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FIN DU MONDE


ment de son œuvre rédemptrice, il l’ignorait. Pour expliquer son langage sur la proximité de la parousie et de la consommation des choses, il faut reconnaître que la connaissance qu’il a eue de l’avenir, durant sa vie mortelle, n’a pas été complète. Elle se bornait à ce qu’il lui était nécessaire de savoir en vue de remplir sa mission terrestre, et elle était indéterminée quant à certains détails de son second avènement, notamment celui du temps où se produira la parousie. Du reste, la limitation de la science de Jésus a des raisons économiques, au sens théologique du mot économie ; elle est une condition de sa mission terrestre et de son abaissement volontaire. Son intelligence humaine a conçu l’idée d’une grande manifestation de sa gloire dans un avenir très rapproché ; elle a associé la ruine du peuple juif au bouleversement final de l’univers et s’est représenté les deux événements sous des formes symboliques, comme un jugement de Dieu s’exerçant à la fois sur tous les hommes. Elle n’avait donc pas une vision complète et distincte de la réalité future ; elle se la figurait dans un tableau dont les traits étaient empruntés aux anciennes prophéties pour caractériser le présent et l’avenir mêlés dans un fond unique sans perspective. Cf. A. Loisy, L’Apocalypse synoptique, dans la Revue biblique, 1896, p. 335-343. La Dogmatik du D r Schell a été mise à l’Index (décret du 15 décembre 1898). Les théologiens catholiques affirment qu'à partir du VIe siècle il existe un enseignement unanime au sujet de la science humaine de JésusChrist, qu’on reconnaît parfaite et complète, enseignement dont il serait téméraire de s'écarter. La perfection de la science naturelle du Verbe incarné leur paraît une conséquence nécessaire de l’union hypostatique. Ils diffèrent sans doute dans la manière d’expliquer l’ignorance avouée par Jésus du jour et de l’heure de son dernier avènement. Ils l’expliquent de préférence par des raisons dérivant de la divine économie de l’Incarnation, mais dans un autre sens que celui que propose le docteur Schell. Ils disent que Jésus ne connaissait pas ce jour d’une science communicable ; il le connaissait, mais il n’avait pas reçu la mission de le révéler. Franzelin, Traclatus de Verbo incarnato, 3° édit., Rome, 1881, p. 425-427 ; Stentrup, Prœlectiones dogmaticse de Verbo incarnato, C hristoloqia, t. ii, Inspruck, 1882, p. 1113-1139. Cf. Knabenbauer, Comment, in Evangel. secundum Marcum, Paris, 1894, p. 354-357.

D’autres critiques rationalistes, n’osant pas attribuer à Jésus une erreur sur la date de son dernier avènement, l’ont rejelée sur ses Apôtres, qui ont mal compris et mal interprété les paroles de leur Maître. Ils ont en conséquence déclaré que les discours eschatologiques, rapportés dans les trois premiers Évangiles, n'étaient pas authentiques, Baur, Neutestamcntliche Théologie, p. 107, ou au moins avaient été altérés et interpolés par les évangélistes. Ceux-ci, imbus des idées juives et partageant les espérances de leurs coreligionnaires sur le règne glorieux du Messie, n’ont pas compris les images prophétiques qu’avait employées leur Maître pour décrire l’avenir de son œuvre plus spirituelle que temporelle. À la prophétie de la ruine de Jérusalem, ils ont réuni des discours tenus par Jésus sur d’autres sujets et en d’autres circonstances, et ils ont formé un amalgame de paroles divergentes, qui n’expriment pas la véritable pensée du Sauveur. Colani, Jésus-Christ et les croyances messianiques de son temps, 2e édit., Strasbourg, 1864, p. 142-215 ; E. de Pressensé, Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre, 2e édit., Paris, 1866, p. 585-590 ; Jean Weber, La parousie de Jésus-Christ d’après les quatre Evangiles, Strasbourg, 1841 ; L. Will, Les idées eschatologiques d’après les Evangiles synoptiques, Strasbourg, 1866. Jésus n’avait établi aucun rapport chronologique entre l’annonce de sa parousie et celle de la ruine de Jérusalem. Ce sont ses disciples qui rapprochèrent les deux faits et introduisirent dans l’expression de la pensée du Maître une liaison qui était étrangère à son esprit. Plu sieurs de ces critiques estiment même que le rapport chronologique entre ces deux événements paraît moins étroit dans la relation de saint Luc que dans celles de saint Matthieu et de saint Marc. Les plus anciennes, qui étaient peut-être antérieures à la catastrophe qui ruina Jérusalem, confondaient presque les deux prédictions. Celle de saint Luc, rédigée après la réalisation de la première, trahit déjà la préoccupation d’expliquer le retard que subit le retour du Sauveur. Saint Jean n’en parle plus dans son Évangile et donne au second avènement de Jésus un caractère tout spirituel. — D’abord il est faux que saint Jean, quoiqu’il rapporte spécialement l’enseignement spirituel de Jésus, ignore entièrement le second avènement de son Maître. Quelques commentateurs estiment que Jésus en parle dans son discours après la Cène. Si Jésus retourne à son Père, c’est pour préparer une place aux siens ; mais il reviendra, les prendra et les emmènera avec lui. Joa., xiv, 2-3. Cette venue nouvelle ne peut désigner que le second avènement, Schanz, Conxmentar ûber das Evangeliuni des heiligen Johannes, Tubingue, 1885, p. 473, ou si elle est commencée à la mort de chacun des disciples, elle aura son parfait accomplissement au dernier avènement de Jésus. Corluy, Comment, in Evang. S. Joannis, 2e édit., Gand, 1880, p. 341. Après sa résurrection, Jésus, ayant prédit à Pierre le genre de mort qui lui était réservé, refusa de faire connaître le sort de Jean. Des paroles de Jésus les disciples conclurent que Jean ne mourrait pas, mais serait réservé pour la seconde venue du Sauveur. L'évangéliste repousse la fausse conclusion tirée au sujet de son immortalité et distingue exactement le sens des paroles de Jésus. Joa., xxi, 22-23. Saint Jean connaissait donc au moins l’attente que les disciples avaient de la seconde venue du Sauveur. Schanz, Commentar, p. 590. Du reste le dernier évangéliste avait traité de la parowie du Seigneur dans ses Épîtres et dans l’Apocalypse. Voir plus loin. — Il n’est pas, en outre, vraisemblable que les Apôtres aient mal compris et mal interprété, dans leur enseignement officiel, la pensée du Maître sur son dernier avènement. Les évangélistes ont rapporté exactement les discours de Jésus. — Pour expliquer la difficulté qu’il présente, des commentateurs ont recouru à l’hypothèse d’un sens spirituel, caché sous la lettre. Toute la prophétie de Jésus doit s’entendre à la lettre de la ruine de Jérusalem ; cependant les images grandioses par lesquelles sont indiqués les signes ou les pronostics de cet événement ne sont que des symboles, des figures de la réalité, proférées seulement pour faire ressortir la grandeur de cette première catastrophe ; elles ne se réaliseront donc pas à la lettre, et il faut les entendre comme des métaphores. Mais sous ce sens littéral figuré se cache un sens typique, relatif à la fin du monde. La destruction de Jérusalem doit être considérée comme le type de la dernière catastrophe, et en raison de l’union si étroite qui existe toujours dans les prophéties entre le type et l’antitype, les deux sens se mêlent et se confondent. Le Sauveur avait principalement en vue le sens spirituel ; les scènes grandioses et terribles des' apprêts du jugement étaient présentes à sa pensée, et il leur a emprunté les couleurs sous lesquelles il a décrit les calamités de la fin du monde juif. Aussi les figures prophétiques et symboliques de la ruine de Jérusalem se vérifieront dans leur sens propre aux derniers jours de l’univers. La proximité, l’imminence même des malheurs prédits ne concerne que la ruine de " la cité sainte, type de la fin du monde ; celle-ci est au point de vue du temps sans connexion immédiate avec les événements rapprochés qu’annonçait Jésus-Christ. Tel a été le sentiment de Calmet, Commentaire littéral, 2e édit., Paris, 1726, t. vii, p. 211 ; de Bergier, Dictionnaire de théologie, art. Avènement, Paris, 1789, 1. 1, p. 345 ; de Dcellinger, Le christianisme et l'Église, trad. franc., p. 330 ; du P. de Buck, Manuel de la Passion de N.-S. J.-C, trad. franc., Lille, 1885, p. 63-66 ; du P. Corluy,