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FIN DU MONDE


saint Matthieu, Paris, 1878, p. 207-208. On peut plus facilement encore rapporter au même événement la parole de Jésus : « En vérité, je vous le dis, il y en a plusieurs de ceux qui sont ici présents qui ne mourront point avant qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme venant dans son royaume. » Matth., xvi, 28. Cf. Marc, viii, 39 ; Luc, ix, 27. Au verset précédent, il est vrai, Notre -Seigneur avait parié de son dernier avènement pour juger tous les hommes. Il n’en faudrait pas conclure qu’il s’agit encore, dans la suite, du même avènement. Les sentences sont détachées, et le contexte écarte toute liaison directe. Le seul rapprochement possible, c’est qu’au y. 28 il est question d’une manifestation du pouvoir judiciaire du Sauveur. Ce sera une venue du Fils de l’homme, non pas et ; tt, v {3a<71).£tav ccjto’j, mais èv irvj paat^sia gcjtoD, c’est-à-dire à l’époque où il sera dans son royaume, où il sera revêtu de la gloire [et de la majesté royale. Or comme quelques-uns, tive ; , de ses auditeurs devaient être témoins de cette manifestation du pouvoir judiciaire de Jésus, il est légitime de penser qu’elle a eu lieu dans la ruine du peuple, juif et de Jérusalem, sa capitale. Fillion, S. Matthieu, p. 332-333 ; Schanz, op. cit., p. 384-385 ; Knabenbauer, In Matth., t. ii, p. 76-78. Mais il est plus difficile de soutenir que le grand discours tenu par Jésus à ses Apôtres quelques jours avant sa mort, Matth., xxiv ; Marc, xiii ; Luc, xxi, puisse être entendu exclusivement de la terrible catastrophe qui entraîna la perte de la nationalité juive. La majorité des interprètes admet qu’il concerne à la fois la ruine de Jérusalem et la fin du monde.

Notre -Seigneur, en effet, avait réitéré ses menaces contre Jérusalem, en affirmant que la génération présente en verrait la réalisation. Matth., xxiii, 36-38. En sortant du Temple, il avait annoncé à ses disciples la destruction totale de ce solide édifice. Matth., xxiv, 1 et 2. Assis sur le mont des Oliviers, quatre de ces derniers l’interrogent sur la date et sur les signes de ces événements. D’après saint Matthieu, xxiv, 3, ils demandent en même temps quel sera le signe de la parousie et de la consommation du siècle. Quelle qu’ait été la pensée des Apôtres, qui peut-être réunissaient dans leur esprit la ruine de Jérusalem et la fin du monde, et croyaient que les mêmes signes présageraient les deux événements, Jésus ne répond pas directement à leur question et ne dit pas un mot de la destruction du Temple. Son discours comprend des descriptions apocalyptiques et des exhortations morales. La partie apocalyptique, que les commentateurs partagent de différentes façons, annonce successivement ou simultanément, selon les interprétations, la ruine de Jérusalem et la dernière venue du Sauveur. Or ces événements si distants, qu’ils soient simplement juxtaposés ou qu’ils soient entremêlés dans le récit des trois Synoptiques, semblent, au moins de prime abord, rapprochés par le temps de leur réalisation et ne former qu’une série de faits dont l’accomplissement paraît prochain. Ainsi l’apparition des faux Messies, les guerres et les bruits de guerre précéderont la fin, t’o té/.o ; , Matth., xxiv, 6 ; avec les révolutions, les pestes, les famines et les tremblements de terre, ils ne seront que le commencement des douleurs, r.xi-x Se TaOra àf/_r, ùSivwv. Matth., xxiv, 8. Les disciples de Jésus aurflnt leur part dans ces épreuves. Matth., xxiv, 9. Toutefois, il faut d’abord que l’Evangile soit prêché dans la terre entière, et ce sera alors seulement que viendra la fin, v.ï’i tôte r, | ; i tô ts).o ; . Matth., xxiv, 14. La prédiction de la profanation du Temple de Jérusalem par les Romains et des circonstances qui l’accompagneront est tellement combinée avec celle des signes de la fin des temps et de la parousie, que les commentateurs ne savent à quoi rattacher au juste le rapprochement de temps établi par les mots de saint Matthieu, xxiv. 29 : « Aussitôt après la tribulation do ces jours. » La parabole du figuier signifie que l’accomplissement des préliminaires de la parousie fera juger celle-ci prochaine. Or ces préliminaires et la parousie elle-même

semblent devoir se réaliser dans un avenir très rapproché, puisque la génération présente ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. Matth., xxiv, 34. Toutefois, si l’événement est prochain, personne, ni les anges du ciel, ni même le Fils, Marc, xiii, 32, ne sait ni le jour ni l’heure où il se produira ; le Père seul les connaît. Matth., xxiv, 36. La parousie du Fils de l’homme sera soudaine et surprendra les humains, comme autrefois le déluge a surpris les contemporains de Noé. « Veillez donc, ajoute Jésus en s’adressant à ses disciples, puisque vous ignorez à quelle heure votre Maître viendra. » Matth., xxiv, 42. Les autres exhortations morales contiennent et répètent la même leçon de vigilance, fondée sur l’incertitude de l’heure de la parousie. Mais cette leçon s’appuie-t-elle en outre sur la proximité de cet événement final ? En d’autres termes, Notre-Seigneur a-t-il annoncé son second avènement, prélude de la fin du monde, comme prochain et comme devant suivre de près la profanation du Temple de Jérusalem par les Romains et la destruction de la cité sainte ? Difficile question, qui a toujours préoccupé les exégètes et a reçu des solutions très divergentes.

Les rationalistes et des protestants ultra-libéraux, pour lesquels Jésus n’est qu’un homme, n’hésitent pas à déclarer qu’il s’est trompé sur les circonstances de son avènement et spécialement sur l’époque de son retour, dont il a prédit l’imminente proximité. Strauss, Vie de Jésus, trad. Littré, 3e édit., Paris, 1864, t. ii, p. 335-351 ; Der dite und neue Glaube, 1872, p. 79 ; Renan, Vie de Jésus, 13° édit., Paris, 1867, p. 288-289 ; P. Haupt, Die eschatologischen Aussagungen Jesu in den synoptichen Evangelien, in-8°, Berlin, 1895 ; P. Schwartzkopff, Die Weissagungen Jesu Christi von seinen Tode, Auferstehung und Wiederkunft und ihre Erfùllung, in-8°, Gœttingue, 1895 ; Id., Konnte Jésus irren ? in-8°, Giessen, 1896 ; Id., Die Irrtumlosigkeit Jesu Christi und derchristliche Glaube, in-8°, Giessen, 1897, p. 78-98 ; H. J. Holtzmann, Lehrbuch der neutestamentlichen Théologie, in-8°, Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1897, t. i, p. 325-337. Les anciens rationalistes n’étaient pas aussi hardis que leurs successeurs. Ils n’admettaient pas que Jésus se soit trompé sur son second avènement et sur sa proximité ; ils prétendaient seulement que Jésus-Christ, tout en sachant fort bien que son second retour n’aurait lieu que bien plus tard, s’était accommodé à la croyance de ses disciples, et comme ceux-ci partageaient les espérances juives, qui rattachaient la fin du monde à la ruine de Jérusalem, il avait présenté son second avènement dans une certaine liaison avec la prédiction de la fin d’Israël, afin d’en tirer des conclusions morales et d’élever ses disciples à des idées plus spirituelles sur le royaume de Dieu. Von Colin, Biblische Théologie, t. ii, § 136, 166 ; Bôhme, Versuch das Geheimniss des Menschensohns tu enthùllen, p. 158. Ces deux explications, qui supposent que Jésus aurait partagé les idées fausses de ses compatriotes, ou au moins les aurait acceptées pour en tirer des leçons de vertus et les faire servir aux intérêts de sa cause, ne se concilient ni avec le dogme de la divinité de Jésus ni même avec l’idée que les Évangiles nous donnent de sou caractère, de la sainteté de sa vie et de la sagesse profonde qui se manifeste dans tous ses actes et ses paroles. Elles font du Sauveur du monde un trompé ou un trompeur ; elles sont donc inconciliables avec la foi chrétienne et, par suite, inadmissibles.

Un théologien catholique, le docteur Schell, professeur à l’Université de Wurzbourg, a proposé une explication analogue à celle des rationalistes contemporains, Katlio-Usche Dogmatik, Paderborn, 1892, t. iii, p. 142-147. Prenant à la lettre la parole de Jésus : « Le Fils lui-même ignore le jour et l’heure de la parousie, » Marc, xiii, 32, il admet dans l’àme humaine de Jésus une ignorance véritable de ce jour et de cette heure. Sans doute, comme Verbe, Jésus connaissait cette date ; mais dans son humanité, dans l’exercice de son ministère et l’accomplisse-