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FRANÇAISES (VERSIONS) DE LA RIRLE


de Pierre Lombard. — 4. Le manuscrit fr. 1761, qui est de la même époque que le précédent, est le Psautier de Pierre de Paris. Ce traducteur, qui ne peut être l’évêque de Paris, Pierre de Nemours (1208-1219), a fait une paraphrase plutôt qu’une traduction du Psautier. Sa version, qui ressemble par intermittence au texte du manuscrit 258, est mêlée à des extraits peu intéressants de la glose ordinaire et inlêrlinéaire. — 5. Les derniers manuscrits, qui appartiennent plus ou moins au même groupe, sont le Psautier du duc de Berry (fr. 13091) et le manuscrit 2431 du fonds français, qui n’est pas glosé. Leur texte n’est pas meilleur que celui du Psautier de Pierre de Paris.

6° Recueils de fragments distincts. — Nous connaissons trois manuscrits de cette sorte : le manuscrit 5211 de l’Arsenal, qui ne paraît pas postérieur au milieu du xine siècle, S. Berger, La Bible française au moyen âge, p. 100-108 ; le manuscrit Nouv. acq. fr. 1404 de la Bibliothèque Nationale, qui date de la seconde moitié du xme siècle, H. Prutz, Entwicklung und Unteryang des Tempelherrenordens, Berlin, 1888, p. 116-125 et 317-323, et P. Meyer, dans la Romania, t. xvii, p. 126-129 et 132-135 ; le manuscrit fr. 6447 de la même bibliothèque, copié entre le xm 8 et le xive siècle. P. Meyer, Notice du ms. Bibl. Nat. fr. 6447, dans les Notices et extraits des manuscrits, t. xxxv, 2e partie, 1896, p. 435-467. Les textes copiés dans ces trois manuscrits sont inégalement anciens et diffèrent d’origine. La Genèse n’est pas une traduction complète du premier livre du Pentateuque ; elle n’en comprend que des extraits tantôt abrégés, tantôt allongés et développés, avec une histoire de Moïse qui est le résumé des quatre autres livres du Pentateuque. On remarque dans la prose des phrases rythmées et souvent des rimes. Grâce à ces indices, M. P. Meyer y a découvert l’emploi successif de deux poèmes aussi différents par l’esprit que par la métrique. Le commencement dérive d’un poème en vers de huit syllabes, dont l’auteur appartient à la race de ces jongleurs qui cherchaient à provoquer le rire et qui, sans crainte de scandaliser leurs auditeurs, développaient en termes à la fois naïfs et grossiers les récits les moins réservés de la Bible. À partir de la naissance de Joseph, on trouve des emprunts faits au poème, en vers alexandrins, d’IIerman de Vaienciennes, dont le ton est grave et tend à l’édification. Cf. J. Bonnard, Les traductions en vers français au moyen âge, Paris, 1884, p. 11-41. Celte traduction de la Genèse présente donc une choquante disparate. La version du livre des Juges a été faite par un chevalier d’un ordre militaire, templier ou hospitalier, sur la demande d’un dignitaire de son ordre, « maistre Richart, » et de « frère Othon ». Elle n’est pas littérale, et en plusieurs endroits elle est plutôt une adaptation qu’une traduction du texte ; mais elle est claire et d’un tour bien français. Celle des quatre livres des Rois est le texte publié par Leroux de Lincy, mais déjà un peu déformé et altéré. Les histoires de Judith et d’Esther ne sont pas traduites littéralement, tandis que la traduction de Job est textuelle. Le livre de Tobie est suivi d’extraits des œuvres de Salomon. La version des Machabées, qui se trouve à la suite des livres des Rois dans le manuscrit des Cordeliers, est fort libre ; elle semble être, dans une partie du moins, la mise en prose d’une chanson de geste en vers alexandrins. Les exemples de vertu proposés par Malhathias sont longuement paraphrasés d’après les autres parties de l’histoire sainte. Certains passages sont la traduction assez exacte du texte latin de la Yulgate ou l’imitation d’un poème dont l’auteur a fait des emprunts à l’Histoire des Juifs dejosèphe. Le langage de cette traduction des Machabées ne paraît pas différer beaucoup de celui de l’Ile-de-France. H. Breymann, Introduction aux deux livres des Machabées, traduction française du xm’siècle, in-8°, Gœttingue, 1868, pensait y reconnaître le dialecte de Bourgogne et estimait que la version a été composée entre

1230 et 1250. E. Gœrlich, Die beiden Bûcher der Makkahàer. Ein altfranzôsische Uebersetzung aus dem 13. Jahrhundert, dans la Romanische Bibliothek de W. Fœrster, in-8°, Halle, 1888, en a édité le texte. L’éditeur pense qu’elle a été faite au xue siècle, dans le sudest du pays où l’on parlait le français, et qu’elle a été copiée au xiue par un Anglo-Normand ; mais le directeur de la publication, W. Fœrster, qui a changé plusieurs fois d’avis, la tient pour une traduction d’origine vaudoise, qu’un Français du sud-ouest aurait accommodée à son dialecte. Le manuscrit 52Il se termine par la traduction du livre de Ruth. Cette compilation d’éléments très divers n’a pas eu d’influence sur les versions françaises postérieures ; mais elle a été en partie traduite en provençal au xv » siècle. S. Berger, Nouvelles recherches sur les Bibles provençales et catalanes, dans la Romania, t. xix, 1890, p. 548-557.

IL La Bible complète du xiiie siècle. — Jusqu’alors on n’avait vu paraître en France que des traductions isolées et fragmentaires des livres bibliques, et il ne s’était pas produit d’oeuvre d’ensemble. Sous le règne de saint Louis, il y eut enfin une Bible française complète, grâce à la centralisation que la royauté avait apportée dans l’administration et l’Université de Paris dans les études. Deux manuscrits seulement contiennent cette version dans son entier. L’un, fragmentaire et mutilé, est le meilleur pour le texte et pour le langage ; il a appartenu au président de Thou, et il porte à la Bibliothèque Nationale le n° 899 du fonds français. Comme il ressemble à la grande Bible des Jacobins, B. N., latin 16719-16722, on peut dire qu’il a été copié aux environs de 1250, dans l’Université de Paris. L’autre, complet, mais de basse époque, est le manuscrit français 6 et 7 de la Bibliothèque Nationale, de la fin du xive siècle. Trois ou quatre volumes nous ont conservé la première partie de cette version : le manuscrit 5056 de la bibliothèque de l’Arsenal, de la seconde moitié du xme siècle ; le manuscrit Harléien 616, au British Muséum, qui est le frère jumeau du précédent ; la Bible de Norwich, écrite au xiv° siècle, en Angleterre, et gardée à l’University Library de Cambridge ; enfin le manuscrit de Strasbourg, qui a été détruit par l’incendie de 1870, mais qui avait été heureusement décrit et étudié par E. Reuss, Fragments littéraires et critiques, dans la Reeue de théologie et de philosophie chrétienne, t. iv, 1852, p. 5-26. (Le Psaume cm de la Vulgate avait été reproduit par Fritz, Commentatio in Psalmum cir, in-8°, Strasbourg, 1821, p. 79-83, et le Lxvir 3 par Reuss, Der Lxrm Psalm, ein Denkmal exegetischer Noth und Kunst, dans ses Beitrûge zu den theologischen Wissenchaften, léna, 1851, p. 93. Reuss avait pris aussi une copie manuscrite de tout le Psautier.) Les manuscrits qui contiennent le second. volume de cette traduction sont très nombreux. Les plus anciens sont le manuscrit 684 de la bibliothèque Mazarine, du xiue siècle ; le manuscrit fr. 398 de la Bibliothèque Nationale, de la même époque ; le n° 26 de la Bibliothèque de la reine Christine, au Vatican, du règne de Philippe le Bel ; le manuscrit 10516 de Bruxelles, de la fin du xiir 3 siècle ; le manuscrit de la bibliothèque publique de Rouen, À 211, de la seconde moitié du xme siècle ; enfin le manuscrit des Évangiles fr. 12581, daté de 1284.

La valeur de cette traduction est inégale dans les différents livres de la Bible ; dans plusieurs, le texte français est accompagné de gloses plus ou moins nombreuses. Ainsi la version de la Genèse, qui est claire, brève, exacte et énergique, est suivie d’un commentaire emprunté à la Glose ordinaire et à la Glose interlinéaire. Les autres livres du Pentateuque ne sont pas glosés ; mais le livre de Josué l’est, notamment d’après la Glose ordinaire. Le procédé de traduction est le même que dans la Genèse, et bien que les auteurs des gloses ne soient plus nommés, on peut y reconnaître la même main. La version des Juges a des gloses très longues et très nom-