sèment de présenter au Seigneur ce qui vient de la courtisane ou du kêlèb, c’est-à-dire du « chien ». Deut., xxiii, 18. Ce mot ne désigne pas, comme l’ont cru certains auteurs à la suite de Josèplie, Ant. jud., IV, viii, 9, le chien proprement dit, dont il serait défendu d’offrir au Seigneur le prix de vente. Le kéléb n’est autre ici que le débauché infâme qui vit de sa honte, l’un de ceux que les Grecs appelaient xtvaiSoi, Platon, Gorg., 491 a ; les Romains, exoleti, Cicéron, Pro Milon., ’21, 55, etc., et que saint Jean, Apoc, xxii, 15, range parmi « les chiens et les impudiques ». Voir Chien, col. 702. — 4° Le texte sacré, Deut., xxiii, 17, donne aussi au kéléb le nom de qâdés, « séparé, » consacré au culte d’une divinité impure, Septante : t£), iov.Ô[i.svoî ou TeTe), EfTfiévo ; , « initié ; » Vulgate : scortator. Le qâdés est le débauché qu’une honteuse mutilation a voué au culte d’une divinité infâme. Saint Jérôme, In Osée, i, 4, t. xxv, col. 851, le compare aux Galles ou prêtres de Cybèle, bien que la mutilation n’eût pas lieu chez les Hébreux. Les Grecs appelaient d’un nom analogue, UpôSouXtn, Strabon, 272, les créatures dégradées qui entouraient les temples des divinités sensuelles, particulièrement à Corinthe le temple de Vénus Aphrodite, à Rome les sanctuaires d’Isis, etc. Les êtres de l’un et de l’autre sexe qui devaient servir à la débauche, partie essentielle du culte des faux dieux, vivaient toujours en nombre autour des temples païens, aussi bien dans le monde oriental que dans le monde grec et romain. Cf. Hérodote, ii, 64 ; Dollinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. i, p. 129, 261, 325 ; t. ii, p. 146, 241, 287 ; t. iii, p. 242, 266-272 ; t. iv, p. 34-47, 86, etc.
3° La fornication chez les Israélites. — 1. À l’origine, on constate chez les Hébreux d’énergiques répressions de l’immoralité. Quand le peuple se laisse séduire par les filles de Moab, le Seigneur s’irrite, Moïse ordonne le massacre des prévaricateurs et Phinées frappe du poignard deux coupables. Vingt-quatre mille hommes payent ensuite leur crime de leur vie. Num., xxv, 1-9.
— Lorsque les Benjamites de Gabaa abusent de la femme du lévite d’Ephraïm, tout Israël se lève contre eux, et vingt-cinq mille hommes de la tribu coupable sont mis à mort. Jud., xix, 1-xx, 47. — 2. Sous l’influence du climat, des exemples de leurs voisins et des mauvais instincts de leur nature, les Israélites laissèrent souvent les représentants de l’immoralité s’établir chez eux. Sous Salomon, deux prostituées sont admises à plaider devant le roi en personne. III Reg., iii, 16. Les désordres qui signalèrent la fin du règne facilitèrent l’entrée du royaume à un grand nombre d’étrangères aux mœurs équivoques. III Reg., xi, 1-8. Elles sont encore là sous Roboam. III Reg., xiv, 24. Asa les chasse, III Reg., xv, 12, et Josaphat fait de même. III Reg., xxii, 47. Josias démolit les réduits que les qedêSîm, xaS^ly., effeminati, s’étaient pratiqués sous les portiques mêmes du Temple. IV Reg., xxiii, 7 ; cf. III Reg., xiv, 24. Les fornications se multiplient en Israël sous Jézabel et Joram. IV Reg., îx, 2. Cependant l’influence néfaste des Assyriens et des Chaldéens s’exerçait déjà à Jérusalem et se traduisait par l’imitation de leur immoralité, Ezech., xvi, 26-29, si bien que la cité sainte n’avait rien à envier ni à Sodome ni à Samarie. Ezech., xvi, 46, 47, 52 ; III Reg., xxii, 38. Pendant l’exil, les Israélites trouvèrent à Babylone un foyer actif de corruption. Bar., vi, 42, 43 ; Hérodote, i, 199. — 3. Êzéchiel, xvi, 24, 31, 39, parle de lieux de débauche auxquels il donne le nom de gab. Ce mot désigne originairement ce qui a une forme convexe, comme le dos, le bouclier. Rosenmùller, Ezéchiel, Leipzig, 1808, t. i, p. 439, pense qu’il s’agit ici d’une colline, d’un lieu élevé et arrondi, mis en parallélisme avec les bâmôt, les hauts lieux que le prophète nomme dans la seconde partie du verset. Les versions l’ont compris autrement : Septante : oîzt, u.x « opvixôv, itopveîsv, « maison de fornication ; » Vulgate : prostibulum, lupanar ; Sym maque et Théodotion : Ttopvsîov ; Aquila : pdS-jvov, « fosse. » C’est aussi le sens qu’assignent à ce mot Robertson, Thésaurus linguse sanctx, Londres, 1680, p. 108 ; Gesehius, Thésaurus, p. 256 ; Hoffmann, Lexicon, Leipzig, 1847, p. 170, etc. Le gab serait alors une chambre voûtée analogue à la fornix romaine, qui a donné son nom à la fornication. Juvénal, Sat., iii, 156 ; xi, 171 ; Horace, Ep., I, xiv, 21. On en a retrouvé de semblables dans les ruines de Pompéi. Bcedeker, Italie méridionale, Leipzig, 1883, p. 132. — 4. Au temps des Machabées, la corruption païenne fit une nouvelle invasion à Jérusalem, grâce à l’influence néfaste des Séleucides. I Mach., i, 16.
4° La fornication d’après les prophètes. — 1. Les auteurs sacrés représentent très fréquemment l’idolâtrie sous les traits de la fornication. Exod., xxxiv, 15 ; Lev., xvii, 7 ; xx, 5, 6 ; Deut., xxxi, 16 ; Jud., ii, 17 ; viii, 33 ; I Par., v, 25 ; II Par., xxi, 13, etc. Cette assimilation n’est pas arbitraire. En vertu de l’alliance, la nation israélite appartient au Seigneur et lui doit fidélité comme l’épouse à l’époux. En passant au service des faux dieux, elle commet donc un crime analogue à la fornication et à l’adultère. Voir Idolâtrie. C’est à ce point de vue que les prophètes parlent de la fornication. — 2. Isaïe, xxiii, 16, reproduit, au sujet de Tyr, un refrain de chanson que redit la courtisane : « Prends la harpe, parcours la ville, courtisane qu’on oublie, joue bien, répète ton chant, pour qu’on se souvienne de toi ! » Il appelle les Israélites prévaricateurs « fils de devineresse, race d’adultère et de courtisane ». lvii, 3. Notre-Seigneur adressera des reproches analogues aux Juifs de son temps, qui lui diront : « Nous ne sommes pas nés de la fornication. » Joa., viii, 41. — Jérémie, iii, 2-9, accuse Israël et Juda d’avoir souillé le pays par leurs fornications, et Jérusalem de s’être abandonnée à toutes les abominations, xiii, 27. — Êzéchiel, xvi, 15-34 ; xxm, 5-43 ; xlhi, 7, 8, a des prophéties entières dans lesquelles il fait la peinture de la fornication, prise comme symbole de l’idolâtrie de Jérusalem et de Samarie. — Osée se sert d’images analogues et ajoute même des actions symboliques pour peindre les vices de son peuple. 1, 2 ; ii, 4-9 ; iii, 1 ; iv, 11-19 ; v, 4 ; vi, 10. — Nahum, m, 4-6, décrit avec les mêmes traits les crimes de Ninive. — Bien que, dans ces peintures, les prophètes aient surtout en vue l’idolâtrie, il faut bien croire qu’ils se servent de comparaisons familières aux Juifs de leur temps, et qu’à leur époque toutes les sortes de fornications qu’ils décrivent étaient connues de tous et pratiquées par quelques-uns.
5° La fornication dans les livres sapientiaux. — 1. Job, xxxvi, 14, parle de la mort prématurée qui est la conséquence de la débauche, et indique la précaution qu’il a prise pour ne pas donner lieu à la tentation, xxxi, 1 :
J’ai fait un pacte avec mes yeux
Et n’aurais pas regardé une jeune fille.
— 2. L’auteur des Proverbes signale l’influence que les mauvais instincts peuvent exercer sur le cœur de l’homme, v, 1-19 ; vi, 24-35 ; vii, 5-23. Il ne veut pas que l’on combatte de front la tentation ; la fuite est la seule défense efficace, ii, 16-17, car la moindre étincelle peut allumer l’incendie, vi, 27. Il révèle à la jeunesse tout ce qui peut la faire tomber dans le piège : les douces paroles, n, lfi ; les charmes extérieurs, vi, 25 ; le luxe effréné, vu, 16, 17 ; l’espoir de l’impunité, vii, 19, 20, et même les prétextes religieux mis parfois en avant pour atténuer l’horreur du mal. viii, 14. Il ne craint pas, pour prémunir son disciple, de faire la description d’une malheureuse chute dont il a été témoin, vii, 5-23, et ne cesse de répéter que la fornication conduit à la mort de l’âme et du corps, ii, 18 ; v, 5 ; vii, 27 ; xxiii, 27-28, mort que l’on évite en se tenant sur ses gardes, xxiii, 28, à moins que Dieu ne permette la chute en punition de fautes précédentes, xxii, 14. — 3. Tobie, iv, 13, recommande à son