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EZECHIAS


année au milieu du second mois. La loi, Num., rx, 6-13, autorisait ce délai pour les particuliers qu’une impureté légale ou un voyage avaient empêchés d’accomplir leur devoir au jour fixé. Dans les circonstances extraordinaires où on se trouvait, on se crut en droit d’appliquer exceptionnellement cette règle au peuple entier. Ëzéchias fit donc convoquer la foule pour le quatorzième jour du second mois. Il dépêcha des courriers, non seulement dans son royaume, mais encore dans toute l’étendue de celui d’Israël, de Bersabée à Dan. Ces courriers étaient porteurs d’un message royal, qu’ils publièrent à travers Israël et Juda. Ce message invitait les Israélites à revenir au culte du Dieu de leurs pères. Pour les y décider, le roi rappelait le châtiment récent, c’est-à-dire la dévastation du royaume de Juda par Théglathphalasar, II Par., xxviii, 20, qu’avait attiré sur eux leur infidélité passée, et il leur adressait au nom de Jéhovah les promesses les plus consolantes pour l’avenir. On se moqua des courriers d’Ézéchias, et on les insulta dans les tribus d’Éphraim, de Hanassé et de Zabulon. Seuls quelques Israélites des tribus d’Aser, de Manassé, de Zabulon et d’Issachar répondirent à l’invitation du roi de Juda et vinrent à Jérusalem. Mais, par un effet de la grâce du Seigneur sur les âmes, tous les habitants du royaume de Juda n’eurent à ce sujet qu’un seul cœur et entendirent l’appel de leur roi et de leurs princes. — Au second mois, une foule nombreuse se trouva donc rassemblée à Jérusalem pour célébrer la Pàque. Avant d’immoler l’agneau pascal, elle renversa les autels païens, qui avaient été élevés sous Achaz à tous les coins de Jérusalem, II Par., xxviii, 21, et les jeta dans le Cédron. Les prêtres et les lévites s’étaient purifiés, afin de remplir convenablement leurs fonctions. Comme les assistants n’étaient pas tous purs, les lévites présentèrent aux prêtres le sang des victimes. La plupart des Israélites n’étaient pas en état de manger l’agneau pascal. Ëzéchias crut pouvoir passer outre, et il les autorisa à prendre part à la fête. Il pria pour eux et demanda à Dieu de leur pardonner cette infraction légale en raison de leurs bonnes dispositions. Jéhovah exauça la prière du roi. Les sept jours de la solennité furent célébrés avec une grande joie. Chaque jour on mangea le pain azyme, on offrit des sacrifices pacifiques, on chanta les louanges de Jéhovah, et les cantiques étaient accompagnés par le son des instruments de musique. Le roi adressa aux lévites d’affectueuses paroles de reconnaissance et d’encouragement. La foule voulut prolonger la fête sept autres jours. Ëzéchias fournit alors mille taureaux et sept mille brebis ; les princes donnèrent mille taureaux et dix mille brebis. Les prêtres, se purifiant en plus grand nombre, offrirent les sacrifices, et la joie de la foule fut extrême. Pareille solennité n’avait pas eu lieu à Jérusalem depuis la fête de la Dédicace du Temple, qui avait duré quinze jours. II Par., vii, 9. Au quatorzième jour, les prêtres et les lévites bénirent le peuple ; leur prière pénétra jusqu’au ciel et fut exaucée. II Par., xxx, 1-27. 3° Extirpation de l’idolâtrie et réorganisation du culte. — De retour dans leurs maisons, les Israélites brisèrent les idoles, abattirent les bois sacrés, ruinèrent les hauts lieux et renversèrent les autels consacrés aux faux dieux. Il Par., xxxi, 1. Ëzéchias favorisait dans son royaume cette extirpation de l’idolâtrie. Il fit même mettre en pièces le serpent d’airain, élevé par Moïse, Num., xxi, 8 et 9, parce que les Israélites brûlaient devant lui de l’encens. IV Reg., xviii, 4. Ce n’était pas une idole ; mais, disent les rabbins, les Israélites s’égaraient à sa vue. Talmud de Jérusalem, Aboda Zara, iii, 3, trad. Schwab, t. xi, Paris, 1889, p. 211. — Le pieux roi ne borna pas là ses rélormes religieuses. Il reconstitua les classes de prêtres et de lévites, que David avait établies et qui avaient été désorganisées sous le règne d’Achaz, et il attribua à chacune d’elles un office propre. Il se chargea de fournir la matière des divers sacrifices qu’ordonnait la loi de Moïse, et il voulut qu’on la prit sur ses biens. L’offrande

était considérable, car le nombre des victimes immolées dans le cours d’une année était assez élevé. Le roi donnait l’exemple avant le précepte, car il prescrivit en même temps à ses sujets de payer exactement aux prêtres et aux lévites, afin qu’ils pussent vaquer librement à leur ministère, les revenus marqués par la loi, les prémices et la dime. Les habitants de la capitale obéirent aussitôt et avec empressement à l’ordre royal. Ceux des autres villes de Juda apportèrent la dîme de toutes leurs récoltes au troisième et au septième mois. Les offrandes formaient des monceaux, qui restaient exposés au grand air. Le roi, étant venu au Temple, les vit et bénit le Seigneur et le peuple d’une si grande abondance ; mais il demanda pourquoi les offrandes étaient ainsi amoncelées. Le grand prêtre Azarias répondit que, chacun ayant pris sa part, il restait encore des dons, si généreusement apportés par le peuple. Pour conserver ce surplus, Ëzéchias fit préparer dans le Temple des chambres qui serviraient d’entrepôts. On l’y déposa, et des lévites furent préposés les uns à sa garde, les autres à sa distribution. Ils rendaient compte de tout au roi et au grand prêtre. II Par., xxxi, 1-19.

4° Activité littéraire ; collection des Proverbes. — Nous pouvons rattacher aux réformes religieuses d’Ézéchias ce que nous savons sur le soin qu’il fit prendre de rassembler des Proverbes de Salomon. Le recueil des Proverbes, xxv-xxix, a été formé par « les hommes d’Ézéchias », qui ont ainsi réuni et transcrit une partie des trois mille sentences prononcées par Salomon. On a fait de ces hommes d’Ézéchias une sorte d’académie royale, qui s’occupait de littérature. Le Talmud leur attribuait la composition ou plus probablement la publication et l’édition d’Isaïe, des Proverbes, du Cantique et de l’Ecclésiaste. Voir Canon, col. 140. Les rationalistes se plaisent à faire d’Ézéchias un lettré, pénétré de la culture littéraire d’Isaïe et de Michée, ses contemporains. Ils attribuent à son siècle le grand travail littéraire qui devait produire ce que nous appelons les livres et les institutions de Moïse. De toutes ces suppositions il n’y a rien à retenir, sinon que le second livre du Psautier hébraïque aurait peut-être été compilé du temps d’Ézéchias. Vigouroux, Manuel biblique, . 9= édit., 1896, t. ii, p. 334.

En accomplissant ces réformes religieuses, Ëzéchias fit ce qui était bon, droit et vrai devant Jéhovah. Parce qu’il cherchait Dieu de tout son cœur, il restaura suivant les règles tout le service du Temple. Il avait mis toute son espérance en Jéhovah, et sous ce rapport il n’eut pas son pareil avant ou après lui parmi les rois de Juda. Il demeura fidèle au Seigneur et ne s’écarta pas de ses voies ; il observa tous les préceptes de la loi. C’est pourquoi le Seigneur était avec lui, et il prospérait dans toutes ses entreprises. IV Reg., xviii, 5-7 ; II Par., xxxi, 20 et 21.

II. Événements politiques. — 1° Premiers actes et premiers succès. — Dès le début de son règne, Ëzéchias résolut de rendre son royaume entièrement indépendant. Son père Achaz s’était soumis comme vassal au roi de Ninive, et il avait acheté par des présents le secours de Théglathphalasar pour le délivrer de la ligue formée contre lui par Phacée, roi d’Israël, et Rasin, roi de Syrie. IV Reg., xvi, 7-9. Voir t. i, col. 133-134. Depuis lors Samarie avait été prise par Salmanasar ; les armées de l’Egypte et du roi de Gaza avaient été défaites à Raphia par Sargon ; la ville d’Azot avait été conquise et les cités philistines dévastées par le tartan d’Assyrie. La puissance ninivite é*nfermait donc la Palestine comme dans un cercle de fer. Cette situation si défavorable n’abattit pas le courage d’Ézéchias. Le roi de Juda secoua le joug des Assyriens et ne voulut plus leur être asservi ; il cessa de payer le tribut. IV Reg., xviii, 7. On ignore la date de cet événement. On peut penser qu’Ezéchias vit dans la mort de Sargon, survenue en 705, une occasion favorable de rompre les liens de vassalité qui l’attachaient à Ninive. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes ?