Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/1168

Cette page n’a pas encore été corrigée

2257

FILS DE DIEU — FILS DE L’HOMME

2258

vaient que des vues humaines et qui ont réussi à les leur faire partager. Il y a ainsi en présence deux races d’hommes : ceux qui sont désignés par le nom de « fils de Dieu », les descendants de Setlî, qu’Adam, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, Gen., i, 26, enfanta « à sa ressemblance, selon son image », Gen., v, 3, et ceux qui sont représentés par les « filles de l’homme », les descendants de Caïn, qui, en vertu delà malédiction portée contre leur criminel ancêtre, Gen., iv, 11, ont été retranchés de la famille divine, et n’ont gardé pour eux que les caractères purement humains de la race déchue. Les Séthites étaient appelés « fils de Dieu, » parce qu’ils constituaient le peuple que le Seigneur se réservait pour garder son culte sur la terre et y préparer son œuvre de rédemption. Devenus impropres à remplir leur mission, par leur fusion avec la race maudite et perverse, ils n’ont plus de raison d’être, et Dieu se décide à les faire disparaître par le déluge. Gen., vi, 3. — Cf. C. Robert, Les fils de Dieu et les filles de l’homme, dans la Revue biblique, Paris, 1895, p. 340-373, 525-552 ; de Hummelauer, In Gènes., Paris, 1895, p. 212-214 ; Schôpfer-Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, Paris, 1897, t. i, p. 61. 2° Les Israélites en général sont appelés « fils de Dieu » en tant que spécialement choisis par Dieu pour être l’objet de ses bienfaits et garder sur la terre la foi en son nom. C’est le Seigneur lui-même qui a dit : « Israël est mon fils, mon premier-né. » Exod., iv, 22. Et dans Jérémie, xxxi, 9 : « Je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon premier-né. » Cf. II Cor., vi, 18. — Après avoir proclamé que « Dieu est vraiment bon pour Israël », Asaph ajoute qu’il ne se plaindra pas de la prospérité des méchants ; en le faisant, ajoute-t-il, « j’aurais trahi la race de tes fils. » Ps. lxxii (lxxiii), 15. Un autre Psalmiste appelle la protection de Dieu sur la vigne qu’il a plantée, sur le fils qu’il s’est attaché, c’est-à-dire sur Israël. Ps. lxxix (lxxx), 16. — Par ses prophètes, le Seigneur rappelle que jadis il a fait revenir ce fils de l’Egypte, Ose., xi, 1 ; qu’Ephraïm, représentant tout Israël, a été pour lui un fils chéri, Jer., xxxi, 20 ; mais il se plaint que les fils qu’il a nourris l’ont méprisé, Is., i, 2, et qu’ils sont devenus des fils menteurs et rebelles. Is., xxx, 1, 9 ; Jer., iii, 14, 19. — Après la captivité, Dieu fera revenir ses fils des pays lointains, Is., xliii, 6, et ils seront alors appelés « fils du Dieu vivant ». Ose., ii, 1 ; Rom., tx, 8, 26. 3° David, en tant que chef de la maison royale de Juda, représentant de tout Israël et figure du Messie, vrai Fils de Dieu, s’entend dire par le Seigneur : « Je serai pour lui (Salomon) un père, et il sera pour moi un fils. » II Reg., vii, 14 ; I Par., xxii, 10.

4° Les juges, qui doivent rendre la justice au nom de Dieu lui-même, sont appelés’clohim et benê’élyôn, aîùs du TrèsHaut. » Ps. lxxxi (lxxxii), 7.

5° Le peuple chrétien se compose des « fils de Dieu » rachetés par Jésus-Christ et devenus ses frères par la grâce. — 1. Notre-Seigneur lui-même donne ce nom aux pacifiques, Malth., v, 9 ; à ceux qui rendent le bien pour le mal, Matth., v, 45 ; Luc, vi, 35, et aux justes ressuscites. Luc, xx, 36. — 2. Il parle souvent à ses disciples de Dieu comme de leur Père. Matth., v, 48 ; vi, 8 ; vu, 11 ; Marc, xi, 26 ; Luc, vi, 36 ; Joa., xx, 17, etc., et leur ordonne de l’invoquer sous ce nom. Matth., vi, 9.

— 3. Ce titre de « fils de Dieu » n’est pas un simple nom pour le chrétien, il constitue une réalité. I Joa., iii, 1, 2. Cette filiation est un don de Dieu, Joa., i, 12 ; elle est produite par voie d’adoption, Rom., viii, 23 ; Gal., iv, 5 ; Eph., i, 5, et par le rroyeu de la foi. Gal., iii, 26. En conséquence, Dieu trait. : comme des fils ceux qui lui appartiennent par la grâce, Hebr., XII, 7, et les fait conduire par son Esprit. Rom., viii, 14, 15. — 4. Par ses vertus, le chrétien doit faire honneur à son titre de « fils de Dieu ». Phil., ii, 15. Toute la création attend la manifestation des « fils de Dieu », afin d’avoir part à leur

glorieuse liberté. Rom., viii, 19-21.

H. Lesêtre.
    1. FILS DE L’HOMME##

FILS DE L’HOMME (hébreu : bèn-’âdâm ; chaldéen : bar-ènâs ; Septante : 5 ucbç toû àvôpûnrou ; Vulgate : filius hominis), celui qui a une nature humaine.

I. L’homme en général. — Cette expression a quelquefois dans la Sainte Écriture le même sens que le mot « homme », avec lequel elle est mise en parallélisme. Job, xxv, 6 ; Ps. cxliii, 3 ; Is., li, 12 ; lvi, 2 ; Ezech., ii, 1, 3, 8 ; iii, 1, 3, 4, etc. Elle doit être considérée alors comme le singulier de cette autre expression « les fils des hommes », désignant les hommes en général. Ps. iv, 3 ; x, 5 ; xiii, 2 ; Eph., iii, 5, etc.

II. Dans Daniel. — Dans sa vision des quatre empires, ce prophète voit venir sur les nuées du ciel « comme un fils d’homme », kebar ènâS, c’est-à-dire quelqu’un qui ressemble à un homme, auquel l’Ancien des jours, le Dieu éternel, confère la toute-puissance, pour qu’il établisse un cinquième royaume qui sera indestructible. Dan., vii, 13, 14. Dans ce passage, comme dans ceux que nous avons cités plus haut, la locution « fils d’homme » ou « fils de l’homme » a le même sens que le mot c< homme ». Celui que voit Daniel lui paraît être un homme. Mais l’ensemble de la prophétie indique clairement que ce « fils d’homme » n’est pas un homme ordinaire. C’est celui que Dieu enverra sur la terre pour y établir son règne, en d’autres termes c’est le Messie futur. La tradition chrétienne et la tradition juive ont entendu ce passage du Messie. Cf. Dillmann, Das Buch Henoch, Leipzig, 1853, p. 23, 21, 156 ; Schiirer, Geschichte desjûdischen Volkes in ZeitalterJ. C, Leipzig, t. ii, 1886, p. 626 ; Fabre d’Envieu, Le livre du prophète Daniel, Paris, 1890, t. ii, 1 « part., p. 594-597. Par l’expression dont il se sert, le prophète fait donc déjà une allusion très claire à la nature humaine du Rédempteur.

III. Dans l’Evangile. — 1° Le Fils de l’homme est nommé trente et une fois dans saint Matthieu, quatorze dans saint Marc, vingt-cinq dans saint Luc et douze dans saint Jean. C’est toujours Notre-Seigneur qui emploie ce nom en parlant de lui-même, alors qu’il ne prononce qu’une fois à peine, pour se l’appliquer à lui-même, le nom de « Fils de Dieu ». Joa., ix, 35. Il n’attribue jamais à un autre qu’à lui le nom de « Fils de l’homme ». Les Apôtres ne se permettent pas de le lui donner, et dans toute la suite du Nouveau Testament saint Etienne est le seul qui s’en serve une fois : « Je vois le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » Act., vii, 55. Deux autres fois saint Jean voit dans ses visions quelqu’un « comme un fils d’homme ». Apoc, i, 13 ; xiv, 14. Ce quelqu’un est le Fils de Dieu, mais, pour en parler, l’apôtre imite visiblement la description du prophète Daniel.’2° En se présentant de préférence comme « Fils de l’homme », Notre-Seigneur veut sans doute à la fois exprimer la réalité de sa nature humaine, S. Augustin, De consens, evang., ii, 1, 2, t. xxxiv, col. 1071, et affirmer sa qualité de Messie, puisque c’est sous ce nom que Daniel l’avait annoncé. S. Épiphane, Hxres., lvii, 8, t. xli, col. 1008 ; Théodoret, In Dan., vii, 13, t. lxxxi, col. 1425. Il est manifeste qu’il prend ce titre dans un sens emphatique, pour se désigner comme F « Homme » par excellence, l’homme prédit par les prophètes, envoyé par Dieu pour la rédemption du genre humain, et en même temps « Fils de Dieu », comme le marquent d’autres prophéties. Ps. li, 7, 11, 12 ; Is., ix, 5, 6. Ce serait donc aller contre l’évidence des textes que de prétendre, comme Lietzmann, Der Menschensohn, Fribourg-en-Brisgau, 1896, que l’expression araméenne de l’Evangile, baiënâs, n’a pu ni constituer un titre messianique, ni apparaître dans la littérature chrétienne avec ce sens qu’entre les années 60 et 90. L’absence de cette expression dans saint Paul peut s’expliquer par la nécessité d’éviter devant les Gentils un nom prêtant trop facilement à de fausses interprétations, pour eux qui ne connaissaient pas la prophétie de Daniel, ignoraient le sens messianique de