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FIN DU MONDE


Fin du monde, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, de Jaugey, Paris, 1889, col. 1275-1277 ; et parmi les protestants, celui d’Eichhorn, Allgemeine Bibliothek der biblischen Litteratur, t. iii, p. 675, 692 et 1058, et de Kuinoel, Commentarius in libros N. T. historicos, t. i, p. 644-684.

Comme l’existence du sens typique dans le Nouveau Testament n’est pas généralement admise, la plupart des interprètes ne reconnaissent au discours de Notre -Seigneur que le sens littéral, qui se réfère successivement à l’un des deux événements, réunis de telle sorte, que Jésus parle, tantôt de la ruine de Jérusalem, tantôt de sa dernière venue, ou simullanément aux deux. Dans cette dernière explication et suivant une théorie empruntée à Hengstenberg, Christologie des Alt. Test., t. i, 1* pars, p. 305, le discours eschatologique de Jésus, ainsi que beaucoup de prophéties de l’ancienne alliance, reproduit comme dans un tableau sans perspective deux objets très distants l’un de l’autre, qui sont juxtaposés dans le même plan et, pour ainsi dire, mêlés et confondus. Le Sauveur a donc passé d’un objet à l’autre, et c’est le rôle de l’interprète de distinguer, autant qu’il le peut, les deux objets réunis. Or la description des signes précurseurs de la ruine de Jérusalem et de la fin du monde peut se partager en trois parties. La première, Matth., xxiv, 4-14, traite alternativement des deux faits et indique leurs pronostics communs. Notre -Seigneur les envisage comme s’ils n’étaient qu’un seul et même acte, comme le commencement et la fin du jugement de Dieu sur l’humanité et le monde. Le ꝟ. 14, qui fournit une indication de temps, signifie alors que l’Évangile doit être prêché dans tout l’empire romain avant la destruction de Jérusalem, et sur toute la terre avant la fin du monde. Jésus fait connaître ensuite en détail les deux époques initiale et finale de sa parousie. Il suit l’ordre des temps et décrit d’abord, Matth., xxiv, 15-22, la ruine de la nationalité juive, les calamités et les signes qui la caractériseront. Il parle enfin, Matth., xxiv, 23-35, spécialement de la fin du monde. Les deux descriptions sont rattachées, il est vrai, par l’adverbe de temps tôte, tune, comme les circonstances du même fait le sont un peu auparavant. Matth., xxiv, 16-21. Cette ressemblance de liaison chronologique n’arrête pas les exégètes, qui introduisent ici un long intervalle de temps. Le brusque changement des matières est exigé par le contexte, qui ne peut être interprété que du second avènement du Sauveur. Dans ces conditions, le rapport chronologique indiqué au ꝟ. 29 relie seulement les différentes scènes de la dernière venue de Jésus. La proximité, annoncée au ꝟ. 33 comme conclusion de la comparaison avec le figuier, est relative aux suprêmes événements. Quand tous les signes prédits seront réalisés, la venue du Messie sera proche. La génération qui n’aura pas cessé d’exister avant que tout cela n’arrive, ꝟ. 34, ne désigne pas les contemporains de Jésus ; mais ou bien la race juive, ou bien la génération chrétienne, ou même la race humaine tout entière. Quant au jour et à l’heure des derniers événements, ils sont inconnus et incertains. Matth., xxiv, 36. Schegg, Evangelium nach Matthâus, t. iii, Munich, 1858, p. 231-280 ; Stier, Die Beden des Herrnjesu, 3e édit., Barmen et Elberfeld, 1866, t. iii, p. 486-529 ; Fillion, Évangile selon saint Matthieu, Paris,

1878, p. 456-480 ; Schanz, Commentar ûber das Evangelium des heiligen Matthâus, Fribourg - en-Brisgau,

1879, p. 476-491 ; Van Sleenkiste, Evangelium secundum Matthxum, 3° édit., Bruges, 1880, t. ii, p. 843-868.

Les interprètes précédents recourent, pour expliquer les passages les plus difficiles, à l’hypothèse du double sens littéral, qui est fort contestable. Il vaut mieux, nous semble-t-il, ne rechercher qu’un seul sens littéral. La première partie du discours, xxiv, 4-14, n’est alors qu’une recommandation de se défier des séducteurs et de ne pas se laisser troubler par les calamités diverses qui surviendront avant la consommation des siècles, car

la fin du monde n’arrivera que quand l’Évangile aura été prêché dans l’univers entier. La deuxième partie, xxiv, 15-21, annonce les signes et les circonstances de la ruine de Jérusalem. Seule, la troisième partie concerne le second avènement du Sauveur. Après l’indication des pronostics et des présages, xxiv, 22-28, vient la description de la venue de Jésus, xxiv, 29-35. L’indication de temps, donnée au ꝟ. 34, est vague et générale ; elle signifie seulement que la race juive ne sera pas éteinte avant la réalisation de cet événement suprême, dont le jour et l’heure sont inconnus, xxiv, 36. Par le fait que l’on distingue nettement la destruction de la nationalité juive et la dernière venue du Sauveur, par le fait qu’on n’établit entre ces deux événements aucune connexion de temps, il peut s’écouler entre leur accomplissement un intervalle considérable, dont la durée ne peut être fixée, puisque la date du dernier est ignorée. De la sorte, la difficulté de la proximité de la fin du monde n’existe même pas. Knabenbauer, Comment, in Matthxum, t. ii, Paris, 1893, p. 304-350. Pour la question entière du discours eschatologique de Jésus, voir L. Lescœur, Le règne temporel de Jésus-Christ, Paris, 1868, p. 94-144.

Il reste à examiner une parole de Notre - Seigneur qui semblerait, à première vue, annoncer la proximité de la seconde venue de Jésus. Elle a été dite à Caïphe, qui adjurait le Sauveur au nom du Dieu vivant de déclarer s’il était le Christ, Fils de Dieu. À cette solennelle adjuration, Jésus ne se contenta pas de donner une affirmation nette et catégorique de sa divinité, il y ajouta une preuve et déclara : « Et en effet, je vous le dis, un jour vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite du Dieu toutpuissant et venant sur les nuées du ciel. » Matth., xxvi, 63 et 64. Si la première partie de cette solennelle affirmation peut se rapporter à la glorification de Jésus ressuscité et monté au ciel, la seconde ne peut convenir qu’au second avènement, car c’est alors seulement que le Fils de l’homme viendra sur les nuées du ciel. L’adverbe de temps ait’SEptt, amodo, qui rend prochaine la vision annoncée, convient seulement à la glorification dans le ciel après l’ascension. La venue pour le dernier jugement sera de beaucoup postérieure. Knabenbauer, Comm. in Matth., p. 472-473.

2° Ce que disent les Apôtres sur la fin du monde. — 1. Comme leur Maître et plus encore que lui, les Apôtres passent pour avoir attendu à brève échéance le retour glorieux de Jésus. Le jour même de l’Ascension, ils avaient demandé si la restauration du royaume d’Israël aurait lieu alors. Jésus leur répondit qu’il ne leur appartenait pas de connaître les temps que son Père avait déterminés. Act., 1, 6 et 7. Quand le Sauveur fut remonté au ciel, des anges rappelèrent aux Apôtres qu’il en redescendrait un jour, Act., i, 11, mais sans fixer d’aucune manière la date de ce retour. Peu après la Pentecôte, saint Pierre, au Temple, exhortait les Juifs à faire pénitence, afin qu’ils aient part au rafraîchissement qu’apportera le Sauveur au jour de la restauration de toutes choses. Act., iii, 19-21. Plus tard, le même apôtre écrivait : « La fin de toutes choses approche. Soyez donc prudents ; veillez et priez. » I Petr., iv, 7. Il renouvelait ainsi la recommandation de Jésus : « Veillez et priez ; vous ne savez pas quand le Maître viendra. » Marc, xiir, 33 et 35. Ailleurs, II Petr., iii, 3-14, il réfute les chrétiens qui avaient tenu pour prochaine la venue du Sauveur et qui, trompés dans leur attente, s’en allaient disant : « Où est la promesse de son avènement ? Nos pères sont morts, et tout continue comme auparavant. » Sa réfutation consisie à affirmer que la fin du monde arrivera certainement et à insinuer qu’il en ignore la date, puisqu’il observe qu’un jour est devant Dieu comme mille années, et mille années sont comme un jour. Le Seigneur ne retarde pas l’exécution de sa promesse, comme ils le croient ; il est patient, et il attend la pénitence de plusieurs. Son jour

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