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FRANÇAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE


versions du N. T., p. 339-342 et 349-359 ; E. Pétavel, La Bible en France, p. 123-128 et 131-135.

2° Traduction d’Olivetan. — C’est la première version protestante en langue française. On l’appelle la Bible d’Olivetan du nom de son auteur, Pierre-Robert Olivetan, parent et compatriote de Calvin, ou Bible de Serrières, du nom de la localité où elle a été imprimée, en 1535, par Pierre de Wingle, dit Pirot Picard, aux frais des Vaudois du Piémont. Elle est intitulée : La Bible, qui est toute la Saincte escriplure, en laquelle sont contenus le Vieil Testament et le Nouveau, translatez en Francoys ; le Vieil, de Lébrieu, et le Nouveau, du Grec. Elle est accompagnée de nombreuses notes marginales, qui ont permis de se rendre un compte exact du travail du traducteur. Pour les livres protocanoniques de l’Ancien Testament, Olivetan a fait une œuvre nouvelle et indépendante. Il avait sans doute sous les yeux la version de Le Fèvre d'Étaples, dont on retrouve quelques traces ; mais il n’y a pas trois versets consécutifs où il n’ait changé, contrôlé et corrigé quelque chose. Il se servait de la version latine de Santé Pagnino, imprimée à Lyon, en ! 527 ; toutefois il ne la suit pas toujours et traduit lui-même directement l’hébreu avec une fidélité plus scrupuleuse encore que celle de son modèle. Les livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament n’ont pas été traduits à nouveau. Olivetan s’est borné à reproduire, en la corrigeant très légèrement et très superficiellement, la version de Le Fèvre, d’après l'édition de 1530. Les différences sont peu nombreuses et peu importantes ; elles portent pour la plupart sur le choix de l’expression française et sur l’emploi des conjonctions ; un petit nombre de corrections critiques ont été faites d’après la Vulgate. De même, pour le Nouveau Testament, Olivetan n’a fait à la traduction de Le Fèvre que de rares corrections, non pas d’après le grec, mais seulement suivant la version latine d'Érasme. E. Reuss, Fragments littéraires et critiques, dans la Revue de théologie, 3e série, t. iii, Strasbourg, 1865, p. 217-252 ; t. iv, 1866, p. 1-48 et 281-322 ; H. Graf, A qui l'Église réformée doit-elle sa première traduction française de la Bible ? dans Le Lien, n° du 15 juillet 1843.

On a prétendu longtemps que Calvin avait collaboré à la version d’Olivetan. Il paraît démontré maintenant qu’il est seulement l’auteur des deux préfaces qui portent son nom, et que ce ne fut qu’après l’impression de la Bible qu’Olivetan pria Calvin, plus savant que lui en grec, de retoucher le Nouveau Testament. Calvin n’a donné suite à ce projet que plus tard. En attendant, Olivetan revit lui-même le Nouveau Testament, qui parut in-8°, en 1536 ; les Psaumes, publiés à Genève, in-8°, 1537, sous le pseudonyme hébraïque de Belisem de Belimakom, c’est-à-dire « anonyme d’utopie », et les Proverbes, l’Ecclésiaste et le Cantique, imprimés en 1538, par Jean Gérard. Une édition du Nouveau Testament parut encore à Genève, en 1538. Celle de l’année suivante, qu’on croit publiée à Zurich, et qui a pour marque l'épée flamboyante, est attribuée à des Gallards. Le Nouveau Testament et la Bible entière, dite de l'Épée, qui ont paru à Lyon, en 1540, ont été revus et corrigés par les prédicants de Genève. L'édition faite à Genève, en 1545, est la première à laquelle Calvin ait mis la main. On ne sait pas au juste la part qu’il a prise personnellement à cette œuvre de revision, qui en tout cas a été très rapide et peu approfondie. Voir col. 88. L'édition de 1553 contient une retouche plus foncière. Louis Budé avait revisé Job, les Psaumes et les ivres de Salomou ; Théodore de Bèze, les deutérocanoniques de l’Ancien Testament, et Calvin, les autres livres de la Bible. Th. de Bèze et Calvin travaillèrent aussi au Nouveau Testament de 1560, dont on fit deux éditions ou tirages presque simultanés. Les Bibles de 1561 et de 1563 sont enrichies de notes plus ou moins abondantes, extraites des commentaires de Calvin par Nicolas des Gallards et Augustin Marlorat. La Bible française

de Calvin a eu une édition critique dans les Opéra Calvini, t. lvi et lvii (Corpus reformalorum, in-4°, Brunswick, 1897, t. lxxxiv et lxxxv), et à part.

Les pasteurs et les professeurs de Genève publièrent, en 1588, une revision de la Bible d’Olivetan, qu’ils avaient préparée en corps et à laquelle ils donnèrent une approbation officielle. Le principal reviseur était Bertram, voir t. i, col. 1636 ; ses collaborateurs se nommaient Th. de Bèze, Antoine de la Faye, Jacquemot, Rotan et Simon Goulart. Ils corrigèrent le texte d’Olivetan en beaucoup d’endroits, mais ils accordèrent trop de crédit aux interprétations rabbiniques. Ils introduisirent le nom de « l'Éternel » partout où ils lisaient Jéhovah dans l’original. Ils firent quelques emprunts à la Bible de Castalion. L'œuvre de la « Vénérable Compagnie » de Genève eut une grande vogue parmi les protestants français, et elle fut souvent réimprimée à Lyon, à Cæn, à Paris, à la Rochelle, à Saumur, à Sedan, à Charenton et à Niort. D’autres éditions, en plus grand nombre encore, parurent en Hollande et dans la Suisse française, notamment à Bàle. À noter celle d’Amsterdam, in-ꝟ. 1669, par les Des Marets, père et fils, à cause de sa beauté typographique et de ses notes nombreuses. Après la révocation de l'édit de Nantes, les rélugiés français publièrent la Bible de Genève dans plusieurs villes de l’Allemagne du Nord. R. Simon, Hist. critique du Vieux Test., p. 342-349 ; Id., Hist. critiq. des versions du N. T., p. 329-338 et 345-349 ; P. Coton, Genève plagiaire, ou vérification des dépravations de la parole de Dieu qui se trouvent es Bibles de Genève, in-f », Paris, 1618 ; B. Turretin, Défense de la fidélité des traductions de la Bible faite à Genève, in-4°, Genève, 1619. La « Vénérable Compagnie » fit de nouvelles revisions de la Bible de Genève en 1693 et en 1712 ; mais les reviseurs se bornaient à remplacer quelques mots anciens par les mots nouveaux correspondants, et à remanier quelques phrases. Cédant aux instances du synode des Églises wallonnes, David Martin, pasteur à Utrecht, avait publié, en 1696, la traduction revisée du Nouveau Testament, et la Bible entière avec des notes et des préfaces, 2 in-f », Amsterdam, 1707. Ses corrections portaient surtout sur le style. Cette revision fut adoptée par Charles Chaix dans son commentaire littéral, 1742-1777. Voir col. 503. Retouchée en 1736 par Pierre Roques, pasteur français à Bàle, elle est distribuée de nos jours encore sous le nom de Martin par les Sociétés bibliques, mais sans notes ni préfaces. En 1750, D. Durand, pasteur à Londres, revoyait encore le Nouveau Testament de Martin. Malgré ces retouches continuelles, la Bible d’Olivetan restait foncièrement la même et les divergences des éditions étaient purement extérieures. Son style demeurait toujours obscur, incorrect, terne et sans grâce. En 1721, la « Vénérable Compagnie » chargeait une nouvelle fois une commission de revoir la Bible de Genève. La refonte du Nouveau Testament parut en 1726 ; les changements apportés au style sont assez notables pour que cette édition puisse passer pour une nouvelle version. Pendant tout le xviiie siècle, le texte genevois fut le plus usuel et garda la prépondérance parmi les protestants français.

La Bible d’Olivetan subit une revision plus complète que toutes les précédentes de la main d’Ostervald, pasteur à Neufchâtel. En 1724, Ostervald avait publié à Amsterdam La sainte Bible, accompagnée d’Arguments et de Réflexions, avec quelques modifications apportées au texte de Genève, 2 in-f°. Mais vingt ans plus tard, en 1744, il fit paraître une correction plus profonde du même texte. D’un bout à l’autre le style est remanié, mais il a perdu de sa force première, sans gagner en élégance. Les retouches portèrent aussi sur le sens et elles trahissent assez fréquemment une étude préalable soit de l’original soit surtout des commentateurs. Ostervald a retranché de la Bible de Martin ce qu’elle avait de dur, d’obscur et d’erroné. En 1771, la revision d’Ostervald était