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FRANÇAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE


revisée à son tour, mais subrepticement. Pour concilier les suffrages du plus grand nombre, on imprima le texte d’Ostervald, qui était plus clair que celui de Martin, avec les sommaires de ce dernier qu’on tenait comme plus conformes à la stricte orthodoxie protestante.

Cependant les pasteurs et professeurs de Genève variaient d’opinion au sujet de la nature des traductions de la Bible. Continuant d’appliquer les principes suivis dans la revision du Nouveau Testament de 1726, ils voulurent avoir une Bible digne des esprits cultivés, et ils s’efforcèrent de changer « le patois-de Chanaan », comme ils disaient, en un langage plus conforme au dictionnaire de l’Académie. La pureté du style et l’élégance de la forme devinrent pour eux l’essentiel, et ils corrigèrent sous ce rapport la Bible de Genève. Le Nouveau Testament parut en 1802 et l’Ancien en 1805. Mais la clarté du texte et l’élégance furent obtenues au détriment de l’exactitude et de la fidélité. Ces défauts nuisirent à la diffusion de cette nouvelle édition, et les protestants orthodoxes lui prélérèrent constamment la Bible d’Ostervald. Le succès de celle-ci alla croissant au début du xixe siècle. Tandis qu’à Montauban on revisait Martin et Roques sans le dire, en 1819, les Sociétés bibliques de Lausanne et de Neufchâtel publiaient, en 1822, une édition d’Ostervald « revue avec soin ». Elles la répandirent dès lors aussi bien que la réédition faite en 1836. Bonnet et Baup revisaient encore, en 1846, le Nouveau Testament d’Ostervald. En 1834, il se forma à Paris, sous le patronage de l’évêque anglican Luscombe, un comité dirigé par Matter et chargé de faire une bonne traduction française de la Bible. Les membres, qui étaient Rodolphe Cuvier, Sardinoux, Munk, Kreiss, Bartholmess, Pichard, Gerock, etc., se proposèrent de combiner Martin avec Ostervald, gardant l’exactitude de l’un et la clarté de l’autre. Après avoir corrigé et recorrigé leur texte, ils firent paraître, en 1842, un Nouveau Testament gigantesque, en même temps qu’une édition plus portative. Les frais de la publication étaient supportés par la Society for promoting Christian Knowledge de Londres. L’Ancien Testament parut en 1849. Bien qu’elle présentât de notables améliorations sur les revisions précédentes, la Bible de Matter n’a pas eu de succès. Une nouvelle édition in-16 a cependant été imprimée à Londres en 1864. Les Sociétés bibliques de France gardaient la Bible d’Ostervald, revue par l’une d’elles en 1824, et tenaient pour suspect tout essai de correction. Quand, en 1853, la majorité des membres résolut de répandre d’autres Bibles, la minorité opposante forma une nouvelle société qui conserverait exclusivement l’édition de 1824, réunissant le texte d’Ostervald aux sommaires de Martin. Or celle-ci a changé d’avis et a publié, en 1881, une revision d’Ostervald, faite sous ses auspices. Le Nouveau Testament a été revu à part. On a fait pour l’Ancien de nombreux emprunts à la version de Segond. Les corrections sont fort inégales et varient d’un livre à l’autre. Bien des fautes de français, reprochées à Ostervald, ont été conservées. Une autre Société biblique française publiait en 1861 une édition revue par M. Mackensie. Charles Frossard publiait en 1869 d’abord une revision du Nouveau Testement, réimprimée avec quelques nouvelles corrections, in-4°, Paris, 1880. Enfin, un synode réformé, sous la direction de Bersier, a commencé une revision scientifique du texte traditionnel. Les Psaumes ont paru en 1893, et le Nouveau Testament en 1894. E. Pétavel, La Bible en France, 1864, passim ; 0. Douen, Coup d’œil sur l’histoire du texte de la Bible d’Olivetain, 1535-1560, dans la Bévue de théologie et de philosophie de Lausanne, 1889.

3° Traduction de Castalion. — Sébastien Castalion ou Chateillon, étant à Genève, travaillait dès 1544 à un Nouveau Testament français. En 1550, lorsqu’il eut terminé sa traduction latine de la Bible, il reprit sa version française intitulée : La Bible nouvellement translatée avec la suite de l’histoire depuis le tems d’Esdras jusqu’aux

Maccabées, et depuis les Maccabées jusqu’à Christ : item avec des Annotations sur les passages difficiles, in-f », Bàle, 1555. Pour combler la lacune historique qui existe entre l’Ancien et le Nouveau Testament, Castalion a inséré dans sa version des extraits de Josèphe. La veision française des livres bibliques n’est pas, comme il est dit, col. 341, une simple traduction de la version latine, publiée par Castalion en 1551 ; elle a été faite directement sur l’hébreu et sur le grec. Les deux versions diffèrent l’une de l’autre dans un certain nombre de passages. Castalion avait aussi sous les yeux la traduction d’Olivetan et sa revision de 1553 ; mais il en est à peu près complètement indépendant. Ayant principalement en vue les « idiots », c’est-à-dire les ignorants, il a usé « d’un langage commun et simple, et le plus entendible » qui lui a été possible. Il s’est donc attaché plus au sens qu’aux mots de l’original, et pour l’exprimer, il a choisi le terme populaire, usuel, employé alors par les gens du commun. Toutes les fois qu’il n’a pas trouvé de mot propre, il a recouru à des équivalents qu’il forgeait de toute pièce. Ainsi il a remplacé holocauste, qu’un « idiot » n’entend ni ne peut entendre, par brûlage, cène par soupper, etc. Ces néologismes sont groupés à la fin de sa Bible dans une Déclaration de certains mots, rangés alphabétiquement. Le souci de rendre exactement la pensée biblique dans un français intelligible donne à la phrase une tournure dégagée, claire et vive. Castalion construit des périodes entières, en liant les membres de phrase qui sont isolés dans le texte. Le style est bref, précis, nerveux et vibrant. Malheureusement l’auteur est tombé souvent dans un réalisme grotesque ; il habille les vieux patriarches des costumes de son temps et altère ainsi la physionomie de l’original, et la langue ne vaut pas le style. Castalion a employé le patois de la Bresse et a mêlé le trivial au populaire, les mots hors d’usage à ceux du dialecte courant. Henri Estienne lui a reproché de parler le « jargon des gueux », et les éditeurs du Nouveau Testament de Genève de 1560 l’ont condamné comme un « instrument choisi de Satan pour amuser tous les esprits volages et indiscrets » et l’ont accusé d’ignorance et de témérité effrontée qui expose l’Écriture sainte en risée. La Bible de Castalion n’a pas exercé une grande influence, et les nombreux reviseurs de la Bible de Genève se sont contentés de lui faire quelques emprunts. Les prolestants modernes l’apprécient davantage. Malgré ses lacunes, ses inégalités et ses hardiesses malheureuses, ils la proclament la première traduction vraiment française et vraiment moderne de l’Écriture Sainte. F. Buisson, Sébastien Castellion, Paris, 1892, t. i, p. 323-334 et 415-430.

4° Version de Bené Benoist. — Un docteur de Sorbonne, René Benoist, qui ne savait ni l’hébreu ni le grec, s’avisa de publier une version française de la Bible. Il se borna à changer quelques mots à la Bible de Genève ; mais ses imprimeurs ne tinrent pas compte de toutes ses corrections et laissèrent des termes protestants, entre autres celui de Cène, qui trahirent l’origine de l’ouvrage. Imprimée eu 1566, 3 in-f°, cette Bible fut censurée par la Sorbonne l’année suivante. Elle fut cependant réimprimée à Paris en 1568, et à Anvers en 1571, avec une Apologie, à laquelle Benoist déclara plus tard avoir été étranger. Il fut exclu de la Sorbonne, le 1 er octobre 1572, et la censure de sa Bible fut approuvée par un bref apostolique de Grégoire XIII, le 3 octobre 1575. Benoist dut se soumettre en 1598 et signer sa rétractation, avant de commencer les fonctions de doyen, pour lesquelles il venait d’être désigné. Voir Benoist 3, t. i, col. 1602. Cf. C. Duplessis d’Argentré, Collectio judiciorum de novis erroribus, Paris, 1728, t. ii, 1° pars, p. 392-398, 404-411, 425-442 et 533-535.

VI. Versions du xviie siècle. — I. catholiques. — 1° Jacques Corbin, avocat au Parlement de Paris, publia une version française qu’il avait entreprise sur la Vulgale par ordre de Louis XIII, 8 in-16, Paris, 1643 et 1661.