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du Seigneur », c’est-à-dire à la fin du monde, « les éléments seront dissous par la chaleur, et la terre, avec tout ce qui est en elle, sera brûlée. » Rien n’indique que ces paroles de l’apôtre ne soient pas à prendre dans le sens littéral. Dans ce sens, elles sont expliquées par les théories physiques sur la constance de l’énergie et la trans formation des forces naturelles les unes dans les autres. En rendant compte des travaux du savant physicien Clausius sur cette question, un autre savant a pu expliquer ainsi la prédiction de saint Pierre : La loi de la transformation de l’énergie, qui n’est qu’une généralisation des faits observés dans la nature, conduit « à ce double résultat : d’une part, qu’il y a plus de transformations de travail en chaleur que de transformations en sens inverse, de sorte que la quantité de chaleur augmente constamment aux dépens de la quantité de travail ; d’autre part, que la chaleur tend à s’équilibrer, à se répartir d’une manière de plus en plus uniforme dans l’espace, et la désagrégation des corps à s’accroître ; il s’ensuit que l’univers se rapproche fatalement de jour en jour, en vertu des lois naturelles, d’un état d’équilibre final de température, dans lequel les distances entre les molécules du corps seront arrivées à leur extrême limite, et qui rendra toute transformation nouvelle impossible ; alors, suivant une expression mémorable reproduite par Tyndall, « les éléments seront dissous par le feu. » Tel est donc le terme fatal du monde ; sorti du chaos, il rentrera dans le chaos, avec cette dilférence toutefois qu’il ne sera plus animé de ce mouvement de rotation qu’avait le chaos originaire, et qui lui a permis de se séparer en différents groupes d’attraction ; ce mouvement de rotation aura lui-même été converti tout entier en chaleur ». F. Folie, R. Clausius, dans la Revue des questions scientifiques, Bruxelles, avril 1890, p. 485, 486. Voir Fin du monde. On retrouve dans le Zend-Avesta la tradition de la fin du monde par une vaste conflagration qui doit tout purifier. Cf. Dollinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. ii, p. 220. — Sur le feu du ciel, voir Éclair, Tonnerre.

V. Le supplice du feu. — D’après le droit patriarcal, le père de famille pouvait condamner au feu celle de ses filles ou de ses belles-filles qui s’était prostituée. Gen., xxxviii, 24. Sous la loi mosaïque, si un homme prenait en même temps pour femmes la mère et la fille, les trois coupables étaient brûlés, pour ôter toute trace d’un tel crime en Israël. Lev., xx, 14. On brûlait de même la fille d’un prêtre qui s’était prostituée, déshonorant ainsi son père voué au service du Seigneur. Lev., xxi, 9. — Quand David eut pris Rabbath et les autres villes des Ammonites, d’après les Septante et la Vulgate, il fit périr un certain nombre de leurs défenseurs dans des fours à briques où ils furent brûlés. II Reg., xii, 31. Mais le texte hébreu est susceptible d’une interprétation qui suppose beaucoup moins de cruauté. Voir Fer, col. 2210, et Four. Le roi de Babylone fit mourir par le feu Sédécias et Achab. Jer., xxix, 22. Les trois compagnons de Daniel furent jetés dans une fournaise ardente où Dieu les préserva. Dan., iii, 20, 21. Antiochus fit rôtir tout vivant l’aîné des sept frères Machabées. II Jlach., vii, 3-5. Saint Paul faisait sans doute allusion à ce terrible supplice quand il disait : « Quand je livrerais même mon corps pour que je sois brûlé, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien. » I Cor., xiii, 3. — Sur les corps brûlés après la mort, voir Crémation, col. 1110. Sur les « serpents de feu » qui font périr les Hébreux au désert, voir Dipsas, col. 1439.

VI. Le feu de l’enfer. — 1° L’existence du feu dans l’enfer est affirmée par Xotre-Seigneur, Matth., xviii, 8 ; xxv, 41 ; Marc, ix, 43, 45, 47 ; Luc, xvi, 21, et rappelée par les Apôtres. Jud., 7 ; Apoc, xix, 20 ; xx, 9 ; xxi, 8. — 2° Origène, Péri arch., II, x, 4, t. xi, col. 236, a soutenu que ce feu ne résidait pas dans les flammes du supplice, mais dans la conscience des pécheurs. Saint Am broise, In Luc., vii, 205, t. xv, col. 1754, dit aussi, sans pourtant répéter ailleurs cette assertion, qu’il ne s’agit pas de flammes corporelles, mais du feu qu’engendre le chagrin des péchés. Saint Jérôme, In Is., lxvi, 24, t. xxiv, col. 676, note que « pour le plus grand nombre (pterisque), le feu qui ne s’éteint pas, c’est la conscience des pécheurs ». Le feu devrait alors être pris dans le sens métaphorique, comme on est bien obligé de le faire pour le ver. Marc, ix, 43. — Mais saint Jérôme, Ep. cxxir ad Avit., ii, 7, t. xxii, col. 1065 ; In Ephes., III, v, 6, t. xxvi, col. 522 ; Apol. adv. libr. Rufin., ii, 7, t. xxiii, col. 429, combat énergiquement l’interprétation métaphorique d’Origène, et l’on peut dire qu’il représente ici toute la tradition. — 3° Ce feu brûle sans éclairer, puisque l’enfer est un lieu de ténèbres. Matth., xiii, 12 ; xxii, 13 ; xxv, 30 ; S. Grégoire le Grand, Moral., ix, 66, t. lxxv, col. 915. — Il brûle tout en conservant, puisqu’il est éternel comme ses victimes. Matth., xviii, 8 ; xxv, 41 ; Minucius Félix, Octav., 35, t. iii, col. 348. Les damnés « reçoivent du feu le tourment, sans lui fournir d’aliment ». S. Augustin, De Civ. Dei, xxi, 10, t. xli, col. 725. — Il tourmente différemment les damnés, suivant leur culpabilité. Matth., x, 15 ; xi, 21-24 ; Luc, x, 12-15 ; xii, 47, 48 ; Apoc, xviii, 6, 7 ; S. Grégoire le Grand, Moral., ix, 65, 98, t. lxxv, col. 913 ; Dialog., IV, 43, t. lxxvii, col. 401. — Il atteint les esprits, puisque à l’origine il a été créé pour le diable et ses anges, qui sont de purs esprits. Matth., xxv, 41 ; S. Augustin, De Civ. Dei, xxi, 1-3, t. xli, col. 709-711 ; S. Grégoire le Grand, Dialog., iv, 29, t. lxxvii, col. 365. — 4° À ceux qui veulent en savoir ou en dire plus long sur le feu de l’enfer, il n’y a plus qu’à rappeler la parole de saint Augustin, De Civ. Dei, xx, 16, t. xli, col. 682 : « De quelle nature est ce feu ? Je crois que personne ne le sait, sauf celui auquel le Saint-Esprit l’a montré. » Voir Enfer, col. 1796 ; S. Thomas, Sum. tlusol., Suppl., q. 97, a. 4 ; Cont. gent., iv, 90 ; Petau, De Ange ! ., iii, 5 ; Lessius, De perfect. morib. divin., xiii, 30.

VIL Les pratiques idolatriques. — 1° Les Ammonites adoraient une infâme divinité du nom de Moloch, qui n’était autre que le dieu du feu ou du soleil brûlant. Voir Moloch. On l’honorait en lui offrant des enfants qu’on faisait périr dans les flammes ou qu’on jetait à l’intérieur d’un monstre d’airain rougi au feu. Voir t. i, col. 499. Le Seigneur défendit expressément cette abomination aux Hébreux. Lev., xviii, 21 ; Deut., xii, 31 ; xviii, 10. Cette défense n’empêcha pas certains Israélites de livrer leurs enfants à l’odieuse divinité. C’est ce que firent spécialement les rois Achaz, IVReg., xvi, 3 ; II Par., xxviii, 3 ; Manassé, IV Reg., xxi, 6 ; II Par., xxiii, 6, et les hommes du royaume d’Israël. IV Reg., xvii, 17. Il y avait auprès de Jérusalem, dans la vallée de Ben-Hinnom, un lieu appelé Topheth, où s’accomplissaient ces rites homicides. IV Reg., xxiii, 10 ; Jer., vii, 31 ; xxxii, 35 ; Ezech., xx, 31. Les Sépharvaïtes, introduits en Samarie par Sargon, brûlaient aussi leurs enfants en l’honneur de deux divinités analogues à Moloch. IVReg., xvii, 31. Voir Adramélech, Anamélech. — 2° L’auteur de la Sagesse, xiii, 2, énumérant les différentes espèces d’idolâtres, parle de ceux qui adorent le feu. Chez les Perses, le feu était adoré, Hérodote, I, 131, et l’on tenait pour méritoire de l’entretenir avec du bois et des parfums. Le Zend-Avesta l’appelle le fils d’Ormuzd. Dollinger, Paganisme et judaïsme, t. ii, p. 193-195. Dans les Védas de l’Inde, le feu du soleil et le feu en général est une divinité du nom d’Agni (d’où sans doute l’irjnis latin). On lit dans le Rig-véda, VI, xlix, 2 : « Adorons Agni, l’enfant de Dyaus (Divâh sisus, le ciel), le fils de la force, Arushâ (le soleil brillant), la brillante lumière du sacrifice. » Cf. Max Mûller, Essais sur la mythologie comparée, trad. G. Perrot, Paris, 1874, p. 171-176. Les Grecs appelaient le dieu du feu "Hçoccttoî, Héphœslos, dont ils faisaient un fils de Zeus et d’Héra. lliad., i, 571 ; viii, 195 ; Hésiode, Scut., 123 ; Opéra, 60 ;