou l’Église, son royaume, qui seront comme un étendard déployé, afin

d’appeler et de réunir sous ses plis toutes les nations de la terre. Is., xlix, 22 ; lxii, 10.

ii. étendards étrangers. —

1° lsaïe parle des étendards de l’armée assyrienne. Pour ranimer la confiance en Dieu chez ses contemporains, qui comptaient plutôt sur les forces égyptiennes, le prophète prédit la défaite des ennemis de son peuple, et il assure que les étendards de leur armée, loin de servir à rallier les fugitifs, précipiteront leur déroute et leur fuite. Is., xxxi, 9 (texte hébreu). Jérémie, pour rappeler les Juifs à la pénitence, leur annonce la punition qui les frappera, s’ils ne se convertissent. Il décrit les ravages causés en Judée par les armées chaldéennes, et de Jérusalem assiégée il aperçoit déjà l’étendard des ennemis et il entend le son de leurs trompettes de guerre. Jer., iv, 21. Voir Fillion, Atlas archéologique de la Bible, 1883, pi. lxvii, fig. 5. — 2° Bien que les étendards et les enseignes militaires des Romains ne soient pas nommés dans l’Écriture, les Juifs les ont vus à Jérusalem même, après la prise de cette ville par Sabinus, procurateur du légat de Syrie, et les soldats romains tenaient garnison dans la tour Antonia. Chaque légion avait pour enseigne principale une aigle d’argent ou de bronze aux ailes déployées, placée au sommet de la hampe (voir t. i, fig. 8, col. 75). Le soldat qui portait cette enseigne se nommait aquilifer. Rich, Dictionnaire des antiquités romaines, Paris, 1873, p. 43 et 44. Les étendards particuliers à chaque portion de la légion étaient désignés sous le nom commun de signa militaria, et les officiers qui les portaient étaient des signiferi. Rich, op. cit., p. 583 et 584. L’infanterie des légions était divisée en trente manipuli ou compagnies, dont chacune avait son enseigne propre, qui avait été à l’origine une poignée de foin au bout d’une perche, manipulus, et qui plus tard fut surmontée d’une main humaine. Voir t. r, col. 904. La cavalerie se divisait en dix turmse, et chaque lurma

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616. — Manipulus.

D’après Frohner,

La colonne Trajane,

pi. 47.

2001

ETENDARD — ETHAM

2002

avait son vexillum. Voir t. i, col. 995. Le vexillum fut toujours l’enseigne unique et particulière de la cavalerie romaine. C’était une pièce d’étoffe carrée, attachée par le haut à une traverse horizontale. Le cavalier qui le portait s’appelait vexillarius. Chaque cohorte avait son signutn ou son vexillum particulier, selon que les soldats qui la formaient marchaient à pied ou à cheval. Les troupes auxiliaires eurent aussi leur vexillum, et les

€17. — T exillarius. D après Frohner, La colonne Trajane, pi. 34.

vétérans leur drapeau séparé. Tite-Live, viii, 8 ; Tacite, Hist., i, 41 ; ii, 83, 100 ; cf. Ann., i, 36. Quelques enseignes portaient entre autres dessins l’image de l’empereur, entourée d’une guirlande de lauriers. Végèce, Mil., i, 7. Pilate profita de la nuit pour les faire entrer à Jérusalem. Comme la loi mosaïque interdisait absolument toute figure humaine, les Juifs réclamèrent avec tant d’insistance, que Pilate fit rapporter ces enseignes à Césarée. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 1 ; Bell, jud., II, IX, 2. Sur le caractère idolâtrique des enseignes romaines, propria legionum Numina, comme s’exprime Tacite, Ann., ii, 17, voir Abomination, t. i, col. 74, et fig. 8, col. 75. E. Mangenot.

    1. ÉTERNITÉ##

ÉTERNITÉ, attribut en raison duquel Dieu n’a ni commencement ni fin. Le nom d’Éternel a été constamment donné à Dieu par les Juifs et les chrétiens. Gen., xxi, 33 ; Bar., iv, 7 ; Dan., vi. 26, xiii, 42 ; Eccli., xviii, 1 ; II Mach., i, 25 ; Rom., vi, 26. La Sainte Écriture exprime aussi l’éternité de Dieu par des figures et des comparaisons. Le nombre de ses années ne saurait être compté. Job, xxxvi, 26. Il reste à jamais, pendant que les impies passent. Ps. ix, 8. Il habite l’éternité. Is., lvii, 15. Il est l’Ancien des jours. Dan., vii, 9. Il est celui qui était, qui est et qui sera. Apoc, i, 4. Cette éternité sans commen cement est aussi attribuée au Christ, considéré comme Dieu. Mich., v, 2 ; Joa., viii, 58 ; Hebr., i, 8. La raison de l’éternité de Dieu, c’est, disent les théologiens, qu’il possède l’être par lui-même ; d’où il est nécessaire qu’il soit toujours. C’est une des vérités marquées par le nom de Jéhovah : « Je suis celui qui suis. » Exod., iii, 14.

L’éternité dont nous venons de parler n’appartient qu’à Dieu. Seul, il n’a ni commencement ni fin. Le ciel et la terre, c’est-à-dire toutes les créatures, ont, au contraire, été faites au commencement. Gen., i, 1. Elles n’ont donc point toujours existé. Pour Dieu, il est le principe et la tin, le premier et le dernier. Apoc, i, 8 ; xxi, 6 ; xxii, 13 ; Voir t. i, col. 1. Cependant il a donné à ses créatures intelligentes, non pas sans doute d’être sans commencement, mais de vivre sans fin. Leur immortalité est exprimée assez souvent dans l’Écriture, par le terme d’  « éternité ». Dan., xii, 2 ; Eccli., xviii, 22, xxiv, 31 ; II Mach., vu, 9 ; Matth., xviii, 8 ; xix, 16 ; Jude, 6, 7, etc. — La même expression est aussi appliquée au règne sans fin qui est promis au Christ. Dan., ii, 44 ; ix, 24 ; Luc, I, 32.

A. Vacant.

    1. ÉTERNUEMENT##

ÉTERNUEMENT (hébreu : ’âtisâh ; Septante : îrrapliô ;

; Vulgate : stemutatio), mouvement subit et convulsif

du diaphragme, qui oblige les poumons à expulser l’air brusquement et bruyamment par le nez et la bouche. Le mot hébreu reproduit par onomatopée le bruit de l’éternuement. — Job, xii, 9, dit que l’éternuement du crocodile fait jaillir la flamme. Quand l’homme éternue, l’air expulsé entraîne avec lui et projette violemment au dehors les parties liquides qu’il rencontre sur son passage. De même le crocodile, quand il lève sa tête hors de l’eau, rejette brusquement, comme s’il éternuait, le liquide contenu dans sa gueule et ses fosses nasales. Ce liquide, vivement projeté au dehors, ressemble à de la vapeur, et même, sous les rayons du soleil, prend les teintes de l’arc-en-ciel pour le spectateur convenablement

placé, et ressemble à la flamme.
H. Lesêtre.

ÉTHAÏ. Nom de trois personnages dans la Vulgate.

1. ÉTHAÏ (hébreu : ’It/ay ; Septante : Se66£ :  ; Codex Alexandrinus : ’EWd, dans II Reg., xv, 19, 22, et’EOBet, dans II Reg., xviii, 2, 5, 12), Philistin, né à Geth, d’où son nom de Gélhéen. Il s’était attaché à David et était devenu un de ses plus fidèles serviteurs. II Reg., xv, 19-22. Durant la guerre contre Absalom, le roi lui confia le tiers de son armée. II Reg., xviii, 2, 5, 12.

2. ÉTHAÏ, Benjamite, fils de Ribaï, I Par., XI, 31, appelé plus justement Ithaï, II Reg., xxiii, 29. VoirlTHAÏ.

3. ÉTHAÏ (hébreu : ’Attay ; Septante : ’UWtî ; Codex Alexandrinus : ’Ie681)> un des fils de Roboam, roi de Juda, qu’il eut de Maacha, la petite-fille d’Absalom. II Par., xi, 20. Ce nom propre se retrouve dans les inscriptions palmyréniennes sous la forme >ny, et, en composition, |n : r17, rpynv.

1. ÉTHAM (hébreu : ’Êtâm ; Septante : ’OOwpt, Exod., xiii, 20 ; Bouôiv, Num., xxxiii, 6), deuxième station des Israélites partant de Ramsès pour aller vers la mer Rouge. Exod., xiii, 20 ; Num., xxxiii, 6. La première fut Soccoth, probablement non loin du lieu de départ. La seconde se trouvait « à l’extrémité du désert » qui portait le même nom, midbâr-’Êtam, « désert d’Étham, » Num., xxxiii, 8, et que les Hébreux, après le passage miraculeux de la mer, parcoururent pendant trois jours avant d’arriver à Jlara. La situation de ce point n’est pas facile à déterminer. On peut affirmer cependant qu’il était sur la route directe d’Egypte en Palestine, c’est-à-dire celle qui, longeant la Méditerranée, conduisait à Gaza, dans le pays des Philistins. C’est, en effet, celle que suivirent au début les fugitifs,

jusqu’au moment où, à Étham précisément, Dieu les fit changer de direction, par un brusque mouvement vers le sud. Exod., xiv, 2. Voilà pourquoi, croyons-nous, quelques auteurs ont tort de placer cette étape au sud des lacs Amers. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 55 ; Keil, Genesis und Exodus, Leipzig, 1878, p. 448. Les Hébreux, en quittant Ramsès, suivirent naturellement les bords du canal d’eau douce qui, longeant l’ouadi Toumilat, se dirige dans sa première partie d’ouest en est, vers le lacTimsah. Comme le point de départ était en somme peu éloigné de la frontière du désert où ils devaient aller, ils arrivèrent facilement, après une première étape qui fut courte, « à Étham, qui est à l’extrémité [occidentale] du désert, » situé entre l’Egypte et la Palestine. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, ’1896, t. ii, p. 404-405. Étham devait donc se trouver dans le voisinage, peut-être dans la ligne même des fortifications élevées de ce côté par les pharaons contre les Arabes nomades. Les découvertes égyptologiques ont, en effet, confirmé l’existence d’une grande muraille qui allait de la mer Rouge à la Méditerranée et défendait le pays contre les invasions de certaines bandes asiatiques. Un papyrus de Berlin en suppose.’érection du temps de l’Ancien Empire. Ces fortifications s’appelaient en égyptien

^ m r-~2, -/_etem, ietam, et en copte tJCJH-OTOWi tôm, tom, mots qu’on cherche à rapprocher de l’hébreu Diw, ’Êtâm, et du grec’06w[jl. Cf. G. Ebers, Durch

Gosen zum Sinai, 2e édit., Leipzig, 1881, p. 521-522 (dans la carte intercalée entre les pages 72 et 73, l’auteur place Étham à l’est et presque à la hauteur du ki : Ballâh). Cette opinion est acceptée par bon nombre d’auteurs actuellement. On peut se demander cependant pourquoi les Hébreux, qui avaient dans leur langue le correspondant exact, comme orthographe et comme signification, de l’égyptien -/etam, c’est-à-dire ann, hâtâm, « enfermer, » ont modifié ce mot, comme s’il leur avait été étranger. — M. E. Naville, The store-city of Pithom, Londres, 1885, p. 23-24, voit dans Étham une région plutôt qu’une ville ou une forteresse. Ce serait, d’après lui, « le pays à’Atima, Atma ou Atuma, » dont parlent les papyrus, habité par les Schasou nomades, et dans lequel MM. de Rougé, Chabas et Brugsch auraient à tort reconnu « le pays d’Édom ». Il trouve ainsi plus naturel le nom donné au « désert d’Élham ».

A. Legendre.

2. ÉTHAM (DÉSERT D’) (hébreu : midbâr-’Êtâm ; les Septante n’ont mis que r, ëpr^oç, « le désert » ), région que les Hébreux, après le miraculeux passage de la mer Rouge, parcoururent pendant trois jours avant d’arriver à Mara. Num., xxxiii, 8. Pour la signification du mot midbâr, voir Désert, col. 1387. C’est une partie du désert de Sur. Exod., xv, 22. Elle se trouvait ainsi à la pointe nord-ouest de la péninsule Sinaïtique, tout près de l’Egypte, et elle tirait son nom d’Étham, pour ceux qui regardent cet endroit comme une ville ou une forteresse. Voir Étham 1. Cependant, comme elle s’étendait fort loin’au sud, M. E. Naville, The store-city of Pithom, Londres, 1885, p. 21, se demande si cette ville pouvait lui valoir sa dénomination, si en outre une cité égyptienne pouvait donner son nom à un désert habité par une population sémitique, et dont la plus grande partie était sur la côte opposée de la mer. Voilà pourquoi il assimile Étham à « la région d’Atuma » dont parlent les papyrus. Quoi qu’il en soit, il est probable que ce territoire commençait vers les lacs Ballah et Tinisah, pour descendre vers la pointe du golfe de Suez et se confondre avec le désert de Sur, comme il résulte de la comparaison entre Exod.,

xv, 22, et Num., xxxiii, 8. Voir Slr.
A. Legendre.

1. ÉTHAN (Septante : TsciOiv, III Reg., IV, 27 ; k’Siu. ; Codex Alexandrinus : Aî&iv, I Par., ii, 6), un des quatre fils de Mahol, que Salomon surpassait en sagesse. III Reg., iv, 31 (hébreu, v, 11). Sur cette dénomination des fils de Mahol, voir Chalcol, t. ii, col. 505. On identifie généralement’Êtân, Hôinân, Kalkol et Darda’de III Reg., iv, 31 (hébreu, v, 11), avec les personnages de même nom, ’Êtân, Hêmân, Kalkôl et Dura’, ou mieux Darda’, de I Par., Il, 6. Il faut pour cela entendre « fils de Zara » de ce dernier passage dans le sens de « descendants de Zara ». Dans III Reg., iv, 31 (hébreu, v, 11), Ethan est appelé l’Ezrahite, hû’êzrâl.û, que le Codex Alexandrinus traduit par’EZptxrhrn, « Israélite, » comme s’il y avait ha ézrâh, « l’indigène. » Mais le Vaticanus a Zapef^r ;  ; , c’est-à-dire descendant de Zara : ce qui est probablement le sens du nom patronymique, ’ézrâhi. Éthan de III Reg., iv, 31 (hébreu, v, 11), est ainsi appelé descendant de Zara, comme dans I Par., ii, 6. Il reste cependant une certaine difficulté d’expliquer l’aleph prosthétique devant le nom de Zérah, qui ne paraît pas usité en pareil cas. Le Psaume lxxxix est attribué à Ethan l’Ezrahite, Ps. lxxxix (Vulgate, lxxxviii), 1, comme le Psaume précédent à Héman l’Ezrahite : ce qui peut bien s’entendre d’Éthan fils d’Ezra. Mais il faut renoncer à vouloir identifier cet Éthan l’Ezrahite avec Éthan le fils de Cusi ou Casaia de I Par., vi, 44 (hébreu, 25), et I Par., xv, 17. Ce dernier est lévite, fils de Mérari ; le premier est descendant de Juda. Voir Éthan 3 et Ezrahite.

2. ÉTHAN, lévite, descendant de Gerson et ancêtre d’Asaph le chanteur. I Par., vi, 42 (hébreu, 27). Dans la généalogie des Gersonites, y. 21, le nom d’Éthan paraît remplacé par celui de Joah.

3. ÉTHAN, lévite, descendant de Mérari, chef de cette famille à l’époque de David. I Par., VI, 44 (hébreu, 25). Il est dit en cet endroit fils de Cusi (Qisi) ; le nom de son père, dans I Par., xv, 17, est donné sous la forme Qusayhu (Vulgate : Casaia). Le Idithun (Yedûtûn) associé à Asaph et à Héman dans I Par., xxv, 1, et II Par., xxxv, 15, paraît bien être le même personnage qu’Éthan. Voir Idithun. Dans le transport de l’arche à Jérusalem, David répartit les lévites en différents chœurs ; Éthan, avec Héman et Asaph, jouait des cymbales d’airain. I Par., xv, 19. E. Levesque.

4. ÉTHAN (hébreu : ’Êtân ; Septante : ’HCiiu.), nom propre qu’on trouve dans la Vulgate au Ps. lxxih ( hébreu, lxxiv), 15. Les versions grecque et latine ont pris ici un nom commun pour un nom propre ; car, en réalité, ’êtân est un substantif qui signifie « perpétuité », en sorte que l’expression nahârôt’êtân veut dire « des fleuves perpétuels » ou intarissables. Le même mot est employé ailleurs pour caractériser la force d’un torrent, par opposition aux courants temporaires, facilement desséchés. Tel est le sens de nahal’êtdn (Septante : -/^j.i.pio’jç iiônzos ; Vulgate : torrens fortis) dans Amos, v, 24. C’est ainsi que l’ont entendu Aquila et le traducteur syriaque en le rendant par des termes synonymes de « fort ». L’idée, du reste, est parfaitement conforme au contexte. Après avoir supplié Dieu de penser à son peuple ; après avoir rappelé que l’ennemi a accumulé les ruines, tout profané et incendié, le psalmiste se demande si le Seigneur ne va pas se venger ; il est tout-puissant, et il l’a prouvé jadis. Parmi les merveilles divines, l’auteur sacré mentionne principalement le passage de la mer Rouge, y. 13 ; puis, au y. 15, les rochers fendus au désert pour en faire sortir une eau abondante, et, par contraste, les lleuves rapides desséchés pour livrer passage aux Hébreux :

C’est toi qui as fait jaillir la source et le torrent, Toi qui as mis à sec les flcirccs intarissables.

ÉTHAN. Hébreu : ’Êtân. Nom de plusieurspersonnages. Le pluriel est une généralisation poétique. Le Jourdain

est suffisamment désigno. Le chatdéen a ainsi paraphrasé le dernier vers : « Tu as desséché le gué des rivières de l’Arnon, et le gué du Jabbok et du Jourdain, qui sont puissants. » A. Legexdre.

    1. ÉTHANIM##

ÉTHANIM (hébreu : ’ùtânim ; Septante : à6aviv, à9avsia ; Vulgate : elhanim), septième mois de l’année religieuse des Juifs, de trente jours, comprenant la fin de septembre et le commencement d’octobre. Ce nom, qui signifie « ruisseaux qui coulent, courants », convient à la saison des pluies. Il a été retrouvé dans une inscription phénicienne de l’île de Chypre, écrite en encre noire et rouge. C’est pourquoi M. Derembourg pense qu’il est plutôt phénicien qu’hébreu, et qu’il a été introduit en Israël par les ouvriers tyriens qui travaillèrent à la construction du Temple de Jérusalem. Il n’est, en effet, mentionné qu’une fois dans la Bible, précisément au sujet de la dédicace de ce Temple, III Reg., viii, 2, et il y est précédé de ijérah, nom phénicien du mois. Cf. Corpus inscript, semit. Phœnic., 1881, t. i, p. 94 ; Sayce, La lumière nouvelle, trad. Trochon, Paris, 1888, p. 95 et 98. Le mois d’ethanim fut appelé plus tard ti’sri, quand les Juifs commencèrent leur année civile au septième mois de l’année religieuse. C’est dans ce septième mois qu’avaient lieu les fêtes des Trompettes, de l’Expiation et des Tabernacles, Lev., xxiii, 24-43, et qu’on annonçait l’année jubilaire, Lev., xxv, 9 ; qu’on acheva de recueillir, par ordre d’Ézéchias, les revenus des prêtres, II Par., xxxi, 7 ; que Godolias fut tué, IV Reg., xxv, 25 ; Jer., xii, 1, et que mourut le prophète Hananie, Jer., xxviii, 1 ; qu’Aggée, h, 2, prédit la restauration du Temple de Jérusalem, et qu’Esdras rétablit le culte de Jéhovah, I Esdr., iii, 1 ; II Esdr., viii, 1-14 ; enfin que Jonathas fut investi du souverain pontificat. I Mach., x, 21. Cf. F. de Hummelauer, Commentarius in Exodum et Leviticum, Paris, 1897. p. 516-517. E. Mangenot.

    1. ETHBAAL##

ETHBAAL (hébreu : ’Étba’al ; Septante : ’UQnëâttl ; Codex Alexandrinus : ’IaëiaX), roi de Sidon, père de Jézabel, femme d’Achab, roi d’Israël. III Reg., xvi, 31. Ethbaal signifie libéralement « avec Baal », c’est-à-dire celui qui jouit de la faveur de Baal. Josèphe le nomme’I8û6a), o ; , Ant. jud., VIII, XIII, 1, et Ec6w6a).o ; , Cont. Apion., i, 18, « Baal [est] avec lui. » Le prisme de Sennachérib, dit de Taylor, col. ii, ligne 48, mentionne un roi.de Sidon appelé Tu-ba-’-lu, c’est-à-dire Ithobaal ou Ethbaal. Keilinschriftliche Bibliothek, t. ii, p. 90. Josèphe parle aussi d’un autre roi phénicien du même nom, contemporain de Nabuchodonosor, Ant. jud., X, xi, 1 ; Cont. Apion., i, 21. Cf. Eusèbe, Chron. arm., I, xi, 6, t. xix, col. 131. — On s’accorde généralement à admettre que le père de Jézabel était un prêtre d’Astarthé dont il est question dans un précieux passage de Ménandre d’Éphèse, conservé par Josèphe, Cont. Apion., i, 18. « Ithobal, prêtre d’Astarté, dit-il, tua [l’usurpateur Phélés et lui succéda sur le trône de Tyr]. Il vécut 68 ans et en régna 42. » Tyr et Sidon étaient soumis à cette époque au même souverain. Ant. jud., VI11, xiii, 1. D’après la liste de succession royale donnée par Ménandre, Ethbaal a occupé le trône de Phénicie cinquante ans après la mort d’Hirain, contemporain de Salomon, et par conséquent les premières années du règne d’Achab ont coïncidé avec les dernières de celui du meurtrier de Phélés. Ce ? ! sans doute en sa qualité de prêtre d’Astarthé qu’Ethbau ! avait inspiré à sa fille Jézabel le zèle ardent qui la distingua en faveur de l’idolâtrie phénicienne.

F. Vigouroux.

    1. ÉTHÉCA##

ÉTHÉCA, mot hébreu (’attiq), employé par Ezéchiel dans la description du Temple et conservé sous cette forme par saint Jérôme, dans la Vulgate, Ezech., xli, 15, 16. Le même mot a été employé par le prophète, Ezech., xiii, 3, 5, mais dans ces deux derniers endroits le traducteur l’a rendu par porticus, « por tique, » c’est-à-dire galerie couverte et soutenue par des colonnes. Ce sens est adopté par bon nombre de commentateurs ; toutefois il n’est pas certain. Saint Jérôme lui-même en a adopté un autre dans son commentaire de ce passage, In Ezech., xii, 15, t. xxv, col. 403, où il lit ecthete (kv.bé-aç), et explique ce terme par salaria, toit en forme de terrasse des maisons orientales. « En Palestine, écrit-il à Sunnia et Frétella, Epist. cri, 63, t. xxii, col. 859, on n’a pas des toits inclinés, mais des Z’Jiaazoï, qu’on appelle à Rome solaria, c’est-à-dire des toits plats, soutenus par des poutres transversales. » Cette seconde signification est moins probable que celle de « portique », parce que le toit du Temple de Jérusalem n’était pas plat, tandis qu’autour des parvis il y avait des portiques. Joa., x, 23 ; Act., iii, 11 ; v, 12.

    1. ÉTHÉEL##

ÉTHÉEL (hébreu : ’Itî’êl ; Septante : A’QiiqX ; Codex Sinaiticus : 2s61r, X), Benjamite, fils d’Isaia, dans la liste des ancêtres de Sellum. II Esdr., xi, 7.

    1. ÉTHÉI##

ÉTHÉI (hébreu : ’Alfây ; Septante : ’E09 :  !  ; Codex Alexandrinus : *IeG8£), fils de Jéraa, esclave égyptien, et de la fille de Sésan ; il eut pour fils Nathan. I Par., Il, 35, 36.

    1. ÉTHER##

ÉTHER (hébreu : ’Étér ; Septante : Codex Vaticanus, "I6ax, Jos., xv, 42 ; ’UMp, Jos., xix, 7 ; Codex Alexandrinus, ’A6sp, Jos., xv, 42 ; Ik8ép, Jos., xix, 7 ; Vulgate : Ether, Jos., xv, 42 ; Athar, Jos., xix, 7), ville primitivement attribuée à Juda, Jos., xv, 42 ; donnée ensuite à Siméon. Jos., xix, 7. Elle fait partie du troisième groupe de la « plaine » ou Séphélah, et elle est mentionnée entre Labana et Asan. Jos., xv, 42. Dans la liste parallèle de I Par., iv, 32, on trouve à sa place Thochen (hébreu : J’ôkén ; Septante : ©ov.xà). Quel texte faut-il préférer ? Y a-t-il faute de copiste ou deux noms pour une même localité ? Nous ne savons. On a cru à tort que, dans ce dernier passage, Éther était remplacé par Étam. Voir Étam. Cf. Keil, Chronik, Leipzig, 1870, p. 70-71. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 119, 255, disent qu’Éther de Siméon était encore, de leur temps, « un très gros bourg, nommé Iethira, ’kfteipà, dans l’intérieur du Daroma, près de Malatha. » Mais ils confondent avec Jéther, aujourd’hui Khirbet’Attir, au sud-ouest d’Es-Semu’a, Esthamo. Cf. Onomastica, p. 133, 2C6. — Les explorateurs anglais ont proposé d’identifier l’antique cité dont nous parlons avec Khirbet el’Atr, village ruiné, dont il ne reste plus que quelques arasements, et situé à peu de distance au nordouest de Beit-Djibrîn, l’ancienne Éleuthéropolis. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 18811883, t. iii, p. 261, 279 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Naines and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 63. Il est certain qu’à prendre le groupe dont fait partie Éther dans Jos., xv, 42, il y a correspondance exacte tant au point de vue philologique qu’au point de vue topographique. D’un côté, en effet, l’arabe -XaH, El-’Air, ou, sans l’article, ’Atr, reproduit parfaitement l’hébreu inv, ’Étér, avec aïn initial.

De l’autre, les villes de ce groupe semblent rayonner autour de Beit-Djibrin ; citons seulement : Nésib (Beit-Xousib), Céila (Khirbet Qïla) et Slarésa (Khirbet Mer’asch). Voir Juda, tribu et carte. Si maintenant l’on examine les localités qui accompagnent Athar dans la liste concernant Siméon, Jos., xix, 7, on est contraint de la chercher plus bas, dans un cercle déterminé principalement par Remmon (Oumm er-Roumâmîm), à trois heures au nord de Bersatée. Il est probable d’ailleurs que la tribu de Siméon ne remontait pas si haut que Beit Djibrîn. — Dans ces conditions, ne pourrait-on pas distinguer Éther de Juda, identique à El-’Atr, d’Éther de Siméon, dont le vrai nom serait Thochen ou peut-être

Athach ? On trouve, en effet, parmi les villes auxquelles David envoya des présents après sa victoire sur les Amalécites, une localité mentionnée seulement I Reg., xxx, 30, et appelée Athach (hébreu : ’Atâk). Comme elle est précédée d’Asan, qui est généralement accompagnée d’Éther, Jos., xv, 42 ; xix, 7, on suppose qu’il y a eu changement dans la dernière lettre, et qu’au lieu de’Atâk, il faut lire’Étér ou’Atâr. Mais on peut aussi justement supposer que’Atâk est la vraie leçon. Les versions anciennes, I Reg., xxx, 30, sont, en effet, en faveur du caph final : Codex Alexandrinus, ’A6ây ; paraphrase chaldaïque, ’Afak ; version syriaque, Ta’nak. Le texte des Paralipomènes, avec Tôken, se rapproche davantage de cette forme. Les versions syriaque et arabe mettent même ici’Atken et Adkûn. C’est au moins une conjecture qu’il est permis de signaler.

A. Legendre.

ÉTHI (hébreu : ’Attây ; Septante : ’Efjoî ; Codex Alexandrinus : ’E68et), le sixième des vaillants guerriers gadites, qui se joignirent à David pendant son séjour au delà du Jourdain. I Par., xii, 11.

    1. ETHIOPIE##

ETHIOPIE (hébreu : Kûs ; Septante : À : 9to7tîa ; Vulgate : jEthiopia). Sur le nom hébreu de Kûs, voir Chus, col. 743-745.

I. Géographie. — La Bible hébraïque, les Septante et’la Vulgate emploient, la première le mot géographique Kûs, les deux autres le mot Ethiopie, tantôt dans un sens large, tantôt dans un sens strict. — 1° Dans le sens le plus large, KùsEthiopie désigne la partie de l’Asie où habitèrent d’abord les descendants de Chus le Chamite. Gen., ii, 13. Le chapitre x de la Genèse énumère, y. 7-10, les diverses contrées de l’Asie où s’établirent les Couschites. Les Éthiopiens dont il est question II Par., xxi, 16, et qui étaient voisins des Arabes, sont des Couschites asiatiques, d’après les uns, et, d’après les autres, les Couschites africains qui habitaient à l’ouest du golfe Persique, vis-à-vis de l’Arabie. — Dans tous les autres passages de l’Écriture qui nous parlent de Kùs-Éthiopie, les auteurs sacrés entendent toujours une région de l’Afrique, située au sud de l’Egypte ; mais, même alors, ils donnent à cette expression géographique une acception plus ou moins étendue. — 2° Tantôt ils comprennent dans ce mot, comme le font les monuments égyptiens sous le nom de Kes ou Kas (II. Brugsch, Geographische Inschriften altâgyptisclier Denkmàler, t. ii, 1858, p. 4), les pays que nous appelons aujourd’hui la Nubie, le Sennaar, le Kordofan et l’Abyssinie septentrionale ; mais ils en déterminent avec précision la frontière du nord, qu’ils placent à Syène (Assouan). Ezech., xxix, 10. — L’Ethiopie a été mal connue dans l’antiquité, même des Grecs et des Romains. Cf. Pline, H. N., v, 8, 43 ; Vivien de SaintMartin, Le nord de l’Afrique dans l’antiquité grecque et romaine, in-4°, Paris, 18(53, p. 171. Au delà de l’Ethiopie, dont on ignorait les limites, on supposait qu’il n’y avait plus que des monstres. Vivien de Saint-Martin, ïbid., p. 188-191. — 3° Tantôt et le plus souvent le nom de Kùs-Éthiopie s’applique particulièrement au royaume de Méroé, c’est-à-dire à la région comprise entre l’Astaboras (VAlbara actuel) à l’est, l’Astapus ou Nil Bleu (Balir el-Asrek) au sud-ouest et le Nil à l’ouest, depuis la jonction du Nil Blanc et du Nil Bleu jusqu’à son confluent avec VAlbara. Comme cette région était ainsi entourée de rivières, les anciens l’appelaient une île. Pline, H. N., vi, 35, etc. — Les prophètes font allusion aux cours d’eau qui arrosaient l’Ethiopie, Is., xviii, 1 ; Soph., iii, 10, et la Vulgate, Ps. lxxiii, 14, aux crocodiles qu’on y rencontre ; mais l’hébreu ne nomme pas l’Ethiopie dans ce dernier passage. — La ville de Beroua, appelée par les Grecs Méroé, qui donna son nom au pays, s’élevait sur la rive droite du Nil, non loin de la frontière septentrionale du royaume. On admet assez communément aujourd’hui que c’est le

royaume de Méroé qui est désigné dans les prophètes sous le nom de Sebâ’, Saba, Is., xliii, 3 ; xlv, 14 (Sebâ’im) ; Ps. lxxi (lxxii), 10. Cf. Josèphe, Ant. jud., II, x, 2 ; Strabon, XVI, iv, 8, 10, C’est en confondant le Sebâ’d’Arabie avec le Sebâ’d’Ethiopie, quoique l’orthographe soit différente en hébreu, qu’on a fait de la reine de Saba (Sebâ’), qui visita Salomon, I (III) Reg., x, 1, une reine d’Ethiopie. Cette confusion se trouve déjà dans Josèphe, Ant. jud., VIII, vi, 5. — La reine d’Ethiopie, Candace, dont on lit le nom dans les Actes, vin, 27, était une reine de Méroé. Voir Candace, col. 129-131. — L’ancien royaume de Méroé était célèbre par sa fertilité. Héliodore, /Elhiop., x, 5. Il abondait en pierres précieuses, Job, xxviii, 19 ; en mines d’or, de cuivre, de fer et de sel. Diodore de Sicile, i, 33 ; Strabon, XVII, ii, 2. Il produisait une grande quantité de dattes. On en exportait l’ivoire et l’ébène. Ezech., xxvii, 15. Sa

018. — Captif éthiopien. xx « dynastie. Médinet-Abou. D’après Lepsius, Denkmàler, Abth. III, Bl. 209.

capitale, renommée pour son oracle de Jupiter Ammon, Hérodote, ix, 29, était surtout importante par son commerce. Elle servait d’entrepôt aux caravanes qui y affluaient de toutes parts, de la Libye, de l’Egypte et des ports de la mer Rouge. H. Brugsch, Geographische Inschriften, t. ii, 1858, p. 4. Voir, sur ses ruines, Frd. Cailliaud, Voyage à Méroé, 4 in-8°, Paris, 1826-1827, t. ii, p. 142-175.

La ville de Méroé avait supplanté l’ancienne ville de Napata, qui avait eu ses jours de gloire, principalement à l’époque de la XXVe dynastie égyptienne, et à partir de la XXIIe. Napata, en égyptien Nap, Napi, Napit, était bâtie au pied d’une colline, là où l’on voit aujourd’hui les ruines de Djebel Barkal, sur les bords du Nil, entre la troisième et la quatrième cataractes. Elle existait déjà du temps des Amenhotep et était le cheflieu d’un des nomes de la province égyptienne d’Ethiopie. Lorsqu’elle fut devenue capitale, ses souverains cherchèrent à en faire comme une autre Thèbes, et elle devait plus tard donner des pharaons à l’Egypte elte - même. Un des généraux d’Auguste, Petronius, la ruina pour toujours en la livrant aux flammes. D’après quelques égyptologues, la ville de Napata est nommée dans Isaïe, xix, 13, sous la forme Kôf (Vulgate : Memphis). H. Brugsch, Die Géographie des allen Aegypt, t. i, p. 290 ; Id., Dictionnaire géographique de l’ancienne Egypte, in-f°, 1879-1830, p. 336.

— Les prophètes, qui nous parlent assez souvent des Ethiopiens (fig.618), les décrivent comme des hommes de haute stature, Is., xlv, 14, viri sublimes, etfort redoutables. Is., xvin, 2 ; Jer., xlvi, 9. Hérodote, iii, 2, 114, dit aussi qu’ils « sont les plus grands et les plus beaux des hommes ». Cf. Scylax, Peripl., 112, dans les Geographi grœci minores,

édit. Didot, t. i, p. 91 ; Pline, H. N., vii, 2, etc. Jérémie, xin, 23, fait allusion à la couleur de leur peau ; les monuments égyptiens les représentent rouge-brun. Gf. Strabon, I, ii, 27 ; XV, i, 24. Les nègres, du reste, ne devaient pas être rares parmi eux. — Habacuc, iii, 7, parle des tentes de Kûsdn. — Jérémie mentionne dans ses prophéties un Éthiopien, Abdémélech, qui prit sa défense auprès du roi Sédécias, dont il était l’eunuque. Jer., xxxviii, 7-13. La conquête de l’Egypte par des rois éthiopiens avait établi à cette époque plus de rapports entre eux et les Juifs ; mais ceux-ci les considéraient toujours comme un peuple lointain, dont Dieu s’occupait à peine. « N’êtes-vous pas pour moi, dit le Seigneur aux Israélites infidèles, comme les fils des Éthiopiens ? » Amos, ix, 7.

II. Histoire. — Les Éthiopiens doivent être, au moins en partie, des Gouschites, qui, d’émigrations en émigra L’histoire primitive de l’Ethiopie est complètement inconnue. D’après les récits des Grecs (Diodore de Sicile, m, 3), c’est aux Éthiopiens que les Égyptiens auraient dû leur civilisation, mais les monuments indigènes établissent le contraire : à mesure qu’on remonte le cours du Nil, les ruines que l’on trouve sur la route sont d’un art inférieur et de date plus récente, d’où il ressort que c’est l’Ethiopie qui a étudié, copié l’Egypte. H. Brugsch, Geschichte Aegypten’s, in-8°, Leipzig, 1877, p. 9-10 ; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., 1886, p. 13. — Les pharaons jetèrent de bonne heure un œil de convoitise sur l’Ethiopie. Le second roi de la VI » dynastie, Papi I er Merira, soumit ce pays à son autorité. G. Maspero, Histoire ancienne, t. i, 1895, p. 416. Ses successeurs ne purent cependant conserver sa conquête ; mais, sous la XIIe dynastie, les Osortésen et les Aménemhat envahirent l’Ethiopie. Osortésen III cons 619. — Éthiopiens apportant le tribut au pharaon. xviiie dynastie. Thèbes. D’après Lepsius, Derikmaler, Abth. iii, Bl. 117.

tions, après s’être établis en Arabie, Gen., x, 7, traversèrent la mer Rouge et s’établirent dans cette partie de l’Afrique, qui en était voisine, II Par., xxi, 16, et à laquelle ils donnèrent leur nom. Ptolémée, IV, 7, 27, mentionne les descendants couschites d’Havila, sous le nom A’Avalitæ ou Abalitse, à l’extrémité méridionale du golfe Persique. On admet généralement que les Sabéens couschites, qui habitaient l’Arabie, s’établirent aussi dans le royaume de Méroé (Nubie septentrionale), de sorte que la ville de Méroé était appelée Saba par les Juifs. Josèphe, Ant. jud., II, x, 2. Cf. J. D. Michælis, Spicilegium geographix Hebrxorum exterx, 2 in-4°, Gœttingue, 1769-1780, t. i, p. 179.— On doit observer d’ailleurs que le nom d’Éthiopien est plutôt une désignation géographique qu’ethnographique. Dans, l’antiquité et aujourd’hui encore, on le donnait à des peuples de race fort différente, qui habitaient au sud de l’Egypte. Les Abyssiniens actuels, qui se donnent comme les Éthiopiens, ne sont nullement les Couschites de la Bible ; ce sont des Sémites qui, partis de l’Arabie méridionale, se sont établis au sud de la Nubie. — Sur les populations antiques de l’Ethiopie, voir G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, 1895, p. 394, 477 ; G. Sergi, Africa, Antropologia délia stirpe camitica, in-8°, Turin, 1897, p. 68-95 ; W. Max Mûller, Who icere the ancient Etliiopians ? dans les Oriental Studies, in-8°, Boston, 1894, p. 72-85.

truisit un fort à Semnéli, pour tenir ce pays sous le joug. G. Maspero, Histoire ancienne, ¥ édit., p. 104-107. Sous la XVIIIe dynastie égyptienne, les pharaons sont tantôt les alliés, tantôt les ennemis des Éthiopiens. Ahmès, le vainqueur des Hyksos, avait épousé une princesse éthiopienne et obtenu le concours de la famille royale dans sa guerre contre les rois pasteurs. Son fils Amenhotep I er, son petit-fils Thotmès I er, Thotmès III, Amenhotep II, Amenhotep III et Ramsès I er remportèrent des avantages divers sur l’Ethiopie (fig. 619). Mais sous Ramsès II (Sésostris), de la XIXe dynastie, une révolte générale éclata dans ce dernier pays, et le pharaon, encore jeune, s’y signala par des exploits qu’amplifièrent les auteurs grecs. Hérodote, ii, 102 ; Strabon, xv, 2. Josèphe, Ant. jud., X, ii, 1-2, raconte une légende d’après laquelle Moïse aurait battu les Éthiopiens à la tête d’une armée égyptienne et aurait épousé une princesse du pays. Cf. Num., xii, 1. L’Ethiopie resta soumise aux Égyptiens jusqu’à la fin de la XXe dynastie. Les prêtres d’Amon-Ra, qui s’y étaient retirés de Thèbes, d’où les avaient chassés les pharaons de la XXIIe dynastie, y établirent un royaume indépendant, dont la capitale fut Napata. A l’époque de la XXIII’dynastie, l’Ethiopie devait commencer à prendre sa revanche sur l’Egypte et à lui faire payer les humiliations qu’elle lui avait infligées, et c’est à partir de ce moment que nous trouvons des allusions assez fréquentes dans l’Écriture au royaume et aux rois d’Ethio

pie. Le pharaon Scsac (XXII dynastie) avait des Éthiopiens parmi ses soldats, lorsqu’il envahit le royaume de Juda, sous Roboam, fils de Salomon. II Par., xii, 3. — Le second livre des Paralipomènes, xiv, 9-13 ; xvi, 8, raconte un événement qui eut lieu sous Asa, second

620. — Asarhaddon, roi de ÏTinive, vainqueur de Tharaca, roi d’Egypte et d’Ethiopie. Stèle de Sendjlrli. Musée de Berlin. D’après une photographie.

successeur de Roboam (voir Asa, t. i, col. 1052) : l’invasion en Palestine d’un roi éthiopien nommé Zara, qui fut battu par le roi de Jérusalem. Sa campagne suppose qu’il avait soumis l’Egypte ou y avait au moins quelque pouvoir. Voir Zara. — Sous les dynasties suivantes, la XXIIIe et la XXIV 8, il y eut en Egypte de grandes divisions, dont nous retrouvons les traces dans l’Écriture. Is., xix, 11-13. Le roi pontife de Napata,

Piankhi Mériamen, dont la famille était d’origine égyptienne, les mit habilement à profit pour établir son autorité en Egypte. Ce dernier pays s’était morcelé entre une vingtaine de princes, jaloux les uns des autres. Quelques-uns d’entre eux s’adressèrent à Piankhi Mériamen, pour qu’il les soutint contre leurs adversaires. Il en profita pour s’emparer de toute la vallée du Nil, et il domina depuis les sources du Nil Bleu jusqu’à la Méditerranée. Son second successeur, Schabak (Sabakon), fonda la XXVe dynastie égyptienne, qui fut ainsi une dynastie d’origine éthiopienne. C’est principalement par elle que l’histoire biblique a des points de contact avec l’histoire de l’Ethiopie. Plusieurs des rois qui la composent sont nommés dans l’Écriture, qui ne sépare pas l’Egypte de l’Ethiopie, Is., xx, 3-5, à cause de l’union des deux royaumes. Les allusions que font les prophètes au règne des pharaons éthiopiens étaient restées jusqu’ici fort obscures ; mais elles ont été éclaircies par les monuments cunéiformes, qui nous racontent les campagnes des rois de Ninive contre l’Egypte. Le fondateur même de la XXVe dynastie, Schabak, est mentionné dans l’Écriture sous la forme Su" (Vulgate : Sua), défigurée par la transcription hébraïque et massorétique. IV Reg., xvii, 4. Le dernier roi d’Israël, Osée, conclut avec lui une alliance contre les Assyriens, dont les progrès ne menaçaient pas moins l’Egypte que la Palestine ; mais le pharaon n’interunt pas assez promptement pour sauver Samarie et Israël. Voir La Bible et les découvertes modernes, 6° édit., 1896, t. iii, p. 537-542. Il devint lui-même tributaire de Sargon, roi de Ninive. Ayant voulu porter secours à Hannon, roi de Gaza, contre les Assyriens, il fut battu a Raphia, en 719 avant J.-C. Ibid., p. 587-588. Le prophète Isaïe, xviii-xx, avait prédit ces événements. Ibid., p 592-594. Voir Sua. — Seliabak eut pour successeur son fils Schabatak ; mais celui-ci fut vaincu, pris et tué par un autre Éthiopien, Tharaca, qui réunit sous son sceptre 1 Egypte avec l’Ethiopie. Son nom se lit dans la Bible. IV Reg., xix, 9 ; Is., xxxvii, 9. Il était contemporain de ^ennæhérib et essaya d’arrêter la marche envahissante du roi de Ninive, au moment où celui-ci menaçait Jérusalem. La ruine miraculeuse de l’armée assyrienne sauva Juda et l’Egypte. IV Reg., xix, 35. Cependant Tharaca ne devait pas être aussi heureux plus tard contre Asarhaddon, fils et successeur de Sennachérib. Le roi de Ninive fit contre lui une première campagne et le battit, la septième année de son règne (674-073). Dans une seconde campagne, la dixième année de son règne (671-670), il lui fit plus de mal encore. Il pénétra en Egypte par Péluse et battit si complètement les Éthiopiens, que Tharaca dut s’enfuir jusqu’à Napata. — Une atele d’Asarhaddon, érigée par ce roi vers 670 avant J C. à Sendjirli, où elle a été trouvée en 1888, raconte cette seconde campagne contre Tharaca et représente le pharaon vaincu ; il se reconnaît à l’urœus placé sur son front ; à genoux devant le roi de Ninive, qui le tient attaché avec une corde aux lèvres, en même temps qu’un autre roi syrien, il rend hommage au vainqueur (fig. 620). Asarhaddon dit dans son inscription :

38. Tarqâ ( Tharaca)

39. roi d’Egypte "et de Kùs (Ethiopie)… depuis la ville

d’Ishupri

40. jusqu’à la ville de Memphis, sa capitale, pendant

une marche de quinze jours, je battis tous les jours

41. en nombre innombrable (dans la personne de) ses

soldats. Lui-même, je l’attaquai cinq fois avec la pointe de la lance

42. dans un combat mortel. Memphis, sa capitale, j’as siégeai pendant une demi-journée,

43. au moyen (d’instruments de siège), je la pris, je la

ravageai, je la détruisis,

44. je la brûlai par le feu…

45. La racine de KÙS j’extirpai de l’Egypte. E. Schrader, Inschrift Asarhaddon’s, dans Ausgrabungen in Sendschirli (Mittheilungen aus den Orientalischen Sammlungen), Heft, xi, in-f°, 1893, p. 41. Cf. La Bible et les découvertes modernes, 6° édit., t. iv, p. 67-70. Asarhaddon accomplit ainsi complètement les prophéties d’Isaïe, xix, 2-23, contre l’Egypte et l’Ethiopie. — Tharaca essaya bien de reconquérir l’Egypte ; il y réussit même d’abord, mais le fils et successeur d’Asarhaddon, Assurbanipal, battit les Éthiopiens à Kar-Banit. L’infatigable Tharaca reprit l’offensive, lorsque Assurbanipal fut retourné à Ninive. Il était parvenu à s’emparer de Thèbes et de Memphis, quand il fut, dit— on, arrêté par un songe dans sa marche victorieuse, et il revint sur ses pas pour aller mourir en Éthiopie (666 avant J.-C), ibid., p. 79, après un règne de vingt-six ans sur l’Egypte et de près de cinquante sur l’Ethiopie. Voir Tharaca. — La lutte ne cessa pas avec sa mort. Son beaufils, Urdaman, fut proclamé roi à Thèbes et réunit ainsi le sceptre de l’Egypte et de l’Ethiopie. Ce fut pour peu de temps. Assurbanipal, après l’avoir défait dans le Delta, le poursuivit jusqu’à Thèbes, s’empara de cette ville et la saccagea sans pitié. Le prophète Nahum, iii, 8-10, fait allusion à ce désastre et à l’impuissance des forces de Kûs pour l’empêcher. Urdaman s’enfuit jusqu’à Kipkip en Ethiopie (665), et avec lui finit la domination éthiopienne en Egypte. L’empire d’Assurbanipal s’étendit ainsi jusqu’aux frontières de l’Ethiopie. Cf. Judith, i, 9. — Sous la XXVe dynastie, Psammétique I er et Psammétique II firent des incursions en Ethiopie, comme les anciens pharaons. Du temps d’Éphrée (voir ce mot), Nabuchodonosor envahit l’Egypte, à l’exemple des rois d’Assyrie dont il avait conquis l’héritage, et il poussa sa campagne jusqu’aux frontières de l’Ethiopie. Cf. Jer., xlvi, 9 ; Ezech., xxix, 10 ; xxxiv, 5-9 ; Soph., ii, 12 ; Hab., iii, 7. — Après la prise de Babylone par Cyrus, les rois de Perse voulurent à leur tour s’emparer de l’Egypte. Lorsque Cambyse, fils de Cyrus, fit la conquête de ce pays, il conduisit son armée jusqu’à Méroé et, d’après les historiens grecs, lui donna ce nom en mémoire de sa mère (Diodore de Sicile, i, 33), de sa femme ou de sa sœur (Strabon, XVII, i, 5 ; cf. Is. xmi, 3) ; mais la domination perse n’y fut pas durable. Le livre d’Esther, i, 1 ; viii, 9 ; xiii, 1 ; xvi, 1, fait allusion aux conquêtes des Perses, qui s’étendirent jusqu’à l’Ethiopie. — Dans la prophétie de Daniel, xi, 43, les Éthiopiens figurent, comme mercenaires sans doute, ou soldats auxiliaires, de même que II Par., xii, 3 ; Ezech., xxxviii, 5, dans les troupes du roi d’Egypte, que devait vaincre Antiochus IV Épiphane. — Ce pays n’est plus nommé dans l’Écriture qu’à l’occasion de la reine Candace, Act., viii, 27, dont l’eunuque fut converti par saint Philippe, réalisant ainsi la prophétie du Psalmiste, lxvii (lxviii), 32 : « L’Ethiopie (Kûs) s’empresse de tendre ses mains vers Dieu. » Voir aussi Is., xi, 11 ; xliii, 3 ; xlv, 14 ; Soph., iii, 10 ; Ps. lxxi (lxxii), 9 ; lxxxvi (lxxxvii), 4.

F. Vigouroux. ÉTHIOPIEN (hébreu : Kûsi ; Septante : Aieîo^ ; Vulgate : jEthiops), habitant de l’Ethiopie ou originaire de ce pays. Voir Ethiopie. L’Écriture mentionne spécialement la femme éthiopienne de Moïse, Xum., xii, 1 ; voir Éthiopienne ; le roi éthiopien Zara, II Par., xiv, 9 ; l’esclave éthiopien Abdémélech, Jer, , xxxviii, 7 ; et l’eunuque éthiopien de la reine Candace. Act., viii, 17. Voir Zara, Abdémélech, Candace et Eunuque.

    1. ÉTHIOPIENNE##

ÉTHIOPIENNE (FEMME) de Moïse. Il est raconté dans les Nombres, xii, 1, que Marie et Aaroa murmurèrent contre leur frère Moïse à cause de la femme éthiopienne (kûsit) qu’il avait prise. Divers exégètes ont supposé que cette femme n’était pas différente de Séphora, mais comme celle-ci était Madianite, Exod., ii, 16, il est plus vraisemblable que Moïse avait réellement épousé une Éthiopienne. D’après une légende juive, rapportée par Josèphe, Ant. jud., X, ii, 1-2, Moïse aurait fait, pendant qu’il était en Egypte, une campagne contre les Éthiopiens, et se serait marié avec une princesse du pays ; mais le texte hébreu signifie plutôt, Num., xii, 1, que le mariage de Moïse avec une Éthiopienne eut lieu dans le désert et non avant la sortie d’Égypte.

ÉTHIOPIENNE (LANGUE). La langue éthiopienne ou ghe‘ez est aujourd’hui langue morte ; elle a disparu lentement de l’usage à partir du xive siècle, laissant la place à ses deux dérivés : le tigré et le tigriña et aussi à l’amharique. Elle est restée néanmoins la langue sacrée et savante des Abyssins : la Bible est étudiée dans le vieux texte ghe’ez, et toute la liturgie se célèbre dans la même langue. Le nom de « langue éthiopienne » ou de « langue ghe‘ez » lui est donné par les Abyssins, parce qu’eux-mêmes aiment à s’appeler Éthiopiens ou encore ‘Aghe‘âzeyân (pluriel de ’aghe‘âzî, équivalent de ghe‘ez).

Le ghe‘ez appartient incontestablement à la famille des langues dites sémitiques ; il en a tous les caractères essentiels, lexicographiques, morphologiques et syntaxiques. Comparé aux autres langues sémitiques, c’est avec l’arabe qu’il a les rapports les plus intimes.

I. Écriture ghe’ez. — Comme toutes les écritures sémitiques, l’écriture ghe’ez n’eut d’abord que des consonnes, laissant au lecteur le soin de trouver les voyelles. L’alphabet éthiopien compte vingt-six lettres, dont voici la forme, l’ordre et la valeur comparée avec l’arabe et avec notre prononciation française.

Hôy ه h.
Lau ل l.
Ḥauet ح (aspiration forte).
Mây م m.
Sauet س (originai&shy ; rement ش) s (originairement š, qui se prononçait comme ch dans cheval).
Re’es ر r.
Sât س s.
Qâf ق q.
Bêt ب b.
Tau ت t.
Ḥarem خ (aspiration gutturale)
Nahâs ب n.
’Alef ا (esprit doux).
Kâf ك k.
Uauê و u.
‘Ayen ء (esprit rude).
Zay ز z.
Yaman ى y.
Dant د d.
Gamel -(غ) g (dur) ou gh.
Ṭayet ط ṭ.
Payet p.
Ṣaday ص (s emphatique)
Ṣapâ ض (prononcez ts).
’Af ف f.
Pesâ p.

L’alphabet éthiopien dérive de l’ancien alphabet himyarite ou sabéen. Historiquement, rien de plus naturel ; les Éthiopiens, comme on l’a dit, sont originaires du pays de Saba ; ils ont donc apporté avec eux la langue et l’écriture de leurs ancêtres. Il n’y a du reste qu’à jeter un coup d’œil sur un alphabet sabéen pour reconnaître qu’à l’origine les deux peuples avaient une même écriture. Voir Alphabet, t. i, fig. 109, col. 414. — À une époque relativement récente, les Éthiopiens, comme les autres Sémites, éprouvèrent la nécessité de compléter leur alphabet en y adjoignant des signes spéciaux pour les voyelles. Toutefois, au lieu de représenter leurs voyelles par des signes distincts des consonnes, ils les exprimèrent par une simple modification de la consonne ou par l’adjonction d’un petit appendice placé à côté de la consonne, qui, dans sa forme simple ou primitive, fut regardée comme ayant la valeur de a ajouté à la valeur consonantique. Il en est résulté que l’alphabet éthiopien s’est transformé en un véritable syllabaire, puisque chaque consonne a toujours une valeur syllabique, et jamais, à proprement parler, une valeur purement consonantique. Les voyelles éthiopiennes étant au nombre de sept : a, û, î, à, ê, e, ô, on a, dans un alphabet éthiopien complet, sept fois les vingt-six consonnes, au total cent quatre-vingt-deux signes. Le tableau suivant nous les donne tous et plus clairement que ne le ferait aucune explication.

Avec a û î â ê e ô

Quatre consonnes peuvent aussi être vocalisées en diphtongues de la manière suivante :

qua quî quâ quê que
ẖua ẖuî ẖuâ ẖuê ẖue
kua kuî kuâ kuê kue
gua guî guâ guê gue

En dehors de ce syllabaire, les Éthiopiens ne connaissent pas d’autre signe graphique que les deux gros points () placés après chaque mot, et qui sont portés au nombre de quatre () ou davantage à la fin des phrases. Rien n’indique, par exemple, les lettres redoublées, comme le fait le dâgéš en hébreu, le tašdid en arabe. On sait enfin que dans les écritures sémitiques il faut lire en allant de droite à gauche ; l’éthiopien et l’assyrien font exception, ils se lisent comme nos langues indo-européennes, de gauche à droite.

II. Grammaire ghe‘ez. — En éthiopien, comme dans les autres langues sémitiques, presque toutes les racines des mots se composent de trois lettres, et pour cette raison sont dites trilittères. Pour avoir une idée générale d’une langue sémitique quelconque et connaître en même temps ses caractères spéciaux et distinctifs, il suffit de jeter un coup d’œil sur les formes des trois principales espèces de mots : le pronom personnel, le verbe et le nom.

1o  Le Pronom personnel. — Deux sortes de pronoms : pronoms séparés et pronoms suffixes. Ainsi en est-il dans toutes les langues de la famille.

Les pronoms séparés en éthiopien sont les suivants :

SINGULIER
3e pers.
masc.

nomin. ወእቱ ፡ ue’etu, il (ille).
accusat. ወእተ ፡ ue’eta, lui (illum).

fém.in

nomin. ይእቲ ፡ ye’eti, elle (illa).
accusat. ይእተ ፡ ye’eta, elle (illam).

2e pers.

masc. አንተ ፡ ’aneta, tu.
fém.   አንቲ ፡ ’aneti, tu.

1re  pers. com. አን ፡ ’ana, je.

PLURIEL
3e pers.
masc.

ወእቱ ፡ ’emunetu
ወእተ ፡ ue’etômû

eux.
fém.in

አማንቱ ፡ ’emanetu
ዉአቶን ፡ ne’etôn

elles.
2e pers.

masc. አንትሙ ፡ ’anetemu, vous.
fém.   አንትን ፡ ’aneten, vous.

1re  pers. com. ንሕነ ፡ neḥena, nous.

Si l’on compare ces pronoms avec les pronoms des autres langues sémitiques, on verra qu’ils ressemblent plus particulièrement aux pronoms arabes. On remarquera aussi que le pronom de la 3e pers. sing., tant au masculin qu’au féminin, a une désinence spéciale pour l’accusatif. C’est là une particularité propre à l’éthiopien. Nous verrons cependant plus loin que, pour les noms, l’arabe, comme l’éthiopien, possède la désinence dite casuelle.

PRONOMS SUFFIXES
Après
SINGULIER le nom   le verbe
3e  personne

masculin ሁ ፡
féminin ሃ ፡

hu, de lui, lui.
, d’elle, elle.
2e  personne

masculin ከ ፡
féminin ኪ ፡

ka, de toi, toi.
, de toi, toi.
1re  personne

ajouté au verbe : ኒ ፡ ni,   moi.
ajouté au nom የ ፡ya,   de moi.

Après
PLURIEL le nom   le verbe
3e  personne

masculin ሆሙ ፡
féminin ሆን ፡

hômû, d’eux, eux.
hôn, d’elles, elles.
2e  personne

masculin ክሙ ፡
féminin ክን ፡

kemû, de vous, vous.
ken, de vous, vous.
1re  personne commune : ነ ፡ na,   de nous, nous.

Encore ici, c’est avec les suffixes arabes que les suffixes éthiopiens ont la plus profonde ressemblance. Dans les deux langues aussi les pronoms suffixes ont ceci de particulier que, sauf à la première personne du singulier, ils conservent à peu près constamment la même forme, qu’on les ajoute au verbe ou au nom tant singulier que pluriel.

2o  Le Verbe. — Chez les Sémites, la racine verbale primitive, composée d’ordinaire de trois lettres, peut revêtir, au moyen du redoublement d’une ou de deux consonnes, ou bien par l’adjonction de lettres préfixes, un certain nombre de formes exprimant les variations du sens fondamental. Dans les langues grecque et latine, les voix dites active et passive peuvent donner une idée de cette diversité de forme et de sens que peut prendre un même mot ; mais le nombre de ces formes est beaucoup plus considérable chez les Sémites, et particulièrement en assyrien, en arabe et en éthiopien. — On a coutume, dans l’étude de la conjugaison, de partir de la 3e pers. sing. masc. du parfait, qui nous présente le verbe à son état le plus simple. Les formes les plus ordinaires du verbe éthiopien sont les suivantes ; nous les adaptons à la racine qatal, « il a tué, » qui sert si souvent d’exemple dans les grammaires.

I. Formes simples
1. Fondamentale : ቀተለ ፡ qatala
2. Intensive : ቀተለ ፡ qattala.
3. Affective : ቃተለ ፡ qâtala.
II. Formes causatives
1. Simple : አቅተለ ፡ ’aqetala
2. Intensive : አቀተለ ፡ ’aqattala
3. Affective : አቃተለ ፡ ’aqâtala.
III. Formes réflexives
1. Simple : ተቀትለ ፡ taqatela.
2. Intensive : ተቀተለ ፡ taqattala.
3. Affective : ተቃተለ ፡ taqâtala.
IV. Formes réflexives-causatives
1. Simple : አስተቅተለ ፡ ’asetaqetala.
2. Intensive : አስተቀተለ ፡ ’asetaqettala.
3. Affective : አስተቃተለ ፡ ’asetaqâtala..

Il ne reste plus ensuite qu’à conjuguer chacune de ces formes dans ses différents temps, qui sont le parfait et l’imparfait pour l’indicatif, suivis d’un subjonctif et d’un impératif. — Si de nouveau l’on compare nos formes verbales avec les formes analogues des autres langues sémitiques, on constatera une fois de plus que l’éthiopien se rapproche plus particulièrement de l’arabe.

3o  Le Nom. — 1. Du genre. — Les noms en éthiopien sont du genre masculin ou féminin. Il n’y a pas de forme spéciale pour le neutre. Les noms féminins, substantifs ou adjectifs, sont généralement terminés en , précédé ou non de la voyelle a, donc : at ou t.

2. Du nombre. — Pratiquement il n’en existe que deux, le singulier et le pluriel. Comme chez les Arabes, le pluriel est de deux sortes : pluriel interne ou brisé et pluriel externe. Le pluriel interne s’obtient par une modification que l’on fait subir au mot, à peu près de la même manière qu’on a vu plus haut pour les diverses formes verbales. Le même mot peut avoir un nombre considérable de pluriels brisés ; c’est ici pour la langue, non pas une richesse , — la diversité des formes ne modifiant pas le sens du mot, — mais un encombrement. Le pluriel externe se forme par l’adjonction d’une finale, ân pour le pluriel masculin, ât pour le pluriel féminin , par exemple : አብድ ፡ ’abed (insensé), donne au pluriel masculin : አብዳን ፡ ’abedân ; au pluriel féminin : አብዳት ፡ ’abedât. Ce dernier genre de pluriel se trouve dans toutes les langues sémitiques.

3. Désinences casuelles. — L’hébreu, le chaldéen et le syriaque n’ont pas de désinences casuelles ; l’assyrien et l’arabe en possèdent trois, qui correspondent au nominatif, au génitif et à l’accusatif. L’éthiopien n’en a que deux : le nominatif, qui est la forme ordinaire du mot, et l’accusatif qui est en a, sauf dans les mots terminés en ê, ô, â, qui restent invariables, et dans les mots terminés en î, dont l’accusatif est en ê.

4. État construit. — Quand un nom est mis en rapport d’annexion avec un autre nom, comme dans l’exemple classique : liber Petri, les Sémites font subir une modification, non pas au second mot, nomen rectum, comme le font les Latins et les Grecs, mais au premier, nomen regens. L’état de ce mot ainsi modifié est appelé « état construit », par opposition à l’état ordinaire, qui est dit « état absolu ». Les modifications à introduire dans un nom par suite de l’état construit sont déterminées par des lois assez complexes dans quelques-unes des langues sémitiques, notamment en hébreu. En éthiopien, au contraire, comme en arabe, la modification introduite par l’état construit est assez simple ; il suffit de donner au mot la désinence même de l’accusatif, dont nous avons plus haut indiqué les lois.

5. Adjonction des suffixes au nom et au verbe. — Nous avons fait connaître ci-dessus les pronoms personnels dits suffixes. Ils sont ainsi nommés parce qu’ils se soudent au mot qu’ils accompagnent, nom ou verbe. Joint au nom, le suffixe joue le rôle de pronom possessif, ou mieux de pronom personnel mis au génitif. Liber meus, tuus, suus, se rend plutôt chez les Sémites par Liber meî, tuî, ipsius ; mais ce meî, tuî, ipsius, ne doit faire qu’un avec le mot précédent ; il s’y adjoint après avoir fait subir tout d’abord au nom, dans la plupart des cas, des modifications plus ou moins profondes. La même chose se passe quand un pronom personnel est régi par un verbe, comme quand je dis : dilexit me ; ce me régime doit s’unir à dilexit, être son pronom suffixe à l’accusatif. Les modifications à introduire soit dans le nom, soit dans le verbe, pour recevoir ou s’adjoindre le suffixe, sont parfois assez complexes, notamment dans les langues hébraïque, chaldéenne et syriaque. En éthiopien, les lois à suivre sont, comme en arabe encore, beaucoup plus simples. Le nom et le verbe ne peuvent, en effet, subir d’altération que dans leur voyelle finale. Il est inutile d’entrer ici dans le détail des lois à suivre ; on peut assez juger par ce qu’on vient de dire du caractère de l’éthiopien comme langue sémitique ou comme langue particulière dans la famille sémitique.

III. Littérature. — La littérature éthiopienne est encore à l’heure actuelle presque totalement inédite. M. L. Goldschmidt, qui a dressé le catalogue des textes parus jusqu’en 1892, a compté, en dehors des textes bibliques, à peu près une quarantaine d’ouvrages ou opuscules imprimés en langue ghe‘ez. (Bibliotheca Aethiopica vollständiges Werzeichnis und ausführliche Beschreibung sämmtlicher Aethiopischer Druckwerke, in-8o, Leipzig, 1893.) Tout le reste est donc enfoui dans les manuscrits de nos grandes bibliothèques. Il est très probable que nos bibliothèques d’Europe possèdent des exemplaires de la plus grande partie des ouvrages ghe‘ez existant aujourd’hui. M. Antoine d’Abbadie, qui avait si admirablement fouillé les trésors littéraires de l’Abyssinie, écrivait, en effet, au début de 1859 : « Mon Catalogue contient des notices sur environ six cents ouvrages différents, ou probablement plus des trois quarts de ceux qui existent encore en Éthiopie. » (Catalogue raisonné de manuscrits éthiopiens appartenant à Antoine d’Abbadie, in-4o, Paris, 1859, Préface, p. xv.)

Les principaux dépôts européens de manuscrits éthiopiens sont les suivants : le British Museum, qui possède environ 450 manuscrits ; la Bibliothèque Bodléienne d’Oxford en comptait 35 en 1846 ; la Bibliothèque Nationale de Paris, 170 en 1877 ; la collection de M. d’Abbadie, à Abbadia, 234 en 1859 ; la Vaticane, 71 en 1832 ; la Bibliothèque Impériale de Vienne, 24 en 1862 ; la Bibliothèque municipale de Francfort, 22 ; la Bibliothèque de l’université de Tubingue, 31 ; la Bibliothèque Impériale de Pétersbourg, 7, et l’Institut asiatique du ministère des affaires étrangères de la même ville, 5. Ces chiffres nous sont fournis par M. Zotenberg, dans son Catalogue des manuscrits éthiopiens (ghe‘ez et amharique) de la Bibliothèque Nationale, Avertissement, in-4o, Paris, 1877, p. iv-v.

Presque tous les ouvrages contenus dans ces manuscrits appartiennent à la littérature ecclésiastique. En première ligne, il faut placer les textes de la version ghe‘ez de la Bible. Voir Éthiopienne (version) de la Bible. Puis viennent les livres apocryphes, quelques commentaires de la Bible, les recueils liturgiques et rituels, un certain nombre de traités de théologie et des collections de canons, les Vies des saints, qui sont en nombre considérable, et enfin les annales qui nous racontent l’histoire de l’Éthiopie. Bien que la plus grande partie de cette littérature se compose de traductions d’ouvrages écrits originairement en grec ou en arabe, ce serait faire œuvre utile que de publier une sorte de Bibliothèque éthiopienne en texte ghe‘ez, accompagné d’une traduction et d’annotations.

IV. Bibliographie. — Les principaux ouvrages à consulter, outre ceux qui ont été nommés au cours de cet article, sont les suivants : Ph. Berger, Histoire de l’écriture dans l’antiquité, 2e édit., in-8o, Paris, 1892 ; J. Halévy, Études sabéennes. Examen critique et philologique des inscriptions sabéennes connues jusqu’à ce jour, in-8o, Paris, 1875 ; Joseph et Hartwig Derenbourg, Les monuments sabéens et himarites du Louvre décrits et expliqués, in-4o, Paris, 1883 ; Eb. Schrader, De linguæ æthiopicæ cum cognatis linguis comparatæ indole universa, in-4o, Gœttingue, 1860 ; A. Dillmann, Grammatik der äthiophischen Sprache, in-8o, Leipzig, 1857, 2e édit., 1899 ; F. Prætorius, Grammatica æthiopica, in-12, Leipzig, 1886 ; Aug. Dillmann, Lexicon linguæ æthiopicæ, in-4o, Leipzig, 1865. L. Méchineau.

ÉTHIOPIENNE (VERSION) DE LA BIBLE. De tous les monuments de la littérature éthiopienne, la version de la Bible est le plus précieux pour sa valeur doctrinale et pour les services qu’il peut rendre à la critique biblique, et aussi au point de vue littéraire.

I. Le canon des Écritures chez les Éthiopiens. — Les manuscrits éthiopiens contenant tous les livres de la Bible en un seul volume sont très rares ; il n’en existe pas en Europe, croyons-nous. M. Antoine d’Abbadie, qui étudia si longtemps sur place les choses d’Éthiopie, nous dit dans son Catalogue, p. 108, n’avoir jamais entendu parler en Abyssinie que de deux Bibles complètes en un seul volume, et il témoignait à l’auteur de cet article en avoir vu un exemplaire, mais un seul. On ne s’étonnera pas de cette extrême rareté des Bibles complètes, si l’on considère les dimensions que les scribes abyssins ont coutume de donner à tous les caractères de leur alphabet. Pour connaître le nombre exact des livres reçus au canon éthiopien, force nous est donc de grouper ensemble plusieurs exemplaires manuscrits des Écritures, ou bien d’interroger directement les écrivains ou les documents qui ont parlé des livres tenus pour sacrés.

D’après M. Antoine d’Abbadie, ibid., on serait d’accord, en Éthiopie, pour fixer ce nombre à quatre-vingt-un ; on appellerait même la Bible « Les quatre-vingt-un livres » (ibid., p. 76), bien qu’il y ait ensuite des divergences sur la manière de parfaire ce chiffre. Au début du xvie siècle, le roi David disait aussi au P. Alvarez qu’il possédait quatre-vingt-un livres des Écritures. Ludolf, Historia æthiopica, l. iii, c. iv, Francfort, 1681. Et tel est bien, en effet, le nombre indiqué dans plusieurs documents éthiopiens, par exemple, dans les Canons des Apôtres (Catal. d’Abbadie, no 65, 4), dans le Ḥatatâ Qedeset, « Saint examen » (ibid., No 90, 6), dans le document intitulé par M. Zotenberg : Nombre des livres de la Bible, « d’après les Pères de Nicée et Georges, fils d’Amid. » (Catal., no 50, fol. 19, vo, p. 51.) Il n’est pas rare cependant, il faut l’avouer, de trouver une numération différente. Voir Dillmann, Ueber den Umfang des Bibelkanons der abyssinischen Kirche, dans Ewald’s Jahrbücher der bibl. Wiss., t. v, p. 144-151 ; Aethiopische Bibelübersetzung, dans Herzog’s Real-Encyklopädie, 2e édit., t. i, p. 205 ; Goldschmidt, Bibliotheca æthiopica, Leipzig, 1893, p. 8-10 ; cf. A. d’Abbadie, Catalogue, no 65, 3. Cette différence dans la manière de compter vient de ce que quelques auteurs groupent ensemble plusieurs livres que les autres séparent, ou bien encore de ce qu’ils ne comptent pas au nombre des Livres Saints tels ou tels apocryphes compris dans les quatre-vingt-un. Quoi qu’il en soit, si l’on vient au détail, sur les quatre-vingt-un livres composant la Bible, on en trouve quarante-six pour l’Ancien Testament et trente-cinq pour le Nouveau. Les quarante-six livres de l’Ancien Testament comprennent nos trente-huit livres protocanoniques ; cinq des deutérocanoniques, à savoir : Tobie, Judith, Sagesse, Ecclésiastique, Baruch ; enfin les trois livres apocryphes des Jubilés. Tel est le dénombrement que nous trouvons, par exemple, dans un des Canons des Apôtres publiés par Fell, si nous séparons Baruch de Jérémie, pour le mettre en place de

l’Ecclésiastique, qui s’y trouve mentionné deux fois et donc une fois de trop. (Canones Apostolorum sethiopice, Leipzig, 1871, p. 24. M. Goldschmidt a reproduit le texte éthiopien de ce canon dans sa Bibliotheca sethiopica, . 8-9.) D’autres documents, au contraire, remplacent les trois livres des Jubilés par trois autres apocryphes dits " ! es Machabées. (Bibl. Nat., n° 50, fol. 19, v » ; Zotenberg, Calai., p. 51 ; Ant. d’Abbadie, n° 65, 9. Cf. Ludolf, Historia sethiopica, 1. iii, c. rv ; cet auteur ne compte que deux Machabées apocryphes.) Les trente-cinq livres du Nouveau Testament éthiopien comprennent les vingt-sept de notre Vulgate, plus les huit livres des Constitutions apostoliques, nommés encore livres de Clément. Telle est la numération du Codex 50 de la Bibliothèque Nationale (Zotenberg, Catal., p. 51.) D’autres, au lieu des huit livres de Clément, ne comptent que ses deux épîtres, ou même excluent tout apocryphe et s’en tiennent à nos vingt-sept livres canoniques. Voir Fell et Goldschmidt, loc. cit. ; Dillmann, dans Ewald’s Jahrbiichei ; t. v, p. 147 et suiv.

Les Abyssins ont-ils fait une différence entre les livres protocanoniques et les livres deutérocanoniques ? Il n’y paraît aucunement, soit que l’on considère les listes qui énumèrent les livres sacrés, soit que l’on regarde leur place dans les manuscrits. Le Canon des Apôtres de Fell, par exemple, donne la disposition suivante pour les livres du Nouveau Testament : les quatre Évangiles (Matthieu, Marc, Luc, Jean), les Actes des Apôtres, les deux Épîtres de saint Pierre, les trois de saint Jean, Jacques, Jude, les quatorze Épîtres de saint Paul, l’Apocalypse, les deux épîtres de Clément. Il est évident que les sept deutérocanoniques (Hébr., Jac, II Petr., II et III Joa., Jude et Apoc.) sont mis dans ce canon sur le même pied que les protocanoniques. De même, que l’on consulte nos manuscrits, Abbadie, n< « 9, 119, 164 ; Paris, n° s 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, et l’on verra partout nos deutérocanoniques unis et mêlés aux protocanoniques, sans que rien indique une différence entre eux au point de vue de l’autorité divine ou de l’inspiration.

S’agit-il des sept livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament ( Tobie, Judith, Sagesse, Ecclésiastique, Baruch, I et II Machabées) ? Nous trouvons toujours les cinq premiers rangés et confondus sans distinction avec les protocanoniques. Le même Canon des Apôtres donne, par exemple, pour l’Ancien Testament l’ordre suivant : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, Josué, Juges, Ruth, quatre livres des Rois, deux des Paralipomènes, deux d’Esdras, Job, Esther, Tobie, Ecclésiaste, Psaumes, Proverbes, Ecclésiastique (pour la première fois, sous le titre de Ecclesiee cœtus), Cantique, douze petits Prophètes, Isaïe, Jérémie, Daniel, Ézéchiel. Et l’auteur ajoute aussitôt : « Enseignez ces [livres] à vos enfants. » Puis il continue : « Outre ces livres, il y a : la Sagesse, Judith, trois livres des Jubilés, Ecclésiastique » (pour la seconde fois, sous le titre de Jésus, fils de Sirach). La place occupée dans nos manuscrits par les mêmes livres prouve également que les Abyssins les tiennent pour canoniques au même degré que les autres. Voir, par exemple, pour Tobie, d’Abbadie, n os 35 et 205, et Paris, n° 50 ; pour Judith, d’Abb., n » 35 ; pour la Sagesse, d’Abb., n°* 16, 30, 35, 55, 149. 202, et Paris, n » 8 ; pour l’Ecclésiastique, d’Abb., n os 16, 35, et Paris, n os 6 et 8 ; enfin pour Baruch, d’Abb., n os 35, 55, 195, et Paris, n° 6.

Il ne reste de difficulté que pour les deux livres des Machabées, que l’on ne trouve pas au canon éthiopien. Il existe bien dans quelques manuscrits, par exemple, d’Abbadie, n » 55 [Catal., p. 67 ; cf. Dillmann, Lexicon, Proleg., col. si’, trois livres dits des Machabées ; mais ce sont trois apocryphes, dont le sujet est complètement différent de celui des nôtres. Ils parlent du martyre de trois Juifs sous un certain roi fl.^HjB’î'î s [Sirx’.sâyedân] (e’est-à-dire Tyr et Sidonh de l’immortalité de l’àrne et de la résurrection des morts, etc. À cette époque, c’est-à-dire en 1865, M. Dillmann en concluait que nos livres des

Machabées, ou bien n’avaient jamais été traduits en éthiopien, ou bien s’étaient perdus. En parlant ainsi, le savant professeur allait trop loin, comme il devait s’en convaincre plus tard ; car on possède des manuscrits ghe’ez qui nous donnent réellement le texte de nos deux livres des Machabées, par exemple les n os 15, 28, 31 de la collection de Magdala (Brit. Mus.) ou le n° 2 de la bibliothèque de Francfort, signalé dès longtemps par Rùppell, dans Reise in Abyssinien, Francfort-sur-le-Mein, 18381840, t. ii, p. 407. Seulement il paraît que ce sont là des traductions récentes, faites dans les deux ou trois derniers sjècles, sur le latin de notre Vulgate. Dillmann, Veteris Test, setkiopici, t. v, Prsefat. ; cf. Wright, Catalogue of ethiopic MSS, p. v. Par conséquent, ces livres n’ont lien à faire avec l’ancienne version éthiopienne dont nous parlons ici. Il n’en est pas moins intéressant de noter l’existence de ces versions nouvelles ; car leur acceptation actuelle en Abyssinie, comme aussi bien l’existence d’apocryphes ayant nom Machabées, semblent prouver au moins que jamais, en Ethiopie, on n’a rejeté positivement nos deux livres.

Chose curieuse et qu’il nous faut noter ici, les Juifs d’Abyssinie ou Falacha lisent aussi la Bible ghe’ez pour la partie de l’Ancien Testament. Or leur canon est complet, comme celui des Abyssins. C’est ce qui résulte d’une enquête faite par M. A. d’Abbadie à l’intention de M. Luzzato. Voir A. d’Abbadie, Les Falasha, dans Archives israélites de France, t. xii, 1851, p. 238 ; Luzzato, Mémoires sur les Juifs d’Abyssinie, dans Archives israél., t. xv, 1854, p. 347-349. Cf. Trumpp, dans Gôltingische gelehrte Anzeigen, janvier 1878, p. 132.

Comment il se fait qu’avec nos livres canoniques les Abyssins aient mêlé et mêlent encore aujourd’hui, dans leurs listes ou dans leurs manuscrits, un certain nombre d’apocryphes ou livres non inspirés : Hénoch, Ascension d’Isaïe, Pasteur d’Hermas, livre d’Adam, livres des Jubilés, Canons ou Constitutions des Apôtres, etc., et cela sans qu’ils se rendent bien compte de la différence d’autorité de ces écrits, il n’y a pas lieu de trop s’en étonner ; l’Église d’Abyssinie, restée toujours à l’écart, n’a pu profiter de la lumière dont les autres s’éclairent mutuellement, ni des secours qu’elles échangent pour compléter leurs traditions particulières.

II. Textes imprimés de la Bible éthiopienne. — Le Nouveau Testament a été publié en entier ; l’Ancien, en partie seulement. Voici la liste complète des textes parus jusqu’à ce jour ; nous les donnons par ordre de publication ; leur nombre n’est pas tel que le lecteur ne puisse facilement distinguer ce qui appartient à chaque partie des deux Testaments ou même à chaque livre de la Bible.

— Alphabetum seu potius Syllabarium Uttcrarum chaldsearum, Psalteriuu chaldgeum, Cantica Mosis, Hannse, etc., Cantjcum Cantiçorum Salomonis, opéra Joannis Potken, in-4, Rome, 1513, 216 pages. Remarquons, à propos de ce titre, que l’éthiopien a reçu autrefois la dénomination fautive de chaldéen. — Psalteriuu in quatuor linguis hebrœa, grseca, chaldxa (i. e. œtliiopica, ut supra), latina, cura Joannis Potken, in-4°, Cologne, 1518, 288 pages. C’est une réimpression de l’édition de 1513. — Psalterium JEthiopice, cura Joannis Potken, in-f », Cologne, 1518. — Testamentux Nofum cum Epistola Pauli ad Hebrœos tantum, cum concordantiis Evangelistarum Eusebii et numeratione omnium verborum eorumdem. Missale cum benedictione incensi, ceræ, etc. Alphabetum in lirigua… Gheez, id est libéra gui a nulla alia oricjinem duxit, et vulgo dicitur Chaidsaa. Qure omnia Fr. Petrus ( Comos) Ethyops auxilio piorum sedente Paulo III. Pont. Max. et Claudio illius regni imperatore imprimi curavit, in-4°, Rome, 1548, 226 feuillets. — Epistole XIII divi Pauli eadem linrjua cum versione latina, in-4°, Rome, 1549. C’est la seconde partie du Testamentum Novuni de Petrus Ethyops. Dans la première se trouve la quatorzième Épitre de saint 2023

    1. ÉTHIOPIENNE##

ÉTHIOPIENNE (VERSION) DE LA lUULE

202-ï

Paul, l’Fpitre aux Hébreux, comme l’indiquait le litre. Cl. Funiagalli, llibitoiputfm éthiopien, Milan, 1803, n" 12, "}".

—.S’..Lie, , i : i Apostali.Epistobr C.allmlicji vcrs’io arabica et uvliiopiea, lulinitute utruipie douai a. Opéra… Joli. (ieorg. Nissclii et l’hcodori l’etraû, in-l", Loyde, li ; ri. 32 payes. — N. Arni : Apostoli Epistoke (lathuHciu vresio uealnee et iethitrpiee i, t latinitateiti translata… a Joli, (leorg. Nisselio et "l’beodoro Petra’o, in-4°, I.eyde, lbôi-, 21 payes, —, 8. Juii.i.yyis AjtosttiH et Eeantjelislœ Epls/olie Calholieie très, arubtee et ethiopiee, omnes ail veebu.nt iii lut’utum rers ; e… (jira, .. Joli. Georyii NUellii et Xheodori Petnei, in-i", I.eyde. 1 >."> i-, il pages. — C.I-VïV’.tj/ (’ixiicourM Sehelumonis tel h’uepiee. E vetuato ewliee stimula rueit rura erutiitii, a quant mullis uteudis purijatuiii, ac mute pr’niii.iiii latine interprétatarit, Cui, in ijratiajtt arabizunliuni, apposita est versio ara.biea enm interprétation !  ! lul’uia, ut et Sijriiboluiii S. Alhanasii ruculin, ii notis insiiptituiii, a Joli. Georg. Nisselio, iu-i", I.eyde. 1050, 7 et 10 payes. — S..S. Biblta J’tilipjliittti etifiiplecleutia te.elus orii/iitales, etc. Opus tutuitt in se.e tomos jtol.i trilmtiini eititlit liriauus WaltniMis, Londres, 1(557. Walton réédite dans cette Polyglotte les textes des Psaunies publiés par l’otken, en 1513, et lu Xuureail Testament de l’édition de Home de 1518. — P.Ai.riiui M ulhnipiee enm nntis Kdinundi Castelli euriisipte leetinitilins, in-f", Londres, 1057. — l.’.i.vnu’j C lynieoiirn itth’mpiee et latine, enra Ldinuiidi Castelli, in-f", Londres. 1 ( ">r>T. — Sorru Tr.sr i i/t.vï / m n-lhiojiiee, iiim eeesionr talimi lUi.ll.-i I.ndolli ali Kdnunido Castello, in-f". Londres, 1 1 ir.T. Lxlrait de la l’olyglolto de Walton.

— Liber /, ///, lelhn.piee, e rellKtn niait Itsertpto e.e Oriente nllula eeulu<, et Inlinilnte fnleliter, 1, malus, … « ii, lus a.1. li. Nisselio. in - 1’. [..%.1.-, Il il il). 10 payes. — l’rtiphetnt Sapin, iii, e, mm, , m UAnjeu lui ad latent retnsttssiim US. e, , , l, e, s je le ! , ter, , t I, ii, , , : , , , , eeeai… m litlurnrti arias e, , , , , „e, I, , , , 1 pal, ! , , , j.tet, fæta a.1. I, . i.s, ho. in-i’, |., de. 1 l’a’a), X pa_. -. - I 1, a, i, ei., , J, , . /, ; r .T.tluai, n a lu I. a : , an, , i, t, l eerbiim eee.al. et nntis nl.pie inl, 1, 11, S lllit.lraln. l’.'l iia r, , al, l, , lii, ipmh’ar l’, e, , ese, , s

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latine, cum ylossario irtliiopicoharmonica in eumeierr et IV Geneseos cajiita prirrra, éditas a Benedicto Andréa Staudachero, in-i°, Fi’anel’ort-sur-le-Main. 1700, i ! L 2 payes.

— tjuatuor prima capita (j / ; .v i : >/ : e)S.-E/ltiapirc et Latine, studio lienedieli Andréa ; Slaudælieri, in-i", FrancfortsurleMain, 1707. — Jus.-is proplieta, idiiimalc ijhe : . Edidit (1. Marcel, Paris, 180’2. — I-’salti : / ; /iii Dai-itHs .Ethiopiee, in-i ii, Londres, 1815, 171 pages, l’idilion de la Société biblique anglaise. — ! -’..</ : . / : (priati) libri, ip’i apnnl Vulija/itm appevlatur i/iiætus, ret’sio letliiopiea, j itunc prinuttu in incttiuiit prolttta, et latine anijUreipie i reddita a Kiecardo Laurence, in -S", Oxford, ’18-20. — j Ki’axgkua saneta.Et/tiojiiee. Ail eodieiuii ntattuseei ; ptorum jidem edidit Th. Pell Plat, in-i", Londres, 1821). | — Le saint Evvya/LF. de 7Y.-.S. J.-C. (en ghe’ez’, in-i ii, j Londres, Société biblique, 1827, ’127 feuillets, sans pagination. Signé A-SS. — Xovru TnsrviiF.yruir Doiuiui I nostri et servalerris Je.su Christi ivtltiopicc. Ad codicum

: liianuserijitttfum /idem eilidit Th. Pell Platt, in-i".

Londres, ’lîSJO, 732 pages. Iùlition de la Société biblique anglaise. — Veteris Tcstamenti xtltiopiei lonius primus | siée OcTA’n.rciivs.Ethiopiens. Ad l’tbrorum mauusrri-I ptorutti jidem edidit et apparatu critico instriuvt Auguslus DiUinann, in-i, Leipzig, 1853. [Pars priur t/ine etnitinet te.eluiit, 480 pages. [ Pars posterior qiue eontiiiet appaixttum eritieunt, 220 pages. — The book i, f.luXAii in four oriental versions, natnehj Chahlee, Sijriar, .Ethiopie, ami Arabie, ivillt glossaries. Fdited by W. Wright. Londres et Leipzig, 1859.— Veteris Testament ! .Etli’mpiri tinuiis seeuiiilus, sire libri lïetjum, l’aralipameuoii, Estlrte, Eslher. Ail lihrorurn maniiseripturntti fuient etl’u lit et apparatu eriliet) instru.tit Auguslus llilhnann. | Easeieulus prunus, ipm eimliueniur libri ll/t.r.v I i : rll, in-i", l.eipziy, 1801, 00 et t’A paye.-, lun’ieulies seeiiutlus. ijno eeinlmeutur itbri El -I III !  ! IV. in-l’. Leipzig. 1871. 08 el 78 pages. L-dr.iel l.vb’l' n’onl pas paru, taule de ressources. VA. I. i’pail. po-[eiior., p. 220, l’ostscriplum, et t. v, Piaf.d. — L-Ai.i i un m Daridis.Ethiopiee. et Amlainee. ni-8’, liai, ., 1872. Édition île la Société bibli.pie anglaise. — /.’r.i ynr.l i i saura Doniini nostri et Stilratæis .les, , Christi..Eth’nrpiee et Amluteiee, in-8°, llàle, IS7Î, ’lio et iio payes. Fdllioiv de la Société biblique anylaise. — E ! [> rul. ! . À V, > 1 1’LUI ;  ! M IlaUlinl nostri et

Snlruloeis Arsu Christi..Ethiopiee et Amhurire, in-f", Laie, 1*7> 312 el 312 payes. Fdilion de la Société biblique anylaise. — lier, AI, i, , p, sehe’l’e.et des.l, , / ; i., heeu us.je, e’, e, i i, iii Aiigii-t Iiilluiann. Ad|oint au travail de Meix, ’llie Prophétie des A„ei. iu-8°. Halle. 1870. de la paye i’, ', 1 a 158. - Ci su sis tiipibi i ir, P.svi.Mfe i et’vr/. l’aus la Clii’estomalliie, pii acconiiiayne la yraimnaiie éthiopienne de l’i aloiiiH. in- 12. Leipzig, Issil. — iJmlekapeapheimi J-’.thiupuiit ntlrr A, e-u-ôlf klenien Proplalen , 1er dlltiopi.-ehfii Pibel ébersetzitinj narli haiulsehrifliehen Quelle, ! herunapejeben uiul mit te.rthritisehen A umerhunijeil eeeseheu un.lobannes Ilacliliiallll. Ibd’t I, /(, .’/ Pnipltet lili’.DlA, in-8-. Halle. 1802. 52 l>ages : lleft il. lier Praj.het Mai.iaiiii, in-8°. II. die. lso : i, 51 payes. — llie Kl. a a i : i.ii : i, ! ’.u.IrueMi.i : , Lamentations ; , , , Ae’e uthioplsehen 11, bel „brrsel : ii, , , J. Au f li ru nd lu nulsel, , -, ii, eher Qn.ellen m’A te.elkevt.ehe, , A, , , , , e, kn, , , t ea i, ee, iu.-, je, jehe, t Von.h.haiiii’-s ll.abniaiiii. in-8’. Halle, KI3. 5V i-agé-. — lier Prophet I. ; ia m oh iler ail, lûtes, heu pA.eva.eesetzueuj. Auf CiUiud hittfL.-ril’p.irher ijeeven iierue ia p. pU, , ., ; . -, ., : i loir, m., s {)., . iniruin. / Tc’A. : lier utlt’, .p, ., ./„_ Te, ! . }.1U m., , ; , ph, . : , : .p ; -, i, hl*el, e, i Spc, .„, e„ A.u C…I. A, Au P, er-, i. t’ei.r, , , .’.'. Sæidr. lA.

.n-i. Lc, lui. lS’, 13, . les y, g.-, _._ I’W.., . ; . s Tevu.uCe’i

phi.’llvu’-'i ; . / : .’.'./-..’..] Arr.r.Mi ! .. Te, .ai, Jr/uni.

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Berlin, 1891, 2 et 221 pages. Quelques jours après l’achèvement de ce tome v, M. Dillmann mourait. Les tomes m et iv n’ont pas paru. Dans ce tome v, les livres qualifiés d’apocryphes par M. Dillmann appartiennent à nos deutérocanoniques, sauf l’Apocalypse d’Esdras, qui est franchement apocryphe, et l’h’sdras Gneeus, qui correspond dans nos éditions de la Yulgate latine au troisième livre d’Esdras. On sait que le troisième livre d’Esdras, dont l’Eglise ne reçoit pas la rédaction, n’est dans la plus grande partie de sa teneur qu’une seconde version, un peu libre, du premier.

En récapitulant cette liste de publications, on voit qu’il reste encore une portion considérable de l’Ancien Testament qui n’a jamais été’publiée, à savoir : I et II des Paralipomènes, I et II d’Esdras, Esther, Job, Proverbes, Ecclésiaste, Jérémie (les Lamentations ont paru, ainsi que Barucb, d’ordinaire joint à Jérémie), Ézéehiel, Daniel, Osée, Amos, Miellée, Xahum, Ilabacuc, Aggée, Zæharie, I et II des Machabées.dont le texte paraît manquer à l’ancienne version, comme on l’a dit), et enfin l’apocryphe adjoint à nos Bibles sous le titre de IV livre d’Esdras. — On devra remarquer aussi que les manuscrits de la Bible éthiopienne étant demeurés très rares jusque vers le milieu de ce siècle, toutes les éditions antérieures à cette époque étaient nécessairement faites sur un tout petit nombre de copies, parfois même sur une seule. Le texte demanderait donc à être revu sur les copies meilleures peut-être, on tout cas plus nombreuses, qui ont enrichi depuis quarante ou cinquante ans nos grands dépôts d’Europe.

III. Manuscrits giie’ez existant en Europe. — Les matériaux pour préparer des éditions critiques de la Bible ne nous manquent plus. Nous avons fait le relevé de toutes nos richesses en manuscrits bibliques éthiopiens ; or voici quel esl le résultat général de notre examen. La plus riche collection de manuscrits ghe’ez en tout genre, la collection du British Muséum, possède à elle seule des exemplaires de tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, et pour chaque livre trois, quatre, cinq, dix, quinze, vingt et quelquefois jusqu’à trente exemplaires. En seconde ligne vient la bibliothèque de SI. Antoine d’Abbadie, qui a légué en mourant à l’Académie des inscriptions et belleslettres son château et sa propriété d’Abbadia, où il avait fait transporter sa belle collection de manuscrits. On y trouve un ou plusieurs exemplaires de tous les livres bibliques, sauf le second livre canonique d’Esdras et les deux Machabées authentiques, La Bodléienne d’Oxford possède aussi toute la Cible, moins Tobie, Judith, Uarueh et les deux livres des Machabées. Il ne manque à notre Bibliothèque Nationale que les livres suivants de l’Ancien Testament : Judith, l’-slher, les deux livres canoniques d’Esdras, fsaïe, Ézéehiel, les petits Prophètes et les deux livres des Machabées. Enfin on trouve encore un certain nombre de manuscrits bibliques à Francfort, au Vatican, à Vienne et à Pétersbourg.

IV. Textes sur lesquels a été faite la version l’-TiiiopiKNNE. — Un théologien d’Ethiopie, qui appartient aux vingt ou trente premières années du xv° siècle, abba Georges, auteur du Masehafa Mesetir, « Livre du Mys-’ei’e, » a écrit sur ce sujet une page curieuse ; elle résume sans doute l’opinion communément suivie au pa ; s d’Ethiopie dans la question qui nous occupe, lui voici la traduction : « Tous les livres de l’Ancien Testament avaient ete traduits de l’hébreu en ghe’ez au temps de la reine du Midi, qui visita Salomou.^ Inutile de faire remarquer au lecteur qu’à cette époque la plus grande partie de 1 Ancien Testament n’existait pas encore." Aussi la version éthiopienne des livres des Prophètes était pure ; les I Ethiopiens, en effet, suivirent la loi des Juifs avant la naissance du Christ. Mais dans la traduction qui fut faite après la naissance du Christ, ceux qui l’avaient crucifié changèrent le texte véritable en un témoignage menson

! ger. Quant à la manière dont les livres des Prophètes

ont été traduits de l’hébreu en ghe’ez, on en trouve des exemples au livre des Rois, où de l’hébreu on a traduit

j en ghe’ez, par exemple : ’f’Aôlié par Wmelàk (Dieu), ’Adônâi par’Egliezi’(Seigneur), Sabd’ol par llayelàt (armée). Pour le Nouveau Testament que nous avons en Ethiopie, il a été traduit tout entier du grec en ghe’ez, avant que la doctrine de Nestorius eut apparu, avant que la confession de Léon fut formée, avant qu’on eût réuni le concile des chiens, à savoir des évoques de Chaleédoine. Aussi toute la version éthiopienne de l’Ecriture, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, est pure comme l’or, éprouvée comme l’argen ! , immaculée comme un lait sans mélange. » Bibl. Nat., fonds ghe’ez, n" 113, fol. 63-64.

Ainsi, d’après abba Georges, le Nouveau Testament a été traduit du grec ; sur ce point, nous verrons qu’il a complètement raison. L’Ancien Testament, toujours d’après notre auteur, aurait été traduit directement de l’hébreu. C’est là une prétention qui ne tient pas devant une comparaison même superficielle de la version éthiopienne avec le texte. Quelques livres, il est vrai, portent l’empreinte d’une revision faite sur l’hébreu, par exemple Job et Daniel, n" 7 de la Bibliothèque Nationale (voir Zolenberg, Catalogue des mss. éthiop., n" 7 ; cf. l’illmann, Yeteris Test, sctlt., t. ii, fisc. II, apparutun eritieu. s, p. 5 ;  ; mais le fond de nos versions ghe’ez de 1 Ancien Testament n’a certainement pas été pris directement sur le texte primitif, connue on le verra bientôt.

Quelques missionnaires jésuites des débuts du x vil" siècle, comme Ludolf en témoigne (Comment, ail 1. iii, c. iv, n. 26), ont pensé que la Bible éthiopienne avait été traduite de l’arabe. Ludolf lui-même suivit quelque temps cette opinion, comme on le voit par une note écrite de sa main dans le n" 1 de la Bibliothèque Nationale (fonds éthiopien) ; mais dans son Commentaire, paru en Hi’.M, Ludolf ne pense plus que la version ait cité faite de l’arabe : « Le Pentateuque manuscrit, dit-il, le Psautier et tous les livres imprimés de la Bible prouvent pleinement le contraire. » L’Ancien Testament n’a pas été, eu elfet, traduit d’une version arabe ; il ne l’a pas élé au temps de saint Fiiinientius, comme l’avait d’abord cru aussi Ludolf, car alors la version arabe de la Bible n’existait pas ; il ne l’a pas été davantage dans la suite. De notre temps, un critique pourtant célèbre, Paul de hagarde, a réédité cette ancienne opinion des premiers missionnaires ; il a cru pouvoir soutenir que la Bible ghe’ez avait élé faite ou de l’arabe ou du copte, et cela au XIV" siècle. P. de hagarde, Ankandigung enter neuen Austjabe (1er (jrievlusehen l’eberselzmuj des alteu Testaments, 1*>2, p. 28 ; cl après Ilackspill, Zeitschrifl pr Assgriulogie, t. xi, W", P- 123. Mais Paul de Lagarde est resté seul de son avis dans le monde savant contemporain ; son erreur manifeste repose sur une simple confusion entre une version et une receusion. H y a eu, en etl’et, comme on le verra plus loin, une recension sur des textes coptes ou arabes ; mais delà à conclure qu’il n’existait pas avant ce travail une version éthiopienne, [aile sur des textes qui n’étaient ni arabes ni coptes, il y a belledillérence. — La vérité est, sur cette question, que la version ghe’ez fondamentale, antérieure à toute recension, repose tout entière sur un texte « roc. L’Ancien Testament d’abord a élé traduit du eree clés Septante. C’est ce qu’a 1res bien démontré Ludolf, une fois revenu de son erreur, en établissent que la version éthiopienne porte les leçons. les omissions et jusqu’aux transcriptions du grec. Comment., lie. rit. Cf. Iudolti Epist. ad Hottimjeram, dans la Bd, lmlheea. suera de Le Long, pars l cap. 2. sectio 6 ou il donne s mêmes arguments, plus le suivant pour h < Psaune - ; Dans h’.- Psaumes éthiopiens i, les inseï iphoiis i d- -Crées, sont conservées. » Ibid. : cf. Ludolf. Hist. AU h., 1. III, e. IV, n. 2-6. Un ne peut donc que soiisciiie a h conclusion de Ludolf Les études de Iulluiaim conduisent

au même résultat.. Personne ne Ta mieux prouvé que le savant éthiopisant, dans les Apparatus critici joints au texte de son édition de l’Ancien Testament ghe’ez.

Quant à la version du Nouveau Testament, elle a été faite également sur le grec, qui est ici le texte original. La critique aussi bien que l’histoire en tombent d’accord. Voir Michælis, § x Prxfationis Evangèlii seeunduni Matth. ex versione setliiopici interpretis a Bode editi, Halle, 1749. Tout récemment M. Hackspill l’a spécialement démontré pour les dix premiers chapitres de saint Matthieu, en prenant pour base de son travail le manuscrit ghe’ez 32 de la Bibliothèque Nationale. L. Hackspill, Die àlhiopische Evangelienûbersetzung (Matth., i-ix), dans la Zeitschrift fur Assyriologie, t. xi, 1897, p. 127-131. Ce que le jeune savant nous dit de quelques chapitres de saint Matthieu, on peut l’étendre au Nouveau Testament tout entier. C’est du reste aujourd’hui la conclusion admise par tous les critiques, à l’exception de Paul de Lagarde. La controverse ne peut plus porter désormais que sur la question de savoir quel est au juste le texte grec que suivirent les traducteurs. Le problème devient alors plus ardu, plus délicat, et il demanderait pour être tranché des études qui ne nous paraissent pas encore faites.

V. La version éthiopienne est l’œuvre de plusieurs auteurs. — C’est l’opinion la plus généralement suivie et la plus probable. Ludolf, qui l’a soutenue, appuie son sentiment sur cette raison, que les mots rares et difficiles, comme sont les noms de pierres précieuses, sont rendus de différentes manières dans les divers livres, et il en fournit des exemples. La topaze, dans Ps. cxviii, 127, est rendue par le mot grec pazjon, le ^a étant rejeté

comme article ; dans Job, xxviii, 19, par "I*"}llG s tancar ; dans Apoc, xxi, 20, par G) £*(&& s ivaraurè. Ludolf, Hist. jEthiop., 1. iii, c. IV, n. 6. Dillmann, le meilleur juge de notre temps dans ces questions, ne croit pas, il est vrai, malgré quantité de variantes de ce genre par lui observées, qu’il faille conclure à des traducteurs différents en ce qui concerne la Genèse, l’Exode, les Nombres, le Lévitique, Josué, les Juges et Ruth, dont il nous a donné le texte dans son premier volume de l’Ancien Testament ghe’ez. Il pense que l’inconstance d’un traducteur primaire et unique suffit à expliquer ces variations. Octateuchus suthiopicus. Pars posterior, p. 22, 58, 101, 139, 189, 195, 216. Le docte critique cependant (loc. cit., p. 58-61) fait une exception pour les chap. xiv et suivants de l’Exode, qu’il attribue à un second traducteur ; et, s’il s’agit de l’ensemble de la Bible, c’est l’avis de Ludolf qu’il nous recommande. (Loc. cit., p. 58.) Telle est, croyons-nous aussi, la seule opinion vraiment solide. On verra du reste plus loin, abstraction faite des raisons intrinsèques tirées de l’examen des textes, que, selon les données très vraisemblables des écrivains d’Ethiopie, plusieurs auteurs ont concouru à la traduction des Livres Saints.

VI. EXISTE-T-IL EN ÉTHIOPIEN PLUSIEUBS.VERSIONS

pour les mêmes livres de l’Écriture ? — Nous parlons ici de versions proprement dites et non pas de simples recensions d’une même version. Plusieurs éthiopisants, en effet, et des plus considérables, tels que Ludolf et Dillmann, n’ont peut-être pas toujours sur ce point suffisamment précisé leur langage, et, — si nous les entendons bien, — ils se servent parfois, au grand détriment de la clarté, du mot « version » dans le sens de « recension ». Voir Ludolf, Comment., 1. iii, c. IV, n. xxviii ; Dillmann, Vet. Test, setliiopici, t. ii, pars poster., p. 3-5, et Lexicon, Præfatio, col. v-vi. Cette remarque faite, nous répondons que la thèse de la pluralité des versions éthiopiennes pourrait trouver en sa faveur quelques arguments plausibles. Les variantes sont sans nombre dans les exemplaires manuscrits d’un même livre. Additions, omissions, expressions différentes, gloses, rien ne manque des variantes accoutumées. Qu’il me suffise de renvoyer

aux exemples innombrables que nous en donne Dillmann dans ses notes critiques aux livres de l’Ancien Testament. Toutefois ces variantes ne prouvent pas nécessairement la multiplicité des versions. Les mêmes divergences se rencontrent partout, dès qu’on possède un certain nombre de manuscrits d’un même ouvrage, et surtout d’un ouvrage fort répandu dans l’usage et le commerce des hommes. Du reste, quand on sait l’étonnante facilité avec laquelle les copistes éthiopiens ont cru pouvoir rendre par des mots plus clairs ce qui leur semblait obscur, glisser certaines gloses destinées à compléter le sens, ou supprimer ce qui leur paraissait redondant (voir Dillmann, Vet. Test., t. i, pars poster., p. 13-16, 64, 99, 119, 141-143, 172-173, 192-193, 215-216 ; t. ii, fasc. i, pars poster., p. 6-7, 36-39 ; fasc. ii, pars poster., p. 3-4, 47-49), sans parler des révisions qui ont été faites au cours des temps, et dont nous parlerons tout à l’heure, on comprend sans peine qu’il ne suffit pas de variantes même nombreuses pour conclure à la pluralité des versions. Il faudrait, à notre avis, pour admettre cette conclusion, des divergences plus profondes que celles qu’on connaît jusqu’ici. S’agit-il des livres du Nouveau Testament, nous n’oserions plus, avec Michælis, formuler le même jugement. Michælis, § n Prsefationis ad Evangelium secundum Matthseum ex versione xthiopici interpretis, editum a Bode, Halle, 1749. Car il se pourrait faire que le progrès des études ghe’ez imposât quelque jour une solution différente pour quelques-uns de ces livres, pour les Évangiles, par exemple. Cf. Ludolf, loc. cit. ; Dillmann, Lexicon, loc. cit. ; Aethiopische Bibelubersetzung, dans Herzog’s Real Encyklopàdie.

VII. EXISTENCE DE PLUSIEURS RECENSIONS DE LA VER-SION éthiopienne primitive. — 1° Ancien Testament.

— Il dut être revisé sur l’une ou l’autre des trois recensions des Septante, qui furent faites dans l’Eglise grecque au ni" siècle, à savoir : par Origène, à Césarée ; par saint Lucien, à Antioche, et par Hésychius, en Egypte. Voir, dans les Études religieuses, La critique biblique au ni" siècle, 1891, octobre ; 1892, mars et octobre. Dillmann, en effet (Vet. Test, sethiop., t. ii, fasc. i, pars poster., p. 3-5), a nettement distingué de la version ancienne ou primitive un texte ghe’ez remanié à une date et par des auteurs inconnus, d’après un texte grec qui avait été lui-même revisé. Quelle était cette recension grecque, qui servit ainsi de base à la recension éthiopienne ? Probablement celle d’Egypte, la recension d’Hésychius. L’Église d’Ethiopie, dès ses origines, a été en continuelle dépendance de l’Eglise d’Alexandrie. Il est donc très vraisemblable qu’elle aura pris encore en Egypte les textes qui servirent de base à sa revision ; malheureusement le texte hésychien est jusqu’à présent peu connu. Mais, en attendant qu’on l’ait sûrement retrouvé, on sera fondé à croire que la recension éthiopienne en dépend. Espérons que M. Bachmann résoudra ce problème, qu’il nous a promis d’aborder. Dodekapropheton jEthiopum, Heft i, Der Prop/iet Obadia, Halle, 1892, p. 9. Cf. Études, mars 1892, p. 451-453. Quoi qu’il en soit, nous voici déjà en présence de deux textes de l’Ancien Testament : celui que Dillmann, dans ses notes critiques sur les livres des Rois (ibid.) et dans Aethiopische Bibelubersetzung (Herzog’s Real Encyklopàdie), a nommé « la version ancienne ou primitive », et qui ne porte pas trace de revision ( = Francofurtensis 604 paginas continens et 57 Abbadianus) ; puis le second, qui fut revisé et qu’il nomme « la version Vulgate ou seconde » (= Oxon. 3 ; Abbad. 137 et 197 ; Brit. Mus., Dillmann, Catal., p, 1 ; Francoꝟ. 382 paginas complectens). Ce dernier texte est de beaucoup le plus répandu en Ethiopie. Pour quelques livres au moins de la Bible, nous devons également reconnaître une seconde recension, faite cette fois sur le texte hébreu. M. Zotenberg, dans son Catalogue des mss. éthiopiens de la Bibl. Nationale, n » 7, a reconnu un texte de ce génie pour les livres de Job et de Daniel,

qui furent collationnés avec le texte hébreu et une version arabe par un savant indigène nommé Mercurius. Dillmann, de son côté, admet pour les livres des Rois ( = Abbad. 35) et peut-être pour tout l’Octateuque un texte revu sur l’hébreu et qu’il appelle « version troisième ». Yet. Test, sethiop., t. ii, fasc. i, pars post., p. 5, avec la note 1. Le texte éthiopien qui aurait servi de base à cette recension serait, d’après le savant critique, non pas la Vulgate, mais la version ancienne eu primitive. Enfin M. Bachmann, op. cit., p. 8-9, semble vouloir étendre les mêmes conclusions aux livres des Prophètes.

2° Nouveau Testament. — Les textes éthiopiens offrent des traces de plusieurs recensions. Kn 1865, dans la préface de son Lexique, col. v et vi, Dillmann reconnaissait deux recensions, sinon deux versions proprement dites, dans ce qu’il appelait « version ancienne » et « version plus récente ». L’ancienne serait représentée par l’édition du Nouveau Testament de Rome, 1518 ; la moderne, par l’édition de Pell Platt, Londres, 1830. De qui seraient ces différentes recensions, à quelle époque ces textes auraient-ils été établis dans la teneur que nous leur voyons ? 11 serait difficile de le déterminer. Notons toutefois au passage la thèse de IL Guidi, qui place au xive siècle une quasi-recension ou correction des Évangiles. D’après le savant orientaliste, on doit reconnaître à côté d’une version primitive (= Parisiensis 32) un texte de cette même version ( = Parisiensis 33), qui aurait été revu ou corrigé peu à peu à différentes époques, à partir du xiv 8 siècle, sur une version arabe du xme, que M. Guidi nomme « recension alexandrine Vulgate ». Guidi, Le traduzioni degli Evangelii in araboe in etiopico, Rome, 1888, p. 35-37.

M. Conti Rossini a cru pouvoir préciser davantage et nous indiquer l’auteur même de la recension. Voici la thèse qu’il expose dans la Zeitschrift fur Assynologie, t. x, 1895, p. 236-241. Nous trouvons parmi les métropolitains que l’Egypte a toujours fournis à l’Ethiopie depuis saint Frumentius (rve siècle) un abba Salàmà, distinct du premier abba Salâmâ ou Frumentius. Voir Catalogue Zotenberg, n. 160, p. 263, col. a. Ce moderne Salàmà est appelé « traducteur de l’Écriture Sainte » (ibid.) ; c’est le même dont on célèbre la fête, non pas le 26 de hamelê, comme saint Frumentius, mais le 20 de nahasê. Dans sa légende, on lit encore qu’il est « celui qui a traduit de l’arabe en ghe’ez l’Écriture Sainte ». Catalogue Zotenberg, n. 128, p. 194, col. a. Or précisément ce Salàmà vivait à la fin du XIIIe et au commencement du XIVe siècle, et il est connu comme un lettré de valeur. Il est donc tout naturel de penser que, voyant les divergences du texte ghe’ez d’avec la version arabe d’Egypte, il en entreprit et exécuta la revision, et c’est sans doute ce travail de recension des Évangiles ghe’ez sur un texte arabe qui lui valut le nom de traducteur de l’Écriture Sainte.

Jusqu’ici la thèse de M. Conti Rossini paraît bien appuyée. Volontiers même nous croirions que c’est ce travail de recension sur l’arabe par le moderne abba Salàmà dont on avait gardé le souvenir en Ethiopie, qui trompa les premiers missionnaires portugais et Ludolf lui-même pendant quelque temps, en leur faisant croire que la version ghe’ez avait été faite de l’arabe par abba Salàmà, saint Frumentius. Mais conclure de là, avec Si. Conti Rossini, que saint Frumentius n’a en aucune façon concouru à traduire la Bible, c’est peut-être aller trop loin, comme nous le dirons tout à l’heure. Cf. Hackspill, Die àthiopische Evangelienïibersetzung, dans la Zeitschrist fur Assyriologie, 1897, t. xi, p. 194-195.

Avant de terminer cette question, je veux signaler aux critiques une dernière recension, qui paraît encore peu connue. Elle est due aux missionnaires jésuites portugais du XVIIe siècle. Voir Histoire de ce qui s’est passé au royaume d’Ethiopie es années 16’21, Î62b~ et 1626. Tiré des lettres écrites et adressées au R. P. Mutio Yiteleschi par le P. Gaspar Pæz, S. J. Traduit de l’italien en françois

par P.-J.-B. de Machault, S. J., Paris, 1629. p. 225 et suiv. Il semble bien résulter de cette lettre du P. Pæz que les missionnaires des débuts du XVIIe siècle ont non seulement traduit un certain nombre denos Livres Saints en amharique ou corrigé le texte amharique antérieur de ces livres, mais encore qu’ils ont revu les Évangiles ghe’ez et les ont conformés à notre Vulgate. Nos bi bliothèques peut-être ou celles d’Ethiopie recèlent des exemplaires de cette recension. Ne serait-ce pas aux mêmes travailleurs qu’il faudrait attribuer cette traduction des deux livres des Machabées, faite du latin en ghe’ez, il y a deux ou trois siècles, on ne sait par qui ?

VI11. Date de la version éthiopienne primitive. — Selon Cayet ( Pierre - Victor Palma, 1525-1610), nous devrions faire remonter notre version jusqu’aux temps apostoliques. (Paradigmata de quatuor linguis orientalibus prgecipuis, arabica, armena, syra, setliiopica, Paris, 1596, p. 160.) Mais il n’en donne aucune preuve solide. Voir Le Long, Bibliotheca sacra, pars l a, cap. 2, sectio 6°. Brian VValton, dans les Prolegomena de sa Polyglotte, cap. xv, De lingua setldopica et Scripturse versione ssthiopica, a soutenu également que la version ghe’ez remontait à l’époque des Apôtres. Son opinion repose tout entière sur les deux points d’histoire suivants, que l’on suppose démontrés : la reine Candace du chap. vin des Actes est une reine des Abyssins, et l’eunuque baptisé par le diacre Philippe convertit les Abyssins à la foi chrétienne. Malheureusement ni l’un ni l’autre de ces faits ne peut se soutenir. Voir Candace.

Si quelques écrivains ont trop vieilli la Bible ghe’ez, d’autres, par contre, l’ont trop rajeunie. Personne dans cette voie nouvelle n’est allé si loin que Paul de Lagarde. D’après lui, — nous avons déjà eu l’occasion de le dire, — la version éthiopienne aurait été traduite de l’arabe ou du copte après le xive siècle. Lagarde, Ankùndigung einer neuen Ausgabe der griechischen Uebersetzung des alten Testaments, 1882, p. 28. C’est là une grossière aberration, bien étonnante dans un savant de cette valeur. AU xive siècle, nous avons rencontré un travail de recension ; mais cette recension ne peut être confondue avec la version primitive. Gildemeister, dans une lettre à M. Gregory, datée du 20 avril 1882 (Prolegomena ad Rovum Testamentum grsece, editio 8 a, Tischendorf, t. iii, p. 895), exprimait l’avis que notre version serait due à des Syriens monophysites du VIe ou du vue siècle. Sur quoi se fonde cette opinion ? Principalement sur les deux arguments suivants. Et d’abord les chrétiens ne commencèrent guère à être nombreux en Abyssinie avant le vie ou le vne siècle ; et donc le besoin d’une Bible ghe’ez ne dut pas se faire sentir avant cette époque. En second lieu, certains mots de la version éthiopienne paraissent avoir une origine syriaque ou aramaïque, ce qui. fait supposer que les traducteurs étaient des Syriens, et sans doute des Syriens monophysites. Dans cette argumentation, on regrettera que la conséquence ne sorte aucunement des prémisses. On ne voit pas bien, en effet, pourquoi la Bible n’aurait dû être traduite qu’après une conversion en masse du peuple d’Abyssinie ; et quant aux mots d’origine syriaque, même en admettant qu’ils soient bien d’origine syriaque plutôt que d’origine ghe’ez, qui nous prouve qu’ils sont entrés dans la langue ghe’ez précisément par les traducteurs de la Bible, et surtout quelle nécessité y a-t-il de supposer que ces traducteurs prétendus araméens étaient des monophysites du VIe et du VIIe siècle ?

La grande majorité des auteurs, depuis Ludolf jusqu’à nos jours, s’accordent à dire que la version éthiopienne ne peut pas descendre plus bas que la fin du Ve siècle, et, ainsi formulée, cette thèse paraît bien assurée. Ce n’est pas certes que les témoignages historiques abondent pour la démontrer. Car nul auteur, soit grec, soit latin, ne peut nous renseigner sur ce sujet. On a bien cité quelquefois le passage où saint Jean Chrysostome nous dit que & les Syriens, les Égyptiens, les Indiens, les Perses, les

Éthiopiens et cent autres peuples ont traduit dans leur langue propre les dogmes » contenus dans l’Évangile de saint Jean. In Joa. homil. xxii, t. lix, col. 32. Mais qui prouvera jamais que par ce mot d’  « Éthiopiens », toujours si vague chez les anciens, Chrysostome entendait parler de nos Abyssins ? Le premier argument sérieux qu’apportent les auteurs est le suivant. Il est certain qu’à la fin du ve siècle l’Église d’Abyssinie était fondée et que déjà elle était grande et prospère. Or une Église ne peut rester longtemps sans une traduction des Écritures. Il la faut à l’apôtre qui doit narrer au peuple l’histoire de la révélation et particulièrement l’histoire de Jésus-Christ et de ses premiers disciples. Il la faut encore pour le service de la prière et surtout pour les offices liturgiques, qui ne tardaient jamais alors à se faire dans la langue familière au peuple que l’on évangélisait. Nul doute par conséquent qu’il ait existé, à la fin du ve siècle, une version ghe’ez en Abyssinie. — Un second argument est tiré du témoignage des écrivains d’Ethiopie. Nous avons entendu plus haut abba Georges nous dire que l’Ancien Testament avait été traduit de l’hébreu en ghe’ez dès le temps de la reine de Saba. Évidemment ni la Bible ghe’ez n’a pour source immédiate l’hébreu, ni surtout elle n’a pu se faire à l’époque de Salomon. Mais quand il dit que le Nouveau Testament a été traduit par les neuf saints de Rome, si célèbres en Ethiopie, nous avons tout lieu de croire qu’il y a là une tradition fort respectable et que réellement les neuf saints ont concouru au travail de traduction des Écritures, et sans doute aussi bien de l’Ancien que du Nouveau Testament. Ces moines illustres étaient certainement qualifiés pour traduire du grec tous nos Livres Saints. Or à quelle époque vivaient les neuf saints de Rome ? Précisément à la lin du Ve siècle, c’est-à-dire juste à cette époque où l’on convient que la version ghe’ez était indispensable au bon fonctionnement de l’Église éthiopienne.

Ainsi raisonnent la grande majorité des critiques et des exégètes : Ludolf, Hist. seth., Francfort, 1681, 1. iii, c. iv ; Comment, ad hist., Francfort, 1691, ad lib. iii, cap. iv, ’n. xxvi ; Jean Mill, Novum Test, grsecum, Rotterdam, 1710, Prolegomena, p. 121 ; Michælis, § ix Prsefationis ad Evangelium secundum Matth. ex versione ssthiopici interpretis, editum a Bode, Halle, 1749 ; Bode, Prsefatio ad Novi Testamenti versionis ssthiopici interpretis latinam translationem, Helmstadt, 1755 ; Dillmann, Aethiopische Bibelûberselzung (dans Herzog’s Real - Encyklopàdie ) ; Westcott et flort, The New Testament in the original Greek, Cambridge et Londres, 1881, Introduction, p. 86 ; Gregory, Nov. Test, grsece, recensuit Tischendorf, editio 8 a major, t. iii, Prolegomena, p. 894 ; Edouard Ktinig, Einleitung in das alte Testament, Bonn, 1893, p. 113 ; Goldschmidt, Bibliotheca sethiopica, Leipzig, 1893, p. 7 ; Cornill, Einleitung in das alte Test., Fribourg, 1890, p. 338 ; Scrivener, À plain Inlrod. to the criticism of the New Test., Cambridge, 1883, p. 409 ; Jûlicher, Einleitung in das Neue Test., Fribourg, 1894, p. 388 ; chez les catholiques de notre temps : Vigoureux, Manuel biblique, t. i, n. 150 ; Kaulen, Bibelubersetzung [âlhiopische], dans Wetzer et Welte’s Kirchenlexicon, t. ii, 1883 ; Cornely, Cursus Scriplurse Sacrée, Introd., t. i, 1885, u. 142 ; Guidi, Le traduzioni degli Ecangelii in arabae in etiopico, Rome, 1888, p. 33 et suiv. ; Hackspill, Die àthiopische Evangelienûberselzung, dans la Zeitschrift fïir Assyriologie, t. xi, 1897, p. 150 et suiv. Bien plus, avec ces mêmes auteurs, sauf pourtant MM. Guidi et Hackspill, dont nous nous séparons ici, nous pensons que la version ghe’ez fut commencée avant l’arrivée des neuf saints et qu’il faut la faire remonter en partie à la seconde moitié du ive siècle, parce que la traduction des principaux passages des Écritures et notamment des Évangiles s’impose dans la fondation d’une ! nouvelle Église.

Faut-il conclure de là que saint Frumence lui-même,

le premier apôtre qui évangélisa l’Ethiopie, peu après 326, employa son zèle à traduire ou à faire traduire partie des Écritures ? Ludolf et d’autres après lui l’ont pensé. Et cela n’est pas déraisonnable. Sans doute rien dans les traditions de l’Abyssinie ne confirme sûrement cette opinion ; le Salàmâ que l’on appelle, en Ethiopie, traducteur des Écritures est bien plutôt le patriarche du même nom, qui revisa les Livres Saints au début du xive siècle, que le Salàmâ du iv s, autrement dit Frumentius. Mais les arguments tirés de la nécessité d’une version ghe’ez pour l’évangélisation de l’Abyssinie gardant toute leur force, à notre avis, aussi bien pour la fin du IVe siècle que pour la fin du ve, pourquoi ne penseraiton pas que l’apôtre Frumentius commença lui-même ce beau travail ou en prit du moins la haute direction ?

Il est enfin un dernier point sur lequel nous nous séparons de plusieurs de ceux qui, comme nous, pensent que la version ghe’ez a été faite, en partie du moins, par les neuf saints de Rome. On a affirmé, et c’est, pensons-nous, M. Dillmann qui l’a dit le premier, que les traducteurs de la Bible éthiopienne, c’est-à-dire les neuf saints de Rome, étaient des monophysites ; d’autres ont précisé davantage et ont dit, comme M. Gildemeister, que les traducteurs étaient des monophysites syriens (dans Gregory, Prolegomena, loc. cit.) ; enfin M. Guidi, Traduzioni, p. 34, et M. Hackspill, jEthiop. Evang., p. 153, ajoutent qu’ils ont dû venir d’Arabie. En réalité, les neuf saints venaient d’Egypte et non d’Arabie, et de plus ils n’étaient pas monophysites. La Chronique des rois d’Abyssinie nous le fait entendre, en les appelant Saints de Rome et d’Egypte (R. Basset, Études sur l’histoire d’Ethiopie, Paris, 1882, p. 97). Ce titre de Saints de Rome donné à des moines égyptiens n’a rien qui nous doive surprendre. En Abyssinie, comme dans tout l’Orient, les Romains et les Grecs de l’empire byzantin sont appelés Roumis ; le grec même y est parfois nommé langue romaine, et l’empereur de Constantinople roi de Rome. (Voir Bibl. Nat., fonds ghez, n. 113, fol. 63-64, et d’Abbadie, Catalogue, n. 34.) Le fait que le nom de moines romains ait été donné et si religieusement conservé à ces saints personnages, par une Église qui s’est séparée des Grecs ou Roumis Melchites pour suivre les Jacobites d’Alexandrie, nous persuade non seulement qu’à cette époque l’Église d’Abyssinie était toujours fidèle à la vraie foi, mais que de plus ces moines eux-mêmes n’étaient pas des monophysites, comme l’a pensé M. Dillmann (Zur Geschichte des axumit. Reichs, Berlin, 1880, p. 26). Le passage des Chroniques, où il est dit que les saints de Rome « réformèrent la foi », selon la traduction de M. Dillmann, n’est pas de nature à infirmer notre opinion, car il faut tout lire. Le texte du n. 141 de la Bibliothèque nationale dit en effet : (OM’ti ! t(h s IfiWi-t « (OPCA* ï 9 t "itP-h t î i ua’asetarate’u hâyemânôta uasere’âta menekuesenâ, ce qui peut se traduire par : « Ils réglèrent ce qui concerne la foi et l’observance monastique. » Ce sens, à supposer qu’il faille tant tenir compte d’une appréciation venue après coup à l’esprit d’un rédacteur monophysite, est d’autant plus admissible que, par rapport à l’observance monastique, les saints de Rome n’eurent pas à réformer, mais à établir. Jusque-là, le monachisme n’avait pas pénétré en Abyssinie, et c’est avec les neuf Saints que nous voyons apparaître les ordres religieux. Aussi tous les monastères d’Abyssinie se réclament-ils d’abba’Aragâuî, l’un des neuf Saints, comme de leur premier fondateur. Nous avons d’ailleurs une autre preuve qui nous paraît décisive dans la question. L’un des neuf Saints, abba Panetalèuôn, fut regardé comme un homme de Dieu et consulté dans les cas les plus graves par le roi Ivaleb, autrement dit Élesban. Or, l’orthodoxie d’Élesban, honoré comme saint chez les Latins aussi bien que chez les Grecs, ne saurait être mise en suspicion. Il n’est donc pas probable qu’abba Panetalèuôn, l’ami et le conseiller du saint roi, ait été un mo

nophysite, ni par conséquent aucun de ses frères en religion.

Pour conclure cette étude, nous dirons avec M. JDilImann, Vet. Testament, œthiop., t. v, Prsefatio, que la Bible éthiopienne, considérée au point de vue critique, n’est pas sans valeur, quoiqu’elle ne soit pas exempte de défauts. Quelles que soient les variantes de ses nombreux exemplaires et la jeunesse relative de ses manuscrits, — les plus anciens sont du xiile siècle, — elle nous offre le même intérêt, elle a pour nous à peu près le même prix que les copies grecques colportées en Egypte au ve et au vie siècle. Cf. Bachmann, Dodekapropheton œth., Heft i, p. 7. Et si l’on néglige les mille et une minuties de la critique verbale pour ne considérer que l’exactitude, la fidélité du sens, — ce qui est au fond la seule chose importante, — la valeur de la Bible ghe’ez est encore bien autrement grande. Nul doute qu’elle ne soit dans sa substance conforme aux textes grecs dont elle dérive. L. Méchineau.

    1. ETHNAN##

ETHNAN (hébreu : ’Étnân, « récompense » ; Septante : ’Ssvvwv ; Codex Alexandrinus : ’E0vxc(), descendant de Juda, un des fils qu’Assur, père de Thécua, eut de Halaa, une de ses femmes. I Par., iv, 5-7.

    1. ETHNARQUE##

ETHNARQUE, titre grec de dignité, èOvàp^Ç. qu’on donnait à celui qui était à la tête d’un peuple, mais qui n’avait pas les insignes et l’autorité d’un roi. C’est le nom qui est donné dans le texte grec à Simon Machabée, I Mach., xiv, 47 ; xv, 1, 2 ; cf. Josèphe, Ant.jud., XIII, vi, 6, et à celui qui gouvernait Damas, du temps de saint Paul, pour le roi Arétas. Il Cor., xi, 32. Dans I Mach., xiv, 47, et xv, 1, la Vulgate rend iOvàp^’» ) ? par princeps gentis ; I Mach., xv, 2, elle ne l’a pas traduit ; II Cor., xi, 32, elle l’explique par prsepositus gentis. — Archélaùs, fils d’Hérode le Grand, qui hérita d’une partie de ses États, en particulier de la Judée, Matth., ii, 22, ne reçut de l’empereur Auguste que le titre d’ethnarque, Josèphe, Bell, jud., II, vi, 3, et c’est celui qu’il porte sur ses monnaies. Voir Archélaùs, t. i, fig. 247, col. 927.

1. ETIENNE (ÏTÉcpavoç, « couronne ; » Vulgate : Stephanus ; probablement l’équivalent d’un nom hébreu ou araméen, d’après la tradition Keliel), premier diacre et premier martyr.

I. Son ministère comme diacre. — On croit communément que c’était un Juif helléniste. Il apparaît pour la première fois dans l’histoire de l’institution des diacres. Act., vi, 6. Les Juifs hellénistes fixés à Jérusalem formaient souvent des communautés distinctes de celles des Juifs parlant araméen. Ceux d’entre eux qui s’étaient convertis se plaignirent que leurs veuves étaient négligées dans les aumônes des fidèles. Il ne s’agit pas d’aumônes particulières, autrement le mal n’aurait pas été si facilement constaté. Sans accuser les Apôtres de négligence, on constate qu’il y avait, non un vice d’organisation, mais un service à créer, dans une administration nouvelle. Les Apôtres y pourvoient en nommant des diacres. L’imposition des mains qui leur est conférée à la suite d’une prière montre qu’ils reçoivent en même temps un pouvoir et une grâce. I Tim., iv, 14. L’antiquité chrétienne a considéré comme les premiers diacres les sept qui furent alors choisis, et cet office s’est perpétué dans chaque Église. Etienne était à leur tête, soit qu’il ait eu une véritable prééminence, soit qu’il paraisse le premier à cause du rôle qu’il allait jouer. Il était « plein de foi et de l’Esprit-Saint », Act., vi, 5, et se montra bientôt le coopérateur des Apôtres même dans la prédication. Son ministère s’exerça surtout au milieu des Juifs hellénistes, parmi lesquels les Apôtres avaient probablement moins d’accès ; ils semblent avoir appartenu à deux synagogues, dont l’une comprenait, outre les affranchis, les gens de Cyrène et d’Alexandrie ; l’autre,

ceux de Cilicie et d’Asie. Ces Juifs furent impuissants à lutter contre un homme également versé dans l’Écriture et la tradition judaïque, animé d’une conviction ardente, orné du don des miracles. Ils le dénoncèrent. Etienne fut conduit devant le sanhédrin, qui siégeait probablement alors dans la salle Gazith, située, d’après la Mischna, dans les grands édifices qui entouraient le Temple proprement dit, actuellement au sud-ouest de la mosquée d’Omar.

IL Son discours. — On a proposé les opinions les plus contradictoires au sujet du discours d’Etienne, chacun s’efforçant d’y trouver un sens unique, un thème qui en expliquât toutes les variations. Mais il est naturel de penser qu’Etienne a dû s’occuper des deux chefs d’accusation dirigés contre lui, savoir qu’il avait proféré des blasphèmes contre la Loi et contre le Temple, Act. r vi, 11, ’13-14, d’autant que c’étaient, d’après les témoins, les deux motifs ordinaires de sa prédication ; et on devait attendre de son tempérament, ardent à la lutte, qu’il ne se tiendrait pas sur la défensive, mais profiterait de cette circonstance solennelle pour faire une profession de foi en Jésus. Les Juifs croyaient le Temple indispensable au culte de Dieu, parce qu’on ne pouvait l’adorer que là, de telle sorte que l’action de Dieu y était, pour ainsi dire, liée. Etienne reprend toute l’histoire sainte depuis Abraham pour montrer comment Dieu a exercé ses miséricordes les plus choisies en tous lieux, en Chaldée, en Egypte, dans le pays de Madian comme dans le pays de Chanaan, et quand Dieu eut permit à David de lui élever un temple par les mains de son fils Salomon, Salomon lui-même, dans sa prière, a constaté qu’il ne pouvait renfermer Dieu. C’est incontestablement l’idée principale du discours. Mais Etienne y a greffé une autre pensée. En chemin il rencontre Moïse, qu’il était accusé de blasphémer. Il renchérit sur l’éloge qu’en faisaient les Saints Livres, il montre que ce sont les Juifs qui l’ont négligé, méconnu, comme tous les hommes de Dieu, et tandis que Moïse avait annoncé le Prophète, ils ont trahi et mis à mort le Juste promis par les prophètes. Est-il étonnant que cette pensée douloureuse ait donné alors une énergie véhémente à son apostrophe ? Act., vii, 51-53.

— Mais s’il y a comme un double sujet traité dans le discours, l’unité de la contexture est si parfaite, qu’il est impossible d’y trouver deux discours parallèles. — On a depuis longtemps dressé la liste des divergences qui se rencontrent entre le discours d’Etienne et l’Ancien Testament représenté par la Vulgate. On a même renoncé à les expliquer par des subtilités, depuis que Melchior Cano a fait remarquer qu’en somme saint Etienne a pu se tromper, puisqu’il n’a pas écrit son discours sous la motion de l’inspiration scripturaire, et que saint Luc ne se trompait pas en le rapportant tel quel. En réalité, il n’y a qu’une erreur caractérisée qu’on puisse rapporter à un défaut de mémoire, c’est l’achat par Abraham du tombeau de Sichem, Act., vii, 16 ; il fallait dire Jacob. Le mode des autres divergences caractérise bien la méthode d’Etienne. Tantôt il suit les Septante, lorsqu’il conduit en Egypte soixante-quinze personnes, et lorsqu’il considère l’idolâtrie reprochée par Amos, v, 25, comme pratiquée dans le désert, avec la mention de Remphan ; tantôt il suit une tradition juive dont nous pouvons constater l’existence par Philon, Josèphe ou les midraschhn, lorsqu’il place la vocation d’Abraham en Mésopotamie, Act., vii, 2 ; son départ pour Chanaan après la mort de son père, y. 4 ; le tombeau des patriarches à Sichem, y. 16 ; lorsqu’il énuinère deux périodes de quarante ans dans la vie de Moïse, y y. 23, 30. D’autres fois enfin, il cite librement le texte sacré, s’attachant à l’esprit beaucoup plus qu’a la lettre, lorsque (yy. 6 et 7), citant Gen., XV, 13, il ajoute quelque chose qui allait à son thème d’après Exod., iii, 12 ; lorsqu’il mentionne que Moïse était un enfant agréable <c à Dieu », y. 20, que son éducation dans la sagesse des Égyptiens avait rendu

puissant en paroles, y. 22 ; lorsqu’il dit que Moïse trembla de frayeur au Sinaï et que la Loi fut promulguée par le ministère des anges, y y. 38, 53 ; surtout lorsqu’il remplace Damas par Babylone dans le texte d’Amos, y. 43. Mais, quoi qu’il en soit de ces détails, l’exégèse d’Etienne, s’affranchissant d’une exactitude matérielle inutile à sa démonstration, est cependant pénétrante et littérale dans le bon sens du mot ; le premier il a mis en relief dans l’histoire d’Israël le caractère universel du plan divin. Son discours montre qu’il avait approfondi l’esprit de l’Écriture, et que, tout en suivant de préférence les Septante, il n’ignorait pas les traditions plus purement juives, traditions dont il nous est d’ailleurs impossible de contrôler la valeur.

III. Sa mort. — Les Juifs, irrités du discours de saint Etienne, l’entraînèrent hors de Jérusalem et le lapidèrent. Act., vii, 56-58. Le double caractère d’exécution légale et de fureur populaire qu’on remarque dans la mort du premier diacre Etienne est en parfaite conformité avec la situation historique. Les Romains s’étaient réservé le droit du glaive. Les Juifs ont dû choisir une circonstance favorable, par exemple la disgrâce de Pilate, en l’an 35 ou 36, l’absence d’un gouverneur en titre leur laissant plus de liberté. Même alors ils ont dû juger prudent de conduire les choses de manière à s’excuser auprès des Romains sur l’emportement aveugle de la foule, pendant qu’ils gardaient à cause des leurs certaines apparences légales. C’est ainsi qu’ils surent s’exempter de porter un jugement formel tout en procédant à la lapidation selon la loi de Moïse, qui obligeait les témoins à jeter les premières pierres. La mort d’Etienne fut aussi semblable à celle de Jésus que la mort d’un homme peut ressembler à celle d’un homme-Dieu. Jésus lui était apparu dans le tribunal debout pour le soutenir dans la lutte, Act., vii, 55 ; il confessa encore sa divinité en lui remettant son esprit, y. 58, et il expira en priant pour ses bourreaux, y. 59. Il semble que les chrétiens furent empêchés de s’occuper de sa sépulture, et c’est ce que l’auteur des Actes, viii, 2, insinue en mentionnant la persécution qui éclata alors avant de dire qu’Etienne fut enseveli avec une certaine pompe religieuse par « des hommes pieux », probablement des Juifs modérés et sincères, amis personnels du martyr. On ignora le lieu où reposait son corps jusqu’à la révélation accordée au prêtre Lucien, en 415, à Caphargamala, probablement Djemmala, à sept heures au nord de Jérusalem. Ses reliques furent alors transportées dans l’église de Sion, puis dans la basilique que l’impératrice Eudocie fît bâtir, en 4(30, sur le lieu même de la lapidation, d’après le témoignage contemporain de Basile de Séleucie, Orat. xli, t. lxxxv, col. 469, auquel toute la tradition primitive a fait écho. Ce sanctuaire, enseveli dans l’oubli, a été restauré par les Pères Dominicains français, qui ont relevé l’église d’Eudocie tur les premières fondations. Une école d’Ecriture sainte, fondée dans le même lieu, s’efforce de faire revivre l’esprit d’Etienne, dont on a tout dit lorsqu’on l’admire, avec Basile de Séleucie, comme « ayant imité Paul avant Paul lui-même ou plutôt comme ayant été le maître de Paul ». Orat. xli, t. lxxxv, col. 463. L’importance historique et doctrinale d’Etienne est universellement reconnue, et l’accusation de ses ennemis est le titre authentique qui fait de lui le précurseur de l’Apôtre des Gentils. — Voir Karl Weizsàcker, Das Apostolische Zeitalter, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1892 ; J. Jùngst, Vie Quellen der Apostelgeschichte, in-8°, Gotha, 1895 ; M. J. Lagrange, Saint Etienne et son sanctuaire à Jérusalem, in-8°, Paris, 1894. J. Lagrange.

2. ETIENNE (APOCALYPSE D’), œuvre apocryphe qui n’est connue que de nom. Voir Apocalypses apocryphes, t. i, col. 766.

    1. ÉTOFFES##

ÉTOFFES, matières tissées servant à confectionner ;

des vêtements, des tentures, etc. — 1° Les Hébreux employaient pour la fabrication de leurs étoifes la laine, le lin ou byssus, la soie, Ezech., xvi, 10 ; peut-être après la captivité, le coton, Esth., i, 6’voir Coton, col. 1055) ; et pour les étoffes plus grossières, les poils de chèvre et de chameau. Voir Cilice, Coton, Laine, Lin, Soie. Parfois ces étoffes étaient importées chez eux toutes fabriquées. Voir col. 884, 885, 888. — 2° Le tisserand, ’orêg, fabriquait les étoffes communes, voir Tisserand, et les femmes filaient et tissaient à la maison la laine etle lin pour obtenir d’autres étoffes qu’elles pouvaient soit utiliser, soit vendre à leur profit. Exod., xxxv, 25 ; IV Reg., xxxii, 7 ; Prov., xxxi, 13. Dans certaines familles, les femmes avaient réputation d’habileté pour ce genre de travail. I Par., iv, 21. On cousait ensuite les étoffes pour en confectionner des vêtements. Ezech., xvi, 16. — 3° Outre les étoffes communes, les Hébreux savaient façonner ou achetaient des étoffes brodées, voir Broderie, ou de couleurs différentes.

Voir col. 1067.
H. Lesêtre.

1. ÉTOILE (hébreu : kôkâb ; Septante : àavqp ; Vulgate : Stella), en général, tout astre du firmament, aulre que le soleil et la lune, et spécialement ceux qu’on appelle étoiles fixes. Sur les autres étoiles, voir Comète, Planète.

I. Au sens littéral. — 1° C’est Dieu qui a fait les étoiles. Gen., i, 16 ; Ps. viii, 4 ; cxxxv, 9. — 2° Il leur a donné à chacune une grandeur et un éclat différents. I Cor., xv, 41. — 3° Il les a créées en nombre incalculable, et lui seul en connaît le nombre. Ps. cxxxvi, 4. La mullitude des étoiles frappait d’admiration les Hébreux, qui ne pouvaient pas fouiller comme nous les profondeurs du firmament à l’aide du télescope, mais qui, dans un ciel presque toujours pur, apercevaient chaque nuit beaucoup plus d’étoiles que nous n’en voyons à l’œil nu dans nos climats. Avec le sable de la mer, les étoiles servent, dans la Sainte Écriture, à donner l’idée de ce qui est innombrable, et en particulier de la multitude des enfants d’Abraham. Gen., xv, 5 ; xxii, 17 ; xxvi, 4 ; Exod., xxxii, 13 ; Deut., i, 10 ; x, 22 ; xxviii, G2 ; I Par., xxvii r 23 ; IIEsdr., ix, 23 ; Eccli., xliv, 23 ; 1er., xxxiii, 22 ; Dan., iii, 30 ; Nah., iii, 16. — 4° Un ordre admirable règne parmi les étoiles. Jud., v, 20 ; Sap., vii, 19, 29 ; xiii, 2 ; Jer., xxxi, 35 ; Eccli., xi.iii, 10. « Les étoiles donnent la lumière chacune à leur poste, et elles se réjouissent. Ou les appelle, et elles disent : Nous voici, et elles brillent avec allégresse devant celui qui les a faites. » Bar., iii, 31, 35. Sur l’ordre des étoiles, voir Constellations. — 5° Par leur splendeur, leur nombre et leur harmonie, les étoiles chantent la louange du Seigneur, Job, xxxviii, 7 ; Ps. xviii, 1 ; cxlviii, 3 ; Dan., iii, 63. — 6° Un des crimes des idolâtres a été de ne pas reconnaître la nature des étoiles et de rendre les honneurs divins à la « milice du ciel ». Deut., xvii, 3 ; IV Reg., xvii, 16 ; xxi, 3, 5 ; xxiii, 4, 5 ; II Par., xxxm, 3 ; Jer., viii, 2 ; xix, 13 ; Amos, v, 26 ; Soph., i, 5 ; Act., vii, 42. — 7° Dieu est le maître des étoiles, et il peut, quand il veut, voiler leur lumière. Job, ix, 7 ; Is., xiii, 10 ; xxxiv, 4 ; Ezech., xxxii, 7 ; Joël, ii, 10 ; iii, 15. — 8° Aux approches du dernier jugement, il y aura des signes dans les étoiles, Luc, xxi, 25, et les étoiles tomberont du ciel. Matth., xxiv, 29 ; Marc, xiii, 25. Cette chute des étoiles doit s’entendre soit d’un mouvement réel dans le monde sidéral, qui donnera aux étoiles fixes l’apparence d’étoiles filantes, soit d’une violente agitation de la terre, pendant laquelle ses habitants attribueront aux astres le mouvement qui les entraînera eux-mêmes. Il faut d’ailleurs remarquer qu’il n’est point dit que les étoiles tomberont sur la terre. De plus, il n’est pas certain que cette chute des étoiles doive se prendre dans le sens littéral. Dans d’autres passages de la Sainte Écriture, des phénomènes analogues annoncés par les prophètes n’étaient que figuratifs. Agg., ii, 7 ; Joël, ii, 28, 32 ; Is., xiii, 9, 10 ; cf. Apoc, vi, 13 ; viii, 10, 12 ; ix, 1. On pourrait aussi ramener la phrase de S. Matthieu, xxiv, 29 : « Les étoiles tombe

ront du ciel », à celle de S. Marc, xiii, 25 : « Les étoiles du ciel seront tombantes, » et entendre le verbe 7t ; t ; t£iv, cadere, d’un déclin, d’un obscurcissement plus ou moins complet. Cf. Andr. Flachs, De casu stellarum in fine mundi, dans le Thésaurus novus, de Hase et lken, Leyde, 1732, t. ii, p. 282-287. — 9° L’étoile du matin, Eccli., L, 6, est la planète Vénus. Voir LrciFER. Sur les étoiles que mentionne Job, xxxviii, 31, voir Pléiades.

IL Au sens figuré. — 1° Dieu seul-est élevé au-dessus des étoiles, c’est-à-dire souverainement grand. Job, xxii, 12. La créature qui place sa demeure dans les étoiles est animée d’un fol orgueil et mérite une chute humiliante. Abd., 4 ; Dan., viii, 10. — 2° Les étoiles brillantes sont le symbole des justes. Eccli., L, 6 ; Dan., xii, 3. — 3° Les étoiles qui ne sont pas sans tache aux yeux de Dieu désignent les anges. Job, xxv, 5 ; cf. xv, 15. — 4° Les onze étoiles qui adorent Joseph sont ses onze frères, qui doivent s’incliner devant lui en Egypte. Gen., xxxvii, 9. Les sept étoiles de l’Apocalypse, i, 16, 20 ; ii, 1, 28 ; iii, 1, sont les sept Églises auxquelles s’adresse l’Apôtre. Les douze étoiles qui entourent la tête de la femme sont les douze Apôtres et leurs successeurs, peut-être aussi la multitude des fidèles formant les douze tribus du peuple nouveau. Apoc, xii, 1. — 5° L’étoile de Jacob, Num., xxiv, 17, est le Messie, que saint Jean représente comme l’étoile splendide du matin. Apoc, xxii, 16. L’  « étoile de Jacob » désignait si certainement le Messie aux yeux des Juifs, qu’à l’époque du soulèvement de ceux-ci sous le règne d’Hadrien, le chef de l’insurrection entraîna ses compatriotes en prenant le nom de Barcochébas, « fils de l’étoile. » Cf. de Champagny, Les Antonins, Paris, 1875, t. ii, p. 71 ; Fr. Miège, De Stella et sceptro bileamico, dans le Thésaurus noms, t. i, p. 423-435. — 6° Les étoiles qui s’obscurcissent sont le symbole de la tristesse

qui frappe le vieillard. Eccle., xii, 2.
H. Lesêtre.

2. ÉTOILE DÉS MAGES. — I. DONNÉES ÉVANGÉLIQUES.

— Saint Matthieu, ii, 1-12, est seul à raconter l’histoire du voyage et de l’adoration des mages. Voici ce qui, dans son récit, se rapporte à l’étoile. 1° Les mages ont vu son étoile (a-jTOÛ vàv àaripa), l’étoile du roi des Juifs qu’ils viennent adorer. Le texte ne dit pas à quel signe ils l’ont reconnue, si ce signe a été le résultat d’une inspiration intérieure, ou s’il a consisté pour eux dans la conformité de l’apparition stellaire avec certaines données connues d’avance. D’après quelques Pères de l’Église, la prophétie de Balaam : « Une étoile se lèvera de Jacob, » Num., xxiv, 17, aurait été connue en Orient et interprétée dans un sens littéral ; les mages auraient vu dans l’étoile de l’Epiphanie cette étoile prophétique. Origène, Contra Cels., i, 60, t. xi, col. 769-771 (et la note 78) ; Pseudo-Basile, Homilia iii, sanctam Christ i générât., 5, t. xxxi, col. 1464 ; S. Ambroise, In Luc, ii, 48, t. xv, col. 1570. Cette interprétation littérale ne peut pas être admise. L’étoile des mages ne sort pas de Jacob, mais elle apparaît en Orient et conduit à Jacob, au Messie, son descendant. — Saint Augustin, Serm. ca, in Epiph. 3, t. xxxviii, col. 1031, et saint Léon, Serm. xxxiv, in Epiph. iv, 3, t. liv, col. 245, supposent une illumination intérieure avertissant les mages en même temps que l’étoile apparaît. Toujours est-il que les mages parlent en hommes convaincus que l’étoile qu’ils ont vue est son étoile. — 2° Ils ont vu l’étoile « en Orient », dans le pays d’où ils viennent, plus ou moins loin à l’est de Jérusalem. Ils savaient par les prophéties que le Messie devait naître en Judée ; il leur a donc suffi de voir apparaître l’étoile indicatrice pour se déterminer à partir. Le texte ne dit nullement que l’étoile les a accompagnés pendant cette première partie du voyage ; le verbe eïSojjlev, vidimus, est à un temps passé, l’aoriste, et suppose un phénomène qui a déjà cessé. Si d’ailleurs l’étoile avait continué à se montrer pendant le voyage et jusqu’à Jérusalem, les mages auraient pu la faire remarquer à Hérode. — 3° Renseignés

sur le lieu de naissance du Messie, les mages partent de Jérusalem ; « et. voici que l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle arrivât et s’arrêtât au-dessus de l’endroit où était l’enfant. En voyant l’étoile, ils furent remplis de la plus grande joie. » À la manière dont parle l’évangéliste, xal ! 80-J ô à<rrrjp, et ecce Stella, il est évident que la réapparition de l’étoile est inattendue. C’est l’étoile que les mages « avaient vue » en Orient, mais qu’ils n’avaient pas revue depuis leur départ. Sa réapparition les comble de joie, parce qu’elle est le signe qu’ils ne se sont pas trompés et que Dieu les conduit toujours. Cette nouvelle assurance détruit en eux la mauvaise impression qu’avaient pu produire l’ignorance, le trouble et les hésitations d’Hérode et de ses sujets. Par-dessus tout, l’étoile a ceci de remarquable, qu’elle marche devant les mages et s’arrête au-dessus de l’endroit où se trouve l’enfant.

II. Explication du phénomène. — 1° Pour les anciens, l’étoile des mages a été un astre miraculeux. Saint Ignace martyr, Ad Ephes., 19, t. v, col. 753, en dit ce qui suit : « Une étoile brilla dans le ciel avec une splendeur qui l’emporta sur toutes les autres étoiles ; sa lumière était indescriptible, et sa nouveauté frappa de stupeur. Tous les autres astres avec le soleil et la lune firent cortège à l’étoile, et celle-ci étendit sa lumière sur tout le reste. » Cette manière de parler est probablement figurée ; car, si l’étoile des mages avait eu cet éclat merveilleux, d’autres mages en auraient été frappés et les documents de l’époque en feraient mention. — 2° En 1603, l’astronome Kepler observa une conjonction de Jupiter et de Saturne au mois de décembre. Au printemps suivant, Mars se rapprocha des deux planètes précédentes, et à l’automne se montra au milieu de ces trois astres une étoile nouvelle de grand éclat. Kepler supposa que les choses avaient pu se passer de même à l’époque des mages. De fait, il reconnut qu’en l’an 747 de la fondation de Rome, Jupiter et Saturne s’étaient trouvés réunis dans la constellation des Poissons, où Mars était venu les rejoindre au commencement de l’année suivante. Cette conjonction dut attirer l’attention des mages, et une étoile, pareille à celle de 1604, put leur apparaître. « Cette étoile, écrit Kepler, ne faisait partie ni des comètes ordinaires ni des nouveaux astres, car elle fut l’objet d’un miracle particulier, qui la fit mouvoir dans la partie inférieure de l’air. Tant qu’elle parut se lever et se coucher comme les autres, elle attira l’attention des astronomes chaldéens par sa nouveauté, sans leur donner aucune indication particulière. Mais quand ils la virent descendre, s’avancer peu à peu vers l’occident et enfin y disparaître, les mages se décidèrent à la suivre, et, en se rappelant le chemin de l’étoile, ils vinrent en Judée. » Opéra omnia, Francfort, 1858, t. iv, p. 346. — 3° Sepp, La Vie de Noire-Seigneur Jésus-Christ, trad. Oh. Sainte-Foi, Paris, 1861, t. i, p. 92, prend plus à la lettre la conception de saint Ignace. D’après les tables astronomiques, il y a eu aux mois de mai, d’août et de décembre 747, une triple conjonction de Jupiter et de Saturne. « Cette triple conjonction a été accompagnée de l’apparition d’un corps lumineux extraordinaire, ayant un éclat semblable à celui des étoiles fixes, et ce corps lumineux était le résultat de cette constellation si remarquable. » De mars à mai 748, Mars, le soleil, Mercure et Vénus s’approchèrent assez des deux autres planètes pour constituer un ensemble extraordinaire et mystérieux. — 4° D’autres ont voulu reconnaître dans l’étoile des mages une comète, voir col. 876 ; une étoile temporaire, comme celles que purent observer Tycho-Brahé en 1572, Kepler en 1604, et d’autres astronomes depuis lors, etc. Cf. Fr. Miège, De Stella a mayis conspecta, dans le Thésaurus novus, t. ii, p. 118-122 ; Roth, De Stella a niagis conspecta, Mayence, 1865 ; Ideler, Handbuch der mathematischen und technischen Chronologie, Berlin, 1825, t. ii, p. 399.

— 5° Aucune de ces hypothèses ne répond complètement O

aux exigences du texte évangélique. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matthseum, Paris, 1892, p. 85-87. Nul des astres en question ne peut se prêter à la fois à ne paraître qu’en Orient pour disparaître ensuite jusqu’à Jérusalem ; à reparaître tout d’un coup à la sortie de Jérusalem et à suivre pendant plusieurs heures la direction du nord au sud, absolument contraire à toutes les règles astronomiques ; à se tenir assez près du sol pour pouvoir guider des voyageurs ; enfin à s’arrêter net au-dessus d’une maison de Bethléhem. — 6° Toutes ces conditions ont pu, au contraire, être remplies par un simple météore miraculeux suscité par Dieu pour la circonstance. Ce météore a-t-il été une réalité ou une simple apparence ? A-t-il été vu des mages seuls ou de beaucoup d’autres ? Il n’importe. Mais le miracle est indispensable pour rendre compte du récit évangélique. Comme rien n’oblige ici à chercher le surnaturel au delà du strict nécessaire, on doit abandonner l’idée de Kepler faisant mouvoir une vraie étoile dans la partie inférieure de l’air. Un simple météore, un astre qui n’avait de commun avec les autres que l’apparence, a du suffire. La puissance divine l’a conduit, en dehors de toutes les lois astronomiques, pour le faire paraître et disparaître à son gré, le pousser du nord au sud de Jérusalem à Bethléhem, l’abaisser assez pour guider des voyageurs sur une route, et enfin l’arrêter

au-dessus d’une maison.
H. Lesêtre.
    1. ÉTOUPE##

ÉTOUPE (hébreu : ne’drét ; Septante : <ttu7I71 ?ov ; Vulgate : stuppa), résidu qui jyovient du peignage du lin ou chanvre. Les brins de l’étoupe sont si courts, qu’on n’en peut faire de fil solide, et si légers, qu’ils flambent sitôt qu’on les approche du feu. — 1° Les liens avec lesquels on attachait Samson se brisaient sous son puissant effort aussi facilement qu’un fil d’étoupe au contact du feu. Jud., xvi, 9 ; cf. xv, 14. — 2° Isaïe, i, 31, annonce à son peuple coupable que sa force deviendra semblable à l’étoupe. — 3° Lorsque les trois compagnons de Daniel furent jetés dans la fournaise ardente par ordre de Nabuchodonosor, on entretenait la flamme en y jetant sans interruption des étoupes avec du naphte, de la poix et des menues branches. Dan., iii, 46. — 4° L’Ecclésiastique, xxi, 10, compare l’assemblée des pécheurs à un amas d’étoupe (cT-nJmreïov (ruvi, Y(tévov), destinée à périr par le

feu. (Cf. Mal., iv, 1.)
H. Lesêtre.
    1. ÉTRANGER##

ÉTRANGER (hébreu : gêr, par opposition à l’homme du pays, ’ézrâlj ; (ô’sâb, celui qui habite le pays sans y être né, Gen., xxiii, 4 ; zâr, l’étranger dans le sens hostile, Ps. cix (cvm), 11 ; Prov., vi, 1 ; Is., i, 2 ; xxv, 2, 5 ; Jer., li, 2, etc. ; Septante : itpoff^.uxo ; , l’étranger établi dans le pays ; Tripoixoç, àM.oyevfo ; Vulgate : advena, alienigtma, alienus, colonus, peregrinus), habitant de la Palestine qui n’est pas Hébreu de naissance. L’étranger proprement dit, qui n’est pas né en Palestine et qui n’y est pas régulièrement établi, s’appelle en hébreu nokrî.

I. Leur présence au milieu des Hébreux. — Dès le désert, une foule d’étrangers se joignent aux Hébreux fugitifs. Exod., xii, 19. Leur nombre est assez considérable pour que la loi mosaïque ait à s’occuper de régler leur sort. Dans la suite, plusieurs d’entre eux arrivent à occuper des situations importantes’en Palestine. L’Iduméen Doeg est le plus considérable des pasteurs de Saûl. 1 Reg., xxi, 2. Urie l’Héthéen est un des officiers de l’armée de David. II Reg., xi, 6. C’est Oman, le Jébuséen, qui vend à David l’emplacement sur lequel sera bâti le Temple. II Reg., xxiv, 18. Lorsque Salomon entreprend la construction de l’édifice, il fait le dénombrement des étrangers [proselyti) qui habitent sur la terre d’Israël, et il s’en trouve cent cinquante-trois mille six cents en état d’exécuter d’assez rudes travaux. Trois mille six cents d’entre eux sont choisis pour remplir les fonctions de contremaîtres, les cent cinquante mille autres tra vaillent sous leurs ordres. II Par., ii, 17, 18. Les étrangers étaient donc nombreux alors en Palestine, et le sort qu’on leur assurait, même à l’époque des corvées salomoniennes, leur paraissait préférable au séjour dans un autre pays. Il faut remarquer néanmoins que la plus grande partie de ces hommes soumis à la corvée n’étaient pas des étrangers venus d’ailleurs, mais les anciens habitants des pays assujettis par les Israélites.

II. Esprit de la législation a l’égard des étrangers. — De même que le Seigneur ordonne aux Hébreux de bien traiter l’esclave, parce qu’eux-mêmes ont été esclaves en Egypte, Deut., xvi, 12, ainsi il prescrit la bienveillance envers l’étranger, parce que les Hébreux ont été eux-mêmes étrangers en Egypte. Exod., xxii, 21 ; xxm, 9 ; Lev., xix, 34. Une reconnaissance spéciale est même ordonnée envers les Egyptiens, à cause du séjour que les Hébreux ont fait dans leur pays. Deut., xxiii, 7, 8. Il ne faut pas être désagréable à l’étranger, Exod., xxm, 9 ; les Hébreux doivent, au contraire, le traiter comme un indigène et l’aimer comme eux-mêmes. Lev., xix, 33, 34. Car le Seigneur lui-même aime l’étranger et lui donne nourriture et vêtement. Deut., x, 18-19. L’étranger est, en effet, un être faible et sans défense, et, dans bon nombre de textes où ses droits sont réglés, il est mis au même rang que la veuve et l’orphelin. Ces recommandations si bienveillantes sont rappelées dans la suite par les prophètes. On ne doit pas se montrer injuste envers l’étranger, .1er., vii, 6 ; Zach., vii, 10 ; cf. Ezech., xxii, 7 ; on doit le traiter comme l’indigène, Ezech., xlvii, 22 ; c’est le Seigneur qui le garde, Ps. cxlv, 9, et qui entre en jugement contre ses oppresseurs. Mal., iii, 5. La législation mosaïque contraste donc singulièrement, par l’esprit qui l’anime envers les étrangers, avec les coutumes en vigueur chez tous les autres peuples, au milieu desquels l’étranger apparaissait comme un être sans aucun droit et était traité en ennemi, sans nul recours possible contre l’injustice.

III. Droits des étrangers. — 1° Droits civils. — L’étranger a droit à l’égalité devant la justice. C’est là un point sur lequel la loi revient à plusieurs reprises. Lev., xxiv, 22 ; Num., xv, 15 ; Deut., i, 16 ; xxiv, 17 ; xxvii, 19. Les villes de refuge sont ouvertes à l’étranger comme à l’Hébreu, en cas de meurtre involontaire. Num., xxxv, 15. L’iduméen, frère de l’Hébreu, et l’Égyptien peuvent obtenir la naturalisation à la troisième génération. Deut., xxm, 7, 8. L’Ammonite et le Moabite ne peuvent l’obtenir, même après la dixième. Deut., xxiii, 3. Quant aux Chananéens, le mariage est interdit avec eux. Deut., vu, 3. L’étranger qu’on fait travailler a droit à son salaire le jour même. Deut., xxiv, 14, 15. Il peut se vendre comme esclave, Lev., xxv, 45 ; mais il peut aussi avoir des esclaves, même hébreux. Lev., xxv, 35, 47. Voir Esclaves. L’étranger a part aux fruits, grains, raisins, olives, qu’on laisse dans les champs après la récolte, Lev., xix, 20 ; xxiii, 22 ; Deut., xxiv, 19, 20 ; aux produits naturels de la terre pendant l’année sabbatique, Lev., xxv, 6 ; aux festins célébrés à l’occasion du payement des dîmes et des fêtes. Deut., xiv, 29 ; xvi, 11, 14 ; xxvi, 11 ; Tob., i, 7. Il peut manger la bête morte interdite à l’Hébreu. Deut., xiv, 21. Par contre, l’usure, ou plutôt l’intérêt prélevé sur le prêt, défendue vis-à-vis de l’Hébreu, est permise avec l’étranger

okri). Deut., xxiv,

19, 20. — 2° Droits et devoirs religieux. — L’étranger qui s’agrège au peuple hébreu par la circoncision est admis à manger la Pàque. Exod., xii, 48, 49. Voir Prosélyte. S’il n’accepte pas la circoncision, la participation à la Pàque et aux mets provenant des sacrifices lui est interdite. Exod., XII, 45 ; Lev., xxii, 10. L’étranger est soumis aux mêmes prescriptions que l’Hébreu en ce qui concerne la loi morale et la loi rituelle. Il lui est défendu de blasphémer, sous peine de lapidation, Lev., xxiv, 16 ; d’offrir ses enfants à Moloch, Lev., xx, 2 ; de se livrer à certains excès d’immoralité. Lev., xviii, 26. L’idolâtrie 2041

ÉTRANGER — EULARÏ3

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lui est sévèrement interdite. Ezech., xiv, 7. Il ne doit lion plus ni faire œuvre servile le jour du sabbat. Exod., xx, 10 ; Deut., v, 14, ni manger du sang. Lev., xvii, 10. j Il peut aller prier dans le Temple ; au jour de la Dédi- ! cace, Salomon demande à Dieu d’y exaucer les supplications du nohri comme celles de l’Israélite. I (III) Reg., vin, 41. — 3° Il suit de ces différentes prescriptions que l’étranger était considéré en Palestine à peu près comme. l’indigène ; il en avait presque tous les droits civils, et au point de vue religieux, s’il ne consentait pas à embrasser totalement la pratique rituelle, il n’était guère tenu qu’aux préceptes de la religion naturelle. Quelques règles positives s’imposaient seulement à lui, afin de l’empêcher d’être pour les Hébreux un objet de scandale. Aussi Josèphe, Cont. Apion., ii, 28, dit-il avec raison : « Il est bon de considérer avec quelle équité notre législateur a voulu que nous traitions les étrangers. On comprendra que personne n’a jamais mieux pris soin de nous faire maintenir l’intégrité des rites de nos ancêtres, sans cependant nous montrer hostiles à ceux qui désirent participer à notre vie. Il accueille affectueusement tous ceux qui souhaitent vivre sous nos lois, persuadé que cette union ne dépend pas seulement de la race, mais aussi de la communauté volontaire des coutumes. Quant à ceux qui ne venaient à nous qu’en passant et sans dessein arrêté, il ne voulut absolument pas qu’ils fussent admis en notre société. »

IV. Après la captivité. — Les prescriptions de la loi sont maintenues par les prophètes, Zach., vii, 10 ; Mal., m, 5 ; mais, en réalité, l’admission des étrangers dans le corps de la nation se restreint de plus en plus. Les fils d’Israël se séparent des étrangers, II Esdr., ix, 2, et exécutent à la rigueur la loi mosaïque contre les Ammonites, les Moabites, et en général tous ceux qui ne sont pas Israélites. II Esdr., xiii, 1-3. Cet exclusivisme avait alors sa raison d’être. Non seulement les voisins des Juifs s’étaient montrés vis-à-vis d’eux d’une extrême malveillance depuis le retour de la captivité, mais il était à craindre que l’introduction de trop nombreux éléments étrangers au sein de la communauté revenue de l’exil (voir col. 238) n’en altérât profondément le caractère national et religieux. C’est ce qui était arrivé pour les Samaritains. Avec la domination des Séleucides, l’influence étrangère devint nettement idolâtrique. Les Juifs se cantonnèrent alors dans leur isolement. La haine de l’étranger s’accrut ensuite dans leur cœur en proportion des dangers que faisait courir à leur nationalité l’oppression romaine. Tacite, Hist., v, 5, pouvait plus tard les accuser avec quelque raison d’  « aversion hostile à l’égard de tous les autres », adversus omnes alios hostile odium. Cette hostilité se manifeste dans l’Évangile, surtout à propos des Samaritains. Voir Samaritains. Notre-Seigneur réagit contre ces sentiments. Luc, x, 33-37 ; xvii, 18. Enfin, au début de la prédication évangélique, saint Pierre va aux Gentils, sur l’ordre même de Dieu, non sans avoir constaté auparavant que « c’est une abomination pour un Juif d’entrer en rapport avec un étranger, et même d’en approcher ». Act., x, 28. Sous la loi nouvelle, il n’existe plus de distinction entre les. chrétiens, à quelque race qu’ils appartiennent. Rom., i, 14 ; x, 12 ; Gal., iii, 28, etc. Voir A. Bertholet, Die Stellungder Isræliten zu der Freuden, in-8°, Fribourg, 1896.

H. Lesêtre.
    1. ÉTROTH##

ÉTROTH (hébreu : ’A trot), ville de Moab, rebâtie par les fils de Gad. Num., xxxii, 35. L’hébreu porte’Alrûf Sôfdn ; quelques manuscrits seulement ont la conjonction « et », entre les deux mots. Cf. B. Kennicott, Vêtus Tes tamentum /letraicim ?, Oxford, 1776, 1. 1, p. 350. La Vulgate l’a maintenue : Etrothet Sophan ; mais la paraphase chaldaïque donne, comme le texte original, ’Atrôt Sôfan, et le syriaque, ’AtriH Bùfam. On lit de même dans le samaritain : ’Atrôt Sôfim. Les Septante n’ont gardé que le second mot : Codex Vaticanus,

7) Socpip ; Codex Alexandrinus, y ?) 2a>?ip ; Codex Anï’brosianus, Smyiv. Il est donc probable que Sôfdn est un surnom ajouté pour distinguer’Atrôt de’Atârôt du verset précédent. {’Atrôt du reste est à l’état construit, comme dans’Atrôt -’Addâr, Jos., xvi, 5.) Comme la dernière est identifiée avec Khirbet Attarûs, au nordouest de Dibon (Dhibân), on a cru reconnaître la première dans le Djebel Attarûs. Cf. H. B. Tristram, The Land of Moab, in-8°, Londres, 1874, p. 276. Voir Ataroth 1, t. i, col. 1203. Cette identification est possible, si l’on range Étroth dans le groupe Dibon et Aroër ; mais si la ville appartient au groupe suivant, Jazer, Jegbaa, etc., il faut la chercher plus au nord. Rosenmûller, Scholia in Vet. Test., Num., Leipzig, 1824, p. 423, l’assimile à Saphon (hébreu : Sâfôn ; Septante : Saçâv) de Jos., xiii, 27. Voir Sophan, ’Saphon. A. Legenure.

    1. EUBULE##

EUBULE (E’j'ëouXoç, « bon conseiller » ), - chrétien, compagnon de saint Paul. L’Apôtre envoie ses salutations à Timothée. II Tim., iv, 21. Le nom d’EtfoouXo ; était commun chez les peuples qui parlaient le grec. Voir T. Pape, Wôrterbuch der griechischen Eigennamen, 3e édit., 1863-1870, t. i, p. 402. Saint Paul nomme, avec Eubule, Pudens, Lin et Claudia, et il lui donne le premier rang, soit à cause de sa situation sociale, soit à cause de son zèle ou de ses rapports plus intimes avec Timothée. On ne sait rien de sa vie. Les Grecs célèbrent sa fête avec celle de Nymphas, qu’ils qualifient du titre d’apôtres, le 28 février. Voir Acta Sanctorum, februarii t. m (1658), p. 719-720.

EUCHARISTIE. Voir Cène, col. 408.

EU CHER (Saint), évêque de Lyon, mort le 16 novembre 450. D’une illustre famille, il épousa Galla, dont il eut deux fils, saint Salone et saint Véran. Du consentement de sa femme, il embrassa la vie monastique, et se retira près de Lérins, dans l’île de Léro ou de Sainte-Marguerite. Vers l’an 435, il devint évêque de Lyon. L’opinion la plus sérieuse place sa mort en l’an 450. Parmi les écrits de ce saint, un des plus grands prélats du Ve siècle, on remarque un ouvrage intitulé Formularum spiritalis intelligentise liber unus, et adressé à son fils Véran. C’est une explication de divers termes ou façons de parler de l’Écriture Sainte. Il dédia à son autre fils Salonius un autre écrit divisé en deux livres : Instructionum ad Salonium libri duo. Le premier, qui procède par demande et par réponse, a pour titre : De qusestionibus difjicilioribus Veteris Testamenti ; le second : Hebrseorum nominum interpretatio. Le cardinal Pitra, au t. ii, p. 400, du Spicilegium Solesmense, publie en outre, comme étant de saint Eucher, un petit ouvrage : Formulée minores, où ce saint évêque donne le sens allégorique de certains mots employés dans les Livres Saints. On attribue encore à cet auteur, mais sans raison suffisante, des commentaires sur la Genèse et sur les livres des Rois. Au tome L de la Patrologie latine de Migne se trouvent les œuvres de saint Eucher, d’après l’édition publiée en 1618 par le jésuite André Schot. — Voir Mabillon, Acta sanctorum Ord. S. Benedicti, t. i, p. 248 ; Histoire littéraire de la France, t. ii, p. 275 ; Pitra, Spicilegium Solesmense, t. iii, p. xviii, 400 ; Migne, Patrologie latine, t. L, col. 685-1212 ; Guilloud, S. Eucher, Lérins et l’Église de Lyon au Ve siècle, in-8°, Lyon, 1881 ; Mellier, De Vita et scriptis S. Eucherii Lugdunensis episcopi, in-8°, Lyon, 1888.

B. Heurtebize.
    1. EULARD Pierre##

EULARD Pierre, jésuite belge, né à Linguehenlez-Aire (Pas-de-Calais) le Il février 1564, mort à Halle le 24 octobre 1636. Entré au noviciat des Jésuites le 5 novembre 1585, il fut pendant vingt-quatre ans aumônier des troupes espagnoles. On a de lui : Bibliorum Sacrorum coiicordantise morales et historiés… Cum appea

dice ex Silva aUegoriarum F. Hieronymi Laureli Benedictini et ex, Georgii Bulloci Œconomia concordantiarum, in-4°, Anvers, 1625. C. Sommervogel.

    1. EUMÈNE II##

EUMÈNE II (EùjiévYi ; ), roi de Pergame, fils et successeur d’Attale I er (fig. 621). Eumène monta sur le trône à la mort de son père, en 197 avant J.-G. Gomme lui, il fut ami des Romains. I Macli., viii, 8 ; Strabon, XIII, IV, 2. Ceux-ci, après la défaite de Philippe V, roi de Macédoine, firent présent à Eumène des villes d’Oreus et d’Érétrie en Eubée. Tite Live, xxxiii, 34. En 191, le roi de Pergame aida les Romains à combattre la Hotte d’Antiochus III le Grand, roi de Syrie, Tite Live, xxxvi, 43-45, et l’année suivante il leur fournit un " contingent de troupes, qu’il commanda en personne à la bataille de Magnésie. Tite Live, xxxvii, 39-44 ; Justin, xxxi, 8 ; Appien, Syriac, 34. Après la paix, Eumène alla à Rome, et le sénat lui fit don de la Chersonèse de Thrace, des deux Phrygies, de la Mysie, de la Lycaonie, de la Lydie et de l’Ionie. Tite Live, xxxvii, 56 ; xxxviii, 39 ; Polybe, xxii, 27 ; Appien, Syriac, 44 ; Strabon, XIII, iv, 2. C’est à. ce don qu’il est fait allusion dans I Mach., viii, 8. Le texte reçu dit que le don comprit le pays des Indes, la Médie, la Lydie et les meilleures contrées appartenant à

621. — Monnaie d’Eumène II, roi de Pergame. Tête diadémée d’Eumène II, à droite. — sf. BASIAEQiJ ETMENOT. Les Dloscures debout, tenant dans leurs mains ta lance et la clilamyde. Le tout dans une couronne de lauriers. British Muséum.

Antiochus. Cependant ni l’Inde ni la Médie ne paraissent avoir jamais appartenu au roi de Syrie. Pour expliquer ce passage, on a supposé que le mot Médie était une faute de copiste pour Mysie, na au lieu de idd, et que le mot’Iv51xï|v était une mauvaise leçon pour’Iwviiujv, que donnent certains manuscrits. Cf. Josèphe, Ant. jud., XI, x, 9. On peut remarquer aussi que le texte des Machabées ne fait ici que rapporter des bruits populaires, qui s’étaient répandus en Palestine sur la puissance romaine. Eumène II épousa une fille d’Ariarathe IV, roi de Cappadoce. Tite Live, xxxviii, 39. En 172, Eumène alla de nouveau à Rome. À son retour, il fut traîtreusement attaqué par Persée, roi de Macédoine. Tite Live, XLii, 11-lC. La fin de son règne fut troublée par des guerres contre Prusias, roi de Rithynie. Les Romains excitèrent contre lui son frère Attale. Eumène réussit cependant, grâce à son habileté, à rester en bons termes et avec son frère et avec les Romains. Tite Live, xlv, 19, 20 ; Polybe, xxx, 1-3 ; xxxi, 9 ; xxxii, 5. Il mourut probablement en 159. Eumène embellit la ville de Pergame, où il construisit des temples magnifiques et de nombreux monuments. Il y fonda une magnifique bibliothèque, rivale de celle d’Alexandrie. Strabon, XIII, iv, 2 ; Pline, H. N., xxii, 11. Voir Pergame. Eumène reçut les honneurs divins. E. Beurlier, De divinis honoribus quos acceperunt Alexander et successores ejus, in-8°, Paris, 1890, p. 100.

E. Beurlier.

    1. EUNICE##

EUNICE (Eilvréri, « celle qui remporte facilement la

victoire » ), mère de Timothée, disciple de saint Paul, et

probablement fille de Lois. II Tim., i, 5. On rencontre

ce nom dans la mythologie groi/quo, où il est donné à

l’une des cinquante Néréides. Hésiode, Theog., 247 (E-jvî ; xv, ) ; Théocrite, xiii, 45 (Eivsîxa). La mère de saint Timothée est louée à cause de sa foi, dans la seconde Epître que l’Apôtre écrit à son disciple. II Tim., i, 5. Saint Luc, sans la nommer par son propre nom, nous apprend dans les Actes qu’elle était une chrétienne d’origine jaive mariée à un "E).).t]v, c’est-à-dire à un païen. Act., xvi, 1-2. Quoique cela ne soit pas dit expressément, c est elle sans doute qui avait élevé Timothée dans la piété et dans l’étude des Saintes Lettres. II Tim., iii, 15. Les mariages avec des étrangers avaient été interdits par Esdras, I Esdr., x, 2 ; mais ils étaient tolérés parmi les Juifs de la dispersion. — Le manuscrit cursif 25, dans la mention qui est faite de la mère de Timothée, Act., xvi, 1, ajoute qu’elle était veuve, yj t pxç. — ; Elle avait été sans doute convertie au christianisme par saint Paul, lors de son premier voyage à Lystre. F. Vigodrodx.

    1. EUNUQUE##

EUNUQUE (hébreu : sârîs ; Septante : eùvo’j-/o ; , <racc<5mv, Gen., xxxvii, 36 ; Is., xxxix, 7 ; Svvâa-rr) ; , Jer., xxxiv, 19 ; Vulgate : eunuchus, spado), celui qu’une mutilation a rendu impropre au mariage.

I. Chez les anciens peuples. — La mutilation de l’homme a été chez les anciens une des conséquences de

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622. — Eunuque égyption.

Tombeau d’Apoui, Mémoires de la mission archéologique <w Caire, t. v, pi. il.

la polygamie et de la jalousie des princes et des grands, désireux de garder pour eux seuls tous les droits à la débauche. On faisait eunuques non seulement de jeunes enfants, mais encore des jeunes gens ayant atteint l’âge de puberté. Hérodote, iii, 49 ; vi, 32. Les conséquences de la mutilation étaient souvent pour ces malheureux l’effémination et la dégradation du caractère, le penchant à la méchanceté, le développement de tous les vices, souvent la mélancolie et la disposition au suicide. Physiquement, quand la santé résistait aux suites de l’opération pratiquée à un certain âge, le corps prenait cet aspect obèse, lourd et vulgaire, sous lequel les anciens monuments représentent les eunuques (lig. 622). La Sainte Écriture mentionne les eunuques : 1° En Egypte. Les deux officiers du pharaon que Joseph trouva dans la prison étaient eunuques. Gen., XL, 1. Putiphar, auquel fut vendu le fils de Jacob, était eunuque et chef des gardes, Gen., xxxvii, 36 ; xxxix, 1 ; de plus il était marié. Gen., xxxix, 7. Ce dernier renseignement a donné à penser qu’il fallait prendre le titre d’  « eunuque », donné à Putiphar, dans le sens général de fonctionnaire attaché au service du prince. Dans toutes les langues, certains mots perdent leur sens étymologique pour désigner une fonction, une dignité, qui n’a plus rien de commun avec la signification primitive du mot. Tels sont en français les titres de connétable, maréchal, camérier, etc. Dans ce passage de la Genèse, le sârîs ne serait donc qu’un fonctionnaire royal, un Suvia-rv] ; , comme traduisent une fois les Septante. Jer., xxxiy, 19. Toutefois il n’est pas nécessaire d’écarter

le sens littéral d’eunuque en parlant de Putiphar. Il y a aujourd’hui des eunuques possédant un harem en propre, et les auteurs anciens parlent plusieurs fois d’eunuques mariés. Térence, Eunuch., IV, iii, 24 ; Juvénal, Sat., vi, 366 ; Philostrate, Apoll., i, 37 ; dans la Misclma, Jebam. , viii, i ; Chardin, Voyages en Perse, Amsterdam, 1735, t. iii, p. 397. En Egypte même, le Roman des deux frères, du XVe siècle avant J.-C, raconte que le dieu Khnoum fit une compagne pour Bitiou, pourtant devenu eunuque. Maspero, £eco » (e des deux [frères, dans la Revue des cours littéraires, Paris, 28 février 1871, p. 782 ; Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. ii, p. 25. — 2° En À ssyrie, les eunuques sont représentés sur lesplus anciens monuments, où on les reconnaît à leur visage imberbe. Voir 1. 1, fig. 312, 314, 321, 326, etc. Ils sont nombreux et occupent de hautes fonctions, commandent à la guerre, reçoivent les prisonniers et les têtes des morts après le combat, font partie du cortège royal, jouent un rôle important dans les cérémonies sacrées, etc. Ammien Marcellin, XIV, vi, 17, et Claudien, In Eutrop., i, 339-342, attribuent même à Sémiramis l’institution des eunuques. Ce que les anciens racontent de cette reine est une fable, mais elle prouve au moins que les eunuques remontaient à une époque très reculée en Assyrie. — Sous Ézéchias, Sennachérib envoie plusieurs de ses officiers sous les murs de Jérusalem pour demander la reddition de la ville ; parmi eux s’en trouve un du nom de Rabsaris, ce qui peut signifier en hébreu « chef-eunuque » ou chef des eunuques. IV Reg., xviii, 17. C’est ainsi qu’on a, en effet, expliqué ce mot jusqu’à ces dernières années ; mais un document assyrien du British Muséum montre qu’il signifie réellement « chef des princes ». Voir Aspiienez, t. i, col. 1124 ; F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 23. C’est de la même manière qu’il faut traduire le titre de rab ou sar has-sârishn, dans Dan., i, 3, 7, quoique la Vulgate l’ait rendu par prœpositus eunuchorum. Dieu avait fait annoncer que les fils de Juda seraient déportés à Babylone pour devenir eunuques, Is., xxxix, 7 ; IV Reg., xx, 18 ; mais rien n’autorise à penser que Daniel et ses compagnons aient été ainsi traités. — 3° En Perse, les eunuques remplissent la cour du prince, Esth., i, 10, 15 ; vi, 2 ; vii, 9 ; ils ont la garde du gynécée, Esth., ii, 3, 14 ; iv, 4, 5 ; sont portiers du palais. Esth., ii, 21, etc. — 4° En Ethiopie, les eunuques sont nombreux et vont en service dans les autres pays. Jer., xxxviii, 7 ; xii, 16. Le livre des Actes, viii, 27-39, raconte la conversion de l’eunuque de la reine Candace, au retour de son pèlerinage à Jérusalem. — 5° Chez les Grecs et les Romains, la ^multiplication des eunuques et les excès qui en résultèrent devinrent tels, que Domitien et Nerva furent obligés de porter plusieurs édits pour remédier au mal. Suétone, Domitian., 7. Cf. G. Surbled, La morale dans ses rapports avec la médecine et l’hygiène, Paris, 1892, 1. 1, p. 204213. Sous Hérode, qui s’appliquait à acclimater les mœurs grecques parmi les Juifs, les eunuques eurent en Palestine la même faveur que dans le reste de l’empire. Mariamne avait pour favori un eunuque. Josèphe, Ant.jud., XV, vii, 4. Hérode lui-même entretenait près de sa personne d’élégants eunuques, dont l’un veillait à ses breuvages, l’autre à sa table, un troisième à son sommeil. Ce dernier ajoutait à sa charge le soin des affaires les plus importantes du royaume. Josèphe, Ant.jud, , XVI, viii, 1. II. Chez les Israélites. — 1° La mutilation soit des animaux, Lev., xxii, 24, soit de l’homme, Deut., xxiii, 1, était sévèrement défendue par la loi mosaïque, la seule qui dans l’antiquité se soit opposée à cette atteinte portée à la personne humaine. Voir Castration, et Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 40. — 2° Cependant Samuel annonce aux Israélites que le roi futur aura des eunuques. I Reg., vm, 15. De fait, les eunuques apparaissent à la cour dès le temps de David. I Par., xxviii, 1. Leur présence est ensuite signalée sous Achab, roi d’Israël, III Reg., xxii, 9 ;

sous Joram, roi d’Israël, IV Reg., viii, 6 ; sous Jézabel, IV Reg., ix, 32 ; sous Amon, roi de Juda, IV Reg., xxm, 11 ; sous Joachin, roi de Juda, IV Reg., xxiv, 12 ; Jer., xxix, 2, et jusqu’à la prise de Jérusalem par les | Chaldéens. Jer., xxxiv, 19 ; iii, 25. C’est même un j eunuque qui est à la tête de la force armée au moment j de la reddition de la ville. IV Reg., xxv, 19. On n’a pas le droit de conclure de là que la loi du Deutéronome était tombée en désuétude ou violée ouvertement, ce qui serait absolument inadmissible à l’époque de David. Ces eunuques sont donc ou des étrangers qui, déjà mutilés, se mirent au service des Israélites, ou, bien plus probablement, de simples fonctionnaires qui portaient un nom généralement en usage chez les autres peuples, mais dont la signification littérale n’était pas applicable en Israël. D’ailleurs les prophètes n’adressent aucun reproche à ce sujet, et ils auraient certainement parlé haut si la loi mosaïque avait été violée sur ce point dans l’entourage même des rois.

III. Les eunuques spirituels. — 1° La mutilation corporelle n’éteint point les passions. Eccli., xx, 1 ; xxx, 21. Cf. S. Jérôme, Epist. cru, ad Lœt., 11, t. xxii, col. 876.

— 2° L’eunuque spirituel est celui qui combat les instincts de la nature par la pratique de la chasteté. Celui-là aura

; part au royaume de Dieu. Is., lvt, 3-5 ; Sap., iii, 14.

Notre -Seigneur, parlant des eunuques, dit que les uns i sont tels par naissance, c’est-à-dire par défectuosité natu : relie ; les autres le sont par la malice des hommes, ce i sont les eunuques proprement dits ; enfin d’autres « se I mutilent eux-mêmes en vue du royaume des cieux ». Matth., xix, 12. Il y aurait suprême inconvenance à prétendre que Notre-Seigneur préconise la mutilation corporelle, défendue par la loi naturelle et la loi mosaïque, comme conditionpour entrer dans le royaume des cieux. Il s’agit ici du retranchement spirituel, qui fait renoncer à l’usage même légitime des droits de la chair, pour

conduire à la pratique de la virginité.
H. Lesêtre.
    1. EUPATOR##

EUPATOR, surnom d’Antiochus V, roi de Syrie. I Mach., vi, 27 ; II Mach., ii, 21 ; x, 10, 11 ; xiii, l. Voir Antiochus 4, t. i, col. 700.

    1. EUPHRATE##

EUPHRATE (hébreu : Perât ; Septante : Eiçpair ;  ; ), fleuve de l’Asie occidentale.

I. Description du cours de l’Euphrate. — L’Euphrate est pour les anciens le grand fleuve, le fleuve par excellence. C’est le nom que lui donnent les Assyriens : Purattu ou Burattu. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paraclies ? in-12, Leipzig, 1881, p. 169-173. D’après Josèphe, Ant. jud., i, i, 3, le mot Perât a pour étymologie le verbe pârah, qui signifie « être fertile ». Les premiers habitants de la Chaldée l’appelaient Pura-nunu, « la grande eau, » et Pura, « l’eau. » Les Grecs et les Romains lui donnent le sens de « flèche ». Strabon, XI, xiv, 8 ; Pline, H. N., vi, 127 ; Quinte -Curce, IV, ix, 6. Cette étymologie est d’origine persane. G. Waspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, in-8°, t. i, 1895, p. 548. La forme grecque’EvçpâfïK vient du persan Ufratu. — L’Euphrate, le fleuve le plus considérable de l’Asie occidentale, prend sa source en Arménie, sur les flancs du Niphatès, chaîne de montagnes où se rencontrent des neiges éternelles, et située entre la mer Noire et la Mésopotamie. Voir la carte de l’Assyrie, 1. 1, vis-à-vis de la col. 1149. Le fleuve coule de l’est à l’ouest jusqu’à Malatîyéh, puis il tourne brusquement au sud-ouest, traverse le Taurus et s’incline ensuite vers le sud-est. Il se réunit au Tigre vers le village de Kornah et forme avec lui le Shatt-el-Arab, qui se jette dans le golfe Persique. Les principaux affluents de l’Euphrate sont, dans la partie supérieure, le Kara-Sou, « la rivière noire, » qui a souvent été confondu avec lui. C’est’Arzania des inscriptions assyriennes, nom que les Grecs ont transcrit sous la forme Arsanias et appliqué à l’autre bras de l’Euphrate, le Mourad-Sou. Frd. Delitzsch, Wo lag das

Paradies ? p. 182-183. Dans son cours moyen, il reçoit le Sadjour sur la rive droite. C’est le Sagoura ou Sagouri des textes assyriens. E. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, in-8°, Giessen, 1878, p. 220. Sur la rive gauche, il reçoit le Balikh et le Khabour. Le Ealikh s’appelle en assyrien Balikhi, en grec BiXixa ou BO.0-/0 ; . Le Khabour a conservé son nom depuis les temps

coup plus rapide dans l’antiquité. L’Euphrate est navigable depuis Souméisat. Il est sujet à des débordements annuels, qui commencent au mois de mars, au moment où fondent les neiges des montagnes d’Arménie, et atteint sa plus grande hauteur à la fin de mai. La baisse des eaux commence au mois de juin et se termine au mois de septembre. La plaine que traverse l’Euphrate est une

Tellï

Warha /

(Mughéir Uru

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023. — Carte du cours de l’Euphrate.

les plus anciens. Les Grecs le désignaient sous le nom de Xa6<ipc< ; . Frd. Delitzseh, Wo lag das Paradies ? p. 183. Cf. G. Jlaspero, Histoire ancienne, t. i, p. 349. L’Euphrate et le Tigre charrient des boues qui se déposent à l’embouchure du Shatt-el-Arab et font avancer le rivage d’environ seize cents mètres par soixante-dix ans. "W. K. Loftus, Travels and Researches in Chaldœa and Susiana, in-8°, Londres, 1856, p. 282 ; H. Raulinson, Journal of the Geographical Society, t. xxvii (1857), p. 186. H. Kiepert, Lehrbuch der alten Géographie, in-8°, Leipzig, 1874, p. 138, n° 2, et G. Raulinson, The five great monarchies of the Eastem world, 4e édit., in-8°, Londres, t. i, p. 4-5, pensent que le progrès était beau lande plate, interminable, sans que le moindre accident de terrain en rompe la monotonie ; des groupes espacés de palmiers et de mimosas grêles, entrecoupés de lignes d’eau scintillant à distance, puis de longs tapis d’absinthe et de mauves, des échappées infinies de plaine brûlée ; un sol partout uniforme d’argile lourde, grasse, d’où les arbrisseaux et les herbes sauvages jaillissent chaque année au printemps. Une pente presque insensible l’abaisse lentement du nord au sud vers le golfe Persique. L’Euphrate s’y promène, indécis et changeant, entre des berges fondantes, qu’il remanie de saison en saison. Il y perce des rigoles dont la plupart s’empâtent par le délayement de leurs bords presque aussitôt for

mes. Les joncs y pullulaient au temps des Assyriens en fourrés gigantesques. Ils atteignaient quatre ou cinq mètres de haut. Ils croissaient dans des bancs de vase putride. Les Babyloniens avaient dérivé les eaux du fleuve dans de nombreux canaux, avec lesquels ils arrosaient le limon charrié par les eaux et lui faisaient produire des récoltes extrêmement abondantes. L’Ecriture fait allusion à ces canaux dans plusieurs passages : Ps. lxxxix (lxxxviii), 25 ; cxxxviii (cxxxvii), I ; Is., xliv, 27 ; xlvii, 2 ; Ezech., xxxi, 4, 15 ; Nahunr, i, 4 ; ii, 6. — Le climat de la plaine est très doux, sauf le matin, en hiver, où apparaît sur le fleuve une légère couche de glace, qui se fond aux premiers rayons du soleil. Il y pleut abondamment pendant six semaines, en novembre et en décembre. Depuis le mois de mai jusqu’au mois de novembre, la chaleur est lourde et rend les hommes et les animaux incapables de tout travail. G. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 551-554 ; Elisée Reclus, Géographie universelle, gr. in-8°, Paris, 1884, t. ix, p. 377 ; Col. Chesney, The Expédition of the Survey of the rivers Euphrates and Tigris, in-8°, Londres, 1850 ; Strabon, II, i, 23, 26, 36, 38 ; XI, xiv, 2, 3 ; XVI, i, 9, 10, 22 ; iii, 0, etc.

II. L’EUPHRATE DANS i/ÉCRITURE SAINTE. — Elle le

désigne assez souvent par son nom, Gen., ii, 14 ; xv, 18 ; Deut., i, 7 ; xi, 24 ; Jos., i, 4 ; II Sam. (II Reg.), viii, 3 ; IV Reg., xxiii, 29 ; xxiv, 7 ; I Par., v, 9 ; xviir, 3 ; Jer., xlvi, 2, G, 10 ; mais plus fréquemment encore simplement comme « . le fleuve » par excellence, han-nahar. Gen., xxxi, 21 ; xxxvi, 37 (voirRoHOBOTH) ; Exod., xxiii, 31 ; Num., xxii, 5 ; Jos., xxiv, 2 ; II Sam. (II Reg.), x, 16 ; III Reg., iv, 21, 24 ; xiv, 15 ; I Par., i, 48 (voir Rohoboth ) ; xix, 16 ; II Par., ix, 26 ; II Esdr., ii, 7, 9 ; iii, 7 (désignation géographique dans ces trois passages, de même que dans les deux passages suivants des Psaumes) ; Ps. lxxii (lxxi), 8 ; lxxx (lxxix), 12 ; Is., viii, 7 ; xi, 15 ; ’xxvii, ’12 ; xlviii, 18 ( ?) ; lix, 19 ( ?). La première mention de l’Euphrate se trouve dans la Genèse, ii, 14. C’est un des quatre fleuves qui coulent dans le paradis terrestre et sortent d’une source commune. — Lorsque Dieu fit alliance avec Abraham, il lui donna le pays qui s’étend depuis le fleuve d’Egypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve d’Euphrate. Gen., xv, 18. Voir aussi Exod., xxiii, 31. — Moïse rappelle cette promesse dans le Deutéronome, i, 7 ; xi, 24 ; Dieu la renouvelle à Josué. Jos., i, 4. — Jacob traverse l’Euphrate lorsqu’il retourne de Mésopotamie en Palestine. Gen., xxxi, 21. Balaam habitait près de l’Euphrate. Num., xxii, 5. Josué, xxiv, 2, rappelle aux Hébreux que leurs pères habitaient autrefois au delà de l’Euphrate. La tribu de Ruben, avant l’époque de Saùl, s’étendit jusqu’à l’Euphrate. I Par., v, 9. — L’expédition de David conlre Adarézer, roi de Soba, dans le pays d’Émath, eut pour effet d’assurer sa domination sur la rive droite du fleuve. I Par., xviii, 3 ; xix, 16 ; cf. II Reg., vm, 3-8 ; x, 16. L’Euphrate formait aussi la limite nordest du royaume deSalomon. III Reg., iv, 21, 24 ; cf. II Par., IX, 26. Après le schisme des dix tribus, le prophète Ahias fait annoncer à Jéroboam, roi d’Israël, que ses sujets seront déportés au delà du fleuve (l’Euphrate), III Reg., xiv, c’est-à-dire en Assyrie. — Lors de l’expédition de Kéchao II, roi d’Egypte, contre les Assyriens, sous le règne de Josias, IV Reg., xxiii, 29, ce prince vint à Charcamis, sur le bord de l’Euphrate. II Par., xxxv, 20. Il s’en empara ; mais, trois ans après, les Babyloniens, qui avaient succédé aux Assyriens, firent sous Nabuchodonosor une expédition contre Néchao et défirent l’armée qu’il avait laissée à Charcamis. Jer., xlvi, 2, 6, 10. Depuis lors les Égyptiens ne reparurent plus dans ce pays, et le roi de Babylone posséda, depuis le Torrent d’Egypte jusqu’à l’Euphrate, tout ce qui avait appartenu au roi d’Egypte. IV Reg., xxiv, 7. — Les prophètes se servent souvent du nom de l’Euphrate pour désigner la puissance du roi de Babylone, comme ils se servent du nom du Nil pour désigner celle du roi d’Egypte. Is., viii, 7 ; xi, 15 ; xxvii, 12 ;

LIGT. DE LA BIBLE.

Jer., ii, 18. Les malédictions de Jérémie, L, 38 ; li, 26, qui appellent la sécheresse contre les eaux du fleuve, s’appliquent à l’Euphrate. Le même prophète, d’après l’interprétation ordinaire, cacha une ceinture de lin symbolique sur le bord du fleuve où elle pourrit, pour montrer qu’Israël serait rejeté de Dieu, comme un objet devenu sans valeur. Jer., xiii, 4-7. C’est en faisant lancer par Saraïas dans l’Euphrate le rouleau de ses prophéties attaché à une pierre qu’il annonça la ruine de Babylone. Jer., li, 63. L’Euphrate avec ses canaux formait « les fleuves de Babylone », sur les bords desquels les Israélites captifs pleuraient en se rappelant Sion. Ps. cxxxviii (Vulgate, cxxxvi), 1. — Le livre de Judith, 1, 6, mentionne à la onzième année du règne de Nabuchodonosor un combat livré par ce prince contre Arphaxad, roi des Mèdes, dans les environs de l’Euphrate. Holopherne traversa l’Euphrate pour se rendre en Mésopotamie. Judith, ii, 14. Au temps de Judas Machabée, « le pays qui va de l’Euphrate au fleuve d’Egypte » est une des provinces appartenant au roi de Syrie. I Mach., iii, 32. Antiochus traverse le fleuve pour aller d’Antioche vers les régions supérieures de son royaume. Enfvi dans l’Apocalypse, ix, 14, le sixième ange délie les anges qui sont attachés dans le grand fleuve de l’Euphrate, et il répand le contenu de sa phiala dans le lit du fleuve, pour le dessécher et préparer la voie aux rois qui viennent de l’Orient. Apoc, xvi, 12. L’Ecclésiastique, xxiv, 36, compare l’abondance de la sagesse de Salomon aux eaux de l’Euphrate.

E. Beurlier.

    1. EUPOLÈME##

EUPOLÈME ( E-jir6Xc[i.oç, « bon guerrier » ), un des

ambassadeurs envoyés à Rome par Judas Machabée, après sa victoire sur le général syrien Nicanor, afin de conclure une alliance entre les Juifs et les Romains, vers 161 avant notre ère. I Mach., viii, 7 ; Il Mach., iv, 11. Son père s’appelait Jean et son grand-père Accos (Vulgate : Jacob ; voir 1. 1, col. 115). On connaît par Alexandre Polyhistor, Clément d’Alexandrie, Strom., i, 21, 23, t. viii, col. 877, 900, et Eusèbe, Prssp. evang., ix, 3034, t. xxi, col. 748-753, un écrivain grec de ce nom qui avait composé une histoire des Juifs, vers 157. Josèphe, Cont. Apion., i, 23, suppose que cet écrivain était païen. Cependant comme il est vraisemblable que seul un Juif a pu écrire à cette époque une histoire de ce peuple, beaucoup croient (Eusèbe, H. E., vi, 13, t. xx, col. 548 ; S. Jérôme, De vir. M., 38, t. xxiii, col. 653), malgré quelques contradicteurs, en s’appuyant sur l’identité de nom et d’origine et sur le rapprochement des dates, que l’Eupolème des Machabées est le même que l’historien Eupolème. J. Freuienthal, Hellenistische Stvdien, i-n. Alexander Polyhistor, in-8°, Breslau, 1875, p. 82-130, 208-215, 225230 ; E. Schùrer, Geschichte des jiïdischen Volkes, 1. 1, 2e édit., 1890, p. 147, 172 ; t. ii, 1886, p. 733-734 ; Gutschmid, Zeit und Zeitrechuung der jùdischen Historiker Demetrius und Eupolenws, dans les Jahrbïicher fûrprot. Théologie, 1875, p. 749-753.

F. VlGOL’ROUX.

    1. EUROAQUILON##

EUROAQUILON (grec : texte reçu, EipoxÀ-Jîuv ; Codex Sinaiticus et Alexandrinus, Eùpctxv).v ; Vulgate : Euroaquilo), vent est-nord-est. Lorsque le navire qui portait saint Paul à Rome se trouva à la hauteur du cap Matala (voir la carte de Crète, col. 1113), il s’éleva un vent violent, nommé Euraquilon, qui l’emporta vers l’île appelée Cauda. Act., xxvii, 14-15. Le texte reçu porte EOpoxVjSuv, mais les meilleurs manuscrits donnent Eùpav.’JXwv, ce qui est conforme à la traduction de la Vulgate. R. Bentley, Remarks on a late discourse on freethinking, in-12, Londres, 1717, p. 97. Le nom de l’Euroaquilon est du reste inconnu en dehors de ce passage. Le mot Eurns est ici employé dans le même sens que dans Aulu-Gelle, Noct. attic, II, xxxii, et dans les poètes latins en général, pour désigner le vent d’est ; l’aquilon est le vent du nordest. Le mot Euroaquilo est analogue au terme j grec E-jp6voTo ; , qui désigne le vent intermédiaire entre

II. - 65

l’Eurus et le Notus, c’est-à-dire lèvent du sud-sud-est. Jules Vars, L’art nautique dans l’antiquité, in-12, Paris, 1887, p. 204-208. Cf. pl. à la page 32. La marche de ce vent est décrite par saint Luc avec des détails d’une grande précision et d’une parfaite exactitude. Smith, Voyage and Shipwreck of St. Paul, Londres, 1856, p. 97, 144, 245 ; Conybeare et Howson, Life and Epistles of St. Paul, Londres, 1856, t. ii, p. 401, 402.

E. Beurlier.

EUROCLYDON (Εὐροκλύδων), nom donné, dans le textus receptus grec, au vent appelé par la Vulgate Euroaguilo. Act., xxvii, 14. Voir Euroaquilon.


EUSÈBE, évêque de Césarée en Palestine, dit Eusèbe de Pamphile, naquit en 265. Palestinien d’origine, il vint tout jeune se fixer à Césarée, où il jouit longtemps des leçons du prêtre Pamphile, qui y avait ouvert une école théologique célèbre. Dans sa reconnaissance pour son maître, il voulut s’appeler Εὐσέβιος τοῦ Παμφίλου. Lorsque, pendant la persécution de Maximin, Pamphile fut emprisonné pour la foi, Eusèbe l’accompagna dans sa détention jusqu’en 309, date du martyre de Pamphile. Après la mort de son maître, Eusèbe quitta Césarée et s’enfuit à Tyr et en Égypte. Il fut pourtant arrêté et passa dans les fers un temps indéterminé. En 313, il fut élevé sur le siège de Césarée. Très lié avec l’empereur Constantin, il se montra assez faible dans la question de l’arianisme ; mais toutefois au concile de Nicée, en 325, il souscrivit à la formule de l’ὁμοούσιος. En 330, Eusèbe prit part au synode d’Antioche, et, en 335, à celui de Tyr. Il réapparaît ensuite dans les annales de l’histoire pour célébrer par un discours, cette même année 335, la fête du trentenaire de l’avènement de Constantin et, en 337, pour faire son oraison funèbre. Il mourut quelques années plus tard, probablement vers 340. — L’activité littéraire d’Eusèbe fut immense au témoignage de S. Jérôme, De vir. ill., 81, t. xxiii, col. 689. Nous n’avons à signaler ici que l’œuvre exégétique d’Eusèbe. On peut y distinguer ce qui se rapporte à l’exégèse générale et à l’exégèse spéciale.

I. Exégèse générale. — 1o  On lit dans la Vie de Constantin écrite par Eusèbe, Vita Constantini, iv, 36, t. xix, col. 1185, que l’empereur demanda à son ami Eusèbe de faire écrire, à l’usage des églises de Constantinople, cinquante exemplaires de la Bible. Eusèbe, loc. cit., iv, 37, se rendit à ce désir et fit copier ces volumes en ternions (τρισσά) et quaternions (τετρασσά). M.  Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur, t. i, p. 572, ne croit pas qu’il se soit agi d’exemplaires complets de la Bible, et pour lui le sens des mots τρισσά et τετρασσά demeure douteux. Toutefois l’opinion de M. Harnack, qui pense qu’Eusèbe a composé pour Constantin une sorte de chrestomathie biblique, est contraire au texte formel de la Vita Constantini. Des érudits se sont livrés à des recherches pour retrouver quelqu’un des exemplaires d’Eusèbe dans les principaux manuscrits bibliques qui nous restent ; ces recherches n’ont pas abouti. Voir E. A. Frommann, De Codicibus sacris jussu Constantini magni adornatis, dans ses Opuscula philologica et historica, Cobourg, 1770, p. 303 ; Wieseler, Die Sinaitische Bibelhandschrift, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1864, p. 409, 415, 418 ; Scrivener, A full Collation of the Codex Sinaiticus with the received Text of the New Testament, 1864, p. xxx-xxxvii ; id., Introduction to the Criticism of the New Testament, 4e édit., 1894, p. 118, n. 2 ; Burgon, Last twelve Verses of St. Mark, 1872, p. 293. — 2o  En tête d’un grand nombre de manuscrits tant grecs et syriaques que latins de la Bible, on trouve dix tables de concordances des Évangiles qui portent le nom de sections et de canons. Ces tables sont précédées d’une lettre d’Eusèbe à Carpianus. Migne, Patr. gr., t. xxii, col. 1275-1291. On attribuait jadis ces sections à Ammonius, voilà pourquoi elles sont souvent indiquées par l’abréviation Amm. ; mais, en 1827, {{lang|en|Lloyd (Novum Testamentum græcum, Oxford, p. viii-xi ; cf. Burgon, Last Verses, p. 295 ; Tischendorf, Novum Testamentum græcum, Prolegomena de Gregory, Leipzig, 1886, part. i, p. 143-144 ; G. H. Gwilliam, The Ammonian sections, Oxford, 1890, p. 241-272) a démontré qu’elles aussi sont l’œuvre d’Eusèbe. Ammonius d’Alexandrie avait, vers 220, dressé une Concordance ou Diatessaron des Évangiles. Partant du texte de saint Matthieu, il avait placé sur une même ligne les passages qui dans cet Évangile concordent avec les textes parallèles des trois autres. Comme Eusèbe le déclare dans sa lettre à Carpianus, le travail d’Ammonius lui suggéra l’idée du sien ; mais il lui donna une forme personnelle. Ammonius ne donnait en lecture suivie que l’Évangile de saint Matthieu, la suite des autres Évangiles était interrompue. Eusèbe désira fournir le texte continu de tous les récits. Il divisa donc séparément les Évangiles en un certain nombre de sections, ἀριθμοί, 335 pour saint Matthieu, 236 pour saint Marc, 342 pour saint Luc, 232 pour saint Jean. En même temps, il dressait une table de dix canons, κανόνες, dont chacun contenait une liste de textes : le canon i, tous les passages (71) communs aux quatre évangélistes ; le canon ii, ceux (111) qui se trouvent à la fois dans saint Matthieu, saint Marc et saint Luc ; le canon iii indique les textes correspondants (22) de saint Matthieu, de saint Luc et de saint Jean ; le canon iv, ceux (26) qui se répondent dans saint Matthieu, saint Marc et saint Jean ; le canon v a les parallélismes (82) de saint Matthieu et de saint Luc ; le canon vi, ceux de saint Matthieu et de saint Marc (47). Le canon vi compare les Évangiles de saint Matthieu et de saint Jean (7 textes), le canon viii, ceux de saint Luc et de saint Marc (14 passages) ; dans le canon ix on a les passages correspondants (21) de saint Luc et de saint Jean ; enfin le canon x renferme les textes propres à chaque évangéliste, 62 pour saint Matthieu, 21 pour saint Marc, 71 pour saint Luc, 97 pour saint Jean. Dans le texte préparé pour l’usage des sections et des canons d’Eusèbe, chaque section est indiquée par un chiffre à l’encre noire ; sous ce chiffre est marqué un autre au vermillon, pour indiquer le canon auquel se rapporte la section. En consultant le canon ainsi désigné, le lecteur pouvait voir d’un coup d’œil à quel passage des autres évangélistes répondait le texte en question. Exemple : saint Matthieu, xiii, 54, était marqué , c’est-à-dire que la section 141e de saint Matthieu (ρμαʹ) appartient au canon 1 (αʹ). Or dans ce canon on trouve établie la concordance suivante :

ΜΤ ΜΡ Λ ΙΩ
ρμαʹ νʹ ιθʹ νθʹ

c’est-à-dire que la 141e section de saint Matthieu correspond à la 50e (νʹ) de saint Marc, à la 19e (ιθʹ) de saint Luc et à la 59e (νθʹ) de saint Jean. Dans les diverses versions de la Bible, le nombre des sections eusébiennes n’est pas partout le même. Ainsi dans le manuscrit syriaque de la bibliothèque de Médicis, à Florence, écrit en l’an 586, il y a pour saint Jean 270 sections au lieu de 232. M. Burgon, Last Verses, p. 310, a pensé que ce chiffre du manuscrit syriaque pouvait représenter la division primitive adoptée par Eusèbe. Cet avis n’est point partagé par Lightfoot, dans Smith, A Dictionary of Christian Biography, t. ii, p. 335. Du reste, le chiffre des sections, tel qu’il se trouve dans les manuscrits latins, et qui concorde avec le chiffre des manuscrits grecs, est attesté par saint Jérôme. On trouve de bonnes reproductions des canons d’Eusèbe dans le Catalogue of ancient MSS in the British Museum, part. ii, Londres, 1884, fol. 18, et surtout dans A. Valentini, Eusebio, Concordanze dei Vangeli Codice Queriniano, Brescia, 1887. Les canons d’Eusèbe ont été souvent publiés. — 3o  Il faut signaler, au point de vue exégétique, la part prise par Eusèbe à la diffusion des travaux d’Origène sur la critique textuelle. Saint Jérôme dit, en effet, dans sa préface Ad Chromalium aux Paralipomènes : Alexandria et Ægyptus in LXX suis Hesychium laudat auctorem, Constantinopolis usque Antiochum Luciani martyris exemplaria probat, mediæ inter has provinciæ Palæstinos codices legunt, quos ab Origene elaboratos Eusebius et Pamphilus vulgaverunt. Sixte de Sienne, Bibliotheca sacra, édit. de Cologne, 1576, t. iv, p. 245, avait entendu par là qu’Eusèbe aurait fait une nouvelle recension des Hexaples d’Origène. Il ne s’agit point de cela, car les rubriques d’un certain nombre de manuscrits des Hexaples d’Origène font penser qu’Eusèbe exécuta seulement plusieurs copies soit complètes, soit abrégées de ce travail, en y ajoutant quelques notes et corrections. Voir Huet, Origeniana, III, xxiv, 8 ; Ehrhard, dans la Römische Quartalschrift, t. vi, 1891, p. 226-238 ; Harnack, Geschichte der altchristl. Litteratur, t. i, p. 337, 543, 574. — 4o  On peut ranger parmi les travaux exégétiques d’Eusèbe de multiples essais sur la topographie des Lieux Saints. Quatre de ces œuvres sont connues ; mais les trois premières ne sont pas parvenues jusqu’à nous, seule la quatrième a survécu. Ces essais sont : 1° Une étude sur la terminologie ethnographique de la Bible hébraïque : Καὶ πρῶτα μέν τῶν ἀνὰ τὴν οἰκουμένην ἐθνῶν ἐπὶ τὴν Ἑλλάδα φωνὴν μεταβαλὼν τὰς ἐν τῇ θείᾳ γραφῇ κειμένας Ἑβραίοις ὀνόμασι προσρήσεις. — 2. Une chorographie de l’ancienne Judée, indiquant les frontières des pays occupés par les dix tribus : Τῆς πάλαι Ἰουδαίας ἀπὸ πάσης βίβλου καταγραφήν πεποιημένος καὶ τὰς ἐν αὐτῇ τῶν δώδεκα φυλῶν διαιρῶν κλήρους ; ce traité est peut-être celui qu’Ébed Jesu (Assemani, Bibl. or., t. iii, p. 18) appelle De figura mundi. — 3. Un plan de Jérusalem et du Temple : Ὡς ἐν γραφῆς τύπῳ τὴς πάλαι διαβοήτου μητροπόλεως αὐτῶν, λέγω δὴ τὴν Ἱερουσαλήμ, τοῦ τε ἐν αὐτῇ ἱεροῦ τὴν εἰκόνα διαχαράξας. Ce plan devait être accompagné de dissertations sur les diverses localités, μετὰ παραθέσεως τῶν εἰς τοὺς τόπους ὑπομνημάτων. C’est Eusèbe lui-même qui décrit, dans les termes que nous venons de citer, ces trois essais topographiques. D’après Lightfoot, A Dictionary of Christian Biography, t. ii, p. 336, ces trois écrits n’étaient peut-être que les parties d’un même ouvrage, du quatrième travail topographique d’Eusèbe, intitulé Περὶ τῶν τοπικῶν ὀνομάτων τῶν ἐν τῇ θείᾳ γραφῇ. Eusèbe dit qu’il a voulu donner la liste alphabétique des villes et des villages cités dans la Sainte Écriture en leur langue originale, πατρίῳ γλώττῃ. Les noms de lieux ne sont donc pas présentés sous la forme qu’ils ont dans la version des Septante, mais suivant une transcription de l’hébreu plus ou moins heureuse. L’ordre alphabétique a été suivi ; mais, sous chaque lettre, les divers mots arrivent d’après l’ordre des livres de la Bible. Ce traité fut de bonne heure traduit en un latin que saint Jérôme caractérise de la façon suivante : Quidam vix imbutus litteris… ausus est in latinam linguam non latine vertere. Patr. lat., t. xxiii, col. 860. Aussi saint Jérôme fit-il une nouvelle version ou plutôt une nouvelle recension, car il retranche plusieurs notices et en modifie d’autres. Les Topica d’Eusèbe ont été publiés pour la première fois en 1631, par Bonfrère ; les deux éditions les plus récentes et qui ne laissent rien à désirer au point de vue de la critique sont celles de Larsow et Parthey, Eusebii Pamphili episcopi Cesariensis Onomasticon, Berlin, 1862, et de Paul de Lagarde, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 207 ; 2e édit., 1887, p. 232. — 5o  Sous le titre de Ἐκ τῶν τοῦ Εὐσεβίου τοῦ Παμφίλου περὶ τῆς τοῦ βιβλίου τῶν προφητῶν ὀνομασίας, « Eusèbe a donné une courte notice sur les prophètes et le sujet de leurs prophéties, en commençant par les petits prophètes et en suivant l’ordre des Septante. Ce traité fut publié pour la première fois par T. Curterius, Procopii Sophistæ variarum in Isaiam prophetam commentationum epitome, Paris, 1560 ; puis par Migne, t. xxii, col. 1261-1272. Sur le manuscrit no 2125 du Vatican, qui a servi à cette édition, voir Mai, Nova Patrum blibliotheca, t. iv, p. 66. M. Harnack, op. cit., p. 575, n’est pas convaincu que cet ouvrage soit d’Eusèbe.

II. Exégèse spéciale. — 1o  Montfaucon a publié d’Eusèbe Ἐξηγητικὰ εἰς τοὺς Ψαλμοὺς (Collectio nova Patrum, t. i) ; mais le manuscrit d’Évreux, dont il s’est servi, s’arrête au Psaume cxviii et a une lacune des Psaumes xlviii à lxxx. On peut combler cette lacune par le Codex Coislin no 12 de la Bibliothèque Nationale de Paris, qui renferme l’interprétation des Psaumes l-xcv, et le cardinal Mai, Nova Patrum blibliotheca, t. iv, 1, p. 65-107, a publié l’explication des Psaumes cxix-cl. Pitra, Analecta sacra, t. iii, 1887, p. 365, 520, a édité une recension différente d’un commentaire sur cent dix-huit Psaumes. L’ensemble est reproduit par Migne, t. xxiii, col. 65-1396 ; t. xxiv, col. 9-76. La plupart des éditeurs de ce commentaire en ont admis l’entière authenticité ; de même Lightfoot, A Dictionary of Christian Biography, t. ii, p. 336. Seul M. Harnack, op. cit., p. 575, conserve quelques doutes, et certes, quand on compare la recension publiée par Pitra avec celle qu’a donnée Montfaucon, la question mérite un nouvel examen, plus approfondi que celui qu’on en a fait jusqu’à ce jour. Lightfoot s’efforce, par certaines données du commentaire, de fixer exactement l’époque de sa composition entre les années 330 et 335. Au témoignage du même auteur, l’ouvrage d’Eusèbe a une réelle valeur, surtout par les extraits des Hexaples et d’autres indications curieuses sur le texte et l’histoire du Psautier. Eusèbe avait, pour faire ce travail, l’avantage de connaître l’hébreu ; sa philologie toutefois n’est point exempte d’erreurs parfois assez grossières. Ce commentaire sur les Psaumes a joui dans l’antiquité d’une grande réputation ; il fut traduit en latin par un homonyme, Eusèbe de Verceil ; cette version n’a pas été retrouvée. — 2o  Ὑπομνήματα εἰς Ἡσαΐαν. Montfaucon, Collectio nova Patrum, t. ii, Migne, t. xxiv, col. 77-526. Ces commentaires se présentent en partie sous forme de dissertation continue et en partie sous forme d’extraits de Chaînes. D’après saint Jérôme, De vir. illustr., 81, t. xxiii, col. 689, ce traité aurait compris dix livres ; d’après un autre passage du même auteur, Comment. in Isaiam, t. xxiv, col. 21, il y en aurait eu quinze. M. Harnack, op. cit., p. 576, conserve des doutes sur l’authenticité de cette œuvre d’Eusèbe, du moins pour la forme sous laquelle nous la possédons aujourd’hui. — 3o  Le cardinal Mai, Nova Patrum blibliotheca, t. iv, 1, p. 316 ; puis Migne, Patr. gr., t. xxiv, col. 75-78, ont publié des fragments sur les chapitres vii et viii du livre des Proverbes. M. Harnack, op. cit., p. 576, signale des suppléments à ce travail dans divers manuscrits d’Allemagne et d’Angleterre. — 4o  Des fragments d’un commentaire sur Daniel ont été édités par Mai, Nova Patrum blibliotheca, t. iv, 1, p. 314-316, ainsi que dans Commentarii variorum in Danielem (Scriptorum veterum nova collectio, t. i, p. 39-56), et par Migne, t. xxiv, col. 525-528. — 5° On possède d’Eusèbe un commentaire sur l’Évangile de saint Luc. Il a été publié par Mai, Nova Patrum blibliotheca, t. iv, 1, p. 160-207 ; Script. vet. nova collectio, t. i, 1, p. 143-260, et par Migne, t. xxiv, col. 527-606. Ce commentaire a été extrait de diverses Chaînes. — 6° Du commentaire sur la première Épître aux Corinthiens, signalé par saint Jérôme, Epist. xlix, 3, ad Pammachium, t. xxii, col. 511, il ne reste que le fragment sur I Cor., iv, 5, publié par Crammer, Catenæ græcæ, Oxford, 1841, p. 75. — 7o  Un fragment d’interprétation de Hebr., xii, 8, a été publié par Mai, Nova Patrum blibliotheca t. i, 1, p. 207 ; cf. Migne, t. xxiv, col. 605-606. On ignore toutefois si ce passage est vraiment tiré d’un commentaire complet d’Eusèbe sur l’Épître aux Hébreux, ou bien si c’est un simple extrait d’un autre de ses ouvrages. — 8o  Dans le De Vir. illust., 81, saint Jérôme cite un ouvrage d’Eusèbe : Περὶ διαφωνίας εὐαγγελίων. Voir aussi Id., Comm. in Matth., i, 1, t. xxvii, col. 3. Dans le catalogue d’Ébed Jesu, Assemani, Biblioth. orient., t. iii, p. 18, traduit ce titre : [Liber] solutionis contradictionum quse sunt in Evangelio. Cet ouvrage était divisé en deux parties, et la seconde comprenait deux livres. La première partie (cf. Eusèbe, Demonst. evang., vii, 3, 18, t. xxii, col. 556), portait surtout sur les divergences que présentent les Évangiles dans le tableau de la généalogie du Christ ; la seconde partie s’occupait de certaines contradictions que semble accuser le récit de la résurrection. Un scholiaste de saint Marc (voir R. Simon, Histoire critique du Nouveau Testament, t. iii, Rotterdam, 1693, p. 89) cite d’Eusèbe un ouvrage sous ce titre : Περὶ τῆς δοκρύσνς ἐν τοῖς εὐαγγελίοις περὶ τῆς ἀναστάσεως διαφωνίας. Au xviie siècle, on crut avoir retrouvé cette œuvre d’Eusèbe en Sicile, d’après une lettre de Latino Latini à André Masius, Epistolæ, Wittemberg, 1667, t. ii, p. 116. Ce manuscrit n’a pas encore été retrouvé. C’est le cardinal Mai qui a le premier, en 1825, publié un abrégé de l’ouvrage d’Eusèbe (Script. vet. nova collectio, t. i, 1, p. 1-51) ; en 1847, il republia le même texte (Nova Patrum bibl., t. iv, p. 217-282), en y ajoutant, ibid., p. 268-271, 279-282, 283-303, des fragments de l’ouvrage complet tant en grec qu’en syriaque, extraits de Chaînes manuscrites et imprimées. Sur ce travail du cardinal Mai, on peut consulter Burgon, Last twelve Verses of St. Mark, p. 42. Migne, t. xxii, col. 878-1015, a reproduit ce traité d’Eusèbe. « On retrouve dans cet ouvrage, dit Lightfoot, op. cit., t. ii, p. 338, l’hésitation habituelle à Eusèbe, et cela sous une forme plus aggravée que de coutume. Des solutions contradictoires sont fréquemment présentées, sans qu’il se décide pour l’une plutôt que pour l’autre. Toutefois c’est un ouvrage suggestif et plein d’intérêt. Les harmonistes des Évangiles l’ont souvent pillé sans le citer, et en particulier saint Jérôme (par exemple, Epist. lix, 120) y fait de nombreux emprunts. » Mai a relevé ces emprunts de saint Jérôme et ceux de saint Ambroise. Nova Patrum bibl., t. iv, p. 304-309. — 9o  Eusèbe a écrit un ouvrage intitulé Ἡ καθόλου στοιχειώδης εἰσαγωγή, ou « Introduction générale élémentaire ». Cet ouvrage comprenait dix livres, comme Eusèbe nous l’apprend lui-même. Patr. gr., t. xxii, col. 1271. De ces dix livres on n’a de complets que les livres vi-ix, connus sous le nom de Ἐκλογαὶ προφητικαί. Du commencement, Mai a publié quelques fragments, Script. vet. nova collectio, t. vii, p. 95, 100 ; Nova Patr. bibl., t. iv, 1, p. 316-317. Longtemps perdues, les Ἐκλογαὶ προφητικαί avaient été signalées par Lambecius, Comment. de bibl. Vindobonensi, t. i, p. 252 ; elles ont été publiées la première fois par Th. Gaisford, à Oxford, en 1842, et ensuite par Migne, Patr. gr., t. xxii, col. 1021-1262. On peut lire sur ce traité de bonnes notes critiques de Nolte, dans la Theologische Quartalschrift, t. xliii, 1861, p. 95-109, et de W. Selwyn, dans le Journal of Philology. t. IV, 1872, p. 275-280. Ce traité contient des extraits des prophéties de l’Ancien Testament relativement à la personne et à l’œuvre du Christ ; ces extraits sont accompagnés de commentaires explicatifs. Des quatre livres dont se compose l’ouvrage, le premier donne les prophéties messianiques des livres historiques de l’Ancien Testament, le second celles des Psaumes, le troisième celles des livres poétiques et des prophètes, à l’exception d’Isaïe, dont les prophéties font l’objet du livre iv. Le but principal de l’auteur est, comme il s’en explique, de montrer que les prophètes ont affirmé Jésus-Christ comme le Verbe préexistant, qui est la seconde cause de l’univers, qui est Dieu et Seigneur et a prédit son double avènement. C’est donc la personnalité du Verbe qui fait l’idée dominante du commentaire des prophéties composé par Eusèbe. — Telles sont les œuvres exégétiques d’Eusèbe connues et publiées jusqu’à ce jour. Les manuscrits renferment encore, au témoignage de M. Harnack, » op. cit., p. 577, des fragments sur les prophètes en général et les petits prophètes en particulier et un commentaire sur le Cantique des cantiques. Ce que Meursius a publié, Eusebii, Polychronii, Pselli in Canticum canticorum, Leyde, 1617, n’a rien à voir avec Eusèbe.

J. van den Gheyn.

EUTHALIUS (Εὐθαλίος), diacre d’Alexandrie, puis évêque de Sulca (ville dont le site est inconnu, mais qui se trouvait probablement en Égypte), vivait au ve siècle (M. Robinson, Euthaliana, p. 30, 101, le fait vivre vers 350). Il s’occupa spécialement de l’étude du Nouveau Testament, et il est connu par les divisions qu’il y introduisit et qui ont tiré de lui leur nom de sections « euthaliennes ». Les auteurs des livres que renferme le Nouveau Testament n’avaient mis eux-mêmes dans leurs écrits aucune division par chapitres ou par versets. Ammonius (t. i, col. 493 et 499) fut le premier qui, au iiie siècle, divisa les quatre Évangiles en sections. Euthalius étendit cette division à tous les autres livres du Nouveau Testament, l’Apocalypse exceptée, c’est-à-dire aux Épîtres de saint Paul en 458, aux Actes des Apôtres et aux Épîtres catholiques en 490. Cette division était si utile, qu’elle fut promptement et généralement acceptée. Euthalius en avait emprunté l’idée à un auteur plus ancien, qu’il ne nomme pas. Il partage chaque livre en lectures ou leçons (ἀναγνώσεις), correspondant sans doute aux sections qu’on lisait dans les Églises, conformément à l’usage des synagogues pour la lecture de l’Ancien Testament ; en chapitres (κεφάλαια) et en versets ou plutôt lignes (στίχοι). Il énumère de plus les citations qui sont tirées d’autres livres de l’Écriture. Ainsi « dans les Actes des Apôtres, il y a seize leçons, quarante chapitres, trente témoignages (des autres livres sacrés), deux mille cinq cent soixante-six versets ». Edit. Act. Apost., t. lxxxv, col. 636. Sur tous ces points, il entre dans les détails les plus précis. Les divisions d’Euthalius ne sont plus conservées telles quelles dans l’usage actuel, mais elles ont rendu de grands services. Elles sont accompagnées d’arguments (ὑπόθεσις) qui ne sont pas de cet écrivain : ils sont tirés de la Synopsis Scripturæ sacræ du Pseudo-Athanase. Les œuvres d’Euthalius ont été publiées pour la première fois à Rome, en 1698, par L. A. Zacagni, préfet de la Bibliothèque Vaticane, dans le tome Ier (seul paru) de ses Collectanea Monumentorum Veterum Ecclesiæ Græcæ et Latinæ. Migne les a réimprimés dans sa Patrologie grecque, t. lxxxv, Editio libri Actuum, col. 627-664 ; Editio septem Epistolarum catholicarum, col. 665-692 ; Editio Epistolarum Pauli, col. 693-790. Il n’existe pas encore d’édition critique d’Euthalius. Il s’est glissé dans ses écrits bien des choses qui ne sont pas de sa main. — Voir W. Milligan, dans Dictionary of Christian Biography, t. ii, 1880, p. 395 ; Scrivener, A plain Introduction to the Criticism of the New Testament, 4e édit. par Ed. Müller, 2 in-8o, Londres, 1894, p. 53, 63-64, etc. J.-A. Robinson, Euthaliana, dans les Texts and Studies, t. iii, no 3, in-8o, Cambridge, 1895 ; E. von Dobschütz, Euthaliusstudien, dans la Zeitschrift für Kirchengeschichte, t. xix, 1898, p. 107-154.
F. Vigouroux.

EUTHYMIUS ZIGABÈNE, moine basilien schismatique du monastère de la Mère-de-Dieu, à Constantinople, vivait au commencement du XIIe siècle (vers 1120). Son mérite porta l’empereur Alexis Comnène à lui demander une histoire de toutes les hérésies avec leur réfutation (voir l’Alexias d’Anne Comnène, lib. xv). Outre cet ouvrage, intitulé Πανοπλία δογματική, Euthymius a laissé des Commentaires sur les psaumes et les dix cantiques de l’Écriture sainte, tirés des ouvrages des Pères ; ils ont été imprimés à Paris en 1543 et en 1547, et à Venise en 1568 ; sur les quatre Évangiles, in-8o, Louvain, 1544. Ce dernier ouvrage, le plus important de tous, est une compilation estimée de saint Jean Chrysostome et des autres Pères. Il a été réimprimé à Paris en 1547, 1560 et 1602. C. F. Matthæi en a donné une édition gréco-latine en quatre in-8o, Leipzig, 1792. Les

Commentaires sur les Épîtres sont restés manuscrits. Les œuvres d’Euthymius Zigabène, publiées jusqu’à ce jour, ont été réimprimées aux t. cxxviii, cxxix, cxxx et cxxxi de la Patrologie grecque de Migne. Les Commentaires sont littéraux, moraux et allégoriques. — Voir Fabricius, Bibliotheca grseca (1715), t. vii, p. 460 ; D. Ceillier, Hist. des auteurs ecclésiastiques, t. xiv

(1863), p. 150.
B. Heurtebize.
    1. EUTYQUE##

EUTYQUE ( Eutu^oç, « fortuné, heureux ; » Eutychus), nom d’homme commun chez les Grecs et les Latins. On le voit, par exemple, sur une monnaie de Dyrrachium, en Illyrie. T. E. Mionnet, Description des médailles, Supplément, t. iii, 1824, p. 335, n » 163. Saint Paul ressuscita à Troade un jeune homme ainsi appelé. S’étant assis sur une fenêtre, un dimanehe, pendant la prédication de l’Apôtre, Eutyque s’endormit, tomba d’un troisième étage et se tua dans sa chute. Saint Paul, s’étant couché sur lui, comme autrefois Elisée pour le fils de la Sunamite, IV Reg., iv, 34, lui rendit la vie. Act., xx, 9-12. Le sommeil d’Eutyque avait été causé par la longueur du discours de l’Apôtre, qui, devant partir le lendemain, parla jusqu’au milieu de la nuit, et aussi sans doute par la chaleur que produisaient les nombreuses lampes allumées dans l’appartement. Act., xx, 7-8. Saint Luc raconte ce miracle comme témoin oculaire. Cf. Act., xx, 6, 13.

ÉVANGÉLIAIRE. Voir Lectionnairë.

    1. ÉVANGÉLISTE##

ÉVANGÉLISTE (E-jajjO.i.ax-ni, evangelista, « celui qui annonce la bonne nouvelle, l’Évangile » ), nom donné dans le Nouveau Testament à une classe de dignilaires chrétiens. Ce mot est formé du verbe classique E-Jayys-Xîîw ou, selon la forme plus communément usitée, sùceyytliÇopui, « annoncer des choses agréables, une bonne nouvelle. » EùayyeXtairi ; est un terme exclusivement biblique et ecclésiastique. Il ne se lit que trois fois dans l’Écriture, et la signification rigoureuse n’en est pas déterminée parle contexte. Dans les Actes, xxi, 8, cette qualification est donnée au diacre Philippe. Saint Paul recommande à Timothée de « faire l’œuvre d’évangéliste ». II Tim., iv, 5. Dans I’Épitre aux Éphésiens, iv, II, « les évangélistes » sont nommés après les « Apôtres » et les « prophètes », aTtoaioXoi, icp6fitai, avant les « pasteurs » et les « docteurs », hoi^eve ?, 518âaxiXoi. Ils ne figurent point dans l’énumération I Cor., xi, 10. — Les Pères ont vu avec raison dans ces évangélistes les missionnaires qui allaient prêcher (x/ip’jao-Eiv, Act., viii, 5 ; non SiSâirxsiv) en divers lieux la bonne nouvelle. Ce nom n’était pas un titre désignant un ordre spécial, mais une occupation particulière. Les Apôtres furent évangélistes en tant qu’ils annoncèrent l’Évangile. Act., viii, 25 ; xiv, 7 ; I Cor., i, 17. Cf. Gal., i, 6-11. Le diacre Philippe et Timothée le furent dans le même sens, Act., viii, 4-5, 40 ; xxi, 8 ; II Tim., iv, 5, quoique non revêtus de la dignité apostolique (Omnis apostolus, evangelista ; non omnis evangelista, apostolus), remarque le Pseudo-Jérôme, In Eph., iv, t. xxx, col. 832. Le texte de I’Épitre aux Éphésiens, iv, 11, nous atteste que d’autres disciples des Apôtres allèrent prêcher la bonne nouvelle en qualilé de missionnaires ambulants, TtspuôviEî èxr, puTTQv, comme l’explique Théodoret, In Eph., iv, 11, t. lxxxii, col. 536. Cf. S. Jean Chryscstome, Rom. xi iii, Eph., 2, t. lxii, col. 82. Eusèbe, H. E., iii, 37, t. xx, col. 293, décrit ces évangélistes en disant : « Après avoir quitté leur patrie, ils faisaient œuvre d’évangéliste, prêchant (xr.p’jrretv) le Christ à ceux qui n’avaient pas encore entendu la parole de la foi. » — Peu à peu l’usage s’introduisit d’appeler « évangélistes » les auteurs des quatre Évangiles. Eusèbe, H. E., iii, 39, t. XX, col. 297, qualifie saint Jean tôv e-jiyyE >tT-r|V. Dans le commentaire d’Œcuménius sur I’Épitre aux Éphésiens, iv, 11, t. cxviii, col. 1220, le mot

E-jayysXiiTTTi ; de saint Paul est ainsi expliqué, sans que le commentateur se doute qu’il fait un contresens. — Dans les Constitutions apostoliques, 3, il est dit que le lecteur, àvayvwoTr, ; , remplit l’office d’évangéliste (sOiyyEXcffto-j to’tiov ÈofiCsTii). Dans Ad. Harnack, Die Quellen der sogenannten apostolischen Kirchenordnung (Texte und L’nters., ii, 5), 1886, p. 18. Le diacre qui lit l’évangile prend aussi le titre d’évangéliste dans la liturgie de saint Jean Chrysostome. Patr. gr., t. lxiii, col. 910. — L’usage de désigner les missionnaires ambulants par le nom d’évangélistes paraît avoir cessé de bonne heure, du moins dans une partie de l’Église, puisqu’ils ne paraissent pas sous ce titre dans la Doctrina Apostolorum ; mais il survéeut cependant quelque temps en certains pays : Eusèbe, H. E., v, 10, t. xx, col. 456, donne ce titre à Pantène, le chef du Didascalée d’Alexandrie, qui alla prêcher dans l’Inde, et à d’autres encore. — Voir O.Zockler, Diakonen und Evangelisten, dans ses Biblische und kirchenhistorische Studien, Heft v, in-8°, Munich, 1893.

F. Vigouroux.

1. ÉVANGILES. — I. Nom.— Le mot Eyayyéliov a eu plusieurs significations. — 1° Il provient de deux mots grecs, e5, « bien, » et àyyéXXw ; « j’annonce, » et signifia étymologiquement « bonne nouvelle ». Suidas, Lexicon, dit : E-JayyéXiov xà xaXXiaToi SiàyyEXov : <( Évangile, ce qui annonce les choses les plus excellentes. » Cependant les écrivains grecs les plus anciens emploient ce mot pour désigner soit la récompense que l’on donne au porteur d’une bonne nouvelle, Odyss., xiv, 152 et 166 ; cf. Cicéron, Ad Attic, II, 12 ; soit le sacrifice offert aux dieux en action de grâces d’un heureux message. Xénophon, llell., i, 6, 37 ; Diodore de Sicile, xv, 74 ; S. Chrysostome, In Acta hom. xix, 5, t. lx, col. 157. Le premier sens se retrouve dans la version des Septante, II Reg., iv, 10, où E’jayyÉXia correspond à mercedem pro nuntio de la Vulgate et à l’hébreu beiôrâh. Plus tard, ce mot reprit sa signification étymologique et servit à désigner la bonne nouvelle elle-même. Appius, Civ., iv, 20 ; Lucien, Asin., 26 ; dans les Septante, II Reg., xviii, 20, 22, 25 ; IV Reg., vii, 9. Il faut entendre dans ce sens iô e-iayyé-Xiov i% dwxTipia ; ûu, wv. Eph., i, 13. Saint Chrysostome, In Acta hom. xxvi, 3, t. lx, col. 201, appelle sûayyéXia l’annonce de la délivrance de saint Pierre. — 2° Sous la plume des écrivains du Nouveau Testament, le mot EyayyéXiov désigne le plus souvent « la bonne nouvelle » par excellence, celle du salut apporté au monde par le Messie. Il a ce sens quand il est seul et sans qualificatif, Marc, i, 1 ; nu, 10 ; xvi, 15, et quand il est suivi d’un qualificatif, tô EijayyÉXtov tîjç pauiXei’ac, Matth., IV, 23 ; ix, 35 ; xxiv, 14 ; to sùayylXiov ic, x<*P lz °i T °û ©eoû, Act, , XX, 24 ; ib eûiyyÉXiovTviç 86 !  ; ï)çtoO u-axapiou ©eoS. I Tim., i, 11. Cette idée était déjà exprimée par le prophète Isaïe, xl, 9 ; lii, 7 ; lx, 6 ; lxi, 1 ; cf. Luc, iv, 18, qui prédit la rédemption messianique comme l’annonce d’une heureuse nouvelle. C’est pourquoi EyayyÉXiov désigne encore dans le Nouveau Testament la doctrine de Jésus-Christ, prêchée par les Apôtres, quand il est employé absolument, Matth., xxvi, 13 ; Rom., x, 16 ; I Cor., iv, 15 ; lx, 14, et lorsqu’il est accompagné d’un génitif de sujet : eùzyys-Xiov 0£oC, Rom., i, 1 ; io0 AoZ, Rom., i, 9 ; to-j XpisToû, II Cor., IX, 13 ; xo0 x’jpc’ou T, fjLâ>v’Ir^oO Xpctr-roû. II Thess., i, 8. Saint Paul appelle « son évangile » sa manière d’envisager et d’annoncer la doctrine chrétienne, Rom., ii, 16 ; xvi, 25, parmi les gentils, Gal., ii, 2 et 7, manière différente de tout autre enseignement. Gal., i, 6. L’Apôtre des gentils désigne encore par le nom d’é'jayysXiov l’acte même de prêcher la bonne nouvelle, la doctrine de Jésus-Christ. Rom., i, 1 : xv, 19 ; Il Cor., viii, 18 ; I Thess., i, 5. Cette signification du mot « évangile » se trouve dans les plus anciens monuments de la littérature chrétienne. S. Clément, I Cor., xlvii, 2 ; Funk, Opéra Patrum apostolicorum, 2e édit., Tubingue, 1887, t. i, p. 120 ; S. Ignace, Ad Philad., v, 1, ibid., p. 228 ; S. Justin,

Dialog. cimi Tryph., x, t. vi, col. 496. Elle a passé dans toutes les versions du Nouveau Testament, et par leur intermédiaire dans toutes les langues. Elle a été mise en opposition avec la Loi et a servi à désigner la révélation chrétienne et la nouvelle alliance. — 3° Dans le style ecclésiastique, le mot î-jïyyO.iov re ?u’une acception nouvelle, et par l’emploi d’une métaphore très ordinaire et très fréquente, il servit à désigner les écrils dans lesquels la bonne nouvelle du salut et la doctrine de JésHs-Christ avaient été consignées. Le sens du mot a été étendu de la chose signifiée aux livres qui la racontent et en contiennent la substance. Il a été usité d’abord au singulier pour désigner le contenu des livres. Pseudo-Clément, II Cor., VIII, 4, édit. Funk, t. i, p. 154, biSxyr, twv 3w8î7.œ’AitoffTivlov, xv, 3, édit. Funk, Tubingue, 1887, p. 45. On l’a appliqué ensuite aux livres eux-mêmes et à chacun d’eux ; d’où on lui a donné la forme plurielle, S’jayyD.ia. S. Justin, Apolog., i, 66, t. vi, col. 429 ; Epist. ad Diognet., c. xi, t. ii, col. 1184. L’emploi du mot évangile dans le sens d’histoire écrite de la rédemption est devenu universel et a passé du grec dans toutes les langues. — Par extension et dans un sens large, le nom d’évangile a été parfois appliqué aux autres écrits du Nouveau Testament. Origène, In Joa., tom. i, n° 6, t. xiv, col. 32, fait remarquer que les lettres de saint Paul reproduisant sa prédication, et cette prédication étant appelée eiayyéXtov, tout ce que l’Apôtre a écrit est Evangile, S.’éypa-fi apa E’jayyéÀiov r, v. On peut en dire autant des écrits de saint Pierre et de tous les livres qui concernent le double avènement du Christ. Mais cette manière de parler n’a pas prévalu, et le nom d’Évangile appliqué à des livres a été réservé par l’usage aux seuls récits de la vie et de la doctrine de Jésus, qu’ils soient canoniques ou apocryphes. II. L’Évangile prêché avant que d’être écrit. — Les diverses significations du nom d’Évangile, appliqué à la vie et à la doctrine de Jésus-Christ, correspondent au développement du christianisme et suivent le cours des événements. L’Évangile ainsi entendu a été prêché avant que d’être consigné par écrit. Jésus avait répandu sa doctrine de vive voix, et il allait à travers la Palestine, prêchant son Évangile. Matth., iv, 23 ; ix, 35 ; Marc, i, 14. Il avait annoncé que sa doctrine serait répandue dans le monde entier, Matth., xxiv, 14 ; xxvi, 13 ; Marc, xm, 10 ; xiv, 9, et il avait confié à ses Apôtres la mission de la répandre. Marc, xvi, 15. Ceux-ci remplirent la charge qui leur avait été donnée et se mirent à prêcher dès le jour de la Pentecôte. Leur prédication avait un objet bien déterminé ; elle portait sur la vie terrestre de Jésus, ses discours, ses miracles, ses souffrances, sa mort, sa résurrection et son ascension. Act., v, 42 ; viii, 5 ; ix, 20 ; xi, 20 ; xvii, 18 ; xrx, 13 ; I Cor., i, 23 ; xv, 12 ; II Cor., i, 19 ; iv, 5 ; xi, 4 ; Phil., i, 15. Leurs récits sur les événements historiques de la vie de Jésus avaient une grande autorité, parce qu’ils provenaient de personnes qui avaient elles-mêmes connu Jésus, avaient vécu dans son entourage et avaient été les témoins oculaires des faits racontés. Luc, i, 2 ; Joa., i, 14 ; xix, 35 ; xxi, 24 ; Act., i, 3, 9 ; II Petr., i, 16 ; I Joa., i, 1. Aussi lorsqu’on choisit un apôtre pour remplacer Judas, saint Pierre exige que l’élu ait suivi Jésus dès le début de son ministère et ait été témoin de sa résurrection. Act., i, 21 et 22. Quand les Juifs voulurent interdire la parole publique aux Apôtres, ils leur défendirent de parler de la personne de Jésus et de sa doctrine. Act., iv, 17 et 18 ; v, 40. La prédication apostolique avait donc pour objet l’histoire et l’enseignement de Jésus. Les prédicateurs insistaient sur les faits principaux de cette histoire, sur la résurrection de Jésus, Act., ii, 32 ; iv, 33 ; x, 40 ; xiii, 30, 34, 37 ; xvii, 3, 18 ; II Tim., ii, 8 ; I Petr., i, 3 ; iii, 21, qui avait une si grande importance comme base de la foi et par rapport à notre propre résurrection, I Cor., xv, 12-28 ; sur ses souffrances et sa mort, Act., iii, 18 ; xvii, 3 ; Rom., v, 9 ; 1 Cor., i, 13, 23 ; ii, 2 ; xv, 3 ; Hebr., xiii, 2 ; I Petr.,

il, 21 ; iii, 18 ; iv, 1. Ils choisissaient sans doute parmi les autres faits dont ils avaient été les témoins, et ils répétaient les paroles qu’ils avaient entendues de la bouche du Maître. Cf. Kaulen, Einleiturig in die heilige Schrift, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 374-375.

Ce ne fut que plus tard qu’ils éprouvèrent le besoin de fixer par écrit l’enseignement de Jésus et l’histoire de sa vie. Le Maître, en effet, qui leur avait ordonné de prêcher, n’avait pas commandé d’écrire, et la foi en lui consistait à croire ce qu’on avait entendu rapporter de sa parole. Rom., x, 17. Quand, pour l’instruction des fidèles, on écrivit l’histoire de Jésus, on consigna la prédication apostolique et la tradition orale. Saint Luc, i, 1 et 2, nous apprend que « plusieurs avaient mis la main à ordonner le récit des choses qui se sont accomplies parmi nous, d’après la relation qu’en faisaient ceux qui dès le commencement les avaient vues de leurs propres yeux et avaient été les ministres de la parole ». Que ces Essais soient les Evangiles antérieurs à celui de saint Luc, ou seulement leurs sources écrites, il reste certain que les Évangiles reproduisent la prédication primitive des Apôtres et les souvenirs des témoins oculaires des faits racontés. Ils ont dès lors la valeur historique de documents émanant d’auteurs exactement renseignés et publiés peu après la réalisation des faits qu’ils rapportent. Cf. P. Batiffol, Six leçons sur les Evangiles, 2e édit., Paris, 1897, p. 27.

III. Titres des Évangiles. — L’Église n’a admis au canon des livres inspirés que les quatre récits de la vie et de la prédication de Jésus qui avaient pour auteurs des Apôtres, ou qui au moins avaient été garantis par l’autorité des Apôtres. La tradition ecclésiastique attribue la composition de ces quatre écrits aux auteurs dont ib portent le nom dans leurs titres, à saint Matthieu, à saint Marc, à saint Luc et à saint Jean. Dans les articles consacrés à chacun de ces Évangiles, on trouvera la démonstration de cette attribution. Disons seulement que les titres qui sont placés en tête des Évangiles dans les Bibles grecques et latines : ECayyé/.iov xatà Moc-uOaïov, viaTà Mapxov, xatà Aouv.îv, y.ati’Iwâvvïjv : Evangeliuni secundum Matlhseum, secundum Marcum, secundum Lucam, secundum Joannem, ne sont pas originaux ; car les anciens, et en particulier les Orientaux, n’avaient pas coutume de mettre leurs noms dans le titre de leurs ouvrages. S. Chrysostome, In Rom. homil. i, t. lx, col. 395. Toutefois ces titres remontent à la première moitié du IIe siècle. Cf. A. Harnack, Die Chronologie der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, Leipzig, 1897, t. i, p. 682. Ils ont été de bonne heure d’un usage très répandu, et ils sont d’un emploi courant dans les œuvres de saint Irénée, Cont. hseres., i, xxvi, 2, t. vii, col. 687 ; I, xxvii, 2, col. 688 ; III, xi, 7, col. 844 ; III, xiv, 4, col. 916. Le Canon de Muratori reproduit celui du troisième Évangile : Tertio Evangelii librum secundum Lucam. Clément d’Alexandrie s’en sert quelquefois, Psedag., i, 8 et 9, t. viii, col. 336 et 340 ; Strom., i, t. viii, col. 885 et 889 ; Quis dives, 5, t. ix, col. 609. Tertullien les connaissait, bien qu’il ne les cite jamais, car il rejette l’évangile de Marcion, parce qu’il n’a pas de titre ; l’hérésiarque n’a pas osé l’attribuer à un auteur. Cont. Marcion., iv, 2, t. ii, col. 363. Ils avaient passé avec leur forme grecque dans les écrits latins. Saint Cyprien citait les textes évangéliques en les faisant précéder de l’indication cata ilatthseum, Testimon., i, xviii. t. iv, col. 688 ; cata Joannem, Testim., i, xii, col. 685. Cf. De rebaptismate, IX, t. iii, col. 1194 ; De montibus Sina et Sion, 1, t. iv, col. 9u9 ; Firmicus Maternus, De errore prof, relig., xix et xx, t. xii, col. 1024 et 1026 ; Lucifer de Cagliari, De non parcendo, t. xiii, col. 988 ; Priscillien, Liber de fide et de apocryphis, édit. Schepss, dans le Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, t. xviii, Vienne, 1889, p. 47 et 48 ; S. Augustin, Cont. epist. Manichsei. c. x. t. xlii, col. 180. Ces titres se rencontrent dans les suscriptions et les souscriptions de tous les manuscrits grecs et latins des Évangiles. Leur antiquité leur donne une grande autorité.

Toutefois on discute encore aujourd’hui sur leur signification primitive. De soi et absolument parlant, ces titres ne signifient pas nécessairement que les noms propres qu’ils contiennent désignent les auteurs des Évangiles. Ils seraient exacts, en effet, si les livres dont ils sont les titres avaient été écrits par d’autres personnages, mais d’après les renseignements et la prédication de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean. Ainsi les Pères eux-mêmes ont traité le second Évangile comme s’il était l’Évangile κατὰ Πέτρον, « selon Pierre, » parce que saint Marc avait été le disciple de saint Pierre, et le troisième comme s’il était l’Évangile κατὰ Πάυλον, parce que saint Luc était le disciple et le compagnon de saint Paul. Il est nécessaire d’expliquer dans ce sens général les titres d’autres Évangiles, tels que ceux-ci : Εὐαγγέλια κατ’ Αἰγυπτίους, καθ’ Ἑβραίους, κατ’ Ἀποστολούς, qui désignent des récits évangéliques selon la recension adoptée par les Égyptiens et les Hébreux, ou composés d’après la prédication des Apôtres. Quoi qu’il en soit, ces titres indiquent en fait le nom des auteurs réels des Évangiles. Le génitif est employé dans les Canons apostoliques, c. Lxxxv, t. CXXXVII, col. 211 : Εὐαγγέλια τέσσαρα Ματθαῖου, Μάρκου, Λουκᾶ, Ἰωάννου. Seul, dans l’antiquité, le manichéen Fauste concluait des titres ordinaires que les quatre Évangiles n’avaient pas été rédigés par ceux dont ils portaient les noms, mais par des écrivains inconnus, d’après la prédication ou les notes de Matthieu, Marc, Luc et Jean. S. Augustin, Cont. Faust., xvii, 4, t. xlii, col. 342. Cf. Beelen, Grammatica græcitatis Novi Testamenti, Louvain, 1857, p. 431. Si l’antiquité chrétienne s’est servie de préférence de la formule dans laquelle entrait κατά, c’est en raison de l’idée qu’elle se faisait de l’Évangile. Aux yeux des Pères, l’Évangile, quoique composé par des mains différentes, ne formait qu’un livre, qui était l’Évangile du Seigneur. Ce qui leur importait avant tout, c’était l’Évangile, la bonne nouvelle apportée aux hommes par Jésus-Christ et exprimée dans ses paroles et dans ses actes. Les noms des évangélistes indiquaient seulement pour eux la manière particulière dont cette bonne nouvelle était rapportée. Des formules qu’ils employaient ordinairement en parlant des Évangiles canoniques, on ne peut conclure qu’à leur jugement les récits évangéliques n’avaient pas été écrits par les auteurs dont ils portaient les noms. Ils marquaient seulement ainsi le caractère secondaire de la composition des Évangiles, dont la valeur principale provenait des actes et des paroles du Seigneur Jésus. Cf. Zahn, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, t. i, Erlangen, 1888, p. 164-167.

IV. Date des Évangiles. On ne peut préciser la durée exacte du temps écoulé entre le début de la prédication apostolique et l’apparition du premier Évangile écrit. Sans parler des essais d’Évangiles auxquels saint Luc, I, 1, fait allusion et qui sont perdus, ni des sources primitives que les critiques modernes pensent découvrir à la base des Évangiles canoniques, ceux-ci n’ont pas paru ensemble ni au même temps ni au même lieu. La date de leur apparition ne peut être fixée d’une manière certaine, et il est impossible de dire l’année précise de leur composition. Les exégètes catholiques la déterminent d’une façon approximative à l’aide de quelques données fournies par les anciens écrivains ecclésiastiques et des indices que présentent les Évangiles eux-mêmes. Les critiques rationalistes s’attachent de préférence aux critères internes, et afin de diminuer la valeur du témoignage apostolique sur Jésus, témoignage consigné par écrit dans les Évangiles, ils rabaissent le plus qu’ils peuvent la date de la publication de ces derniers. C’est l’école de Tubingue qui est allée le plus loin dans cette voie. Elle regardait les Évangiles comme les manifestes des partis opposés qui divisaient les chrétiens primitifs, et elle plaçait leur apparition au IIe siècle seulement. Mais les critiques libéraux eux-mêmes ont abandonné les principes insoutenables des docteurs de Tubingue, et ils ont reconnu que les trois premiers Évangiles au moins appartenaient à la seconde moitié du Ier siècle. La réaction contre les hardiesses de la critique s’accentue de plus en plus, et Harnack, Die Chronologie der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, Leipzig, 1897, p. 651-655, aboutit à des conclusions de plus en plus conformes à la tradition ecclésiastique. Cf. P. Batiffol, Anciennes littératures chrétiennes, La littérature grecque, Paris, 1897, p. 30-32. Le tableau suivant reproduit les dates que les principaux critiques rationalistes ont attribuées aux Évangiles. Si on les compare avec celles qu’admettent généralement les exégètes catholiques, on constatera d’un seul coup d’œil la tendance progressive à se rencontrer.

Matthieu. Marc. Luc. Jean.
Baur, 1847 
130-134 150 vers 150 160-170
Volkmar, 1870 
105-110 75-80 vers 100 150-160
Hilgenfeld, 1863 et 1875 
vers 70 81-96 vers 100 120-140
Keim, 1867 
vers 66 100 vers 90 100-117
Keim, 1873 
vers 68 vers 120 vers 90 vers 130
Renan, 1877 
vers 84 76 94 vers 125
Holtzmann, 1885 
vers 67 vers 68 70-100 100-133
Weiss 
70 69 80 vers 95
Jülicher, 1894 
81-96 70-100 80-120 après 100
Réville, 1897 
à peu d’intervalle, de 98 à 117 130-140
Harnack, 1897 
70-75 65-70 78-93 80-110
Batiffol, 1897 
60-70 av. Matthieu 63-70 90-100
Cornely, 1886 
40-50 vers 60 59-63 95-100

V. Diffusion et acceptation officielle des Évangiles canoniques. — 1o  Durant l’âge apostolique. — N’ayant pas paru ensemble ni au même temps ni au même lieu, les Évangiles ont été connus dans les différentes Églises plus ou moins vite, et dès leur apparition ils se sont répandus séparément. Leur connaissance a été successive et leur propagation graduelle. Ils n’ont pas formé tout de suite un tout et une collection unique. Le recueil complet n’a pu exister qu’après la composition du dernier Évangile et par la communication mutuelle que les Églises se faisaient des écrits apostoliques. Mais nous n’avons pas de preuve directe que cette communication se soit faite aussitôt après la réception de chaque Évangile, par les soins ou les ordres des Apôtres. Il plane nécessairement, faute de documents, quelque obscurité sur les premiers temps de la transmission des récits évangéliques. Cependant ces écrits se rendent un témoignage réciproque. Saint Luc, i, 1, a connu de nombreux récits de la vie mortelle de Jésus. L’autorité des deux premiers Évangiles serait confirmée par là, s’il était certain que saint Luc ait eu en vue les œuvres de saint Matthieu et de saint Marc ; mais il n’est pas sûr qu’il les ait visées et qu’il se soit prononcé sur leur valeur. En dehors de ce témoignage, il semble résulter, de la comparaison des textes, que saint Luc a employé le second Évangile, et il existe entre les trois premiers un lien étroit, dont nous aurons plus loin à déterminer la nature. Le quatrième Évangile, par la manière dont la narration présente certains personnages, par exemple, Jean-Baptiste, i, 29 et 35, non encore mentionnés, suppose de la part de son auteur et de ses destinataires la connaissance d’autres récits évangéliques. Du témoignage de Papias, que nous rapporterons plus loin, il ressort que l’apôtre Jean connaissait les Évangiles de saint Matthieu et de saint Marc. Cet évangéliste ne cite pas, il est vrai, ses prédécesseurs ; mais il complète leurs récits sans les critiquer jamais ; il les approuve ainsi, au moins d’une façon indirecte. Nous pouvons donc en conclure que les copies de ces deux premiers Évangiles et probablement aussi celles du troisième circulaient déjà, avant la mort de saint Jean, dans les communautés chrétiennes parmi lesquelles s’était exercée l’influence de cet apôtre. Il est permis de penser que l’autorité des fon-

dateurs d’Églises et de leurs principaux collaborateurs

; ivait contribué à établir le crédit des trois premiers Évangiles

canoniques et avait favorisé leur diffusion, qui s’est faite rapidement, étant donné les conditions relativement assez faciles dans lesquelles elle s’effectuait. Cf. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 10-11, 13-14.

2° De 90 à 130. — Cette période de la transmission des Évangiles dans l’Église est la plus importante et la plus obscure. On ne trouve pas dans les écrits de ce temps des citations formelles et textuelles des Évangiles. L’habitude de mentionner le nom de l’ouvrage et de l’auteur n’était pas universelle, et les paroles du Seigneur, rapportées par les écrivains ecclésiastiques, ne correspondent exactement au texte d’aucun de nos Évangiles actuels. Elles semblent être la fusion de différents passages de saint Matthieu et de saint Luc. Il faut donc recueillir les moindres indices et de simples allusions. Toutefois de l’ensemble des détails il résulte une conclusion nette et ferme, c’est qu’aussi loin que nous puissions remonter dans la littérature chrétienne, nous trouvons des traces des Évangiles. Les plus anciens documents patriotiques rendent témoignage aux écrits évangéliques et attestent, nous allons le constater, leur existence et leur caractère d’ouvrages inspirés. — L’épître que l’Église romaine adressa à l’Eglise de Corinthe, et qui est connue sous le nom de première épître de saint Clément aux Corinthiens (113-95), ne contient aucune citation expresse des Évangiles. Elle rapporte des paroles du Seigneur qu’on retrouve en propres termes ou avec des variantes plus ou moins considérables dans les trois premiers Évangiles. I Cor., Xin, 2, Funk, Opéra Patrum apostolicorum, 2e édit., Tubingue, 1887, p. 78, reproduit dans l’ensemble Matth., v, 7 ; vi, 14 ; vii, 1-2, 12, avec des détails qui se rapprochent de Luc, vi, 31, 37-38, et de Marc, iv, 24-25. 1 Cor., xlvi, 8, p. 120, combine Matth., xxvi, 24 avec Luc, xvii, 2. I Cor., xv, 2, p. 78, cite Is., xxix, 13, en s’écartant du texte des Septante et en se conformant à la leçon de Matth., xv, 8, et de Marc, vii, G. I Cor., xvi, 17, p. 82, fait allusion au joug du Seigneur, Matth., xi, 29-30. Pour d’autres allusions du même genre, voir l’Index locorum S. Scripturee de Funk, p. 508. L’écrivain a donc, semble-t-il, combiné différents passages des trois premiers Évangiles, qu’il citait de mémoire et en les modifiant. Zahn, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, 1. 1, 2, Erlangen et Leipzig, 1889, p. 916-920, en conclut que saint Clément a reproduit textuellement un Évangile qui ne nous est pas parvenu, et qui combinait les paroles du Seigneur citées en divers endroits des trois premiers Évangiles canoniques. La conclusion n’est pas fondée, car saint Irénée et Théophile d’Antioche ne sont guère plus précis que Clément de Rome et les Pères apostoliques dans leurs citations évangéliques. Or Zahn reconnaît sans difficulté que les premiers connaissaient nos Évangiles actuels. Il n’y a pas de raison de prétendre que les autres ne les connaissaient pas, du moment que les textes qu’ils allèguent comme paroles du Seigneur se retrouvent, avec quelques différences d’expression, dans les Évangiles canoniques. On peut donc penser qu’ils en ont extrait ces textes, mais en les citant de mémoire et avec une grande liberté d’allure. Les rapprochements constatés entre l’épître de saint Clément et le quatrième Évangile (voir Funk, Index, p. 568-569) ne permettent pas de conclure à un emprunt direct. Zahn, i, 2, p. 907-908. Il n’y a en cela rien d’étonnant. L’Évangile de saint Jean, composé en Asie, vers 96 ou 97, pouvait bien n’être pas encore connu à Rome à la même époque. Toutefois les rapprochements d’idées et d’expressions entre les deux écrits suffisent à établir que le fond doctrinal du quatrième Évangile appartenait à l’enseignement commun des Apôtres. — La <iiSse-/T| twv owôr/.a’AiiootoXiov, découverte en 1883, et rapportée, sinon à la fin du 1 er siècle (80-100), du moins au commencement du ii « siècle (vers l’an 110), cite, xv, 3, Funk, Doctvina

duodecim Aposlolorum, Tubingue, 1887, p. 44, l’Évangile, m ; ïyz-.z Iv ru) vjzyysliui, comme un livre ou une collection déterminée. Or la plupart des citations ou des emprunts évangéliques se rapportent à saint Matthieu. Funk, ibid., Prolegomena, p. xiii-xuu, et Index locorum S. Scripturee, p. 106. On y rencontre aussi des allusions au texte de saint Luc, p. 107 ; en deux passages mêmes, I, 3, et xvi, 1, p. 6 et 46, les leçons de saint Luc sont mêlées à celles de saint Matthieu. Zahn, Geschichte des neutestamentlïchen Kanons, t. i, 2, p. 925-932, et Harnack, Lehre der zwôlf Apostel, dans Texte und Untersuchungen, t. ii, 1, Leipzig, 1884, p. 69-79. en ont conclu que l’auteur employait un Évangile de Matthieu complété par Luc, une sorte d’harmonie évangélique de ces deux récits. Cf. G. Wohlenberg, Die Lehre der 13 Apostel in ihrem Verhàllnis zum neutestamenlliches Schrifttum, 1888, p. 2-56. Cette conclusion n’est pas nécessaire, car les combinaisons de textes et les variantes des citations s’expliquent suffisamment par le rôle de la mémoire, qui confond et mélange des leçons diverses. Certaines parties des prières eucharistiques, ix-x, Funk, p. 25-31, sont apparentées à saint Jean, xv-xvii. Il n’y a pas emprunt direct au quatrième Évangile, mais seulement rapport des deux côtés avec la tradition orale et eucharistique. Cf. Harnack, p. 79-81 ; Wohlenberg, p. 56-86 ; Zahn, i, 2, p. 909-912. L’absence de citations formelles du quatrième Évangile ne prouve pas qu’il n’était pas connu alors dans le milieu (Alexandrie, Palestine ou Syrie) où se produisit la AtSax*)> car le contenu de cet Évangile a peu de rapports avec les conseils pratiques qui font l’objet principal de l’ouvrage. « Quant à saint Marc, la médiocre étendue des parties qui lui sont propres fait qu’il est rarement cité, ou plutôt qu’on est rarement sur qu’il ait été employé. » A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 23. — L’Épître attribuée à saint Barnabe est de peu postérieure à la AiSa-/T| ; on la rapporte aux années 96-98 ou au plus tard à 130. Elle a été connue seulement dans le milieu alexandrin. Son auteur a fait des emprunts ou des allusions au texte de saint Matthieu : v, 9, Funk, Opéra Patrum apostolicorum, t. i, p. 14, Matth., IX, 13 ; vii, 9, p. 24, Matth., xxvii, 28-30 ; xa, 10, p. 40, Matth., xxii, 44. Un passage de cet Évangile, xxii, 14, est cité, iv, 14, p. 12, comme Écriture. On a prétendu, il est vrai, que la citation était prise de IV Esdr., viii, 3. Mais la différence des textes contredit cette prétention, car le livre apocryphe n’a pas le mot important x}.r, TO[. Credner a supposé ensuite que la formule Sicut scriptum est était une addition du traducteur latin. Mais le texte grec, retrouvé par Tischendorf dans le Sinaiticus, contient : u ; yiypmtai. Pour atténuer la valeur de cette formule, on a observé que l’épître de Barnabe, xvi, 5, p. 48, s’en servait pour introduire une citation du livre d’Hénoch, lxxxix, 56, 66 et 67. De ce fait il ne résulte pas que l’Évangile soit cité comme un écrit purement humain, mais seulement que l’auteur de l’épître tenait le livre d’Hénoch pour inspiré. Les rapprochements entre Barnabe, xii, 5, p. 38, et Joa., iii, 14 ; Barnabe, xxi, S, p. 56, et Joa., xii, 8, ne sont pas suffisants pour conclure que l’auteur de l’épître connaissait le quatrième Évangile. Cf. J. Delitzsch, De inspiratione Scripturee Sacrse quid statuerint Patres apostolici et apologetse secundi sxculi, Leipzig, 1872, p. 60-62 ; Zahn, i, 2, p. 906-907 et 924-925. — L’hérétique Basilide, qui enseignait à Alexandrie vers l’an 120, a écrit en vingt-quatre livres une sorte de commentaire sur l’Évangile, sî ;-n e-JïYyé/iov. Eusèbe, H. E., iv, 7. t. xx, col. 317. D’après les Acta Archelai, 55, t. x, col. 1524, le treizième livre de ce commentaire débutait par l’explication de la parabole du pauvre Lazare et du mauvais riche, qui est un récit propre à Luc, xvi, 19-31. Dans un passage rapporté par Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 1, t. viii, col. 1097-1100, Basilide expliquait Matth., xix, 10-12. Clément, Strom., iv, 12, t. viii, col. 1289-1291, reproduit encore trois passages dans les

quels Basilide exposait les rapports du péché et de la douleur et rendait compte des souffrances des enfants par la théorie de la préexistence des âmes. Si cette explication se rattachait à un texte évangélique, aucun ne convenait mieux que la guérison de l’aveugle-né. Joa., IX, 1-3. Il parait certain d’ailleurs que la secte de Basilide se servait du quatrième Évangile. Philosophoumena, vii, 20-27, t. xvi, 3 a pars, col. 3301-3321. Enfin les disciples de cet hérétique plaçaient le baptême de Jésus la quinzième année de Tibère, et sa mort la seizième. Clément d’Alexandrie, Strom., i, 21, t. viii, col. 888. Ils avaient probablement emprunté ces dates à Luc, iii, 1 ; iv, 9. Nous pouvons donc conclure que Basilide connaissait les Évangiles de saint Matthieu, de saint Luc et de saint Jean. Cependant son ouvrage n’était peut-être pas un commentaire suivi des Évangiles canoniques, et comme Origène, Prosem. in Luc., t. xiii, col. 1803, attribue à cet hérétique un évangile, il se pourrait que le texte commenté ait été un document composite, formé d’après les Évangiles canoniques, sans en reproduire aucun intégralement. Zahn, i, 2, p. 763-774. Si de l’Occident nous passons dans les Églises d’Asie, nous y trouvons des renseignements plus précis sur les Évangiles. Dans ses sept lettres authentiques, qui datent au plus tard de 110 à 117, saint Ignace d’Antioche a fait des emprunts au premier et au quatrième Évangile : Ad Epkes., xiv, g, Funk, Opéra Patrum apostolicorum, t. i, p. 184, Matth., xii, 33 ; Ad Smyrn., i, i, p. 234, Matth., iii, 15 ; ri, i, p. 238, Matth., xix, 12 ; Ad Polycarp. , i, 3, p. 246, Matth., viii, 17 ; ii, 2, p. 246-248, Matth., x, 16. La description hyperbolique de l’étoile des mages, Ad Ephes., xix, 2, p. 188, n’est qu’une amplification oratoire de Malth., ii, 9 et 10. Le quatrième Évangile est cité, Ad Magnes., nu, 2, p. 196, Joa., viii, 29 ; Ad Rom., ru, 3, p. 220, joa., vi, 27 ; Ad Philad., ru, i, p. 228, Joa., iii, 8. Ignace cite ces deux Évangiles d’une telle manière, qu’il les suppose connus dans les diverses Eglises auxquelles il écrit. Zahn, i, 2, p. 903-905. Toutefois il reproduit, Ad Smyrn., iii, S, p. 237, une parole du Seigneur qui n’est pas dans nos Évangiles. C’est la seule qu’Ignace mentionne comme telle, en rapportant les circonstances dans lesquelles elle a été prononcée. Cette particularité laisse soupçonner qu’Ignace n’accordait pas à la source où il l’a puisée la même autorité qu’aux Évangiles. Saint Jérôme, De viris illust., xvi, t. xxiii, col. 633, croit y reconnaître une citation de l’Évangile des Hébreux. Origène, De princip., proœm., 8, t. xi, col. 119, la reproduit comme venant de la Prédication de Pierre. Cf. Zahn, i, 2, p. 920-922. En plusieurs passages de ses lettres, Ad Philad., r, i et 2, p. 228 ; nu et ix, p. 230-232 ; Ad Smyrn., r, i, p. 238 ; ru, 2, p. 240, saint Ignace compare l’Évangile à la Loi et aux Prophètes. On en a voulu conclure qu’à ses yeux l’Evangile formait un recueil sacré, ayant la même autorité que la Loi et les Prophètes. .1. Delitzsch, De inspiralione Scripiurse Sacras, p. 63-65. Mais s’il est certain que saint Ignace parle de l’Évangile comme d’un document écrit, il n’en parle que pour le subordonner en quelque sorte à la foi de l’Église, à la tradition vivante, qui dérive de la prédication des Apôtres. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 27-29 ; Zahn, i, 2, p. 843-817. — Saint Polycarpe, qui écrivait peu après saint Ignace, a fait, Ad Philip., ni, 2, édit. Funk, p. 274, quelques emprunts à saint Matthieu, vi, 13 ; xxvi, 41. Ailleurs, ii, 3, p. 268, il combine Matth., vii, 1 et 2 ; v, 3 et 10, avec Luc, vi, 36-38 et 20. Comme il cite ru, i, p. 274, la première Épître de saint Jean, iv, 2 et 3, on peut penser qu’il connaissait aussi le quatrième Evangile, avec lequel elle a d’étroits rapports. — Saint Papias d’Hiérapolis, ami de Polycarpe et comme lui disciple de saint Jean, a composé vers l’an 125 ses Aoyiwv x’jp’.axwv Urafam. Eusèbe, H. E., iii, 39, t. xx, col. 296. Cet ouvrage contenait l’explication des discours du Seigneur, puisés dans des documents écrits et dans la tradition orale. Les documents écrits qui fournirent à Papias la

matière de son commentaire étaient les Évangiles de l’Église. Les Évangiles connus de Papias étaient certainement, au moins, ceux de Matthieu et de Marc, sur la composition desquels il nous a transmis de si curieuses notices, provenant en partie de saint Jean. Ces notices nous permettent même de remonter plus haut que l’époque de Papias. Elles nous renseignent sur ce que savait saint Jean, vers l’an 90. Or le disciple bien-aimé et ses auditeurs avaient entre les mains un Évangile, qu’ils croyaient être de Marc, disciple de saint Pierre. Jean loue cet ouvrage, en expliquant d’une manière satisfaisante l’ordre moins rigoureux des faits qu’il y remarquait déjà. Eusèbe, loc. cit., col. 300. Les critiques modernes ont prétendu, il est vrai, que la description donnée par Papias convenait, non pas à l’Évangile actuel de Marc, mais à un Prôto-Marc, dont nous aurions une édition remaniée dans notre second Évangile. Mais Papias ne dit rien qui ne se rapporte avec le caractère de notre Marc, dans lequel on trouve des faits et quelques discours simplement groupés, en dehors de toute prétention à un enchaînement minutieux dans l’ordre chronologique. D’ailleurs il est certain que les Pères, qui suivent Papias, ont connu l’Évangile actuel de Marc Faudra- 1- il placer dans le court intervalle qui les sépare l’édition remaniée qu’on suppose ? Qui l’a rédigée ou l’a fait accepter ? Quand et où la substitution a-t-elle été opérée ? Il n’y avait donc pas de Prôto-Marc pour Papias ni pour saint Jean. Les mêmes critiques ont pensé aussi que la notice sur saint Matthieu convient, non au texte grec actuel, mais à l’Évangile hébreu, dont il est un remaniement. D’après Papias, saint Matthieu, par contraste avec saint Marc, comprenait surtout des discours du Seigneur. Or le premier Évangile actuel a au moins autant d’histoire que le second. Ce n’est donc pas lui que Papias connaissait. Observons d’abord que l’opposition faite par Papias entre saint Matthieu et saint Marc n’est pas certaine. Elle semble résulter de la juxtaposition des deux citations de Papias dans Eusèbe ; mais il n’est pas démontré que les deux notices se suivaient dans l’ouvrage de l’évêque d’Hiérapolis, et Eusèbe a pu les extraire d’endroits différents. Du reste ce contraste n’est pas aussi tranché qu’on le prétend. Papias désigne les deux premiers Évangiles par la partie de leur contenu qui était pour lui la plus importante, le premier par les discours, le second par des discours et des faits. Il ne définit pas strictement tout le contenu, et Xôytoc ne signifie pas nécessairement des discours à l’exclusion des faits. Papias enfin connaît les interprétations grecques, écrites et non simplement orales, de l’Évangile hébreu de saint Matthieu. Il est vraisemblable qu’il employait l’une d’elles plutôt que l’original, probablement celle qui avait été dans les mains de saint Ignace et de saint Polycarpe, la même que nous trouverons bientôt en la possession de saint Irénée, celle qui est le texte de notre premier Évangile. Papias connaissait donc nos Évangiles de saint Matthieu et de saint Marc. Cf. A. Harnack, Die Chronologie der allchristlichen Litteraiur bis Eusebius, t. i, p. 663-664. Connaissait-il les deux autres ? On a prétendu que non, parce qu’Eusèbe n’en parle pas. Mais le silence d’Eusèbe ne saurait être à cet égard un argument décisif. Eusèbe a rapporté les deux notices relatives aux Evangiles de saint Matthieu et de saint Marc en raison des détails historiques qu’elles contenaient. Il ne se proposait pas de nous apprendre quels Évangiles étaient cités par les anciens écrivains ecclésiastiques ; il pouvait donc constater que Papias avait cité saint Luc et saint Jean, sans se croire obligé de le mentionner dans son histoire. Sans parler des documents qui relatent les rapports de Papias avec saint Jean (Harnack, Chronologie, p. 664-667), il est très vraisemblable que l’évêque d’Hiérapolis a connu le quatrième Évangile. Il n’a guère pu, en effet, ignorer les écrits de saint Jean, publiés peu d’années auparavant dans le milieu où il vivait. S’il ne s’en est guère servi

dans son ouvrage, c’est que les discours de Jésus que cet Évangile contient convenaient moins à son but. Enfin il est probable qu’il a connu, comme saint Ignace et saint Polycarpe, l’Évangile de saint Luc. Cf. Zahn, i, 2, p. 819-903 ; Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 32-39. — De tout ce qui précède nous pouvons conclure que, vers la fin du 1 er siècle et le commencement du ii a, les Évangiles de saint Matthieu et de saint Luc étaient répandus dans toutes les communautés chrétiennes sur lesquelles nous avons des renseignements. Celui de saint Marc, qui est plus court et a moins.de récits propres, est moins documenté ; mais le défaut de témoignages venant de Rome et d’Alexandrie est amplement compensé par le suffrage favorable de saint Jean et de ses disciples. À la fin du, i « siècle il est en Asie Mineure, où il n’a pas été composé ; c’est une preuve qu’il s’est répandu assez rapidement dans l’Église. Le quatrième Évangile a été connu par saint Ignace, saint Polycarpe et les « vieillards » qui furent les maîtres de saint Irénée. Adv. hser., v, 30, t. vji, col. 1203. Il était employé à Alexandrie dans le premier quart du IIe siècle. À partir de l’an 130, on le trouve partout. Il eut donc toujours une grande vogue et il fut accepté sans contestation, à cause du prestige de son auteur. Les Évangiles apocryphes alors existants sont peu répandus. Nous ne constaterons pas dans les temps postérieurs la moindre hésitation sur le nombre des Évangiles autorisés. Ce fait ne s’expliquerait pas s’il y avait eu à l’origine une période de confusion, durant laquelle on eût joint des Évangiles apocryphes aux canoniques. Les circonstances de la publication de ceux-ci furent sans doute des garanties suffisantes de leur origine apostolique et de leur autorité divine. Le recueil des quatre Évangiles fut donc ainsi constitué en fait avant l’an 130, sans que l’autorité ecclésiastique ait intervenu officiellement pour le présenter aux fidèles. A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 41-43.

3° De 130 à 110. — Les documents de cette période sont plus nombreux et plus explicites que ceux de la période précédente. Ils nous feront constater que le recueil des quatre Évangiles canoniques est publiquement reconnu dans l’Église. Cette conclusion résultera des témoignages des écrivains catholiques et hérétiques.

1. Témoignages des écrivains catholiques. — Le Pasteur d’Hermas, qui a été composé à Rome, vers l’an 140, présente d’assez nombreuses affinités d’expressions avec les quatre Évangiles. Funk, Opéra Patrum apostolicorum, t. i, Index locorum S. Scripturse, p. 576. L’homélie qui est ordinairement désignée sous le nom de seconde Épître de saint Clément, et qui est du même temps, reproduit un assez grand nombre de paroles du Seigneur, qui se retrouvent pour la plupart dans saint Matthieu : II Cor., il, 4, édit. Funk, p. 146, cite comme Écriture Matth., IX, 13 ; II Cor., iii, 2, p. 148, Matth., x, 32 ; II Cor., IV, 2, p. 148, Matth., vii, 21 ; II Cor., ri, 2, p. 150, Matth., xvi, 26 ; II Cor., ix, 11, p. 156, Matth., xii, 50, etc. D’autres citations dérivent de saint Luc : Il Cor., vi, 1, p. 150, Luc, xvi, 13 ; II Cor., xiii, 4, p. 160, Luc, vi, 32. Celle qui est introduite par la formule : lyti yap o KOpio ; Èv : à vjxyfù.iu), II Cor., viii, 5, p. 154, est rapportée par beaucoup de critiques à un évangile apocryphe ; mais elle peut fort bien être tirée de Luc, xvi, 10-12, avec qui elle concorde partiellement. Si on trouve seulement, II Cor., xx, 1, p. 168, une lointaine allusion à Joa., xiv, 1 et 27, l’expression : « Le Christ, qui était d’abord esprit, s’est fait chair, » II Cor., ix, 5, p. 154, semble empruntée au quatrième Évangile, bien que le mot johannique « le Verbe » fasse défaut. Enfin d’autres paroles du Seigneur, II Cor., iv, 5, p. 148 : y, Q-4, p. 150 ; xir, 2-5, p. 158, proviennent soit de la tradition orale, soit d’un document écrit, différent des Évangiles canoniques. — Les anciens dont saint Irénée, Coat. hseres., v, 36, t. vii, col. 1223, invoquait le témoignage, c’est-à-dire les évêques

qui gouvernaient les Églises de l’Asie Mineure, de 130 à 150, avaient certainement entre les mains les mêmes Évangiles que leur disciple, car ils employaient dans leur enseignement des paroles du Seigneur puisées dans nos Évangiles. Cf. Zahn, i, 2, p. 781-783. La lettre des Smyrniotes sur le martyre de saint Polycarpe, en 155, indique de quelle manière le martyre est conforme à l’Évangile, I, 1, édit. Funk, p. 282-284 ; iv, p. 286 ; xix, 1, p.*30t. Elle renferme des allusions à la passion de Jésus-Christ, et vir, 1, p. 288, à un passage de Matth., xxvi, 55. Cf. Zahn, t. i, 2, p. 779-781. — Le martyr saint Justin, à la fin de sa première Apologie, lxvi, t. vi, col. 429, qui date de 150 environ, dit que l’Eucharistie a été instituée par Jésus-Christ lui-même, selon que les Apôtres l’ont rapporté h toTç yevofiévot ; Otc’gcjtwv àTrofjLvrjijLovE’jtxxatv, a y-aXeirou eûayYÉXta. Dans le chapitre lxvii, col. 429, il ajoute que les « Mémoires des Apôtres » sont lus dans les assemblées chrétiennes avec les écrits des prophètes ; on reconnaît donc aux uns et aux autres la même autorité divine. Ce nom de <c Mémoires des Apôtres », que saint Justin est seul à donner aux Évangiles, leur convient parfaitement et rend exactement compte de leur origine et de leur contenu. S’il l’emploie, ce n’est pas que le nom i’rjayyi).ia ne soit couramment usité parmi les chrétiens. S’adressant à un empereur païen, l’apologiste se sert d’un terme qui expliquera clairement la nature des Évangiles qu’il citait. Il y avait une allusion aux’A^ou.-ir^o’/vjp.^-zx, dans lesquels Xénophon reproduit les enseignements de Socrate. II 1 Apolog., x-xi, t. VI, col. 460-461. Les Évangiles que saint Justin désigne sous ce titre forment donc un corps d’ouvrages aussi nettement déterminé que la collection des livres prophétiques de l’Ancien Testament. Comme, d’ailleurs, l’apologiste parle au nom de l’Église, qu’il veut défendre, les Évangiles qu’il mentionne sont ceux que l’Église employait alors, les quatre qu’elle a toujours reconnus depuis. La vérité de cette conclusion résulte directement des autres écrits de saint Justin. Dans son Dialogue avec le juif Tryphon, ciii, t. i, col. 717, qui est de peu postérieur aux Apologies, Justin affirme que ces Mémoires, dont il a parlé si souvent, ont été écrits par les Apôtres ou les disciples des Apôtres. Bien qu’il ne les désigne pas par leur nom, il est clair qu’il vise les deux Évangiles de saint Matthieu et de saint Jean, qui sont l’œuvre de véritables Apôtres, et les deux autres de saint Marc et de Saint Luc, qui ont été composés par des disciples des Apôtres. Si on examine en détail les citations évangéliques qui se lisent dans les écrits de saint Justin, on constate qu’il s’est servi des quatre Évangiles canoniques. Il n’y a pas de doute possible pour l’emploi du premier Évangile, dont les citations sont nombreuses, soit dans la première Apologie, xv-xvi, t.vi, col. 349-353 soit dans le Dialogue avec Tryphon, xvir, t. vi, col. 513, xxxv, col. 549-552 ; xlix, col. 584 ; li, col. 589 ; lxxvi, col. 653 ; lxxviii, col. 657 ; xciii, col. 697 ; xcix, col. 708 ; c, col. 710 ; cv, col. 721 ; cvii, col. 724 ; cxii, col. 736 ; cxx, col. 756 ; cxxii, col. 760 ; cxl, col. 797. Ces citations sont faites très librement, aussi bien que celles de la version des Septante pour l’Ancien Testament. Le texte y a subi les modifications nécessaires pour devenir intelligible à des lecteurs païens. Les traces du second Évangile sont en moins grand nombre ; on les remarque cependant : I Apolog., xvi, t. vi, col. 353 ; Dial. cum Tryp/i., lxxvi etc, col. 653 et 709 ; De resurrectione, îx, col. 1588. La finale contestée de saint Marc, xvi, 20, est citée I Apol., xlv, col. 397. On peut légitimement penser que le second Évangile est mentionné sous le nom de Mémoires de Pierre. Dialog. c. Trijph., evi, t. vi, col. 724. Ce nom, en effet, convient mieux à la narration de Marc, disciple de saint Pierre, qu’à l’Évangile apocryphe de Pierre, que saint Justin n’a peut-être pas vu. On ne peut guère contester non plus que saint Justin n’ait connu le troisième Évangile. Le passage où il distingue les’Mémoires composés par les Apôtres ou par leurs disciples sert à introduire le

récit de la sueur de sang, qui est particulier à saint Luc, xxii, 44. D’autres particularités de l’histoire évangélique, qui ne se rencontrent que dans le troisième Évangile, sont rapportées par saint Justin : Luc, i, 7, Dialog., lxxxiv, col. 676 ; Luc, i, 26, / Apol., xxxiii, et Dialog. , c, col. 381 et 712 ; Luc, ii, 2, I Apol., xxxiv, et Dialog. , lxxviii, col. 384 et 657 ; Luc, iii, 1 et 23, I Apol., xin, xi.vi, et Dialog., lxxxviii, col. 348, 397 et 685. Des paroles du Seigneur, qui correspondent au texte de saint Luc, sont citées : 1 Apol., xv, t. vi, col. 352 ; xvii, col. 356 ; xix, col. 357 ; lxvi, col. b29 ; Dialog., ciii, col. 717. Saint Justin sait par les Mémoires des Apôtres que Jésus est le Fils unique du Père, son Verbe, qu’il s’est fait homme et chair en naissant d’une Vierge. Dialog., cv, col. 720721 ; I Apol, xxxii, col. 380 ; Dialog., lxiii, col. 620. Il n’a pu l’apprendre que dans le quatrième Évangile. Une parole du Christ, empruntée au discours avec Nicodème, Joa., iii, 3-5, est rapportée I Apol., l.xi, col. 420. Des expressions caractéristiques et des comparaisons propres à saint Jean se retrouvent sous la plume de saint Justin,

I Apol., lx, col. 417 ; vi, col. 337 ; Dialog., ex, col. 729.

II serait absurde de prétendre que l’auteur du quatrième Évangile a puisé dans saint Justin, ou que tous deux ont mis à contribution un Évangile perdu, car à l’époque du premier apologiste l’Évangile de saint Jean était depuis longtemps déjà dans l’usage ecclésiastique. Les Mémoires des Apôtres que saint Justin a connus et cités sont donc les quatre Évangiles canoniques. Toutes les théories inventées depuis un siècle pour prétendre le contraire sont insoutenables. Cf. J. Delitzsch, De inspiratione Scripturae Sacrée, p. 77-93. Assurément saint Justin a mis à contribution des documents apocryphes ou des traditions extracanoniques ; mais il n’en cite aucune comme ayant fait partie des Mémoires des Apôtres. Ces Mémoires formaient donc un recueil fixe, à Côté duquel cependant saint Justin acceptait certaines traditions écrites ou orales sur Jésus-Christ. Zahn, i, 2, p. 463-538 ; A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 48-56. — Tatien, disciple de saint Justin, a publié à Rome son Discours aux Grecs, vers l’an 160. Cet ouvrage ne contient aucune citation formelle des Évangiles ; mais il est évident que l’auteur les connaît, qu’il s’en est nourri et qu’il a puisé sa doctrine spécialement dans l’Evangile de saint Jean. Ainsi il cite, Oral., xiii, t. vi, col. 833, comme parole divine une partie de Joa., i, 5 ; il fait, v, col. 813 et 817, des considérations sur le Verbe et la création qui sont comme le commentaire du prologue de saint Jean ; il fait allusion à Joa., i, 3, Orat., xix, col. 849, et à Luc, vi, 25, Orat., xxxii, col. 872. Cf. Zahn, i, 2, p. 778-779. Mais Tatien a publié à Édesse un Atx Teaaipwv, ou Harmonie des quatre Évangiles. Cotait une concordance évangélique, formée par la combinaison des récits canoniques. Cette harmonie des quatre Évangiles, à l’exclusion de tout apocryphe, montre clairement qu’à l’époque de Tatien l’Église reconnaissait ces livres, et ceux-là seulement, comme l’histoire authentique de la vie et de la prédication du Seigneur. Zahn, i, 1, p. 388-423, et ii, 2, p. 530-536. — L’épître à Diognète, qu’on croit contemporaine de saint Justin et qui n’est pas postérieure à Tan 170, mentionne, à côté de la Loi et des Prophètes, les Évangiles comme un corps d’ouvrages en nombre déterminé, ch. xi. Funk, Opéra Patrum apostolicorum, t. i, p. 330. — Hégésippe, durant un voyage qu’il fit vers l’an 150, visita les principales chrétientés, notamment celles de Corinthe et de Rome. Or il trouva partout un enseignement conforme « à la Loi, aux Prophètes et au Seigneur ».

! Par ce dernier nom il désigne évidemment l’Évangile, 

répandu partout et reconnu comme divin aussi bien que les livres de l’Ancien Testament. Eusèbe, H. E., iv, 22, t. xx, col. 377-384, après avoir rapporté ce témoignage, ajoute qu’llégésippe citait l’Évangile des Hébreux, l’Évangile syriaque et les traditions orales des Juifs, et il explique ce fait singulier par l’origine judaïque de cet écrivain.

2. Témoignages des hérétiques. — Marcion, qui vivait à Rome vers le temps d’Hadrien, 117-138, enseignait que l’Évangile était en opposition absolue avec la Loi. Il rejetait donc tout l’Ancien Testament. Il n’admettait même qu’une partie des écrits du Nouveau Testament, ceux qui lui semblaient correspondre à son enseignement. Selon lui, la doctrine du Christ a été altérée par les Apôtres judaïsants ; saint Paul seul a compris le Maître. Il admet par conséquent les Épîtres de saint Paul et l’Évangile composé par Luc, disciple de saint Paul. Marcion connaît les Évangiles de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Jean ; mais il les condamne et les exclut de son recueil. Il ne contestait pas leur origine apostolique ; il les repoussait parce qu’il ne les trouvait pas conformes à sa propre doctrine. L’Évangile qu’il adoptait, c’était celui de saint Luc, mais mutilé, altéré et modifié selon sa conception de la prédication chrétienne. S. Irénée, Cont. liserés., i, xxvii, 2, t. vii, col. 688 ; Tertullien, Adv. Marcion., iv, 2, t. ii, col. 364. Ainsi Marcion fit ce que n’avait pas encore fait l’Église, il décida quels livres contiennent la vérité divine et en publia le texte revu et corrigé. Il ne choisit pas un Évangile apocryphe, mais il prit parmi ceux qui étaient reçus dans l’Église celui qui cadrait le mieux avec ses idées. Zahn, I, 2, p. 619-622, 664-716 ; II, 2, p. 409-494 ; Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 69-75 ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, t. i, p. 119-130. — Valentin, qui était originaire d’Egypte et qui enseignait à Rome du temps d’Antonin le Pieux, 138-161, acceptait tous les Évangiles. Il avait toutefois une prédilection marquée pour le quatrième, et son ogdoade suprême d’Éons avait été dressée d’après le texte de saint Jean. Héracléon, son disciple, avait écrit sur cet Évangile un commentaire dont Origène, In Joa., tom. xiii, 59, t. xiv, col. 513, nous a conservé des fragments. Saint Irénée, Cont. hseres., I, viii, 5, t. vii, col. 533-537, a rapporté l’interprétation que Ptolémée, un autre disciple de Valentin, avait donnée du prologue de saint Jean et de la manière dont on y trouvait les Éons. Un troisième valentinien, Marc, se servait aussi du quatrième Évangile. S. Irénée, Cont. hseres., I, xiv-xv, t. vii, col. 593-616. L’école de Valentin ne négligeait cependant pas les Synoptiques. Marc, Héracléon et Ptolémée interprétaient à leur façon plusieurs passages de saint Luc. S. Irénée, Cont. hseres., III, xiv, 3, t. vii, col. 916, et I, xv, 3, col. 620. Valentin et ses disciples employaient également les Évangiles de saint Matthieu et de saint Marc. Clément d’Alexandrie, Strom., iv, 9, t. viii, col. 1281 ; Excerpta ex scriptis Theodoti, 85, t. ix, col. 697 ; S. Irénée, Cont. hseres., i, iii, 5, t. vii, coi. 476. Zahn, i, 2, p. 725-744 ; Loisy, op. cit., p. 64-66. — Les autres sectes hérétiques du temps employaient plus ou moins les Évangiles canoniques. Les Ébionites se servaient uniquement de l’Évangile de saint Matthieu. S. Irénée, Cont. hseres., i, xxvi, 2, t. vii, col. 686-687. Les Rarbelosiens semblent, comme les Valentiniens, avoir mis l’Évangile de saint Jean à contribution pour trouver des noms à la hiérarchie de leurs Éons. S. Irénée, Cont. hseres., i, xxix, t. vii, col. 691-694. Les Ophites connaissaient le troisième Évangile, et ils expliquaient à leur façon les récits de la naissance de saint Jean-Baptiste et de Jésus et ceux de la mort et de la résurrection du Sauveur. S. Irénée, Cont. hseres., i, xxx, 14, t. vii, col. 703. D’après les Philosophoumena, v, 6-11, t. xvi, 3° pars, col. 3123-3159, les Ophites se servaient des Évangiles de Matthieu, de Luc et de Jean. D’après le même livre, v, 12-18, t. xvi, col. 3159-3178, les Pérates faisaient des emprunts à l’Évangile de saint Jean, et les Séthiens, ibid., 19 et 22, col. 3179-3191, à saint Matthieu et à saint Jean. Le gnostique Justin s’est servi de saint Luc et de saint Jean, Philosophoumena, 23-28, col. 3191-3205, et les Docètes s’inspiraient des quatre Évangiles. Ibid., viii, 1-11, t. xvi, col. 3347-3357, Cf. Index, t. xvi, col. 3458-3460. Carpocrate cite une parole du Seigneur d’après Matth., v, 25, ou Luc, xii, 58.

S. Irénée, Cont. hmres., i, xxv, 4, t. vii, col. 683. — « Tous ces hérétiques ont trouvé l’Église en possession de ses quatre Évangiles canoniques… Pour établir des systèmes que ces livres contredisaient, ils ont été néanmoins obligés de s’en servir. Leur témoignage est particulièrement significatif en ce qui regarde l’antiquité et l’autorité du quatrième Évangile. Alors que la littérature ecclésiastique nous fournit une seule citation directe et textuelle de saint Jean, nous le voyons constamment allégué par les docteurs de la gnose alexandrine, et son plus ancien commentateur connu est le valentinien Héracléon. » A. Loisy, Histoire dit canon du Nouveau Testament, p. 79. En face de l’hérésie, l’Église ne déclarait pas encore officiellement quels étaient les Évangiles qu’elle recevait ; mais elle gardait ceux qu’elle avait reçus, elle en garantissait l’origine apostolique et l’autorité divine. Elle les lisait dans ses assemblées avec les écrits des prophètes et leur reconnaissait ainsi la dignité d’Écriture inspirée, au même titre et au même degré qu’aux livres de l’Ancien Testament. 4° De 110 à 220. — C’est durant cette période que le recueil évangélique est officiellement formé. Pour les écrivains catholiques, il n’y a que quatre Évangiles canoniques et il n’a pu y en avoir d’autres, ou, pour mieux dire, il n’y a jamais eu qu’un seul Évangile authentique dans quatre récits d’autorité apostolique. Cette conception se trouve implicitement formulée dans le Canon de Muratori, qui est un catalogue des livres du Nouveau Testament. Voir Canon, col. 170. Celte pièce paraît être d’origine romaine et avoir été composée à la fin du IIe siècle, 175-190. Quoique mutilée et ne contenant plus la mention que de deux Évangiles, la liste primitive en comprenait quatre, puisque l’Évangile de saint Luc est expressément désigné comme étant le troisième et celui de saint Jean le quatrième. Les deux premiers ne pouvaient être, de l’aveu de tous les critiques, que ceux de saint Matthieu et de saint Marc. Dans la notice consacrée au quatrième Évangile, l’auteur du Canon fait remarquer que, bien que chaque évangéliste ait pris pour son récit un point de départ différent, il n’y a pas pour la foi des fidèles de différences essentielles ; un récit complète l’autre, car l’ensemble de la vie de Jésus-Christ a été exposé dans les quatre Évangiles par un seul et même Esprit, qui inspirait les évangélistes. Il n’y a donc en quatre livres qu’un seul Évangile, œuvre du Saint-Esprit. Cf. Zahn, Geschichte des neulestamentlichen Kanons, t. ii, 1, Erlangen et Leipzig, 1890, p. 5 ; Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 93-95. — Saint Irénée énonce explicitement l’idée de l’Évangile, un en quatre. Le saint docteur réfute les erreurs des hérétiques ; il vient de démontrer par les Évangiles de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean, qu’un seul et même Dieu, créateur du ciel et de la terre, a été prêché par les prophètes de l’ancienne loi et les évangélistes de la nouvelle. Cont. liserés., 111, ix-xi, t. vii, col. 868-884. Il conclut sa démonstration en disant, ibid., xi, 7, col. 884-885, que les hérétiques eux-mêmes rendent témoignage à l’autorité des Évangiles, en s’efforçant d’appuyer sur eux leurs propres erreurs. Les Ébionites se servent de saint Matthieu seulement ; Marcion, de l’Évangile altéré de saint Luc ; les Cérinthiens préfèrent saint Marc, et les Valentiniens, saint Jean. Puis il ajoute : « Or il n’y a ni plus ni moins que ces quatre Évangiles. Comme il y a quatre parties dans le monde où nous sommes et quatre vents principaux, et comme l’Église est répandue sur toute la terre, ayant pour colonne et appui l’Évangile et l’Esprit de vie ; de même elle a quatre colonnes qui soufflent de toutes parts l’incorruptibilité et vivifient les hommes. D’où il est manifeste que le Verbe… nous a donné l’Évangile quadriforme, qui est dominé par un seul Esprit, éomxôv tjjiîv T£Tpà|i.opyov xb E-jayyéV.ov, âvt £î TrvE’^ati TJvE-^Qfisvov. » Saint Irénée compare ensuite ces quatre Évangiles, qui n’en font qu’un, aux chérubins quadriformes d’Ézéchiel, et il en conclut que les hérétiques, lorsqu’ils admettent plus

ou moins que ces quatre formes d’Évangiles, E--ayyE). ! ’wv’7cp6<jW71a, n’ont plus l’idée de l’Évangile, tt, v ïBsav to0 i EùocyyéXto’j, col. 885-891. Le saint docteur ne fait qu’énoni cer la possession de l’Église. Depuis l’origine, elle a quatre Évangiles, que les Apôtres lui ont donnés. Cont. hœres., III, i, 1, t. vii, col. 844-845. Saint Irénée s’appuie exclusivement sur la tradition ecclésiastique ; il ne démontre pas le fait de la réception des quatre Évangiles canoniques dans l’Église, il l’affirme et l’explique par des raisons symboliques, qu’il serait ridicule de prendre comme des preuves de la foi de l’Église. Si donc il reçoit quatre Évangiles seulement, c’est que l’Église les avait eus dès les premiers temps et n’avait jamais reçu que ceuxlà. A. Loisy, op. cit., p. 103-105 ; Zahn, t. i, 1, p. 150-162.

— Tertullien, représentant l’Église d’Afrique, expose, en réfutant Marcion, les mêmes principes que saint Irénée. Comme l’évêque de Lyon, il assure que les quatre Évangiles canoniques, et eux seulement, sont en possession de l’usage ecclésiastique depuis le temps des Apôtres. Ceuxci ont eux-mêmes formé « l’instrument évangélique », soit en publiant les livres qu’ils avaient composés, soit en approuvant et en couvrant de leur autorité ceux de leurs disciples. Adv. Marcion., iv, 2, t. ii, col. 363. Cf. De prsescript., xxxviii, t. ii, col. 51-52. — Clément d’Alexandrie, quoique favorable aux Evangiles apocryphes, les distingue fort nettement de ceux que la tradition a reçus. Expliquant un passage de l’Évangile des Hébreux, il observe tout d’abord que ce texte ne se trouve pas « dans les quatre Évangiles qui nous ont été transmis », h toïç TiapaSiSofiÉvot ; fjfiïv xfTTaptrtv EuayyéXtot ; . Strom., III, 13, t. viii, col. 1193. Les nombreux emprunts qu’il fait aux écrits apocryphes n’engagent pas la foi de l’Église d’Alexandrie. Bien que Clément ne suive pas toujours fidèlement la tradition ecclésiastique, il montre suffisamment que les Évangiles traditionnels jouissaient seuls, même à ses yeux, d’une autorité indiscutable. Zahn, t. i, 1, p. 170-176. — Saint Théophile d’Antioche déclarait, de son côté, que la doctrine des prophètes est d’accord avec celle des évangélistes, « parce que tous les hommes inspirés ont parlé sous l’influence du même Esprit, » Scî tô todç nâvraç nvs’jp.aToçdpov ; Ivi 7tv£’JU.aTi ŒoO XsXa>j)xévai. Ad Autolyc, m, 12, t. vi, col. 1137. Il mentionne expressément le prologue du quatrième Évangile comme une Écriture sacrée, œuvre d’un homme inspiré. Ad Aulolyc, ii, 22, t. vi, col. 1088. Il fait des emprunts à saint Matthieu, v, 28-44, et vi, 3, Ad Autohjc, iii, 13, 14, col. 1140, et à saint Luc, xviii, 27. Ibid., ii, 13, col. 1072. Saint Jérôme, De viris illustribus, 25, t. xxiii, col. 644, et Epist. cxxi ad Algasiam, q. 6, t. xxii, col. 1020, attribue à saint Théophile un commentaire des Évangiles, qui était une sorte d’harmonie des quatre récits, un Aià TEuuipwv. Zahn, t. i, 1, p. 176-179. — La controverse pascale, qui surgit dans le dernier tiers du IIe siècle, roulait en partie sur l’accord ou le désaccord des trois premiers Évangiles avec le quatrième au sujet de la date de la Pàque. Apollinaire d’Hiérapolis, Clément d’Alexandrie et saint Hippolyle, dont les témoignages sont rapportés dans la Chronique pascale, t. xcii, col. 80-81, réfutent les quartodécimans, qui s’appuyaient sur saint Matthieu pour soutenir que Jésus avait mangé la dernière Pàque le 14 nisan et était mort le lendemain. « Ce système, disait Apollinaire, introduit la contradiction dans les Évangiles. » Polycrate, évêque d’Éphèse, invoquait en faveur de l’observance des Églises d’Asie l’autorité de l’Évangile, non pas celle d’un Évangile en particulier, ni celle du quatrième en opposition avec les trois premiers, mais celle de la collection canonique des quatre Évangiles. Èusèbe, H. E., v, 24, t. xx, col. 496 ; Zahn, t. i, 1, p. 180-192. — Ainsi donc les quatre Evangiles canoniques, et ceux-là seulement, étaient dans le dernier quart du IIe siècle reçus dans toute l’Église comme des œuvres apostoliques et des écrits inspirés. Celte acceptation universelle suppose que dans les temps antérieurs le recueil évangélique était déjà

constitué, et que les Évangiles qui en faisaient partie jouissaient dès lors d’une considération et d’une autorité auxquelles nul apocryphe ne pouvait prétendre. Les critiques modernes qui pensent que saint Justin n’a pas eu l’idée d’un canon évangélique, en sorte que cette idée serait née entre le temps de saint Justin et celui de saint Irénée, oublient que ces auteurs ont été contemporains. Le changement que l’on suppose se serait produit du vivant de saint Irénée, sans qu’il s’en. aperçût. L’auteur du Canon de Muratori n’aurait pas eu connaissance d’une transformation aussi importante, et il aurait pu croire très ancien un état de choses qui se serait établi sous ses yeux. Tous les personnages notables de l’époque se seraient donc entendus pour définir le canon évangélique et présenter aux Églises comme apostolique le recueil des quatre Évangiles qu’ils venaient de concerter. Pareille hypothèse est insoutenable, et il faut bien reconnaître que la réception des quatre Évangiles comme œuvres apostoliques et écrits inspirés remonte plus haut. A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 125-126. Cf. Zahn, t. i, 1, p. 437-440. A. Harnack, Die Chronologie, t. i, p. 681-700, a cherché à déterminer comment, quand et où s’est formé reùayyéy.iov TETpijj.opçov. En remontant de la fin du IIe siècle, où il le trouve partout, il arrive, d’étape en étape, à constater son existence, au moins en Asie Mineure, dès la composition du quatrième Évangile, 80-110. La formation du recueil canonique des quatre Évangiles a suivi de près la publication de l’Évangile de saint Jean.

Durant la période que nous étudions, il se produisit un essai de mutilation de l’Évangile quadriforme. Par réaction contre le montanisme, qui voulait introduire un troisième Testament, celui du Paraclet, quelques catholiques n’acceptaient pas l’Évangile de saint Jean, afin de réfuter le don et la mission du Saint-Esprit dans l’Église. Saint Irénée, Cont. hxres., 111, xi, 9, t. vii, col. 890-891, déclare leur faute impardonnable. On les a appelés les Aloges. Saint Hippolyte a écrit contre eux son traité perdu :

  • Tjrkp tou y.aTÔc’ltoavvriv £)a.yyEk’.oj xat àizoy.xkv<î/Ewz.

Saint Philastre, Hxres., lx, t. xii, col. 1174-1175, nous apprend que les Aloges attribuaient le quatrième Évangile à Cérinthe. Saint Épiphane, Hxres., li, t. xli, col. 892, les déclare inexcusables de soutenir une pareille attribution. « On doit noter que les Aloges ne songèrent pas à faire passer le quatrième Évangile pour une œuvre récente. Voulant se débarrasser du livre et ne pouvant s’attaquer à un apôtre, ils supposent une fraude littéraire, comme il y en avait eu au cours du ne siècle, et ils la placent au temps même de saint Jean : ils avouent ainsi d’une manière implicite ce que déclarent hautement saint Irénée et les autres témoins de la tradition chrétienne, à savoir, que le quatrième Évangile était aux mains de l’Église dès la fin de l’âge apostolique et les premières années du IIe siècle. » A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 136-137. Leurs objections contre l’Évangile de saint Jean n’eurent aucun succès, tandis que leur opinion sur l’Apocalypse fut prise en considération ; leurs affirmations, qui ne s’appuyaient pas sur la tradition, n’ébranlèrent pas la conviction universelle, qui était fondée sur des témoignages historiques. C’est une preuve nouvelle que le crédit de la collection canonique des Évangiles remonte à l’âge apostolique.

5° De 3’20 à 450. — Au début de cette période, le recueil des quatre Évangiles existait depuis plus d’un siècle. Dans le cours de sa durée s’élèveront des discussions sur le canon du Nouveau Testament. On remarquera les divergences que présente la tradition ecclésiastique au sujet de quelques livres canoniques de la nouvelle alliance. Mais pour le recueil des Évangiles il n’y aura pas lieu à controverse, et on constatera, en Orient aussi bien qu’en Occident, que l’Eglise a toujours reçu }es quatre Évangiles canoniques et n’a jamais reçu qu’eux. 1. En Orient. — Origène est très explicite sur le nombre

des Évangiles que l’Église reçoit : « L’Église, dit-il, a quatre Évangiles ; les hérésies en ont un grand nombre. » Après avoir cité les titres de plusieurs évangiles apocryphes, il ajoute : « Mais, parmi tous ces écrits, nous approuvons ceux que l’Église approuve, c’est-à-dire les quatre Évangiles qui doivent être reçus. » In Luc, hom. i, t. xiii, col. 1803. Ces quatre Évangiles, en effet, sont les seuls qui soient garantis par la tradition et acceptés sans conteste dans l’Église de Dieu. In Matth., i, t. xiii, col. 829. Voir Canon, col. 171-172. Eusèbe, H. E., iii, 25, t. xx, col. 268-272, a dressé la liste des écrits du Nouveau Testament. Il les distingue en différentes classes. Parmi ceux qui sont universellement admis, Èv ùloloyou ^évoiç, il place eu premier lieu « la sainte tétrade des Évangiles », tt, v àyîav ràv E-JœyyEÎiMv TSTpaxrjv. Au nombre des apocryphes, èv-rot ; v6601ç, et des livres contestés, tûv àvnXî--9jj.évuv, quelques-uns mettent l’Évangile selon les Hébreux. Les quatre Évangiles appartiennent à la catégorie des Écritures qui, selon la tradition ecclésiastique, sont vraies et authentiques et qui sont universellement reçues, tccç xarâ tiqv âxy.}.Yi<iia<TT[xr|V TrapctSodtv à>T|ôeï ; y.a àîrXâtTTOUç xcà àvcojj.oXoYï]jjiÉv : x ; Ypàçiç. Les Évangiles apocryphes doivent être rejetés comme tout à fait impies et absurdes, wç atoîta îiàvTrj y.u ôucycTcêy}. Non seulement ils n’ont pas l’autorité de la tradition ; leur style lui-même est tout différent de la manière apostolique, et leur contenu est presque toujours en opposition avec la vraie foi. Voir Canon, col. 173.

Saint Athanase, Epist. fest. xxxix, t. xxvi, col. 1177, énumère les quatre Évangiles parmi les livres canoniques du Nouveau Testament. Saint Cyrille de Jérusalem, Catech. , iv, 36, t. xxxiii, col. 500, fait de même, en excluant les Évangiles apocryphes. Saint Épiphane, Hœres., lxxvi, t. xlii, col. 560, a le même canon évangélique ; il a défendu contre les Aloges l’origine apostolique du quatrième Évangile. Hxres., li, 3, t. xli, col. 892. Saint Grégoire de Nazianze, Carmen de gen. lib. insp. Script., t. xxxvii, col. 474 ; saint Amphiloque, Carmen ad Seleucurn, t. xxxvii, col. 1595 ; le 60e canon du concile de Laodicée, Mansi, Collectio Concil., t. ii, col. 574 ; le Lxxxve Canon apostolique, t. cxxxvii, col. 211, ne reconnaissent que quatre Évangiles. La Synopsis Sacrx Scripturx, attribuée à saint Chrysostome, t. lvi, col. 318, contient le résumé des quatre Évangiles canoniques. Les Constitutions apostoliques, ii, 57, t. ii, col. 729, font dire à saint Pierre, dans une ordonnance relative à la lecture publique du Nouveau Testament : « Un diacre ou un prêtre lira les Évangiles que moi, Matthieu et Jean, vous avons transmis, et que les collaborateurs de Paul, Luc et Marc, vous ont laissés. »

Dans l’Église syrienne, Aphraate cite l’Évangile du Christ, sans mentionner le nom d’aucun évangéliste. D’après l’ordre et l’enchaînement des textes, on voit qu’il se servait du Aià Tscro-spMv de Tatien. Voir t. i, col. 738. Saint Éphrem, qui a commenté le Aià cscrcrapcov, connaissait et citait les Évangiles séparés. Rabbulas prescrivit de lire dans les églises, non plus l’Harmonie de Tatien, mais les quatre Évangiles séparés. Théodoret, Hxres., i, 20, t. lxxxiii, col. 372, trouva encore dans son diocèse deCyr plus de deux cents exemplaires du Aià mjaipun, qu’il lit remplacer par le texte des Évangiles distincts et séparés.

2. En Occident. — L’évêque de Carthage, saint Cyprien, Epist. lxxiii, 10, t. iii, col. 1116, compare les quatre Évangiles aux quatre fleuves du paradis. Saint Philastre, évêque de Brescia, Hxres., lxxxviii, t. xii, col. 1199, rapporte que les Apôtres et leurs successeurs ont établi quels livres on devait lire dans l’Église catholique, et après la Loi et les Prophètes il cite les Évangiles. Dans son catalogue du Nouveau Testament, Rufin d’Aquilée, Expositio Symboli, xxxvii, t. xxi, col. 374, indique les quatre Évangiles. Saint Jérôme, Epist. lui ad Paulin., n° 8, t. xxii, col. 548, fait de même. À partir du ive siècle, i tous les canons des Livres Saints mentionnent les quatre

Évangiles et eux seulement. Voir col. 176-178. Il n’y eut plus dès lors dans l’Église lu moindre hésitation relativement à l’origine apostolique et à l’autorité divine des Évangiles. Cf. Norton, On the Genuineness ofthe Gospels, 2 in-8, Londres, 1847 ; H. de Valroger, Introduction historique et critique aux livres du Nouveau Testament, Paris, 1861, t. i ; H. "Wallon, L’autorité de l’Évangile, 3e édit., Paris, 1887, p. 19-64 ; Ms r Meignan, Les Evangiles et la critique, 2e édit., Paris, 1870.

VI. Ordre des Évangiles. — Les Évangiles ont été rangés dans un ordre déterminé dès que les quatre récits canoniques de la vie de Jésus-Christ ont été réunis en un recueil ; mais nous ne pouvons pas dire quel était l’ordre primitif ; il n’en reste aucune trace certaine. Saint Irénée, Cont. hseres., III, i, 1, t. vii, col. 844-845, a placé les Évangiles dans l’ordre accoutumé : Matthieu, Marc, Luc, Jean ; mais il n’indique pas leur disposition dans les manuscrits, il mentionne seulement l’ordre chronologique de leur publication. Ailleurs, Cont. hseres., III, ix-xi, col. 868-892, il dispose les Évangiles dans cette suite : Matthieu, Luc, Marc et Jean ; il tient compte alors de leur contenu, et il les range d’après leur point de départ dans l’histoire de Jésus-Christ. L’ordre Jean, Luc, Matthieu, Marc, indiqué Cont. hseres., III, xi, 8, col. 887-888, répond à l’interprétation des animaux symboliques du char d’Ézéchiel. Le classement ordinaire correspond à l’ordre chronologique d’apparition adopté par la tradition ecclésiastique. Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 581-584 ; Eusèbe lui-même, H. E., va, 24, col. 264-268 ; S. Épiphane, Hseres. li, t. xli, col. 893 ; S. Jérôme, In Malth. prsef., t. xxix, col. 528 ; S. Augustin, De consensu Evang., i, 2, t. xxxiv, col. 1043. Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 552, rapportait une autre tradition sur l’ordre chronologique des Évangiles, r.tÇ’. xr, ; z&inwz twv EOa-ryeHwv ; les Évangiles qui contenaient la généalogie de Notre-Seigneur étaient les premiers, puis venaient les récits de Mare et de Jean. On ne sait pas dans quel ordre les Évangiles se suivaient dans les Hypotyposes de Clément. Tertullien ne suit pas un ordre rigoureux et constant. Il distingue les Évangiles écrits par les Apôtres de ceux qui ont été composés par leurs disciples, Cont. Marcion., iv, 2, t. ii, col. 363 ; il indique aussi cette disposition : Jean, Matthieu, Marc, Luc. Cont. Marcion., iv, 5, col. 366-367. On ne peut rien conclure des citations évangéliques qu’on lit dans les écrits des Pérès. Pour les auteurs ecclésiastiques, l’Évangile forme un tout, un seul livre, où ils puisent au hasard des circonstances. Le Canon de Muratori lui-même, bien qu’il ait numéroté les Évangiles, ne semble pas indiquer pour eux l’ordre d’un manuscrit, comme on croit qu’il l’a fait pour les Épîtres. Dans les manuscrits, les Évangiles sont disposés dans sept ordres différents. — 1° Matthieu, Marc, Luc, Jean. C’est l’ordre actuel de nos Bibles ; il a été le plus fréquemment suivi dans l’antiquité. On le trouve dans presque tous les manuscrits grecs, depuis les plus anciens jusqu’aux plus récents, dans la plupart des manuscrits de la Peschito, de la version Charkléenne et dans le Codex Lewisianus. Les écrivains ecclésiastiques l’ont adopté ; Eusèbe l’a employé dans sa lettre à Carpien et dans ses canons évangéliques ; saint Athanase, saint Épiphane, saint Grégoire de Nazianze et saint Amphiloque, l’ont reproduit dans leurs listes des Livres Saints. Tous les canons seripturaires postérieurs au rv » siècle l’ont conservé. Saint Jérôme, Epist. ad Damasum, t. xxix, col. 528, l’a introduit dans sa recension latine du Nouveau Testament. Il était déjà usité dans l’Église latine avant saint Jérôme. Cassiodore l’a trouvé dans l’ancienne version latine de la Cible. Rufm et saint Augustin l’admettaient. Il était très répandu au commencement du IVe siècle, et il a supplanté tous les autres grâce à la recension de saint Jérôme.

— 2° Matthieu, Marc, Jean, Luc. Il se rencontre dans l’unique manuscrit connu de la version syriaque dite Cu retonienne. Le Canon de Mommsen nous apprend qu’il était usité dans l’Afrique latine, vers 360. Voir Canon, col. 151 et 176. Le commentaire latin des Évangiles, attribué à saint Théophile d’Antioche, l’a suivi. Il est peu probable que l’Évangile de saint Luc aurait été placé le dernier pour le rapprocher du livre des Actes, qui est l’œuvre du même écrivain ; car la version syriaque et le commentaire latin ne contiennent que les Évangiles, et dans le Canon de Mommsen les Épîtres séparent saint Luc des Actes, — 3° Matthieu, Luc, Marc, Jean. Cet ordre ; n’est suivi que par le commentateur désigné sous le nom d’Ambrosiaster, Qusestiones ex Veteri et Novo Testamento, t. xxxv, col. 2260, et dans une recension du canon des soixante livres canoniques, contenue dans un manuscrit du Musée britannique, Addit., 17, 409. Cf. Zahn, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, t. ii, p. 289, . note 1. — 4° Matthieu, Jean, Marc, Luc. Cet ordre est celui du canon du Codex Claromontanus, voir col. 176 ; . du Grsecus Venetus, cf. Gregory, Prolegomena, p. 591 ; d’un vieux manuscrit grec, qui passait, au IXe siècle, pour une relique du IVe. Cf. Druthmar, Expositio in Matthseum Evangelistam, i, t. cvi, col. 1266. Ici encore il n’y a pas de .raison de penser que saint Luc est placé en dernier lieu afin de le rapprocher des Actes des Apôtres. — 5° Matthieu, Jean, Luc, Marc. Cette disposition est usitée dans le Codex Bezse, voir t. i, col. 1770, dans un manuscrit oncial grec du Xe siècle, le Monacensis, dans les minuscules 309 et 256, cf. Gregory, Prolegomena, p. 442, 524 et 516, dans la version gothique, quelques anciens manuscrits de la Peschito, un certain nombre de manuscrits latins de la version antérieure à saint Jérôme, a, b, f, e, ꝟ. 2, ii, o, q, et par saint Ambroise. On l’a appelée l’ordre occidental des Évangiles. Elle est peut-être d’origine africaine ou espagnole. Ses témoins d’Italie sont du iv « siècle.

— 6° Jean, Luc, Marc, Matthieu. Cet ordre était peut-être dans le manuscrit k de l’ancienne version latine. Les fragments de Marc et de Matthieu que le Bobbiensis contient étaient, à en juger par le chiffre des cahiers, les derniers Évangiles. Voir t. i, col. 1822. On ne connaît point d’exemple de son emploi chez les Grecs. — 7° Jean, Matthieu, Marc, Luc. Les versions sahidique et memphitique, qui suivent cet ordre, prouvent qu’il était autrefois fréquemment employé en Egypte. On le retrouve dans le minuscule grec 255. Il a dû être suivi par beaucoup d’écrivains et peut-être par Origène. C’est le plus ancien dont on trouve des traces, puisque les versions coptes qui le reproduisent datent du ine siècle. — 8° Jean, Matthieu, Luc, Marc. Cet ordre est celui de la Synopsis Sacræ Scripturx, attribuée à saint Chrysostome, t. lvi. col. 318, et d’un manuscrit latin du xve siècle, le n° 45 de la cathédrale d’Halberstadt. Les lectionnaires coptes suivent cette disposition ; mais on peut penser que c’est pour se conformer à l’ordre des lectures liturgiques de l’Évangile. — 9° Jean, Luc, Matthieu, Marc. Les Évangiles sont ainsi ordonnés dans les manuscrits cursiꝟ. 90 et 399. — Cf. Credner, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, Berlin, 1860, p. 393-394 ; Gregory, Prolegomena, Leipzig, 1881, p. 137-138 ; Zahn, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, t. ii, Erlangen et Leipzig, 1890, p. 364-375.

VII. Divergences des récits évangéliques. — Nous avons constaté précédemment qu’il existe entre les quatre Évangiles canoniques des divergences nombreuses et assez notables sur le choix des faits racontés et des discours rapportés, sur leur ordonnance et la manière de narrer les uns et de reproduire les autres. Depuis longtemps les adversaires de la religion les exagèrent, les déclarent absolument inconciliables, et s’en font une arme contre la vérité des récits évangéliques et leur inspiration. Les Pères de l’Église les avaient remarquées les premiers ; ils s’étaient préoccupés de bonne heure d’en donner l’explication et d’établir une concordance parfaite entre les écrits en apparence discordants. Eusèbe de Césarée

avait composé un ouvrage en trois livres sur les contradictions des Évangiles, Ilepi Siaçcùvia ; e-JayysWuv, que saint Jérôme, De viris illustribus, 81, t. xxiii, col. 690, a connu et dont il nous est parvenu quelques fragments, publiés par Mai, Pair, gr., t. xxiv, col. 529-606. Saint Augustin, De consensu evangelistarum, t. xxxiv, col. 1041-1230, a discuté les difficultés particulières et a montré de quelle manière les quatre récits s’agençaient et coïncidaient. Avec-eux tous les commentateurs catholiques ont enseigné que les quatre Evangiles, étant l’œuvre. de l’Esprit de vérité qui ne peut se tromper ni se contredire, étaient vrais dans leurs détails et ne pouvaient se trouver en désaccord réel. Il y a entre eux de simples antilogies, des contradictions apparentes, qu’il est possible, sinon toujours facile, de résoudre. Cf. "Wouters, Dilucidatse qusestiones in historiam et concordiam evangelicam, dans le Scripturx sacrse Cursus completus de Migne, t. xxiii, Paris, 1810, col. 769-1098 ; Le Blanc d’Ambonne, Concordances et apparentes discordances des Saints Évangiles, Paris, 1881.

Loin de diminuer l’autorité des Évangiles, ces divergences de rédaction prouvent la sincérité des évangélistes et sont une des meilleures marques d’authenticité de leurs récits. Elles indiquent clairement que les évangélistes ne se sont pas entendus pour raconter de la même manière la vie de Jésus, qu’ils ont rapporté indépendamment l’un de l’autre ce qu’ils savaient, sans se mettre en peine de s’accorder et sans soupçonner qu’on put douter de leur témoignage. Chacun d’eux a écrit dans un dessein particulier, et, pour atteindre son but, il a mis librement en œuvre ses souvenirs et ses renseignements. Leurs relations devaient nécessairement différer, et la diversité de leur exposition répond parfaitement à leur caractère, à leur position et à la fin qu’ils se proposaient. S. Chrysostome, In Matth. hom. i, 2, t. lvii, col. 16. En écrivant ainsi séparément et sans s’être concertés, les évangélistes ont raconté la même histoire et esquissé la même figure divine du Sauveur. « Le Jésus de saint Matthieu ne diffère en rien de celui de saint Luc, celui de saint Marc est le même que celui de saint Jean ; c’est le même portrait, reproduit quatre fois avec des nuances qui ne proviennent pas de l’original, on le voit bien, mais des peintres. Chacun de ceux-ci est arrivé à donner à son œuvre une ressemblance merveilleuse ; mais il a disposé les accessoires suivant son point de vue, son but, son goût, sa manière particulière. Deux portraits doivent-ils cesser de se ressembler, parce que dans l’un le vêtement fait un pli en retombant, et que dans l’autre il en fait deux ? Les antilogies des Évangiles sont de cette importance. » Trochon et Lesêtre, Introduction à l’étude de l’Écriture sainte, t. iii, Paris, 1890, p. 137-138.

Il en résulte que le cadre général de la vie de Jésus est foncièrement le même dans les quatre Évangiles. Saint Matthieu et saint Luc racontent seuls l’enfance et la vie cachée ; les faits qu’ils rapportent sont différents, sans être contradictoires. Saint Luc remonte plus haut que saint Matthieu et fait précéder le récit de la naissance de Jésus du récit de celle de son précurseur. Pour la suite des événements il semblerait que l’un s’arrête à dessein aux endroits où l’autre a parlé. L’ordre chronologique n’est pas certain, et les exégètes disposent de plusieurs manières la visite des Mages, le massacre des Innocents, la fuite en Egypte, la présentation au temple et le retour à Nazareth. On connaît assez les divers essais de conciliation des deux généalogies du Sauveur. Dès le début de la vie publique, les quatre relations marchent de front jusqu’à la résurrection. L’histoire évangélique comprend donc nécessairement trois périodes principales : 1° l’enfance et la vie cachée ; 2° la vie publique ; 3° la passion et la résurrection. Fillion, Introduction générale aux Évangiles, Paris, 1889, p. 17-25. Quant à l’agencement particulier des événements du ministère public et des der niers jours de Jésus, il est parfois assez difficile, et les commentateurs ne sont pas parvenus à le déterminer dans tous les détails avec une entière certitude. On n’a pas toujours suivi les mêmes principes de concordance ; on ne pouvait pas par conséquent aboutir aux mêmes conclusions. D’ailleurs, pour résoudre la prétendue contradiction qu’on trouve entre des récits simplement divergents, il n’est pas nécessaire de prouver que les faits se sont certainement passés dans tel ordre ; il suffit qu’on indique une manière plausible ou seulement possible de faire disparaître la difficulté. Voici quelques règles générales, propres à faciliter la conciliation des passages discordants des Évangiles.

Il faut, avant tout, déterminer l’ordre chronologique des événements. Or, on admet communément aujourd’hui qu’aucun des trois premiers évangélistes n’a suivi constamment dans son récit la succession des faits. Saint Matthieu et saint Marc ont groupé des miracles et des discours du Sauveur, et ont brisé souvent la trame de l’histoire. Tout en appliquant une méthode plus rigoureuse, saint Luc, d’après l’opinion générale, a maintes fois employé un procédé de récapitulation et d’anticipation, qui lui a fait intervertir l’ordre des temps. Saint Jean a eu plus de souci de la chronologie ; habituellement il a daté les faits qu’il rapporte, quelquefois par les jours et assez souvent par les fêtes juives. En indiquant les trois ou quatre Pâques de la vie publique de Jésus, il a fourni aux historiens du Sauveur des points de repère certains, et bien que sa relation soit essentiellement fragmentaire, elle peut servir de cadre historique à celles des Synoptiques. Il passe à peu près sous silence le ministère de Jésus en Galilée, que ses prédécesseurs avaient presque exclusivement raconté, et il décrit longuement l’action du Sauveur en Judée. Mais, pour établir l’accord général des faits, il suffit d’intercaler entre les premières Pâques de l’Évangile de saint Jean les événements et les discours qu’on lit dans les Synoptiques. Le quatrième Évangile est plus complet et plus détaillé sur les actes de la dernière année de la vie de Jésus. Pour la Passion, les quatre récits redeviennent parallèles, et, bien que la marche du drame divin suive le même cours, il est spécialement difficile et délicat de coordonner les circonstances si diverses, propres à chaque narrateur. Dans la disposition et l’agencement des faits particuliers, il faut tenir compte à la fois des données chronologiques et de la succession des récits. Quand deux évangélistes sont d’accord contre un troisième pour rattacher des événements qui se suivent, il faut adopter leur ordre, à moins que le récit isolé ne contienne des renseignements particuliers qui datent autrement les faits. Si tous placent le même fait à des endroits différents, on préfère le placement de celui qui aura noté les circonstances de temps, le jour ou l’heure, ou celles de lieu. Cependant il conviendra de distinguer à ce sujet les formules précises des indications vagues et générales, comme : en ce temps-là, Matth., xi, 25 ; XII, 1, etc. ; en ces jours-là, Luc, ii, 1 ; ix, 36, etc., et autres analogues. Celles-ci ne marquent pas nécessairement la continuité des actes, et elles réunissent parfois des faits assez distants. Il est nécessaire de tenir compte aussi des voyages de Jésus et de ses séjours plus ou moins longs dans une localité.

Dans la distinction des faits particuliers, il faut éviter deux excès opposés. Le premier consisterait à reconnaître un seul et même acte dans des récits diversement circonstanciés, parce que quelques circonstances se ressemblent. Un personnage réitère plusieurs fois dans sa vie la même action. Jésus-Christ s’est trouvé fréquemment dans des situations analogues, qui l’ont amené à répéter certains actes et certaines paroles. Ainsi, il a apaisé deux fois la tempête ; à quelques semaines d’intervalle, il a multiplié les pains ; il a discuté plusieurs fois avec les pharisiens qui l’attaquaient ; il a guéri plusieurs aveugles et délivré divers démoniaques. On dis

tingue les faits semblables par la diversité des circonstances de personnes, de temps et de lieux, et par la manière un peu différente dont ils ont été accomplis. Le second excès serait de distinguer des faits identiques, dont les circonstances principales sont les mêmes, sous prétexte que les différents récits contiennent un nombre plus ou moins grand de détails. On ne multipliera pas les miracles et les discours de Jésus, dès que les relations ne présenteront qae de légères divergences. Un fait unique et identique peut, sans cesser d'être vrai dans tous ses détails, être diversement raconté par plusieurs écrivains. Or les évangélistes ne se sont pas généralement attachés à énumérer minutieusement toutes les circonstances des événements. Celui-ci s’est borné à noter le trait important, Matth., xxvi, 69-75 ; Luc, xxii, 55-62 ; Joa., xviii, 25-27 ; celui-là a précisé davantage les détails, Marc, xiv, 66-72 ; tel a relaté une circonstance, tel une autre, chacun d’eux écrivant d’après son but et selon ses souvenirs ou ses documents. Il est dès lors toujours possible de former de leurs diverses narrations un récit continu, réunissant en un tout homogène les détails en apparence discordants. Voir Évangiles (concorde des). VIII. Rapports des trois premiers Évangiles ou

<£JESTION SYNOPTIQUE. — I. ÉTAT DE LA QUESTION. — Un

fait saillant, qui frappe le regard des lecteurs les plus superficiels et qui du reste n’est contesté par personne, c’est la différence marquée qui existe entre les trois premiers Évangiles, d’une part, et le quatrième, d’autre part, et la ressemblance étonnante que présentent ceux du premier groupe. Bien qu’en réalité les quatre narrations évangéliques soient des biographies d’un seul et même personnage et qu’elles aient des matériaux communs, elles se ramènent cependant à deux récits : l’un en grande partie commun aux Évangiles de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Luc ; l’autre propre à saint Jean. En effet, en dehors de la passion, dans la relation de laquelle les quatre Évangiles sont parallèles, les trois premiers n’ont presque rien de correspondant au quatrième. Celuici raconte le ministère de Jésus en Judée et à Jérusalem ; ceux-là, sa prédication et ses actes dans la Galilée et la Perce. Ce ne sont pas seulement les faits narrés qui diffèrent ; la physionomie elle-même de Jésus paraît tout aulre. Dans les trois premiers récits, ses actes et ses paroles ont un caractère plus simple, plus populaire, plus approprié au milieu où s’exerçait son activité. Le quatrième Évangile a une forme plus relevée, plus spirituelle, plus en rapport avec les docteurs et les chefs du peuple que Jésus rencontrait en Judée, qu’il instruisait et avec qui il discutait. Saint Matthieu, saint Marc et saint Luc sont surtout des historiens ; saint Jean est en même temps un théologien. Les anciens écrivains ecclésiastiques avaient remarqué cette différence, et tandis qu’ils appelaient les trois premiers Évangiles des Évangiles corporels, au>ia-ciy.â, ils qualifiaient le quatrième de spirituel, m£uu.aTixôv. Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 553. Néanmoins les quatre récits s’accordent, et le quatrième n’a pas de Jésus une idée qui soit en contradiction avec celle des trois autres. — Les ressemblances frappantes que présentent entre eux les trois premiers Évangiles ont fourni l’occasion d’imprimer les trois récils de la vie de Jésus en regard les uns des autres, sur des colonnes parallèles, afin qu’on pmt voir d’un seul coup d’oeil les passages semblables. Griesbach, Synopsis Evangeliorum Mattkxi, Marci et Lucx una cum Us Joannis pericopis qux historiam passionis et resurrectionis Jesu Christi complectuntur, 2e édit., Halle, 1797 ; deWette et Lucke, Synopsis Evangeliorum Matthœi, Marci et Lucx cum parallelis Joannis pericopis, Berlin, 1818 ; Rœdiger, Synopsis Evangeliorum Matthœi, Marci et Lucx cum Joannis pericopis parallelis, Halle, 1829 ; Rushbrooke, Synopticon, Londres, 1880-1881. Comme cette disposition typographique des ^récits parallèles a été nommée Synopse, SOvo'^l ; , « ce

que l’on contemple d’un seul coup d’oeil, » on a appelé Synoptiques, ou parallèles, les trois Évangiles qui fournissent les matériaux de la Synopse. La comparaison des textes parallèles, favorisée par les Synopses, a pu être faite jusque dans les moindres détails, et a révélé de plus en plus l'étonnante parenté littéraire des trois premiers Évangiles. Elle a donné lieu à un problème compliqué, dont la solution définitive n’est pas encore trouvée, et qui porte le nom de question des Évangiles ou question Synoptique. — S’il n’existait que des ressemblances entre les trois premiers Évangiles, le problème serait simple et la solution en serait facile. Les nombreux et continuels points de contact des narrations parallèles s’expliqueraient par l’hypothèse d’une dépendance mutuelle ou d’une source commune. Mais à côté d’une harmonie surprenante, dont on ne connaît pas d’autre exemple dans l’histoire littéraire, les Synoptiques présentent des divergences d’ensemble et de détail non moins étonnantes. Le problème se complique d’autant plus que ces différences réelles, claires et saillantes, se rencontrent dans les passages les plus ressemblants, qu’elles se mêlent, s’enchevêtrent, non pas partiellement, mais constamment, avec des ressemblances profondes et évidentes. Pour se faire une idée juste et complète de ce mélange de ressemblances et de divergences, il faut parcourir soi-même les Synoptiques et les comparer par le menu dans une Synopse. L’analyse pourtant si minutieuse que les critiques modernes ont faite des Synoptiques, et que nous allons reproduire, ne peut remplacer entièrement ce travail personnel. Comme les divergences et les ressemblances portent sur les mêmes points et coïncident partout, nous les constaterons simultanément soit dans le contenu, soit dans le plan général, soit dans la disposition des détails et jusque dans la forme littéraire des récits parallèles.

1° Ressemblances et divergences dans le contenu. — Il est dès l’abord singulier qu’au milieu de l’abondance et de la variété des faits, Joa., xxi, 25, les Synoptiques racontent tous trois la même partie de la vie de Jésus. Ils ne parlent pas du ministère en Judée, que saint Jean rapporte seul, et à les lire on se persuaderait facilement que la prédication de Notre -Seigneur, en dehors de la période de la passion, qui a été courle, n’a eu d’autre champ d’action que la Galilée. Dans l’ensemble, les trois historiens, Matthieu, Marc et Luc, racontent les mêmes faits et rapportent les mêmes paroles. Les discours et les paraboles sont pour la plupart les mêmes dans saint Matthieu et dans saint Luc ; les miracles sont à peu près identiques dans les trois Synoptiques ; ce sont les mêmes guérisons. — Toutefois, malgré cette communauté de fond, chaque évangéliste a ses récits propres ; chacun introduit dans sa narration des fragments plus ou moins considérables, parfois des épisodes complets, qu’on ne trouve pas chez les deux autres. Ils sont très peu nombreux en saint Marc, plus considérables en saint Matthieu et davantage encore en saint Luc. Ces fragments sans parallèle sont : en saint Matthieu, l’adoration des mages, la fuite en Egypte, le massacre des enfants de Bethléhem, ii, 1-17 ; les paraboles de l’ivraie, xiii, 24-30 ; du trésor caché, de la perle et du filet, xiii, 44-51 ; celles des deux débiteurs, xviii, 23-35 ; des deux fils, des vignerons homicides, xxi, 28-46, et des dix vierges, xxv, 1-13 ; le statère trouvé dans la bouche du poisson, xvii, 23-27 ; l’intervention de la femme de Pilate, xxvii, 12 ; l’ablution des mains du procurateur, xxvii, 24 et 25 ; la résurrection des morts, xxvii, 51-53 ; la garde du tombeau de Jésus, xxvii, 62-65 ; en saint Marc, les deux guérisons miraculeuses du sourdmuet de la Pentapole, vii, 31-37, et de l’aveugle de Bethsaïde, viii, 22-26 ; les deux paraboles de la semence qui croît sans qu’on s’en aperçoive, iv, 26-29, et du maître qui laisse sa maison à la garde de ses serviteurs, xiii, 34-37 ; la fuite d’un jeune homme qui suivait Jésus,

xiv, 51 et 52 ; en saint Luc, la naissance de saint Jean-Baptiste, l’Annonciation, la Visitation et les cantiques de Marie et de Zacharie, i, 5-80 ; le cantique de Siméon, H, 25-32 ; Jésus au milieu des docteurs, ii, 40-50 ; l’histoire de Marie et de Marthe, x, 38-42 ; celle de Zachée, xix, 1-10 ; celle du bon larron, xxiii, 40-43 ; la vocation des soixante-douze disciples, x, 1-24 ; les guérisons des dix lépreux, xvii, 11-19 ; d’un homme hydropique, xiv, 1-6 ; et d’une femme que l’esprit mauvais rendait infirme, xin, 10-17 ; la résurrection "du jeune homme de Naïm, vii, 11-17 ; l’apparition de Jésus aux disciples d’Emmaùs, xxiv, 13-35 ; les sept paraboles du bon Samaritain, x, 30-37 ; du riche surpris par la mort, xii, 16-21 ; de l’enfant prodigue, xv, 11-32 ; de l’économe infidèle, xvi, 1-12 ; du mauvais riche, xvi, 19-31 ; du juge inique, xviii, 1-8, et du pharisien et du publicain, xviii, 9-14. La comparaison des matériaux communs et des particularités des Synoptiques a été établie d’une façon très minutieuse au moyen des calculs faits sur différentes bases d’opération. Reuss, Die Gescliichte der lieiligen Schrift Neuen Testaments, 6e édit., Brunswick, 1887, p. 170, a dressé trois évaluations d’après trois points de départ différents. En prenant les 124 sections plus ou moins longues qui comprennent tous les récits combinés des Synoptiques, il y en a 47 qui sont communes aux trois, 12 à saint Matthieu et à saint Marc, 2 à saint Matthieu et à saint Luc, 6 à saint Marc et à saint Luc ; 17 sont spéciales à saint Matthieu, 2 à saint Marc et 38 à saint Luc. Ce dernier a donc 93 sections, saint Matthieu 78 et saint Marc 67. Si on compte les sections d’après les Canons d’Eusébe, il y en a 554 d’étendue très inégale pour les trois Synoptiques : 182 leur sont communes, 73 se retrouvent en saint Matthieu et en saint Marc, 103 en saint Matthieu et en saint Luc, 14 en saint Marc et en saint Luc ; 69 sont propres à saint Matthieu, 20 à saint Marc et 93 à saint Luc. Au total, saint Matthieu a 427 sections, saint Marc 289 et saint Luc 392. En suivant la division actuelle en versets, saint Matthieu en a 330 qui lui sont propres, saint Marc 68 et saint Luc 541. Les deux premiers Évangiles ont de 170 à 180 versets qui manquent au troisième ; Matthieu et Luc, de 230 à 210 qui manquent à Marc ; Marc et Luc, 50 environ qui ne sont pas dans Matthieu. La somme des versets communs aux trois récits n’est que de 330 à 370. Matthieu a 1070 versets ; Marc, 677 ; Luc, 1158 ; au total, 2 905. Stroud, À new greek liarmony of the four Gospels, Londres, 1853, p. cxvii, a abouti à des résultats plus évidents et plus significatifs. En représentant par 100 l’ensemble des matériaux des Synoptiques, on constate que saint Matthieu a 58 points de contact et 42 particularités, saint Marc 93 points de contact et 7 particularités, saint Luc 41 points de contact et 59 particularités. Les passages communs aux trois évangélistes sont au nombre de 53 ; ceux qui appartiennent à saint Matthieu et à saint Marc, de 20 ; à saint Matthieu et à saint Luc, de 21 ; à saint Marc et à saint Luc, de 6 seulement. « En résumé, nous pouvons dire que les deux tiers à peu près des détails sont communs aux Synoptiques, tandis que l’autre tiers ne se rencontre que dans l’une ou l’autre des narrations. Saint Matthieu possède absolument en propre la sixième partie de son Évangile ; saint Luc environ le quart du sien. » Fillion, Introduction générale aux Évangiles, Paris, 1889, p. 38-39.

2° Ressemblances et divergences dans le plan général et la disposition des parties communes ou propres. — Elles sont plus frappantes et plus enchevêtrées encore que dans l’ensemble du contenu. La ressemblance principale consiste dans la même distribution chronologique du ministère public de Jésus : 1. baptême au Jourdain ; 2. prédication en Galilée ; 3. voyage et séjour à Jérusalem ; 4. passion et mort ; 5. résurrection. Le cadre est identique dans les trois récits, et les matériaux communs sont arrangés d’après un plan unique. Il laisse place toutefois aux détails propres à chaque évangéliste, qui sont


insérés dans la trame générale de l’histoire évangélique. Cette ressemblance se remarque aussi dans l’arrangement particulier des faits et des discours, parfois dans le groupement de certains événements, même en dehors de l’ordre chronologique de leur accomplissement. Mais elle n’est pas universelle ni constante. Le groupement des discours de Jésus n’a pas lieu de la même façon. Ainsi, tandis que saint Matthieu, v, 1-vii, 29, relate tout d’un trait le discours sur la montagne, et, xiii, 1-53, les paraboles du royaume des cieux, saint Luc les partage en plusieurs fragments, qu’il éparpille et qu’il rattache à des circonstances distinctes. De la sorte, les trois récits évangéliques, après avoir suivi longtemps un cours parallèle, dévient soudain ou se brisent. Un narrateur omet, ajoute, anticipe, transpose librement ses narrations par rapport aux deux autres ou à l’un d’eux. Les évangélistes s’accordent parfois deux à deux à rencontre du troisième, et ce ne sont pas toujours les deux mêmes qui se trouvent dans le même rapport d’harmonie. M. Wetzel, Die synoptisclien Evangelien, î883, p. 109117, a fait ressortir d’une manière saisissante les divergences des Synoptiques dans l’ordre général des événements. Il a choisi comme exemples les passages Matth., iv, 18-xxi, 27 ; Marc, i, 16-xvi, 7 ; Luc, iv, 16-xxiv, 9, qu’il a résumés sur trois colonnes parallèles. Le récit de saint Marc, qui occupe la deuxième colonne, sert de terme de comparaison, et son texte est divisé en petits quadrilatères, qui sont numérotés de 1 à 83, et dont chacun renferme le titre d’un événement. Les récits de saint Matthieu et de saint Luc sont divisés en quadrilatères semblables, qui sont numérotés par les chiffres des quadrilatères correspondants de saint Marc. Par ce moyen, on constate aisément les. relations de groupement des récits particuliers. Ainsi les numéros 1 de saint Matthieu et de saint Marc font face au numéro 24 de saint Luc ; le 16e quadrilatère du premier Évangile a pour voisins les carrés 4 de saint Marc et de saint Luc ; le 59e est sur la même ligne que le 7° de saint Marc et le 6° de saint Lnc. Voici d’autres chiffres correspondants : iS, 10, 9 ; 27, 47, 50 ; 34, 53, 57 ; 40, 59, 66 ; 48, 68, 76 ; 57, 77, 83, etc. L’ordre des récits est donc loin d’être identique.

Pour se faire une juste idée de l’agencement général des faits, il est nécessaire d’analyser les Synoptiques et de constater la disposition, dans chaque Évangile, des éléments propres et des éléments communs. Seuls saint Matthieu et saint Luc racontent la naissance, l’enfance et la jeunesse de Jésus ; mais ils ne suivent pas le même ordre. De plus, pour cette première période de la vie de Notre -Seigneur, presque tout y est différent, nul fait, sauf le retour à Nazareth, n’est commun. Saint Luc parle du précurseur, que saint Matthieu ne mentionne pas. Les deux généalogies de Jésus ne concordent pas. Dans le récit des faits, les deux narrateurs se complètent mutuellement ; l’un rapporte ce que l’autre a omis, et on pourrait croire que saint Luc remplit les lacunes de saint Matthieu. Ainsi il raconte tout ce qui a précédé les angoisses de saint Joseph, par lesquelles saint Matthieu débute. Il continue son récit jusqu’à la naissance de Jésus à Bethléhem, où saint Matthieu amène les mages, sans en avoir dit la raison. À son tour, saint Luc omet l’adoration des mages, la fuite en Egypte et le retour, et il transporte les lecteurs de la purification au séjour à Nazareth et à la première visite de Jésus au Temple de Jérusalem. — À partir de la trentième année de Jésus et de l’inauguration de son ministère public, les Synoptiques marchent de pair. Or, si on met de côté les récits relatifs à l’ascension et à la vie glorieuse du Sauveur, qui ont un caractère distinct dans chaque Évangile, on peut diviser la vie active et la passion de Jésus en deux grandes périodes, l’une précédant et l’autre suivant la première multiplication des pains. Dans la première, il existe pour l’ordre des faits racontés une conformité singulière eDtre saint Marc et saint Luc, tandis que saint Matthieu s’écarte

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notablement des deux autres. Dans la seconde, c’est presque le phénomène inverse ; saint Matthieu et saint Marc se suivent de très près, et saint Luc est divergent. Toutefois son écart n’est pas aussi prononcé que l’était celui de saint Matthieu dans la première période.

Dans celle-ci, les Synoptiques racontent ensemble la prédication de saint Jean-Baptiste, le baptême de Jésus, la tentation dans le désert et l’arrivée en Galilée pour inaugurer le ministère public. Matth., iii, 1-iv, 12 ; Marc, i, 1-14 ; Luc, iii, 1-iv, 14. Mais saint Matthieu abandonne dès lors la suite chronologique des événements et groupe les faits et les discours dans un ordre logique. Il donne dans le sermon sur la montagne, v-vii, tout l’enseignement de Jésus ; il réunit ensuite les miracles, vin et ix ; à la mission des Apôtres il joint les instructions qui leur sont personnelles, x, 1-xii, 50 ; enfin il rassemble les paraboles du royaume des cieux, xiii, 1-52. Saint Marc et saint Luc continuent à suivre l’ordre chronologique. Sauf deux transpositions, Marc, i, 16-20 ; Luc, v, 1-11, Marc, vi, 1-6 ; Luc, vi, 16-30, leur récit est régulièrement parallèle. En quelques points, l’accord est singulièrement remarquable. Tous deux, Marc, VI, 7-11 ; Luc, IX, 3-5, s’arrêtent, alors que saint Matthieu, x, 1-42, poursuit les recommandations de Jésus aux Apôtres. Tous deux distinguent nettement l’élection des Apôtres, Marc, m, 13-19 ; Luc, VI, 12-16, de leur mission, Marc, vi, 7-13 ; Luc, ix, 1-6 ; ils ne mentionnent qu’un démoniaque à Gérasa, Marc, v, 2-20 ; Luc, viii, 27-39, tandis que saint Matthieu, viii, 28-34, parle de deux. D’autres faits font ressortir la coïncidence des trois narrations synoptiques dans les détails. Certains événements, bien que rapportés dans un ordre différent, sont racontés de la même manière et constituent des groupes caractéristiques. Ainsi la vocation de saint Matthieu est placée à des moments différents : en saint Matthieu, ix, 9, après le retour de Jésus au pays de Gérasa ; en saint Marc, ii, 14, et en saint Luc, v, 27, bien avant ce voyage. Cependant la conversion du publicain est intimement liée dans les trois textes avec la guérison du paralytique, qui la précède immédiatement, et avec le repas donné par Lévi et les récriminations des pharisiens, qui viennent aussitôt après. La résurrection de la fille de Jaïre et la guérison de l’hémorrhoïsse se suivent dans les trois Evangiles. Matth., IX, 18-25 ; Marc., v, 22-43 ; Luc, viii, 41-56. Les éléments didactiques et historiques, qui manquent dans saint Marc, sont parfois disposés en saint Luc et en saint Matthieu dans un ordre homogène ; ainsi certaines parties du sermon sur la montagne. Matth., v ; Luc, vi, 20. Enfin saint Luc a des récits propres, vii, 11-16, 36-50 ; viii, 1-4. Un peu avant la première multiplication des pains, saint Matthieu entre dans la voie chronologique de saint Marc et s’en rapproche plus que saint Luc. Les deux premiers évangélistes ouvrent, en effet, tous deux une parenthèse pour raconter le martyre de saint Jean-Baptiste, Matth., xiv, 1-12 ; Marc, vi, 17-30, que saint Luc, iii, 19 et 20, avait résumé au début de son Evangile.

La seconde période du ministère public de Jésus dans les Synoptiques commence à la première multiplication des pains, qui eut lieu à l’avant-dernière Pâque à laquelle le Sauveur assista, et comprend les événements d’une année. Les récits parallèles ont dès lors des relations différentes de celles que nous avons constatées dans la première période. La précision exige que nous établissions encore des subdivisions. Dans une première partie, qui va de la première multiplication des pains à la seconde, saint Matthieu, xiv, 22-xvi, 12, et saint Marc, vi, 45vin, 26, sont seuls parallèles ; saint Luc passe sous silence tous les faits qui se sont produits durant cet intervalle. Or l’accord entre les deux évangélistes est parfait. Il n’existe qu’une seule discordance : les guérisons miraculeuses du sourd-muet, Marc, vii, 32-37, et de l’aveugle de Bethsaïde, viii, 22-26, sont propres au second Évangile, qui omet à son tour la marche de saint Pierre sur

le lac de Tibériade. Matth., xiv, 28-31. Dans la deuxième partie, qui s’étend jusqu’à la fin du ministère en Galilée, l’accord de saint Matthieu, xvi, 3-xvii, 37, et de saint Marc, viii, 27-ix, 49, persévère ; mais saint Luc, IX, 18-50, raconte les mêmes faits, et son récit ressemble à celui de saint Marc, en certains passages plus, en d’autres moins que celui de saint Matthieu. On s’en fera une idée si l’on compare dans ses trois rédactions, Matth., xvi, 13-28 ; Marc, viii, 27-39 ; Luc, ix, 18-27, le témoignage que saint Pierre rendit à Jésus à Césarée de Philippe. Pour la question de Jésus et la réponse de l’apôtre, saint Luc ressemble à saint Marc plus que saint Matthieu. Celui-ci a reproduit seul la réplique du Sauveur, qui constitue Simon le fondement de son Église. Les trois historiens rapportent la prédiction de la passion ; mais saint Luc tait le scandale de Pierre et le reproche du Maître, cités par les deux autres. Tous terminent le récit par les mêmes instructions de Jésus. Dans la troisième partie, depuis la transfiguration jusqu’au début du ministère en Judée, saint Luc, ix, 51-xvin, 15, cite des faits et relate des paraboles qui lui sont exclusivement propres. Dans la quatrième partie, les trois Évangélistes se rencontrent pour raconter le dernier voyage de Jésus à Jérusalem. Comme dans la deuxième partie, saint Matthieu et saint Luc sont alternativement en parallélisme avec saint Marc. Ainsi, à la fin, saint Luc, xxi, 5-36, ne rapporte, comme saint Marc, xiii, 1-37, qu’une courte portion de la longue invective contre les pharisiens, Matth., xxiii, qui précède le discours eschatologique, xxiv-xxv. La cinquième partie comprend le récit de la passion. Ici, saint Matthieu, plus que saint Luc, se rapproche de saint Marc. Ainsi l’ordre dans lequel saint Luc raconte l’institution de l’Eucharistie et la trahison de Judas, xxii, 14-23, aussi bien que la prédiction du reniement de saint Pierre, xxii, 31, diffère de l’ordre suivi par les deux autres évangélistes, Matth., xxvi, 21-29 ; Marc, xiv, 18-25. La ressemblance de ceux-ci continue à être plus étroite dans la scène de l’agonie, Matth., xxvi, 36-39 ; Marc, xiv, 32-36 ; dans le jugement de nuit, Matth., xxvi, 57-66 ; Marc, xiv, 53-64, que saint Luc omet. Par contre, ils ne font qu’une allusion au jugement du matin, que saint Luc rapporte en détail, xxii, 66-71. Les deux premiers omettent aussi la comparution de Jésus devant Caïphe. Luc, xxiii, 7-12. Les circonstances de la crucifixion et de la mort sont mises par saint Luc dans un ordre particulier. Cependant saint Matthieu a certains détails négligés par saint Marc, par exemple, le désespoirde Judas, Matth., xxvii, 3-10 ; l’intervention de la femme de Pilale, xxvii, 19 ; l’ablution des mains du procurateur, xxvii, 21 ; l’imprécation du peuple juif, appelant sur sa tête le sang du juste, xxvii, 25. Dans le récit de la résurrection, les trois historiens se ressemblent d’assez près au sujet de la venue des femmes au tombeau. Mais à partir de là on remarque de notables divergences entre saint Matthieu et saint Luc, tandis que saint Marc, xvi, 9-20, semble résumer les deux autres. On peut juger par là combien sont complexes les rapports de concordance et de discordance entre les trois Synoptiques. Cf. Semeria, La question synoptique, dans la Revue biblique, t. i, 1892, p. 523-530.

3° Ressemblances et divergences dans la disposition des détails et la forme littéraire des récits parallèles.

— Si de l’ordonnance générale des matériaux dans les Synoptiques nous passons à l’arrangement des circonstances des faits racontés, nous trouvons encore dans les récits parallèles le même mélange de ressemblances et de divergences. Il y a plusieurs manières de raconter le même fait. Chacun des narrateurs suivant son propre caractère et le but qu’il se propose diversifiera sa narration, l’allongera ou l’abrégera, n’indiquera que le sommaire du fait ou n’omettra aucune circonstance, agencera les détails avec plus ou moins d’art et fera ressortir ce qui convient à son dessein. Sans manquer de ces marques individuelles et caractéristiques, les récits parallèles des Synoptiques se ressemblent très souvent de la manière la plus intime et la plus minutieuse pour de très petits incidents. Non seulement les mêmes circonstances sont relatées ; mais, ce qui est plus frappant, elles sont agencées l’une à l’autre dans le même ordre. Comparer, par exemple, les trois relations, Matth., ix, 14-15 ; Marc, ii, 18-20 ; Luc, v, 33-35, de la question insidieuse des disciples de Jean-Baptiste et de la réponse de Jésus. Toutefois les divergences dans l’arrangement des faits ou des paroles sont ordinairement plus notables. Alors même qu’un épisode se compose des mêmes éléments, ces éléments changent de place dans l’une ou l’autre des narrations, ou bien chaque narrateur supprime ou ajoute un trait, qui modifie l’incident. La vigoureuse réplique de Jésus aux pharisiens, qui l’accusaient de chasser les démons au nom de Béelzébub, Matth., xii, 22-45 ; Marc, iii, 20-30 ; Luc, xi, 14-36, en est un exemple. Saint Marc, iii, 20, est seul à faire connaître l’occasion générale de l’accusation ; mais il omet la mention de l’occasion particulière. Matth., xii, 22 et 23 ; Luc, xi, 14. Les trois narrateurs rapportent l’accusation elle-même, mais ils se séparent presque aussitôt ; saint Luc, xi, 16, insère un petit trait, omis par saint Marc et rejeté plus loin par saint Matthieu, xii, 38. La réponse de Jésus vient ensuite ; mais les arguments ne sont pas absolument les mêmes, et ils ne se suivent pas dans le même ordre dans les trois rédactions. La mention de l’esprit immonde, qui rentre dans la maison de laquelle il a été chassé, manque dans saint Marc ; elle termine le discours en saint Matthieu, xii, 43-45, tandis qu’elle est dans saint Luc, xi, 24-26, à la fin de la première partie du même discours. On trouve aussi dans les récits du reniement de saint Pierre, Matth., xxvi, 69-75 ; Marc, xiv, 66-72 ; Luc, xxii, 50-62, de nombreuses divergences associées à une très grande coïncidence.

Cette association se rencontre encore presque à chaque page des Synoptiques jusque dans le style et dans les mois des récits parallèles. La ressemblance verbale va parfois jusqu’au littéralisme. Elle est surtout remarquable quand les évangélistes rapportent des paroles prononcées par les personnages du récit, spécialement des paroles de Jésus. Dans plusieurs événements importants, comme dans la vocation des quatre premiers apôtres, dans la vocation de saint Matthieu et dans l’histoire de la transfiguration, l’identité du langage du Sauveur est saisissante. Un exemple des plus caractéristiques se trouve dans la guérison du paralytique à Capharnaüm. Avant de guérir le malade, Jésus lui remet à haute voix ses péchés, provoquant ainsi les récriminations des pharisiens. Il y répond par un argument très péremptoire dans son contenu, mais très irrégulier dans sa forme. Puis les trois narrations interrompent au même point le discours et elles le continuent après une formule d’introduction, qui brise la phrase et qui ne présente que des variantes de détail. La reproduction du texte original fera mieux ressortir cette singularité :

Matth., ix, 5 et 6. Marc, ii, 9 et 10. Luc, v, 23 et 24.
Τι γὰρ ἐστιν εὑχοπώ­τερον εἰπεῖν · Ἀφέων­ται σου αἱ ἁμαρτίαι, ἢ εἰπεῖν · Ἔγειρε καὶ πε­ριπάτει ; Ἵνα δὲ εἶδῆ­τε ὅτι ἐξουσίαν ἔχει ὁ υἱός τοῦ ἀνθρώπου ἐπὶ τῆς γῆς ἀφιέναι ἁμαρ­τίας, τότε λέγει τῷ παρα­λυτικῷ · Ἐγερθεὶς ἆρόν σου τῆν κλίνην καὶ ὕπαγε εἱς τὸν οἶκόν σου. Τὶ ἐστιν εὑκοπώτερον εἰπεῖν τῷ παραλυτικῷ · Ἀφέωονται σου αἱ ἁμαρτίαι, ἥ εἰπεῖν · Ἑγειρε καὶ ὕπαγε ; Ἵνα δὲ εἰδῆτε ὅτι ἐξουσίαν ἔχει ὁ υἱός τοῦ ἀνθρώ­που ἐπι τῆς γῆς ἀφιέ­ναι ἁμαρτίας, λέγει τῷ παραλυτικῷ · Σοί λέγω, ἔγει­ρε, ἆρον τὸν κρά­βαττόν σου, καὶ ὕπαγε εἱς τὸν οἶκόν σου. Τὶ ἐστιν εὑκοπώτερον εἰπεῖν · Ἀφέωονται σοι αἱ ἁμαρτίαι σου, ἥ εἰπεῖν. Ἔγειρε καὶ περιπάτει ; Ἵνα δὲ εἰδῆτε ὅτι ὁ υἱός τοῦ ἀνθρώπου ἐξουσίαν ἔχει ἐπὶ τῆς γῆς ἀφίεναι ἁμαρτίας, εἶπεν τῷ παλυτικῷ · Σοί λέγω, ἔγειρε, καὶ ἆρας τὸ κλινίδιον σου πορέυου εἰς τὸν οἰκόν σου.

Par contre, cette identité de langage ne se rencontre pas là où on l’attendait tout particulièrement. On pouvait penser naturellement que, dans le récit de l’institution de l’Eucharistie, les trois évangélistes rapporteraient dans les mêmes termes la formule de la consécration. De fait, aucun d’eux ne s’accorde parfaitement avec les autres dans la reproduction qu’il en donne. Saint Luc même, pour la consécration du calice, s’écarte notablement de saint Matthieu et de saint Marc. Quand ils citent l’Ancien Testament, les trois Synoptiques ou deux d’entre eux se rencontrent plusieurs fois dans les mots, quoiqu’ils diffèrent et du texte original hébreu et de la version grecque des Septante. Ainsi la parole d’Isaïe, XL, 3, est rapportée identiquement dans les trois récits, Matth., iii, 3 ; Marc, i, 3 ; Luc, iii, 4, quoique la fin de la citation ne soit la même ni dans l’hébreu ni dans les Septante. La prophétie de Malachie, iii, 1, reproduite dans les mêmes termes, Matth., xi, 10 ; Marc, i, 2 ; Luc, vii, 27, ne correspond pas à la version grecque. Zacharie, xiii, 7, cité Matth., xxvi, 31 ; Marc, xiv, 27, avec quelque diversité, ne répond ni à l’hébreu ni à la traduction grecque.

Cet accord verbal des trois écrivains se comprend facilement, quand ils rapportent les discours d’autrui et quand ils citent un texte étranger. Quoiqu’il soit moins parfait, il est plus surprenant quand on le constate dans les trois narrations d’un même événement. Or, dans l’ensemble de leurs récits, les Synoptiques ont les mêmes formules, les mêmes expressions rares, les mêmes irrégularités grammaticales. Ainsi l’adverbe δυσκόλως, qui n’est pas employé ailleurs dans le Nouveau Testament, est usité Matth., xix, 23 ; Marc, x, 23 ; Luc, xviii, 24. D’autres locutions peu communes se lisent dans les trois premiers Évangiles : οἱ υἱοὶ τοῦ νυμφῶνος, Matth., ix, 15 ; Marc, II, 19 ; Luc, V, 34 ; γεύσασθαι θανάτου, Matth., xvi, 28 ; Marc, IX, 1 ; Luc, ix, 27 ; κολοβόω, Matth., xxiv, 22 ; Marc, xiii, 20 ; le diminutif ὠτίον, Matth., xxvi, 51 ; Marc, xiv, 47 ; Luc, xxii, 51 ; le double augment ἀπεκατεστάθη, Matth., xii, 13 ; Marc, iii, 5 ; Luc, vi, 18, etc. Des récits entiers se ressemblent presque mot pour mot. Ainsi, en relatant la captivité de Jean-Baptiste, Matthieu, xiv, 3-5, est plus laconique que Marc, vi, 17-20, et cependant la plupart des phrases et des expressions sont identiques dans l’original grec. De même, dans le récit de la guérison du démoniaque de Capharnaüm, saint Marc, i, 21-28, a quelques mots de plus que saint Luc, iv, 31-37 ; mais presque tous les termes sont identiques. Un certain nombre de récits, qui n’offrent au début aucune ressemblance verbale, coïncident dans les expressions au moment capital, au point culminant de l’événement, comme dans la guérison du lépreux, Matth., viii, 3 ; Marc, i, 41 ; Luc, v, 13 ; dans le miracle de la multiplication des cinq pains, Matth., xiv, 19 et 20 ; Marc, vi, 41-43 ; Luc, IX, 16 et 17. Les ressemblances verbales sont moins nombreuses que les coïncidences du contenu ; néanmoins on ne les rencontre pas au même degré dans les auteurs profanes qui ont traité un sujet identique. En général, elles sont moins fréquentes et moins longues entre Marc et Luc qu’entre Matthieu et Luc et qu’entre Matthieu et Marc. En plusieurs endroits, par exemple, Matth., viii, 3 ; Marc, i, 42 ; Luc, v, 13, les expressions de saint Marc ont quelque chose de commun avec celles des deux autres évangélistes et forment comme une sorte de trait d’union là où leur langage diffère légèrement. On a calculé que les coïncidences verbales forment un peu moins de la sixième partie du premier Évangile ; sur ce nombre, les sept huitièmes appartiennent à la reproduction des paroles d’autrui, et le dernier huitième à la narration historique. Dans saint Marc, les ressemblances verbales sont avec le contenu dans la proportion d’un sixième, dont un dixième seulement pour le récit. Dans saint Luc, la proportion ne dépasse pas un dixième, dont les ressemblances verbales des récits ne forment que le vingtième. Norton, The

Evidences of the Genuineness of the Gospels, Londres, 1868, t. i, p. 240.

Malgré cette ressemblance frappante de style et d’expressions, l’identité des phrases n’est jamais absolue ; elle n’est, pour ainsi dire, qu’intermittente. Il est assez rare de rencontrer deux versets de suite dans lesquels les trois historiens emploient exactement les mêmes mots. Au milieu des périodes qui rendent à la lecture le même son, un mot ou deux viennent jeter la dissonance. Dans des récits communs aux trois Synoptiques, saint Marc ajoute souvent des détails omis par les autres. Il n’y a pas un seul cas où saint Matthieu et saint Luc coïncident parfaitement là où saint Marc est en désaccord avec eux. L’emploi des mêmes termes insolites chez les Synoptiques n’empêche pas de nombreuses variantes dans les substantifs synonymes, dans les divers temps des verbes, dans les prépositions et conjonctions, dans certaines explications ajoutées au récit. Fillion, Introduction générale aux Évangiles, Paris, 1889, p. 30-37.

Cet exposé du problème synoptique est loin d’en contenir tous les éléments. Nous n’avons allégué que quelques exemples ; pour être complet, il eût fallu reproduire une Synopse grecque. On peut consulter des ouvrages spéciaux : J. À.. Scholten, Das Paulinische Evancjelium, Elberfeld, 1881 ; G. d’Eichthal, Les Évangiles. Première partie. Examen critique et comparatif des trois premiers Évangiles, 2 in-8°, Paris, 1863 ; A. Loisy, Les Évangiles synoptiques, traduction et commentaire, dans X Enseignement biblique, Paris, 1893, dans la Revue des religions, et tirage à part, 1896, et dans la Revue biblique, 1896, p. 173-198 et 335-359. De bons tableaux comparatifs des relations mutuelles des Évangiles se trouvent dans Hug, Einleilung in die Schriften des Neuen Testaments, 2e édit., 1821, t. ii, p. 66-70, 101-106, 136-141, 152-158 ; Fillion, Introduction générale aux Évangiles, Paris, 1889, p. 130-134, d’après Davidson, An Introduction to the Study of the New Testament, Londres, 1868, 1. 1, p. 456-461. Le problème consiste donc à rechercher les causes de ce mélange si étonnant de variété et d’harmonie, de différences et de ressemblances. Il est essentiel d’insister sur ces deux éléments, dont la réunion constitue le problème et dont la solution cherchée doit rendre compte. Les ressemblances, si elles n’étaient pas associées à de si grandes divergences, n’offriraient aucune difficulté ; on les expliquerait aisément en disant que les trois premiers évangélistes se sont copiés les uns les autres ou qu’ils ont puisé à une source commune. D’un autre côté, sans leur association avec de telles coïncidences de fond et de forme, les divergences prouveraient que les Synoptiques, en racontant substantiellement la vie de Jésus-Christ, ont été absolument indépendants les uns des autres. Leur combinaison ne peut être non plus l’effet du hasard. À quelle cause donc attribuer cette simultanéité de ressemblances allant souvent jusqu’à l’identité et de ditférences frisant presque la contradiction ?

II. diverses SOLUTIONS pboposées. — Les Pères de l’Église avaient remarqué ce mélange curieux de conformité et de différence entre les trois premiers Évangiles, et ils se sont demandé pour quelle raison Dieu l’a permis, mais sans rechercher les moyens par lesquels Dieu le produisit. Or le problème synoptique est tout entier dans la recherche de ces moyens. On peut donc conclure que l’antiquité ecclésiastique a ignoré ce problème, qui n’a été posé que dans le cours du xviiie siècle. Dès qu’on eut constaté, au moins partiellement, les faits littéraires qui ont été précédemment exposés, on se demanda par quelle voie tles éléments historiques si homogènes sont parvenus aux mains des trois premiers évangélistes, comment il se fait qu’ils ont tous trois choisi et adopté une disposition et une forme si analogues et en même temps si différentes. Depuis cent ans, ce problème scientifique a préoccupé et passionné les exégètes, surtout ceux de

l’Allemagne et de l’Angleterre. Toutes les hypothèses possibles, toutes les formes possibles de chaque hypothèse ont été successivement émises. Les trois écrits dépendent ou bien l’un de l’autre, ou bien d’une source commune et antérieure, qui a pu être écrite ou orale. On peut ramener à l’une de ces explications toutes les solutions du problème synoptique qui ont été proposées et adoptées par les savants.

1° Hypothèse de la dépendance mutuelle ou de l’usage.

— Elle consiste, dans son ensemble, à dire que les évangélistes les plus récents ont utilisé l’œuvre de leurs prédécesseurs. Si les trois premiers Évangiles se ressemblent, c’est que les auteurs des derniers parus ont connu et copié, au moins partiellement, les Évangiles antérieurs. L’un des écrivains a composé son Évangile seul, à l’aide de ses souvenirs personnels ou des souvenirs d’autrui ; le second dans l’ordre de la publication s’est servi de la narration du premier, qu’il a complétée, modifiée et retravaillée d’après son but particulier ; le troisième a utilisé les deux précédentes pour rédiger la sienne. — Cette hypothèse s’est modifiée dans tous les sens possibles et a donné lieu à six combinaisons différentes. Les premiers qui l’énoncèrejitne firent qu’indiqueren quelques mots leur sentiment, en disant que saint Marc avait emprunté à saint Matthieu et saint Luc à saint Matthieu et à saint Marc les récits qui leur sont communs, et qu’il les avait souvent cités mot à mot. Grotius, Annolationes in N. T., Halle, 1769, Malth., i ; Luc, i ; Mill, Novum Testamentum grsecum, 2e édit., Leipzig, 1723, Prolegomena, §109, p. 13, et § 116, p. 14 ; Wetstein, Nov. Test, grsecum, Amsterdam, 1761, Prsef. ad Marc, ad Lucatn. Gl. Ch. Storr, Ueber den Zweck der evangelischen Geschichle und der Briefe Johannis, in-8°, Tubingue, 1780, § 58-62 ; De fonte Evangeliorum Matthsei et Lucie, dans Velthusen, Kuinoel et Rupert, Coinmentationes tlieologicæ, t. iii, Tubingue, 1794, soutint que saint Marc n’était pas l’abréviateur de saint Matthieu, mais un écrivain original et indépendant, le plus ancien des évangélistes. Par suite, saint Matthieu et saint Luc s’étaient servis de son récit, et le traducteur grec de saint Matthieu s’aida aussi de saint Marc et de saint Luc. Busching, Vorrede zum Harmonie der vier Evangelien, 1766, p. 109, et Evanson, The Dissonance of the four generally received Evangelies, Ipswich, 1792, tinrent l’Évangile de saint Luc pour le fondement de celui de saint Matthieu, et placèrent les deux précédents à la base de celui de saint Marc. Vogel, Ueber die Entstehung der drey ersten Evangelien, dans Gabier, Journal fur auserlandische theologische Litteratur, 1804, t. i, p. 1, faisait de saint Luc la source de saint Marc, et de saint Luc et de saint Marc celles de saint Matthieu. Griesbach, Commentatio qua Marci Evangelium totume Matthsei et Lucie commentariis decerptum esse monstratur, Iéna, 1789 et 1790, approfondit davantage le sujet et essaya de montrer par une exacte comparaison des passages semblables que Marc avait copié Matthieu et Luc. Il laissa indécise la question de savoir si Luc s’était servi de Matthieu. — Hug, Einleitung in die Schriften des Neuen Testament, 2e édit., Stuttgart et Tubingue, 1821, t. ii, p. 70-173, combattit tous les systèmes qui étaient en vogue de son temps. Puis il démontra que saint Matthieu était un écrivain original, le témoin oculaire des faits qu’il raconte ; que l’Évangile de Marc avait été composé d’après celui de Matthieu ; enfin que Luc avait connu Matthieu et Marc, mais s’était aussi servi d’autres écrits pour les récits qui lui sont propres. Ce système, qui laissait les Évangiles dans l’ordre de leur succession historique et qui expliquait leurs ressemblances par leur dépendance mutuelle, a joui d’une certaine vogue, et il a été adopté par un assez grand nombre d’exégètes catholiques, Danko, Historia revelationis Novi Testamenti, Vienne, 1867, p. 279-281 ; Reithmayr, Einleitung in die canonischen Bûcher des Neuen Blindes, Ratisbonne, 1852, p. 316 ; Patrizi, De Evangeliis libri très, Fribourg-en-Brisgau,

1853, 1. i, p. 52-62, 79-92 ; deValroger, Introduction historique et critique aux livres du Nouveau Testament, Paris. 1861, t. ii, p. 16-17 ; H. Wallon, L’autorité de l’Évangile, 3e édit., Paris, 1887, p. 177-188 ; Schanz, Commentai’ïiber das Evangelium des heiligen Mardis, Fribourg-en-Brisgau, 1881, p. 23-32 ; Commentai’ûber das Evangelium des heiligen Lucas, Tubingue, 1883, p. 10-17 ; Coleridge, The Life our Life, Vita vitx nostrss, Londres, 1869, p. xlv ; Bacuez, Manuel biblique, t. iii, Ie édit., 1891, p. 114-115. Il a été adopté aussi par divers critiques protestants, entre autres par Keil, Commentar ûber die Evangelien des Marcus und Lucas, p. Il et 174. On a essayé, avec un grand déploiement d’érudition, de trouver à cette hypothèse un fondement dans la tradition patristique. On l"a appuyé surtout sur l’autorité de saint Augustin, De consensu evangelistarum, i, 2, n° 4, t. xxxiv, col. 1044. Quelques Pères, il est vrai, mais non les plus anciens, ont pensé que les évangélisles Marc et Luc s’étaient servis de l’Évangile de saint Matthieu, et que saint Marc en particulier n’avait fait que résumer l’œuvre de son prédécesseur. Ils présentent ce sentiment comme le résultat de leurs investigations exégétiques, non comme une tradition ecclésiastique. Les Pères les plus rapprochés de l’origine du christianisme, par exemple, Papias, dans Eusèbe, H. E., m, 39, t. xx, col. 300 ; saint lrénée, Cont. hier., iii, 1, t. vii, col. 845 ; Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 552, ont affirmé l’indépendance des évangélistes, et toute la tradition a nié qu’ils se soient concertés ou simplement mis d’accord pour la rédaction de la vie de Jésus. C’est donc à tort qu’on présente comme traditionnelle l’hypothèse de la dépendance mutuelle des Évangiles. R. Cornely, Historica et critica introductio in utriusque Testamenti libros sacros, Paris, 1886, t. iii, p. 183. D’ailleurs, si cette hypothèse rend suffisamment compte des ressemblances des Synoptiques, elle n’explique pas leurs divergences et leur méthode propre. Elle n’explique pas en particulier les omissions. Pourquoi saint Marc, s’il a été l’abréviateur de saint Matthieu, ne résume-til pas tous les discours de Jésus qui sont rapportés dans le premier Évangile ? Pourquoi surtout ne range-t-il pas dans l’ordre chronologique qu’il établit tous les faits racontés par saint Matthieu ? Pourquoi saint Luc, s’il a connu le premier Évangile, a-t-il négligé des événements et des enseignements aussi importants que ceux qui sont contenus dans Matth., ix, 27-34 ; xiii, 24-35 ; xvii, 24-27 ; xviii, 10-35 ; xxi, 17-22 ; xxii, 34-40 ; xxvi, 6-13 ; xxvii, 28-31 ? Cf. Berthold, Einleitung in sâmmtlichen Scliriften des A. und N. T., t. iii, p. 1164. Pourquoi tout le morceau, Matth., xiv, 22-xvi, 12, manque-t-il entièrement dans saint Luc, qui se proposait pourtant d’être complet ? On ne peut guère donner d’autre raison valable, si ce n’est qu’il ne connaissait pas l’Evangile de saint Matthieu. Et dans les passages parallèles, d’où vient que la ressemblance n’est pas absolue ? Marc et Luc, dans l’hypothèse, copient Matthieu, ou Luc copie Marc ; pourquoi ne copient-ils pas constamment le même modèle ? Comment expliquer que dans le même récit, dans la même phrase, ils s’en écartent et modilient la période, en partie reproduite ? Godet, Commentaire sur l’Évangile de saint Luc, 2e édit., t. ii, p. 534. Ces questions non résolues montrent assez clairement l’insuffisance de l’hypothèse de l’emploi de saint Matthieu par saint Marc, et de saint Matthieu et de saint Marc par Saint Luc.

L’hypothèse de Griesbach, d’après laquelle saint Luc serait venu immédiatement après saint Matthieu, aurait mis à profit sa narration, puis aurait servi à son tour avec le premier Évangile à saint Marc, a été reprise par plusieurs exégètes catholiques d’Allemagne, A. Maier, Einleitung in die Scliriften des Neuen Testaments, Fribourg-en-Brisgau, 1852, p. 29 ; Langen, Grundriss der Einleitung in das Neue Testament, Fribourg-en-Bris gau, 1808, p. 59 ; J. Grimm, Die Einheit der vier Evangelien, Ratisbonne, 1868, p. 507. Mais cette hypothèse se heurte aux mêmes difficultés et à d’autres du même genre que celles qui ont été soulevées par la précédente. Pour ne parler que de saint Marc, s’il a connu et résumé le premier et le troisième Évangile, pourquoi en a-t-il négligé des parties importantes, notamment tout ce qui concerne l’enfance de Jésus ? Dans des passages communs, il fournit de nouveaux détails ; où les a-t-il puisés ? Il a des récits propres. Prétendre avec Saunier, Ueber die Quellen des Evangeliums des Marcus, Berlin, 1825, que saint Marc, quand il écrivait, n’avait pas sous les yeux Matthieu et Luc, mais qu’il les citait de mémoire, c’est faire une supposition gratuite, qui n’explique pas d’ailleurs l’absence des discours de Jésus dans le second Évangile. Cf. Michel Nicolas, Études critiques sur la Bible, Nouveau Testament, Paris, 1864, p. 57-60.

On pourrait rattacher au système de la dépendance mutuelle des Évangiles la critique de tendance de l’école de Tubingue. Pour Schwegler, Das nachapostoliche Zeitalter, Tubingue, 1846, et pour Baur, Kritische Untersuchungen ûber die canonische Evangelien, Tubingue, 1847 ; Markusevangelium nach seinen Ursprung und Charakler, Tubingue, 1851, les Évangiles actuels ont été composés seulement au ne siècle et sont les manifestes des partis qui divisaient alors l’Église. Il y eut un premier cycle de traditions évangéliques, qui comprenait des Evangiles multiples, aujourd’hui perdus, tels que les Évangiles des Hébreux, des Ebionites et des Égyptiens. Ils émanaient tous du parti pétrinien ou particulariste, qui voulait soumettre les gentils convertis aux ordonnances judaïques. L’Évangile de saint Matthieu appartient à cette catégorie d’écrits judaïsants et n’est que l’Évangile des Hébreux, remanié dans une intention pacifique. L’Évangile de saint Luc est le manifeste du parti paulinien ou universaliste, qui exemptait les gentils des pratiques juives ; mais il a été retouché au ne siècle dans un but de conciliation et mélangé de quelques idées pétriniennes. L’Évangile de saint Marc est postérieur à ce double remaniement ; c’est un simple résumé des deux précédents, et il a été écrit avec une telle circonspection, qu’il garde une neutralité parfaite dans les questions discutées. Les différences des Synoptiques s’expliquent donc par la diversité des tendances primitives, et leurs ressemblances sont l’œuvre des remaniements qu’on leur a fait subir pour les accorder et leur enlever leur caractère originel de manifestes de partis. Cf. Yigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1886, t. ii, p. 470-477. Les disciples de Baur modifièrent et rectifièrent les conclusions du maître. Hilgenfeld, Einleitung in das Neue Testament, 1875, reporte au I er siècle la composition des Synoptiques. Volkmar, Die Evangelien, 1870, accorde la priorité à l’Évangile de Marc. Keim, Geschichte Jcsu von Nazara, 1807, t. i, p. 61-63, reste plus fidèle aux idées de Baur, et, tout en rehaussant la date des Évangiles, il maintient à celui de Marc la dernière place. Holsten, Die drei ursprûnglichen noch ungeschrieben Evangelien, 1883 ; Die Synoptisclien Evangelien nach der Form ihres Inhaltes, 1885, pense que l’Évangile actuel de saint Marc, qui est paulinien, est un remaniement de l’Évangile de saint Matthieu, qui est pétrinien. L’Évangile de saint Luc, selon lui, fusionne les deux précédents et représente le parti paulinien, parvenu à un nouveau stade de son développement.

Une autre forme de la dépendance mutuelle des Évangiles a eu plus de succès et a reçu un nom à part ; c’est l’hypothèse de Marc, ainsi nommée parce que ses partisans regardent saint Marc comme le plus ancien des Synoptiques, que saint Matthieu et saint Luc ont successivement imité et développé. Le second Évangile suivant l’ordre du canon est le plus court de tous ; il omet les discours pour ne s’occuper que des faits ; quoique très bref et très rapide, il contient néanmoins la plupart des

matériaux historiques qui se rencontrent dans les deux | autres Évangiles. Il est plus vraisemblable de penser que c’est l’Évangile le plus court qui a été augmenté et complété, que de supposer qu’il est lui-même un résumé des deux plus longs. Du reste, on a découvert soit dans l’ordre des événements, soit dans le style lui-même du second Évangile, des indices de priorité. Si on le prend comme centre de comparaison, on constate que tantôt saint Matthieu le suit de plus près que saint Luc, tantôt, au contraire, saint Luc en est bien plus rapproché que saint Matthieu. De même, souvent l’expression est bien plus originale sous la plume de saint Marc que sous celles de saint Matthieu et de saint Luc. C’est l’opinion de Storr, développée par Lachmann, De ordine narrationum in Evangeliis synopticis, dans Sludien und Kritiken, 1835, p. 577 ; Weisse, Die Evangelienfrage in ihrem gegenicârtigen Stadium, Leipzig, 1856 ; Plitt, De compositions Evangeliorum synopticorum, Bonn, 1860. Wilke, Der Urevangelist, Dresde, 1838, place saint Luc immédiatement après saint Marc et avant saint Matthieu. La comparaison établie entre les Synoptiques rend très probable l’existence d’un rapport direct et immédiat entre saint Matthieu et saint Marc et entre saint Luc et saint Marc, et par le fait même celle d’un rapport indirect entre saint Matthieu et saint Luc. Mais à supposer qu’il n’y ait pas d’autre explication que la dépendance mutuelle des narrations, la relation adoptée, à savoir, Marc -Matthieu, ou Marc-Luc, est en opposition avec l’ordre chronologique traditionnel de l’apparition des Évangiles. De plus, elle n’est pas suffisamment déterminée par l’examen des caractères internes. On manque de critères certains pour fixer l’ordre des rapports mutuels des Synoptiques. De soi, le plus court de deux écrits qui dépendent l’un de l’autre n’est pas nécessairement antérieur au plus long ; car, si celui-ci peut être une amplification du premier, le plus court peut aussi être un résumé du plus long et par conséquent lui être postérieur. Saint Marc est considéré comme la source de saint Matthieu, parce qu’il est le plus court et parce qu’il est vraisemblable qu’ayant sous les yeux l’Évangile de saint Matthieu, il l’aurait résumé plus complètement. S’il en est ainsi, comment expliquer que saint Matthieu, qui, dans l’hypothèse, s’est servi de saint Marc, ait omis tant de passages du second Évangile ? Comment rendre compte des omissions semblables de la part dé saint Luc ? Les rapports inverses entre les Synoptiques seraient à la rigueur possibles, et, de fait, des critiques intelligents, se fondant sur l’examen interne des textes, les admettent. Cette divergence de conclusions prouve à tout le moins que les arguments présentés en faveur de la dépendance mutuelle des Évangiles et surtout de l’ordre de cette dépendance, ne sont pas par eux-mêmes assez rigoureux pour entraîner l’assentiment. Il semble en résulter en définitive que l’hypothèse de la dépendance mutuelle, sous aucune de ses formes, ne résout suffisamment le problème synoptique. Cf. Schanz, Die Markus-Hypothese, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, 1871, p. 489 ; Semeria, La question synoptique, dans la Revue biblique, Paris, 1892, p. 548557.

2° Hypothèse de la tradition orale. — Pour expliquer les rapports d’harmonie et de divergence des Évangiles synoptiques, on a supposé l’existence d’une tradition orale, qui se serait formée de très bonne heure sur l’histoire de JésusChrist, mais qui ne fut pas absolument la même partout et qui présentât des variantes plus ou moins accentuées. Les trois premiers évangélistes mirent par écrit cette tradition orale, telle qu’elle s’était transmise dans les lieux où ils écrivaient. Il en résulta que leurs récits eurent un fond identique d’actes et de paroles de Jésus, et en même temps des diversités dans l’étendue et la diction, conformément aux développements pris en sens divergents par la tradition orale primitive. —

Déjà Eckermann, Theolog. Beitràge, 1796, t. v, p. 155 et 205 ; Erklârung aller dunklen ijtelten des X. T., 1806, t. i, prcef., p. xi et xii, et Kaiser, Biblische Théologie, 1813, t. i, p. 224, avaient essayé de ramener les analogies des Synoptiques à la tradition orale, répandue dans toutes les communautés chrétiennes sous des termes identiques. MaisJ. C. L. Gieseler, Historisch-kritischer Versuch itber die Entstehung und die frûhesten iSchicksale der scriftlichen Evangelien, in-8°, Leipzig, 1818, donna à cette hypothèse des développements considérables et intéressants. Si les auteurs des Synoptiques ont puisé leurs renseignements sur Jésus dans la tradition orale, s’ils n’ont, eu d’autre but que de transcrire ce qui se racontait généralement, dans le milieu où ils vivaient, de la vie et de l’enseignement du Seigneur, ils ont dû dans bien des points rapporter les mêmes faits et les mêmes discours dans un ordre à peu près identique, la tradition s’étant à l’origine fait un thème, sinon absolument invariable, du moins arrêté dans son ensemble et ses parties les plus essentielles. Quant aux différences des Synoptiques, on peut croire ou bien que chacun de leurs auteurs ne prit dans la tradition que ce qui convenait le mieux au temps, au lieu, au but particulier qu’il avait en vue, ou bien que la tradition n’était pas répandue partout avec la même abondance et ne fournissait ni tous les mêmes faits ni les mêmes traits de détail. Les ressemblances de style s’expliquent par ce fait que dans la bouche des Apôtres, hommes simples et sans culture, les enseignements et les actions du Maître ont pris une forme identique, commune et en quelque sorte stéréotypée. Ils s’étaient entretenus souvent des faits dont ils avaient été les témoins ; ils aimaient à répéter les paroles qu’ils avaient entendues. Cette répétition de souvenirs communs donna à leurs récits une forme semblable. Les docteurs d’Israël avaient coutume de graver dans leur mémoire les paroles de leurs maîtres et de les transmettre ensuite à leurs propres élèves telles qu’ils les avaient reçues. Ainsi procédèrent les Apôtres. Ils propagèrent tous dans les contrées qu’ils évangélisèrent le thème identique de leurs souvenirs communs. Il se forma de la sorte comme un cycle de récits sur la vie de Jésus, transmis de bouche en bouche, dans un langage en quelque sorte consacré. Quand on voulut les fixer par écrit, on rédigea les Évangiles actuels, qui reproduisent l’Évangile oral primitif. — Cette explication parut simple et naturelle, et on l’accueillit dans toute l’Allemagne avec une faveur extraordinaire ; elle eut donc de nombreux partisans. Mais, quand on l’étudia avec plus de calme, on ne put s’empêcher de remarquer qu’elle ne rend pas compte de tous les éléments du problème synoptique. Si elle explique assez bien les ressemblances de fond, elle ne justifie pas la disposition de certaines parties des Évangiles, la séparation dans un récit des discours qui sont réunis dans un autre et qui sont rapportés à des occasions différentes ; elle n’explique pas suffisamment les différences ni mêmeles ressemblances lexicographiques et grammaticales. Cf. Michel Nicolas, Études critiques sur la Bible, Nouveau Testament, Paris, 1864, p. 70-82. On dut y apporter des perfectionnements.

En 1826, de Wette, Lehrbuch der historisch-kritischen Einleitung in die kanonischen Bûcher des Neuen Testaments, 4e édit., Berlin, 1842, p. 139-166, fit observer que l’enseignement de Jésus-Christ se transmettait oralement comme une parole vivante. En Palestine et en Syrie, il se donnait en langue araméenne ; dans le monde grécoromain, il se distribuait dans le langage populaire des Juifs de la dispersion, dans le grec hellénistique. Celte diversité de langue n’empêchait pas l’identité générale du fond. Les ressemblances de l’Évangile de saint Jean avec les Synoptiques et les récits évangéliques, reproduits dans les Actes des Apôtres et les Épîtres de saint Paul, prouvent clairement la communauté de fond et d’expression dans les narrations traditionnelles de la vie

de Jésus. Toutefois la tradition orale devait avoir une certaine variété. Chaque prédicateur racontait l’histoire du Maître avec plus ou moins de détails ; celui-ci n’omettait aucun fait particulier ; celui-là exposait les événements les plus importants à sa manière, insistant sur les circonstances qui convenaient le mieux à son but et à l’intérêt de ses auditeurs ; tous joignaient à l’enseignement des actes et des discours de Jésus leurs réflexions personnelles. L’enseignement apostolique n’était donc pas, comme l’avait dit Gieseler, la reproduction uniforme d’une catéchèse orale, fixée par les Apôtres et rendue par eux obligatoire comme la formule de la tradition orale. Il était vivant et varié comme toute parole humaine. Oti comprend dès lors comment chaque évangéliste a reproduit les variations diverses d’un thème commun. Mais pour expliquer les omissions, la diversité de l’ordre des récits et les ressemblances de forme et de diction, de "Wette jugeait que la tradition orale seule n’était pas suffisante ; il y joignait soit la dépendance mutuelle et l’emploi réciproque des écrits évangéliques, soit le recours à des sources écrites communes. — Cette explication a été adoptée dans son ensemble par des critiques et des exégètes d’opinions bien différentes, qui ne lui ont fait subir que des modifications peu importantes. On a insisté cependant sur cette considération que les Apôtres s’accommodaient dans leurs prédications catéchétiques aux milieux très différents où ils les faisaient entendre, choisissant de préférence certains faits de la vie de Jésus et variant la manière de les exposer, selon les besoins et les dispositions de leurs auditeurs. On en a conclu que l’Évangile de saint Matthieu était la reproduction de l’enseignement apostolique tel qu’il était adressé aux chrétiens issus du judaïsme, particulièrement à Jérusalem et en Palestine ; que celui de saint Marc représentait la catéchèse de saint Pierre à Rome, et que celui de saint Luc était le reflet de la prédication de saint Paul aux païens convertis. Cette hypothèse a été et est encore aujourd’hui en faveur parmi les catholiques. Elle est acceptée par Sl3 r Haneberg, Histoire de la révélation biblique, trad. franc., Paris, ’1856, t. ii, p. 311-314 ; Friedlieb, dans YŒsterr. Vierleljahrsclirit fur kathol. Théologie, 1864, p. 68 ; Schegg, Evangelium nach Markus, Munich, 1870, t. i, p. 12-15 ; Bisping, Exeget. Handbuch, 2e édit, 1864, t. i, p. 15 ; Kaulen, Einleitung in die heilkje Schrift, 2e édit., Fribourg - en-Brisgau, 1887, p. 381-382 ; Cornely, Introductio in utriusque Teslamenti libros sacras, t. iii, Paris, 1886, p. 184-189 ; M’J r Meignan, Les Évangiles et la critique, 2e édit., Paris, 1870, p. 406-414 ; Le Cainus, La Vie de NotreSeigneur Jésus-Christ, 2e édit., Paris, 1887, t. i, p. 39-42 ; Fouard, Saint Pierre et les premières années du christianisme, Paris, 1886, p. 275-289 ; Saint Paul, ses dernières années, Paris, 1897, p. 123-125 ; Fillion, Introduction générale aux Évangiles, Paris, 1889, p. 45-46 et 51-53. Les protestants l’ont aussi adoptée : de Pressensé, Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre, 2e édit., Paris, 1866, p. 182-194 ; Godet, Commentaire sur l’Évangile de saint Luc, 3e édit., t. i, p. 36 ; Wetzel, Die synoplisclten Evangelien, Heilbronn, 1883 ; Westcott, Introduction to tlie Studg of the Gospels, 7e édit., Londres, 1888 ; Thomson, à l’art. Gospels du Dictionary of the Bible de Smith, 2e édit., Londres, 1893, t. i, p. 1214-1217. Néanmoins la tradition orale ne paraît pas aux partisans des autres hypothèses suffire à l’explication de l’étroite parenté littéraire des Synoptiques, et la plupart des critiques modernes ont recours à la supposition de sources écrites, qui ont précédé nos Evangiles actuels et ont fourni à leurs auteurs des matériaux communs et divers.

3° Hypothèse des sources écrites. — Cette hypothèse, imaginée à la fin du siècle dernier, a passé par des phases bien diverses. Sous ses différentes formes, elle a gardé ce principe général, que les ressemblances et les divergences

des Synoptiques proviennent de l’emploi par leurs auteurs de documents écrits, communs ou particuliers. Les variations du système ont porté sur le nombre, l’étendue, la nature et la qualité des sources consultées et mises à profit. Leclerc, Hist. eccl., Amsterdam, 1716, p. 429, avait émis l’idée que les trois premiers Évangiles avaient été composés d’après des écrits antérieurs. Quand on la reprit, on préféra à l’hypothèse des sources multiples et diverses celle d’un document unique, qui fut pour plusieurs l’Évangile des Hébreux, Lessing, Neue Hypothèse i’tber die Evangelisten, 1778 ; Niemeyer, Conjecture ad illustrandum plurimorum N. T. scriptorum silentium de primordiis vitse Jesu Chris ti, 1790 ; Weber, Beitràge sur Geschichte des neutest. Kanons, 1791, p. 21 ; pour d’autres, ce fut l’Évangile hébreu de saint Matthieu, Schmidt, Entwurf einer bestimmten Unterscheidung verschiedener verloren gegangener Evangelien. Mais après Semler, Anmerkungen zur Thomson’s Abhandlungen iiber die vier Evangelien, ’1783, t. ii, p. 146, 221 et 290, Eichhorn, Allgemeine Bibliolek des biblisclien Literatur, t. v, 1794, p. 759, supposa l’existence d’un Evangile primitif, Vrevangelium, qui fut composé de bonne heure en langue araméenne ou syro-chaldaïque, par un auteur inconnu, et qui circula aussitôt parmi les chrétiens. Il fut retouche, et on en fit diverses recensions en araméen, qui le remplacèrent bientôt et le firent disparaître de la circulation. Il y en eut quatre principales, qu’Eichhorn désigne par les lettres A, B, C, D. C’est sur elles que furent traduits en grec ou mieux refondus nos trois premiers Évangiles actuels. L’Évangile de saint Matthieu est la traduction de la recension A, retouchée à l’aide de la recenyion D. Celui de saint Luc reproduit B, modifié par D. Enfin celui de saint Marc est fait sur la recension C, qui est elle-même une combinaison de À et de B. On se rend dès lors facilement compte des ressemblances et des différences de fond et de forme des Synoptiques. Tous les récits qui leur sont communs se trouvaient dans l’Évangile primitif, et avec quelques légères modifications dans les quatre revisions qui en avaient été faites. Ceux qui appartiennent à deux Évangiles seulement proviennent d’une recension spéciale, qui ne fut connue que de leurs auteurs. Les passages propres sont tirés de la recension que chaque auteur eut seul à sa disposition, ou d’autres sources encore. — On objecta avec raison à cette explication qu’un original araméen ne pouvait expliquer la ressemblance textuelle du grec dans les trois Évangiles, notamment dans les citations de la version des Septante ; on remarqua aussi que les Synoptiques ne présentent en aucune manière le caractère de traductions. Ces défauts de l’hypothèse d’Eichhorn furent corrigés par Marsh, évêque anglican, Translation of Michælis Introduction to N. T., t. iii, p. 2, dans une addition traduite en allemand par Rosenmûller, Einleitung in die gôtllichen Schriften des Keues Eundes, Gœttingue, 1803, t. ii, p. 284. Marsh supposa que l’Évangile primitif avait été traduit en grec avant qu’il n’eût été lui-même retouché en araméen, et que saint Marc et saint Luc s’étaient servis de cette traduction grecque. Il supposa aussi que le traducteur grec de l’Evangile de saint Matthieu consulta l’Évangile de saint Marc et en partie celui de saint Luc. Il établit avec ces éléments nouveaux la généalogie suivante des textes : 1. l’Évangile primitif araméen, n ; 2. sa traduction grecque, Ng ; 3. une copie de x, altérée et contenant des additions, N + s + À ; 4. une autre copie de ii, avec d’autres altérations et de nouvelles additions, N + 3 + B ; 5. une troisième copie contenant les additions des deux précédentes, .s -(- ; + T ; 6. une collection de discours, paraboles et paroles de Jésus, compilée sans ordre chronologique,

; . Les Évangiles canoniques ont été la résultante

de différentes combinaisons de ces éléments divers : l’Évangile araméen de saint Matthieu a été formé de N + 3 + a + À + Y + r ; l’Évangile de saint Marc pro

vient de s + a + À + p + B + ng ; celui de saint Luc, deN+a + p + B + Y + r + ag ; enfin l’Evangile grec de saint Matthieu est la traduction de l’Evangile araméen du même auteur, avec des additions empruntées à ag et aux Évangiles de saint Marc et de saint Luc. — Eichhorn, Einleitung in das Neue Testament, Leipzig, 1804, t. i, p. 353, reprit le sujet et développa sa première hypothèse. Pour expliquer l’accord verbal du texte grec des Synoptiques, il recourut lui aussi à des traductions grecques de l’Évangile primitif. Il aboutit à cette généalogie des textes : 1. l’Évangile primitif araméen ; 2. sa traduction grecque ; 3. une revision de l’original araméen, À ; 4. la version grecque de cette revision ; 5. une seconde retouche de l’Évangile primitif, B ; 6. la combinaison des deux revisions À et B, qui en donne une troisième, G ; 7. une quatrième recension araméenne de l’Évangile primitif, D ; 8. sa traduction grecque, faite à l’aide de la version grecque primitive ; 9. l’Évangile hébreu de saint Matthieu, E, formé de la réunion de À et de D ; 10. la traduction grecque de saint Matthieu, formée par la fusion des versions grecques de À et de D ; 11. l’Évangile de Marc est la traduction de C, qui est composé de À et de B : l’auteur se sert de la traduction grecque de A, mais traduit lui-même les passages qui proviennent de B ; 12. l’Évangile de saint Luc, F, combine B et D, en y insérant une histoire des voyages de Jésus : l’auteur se sert de la version grecque de D, mais traduit lui-même ce qui est emprunté à B. — Si dans son premier état l’hypothèse de YUrevangelium n’expliquait pas tous les éléments du problème, elle dévia évidemment dans ses explications subséquentes, par suite de l’ingéniosité avec laquelle on cherchait à l’étayer sur une foule d’autres hypothèses. Il est invraisemblable que les premiers chrétiens eussent fait tant d’éditions de l’histoire évangélique, dont il n’est pas resté trace ni souvenir dans la tradition. C’était accorder une trop large place aux tablettes à écrire et transformer les premiers disciples de Jésus en un peuple de scribes. Cf. Hug, Einleitung in die SchHften des Neuen Testaments, 2e édit., 1821, p. 76-91. Gratz, Neuer Versuch die Enstehung der drey ersten Evangelien zu erklâren, Tubingue, 1812, chercha à simplifier cette genèse, trop compliquée des Synoptiques, et il se contenta de deux documents, YUrevangelium syro-chaldaïque, qui servit de base à l’Évangile araméen de saint Matthieu, et sa traduction grecque, qui fut utilisée par saint Marc et saint Luc. En outre, chaque évangéliste ajoutait à la source primitive des fragments très courts. Bertbold, Einleitung in sàmmtliche Schriften desvlten und Neuen Testaments, t. iii, p. 1205, se contente de l’Évangile primitif. Herder, Von Gottes Sohn der Welt Heiland nach Johannes Evangelium, 1797, avait accepté l’hypothèse de YUrevangelium, mais en l’expliquant d’une autre manière. Cet Évangile source, composé en araméen, ne fut pas publié et servit seulement aux évangélistes. Saint Marc nous en donne l’idée la plus exacte, car il le traduisit en grec avant qu’il n’ait subi aucune modification. Plus tard, il fut revu et augmenté en araméen par saint Matthieu ; c’est l’Évangile hébreu de cet apôtre. Saint Luc prit pour base de son Évangile grec YUrevangelium, mais il utilisa aussi l’édition plus étendue donnée par saint Matthieu et l’Évangile de Marc, en leur empruntant au moins quelques passages. Enfin l’Évangile hébreu de saint Matthieu fut traduit en grec assez librement et reçut quelques additions. Ces explications, moins compliquées, n’échappaient pas à tout reproche. Elles supposaient gratuitement l’existence d’un Évangile primitif, que les anciens écrivains ecclésiastiques n’avaient pas connu. Aussi, après avoir eu de la vogue, elles tombèrent dans l’oubli et furent remplacées par de nouvelles théories. Au lieu de cet Évangile primitif, unique malgré ses divers remaniements, on préféra recourir à plusieurs sources distinctes. ; Cette idée, qui avait d’abord été émise en passant, fut ;

reprise par Schleiermacher, Kritischer Versuch ûber die Schriften des Lukas, 1817. Ce théologien est le véritable créateur de la théorie de la pluralité des sources, par laquelle il crut résoudre enfin complètement le problème synoptique. Il donna à son opinion le nom grec de Atr r yeiTi ; ou narration. « Elle consiste à supposer que les trois Synoptiques se composaient d’un certain nombre de récits, que nos trois premiers évangélistes ont trouvés déjà rédigés et qu’ils se sont appropriés, qui plus, qui moins ; de là leurs ressemblances et aussi leurs différences, selon qu’ils ont pris les mêmes morceaux ou des morceaux divers, dans l’ordre qu’il leur a semblé bon d’adopter. Paulus, Introductio in N. T., 1799 ; Exeg. Handb., 1830, avait déjà émis la conjecture que les rédacteurs des Évangiles s’étaient servis de courts mémoires provenant de la Sainte Vierge, de saint Jean ou d’autres disciples. Schleiermacher n’attribuait à ces récits ni une telle origine ni une telle forme ; il pensait que, selon les occasions et les circonstances, des écrivains inconnus avaient fixé par écrit les narrations qu’ils avaient entendu raconter, des épisodes ou des séries d’anecdotes, des paraboles et des discours. Ces écrivains étaient des Grecs devenus chrétiens. Plus tard, leurs récits furent insérés dans les Évangiles canoniques. » F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique, Paris, 1886, t. ii, p. 467-468. À cette multiplicité de documents on fit une objection grave. On dit que si les divers récits des trois premiers évangélistes provenaient de sources si nombreuses, ils auraient été coinposés dans des lieux différents et par des écrivains de caractère et de style très dissemblables. Il devait donc y avoir dans les morceaux primitifs une variété de ton, de caractère et de langage, qu’on ne remarque pas dans les parties différentes des Évangiles.

Aussi à cette multitude indéterminée de documents employés par les évangélistes on substitua un nombre déterminé de sources, dont on reconnaissait la trace dans les Évangiles actuels. Ewald, Die drei ersten Evangelien, Gœttingue, 1850 ; Geschir.hte Christus, 3e édit., 1867, distinguait deux sources principales : 1. un Proto-Marc, écrit en grec et racontant les principaux traits de la vie du Sauveur ; 2. une collection de discours de Jésus, composée en hébreu par saint Matthieu. L’Évangile actuel de Marc a été rédigé à l’aide de ces deux sources. D’autres petits écrits, racontant différents faits de l’histoireévangélique, auraient été insérés avec les renseignements des deux sources principales dans les Évangiles de saint Matthieu et de saint Luc. Cf. Fillion, Introduction générale aux Évangiles, Paris, 1889, p. 135-137. Cette opinion eut un immense succès. Elle fut adoptée par le plus grand nombre des critiques, et elle jouit encore aujourd’hui d’une grande vogue. A. Réville, Études critiques sur l’Évangile selon saint Matthieu, Leyde, 1862 ; La question des Évangiles, dans la Revue des Deux Mondes, t. Lxiit, 1866, p. 623-641 ; Jésus de Nazareth, Paris, 1897, t. i, p. 295-329 et 461-477 ; Michel Nicolas, Études critiques sur la Bible, Nouveau Testament, Paris, 1804, p. 82-126 ; Reuss, Les Évangiles synoptiques, dans la Revue de théologie, Strasbourg, t. xi, p. 164-170, et dans la Nouvelle revue de théologie, t. ii, p. 17-60 ; Histoire évangélique, Paris, 1876 ; Renan, Les Evangiles et la seconde génération chrétienne, Paris, 1877, p. 94-127, 173-1’J7 et 251-285 ; Holtzmann, Die Synoptischen Evangelien, Leipzig, 1863 ; Einleitung in das Neues Testament, 1885 ; Weizsâcker, Untersuchungeii ûber die evangelische Geschichte, ihre Quellen und den Gang ihrer Entwicklung, Gotha, 1864 ; Das Apostolische Zeitalter, Fribourg-en-Brisgau, 1886 ; Schenkel, Bibel-Lexicon, Leipzig, t. ri, 1869, art. Evangelien ; Geschichtsquellen des N. T. ; t. iii, 1871, art. Johannes ; t. iv, 1872, art. Lukas, Marcus, Matthâus ; B. "Weiss, Das Marcusevangelium, Berlin, 1872 ; Das Matthàusevangelium und seine Lucas-Parallelen, Halle, 1876 ; Das Leben Jesu, Berlin, 1882 ; Einleitung in das N. T., Berlin, 1886 ; "Witlichen, Leben

Jesu, 1876 ; Beyschlag, Leben Jesu, Halle, 1885 ; Wendt, Die Lehre Jesu, Gœttingue, 1886 ; Scholten, Het oudste Evangelie, 1868 ; Nbsgen, Geschichte der Neutestamenll. Offenbarung, Munich, 1891 ; Ewald, Das Hauptproblem der Evangelienfrage, Leipzig, 1890 ; Wright, Comjiosition of the Four Gospels, Londres et New-York, 1890 ; Carpenter, The Synoptic Gospels, Londres, 1890 ; Mandel, Kephas, der Evangelist, Leipzig, 1889 ; Sanday, A survey of the synoptic question, dans Exjiositor 1891 ; J. C. Hartkins, Horss Synopticse, .in-8°, Oxford, 1899. Cf. Sanday, dans le Diclionary of the Bible, de Smith, 2e édit., 1893, 1. 1, p. 1230 sq., qui donne un tableau comparatif des différentes formes de la théorie documentaire.

A la théorie des deux sources principales des Synoptiques on a donné une base historique et une base critique. La base historique a été prise dans les deux notices de Papias sur saint Matthieu et saint Marc, qu’Eusèbe, H. E., iii, 39, t. xx, col. 300, nous a conservées. Selon l’évêque d’Hiérapolis, Marc, disciple et interprète de Pierre, avait écrit exactement, mais sans ordre, tout ce qu’il se rappelait des paroles et des actes du Seigneur ; Matthieu avait fait en hébreu un recueil des Logia de Jésus. Papias connaissait donc deux écrits différents sur la vie de Jésus : l’un, rédigé en grec par Marc, rapportait des faits et des discours ; l’autre, composé en hébreu par Matthieu, ne contenait que des sentences. Ce dernier ne peut être l’Évangile actuel de saint Matthieu, qui comprend des récits et des discours ; c’est un Proto-Matthieu, qui a fourni le fond didactique de notre premier Évangile. La notice de Papias sur l’œuvre de Marc conviendrait à la rigueur à notre second Évangile, si celui-ci, examiné attentivement au point de vue critique, ne présentait des indices de relouche et de remaniement. On y remarque des traces d’une seconde main, en sorte qu’il faut admettre l’existence d’un Proto-Marc, qui aurait été, suivant les uns, plus long ; suivant les autres, plus court que l’Évangile actuel de Marc, et de qui dériverait la plus grande partie des matériaux du second Évangile. Cf. du Buisson, The Origin and Peculiar Characteristics of the Gospel of S. Mark, and its Relation to the other Synoptists, Oxford, 1896, p. 47-60. Ces résultats, joints aux preuves de la priorité de Marc sur Matthieu, suffisent à expliquer les relations de parenté et de dissemblance entre les deux premiers Synoptiques. L’Évangile grec de saint Matthieu a réuni le Proto-Marc au Proto - Matthieu et a inséré dans un cadre historique, emprunté au Proto-Marc, les discours de Jésus, groupés dans les Logia du Proto -Matthieu. L’Évangile actuel de saint Marc ne serait que l’ancienne rédaction du Proto-Marc sous une forme abrégée ou amplifiée.

Les relations de l’Évangile de saint Luc avec les deux autres Synoptiques sont expliquées un peu différemment. Pour quelques critiques, les deux sources principales suffisent à rendre compte des ressemblances et des divergences du troisième Évangile avec les deux premiers. Son auteur aurait pris pour base la narration historique de Marc et l’aurait combinée avec une traduction grecque d’un écrit réunissant les Logia aux récits propres de Luc. On discute en particulier les rapports du troisième et du premier Évangile. E. Simon, liât der dritt Evangelist den kanonischen Matthàus benutzt ? Bonn, 1881. Feine, Eine vorkanonische Ueberlieferung des Lucas, Gotha, 1891, a eu recours à une source ébionite hiérosolymitaine de saint Luc. Ce document primitif comprenait un noyau de discours, auxquels on joignit successivement des paraboles et des récits. Il était d’origine judéo-chrétienne et avait été composé en grec avant la ruine de Jérusalem. A. Resch, qui réduit l’hypothèse des deux sources originelles à une seule, un Evangile hébreu ou aramaîque, contenant surtout des discours, Agrapha, aussercanonïsche Evangelienfragmente, dans Texte und L’ntersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur, t. v, 4e fasc, Leipzig, 1889, p. 27-75 ; Ausserca nonische Paralleltexte zu den Evangelien, ibid., t. x, 1° fasc, Leipzig, 1893, p. 62-152 ; 2° fasc, Leipzig, 1894, p. 20-28, admet pour les récits propres à saint Luc un Évangile de l’enfance en hébreu, qu’il intitule n-iVn

7°f>, (JigXo ; ytvéaew ; ’Irjaci’j, Aussercanonische Paralleltexte zu den Evangelien, ibid., 3e fasc, Leipzig, 1895, p. 833-838. Il a une telle assurance dans les résultats de sa critique, qu’il a reconstitué le texte hébreu de cet Évangile de l’enfance. Das Kindheilsevangelium nach Lucas und Matthœus, ibid., 5e fasc, Leipzig, 1897, p. 202-226. Cf. Lagrange, Les sources du troisième Évangile, dans la Revue biblique, t. iv, 1895, p. 5-22, et t. v, 1896, p. 5-38.

4° Conclusion. — Tant d’efforts, aboutissant à des résultats si divergents, n’ont pas été totalement inutiles. Ils ont démontré au moins la complexité du problème synoptique et l’extrême difficulté, sinon l’impossibilité absolue de lui donner, à l’aide des moyens dont dispose actuellement l’érudition, une solution adéquate et certaine. Ils ont fait ressortir la fausse voie dans laquelle s’étaient témérairement engagés plusieurs des premiers critiques qui avaient étudié la question. Ils ont fait bonne justice, par exemple, de Y Evangile primitif et de ses divers remaniements araméens ou grecs, qu’avaient imaginés Eichhorn et Marsh, et ils ont écarté définitivement les théories arbitraires et tout à fait inacceptables de certains exégètes rationalistes. Les critiques indépendants deviennent de plus en plus réservés dans leurs conclusions, et l’hypothèse d’un Proto-Marc perd successivement et avec raison ses partisans. A. Harnack, Die Chronologie der altchristlichen Lilteratur bis Eusebius, 1. 1, Leipzig, 1897, p. 700. Ils maintiennent généralement, il est vrai, à l’Évangile canonique de Marc la première place dans l’ordre chronologique et le regardent comme la source principale de Matthieu et de Luc. Ils se demandent si le troisième évangéliste a eu l’Évangile de saint Matthieu entre les mains ; ceux qui nient tout rapport direct entre le premier et le troisième Evangile admettent au moins un rapport indirect, saint Luc ayant puisé aux mêmes sources que saint Matthieu. Cf. P. Batiffol, Six leçons sur les Évangiles, 2e édit., Paris, 1897, p. 52-53 et 61 -74. Ces conclusions sont loin d’être certaines. Si elles étaient jamais démontrées, elles ne présenteraient rien de formellement opposé à la foi catholique, car la date des Évangiles et l’ordre de succession dans lequel ils ont paru ne sont pas déterminés par la tradition ecclésiastique avec une précision telle qu’ils s’imposent nécessairement à notre assentiment. Le principe du recours fait par les évangélistes à des sources écrites, à des documents antérieurs qu’ils auraient utilisés, est tout à fait conciliable avec leur inspiration, car leur emploi et le choix des matériaux qu’ils contenaient se seraient produits sous l’action directrice et avec l’infaillible garantie du Saint-Esprit. Mais, dans l’état actuel de la science, il nous paraît tout à fait impossible de déterminer avec certitude le nombre, la nature et le contenu des sources consultées, à plus forte raison de les classer et de dire dans quelle mesure elles ont été utilisées par les évangélistes. Toute théorie qui prétend retrouver les documents antécédents, qui en décrit la dérivation et croit reconnaître la manière dont ils ont été agglutinés dans nos Évangiles canoniques, est peut-être fort ingénieuse ; mais elle reste nécessairement hypothétique et contestable. Un dernier fait que la discussion du problème synoptique a mis en évidence, c’est l’existence et le rôle de la tradition orale dans la transmission de l’Évangile et la formation des récits canoniques. Personne aujourd’hui ne nie ce fait historique ; tous admettent que la prédication a été la forme première de l’Évangile et qu’elle a pénétré dans la rédaction des Synoptiques. Ainsi, ces récits traditioni nels, si rapprochés des événements qu’ils racontent,

I méritent d’autant plus d’être tenus pour historiquement certains, qu’ils ont été proposés à la foi des chrétiens par les premiers prédicateurs de l’Évangile, témoins des faits et auditeurs du Christ.
E. Mangenot.

2. ÉVANGILES (CONCORDE DES). — I. Les quatre Évangiles, dus à des plumes différentes, écrits dans un milieu et pour un dessein différents, présentent chacun des particularités qui les distinguent et qui les mettent plus ou moins en divergence, quoiqu’ils racontent tous les quatre la même histoire. Voir col. 2076. De bonne heure on fut frappé de ces divergences, et l’on chercha à harmoniser ensemble les quatre récits ; mais personne n’a pu résoudre jusqu’ici d’une manière certaine toutes les difficultés.

Le tableau synoptique des quatre Évangiles que nous donnons ici présente, colonne par colonne, l’ordre particulier à chaque évangéliste, sans aucune omission ou interversion, et en regard leur ordre commun. Il résulte de cette fidèle reproduction que certains faits, non racontés dans le même ordre par deux évangélistes, figurent deux fois dans le tableau, une fois à leur place historique ou censée telle, une seconde fois en dehors de l’ordre chronologique adopté, mais alors en caractères italiques. La répétition en caractères différents sert à mettre sous les yeux l’ordre particulier de chaque évangéliste, ordre qu’il est bon de connaître, tout en faisant voir leur ordre commun. Du reste, la chronologie adoptée ici laisse aux autres systèmes vraisemblables leur probabilité. — Les numéros d’ordre accouplés, sans autre signe, indiquent des récits semblables, mais que l’on est ordinairement d’accord de ne pas identifier. — Un point d’interrogation (?) indique qu’il y a divergence entre les auteurs pour attribuer deux récits à un fait unique ou à deux faits distincts. — Deux points d’interrogation, deux récits d’un même fait dont la place chronologique est contestée. — Les titres et les chiffres entre parenthèses et en italique marquent dans le tableau les récits qui ne paraissent pas à leur place chronologique. À l’endroit où ils sont reportés pour la concorde, ils sont précédés du signe ✝. Les mots en italique mais sans parenthèses ne sont que des sous-titres en dépendance d’un fait principal qui précède.

TABLEAU SYNOPTIQUE DES QUATRE ÉVANGILES
PROLOGUE
matth.
marc
luc
jean
101. Dédicace à Théophile 
............ ............ i, 1-14
102. Le Verbe éternel manifesté dans la chair 
............ ............ ............ i, 1-15
I. faits préliminaires
103. Annonce du Précurseur 
............ ............ i, 1-25
104. Annonciation à la Vierge Marie 
............ ............ i, 26-38
105. Visitation de Marie à Élisabeth 
............ ............ i, 39-56
106. Naissance de Jean le Précurseur 
............ ............ i, 57-80
107. [23] Généalogie du Christ selon la chair 
i, 1-17
108. Le mystère de sa conception révélé à saint Joseph 
i, 19-25
II. naissance et vie cachée du sauveur
109. Nativité du Sauveur 
............ ............ ii, 1-20
110. Circoncision 
............ ............ ii, 21
111. Présentation au Temple 
............ ............ ii, 22-39
112. Visite des Mages 
ii, 1-12
113. Fuite en Égypte 
ii, 13-18
114. Retour d’Égypte 
ii, 19-23
115. Jésus au Temple à douze ans 
............ ............ ii, 40-50
116. Vie à Nazareth jusqu’à trente ans 
............ ............ ii, 51-52
117. De Lui et par Lui la grâce et la vérité 
............ ............ ............ i, 16-18
III. préludes de la vie publique
118. Ministère du Précurseur 
iii, 1-6 i, 1-6 iii, 1-6
119. Instructions aux diverses classes 
iii, 7-10 ............ iii, 7-14
120. Il annonce le Christ 
iii, 11-12 i, 9-11 iii, 15-18
121. Mention anticipée de son incarcération 
............ ............ iii, 19-20
122. Baptême de Jésus 
iii, 13-17 i, 9-11 iii, 21-22
123. [7]. Généalogie selon saint Luc 
............ ............ iii, 23-28
124. Jeûne et tentation au désert 
iv, 1-11 i, 12-13 iv, 1-13
125. Jean aux envoyés du Sanhédrin 
............ ............ ............ i, 19-28
126. Autres témoignages de Jean 
............ ............ ............ i, 29-34
127. Premiers disciples de Jésus 
............ ............ ............ i, 35-42
128. Retour en Galilée, etc. 
............ ............ ............ i, 43-51
129. Premier miracle aux noces de Cana 
............ ............ ............ ii, 1-11
130. [39] Bref séjour à Capharnaüm 
............ ............ ............ ii, 12
IV. ministère de jésus en judée
de la première pâque à l’emprisonnement de J.-B.
131. Vendeurs chassés du Temple 
............ ............ ............ ii, 13-22
132. Les premiers croyants 
............ ............ ............ ii, 23-25

133. Colloque avec Nicodème 
............ ............ ............ iii, 1-21
134. Séjour en Judée ; derniers témoignages de Jean-Baptiste 
............ ............ ............ iii, 22-36
135. Emprisonnement de Jean-Baptiste 
iv, 12 i, 14
136. Retour par la Samarie, la Samaritaine 
............ ............ ............ iv, 1-42
137. Rentrée en Galilée 
iv, 12a i, 14a ............ iv, 43-45
138. Second miracle à Cana 
............ ............ ............ iv, 46-54
139. [30] (?) Établissement définitif à Capharnaüm 
iv, 13-16
V. l’évangile en galilée
de l’incarcération de jean à la seconde pâque
140. Inauguration du ministère évangélique 
iv, 17 i, 14-15 iv, 14-15
141. Jésus mal accueilli à Nazareth ; retour à Capharnaüm 
............ ............ iv, 16-31
142. [47] (?) Pêche miraculeuse 
iv, 18-22 i, 16-20
143. Guérison d’un possédé à Capharnaüm 
............ i, 21-28 iv, 31-37
144. Guérison de la belle-mère de Pierre, et autres 
viii, 14-17 i, 29-34 iv, 38-41
145. Prédication dans les alentours 
............ i, 35-39 iv, 42-44
146. Prédication dans la barque de Pierre 
............ ............ v, 13
147. [42] (?). Pêche miraculeuse 
v, 4-11
148. Parcours général de la Galilée 
iv, 23-25
148. Sermon sur la montagne 
149. [66] (?). Béatitudes et promulgation de la Loi nouvelle 
v, 1-48
150. Les divers genres de bonnes œuvres et la confiance en la Providence 
vi, 1-34
151. Les devoirs de charité et autres leçons 
vii, 1-29
152. Guérison d’un lépreux 
viii, 1-4 i, 40-45 v, 12-16
(Guérison du serviteur du centurion et autres hors de leur place 
(viii, 5-17)
153. [88] (?). Passage au delà du lac, tempête 
viii, 12-27
(Les possédés de Gergésa 
(viii, 28-34)
154. Retour à Capharnaüm ; le paralytique 
ix, 1-8 ii, 1-12 v, 17-26
155. Vocation de saint Matthieu 
ix, 1-9 ii, 13-14 v, 27-28
156. Festin, plaintes des Pharisiens 
ix, 10-13 ii, 15-17 v, 29-35
157a. Réitération des mêmes plaintes par les disciples de Jean 
ix, 14-17 ii, 18-22 v, 36-39
157b [90] (??). (Récits anticipés : Jaïre, hémorrorhoïsse, fille de Jaïre, deux aveugles, un possédé 
(ix, 18-34)
158. Une tournée évangélique avant la Pâque 
ix, 35-38
(Anticipées : La vocation et la mission des Douze 
x, 1-42
(Anticipés : Le message de Jean et autres 
xi, 1-30
VI. de la seconde pâque à l’automne
159. Guérison à Jérusalem un jour de sabbat 
............ ............ ............ v, 1-16
160. Discours de Jésus dans le Temple 
............ ............ ............ v, 17-47
161. Épis cueillis un jour de sabbat 
xii, 1-8 ii, 23-28 vi, 1-5
162. Main guérie un jour de sabbat 
xii, 9-14 iii, 1-6 vi, 6-11
163. Jésus s’éloigne devant l’irritation des Pharisiens 
xii, 15-21 iii, 7-12
164. Élection des Apôtres sur une montagne 
x, 1-4 iii, 13-19 vi, 12-16
165. Descente de la montagne et guérisons nombreuses 
............ ............ vi, 17-19
166. [49] (?). Instructions. Béatitudes et malédictions 
............ ............ v, 20-26
Devoirs de charité 
............ ............ v, 27-36
Correction personnelle avant celle d’autrui, etc. 
............ ............ v, 37-49
167. À Capharnaüm, guérison d’un serviteur 
viii, 5-13 ............ vii, 1-10
168. À Naïm, résurrection d’un mort 
............ ............ vii, 11-18
169. Retour à Capharnaüm 
............ iii, 20-21
170. [151]. Guérison d’un possédé attribuée à Béelzebub 
xii, 22-37 iii, 22-30
171. À ceux qui demandent un signe 
xii, 38-45
172. [80] (?). Visite de la Mère et des proches de Jésus 
xii, 46-50 iii, 31-35
173. Message envoyé par Jean-Baptiste 
xi, 2-19 ............ vii, 19-35
174. [145] (?). Malheur aux incrédules, paix aux petits et aux humbles 
xi, 20-30
175. La pécheresse repentante 
............ ............ vii, 36-50
VII. de l’automne à la troisième pâque
176. Mission évangélique 
............ ............ viii, 1-3
177. Enseignement au bord du lac 
xiii, 1-3 iv, 1-2 viii, 4

178. Parabole du semeur 
xiii, 3-9 iv, 2-9 viii, 5-8
Explication 
xiii, 10-23 iv, 10-20 viii, 9-15
179. Propager la vérité 
............ iv, 21-25 viii, 16-18
180 [72] (?). Encore la Mère et les proches de Jésus 
............ ............ viii, 19-21
181. Fécondité naturelle à la semence 
............ iv, 26-29
182. L’ivraie 
xiii, 24-30
183. Le sénevé 
xiii, 31-32 iv, 30-32
184. Le levain 
xiii, 33
185. Autres paraboles non spécifiées 
xiii, 34-35 iv, 33-34
186. Explication de la parabole de l’ivraie 
xiii, 36-43
187. Le trésor, la pierre précieuse, le filet 
xiii, 44-53
188. [53] [?). Tempête sur le lac 
............ iv, 35-40 viii, 22-25
189. Sur la côte orientale, possédés guéris 
viii, 28-34 v, 1-20 viii, 26-39
190. [57 b ] (??). À Capharnaüm, rencontre de Jaïre 
ix, 18-19 v, 21-24 viii, 40-42
191. L’hémorrhoïsse guérie 
ix, 20-22 v, 25-34 viii, 43-48
192. Résurrection de la fille de Jaïre 
ix, 23-26 v, 35-43 viii, 49-56
193. Deux aveugles et un muet 
ix, 27-34
194. Une visite à Nazareth 
xiii, 54-58 vi, 1-6
195. Mission des Apôtres, instructions 
x, 5-15 vi, 7-11 ix, 1-5
196. Autres instructions 
x, 16-42
197. Les Apôtres, comme Jésus, à l’œuvre 
xi, 1 vi, 12-13 ix, 6
198. Hérode s’émeut de la renommée de Jésus 
xiv, 1-2 vi, 14-16 ix, 7-9
199. Récit rétrospectif du meurtre de Jean-Baptiste 
xiv, 3-12 vi, 17-29
100. Les Apôtres de retour de mission 
............ vi, 30-31 ix, 10
101. Retraite au désert de Bethsaïde 
xiv, 13-14 vi, 32-34 ix, 11 vi, 1-5
102. Multiplication des cinq pains 
xiv, 15-21 vi, 35-44 ix, 12-17 vi, 5-13
103. Enthousiasme des foules, fuite de Jésus 
xiv, 22-23 vi, 45-46 ............ vi, 14-15
104. Jésus rejoint les Apôtres sur les eaux 
xiv, 23-27 vi, 47-50 ............ vi, 16-20
105. Pierre marche sur les eaux 
xiv, 28-31
106. Arrivée à Capharnaüm 
xiv, 32-33 vi, 51-52 ............ vi, 21
107. Les foules les y rejoignent 
............ ............ ............ vi, 22-25
108. Jésus, pain céleste 
............ ............ ............ vi, 26-60
109. Défections, protestation de Pierre 
............ ............ ............ vi, 61-72
110. À travers la contrée de Génésar 
xiv, 34-36 vi, 53-56
VIII. de la troisième pâque à la fête des tentes
111. Au retour de la Pâque 
............ ............ ............ vii, 1
112. Contestation au sujet des traditions pharisaïques 
xv, 1-11 vii, 1-16
113. À Capharnaüm, même sujet 
xv, 12-20 vii, 17-23
114. Au pays de Tyr et Sidon, la Chananéenne 
xv, 21-28 vii, 24-30
115. En Décapole, muet guéri 
............ vii, 31
116. Autres guérisons 
xv, 29-31
117. Multiplication des sept pains 
xv, 32-38 viii, 1-9
118. À Magédan, à Dalmanutha 
xv, 39 viii, 10
119. Aux Pharisiens curieux de voir un signe 
xvi, 1-4 viii, 11-13
120. Sur le lac, au sujet du levain des Pharisiens 
xvi, 5-12 viii, 14-21
121. À Bethsaïde, guérison d’un aveugle 
............ viii, 22-26
122. Vers Césarée, au sujet du Fils de l’homme 
xvi, 13-15 viii, 27-29 ix, 18-20
123. Profession de foi de Pierre. Tu es Christus 
xvi, 17-19
Défense d’en parler 
xvi, 20 viii, 30 ix, 21
124. En Galilée, première prédiction de la Passion 
xvi, 21 viii, 31 ix, 22
Protestation de Pierre 
xvi, 22-23 viii, 32-33
125. La croix proposée à tous 
xvi, 24-28 viii, 34-39 ix, 23-27
126. Transfiguration 
xvii, 1-9 ix, 1-9 ix, 28-36
127. Réponse au sujet d’Élie 
xvii, 10-13 ix, 10-12
128. Guérison d’un possédé lunatique 
xvii, 14-17 ix, 13-26 ix, 37-44
129. À Capharnaüm, recommandation de la prière et du jeûne 
xvii, 18-20 ix, 27-28
IX. la fête des tentes (septembre)
130. Approche de la fête 
............ ............ ............ vii, 2-9
Départ secret de Jésus et de ses disciples 
............ ix, 29 ............ vii, 10
131. Discours de Jésus dans le Temple 
............ ............ ............ vii, 11-36
132. Le huitième jour de la fête 
............ ............ ............ vii, 37-53
La nuit au mont des Oliviers 
............ ............ ............ viii, 1
133. Le lendemain. Femme adultère 
............ ............ ............ viii, 2-11
134. Suite des discours 
............ ............ ............ viii, 12-59

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