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    1. ÉZÉCHIEL##

ÉZÉCHIEL (LE LIVRE D’)

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et Seinecke, parmi les modernes, l’ont fait. » Ils en reculent l’apparition, celui-ci au temps de la domination persane (440-400), celui-là au temps de la domination syrienne (160), et encore pour une raison dogmatique : l’attribuer à Ézéchiel serait, en effet, reconnaître la prophétie, qu’ils disent métaphysiquement impossible. « Mais c’est très justement que l’on ne prend pas au sérieux ces opinions et qu’on les regarde comme des curiosités. » C. H. Cornill, Einleitung in dus Aile Testament, Fribourg et Leipzig, 1896, p. 176. — L’inspiration du livre n’a jamais été contestée dans l’Église ; elle est incontestable. Les rabbins du I er siècle voulurent exclure le livre du canon, parce qu’ils le croyaient en désaccord avec la Loi. Mais R. Ilanania ayant concilié ces antinomies apparentes, ils l’y maintinrent. J. Fûrst, Der Kanon des Alt. Test, nach der Ueberlieferungen im Talmud und Midrasch, Leipzig, 1868, p. 21, 21. L’Ecclésiastique, xlix, 10, 11, le place immédiatement après Jérémie. Le Nouveau Testament ne le nomme pas, mais c’est bien à lui que sont empruntées certaines images de l’Évangile (le bon Pasteur, Joa., x, 11-18, cf. Ezech., xxxiv ; le grain de sénevé devenu un grand arbre, Matth., xiii, 32, cf. Ezech., xvii, 23), et surtout de l’Apocalypse. La longue liste de ces points de contact entre Ézéchiel et l’Apocalypse est donnée par G. Currey, Ezekiel (The Holy Bible de G. Cook), Londres, 1882, t. vi, p. 12-16. L’autorité divine et humaine du livre est donc entièrement certaine : son inspiration est de foi définie et son authenticité incontestable.

VI. Prophéties strictement dites. — Il y en a, si l’on veut, deux séries. Les unes concernent directement Israël, les autres le Messie et son règne.

1° Prophéties concernant Israël. — On peut en former deux groupes, selon qu’elles regardent proprement Israël ou les nations étrangères mêlées à sa ruine. — Premier groupe. — Il comprend les jugements que Dieu va exercer à très brève échéance contre la ville, le Temple, le pays, le roi, les princes et le peuple. Prédictions du siège et des rnaux qui en sont la suite, iv ; — du sort des assiégés, voués au glaive, vin-ix, au feu, x ; — de la prise et du renversement de Jérusalem, xxi, 18-19 ; xxii, 18-22 ; xxiii, xxiv, xv ; — de la dévastation et du ravage s’étendant sur tout le pays, monts et vallées, par le feu, le glaive, la famine, les bètes sauvages : elles ont été pleinement accomplies ; l’histoire sainte, pour nous en tenir la, en témoigne clairement. IV Reg., xxv, 1-3, 8-17 ; II Par., xxxvi, 19 ; Jer., xxxix, 1-3, 8 ; lii, Lam., i-ii, 20.

— Prédictions de la fuite, du jugement et du sort de Sédécias, xii-xvii, 21 ; — de la mort violente des princes et des magistrats aux frontières, xi, 8-12 ; xvo, 20 ; — de la captivité, de la dispersion et de l’extermination (partielle ) du peuple, xxii, 13-16 ; xxi ; xx, 32-38 ; xiv, 10-14 ; xii : elles ont été réalisées, on peut le dire, avec une vérité frappante. Voir IV Reg., xxv, 4-6 ; Jer., xxxix, 4, 5, 7 ; lii, 8, 9, 11 ; IV Reg., xxv, 18-21 ; Il Par., xxxvi, 17-22 ; Jer.. lii, 10, 27 ; xxxix, 6. Il en est de même des prédictions qui concernent le retour et la restauration pris dans toute la large acception du mot. xv, 53-63 ; xxxiv.

— Autre groupe. — Il est formé des prophéties contre les nations étrangères. Le grand crime de celles-ci, aux yeux divins, est l’hostilité jalouse qu’elles ont manifestée contre Israël, ou le cri de joie qu’elles ont poussé en apprenant son humiliation. L’histoire met hors de doute l’accomplissement de ces prophéties. — Prophétie contre Ammon, xxi, 28-30 ; xxv, 1-7, réalisée par les « tils d’Orient » (Nabuchodonosor), Josèphe, Ant.jud., X, ix, 7, et par les Arabes plus tard. Cf. J. Knabenbauer, p. 254.

— Prophétie contre Moab, xxv, 8-11, réalisée par Nabuchodonosor. Josèphe, loc. cit. — Prophétie contre Édom, xxv, 12-14, réalisée dans les temps machabéens, par Judas. I Mach., v, 65 ; II Mach., x, 16-17. Cf. Josèphe, Ant.jud., X11I, IX, 1. — Prophétie contre les Philistins, xxv, 15-17, réalisée d’abord par les Égyptiens, Jer., xlvii, et puis par les Chaldéens. G. Currey, Ezekiel, p. 109. —

Prophétie contre Tyr et Sidon, xxvi-xxviii, réalisée certainement, quoique les anciens y paraissent contraires ; car « Tyr, lit-on dans Trochon, Ézéchiel, p. 188 ; cf. p. 186, n’est plus actuellement que la ruine d’une ville bâtie avec des ruines ». Nabuchodonosor, à s’en tenir strictement aux anciens (Josèphe, Ant.jud., X, xi, 1 ; Cont. Apion., i, 21), aurait assiégé cette ville pendant treize ans. L’a-t-il prise, et comment, c’est « le point débattu ». Il est certain toutefois qu’il a commencé sa ruine, ce qui suffît à vérifier le texte. Voir G. Bruuengo, L’Impero di Babiloniae di Ninive, t. ii, p. 294-300 ; A. Bertholet, Bas Buch Hesekiel, p. 154 ; cf. A. Kuenen, Histoire critique des livres de l’Ancien Testament, Paris, trad. Pierson, t. ii, p. 624-626.

— Prophétie en sept oracles contre l’Egypte et son roi. xxix-xxxii. L’expédition de Nabuchodonosor en Egypte, en 572, expédition atlestée par les anciens, dans Josèphe, Cont. Apion., i, 19, 20, et par l’épigraphie égyptienne et chaldéenne, est la réalisation sinon entière, au moins principale, de ces oracles. Les opinions contraires ne tiennent plus. Voir G. Brunengo, L’Impero, p. 302-322 ; Trochon, Ézéchiel, p. 228 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 244-253. Cf. A. Bertholet, p. 156. 2° Prophéties messianiques. — Quelques-unes regardent la personne, les autres le royaume du Messie.

— Il y a des raisons de penser que, dans la vision du char, celui qui est assis sur le trône, demût kemar, ch âdâm, « l’apparence comme la ressemblance d’un homme, » i, 26, 27, est le Messie lui-même : l’analogie des textes le prouve. Is., vi, 1, et Joa., xii, 40, 41 ; Dan., vii, 13, et Apoc, i, 13-16. Il sera comme une petite (raq) branche coupée dans la pointe d’un cèdre, plantée sur le plus beau sommet des monts d’Israël et devenant un arbre magnifique, où tous les oiseaux habitent et font leur nid, dans l’ombre de son feuillage, xvii, 22-24 ; cf. Is., iv, 2 ; xi, 1 ; lui, 2 ; vi, 13 ; Matth., xiii, 31 ; Marc, iv, 31 ; Luc, xm, 19. Celte branche, ce rejeton figuratif, n’est autre que le roi venant après Sédécias, longtemps après, après un long abaissement ; il est nommé « celui à qui est dû le royaume », ’ad bo" aSér lô ha-mïspât xxi, 31, 32 (hébreu, 26, 27) ; cf. Gen., xlix, 10. J. Knabenbauer, In Ezech., p. 215-217. Ce roi, le Messie certainement, sera le « Pasteur » d’Israël. « Je susciterai sur mon troupeau, dit Dieu, un pasteur pour le paître, mon serviteur David ; il le mènera au pâturage et lui servira de berger. » Image employée pour marquer la nature débonnaire de son gouvernement et les biens apportés par lui, qui sont la sainteté, la paix, la sécurité, « des pluies de bénédictions. » xxxiv, 23-31. Voir, sur cette dernière prophétie, J. Knabenbauer, p. 356-360. Cf. Trochon, Introduction générale aux Prophètes, Paris, 1883, p. xcix-ch ; L. Reinke, Die Messianischen Weissagungen, ii, 2, Giessen, 1862, p. 87-110. — Telle est la personne du Messie dans Ézéchiel. Son royaume y est aussi décrit 1. par des traits particuliers, 2. dans la divine synthèse qui ferme le livre. — Ce royaume est formé d’Israël, mais aussi des peuples convertis qui lui sont unis, union symbolisée par le retour de Sodome et de ses filles, de Samarie et de ses filles, c’est-à-dire par la conversion de tout le monde païen, qu’elles figurent, xvi, 53-63 ; cf. Rom., xi.

Ses sujets sont marqués au front du signe j, thav

(6ay), exprimant la croix rédemptrice. IX, 4, 6. Son trait distinctif est la sainteté, qui consiste dans le changement du cœur, le renouvellement de l’esprit et la droiture de la vie pratique et des mœurs, xi, 19, 20 ; cf. Rom., viii, 3, 4 ; xxxvi, 20. Plus précisément, c’est une transformation d’ordre spirituel, qui atteint tonte l’âme ; c’est la justification personnelle et ses effets, le baptême, xxxvi, 25, la rémission des péchés, le don de la grâce, 26, l’inhabitation de l’Esprit, 27 a, avec, comme suites de cet état nouveau, la paix, la sécurité, la sainteté, la familiarité avec Dieu, l’abondance des biens. Ce sera comme « un