Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/1115

Cette page n’a pas encore été corrigée
2151
2152
ÉZËGHIEL


coup sur coup les prophéties des chapitres xii-xx. — Prophétie en action contre Sédécias han-nâsi’, qui fuira par la brèche sans pouvoir échapper à son sort. — Prophétie contre les faux prophètes, contre les prophétesses menteuses, qui trompent le peuple « pour une poignée d’orge et un morceau de pain ». — Prophéties contre les vieillards d’Israël (il s’agit des exilés), adorateurs secrets des idoles. — Prophétie contre l’idolâtrie du peuple, corrompu par de faux docteurs. Une parabole, d’un relief de forme extraordinaire, retrace l’histoire des adultères spirituels d’Israël, comme aussi des miséricordes et des pardons de Dieu. Autre parabole, celle des deux grands aigles et de la vigne humble et rampante, qui représente la politique inhabile des derniers rois vis-à-vis de la Chaldée et de l’Egypte. Israël sera puni et détruit. Un faible rameau subsistera pourtant. Une belle lamentation sur les deux jeunes lionceaux de Juda, Joachaz, « pris au piège des nations » et emmené en Egypte, et Joachin, transporté à Babel, met fin à l’activité connue du prophète cette année, xii-xix. — L’année d’après (590), il fait des prophéties plus pressantes encore, dont l’objet général sont les péchés d’Israël et le jugement que Dieu va exercer contre lui. Histoire des infidélités du peuple élu en Egypte, au désert, en Palestine. Paraboles de la forêt incendiée du négéb et du glaive limé, poli, qui, arrivé à la croisée de deux chemins, marche, selon la décision du sort, sur Jérusalem, où il fait un grand carnage. Les grands péchés d’Israël : l’idolâtrie et l’injustice envers le prochain. Iniquité de Juda, iniquité d’Israël, toutes deux racontées en des termes d’une rare crudité, et consistant en ce que Oolla, la grande sœur (Samarie), et Ooliba, la petite sœur (Jérusalem), se sont livrées aux impudicités spirituelles, disons, sans figure, à l’adoration des idoles de l’Assyrie, de l’Egypte et de la Chaldée. Aussi seront-elles données en proie à ces nations, qui les ont perdues, xx-xxm. Toutes ces prédications prophétiques prennent fin la neuvième année, xxiv, 1 (588), le jour même où Nabuchodonosor mettait le siège devant Jérusalem. La mort de sa femme, qui arrive inopinément ce jourlà, sert au prophète à annoncer aux captifs que, le jour où la ville sainte sera prise, ils ne doivent, comme lui, ni pleurer ni porter le deuil. Ils en seront avertis par un fuyard. Jusque-là il ne leur parlera plus, xxiv, 5. Telle est la première partie de la vie d’Ézéchiel : la catastrophe finale en est le point de partage.

La seconde partie a un autre caractère. Il la remplit par des prophéties sur la restauration d’Israël et son glorieux avenir. Il ne l’aborde cependant qu’après un intervalle où il prophétise contre les peuples étrangers, ennemis d’Israël. Prophéties contre l’Egypte, ce grand espoir trompé du peuple. Les trois prophéties qu’il fait contre elle sont exactement datées, l’une de la dixième année (587), quelque six mois avant la chute, xxix, 1-16 ; xxx, 1-19 (J. Knabenbauer, In Ezech., p. 31 ; cf. A. Bertholet, Hesekiel, p. 152, 157) ; les autres de l’année suivante (586) : celle-ci où le sort d’Assur, le grand cèdre, figure le sort de Pharaon, xxxi ; celle-là qui est faite après la honte inlligée à Éphrée (Apriès) par Nabuchodonosor, qui « étendra son glaive sur Misraïm ». xxx, 20-’2C. Trois mois après environ, le premier du cinquième mois de cette année 586 (cf. Ezech., xxvi, 2 ; J. Knabenbauer, p. 257 ; A. Bertholet, p. 135), il prédit dans une série d’oracles très brillants la ruine de Tyr, parce qu’en apprenant la prise de Jérusalem elle s’est écriée". « Ha ! la voilà rompue la porte des peuples, et c’est vers moi qu’on se tourne. Je me remplirai, puisqu’elle est déserte. » xxvi-xxviii. — Mais déjà, au cinquième jour du dixième mois (J. Knabenbauer, p. 347 ; A. Bertholet, p. 172), il recommence à parler à Israël : il avait appris de Dieu d’abord, puis d’un fugitif, l’événement redouté. Il exhorte ses concitoyens à ne pas s’attacher à de fols espoirs, comme si Israël allait prochaine ment se relever et Babylone tomber. Il se relèvera, mais dans une transformation dont il retrace à grands traits la nature et l’histoire : le Messie pasteur, l’Esprit faisant rentrer la vie où était la mort, le vrai Dieu anéantissant en Terre Sainte Gog et son armée, xxxiv-xxxix. Peu après, le premier du douzième mois, mais toujours de la même année, il revient à Pharaon, dont il prédit la ruine imminente dans une élégie achevée en quatorze jours (J. Knabenbauer, p. 327, 333 ; A. Bertholet, p. 161, 167), dans laquelle il le représente au fond du se’ôl, avec les ennemis de la théocratie, Assur, Élam, Mosoch, Thubal, Edom, Tyr, Sidon, réunis autour de lui. xxxil, 1-16, 17-32. — À s’en tenir au livre, ses prophéties paraissent avoir été interrompues à ce moment. La première, en effet, qui vient après est de quatorze ans postérieure, du dixième jour du premier mois (nisan) de la vingt-cinquième année de la transmigration (572). xl, 1. J. Knabenbauer, p. 407. Prophétie très caractéristique du reste, car c’est la grandiose vision offerte à l’esprit du prophète, amené sur une haute montagne, vision du nouveau Temple, du culte nouveau et de la Terre Sainte divisée régulièrement entre les tribus, Jéhovah, la ville, les prêtres et le prince, nâsV. Vision de la fin répondant à la vision inaugurale, xl-xlviii. La dernière prophétie que l’on ait de lui est du premier jour du premier mois delà vingt-septième année (570) : c’est celle qui « donne à Nabuchodonosor, roi de Babel, la terre d’Egypte comme solde de son armée, pour les travaux » mal payés du siège de Tyr. xxix, 17-21. Nabuchodonosor descendit, en effet, en Egypte vers ce temps.

C’est tout ce que l’on sait de certain sur la vie publique d’Ézéchiel. Elle dura vingt-deux ans (592-570). Fut-elle plus longue, plus remplie ? Il est permis de le croire, non pas de l’afiirmer. Le reste de cette vie appartient à la légende ou aux flottantes traditions. Retenons de celles-ci : qu’il fit plusieurs grands miracles (Pseudo-Épiphane, Devit. proph., ix, t. xliii, col. 401) ; qu’il fut en relations avec Jérémie, prêtre et prophète comme lui (cf. In Ezech., c. xii, 8, t. xxv, col. 101) ; qu’il fut mis à mort par un chef de son peuple, irrité de ses reproches d’idolâtrie, et qu’il fut enseveli dans le tombeau de Sem et d’Arphaxad, non loin de l’Euphrate (fig. 626). Voir là-dessus D. Calmet, Dissertations qui peuvent servir de prolégomènes d’Écriture Sainte, Paris, 1720, t. ii, p. 363. Cf. Trochon, Êzéchiel, Paris, 1897, p. 2 ; R. Cornely, Introductio, ii, 2, p. 433, 434 ; Acta sanctorum, t. x, april. i, u. 2-4, p. 848, 849 ; Loftus, Travels in Chaldxa, in-8°, Londres, 1857, p. 34-36.

III. Mission. — Le prophète vécut dans des temps de malheurs et de colère. Le royaume d’Israël n’était plus. Le royaume de Juda allait cesser d’être : il tombait en agonie. Sa ruine, qui était proche, était causée par les péchés du peuple, l’idolâtrie, l’injustice, la corruption. Ezech., xx. Il le savait. Les prophètes, Jérémie entre autres, le lui répétaient sans cesse. Il ne voulait pas, en masse, en convenir. Il s’obstinait à croire, malgré les deux terribles visites que lui avait déjà faites Nabuchodonosor, que des temps glorieux allaient se lever pour lui. Le joug de Babel serait brisé. L’Egypte y aiderait. Juda nécessairement redeviendrait grand et prospère. D’ailleurs la ville, le Temple pouvait-il donc périr ? Le mal était que des faux prophètes, en Judée, en Chaldée, exaltaient ces rêves. Jer., xxvii, xxviii, xxix. Ezéchiel les eut pour adversaires. Ezech., xm. Il s’attache à convaincre les exilés, ses frères, comme Jérémie du reste dans la mère patrie, de l’inanité de ces espérances. Vaine l’espérance du renversement de Babylone. Vaine l’espérance du relèvement d’Israël. Le châtiment est inévitable. On n’y échappera pas. Avec quelle obstinée énergie, quel âpre et dur réalisme de paroles et d’actions il dénonce le crime et la peine, c’est ce que montre la première partie de son histoire. — La seconde partie révèle une autre face de sa mission. Il continue, la catas-