Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/1118

Cette page n’a pas encore été corrigée

2157

    1. ÉZÉGHIEL##

ÉZÉGHIEL (LE LIVRE D’)

2158

zig, 1815, p. 35, 36. — De là une diction spéciale, que distinguent en outre l’usage fréquent des mêmes expressions et l’imitation des anciens prophètes. Les expressions qui reviennent le plus souvent sont : — 1. « Fils de l’homme, » ii, ’l, 3 (près de cent fois) ; — 2. Dominus Deus, « le Seigneur Dieu, » ii, 4 (plus de deux cents fois) ; — 3. beit meri, « maison rebelle, » ii, 5 ; — 4. « Et l’on saura (vous saurez) que je suis le Seigneur, » v, 13 (plus de soixante-dix fois) ; — 5. « Le Seigneur dit ceci, » v, 7 (plus de cent fois) ; — 6. « Ditle Seigneur, ». ne’um Yehôvâh, viii, 8, etc. (plus de quatre-vingts fois) ; — 7. « Terres, » ’aresôt, v, 5, 6 ; — 8. « Les monts d’Israël, » vi, 3 ; — 9. « Pose ta face vers ou contre, » VI, 1. Cf. R. Driver, Introduction, p. 279 ; F. Keil, Lehrbuch, p. 296. — D’autre part, l’imitation littéraire des anciens prophètes est très visible. Amos, Osée, Isaïe, Sophonie, sont imités très souvent, surtout Jérémie et l’auteur du Lévitique (Lev., xvii-xxvi). La parenté de textes va parfois dans ceux-ci jusqu’à l’identité verbale. Voir pour les indications, mais non pas pour les conclusions, R. Smend, Der Prophet Ezechiel, p. xxv-xxvii. Le style, malgré cela, est personnel, original. Il se fait remarquer notamment par une surabondance d’images, de figures et de symboles. Images, figures et symboles caractérisés — 1. par le nombre, la variété, l’éclat ; — 2. par l’érudition précise et minutieuse : il y a telle vision, telle parabole, qui révèlent dans le prophète une connaissance étonnante des choses du sanctuaire, des arts, de la géographie, des relations commerciales lointaines, et — 3. par la hardiesse et même l’exagération : elle va si loin, que certains détails en sont inintelligibles. Style d’ailleurs un peu diffus, très délayé, avec, par intervalle, quelque chose d’âpre et de dur. On veut qu’il ait pris sou genre de figures dans le milieu babylonien où il vivait. Il y a de bonnes raisons pour n’en pas disconvenir. Disons cependant qu’il ne faut pas exagérer l’iniluence de ce milieu. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1882, t. IV, p. 324-369 ; F. Kaulen, Einleitung, Fribourg, 1890, p. 383. Il se fait Temarquer en outre par son obscurité. Les Pères la reconnaissent. Les rabbins la confessent : ils ne voulaient pas qu’on lût la vision du char et la vision du Temple, les premiers et les derniers chapitres, avant trente ans. Ce livre faisait à saint Jérôme, t. xxii, col. 547 ; cf. t. xxv, col. 17, 392, 468, l’effet des noires catacombes qu’il visitait étant enfant ; c’était pour lui « un labyrinthe, l’océan des mystères ». Mais cette obscurité vient inoins du style que de la perpétuelle présence d’allégories et de paraboles, offrant toujours par elles-mêmes quelque chose d’énigmatique et de mal défini. R. Lowth porte sur Ézéchiel ce jugement : « Il est inférieur en élégance à Jérémie et presque l’égal d’Isaïe en élévation. (Voir sur ce mot la note contraire de Miehælis, De sacra poesi Hebrxorum Prselecliones, not. 93, Oxford, 1663.) Mais cette élévation est d’un genre très différent. Il est terrible, véhément, tragique, toujours sévère et menaçant… Il est riche en images pompeuses, effrayantes, souvent même capables de révolter. Son style est grand, plein de gravité. .., un peu rude et quelquefois négligé… Quelque sujet qu’il entreprenne de traiter, il le poursuit avec persévérance, s’y tenant exclusivement attaché… Vaincu peut-être dans tout le reste par plusieurs des autres prophètes, il n’a jamais été égalé par aucun écrivain… en énergie, en véhémence, en majesté et en grandeur. » Leçons sur la poésie sacrée des Hébreux (Leçon 21e), Lyon, 1812, t. ii, p. 86-89. Le jugement est bon. — Une des formes de son style est l’élégie qinâh, c’est-à-dire la « complainte », le chant de deuil et de ruine, p. 125, 126. On trouve cependant aussi les autres genres. Budde, dans le Zeitschrift fur die altlestamentliche Wissenschaft, 1882, p. 15-22. Cf. R. Driver, Introduction, p. 278.

IV. État du texte. — Le texte classique est très incorrect, presque autant que celui des Rois (I et II). Les

variantes qu’il présente sont de toutes sortes. Voir J.-B. de Rossi, Varias lecliones Vet. Test., Parme, 1786, t. iii, p. 126-271. Toutefois, au dire de C. II. Cornill, son récent critique, il n’y aurait entre le texte présent et « le plus ancien manuscrit connu que seize variantes réelles », c’est-à-dire qui touchent très légèrement et en partie au sens, savoir : iii, 22 ; vi, 5 ; viii, 1 ; xi, 19 ; xii, 25 ; xm, 20 ; xvi, 50 ; xxiii, 19 ; xxv, 5 ; xxvi, 14 ; xxvi, 20 ; xxviii, 26 ; xxxii, 23 ; xxxii, 30 ; xxxiii, 23, et xlvii, 9. Das Buch des Prophelen Ezéchiel, Leipzig, 1886, Prolegotnena, p. 9. Ajoutez que ce manuscrit doit différer du premier texte massorétique, et celui-ci de l’autographe même : quinze siècles accumulent nécessairement des variantes, au moins accidentelles. C. IL Cornill, p. 10, 11. Quelques endroits sont particulièrement corrompus, irrémédiablement peut-être. Indiquons xli-xlii, 12. Quelquesunes de ces variantes seraient-elles le fait des rabbins, voulant, par la retouche du texte, l’harmoniser avec d’autres passages ? C. H. Cornill l’affirme (p. 475), mais ne le prouve pas. Les causes communes, la négligence des copistes, la hardiesse des correcteurs, les glossateurs téméraires, suffisent à les expliquer, semble-t-il. Et puis l’obscurité du sens a pu ne pas être étrangère à leur accroissement. Plusieurs essais de restitution ont été tentés. Le plus radical et le plus étendu, pensons-nous, est celui de C. H. Cornill. Après des prolégomènes où il traite de la version grecque (et de ses dérivés), du Targum, de laPeschito, de la Vulgate, il donne — 1. le texte hébreu tel qu’il était quand les Septante parurent : il se montre ainsi indépendant du texte massorétique, qu’il estime peu ; puis, — 2. dans la page latérale, la version fidèle en allemand de l’hébreu ainsi rétabli ; et — 3. dans la marge inférieure, un apparatus criticus très chargé. Les savants louent unanimement cette œuvre. Ils reprochent cependant à son auteur d’avoir trop donné à la conjecture. R. Driver, Introduction, p. 260. Le texte ainsi corrigé n’est donc pas encore définitif. On doit nommer après lui F. Hitzig, R. Smend (commentaires), P. Botcicher, Proben alttest. Schriflerklârung, Leipzig, 1833 (Vision du Temple), D. Mùller, Ezechielsludien, 1895 ; J. ICnabenbauer, In Ezech., passim, et A. Bertholet, Hesekiel, passim. Quant au texte massorétique, il a été revisé, en 1884, par S. Bær : Liber Ezechielis. Texlum massoreticum accuratissime expressit, e fontibus maiorx va.ie illustravit, notis criticis confirmavit S. B., Leipzig, 1884. — Le livre existe dans toutes les versions anciennes. La version des Septante est d’une « absolue ( ! ) vérité », dit C. H. Cornill, p. 102, et on peut la regarder comme reproduisant exactement l’hébreu lu en Egypte au nie siècle ; le meilleur manuscrit est le B Vaticanus. Le Targum n’est pas aussi correct ; il suppose un texte hébreu non encore arrêté comme il sera plus tard. La Peschito a une valeur réelle, car elle témoigne de la tradition exégétique et donne un certain nombre de bonnes leçons, ainsi que la Vulgate. Pour les versions, voir C. H. Cornill, p. 1-lGO.

V. Autorité. — Nul doute que le livre soit d’Ézéchiel. Il est d’une si étroite unité de plan, d’une rédaction si uniformément originale, qu’il faut « l’admettre tout entier ou le rejeter tout entier ». Cf. R. Smend, op. cit., p. xxi. S’il en est ainsi, il est tout entier d’Ézéchiel, qui l’aurait écrit vers l’an 573 (xli). A. Berlholet, op. cit., p. xxii, xxin. Le livre, i, 1, 3, 4 ; ii, 1, 2, etc., et l’opinion unanime le prouvent. Les rationalistes eux-mêmes en conviennent. Voici le témoignage de l’un d’eux : « S’il est un livre portant au front le signe de son authenticité et se présentant tel qu’il est sorti de la main de son auteur, c’est le livre d’Ézéchiel. Aucun autre n’est un tout si savamment organisé, si clairement enchaîné. Aucun autre ne trahit à ce degré, de la première lettre à la dernière, une même main, un seul esprit, une même individualité très accusée… Un pareil livre, on ne peut que l’admettre ou le rejeter tout entier. Le rejeter, Zunz