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FAMILLE


A la famille patriarcale appartiennent aussi les esclaves qui sont à son service. Abraham put armer trois cent dixhuit des siens, et remporter avec eux la victoire contre Chodorlahomor et ses alliés. Gen., xiv, 14, 15. Ces esclaves étaient nés chez lui, et par conséquent dépendaient absolument de lui. Il y en avait un bon nombre d’autres, hommes et femmes, qui vivaient autour des patriarches, géraient leurs affaires, soignaient leurs troupeaux, etc. Voir Esclave, col. 1921. — Tout ce monde, épouses, enfants, esclaves, formait comme un petit État nomade, dont le patriarche était à la fois le père et le maître. C’était la famille primitive, régie par la loi naturelle et les coutumes des ancêtres, vivant dans la paix, l’indépendance et la prospérité habituelle aux nomades. — Ces coutumes des ancêtres, qui exerçaient leur influence sur les mœurs des familles patriarcales, tenaient à la tradition ehaldéenne. En Chaldée, d’où venait Abraham, le père était le chef de toute la famille, épouses, enfants, serviteurs, esclaves. Rien ne pouvait se faire légalement sans son consentement, pas même le mariage des fils. La femme était chargée de tous les soins de la vie domestique. On tenait à ce qu’elle eût beaucoup d’enfants, et l’on regardait sa stérilité comme une malédiction. À défaut d’enfants nés de lui, le père adoptait des orphelins. Le père ou la mère qui reniaient leurs enfants commettaient un délit méritant un châtiment. L’adultère de l’épouse entraînait la peine de mort. L’enfant qui outrageait ses parents était marqué d’un signe infamant, vendu au marché ou chassé honteusement du pays. Les esclaves appartenaient au père de famille à peu près comme les bêtes de son troupeau ; il décidait à volonté de leur vie ou de leur mort. Cependant, en pratique, les esclaves chaldéens étaient traités assez doucement, le maître ayant tout intérêt à se les attacher et à tirer d’eux, par de bons traitements, le meilleur parti possible. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, 1895, p. 733-734.

IV. La famille sous la loi mosaïque. — Avec le changement d’état social s’imposèrent pour les Hébreux certaines modifications concernant la famille. — 1° Tout d’abord, un dénombrement fut fait de tous les Hébreux, « selon leurs familles, selon les maisons de leurs pères. » Num., i, 18 ; xxvi, 5-40. La distinction des familles fut si bien maintenue, qu’on put la reproduire, au moins, dans ses grandes lignes, à différentes époques de l’histoire. 1 Par., i, 1-ix, 44 ; I Esdr., ii, 1-63 ; II Esdr., vii, 1-G5. Au temps de Notre -Seigneur, on savait encore parfaitement à quelle souche familiale on appartenait. Luc, i, 5 ; ii, 4, 5. — L’autorité du père et de la mère fut fortifiée par le quatrième commandement du décalogue. Exod., xx, 12. De plus, la peine de mort fut portée contre celui qui frappait ou maudissait son père ou sa mère. Exod., xxi, 15, 17 ; Lev., xx, 9. Seulement, en raison du nouvel état social, le père n’avait plus droit de vie et de mort. Il devait déférer aux juges le fils coupable, que les hommes de la ville lapidaient ensuite. Deut., xxi, 18-21. Plus tard, on recommanda au père de châtier son fils pour arriver à le corriger, mais sans désirer sa mort. Prov., xix, 18 ; xxiii, 13, 14. Un père indigent avait le droit de vendre sa fille en esclavage. Exod., xxi, 7. Visà-vis des filles, le droit du père cessait à leur mariage, car alors elles appartenaient à leur époux. Les fils restaient soumis au père tant qu’il vivait, car ils n’entraient en possession de ses biens qu’après sa mort. Voir Héritage. — 2° La loi primitive du mariage fut maintenue, avec ses concessions en faveur de la polygamie, mais avec certaines prohibitions à l’égard des peuples étrangers, afin de conserver la famille hébraïque dans son intégrité primitive. Voir Mariage. La bigamie est supj posée par plusieurs dispositions de la loi. Un fils de ; famille peut avoir sa femme et sa concubine, Exod., ; xxi, 9 : mais à l’exclusion de certaines conditions de pa- ; rente. Lev., xviii, 17, 18. Certaines règles sont imposées

à l’homme qui a deux femmes, pour le partage de ses biens. Deut., xxi, 15-17. Pour assurer à la famille la perpétuité de son nom et de ses biens, la veuve laissée sans enfants doit se marier avec son beau-frère, afin que le premier-né de ce mariage continue le nom et la descendance du défunt. Deut., xxv, 5, 6. Voir Lévirat. Sur le sort de ceux qui survivaient au père de famille, voir Veuve, Orphelins. — 3° La persistance de la polygamie fit que parfois les enfants rattachèrent leur descendance à la mère plutôt qu’au père. Les choses n’allèrent pas si loin que chez les Égyptiens, chez qui la filiation n’était indiquée que par le nom de la mère. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 51. Cf. Hérodote, I, 172. Cependant dans les généalogies des rois, on donne avec soin le nom de leur mère. IV Reg., xii, 1 ; xiv, 2 ; xv, 2, 33 ; xviii, 2, etc. On appelle assez souvent les frères issus de la même mère « les fils de ma mère », pour les distinguer des demi-frères. Gen., xxvii, 29 ; Deut., Xin, 6 ; Jud., viii, 19 ; ix, 1 ; Ps. xlix (l), 20 ; lxvhi (lxix), 9 ; Cant., i, 5. Deux fois le psalmiste, en s’adressant à Dieu, s’appelle « le fils de sa servante ». Ps. lxxxv (lxxxvi), 10 ; cxv (cxvi), 16. Jusque dans l’Évangile nous trouvons une désignation analogue pour la « mère des fils de Zébédée ». Matth., xx, 20 ; xx vii, 56.

V. Fécondité dans les familles hébraïques. — 1° La stérilité de l’épouse était considérée par elle comme le plus grand des malheurs. Gen., xi, 30 ; xvi, 4 ; xxv, 21 ; xxx, 8, 23 ; I Reg., i, 2-8. On la regardait comme une malédiction du Seigneur. Ose., ix, 11-14. Le prophète Isaïe, iv, 1, décrit sous une forme saisissante l’horreur que les femmes avaient de la stérilité : « Sept femmes saisiront le même homme et diront : Nous mangerons notre propre pain, nous nous vêtirons d’habits à nous. Seulement faisnous porter ton nom, enlève notre opprobre ! » Ces femmes renoncent au mohar, voir Dot, à la nourriture et au vêtement que leur doit le mari, pourvu qu’elles soient épouses, avec l’espoir de la fécondité. — 2° La tolérance de la bigamie et de la polygamie, les mesures prescrites au sujet du divorce, voir Divorce, ont pour but de favoriser la fécondité des familles. — 3° La fécondité est une bénédiction de Dieu. Ps. cxii (cxiii), 9 ; cxxvi (cxxvii), 3-5) ; cxxvii (cxxviii), 3-6.

— 4° Ce qui était regardé comme une bénédiction et une joie constitue en même temps un devoir, que la loi chrétienne n’a fait que rappeler. Saint Paul dit que la femme sera sauvée ôti t->, ; Tîy.voyovîa ; , « en engendrant des enfants. » I Tim., ii, 15. Là est donc à la fois son devoir et son salut. Le même Apôtre veut « que les veuves encore jeunes se marient, aient des enfants, deviennent mères de famille ». I Tim., v, 14. — 5° La Sainte Écriture indique le nombre d’enfants qu’ont eus certains personnages : Job, sept fils et trois filles avant ses malheurs, et autant après, Job, i, 2 ; xlii, 13 ; Gédéon, soixante et dix fils, Jud., ix, 2 ; Jaïr, trente fils, Jud., X, 4 ; Abdon, quarante fils, Jud., xii, 14 ; Isaï, père de David, huit fils, I Reg., xvi, 10, 11 ; David, onze fils nés à Jérusalem, sans compter d’autres fils et d’autres filles, II Reg., v, 13-16 ; Siba, esclave de Saûl, quinze fils, II Reg., ix, 10 ; xix. 17 ; Achab, soixante et dix, IV Reg., X, 1 ; Malhathias, cinq fils, I Mach., Il, 2 ; le Juif Scéva, sept lils. Act., xix, 14.

VI. Les relations domestiques. — La loi mosaïque indique les conditions essentielles à l’existence de la famille, telle que Dieu la voulait alors. Les vertus familiales font l’objet de conseils qui se lisent surtout dans les livres sapientiaux et dans les Épîtres des Apôtres. — 1° D’après les Proverbes. — C’est de la mère de famille que dépendent le bonheur et la prospérité de la maison. La paix du foyer est le premier des biens, xvii, 1 ; aussi rien de pire qu’une femme acariâtre, semblable « au toit qui laisse continuellement goutter l’eau dans la maison ». xix, 13 ; xxvii, 15. Mieux vaudrait pour le mari la solitude et la fuite au désert, xxi, 9, 19 ; xxv, 24. L’homme fera donc tout pour avoir une épouse douce, xi, 10,