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FRERE


le mot « frère » désigne un neveu, Gen., xiii, 8 ; xiv, 16 ;

— un cousin ou un parent plus éloigné ; tels sont évidemment les cent vingt frères d’Uriel, les deux cent vingt frères d’Asaia, les cent trente de Joël, les deux cents de Séméias, les quatre-vingts d’Éliel, et les cent douze d’Aminadab, I Par, xv, 5-10 ; — un homme de la même tribu, Lev., x, 4 ; Num., viii, 26 ; xvi, 10 ; II Reg., xix, 12 ; III Esdr., iii, 1, etc. ; — un homme du même peuple, Exod., ii, 11 ; xvi, 18 ; Deut., xv, 2 ; xvii, 15, etc. ; — un allié, quoique faisant partie d’un autre peuple, Num., XX, 14 ; Am., i, 9 ; — un compagnon, un ami quelconque, Gen., xix, 7 ; Job, v, 15 ; II Reg., i, 26 ; xx, 9 ; III Reg., IX, 13, etc. ; — le prochain en général, par conséquent tout homme. Gen., ix, 5 ; Lev., xix, 17 ; Is., lxvi, 20, etc.

— Job, xxx, 29, se dit même le « frère des chacals » (c’est-à-dire qu’il est obligé de vivre comme les chacals). Le mot « frère » s’emploie donc, selon le génie oriental, pour indiquer toute espèce de rapports bienveillants entre les hommes, depuis ceux qu’entraîne la naissance de mêmes parents, jusqu’à ceux qui doivent résulter de la communauté de nature. — 3° Dans le Nouveau Testament, Notre -Seigneur appelle ses « frères » les Apôtres et les disciples, Matth., xxviii, 10 ; Joa., xx, 17, et en général tous ceux qui écoutent sa parole et font la volonté du Père. Matth., xii, 50 ; Marc, iii, 35. — Les Apôtres donnent le nom de « frères » aux chrétiens, Rom., i, 13 ; I Cor., i, 10 ; Jacob., i, 2 ; II Petr., i, 10, et c’est aussi l’appellation au moyen de laquelle les chrétiens se reconnaissent entre eux. Matth., xviii, 21 ; Luc, vi, 42 ; Act., ix, 17 ; I Cor., viii, 13 ; Jacob., ii, 15, etc. Ce nom a sa raison d’être, parce que tous les hommes sont les enfants du même Dieu, et surtout parce qu’au point de vue surnaturel ils sont les fils du même Père céleste, Matth., . v, 45, et par conséquent frères dans un sens très étroit.

— Chez les auteurs profanes, on trouve fréquemment, avec ces sens plus larges, les mots àSeXço ; , Sophocle, Antig., 192 ; Œdip. Col., 1262 ; etc. ; et frater. Cicéron, Plane, xi, 27 ; Catulle, lxvi, 22 ; Ovide, Met., xiii, 31 ; Tite Live, xxviii, 35, 8 ; Tacite, Annal., iii, 38, etc.

II. Dispositions législatives concernant les frères proprement dits. — L’aîné a des droits particuliers visà-vis de ses plus jeunes frères. Gen., xxv, 31, etc. Voir Aînesse, t. i, col. 317. — Les frères peuvent hériter les uns des autres, mais seulement dans le cas où le défunt ne laisse pas de postérité. Num., xxvii, 9. — Le frère d’un homme marié qui meurt sans enfants a le droit et le devoir d’épouser la veuve, sa belle-sœur, pour susciter une descendance au défunt. Deut., xxv, 5 ; Matth., xxii, 24. Voir Lévirat. — Au moins dans les premiers temps, nous voyons les frères intervenir dans le mariage de leurs plus jeunes sœurs et donner leur consentement conjointement avec le père de famille. Ainsi Laban, frère de Rébecca, décide du mariage de sa sœur et même est nommé avant Bathuel, son père. Gen., xxiv, 50. Quand Dina est demandée en mariage par Sichem, Jacob ne veut rien répondre en l’absence de ses fils, et ce sont ces derniers qui formulent le refus. Gen., xxxiv, 5, 14. Enfin, les anciens du peuple conseillent aux Benjamites d’enlever les filles de Silo pour en faire leurs épouses, tout en prévoyant les réclamations que pourront élever les pères ou les frères de ces dernières. Jud., xxi, 22. Cette intervention des frères peut s’expliquer par la polygamie. Les frères, nés de même mère, se préoccupaient spécialement du sort de leurs sœurs et en prenaient d’autant plus de soin, que l’on regardait l’honneur de la famille comme plus engagé par la conduite d’une sœur que par celle d’une épouse. Voir Fornication, I, 3°, col. 2315. C’est ce qui fait aussi que parfois l’on désignait ses frères en les appelant « les fils de ma mère ». Voir Famille, IV, 3°, col. 2172.

III. Les frères de Jésus. — 1° Les écrivains du Nouveau Testament parlent plusieurs fois d’hommes qu’ils appellent les frères du Seigneur. « Sa mère et ses frères, ’qui étaient dehors, cherchaient à lui parler. Quelqu’un lui dit : Voici votre mère et vos frères… » Matth., xii,

! 46, 47 ; Marc, iii, 31, 32 ; Luc, viii, 19, 20. Voir aussi

Joa., ii, 12 ; vii, 3, 5, 10 ; Matth., xiii, 55, 56 ; Marc, vi, 3 ; Act., i, 14 ; I Cor., ix, 5 ; Gal., i, 19. — 2° La manière de parler habituelle aux Hébreux permet d’affirmer tout d’abord que, dans ces différents passages, les mots « frères » ou « sœurs » n’ont pas nécessairement le sens strict de fils et de filles de même père ou de même mère. Ils peuvent désigner des parents plus ou moins rapprochés. On n’a pas le droit néanmoins de ne voir dans les personnages ainsi nommés que des amis ou des disciples, puisque, dans plusieurs des passages ci-dessus, les « frères » apparaissent comme distincts des disciples et des Apôtres.

— 3° L’examen des textes évangéliques permet de conclure avec certitude que les personnages désignés comme « frères de Jésus » ne sont que des cousins. — 1. Nulle part la sainte Vierge Marie n’est présentée comme mère de l’un d’entre eux. — 2. À sa mort, Jésus ne lègue sa mère à aucun d’entre eux, et il serait étonnant qu’aucun n’eut été jugé digne de prendre soin de Marie, si elle eût été sa mère, alors que plusieurs d’entre eux deviennent apôtres. — 3. Jésus, en attribuant Jean comme fils à sa mère, le lui présente comme son seul fils, à ulôç aou, « votre fils, » et non pas « un fils », ce qu’il n’eût pu dire si Marie avait eu d’autres fils. — 4° Les évangélistes nomment la mère de ceux qu’ils appellent les « frères de Jésus ». Saint Matthieu, xxvii, 56, signale la présence au pied de la croix de « Marie, mère de Jacques et de Joseph, ’Itacrij », deux des quatre qu’il a précédemment indiques comme « frères du Seigneur », xiii, 55. Saint Marc, xv, 40, nomme aussi Jacques et José, mais en donnant au premier le nom de « petit », pour le distinguer d’un autre Jacques, qui est fils de Zébédée et frère de Jean. Marc, m, 17, 18. Ce Jacques le Mineur ne peut être autre que ce Jacques, « frère du Seigneur, » que saint Paul rencontra à Jérusalem, Gal., i, 19, dont saint Jude, 1, se dit le frère, indication que confirme saint Luc, vi, 16, quand il range parmi les Apôtres « Jude de Jacques », c’est-à-dire frère de Jacques. Or saint Jude est aussi mis au nombre des « frères du Seigneur ». Matth., xiii, 55 ; Marc, vi, 3. Les Apôtres appellent Jacques « Jacques d’Alphée », Matth., x, 3 ; Marc, iii, 18 ; Luc, vi, 15 ; Act., i, 13, soit pour le distinguer d’avec Jacques de Zébédée, soit parce qu’il était l’aîné des quatre frères. Matth., xm, 55. Saint Jean, xix, 25, met au pied de la croix « la mère de Jésus, la sœur de sa mère, Marie de Cléophas, et Marie-Madeleine ». On s’accorde à reconnaître l’identité des deux noms Alphée et Cléophas. Voir t. i, col. 418 ; t. ii, col. 807. Il suit de là que Jacques, fils d’Alphée, et frère de Joseph, Simon et Jude, par conséquent les quatre « frères du Seigneur », sont fils de Marie, femme de Cléophas ou Alphée. — 5° Plusieurs Pères, Origène, saint Epiphane. saint Grégoire de Nysse, saint Hilaire, saint Ambroise, Eusèbe, ont pensé que les « frères du Seigneur » étaient des fils issus d’un premier mariage de saint Joseph. Cette opinion est inacceptable. Marie, mère de Jacques et de Joseph, Matth., xxvii, 56, était au pied de la croix avec Marie, mère de Jésus. Il en faudrait donc conclure que saint Joseph avait quitté de son vivant cette mère des « frères du Seigneur » pour épouser Marie, mère de Jésus. Comment comprendre pareil divorce de la part d’un homme qualifié de « jusle » ? Mattli., I, 19. Comment admettre le mariage de Marie, mère de Jésus, dans de pareilles conditions et la présence simultanée au pied de la croix des deux épouses successives de saint Joseph ? — 6° On ne peut déterminer exactement le degré de parenté que les « frères de Jésus » avaient avec lui. Hégésippe, qui vivait vers le milieu du ii c siècle, Eusèbe, H. È., iii, 11, t. xx, col. 248, et saint Epiphane, Hxres., lxxviii, 7, t. xlii, col. 708, disent que saint Joseph était frère de Cléophas. Les « frères du Seigneur » seraient alors des cousins ger-