Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Texte entier p2

Henri Plon (p. 296-600).

réchappent, de pratiquer en l’honneur de GangaGranima la cérémonie suivante. On leur enfonce dans la peau du dos des crochets, par le moyen desquels on les élève en l’air ; là ils font quelques tours d’adresse, comme des entrechats, en présence des spectateurs. Il se trouve des femmes simples et crédules, à qui l’on persuade que cette cérémonie est agréable à Ganga-Gramma, et

qu’elle ne cause aucune douleur. Lorsqu’elles la sentent, il n’est plus temps de s’en dédire, elles sont déjà en l’air, et les cris des assistants étouffent leurs plaintes. Une sorte de pénitence, toujours en l’honneur du même démon, consiste à se laisser passer une ficelle dans la chair, et à danser pendant que d’autres personnes tirent cette ficelle. La nuit qui suit la fête de GangaGramma, on lui sacrifie un buffle dont on recueille le sang dans un vase ; on le place devant l’idole, et l’on assure que le lendemain il se trouve vide. Des auteurs disent qu’autrefois, au lieu d’un buffle, on immolait une victime humaine.

Ganguy (Simone), dite la petite mère, sorcière, amie de Madeleine Bavent. Il ne paraît pas qu’elle ait été brûlée.

Ganipotes, loups-garous de la Saintonge. Voy. Lycanthropie.

Ganna, devineresse germaine ; elle avait succédé à Velléda ; elle fit un voyage à Rome, où elle reçut de grands honneurs de Domitien[1].

Gantière, sorcière. En 1582, le parlement de Paris confirma la sentence de mort du bailli de la Ferté contre la femme Gantière. Elle avouait que la Lofarde l’avait transportée au sabbat ; que le diable l’avait marquée ; qu’il était vêtu d’un habit jaune ; qu’il lui avait donné huit sous pour payer sa taille ; mais que, de retour dans son logis, elle ne les avait plus trouvés dans son mouchoir.

Garandier, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Garcia (Marie), femme de Madrileschos, près de Tolède, qui, ayant mangé une orange qu’une autre femme lui avait donnée, devint possédée et fut tourmentée sept ans par une légion de démons. Elle fut exorcisée enfin ; le démon qui la dominait, sommé de dire son nom, répondit qu’il s’appelait Asmodée, et qu’il était logé chez cette femme avec plusieurs autres. On leur demanda un signe de leur soumission ; ils répondirent que la veille ils avaient enlevé quelques pièces de monnaie d’argent chez la sœur du prêtre qui les forçait à sortir, parce que cette femme, ne les ayant pas retrouvées, les avait données au diable. On signifia aux démons de rapporter immédiatement ces pièces ; aussitôt la possédée tendit le cou et les vomit. Ces faits eurent lieu le 14 octobre 1609, devant une foule d’assistants.

Garde des troupeaux. Voy. Troupeaux.

Gardemain (Marie). Voy. Glocester.

Gargantua, héros populaire de taille gigantesque, dont la légende ne s’accorde pas avec le roman de Rabelais. Quoique son histoire ne soit qu’un conte bleu, on montre aux environs d’Aigues-Mortes la vieille tour de Gargantua ; et on n’ose en approcher la nuit, de peur d’être happé par un bras de vingt-cinq mètres.

Gargouille. « Que vous dire de la gargouille de Rouen ? Il est certain que tous les ans le chapitre métropolitain de cette ville présentait au parlement, le jour de l’Ascension, un criminel qui obtenait sa grâce, en l’honneur de saint Romain et de la gargouille. La tradition portait qu’à l’époque où saint Romain occupait le siège épiscopal de Rouen, un dragon, embusqué à quelque distance de la ville, s’élançait sur les passants et les dévorait. C’est ce dragon qu’on appelle la gargouille. Saint Romain, accompagné d’un criminel condamné à mort, alla attaquer le monstre jusque dans sa caverne ; il l’enchaîna et le conduisit sur la place publique, où il fut brûlé, à la grande satisfaction des diocésains[2]. » On a contesté cette légende en niant les dragons, dont les géologues actuels reconnaissent pourtant que l’existence a été réelle. Il se peut toutefois que ce dragon soit ici une allégorie. Des historiens rapportent que, du temps de saint Romain, la ville de Rouen fut menacée d’une inondation ; que ce saint prélat eut le bonheur de l’arrêter par ses soins et par ses prières. Voilà l’explication toute simple du miracle de la gargouille. Ce mot, dans notre vieille langue, signifie irruption, bouillonnement de l’eau. Des savants auront rendu le mot hydra par celui de dragon.

Garibaut (Jeanne), sorcière. Voy. Grenier et Pierre Labourant.

Garinet (Jules), auteur de l’Histoire de la magie en France, Paris, 1818, in-8o. On trouve à la tête de cet ouvrage curieux une description du sabbat, une dissertation sur les démons, un discours sur les superstitions qui se rattachent à la magie chez les anciens et chez les modernes. Beaucoup de faits intéressants mériteraient à ce livre une nouvelle édition ; mais l’auteur, fort jeune lorsqu’il le publia, lui a donné une teinte philosophique et peu morale que son esprit élevé et ses vastes études doivent lui faire désapprouver aujourd’hui. Une nouvelle édition serait donc recherchée.

Garnier (Gilles), loup-garou, condamné à Dôle, sous Louis XIII, comme ayant dévoré plusieurs enfants. On le brûla vif, et son corps, réduit en cendres, fut dispersé au vent. Henri Camus, docteur en droit et conseiller du roi, exposa que « Gilles Garnier avait pris dans une vigne une jeune fille de dix ans, l’avait tuée et occise, l’avait traînée jusqu’au bois de la Serre, et que, non content d’en manger, il en avait apporté à sa femme ; qu’un autre jour étant en forme de loup (travestissement horrible qu’il prenait sans doute pour sa chasse), il avait également tué et dévoré un jeune garçon, à une lieue de Dôle, entre Grédisans et Monotée ; qu’en sa forme d’homme et non de loup il avait pris un autre jeune garçon de l’âge de douze à treize ans, et qu’il l’avait emporté dans le bois pour l’étrangler…[3]. » C’est sans doute le même que Germar.

Garniza. Voy. Éléazar.

Garosmancie. Voy. Gastromancie.

Garuda, oiseau fabuleux qu’on représente souvent avec la tête d’un beau jeune homme, un collier blanc et le corps d’un aigle. Il sert de monture à Wishnou, comme l’aigle servait de

véhicule à Jupiter. Les Indiens racontent qu’il naquit d’un œuf que sa mère Diti avait pondu et qu’elle couva cinq ans.

Gaspard, démon qui servait Héliodore. Voyez ce mot.

Gastrocnémie, pays imaginaire dont parle Lucien, où les enfants étaient portés dans le gras de la jambe ; ils en étaient extraits au moyen d’une incision.

Gastromancie ou Garosmancie, divination qui se pratiquait en plaçant entre plusieurs bougies allumées des vases de verre ronds et pleins d’eau claire ; après avoir invoqué et interrogé les démons à voix basse, on faisait regarder attentivement la superficie de ces vases par un jeune garçon ou par une jeune femme ; puis on lisait la réponse sur des images tracées par la réfraction de la lumière dans les verres. Cagliostro employait cette divination.

Une autre espèce de gastromancie se pratiquait par le devin qui répondait sans remuer les lèvres, en sorte qu’on croyait entendre une voix aérienne. Le nom de cette divination signifie divination par le ventre ; aussi, pour l’exercer, il faut être ventriloque, ou possédé, ou sorcier. | Dans le dernier cas, on allume des flambeaux ! autour de quelques verres d’eau limpide, puis on agite l’eau en invoquant un esprit qui ne tarde pas à répondre d’une voix grêle dans le ventre du sorcier en fonction. Les charlatans trouvant dans les moindres choses des moyens sûrs d’en imposer au peuple et de réussir dans leurs fourberies, la ventriloquie doit être pour eux d’un grand avantage. Un marchand de Lyon, étant un jour à la campagne avec son valet, entendit une voix qui lui ordonnait, de la part du ciel, de donner une partie de ses biens aux pauvres, et de récompenser son serviteur. Il obéit et regarda comme miraculeuses les paroles qui sortaient du ventre de son domestique. On savait si peu autrefois ce que c’était qu’un ventriloque, que les plus grands personnages attribuaient toujours ce talent à la présence des démons. Photius, patriarche de Constantinople, dit dans une de ses lettres : « On a entendu le malin esprit parler dans le ventre d’une personne, et il mérite bien d’avoir l’ordure pour logis. »

Gâteau des rois. La part des absents, quand on partage le gâteau des rois, se garde précieusement ; dans certaines maisons superstitieuses, elle indique l’état de la santé de ces personnes absentes par sa bonne conservation ; une maladie, par des taches ou des ruptures.

Gâteau triangulaire de Saint-Loup. Le personnes superstitieuses font ce gâteau le 29 juillet, avant le lever du soleil ; il est composé de pure farine de froment, de seigle et d’orge, pétrie avec trois œufs et trois cuillerées de sel, en forme triangulaire. On le donne, par aumône, au premier pauvre qu’on rencontre, pour rompre les maléfices.

Gauchelin, prêtre du onzième siècle, qui eut une vision célèbre. C’était une immense troupe de défunts faisant leur pénitence et conduits par des démons. Elle a été conservée par Orderic Vital[4].

Gaufridi (Louis-Jean-Baptiste), curé de Marseille qui, infidèle à ses devoirs, tomba dans le désordre et se fit sorcier vers la fin du seizième siècle. On raconte que le diable lui apparut un jour, pendant qu’il lisait un livre de magie ; ils entrèrent en conversation et firent connaissance. Le prêtre se livra au diable par un pacte en règle, à condition qu’il lui donnerait le pouvoir de suborner et de séduire en soufflant au visage. Le diable y consentit d’autant plus volontiers, qu’il trouvait dans ce marché un double avantage. L’apostat s’éprit de la fille d’un gentilhomme, Madeleine de la Palud, dont l’histoire est devenue célèbre. Mais bientôt la demoiselle effrayée se retira dans un couvent d’ursulines. Gaufridi furieux y envoya, disent les relations du temps, une légion de démons ; la sorcellerie du prêtre fut prouvée. Un arrêt du parlement de Provence le condamna au feu, en avril 1611.

Gauric (Luc), astrologue napolitain, né en 1476. Selon Mézeray et le président de Thou, il annonça positivement que le roi Henri II serait tué dans un duel et mourrait d’une blessure à l’œil ; ce qui fut vrai. Catherine de Médicis avait

en Luc Gauric la confiance la plus entière. Bentivoglio, seigneur de Bologne, le condamna à cinq tours d’estrapade, pour avoir eu la hardiesse de lui prédire qu’il serait chassé de ses États ; ce qui n’était pas difficile à prévoir, vu la disposition des esprits qui détestaient ce seigneur. Gauric mourut en 1558, âgé de quatre-vingt-deux ans. On a de lui une Description de la sphère céleste, publiée dans ses œuvres, Bâle, 1575, 3 vol. in-fol. On y trouve aussi un Éloge de l’astrologie. — On attribue à son frère Pomponius Gauric un livre dans lequel on traite de la physiognomonie, de l’astrologie naturelle, etc.[5] ; mais il ne paraît pas que cet ouvrage soit de Pomponius, il serait plutôt de Luc. Le Traité astrologique de Luc Gauric[6] est un livre assez curieux. Pour prouver la vérité de l’astrologie, il dresse l’horoscope de tous les personnages illustres, dont il a pu découvrir l’heure de la naissance ; il démontre que tout ce qui leur est arrivé se trouvait prédit dans leur horoscope, — comme si on n’y trouvait pas tout ce qu’on veut !

Gaurie, génie ou lutin que la superstition des villageois bas bretons croit voir danser autour des amas de pierres, ou monuments druidiques, désignés dans la langue des anciens insulaires par le mot chiorgaur, que l’on a traduit par ceux-ci : chorea gigantum, ou danse des géants, mais qu’il serait peut-être plus exact d’entendre chorea Gauriorum, danse des Gauries.

Gauthier (Jean), alchimiste. Charles IX, trompé par ses promesses, lui fit donner, pour faire de l’or, cent vingt mille livres, et l’adepte se mit à l’ouvrage. Mais après avoir travaillé huit jours ; il se sauva avec l’argent du monarque : on courut à sa poursuite, on l’attrapa, et il fut pendu.

Gauthier, conspirateur écossais. Voy. Walter.

Gauthier de Bruges. On conte que ce cordelier, nommé évêque par le pape Nicolas III, et déposé par Clément V, appela à Dieu de cette déposition et demanda qu’en l’inhumant on lui mît son acte d’appel à la main. Quelque temps après sa mort, le pape Clément V, étant venu à Poitiers, et se trouvant logé au couvent des cordeliers, désira visiter les restes de celui qu’il avait déposé ; on ajoute qu’il se fit ouvrir le tombeau, et qu’il fut effrayé en voyant Gauthier de Bruges agitant son acte d’appel d’une main desséchée[7]. » Conte imaginé par les ennemis du Pape.

Gayot de Pitaval, Lyonnais, auteur de la compilation des Causes célèbres, ouvrage indigeste. Mort en 1743. Nous ne le citons que pour faire remarquer l’esprit léger, mais hostile, dans lequel, à propos de la possession de Loudun, il a admis tous les mensonges de Saint-Aubin. Voy. ce nom.

Gazardiel, ange qui, selon le Talmud, préside à l’Orient, afin d’avoir soin que le soleil se lève et de l’éveiller s’il ne se levait pas.

Gaze (Théodore de), propriétaire d’une ferme dans la Campanie, au seizième siècle ; il la faisait cultiver par un fermier. Comme ce bonhomme travaillait un jour dans un champ, il découvrit un vase rond où étaient enfermées les cendres d’un mort. Aussitôt il lui apparut un spectre qui lui commanda de remettre en terre le même vase avec ce qu’il contenait, sinon qu’il ferait mourir son fils aîné. Le fermier ne tint compte de ces menaces, et peu de jours après son fils aîné fut trouvé mort dans son lit. Quelque temps plus tard, le même spectre lui apparut, lui réitérant le même commandement, et le menaça de faire mourir son second fils. Le laboureur avertit de tout cela Théodore de Gaze, qui vint lui-même à sa métairie et fit remettre le tout à sa place : sachant bien’, dit Leloyer, qu’il fait mauvais jouer avec les morts…

Gaziel, démon chargé de la garde des trésors souterrains, qu’il transporte d’un lieu à un autre pour les soustraire aux hommes. C’est lui qui ébranle les fondements des maisons et fait souffler des vents accompagnés de flammes. Quelquefois il forme des danses qui disparaissent tout à coup ; il inspire la terreur par un grand bruit de cloches et de clochettes ; il ranime les cadavres, mais pour un moment. Anarazel est son compagnon.

Géants. Les géants de la fable avaient le regard farouche et effrayant, de longs cheveux, une grande barbe, des jambes et des pieds de serpent, et quelques-uns cent bras et cinquante-têtes. Homère représente les Aloïdes, géants remarquables, comme étant d’une taille si prodigieuse qu’à l’âge de neuf ans ils avaient neuf coudées de grosseur, trente-six de hauteur, et croissaient chaque année d’une coudée de circonférence et d’un mètre de haut. Les talmudistes assurent qu’il y avait des géants dans l’arche. Comme ils y tenaient beaucoup de place, on fut obligé, disent-ils, de faire sortir le rhinocéros, qui suivit l’arche à la nage. Aux noces de Charles le Bel, roi de France, on vit une femme de Zélande d’une taille extraordinaire, auprès de qui les hommes les plus hauts paraissaient des enfants ; elle était si forte, qu’elle enlevait de chaque main deux tonneaux de bière, et portait aisément huit hommes sur une poutre[8]. Il est certain qu’il y a eu de tout temps des hommes d’une taille et d’une force au-dessus de l’ordinaire. On trouva au Mexique des os d’hommes trois fois aussi grands que nous, et, dit-on, dans l’île de Crète un cadavre de quarante-cinq pieds… Hector de Boëce dit avoir vu les restes d’un homme qui avait quatorze pieds. En 1693, il y avait à Lekerké un homme assez maigre, nommé Guerrit Baastrausée, pêcheur de son métier, qui avait huit pieds du Rhin de hauteur et qui pesait cinq cents livres. Pour la force, nous citerons Milon de Crotone, tant de fois vainqueur aux jeux Olympiques ; ce Suédois qui, sans armes, tua dix soldats armés ; ce Milanais qui portait un cheval chargé de blé ; ce Barsabas qui, du temps de Louis XIV, enlevait un cavalier avec son équipage et sa monture ; ces géants et ces hercules qu’on montre tous les jours au public. Mais la différence qu’il y a entre eux et le reste des hommes est petite, si on compare leur taille réelle à la taille prodigieuse que les traditions donnent aux anciens géants.

Geber, roi des Indes et grand magicien, auquel on attribue un traité absurde du rapport des sept planètes aux sept noms de Dieu, et quelques autres opuscules inconnus[9].

Gedi, pierre merveilleuse qui, dans l’opinion des Gètes, avait la vertu, lorsqu’on la trempait dans l’eau, de changer l’air et d’exciter des vents et des pluies orageuses. On ne connaît plus la forme de cette pierre.

Geilana, duchesse de Franconie, ayant ordonné le meurtre de saint Kilian, fut, aussitôt après le crime, possédée d’un démon.

Geillis Duncane, sorcière anglaise qui guérissait certaines maladies par l’aide d’un démon, comme elle le déclara. Le roi Jacques la fit arrêter.

Geiralda, sorcière. Voy. Kalta.

Gello ou Gilo, c’était une fille qui avait la manie d’enlever les petits enfants. On dit même que parfois elle les mangeait, et qu’elle emporta un jour le petit empereur Maurice ; mais qu’elle ne put lui faire aucun mal, parce qu’il avait sur lui des amulettes. Son fantôme errait dans l’île de Lesbos, où, comme elle était jalouse de toutes les mères, elle faisait mourir dans leur sein les enfants qu’elles portaient, un peu avant qu’ils fussent à terme[10]. On voit que c’était l’épouvantail du sixième siècle. Elle n’était pas seule.

Gellons, compagnons de Gello en Grèce. Ces esprits pénètrent dans les appartements quoique les portes en soient fermées et y enlèvent les enfants. Voyez aussi Géludes.

Gellone (vallée de). Voy. Pie.

Geloscopie, Espèce de divination qui se tire du rire. On prétend acquérir ainsi la connaissance du caractère d’une personne, et de ses penchants bons ou mauvais. Un rire franc n’annonce certainement pas une âme fausse, et on peut se défier quelquefois d’un rire forcé. Voy. Physiognomonie.

Géludes, sorcières-vampires de l’Orient. Saint Jean Damascène parle de ces monstres qui entraient dans les maisons malgré serrures et verrous, suçaient le sang des enfants ou les enlevaient pour manger leur foie. Mais il cite ces propos comme croyances erronées.

Gématrie. C’est une des divisions de la cabale chez les Juifs. Elle consiste à prendre les lettres d’un mot hébreu pour des chiffres ou nombres arithmétiques, et à expliquer chaque mot par la valeur arithmétique des lettres qui le composent. Selon d’autres, c’est une interprétation qui se fait par la transposition des lettres.

Gemma (Cornélius), savant professeur de Louvain, auteur d’un livre intitulé Des caractèies divins et des choses admirables[11], publié à Anvers, chez Christophe Plantin, architypographe du roi ; 1575, in-12. C’est un tableau des merveilles de la nature dont l’auteur a profondément saisi la marche et le but. Il y a des réflexions admirables, exprimées avec un langage de sentiment qui touche autant qu’il instruit le lecteur.

Génération. Voy. Enfants.

Gengues, devins japonais qui font profession de découvrir les choses cachées et de retrouver les choses perdues. Ils habitent des huttes perchées sur le sommet des montagnes et sont tous extrêmement laids. Il leur est permis de se marier, mais seulement avec de ? femmes de leur caste et de leur secte. Un voyageur prétend que le signe caractéristique de ces devins est une corne qui leur pousse sur la tête. Il ajoute qu’ils sont tous vendus au diable qui leur souffle leurs oracles ; quand leur bail est fini, le diable leur ordonne de l’attendre sur une certaine roche. À midi, ou plus souvent vers le soir, il passe au milieu de l’assemblée ; sa présence cause une vive émotion. Une force irrésistible entraîne alors ces malheureux, qui sont précipités à sa suite et ne reparaissent plus…

Géniane, pierre fabuleuse à laquelle on attribuait la vertu de chagriner les ennemis de ceux qui la portaient. On pouvait de très-loin, en frottant sa pierre, vexer de toute façon les amis dont on avait à se plaindre, et se venger sans se compromettre. Les doctes n’indiquent pas où se trouve cette pierre curieuse.

Génies. La tradition des anges, parvenue altérée chez les païens, en a fait des, génies. Chacun avait son génie. Un magicien d’Égypte avertit Marc-Antoine que son génie était vaincu par celui d’Octave ; et Antoine intimidé se retira vers Cléopâtre[12]. Néron, dans Britannicus, dit en parlant de sa mère :

 Mon génie étonné tremble devant le sien.

Les borborites, hérétiques des premiers siècles de l’Église, enseignaient que Dieu ne peut être l’auteur du mal ; que, pour gouverner le cours du soleil, des étoiles et des planètes, il a créé une multitude innombrable de génies, qui ont été, qui sont et seront toujours bons et bienfaisants ; qu’il créa l’homme indifféremment avec tous les autres animaux, et que l’homme n’avait que des pattes comme les chiens ; que la paix et la concorde régnèrent sur la terre pendant plusieurs siècles, et qu’il ne s’y commettait aucun désordre ; que malheureusement un génie prit l’espèce humaine en affection, lui donna des mains, et que voilà l’origine et l’époque du mal. L’homme alors se procura des forces artificielles, se fabriqua des armes, attaqua les autres animaux, fit des ouvrages surprenants ; et l’adresse de ses mains le rendit orgueilleux ; l’orgueil lui inspira le désir de la propriété et la vanité de posséder certaines choses à l’exclusion des autres ; les querelles et les guerres commencèrent ; la victoire fit des tyrans et des esclaves, des riches et des pauvres. Il est vrai, ajoutent les borborites, que si l’homme n’avait jamais eu que des pattes, il n’aurait pas bâti des villes, ni des palais, ni des vaisseaux ; qu’il n’aurait pas couru les mers ; qu’il n’aurait pas inventé l’écriture, ni composé des livres ; et qu’ainsi les connaissances de son esprit ne se seraient point étendues. Mais aussi il n’aurait éprouvé que les maux physiques et corporels, qui ne sont pas comparables à ceux d’une âme agitée par l’ambition, l’orgueil, l’avarice, par les inquiétudes et les soins qu’on se donne pour élever une famille, et par la crainte de l’opprobre, du déshonneur, de la misère et des châtiments. Aristote observe que l’homme n’est pas supérieur aux animaux parce qu’il a une main, mais qu’il a une main parce qu’il est supérieur aux animaux.

Les Arabes ne croient pas qu’Adam ait été le premier être raisonnable qui ait habité la terre, mais seulement le père de tous les hommes actuellement existants. Ils pensent que la terre était peuplée avant ! a création d’Adam par des êtres d’une espèce supérieure à la nôtre ; que dans la composition de ces êtres, créés de Dieu comme nous, il entrait plus de feu divin et moins de limon. Ces êtres, qui ont habité la terre pendant plusieurs milliers de siècles, sont les génies, qui ensuite furent renvoyés dans une région particulière, mais d’où il n’est pas impossible de les évoquer et de les voir paraître encore quelquefois, par la force des paroles magiques et des talismans. Il y a deux sortes de génies, ajoutent-ils, les péris, ou génies bienfaisants, et les dives, ou génies malfaisants. Gian-ben-gian, du nom de qui ils furent appelés ginnes ou génies, est le plus fameux de leurs rois. Le Ginnistan est un pays de délices et de merveilles, où ils ont été relégués par Taymural, l’un des plus anciens rois de Perse. Ce sont encore là des vestiges altérés de l’ancienne tradition.

Les Chinois ont des génies qui président aux eaux, aux montagnes ; et chacun d’eux est honoré par des sacrifices solennels. — Voy. Fées, Anges, Esprits, etc.

Génirade, médecin matérialiste, ami de saint Augustin et très-connu à Carthage pour sa grande capacité. Il doutait qu’il y eût un autre monde que celui-ci. Mais une nuit il vit en songe un jeune homme qui lui dit : — Suivez-moi. — Il le suivit et se trouva dans une ville où il entendit une mélodie admirable. Une autre fois il vit le même jeune homme qui lui dit : — Me connaissez-vous ? — Fort bien, lui répondit-il. — Et d’où me connaissez-vous ? — Gérinade lui raconta ce qu’il lui avait fait voir dans la ville où il l’avait conduit. Le jeune homme ajouta : — Est-ce en songe ou éveillé que vous avez vu tout cela ? — C’est en songe, répondit le médecin. Le jeune homme dit : — Où est à présent votre corps ? — Dans mon lit. — Savez-vous bien que vous ne voyez rien à présent des yeux du corps ? — Je le sais. — Quels sont donc les yeux par lesquels vous me voyez ?… Comme le médecin hésitait et ne savait que répondre, le jeune homme lui dit encore : — De même que vous me voyez et m’entendez, à présent que vos yeux sont fermés et vos sens engourdis, ainsi après votre mort vous vivrez, vous verrez, vous entendrez, mais des yeux de l’esprit. Ne doutez donc plus. — Génirade conclut que si l’âme pouvait voyager ainsi dans le sommeil, elle n’était donc pas liée à la matière ; et il se convertit.

Gennadius, patriarche de Constantinople. Allant à son église, il rencontra un spectre hideux. Il reconnut que c’était le diable, le conjura et entendit une voix qui lui dit : — Je t’avertis, Gennadius, que durant ta vie je ne pourrai nuire plus que toi à l’Église grecque ; mais après ta mort je la ruinerai. — Le patriarche se mit à genoux, pria pour son Église, et mourut peu après[13]. Ceci se passait tandis que Mahomet II faisait la conquête de l’empire.

Geoffroi d’Iden, chevalier du treizième siècle, qui fut tué dans une guerre injuste au diocèse de Mâcon, et qui revint, deux mois après, réclamer des prières. Il se montra deux fois à deux personnes différentes, portant encore saignante l’énorme blessure qui lui avait donné la mort ; et il obtint ce qu’il demandait. Ces faits, dont toute la contrée ne put douter, sont rapportés par Pierre le Vénérable[14].

Géomancie ou Géomance, divination par la terre. Elle consiste à jeter une poignée de poussière ou de terre au hasard sur une table, pour juger des événements futurs par les lignes et les figures qui en résultent : c’est à peu près le même procédé que celui du marc de café. Selon d’autres docteurs, la géomancie se pratique tantôt en traçant par terre ou sur un globe des lignes et des cercles, sur lesquels on veut deviner ce qu’on a


envie d’apprendre ; tantôt en faisant au hasard, par terre ou sur le papier, plusieurs points sans garder aucun ordre ; les figures que le hasard forme alors fondent un jugement sur l’avenir ; tantôt enfin en observant les fentes et les crevasses qui se font naturellement à la surface de la terre, d’où sortent, dit-on, des exhalaisons prophétiques, comme de l’antre de Delphes.

Gérard. C’est le nom, à ce qu’on croit, de l’architecte qui entreprit la somptueuse basilique de Cologne. Plusieurs traditions se rattachent à cet immense édifice. Selon les unes, le diable en aurait fait le plan et l’aurait offert à Gérard, moyennant un pacte qui lui eût livré son âme. L’architecte aurait d’une main saisi le plan, et de l’autre, armée d’une relique de sainte Ursule, il aurait mis le diable en fuite. Mais en se retirant violemment le diable avait arraché du plan la portion la plus importante ; ce qui fit que le monument n’a pu être achevé. Selon d’autres traditions, Gérard était avancé dans l’érection de sa cathédrale au point où nous la voyons, lorsqu’il paria orgueilleusement avec le diable qu’il aurait achevé sa grande tour avant que lui, Satan, eût terminé le grand aqueduc de Trêves à Cologne, qu’il avait entrepris. Mais le diable gagna le pari, et Gérard humilié se précipita du haut de sa tour, dont personne jusqu’ici n’a entrepris l’achèvement.

Gérard le Diable, garnement du treizième siècle, enfant de grande maison à Gand. La sinistre histoire de ce possédé, de son fils Gérard le Maure et de la tour rouge est établie dans les Légendes infernales.

Gérardine (Rose), pauvre femme de la Lorraine qui fut arrêtée comme sorcière en 1856. Elle confessa qu’on l’avait emmenée au sabbat malgré elle, qu’on l’avait cruellement battue parce qu’elle se refusait à faire le mal qui lui était prescrit ; et elle montrait les traces des plaies qu’elle avait reçues. Elle ne fut pas punie.

Gerbert. Voy. Sylvestre II.

Géréahs. Les habitants de Ceylan croient les planètes occupées par des esprits qui sont les arbitres de leur sort. Ils leur attribuent le pouvoir de rendre leurs favoris heureux en dépit des démons. Ils forment autant d’images d’argile appelées Géréahs qu’ils supposent d’esprits mal disposés ; ils leur donnent des figures monstrueuses et les honorent en mangeant et buvant ; le festin est accompagné de tambours et de danses jusqu’au point du jour : les images sont jetées alors sur les grands chemins, où elles reçoivent les coups et épuisent la colère des démons malintentionnés.

Germanicus, général romain qui fut empoisonné par Plancine. On ne dit pas si ce fut par des parfums ou par un poison plus direct, ou par des maléfices ; mais ce qui est certain, dit Tacite, c’est que l’on trouva dans sa demeure des ossements et des cendres de morts arrachés aux tombeaux, et le nom de Germanicus écrit sur une lame de plomb qu’on avait dévouée à l’enfer[15].

Germar (Gilles), infâme coquin, né à Lyon et arrêté à Dôle pour ses crimes, à travers les guerres de la réforme. Il avoua, sans y être contraint, qu’un jour, habillé en loup-garou, il avait, dans le bois de la Serre près de Dôle, étranglé une jeune fille et qu’après avoir mangé la chair de ses bras et de ses jambes, il en avait porté à sa femme qui partageait ses goûts ; qu’un mois après il avait, sous la même forme de loup-garou, tué une jeune fille pour la manger pareillement, mais qu’il en avait été empêchée par l’arrivée de trois personnes, à l’aspect desquelles il s’était enfui ; que quinze jours plus tard, dans la vigne de Grédisans, il avait tué un enfant et en avait mangé aussi la chair des bras et des jambes ; enfin que, cette fois en sa forme d’homme et non plus en loup-garou, il avait tué un enfant de douze à treize ans dans le bois de Pérouze et qu’il se disposait à le manger lorsqu’on l’avait arrêté. Cet anthropophage fut condamné au feu[16].

Géroldseck, l’un des vieux manoirs des bords du Rhin. Sous ses ruines sont ensevelis Wittich, Siegfried et d’autres chevaliers bandits des plus mauvais jours du moyen âge, attendant le jugement dernier.

Gerson (Jean Charlier de), chancelier, pieux et savant, de l’université de Paris, mort en 1429, auteur de l’Examen des esprits, où l’on trouve des règles pour discerner les fausses révélations des véritables ; auteur aussi de l’Astrologie réformée, qui eut un grand succès. Nous ne parlons pas ici de ses ouvrages de piété.

Gert (Berthomine de), sorcière de la ville de Préchac en Gascogne, qui confessa vers 1608 que, lorsqu’une sorcière revenant du sabbat était tuée dans le chemin, le diable avait l’habitude de prendre sa figure, et de la faire reparaître et mourir dans son logis pour la tenir en bonne réputation. Mais si celui qui l’a tuée a quelque bougie ou chandelle de cire sur lui, et qu’il en fasse une croix sur la morte, le diable ne peut, malgré toute sa puissance, la tirer de là, et par conséquent est forcé de l’y laisser[17].

Gervais, archevêque de Reims, mort en 1067, dont on conte cette aventure. Un chevalier normand qui le connaissait, voulant, pour le besoin de son âme, aller à Rome visiter les tombeaux des saints apôtres, passa par Reims, où il demanda à l’archevêque sa bénédiction, puis il reprit son chemin, dont il s’était écarté. Il arriva à Rome et fit ses oraisons. Il voulut ensuite aller au mont Saint-Ange. Dans son chemin, il rencontra un ermite qui lui demanda s’il connaissait Gervais, archevêque de Reims ; à quoi le voyageur répondit qu’il le connaissait. — Gervais est mort, reprit l’ermite. — Le Normand demeura stupéfait ; il pria l’inconnu de lui dire comment il savait cette nouvelle. L’ermite lui répondit, qu’ayant passé la nuit en prière dans sa cellule, il avait entendu le bruit d’une foule de gens qui, marchaient le long de son corridor en faisant beaucoup de bruit ; qu’if avait ouvert sa fenêtre, et demandé où ils allaient ; que l’un d’eux lui avait répondu : Nous sommes les anges de Satan ; nous venons de Reims. Nous emportions l’âme de Gervais ; mais à cause de ses bonnes œuvres, on vient de nous l’enlever, ce qui nous fâche rudement. Le pèlerin remarqua le temps et le jour où il avait appris tout cela, et de retour à Reims, il trouva que l’archevêque Gervais était mort à la même heure[18].

Geyseric, démoniaque goth, dont l’âme fut emportée par le diable en enfer après que son corps eut crevé, comme ceux de Bucer et d’Arius, pendant qu’il était au lit[19].

Ghilcul ou Gilgoul. Chez les Juifs modernes c’est la métempsycose ou transmigration des âmes en d’autres corps, doctrine reçue dans quelques-unes de leurs sectes. Selon une de leurs traditions, le prophète Élie avait été auparavant Phinéès, fils d’Aaron.

Ghirardelli (Corneille), franciscain, né à Bologne vers la fin du seizième siècle. Il étudia l’astrologie et la métoposcopie ; on connaît de lui des discours astrologiques, des almanachs comme celui de Matthieu Laensberg, enfin la Céphalonie physionomique, avec cent têtes dessinées et des jugements sur chaque figure, lesquels jugements sont renfermés en un sonnet rehaussé d’un distique ; in-4o, 1630.

Gholes. La croyance aux vampires, aux gholes, aux lamies, qui sont à peu près le même genre de spectres, est répandue de temps immémorial chez les Arabes, chez les Perses, dans la Grèce moderne et dans tout l’Orient. Les Mille et une Nuits et plusieurs autres contes arabes roulent sur cette matière, et maintenant encore cette terrible superstition porte l’épouvante dans plusieurs contrées de la Grèce moderne et de l’Arabie. Les gholes sont du sexe féminin. On en cite des histoires qui remontent jusqu’au dixième siècle et même jusqu’au règne d’Haroun al Raschid. Elles mangent la chair humaine et boivent le sang, comme les loups-garous plutôt que comme les vampires, car elles n’ont pas toujours besoin d’être mortes pour se livrer à leurs festins funèbres. Quand la chair vivante leur manque, elles vont dans les cimetières déterrer les cadavres frais. Ces traditions doivent être fondées sur des faits sinistres.

On voit aussi dans les contes orientaux une espèce de vampire qui ne peut conserver son odieuse vie qu’en avalant de temps en temps le cœur d’un jeune homme : ces contes prouvent que les horribles idées du vampirisme sont anciennes en Arabie.

Ghoolée-Beenban, vampire, ou lamie ou ghole. Les Afghans croient que chaque solitude, chaque désert de leur pays est habité par un démon, qu’ils appellent le Ghoolée-Beenban ou le spectre de la solitude. Ils désignent souvent la férocité d’une tribu en disant qu’elle est sauvage comme le démon du désert.

Giall, fleuve des enfers Scandinaves ; on le passe sur un pont appelé Giallar.

Gian-ben-Gian. Voy. Génies.

Gibel, c’est l’Etna, montagne volcanique au sommet de laquelle se trouve un cratère d’où l’on entend lorsqu’on prête l’oreille des gémissements et un bouillonnement effroyable. Les Grecs jetaient dans ce soupirail des vases d’or et d’argent, et regardaient comme un bon présage que la flamme ne les repoussât pas ; ils pensaient apaiser par là les dieux de l’enfer, dont ils croyaient que cette ouverture était une des entrées[20].

Gilbert, démon dont parle Olaùs Magnus. Il se montrait chez les Ostrogoths et il avait enchaîné dans une caverne le savant Catillus, nécromancien suédois qui l’avait insulté[21].

Gilles de Chin, chevalier célèbre par sa force et son courage, est regardé comme le vainqueur d’un dragon terrible qui désolait les environs de Mons dans le Hainaut. On montre la tête du dragon à l’hôtel de ville de Mons, et on voyait à l’abbaye de Saint-Guislain l’épitaphe de Gilles de Chin ; mais elle a disparu avec la vieille église[22].

Gilles de Vailladoros. Voy. Vailladoros.

Gilo. Voy. Gello.

Gimi ou Gimin, génies que les musulmans croient d’une nature mitoyenne entre l’ange et l’homme. Ce sont nos esprits follets.

Ginguérers, cinquième tribu des géants ou génies malfaisants chez les Orientaux.

Ginnes, génies femelles chez les Persans, qui les disent maudites par Salomon, et formées d’un feu liquide et bouillonnant avant la création de l’homme.

Ginnistan, pays imaginaire où les génies malfaisants font leur résidence, selon les opinions populaires des Persans. Voy. Génies.

Ginnungagap, nom de l’abîme, partie de l’enfer chez les Scandinaves.

Gioerninca-Vedur. Les Islandais appellent de ce nom le pouvoir magique d’exciter des orages et des tempêtes, et de faire périr des barques et des bâtiments en mer. Cette idée superstitieuse appartient autant à la magie moderne qu’à l’ancienne. Les ustensiles que les initiés emploient sont très-simples : par exemple une bajoue de tête de poisson sur laquelle ils peignent ou gravent différents, caractères magiques, entre autres la tête du dieu Thor, de qui ils ont emprunté cette espèce de magie. Le grand art consiste à n’employer qu’un ou deux caractères, et tout leur secret est que les mots Thor hafot ou hafut puissent être lus devant eux ou en leur absence, sans être compris de ceux qui ne sont pas admis à la connaissance de ces mystères.

Giourtasch, pierre mystérieuse que les Turcs orientaux croient avoir reçue de main en main de leurs ancêtres en remontant jusqu’à Japhet, fils de Noé, et qu’ils prétendent avoir la vertu de leur procurer de la pluie quand ils en ont besoin.

Girard (Jean-Baptiste), jésuite né à Dole en 1680. Les ennemis de la société de Jésus n’ont négligé aucun effort pour le présenter comme un homme de scandale. Ils l’ont accusé d’avoir séduit une fille nommée Catherine Cadière, et sur ce thème ils ont bâti tous les plus hideux romans. Cette fille, folle ou malade, sembla possédée dans les idées du temps ou le fut peut-être, et on dut l’enfermer aux Ursulines de Brest. Sur quelques divagations qu’elle débita, un procès fut intenté par le parlement d’Aix. Mais toutes choses examinées et pesées, il fallut se borner à rendre Catherine Cadière à sa famille. On ne put pas même trouver moyen d’impliquer le père Girard dans cette affaire comme coupable, quoiqu’on eût ameuté trois partis violents contre lui, les jansénistes, le parlement et les philosophes. — Ce qui n’a pas empêché les écrivains antireligieux de faire revivre sur son compte des calomnies condamnées. On a rassemblé ces calomnies en six gros volumes. L’avocat janséniste François Richer les a concentrées dans ses Causes célèbres avec une férocité haineuse qui fait peine. Fréron, dans l’Année littéraire 1772, t. II, p. 250, a pulvérisé, preuves en main, cet échafaudage d’odieux mensonges. Ce qui n’a pas empêché une tête obtuse dans son fiel de les republier de nos jours en une brochure in-8o intitulée Détails historiques sur le père Girard, jésuite, et mademoiselle Cadière de Toulon, imprimée à Nîmes, chez Rallivet et Fabre, 1844. Au résumé, la Cadière était une coquine, le père Girard un saint et ses calomniateurs des faussaires[23].

Girtanner, docteur de Gcettingue qui a annoncé que, dans le dix-neuvième siècle, tout le monde aurait le secret de la transmutation des métaux ; que chaque chimiste saurait faire de l’or ; que les instruments de cuisine seraient d’or et d’argent, ce qui contribuera beaucoup, dit-il, à prolonger la vie, qui se trouve aujourd’hui compromise par les oxydes de cuivre, de plomb et de fer que nous avalons avec notre nourriture[24]. Les bons chimistes actuels partagent cet avis.

Gitanos, mot espagnol, qui veut dire Égyptiens. Voy. Bohémiens.

Giwon, esprit japonais. Les habitants croient qu’il veille particulièrement à la conservation de leur vie, et qu’il peut les préserver de tout accident fâcheux, comme des chutes, des mauvaises rencontres, des maladies et surtout de la petite vérole. Aussi ont-ils coutume de placer sur la porte de leurs maisons l’image de Giwon.

Glanvil, curé anglican d’Abbey-Church à Bath, mort en 1680. On lui attribue un traité des Visions et apparitions, in-8o, Londres, 1700 ; mais il est certainement auteur d’un ouvrage intitulé Considérations philosophiques touchant l’existence des sorciers et la sorcellerie, 1666, in-4o.

Glaphyra, épouse d’Alexandre, fils de cet effroyable Hérode, qu’on a appelé Hérode le Grand. Cette princesse, ayant perdu Alexandre, se maria avec Archelaüs, son beau-frère, et mourut la nuit même de ses noces, l’imagination troublée par la vision de son premier époux, qui semblait lui reprocher ses secondes noces avec son frère[25].

Glasialabolas. Voy. Caacrinolaas.

Gleditch. Voy. Hallucinations.

Glocester. Sous Henri VI, les ennemis de la duchesse de Glocester, voulant la perdre, l’accusèrent d’être sorcière. On prétendit qu’elle avait eu des entretiens secrets avec Roger Bolingbroke, soupçonné de nécromancie, et Marie Gardemain, réputée sorcière. On déclara que ces trois

La duchesse de Glocester.

personnes réunies avaient, à l’aide de cérémonies diaboliques, placé sur un feu lent une effigie du roi faite en cire, dans l’idée que les forces de ce prince s’épuiseraient à mesure que la cire fondrait, et qu’à sa totale dissolution la vie de Henri VI serait terminée. Cette accusation s’accrédita sans peine. Tous trois furent déclarés coupables, et ni le rang ni l’innocence ne purent les sauver. La duchesse fut condamnée à un emprisonnement perpétuel, Roger Bolingbroke pendu et Marie Gardemain brûlée dans Smithfield[26].

Glubbdubdrib. Ile des sorciers dansles voyages de Gulliver. Swift y fait des contes très-piquants.

Gnomes, esprits élémentaires amis de l’homme, composés des plus subtiles parties de la terre, dont ils habitent les entrailles, selon les cabalistes. — La terre, disent-ils, est presque jusqu’au centre remplie de gnomes, gens de petite


stature, gardiens des trésors, des mines et des pierreries. Ils aiment les hommes, sont ingénieux et faciles à gouverner. Ils fournissent aux cabalistes tout l’argent qui leur est nécessaire et ne demandent guère, pour prix de leurs services, que la gloire d’être commandés. Les gnomides, leurs femmes, sont petites, mais agréables, et vêtues d’une manière fort curieuse[27]. Les gnomes vivent et meurent à peu près comme les hommes ; ils ont des villes et se rassemblent en sociétés. Les cabalistes prétendent que ces bruits qu’on entendait, au rapport d’Aristote, dans certaines îles, où pourtant on ne voyait personne, n’étaient autre chose que les réjouissances et les fêtes de noces de quelque gnome. Ils ont une âme mortelle ; mais ils peuvent se procurer l’immortalité en contractant des alliances avec les hommes. Voy. Incubo, Cabale, Pygmées, Nains, Gobelins, Kobold, etc.

Gnostiques, hérétiques qui admettent une foule de génies producteurs de tout le monde. Leur nom signifie illuminés ; ils l’avaient pris parce qu’ils se croyaient plus éclairés que les autres hommes. Ils parurent au premier et au deuxième siècle, principalement dans l’Orient. Ils honoraient, parmi les génies, ceux qu’ils croyaient avoir rendu au genre humain les bons offices les plus importants. Ils disaient que le génie qui avait appris aux hommes à manger le fruit de l’arbre de la science du bien et du mal avait fait pour nous quelque chose de très-signalé… Ils l’honoraient sous la figure qu’il avait prise, et tenaient un serpent enfermé dans une cage : lorsqu’ils célébraient leurs mystères, ils ouvraient la cage et appelaient le serpent, qui montait sur une table où étaient les pains, et s’entortillait alentour. C’est ce qu’ils appelaient leur eucharistie… Les gnostiques, auxquels se rattachaient les basilidiens, les ophites, les simoniens, les carpocratiens, etc., tentèrent contre le Catholicisme de grands efforts. Leur serpent, non plus que les autres, n’y put faire qu’user ses dents. Voy. Tête de Bophomet, Éons, etc.

Goap, roi des démons de midi. On peut l’évoquer de trois heures du matin à midi, et de neuf heures du soir à minuit[28].

Gobbino. Voy. Imagination.

Gobelins, espèce de lutins domestiques qui se retirent dans les endroits cachés de la maison, sous des tas de bois. On les nourrit des mets les plus délicats, parce qu’ils apportent à leurs maîtres du blé volé dans les greniers d’autrui. Ils sont de l’espèce des cobales. On dit que la manufacture des Gobelins à Paris doit son nom à quelques follets qui, dans l’origine, venaient travailler avec les ouvriers et leur apprendre à faire de beaux tapis. C’est d’eux, ajoute-t-on, qu’on tient le secret des riches couleurs.

Les Normands regardent les Gobelins comme les bons génies des campagnes. S’ils sont irrités cependant, ils entrent dans les maisons et changent les enfants, mettant le fils d’un prince dans le berceau d’un fils de mendiant et celui-ci dans le berceau royal.

On appelait Gobelin ce démon d’Évreux que saint Taurin expulsa, mais qui, ayant montré un respect particulier au saint exorciste, obtint la permission de ne pas retourner en enfer, et continua de hanter la ville sous diverses formes, à condition qu’il se contenterait de jouer des tours innocents aux bons chrétiens de l’Eure. Mais le Gobelin d’Évreux semble s’être ennuyé de ses espiègleries depuis quelques années, et il a rompu son ban pour aller tourmenter les habitants de Caen. L’un de ces derniers hivers, les bourgeois de la bonne ville de Guillaume le Bâtard furent souvent effrayés de ses apparitions. Il s’était affublé d’une armure blanche et se grandissait jusqu’à pouvoir regarder à travers les fenêtres des étages les plus élevés. Un vieux général rencontra ce diable importun dans une impasse et le défia, mais Gobelin lui répondit : — Ce n’est pas de toi que j’ai reçu ma mission, ce n’est pas à toi que je dois en rendre compte. Le général ayant insisté, six diables blancs de la même taille sortirent tout à coup de terre, et le général jugea prudent de battre en retraite devant le nombre. Le journal du département rendit justice à son courage ; mais le général n’eut pas moins besoin de se faire saigner par le docteur Vastel. Voy. Lutins, Follets, Kobold, etc.

Gobineau de Montluisant, gentilhomme chartrain qui cherchait la pierre philosophale. Il voyait toute la science hermétique exposée dans les sculptures qui décorent le portail de Notre-Dame de Paris. Le Père éternel et les deux anges qui sont auprès de lui représentent, dit-il, le Créateur tirant du néant le souffre incombustible et le mercure de vie, figurés par ces deux anges. Une figure a sous ses pieds un dragon volant qui mort sa queue ; elle n’est pas autre chose que la pierre philosophale, composée de deux substances, la fixe et la volatile. La gueule du dragon dénote le sel fixe qui, par sa siccité, dévore le volatile que désigne la queue glissante de l’animal. Une autre figure a sous ses pieds un chien et une chienne qui s’entre-mordent. C’est encore la lutte de l’humide et du sec, etc. Le savant abbé Lebœuf a vu ces figures avec d’autres yeux. La statue qui foule aux pieds le dragon est Jésus-Christ vainqueur du démon ; l’autre, qui a au-dessous d’elle un chien et une chienne, représente le même Jésus-Christ écrasant le péché et l’hérésie, etc.

Gobs, lutins écossais du genre des Gobelins.

Gobes. On appelle gobes, dans la campagne, des boules sphériques que l’on trouve quelquefois dans l’estomac des animaux ruminants, et qui sont formées de poils avalés spontanément, mêlés de fourrages et agglutinés par les sucs gastriques. On persuaderait difficilement à la plupart des gens de la campagne que ces boules ne sont pas l’effet d’un sort[29].

Godeslas, meunier du diocèse de Maëstricht, qui se raillait des Croisés et du saint sépulcre, et qui fut emporté par le diable[30].

Godeslas.


Godwin, comte de Kent. Voy. Emma.

Godwin, écrivain anglais qui a publié la Vie des nécromanciens, ou histoire des personnages
les plus célèbres auxquels on a attribué, dans les différents âges, une puissance surnaturelle.

Goëthe, auteur du drame de Faust, qui a fait un si grand bruit. M. François Hugo a démontré que le fond de ce poëme appartient à Marlowe, poëte anglais, antérieur à Goëthe de deux siècles.

Goétie. La goétie est une phase de la magie, qui consiste à s’adresser aux esprits de l’abîme pour se les rendre favorables et arracher leurs secrets par des enchantements, des formules mystérieuses, des conjurations, des amulettes et des talismans.

Quand on s’adresse aux puissances de la lumière, c’est la théurgie.

Il y a dans le magnétisme des faits qui tiennent de la goétie et d’autres qui sont de la théurgie. — La goétie est la magie noire des temps antiques, et la théurgie leur magie blanche.

Goffe (Marie), femme de Rochester, qui se sentant mourir témoigna un ardent désir de revoir ses enfants, dont elle était éloignée de quelques lieues. C’était le 3 juin 1691. On lui fit comprendre qu’elle ne pouvait être transportée ; ce qui l’affligea vivement. À deux heures du matin, le 4 juin, elle eut une sorte d’extase qui la mit auprès de ses enfants. Elle sortit de son évanouissement au point du jour, toute joyeuse de les avoir revus ; et ce qui est singulier, c’est que la bonne qui gardait les enfants avait vu avec surprise leur mère assise en silence sur leur lit à l’heure même où elle était évanouie, à quatre lieues de là. La pauvre mère mourut ce même jour.

Goguis, démons de forme humaine qui accompagnent les pèlerins du Japon dans leurs voyages, les font entrer dans une balance et les contraignent de dire leurs péchés. Si les pèlerins taisent une de leurs fautes dans cet examen, les diables font pencher la balance, de sorte qu’ils ne peuvent éviter de tomber dans un précipice où ils se rompent tous les membres[31].

Gohorry (Jacques), écrivain alchimiste assez ignoré.

Goîtres. Les Arabes prétendent guérir cette infirmité avec des amulettes. Le docteur Abernethy, que l’on consultait sur la manière de dissiper un goitre, répondit : « Je crois que le meilleur topique serait de siffler… »

Goldner. On lit dans la Chronique de Thorn, en Prusse, que le fils d’un marchand de cette ville, nommé Goldner, avait un enfant obsédé par un esprit frappeur. Cet esprit se montrait quelquefois en forme de bouc, de chevreuil ou d’autre animal, battait l’enfant et le tourmentait de plusieurs manières ; ce qui dura trois mois de l’année 1665.

Gomory, puissant duc des enfers ; il apparaît sous la forme d’une femme ; il a une couronne ducale sur ta tête, et il est monté sur un


chameau. Il répond sur le présent, le passé et l’avenir ; il fait découvrir les trésors cachés ; il commande à vingt-six légions[32].

Gonderic, roi des Vandales, qui fut, à l’exemple de Geyseric et de Bucer, éventré par le diable, et dont l’âme, selon les chroniqueurs, fut conduite en enfer[33].

Gonin. Les Français d’autrefois donnaient le nom de maître gonin à leurs petits sorciers,


charmeurs, escamoteurs et faiseurs de tours de passe-passe[34].

Gontran. Helinand conte qu’un soldat nommé Gontran, de la suite de Henry, archevêque de Reims, s’étant endormi en pleine campagne après le dîner, comme il dormait la bouche ouverte, ceux qui l’accompagnaient, et qui étaient éveillés, virent sortir de sa bouche une bête blanche semblable à une petite belette, qui s’en alla droit à un ruisseau assez près de là. Un homme d’armes, la voyant monter et descendre le bord du ruisseau pour trouver un passage, tira son épée et en fit un petit pont sur lequel elle passa et courut plus loin… Peu après, on la vit revenir, et le même homme d’armes lui fit de nouveau un pont de son épée. La bête passa une seconde fois et s’en retourna à la bouche du dormeur, où elle rentra… Il se réveilla alors ; et comme on lui demandait s’il n’avait point rêvé pendant son sommeil, il répondit qu’il se trouvait fatigué et pesant, ayant fait une longue course et passé deux fois sur un pont de fer. Mais ce qui est plus merveilleux, c’est qu’il alla par le chemin qu’avait suivi la belette ; qu’il bêcha au pied d’une petite colline et qu’il déterra un trésor que son âme avait vu en songe. Le diable, dit Wierus, se sert souvent de ces machinations pour tromper les hommes et leur faire croire que l’âme, quoique invisible, est corporelle et meurt avec le corps ; car beaucoup de gens ont cru que cette bête blanche était l’âme de ce soldat, tandis que c’était une imposture du diable…

Goo, épreuve par le moyen de pilules de papier que les jammabos, fakirs du Japon, font avaler aux personnes soupçonnées d’un vol ou de quelque autre délit. Ce papier est rempli de caractères magiques et de représentations d’oiseaux noirs ; le jammabos y met ordinairement son cachet. Le peuple est persuadé que si celui qui prend cette pilule est coupable, il ne peut la digérer et souffre cruellement jusqu’à ce qu’il confesse son crime. Voy. Khomano-Goo.

Goodwin. Voy. Parris.

Gœrres, auteur contemporain d’un très-savant livre, qui a pourtant quelques erreurs : La Mystique divine, naturelle et diabolique. Cet ouvrage a été traduit en français par M. ch. {{rom|SainteFoi. 5 vol. in-8o, 1855.

Gorson, l’un des principaux démons, roi de l’Occident ; il est visible le matin à neuf heures[35].

Gouffres. On en a souvent fait des objets d’effroi. Sur une montagne voisine de Villefranche, on trouve trois gouffres ou étangs considérables, qui sont toujours le théâtre des orages ; les habitants du pays croient que le diable est au fond, et qu’il ne faut qu’y jeter une pierre pour qu’il s’élève aussitôt sur ces étangs une tempête.

Gougou. « Champlain, à la fin de son premier voyage au Canada, en 1603, raconte que « proche de la baie des Chaleurs, tirant au sud, » est une île où fait résidence un monstre épouvantable que les sauvages appellent Gougou. » Le Canada avait son géant, comme le cap des Tempêtes avait le sien. Homère est le véritable père de ces inventions ; ce sont toujours les chameau cyclopes, Charybde et Scylla, ogres ou gougous[36]. »

Goul, espèce de larves ou sorcières vampires qui répondent aux empuses des anciens. C’est la même chose que ghole.

Goule (la grande). C’est un énorme dragon que l’on promenait à Poitiers aux processions des Rogations. On l’appelait la bonne sainte vermine ; ce qui est assez singulier ; car elle représentait le démon, que la foi chrétienne avait détrôné. Il en était ainsi de la Chair Salée de Troyes, de la Graouilli de Metz, de la Gargouille de Rouen, du Dragon de saint Marcel à Paris, de la Tarasque à Tarascon.

Gouleho, génie de la mort chez les habitants des îles des Amis. Il gouverne un royaume sombre où se rendent les âmes.

Gourmandise (la), péché capital, odieux au Ciel et à la terre, et qui envoie aux enfers beaucoup de recrues. Elle a un autre effet, qui suffirait peut-être aux matérialistes pour les faire hésiter devant elle : c’est qu’elle amène brusquement le triomphe de cet âpre squelette que nous appelons la mort.

Goyon. Voy. Matignon.

Graa, sorte d’immortelle (plante) que les Islandais employaient autrefois à la magie, et qui servait aussi à écarter les sorciers.

Grains bénits. On se sert encore dans les campagnes (et cette coutume est désapprouvée par l’Église comme superstitieuse) de certains grains dits bénits qui ont la propriété de délivrer les possédés par l’attouchement, d’éteindre les incendies et les embrasements, de garantir du tonnerre, d’apaiser les tempêtes, de guérir la peste, la fièvre, la paralysie ; de délivrer des scrupules, des inquiétudes d’esprit, des tentations contre la foi, du désespoir, des magiciens et des sorciers[37].

Grains de blé, divination du jour de Noël. Dans plusieurs pays du Nord, on fait, le jour de Noël, une cérémonie qui ne doit pas manquer d’apprendre au juste combien on aura de peine à vivre dans le courant de l’année. Les paysans surtout pratiquent cette divination. On se rassemble auprès d’un grand feu, on fait rougir une plaque de fer ronde, et, lorsqu’elle est brûlante, on y place douze grains de blé sur douze points marqués à la craie, auxquels on a donné les noms des douze mois de l’année. Chaque grain qui brûle annonce disette et cherté dans le mois qu’il désigne ; et si tous les grains disparaissent, c’est le signe assuré d’une année de misères. Triste divination !

Graisse des sorciers. On assure que le diable se sert de graisse humaine pour ses maléfices. Les sorcières se frottent de cette graisse pour aller au sabbat par la cheminée ; mais celles de France croient qu’en se mettant un balai entre les jambes, elles sont transportées sans graisse ni onguent. Celles d’Italie ont toujours un bouc à la porte pour les transporter. Gralon. Voy. Is.


Grandier en prison.

Grandier (Urbain). L’histoire de cet homme n’est guère connue du public que par le livre du calviniste Saint-Aubin, qui l’a écrite sous le titre d’Histoire des diables de Loudun, et qui avait intérêt, dans l’esprit de sa secte, à travestir les faits. Son livre, on le reconnaît aujourd’hui, n’est qu’un pamphlet menteur et calomnieux. Grandier était malheureusement un prêtre plus dissipé, comme le disent les récits du temps, que sa condition ne le comportait. Il avait donc là un titre aux sympathies des ennemis de l’Église romaine. Il y avait depuis sept ans à Loudun un couvent d’ursulines, que Grandier voulut séduire. Il ensorcela les religieuses, comme on disait alors ; on dirait aujourd’hui il les magnétisa, au moyen de fleurs charmées qu’il leur fit parvenir ; et ces saintes filles devinrent possédées et frénétiques. Les phénomènes que produit le magnétisme sous nos yeux expliquent bien des faits que les dissidents et les philosophes ont traités d’absurdes, et qu’on ne peut plus révoquer en doute. Une procédure fut entamée, suivie avec beaucoup d’ordre, de lenteur et de sagesse. Grandier, en prison, composait ou fredonnait des chansons. Il fut condamné à mort. On s’est récrié contre cette sentence et on a gémi à propos de son exécution. Mais le magnétisme et les tables tournantes ont produit ou produiront des crimes, qui seront, aussi bien que ceux de Grandier, du ressort des cours prévôtales ou des cours d’assises. Voy. Loudun[38].

Grando Une légende citée par Görres[39] parle d’un vampire nommé Grando, qui inquiéta assez longtemps les habitants de la Carniole. On le trouva tout rouge, longtemps après sa mort. Son visage fit les mouvements du rire lorsqu’on le découvrit, et il bâilla comme pour respirer l’air frais. On lui présenta un crucifix ; aussitôt il versa des larmes. Après qu’on eut prié pour le repos de son âme, on eut recours à l’expédient qui délivre des vampires, on lui coupa la tête ; il poussa un cri, se tourna et se tordit comme s’il eût été vivant et remplit tout le cercueil de son sang…

Grange du diable. On voit encore à la ferme d’Hamelghem, qui appartient à M. d’Hoogsvorth, et qui est tenue par M. Sterckx, frère de l’archevêque de Malines, ferme dépendante de la commune d’Osselt, entre Meysse et Ophem, à une bonne lieue de Vilvorde, à trois lieues de Bruxelles ; en allant par Laeken, on voit, dis-je, dans cette ferme une grange, qui passe pour la plus vaste du pays, mais qui en est assurément la plus remarquable, et qu’on appelle la Grange du Diable (Duyvel’s dak).

Il n’y a presque pas de province où l’on ne montre, dans quelque ferme écartée, une grange mal famée qu’on appelle la Grange du diable. Par suite d’un pacte avec un paysan dans l’embarras, c’est toujours le diable qui l’a bâtie en une nuit, et partout le chant du coq l’a fait fuir avant qu’il eût gagné son pari ; car il y a un trou qui n’est pas couvert, ou quelque autre chose qui manque à toutes ces granges. On en cite plusieurs qui sont fameuses[40].

Granson. Paul Diacre (Hist. Longob.) raconte ceci : Deux seigneurs lombards, nommés Aldon et Granson, ayant déplu à Cunibert, roi de Lombardie, ce prince résolut de les faire mourir. Il s’entretenait de ce projet avec son favori, lorsqu’une grosse mouche vint se planter sur son front et le piqua vivement ; Cunibert chassa l’insecte, qui revint à la charge, et qui l’importuna jusqu’à le mettre dans une grande colère. Le favori, voyant son maître irrité, ferma la fenêtre pour empêcher l’ennemi de sortir et se mit à poursuivre la mouche, pendant que le roi tira son poignard pour la tuer. Après avoir sué bien longtemps, Cunibert joignit l’insecte fugitif, le frappa ; mais il ne lui coupa qu’une patte, et la mouche disparut. — Au même instant Aldon et Granson, qui étaient ensemble, virent apparaître devant eux une espèce d’homme qui semblait épuisé de fatigue et qui avait une jambe de bois. Cet homme les avertit du projet du roi Cunibert, leur conseilla de fuir et s’évanouit tout aussitôt. Les deux seigneurs rendirent grâces à l’esprit de ce qu’il faisait pour eux ; après quoi ils s’éloignèrent comme l’exigeaient les circonstances.

Grasvitnir, dragon Scandinave qui épouvante le monde de ses sifflements dans les tempêtes.


Gratarole.

Gratarole (Guillaume), médecin du seizième siècle, mort en 1568. Il est auteur d’un ouvrage intitulé Observations des différentes parties du corps de l’homme pour juger de ses facultés morales[41]. Bâle, 1554, in-8. Il a composé aussi sur l’Antéchrist un ouvrage que nous ne connaissons pas ; enfin, des traités sur l’alchimie et sur l’art de faire des almanachs.

Gratianne (Jeannette), habitante de Sibour ou Siboro, au commencement du dix-septième siècle. Accusée de sorcellerie à l’âge de seize ans, elle déposa qu’elle avait été menée au sabbat ; qu’un jour le diable lui avait arraché un bijou de cuivre qu’elle portait au cou ; ce bijou avait la forme d’un poing serré, le pouce passé entre les doigts, ce que les femmes du pays regardaient comme un préservatif contre toute fascination et sortilège. Aussi le diable ne le put emporter, mais le laissa près de la porte. Elle assura aussi qu’en revenant un jour du sabbat, elle avait vu le diable en forme d’homme noir, avec six cornes sur la tête, une queue au derrière, deux visages, etc. ; que, lui ayant été présentée, elle en avait reçu une grosse poignée d’or ; qu’il l’avait fait renoncer à son Créateur, à la sainte Vierge, à tous les saints et à tous ses parents[42]

Gratidia, devineresse qui trompa Pompée, comme le rapporte Horace : car lui ayant demandé l’issue de la guerre de Pharsale, elle l’assura qu’il serait victorieux ; néanmoins il fut vaincu[43].

Gratoulet, insigne sorcier qui apprenait le secret d’embarrer ou nouer l’aiguillette, et qui s’était vendu à Belzébuth. Il donna des leçons de sorcellerie à Pierre Aupetit, condamné en 1598.

Greatrakes (Valentin), empirique qui fit du bruit en Angleterre dans le dix-septième siècle ; il était né en Irlande en 1628. On ignore la date de sa mort. Il remplit de brillants emplois, mais il avait la tête dérangée. En 1662, il lui sembla entendre une voix lui dire qu’il avait le don de guérir les écrouelles ; il voulut en user et se crut même appelé à traiter toutes les maladies : ce qui lui attira une grande célébrité. Cependant une sentence de la cour de l’évêque de Lismore lui défendit de guérir. Sa méthode consistait à appliquer les mains sur la partie malade et à faire de légères frictions de haut en bas ; étaitce du magnétisme ? Il touchait même les possédés, qui tombaient dans des convulsions aussitôt qu’ils le voyaient ou l’entendaient parler. Plusieurs écrivains se moquèrent de lui. Saint-Évremont écrivit contre la folle confiance qu’on lui accordait. Mais Greatrakes a eu des défenseurs, et Deleuze, dans son Histoire du magnétisme animal, l’a présenté sous un jour qui fait voir que c’était en effet un magnétiseur.

Green (Christine), Anglaise du dix-septième siècle, citée par Glanvil. Elle avait un esprit familier qui vivait avec elle sous la forme d’un hérisson, et lui suçait tous les matins un peu de sang pour lui donner des extases.

Grégoire le Thaumaturge (saint). Voy. Idoles.

Grégoire VII ( saint), l’un des plus grands papes, sauva l’Europe au onzième siècle. Comme il fit de grandes choses pour l’unité, il eut des ennemis dans tous les hérétiques, et en dernier lieu dans les protestants, qui l’accusèrent de magie et même de commerce avec le diable. Leurs mensonges furent stupidement répétés par les catholiques. Ce saint pape vient d’être bien vengé ; car l’histoire, qui lui rend justice enfin, est écrite par un protestant (Voigt)[44].

Greillmeil, sorcier. Voy. JacquesIer.

Grêle. Chez les Romains, lorsqu’une nuée paraissait disposée à se résoudre en grêle, on immolait des agneaux ; ou, par quelque incision à un doigt, on en faisait sortir du sang dont la vapeur, montant jusqu’à la nuée, l’écartait ou la dissipait entièrement : ce que Sénèque réfute comme une folie[45].

Grenier (Jean), loup-garou qui florissait vers l’an 1600. Accusé d’avoir mangé des enfants, par Jeanne Garibaut et par d’autres, quoiqu’il eût à peine quinze ans, il avoua qu’il était fils d’un prêtre noir (prêtre du sabbat), qui portait une peau de loup[46], et qui lui avait appris le métier. On le condamna à servir toute sa vie dans un couvent, où il se convertit. Voy. Poirier et Pierre Larourant.

Grenouille. On n’ignore pas cet admirable secret des paysans, que la grenouille des buissons, coupée et mise sur les reins, fait tellement uriner, que les hydropiques en sont guéris Voy. Messie des Juifs, Tremblement de terre, etc.

Des philosophes allemands ont prétendu, à force de profondes recherches, établir que nous descendons de la grenouille, qui, peu à peu, s’est perfectionnée : ce qu’elle ne fait pourtant plus. Et Lavater a fait graver un tableau pour montrer qu’au moyen d’une vingtaine de transitions légères, une tête de crapaud devient une tête d’Apollon…

Grésili, l’un des démons qui possédaient Louise Capelle, compagne de Madeleine de la Palud.

Grey-Meil, Anglaise qui remplissait au sabbat les fonctions de portière, dans la procédure’,’d’Agnès Sampson, dirigée par le roi Jacques.

Griffon. Brown assure qu’il y a des griffons, c’est-à-dire des animaux mixtes qui par devant ressemblent à l’aigle et par derrière au lion, avec des oreilles droites, quatre pieds et une large queue. Des traditions du moyen âge donnaient au griffon l’aigle pour père et la louve pour mère.

Grigri, démon familier que l’on voit chez les Américains, et surtout dans les forêts du Canada et de la Guinée.

Grillandus (Paul), Castillan, auteur d’un traité des Maléfices (De malejiciis), publié à Lyon en 1555 ; de traités des sortilèges, des lamies, de la torture, etc. ; Lyon, 1536, et de quelques autres ouvrages de ce genre. Il conte quelque part qu’un avocat, ayant été noué par un puissant maléfice que nul art de médecine ne pouvait secourir, eut recours à un magicien qui lui fit prendre, avant de dormir, une certaine potion, et lui dit de ne s’effrayer de rien. À onze heures et demie de la nuit, survint un violent orage accompagné d’éclairs ; l’avocat crut d’abord que la maison lui tombait sur le dos ; il entendit bientôt de grands cris, des gémissements, et vit dans sa chambre une multitude de personnes qui se meurtrissaient à coups de poing et à coups de pied, et se déchiraient avec les ongles et les dents ; il reconnut une certaine femme d’un village voisin, qui avait la réputation de sorcière, et qu’il soupçonnait de lui avoir donné son mal ; elle se plaignait plus que tous et s’était elle-même déchiré la face et arraché les cheveux. Ce mystère dura jusqu’à minuit, après quoi le maître sorcier entra ; tout disparut ; il déclara au malade qu’il était guéri : ce qui fut vrai[47].

Grillon. Dans beaucoup de villages, et surtout en Angleterre, on regarde les grillons qui animent le foyer à la campagne, et qui chantent si joyeusement la nuit, comme de petits esprits familiers d’une nature bienveillante, qui empruntent leur forme exiguë pour échapper aux malices humaines. Beaucoup de villageois se figurent que leur présence porte bonheur dans la famille et qu’on ne les tue pas impunément. Aussi, en général, ne voit-on pas d’un bon œil le pied brutal qui les écrase. « Toute la tribu des grillons se compose de puissants esprits, bien que cela soit ignoré des gens qui ont affaire à eux ; et il n’est pas dans le monde invisible de voix plus gentilles et plus sincères à qui on puisse se fier davantage ou dont les conseils soient plus dévoués et plus sûrs que les voix qu’empruntent ces esprits de l’âtre et du foyer pour s’adresser à l’espèce humaine[48]. »

Grimaldi. Sous le règne de Louis le Débonnaire, il y eut dans toute l’Europe une maladie épidémique qui s’étendit sur les troupeaux. Le bruit se répandit dans le peuple que Grimaldi, duc de Bénévent, ennemi de Charlemagne, avait occasionné ce dégât en faisant répandre de tous côtés une poudre meurtrière par ses afïidés. On arrêta un grand nombre de malheureux soupçonnés de ce crime ; la crainte et la torture leur firent confesser qu’ils avaient en effet répandu cette poudre qui faisait mourir les troupeaux. Saint Agobard, archevêque de Lyon, prit leur défense et démontra que nulle poudre n’avait la vertu d’infecter l’air ; et qu’en supposant même que tous les habitants de Bénévent, hommes, femmes, jeunes gens, vieillards et enfants, se fussent dispersés dans toute l’Europe, chacun suivi de trois chariots de cette poudre, ils n’auraient jamais pu causer le mal qu’on leur attribuait[49].

Grimalkin. C’est le nom que les sorcières anglaises donnent au démon lorsqu’il vient au sabbat sous la figure d’un chat.

Grimalkin.


Grimoire. Tout le monde sait qu’on fait venir le diable en lisant le Grimoire ; mais il faut avoir soin, dès qu’il paraît, de lui jeter quelque chose à la tête, une savate, une souris, un chiffon, autrement on risque d’avoir le cou tordu. Le terrible petit volume connu sous le nom de Grimoire, autrefois tenu secret, était brûlé très-justement dès qu’il était saisi. Nous donnerons ici quelques notes sur les trois Grimoires les plus

Grémoire (sic) du pape Honorius, avec un recueil des plus rares secrets ; sous la rubrique de Rome, 1670, in-16, orné de figures et de cercles. Les cinquante premières pages ne contiennent que des conjurations. Voy. Conjurations et Évocations. — Dans le Recueil des plus rares secrets, on trouve celui qui force trois demoiselles à venir danser le soir dans une chambre. Il faut que tout soit lavé dans cette chambre ; qu’on n’y remarque rien d’accroché ni de pendu ; qu’on mette sur la table une nappe blanche, trois pains de froment, trois sièges, trois verres d’eau ; on récite ensuite une certaine formule de conjuration[50], et les trois personnes qu’on veut voir viennent, se mettent à table et dansent ; mais au coup de minuit tout disparaît. On trouve dans le même livre beaucoup de bêtises de ce genre que nous rapportons en leur lieu.

Grimorium verum, vel probatissimœ Salomonis claviculœ rabbini Hebraici, in quibus tum naturalia, tum supernaturalia sécréta, licet abditissima, inpromptu apparent, modo operator pernecessaria et contenta facial ; sciât tamen opportet dœmonum potentiel duntaxat peragantur : traduit de l’hébreu, par Plaingière, avec un recueil de secrets curieux. A. Memphis, chez Alibeck l’Égyptien, 1517, in-16 {sic omnia) ; et sur le revers du titre : Les véritables clavicules de Salomon, à Memphis, chez Alibeck l’Égyptien, 1517.

Le grand Grimoire avec la grande clavicule de Salomon, et la magie noire ou les forces infernales du grand Agrippa, pour découvrir les trésors cachés et se faire obéir à tous les esprits ; suivis de tous les arts magiques, in-18, sans date ni nom de lieu. Ces deux grimoires contiennent, comme l’autre, des secrets que nous donnons ici aux divers articles qu’ils concernent.

Voici une anecdote sur le Grimoire : — Un petit seigneur de village venait d’emprunter à son berger le livre du Grimoire avec lequel celui-ci se vantait de forcer le diable à paraître. Le seigneur, curieux de voir le diable, se retira dans sa chambre et se mit à lire les paroles qui obligent l’esprit de ténèbres à se montrer.

Au moment où il prononçait avec agitation ces syllabes niaises qu’il croyait puissantes, la porte, qui était mal fermée, s’ouvre brusquement : le diable paraît, armé de ses longues cornes et tout couvert de poils noirs… Le curieux seigneur perd connaissance et tombe mourant de peur sur le carreau, en faisant le signe de la croix. Il resta longtemps sans que personne vînt le relever. Enfin il rouvrit les yeux et se retrouva avec surprise dans sa chambre. Il visita les meubles pour voir s’il n’y avait rien de dégradé : un grand miroir qui était sur une chaise se trouvait brisé ; c’était l’œuvre du diable. Malheureusement pour la beauté du conte, on vint dire un instant après à ce pauvre seigneur que son bouc s’était échappé et qu’on l’avait repris devant la porte de cette même pièce où il avait si bien représenté le diable. Il avait vu dans le miroir un bouc semblable à lui et avait brisé la glace en voulant combattre son ombre[51].

Grisgris, nom de certains fétiches chez les Maures d’Afrique, qui les regardent comme des puissances subalternes. Ce sont de petits billets sur lesquels sont tracées des figures magiques ou des pages du Koran en caractères arabes ; ces billets sont vendus assez cher, et les habitants les croient des préservatifs assurés contre tous les maux. Chaque grisgris a sa forme et sa propriété. Voy. Goo.

Grisou. Le feu grisou est un gaz qui s’enflamme spontanément ou par occasion dans les mines de houille, et qui produit souvent de grands désastres. — Beaucoup de mineurs regardent le grisou comme un lutin de méchante espèce.

Grœnjette. Il y a sur les côtes de la Baltique, comme dans la plupart des contrées montagneuses de l’Europe, des chasseurs défunts, condamnés pour leurs méfaits à courir éternellement à travers les marais et les taillis. Les habitants du Sternsklint entendent souvent le soir les aboiements des chiens de Grœnjette ; ils le voient passer dans la vallée, le chasseur réprouvé, la pique à la main ; et ils déposent devant leur porte un peu d’avoine pour son cheval, afin que dans ses courses il ne foule pas aux pieds leurs moissons[52]. Voy. Veneur.

Gros-Jacques, sorcier. Voy. Boguet.

Grospetter. Voy. Laghernard.

Grossesse. On a cru longtemps à Paris qu’une femme enceinte qui se regarde dans un miroir croit voir le diable : fable autorisée par la peur qu’eut de son ombre une femme grosse, dans le temps qu’elle s’y mirait, et persuadée par son accoucheur qui lui dit qu’il était toujours dangereux de se regarder enceinte. On assure aussi qu’une femme grosse qui regarde un cadavre aura un enfant pâle et livide[53]. Dans certains cantons du Brésil, aucun mari ne tue d’animal durant la grossesse de sa femme, dans l’opinion que le fruit qu’elle porte s’en ressentirait. Voy. {{DIv|Imagination. On ignere encore le motif pour lequel certaines églises particulières refusèrent longtemps la sépulture aux femmes qui mouraient enceintes ; c’était sans doute pour engager les femmes à redoubler de soins envers leurs enfants. Un concile tenu à Rouen en 1074 a ordonné que la sépulture en terre sainte ne fût nulle part refusée aux femmes enceintes ou mortes pendant l’accouchement.

Grosse-Tête (Robert), évêque de Lincoln, auquel Gouvérus donne une androïde comme celle d’Albert le Grand.

Gruau de la Barre, un des nombreux prétendants que nous avons vus réclamer le trône de Louis XVI, en prenant sans peur le nom de Louis XVII, a fait imprimer en 1840 un volume in-12 intitulé Révélations sur les erreurs de l’Ancien Testament. Il débute ainsi :

« Londres, 1840, le mercredi 5 février.

» Moi, Charles-Louis, duc de Normandie, qui écris ceci, j’ai reconnu que la sainte volonté de l’Éternel, le Tout-Puissant, est infaillible ; et que Dieu, selon son incomparable sagesse, dans l’intérêt du salut des mortels de cette terre, a voulu se servir de l’orphelin du Temple, fils du roi-martyr de France et de Marie-Antoinette, pour répandre dans le monde entier la lumière de la véritable doctrine céleste qui déjà avait été renouvelée, dans son temps, par l’ange de la face de l’Éternel, notre Seigneur Jésus-Christ. J’atteste et je confesse devant Dieu et devant l’univers qu’en accomplissant ce devoir qui m’est commandé, je ne fais rien de moi-même ; mais que je suis guidé par l’ange du Tout-Puissant, qui me parle visiblement en esprit et en vérité. J’atteste et je confesse encore que cet ange est celui qui m’a dicté et fait écrire la Doctrine céleste. »

Or, cette doctrine céleste, dictée par un ange au duc de Normandie, n’est autre chose que la négation de tout l’Ancien Testament, pour établir l’éternité de la matière et un stupide panthéisme tiré des plus absurdes écarts de PigaultLebrun, de Dupuis, de d’Holbach et de Voltaire. Ce livre a été publié à Paris par le docteur Charles de Cosson, seulement en sa première partie. En 1841, une deuxième et une troisième partie ont paru réunies en un autre volume in-12, sous le titre de Salomon le Sage, fils de David, sa renaissance sur cette terre et révélation céleste publié par M. Gruau de la Barre, ancien procureur du roi. Deuxième et troisième partie, faisant suite à la première, intitulée Révélations sur les erreurs de l’Ancien Testament. Si le duc de Normandie a démoli l’histoire de nos origines, M. Gruau de la Barre la reconstruit. Il fait créer le monde avec cent soixante-douze paradis, par l’éternel Esprit-Saint. La terre subit six révolutions avant d’être propre à recevoir des hommes pour habitants. Alors l’éternel Esprit-Saint forme Lithamana, son premier né, et crée toutes les âmes, leur donnant la connaissance du bien et du mal. Il crée aussi les anges, parmi lesquels il y a bientôt un séditieux qu’on appelle Lisathama. L’éternel Esprit-Saint met les âmes créées dans des corps qui peuplent la terre ; il chasse du ciel Lisathama et ses adhérents, qui vont tenter les hommes et les font tomber. Caïn tue Abel ; mais pourtant Caïn est bon au fond et fait une grande pénitence. Toute l’histoire sainte est travestie ensuite de la manière la plus prolixe et dans un but que nous ne pouvons apercevoir.

Guacharo. Dans la montagne de Tuméréquiri, située à quelque distance de Cumana, se trouve la caverne de Guacharo, fameuse parmi les Indiens. Elle est immense et sert d’habitation à des milliers d’oiseaux nocturnes dont la graisse donne l’huile de guacharo. Il en sort une assez grande rivière ; on entend dans l’intérieur le cri lugubre de ces oiseaux, cri que les Indiens attribuent aux âmes qu’ils croient forcées d’entrer dans cette caverne pour passer dans l’autre monde. Ce séjour ténébreux, disent-ils, leur arrache les gémissements plaintifs qu’on entend au dehors. Les Indiens du gouvernement de Cumana, non convertis à la fui, ont encore du respect pour cette opinion. Parmi ces peuples, jusqu’à deux cents lieues de la caverne, descendre au Guacharo est synonyme de mourir.

Entrée du Guacharo.


Guayotta, mauvais génie que les habitants de l’île Ténériffe opposent à Achguaya-Xérac, qui est chez eux le principe du bien.

Gudeman (bon homme). C’est le nom d’un esprit redouté én Écosse, auquel les laboureurs croient devoir laisser un de leurs champs qu’ils ne cultivent jamais.

Guecuba, esprit du mal chez les Araucans. Voy. Toqui.

Gueldre. On trouve ce récit dans les historiens hollandais :« Un monstre affreux, d’une grandeur prodigieuse, ravageait la campagne, dévorant les bestiaux et les hommes mêmes ; il empoisonnait le pays de son souffle empesté. Deux braves gens, Wichard et Lupold, entreprirent de délivrer la contrée d’un fléau si terrible, et y réussirent. Le monstre, en mourant, jeta plusieurs fois un soupir qui semblait exprimer le mot ghelre. Les deux vainqueurs voulurent qu’en mémoire de leur triomphe, la villequ’ils bâtirent prît le nom de Ghelre, dont nous avons fait Gueldre.

Guérin (Pierre). Voy. Illuminés.

Gui de chêne, plante parasite qui s’attache au chêne, et qui était regardée comme sacrée chez les druides. Au mois de décembre, qu’on appelait le mois sacré, ils allaient la cueillir en grande cérémonie. Les devins marchaient les premiers en chantant, puis le héraut venait, suivi de trois druides portant les choses nécessaires pour le sacrifice. Enfin paraissait le chef des druides, accompagné de tout le peuple ; il montait sur le chêne, coupait le gui avec une faucille d’or, le plongeait dans l’eau lustrale et criait : « Au gui de l’an neuf (ou du nouvel an). »

On croyait que l’eau charmée ainsi par le gui de chêne était très-efficace contre le sortilège et guérissait de plusieurs maladies. Voy. Gutheyl. Dans plusieurs provinces on est persuadé que si on pend le gui de chêne à un arbre avec une aile d’hirondelle, tous les oiseaux s’y rassembleront de deux lieues et demie.

Guibert de Nogent, abbé de Nogent-sousCoucy, au diocèse de Laon (onzième siècle), homme savant, qui a écrit, sous le nom de Gesta Dei per Francos, l’histoire des premières croisades. Il y a dans ses écrits plusieurs petits faits qui établissent les relations des vivants avec les morts.

Guido. Un seigneur nommé Guido, blessé à mort dans un combat, apparut autrefois tout armé à un prêtre nommé Étienne ou Stéphane, et le chargea de commissions qui devaient, en réparant quelques-unes de ses fautes, abréger son purgatoire. Cette histoire est rapportée par Pierre le Vénérable[54].

Guillaume, domestique de Mynheer Clatz, gentilhomme du duché de Juliers, au quinzième siècle. Ce Guillaume fut possédé du diable et demanda pour exorciste un pasteur hérétique nommé Bartholomée Panen, homme qui se faisait payer pour chasser le diable, et qui, dans cette circonstance, fut penaud. Comme le démoniaque pâlissait, que son gosier enflait et qu’on craignait qu’il ne fût suffoqué entièrement, l’épouse du seigneur Clatz, dame pieuse, ainsi que toute sa famille, se mit à réciter la prière de Judith. Guillaume alors se prit à vomir, entre autres débris, la ceinture d’un bouvier, des pierres, des pelotons de fil, du sel, des aiguilles, des lambeaux de l’habit d’un enfant, des plumes de paon que huit jours auparavant il avait arrachées de la queue du paon même. On lui demanda la cause de son mal. Il répondit que, passant sur un chemin, il avait rencontré une femme inconnue qui lui avait soufflé au visage, et que tout son mal datait de ce moment. Cependant, lorsqu’il fut rétabli, il nia le fait, et ajouta que le démon l’avait forcé à faire cet aveu, et que toutes ces matières n’étaient pas dans son corps ; mais qu’à mesure qu’il vomissait, le démon changeait ce qui sortait de sa bouche’[55]

Guillaume de Carpentras, astrologue qui fit, pour le roi René de Sicile et pour le duc de Milan, des sphères astrologiques sur lesquelles on tirait les horoscopes. Il en fit une pour le roi Charles VIII à qui elle coûta douze cents écus ; cette sphère, contenant plusieurs utilités, était fabriquée de telle manière que tous les mouvements des planètes, à toute heure de jour et de nuit, s’y pouvaient trouver ; il l’a, depuis, rédigée par écrit en tables astrologiques[56].

Guillaume le Roux, fils de Guillaume le Conquérant, et tyran de l’Angleterre dans le onzième siècle. C’était un prince abominable, sans foi, sans mœurs, blasphémateur et cruel. Il fit beaucoup de mal à l’Église, chassa l’archevêque de Cantorbéry et ne voulut point que ce siège fût rempli de son vivant, afin de profiter des revenus qui y étaient attachés. Il laissa les prêtres dans la misère et condamna les moines à la dernière pauvreté. Il entreprit des guerres injustes et se fit généralement détester. Un jour qu’il était à la chasse (en l’année 1100, dans la quarante-quatrième de son âge et la treizième de son règne), il fut tué d’une flèche lancée par une main invisible. Pendant qu’il rendait le dernier soupir, le comte de Cornouailles, qui s’était un peu écarté de la chasse, vit un grand bouc noir et velu, qui emportait un homme défiguré et percé d’un trait de part en part… Le comte, troublé de ce spectacle, cria pourtant au bouc de s’arrêter, et lui demanda qui il était, qui il portait, où il allait ? Le bouc répondit : — « Je suis le diable ; j’emporte Guillaume le Roux, et je vais le présenter au tribunal de Dieu, où il sera condamné pour sa tyrannie ; et il viendra avec nous[57] . »

Guillaume de Paris. Il est cité par les démonographes pour avoir fait des statues pariantes, à l’exemple de Roger Bacon, chose qui ne peut avoir lieu que par les opérations diaboliques[58]. Naudé a réfuté cette imputation.

Guillaume III, comte de la comté de Bourgogne. C’était un bandit sans vergogne et un bourreau sans pitié. Un jour que, chargé de crimes et de sacrilèges, il était en orgie, un inconnu le fit demander pour lui offrir un beau cheval. Dès qu’il l’eut monté, il fut emporté et disparut. L’inconnu était le diable qui venait prendre son bien[59].

Guillemin, esprit familier de Michel Verdung, avec l’aide duquel il pouvait courir aussi vite qu’il le voulait.

Guinefort. C’est le nom d’un chien que les fabliaux du moyen âge ont illustré. Ce chien, ayant sauvé un enfant qu’un serpent voulait dévorer, fut tué par son maître, qui, lui voyant la gueule ensanglantée, crut qu’il avait étranglé son enfant ; suivant une autre version, il périt dans le combat avec le serpent. Le maître éclairé lui fit un petit tombeau ; ce qui était imprudent ; car, dans la suite, des paysans trompés prirent ce tombeau pour celui d’un saint et invoquèrent saint Guinefort. Le P. Bourbon, dans une mission qu’il fit au pays de Lyon et en Auvergne, fit tomber cette superstition, qui certainement n’était qu’une suggestion du diable. Ce chien, appelé Guinefort dans le Lyonnais, s’appelait Ganelon en Auvergne[60].

Guivre, monstre qu’on ne trouve que dans les bestiaires du moyen âge et que les artistes ont reproduit. M. Paulin Paris a établi qu’il ne faut pas confondre la Guivre avec la Vouivre ; la Guivre n’est qu’un griffon ou une hydre que l’on voit figurer sur quelques vieux monuments.

Gullets ou Bonasses, démons qui servent les hommes dans la Norvège, et qui se louent pour peu de chose. Ils pansent les chevaux, les étrillent, les frottent, les brident, les sellent, dressent leurs crins et leurs queues, comme le meilleur palefrenier : ils font même les plus viles fonctions de la maison. Voy. Bérith, Hecdekin, etc.

Gunem, appelé aussi iEnus, soldat anglais qui, après avoir servi sous le roi Etienne, se trouvant chargé de bien des crimes, s’en alla en Irlande, décidé à faire sa pénitence dans le purgatoire de Saint-Patrice. Il y subit diverses douleurs qu’il accepta en expiation, s’en revint soulagé et mena depuis une vie exemplaire.

Gurme, chien redoutable, espèce de Cerbère de l’enfer des Celtes. Pendant l’existence du monde, ce chien est attaché à l’entrée d’une caverne ; mais au dernier jour il doit être lâché, attaquer le dieu Tyr ou Thor, et le tuer. C’est le même que le loup Fenris.

Gusandal (vallée de lumière). En Suède, où la magie est en plein mouvement, de nos jours, on donne ce nom au carrefour où se fait le sabbat.

Gusoyn, grand-duc aux enfers. Il apparaît sous la forme d’un chameau. Il répond sur le présent, le passé, l’avenir, et découvre les choses cachées. Il augmente les dignités et affermit les honneurs. Il commande à quarante-cinq légions.

Gustaph. Voy. Zoroastre.

Gutheyl ou Guthyl, nom sous lequel les Germains vénéraient le gui de chêne. Ils lui attribuaient des vertus merveilleuses, particulièrement contre l’épilepsie, et le cueillaient avec les mêmes cérémonies que les Gaulois. Dans certains endroits de la haute Allemagne, cette superstition s’est conservée, et les habitants sont encore aujourd’hui dans l’usage de courir de maison en maison et de ville en ville, en criant : « Guthey ! Guthey ! » — Des Septentrionaux s’imaginaient qu’un homme muni du gui de chêne non-seulement ne pouvait être blessé, mais était sûr de blesser tous ceux contre lesquels il lançait une flèche. C’est à cause de ces vertus magiques, attribuées au gui de chêne, qu’on l’appelle en Alsace Marentakein, c’est-à-dire arbrisseau des spectres.

Guymond de la Touche, poëte dramatique et philosophe du dernier siècle. Il était allé le 11 février 1760 chez une sorcière, à Paris, dans le dessein de rire, car il ne croyait à rien. Il fut frappé pourtant de l’appareil mystérieux qui entourait la sorcière et de l’attention grave que lui prêtaient les assistants. Sa curiosité fut piquée. Dans l’instant où, un peu troublé, il s’approchait d’une jeune fille à qui on enfonçait des épingles dans la gorge : — « Vous êtes bien empressé, lui dit la sorcière, à vous éclairer de ce qu’on fait ici. Puisque vous êtes si curieux, apprenez que vous mourrez dans trois jours. » — Ces paroles dites avec solennité firent sur Guymond de la Touche, qui ne croyait à rien, une impression telle qu’il se retira chez lui bouleversé, se mit au lit et mourut en effet trois jours après, le 14 février 1760[61].

Gymnosophistes, philosophes ainsi nommés parce qu’ils allaient nus ou sans habits. Chez les démonomanes, les gymnosophistes sont des magiciens qui obligeaient les arbres à s’incliner et à parler aux gens comme des créatures raisonnables. Tespesion, l’un de ces sages, ayant commandé à un arbre de saluer Apollonius, il s’inclina, et, rabaissant le sommet, de sa tête et ses branches les plus hautes, il lui fit des compliments d’une voix distincte, mais féminine, « ce qui surpasse la magie naturelle[62]. »

Gyromancie, sorte de divination qui se pratiquait en marchant en rond, ou en tournant autour d’un cercle, sur la circonférence duquel étaient tracées des lettres. À force de tourner on s’étourdissait jusqu’à se laisser tomber, et de l’assemblage des caractères qui se rencontraient aux divers endroits où l’on avait fait des chutes, on tirait des présages pour l’avenir. Voy. Alectryomancie.


H

Haagenti, grand président aux enfers. Il paraît sous la figure d’un taureau avec des ailes de griffon. Lorsqu’il se montre portant face humaine, il rend l’homme habile à toutes choses ; il enseigne en perfection l’art de transmuer tous les métaux en or, et de faire d’excellent vin avec de l’eau claire. Il commande trente-trois légions.

Habondia, reine des fées, des femmes blanches, des bonnes, des sorcières, des larves, des furies et des harpies, comme l’assure Pierre Delancre en son livre de l’Inconstance des démons.

Haborym, démon des incendies, appelé aussi Aym. Il porte aux enfers le titre de duc ; il se montre à cheval sur une vipère, avec trois têtes, l’une de serpent, l’autre d’homme, la troisième de chat. Il tient à la main une torche allumée. Il commande vingt-six légions. Quelques-uns disent que c’est le même que Ranm ; ce qui nous paraît au moins douteux.

Haceldama ou Hakeldama, qui signifie héritage ou portion de sang. Ce mot est devenu commun à toutes les langues du Christianisme, depuis le récit sacré qui nous apprend qu’après que Judas se fut pendu, les prêtres juifs achetèrent, des trente pièces d’argent qu’ils lui avaient données pour trahir Notre-Seigneur, un champ qui fut destiné à la sépulture des étrangers, et qui porta le nom d’Haceldama. On montre encore ce champ aux étrangers. Il est petit et couvert d’une voûte sous laquelle on prétend que les corps qu’on y dépose sont consumés dans l’espace de trois à quatre heures.

Hack, démon cité dans les Clavicules dites de Salomon, comme un des plus puissants chefs de l’enfer.

Hakelberg. « L’origine du nom de Woden ou Odin se révèle par la racine étymologique de l’anglo-saxon Woodin, qui signifie le féroce ou le furieux. Aussi l’appelle-t-on dans le Nord le chasseur féroce, et en Allemagne Groden’sheer ou Woden’sheer. Woden, dans le duché de Brunswick, se retrouve sous le nom du chasseur Hakelberg[63]. »

Il était seigneur de Rodenstein, et avait renoncé à sa part de paradis pour qu’il lui fût permis de chasser toujours. Le diable, avec qui il faisait le pacte, lui avait promis qu’il chasserait jusqu’au jour du jugement dernier, Il mourut, et on montre dans la forêt d’Usslar une pierre brute qui est, dit-on, son tombeau, parmi les ruines de son château de Rodenstein. Les savants pensent que cette pierre est un monument druidique. Mais les voisins racontent qu’elle est gardée par les chiens de l’enfer, et que le chasseur indomptable sort de sa tombe à minuit pour chasser avec fureur. Lorsqu’il se laisse voir, c’est un signe de guerre prochaine. Lorsqu’on l’évoque, il se montre ; mais à son aspect effroyable et au bruit de sa suite, le curieux tombe à demi mort dè peur ; et aussitôt la vision s’évanouit[64].

Hakkims, médecins qui guérissent par charmes, en Perse.

Hakkin. Voy. Haouin.

Haleine. Une haleine forte et violente est la marque d’un grand esprit, dit un savant, et au contraire, ajoute-t-il, une haleine faible est la marque d’un tempérament usé et d’un esprit débile…

Hallucination. Walter Scott, dans sa Démonologie, voit la plupart des apparitions comme de véritables hallucinations. Il a raison


quelquefois. Mais il ne faut pas faire de cette explication un système, à la manière des esprits qui veulent tout comprendre, dans un monde où nous sommes environnés de tant de choses que nous ne comprenons pas. C’est une hallucination épidémique ou un singulier mirage, que l’exemple qu’il cite de l’Écossais Patrick Walker, si, en effet, il n’y avait là que les phénomènes d’une aurore boréale. — « En l’année 1686, aux mois de juin et de juillet, dit l’honnête Walker, plusieurs personnages encore vivants peuvent attester que, près le bac de Crosford, à deux milles au-dessous de Lanark, et particulièrement aux Mains, sur la rivière de la Clyde, une grande foule de curieux se rassembla plusieurs fois après midi pour voir une pluie de bonnets, de chapeaux, de fusils et d’épées ; les arbres et le terrain en étaient couverts ; des compagnies d’hommes armés marchaient en l’air le long de la rivière, se ruaient les unes contre les autres, et disparaissaient pour faire place à d’autres bandes aériennes. Je suis allé là trois fois consécutivement dans l’ quelquefois midi, et j’ai observé que les deux tiers des témoins avaient vu, et que l’autre tiers n’avait rien vu. Quoique je n’eusse rien vu moi-même, ceux qui voyaient avaient une telle frayeur et un tel tremblement, que ceux qui ne voyaient pas s’en apercevaient bien. Un gentilhomme, tout près de moi, disait : — Ces damnés sorciers ont une seconde vue ; car le diable m’emporte si je vois quelque chose ! — Et, sur-le-champ, il s’opéra un changement dans sa physionomie. Il voyait… — Plus effrayé que les autres, il s’écria : — Vous tous qui ne voyez rien, ne dites rien ; car je vous assure que c’est un fait visible pour tous ceux qui ne sont pas aveugles. — Ceux qui voyaient ces choses-là pouvaient décrire les espèces de batterie des fusils, leur longueur et leur largeur, et la poignée des épées, les ganses des bonnets, etc. »

Ce phénomène singulier, auquel la multitude croit, bien que seulement les deux tiers eussent vu, peut se comparer, ajoute Walter Scott, à l’action de ce plaisant qui, se posant dans l’attitude de l’étonnement, les yeux fixés sur le lion de bronze bien connu qui orne la façade de l’hôtel de Northumberland dans le Strand à (Londres), attira l’attention de ceux qui le regardaient en disant : — Par le ciel, il remue !… il remue de nouveau ! — et réussit ainsi, en peu de minutes, à faire obstruer la rue par une foule immense : les uns s’imaginant avoir effectivement aperçu le lion de Percy remuer la queue, les autres attendant pour admirer la même merveille.

De véritables hallucinations sont enfantées par une funeste maladie, que diverses causes peuvent faire naître. Leur source la plus fréquente est produite par les habitudes d’intempérance de ceux qui, à la suite d’excès de boisson, contractent ce que le peuple nomme les diables bleus, sorte de spleen ou désorganisation mentale. Les joyeuses illusions que, dans les commencements, enfante l’ivresse, s’évanouissent avec le temps et dégénèrent en impressions d’effroi. Le fait qui va suivre fut raconté à l’auteur par un ami du patient. Lu jeune homme riche, qui avait mené une vie de nature à compromettre à la fois sa santé et sa fortune, se vit obligé de consulter un médecin. Une des choses dont il se plaignait le plus était la présence habituelle d’une suite de fantômes habillés de vert, exécutant dans sa chambre une danse bizarre, dont il était forcé de supporter la vue, quoique bien convaincu que tout le corps de ballet n’existait que dans son cerveau.

— Le médecin lui prescrivit un régime ; il lui recommanda de se retirer à la campagne, d’y observer une diète calmante, de se lever de bonne heure, de faire un exercice modéré, d’éviter une trop grande fatigue. Le malade se conforma à cette prescription et se rétablit.

Un autre exemple d’hallucinations est celui de M. Nicolaï, célèbre libraire de Berlin. Cet homme ne se bornait pas à vendre des livres, c’était encore un littérateur ; il eut le courage moral d’exposer à la Société philosophique de Berlin le récit de ses souffrances, et d’avouer qu’il était sujet à une suite d’illusions fantastiques. Les circonstances de ce fait peuvent être exposées très-brièvement, comme elles l’ont été au public, attestées par les docteurs Ferriar, Hibbert et autres qui ont écrit sur la démonologie. Nicolaï fait remonter sa maladie à une série de désagréments qui lui arrivèrent au commencement de 1791. L’affaissement d’esprit occasionné par ces événements fut encore aggravé par ce fait, qu’il négligea l’usage de saignées périodiques auxquelles il était accoutumé ; un tel état de santé créa en lui la disposition à voir des groupes de fantômes qui se mouvaient et agissaient devant lui, et quelquefois même lui parlaient. Ces fantômes n’offraient rien de désagréable à son imagination, soit par leur forme, soit par leurs actions ; et le visionnaire possédait trop de force d’âme pour être saisi, à leur présence, d’un sentiment autre que celui de la curiosité, convaincu qu’il était, pendant toute la durée de l’accès, que ce singulier effet n’était que la conséquence de sa mauvaise santé, et ne devait sous aucun autre rapport être considéré comme sujet de frayeur. Au bout d’un certain temps, les fantômes parurent moins distincts dans leurs formes, prirent des couleurs moins vives, s’affaiblirent aux yeux du malade, et finirent par disparaître entièrement.

Un malade du docteur Gregory d’Édimbourg, l’ayant fait appeler, lui raconta dans les termes suivants ses singulières souffrances : — J’ai l’habitude, dit-il, de dîner à cinq heures ; et lorsque six heures précises arrivent, je suis sujet à une visite fantastique. La porte de la chambre, même lorsque j’ai eu la faiblesse de la verrouiller, ce qui m’est arrivé souvent, s’ouvre tout à coup : une vieille sorcière, semblable à celles qui hantaient les bruyères de Forrès, entre d’un air menaçant, s’approche, se pose devant moi, mais si brusquement, que je ne puis l’éviter, et alors me donne un violent coup de sa béquille ; je tombe de ma chaise sans connaissance, et je reste ainsi plus ou moins longtemps. Je suis tous les jours sous la puissance de cette apparition. Quelquefois la vieille est une dame qui, en parure de bal, me fait des mines. — Le docteur demanda au malade s’il avait jamais invité quelqu’un à être avec lui témoin d’une semblable visite. Il répondit que non. Son mal était si particulier, on devait si naturellement l’imputer à un dérangement mental qu’il lui avait toujours répugné d’en parler à qui que ce fut. — Si vous le permettez, dit le docteur, je dînerai avec vous aujourd’hui tête cà tête, et nous verrons si votre méchante vieille viendra troubler notre société. Le malade accepta avec gratitude. Ils dînèrent, et le docteur, qui supposait l’existence de quelque maladie nerveuse, employa le charme de sa brillante conversation à captiver l’attention de son hôte, pour l’empêcher de penser à l’heure fatale qu’il avait coutume d’attendre avec terreur. Il réussit d’abord. Six heures arrivèrent sans qu’on y fît attention. Mais à peine quelques minutes étaient-elles [écoulées que le monomane s’écria d’une voix troublée : — Voici la sorcière ! — et, se renversant sur sa chaise, il perdit connaissance. Le médecin lui tira un peu de sang, et se convainquit que cet accident périodique, dont se plaignait le malade, était une tendance à l’apoplexie. Le fantôme à la béquille était simplement une sorte de combinaison analogue à celle dont la fantaisie produit le dérangement appelé éphialte, ou cauchemar, ou toute autre impression extérieure exercée sur nos organes pendant le sommeil.

Un autre exemple encore me fut cité, dit Walter Scott, par le médecin qui avait été dans le cas de l’observer. Le malade était un honorable magistrat, lequel avait conservé entière sa réputation d’intégrité, d’assiduité et de bon sens. — Au moment des visites du médecin, il en était

Une dame en parure de bal


réduit à garder la chambre, quelquefois le lit ; cependant, de temps à autre, appliqué aux affaires, de manière que rien n’indiquait à un observateur superficiel la moindre altération dans ses facultés morales ; aucun symptôme ne faisait craindre une maladie aiguë ou alarmante ; mais la faiblesse du pouls, l’absence de l’appétit, le constant affaiblissement des esprits, semblaient prendre leur origine dans une cause cachée que le malade était résolu à taire. Le sens obscur des paroles de cet infortuné, la brièveté et la contrainte de ses réponses aux questions du médecin, le déterminèrent à une sorte d’enquête. Il eut recours à la famille : personne ne devinait la cause du mal. L’état des affaires du patient était prospère ; aucune perte n’avait pu lui occasionner un chagrin ; aucun désappointement dans ses affections ne pouvait se supposer à son âge ; aucune idée de remords ne s’alliait à son caractère. Le médecin eut donc recours avec le monomane à une explication ; il lui parla de la folie qu’il y avait à se vouer à une mort triste et lente, plutôt que de dévoiler la douleur qui le minait. Il insista sur l’atteinte qu’il portait à sa réputation, en laissant soupçonner que son abattement pût provenir d’une cause scandaleuse, peut-être même trop déshonorante pour être pénétrée ; il lui fit voir qu’ainsi il léguerait à sa famille un nom suspect et terni. Le malade frappé exprima le désir de s’expliquer franchement avec le docteur, et, la porte de la chambre fermée, il entreprit sa confession en ces termes :

« Vous ne pouvez comprendre la nature de mes souffrances, et votre zèle ni votre habileté ne peuvent m’apporter de soulagement. La situation où je me trouve n’est pourtant pas nouvelle, puisqu’on la retrouve dans le célèbre roman de Lesage. Vous vous souvenez sans doute de la maladie dont il y est dit que mourut le duc d’Olivarès : l’idée qu’il était visité par une apparition, à l’existence de laquelle il n’ajoutait aucunement foi ; mais il en mourut néanmoins, vaincu et terrassé par son imagination. — Je suis dans la même position ; la vision acharnée qui me poursuit est si pénible et si odieuse, que ma raison ne suffit pas à combattre mon cerveau affecté : bref, je suis victime d’une maladie imaginaire. »

Le médecin écoutait avec anxiété.

« Mes visions, reprit le malade, ont commencé il y a deux ou trois ans. Je me trouvais de temps en temps troublé par la présence d’un gros chat qui entrait et sortait sans que je pusse dire comment, jusqu’à ce qu’enfin la vérité me fût démontrée, et que je me visse forcé à ne plus le regarder comme un animal domestique, mais bien comme un jeu, qui n’avait d’existence que dans mes organes visuels en désordre, ou dans mon imagination déréglée. Jusque-là je n’avais nullement pour cet animal l’aversion absolue de ce brave chef écossais qu’on a vu passer par les différentes couleurs de son plaid lorsque par hasard un chat se trouvait dans un appartement avec lui. Au contraire, je suis ami des chats, et je supportais avec tranquillité la présence de mon visiteur imaginaire, lorsqu’un spectre d’une grande importance lui succéda. Ce n’était autre chose que l’apparition d’un huissier de la cour. Ce personnage, avec la bourse et l’épée, une veste brodée et le chapeau sous le bras, se glissait à mes côtés, et, chez moi ou chez les autres, montait l’escalier devant moi, comme pour m’annoncer dans un salon, puis se mêlait à la société, quoiqu’il fût évident que personne ne remarquait sa présence, et que seul je fusse sensible aux chimériques honneurs qu’il me voulait rendre. Cette bizarrerie ne produisit pas beaucoup d’effet sur moi : cependant elle m’alarma à cause de l’influence qu’elle pouvait avoir sur mes facultés. Après quelques mois, je n’aperçus plus le fantôme de l’huissier. Il fut remplacé par un autre, horrible à la vue, puisque ce n’est autre chose que l’image de la mort elle-même, un squelette. Seul ou en compagnie, la présence de ce fantôme ne m’abandonne jamais. En vain je me suis répété cent fois que ce n’est qu’une image équivoque et l’effet d’un dérangement dans l’organe de ma vue ; lorsque je me vois, en idée à la vérité, le compagnon d’un tel fantôme, rien n’a de pouvoir contre un pareil malheur, et je sens que je dois mourir victime d’une affection aussi mélancolique, bien que je ne croie pas à la réalité du spectre qui est devant mes yeux. »

Le médecin affligé fit au malade, alors au lit, plusieurs questions. « Ce squelette, dit-il, semble donc toujours là ? — Mon malheureux destin est de le voir toujours. — Je comprends ; il est, à l’instant même, présent à votre imagination ? — Il est présent à l’instant même. — Et dans quelle partie de votre chambre le voyez-vous ? — Au pied de mon lit ; lorsque les rideaux sont entrouverts, il se place entre eux et remplit l’espace

vide. — Aurez-vous assez de courage pour vous lever et pour vous placer à l’endroit qui vous semble occupé, afin de vous convaincre de la déception ? »

Le pauvre homme soupira et secoua la tête d’une manière négative. « Eh bien, dit le docteur, nous ferons l’expérience une autre fois. »

Alors il quitta sa chaise aux côtés du lit ; et se plaçant entre les deux rideaux entr’ouverts, indiqués comme la place occupée par le fantôme, il demanda si le spectre était encore visible, a Non entièrement, dit le malade, parce que voire personne est entre lui et moi ; mais j’aperçois sa tête par-dessus vos épaules. »

Le docteur tressaillit un moment, malgré sa philosophie, à une réponse qui affirmait d’une manière si précise que le spectre le touchait de si près. Il recourut à d’autres moyens d’investigation, mais sans succès. Le malade tomba dans un marasme encore plus profond ; il en mourut, et son histoire laissa un douloureux exemple du pouvoir que le moral a sur le physique, lors même que les terreurs fantastiques ne parviennent pas à absorber l’intelligence de la personne qu’elles tourmentent.

Rapportons encore, comme fait attribué à l’hallucination, la célèbre apparition de Maupertuis à un de ses confrères, professeur de Berlin. Elle est décrite dans les Actes de la Société royale de Berlin, et se trouve rapportée par M. Thiébaut dans ses Souvenirs de Frédéric le Grand. Il est essentiel de prévenir que M. Gleditch, à qui elle est arrivée, était un botaniste distingué, professeur de philosophie naturelle, et regardé comme un homme d’un caractère sérieux, simple et tranquille. Peu de temps après la mort de Maupertuis, M. Gleditch, obligé de traverser la salle dans laquelle l’académie tenait ses séances, ayant quelques arrangements à faire dans le cabinet d’histoire naturelle qui était de son ressort, aperçut en entrant dans la salle l’ombre de M. de Maupertuis, debout et fixe dans le premier angle à main gauche et ses yeux braqués sur lui. Il était trois heures de l’après-midi. Le professeur de philosophie en savait trop sur sa physique pour supposer que son président, mort à Bâle dans la famille de Bernouilli, serait revenu à Berlin en personne. Il ne regarda la chose que comme une illusion provenant du dérangement de ses organes. Il continua de s’occuper de ses affaires sans s’arrêter plus longtemps à cet objet. Mais il raconta cette vision à ses confrères, les assurant qu’il avait vu une figure aussi bien formée et aussi parfaite que M. de Maupertuis lui-même aurait pu la présenter.

Voici un autre petit fait : Un prince, s’étant imaginé qu’il était mort, ne voulut plus prendre de nourriture, quelque chose qu’on lui dît pour lui persuader qu’il vivait. Cette diète hors de raison faisait craindre avec justice des suites fâcheuses, et l’on commençait à perdre toute espérance, lorsqu’un des principaux officiers s’avisa de faire habiller trois valets de chambre en sénateurs romains, tels qu’on les voit représenter sur les théâtres, et les fit placer à une table garnie d’excellents mets, qu’il fit dresser dans la chambre où le prince était couché : le prince voyant cet appareil demanda qui étaient ces étrangers ? « Ce sont, dit l’officier, Alexandre, César et Pompée. — Comment ! répliqua le prince, ils sont morts, et les morts ne mangent point. — Il est vrai, répondit-il, qu’ils sont morts, mais ils mangent de bon appétit. — Si cela est, dit le prince, qu’on me mette mon couvert, je veux manger avec eux. » Ce mort d’imagination se leva, mangea avec ses illustres convives, et cette invention de son officier lui fit recouvrer la santé du corps et de l’esprit qui était en grand danger[65].

Halphas, grand comte des enfers. Il paraît sous la forme d’une cigogne, avec une voix bruyante. Il bâtit des villes, ordonne les guerres et commande vingt-six légions[66]. C’est peut-être le même que Malphas.

Haltias. Les Lapons donnent ce nom aux vapeurs qui s’élèvent des lacs, et qu’ils prennent pour les esprits auxquels est commise la garde des montagnes.

Hamlet, prince de Danemark, à qui apparut le spectre de son père pour demander une vengeance dont il se chargea. Shakspeare a illustré cette sombre histoire. On montre toujours sur une colline voisine d’Elseneur la tombe d’Hamlet, que des croyances peureuses entourent et protègent.

Hammerlein. C’est le nom que donnait au démon qui le dominait un possédé cité par Brognoli dans son Alexiacon, Cet homme ne put être délivré.

Handel, célèbre musicien saxon. Se trouvant en 1700 à Venise, dans le temps du carnaval, il joua de la harpe dans une mascarade. Il n’avait alors que seize ans, mais son nom dans la musique était déjà très-connu. Dominique Scarlati, habile musicien d’alors sur cet instrument, l’entendit et s’écria : « Il n’y a que le Saxon Handel ou le diable qui puisse jouer ainsi… »

Hanneton. Il y a dans la Cafrerie une sorte de hanneton qui porte bonheur quand il entre dans une hutte. On lui sacrifie des brebis. S’il se pose sur un nègre, le nègre en devient tout fier.

Hannon, général carthaginois, distingué par cette fourberie : il nourrissait des oiseaux à qui il apprenait à dire : Hannon est un dieu ; puis il leur donnait la liberté.

Hantise, fréquentation. Le mot hanter est toujours pris en mauvaise part : « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. » Les maisons où paraissent des démons s’appellent des maisons hantées. Sous le titre de la Maison hantée, le comte Yermolof a écrit avec beaucoup de charme une tradition de Moscou. Cette maison avait été habitée par un alchimiste qui évoquait les esprits élémentaires. Une salamandre la hantait, et on disait que depuis qu’elle avait brûlé quelques-uns des évocateurs, elle gémissait tous les jours à minuit, sans qu’on vît jamais rien et sans qu’on pût rien découvrir dans la chambre où l’alchimiste avait opéré.

Hapi. Voy. Apis.

Haquart. Rémi, dans sa Démonologie, rapporte qu’une sorcière nommée Françoise Haquart, condamnée au feu en 1587, avait livré sa fille Jeanne au démon lorsqu’elle n’avait encore que sept ans. Une femme chrétienne se chargea de cette enfant, et pour la protéger contre le démon, elle la mit coucher entre deux pieuses servantes. Mais, à la vue de tous les voisins, elle fut enlevée et resta longtemps suspendue en l’air, pendant que les servantes criaient : « Seigneur Jésus, sauvez-nous. » Elle resta huit jours sans prendre aucun aliment, et on ne la délivra que par l’exorcisme.

Haquin. Les anciennes histoires Scandinaves font mention d’un vieux roi de Suède, nommé Haquin, qui commença à régner au troisième siècle et ne mourut qu’au cinquième, âgé de deux cent dix ans, dont cent quatre-vingt-dix de règne. Il avait déjà cent ans lorsque, ses sujets s’étant révoltés contre lui, il consulta l’oracle d’Odin qu’on révérait auprès d’Upsal. Il lui fut répondu que s’il voulait sacrifier le seul fils qui lui restait, il vivrait et régnerait encore soixante ans. Il y consentit, et ses dieux lui tinrent parole. Bien plus, sa vigueur se ranima à l’âge de cent cinquante ans ; il eut un fils à nouveau et successivement cinq autres, depuis cent cinquante ans jusqu’à cent soixante. Se voyant près d’arriver à son terme, il tâcha encore de le prolonger ; et les oracles lui répondirent que s’il sacrifiait l’aîné de ses enfants, il régnerait encore dix ans ; il le fit. Le second lui valut dix autres années de règne, et ainsi de suite jusqu’au cinquième. Enfin il ne lui restait plus que celui-là ; il était d’une caducité extrême, mais il vivait toujours ; ayant voulu sacrifier encore ce dernier rejeton de sa race, le peuple, lassé du monarque et de sa barbarie, le chassa du trône ; il mourut, et son fils lui succéda. Delancre dit que ce monarque était grand sorcier, et qu’il combattait ses ennemis à l’aide des éléments. Par exemple il leur envoyait de la pluie ou de la grêle.

Haridi, serpent honoré à Akhmin, ville d’Égypte. Il y a quelques siècles qu’un derviche nommé Haridi y mourut ; on lui éleva un tombeau, surmonté d’une coupole, au pied de la montagne ; les peuples vinrent lui adresser des prières. Un autre derviche profita de la crédulité des bonnes gens, et leur dit que Dieu avait fait passer l’esprit du défunt dans le corps d’un serpent. Il en avait apprivoisé un de ceux qui sont communs dans la Thébaïde et qui ne font pas de mal ; ce reptile obéissait à sa voix. Le derviche mit à l’apparition de son serpent tout l’appareil du charlatanisme ; il éblouit le vulgaire et prétendit guérir toutes les maladies. Quelques succès lui donnèrent la vogue. Ses successeurs n’eurent pas de peine à soutenir une imposture lucrative ; ils s’enrichirent en donnant à leur serpent l’immortalité et poussèrent l’impudence jusqu’à en faire un essai public ; le serpent fut coupé en morceaux en présence de l’émir, et déposé sous un vase pendant deux heures. À l’instant où le vase fut levé, les serviteurs du derviche eurent sans doute l’adresse d’en substituer un semblable ; on cria au prodige, et l’immortel Haridi acquit un nouveau degré de considération.

Paul Lucas raconte que, voulant s’assurer des choses merveilleuses que l’on racontait de cet animal, il fit pour le voir le voyage d’Akhmin ; qu’il s’adressa à Assan-Bey, lequel fit venir le derviche avec le serpent ou l’ange, car tel est le nom qu’on lui donnait, et que ce derviche tira de son sein en sa présence l’animal merveilleux. C’était, ajoute-t-il, une couleuvre de médiocre grosseur et qui paraissait fort douce.

Haro, famille noble d’Espagne, qui prétend descendre d’une fée.

Harold-Germson, roi de Norvège qui, voulant châtier l’Islande, envoya un habile et savant troldman (magicien) espionner le pays après avoir étudié ses abordages. Le troldman, pour n’être pas deviné, se changea en baleine, et nagea vers l’Islande. Il vit venir à lui dans une nacelle un Islandais qui, étant aussi magicien, le reconnut sous son déguisement ; le prétendu batelier siffla ; et les ladwaiturs, génies protecteurs de l’Islande, dûment avertis, s’élancèrent en formes de dragons et firent tomber sur la baleine une trombe de venin. Le troldman déguisé s’échappa et courut dans un autre site sous la forme d’un énorme oiseau. Le magicien islandais l’attaqua avec une pique ;

Le magicien islandais l’attaqua avec une pique. — Page 322.


l’oiseau blessé tomba ; le troldman en sortit encore et se métamorphosa en un taureau monstrueux ; c’était auprès de Bridafort ; échouant de nouveau, il reparut en géant ; mais toujours sans succès ; et Harold-Germson ne put avoir les renseignements qu’il voulait.

Tout ce récit nous vient d’une saga due à un vieux barde idolâtre, et c’est une altération de la vérité. Il s’agit là des efforts que firent les rois Scandinaves Olof Triggvason et Harald ou Harold-Germson pour convertir l’Islande au christianisme. Ce ne furent pas des magiciens, mais des missionnaires qu’ils y envoyèrent ; et il fallut des efforts immenses pour établir dans cette île sauvage un peu de christianisme, qui depuis est tombé, avec celui des autres pays du Nord, dans le luthéranisme, tout en conservant ses magiciens ou sorciers, qui florissent encore de nos jours[67].

Harpe. Chez les Calédoniens, lorsqu’un guerrier célèbre était exposé à un grand péril, les harpes rendaient d’elles-mêmes un son lugubre et prophétique ; souvent les ombres des aïeux du guerrier en pinçaient les cordes. Les bardes alors commençaient un chant de mort, sans lequel aucun guerrier n’était admis dans le palais de nuages, et dont l’effet était si salutaire que les fantômes retournaient dans leur demeure pour y recevoir avec empressement et revêtir de ses armes fantastiques le héros décédé.

Harppe. Thomas Bartholin, qui écrivait au dix-septième siècle, raconte, après une ancienne magicienne nommée Landela, dont l’ouvrage n’a jamais été imprimé, un trait qui doit être du treizième siècle ou du quatorzième. — Un homme du Nord, qui se nommait Harppe, étant à l’article de la mort, ordonna à sa femme de le faire enterrer tout debout devant la porte de sa cuisine, afin qu’il ne perdît pas tout à fait l’odeur des ragoûts qui lui étaient chers, et qu’il pût voir à son aise ce qui se passerait dans sa maison. La veuve exécuta docilement et fidèlement ce que son mari lui avait commandé. Quelques semaines après la mort de Harppe, on le vit souvent apparaître, sous la forme d’un fantôme hideux, qui tuait les ouvriers et molestait tellement les voisins, que personne n’osait plus demeurer dans le village. Un paysan, nommé Olaùs Pa, fut assez hardi pour attaquer ce vampire, car c’en était un ; il lui porta un grand coup de lance, et laissa la lance dans la plaie. Le spectre disparut. Le lendemain, Olaùs fit ouvrir le tombeau du mort ; il trouva sa lance dans le corps de Harppe, au même endroit où il avait frappé le fantôme. Le cadavre n’était pas corrompu ; on le tira de terre ; on le brûla, on jeta ses cendres à la mer, et on fut délivré de ses funestes apparitions[68].

« Le corps de Harppe, dit ici Dom Calmet (si l’on admet la vérité de ce fait), était donc réellement sorti de terre lorsqu’il apparaissait. Ce corps devait être palpable et vulnérable, puisqu’on trouva la lance dans la plaie. Comment sortit-il de son tombeau, et comment y rentra-t-il ? C’est la difficulté ; car qu’on ait trouvé la lance et la blessure sur son corps, cela ne doit pas surprendre, puisqu’on assure que les sorciers, qui se métamorphosent en chiens, en loups-garous, en chats, etc., portent dans leurs corps humains les blessures qu’ils ont reçues aux mêmes partiesdes corps dont ils se sont revêtus, et dans lesquels ils apparaissent. » Le plus croyable sur cette histoire peu avérée est probablement qu’elle est fort altérée. Voy. Vampires.

Harvilliers (Jeanne), sorcière des environs de Compiègne, au commencement du seizième siècle. Dans son procès, elle raconta que sa mère l’avait présentée au diable dès l’âge de douze ans ; que c’était un grand nègre vêtu de noir ; qu’il arrivait, quand elle le voulait, botté, éperonné et ceint d’une épée ; qu’elle seule le voyait, ainsi que son cheval, qu’il laissait à la porte. — La mère de Jeanne avait été brûlée comme sorcière. Elle, qui du reste avait commis d’autres crimes, fut également brûlée, à l’âge de cinquante ans, le dernier jour d’avril de l’année 1578[69].

Harvis. C’est le nom qu’on donne aux sorciers de l’Égypte moderne.

« De tout temps, dit M. Théodore Pavie, l’Égypte a eu des sorciers. Les devins qui luttèrent contre Moïse firent tant de prodiges, qu’il fallut au législateur des Hébreux la puissance invincible dont Jéhovah l’avait doué pour triompher de ses ennemis. La cabalistique, la magie, les sciences occultes, importées par les Arabes en Espagne, puis dans toute l’Europe, où déjà elles avaient paru sous d’autres formes à la suite des barbares venus d’Orient par le Nord, n’étaient que des tentatives pour retrouver ces pouvoirs surnaturels, premier apanage de l’homme, alors qu’il commandait aux choses de la création en les appelant du nom que la voix de l’Éternel leur avait imposé. Désormais, soit que les lumières de la vérité, plus répandues, rendent moins faciles les expériences des sorciers dégénérés, soit que l’homme en avançant dans les siècles perde peu à peu ce reste d’empire sur la matière, qu’il cherche aujourd’hui à dompter par l’analyse des lois auxquelles elle obéit, toujours est-il que la magie est une science perdue ou considérée comme telle. L’Égypte cependant prétend en avoir conservé la tradition ; et les devins du Caire jouissent encore, sur les bords du Nil, d’une réputation colossale. Il ne s’agit pas pour eux précisément de jeter des sorts, de prédire des malheurs ; ils n’ont pas la seconde vue du Tyrol ou de l’Écosse ; leur science consiste à évoquer, dans le creux de la main d’un enfant pris au hasard, telle personne éloignée dont le nom est prononcé dans l’assemblée, et de la faire dépeindre par ce même enfant, sans qu’il l’ait jamais vue, sous des traits impossibles à méconnaître. Le plus célèbre des harvis a eu l’honneur de travailler devant plusieurs voyageurs européens, dont les écrits ont été lus avec avidité, et il a généralement assez bien réussi pour que sa gloire n’ait eu rien à souffrir de ces rencontres périlleuses. Voir cet homme, assister à une séance de magie, juger par mes propres yeux de l’état de la sorcellerie en Orient, ces trois désirs me tentaient violemment : l’occasion s’en présenta.

» C’était au Caire, dans une des hôtelleries de cette capitale de l’Égypte. À la suite de quelques discussions qui s’étaient élevées entre nous au sujet du grand harvi, il fut unanimement résolu de le faire appeler. La table était presque toute composée d’Anglais. Vers la fin du dîner, le sorcier arriva. Il entre, fait un léger signe de tête, et va s’asseoir au coin du divan, dans le fond du salon. Bientôt, après avoir accepté le café et la pipe, comme chose due à son importance, il se recueille, tout en parcourant l’assemblée d’un regard scrutateur. Le devin est né à Alger ; sa physionomie n’a rien de gracieux, son œil est perçant et peu ouvert ; sa barbe grisonnante laisse voir une bouche petite, à lèvres minces et serrées ; ses traits, plus fins que ceux d’un Égyptien, n’ont pas non plus le calme impassible et sauvage du Bédouin ; il est grand, fier, dédaigneux, et se pose en homme supérieur. Tandis que nous achevions de fumer, celui-ci son chibouk, celui-là son narguilé, le harvi, immobile dans son coin, cherchait à lire sur nos visages le degré de croyance que nous étions disposés à lui accorder ; puis tout à coup il tira de sa poche un calam (sorte de plume) et de l’encre, demanda un réchaud, et se mit à écrire ligne à ligne, sur un long morceau de papier, de mystérieuses sentences. Dès qu’il eut jeté dans le feu quelques-unes de ces lignes, déchirées successivement, le charme commençant à opérer, un enfant fut introduit. C’était un Nubien de sept à huit ans, esclave au service de l’un de nos convives, récemment arrivé de son pays, noir comme l’encre du harvi, et affublé du plus simple costume turc.

L’Algérien et son Nubien.

Le sorcier prit la main de l’enfant, y laissa tomber une goutte du liquide magique, l’étendit avec sa plume de roseau, et abaissant la tête du patient sur ses doigts, de manière qu’il ne pût rien voir, il le plaça dans un coin de l’appartement, près de lui, le dos tourné à l’assemblée.

— Lady K… ! s’écria le plus impétueux des spectateurs. — Et l’enfant, après avoir hésité quelques instants, prit la parole d’une voix faible.

— Que vois-tu ? lui demanda son maître, tandis que le harvi, de plus en plus sérieux, marmottait des vers magiques, tout en brûlant ses papiers, dont il tira une grande poignée de dessous sa robe. — Je vois, répondit le petit Nubien ; je vois des bannières, des mosquées, des chevaux, des cavaliers, des musiciens, des chameaux…

— Toutes choses qui n’ont rien à faire avec Lady K…, me dit tout bas un esprit fort. — Shouf ta’ib ! Shouf ta’ib ! regarde bien ! criait le spectateur qui voulait évoquer lady K… L’enfant se taisait, balbutiait ; puis il déclara qu’il voyait une personne. — Est-ce une dame, un monsieur ? — Une dame ! — Le harvi s’aperçut à nos regards qu’il avait déjà converti à moitié les plus incrédules. — Et comment est cette dame ?

— Elle est belle, reprit l’enfant, bien vêtue et bien blanche ; elle a un bouquet à la main ; elle est près d’un balcon, et regarde un beau jardin.

— On dirait que ce négrillon a vu quelquefois les portraits de Lawrence, dit le maître de l’esclave à son voisin ; il a deviné juste, et pourtant jamais rien de semblable ne s’est présenté à ses yeux. — Et puis, reprit l’enfant après quelques secondes, car il parlait lentement et par mots entrecoupés, cette belle dame a trois jambes ! L’effort que fit le harvi pour ne pas anéantir le négrillon d’un coup de poing se trahit par un sourire forcé. Il lui répéta avec une douceur contrainte, une grâce pleine de rage : — Shouf ta’ib ! regarde bien ! L’enfant tremblait ; toutefois il affirma que le personnage évoqué dans le creux de sa main avait trois jambes.

» Aucun de nous ne put se rendre compte de l’illusion ; mais on fit retirer le petit nègre, qui fut remplacé par un autre en tout semblable. Durant cette interruption, le sorcier avait marmotté bon nombre de phrases magiques et brûlé force papiers. L’assemblée fumait, le café circulait sans cesse : l’animation allait croissant. On convint d’évoquer cette fois sir F. S…, facile à reconnaître, puisqu’il a perdu un bras. Le nouveau négrillon prit la place du premier, abaissa de même sa tête sur la goutte d’encre, et l’on fit silence. — Sir F. S… ! dit une voix dans l’assemblée, et l’enfant répéta, syllabe par syllabe, ce nom tout à fait barbare pour lui. Ainsi que son prédécesseur, il déclara voir des chevaux, des chameaux, des bannières et des troupes de musiciens : c’est le prélude ordinaire, le chaos qui se débrouille avant que la lumière magique de la goutte d’encre éclaire le personnage demandé. Le harvi ne comprend ni le français, ni l’anglais, ni l’italien ; mais, habitué à lire dans les regards du public, il devina qu’on lui proposait un sujet marqué par quelque signe particulier. Jadis on lui avait demandé de faire paraître Nelson, à qui, comme chacun sait, il manquait un bras et une jambe, et il avait rencontré juste, grâce à la célébrité du héros. Cette fois, il eut vent de quelque tour de ce genre ; aussi, après bien des réponses confuses, l’enfant s’écria : — Je vois un monsieur ! c’est un chrétien, il n’a pas de turban : son habit est vert… Je ne vois qu’un bras ! À ces mots, nous échangeâmes un sourire, comme des gens qui s’avouent vaincus : il fallait croire à la magie… Mais mon voisin l’esprit fort, après avoir fait bouillonner l’eau de son narguilé avec un bruit effroyable, regarda le harvi. Je remarquai que notre pensée avait été mal interprétée par le devin, et qu’il chancelait dans son affirmation, supposant que nous avions ri de pitié. Il demanda donc à l’enfant : — Tu ne vois qu’un bras ? Et l’autre ? L’enfant ne répondit pas, et il se fit un grand silence. On entendit les petits papiers s’enflammer plus vivement sur le réchaud. — L’autre bras, reprit le négrillon… je le vois : ce monsieur le met devant son dos, et il tient un gant de cette main !… »

Ainsi le harvi qui opéra devant M. Th. Pavie ne fut pas heureux ou ne fut pas adroit[70]. M. Léon de Laborde avait été plus favorisé ; car voici un fragment curieux qu’il a publié en 1833 dans la Revue des deux mondes, et qu’on retrouve dans ses Commentaires géographiques sur la Genèse.

« L’Orient, cet antique pays, ce vieux berceau de tous les arts et de toutes les sciences, fut aussi et de tout temps le domaine du savoir occulte et des secrets puissants qui frappent l’imagination des peuples. J’étais établi au Caire depuis plusieurs mois (1827), quand je fus averti un matin par lord Prudhoe qu’un Algérien[71], sorcier de son métier, devait venir chez lui pour lui montrer un tour de magie qu’on disait extraordinaire. Bien que j’eusse alors peu de confiance dans la magie orientale, j’acceptai l’invitation ; c’était d’ailleurs une occasion de me trouver en compagnie fort agréable. Lord Prudhoe me reçut avec sa bonté ordinaire et cette humeur enjouée qu’il avait su conserver au milieu de ses connaissances si variées et de ses recherches assidues dans les contrées les plus difficiles à parcourir. Un homme grand et beau, portant turban vert et benisch de même couleur, entra : c’était l’Algérien. Il laissa ses souliers sur le bout du tapis, alla s’asseoir sur un divan et nous salua tous, à tour de rôle, de la formule en usage en Égypte. Il avait une physionomie douce et affable, un regard vif, perçant, je dirai même accablant, et qu’il semblait éviter de fixer, dirigeant ses yeux à droite et à gauche plutôt que sur la personne à laquelle il parlait ; du reste, n’ayant rien de ces airs étranges qui dénotent des talents surnaturels et le métier de magicien. Habillé comme les écrivains ou les hommes de loi, il parlait fort simplement de toutes choses et même de sa science, sans emphase ni mystère, surtout de ses expériences, qu’il faisait ainsi en public et qui semblaient à ses yeux plutôt un jeu, à côté de ses autres secrets qu’il ne faisait qu’indiquer dans la conversation. On lui apporta la pipe et le café, et pendant qu’il parlait, on fit venir deux enfants sur lesquels il devait opérer.

» Le spectacle alors commença. Toute la société se rangea en cercle autour de l’Algérien, qui fit asseoir un des enfants près de lui, lui prit la main et sembla le regarder attentivement. Cet enfant, fils d’un Européen, était âgé de onze ans et parlait parfaitement l’arabe. Achmed, voyant son inquiétude au moment où il tirait de son écritoire sa plume de jonc, lui dit : — N’aie pas peur, enfant, je vais t’écrire quelques mots dans la main, tu y regarderas, et voilà tout. L’enfant se remit de sa frayeur, et l’Algérien lui traça dans la main un carré, entremêlé bizarrement de lettres et de chiffres, versa au milieu une encre épaisse et lui dit de chercher le reflet de son visage. L’enfant répondit qu’il le voyait. Le magicien demanda un réchaud qui fut apporté sur-le-champ ; puis il déroula trois petits cornets de papier qui contenaient différents ingrédients, qu’il jeta en proportion calculée sur le feu. Il l’engagea de nouveau à chercher dans l’encre le reflet de ses yeux, à regarder bien attentivement, et à l’avertir dès qu’il verrait paraître un soldat turc balayant une place. L’enfant baissa la tête ; les parfums pétillèrent au milieu des charbons : et le magicien, d’abord à voix basse, puis l’élevant davantage, prononça une kyrielle de mots dont à peine quelques-uns arrivèrent distinctement à nos oreilles. — Le silence était profond ; l’enfant avait les yeux fixés sur sa main ; la fumée s’éleva en larges flocons, répandant une odeur forte et aromatique. Achmed, impassible, semblait vouloir stimuler de sa voix, qui de douce devenait saccadée, une apparition trop tardive, quand tout à coup, jetant sa tête en arrière, poussant des cris et pleurant amèrement, l’enfant nous dit, à travers les sanglots qui le suffoquaient, qu’il ne voulait plus regarder, qu’il avait vu une figure affreuse ; il semblait terrifié. L’Algérien n’en parut point étonné, il dit simplement : — Cet enfant a eu peur, laissez-le ; en le forçant, on pourrait lui frapper trop vivement l’imagination.

» On amena un petit Arabe au service de la maison et qui n’avait jamais vu ni rencontré le magicien ; peu intimidé de tout ce qui venait de se passer, il se prêta gaiement aux préparatifs et fixa bientôt ses regards dans le creux de sa main, sur le reflet de sa figure, qu’on apercevait même de côté, vacillant dans l’encre. — Les parfums recommencèrent à s’élancer en fumée épaisse, et les formules parlées en un chant monotone, se renforçant et diminuant par intervalles, semblaient devoir soutenir son attention : — Le voilà, s’écria-t-il, et nous remarquâmes l’émotion soudaine avec laquelle il porta ses regards sur le centre des signes magiques. — Comment est-il habillé ? — Il a une veste rouge brodée d’argent, un turban et des pistolets à sa ceinture. — Que fait-il ? — Il balaye une place devant une grande tente riche et belle ; elle est rayée de rouge et de vert avec des boules d’or en haut. — Regarde qui vient à présent ? — C’est le sultan suivi de tout son monde. Oh ! que c’est beau !… Et l’enfant regardait à droite et à gauche, comme dans les verres d’une optique dont on cherche à étendre l’espace. — Comment est son cheval ? — Blanc, avec des plumes sur la tête. — Et le sultan ? — Il a une barbe noire, un benisch vert.

» Ensuite l’Algérien nous dit : Maintenant, messieurs, nommez la personne que vous désirez faire paraître ; ayant soin seulement de bien articuler les noms, afin qu’il ne puisse pas y avoir d’erreur. Nous nous regardâmes tous, et, comme toujours, dans ce moment personne ne retrouva un nom dans sa mémoire. — Shakspeare, dit enfin le major Félix, compagnon de voyage de lord Prudhoe. — Ordonnez au soldat d’amener Shakspeare, dit l’Algérien. — Amène Shakspeare ! cria l’enfant d’une voix de maître. — Le voilà ! ajouta-t-il après le temps nécessaire pour écouter quelques-unes des formules inintelligibles du sorcier. Notre étonnement serait difficile à décrire, aussi bien que la fixité de notre attention aux réponses de l’enfant. — Comment est-il ? — Il porte un benisch noir ; il est tout habillé de noir, il a une barbe. — Est-ce lui ? nous demanda le magicien d’un air fort naturel, vous pouvez d’ailleurs vous informer de son pays, de son âge. — Eh bien, où est-il né ? dis-je. — Dans un pays tout entouré d’eau. Cette réponse nous étonna encore davantage. — Faites venir Cradock, ajouta lord Prudhoe avec cette impatience d’un homme qui craint de se fier trop facilement à une supercherie. Le caouas (soldat turc) l’amena. — Comment est-il habillé ? — Il a un habit rouge, sur sa tête un grand tarbousch noir, et quelles drôles de bottes ! je n’en ai jamais vu de pareilles : elles sont noires et lui viennent par-dessus les jambes.

» Toutes ces réponses dont on retrouvait la vérité sous un embarras naturel d’expressions qu’il aurait été impossible de feindre, étaient d’autant plus extraordinaires qu’elles indiquaient d’une manière évidente que l’enfant avait sous les yeux des choses entièrement neuves pour lui. Ainsi, Shakspeare avait le petit manteau noir de l’époque, qu’on appelait benisch, et tout le costume de couleur noire qui ne pouvait se rapporter qu’à un Européen, puisque le noir ne se porte pas en Orient, et en y ajoutant une barbe que les Européens ne portent pas avec le costume franc, c’était une nouveauté aux yeux de l’enfant. Le lieu de sa naissance, expliqué par un pays tout entouré d’eau, est à lui seul surprenant. Quant à l’apparition de M. Cradock, qui était alors en mission diplomatique près du pacha, elle est encore plus singulière ; car le grand tarbousch noir, qui est le chapeau militaire à trois cornes, et ces bottes noires qui se portent par-dessus la culotte, étaient des choses que l’enfant avouait n’avoir jamais vues auparavant ; et pourtant elles lui apparaissaient.

» Nous fîmes encore apparaître plusieurs personnes ; et chaque réponse, au milieu de son irrégularité, nous laissait toujours une profonde impression. Enfin le magicien nous avertit que l’enfant se fatiguait ; il lui releva la tête, en lui appliquant ses pouces sur les yeux et en prononçant des paroles mystérieuses ; puis il le laissa. L’enfant était comme ivre : ses yeux n’avaient point une direction fixe, son front était couvert de sueur ; tout son être semblait violemment attaqué. Cependant il se remit peu à peu, devint gai, content de ce qu’il avait vu ; il se plaisait à le raconter, à en rappeler toutes les circonstances, et y ajoutait des détails commeà un événement qui se serait réellement passé sous ses yeux.

» Mon étonnement avait surpassé mon attente ; mais j’y joignais une appréhension plus grande encore ; je craignais une mystification, et je résolus d’examiner par moi-même ce qui, dans ces apparitions, en apparence si réelles et certainement si faciles à obtenir, appartenait au métier de charlatan, et ce qui pouvait résulter d’une influence magnétique quelconque. Je me retirai dans le fond de la chambre, et j’appelai Bellier, mon drogman. Je lui dis de prendre à part Achmed et de lui demander si, pour une somme d’argent, qu’il fixerait, il voulait me dévoiler son secret ; à la condition, bien entendu, que je m’engagerais à le tenir caché de son vivant. — Le spectacle terminé, Achmed, tout en fumant, s’était mis à causer avec quelques-uns des spectateurs, encore surpris de son talent ; puis après il partit. J’étais à peine seul avec Bellier, que je m’informai de la réponse qu’il avait obtenue. Achmed lui avait dit qu’il consentait à m’apprendre son secret.

» Le lendemain nous arrivâmes à la grande mosquée El-Ahzar, près de laquelle demeurait Achmed l’Algérien. Le magicien nous reçut poliment et avec une gaieté affable ; un enfant jouait près de lui : c’était son fils. Peu d’instants après, un petit noir d’une bizarre tournure nous apporta les pipes. La conversation s’engagea. Achmed nous apprit qu’il tenait sa science de deux cheicks célèbres de son pays et ajouta qu’il ne nous avait montré que bien peu de ce qu’il pouvait faire. — Je puis, dit-il, endormir quelqu’un sur-le-champ, le faire tomber, rouler, entrer en rage, et au milieu de ses accès le forcer de répondre à mes demandes et de me dévoiler tous ses secrets. Quand je le veux aussi, je fais asseoir la personne sur un tabouret isolé, et, tournant autour avec des gestes particuliers, je l’endors immédiatement ; mais elle reste les yeux ouverts, parle et gesticule comme dans l’état de veille.

» Nous réglâmes nos conditions ; il demanda quarante piastres d’Espagne et le serment sur le Koran de ne révéler ce secret à, personne. La somme fut réduite à trente piastres ; et le serment fait ou plutôt chanté, il fit monter son petit garçon et prépara, pendant que nous fumions, tous les ingrédients nécessaires à son opération. Après avoir coupé dans un grand rouleau un petit morceau de papier, il traça dessus les signes à dessiner dans la main et les lettres qui y ont rapport ; puis, après un moment d’hésitation, il me le donna. J’écrivis la prière que voici sous sa dictée : « Anzilou-Aiouha-el-DjenniAiouha-el-Djennoun-Anzilou-Bettakki-Matalahoutouhou-Aleikoum-Taricki-Anzilou-Taricky. » — Les trois parfums sont : « Takeh-Mabachi, — Ambar-Indi. — Kousombra-Djaou. »

» L’Algérien opéra sur son enfant devant moi. Ce petit garçon en avait une telle habitude que les apparitions se succédaient sans difficulté. Il nous raconta des choses fort extraordinaires, et dans lesquelles on remarquait une originalité qui ôtait toute crainte de supercherie. J’opérai le lendemain devant Achmed avec beaucoup de succès, et avec toute l’émotion que peut donner le pouvoir étrange qu’il venait de me communiquer. À Alexandrie je fis de nouvelles expériences, pensant bien qu’avec cette distance je ne pourrais avoir de doute sur l’absence d’intelligence entre le magicien et les enfants que j’employais, et, pour en être encore plus sûr, je les allai chercher dans les quartiers les plus reculés ou sur les routes, au moment où ils arrivaient de la campagne. J’obtins des révélations surprenantes, qui toutes avaient un caractère d’originalité encore plus extraordinaire que ne l’eût été celui d’une vérité abstraite. Une fois entre autres, je fis apparaître lord Prudhoe, qui était au Caire, et l’enfant, dans la description de son costume, se mit à dire : — Tiens, c’est fort drôle, il a un sabre d’argent. Or, lord Prudhoe était le seul peut-être en Égypte qui portât un sabre avec un fourreau de ce métal. De retour au Caire, je sus qu’on parlait déjà de ma science, et un matin, à mon grand étonnement, les domestiques de M. Msarra, drogman du consulat de France, vinrent chez moi pour me prier de leur faire retrouver un manteau qui avait été volé à l’un d’eux. Je ne commençai cette opération qu’avec une certaine crainte. J’étais aussi inquiet des réponses de l’enfant que les Arabes qui attendaient le recouvrement de leur bien. Pour comble de malheur, le caouas ne voulait pas paraître, malgré force parfums que je précipitais dans le feu, et les violentes aspirations de mes invocations aux génies les plus favorables : enfin il arriva et, après les préliminaires nécessaires, nous évoquâmes le voleur. Il parut. Il fallait voir les têtes tendues, les bouches ouvertes, les yeux fixes de mes spectateurs, attendant la réponse de l’oracle, qui en effet nous donna une description de sa figure, de son turban, de sa barbe : — C’est Ibrahim, oui, c’est lui, bien sûr ! — s’écria-t-on de tous côtés ; et je vis que je n’avais plus qu’à appuyer mes pouces sur les yeux de mon patient, car ils m’avaient tous quitté pour courir après Ibrahim. Je souhaite qu’il ait été coupable, car j’ai entendu vaguement parler de quelques coups de bâton qu’il reçut à cette occasion… »

Hasard. Le hasard, que les païens appelaient la Fortune, a toujours eu un culte étendu, quoiqu’il ne soit rien par lui-même. Les joueurs, les guerriers, les coureurs d’aventures, ceux qui cherchent la fortune dans les roues de la loterie, dans l’ordre des cartes, dans la chute des dés, dans un tour de roulette, ne soupirent qu’après le hasard ! Qu’est-ce donc que le hasard ? Un événement fortuit amené par l’occasion ou par des causes qu’on n’a pas su prévoir, heureux pour les uns, malheureux pour les autres. « Un Allemand sautant en la ville d’Agen sur le gravier, l’an 1597, au saut de l’Allemand, mourut tout roide au troisième saut. Admirez le hasard, la bizarrerie et la rencontre du nom, du saut et du sauteur, dit gravement Delancre : Un Allemand saute au saut de l’Allemand, et la mort, au troisième saut, lui fait faire le saut de la mort… » On voit qu’au seizième siècle même on trouvait aussi des hasards merveilleux dans les jeux de mots.

Le Hasard ou la Forlune.


Hasparius-Eubedi. Saint Augustin cite cet homme de son diocèse comme ayant eu sa maison infestée par les esprits malins. Un prêtre qu’il envoya l’en délivra[72].

Hatchy. Voy. Hrachich.

Hatton II, surnommé Bonose, usurpateur du siège archiépiscopal de Mayence ; il vivait en 1074. Il avait refusé de nourrir les pauvres dans un temps de famine, et avait même fait brûler une grange pleine de gens qui lui demandaient du pain : il périt misérablement. On rapporte que cet intrus, étant tombé malade dans une tour qui est située en une petite île sur les bords du Rhin, y avait été visité de tant de rats, qu’il fut impossible de les chasser. Il se lit transporter ailleurs, dans l’espoir d’en être délivré, mais les rats, s’étant multipliés, le suivirent à la nage, le joignirent et le dévorèrent. Poppiel II, roi de Pologne, souillé de crimes, fut pareillement dévoré par les rats.

Haussy (Marie de), sorcière du seizième siècle, qu’une autre sorcière déclara dans sa confession avoir vue danser au sabbat avec un sorcier de la paroisse de Faks, lequel adorait le diable[73].

Hécate, diablesse qui préside aux rues et aux carrefours. Elle est chargée, aux enfers, de la police des chemins et de la voie publique. Elle a trois visages : le droit de cheval, le gauche de chien, le mitoyen de femme. Delrio dit : « Sa présence fait trembler la terre, éclater les feux et aboyer les chiens. » Hécate, chez les anciens, était aussi la triple Hécate : Diane sur la terre, Proserpine aux enfers, la lune dans le ciel. Ce sont, au dire des astronomes, les trois phases de la lune.

Hécatonchires. Ce.sontles géants marins qui se révoltèrent contre Jupiter avec les Titans. Ils doivent leur nom à cette circonstance qu’ils avaient cent bras et cinquante têtes.

Hécla. Les Islandais prétendaient autrefois que l’enfer était dans leur île, et ils le plaçaient dans le goufre du mont Hécla. Ils croyaient aussi que le bruit produit par les glaces, quand elles se choquent et s’amoncellent sur leurs rivages, vient des cris des damnés tourmentés par un froid excessif, et qu’il y a des âmes condamnées à geler éternellement, comme il y en a qui brulent dans des feux éternels.

Cardan dit que cette montagne est célèbre par l’apparition des spectres et des esprits. Il pense avec Leloyer[74] que c’est dans cette montagne de l’Hécla que les âmes des sorciers sont punies après leur mort.

Hecdekin ou Hodeken. En l’année 1130, un démon que les Saxons appelaient Hecdekin ou Hodeken, c’est-à-dire l’esprit au bonnet, à cause du bonnet dont il était coiffé, vint passer quelques mois dans la ville d’Hildeshéim, en basse Saxe. L’évêque d’Hildeshéim en était aussi le souverain. En raison de ces deux titres, le démon crut devoir s’attacher à sa maison. Il se posta donc dans le palais et s’y lit bientôt connaître avantageusement, soit en se montrant avec complaisance à ceux qui avaient besoin de lui, soit en disparaissant avec prudence lorsqu’il devenait importun, soit en faisant des choses remarquables et difficiles. — Il donnait de bons conseils dans les affaires diplomatiques, portait de l’eau à la cuisine et servait les cuisiniers. La chose s’est passée dans le douzième siècle:les mœurs étaient alors plus simples qu’aujourd’hui.

Il fréquentait donc la cuisine et le salon ; et les marmitons, le voyant de jour en jour plus familier, se divertissaient en sa compagnie. — Mais un soir un d’eux se porta contre lui aux injures, quelques-uns disent même aux voies de fait. Le démon en colère s’alla plaindre au maître d’hôtel, de qui il ne reçut aucune satisfaction; alors il crut pouvoir se venger. Il étouffa le marmiton, en assomma quelques autres, rossa le maître d’hôtel, et sortit de la maison pour n’y plus reparaître[75].

Héhugaste, sylphide qui se familiarisait avec l’empereur Auguste. Les cabaîistes disent qu’Ovide fut relégué à Tomes pour avoir surpris Auguste en tête-à-tête avec elle ; que la sylphide fut si piquée de ce que ce prince n’avait pas donné d’assez bons ordres pour qu’on ne la vît point, qu’elle l’abandonna pour toujours[76].

Hékacontâlithos. Pierre qui en renferme soixante autres diverses, que les troglodytes offraient au diable dans leurs sorcelleries[77].

Héla, fille d’Angerbode et reine des trépassés chez les anciens Germains. Son gosier, toujours ouvert, ne se remplissait jamais. Elle avait le même nom que l’enfer. La mythologie Scandinave donne le pouvoir de la mort à Héla, qui gouverne les neuf mondes du Niflheim. Ce nom signifie mystère, secret, abîme. Selon la croyance populaire des paysans de l’antique Cimbrie, Héla répand au loin la peste et laisse tomber tous les fléaux de ses terribles mains en voyageant la nuit sur le cheval à trois pieds de l’enfer (Helhest). Héla et les loups de la guerre ont longtemps exercé leur empire en Normandie. Cependant, lorsque les hommes du Nord de Hastings devinrent les Normands de Rollon, ils semblent n’avoir pas perdu le souvenir de leurs vieilles superstitions aussi rapidement que celui de leur langue maternelle. D’Héla naquit Hellequin, nom dans lequel il est facile de reconnaître HelaKïon, la race d’Héla déguisée sous l’orthographe romaine. Ce fut le fils d’Héla que Richard Sans peur, fils de Robert le Diable, duc de Normandie, rencontra chassant dans la forêt. Le roman raconte qu’Hellequin était un cavalier qui avait dépensé toute sa fortune dans les guerres de Charles-Martel contre les Sarasins païens. La guerre finie, Hellequin et ses fils, n’ayant plus de quoi soutenir leur rang, se jetèrent dans de mauvaises voies. Devenus de vrais bandits, ils n’épargnaient rien ; leurs victimes demandèrent vengeance au ciel, et leurs cris furent entendus. Hellequin tomba malade et mourut ; ses péchés l’avaient mis en danger de damnation éternelle : heureusement ses mérites comme champion de la foi contre les païens lui servirent. Son bon ange plaida pour lui, et obtint qu’en expiation de ses derniers crimes, la famille d’Hellequin errerait après sa mort, gémissante et malheureuse, tantôt dans une forêt, tantôt dans une autre, n’ayant d’autres distractions que la chasse au sanglier, mais souvent poursuivie elle-même par une meute d’enfer, punition qui durera jusqu’au jugement dernier.

Hélène ou Oléine, reine des Adiabénites, dont le tombeau se voyait à Jérusalem, non sans artifice, car on ne pouvait l’ouvrir et le fermer qu’à certain jour de l’année. Si on l’essayait dans un autre temps, tout était rompu[78].

Hélène ou Sélène, compagne mystérieuse de Simon le magicien[79].

Hélénéion, plante que Pline fait naître des larmes d’Hélène auprès du chêne où elle fut pendue, et qui avait la vertu d’embellir les femmes et de rendre gais ceux qui en mettaient dans leur vin.

Helgafell, montagne et canton d’Islande, qui a joui longtemps d’une grande réputation dans l’esprit des Islandais. Lorsque des parties plaidaient sur des objets douteux, et qu’elles ne pouvaient s’accorder, elles s’en allaient à Helgafell pour y prendre conseil : on s’imaginait que tout ce qui s’y décidait devait avoir une pleine réussite. Certaines familles avaient aussi la persuasion qu’après leur mortelles devaient revenir habiter ce canton. La montagne passait pour un lieu saint. Personne n’osait la regarder qu’il ne se fût lavé le visage et les mains.

Helhest, cheval à trois pieds de l’enfer. Voy. Héla.

Hélias. « Apparition admirable et prodigieuse arrivée à Jean Hélias, le premier jour de l’an 1623, au faubourg Saint-Germain à Paris. » — C’est un gentilhomme qui conte[80] : « Étant allé le dimanche, premier jour de l’année 1623, sur les quatre heures après midi à Notre-Dame, pour parler à M. le grand pénitencier sur la conversion de Jean Hélias, mon laquais, ayant décidé d’une heure pour le faire instruire, parce qu’il quittait son hérésie pour embrasser la vraie religion, je m’en fus passer le reste du jour chez M. de Sainte-Foi, docteur en Sorbonne, et me retirai sur les six heures. Lorsque je rentrai, j’appelai mon laquais avant de monter dans ma chambre ; il ne me répondit point. Je demandai s’il n’était pas à l’écurie ; on ne m’en sut rien dire. Je montai, éclairé d’une servante ; je trouvai les deux portes fermées, les clefs sur les serrures. En entrant dans la première chambre, j’appelai encore mon laquais, qui ne répondit point ; je le trouvai à demi couché auprès du feu, la tête appuyée contre la muraille, les yeux et la bouche ouverts ; je crus qu’il avait du vin dans la tête ; et, le poussant du pied, je lui dis : — Levez-vous, ivrogne ! — Lui, tournant les yeux sur moi : — Monsieur, me dit-il, je suis perdu ; je suis mort ; le diable tout à l’heure voulait m’emporter. — Il poursuivit qu’étant entré dans la chambre, ayant fermé les portes sur lui et allumé le feu, il s’assit auprès, tira son chapelet de sa poche et vit tomber de la cheminée un gros charbon ardent entre les chenets. Aussitôt on lui dit : — Eh bien, vous voulez donc me quitter ? — Croyant d’abord que c’était moi qui parlais, il répondit : — Pardonnez-moi, monsieur, qui vous a dit cela ? — Je l’ai bien vu, dit le diable ; vous êtes allé tantôt à l’église. Pourquoi voulez-vous me quitter ? je suis bon maître ; tenez, voilà de l’argent ; prenez en tant qu’il vous plaira. — Je n’en veux point, répondit Hélias. Le diable, voyant qu’il refusait son argent, voulut lui faire donner son chapelet. — Donnez-moi ces grains que vous avez dans la main, dit-il, ou bien jetez-les au feu. Mon laquais répondit : — Dieu ne commande point cela ; je ne veux pas vous obéir. Alors le diable se montra à lui ; et voyant qu’il était tout noir, Hélias lui dit : — Vous n’êtes pas mon maître, car il porte une fraise blanche et du clinquant à ses habits. Au même instant, il lit le signe de la croix et le diable incontinent disparut… »

Était-ce une hallucination ?

Héliodore, magicien qui se donna au démon et que quelques-uns croient être le même que Diodore ; il fit à Catane des prodiges que la Sicile raconte encore. On le compare à Simon le magicien, à Virgile et aux plus célèbres enchanteurs. Comme Faust était servi par Méphistophélès, Héliodore était servi par un autre démon nommé Gaspard. Il faisait accepter des pierres pour de l’or. Il voyageait sur un cheval qui était un démon. Il fascinait ceux qui voulaient l’arrêter en prenant une figure et des formes qui n’étaient pas les siennes. On lit dans la vie de saint Léon, traduite du grec en 1826, qu’un jour l’impudent magicien, entrant dans la basilique où saint Léon célébrait les saints mystères, annonça que, par son charme, il allait le faire danser avec tous ses prêtres. Mais le saint descendit de l’autel, le lia de son étole et le conduisit à un bûcher préparé, où il resta avec lui jusqu’à ce que cet homme vendu au diable fût réduit en cendres.

Héliogabale, empereur de Rome ; il s’occupait de nécromancie, quoiqu’il méprisât toute religion. Bodin assure qu’il allait au sabbat et qu’il y adorait le diable.

Héliotrope. On donnait ce nom à une pierre précieuse, verte et tachetée ou veinée de rouge, à laquelle les anciens ont attribué un grand nombre de vertus fabuleuses, comme de rendre invisibles ceux qui la portaient.

L’héliotrope, plante qui suit, dit-on, le côlirs du soleil, a été aussi l’objet de plusieurs contes populaires.

Hellequin, fils d’Héla. Pour sa légende, Voy. Héla.

Helsingeland, contrée de la Suède qui a une femme blanche. On dit qu’elle ne fait que du bien. On l’appelle la dame de l’Helsingeland[81].

Hennisseur (Le), lutin flamand, ainsi nommé à cause de son cri qui est celui d’un cheval en hilarité.

Hénoch. Les rabbins croient qu’Hénoch, transporté au ciel, fut reçu au nombre des anges, et que c’est lui qui est connu sous les noms de Métraton et de Michel, l’un des premiers princes du ciel, lequel tient, registre des mérites et des péchés des Israélites. Ils ajoutent qu’il eut Dieu et Adam pour maîtres. Saint Jude, dans son Épître, parlant de plusieurs chrétiens mal convertis, dit « C’est d’eux qu’Hénoch, qui a été le septième depuis Adam, a prophétisé en ces termes : — Voilà le seigneur qui va venir avec la multitude de ses saints pour exercer son jugement sur tous les hommes, et pour convaincre tous les impies. »

Le Livre d’Hénoch, tel que nous l’avons, passe pour apocryphe et n’est probablement pas celui que cite saint Jude.

Henri III, fils de Catherine de Médicis ; il était infatué de superstitions. Ses contemporains le représentent comme sorcier. Dans un des pamphlets qu’on répandit contre lui, on lui reproche d’avoir tenu au Louvre des écoles de magie et d’avoir reçu en présent des magiciens un esprit familier nommé Terragon (voyez ce mot), du nombre des soixante esprits nourris à l’école de Soliman. Cette accusation de sorcellerie est, dit-on, ce qui mit le poignard dans les mains de Jacques Clément. Les ennemis de ce mauvais prince avaient tenté auparavant de le faire mourir en piquant ses images en cire, ce qui s’appelait envoûter.

Voici l’extrait d’un pamphlet intitulé les Sorcelleries de Henri de Valois et les oblations qu’il faisait au diable dans le bois de Vincennes, Didier Millot, 1589, pamphlet qui parut quelques mois avant l’assassinat de Henri III :« Henri de Valois, d’Épernon et les autres mignons faisaient quasi publiquement profession de sorcellerie, étant commune à la cour entre iceux et plusieurs personnes dévoyées de la religion catholique ; on a trouvé chez d’Épernon un coffre plein de papiers de sorcellerie, auxquels il y avait divers mots hébreux, chaldaïques, latins et plusieurs caractères inconnus, des rondeaux ou cernes, desquels alentour il y avait diverses figures et écritures ; même des miroirs, onguents ou drogues, avec des verges blanches, lesquels semblaient être de coudrier, que l’on a incontinent brûlés pour l’horreur qu’on en avait. On a encore trouvé dernièrement au bois de Vincennes deux satyres d’argent, de la hauteur de quatre pieds. Ils étaient au-devant d’une croix d’or, au milieu de laquelle on avait enchâssé du bois de la vraie croix de Notre Seigneur Jésus-Christ. Les politiques disent que c’étaient des chandeliers. Ce qui fait croire le contraire, c’est que dans ces vases, il n’y avait point d’aiguille qui passât pour y mettre un cierge ou une petite chandelle. Ces monstres diaboliques ont été vus par messieurs de la ville. Outre ces deux diables, on a trouvé une peau d’enfant, laquelle avait été corroyée, et sur icelle y avait aussi plusieurs mots de sorcellerie et divers caractères… » Le fait est que les Valois s’occupaient de sciences occultes. On fit l’anagramme du nom de Henri III : Henri de Valois, où l’on trouve Vilain Hérode.

Henri III, empereur d’Allemagne. Étant encore très-jeune, Henri III obtint d’un clerc une petite canule d’argent avec laquelle les enfants s’amusent à jeter de l’eau. Pour l’engager à lui faire ce modique présent, il avait promis à ce clerc que, dès qu’il serait monté sur le trône, il ne manquerait pas de le faire évêque. C’était à une époque où le saint-siége ne cessait de travailler à éteindre la simonie, fréquente surtout en Allemagne. Henri devint empereur en 1139 ; il se souvint de sa parole et l’exécuta. Mais il ne tarda guère à tomber dans une fâcheuse maladie ; il fut trois jours à l’extrémité sans aucun sentiment. Un faible mouvement du pouls fit juger seulement qu’il y avait encore quelque lueur d’espérance de le ramener à la vie. Le prince recouvra en effet la santé. Aussitôt il fit appeler ce prélat, qu’il avait fait si précipitamment évêque, et, de l’avis de son conseil, il le déposa. Afin de justifier un jugement aussi bizarre, il assura que, pendant les trois jours de sa léthargie, les démons se servaient de cette même canule d’argent, qui avait été le prix de l’évêché, pour lui souffler un feu si violent que notre feu élémentaire ne saurait lui être comparé. Ce fait singulier est rapporté par Guillaume de Malmesbury, historien du douzième siècle.

Henri IV, empereur d’Allemagne, l’un des monstres de l’histoire. Excommunié, il eut une mort misérable[82]. Son fils, Henri V, marcha sur ses traces.

Henri IV, roi d’Angleterre. Il poursuivit les sorciers ; mais il encouragea d’autres philosophes. Au rapport d’Evelyn, dans ses Numismata, Henri IV fut réduit à un tel degré de besoin par ses folles dépenses, qu’il chercha à remplir ses coffres avec les secours de l’alchimie. L’enregistrement de ce singulier projet contient les protestations les plus solennelles et les plus sérieuses de l’existence et des vertus de la pierre philosophai, avec des encouragements à ceux qui s’occuperont de sa recherche, et leur affranchissement de toute espèce de contrariétés de la part des statuts et prohibitions antérieures. On avait prédit à ce roi Henri IV qu’il mourrait à Jérusalem. Il se garda bien d’y aller. Mais il tomba malade subitement dans l’abbaye de Westminster et y mourut dans une chambre appelée Jérusalem.

Henri VIII. Le Néron de l’Angleterre servait le diable, aussi bien que Luther, Calvin et consorts.

Henri IV, roi de France. On fit une recherche assez curieuse sur le nombre quatorze relativement à Henri IV. Il naquit quatorze siècles, quatorze décades, et quatorze ans après l’ère chrétienne. Il vint au monde le ik décembre et mourut le 14 mai. Il a vécu quatre fois quatorze ans, quatorze semaines, quatorze jours. Enfin, dans son nom de Henri de Bourbon ; il y a quatorze lettres.

Henri le Lion. C’est le duc Henri de Brunswick, qui partit à la croisade vers la fin du douzième siècle, et fut jeté en revenant dans une île déserte, où un lion s’attacha à lui. Il y avait sept ans qu’il soupirait là après sa patrie, lorsque le diable se présenta à ses regards, offrant de le remettre dans son palais, s’il voulait lui vendre son âme, marché qu’il accepta. Il fut donc reporté chez lui en un clin d’œil, lui et son lion. Mais on ajoute qu’il disparut en 1195, emporté par la même voie qui l’avait tiré du désert. — C’est une calomnie, et le lion un conte[83].


Hépatoscopie ou Hiéroscopie, divination qui avait lieu par l’inspection du foie des victimes dans les sacrifices, chez les Romains. Quelques sorciers modernes cherchaient aussi l’avenir dans les entrailles des animaux. Ces animaux étaient ordinairement ou un chat, ou une taupe, ou un lézard, ou une chauve-souris, ou un crapaud, ou une poule noire. Voy. Aruspices.

Héra. C’est en Westphalie une bonne fée qui parcourt les airs entre Noël et l’Épiphanie, répandant sur la terre l’abondance et le bonheur.

Héra.


Héraïde. Voy. Hermaphrodites.

Herbadilla. Autrefois, il y avait à la place du lac de Grand-Lieu en Bretagne un vallon délicieux:et fertile qu’ombrageait la forêt de Vertou. Ce fut là que se réfugièrent les plus riches citoyens de Nantes, et qu’ils sauvèrent leurs trésors de la rapacité des légions de César. Ils y bâtirent une cité qu’on nomma Herbadilla, à cause de la beauté des prairies qui l’environnaient. Le commerce centupla leurs richesses; mais en même temps le luxe charria jusqu’au sein de leurs murs les vices des Romains. Ils provoquèrent le courrouxdu ciel. Un jour que saint Martin de Vertou, fatigué de ses courses apostoliques, se reposait près d’Herbadilla, à l’ombre d’un chêne, une voix Lui cria : Fidèle confesseur de la foi, éloigne-toi de la cité pécheresse. Saint Martin s’éloigne, et soudain jaillissent, avec un bruit affreux, des eaux jusqu’alors inaperçues, et qui faisaient éruption d’une caverne profonde. Le vallon où s’élevait la Babylone des Bretons fut tout à coup submergé. À la surface de cette onde sépulcrale vinrent aboutir par milliers des bulles d’air, derniers soupirs de ceux qui expiraient dans l’abîme. Pour perpétuer le souvenir du châtiment, Dieu permet que l’on entende encore au fond de cet abîme les cloches de la ville engloutie, et que l’orage y vive familièrement. Auprès est une île au milieu de laquelle s’élève une pierre en forme d’obélisque. Cette pierre ferme l’entrée du gouffre qui a vomi les eaux du lac, et ce gouffre est la prison d’un géant formidable qui pousse d’horribles rugissements. C’est une légende.

À quatre lieues de cet endroit, vers l’est, on trouve une grande pierre qu’on appelle la vieille de Saint-Martin ; car il est non de savoir que cette pierre, qui pour bonne raison garde figure humaine, fut jadis une femme véritable, laquelle, s’étant retournée malgré la défense en sortant de la ville d’Herbadilla, fut transformée en statue[84]. Voy. Is.

Herbe de coq. Les habitants de Panama vantent beaucoup une herbe qu’ils appellent herbe de coq, et dont ils prétendent que l’application est capable de guérir sur-le-champ un poulet à qui l’on aurait coupé la tête, en respectant une seule vertèbre du cou. Des voyageurs sollicitèrent en vain ceux qui faisaient ce récit de leur montrer l’herbe ; ils ne purent l’obtenir, quoiqu’on leur assurât qu’elle était commune : d’où l’on doit conclure que ce n’est qu’un conte populaire[85].

Herbe d’or. Voy. Baaras.

Herbe maudite. Les paysans normands croient qu’il existe une fleur qu’on appelle l’herbe maudite : celui qui marche dessus ne cesse de tourner dans un même cercle, et il s’imagine qu’il continue son chemin, sans avancer d’un pas au delà du lieu où l’herbe magique l’a enchaîné.

Herbe qui égare. Il y a, dit-on aussi, dans le Périgord, une certaine herbe qu’on ne peut fouler sans s’égarer ensuite de manière à ne plus retrouver son chemin. Cette herbe, qui n’est pas connue, se trouvait abondamment aux environs du château de Lusignan, bâti par Mél usine ; ceux qui marchaient dessus erraient dans de longs circuits, s’efforçaient en vain de s’éloigner, et se retrouvaient dans l’enceinte redoutée jusqu’à ce qu’un guide préservé de l’enchantement les remît dans la bonne voie.

Herbourt, famille de la grande Pologne dont on a cru que les membres sont changés en oiseaux lorsqu’ils meurent.

Hérésies. Celui qui étudiera un peu attentivevement l’origine des diverses hérésies reconnaîtra que tous les rebelles qui les ont fondées étaient évidemment possédés, d’une manière plus ou moins patente, par quelqu’un de ces anges insurgés qui sont devenus les démons. Ajoutons qu’aucun de ces pervers n’a quitté ce monde par une mort douce.

Hérenberg (Jean — Christophe), auteur de Pensées philosophiques et chrétiennes sur les vampires, 1733.

Hermaphrodites. Longtemps avant Antoinette Bourignon, qui soutint cette singulière thèse au dix-septième siècle, il s’était élevé, sous le pontificat d’Innocent III, une secte de novateurs qui enseignait qu’Adam était à sa naissance homme et femme tout à la fois. Pline assure qu’il existait en Afrique, au delà du désert de Zara, un peuple d’androgynes. — Les lois romaines mettaient les hermaphrodites au nombre des monstres, et les condamnaient à mort. Tite-Live et Eutrope rapportent qu’il naquit auprès de Rome, sous le consulat de Claudius Néron, un enfant pourvu des deux sexes ; que le sénat, effrayé de ce prodige, décréta qu’il fallait le noyer. On enferma l’enfant dans un coffre ; on l’embarqua sur un bâtiment et on le jeta en pleine mer. Leloyer parle longuement d’une femme de Macédoine, nommée Héraïde, qui se maria comme femme, et devint homme ensuite dans une absence de son mari. C’était, dans les vieilles opinions, un hermaphrodite. Mais on ne voit plus d’hermaphrodites aujourd’hui. Les hermaphrodites, dans les contes plus anciens, avaient les deux sexes, deux têtes quatre bras et quatre pieds. Les dieux, dit Platon, avaient d’abord formé l’homme avec deux corps et les deux sexes. Ces hommes doubles étaient d’une force si extraordinaire qu’ils résolurent de faire la guerre aux dieux. Jupiter irrité les partagea pour les affaiblir ; et Apollon seconda le père des dieux dans l’exécution de ses volontés. Voy. Polycrite.

Hermeline, démon familier qui s’appelait aussi Hermione et Hermelinde, et qui fréquenta quarante ans Benedetto Berna, dont François Pic de la Mirandole rapporte lui-même l’histoire. « Cet homme, dit-il, buvait, mangeait, parlait avec son démon, qui l’accompagnait partout sans qu’on le vît ; de sorte que le vulgaire, ne pouvant comprendre le mystère de ces choses, se persuadait qu’il était fou. » Le vulgaire n’avait peut-être pas tort.

Hermès. On vous dira qu’il a laissé beaucoup de livres merveilleux, qu’il a écrit sur les démons et sur l’astrologie. C’est lui qui a décidé que, comme il y a sept trous à la tête, il y a aussi sept planètes qui président à ces trous, savoir : Saturne et Jupiter aux deux oreilles, Mars et Vénus aux deux narines, le soleil et la lune aux deux yeux, et Mercure à la bouche.

Hermialites ou Hermiens, disciples d’un hérétique du deuxième siècle, nommé Hermas ; ils honoraient l’Univers-Dieu, disant à la fois que ce monde est Dieu et que ce monde est l’enfer.

Hermione. Voy. Hermeline.

Hermolao Barbaro, savant du quinzième siècle, qu’on accusa, selon Bodin, d’avoir invoqué le diable pour obtenir l’intelligence de quelques passages difficiles d’Aristote.

Hermotime. On sait que Cardan et une foule d’autres se vantaient de faire voyager leur âme sans que le corps fût de la partie. L’âme d’Hermotime de Glazomène s’absentait de son corps lorsqu’il le voulait, parcourait les pays éloignés, et racontait à son retour des choses surprenantes. Apparemment que Hermotime eut des ennemis. Un jour que son âme était allée en course, et que son corps était comme de coutume semblable à un cadavre, ses ennemis le brûlèrent et ôtèrent ainsi à l’âme le moyen de rentrer dans son étui. Mais, dans d’autres versions, Hermotime est un vampire. Voy. Huet.

Hérodiade. On dit en Catalogne que la danseuse homicide d’Hérode, l’infâme Salomé, fille d’Hérodiade, ayant longtemps couru le monde, se noya dans le Ségré, fleuve qui passe à Lérida, et cause de temps en temps des dévastations. Les bonnes femmes ajoutent qu’Hérode y est enseveli avec elle.

D’autres traditions noient Salomé dans un lac glacé sur lequel elle dansait ; ce qu’elle n’avait cessé de faire depuis son affreuse aventure. La glace se creva sous ses pieds, et, se refermant pendant qu’elle s’enfonçait, lui trancha la tête.

Ce lac est en Suisse, et cette tête danse toujours. Mais peu de gens la peuvent voir. D’autres font noyer cette malheureuse dans le Rhône.

Héron, ermite qui, après avoir passé plus de cinquante ans dans les déserts de la Thébaïde, se laissa persuader par le diable, sous la figure d’un ange, de se jeter dans un puits, attendu que, comme il était en bonne grâce avec Dieu, il ne se ferait point de mal. Il ajouta foi, dit Leloyer, aux paroles du diable, et, se précipitant d’un lieu élevé, dans la persuasion que les anges le soutiendraient, il tomba dans le puits, d’où on le retira disloqué ; il mourut trois jours après[86].

Hertha, femme blanche honorée dans la Poméranie, où elle fait croître l’herbe dans les prairies et remplit les greniers.

Hervilliers (Jeanne). C’est la même que Jeanne Harvilliers.

Hèse (Jean de), voyageur du quinzième siècle, qui a parcouru l’Asie et vu des merveilles, hommes à tête de chien, poissons à face humaine, pygmées, sauvages qui n’ont qu’un œil, etc. M. de Reiffenberg a donné une curieuse analyse de ce voyage singulier, dans le Recueil encyclopédique belge.

Heure. Voy. Minuit. Anges ou démons des heures. Voy. Pierre d’Apone.

Hexagone, habitant de l’île de Chypre, qui vivait très-bien avec les serpents. Il en donna la preuve en se faisant jeter dans une cuve pleine de serpents, lesquels, loin de lui faire aucun mal, l’enlaçaient d’une manière caressante et le léchaient de leurs langues en lui faisant de bons yeux.

Hibou, oiseau de mauvais augure. On le regarde vulgairement comme le messager de la


mort ; et les personnes superstitieuses qui perdent quelque parent ou quelque ami se ressouviennent toujours d’avoir entendu le cri du hibou. Sa présence, selon Pline, présage la stérilité. Son œuf, mangé en omelette, guérit, dit-on, de l’ivrognerie.

Cet oiseau est mystérieux, parce qu’il recherche la solitude, qu’il hante les clochers, les tours et les cimetières. On redoute son cri, parce qu’on ne l’entend que dans les ténèbres ; et, si on l’a vu quelquefois sur la maison d’un mourant, il y était peut-être attiré par l’odeur cadavéreuse, ou par le silence qui régnait dans cette maison. Un philosophe arabe, se promenant dans la campagne avec un de ses disciples, entendit une voix détestable qui chantait un air plus détestable encore. — Les gens superstitieux, dit-il, prétendent que le chant du hibou annonce la mort d’un homme ; si cela était vrai, le chant de cet homme annoncerait la mort d’un hibou. Cependant si le hibou est regardé comme un mauvais présage chez les gens de la campagne, quand on le voit perché sur le haut d’une maison, il est aussi regardé comme d’un bon augure quand il vient se réfugier dans un colombier. Les anciens Francs condamnaient à une forte amende quiconque tuait ou volait le hibou qui s’était réfugié dans le colombier de son voisin[87]. Il y détruisait les souris et les rats ; et c’est une grande maladresse aux laboureurs de tuer le hibou.

On ne peut passer sous silence ses vertus.

Si l’on met son cœur avec son pied droit sur une personne endormie, elle dira aussitôt ce qu’elle aura fait et répondra aux demandes qu’on lui adressera ; de plus, si on met les mêmes parties de cet oiseau sous les aisselles, les chiens ne pourront aboyer après la personne qui les portera ; et enfin, si on pend son foie à un arbre, tous les oiseaux se rassembleront dessus[88].

Hiérarchie. Agrippa disait qu’il y avait autant de mauvais anges que de Dons, qu’il y en

avait neuf hiérarchies de bons et neuf de mauvais. Wierus, son disciple, a fait l’inventaire de la monarchie de Satan, avec les noms et surnoms de soixante-douze princes et de plusieurs millions de diables, nombres fantastiques, qui ne sont appuyés sur d’autres raisons que sur la révélation de Satan même. Voy. Cour infernale.

Hiéroglyphes. Les Égyptiens avaient beaucoup d’idées superstitieuses, s’il faut les juger par leurs hiéroglyphes. Ils expriment le sexe masculin par un vautour, dit un ancien, parce que tous les vautours sont femelles, et que le vent seul féconde leurs œufs ; ils représentaient le cœur par deux drachmes, parce que le cœur d’un enfant d’un an ne pèse que deux gros. Une femme qui n’avait qu’un enfant, ils la figuraient par une lionne, parce que cet animal ne fait qu’un petit (du moins ils le croyaient de la sorte). Ils indiquaient l’avortement par un cheval qui donne un coup de pied à un loup, parce que,


disaient-ils, une cavale avorte si elle marche sur les traces d’un loup[89], etc. M. Champollion donne d’autres explications.

Hiéromnénon, pierre que les anciens employaient dans leurs divinations, mais dont ils ne nous ont laissé aucune description.

Hiéroscopie. Voy. Hépatoscopie.

Himmemberg, contrée du paradis d’Odin. On y arrivait par un pont lumineux, qui est l’arcen-ciel.

Hipokindo, mot qui, prononcé d’une certaine façon, charme les serpents et les empêche de nuire. Paracelse en parle.

Hipparchus. On lui attribue un ouvrage intitulé le Livre des esprits.

Hippocrate, père de la médecine. Les légendes du moyen âge font de lui un grand magicien, et lui prêtent des aventures dans le genre de celles qu’elles attribuent à Virgile[90]. On met sous son nom un Traité des songes dont on recherche les éditions accompagnées des Commentaires de Jules-César Scaliger ; in-8o, Guesne, 1610 ; et un autre livre intitulé les Aspects des étoiles.

Hippogriffe, animal fabuleux, composé du cheval et du griffon, que l’Arioste et les autres romanciers donnent quelquefois pour monture aux héros des romans de chevalerie.

Hippomane, excroissance charnue que les poulains apportent à la tête en naissant, et que la mère mange aussitôt. Les anciens donnaient le nom à hippomane à certains philtres, parce qu’on prétend qu’il y entrait de cette excroissance.

Hippomane est aussi le nom d’une herbe qui fait entrer les chevaux en fureur lorsqu’ils la broutent[91]. — On raconte qu’une cavale de bronze, placée auprès du temple de Jupiter Olympien, faisait hennir les chevaux comme si elle eût été vivante, vertu qui lui était communiquée par l’hippomane qu’on avait mêlée avec le cuivre en la fondant. Voy. Philtres.

Hippomancie, divination des Celtes. Ils formaient leurs pronostics sur le hennissement et le trémoussement de certains chevaux blancs, nourris aux dépens du public dans des forêts consacrées, où ils n’avaient d’autre couvert que les arbres. On les faisait marcher immédiatement après le char sacré. Le prêtre et le roi ou chef du canton observaient tous leurs mouvements, et en tiraient des augures auxquels ils donnaient une ferme confiance, persuadés que ces animaux étaient confidents du secret des dieux, tandis qu’ils n’étaient eux-mêmes que leurs ministres. Les Saxons tiraient aussi des pronostics d’un cheval sacré, nourri dans le temple de leurs dieux, et qu’ils en faisaient sortir avant de déclarer la guerre à leurs ennemis. Quand le cheval avançait le pied droit, l’augure était favorable ; sinon, le présage était mauvais, et ils renonçaient à leur entreprise.

Hippomyrmèces, peuple imaginaire, placé par Lucien dans le globe du soleil. C’étaient des hommes montés sur des fourmis ailées, qui couvraient deux arpents de leur ombre, et qui combattaient de leurs cornes.

Hippopodes, peuple fabuleux qui avait des pieds de cheval, et que les anciens géographes placent au nord de l’Europe.

Hirigoyen, sorcier du commencement du dix-septième siècle, que l’on a vu danser au sabbat avec le diable, qu’il adorait[92].

Hirondelles. Plutarque cite l’histoire d’un nommé Bessus qui avait tué son père et dont on ignorait le crime. Étant un jour près d’aller à un souper, il prit une perche avec laquelle il abattit un nid d’hirondelles. Ceux qui le virent en furent indignés et lui demandèrent pourquoi il maltraitait ainsi ces pauvres oiseaux. Il leur répondit qu’il y avait assez longtemps qu’elles lui criaient qu’il avait tué son père. Toutes stupéfaites de cette réponse, ces personnes la rapportèrent au juge, qui ordonna de prendre Bessus et de le mettre à la torture. Il avoua son crime et fut pendu[93]. Brown, dans son Essai sur les erreurs populaires, dit que l’on craint de tuer les hirondelles, quoiqu’elles soient incommodes, parce qu’on est persuadé qu’il en résulterait quelque malheur. Élien nous apprend que les hirondelles étaient consacrées aux dieux Pénates, et que par cette raison on s’abstenait de les tuer. On les honorait, dit-il, comme les hérauts du printemps, et à Rhodes on avait une espèce de chant pour célébrer le retour des hirondelles.

Histoire. Il y a dans la bibliographie infernale beaucoup d’histoires prodigieuses publiées sans nom d’auteur. Nous n’en citerons que quelques-unes : « Histoire d’une apparition, avec des réflexions qui prouvent la difficulté de savoir la vérité sur le retour des esprits ; in-8o ; Paris, chez Saugrin, 1722, brochure de 24 pages. — Histoire prodigieuse nouvellement arrivée à Paris, d’une jeune fille agitée d’un esprit fantastique, in-8o. — Histoire du diable, in-12 ; Amsterdam, 1729, 2 vol. ; et Rouen, 1730, 2 vol. — Histoire miraculeuse advenue en la Rochette, ville de Maurienne en Savoie, d’une jeune fille ayant été enterrée dans un jardin en temps de peste, l’espace de quinze ans, par lequel son esprit est venu rechercher ses os par plusieurs évidents signes miraculeux ; in-8o, Lyon. — Histoire remarquable d’une femme décédée depuis cinq ans, laquelle est revenue trouver son mari, et parler à lui au faubourg Saint-Marcel ; Paris, 1618, etc. » Voy. Apparitions.

Hocque. Après l’édit de 1682 pour la punition des maléfices, la race des sorciers malfaisants diminua sensiblement en France. Mais il restait encore dans la Brie, aux environs de Paris, une cabale de bergers qui faisaient mourir les bestiaux, attentaient à la vie des hommes, commettaient plusieurs autres crimes et s’étaient rendus formidables à la province. Il y en eut enfin d’arrêtés ; le juge de Pacy instruisit le procès, et par les preuves il parut évident que tous ces maux étaient commis par maléfices et sortilèges.

Les sorts et les poisons dont ces bandits se servaient pour faire mourir les bestiaux consistaient dans une composition qu’ils avouèrent au procès, et qui est rapportée dans les factums, mais remplie de sacrilèges, d’impiétés, d’abominations et d’horreurs, en même temps que de poisons. Ils mettaient cette composition dans un pot de terre, et l’enterraient ou sous le seuil de la porte des étables aux bestiaux, ou dans le chemin par où ils passaient ; et tant que ce sort demeurait en son lieu, ou que celui qui l’avait posé était en vie, la mortalité ne cessait point ; c’est ainsi qu’ils s’en expliquèrent dans leurs interrogatoires.

Une circonstance singulière de leur procès fit croire qu’il y avait un vrai pacte entre eux et le diable pour commettre tous ces maléfices. Ils avouèrent qu’ils avaient jeté des sorts sur les bestiaux du fermier de la terre de Pacy, près de Brie-Comte-Robert, pour venger l’un d’eux que ce fermier avait chassé et mis hors de son service. Ils firent le récit exact de leur composition ; mais jamais aucun d’eux ne voulut découvrir le lieu où ils avaient enterré le sort, et on ne savait, après de semblables aveux, d’où pouvait venir leur réticence sur ce dernier fait. Le juge les pressa de s’en expliquer ; ils dirent que s’ils découvraient ce lieu, et qu’on levât le sort, celui qui l’avait posé mourrait à l’instant.

L’un de leurs complices, nommé Étienne Hocque, moins coupable que les autres, et qui n’avait été condamné qu’aux galères, était à la chaîne dans les prisons de la Tournelle. On gagna un autre forçat nommé Béatrix, qui était attaché avec lui. Ce dernier, à qui le seigneur de Pacy avait fait tenir de l’argent, fit un jour tant boire Hocque qu’il l’enivra, et en cet état le mit sur le chapitre du sort de Pacy. Il tira de lui le secret qu’il n’y avait qu’un berger nommé Bras-de-Fer, qui demeurait près de Sens, qui pût lever le sort par ses conjurations.

Béatrix, profitant de ce commencement de confidence, engagea le vieux berger à écrire à son fils une lettre par laquelle il lui mandait d’aller trouver Bras-de-Fer, pour le prier de lever le sort, et lui défendait surtout de dire à Brasde-Fer qu’il fût condamné et emprisonné, ni que c’était lui, Hocque, qui avait posé ce sort.

Cette lettre écrite, Hocque s’endormit. Mais à son réveil, les fumées du vin étant dissipées, et réfléchissant sur ce qu’il avait fait, il poussa des cris et des hurlements épouvantables, se plaignant que Béatrix l’avait trompé et qu’il serait cause de sa mort. Il se jeta en même temps sur lui et voulut l’étrangler, ce qui excita les autres forçats contre Béatrix, en sorte qu’il fallut que le commandant de la Tournelle vînt avec ses gardes pour apaiser ce désordre et tirer Béatrix de leurs mains.

Cependant la lettre fut envoyée au seigneur, qui la fit remettre à son adresse. Bras-dë-Fer vint à Pacy, entra dans les écuries, et, après avoir fait des figures et des imprécations, il trouva effectivement le sort qui avait été jeté sur les chevaux et sur les vaches ; il le leva et le jeta au feu, en présence du fermier et de ses domestiques. Mais à l’instant il parut chagrin, témoigna du regret de ce qu’il venait de faire et dit que le diable lui avait révélé que c’était Hocque, son ami, qui avait posé le sort en cet endroit, et qu’il était mort à six lieues de Pacy, au moment où ce sort venait d’être levé…

En effet, par les observations qui furent faites au château de la Tournelle, il y a preuve qu’au même jour et à la même heure où Bras-de-Fer avait commencé à lever le sort, Hocque, qui était un homme des plus forts et des plus robustes, était mort en un instant dans des convulsions étranges, et se tourmentant comme un possédé, sans vouloir entendre parler de Dieu ni de confession…

Bras-de-Fer avait été pressé de lever aussi le sort jeté sur les moutons, mais il dit qu’il n’en ferait rien, parce qu’il venait d’apprendre que ce sort avait été posé par les enfants de Hocque, et qu’il ne voulait pas les faire mourir comme leur père. Sur ce refus, le fermier eut recours aux juges du lieu. Bras-de-Fer, les deux fils et la fille de Hocque furent arrêtés avec deux autres bergers, leurs complices, nommés Jardin et le Petit-Pierre ; leur procès instruit, Bras-deFer, Jardin et le Petit-Pierre furent condamnés à être pendus et brûlés, et les trois enfants de Hocque bannis pour neuf ans[94]

Bras-de-Fer


Hodeken. Voy. Hecdekix.

Hoffmann. Célèbre auteur allemand de contes nocturnes ou fantastiques, et d’autres écrits, où le surnaturel a une place très-originale.

Holda. La holda était, chez les anciens Gaulois, une espèce de sabbat nocturne, où des sorciers faisaient leurs orgies avec des démons transformés en danseuses. Voy. {{DIv|Brnsozia. On parle encore en Allemagne de holda, la bonne fJeuse (sorte de fée qui remplace, dans les opinions populaires, une divinité antique). Elle visite sans être vue la maison du laboureur, elle charge de laine les fuseaux des ménagères diligentes et répand l’abondance autour d’elle[95]. Mais dans d’autres contrées, holda est la reine des sorcières.

Hollandais errant. C’est un vaisseau fantastique qui apparaît, dit-on, dans les parages du cap de Bonne-Espérance. Ce vaisseau déploie toutes ses voiles lorsque aucun navire n’oserait en risquer une seule. On est partagé d’opinions sur la cause de ce prodige ; d’après la version la plus répandue, c’était, dans l’origine, un navire richement chargé à bord duquel se commit un horrible forfait. La peste s’y déclara, et les coupables errèrent vainement de port en port, offrant leur riche cargaison pour prix d’un asile. On les repoussait partout, de peur de la contagion. Les matelots disent que la Providence, pour perpétuer le souvenir de ce châtiment, permet que le Hollandais cirant apparaisse encore dans ces mers où la catastrophe eut lieu. Cette apparition est considérée comme un mauvais augure par les navigateurs[96].

Le Hollandais errant, sujet de beaucoup de traditions, s’appelle aussi le Voltigeur hollandais.

Hollere, magicien danois qui s’était acquis, au treizième siècle, la réputation d’un homme à miracles, et qui n’était qu’un sorcier adroit. Pour passer la mer, il se servait d’un os gigantesque, marqué de quelques charmes et caractères magiques. Sur ce singulier esquif, il traversait l’Océan comme s’il eût été aidé de voiles et poussé par les vents. Il fut maltraité par les autres sorciers, ses envieux, qui l’obligèrent à quitter le pays[97].

Holzhauser (Barthélémy), pieux allemand, né en 1613, célèbre par des visions sur lesquelles nous ne saurions nous prononcer[98] et qui sont admises comme respectables. Sa vie a été publiée, en 1836, par M. l’abbé Tresvaux, qui l’avait traduite de l’Italien.

Homme. Il paraît qu’il n’y a que l’homme à qui la nature ait donné une figure droite et la faculté de contempler les cieux. Seul parmi les animaux il a l’épine du dos et l’os de la cuisse en ligne droite. C’est un fait, dit Aristote, que si l’homme est le seul à qui il arrive des illusions nocturnes, c’est parce qu’il n’y a proprement que lui qui se couche sur le dos, c’est-à-dire de manière que l’épine et la cuisse fassent une ligne droite, et que l’une et l’autre, avec les bras, soient parallèles à l’horizon. Or, les animaux ne peuvent pas se coucher ainsi : quoique leur épine soit parallèle à l’horizon, leurs épaules sont détournées et forment deux angles.

Lisez Hérodote, Plutarque et autres historiens, vous verrez qu’il existe des contrées fabuleuses où les hommes ont une tête de dogue ou de bichon, des pays où ils n’ont qu’un œil, d’autres où ils n’ont qu’un pied, sur lequel ils sautent, de sorte que quand ils veulent courir, ils sont obligés de se mettre deux et de se tenir par le bras ; d’autres enfin où ils n’ont point de tête, etc.[99]. Homme noir. L’homme noir qui promet aux pauvres de les faire riches s’ils veulent se donner à lui, n’est autre que le diable. — On lit ce qui suit dans la Légende dorée : — Un chevalier qui dépensait sa fortune en libéralités, devint pauvre et tomba dans une grande tristesse. Occupé de ses chagrins, il s’égara dans une solitude ; il y vit un homme noir, d’une taille haute, monté sur un beau cheval. Ce cavalier lui demanda la cause de sa douleur, et quand il l’eut apprise, il lui dit :« Si vous voulez me rendre hommage, je vous donnerai plus de richesses que vous n’en avez perdu. » Le chevalier promit à l’étranger de faire ce qu’on exigerait. « Eh bien ! reprit le diable (car c’était lui), retournez à votre maison, vous trouverez dans tel endroit de grandes sommes d’or et une quantité de pierres précieuses. Quant à l’hommage que j’attends de vous, c’est que vous ameniez votre femme ici dans un an. » Le chevalier s’engagea, regagna sa maison, trouva les trésors indiqués, reprit son habitude de largesses, et à la fin de l’année, il songea à tenir ce qu’il avait promis. Il appela sa femme. « . Vous allez monter à cheval et venir avec moi, lui dit-il, nous avons un voyage à faire. » C’était une dame pieuse, qui avait grande dévotion à la sainte Vierge. Elle fit sa prière et suivit son mari sans demander où il la conduisait. Après avoir marché une heure, les deux époux rencontrèrent une église. La dame voulant y entrer, descendit de cheval ; son mari l’attendit à la porte. À peine fut-elle dans l’église qu’elle s’endormit ; la sainte Vierge ayant pris sa figure, rejoignit le chevalier et partit avec lui au rendez-vous. Lorsqu’ils arrivèrent au lieu désigné, le démon y parut avec fracas. Mais en apercevant la dame que le chevalier lui


amenait, il trembla, c Homme perfide, s’écria-t-il, est-ce ainsi que tu devais reconnaître mes bienfaits ? Je t’avais prié de m’amener ta femme, et tu viens ici avec la mère de Dieu, qui va me renvoyer aux enfers ! » Le diable dut en effet se retirer. Le chevalier éperdu se jeta à genoux devant Notre-Dame, et retourna à l’église où sa femme dormait encore. Les deux époux rentrèrent chez eux ; ils se dépouillèrent des richesses qu’ils tenaient du diable ; mais ils n’en furent pas plus pauvres, parce qu’ils reconnurent que les biens matériels ne sont pas les vraies richesses[100].

Le père Abram rapporte l’anecdote suivante, dans son histoire manuscrite de l’université de Pont-à-Mousson : « Un jeune garçon de bonne famille, mais peu fourni d’argent, se mit à servir dans l’armée parmi les valets. De là ses parents l’envoyèrent aux écoles ; mais ne s’accommodant pas de l’assujettissement que demandent les études, il résolut de retourner à son premier genre de vie. En chemin il rencontra un homme vêtu de soie noire, mais de mauvaise mine, qui lui demanda où il allait et pourquoi il avait l’air triste ? — Je suis, ajouta-t-il, en état de vous mettre à votre aise, si vous voulez vous donner à moi. Le jeune homme, croyant qu’il parlait de l’engager à son service, lui demanda un moment pour y penser. Mais, commençant à se défier des magnifiques promesses que l’étranger lui faisait, il le considéra de plus près, et ayant remarqué qu’il avait le pied gauche fendu comme celui d’un bœuf, il fut saisi de frayeur, fit le signe de la croix et invoqua le nom de Jésus. Le spectre s’évanouit. Trois jours après, la même figure lui apparut de nouveau et lui demanda s’il avait pris sa résolution ? Le jeune homme répondit qu’il n’avait pas besoin de maître. L’homme noir jeta à ses pieds une bourse pleine d’écus, dont quelques-uns paraissaient d’or et nouvellement frappés. Dans la même bourse il y avait une poudre que le spectre disait très-subtile. Il lui donna ensuite des conseils abominables et l’exhorta à renoncer à l’usage de l’eau bénite et à l’adoration de l’hostie. Le jeune homme eut horreur de ces propositions ; il fit le signe de la croix sur son cœur, et en même temps il se sentit jeté si rudement contre terre qu’il y demeura une demi-heure. S’étant relevé, il retourna chez ses parents, fit pénitence et changea de conduite. Les pièces qui paraissaient d’or et nouvellement frappées, ayant été mises au feu, ne se trouvèrent être que du cuivre. » Ainsi, bonnes gens, défiez-vous de l’homme noir.

Homme rouge, — démon des tempêtes. « La nuit, dans les affreux déserts des côtes de la Bretagne, près Saint-Paul-de-Léon[101], des fantômes hurlants parcourent le rivage. L’homme rouge en fureur commande aux éléments et précipite dans les ondes le voyageur qui trouble ses secrets et la solitude qu’il aime. » On a cru un moment dans le peuple qu’un petit homme rouge mystérieux avait apparu à Napoléon Ier pour lui annoncer ses revers.

Hongrois. Voy. Ogres.

Honorius. Voy. Grimoire.

Hopkins, juge anglais qui, du temps de Charles Ier, fit mourir une multitude de malheureuses accusées de sorcellerie. Il continua ses fonctions sous le long parlement, et Grey rapporte qu’il possédait une liste de trois mille personnes suppliciées en ce temps-là, le plus grand nombre par ce juge qui se croyait doué d’un talent sans pareil pour deviner les sorcières. Jamais l’Église catholique n’eût souffert ces abominations. Cet homme faisait avouer, par des tortures de cinq à six jours, tout ce qu’il voulait.

Nous empruntons quelques détails sur lui à de curieuses recherches publiées par le Droit :

« Un certain Matthew Hopkins fut nommé rechercheur de sorcières (witch finder) pour quatre comtés, et dans l’espace d’un an, dans la seule ville d’Essex, il ne fit pas pendre moins de soixante malheureuses femmes. Ce misérable prétendait avoir acquis une expérience infaillible pour les reconnaître à de certaines taches sur la peau, certains signes, certaines veines qu’il regardait comme autant de tétines pour allaiter de petits démons. Son épreuve favorite était celle de l’eau. Si les sorcières prétendues revenaient à la surface de l’eau et nageaient, il les déclarait coupables, les faisait retirer de l’eau et brûler ; si au contraire elles enfonçaient, elles étaient simplement noyées, mais leur innocence était reconnue. Cette épreuve venait peut-être d’une parole fort sage que sa Très-Sacrée Majesté le roi Jacques avait souvent à la bouche, à savoir que, comme quelques personnes avaient renoncé aux avantages de leur baptême par l’eau, de même l’eau refusait à son tour de les recevoir dans son sein.

« À la fin Hopkins, ce qui est assez original, devint lui-même suspect de sorcellerie ; on lui fit subir l’épreuve qu’il avait souvent fait subir aux autres ; il eut la maladresse de nager ; il fut tout naturellement déclaré coupable, pendu et brûlé vif.

« Il ne fut pas le seul rechercheur de sorcières ; bien d’autres se mêlèrent de ce métier, qui ne laissait pas que d’être lucratif, puisqu’il leur procurait vingt schellings (25 francs) par chaque exécution. »

Hoppo, maître sorcier et vrai coquin, qui fut poursuivi à Berne. Il était de la secte des Lollards et faisait des disciples. Nous ignorons sa fin.

Horey, nom que les nègres de la côte occidentale d’Afrique donnent au diable, qui n’est sans doute qu’un nègre aposté par les marabouts. Les cérémonies de la circoncision ne manquent jamais d’être accompagnées des mugissements du Horey. Ce bruit ressemble au son le plus bas de la voix humaine. Il se fait entendre à peu de distance et cause une frayeur extrême aux jeunes gens. Dès qu’il commence, les nègres préparent des aliments pour le diable et les lui portent sous un arbre. Tout ce qu’on lui présente est dévoré, dit-on, sur-le-champ, sans qu’il en reste un os. Si la provision ne lui suffit pas, il trouve le moyen d’enlever quelque jeune homme non encore circoncis. Les nègres prétendent qu’il garde sa proie dans son ventre, et que plusieurs jeunes gens y ont passé jusqu’à dix ou douze jours. Après sa délivrance, la victime qui a été avalée demeure muette autant de jours qu’elle en a passé dans le ventre du diable. Les nègres parlent avec effroi de cet esprit malin, et l’on ne peut qu’être surpris de la confiance avec laquelle ils assurent avoir été non seulement enlevés, mais avalés par ce monstre.

Hornock, docteur suédois, qui raconte avec complaisance le supplice de soixante-deux femmes et de quinze enfants, accusés d’avoir été au sabbat et d’y avoir soigné le diable, qui s’y trouvait malade… Ce spectacle, car il donne ce nom à l’exécution d’une pareille sentence, eut lieu le 25 août 1672, « par un temps superbe. »

Horoscopes. Un maréchal ferrant de Beauvais avait fait tirer l’horoscope de son fils. L’astrologue, après avoir examiné les divers aspects


des astres, découvrit que l’enfant était menacé de mourir à quinze ans d’un coup de tonnerre. Il désigna en même temps le mois, le jour et l’heure où l’événement devait avoir lieu ; mais il ajouta qu’une cage de fer sauverait le jeune homme. Quand le temps arriva, le père chercha comment la cage de fer pourrait éviter à son fils une mort si prématurée ; il pensa que le sens de l’oracle était probablement d’enfermer ce jour-là son enfant dans une cage de fer bien fermée. Il se mit à travailler à la construction de cette cage sans en parler à personne. Le moment arriva. Une nuée paraissait se former dans le ciel, et justifiait jusqu’alors le dire de l’astrologue. Il appella donc son fils et lui annonça que son étoile le condamnait à être tué du tonnerre, un peu avant midi, s’il n’avait heureusement trouvé le moyen de le soustraire à sa mauvaise planète ; il le pria d’entrer dans la cage de fer. Le fils, un peu plus instruit que son père, pensa que, loin de le garantir du tonnerre, cette cage ne servirait au contraire qu’à l’attirer ; il s’obstina à rester dans sa chambre, où il se mit à réciter l’Évangile de saint Jean. Cependant les nuages s’amoncellent, le temps se couvre, le tonnerre gronde, l’éclair brille, la foudre tombe sur la cage de fer et la réduit en poudre. Le maréchal surpris bénit pour la première fois le ciel d’avoir rendu son fils désobéissant, et vit toutefois l’oracle accompli. Du moins tel est le conte. Voy. Astrologues.

Horoscopes tout faits, ou moyen de connaître sa destinée par les constellations de la naissance. Nous empruntons ces plaisanteries, qui ont été si sérieuses pour nos pères, et que l’Église a toujours combattues, aux divers livres sur la matière, traitée par Jacques de Hagen et par cent autres, du ton le plus grave. Les auteurs qui ont écrit sur les horoscopes ont établi plusieurs systèmes semblables à celui-ci pour la forme, et tout différents pour les présages. Les personnes qui se trouvent ici nées avec le plus heureux naturel, seront ailleurs des êtres abominables. Les astrologues ont fondé leurs oracles sur le caprice de leur imagination, et chacun d’eux nous a donné les passions qui se sont rencontrées sous sa plume au moment où il écrivait. Qui croira aux présages de sa constellation, devra croire aussi à tous les pronostics de l’almanach journalier, et avec plus de raison encore, puisque les astres ont sur la température une influence qu’ils n’ont pas tant sur nous. Enfin, si la divination qu’on va lire était fondée, il n’y aurait dans les hommes et dans les femmes que douze sortes de naturels, dès lors que tous ceux qui naissent sous le même signe ont les mêmes passions et doivent subir les mêmes accidents ; et tout le monde sait si dans les millions de mortels qui habitent la surface du globe, il s’en trouve souvent deux dont les destinées et les caractères se ressemblent.

La Balance. (C’est la balance de Thémis qu’on a mise au nombre des constellations. Elle donne les procès.) La Balance domine dans le ciel depuis le 22 septembre jusqu’au 21 octobre. — Les hommes qui naissent dans cet espace de


temps naissent sous le signe de la Balance. — Ils sont ordinairement querelleurs. Ils aiment les plaisirs, réussissent dans le commerce, principalement sur les mers, et feront de grands voyages. Ils ont en partage la beauté, des manières aisées, des talents pour la parole ; cependant ils manquent à leurs promesses et ont plus de bonheur que de soin. Ils auront de grands héritages. Ils seront veufs de leur première femme et n’auront pas beaucoup d’enfants. Qu’ils se défient des incendies et de l’eau chaude. — La femme qui naît sous cette constellation sera aimable, gaie, agréable, enjouée, assez heureuse. Elle aimera les fleurs ; elle aura de bonnes manières ; la douce persuasion coulera de ses lèvres. Elle sera cependant susceptible et querelleuse. — Elle se mariera à dix-sept ou à vingt-trois ans. Qu’elle se défie du feu et de l’eau chaude.

Le Scorpion. (C’est Orion, que Diane changea en cet animal, et qu’on a mis au nombre des constellations. Il donne la malice et la fourberie.) Le Scorpion domine dans le ciel du 22 octobre au 21 novembre. — Ceux qui naissent sous cette constellation seront hardis, effrontés, flatteurs, fourbes et cachant la méchanceté sous une aimable apparence. On les entendra dire une chose, tandis qu’ils en penseront une autre. Ils seront généralement secrets et dissimulés. Leur naturel emporté les rendra inconstants. Ils jugeront mal des autres, conserveront rancune, parleront beaucoup et auront des accès de mélancolie. Ils n’aimeront à rire qu’aux dépens d’autrui, auront quelques amis et l’emporteront sur leurs ennemis. — Ils seront sujets aux coliques et peuvent


s’attendre à de grands héritages. — La femme qui naît sous cette constellation sera adroite et trompeuse. Elle se conduira moins bien avec son premier mari qu’avec son second. Elle aura les paroles plus douces que le cœur. Elle sera enjouée, gaie, aimant à rire, mais aussi aux dépens des autres. Elle fera des inconséquences, parlera beaucoup, pensera mal de tout le monde. Elle deviendra mélancolique avec l’âge. — Elle aura un cautère aux épaules à la suite d’une maladie d’humeurs.

Le Sagittaire. (C’est Chiron le Centaure, qui apprit à Achille à tirer de l’arc, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne l’amour de la chasse et des voyages.) Le Sagittaire domine dans le. ciel du 22 novembre au 21 décembre. — L’homme qui naît sous cette constellation aimera les voyages et s’enrichira sur les mers. Il sera d’un tempérament robuste, aura de l’agilité et se montrera d’un esprit attentif. Il se fera des amis dont il dépensera l’argent. Il aura un goût déterminé pour l’équitation, la chasse, les courses, les jeux de force et d’adresse, et les combats. Il sera juste, secret, fidèle, laborieux, sociable, et aura autant d’amour-propre que d’esprit. — La femme qui nait sous cette constellation sera d’un esprit inquiet et remuant ; elle aimera le travail. Son âme s’ouvrira aisément à la pitié ; elle aura du goût pour les voyages et ne pourra rester longtemps dans le même pays. Elle sera présomptueuse et douée de quelques qualités tant de l’esprit que du cœur. — Elle se mariera à dix-neuf ou à vingt-quatre ans. Elle sera bonne mère.

Le Capricorne. (C’est la chèvre Amalthée qui allaita Jupiter, et qui fut mise au nombre des constellations. Elle donne l’étourderie.) Le Capricorne domine dans le ciel du 22 décembre au 21 janvier. Celui qui naît sous cette constellation sera d’un naturel irascible, léger, soupçonneux, ami des procès et des querelles ; il aimera le travail, mais il hantera de mauvaises sociétés. Ses excès le rendront malade. Rien n’est plus inconstant que cet homme, s’il est né dans la nuit. Il sera enjoué, actif et fera quelquefois du bien. Son étoile le rendra heureux sur mer. Il parlera modérément, aura la tête petite et les yeux enfoncés. Il deviendra riche et avare dans les dernières années de sa vie. Les bains, dans ses maladies, pourront lui rendre la santé. — La femme qui naît sous cette constellation sera vive, gaie, et cependant tellement timide dans ses jeunes années, qu’un rien pourra la faire rougir. Mais son caractère deviendra plus ferme et plus hardi dans l’âge plus avancé. Elle se montrera toujours bonne, avec un peu de jalousie. Elle parlera sagement, évitera les inconséquences, sera bonne fille et bonne mère ; elle aimera à voyager, et sera d’une beauté moyenne.

Le Verseau. (C’est Ganymède, fils de Tros, que Jupiter enleva pour verser le nectar aux dieux, et qu’on a mis au nombre des constellations. Il donne la gaieté.) Le Verseau domine dans le ciel du 22 janvier au 21 février. — L’homme qui naît sous cette constellation sera aimable, spirituel, ami de la joie, curieux, sujet à la fièvre, facile aux projets, pauvre dans la première partie de sa vie, riche ensuite, mais modérément. Il sera bavard et léger, quoique discret. Il fera des maladies, courra des dangers. Il aimera la gloire, vivra longtemps, et aura peu d’enfants. — La femme qui naît sous cette constellation sera constante, généreuse, sincère et libérale. Elle aura des chagrins, sera en butte aux adversités, et fera de longs voyages. Elle sera sage et enjouée.

Les Poissons. (Les dauphins qui amenèrent Amphitrite à Neptune furent mis au nombre des constellations. Ils donnent la douceur.) Les Poissons dominent dans le ciel du 22 février au 22 mars. — Celui qui naît sous cette constellation sera officieux, gai, aimant à jouer, d’un bon naturel, heureux hors de sa maison. Il ne sera pas riche dans sa jeunesse. Devenu plus aisé, il prendra peu de soin de sa fortune, et ne profitera pas des leçons de l’expérience. Des paroles indiscrètes lui attireront quelques désagréments. Il sera présomptueux. — La femme qui naît sous cette constellation sera belle. Elle éprouvera des ennuis et des peines dans sa jeunesse. Elle aimera à faire du bien. Elle sera sensée, discrète, économe, médiocrement sensible, et fuira le monde. Sa santé, faible jusqu’à vingt-huit ans, deviendra alors plus robuste. Elle aura cependant de temps en temps des coliques.

Le Bélier. (C’est le bélier qui portait la toison d’or, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne les emportements.) Le bélier domine dans le ciel du 23 mars au 21 avril. — Ceux qui naissent sous cette constellation sont irascibles, prompts, vifs, éloquents, studieux, violents, menteurs, enclins à l’inconstance. Ils tiennent rarement leur parole et oublient leurs promesses. Ils courront des dangers avec les chevaux. Ils aimeront la pêche et la chasse. — La femme qui naît sous cette constellation sera jolie, vive et curieuse. Elle aimera les nouvelles, aura un grand penchant pour le mensonge, et ne sera pas ennemie de la bonne chère. Elle aura des

colères, sera médisante dans sa vieillesse et jugera sévèrement les femmes. Elle se mariera de bonne heure et aura beaucoup d’enfants.

Le Taureau. (C’est le taureau dont Jupiter prit la forme pour enlever Europe, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne la hardiesse et la force.) Le Taureau domine dans le ciel du 22 avril au 21 mai. — L’homme qui naît sous cette constellation est audacieux ; il aura des ennemis qu’il saura mettre hors d’état de lui nuire. Le bonheur ne lui sera pas étranger. Il voyagera dans des pays lointains. Sa vie sera longue et peu sujette aux maladies. — La femme qui naît sous cette constellation est douée de force et d’énergie. Elle aura du courage ; mais elle sera violente et emportée. Néanmoins elle saura se plier à son devoir et obéir à son mari. On trouvera dans cette femme un fonds de raison et de bon sens. Elle parlera pourtant un peu trop. Elle sera plusieurs fois veuve et aura quelques enfants, à qui elle laissera des richesses.

Les Gémeaux. (Les Gémeaux sont Castor et Pollux qu’on a mis au nombre des constellations. Ils donnent l’amitié.) Les Gémeaux dominent dans le ciel du 22 mai au 21 juin. — Celui qui naît sous cette constellation aura un bon cœur, une belle figure, de l’esprit, de la prudence et de la générosité. Il sera présomptueux, aimera les courses et les voyages, et ne cherchera pas beaucoup à augmenter sa fortune ; cependant il ne s’appauvrira point. Il sera rusé, gai, enjoué ; il aura des dispositions pour les arts. — La femme qui naît sous cette constellation est aimante et belle. Elle aura le cœur doux et simple. Elle négligera peut-être un peu trop ses affaires. Les beaux-arts, principalement le dessin et la musique, auront beaucoup de charmes pour elle.

10° L’Écrevisse. (C’est le cancer ou l’écrevisse qui piqua Hercule tandis qu’il tuait l’hydre du marais de Lerne, et qui fut mise au nombre des constellations. Elle donne les désagréments.) L’Écrevisse domine dans le ciel du 22 juin au 21 juillet. — Les hommes qui naissent sous cette constellation sont sensuels. Ils auront des procès et des querelles, dont ils sortiront souvent à leur avantage ; ils éprouveront de grands périls sur mer. Cet horoscope donne ordinairement un penchant à la gourmandise ; quelquefois aussi de la prudence, de l’esprit, une certaine dose de modestie. — La femme qui naît sous cette constellation est assez belle, active, emportée, mais facile à apaiser. Elle ne deviendra jamais très-grasse ; elle aimera à rendre service, sera timide et un peu trompeuse.

11° Le Lion. (C’est le lion de la forêt de Némée, qu’Hercule parvint à étouffer, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne le courage.) Le Lion domine dans le ciel du 22 juillet au 21 août. — Celui qui naît sous cette constellation est brave, hardi, magnanime, fier, éloquent et orgueilleux. Il aime la raillerie. Il sera souvent entouré de dangers ; ses enfants feront sa consolation et son bonheur. Il s’abandonnera à sa colère et s’en repentira toujours. Les honneurs et les dignités viendront le trouver ; mais auparavant il les aura cherchés longtemps. Il aura de gros mollets. — La femme qui naît sous cette constellation sera vive, colère et hardie. Elle gardera rancune. Elle parlera beaucoup, et ses paroles seront souvent amères. Au reste, elle sera belle ; elle aura la tête grosse. — Qu’elle se tienne en garde contre l’eau bouillante et le feu. Elle sera sujette aux coliques d’estomac. Elle aura peu d’enfants.

Le dessin aura du charme pour elle. Page 243.

12° La Vierge. (C’est Astrée qu’on a mise au nombre des constellations. Elle donne la pudeur.) La Vierge domine dans le ciel du 22 août au 21 septembre. — L’homme qui naît sous cette constellation est bien fait, sincère, généreux, spirituel, aimant les honneurs. Il sera volé. Il ne saura garder le secret des autres ni le sien. Il aura de l’orgueil, sera décent dans son maintien, dans son langage, et fera du bien à ses amis. Il sera compatissant aux maux des autres. Il aimera la propreté et la toilette. — La femme qui naît sous cette constellation sera chaste, honnête, timide, prévoyante et spirituelle. Elle aimera à faire et à dire du bien. Elle rendra service toutes les fois qu’elle le pourra ; mais elle sera un peu irascible. Cependant sa colère ne sera ni dangereuse ni de longue durée…

On peut espérer que le lecteur ne s’arrêtera à cette ridicule prescience, que pour se divertir un instant.

Horst (Conrad), conseiller ecclésiastique du grand duché de Hesse, a publié en allemand un livre intitulé Bibliothèque magique, ou la magie, la théurgie, la nécromancie, etc. Nous y avons trouvé quelques faits.

Hortensius (Martin), célèbre professeur de mathématiques à Amsterdam, donnait dans les petitesses de l’astrologie. Dans un voyage qu’il fit en Italie, il voulut se mêler de faire son horoscope, et dit à deux jeunes Hollandais de sa compagnie qu’il mourrait en 1639, et que pour eux ils ne lui survivraient pas longtemps. Il mourut en effet l’été de cette année-là. Les Hollandais en furent si frappés, que l’un d’eux mourut bientôt après, et que l’autre qui était fils de Daniel Heinsius, était devenu si languissant, qu’au rapport de Descartes, qui fait mention de cette aventure, il semblait faire tout son possible pour ne pas démentir l’astrologue[102].

Hortilopits ( Jeanne), sorcière du pays de Labour, arrêtée comme telle en 1603, dès l’âge de quatorze ans, et châtiée pour avoir été au sabbat.

Houille. Le charbon de terre qui se trouve dans le Hainaut et dans le pays de Liège, et que l’on y brûle communément, porte le nom de houille, à cause d’un certain maréchal nommé Prudhomme-le-Houilleux, qui, dit-on, en fit la première découverte au onzième siècle ; et des doctes assurent qu’un fantôme, sous la figure d’un vieillard habillé de blanc, ou sous celle d’un ange, lui montra la première mine et disparut.

D’autres contes populaires font intervenir un gnome ou un gobelin dans la découverte de la houille, qui eut lieu au douzième siècle, selon les uns, au onzième, selon d’autres, mais qui est beaucoup plus ancienne[103] ; car il en est question dans Job.

Houmani, génie femelle qui gouverne la région des astres chez les Orientaux. Voy. SchadaSchivaoun.

Houris, vierges merveilleuses du paradis de Mahomet ; elles naîtront des pépins de toutes les oranges servies aux fidèles croyants dans ce séjour fabuleux. Il y en aura de blanches, de jaunes, de vertes et de rouges. Leur crachat sera nécessairement parfumé.

Hrachich, matière enivrante qui produit des hallucinations singulières. Sa préparation n’est pas un secret ; les Arabes nous ont appris que ce qui causait l’ivresse n’était autre chose que de là graine et de la racine de chanvre infusées, qu’on fait bouillir dans du beurre, et dont on forme une friandise en la mêlant avec du sucre, des amandes ou des pistaches. On le vend en tablettes grandes comme la main, et la moitié suffit pour procurer l’ivresse. On le prend aussi en liqueur. Voici une anecdote qui a été racontée dans le Sémaphore de Marseille :

« Quatre jeunes gens de notre ville ont voulu ces jours derniers, à leurs risques et périls, s’expérimenter sur le hrachich ; mais leur curiosité a failli leur être funeste. On s’était réuni dans une bastide des environs de Saint-Loup ; M. B…, négociant d’Alexandrie, fournissait le hrachich, et aidait de ses conseils l’inexpérience de ses trois compagnons. Avant toute chose, on prit du café, du café ordinaire, et on mit dans chaque tasse deux ou trois morceaux de sucre raffiné tout simplement ; puis on passa au hrachich. Chaque convive avala courageusement sa cuillerée ; le poison n’était pas mauvais au goût, au contraire, il fut trouvé fort agréable ; immédiatement après on se mit à table, et ce ne fut que vers la fin du repas que se manifestèrent chez nos amis de vrais symptômes de désorganisation cérébrale, précurseurs des hallucinations étranges qui allaient bientôt les assaillir.

» La première impression physique qu’on reçoive distinctement en se permettant cette débauche, est celle-ci : un grand coup de bâton qu’on vous assène sur la nuque ; c’est l’initiation, et il faut convenir qu’elle est parfaitement turque. Mais la transition de l’état normal à l’extase consiste à sentir sa tête se détacher doucement du corps et prendre une vie joyeusement séparée de ce grossier amas de matières qu’elle n’a plus besoin de gouverner. La tête se soutient en l’air d’une façon fantastique, comme celle des chérubins dans les églises au milieu des nuages ; après quoi tout est bouleversé, et le désordre s’empare de l’esprit, plus ou moins, selon les tempéraments et en raison de l’habitude.

» À la bastide de M. B…, eut lieu une scène comique et douloureuse à la fois ; sitôt que ces messieurs arrivèrent à cette période de l’influence du hrachich, M. B… lui-même, jeune homme connu par sa gaieté expansive et franche, et par une organisation ardente, se prit à pleurer et à sangloter dans d’effrayantes convulsions ; M. V… d’une complexion délicate et nerveuse, se crut mort ; il s’étendit sur le plancher et croisa ses mains sur sa poitrine ; il lui semblait qu’on l’avait placé sur un catafalque noir dans une chapelle ardente ; il entendait les chants des moines, et à travers cela les coups de marteau qui clouaient le cercueil dans lequel il était renfermé. Un autre se persuada qu’il avait des ailes, il s’élança hors de la chambre, et franchissant les degrés comme un oiseau, il alla se poser sur la table du salon au rez-de-chaussée. À cette table dînaient plusieurs dames de la famille de M. B…, qu’on n’avait pas voulu, par convenance, rendre témoins des effets du hrachich. Qu’on se figure le désastre !… les plats, les cristaux, les bouteilles renversés et brisés, et l’effroi de ces dames !… Force fut d’aller chercher du secours dans le voisinage. Les amis arrivèrent de tous côtés et on parvint, à grand’peine, à maîtriser les plus furieux.

» Il serait trop long d’entrer dans le récit détaillé du drame qui se déroula bien avant dans la nuit chez M. B… Il suffit de savoir que ces messieurs furent livrés durant leur longue excitation, aux conceptions les plus folles, aux fantaisies les plus bizarres, aux féeries les plus étincelantes. À les voir dans l’état où ils étaient, tous les assistants consternés les croyaient pour jamais privés de la raison. Le jeune négociant d’Alexandrie, qui avait une mince lueur de perception au sein du désordre général, gémissait au fond de l’âme du triste résultat de la partie, et craignait de les avoir empoisonnés tout de bon. Cependant deux d’entre eux en ont été quittes pour cinq ou six jours de douleurs de tête, sans compter l’atonie morale qu’ils n’ont pas encore tout à fait secouée ; M. V… seul se trouva beaucoup plus fatigué que les autres. Une véritable congestion cérébrale a mis ses jours en danger, et il ne s’en est tiré que grâces aux soins empressés du docteur Cauvière, qui l’a tout de suite saigné abondamment. »

Quand on est dans des dispositions de gaieté et de bonheur, dit M. Granal, le hrachich pris, en dose raisonnable, vous promène à travers les mille et mille caprices de l’imagination la plus riche ; je crois qu’on y acquiert la perception d’un monde invisible, de ce monde de fées et de génies que nos yeux ne peuvent voir dans l’état naturel. On ne connaît pas l’auteur des Mille et une Nuits, je crois le tenir ; c’est, j’en suis sûr, le hrachich en personne. J’ai vu peu de cas de sombre fureur ; quelquefois des accès de colère très-passagers, le plus souvent la gaieté la plus folle. J’ai retenu une seule fois, un hrachach (preneur de hrachich) qui, se croyant oiseau, voulait s’envoler de la fenêtre sur un arbre du jardin. Il avait dénoué les deux bouts de sa ceinture de soie, et, les tenant dans ses mains, il s’écriait : « Je suis oiseau de paradis, je vais m’envoler. » Heureusement, on mit l’oiseau en cage ; un autre entendait le langage des serpents, et, ce qui est plus fort, il le parlait ; je n’en compris pas un mot, bien que je fusse monté à son diapason. Il paraîtra extraordinaire que les individus dans cette situation ne se méprennent pas sur le compte les uns des autres ; ils se traitent de fous sans façon ; mais, si une personne dans son état de bon sens se moque d’eux et les contrarie, ils se fâchent, s’irritent, entrent en fureur ou tombent dans la tristesse. Sentir sa tête se détacher du corps est encore un des effets du hrachich, mais ce n’est pas un effet nécessaire ; il en est qui sentent toujours leur tête sur leurs épaules. Dans une de ces parties, j’ai vu un cas à peu près semblable. Un de mes amis s’écriait : « Ne me touchez pas, je suis statue, vous allez me briser ; et, quelqu’un l’ayant touché ; « Voilà » qui est bien, dit-il ; ma tête roule par ici, mes » bras par là, mes jambes s’en vont chacune de leur côté. »

« J’ajouterai, dit encore M. Granal, que le Vieux de la Montagne exaltait ses sectaires par l’emploi de cette drogue : de là le nom de hrachachin, qui est le pluriel de hrachach, qui veut dire preneur de hrachich, d’où vient le nom français d’assassins. Auriez-vous pensé que ces moLs assassiner, assassin, avaient une parenté quelconque avec le hrachich ? C’est pourtant la vérité. »

Huarts, lutins des forêts de Normandie, qui ont le cri du cha t-huant, et qui huèrent Richard sans Peur, croyant l’effrayer. Ils sont de la suite du démon Brudemort.

Hubner (Etienne), revenant de Bohême. Plusieurs auteurs ont dit qu’il parut, quelque temps après sa mort, dans sa ville, et qu’il embrassa même quelques-uns de ses amis qu’il rencontra[104].

Hudemuhlen, château de Lunebourg, qui fut infesté au temps de la réforme par un lutin qui se disait chrétien, mais qui paraissait peu catholique. Il chantait sans se montrer, et frappait comme les esprits de nos jours.

Huet (Pierre-Daniel), célèbre évêque d’Avranches, mort en 1721. — On trouve ce qui suit dans le Huetiana, ou Pensées diverses de M. Huet, évêque d’Avranches[105], touchant les broucolaques et les tympanites des îles de l’Archipel. « C’est une chose assez étrange que ce qu’on rapporte des broucolaques des îles de l’Archipel. On dit que ceux qui, après une méchante vie, sont morts dans le péché, paraissent en divers lieux avec la même figure qu’ils portaient pendant leur vie ; qu’ils font souvent du désordre parmi les vivants, frappant les uns, tuant les autres ; rendant quelquefois des services utiles, et donnant toujours beaucoup d’effroi. Ils croient que ces corps sont abandonnés à la puissance du démon, qui les conserve^ les anime et s’en sert pour la vexation des hommes. Le Père Richard, jésuite, employé aux missions de ces îles, il y a environ cinquante ans, donna au public une relation de l’île de Saint-Erini ou de Sainte-Irène, qui était la Thera des anciens, dont la fameuse Cyrène fut une colonie. Il a fait un grand chapitre de l’histoire des broucolaques. Il dit que, lorsque le peuple est infesté de ces apparitions, on va déterrer le corps, qu’on trouve entier et sans corruption, qu’on le brûle, ou qu’on le met en pièces, principalement le cœur ; après quoi les apparitions cessent et le corps se corrompt[106]. Le mot de Broucolaques vient du Grec moderne Bourcos qui signifie de la boue, et de Laucos qui signifie fosse, cloaque, parce qu’on trouve ordinairement, comme on l’assure, les tombeaux où l’on a mis ces corps, pleins de bouc. Je n’examine point si les faits que l’on rapporte sont véritables, ou si c’est une erreur populaire ; mais il est certain qu’ils sont rapportés par tant d’auteurs habiles et dignes de foi, et par tant de témoins oculaires, qu’on ne doit pas prendre parti sans beaucoup d’attention. Il est certain aussi que cette opinion, vraie ou fausse, est fort ancienne, et les auteurs en sont pleins. Lorsqu’on avait tué quelqu’un frauduleusement et par surprise, les anciens habitants croyaient ôter au mort le moyen de s’en venger en lui coupant les pieds, les mains, le nez et les oreilles. Cela s’appelait Acroteriazein. Ils pendaient tout cela au cou des défunts, ou ils le plaçaient sous leurs aisselles, d’où s’est formé le mot Mascalizein qui signifie la même chose. On en lit un témoignage exprès dans les Scholies grecques[107] de Sophocle. C’est ainsi que fat traité par Ménélas Déiphobs, mari d’Hélène, et ce fut en cet état qu’il fut vu d’Énée dans les enfers.

     Atque hic Priamidem laniatum corpore toto
     Deïphobum vidit, lacerum crudeliter ora,
     Ora, manusque ambas, populataque tempora raptis
     Auribus, et truncas inhonesto vulnere nares.

« Suétone écrit qu’après la mort violente de Caligula, son corps n’ayant été brûlé qu’à moitié et enterré fort superficiellement, la maison où on l’avait tué et les jardins où il était mis en terre furent inquiétés de spectres toutes les nuits, jusqu’à ce que cette maison fut brûlée, et que les sœurs du défunt eussent rendu plus régulièrement à son corps les derniers devoirs. Servius[108] marque expressément que les âmes des morts (dans l’opinion des anciens) ne trouvaient le lieu de leur repos qu’après que le corps était entièrement consumé. Les Grecs aujourd’hui sont encore persuadés que les corps des excommuniés ne se corrompent point, mais s’enflent comme un tambour et en expriment le bruit quand on les frappe ou qu’on les roule sur le pavé. C’est ce qui les fait appeler toupi ou tympanites. »

Hugon, espèce de mauvais fantôme, à l’existence duquel le peuple de Tours croit très-fermement. Il servait d’épouvantail aux petits

enfants, pour qui il était une manière de Croquemitaine. C’est de lui, dit-on, que les réformés sont appelés huguenots, à cause du mal qu’ils faisaient et de l’effroi que semait leur passage au seizième siècle, qu’ils ont ensanglanté et couvert de débris.

Hugues, bourgeois d’Epinal. Voy. Esprits.

Hugues le Grand, chef des Français, père de Hugues Capet. Gualbert Radulphe rapporte qu’il était guetté par le diable à l’heure de la mort. Une grande troupe d’hommes noirs se présentant à lui, le plus apparent lui dit : Me connais-tu ? — Non, répondit Hugues ; qui peux-tu être ? — Je suis, dit l’homme noir, le puissant des puissants, le riche des riches ; si tu veux croire en moi, je te ferai vivre. Quoique ce capitaine eut été assez dérangé dans sa vie, il fit le signe de la croix. Aussitôt cette bande de diables se dissipa en fumée[109].

Huile bouillante. Les habitants de Ceylan et des côtes du Malabar emploient l’huile bouillante comme épreuve. Les premiers n’y recourent que dans les affaires de grande importance, comme lorsqu’ils ont des procès pour leurs terres, et qu’il n’y a point de témoins. On se servait autrefois en Europe de l’épreuve par l’huile bouillante pour les causes obscures. L’accusé mettait le poing dans la chaudière ; s’il le retirait sans brûlure, il était acquitté.

Huile de baume. « L’huile de baume, extraite du marc de l’eau céleste, dissipera la surdité, si on en met dans les oreilles trois gouttes de temps en temps, en bouchant lesdites oreilles avec du coton imbibé de ce baume. Il guérit toute sorte de gale et de teigne les plus invétérées, apostèmes, plaies, cicatrices, ulcères vieux et nouveaux, morsures venimeuses de serpents, de scorpions, etc., fistules, crampes et érésypèles, palpitation de cœur et des autres membres, le tout par fomentation et emplâtre. Crollius en fait tant d’estime, qu’il le nomme par excellence huile mère de baume[110]. »

Huile de talc. Le talc est la pierre philosophal fixée au blanc. Nos anciens ont beaucoup parlé de l’huile de talc, à laquelle ils attribuaient tant de vertus que presque tous les alchimistes ont mis en œuvre tout leur savoir pour la composer. Ils ont calciné, purifié, sublimé le talc et n’en ont jamais pu extraire cette huile précieuse. — Quelques-uns entendent, sous ce nom, l’élixir des philosophes hermétiques.

Hu-Jum-Sin, célèbre alchimiste chinois qui trouva, dit-on, la pierre philosophale. Ayant tué un horrible dragon qui ravageait le pays, HuJum-Sin attacha ce monstre à une colonne qui se voit encore aujourd’hui, et s’éleva ensuite dans le ciel. Les Chinois, par reconnaissance, lui érigèrent un temple dans l’endroit même où il avait tué le dragon.

Hulin, petit marchand de bois d’Orléans. Étant ensorcelé à mort, il envoya chercher un sorcier qui se vantait d’enlever toutes les maladies. Le sorcier répondit qu’il ne pouvait le guérir, s’il ne donnait la maladie à son fils qui était encore à la mamelle. Le père y consentit. La nourrice, ayant entendu cela, s’enfuit avec l’enfant pendant que le sorcier touchait le père pour lui ôter le mal. Quand il eut fait, il demanda où était l’enfant. Ne le trouvant pas, il commença à s’écrier ; — Je suis mort, où est l’enfant ? — Puis il s’en alla très-piteux ; mais il n’eut pas plutôt mis les pieds hors la porte, que le diable le tua soudain. Il devint aussi noir que si on l’eût noirci de propos délibéré ; car la maladie était restée sur lui[111].

Humbert de Beaujeu. Geoffroi d’Iden lui apparut après sa mort pour réclamer des prières[112].

Humma, dieu souverain des Cafres, qui fait tomber la pluie, souffler les vents, et qui donne le froid et le chaud. Ils ne croient pas qu’on soit obligé de lui rendre hommage, parce que, disent-ils, il les brûle de chaleur et de sécheresse sans garder la moindre proportion.

Hunéric. Avant la persécution d’Hunéric, fils de Genseric, roi des Vandales, qui fut si violente contre les catholiques d’Afrique, plusieurs signes annoncèrent, dit-on, cet orage. On aperçut sur le mont Ziquen un homme de haute stature, qui criait à droite et à gauche : « Sortez, sortez. » On vit aussi à Carthage, dans l’église de Saint-Fauste, une grande troupe d’Éthiopiens qui chassaient les saints comme le berger chasse ses brebis. Il n’y eut guère de persécution d’hérétiques contre les catholiques plus forte que celle-là[113].

Huns. Les anciens historiens donnent à ces peuples l’origine la plus monstrueuse. Jornandès raconte[114] que Philimer, roi des Goths, entrant dans les terres gétiques, n’y trouva que des sorcières d’une laideur affreuse ; qu’il les repoussa loin de son armée ; qu’elles errèrent seules dans les déserts, où des démons s’unirent avec elles. C’est de ce commerce infernal que naquirent les Huns, si souvent appelés les enfants du diable. Ils étaient d’une difformité horrible. Les historiens disent qu’à leurs yeux louches et sauvages, à leur figure torse, à leur barbe de bouc, on ne pouvait s’empêcher de les reconnaître pour enfants de démons. Besoldus prétend, après Servin, que le nom de Huns vient d’un mot tudesque, ou celtique, ou barbare, qui signifie puissants par la magie, grands magiciens. Bonnaire dit, dans son Histoire de France, que les Huns, venant faire la guerre à Cherebert, ou Caribert, furent attaqués près de la rivière d’Elbe par Sigebert, roi de Metz, et que les Francs furent obligés de combattre contre les Huns et contre les spectres dont ces barbares avaient rempli l’air, par un effet de la magie ; ce qui rendit leur victoire plus distinguée. Voy. Ogres.


La Huppe.

Huppe, oiseau commun, nommé par les Chaldéens Bori, et par les Grecs Isan. Celui qui le regarde devient gros ; si on porte les yeux de la huppe sur l’estomac, on se réconciliera avec tous ses ennemis. Enfin, c’est de peur d’être trompé par quelque marchand qu’un homme de précaution a sa tête dans une bourse[115].

Hus, l’un des précurseurs de Luther. Il fit faire des progrès à la confrérie occulte des sorciers.

Hutgin, démon qui trouve du plaisir à obliger les hommes, se plaisant en leur société, répondant à leurs questions, et leur rendant service quand il le peut, selon les traditions de la Saxe. Voici une des nombreuses complaisances qu’on lui attribue : — Un Saxon partant pour un voyage, et se trouvant fort inquiet sur la conduite de sa femme, dit à Hutgin ; — Compagnon, je te recommande ma femme ; aie soin de la garder jusqu’à mon retour. — La femme, aussitôt que son mari fut parti, voulut se donner des licences ; mais le démon l’en empêcha. Enfin le mari revint ; Hutgin courut au devant de lui et lui dit : — Tu fais bien de revenir, car je commence à me lasser de la commission que tu m’as donnée. Je l’ai remplie avec toutes les peines du monde ; et je te prie de ne plus t’absenter, parce que j’aimerais mieux garder tous les pourceaux de la Saxe que ta femme[116]. On voit que ce démon ne ressemble guère aux autres.


Hvergelmer, fontaine infernale. Voy. Niflheim.

Hyacinthe, pierre précieuse que l’on pendait au cou pour se défendre de la peste. De plus, elle fortifiait le cœur, garantissait de la fondre et augmentait les richesses et les honneurs.

Hydraoth, magicien célébré par le Tasse : il était père du Soudan de Damas et oncle d’Armide, qu’il instruisit dans les arts magiques[117].

Hydromancie ou Hydroscopie, art de prédire l’avenir par le moyen de l’eau ; on en attribue l’invention aux Perses. Les doctes en distinguent plusieurs espèces :1° Lorsqu’à la suite des invocations et autres cérémonies magiques, on voyait écrits sur l’eau les noms des personnes ou des choses qu’on désirait connaître ; et ces noms se trouvaient écrits à rebours ; 2° on se servait d’un vase plein d’eau et d’un anneau suspendu à un fil, avec lequel on frappait un certain nombre de fois les côtés du vase ; 3° on jetait successivement, et à de courts intervalles, trois petites pierres dans une eau tranquille et dormante, et, des cercles qu’en formait la surface, ainsi que de leur intersection, on tirait des présages ; 4° on examinait attentivement les divers mouvements et l’agitation des flots de la mer. Les Siciliens et les Eubéens étaient fort adonnés à cette superstition ; 5° on tirait des présages de la couleur de l’eau et des figures qu’on croyait y voir. C’est ainsi, selon Varron, qu’on apprit à Rome quelle serait l’issue de la guerre contre Mithridate. Certaines rivières ou fontaines passaient chez les anciens pour être plus propres que d’autres à ces opérations ; 6° c’était encore par une espèce d’hydromancie que nos pères les Gaulois éclaircissaient leurs soupçons sur la fidélité des femmes : ils jetaient dans le Rhin, sur un bouclier, les enfants dont elles
venaient d’accoucher ; s’ils surnageaient, ils les tenaient pour légitimes, et pour bâtards s’il allaient au fond[118] ; 7° on remplissait d’eau une coupe ou une tasse, et, après avoir prononcé dessus certaines paroles, on examinait si l’eau bouillonnait et se répandait par-dessus les bords ; 8° on mettait de l’eau dans un bassin de verre ou de cristal ; puis on y jetait une goutte d’huile, et l’on s’imaginait ; voir dans cette eau, comme dans un miroir, ce dont on désirait d’être instruit ; 9o les femmes des Germains pratiquaient une neuvième sorte d’hydromancie, en examinant, pour y deviner l’avenir, les tours et détours et le bruit que faisaient, les eaux des fleuves dans les gouffres ou tourbillons qu’ils formaient. ; 10° enfin, on peut rapporter à l’hydromancie une superstition qui a longtemps été en usage en Italie. Lorsqu’on soupçonnait des personnes d’un vol, on écrivait leurs noms sur autant de petits cailloux qu’on jetait dans l’eau. Le nom du voleur ne s’effaçait pas. Voy. Oomancie, Cagliostro, etc.

Hyène. Les Égyptiens croyaient que la hyène changeait de sexe chaque année. On donnait le nom de pierres de la hyène à des pierres qui, au rapport de Pline, se trouvent dans le corps de la hyène, lesquelles, placées sous la langue, attribuaient à celui qui les portait le don de prédire l’avenir.

Hyène.


Hyméra. — Une femme de Syracuse, nommée Hyméra, eut un songe, pendant lequel elle crut monter au ciel, conduite par un jeune homme qu’elle ne connaissait point. Après qu’elle eut vu tous les dieux et admiré les beautés de leur séjour, elle aperçut, attaché avec des chaînes de fer, sous le trône de Jupiter, un homme robuste, d’un teint roux, le visage tacheté de lentilles. Elle demanda à son guide quel était cet homme ainsi enchaîné ? Il lui fut répondu que c’était le mauvais destin de l’Italie et de la Sicile, et que, lorsqu’il serait délivré de ses fers, il causerait de grands maux. Hyméra s’éveilla là-dessus, et le lendemain elle divulgua son rêve.

Quelque temps après, quand Denys le Tyran se fut emparé du trône de la Sicile, Hyméra le vit entrer à Syracuse, et s’écria que c’était l’homme qu’elle avait remarqué si bien enchaîné dans le ciel. Le tyran ayant appris cette singulière circonstance, fit mourir la songeuse[119].

Hynerfanger (Isaac), juif cabaliste du treizième siècle, qui fut considéré comme un puissant magicien.

Hypnotisme. C’est le nom qu’on a donné à un procédé du docteur Braid (Anglais), lequel consiste, au moyen du sommeil nerveux ou magnétique, à produire un état de catalepsie artificielle, et permet ainsi de faire des opérations chirurgicales sans douleur actuelle. On pourrait expliquer par là quelques faits de sorcellerie.



I

Ialysiens, peuple dont parle Ovide, et dont les regards avaient la vertu magique de gâter tout ce qu’ils fixaient. Jupiter les changea en rochers et les exposa aux fureurs des flots.

Iamen, dieu de la mort chez les Indiens.

Ibis, oiseau d’Égypte, qui ressemble à la cigogne, sauf le bec qui est un peu courbe. Quand

 
Ibis
Ibis
 
il met sa tête et son cou sous ses ailes, dit Élien, sa figure est à peu près celle du cœur humain. On dit que cet oiseau a introduit l’usage des lavements, honneur qui est réclamé aussi par les cigognes. Les Égyptiens autrefois lui rendaient les honneurs divins, et il y avait peine de mort pour ceux qui tuaient un ibis, même par mégarde. De nos jours, les Égyptiens regardent encore comme sacrilège celui qui lue l’ibis blanc, dont la présence bénit, disent-ils, les travaux champêtres, et qu’ils révèrent comme un symbole d’innocence.

Iblis, le même qu’Éblis. Voy. Ce mot.

Ichneumon, rat du Nil, auquel les Égyptiens rendaient un culte particulier ; il avait ses prêtres et ses autels. Buffon dit qu’il vit dans l’état de domesticité, et qu’il sert comme les chats à prendre les souris. Il est plus fort que le chat, s’accommode de tout, chasse aux oiseaux, aux quadrupèdes, aux serpents et aux lézards. Pline conte qu’il fait la guerre au crocodile, qu’il l’épie pendant son sommeil, et que, si ce vaste reptile est assez imprudent pour dormir la gueule ouverte, l’ichneumon s’introduit dans son estomac et lui ronge les entrailles. M. Denon assure que c’est une fable. Ces deux animaux n’ont jamais rien à démêler ensemble, ajoute-t-il, puisqu’ils n’habitent pas les mêmes parages. On ne voit pas de crocodiles dans la basse Égypte : on ne voit pas non plus d’ichneumons dans la haute[120].

Ichthyomancie, divination très-ancienne qui se pratique par l’inspection des entrailles des poissons. Polydamas, pendant la guerre de Troie, et Tirésias s’en sont servis. — On dit que les poissons de la fontaine d’Apollon à Miré, étaient prophètes, et Apulée fut aussi accusé de les avoir consultés[121].

Ida. On voit dans la légende-de la bienheureuse Ida de Louvain quelques apparitions du diable, qui cherche à la troubler et qui n’y parvient pas. (Bollandistes, 13 avril.)

Iden (Geoffroid). Voy. Geoffroid.

Idiot. En Écosse, les gens du peuple ne voient pas comme un malheur un enfant idiot dans une famille. Ils voient là, au contraire, un signe de bénédiction. Cette opinion est partagée par plusieurs peuples de l’Orient. Nous nous bornons à la mentionner sans la juger.

Idoles. L’idole est une image, une figure, une représentation d’un être imaginaire ou réel. Le culte d’adoration rendu à quelque idole s’appelle idolâtrie. — Si les idoles ont fait chez les payens des choses que l’on pouvait appeler prodiges, ces prodiges n’ont eu lieu que par le pouvoir des démons ou par le charlatanisme. Saint Grégoire le thaumaturge, se rendant à Néocésarée, fut surpris par la nuit et par une pluie violente qui l’obligea d’entrer dans un temple d’idoles, fameux dans la contrée à cause des oracles qui s’y rendaient. Il invoqua le nom de Jésus-Christ, fit le signe de la croix pour purifier le temple, et passa une partie de la nuit à chanter les louanges de Dieu, suivant son habitude. Après qu’il fut parti, le prêtre des idoles vint au temple, se disposant à faire les cérémonies de son culte. Les démons lui apparurent aussitôt, et lui dirent qu’ils ne pouvaient plus habiter ce lieu, depuis qu’un saint évêque y avait séjourné. Il promit bien des sacrifices pour les engager à tenir ferme sur leurs autels ; mais la puissance de Satan s’était éclipsée devant Grégoire. Le prêtre, furieux, poursuivit l’évêque de Néocésarée, et le menaça de le faire punir juridiquement s’il ne réparait le mal qu’il venait de causer. Grégoire, qui l’écoutait sans s’émouvoir, lui répondit : — Avec l’aide de Dieu, qui chasse les démons, ils pourront revenir s’il le permet. Il prit alors un papier sur lequel il écrivit : — Grégoire à Satan : Rentre. Le sacrificateur étonné porta ce billet dans son temple, fit ses sacrifices, et les démons y revinrent. Réfléchissant alors à la puissance de Grégoire, il retourna vers lui à la hâte, se fit instruire dans la religion chrétienne et, convaincu par un nouveau miracle du saint thaumaturge, il devint son disciple. — Porphyre avoue que les démons s’enfermaient dans les idoles pour recevoir le culte des gentils. « Parmi les idoles, dit-il, il y a des esprits impurs, trompeurs et malfaisants, qui veulent passer pour des dieux et se faire adorer par les hommes ; il faut les apaiser, de peur qu’ils ne nous nuisent. Les uns, gais et enjoués, se laissent gagner par des spectacles et des jeux ; l’humeur sombre des autres veut l’odeur de la graisse et se repaît des sacrifices sanglants. »

Ce qui est bien singulier, c’est qu’aujourd’hui il y a, à Birmingham, une fabrique d’idoles pour les payens de l’Inde et de la Chine. Voici un extrait de son curieux catalogue : — « Yamen, dieu de la mort, en cuivre fin, fabriqué avec beaucoup de goût. — Nirondi, roi des démons ; modèles très-variés. Le géant qu’il monte est du plus hardi dessin, et son sabre de modèle moderne. — Varonnin, dieu du soleil, plein de vie ; son crocodile est en airain et son fouet en argent. — Couberen, dieu des richesses ; ce dieu est d’un travail admirable ; le fabricant y a mis tout son art et tout son talent. On trouve des demi-dieux et des démons inférieurs de toute espèce. — On ne fait pas de crédit, escompte sur payement comptant. »

Mais, les Indiens respectent leurs stupides idoles, tandis que les payens de l’antiquité traitaient assez cavalièrement les leurs. Benjamin Binet, dans son Traité des dieux et des démons du paganisme, nous en fournit quelques exemples :

« On ne peut rien concevoir, dit-il, de plus indigne que la manière dont ils traitaient leurs idoles. Je ne parle point d’Ochus, roi des Perses, qui tua le bœuf Apis et le mangea avec ses amis (Plut., de Isid. et Osid.), parce que l’on pourrait demander si ce bœuf était ou un simple hiéroglyphe, ou le dieu même des Perses. Quoi qu’il en soit, c’était une extrême profanation de faire d’un animal si sacré un repas à ses amis. Denis, roi de Sicile, n’était pas plus favorablement prévenu en faveur des dieux de la Grèce et de leurs images. Comme il ne manquait pas d’esprit, il apostropha agréablement Jupiter Olympien pour s’approprier ses riches dépouilles ; « Je te plains, lui dit-il, d’être toujours chargé d’un habit d’or ; il t’est trop pesant en été, et trop léger en hiver ; prends plutôt cet habit de laine, qui te sera commode en l’une et l’autre saison (Arn., lib. vi, et Lact., lib. ii, cap. 4). » Ce fut ce même prince qui, ne pouvant souffrir qu’Escu-lape, fils d’Apollon, portât une barbe d’or longue et épaisse, pendant que son père paraissait comme un jeune homme sans barbe, la lui arracha, disant : « Que peut-on voir de plus malséant qu’Esculape, fils d’Apollon, ait le menton chargé d’une barbe philosophique, et qu’Apollon ne paraisse que comme un jouvenceau sans barbe (Arn. et Lact., ib.)? » Il poussa encore la profanation jusqu’à prendre des mains des idoles des coupes et des ornements d’or et d’argent, parce que, disait-il, il ne faut rien refuser de la main des dieux. Nous lisons aussi que Caligula outragea les dieux de la Grèce de la manière la plus cruelle : « car, dit Suétone, il commanda que l’on apportât de Grèce les images des dieux célèbres par leur culte et par leur art, entre lesquelles était celle de Jupiter Olympien, et il les fit décapiter pour y mettre sa tête (Suet., lib. iv, cap. 22). » Vous (lirez apparemment qu’il ne faut pas s’étonner que ces princes, qui étaient des tyrans, aient eu si peu de vénération pour les dieux ; qu’étant les oppresseurs de la liberté et de la religion, leur exemple ne prouve rien. Mais il est étrange que le sénat, les prêtres, les peuples ne se soient pas soulevés contre cette impiété. Vous les voyez tous se liguer contre la tyrannie de leurs rois et de leurs empereurs, les massacrer quand ils foulent aux pieds leurs privilèges ; ici au contraire ils demeurent tranquilles, lorsque l’on détruit leur religion, la chose du monde à laquelle les hommes sont le plus attachés. Mais choisissons un exemple décisif, c’est celui de César. Les armées navales de Sextus Pompée et les tempêtes ayant dissipé ses deux flottes, il s’écria : Je vaincrai, en dépit de Neptune ! et afin de montrer combien il méprisait les dieux, il jeta par terre l’image de ce dieu pendant la célébration des jeux circulaires où l’on portait en pompe les images des dieux pour les rendre témoins de cet honneur (Sueton., lib. ii, cap. 16). »

 
Illuminés allemands
Illuminés allemands.
 

Ifurinn, enfer des Gaulois. C’était une région sombre et terrible, inaccessible aux rayons du soleil, infectée d’insectes venimeux, de reptiles, de lions rugissants et de loups carnassiers. Les grands criminels étaient là enchaînés dans des cavernes encore plus horribles, plongés dans un étang plein de couleuvres et brûlés par les poisons qui distillaient sans cesse de la voûte. Les gens inutiles, ceux qui n’avaient fait ni bien ni mal, résidaient au milieu des vapeurs épaisses et pénétrantes, élevées au-dessus de ces hideuses prisons. Le plus grand supplice était un froid très-rigoureux.

Ignorance. Ceux qui enseignèrent que l’Océan était salé de peur qu’il ne se corrompît, et que les marées étaient faites pour conduire nos vaisseaux dans les ports, ne savaient sûrement pas que la Méditerranée a des ports et point de reflux. Voy. Erreurs, Merveilles, Prodiges, etc., etc.

Île fantôme. C’est l’île de Saint-Brandan, riche de sept belles cités, que beaucoup de voyageurs ont cru voir de loin, mais qu’ils n’ont jamais abordée, parce qu’elle disparaît à mesure que l’on croit s’en approcher. Ce n’est qu’un mirage.

Îles. Il y a, dans la Baltique, des îles rapprochées que les pêcheurs croient avoir été faites par des enchanteurs, qui voulaient s’en aller plus facilement d’un lieu à un autre, et qui établissaient ainsi des stations sur leur roule. C’est une tradition des riverains de la mer Baltique, mentionnée par M. Marmier.

Illuminés, sorte de francs-maçons d’Allemagne, qui croient avoir la seconde vue et qui prophétisent. On connaît peu leur doctrine, qui est vague et libre ; mais ils ont eu des prédécesseurs. En 1575, Jean de Villalpando et une carmélite, nommée Catherine de Jésus, établirent une secte d’illuminés, que l’inquisition de Cordoue dispersa. Pierre Guérin les ramena en France en 1634. Ils prétendaient que Dieu avait révélé à l’un d’entre eux, le frère Antoine Bocquet, une pratique de vie et de foi suréminente, au moyen de laquelle on devenait tellement saint, qu’on ne faisait plus qu’un avec Dieu, et qu’alors on pouvait sans péché se livrer à toutes ses passions. Ils se flattaient d’en remontrer aux apôtres, à tous les saints et à toute l’Église. Louis XIII dissipa cette secte de fous. Voy. Saint Martin.

Images de cire. Ceux qui faisaient des images de cire pour l’envoûtement les baptisaient au nom de Béelzébub ; puis ils les perçaient de coups de stylet ou les brûlaient, dans la pensée que la personne dont l’image portait le nom subissait le traitement de l’image. Cette sorcellerie était connue des anciens. Voy. Envoûtement, Duffus, Eberard, Henri III, etc.

Imagination. Les rêves, les songes, les chimères, les terreurs paniques, les superstitions, les préjugés, les prodiges, les châteaux en Espagne, le bonheur, la gloire et plusieurs contes d’esprits et de revenants, de sorciers et de diables, sont ordinairement les enfantements de l’imagination. Son domaine est immense, son empire est despotique ; une grande force d’esprit peut seule en réprimer les écarts. Un Athénien, ayant rêvé qu’il était devenu fou, en eut l’imagination tellement frappée, qu’à son réveil il fit des folies comme il croyait devoir en faire, et perdit en effet la raison. On connaît l’origine de la fièvre de Saint-Vallier. À cette occasion, Pasquier parle de la mort d’un bouffon du marquis de Ferrare, nommé Gonelle, qui, ayant entendu dire qu’une grande peur guérissait de la fièvre, voulut guérir de la fièvre quarte le prince son maître, qui en était tourmenté. Pour cet effet, passant avec lui sur un pont assez étroit, il le poussa et le fit tomber dans l’eau au péril de sa vie. On repêcha le souverain, et il fut guéri. Mais, jugeant que l’indiscrétion de Gonelle méritait quelque punition, il le condamna à avoir la tête coupée, bien résolu cependant à ne pas le faire mourir. Le jour de l’exécution, il lui fit bander les yeux, et ordonna qu’au lieu d’un coup de sabre on ne lui donnât qu’un petit coup de serviette mouillée ; l’ordre fut exécuté et Gonelle délié aussitôt après ; mais le malheureux bouffon était mort de peur. Est-ce vrai ? Mais Pasquier a fait tant de contes ! Héquet parle d’un homme qui, s’étant couché avec les cheveux noirs, se leva le matin avec les cheveux blancs, parce qu’il avait rêvé qu’il était condamné à un supplice cruel et infamant. Dans le Dictionnaire de police de des Essarts, on trouve l’histoire d’une jeune fille à qui une sorcière prédit qu’elle serait pendue ; ce qui produisit un tel effet sur son esprit, qu’elle mourut suffoquée la nuit suivante. Athénée raconte que quelques jeunes gens d’Agrigente étant ivres, dans une chambre de cabaret, se crurent sur une galère, au milieu de la mer en furie, et jetèrent par les fenêtres tous les meubles de la maison, pour soulager le bâtiment. Il y avait à Athènes un fou qui se croyait maître de tous les navires qui entraient dans le Pirée, et il donnait ses ordres en conséquence. Horace parle d’un autre fou qui croyait toujours assistera un spectacle, et qui, suivi d’une troupe de comédiens imaginaires, portait un théâtre dans sa tête, où il était tout à la fois et l’acteur et le spectateur. On voit chez les maniaques des choses aussi singulières ; tel s’imagine être un moineau, un vase de terre, un serpent ; tel autre se croit un dieu, un orateur, un Hercule. Et parmi les gens qu’on dit sensés, en est-il beaucoup qui maîtrisent leur imagination, et se montrent exempts de faiblesses et d’erreurs ? Plusieurs personnes mordues par des chiens ont été très-malades parce que, les supposant atteints de la rage, elles se croyaient menacées où déjà affectées du même mal. La Société royale des sciences de Montpellier rapporte, dans un mémoire publié en 1730, que, deux

 
Imagination
Imagination
 
frères ayant été mordus par un chien enragé, l’un d’eux partit pour la Hollande, d’où il ne revint qu’au bout dix ans. Ayant appris, à son retour, que son frère, depuis longtemps, était mort hydrophobe, il se sentit malade et mourut lui-même enragé par la crainte de l’être.

Voici un fait qui n’est pas moins extraordinaire : un jardinier rêva qu’un grand chien noir l’avait mordu. Il ne pouvait montrer aucune trace de morsure ; sa femme, qui s’était levée au premier cri, lui assura que toutes les portes étaient bien fermées et qu’aucun chien n’avait pu entrer. Ce fut en vain ; l’idée du gros chien noir restait toujours présente à son imagination ; il croyait le voir sans cesse : il en perdit le sommeil et l’appétit, devint triste, rêveur, languissant. Sa femme, qui, raisonnable au commencement, avait fait tous ses efforts pour le calmer et le guérir de son illusion, finit par s’imaginer que, puisqu’elle n’avait pas réussi, il y avait quelque chose de réel dans l’idée de son mari, et qu’ayant été couchée à côté de lui, il était fort possible qu’elle eût été aussi mordue. Cette disposition d’esprit développa chez elle les mêmes symptômes que chez son mari, abattement, lassitude, frayeur, insomnie. Le médecin, voyant échouer toutes les ressources ordinaires de son art contre cette maladie de l’imagination, leur conseilla d’aller en pèlerinage à Saint-Hubert. Dès ce moment les deux malades furent plus tranquilles : ils allèrent à Saint-Hubert, y subirent le traitement usité, et revinrent guéris[122].

Un homme pauvre et malheureux s’était tellement frappé l’imagination de l’idée des richesses, qu’il avait fini par se croire dans la plus grande opulence. Un médecin le guérit, et il regretta sa folie. On a vu, en Angleterre, un homme qui voulait absolument que rien ne l’affligeât dans ce monde. En vain on lui annonçait un événement fâcheux ; il s’obstinait à le nier. Sa femme étant morte, il n’en voulut rien croire. Il faisait mettre à table le couvert de la défunte, et s’entretenait avec elle, comme si elle eût été présente ; il en agissait de même lorsque son fils était absent. Près de sa dernière heure, il soutint qu’il n’était pas malade, et mourut avant d’en avoir eu le démenti.

Voici une autre anecdote : Un maçon, sous l’empire d’une monomanie qui pouvait dégénérer en folie absolue, croyait avoir avalé une couleuvre ; il disait la sentir remuer dans son ventre. M. Jules Cloquet, chirurgien de l’hôpital Saint-Louis, à qui il fut amené, pensa que le meilleur, peut-être le seul moyen pour guérir ce monomane, était de se prêter à sa folie. Il offrit en conséquence d’extraire la couleuvre par une opération chirurgicale. Le maçon y consent ; une incision longue, mais superficielle, est faite à la région de l’estomac, des linges, des compresses, des bandages rougis par le sang sont appliqués. La tête d’une couleuvre dont on s’était précautionné est passée avec adresse entre les bandes et la plaie. « Nous la tenons enfin, s’écria l’adroit chirurgien ; la voici. » En même temps, le patient arrache son bandeau : Il veut voir le reptile qu’il a nourri dans son sein. Quelque temps après, une nouvelle mélancolie s’empare de lui ; il gémit, il soupire ; le médecin est rappelé : « Monsieur, lui dit-il avec anxiété, si elle avait fait des petits ? — Impossible ! c’est un mâle. »

On attribue ordinairement à l’imagination des femmes la production des fœtus monstrueux. M. Salgues a voulu prouver que l’imagination n’y avait aucune part, en citant quelques animaux qui ont produit des monstres, et d’autres preuves pourtant insuffisantes. Plessman, dans sa Médecine puerpérale ; Harting, dans une thèse ; Demangeon, dans ses Considérations physiologiques sur le pouvoir de l’imagination maternelle dans la grossesse, soutiennent l’opinion générale. Les femmes enceintes défigurent leurs enfants, quoique déjà formés, lorsque leur imagination est violemment frappée. Malebranche parle d’une femme qui, ayant assisté à l’exécution d’un malheureux condamné à la roue, en fut si affectée, qu’elle mit au monde un enfant dont les bras, les cuisses et les jambes étaient rompus à l’endroit où la barre de l’exécuteur avait frappé le condamné. Le peintre Jean-Baptiste Rossi fut surnommé Gobbino parce qu’il était agréablement gobbo, c’est-à-dire bossu. Sa mère était enceinte de lui lorsque son père sculptait le gobbo, bénitier devenu célèbre, et qui a fait le pendant du pasquino, autre bénitier de Gabriel Cagliari.

Une femme enceinte jouait aux cartes. En relevant son jeu, elle voit que, pour faire un grand coup, il lui manque l’as de pique. La dernière carte qui lui rentre était effectivement celle qu’elle attendait. Une joie immodérée s’empare de son esprit, se communique, comme un choc électrique, à toute son existence ; et l’enfant qu’elle mit au monde porta dans la prunelle de l’œil la forme d’un as de pique, sans que l’organe de la vue fût d’ailleurs offensé par cette conformation extraordinaire. Le trait suivant est encore plus étonnant, dit Lavater. « Un de mes amis m’en a garanti l’authenticité. Une dame de condition du Rhinthal voulut assister, dans sa grossesse, au supplice d’un criminel qui avait été condamné à avoir la tête tranchée et la main droite coupée. Le coup qui abattit la main effraya tellement la femme enceinte, qu’elle détourna la tête avec un mouvement d’horreur, et se retira sans attendre la fin de l’exécution. Elle accoucha d’une fille qui n’eut qu’une main, et qui vivait encore lorsque mon ami me fit part de cette anecdote ; l’autre main sortit séparément, après l’enfantement. »

Il y a, du reste, sur les accouchements prodigieux bien des contes : « J’ai lu dans un recueil de faits merveilleux, dit M. Salgues, Des erreurs et des préjugés répandus dans la société, qu’en 1778, un chat, né à Stap, en Normandie, devint épris d’une poule du voisinage et qu’il lui fit une cour assidue. La fermière ayant mis sous les ailes de la poule des œufs de cane qu’elle voulait faire couver, le chat s’associa à ses travaux maternels. Il détourna une partie des œufs et les couva si tendrement, qu’au bout de vingt-cinq jours il en sortit de petits êtres amphibies, participant de la cane et du chat, tandis que ceux de la poule étaient des canards ordinaires. Le docteur Vimond atteste qu’il a vu, connu, tenu le père et la mère de cette singulière famille, et les petits eux-mêmes. Mais on dit au docteur Vimond : — Aviez-vous la vue bien nette quand vous avez examiné vos canards amphibies ? vous avez trouvé l’animal vêtu d’un poil noirâtre, touffu et soyeux ; mais ne savez-vous pas que c’est le premier duvet des canards ? Croyez-vous que l’incubation d’un chat puisse dénaturer le germe renfermé dans l’œuf ? Alors pourquoi l’incubation de la poule aurait-elle été moins efficace et n’aurait-elle pas produit des êtres moitié poules et moitié canards ? »

On rit aujourd’hui de ces contes, on n’oserait plus écrire ce que publiaient les journaux de Paris il y a soixante ans, qu’une chienne du faubourg Saint-Honoré venait de mettre au jour quatre chats et trois chiens. — Élien, dans le vieux temps, a pu parler d’une truie qui mit bas un cochon ayant une tête d’éléphant, et

 
Le coup qui abattit la main effraya tellement la femme enceinte… — Page 354
Le coup qui abattit la main effraya tellement la femme enceinte… — Page 354.
 
d’une brebis qui mit bas un lion. Nous le rangerons à côté de Torquemada, qui rapporte, dans la sixième journée de son Hexameron, qu’en un lieu d’Espagne, qu’il ne nomme pas, une jument était tellement pleine, qu’au temps de mettre bas son fruit, elle creva et qu’il sortit d’elle une mule qui mourut incontinent, ayant comme sa mère le ventre si gros et si enflé, que le maître voulut voir ce qui était dedans. On l’ouvrit et on y trouva une autre mule de laquelle elle était pleine…

Autre anecdote : Un duc de Mantoue avait, dans ses écuries une cavale pleine, qui mit bas un mulet. Il envoya aussitôt aux plus célèbres astrologues d’Italie l’heure de la naissance de cette bête, les priant de lui faire l’horoscope d’un bâtard né dans son palais sous les conditions qu’il indiquait. Il prit bien soin qu’ils ne sussent pas que c’était d’un mulet qu’il voulait parler. Les devins firent de leur mieux pour flatterie prince, ne doutant pas que ce bâtard ne fût de lui. Les uns dirent qu’il serait général d’armée ; les autres en firent mieux encore et tous le comblèrent de dignités. — Mais rentrons dans les accouchements prodigieux. On publia au seizième siècle qu’une femme ensorcelée venait d’enfanter plusieurs grenouilles. De telles nouveautés étaient reçues alors sans opposition. Au commencement du dix-huitième siècle les gazettes d’Angleterre annoncèrent, d’après le certificat du chirurgien accoucheur, appuyé de l’anatomiste du roi, qu’une paysanne venait d’accoucher de beaucoup de lapins ; et le public le crut jusqu’au moment où l’anatomiste avoua qu’il s’était prêté à une mystification. On fit courir le bruit, en 1471, qu’une femme à Pavie, avait mis bas un chien ; on cita la Suissesse qui, en 1278, avait donné le jour à un lion, et la femme que Pline dit avoir été mère d’un éléphant. — On voit dans d’autres conteurs anciens qu’une autre Suissesse se délivra d’un lièvre ; une Thuringienne, d’un crapaud ; que d’autres femmes mirent bas des poulets[123]. Ambroise Paré cite, sur ouï-dire, un jeune cochon napolitain qui portait une tête d’homme sur son corps de cochon. Boguet assure, dans ses Discours des exécrables sorciers, qu’une femme maléficiée mit au jour à la fois, en 1531, une tête d’homme, un serpent à deux pieds et un petit pourceau. Bayle parle d’une femme qui passa pour être accouchée d’un chat noir ; le chat fut brûlé comme produit d’un démon[124]. Volaterranus se préoccupe d’un enfant qui naquit homme jusqu’à la ceinture, et chien dans la partie inférieure du corps. Un autre enfant monstrueux vint au monde, sous le règne de Constance, avec deux bouches, quatre yeux, deux petites oreilles et de la barbe. Un savant professeur de Louvain, Cornélius Gemma, écrivant à une époque où l’on admettait beaucoup de choses, rapporte qu’en 1545 une dame de noble lignée mit au monde, dans la Belgique, un garçon qui avait, au dire des experts, la tête d’un démon avec une trompe d’éléphant au lieu de nez, des pattes d’oie au lieu de mains, des yeux de chat au milieu du ventre, une tête de chien à chaque genou, deux visages de singe sur l’estomac et une queue de scorpion longue d’une demi-aune de Brabant (trente-cinq centimètres). Ce petit monstre ne vécut que quatre heures, et poussa des cris en mourant par les deux gueules de chien qu’il avait aux genoux[125].

Nous pourrions multiplier ces contes, fondés sur quelques phénomènes naturels que l’imagination des femmes enceintes a produits. Arrêtons-nous un moment aux faits prodigieux plus réels. Tels sont les enfants nés sans tête, ou plutôt dont la tête n’est pas distincte des épaules. Un de ces enfants vint au monde au village de Schmechten, près de Paderborn, le 16 mai 1565 ; il avait la bouche à l’épaule gauche et une seule oreille à l’épaule droite. Mais en compensation de ces enfants sans tête, une Normande accoucha, le 20 juillet 16844 d’un enfant mâle dont la tête semblait double. Il avait quatre yeux, deux nez crochus, deux bouches, deux langues et seulement deux oreilles. L’intérieur renfermait deux cerveaux, deux cervelets et trois cœurs ; les autres viscères étaient simples. Ce garçon vécut une heure ; et peut-être eût-il vécu plus longtemps si la sage-femme, qui en avait peur, ne l’eût laissé tomber. — Le phénomène des êtres bicéphales est moins rare que celui des acéphales. On présenta en 1779, à l’Académie des sciences de Paris, un lézard à deux têtes, qui se servait également bien de toutes les deux. Le Journal de médecine du mois de février 1808 donne des détails curieux sur un enfant né avec deux têtes, mais placées l’une au-dessus de l’autre, de sorte que la première en portait une seconde ; cet enfant était né au Bengale. À son entrée dans le monde, il effraya tellement la sage-femme que, croyant tenir le diable dans les mains, elle le jeta au feu. On se hâta de l’en retirer, mais il eut les oreilles endommagées. Ce qui rendait le cas encore plus singulier, c’est que la seconde tête était renversée, le front en bas et le menton en haut. Lorsque l’enfant eut atteint l’âge de six mois, les deux têtes se couvrirent d’une quantité à peu près égale de cheveux noirs. On remarqua que la tête supérieure ne s’accordait pas avec l’inférieure ; qu’elle fermait les yeux quand l’autre les ouvrait, et s’éveillait quand la tête principale était endormie ; elles avaient alternativement des mouvements indépendants et des mouvements sympathiques. Le rire de la bonne tête s’épanouissait sur la tête d’en haut ; mais la douleur de cette dernière ne passait pas à l’autre ; de sorte qu’on pouvait la pincer sans occasionner la moindre sensation à la tête d’en bas. Cet enfant mourut d’un accident à sa quatrième année.

Ce que nous venons de rapporter n’est peut-être pas impossible. Mais remarquez que ces merveilles viennent toujours de très-loin. Cependant nous avons vu de nos jours Ritta-Christina, cette jeune fille à deux têtes, ou plutôt ces deux jeunes filles accouplées. Nous avons vu aussi les jumeaux Siamois, deux hommes qu’une partie du ventre rendait inséparables et semblait réunir en un seul être. Pour le reste, le plus sûr est de rejeter en ces matières ce qui n’est pas certifié par de suffisants témoignages. Dans ce genre de faits, on attribuait autrefois au diable tout ce qui sortait du cours ordinaire de la nature, et il est certain qu’on exagère ordinairement ces phénomènes. On a vu des fœtus monstrueux, à qui on donnait gratuitement la forme d’un mouton, et qui étaient aussi bien un chien, un cochon, un lièvre, etc., puisqu’ils n’avaient aucune figure distincte. On prend souvent pour une cerise, ou pour une fraise, ou pour un bouton de rose, ce qui n’est qu’un seing plus large et plus coloré qu’ils ne le sont ordinairement. Voy. Frayeurs, Hallucinations, etc.

Imberta Voy. Possédées de Flandre.

Imer ou Imir. Voy. Ymer.

Immortalité. Ménandre, disciple de Simon le magicien, se vantait de donner un baptême qui rendait immortel. On fut bien vite détrompé. Les Chinois sont persuadés qu’il y a quelque part

 
Immortalité
Immortalité
 
une eau qui empêche de mourir, et ils cherchent toujours ce breuvage d’immortalité, qui n’est pas trouvé encore.

Les Strulldbrugges ou immortels de Gulliver, sont fort malheureux de leur immortalité. La même pensée se retrouve dans cette légende des bords de la Baltique : — À Falster, il y avait autrefois une femme fort riche qui n’avait point d’enfants. Elle voulut faire un pieux usage de sa fortune, et elle bâtit une église. L’édifice achevé, elle le trouva si bien qu’elle se crut en droit de demander à Dieu une récompense. Elle le pria donc de la laisser vivre aussi longtemps que son église subsisterait. Son vœu fut exaucé. La mort passa devant sa porte sans entrer ; la mort frappa autour d’elle voisins, parents, amis et ne lui montra pas seulement le bout de sa faux. Elle vécut au milieu de toutes les guerres, de toutes les pestes, de tous les fléaux qui traversèrent le pays. Elle vécut si longtemps qu’elle ne trouva plus un ami avec qui elle pût s’entretenir. Elle parlait toujours d’une époque si ancienne que personne ne la comprenait. Elle avait bien demandé une vie perpétuelle ; mais elle avait oublié de demander aussi la jeunesse ; le ciel ne lui donna que juste ce qu’elle voulait avoir, et la pauvre femme vieillit : elle perdit ses forces, puis la vue, et l’ouïe et la parole. Alors elle se fit enfermer dans une caisse de chêne et porter dans l’église. Chaque année, à Noël, elle recouvre, pendant une heure, l’usage de ses sens ; et chaque année, à cette heure-là, le prêtre s’approche d’elle pour prendre ses ordres. La malheureuse se lève à demi dans son cercueil et s’écrie : a Mon église subsiste-t-elle encore ? — Oui, répond le prêtre. — Hélas ! » dit-elle. Et elle s’affaisse en poussant un profond soupir, et le coffre de chêne se referme sur elle[126].

Impair. Une crédulité superstitieuse a attribué, dans tous les temps, bien des prérogatives au nombre impair[127]. Le nombre pair passait chez les Romains pour mauvais, parce que ce nombre, pouvant être divisé également, est le symbole de la mortalité et de la destruction ; c’est pourquoi Numa, corrigeant l’année de Romulus, y ajouta un jour, afin de rendre impair le nombre de ceux qu’elle contenait. C’est en nombre impair que les livres magiques prescrivent leurs opérations les plus mystérieuses. L’alchimiste d’Espagnet, dans sa Description du jardin des sages, place à l’entrée une fontaine qui a sept sources. « Il faut, dit-il, y faire boire le dragon par le nombre magique de trois fois sept, et l’on doit y chercher trois sortes de fleurs, qu’il faut y trouver nécessairement pour réussir au grand œuvre. » Le crédit du nombre impair s’est établi jusque dans la médecine : l’année climatérique est, dans la vie humaine, une année impaire.

Impostures. On lit dans Leloyer qu’un valet, par le moyen d’une sarbacane, engagea une veuve d’Angers à l’épouser, en le lui conseillant de la part de son mari défunt. Plus d’un imposteur a employé ce stratagème. Un roi d’Écosse, voyant que ses troupes ne voulaient pas combattre contre les Pietés, suborna des gens habillés d’écailles brillantes, ayant en main des bâtons de bois luisant, qui, se présentant comme des anges, les excitèrent à combattre, ce qui eut le succès qu’il souhaitait[128]. Nous aurions un gros volume à faire, si nous voulions citer ici toutes les impostures de l’histoire. On y pourrait joindre maints stratagèmes et ruses de guerre. Voy. Apparitions, Fantômes, Bohémiens, Jetzer, etc.

Imprécations. Ce qui va suivre est de Chassanion, huguenot, en ses Grands Jugements de Dieu : « Quant à ceux qui sont adonnés à maugréer et qui, comme des gueules d’enfer, à tout propos dépitent Dieu par d’horribles exécrations, et sont si forcenés que de le renier pour se donner au diable, ils méritent bien d’être abandonnés de Dieu et d’être livrés entre les mains de Satan pour aller avec lui en perdition : ce qui est advenu visiblement à certains malheureux de notre temps, qui ont été emportés par le diable, auquel ils s’étaient donnés. Il y a quelque temps qu’en Allemagne un homme de mauvaise vie était si mal embouché, que jamais il ne parlait sans nommer les diables. Si en cheminant il lui advenait de faire quelque faux pas ou de se heurter, aussitôt il avait les diables dans sa gueule. De quoi, combien que plusieurs fois il eût été repris par ses voisins, et admonesté de se châtier d’un si méchant et détestable vice, toutefois ce fut en vain. Continuant dans cette mauvaise et dam-nable coutume, il advint un jour qu’en passant sur un pont il trébucha et, étant tombé du haut en bas, proféra ces paroles : « Lève-toi par tous les cent diables. » Soudain, voici celui qu’il avait tant de fois appelé qui le vint étrangler et l’emporta.

» L’an mil cinq cent cinquante et un, près Mégalopole, joignant Voilstadt, il advint encore, durant les fêtes de la Pentecôte, ainsi que le peuple s’amusait à boire, qu’une femme, qui était de la campagne, nommait ordinairement le diable parmi ses jurements, lequel, à cette heure, en la présence d’un chacun, l’enleva par la porte de la maison et l’emporta en l’air. Ceux qui étaient présents sortirent incontinent, tout étonnés, pour voir où cette femme était ainsi transportée : laquelle ils virent, hors du village, pendue quelque temps en l’air bien haut, dont elle tomba en bas, et la trouvèrent à peu près morte au milieu d’un champ. Environ ce temps-là il y eut un grand jureur en une ville de Savoie, homme fort vicieux et qui donnait beaucoup de peine aux gens de bien, qui, pour le devoir de leur charge, s’employèrent à le reprendre et l’admonestèrent bien souvent, afin qu’il s’amendât : à quoi il ne voulut oncques entendre. Or, advint que la peste étant dans la ville, il en fut frappé et se retira en un sien jardin avec sa femme et quelques parents. Là, les ministres de l’Église ne cessèrent de l’exhorter à repentance, lui remontrant ses fautes et péchés pour le réduire au bon chemin. Mais tant s’en fallut qu’il fût touché par tant de bonnes et saintes remontrances, qu’au contraire il ne fit que s’endurcir davantage en ses péchés. Avançant donc son malheur, un jour, comme ce méchant reniait Dieu, et se donnait au diable et l’appelait tant qu’il pouvait, voilà le diable qui le ravit soudainement et l’emporta en l’air ; sa femme et sa parente le virent passer par-dessus leurs têtes. Étant ainsi transporté, son bonnet lui tomba du chef et fut trouvé auprès du Rhône. Le magistrat, averti de cela, vint sur le lieu et s’informa du fait, prenant attestation de ces deux femmes de ce qu’elles avaient vu. Voilà des événements terribles, épouvantables, pour donner crainte et frayeur à tels ou semblables jureurs et renieurs de Dieu, desquels le monde n’est que trop rempli aujourd’hui. Refrénez donc, misérables que vous êtes, vos langues infernales ; départez-vous de toutes méchantes paroles et exécrations, et vous accoutumez à louer et glorifier Dieu, tant de bouche que de fait[129]. »

Quand les femmes grecques entendent des imprécations, comme il s’en fait dans les chaudes colères de leur pays, elles se hâtent de mouiller leurs seins avec leur salive, de peur qu’une partie de ces malédictions ne tombent sur elles[130]. Voy. Jurements.

Imprimerie (L’), inventée, comme on sait, au quinzième siècle. Nous ne citons ici cette admirable découverte, instrument si prodigieux pour le bien, si terrible dans le mal, que dans la nécessité de remarquer l’étonnement qu’il fit naître à sa naissance, et l’humilité du parlement de Paris. Ce corps si vanté ne croyait pas les produits de l’imprimerie possibles au génie humain ;

 
Imprimerie
Imprimerie
 
il en attribuait les œuvres au diable, et il eût fait brûler les premiers imprimeurs comme sorciers, si Louis XI et la Sorbonne, plus lucides, ne les eussent pas protégés.

Incendie. En 1807, un professeur de Brunswick annonça qu’il vendait de la poudre aux incendies, comme un apothicaire vend de la poudre aux vers ; il ne s’agissait, pour sauver un édifice, que de le saupoudrer de quelques pincées de cette poudre ; deux onces suffisaient par pied carré : et comme la livre ne coûtait que sept à huit sous, et qu’un homme n’a que quatorze pieds de superficie, on pouvait, pour dix-sept sous six deniers (vieux style), se rendre incombustible. Quelques gens crédules achetèrent la poudre du docteur. Les gens raisonnables jugèrent qu’il voulait attraper le public, et se moquèrent de lui[131].

Incombustibles. Il y avait jadis en Espagne des hommes d’une trempe supérieure qu’on appelait Saludadores, Santiguadores, Ensalmadores. Ils avaient non-seulement la vertu de guérir toutes les maladies avec leur salive, mais ils maniaient le feu impunément ; ils pouvaient avaler de l’huile bouillante, marcher sur les charbons ardents, se promener à l’aise au milieu des bûchers enflammés. Ils se disaient parents de sainte Catherine et montraient sur leur chair l’empreinte d’une roue, signe manifeste de leur glorieuse origine. — Il existe aujourd’hui en France, en Allemagne et dans presque toute l’Europe, des hommes qui ont les mêmes privilèges, et qui pourtant évitent avec soin l’examen des savants et des docteurs. Léonard Vair conte qu’un de ces hommes incombustibles ayant été sérieusement enfermé dans un four très-chaud, on le trouva calciné quand on rouvrit le four. Il y a quelques années qu’on vit à Paris un Espagnol marcher pieds nus sur des barres de fer rougies au feu, promener des lames ardentes sur ses bras et sur sa langue, se laver les mains avec du plomb fondu, etc.; on publia ces merveilles. Dans un autre temps, l’Espagnol eût passé pour un homme qui avait des relations avec le démon ; alors on se contenta de citer Virgile, qui dit que les prêtres d’Apollon, au mont Soracte, marchaient sur des charbons ardents ; on cita Varron, qui affirme que ces prêtres avaient le secret d’une composition qui les rendait pour quelques instants inaccessibles à l’action du feu. Le P. Régnault, qui a fait quelques recherches pour découvrir les secrets de ces procédés, en a publié un dans ses Entretiens sur la physique expérimentale. Ceux qui font métier, dit-il, de manier le feu et d’en tenir à la bouche emploient quelquefois un mélange égal d’esprit de soufre, de sel ammoniac, d’essence de romarin et de suc d’oignon. L’oignon est, en effet regardé par les gens de la campagne comme un préservatif contre la brûlure.

Dans le temps où le P. Régnault s’occupait de ces recherches, un chimiste anglais, nommé Richardson, remplissait toute l’Europe du bruit de ses expériences merveilleuses. Il mâchait des charbons ardents sans se brûler ; il faisait fondre du soufre, le plaçait tout animé sur sa main, et le reportait sur sa langue, où il achevait de se consumer ; il mettait aussi sur sa langue des charbons embrasés, y faisait cuire un morceau de viande ou une huître, et souffrait, sans sourciller, qu’on excitât le feu avec un soufflet ; il tenait un fer rouge dans ses mains, sans qu’il y restât aucune trace de brûlure, prenait ce fer dans ses dents, et le lançait au loin avec une force étonnante ; il avalait de la poix et du verre fondus, du soufre et de la cire mêlés ensemble et tout ardents, de sorte que la flamme sortait de sa bouche comme d’une fournaise. Jamais, dans toutes ces épreuves, il ne donnait le moindre signe de douleur. Depuis le chimiste Richardson, plusieurs hommes ont essayé comme lui de manier le feu impunément. En 1774, on vit à la forge de Laune un homme qui marchait, sans se brûler, sur des barres de fer ardentes, tenait sur sa main des charbons et les soufflait avec sa bouche : sa peau était épaisse et enduite d’une sueur grasse, onctueuse, mais il n’employait aucun spécifique. Tant d’exemples prouvent qu’il n’est pas nécessaire d’être parent de sainte Catherine pour braver les effets du feu. Mais il fallait que quelqu’un prît la peine de prouver, par des expériences décisives, qu’on peut aisément opérer tous les prodiges dont l’Espagnol incombustible a grossi sa réputation ; ce physicien s’est trouvé à Naples.

M. Sementini, premier professeur de chimie à l’université de cette ville, a publié à ce sujet des recherches qui ne laissent rien à désirer. Ses premières tentatives ne furent pas heureuses ; mais il ne se découragea point. Il conçut que ses chairs ne pouvaient acquérir subitement les mêmes facultés que celles du fameux Lionetti, qui était alors incombustible ; qu’il était nécessaire de répéter longtemps les mêmes tentatives, et que, pour obtenir les résultats qu’il cherchait, il fallait beaucoup de constance. À force de soins, il réussit. Il se fit sur le corps des frictions sulfureuses et les répéta si souvent, qu’enfin il put y promener impunément une lame de fer rouge. Il essaya de produire le même effet avec une dissolution d’alun, l’une des substances les plus propres à repousser l’action du feu : le succès fut encore plus complet. Mais quand M. Sementini avait lavé la partie incombustible, il perdait aussitôt tous ses avantages, et devenait aussi périssable que le commun des mortels. Il fallut donc tenter de nouvelles expériences.

Le hasard servit à souhait M. Sementini. En cherchant jusqu’à quel point l’énergie du spécifique qu’il avait employé pouvait se conserver, il passa sur la partie frottée un morceau de savon dur, et l’essuya avec un linge : il y porta ensuite une lame de fer. Quel fut son étonnement de voir que sa peau avait non-seulement conservé sa première insensibilité, mais qu’elle en avait acquis une bien plus grande encore ! Quand on est heureux, on devient entreprenant : M. Sementini tenta sur sa langue ce qu’il venait d’éprouver sur son bras, et sa langue répondit parfaitement à son attente ; elle soutint l’épreuve sans murmurer ; un fer étincelant n’y laissa pas la moindre empreinte de brûlure — Voilà donc les prodiges de l’incombustibilité réduits à des actes naturels et vulgaires[132]. Mais ces découvertes ne peuvent atténuer la protection toute divine des saints qui ont résisté à l’action du feu, en des temps où aucune des découvertes qu’on vient de lire n’avait eu lieu.

Incrédules. On a remarqué, par de tristes expériences, que les incrédules, qui nient les faits de la religion, croient aux fables superstitieuses, aux songes, aux cartes, aux présages, aux plus vains pronostics, — comme pour montrer que l’esprit fort est surtout un esprit faible, et que, suivant cet axiome que les extrêmes se touchent, les incrédules, devant les vérités éternelles, sont les plus crédules devant les mensonges.

Incubes. Démons qui séduisaient les femmes. Servius Tullius, qui fut roi des Romains, était le fils d’une esclave et de Vulcain, selon d’anciens auteurs ; d’une salamandre, selon les cabalistes ; d’un démon incube, selon les démonographes.

Incubo, génie gardien des trésors de la terre. Le petit peuple de l’ancienne Rome croyait que les trésors cachés dans les entrailles de la terre étaient gardés par des esprits nommés Incubones, qui avaient de petits chapeaux dont il fallait d’abord se saisir. Si on avait ce bonheur, on devenait leur maître, et on les contraignait à déclarer et à découvrir où étaient ces trésors. Ces esprits sont nos gnomes et nos lutins.

Infernaux. On nomma ainsi, dans le seizième siècle, les partisans de Nicolas Gallus et de Jacques Smidelin, qui soutenaient que, pendant les trois jours de la sépulture de Notre-Seigneur, son âme, descendue dans le lieu où les damnés souffrent, y avait été tourmentée avec ces malheureux[133].

Infidélité. Quand les hommes de certaines peuplades d’Égypte soupçonnaient leurs femmes d’infidélité, ils leur faisaient avaler de l’eau soufrée, dans laquelle ils mettaient de la poussière et de l’huile de lampe, prétendant que, si elles étaient coupables, ce breuvage leur ferait souffrir des douleurs insupportables ; espèce d’épreuve connue sous le nom de calice du soupçon.

 
Calice du soupçon
Calice du soupçon.
 

Influence des astres. Le Taureau domine sur le cou ; les Gémeaux sur les épaules ; l’Écrevisse sur les bras et sur les mains ; le Lion sur la poitrine, le cœur et le diaphragme ; la Vierge sur l’estomac, les intestins, les côtes et les muscles ; la Balance sur les reins ; le Scorpion sur les parties secrètes ; le Sagittaire sur le nez et les excréments ; le Capricorne sur les genoux ; le Verseau sur les cuisses ; le Poisson sur les pieds.

Voilà en peu de mots ce qui regarde les douze signes du zodiaque touchant les différentes parties du corps. Il est donc très-dangereux d’offenser quelque membre lorsque la lune est dans le signe qui domine, parce que la lune en augmente l’humidité, comme on le verra si on expose de la chair fraîche pendant la nuit aux rayons de la lune : il s’y engendrera des vers, et surtout dans la pleine lune[134]. Voy. Astrologie.

Inis-Fail, nom d’une pierre fameuse attachée encore aujourd’hui sous le siège où l’on couronnait, dans l’église de Westminster, les rois de la Grande-Bretagne. Cette pierre du destin, que dans la légende héroïque de ces peuples les anciens Écossais avaient apportée d’Irlande, au quatrième siècle, devait les faire régner partout où elle serait placée au milieu d’eux.

Initiations. Voy. Sabbat.

Inquisition. Ce fut vers l’an 1200 que le pape Innocent III établit le tribunal de l’inquisition pour procéder contre les Albigeois, hérétiques perfides, qui bouleversaient la société et ramenaient les hommes à l’état sauvage. Déjà, en 1184, le concile de Vérone avait ordonné aux évêques de Lombardie de rechercher ces hérétiques rebelles et de livrer au magistrat civil ceux qui seraient opiniâtres. Le comte de Toulouse adopta ce tribunal en 1229 ; Grégoire IX, en 1233, le confia aux dominicains. Les écrivains qui ont dit que saint Dominique fut le premier inquisiteur général ont dit là une chose qui n’est pas. Saint Dominique ne fut jamais inquisiteur ; il était mort en 1221. Le premier inquisiteur général fut le pieux légat Pierre de Castelnau, que les Albigeois assassinèrent. Le pape Innocent IV étendit l’inquisition dans toute l’Italie, à l’exception de Naples. L’Espagne y fut soumise de 1480 à 1484, sous le règne de Ferdinand et d’Isabelle ; le Portugal l’établit en 1557. L’inquisition parut depuis dans les pays où ces puissances dominèrent ; mais elle ne s’est exercée dans aucun royaume que du consentement et le plus souvent à la demande des souverains[135].

Il faudrait plus d’espace que nous ne pouvons en occuper ici pour renverser tous les mensonges calomnieux que les ennemis de l’Église, protestants, jansénistes et philosophes, ont accumulés à l’envi contre l’inquisition. Dans les deux premières éditions de ce livre, l’auteur, jeune et stupidement égaré, a reproduit les hostiles et détestables quolibets de Voltaire sur ce grave sujet, les plates suppositions de Gilles de Witte, la fable de Montesquieu d’une jeune juive brûlée à Lisbonne, uniquement parce qu’elle était née juive, et d’autres contes pareils. Depuis, on a fait paraître, mais surchargée à dessein, l’Histoire de l’inquisition de Llorente ; et plus récemment on a publié, sous le titre de Mystères de l’inquisition, un énorme roman qui est un arsenal d’imputations fausses. On a même illustré de gravures ces divers pamphlets, et on a traduit pour les yeux, à l’usage de ceux qui ne savent pas lire, des mensonges souvent impurs à la charge de l’inquisition. Nous reproduisons ici une de ces planches d’imposture ; elle représente des faits imaginaires dont l’Espagne et le Portugal n’ont jamais eu le spectacle. À la place des archers, on a mis des moines ; bien plus, un de ces religieux, armé d’une torche, met le feu au bûcher ; ce qui ne s’est jamais fait. Les moines n’étaient aux auto-da-fé que pour donner aux condamnés les consolations suprêmes.

Après Joseph de Maistre, l’abbé Jules Morel et l’abbé Léon Godard ont fait pleine justice de ces tristes licences de la presse.

« Si l’on excepte un très-petit nombre d’hommes instruits, dit Joseph de Maistre, il ne vous arrivera guère de parler de l’inquisition sans rencontrer dans chaque tête trois erreurs capitales, plantées et comme rivées dans les esprits, au point qu’elles cèdent à peine aux démonstrations les plus évidentes. On croit que l’inquisition est un tribunal purement ecclésiastique : cela est faux. On croit que les ecclésiastiques qui siègent dans ce tribunal condamnent certains accusés à la peine de mort : cela est faux. On croit qu’ils les condamnent pour de simples opinions : cela est faux. Le tribunal espagnol de l’inquisition était purement royal. C’était le roi qui désignait l’inquisiteur général, et celui-ci nommait à son tour les inquisiteurs particuliers, avec l’agrément du roi. Le règlement constitutif de ce tribunal fut publié en l’année 1484 par le cardinal Torquemada, de concert avec le roi[136]. Doux, tolérant, charitable, consolateur dans tous les pays du monde, par quelle magie le gouvernement ecclésiastique sévirait-il en Espagne, au milieu d’une nation éminemment noble et généreuse ? Dans l’examen de toutes les questions possibles, il n’y a rien de si essentiel que d’éviter la confusion des idées. Séparons donc et distinguons bien exactement, lorsque nous raisonnons sur l’inquisition, la part du gouvernement de celle de l’Église. Tout ce que le tribunal montre de sévère et d’effrayant, et la peine de mort surtout, appartient au gouvernement ; c’est son affaire ; c’est à lui, et c’est à lui seul qu’il faut en demander compte. Toute la clémence, au contraire, qui joue un si grand rôle dans le tribunal de l’inquisition, est l’action de l’Église, qui ne se mêle de supplices que pour les supprimer ou les adoucir. Ce caractère indélébile n’a jamais varié. Aujourd’hui, ce n’est plus une erreur, c’est un crime de soutenir, d’imaginer seulement que des prêtres puissent prononcer des jugements de mort. Il y a dans l’histoire de France un grand fait qui n’est pas assez observé, c’est celui des templiers ; ces infortunés, coupables ou non (ce n’est point de quoi il s’agit ici), demandèrent expressément d’être jugés par le tribunal de l’inquisition ; car ils savaient bien, disent les historiens, que s’ils obtenaient de tels juges, ils ne pouvaient plus être condamnés à mort… Le tribunal de l’inquisition était composé d’un chef nommé grand inquisiteur, qui était toujours archevêque ou évêque ; de huit conseillers ecclésiastiques, dont six étaient toujours séculiers, et de deux réguliers, dont l’un était toujours dominicain, en vertu d’un privilège accordé par le roi Philippe III[137]. »

Ainsi les dominicains ne dirigeaient donc pas l’inquisition, puisque l’un d’eux seulement en faisait partie par privilège.

« On ne voit pas bien précisément, dit encore Joseph de Maistre, à quelle époque le tribunal de l’inquisition commença à prononcer la peine de mort. Mais peu nous importe ; il nous suffit de savoir, ce qui est incontestable, qu’il ne put acquérir ce droit qu’en devenant royal, et que tout jugement de mort demeure, par sa nature, étranger au sacerdoce. La teneur des jugements établit ensuite que les confiscations étaient faites au profit de la chambre royale et du fisc de Sa Majesté. Ainsi, encore un coup, ce tribunal était purement royal, malgré la fiction ecclésiastique ; et toutes les belles phrases sur l’avidité sacerdotale tombent à terre. Ainsi l’inquisition religieuse n’était, dans le fond, comme dit Garnier, qu’une inquisition politique[138]. Le rapport des Cortès de 1812 appuie ce jugement. Philippe II, le plus absolu des princes, dit ce rapport, fut le véritable fondateur de l’inquisition. Ce fut sa politique raffinée qui la porta à ce point de hauteur où elle était montée. Les rois ont toujours repoussé les avis qui leur étaient adressés contre ce tribunal, parce qu’ils sont, dans tous les cas, maîtres absolus de nommer, de suspendre ou de renvoyer les inquisiteurs, et qu’ils n’ont, d’ailleurs, rien à craindre de l’inquisition, qui n’est terrible que pour leurs sujets… » Ainsi tombent ces contes bleus de rois d’Espagne qui

 
L’une des gravures menteuses imaginées contre l’inquisition
L’une des gravures menteuses imaginées contre l’inquisition.
 
s’apitoyaient sur des condamnés sans pouvoir leur faire grâce, quand il est démontré que c’étaient ces rois eux-mêmes qui condamnaient.

On a dit que depuis trois siècles l’histoire était une vaste conspiration contre le Catholicisme. On ferait un volume effrayant du catalogue des mensonges qui ont été prodigués dans ce sens par les historiens. La plupart viennent de la réforme ; mais les écrivains catholiques les copient tous les jours sans réflexion. C’est la réforme qui la première a écrit l’histoire de l’inquisition ; on a trouvé commode de transcrire son odieux roman, qui épargnait des recherches. Vous trouverez donc partout des faits inventés qui se présentent avec une effronterie incroyable. Nous en citerons deux ou trois. « Si l’on en croit quelques historiens, Philippe III, roi d’Espagne, obligé d’assister à un auto-da-fé (c’est le nom qu’on donne aux exécutions des inquisiteurs), frémit et ne put retenir ses larmes en voyant une jeune juive et une jeune Maure de quinze à seize ans qu’on livrait aux flammes, et qui n’étaient coupables que d’avoir été élevées dans la religion de leurs pères et d’y croire. Ces historiens ajoutent que l’inquisition fit un crime à ce prince d’une compassion si naturelle ; que le grand inquisiteur osa lui dire que pour l’expier il fallait qu’il lui en coûtât du sang ; que Philippe III se laissa saigner, et que le sang qu’on lui tira fut brûlé par la main du bourreau… » C’est Saint-Foix qui rapporte ce tissu de faussetés, dans ses Essais sur Paris, sans songer qu’aucun historien n’est là pour appuyer ces faits ; qu’ils ont été imaginés quatre-vingts ans après la mort de Philippe III ; que Philippe III était maître de faire grâce et de condamner ; que l’inquisition ne brûlait pas les juifs et les Maures coupables seulement d’avoir été élevés dans la religion de leurs pères et d’y croire ; qu’elle se contentait de les bannir pour raisons politiques, etc.

Vous lirez ailleurs que le cardinal Torquemada, qui remplit dix-huit ans les fonctions de grand inquisiteur, condamnait dix mille victimes par an, ce qui ferait cent quatre-vingt mille victimes. Mais vous verrez pourtant ensuite qu’il mourut ayant fait dans sa vie six mille poursuites, ce qui n’est pas cent quatre-vingt mille ; que le pape lui fit trois fois des représentations pour arrêter sa sévérité ; vous trouverez dans les jugements assez peu de condamnations à mort. Les auto-da-fé ne se faisaient que tous les deux ans ; les condamnés à mort attendaient longuement leur exécution, parce qu’on espérait toujours leur conversion ; et vous regretterez de rencontrer si rarement la vérité dans les livres. Un gros ouvrage qui vient de paraître (le Dictionnaire universel de la géographie et de l’istoire, par M. Bouillet) porte à cinq millions le nombre des personnes que l’inquisition a fait périr en Espagne… C’est, de plus de quatre millions et neuf cent quatre-vingt-dix mille, une erreur, — pour ne pas dire plus.

Rapportons maintenant quelque procédure de l’inquisition. Le fait qui va suivre est tiré de l’histoire de l’inquisition d’Espagne, faite à Paris sur les matériaux fournis par D. Llorente, matériaux qu’on n’a pas toujours employés comme Llorente l’eût voulu ; car on a fait de son livre un pamphlet. — « L’inquisition faisait naturellement la guerre aux francs-maçons et aux sorciers. À la fin du dernier siècle, un artisan fut arrêté au nom du saint-office pour avoir dit dans quelques entretiens qu’il n’y avait ni diables, ni aucune autre espèce d’esprits infernaux capables de se rendre maîtres des âmes humaines. Il avoua, dans la première audience, tout ce qui lui était imputé, ajouta qu’il en était alors persuadé pour les raisons qu’il exposa, et déclara qu’il était prêt à détester de bonne foi son erreur, à en recevoir l’absolution, et à faire la pénitence qui lui serait imposée. J’avais vu (dit-il en se justifiant) un si grand nombre de malheurs, dans ma personne, ma famille, mes biens et mes affaires, que j’en perdis patience, et que, dans un moment de désespoir, j’appelai le-diable à mon secours : je lui offris en retour ma personne et mon âme. Je renouvelai plusieurs fois mon invocation dans l’espace de quelques jours, mais inutilement, car le diable ne vint point. Je m’adressai à un pauvre homme qui passait pour sorcier ; je lui fis part de ma situation. Il me conduisit chez une femme, qu’il disait beaucoup plus habile que lui dans les opérations de la sorcellerie. Cette femme me conseilla de me rendre, trois nuits de suite, sur la colline des Vistillas de saint François, et d’appeler à grands cris Lucifer, sous le nom d’ange de lumière, en reniant Dieu et la religion chrétienne et en lui offrant mon âme. Je fis tout ce que cette femme m’avait conseillé, mais je ne vis rien : alors elle me dit de quitter le rosaire, le scapulaire et les autres signes de chrétien que j’avais coutume de porter sur moi, et de renoncer franchement et de toute mon âme à la foi de Dieu, pour embrasser le parti de Lucifer, en déclarant que je reconnaissais sa divinité et sa puissance comme supérieures à celles de Dieu même ; et après m’être assuré que j’étais véritablement dans ces dispositions, de répéter, pendant trois autres nuits, ce que j’avais fait la première fois. J’exécutai ponctuellement ce que cette femme venait I de me prescrire ; cependant l’ange de lumière ne m’apparut point. La vieille me recommanda de prendre de mon sang et de m’en servir pour écrire sur du papier que j’engageais mon âme à Lucifer, comme à son maître et à son souverain ; de porter cet écrit au lieu où j’avais fait mes invocations, et, pendant que je le tiendrais à la main, de répéter mes anciennes paroles : je fis tout ce qui m’avait été recommandé, mais toujours sans résultat. Me rappelant alors tout ce qui venait de se passer, je raisonnai ainsi : S’il y avait des diables, et s’il était vrai qu’ils désirassent de s’emparer des âmes humaines, il serait impossible de leur en offrir une plus belle occasion que celle-ci, puisque j’ai véritablement désiré de leur donner la mienne. Il n’est donc pas vrai qu’il y ait des démons ; le sorcier et la sorcière n’ont donc fait aucun pacte avec le diable, et ils ne peuvent être que des fourbes et des charlatans l’un et l’autre. »

Telles étaient en substance les raisons qui avaient fait apostasier l’artisan Jean Pérez. Il les exposa, en confessant sincèrement son péché. On entreprit de lui prouver que tout ce qui s’était passé ne prouvait rien contre l’existence des démons, mais faisait voir seulement que le diable avait manqué de se rendre à l’appel, Dieu le lui défendant quelquefois, pour récompenser le coupable de quelques bonnes œuvres qu’il a pu faire avant de tomber dans l’apostasie. Il se soumit, reçut l’absolution et fut condamné à une année de prison, à se confesser et à communier aux fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, pendant le reste de ses jours, sous la conduite d’un prêtre qui lui serait donné pour directeur spirituel ; à réciter une partie du rosaire et à faire tous les jours des actes de foi, d’espérance, de charité, de contrition, etc. Tel fut son châtiment.

Voici maintenant l’histoire d’un autre épouvantable auto-da-fé, extraite du Voyage fait en Espagne pendant les années 1786 et 1787, par Joseph Fownsend, recteur de Pewsey : « Un

 
 
mendiant, nommé Ignazio Rodriguez, fut mis en jugement au tribunal de l’inquisition pour avoir distribué des philtres amoureux, dont les ingrédients étaient tels que l’honnêteté ne permet pas de les désigner. En administrant le ridicule remède (il paraît que le prédicant anglais n’est pas sévère), il prononçait quelques paroles de nécromancie. Il fut bien constaté que la poudre avait été administrée à des personnes de tout rang. Rodriguez fut condamné à être conduit dans les rues de Madrid, monté sur un âne, et à être fouetté. On lui imposa de plus quelques pratiques de religion et l’exil de la capitale pour cinq ans. La lecture de la sentence fut souvent interrompue par de grands éclats de rire, auxquels se joignait le mendiant lui-même. Le coupable fut, en effet, promené par les rues, mais non fouetté ; et pendant la route, on lui offrait du vin et des biscuits pour se rafraîchir… »

Nous pourrions rassembler beaucoup de traits pareils, qui peindraient l’inquisition tout autrement que ne la montrent des livres infiniment trop menteurs. Bornons-nous à citer encore le témoignage d’un homme qui n’est pas suspect aux ennemis de l’Église catholique :

« Depuis le seizième siècle, dit le protestant Ranke, l’inquisition n’était qu’un tribunal royal muni d’armes spirituelles. » Les inquisiteurs n’étaient en effet que des fonctionnaires royaux, en partie laïques, soumis aux inspections royales, nommés et destitués par le roi, relevant d’un conseil qui siégeait à la cour. Tout le bénéfice des confiscations prononcées par eux revenait au roi ; aucune grandesse, aucun prélat ne pouvait se soustraire à ce tribunal, toujours docile. C’est par lui que Charles-Quint fit juger les évêques partisans des communes ; c’est à lui que Philippe II livra son ex-favori Pérez. Il en étendit la juridiction aux arts, au commerce, aux impôts et à la marine. « Ce tribunal, ajoute Ranke, fait partie de ces dépouilles du pouvoir ecclésiastique, dont le gouvernement s’est enrichi. » Le nonce Visconti écrivait en 1563 que l’inquisition espagnole avait diminué grandement l’autorité du saint-siège. Saint Charles Borromée en empêcha Rétablissement à Milan pendant sa vie ; le clergé de Sicile la combattit, et elle ne put être toute-puissante ni en Italie ni dans les provinces basques. » Voy. Tribunal secret.

Insensibilité. On a exposé souvent que le diable rendait les sorciers insensibles à la question ou torture, et ce fait s’est vu souvent avec certitude, notamment dans les possédés.

Institor (Henri), auteur, avec Sprenger, du Malleus maleficarum ; Lyon, 1484.

Interdit, censure de l’Église qui suspend les ecclésiastiques de leurs fonctions et qui prive le peuple de l’usage des sacrements, du service divin et de la sépulture en terre sainte. L’objet de l’interdit n’était, dans son origine, que de punir ceux qui avaient causé quelque scandale public, et de les ramener au devoir en les obligeant à demander la levée de l’interdit. Ordinairement l’interdit arrêtait les déréglements des monastères, empêchait les hérésies de s’étendre, mettait un frein aux excès des seigneurs tyranniques, des criminels puissants, des perturbateurs de la paix publique. Ainsi, après le massacre des vêpres siciliennes, le pape Martin IV mit en interdit la Sicile et les États de Pierre d’Aragon. Grégoire VII, qui fit grand usage de l’interdit, sauva plus d’une fois par cette mesure la cause de l’humanité, qui sans lui périssait de toutes parts. — L’interdit doit être prononcé dans les mêmes formes que l’excommunication, par écrit, nommément, avec l’expression de la cause et après trois monitions. La peine de ceux qui violent l’interdit est de tomber dans l’excommunication.

 
Le pape lançant l’interdit
Le pape lançant l’interdit.
 

Intersignes. Avis mystérieux et sympathique qui arrive d’une manière inexplicable. Dans le beau récit de M. Hippolyte Violeau, intitulé une Passion funeste, une mère, inquiète de son fils, l’entend qui l’appelle à son secours. Il était à une lieue d’elle ; cependant elle l’entend, court en hâte et le sauve d’une mort affreuse. Les Bretons croient aux intersignes, qu’on appelle aussi quelquefois des pressentiments.

Invisibilité. Pour être invisible, il ne faut que mettre devant soi le contraire de la lumière ; un mur, par exemple[139]. Mais le Petit Albert et les Clavicules de Salomon nous découvrent des secrets plus rares et plus importants pour l’invisibilité. On se rend invisible, par exemple, en portant sous son bras droit le cœur d’une chauve-souris, celui d’une poule noire ou celui d’une grenouille. Ou bien, disent ces infâmes petits livres de secrets stupides, volez un chat noir, achetez un pot neuf, un miroir, un briquet, une pierre d’agate, du charbon et de l’amadou, observant d’aller prendre de l’eau au coup de minuit à une fontaine ; après quoi allumez votre feu, mettez le chat dans le pot, et tenez-le couvert de la main gauche sans jamais bouger ni regarder derrière vous, quelque bruit que vous entendiez ; et après l’avoir fait bouillir vingt-quatre heures, toujours sans bouger, sans regarder derrière vous, sans boire ni manger, mettez-le dans un plat neuf, prenez la viande et la jetez par-dessus l’épaule gauche, en disant ces paroles : Accipe quod tibi do et nihil amplius ; puis mettez les os l’un après l’autre sous vos dents, du côté gauche, en vous regardant dans le miroir ; et si l’os que vous tenez n’est pas le bon, jetez-le successivement, en disant les mêmes paroles jusqu’à ce que vous l’ayez trouvé ; sitôt que vous ne vous verrez plus dans le miroir, retirez-vous à reculons. La possession de cet os vous rendra invisible toutes les fois que vous le prendrez entre les dents.

On peut encore, pour se rendre invisible, faire cette opération que l’on commence un mercredi, avant le soleil levé. On se munit de sept fèves noires : puis on prend une tête de mort ; on met une fève dans la bouche, deux dansées narines, deux dans les yeux et deux dans les oreilles ; on fait ensuite sur cette tête la figure d’un triangle, puis on l’enterre la face vers le ciel ; on l’arrose pendant neuf jours avec d’excellente eau-de-vie, de bon matin, avant le soleil levé. Au huitième jour, vous y trouverez un esprit ou démon qui vous demandera : — Que fais-tu là ? — Vous lui répondrez : — J’arrose ma plante. — Il vous dira : — Donne-moi cette bouteille, je l’arroserai moi-même. — Vous lui répondrez que vous ne le voulez pas. Il vous la demandera encore ; vous la lui refuserez jusqu’à ce qu’il tende la main, où vous verrez une figure semblable à celle que vous avez faite sur la tête ; vous devez être assuré dès lors que c’est l’esprit véritable de la tête. — N’ayant plus de surprise à craindre, vous lui donnerez votre fiole, il arrosera lui-même, et vous vous en irez. — Le lendemain, qui est le neuvième jour, vous y retournerez ; vous y trouverez vos fèves mûres, vous les prendrez, vous en mettrez une dans votre bouche, puis vous regarderez dans un miroir : si vous ne vous y voyez pas, elle sera bonne. Vous en ferez de

 
Un des trois se rend invisible
Un des trois se rend invisible.
 
même de toutes les autres ; celles qui ne vaudront rien doivent être enterrées au lieu où est la tête. — Pour cette expérience, ayez toutes les choses bien préparées avec diligence et avec toutes les solennités requises…

Il y a encore de malheureux niais qui croient à ces procédés. Voy. Anneau.

Invocations. Agrippa dit que, pour invoquer le diable et l’obliger à paraître, on se sert des paroles magiques : Dies mies jesquet benedo efet donvema enitemaüs ! Mais Pierre Leloyer dit que ceux qui ont des rousseurs au visage ne peuvent faire venir les démons, quoiqu’ils les invoquent. Voy. Évocations et Conjurations.

Io. Cette femme que Junon changea en génisse est traitée de sorcière dans les démonographes. Delancre assure que c’était une magicienne qui se faisait voir tantôt sous les traits d’une femme, tantôt sous ceux d’une vache avec ses cornes.

Ipès ou Ayperos, prince et comte de l’enfer ; il apparaît sous la forme d’un ange, quelquefois sous celle d’un lion, avec la tête et les pattes d’une oie et une queue de lièvre, ce qui est un peu court ; il connaît le passé et l’avenir, donne

 
Ipès.
Ipès.
Ipès.
 
du génie et de l’audace aux hommes, et commande trente-six légions.

Irlande. Parmi beaucoup d’opinions poétiques et bizarres, les Irlandais croient qu’une personne qui doit mourir naturellement ou par accident se montre la nuit à quelqu’un, ou plutôt son image, enveloppée d’un drap mortuaire. Cette apparition a lieu dans les trois jours qui précèdent la mort annoncée.

Irle-Khane. Voy. Khane.

Irmentrude. Une demoiselle provençale nommée Irmentrude, ayant épousé Isambard, comte d’Altorf, accoucha un jour de douze garçons, en l’absence de son mari. Comme elle n’en voulait nourrir qu’un, elle ordonna à sa servante d’aller jeter les onze autres à la rivière. Mais le comte Isambard, ayant rencontré la femme qui les avait dans son tablier, lui demanda ce qu’elle portait là. «Ce sont de petits chiens que je vais aller noyer, » dit-elle. Isambard voulut les voir : découvrant bientôt tout le mystère, il prit les onze enfants, les fit élever en secret et ne les présenta à sa femme que lorsqu’ils furent devenus grands. Ils prirent, en mémoire de cette aventure, le nom de Welf, qui en allemand signifiait chien, et que leurs descendants gardent encore. Voy. Trazégnies.

Is, ville bretonne, gouvernée par le roi Gralon. Toute espèce de luxe et de débauche régnait dans cette opulente cité. Les plus saints personnages y prêchaient en vain les mœurs et la réforme. La princesse Dahut, fille du roi, oubliant la pudeur et la modération naturelles à son sexe, y donnait l’exemple de tout genre de dépravation. L’heure de la vengeance approchait : le calme qui précède les plus horribles tempêtes, les chants, la musique, le vin, toute espèce de spectacle et de débauche enivraient, endormaient les habitants endurcis de la grande ville. Le roi Gralon seul n’était pas insensible à la voix du ciel. Un jour le prophète Guénolé prononça d’une

 
Is
Is
 
voix sombre ces mots devant le roi Gralon : « Prince, le désordre est au comble, le bras de l’Éternel se lève, la mer se gonfle, la cité d’Is va disparaître : partons. » Gralon monte aussitôt à cheval et s’éloigne à toute bride ; sa fille Dahut le suit en croupe. La main de l’Éternel s’abaisse ; les plus hautes tours de la ville sont englouties, les flots pressent en grondant le coursier du saint roi, qui ne peut s’en dégager ; une voix terrible se fait entendre : « Prince, si tu veux te sauver, renvoie le diable qui te suit en croupe. » La belle Dahut perdit la vie ; elle se noya près du lieu qu’on nomme Poul-Dahut. La tempête cessa, l’air devint calme, le ciel serein ; mais depuis ce moment le vaste bassin sur lequel s’étendait une partie de la ville d’Is fut couvert d’eau. C’est maintenant la baie de Douarnenez[140].

Isaacarum, l’un des adjoints de Leviathan, dans la possession de Loudun.

Isabelle ou Isabeau, prophétesse. Voy. Dauphiné.

Isis avait un temple à Isemberg (montagne d’Isis) au canton de Zurich. On croit qu’elle a eu aussi un culte à Paris.

Islandais. « Les Islandais sont si experts dans l’art magique, dit un voyageur du dernier siècle, qu’ils font voir aux étrangers ce qui se passe dans leurs maisons, même leurs pères, mères, parents et amis, vivants ou morts[141]. » Les Islandais prétendent encore avoir la seconde vue et voir les esprits.

Isle en Jourdain (Mainfroy de l’), habile devin qui découvrit par l’astrologie l’horrible conduite de deux chevaliers, Philippe et Gauthier d’Aunoy, lesquels étaient amants, l’un de Marguerite de Navarre, femme de Louis le Hutin, et l’autre de Blanche, femme de Charles le Bel ; on prouva encore qu’ils envoûtaient les maris de ces deux dames. C’étaient les deux frères de Philippe de Valois. Le roi Philippe en fit justice : les deux chevaliers furent écorchés vifs et pendus, et les deux dames périrent en prison.

Isparetta, idole principale des habitants de la côte du Malabar. Antérieurement à toute création, Isparetta se changea en un œuf d’où sortirent le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent. On le représente avec trois yeux et huit mains, une sonnette pendue au cou, une demi-lune et des serpents sur le front.

Israfil ou Asrafil. Voy. Asrafil.

Ithyphalle, nom d’une espèce d’amulette que l’on pèndait au cou des enfants et des vestales ; on lui attribuait de grandes vertus. Pline dit que c’était un préservatif pour les empereurs mêmes, qu’il protégeait contre les effets de l’envie.

Ivo le noir. Au pied de la tour d’Obod, un des plus vieux monuments du Monténégro, dans une sombre et profonde caverne, dort Ivo le noir, le héros, le fondateur ou plutôt l’organisateur sauvage de la nation ou peuplade qui habite le Monténégro. Quand la mer Bleue et Kataro seront rendus aux Monténégrins, alors Ivo sortira de son sommeil magique et se mettra de nouveau à la tête de ses descendants pour renvoyer les Autrichiens dans leurs humides et nuageuses contrées.[142]

Iwan Basilowitz. Voy. Jean.

Iwangis, sorciers des îles Moluques, qui font aussi le métier d’empoisonneurs. On prétend qu’ils déterrent les corps morts et s’en nourrissent, ce qui oblige les Moluquois à monter la garde auprès des sépultures, jusqu’à ce que les cadavres soient pourris.



J

Jabamiah, mot puissant de la cabale élémentaire, lequel, prononcé par un sage cabaliste, restitue les membres tronqués.

Jacob. Voy. Eternument.

Jacobins de Berne. Voy. Jetzer.

Jack. Parmi les démons inférieurs de la sphère du feu, nous ne saurions oublier le feu follet appelé vulgairement en Angleterre Jack with the lantern, Jack à la lanterne, que Milton nomme aussi le moine des marais. Selon la chronique de l’abbaye de Gorwey, ce moine en séduisit un autre, frère Sébastien, qui, revenant de prêcher la fête de saint Jean, se laissa conduire à travers champs par la fatale lanterne jusqu’au bord d’un précipice où il périt. C’était en l’année 1034 ; nous ne saurions vérifier le fait.

Les paysans allemands regardent ce diable de feu comme très-irritable ; pourtant ils ont quelquefois la malice de lui chanter un couplet qui le met en fumeur. — Il n’y a pas trente ans qu’une fille du village de Lorsch eut l’imprudence de chanter ce refrain, au moment où le follet dansait sur une prairie marécageuse : aussitôt il poursuivit la chanteuse ; celle-ci se mit à courir de toute la vitesse de ses jambes ; elle se croyait déjà sauvée en apercevant sa maison, mais à peine franchissait-elle le seuil que Jack à la lanterne la franchit aussi et frappa si violemment de ses ailes tous ceux qui étaient présents qu’ils en furent éblouis. Quant à la pauvre fille, elle en perdit la vue ; elle ne chanta plus que sur le banc de sa porte, lorsqu’on lui assurait que le ciel était pur. Telle est du moins la légende.

Il ne faut pas être un très-fort chimiste pour deviner la nature de ce démon électrique ; mais on peut le classer avec les démons du feu qui dénoncent les trésors cachés par les flammes livides qu’ils font exhaler de la terre, et avec ceux qui parcourent les cimetières par un temps d’orage. Maintes fois, autour des sources sulfureuses où les petites maîtresses vont chaque année réconforter leurs poitrines délicates, le montagnard des Pyrénées voit voltiger des gobelins de la même famille ; ils agitent leurs aigrettes bleuâtres pendant la nuit, et font même entendre de légères détonations.

Le plus terrible de ces démons est celui qui fond son essence vivante dans les liqueurs fermentées, qui s’introduit sous cette forme liquide dans les veines d’un buveur, et y allume à la longue un incendie qui le dévore, en fournissant aux médecins un exemple de plus de ce qu’ils appellent scientifiquement une combustion spontanée[143].

Jacques Ier. Le roi d’Angleterre Jacques Ier, que Henri IV appelait si plaisamment maître Jacques, ne se contentait pas de faire brûler les sorciers ; il a produit encore, sous le titre de Démonologie, un gros volume pour prouver que les sorciers entretiennent un commerce exécrable avec le diable. Aujourd’hui on ne peut nier l’intervention des esprits dans les choses de la vie commune. Mais le roi Jacques mit peut-être à poursuivre ces délits une férocité un peu grande. Elle était de son temps et de sa secte. En 1591, un attentat contre la vie du roi Jacques et de la reine fut attribué à la magie. Voici comment on parvint à le découvrir : Une domestique nommée Gellis Duncan avait attiré les soupçons de son maître par certaines cures extraordinaires. Le bailli de Tranent, pour les éclaircir, la fit appliquer à la question. On lui serra les doigts dans des poucettes et on lui comprima la tête à l’aide d’une corde ; mais sans en tirer aucun aveu. On conclut de son silence qu’elle portait une marque du diable, et on n’en douta plus quand on eut remarqué un signe sur sa gorge.

À cette vue le charme tomba ; elle avoua n’avoir fait de cure extraordinaire qu’avec l’aide de Satan ; elle révéla des maléfices inouïs jusqu’alors, commis avec l’assistance d’une foule de complices qu’elle signala, et dont trente ou quarante furent arrêtés. Dans ce nombre figuraient de grandes dames, entre autres Euphémie Macalzean, sœur de lord Clistonhall, l’un des membres du sénat judiciaire d’Édinbourg. Jacques devait se faire un point d’honneur de suivre assidûment les fils de ce dédale de mystères diaboliques. Chaque jour il était présent à l’examen des accusés et manifestait son étonnement à chaque trait horrible ou grotesque de leur confession.

Il assista à la danse du sabbat, exécutée par Gellis Duncan, dont la fameuse Agnès Sampson, nommée la femme sage de Keith, avait la première reconnu le talent. Le personnage le plus

 
Illustration du Dictionnaire infernal de Jacques Auguste Simon Collin de Plancy par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Illustration du Dictionnaire infernal de Jacques Auguste Simon Collin de Plancy par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Quelques-unes des sorcières du roi Jacques.
 
important de ce drame est le nommé Cuningham, que l’instruction désigne sous le nom du docteur Fian, maître d’école près de Tranent. Il subit la torture avec une énergie physique et un courage moral extraordinaires. On commença par lui serrer fortement une corde autour de la tête. Cette première épreuve ne lui arracha aucun aveu. On essaya la persuasion pour l’engager à confesser sa folie. Ce procédé fut également inutile. Enfin on le soumit à un instrument de torture nommé les boltes. Après avoir eu les jambes écrasées à la troisième application du fatal instrument, il révéla des détails qui attestaient une profonde immoralité et embrassaient toutes les circonstances du crime de haute trahison à l’aide de maléfices. Ramené dans sa prison et mis au secret pendant deux ou trois jours, Fian parvint à s’échapper. Repris après son évasion, il rétracta ses aveux, au grand désappointement du roi, qui, pour lui rendre la mémoire, le fit remettre à la question. On lui écrasa les ongles à l’aide d’une pince, et, entre les ongles et la chair, on enfonça jusqu’à la tête des clous garnis de deux pointes.

Il persista néanmoins à garder le silence.

On le soumit encore au supplice des bottes, et cette horrible épreuve dura si longtemps qu’à la fin ses jambes n’étaient plus qu’une plaie, et que ses os brisés se faisaient jour à travers des lambeaux de chair d’où le sang ruisselait à flots. Enfin, vaincu par la douleur, le docteur rompit le silence, et ses réponses offrirent avec les aveux que la torture arracha à Agnès Sampson une coïncidence qui frappa de douleur et de stupeur l’esprit du roi. Mais ce qui passe toute croyance, c’est l’aplomb avec lequel les deux accusés révélèrent les incidents le plus horriblement grotesques ; aussi Jacques s’écria-t-il : après les avoir entendus : « Voilà de grands imposteurs. »

 
Illustration du Dictionnaire infernal de Jacques Auguste Simon Collin de Plancy par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Illustration du Dictionnaire infernal de Jacques Auguste Simon Collin de Plancy par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
 

On sait que la monomanie superstitieuse de Jacques était de guerroyer contre Satan et ses agents terrestres. Les chroniques du temps assurent même qu’un jour, désappointé du mauvais succès d’un attentat contre sa personne, le diable s’écria en français. « Je n’ai aucun pouvoir sur lui, il est l’homme de Dieu… » Un voyage que Sa Majesté fit à Norway, pour y voir la reine et la ramener à Édimbourg, offrit aux instruments de Satan une occasion favorable. Le comité diabolique résolut de soulever une tempête pour engloutir son plus terrible ennemi. Les préparatifs en furent solennels. Le prince des ténèbres proposa d’élever un brouillard qui ferait échouer le roi sur la côte d’Angleterre, et le docteur Fian, en sa qualité de secrétaire de Sa Majesté Infernale, écrivit à Marion Linkup et à quelques autres associés pour les inviter à se rendre dans cinq jours sur l’Océan, à la rencontre de leur maître, dans le dessein de faire périr le roi.

Le ban et l’arrière-ban, ainsi convoqués, se mirent en route au nombre de deux cents, et chaque sorcière s’embarqua sur un crible ou un tamis. On ne dit pas à quelle latitude elles rencontrèrent le diable.

Dès qu’il leur apparut, il expédia à Robert Wierson un chat qui avait été pendu neuf fois à une crémaillère, et en même temps il proféra ces mots : « Jette-le dans la mer, holà ! » Le charme produisit son effet, car Jacques, dont la flotte n’avait aperçu la terre qu’en vue du Danemark, déclara que son vaisseau était le seul qui eût le vent contraire.

Le premier acte de ce drame terminé, les sorcières prirent terre, toujours sur leurs cribles, qui leur servirent de coupes dans les nombreuses libations qu’elles firent après le débarquement. Elles se rendirent en procession à l’église de Northberwick (c’était le second rendez-vous que leur maître leur avait assigné). La bande était de plus de cent (Agnès Sampson en désigne trente-deux dans sa révélation) ; elle était précédée par Gellis Duncan, qui chantait en s’accompagnant de la harpe.

Là, leur maître leur apparut sous la forme d’un prédicateur. Le docteur Fian joua le rôle de maître des cérémonies. D’un souffle il fit crier les portes de l’église sur leurs gonds rouillés, et convertit en charbons allumés les cierges qui bordaient la chaire. Greillmeil remplit l’office de portier. Soudain le diable en personne apparut en chaire, couvert d’une robe et d’un chapeau noirs. Voici son portrait, crayonné à la façon du Dante, dans les Mémoires de James Melville : Son corps était dur comme le fer, sa figure terrible, son nez comme le bec de l’aigle, ses yeux comme un brasier ardent, ses mains et ses pieds armés de griffes et sa voix entrecoupée. Il fit d’abord l’appel de sa congrégation. Il demanda ensuite à chacun s’il l’avait fidèlement servi, ce qu’il avait fait depuis la dernière assemblée pour le succès de la grande conjuration contre le roi. Greillmeil, le portier, ayant étourdiment répondu : Rien encore, Dieu merci ! Lucifer lui fit rudement sentir qu’il avait dit une sottise. Il recommanda ensuite expressément à ses disciples de faire au roi tout le mal qu’ils pourraient ; après quoi il quitta la chaire et reçut en partant leurs hommages, accompagnés de cérémonies qu’il serait trop long de décrire ici.

Le sort des insensés qui firent de tels aveux ne pouvait être un instant douteux dans ce siècle de superstition. Fian, dont la vie n’était plus d’aucun prix après tant de souffrances, fut étranglé et livré aux flammes. Agnès Sampson subit le même sort.

Barbara Napier, désignée comme l’un des acteurs dans la scène de Northberwick, acquittée sur ce chef, fut condamnée pour d’autres faits de sorcellerie. La victime la plus digne d’intérêt dans ce drame épouvantable était Euphémie Mac Aizean, fille de lord Clistonhall, douée d’un esprit ferme, animée de passions ardentes, zélée catholique, ennemie jurée de Jacques et de la réforme.

On établit nécessairement qu’elle avait eu des rapports intimes avec des sorciers, et qu’elle avait employé leur assistance pour se défaire des personnes qui contrariaient sa perversité. Son acte d’accusation là charge d’un tissu de maléfices ou de tentatives de crime. Acquittée sur quelques chefs par le jury, elle fut convaincue d’avoir participé à d’anciens meurtres, et d’avoir assisté à la convention de Northberwick et à d’autres assemblées de sorciers conjurés contre la vie du roi. La peine de crimes semblables était d’être étranglé à un poteau et ensuite livré aux flammes : elle fut condamnée à être brûlée vive, supplice qu’elle subit avec un grand courage le 25 juin 1591. Telle fut l’impression produite par ces scènes sur l’esprit du Salomon écossais qu’elles lui inspirèrent un projet de statut amendant la procédure contre les sorciers et son bizarre Traité de démonologie[144].

Jade. Pierre à laquelle les Indiens attribuaient, entre autres propriétés merveilleuses, celles de soulager les douleurs de reins, quand on l’y appliquait, et de faire écouler le sable de la vessie. Ils la regardaient aussi comme un remède souverain contre l’épilepsie, et s’étaient persuadé que, portée en amulette, elle était un préservatif contre les morsures des bêtes venimeuses. Ces prétendues propriétés lui avaient donné la vogue à Paris il y a quelques années ; mais cette pierre prodigieuse a perdu sa réputation, et ses grandes vertus sont mises au rang des fables.

Jagghernat, horrible idole de l’Inde ; nous allions dire imprudemment divinité, car on abuse des mots. Mais ce n’est qu’un démon et des pires. Le sang et la mort sont ses délices ; et quand les Anglais se disent effrontément les civilisateurs du monde, Jagghernat règne encore. Voici ce qu’on a pu lire il y a peu de temps dans tous les journaux (1847) : « La grande procession de Jag-ghernat, qui a lieu tous les ans dans l’Inde, a été inaugurée le 5 août dernier par le renouvellement de ces sacrifices volontaires qu’inspire le fanatisme, et auxquels les Anglais se vantaient d’avoir mis fin. Cinq dévots exaltés se postèrent auprès de la pagode de Bali, sans donner le moindre soupçon de leur projet aux agents de l’autorité, et, au moment où le char gigantesque de l’idole venait de sortir, ils se précipitèrent sous les roues, en invoquant Visshnou, et restèrent littéralement broyés sur la place. À la vue d’une ferveur si ardente, l’enthousiasme de la multitude fut excité à tel point que, sans l’intervention de la force armée, le char sacré eût écrasé une centaine de victimes dans son parcours. Le moyen qui a le mieux réussi à contenir les dévots, ç’a été la menace de supprimer la procession pour toujours, si de nouveaux suicides venaient ensanglanter la fête. »

Jakises, esprits malins répandus dans l’air chez les Japonais. On célèbre des fêtes pour obtenir leurs bonnes grâces.

Jaldabaoth, une des déités des Ophites. Ce personnage avait pour mère Sophie ou la Sagesse et pour père le Chaos.

Jamambuxes ou Jammabos, espèce de fanatiques japonais du genre des fakirs. Ils errent dans les campagnes et prétendent converser familièrement avec le diable. Quand ils vont aux enterrements, ils enlèvent, dit-on, le corps, sans qu’on s’en aperçoive, et ressuscitent le mort. Après s’être meurtris de coups de bâton pendant trois mois, ils entrent en nombre dans une barque, s’avancent en pleine mer, font un trou à la barque et se noient en l’honneur de leurs dieux.

Cette sorte de fakirs fait sa profession, à ce qu’on assure, entre les mains du diable même, qui se montre à eux sous une forme terrible. Ils découvrent les objets perdus ou dérobés ; pour cela, ils font asseoir un petit garçon à terre, les deux pieds croisés ; ensuite ils conjurent le diable d’entrer dans le corps du jeune homme, qui écume, tourne les yeux, et fait des contorsions effrayantes. Le jamambuxe, après l’avoir laissé se débattre, lui recommande de s’arrêter et de dire où est ce qu’on cherche ; le jeune homme obéit : il prononce d’une voix enrouée le nom du voleur, le lieu où il a mis l’objet volé, le temps où il l’a pris, et la manière dont on peut le faire rendre. Voy. Goö.

Jamblique, philosophe platonicien du quatrième siècle, né en Syrie sous le règne de Constantin le Grand. Il fut disciple d’Anatole et de Porphyre. Il admettait l’existence d’une classe de démons ou esprits d’un ordre inférieur, médiateurs entre Dieu et les hommes. Il s’occupait des divinations, et on a vu, à l’article Alectryomancie, que c’est lui qui prédit par cette divination l’avé-nement au trône de Théodose. On ignore où, quand et comment il mourut ; mais Bodin assure qu’il s’empoisonna lui-même pour éviter le supplice que Valens réservait aux magiciens. On conte qu’étant un jour dans la ville de Gadare en Syrie, pour faire voir sa science magique, il fit sortir en présence du peuple deux génies ou démons d’une fontaine ; il les nommait Amour et Contre-Amour[145] ; l’Amour avait les cheveux dorés, tressés et flottants sur les épaules ; ils paraissaient éclatants comme les rayons du soleil ; l’autre était moins brillant ; ce qui attira l’admiration de toute la populace. Leloyer dit[146] encore que c’est Jamblique et Maximus qui ont perdu Julien l’Apostat. — On recherche de Jamblique le traité des Mystères des Egyptiens, des Chaldéens et des Assyriens[147]. Il s’y montre crédule pour toutes les rêveries des astrologues.

Jamma-Loka, enfer indien d’où, après un certain temps de peines et de souffrances, les âmes reviennent en ce monde pour y animer le premier corps où elles peuvent entrer.

 
Illustration du Dictionnaire infernal de Jacques Auguste Simon Collin de Plancy par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Illustration du Dictionnaire infernal de Jacques Auguste Simon Collin de Plancy par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Jannès et Mambrès faisaient paraître des grenouilles, des serpents…
 

Jannès et Mambrès, magiciens d’Égypte, les plus anciens que les saints livres nous fassent connaître par leur nom, après Cham. Ils faisaient apparaître des grenouilles, des serpents ; ils changeaient l’eau du Nil en sang, et tâchaient d’anéantir par leurs prestiges la vérité des miracles que Dieu faisait par l’organe de Moïse[148].

Jarretière. Secret de la jarretière pour les voyageurs. Vous cueillerez de l’herbe que l’on appelle armoise, dans le temps où le soleil fait son entrée au premier signe du Capricorne ; vous la laisserez un peu sécher à l’ombre, et en ferez des jarretières avec la peau d’un jeune lièvre, c’est-à-dire qu’ayant coupé la peau du lièvre en courroie de la largeur de deux pouces, vous en ferez un redoublé dans lequel vous coudrez ladite herbe, et les porterez aux jambes. Il n’y a point de cheval qui puisse suivre longtemps un homme de pied qui est muni de ces jarretières.

Ou bien vous prendrez un morceau de cuir de la peau d’un jeune loup, dont vous ferez deux jarretières ; sur lesquelles vous écrirez avec votre sang les paroles suivantes : Abumalith cados ; vous serez étonné de la vitesse avec laquelle vous cheminerez, étant muni de ces jarretières à vos jambes. De peur que les caractères écrits ne s’effacent, il sera bon de doubler la jarretière d’un padoue de fil blanc du côté de l’écriture.

« Il y a encore une manière de faire la jarretière, que j’ai lue dans un vieux manuscrit en lettres gothiques. En voici la recette. Vous aurez les cheveux d’un larron pendu, desquels vous ferez des tresses dont vous formerez des jarretières que vous coudrez entre deux toiles de telle couleur qu’il vous plaira ; vous les attacherez aux jambes de derrière d’un jeune poulairr ; puis vous laisserez échapper le poulain, le ferez courir à perle d’haleine, et vous vous servirez ensuite avec plaisir de ces jarretières[149]. »

On prétendait autrefois que les magiciens pouvaient donner une jarretière enchantée, avec laquelle on faisait beaucoup de chemin en peu de temps. C’est là peut-être l’origine des bottes de sept lieues.

Jaunisse. Les rois de Hongrie croyaient avoir le privilège de guérir la jaunisse par l’attouchement[150].

Javanais. Nous empruntons aux Études sur les Indes d’un résident néerlandais quelques détails sur les superstitions des Javanais idolâtres : Ils ont une foi entière aux songes, aux présages, divisent les jours en heureux et malheureux, jettent le sort à la naissance, croient aux dons surnaturels, à l’invulnérabilité, à la sorcellerie, aux enchantements, aux charmes, aux philtres. Rocs, forêts, montagnes, cavités, abîmes, tout est, selon eux, habité par des êtres invisibles ; et, ne se bornant point aux rêves de leur cerveau malade, ils ont adopté tout ce que le continent de l’Inde, l’Arabie, la Perse, présentent d’êtres merveilleux. Grands et petits, princes et paysans, ont la même crédulité. Heureusement tout cela est dépourvu le plus souvent de malice et d’artifice ; mais quelquefois leur aveuglement, excité par des motifs puissants, les pousse aux excès les plus coupables et les plus dangereux.

Entre les pratiques les moins à redouter, je citerai la suivante. Il est d’usage parmi les voleurs, à Java, d’exorciser, pour ainsi dire, la maison qu’ils ont dessein de piller ; à cet effet, ils jettent contre les murs, et même, s’il est possible, jusque dans le lit des habitants, une certaine quantité de terre tirée d’une fosse nouvellement creusée, afin d’y introduire un sommeil léthargique : après quoi ils volent avec la plus parfaite sécurité. Cette croyance n’est point bornée aux seuls larrons ; leurs victimes la partagent également. Ils mettent précieusement en réserve de la terre préparée pour cette opération, et souvent, dans les tournées que mes fonctions me forçaient de faire pour réprimer les déprédations, les voleurs que j’ai interrogés m’ont expliqué comment ils s’en servaient.

L’ancien code de Java, encore en vigueur à Bali, est rempli de lois contre la sorcellerie, et prouve jusqu’à l’évidence les funestes effets de la superstition sur l’esprit d’un peuple ignorant et entêté. En voici quelques extraits : « Si l’on écrit le nom d’un individu quelconque sur un drap mortuaire, une bière, une figure de pâte, ou une feuille, et ensuite si l’on enterre cet objet, si on le suspend à un arbre, si on l’expose sur la voie publique, ou au milieu de deux chemins qui se croisent, il y a sorcellerie. — Si l’on écrit le nom d’un individu quelconque sur un ossement, soit de la tête, soit de toute autre partie du corps, et qu’après avoir employé pour cette opération un mélange de sang et de charbon, on le place sur le seuil d’une porte, il y a sorcellerie. — Quiconque use de sortilèges, sera condamné à mort par le juge, et si la chose est prouvée d’une manière évidente, la peine de mort s’étendra sur les parents, les enfants, les petits-enfants du coupable, sans qu’aucun puisse en être excepté. — Qu’il ne soit point permis aux criminels convaincus d’une telle abomination de souiller plus longtemps la terre par leur présence ; que leurs propriétés de toute espèce soient confisquées ; que les parents et enfants du sorcier soient relégués dans la partie la plus reculée du pays, et s’ils prennent la fuite, qu’ils soient punis de mort ; que leurs biens soient, dans tous les cas, recherchés et confisqués. »

Jayet d’Islande. Les anciens Islandais attribuaient des vertus surnaturelles à ce jayet, qu’ils regardaient comme un ambre noir. Sa principale qualité était de préserver de tout sortilège celui qui en portait sur lui. En second lieu, ils le croyaient un antidote contre le poison. Sa troisième propriété était de chasser les esprits et les fantômes, lorsqu’on en brûlait dans une maison ; la quatrième, de préserver de maladies épidémiques les appartements qui en étaient parfumés. La plupart de ces idées superstitieuses subsistent encore.

Jean (Évangile de saint). Voy. Bibliomancie.

Jean, magicien sectateur d’Apollonius de Tyane. Il courait de ville en ville, faisant le métier de charlatan, et portait une chaîne de fer au cou. Après avoir séjourné quelque temps à Lyon, il acquit une si grande célébrité par ses cures merveilleuses, que le souverain du pays l’admit en sa présence. Jean donna à ce prince une superbe épée enchantée ; elle s’entourait merveilleusement, dans le combat, de cent quatre-vingts couteaux tirés. Il lui donna aussi un bouclier portant un miroir, qu’il disait avoir la vertu de divulguer les plus grands secrets. Ces armes disparurent un jour ou furent volées ; sur quoi Delancre conclut[151] que si les rois de France dressaient, comme les ducs d’Italie, des arsenaux de vieilleries (ce qu’ils font à présent), on y trouverait de ces armes enchantées et fabriquées par quelque magicien ou sorcier.

Jean, patriarche schismatique de Constantinople. Zonaras conte que l’empereur grec Théophile, se voyant obligé de mettre à la raison une province révoltée sous la conduite de trois capitaines, consulta le patriarche Jean, habile enchanteur. Celui-ci fit faire trois gros marteaux d’airain, les mit entre les mains de trois hommes robustes, et conduisit ces hommes au milieu du cirque, devant une statue de bronze à trois têtes. Ils abattirent deux de ces têtes avec leurs marteaux, et firent pencher le cou à la troisième sans l’abattre. Peu après, une bataille se donna entre Théophile et les rebelles : deux des capitaines furent tués, le troisième fut blessé et mis hors de combat, et tout rentra dans l’ordre.

Jean XXII, pape, mort en 1334, après un pontificat de dix-huit ans. On lui attribue les Taxes de la chambre apostolique, traduites en français sous le titre de Taxes des parties casuelles de la boutique du pape. Ce texte, presque partout, est une supposition d’un protestant faussaire. On donne encore à Jean XXII l’Élixir des philosophes ou l’Art transmutatoire des métaux, livre qu’il n’a pas fait. Ce livre a été traduit du latin en français ; in-12, Lyon, 1557.

On dit enfin que Jean XXII ou Jean XXI s’occupait d’astrologie et s’amusait à supputer les changements de temps. On a fait là-dessus de petits contes assez dépourvus de sel.

Jean ou Iwan Basilowitz, grand-duc de Moscovie, au quatorzième siècle, tyran cruel. À l’article de la mort, il tomba, dit-on, dans des pâmoisons terribles, et son âme fit de pénibles voyages. Dans le premier, il fut tourmenté en un lieu obscur, pour avoir tenu au cachot des prisonniers innocents ; dans la seconde excursion, il fut encore plus tourmenté pour avoir accablé le peuple d’impôts ; et son successeur Théodore eut soin de l’en décharger en partie. Iwan mourut à son troisième voyage ; son corps jeta une puanteur si infecte qu’on ne pouvait l’approcher ; ce qui fit penser que son âme avait été emportée par le diable ; d’autant plus que son cadavre avait disparu, quand vint le jour fixé pour l’enterrement[152].

Jean-Baptiste. Il y a des paysans qui croient, on ne sait sur quelle autorité, que saint Jean-Baptiste est né dans un chameau…

Jean d’Arras, écrivain français du quatorzième siècle, qui compila le roman de Mélusine. Voy. ce mot.

Jean d’Estampes. D’anciennes chroniques rapportent que Jean d’Estampes, l’un des gardes de Charlemagne, mourut en 1139, après avoir vécu 336 ans ; mais d’autres disent qu’il ne vécut, que 250 ans : malheureusement son secret de longévité n’est connu de personne[153].

Jean de Leyde ou Jean Bockelson, chef des anabaptistes de Münster, qu’il constitua en

 
Johan Bockelson
Johan Bockelson
Johan Bockelsohn konig
der wiedertauffer zu munster
in westphalen
 
république communiste et sociale ; il s’y posa en inspiré, fit une constitution ébouriffante et une religion spéciale. Il était tailleur à Leyde ; il se proclama roi à Münster, prit la couronne et battit monnaie. Il disait qu’il ramenait le règne de Salomon. Dans sa liturgie commode, on dansait, puis on communiait en plein air avec des gâteaux et du vin ; le gâteau et la coupe étaient présentés aux hommes par des femmes et aux femmes par des hommes. Devenu roi, Jean, que possédaient évidemment plusieurs démons dont il servait les désirs, épousa seize femmes qu’il appela toutes reines ; il tua en même temps tous ceux qui lui paraissaient suspects de ne pas le vénérer. Il en venait à se faire adorer, quand les princes qu’il
 
Le gâteau et la coupe étaient présentés aux hommes par des femmes et aux femmes par des hommes. — Page 373
Le gâteau et la coupe étaient présentés aux hommes par des femmes et aux femmes par des hommes. — Page 373
Le gâteau et la coupe étaient présentés aux hommes par des femmes et aux femmes par des hommes. — Page 373.
 
dépossédait l’assiégèrent dans Münster, le prirent et le mirent à mort sur un échafaud.[154]
 
Le supplice de Jean de Leyde et de ses complices
Le supplice de Jean de Leyde et de ses complices
Le supplice de Jean de Leyde et de ses complices.
 

Jean de Meung, astrologue qui composa le roman de la Rose, où il montra bien son savoir, quoiqu’il ne fût âgé que de dix-neuf ans lorsqu’il le fit. Il est aussi l’auteur d’un livre intitulé Traité sur la direction des nativités et révolutions des ans ; il traduisit le livre des Merveilles d’Irlande. On prétend que c’est lui qui a prédit les hauts faits d’armes du connétable de France Bertrand du Guesclin[155].

Jean de Milan, astrologue du quinzième siècle, qui prédit à Velasquez, gouverneur d’Hispaniola ou Saint-Domingue, l’heureuse issue de la guerre du Pérou, entreprise par Fernand Cortez.

Jean de Sicile, habile astrologue et théologien qui prédit le couronnement de l’empereur Sigismond. C’est encore lui qui annonça à Boucicault ce qui lui devait advenir, et qui l’avertit de la trahison que firent aux Français le marquis de Montferrat et le comte Francisque, trahison qu’il évita en fuyant[156].

Jean le Chasseur. Voy. Kojosed.

Jean Mullin. Voy. Mullin.

Jeanne d’Arc, dite la Pucelle d’Orléans, née en Champagne, à Domrémi près de Vaucouleurs, sur la lisière de la Lorraine, en 1410. Jamais la France ne fut accablée de calamités aussi grandes que durant le demi-siècle qui précéda l’année mémorable où l’on vit le courage abattu de ses guerriers, près de subir complètement le joug de l’étranger, se ranimer à la voix d’une jeune fille de dix-huit ans. Charles VII était sur le point de céder à l’ennemi Chinon, sa dernière place, lorsque Jeanne d’Arc parut, vers la fin de février 1429. Ce n’était qu’une simple paysanne. Son père se nommait Jacques d’Arc ; sa mère, Isabelle Ramée. Dès sa plus tendre enfance elle avait montré une timidité sans exemple et fuyait le plaisir pour se livrer tout entière à Dieu ; elle avait seize ans, lorsqu’un jour, à midi, elle vit dans le jardin de son père l’archange Michel, l’ange Gabriel, sainte Catherine et sainte Marguerite, resplendissants de lumière. Ces saints, depuis, la guidèrent dans ses actions. Les voix (car elle s’exprimait ainsi) lui ordonnèrent d’aller en aide au roi de France, et de faire lever le siège d’Orléans. Malgré les avis contraires, elle obéit aux voix et se rendit d’abord à Vaucouleurs. Jean de Metz, frappé de ce qu’elle lui dit, se chargea de la présenter au roi. Ils arrivèrent tous deux, le 24 février 1429, à Chinon, où Charles tenait sa petite cour. Jeanne s’agenouilla devant lui. L’étonnement fut grand ; et on hésita d’abord

Illustration du Dictionnaire infernal de Jacques Auguste Simon Collin de Plancy par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Illustration du Dictionnaire infernal de Jacques Auguste Simon Collin de Plancy par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.

devant une mission si merveilleuse ; mais après un examen sérieux et de savantes consultations, on donna à la jeune fille des chevaux et des hommes ; on l’arma d’une épée que, sur sa révélation, on trouva enterrée dans l’église de Sainte-Catherine de Fierbois. Elle se rendit aussitôt sous les murs d’Orléans, et combattit dès le premier jour avec un courage qui éclipsa celui des grands capitaines. Elle chassa les Anglais d’Orléans, fit ensuite, selon l’ordre qu’elle avait reçu, sacrer son roi à Reims, lui rendit Troyes, Châlons, Auxerre, et la plus grande partie de son royaume. Après quoi, elle voulut se retirer, disant formellement que sa mission était accomplie. Mais elle avait donné trop de preuves de sa vaillance, et l’armée avait trop de confiance en elle, pour qu’on lui accordât sitôt sa liberté. Ce fut la cause de ses malheurs : elle les prévit, les annonça en pleurant ; et bientôt, s’étant jetée dans Compiègne pour défendre cette place contre le duc de Bourgogne, elle fut prise par un gentilhomme picard qui la vendit à Jean de Luxembourg, lequel la revendit aux Anglais.

Pour se venger de ce qu’elle les avait trop souvent vaincus, ceux-ci l’accusèrent d’avoir employé les sortilèges et la magie à ses triomphes. On la traduisit devant un tribunal corrompu, qui la déclara fanatique et sorcière. Ce qui n’est pas moins horrible, c’est que l’ingrat monarque qui lui devait sa couronne l’abandonna ; il crut n’avoir plus besoin d’elle. Le procès se poursuivit avec activité. Durant l’instruction, Ligny-Luxembourg vint la voir, accompagné de Warwick et de Straffort : — Je sais bien, leur dit-elle, que ces Anglais me feront mourir, croyant qu’après ma mort ils gagneront le royaume de France. Mais, seraient-ils cent mille, avec ce qu’ils sont à présent, ils n’auront pas ce royaume. — Fatiguée de mauvais traitements, elle tomba dangereusement malade. Bedfort, Wincester, Warwick chargèrent deux médecins d’avoir soin d’elle, et leur enjoignirent de prendre bien garde qu’elle ne mourût de sa mort naturelle ; « le roi d’Angleterre l’avait trop cher achetée pour être privé de Ici joie de la faire brûler. »

Enfin on la conduisit à la place du cimetière de l’abbaye de Rouen. L’exécuteur l’attendait là avec une charrette, pour la mener au bûcher sous l’escorte de cent vingt hommes. On l’avait revêtue d’un habit de femme ; sa tête était chargée d’une mitre en carton, sur laquelle étaient écrits ces mots : Hérétique, relapse, apostate, idolâtre. Deux pères dominicains la soutenaient ; elle s’écriait sur la route : Ah ! Rouen, Rouen, tu seras ma dernière demeure !

On avait élevé deux échafauds sur la place du Vieux-Marché. Les juges attendaient leur victime chargée de fers. Son visage était baigné de pleurs : on la fit monter sur le bûcher, qui était fort élevé,

 
Jeanne d’Arc
Jeanne d’Arc
 
pour que le peuple entier pût la voir. Lorsqu’elle sentit que la flamme approchait, elle avertit les deux religieux de se retirer. Tant qu’elle conserva un reste de vie, au milieu des gémissements que lui arrachait la douleur, on l’entendit répéter le nom de Jésus, en baisant une croix de bois qu’elle tenait de ses mains enchaînées. Un dernier soupir, longuement prolongé, avertit qu’elle venait d’expirer. Alors le cardinal de Wincester fit rassembler ces cendres, et ordonna qu’elles fussent jetées dans la Seine. Son cœur, dit-on, fut respecté par les flammes : on le trouva sain et entier. En face du bûcher, s’élevait un tableau portant une inscription qui qualifiait Jeanne de meurderesse, invocatrice des démons, apostate et mal créante de la foi de Jésus-Christ.

Louis XI fit réhabiliter la mémoire de Jeanne d’Arc. Deux de ses juges furent brûlés vifs, deux autres exhumés, pour expier aussi dans les flammes leur jugement inique. Mais le procès de la Pucelle n’en sera pas moins à jamais un sujet d’opprobre pour les Anglais et aussi pour le roi Charles VII[157].

Jeanne Dibisson, sorcière, arrêtée à l’âge de vingt-neuf ans. On l’avait vue plusieurs fois danser au sabbat ; elle disait que ceux qui y vont trouvent le temps si court qu’ils n’en peuvent sortir sans regret. Il ne paraît pas qu’elle ait été brûlée[158]

Jeanne du Hard, sorcière, saisie à l’âge de cinquante-six ans. On la trouve impliquée dans l’affaire de Marie Chorropique, pour lui avoir touché le bras, lequel devint mort. Nous ne dirons pas si elle fut brûlée[159].

Jeanne (Mère). Une vieille fille vénitienne, connue sous le nom de mère Jeanne, infatua tellement Guillaume Postel de ses rêveries qu’il soutint, dans un livre écrit à son sujet, que la rédemption des femmes n’avait pas encore été achevée, et que cette Vénitienne devait accomplir ce grand ouvrage. C’était la mère que cherchent aujourd’hui les saints-simoniens et qu’ils ne retrouvent plus.

Jeanne Southcote. Voy. Southcote.

Jéchiel, rabbin et cabaliste. Voy. Lampe merveilleuse.

Jédaï, divinité peu précise des Tartares de l’Altaï. Ils lui donnent cependant le titre de roi, et ils racontent qu’il possédait un briquet duquel il faisait jaillir des guerriers par centaines ; il en tirait aussi des ponts pour traverser les fleuves, et des vents qui lui frayaient une route à travers les déserts[160].

Jéhovah. Ce nom auguste est employé souvent chez les cabalistes juifs. On le trouve dans les odieuses et absurdes conjurations de la magie noire.

Jénounes. Quelques Arabes nomment ainsi une sorte de génies intermédiaires entre les anges et les diables : ils fréquentent les bosquets et les fontaines, cachés sous la forme de divers reptiles, exposés à être foulés sous les pieds des passants. La plupart des maladies sont le

 
Jénounes
Jénounes
 
résultat de leurs vengeances. Lorsqu’un Arabe est indisposé, il s’imagine avoir outragé un de ces agents invisibles ; il a aussitôt recours à une magicienne qui se rend à quelque source voisine, y brûle de l’encens et sacrifie un coq ou une poule, un bélier ou une brebis, suivant le sexe, la qualité du malade ou la nature de la maladie.

Jérôme (Saint). On a eu le front de lui attribuer des livres de nécromancie, et particulièrement l’Art notoire. Voy. ce mot.

Jérôme, habitant de Plaisance au quinzième siècle. Séduit par une magicienne, il se frotta d’un onguent qu’elle lui donna et fit certains signes qu’elle lui indiquait. Il se sentit aussi enlevé, comme s’il eût été sur un cheval, et emporté au sabbat, autour du noyer de Bénévent. Éclairé ainsi, il renonça à Satan et entra dans l’ordre de Saint-Benoît, où il mourut chrétien.

Jérusalem. Avant la destruction de Jérusalem par Titus, fils de Vespasien, on distingua, dit-on, une éclipse de lune qui se répéta douze nuits de suite. Un soir, vers le coucher du soleil, on aperçut dans l’air des chariots de guerre, des cavaliers, des cohortes de gens armés, qui, mêlés aux nuages, couvraient toute la ville et l’environnaient de leurs bataillons. Pendant le siège, et peu de jours avant la ruine de la ville, on vit tout à coup paraître un homme absolument inconnu, qui se mit à parcourir les rues et les places publiques, criant sans cesse : « Malheur à toi, Jérusalem ! » On le fit battre de verges ; on le déchira de coups, pour lui faire dire d’où il sortait ; mais sans pousser une seule plainte, sans répondre un seul mot, sans donner le moindre témoignage de souffrance, il criait toujours et sans relâche : « Malheur à toi, Jérusalem ! » Enfin, un jour qu’il se trouvait sur le rempart, il s’écria : « Malheur à moi-même ! » et un instant après il fut écrasé par une des pierres que lançaient les assiégeants[161].

Jésabel, reine des Israélites, que Jéhu fit manger aux chiens après l’avoir fait précipiter du haut d’une tour, et que Bodin met au nombre des sorcières. Elle mérite cet opprobre, car elle adorait les démons.

Jetzer. L’affaire des jacobins de Berne a fait un grand bruit ; et les ennemis de la religion l’ont travestie avec une insigne mauvaise foi. Voici toute l’histoire :

Les dominicains ou jacobins ne s’accordaient pas entièrement avec les cordeliers sur le fait auguste de l’immaculée conception de la très-sainte Vierge. Les dominicains ne l’admettaient pas absolument. Or, au commencement du seizième siècle, il y avait au couvent des dominicains de Berne, alors fort relâché, quatre mauvais moines, qui imaginèrent une affreuse jonglerie pour faire croire que la sainte Vierge se prononçait contre les cordeliers, qui défendaient une de ses plus belles et de ses plus incontestables prérogatives. Ils avaient parmi eux un jeune moine, simple et crédule, nommé Jetzer ; ils lui firent apparaître pendant la nuit des âmes du purgatoire et lui persuadèrent qu’il les délivrerait en restant couché en croix dans une chapelle, pendant le temps qu’on célébrerait la sainte messe. On lui fit voir ensuite sainte Barbe, à laquelle il avait beaucoup de dévotion, et qui lui annonça qu’il était destiné à de grandes choses. Par une nouvelle imposture sacrilège, le sous-prieur, qui était un des quatre moines criminels, fit le personnage de la sainte Vierge, s’approcha la nuit de Jetzer et lui donna trois gouttes de sang, disant que c’étaient trois larmes que Jésus-Christ avaient répandues sur Jérusalem. Ces trois larmes signifiaient que la sainte Vierge était restée trois heures dans le péché originel… Cette explication était rehaussée de diatribes contre les cordeliers. Jetzer, qui était de bonne foi et qui avait l’âme droite, s’inquiétait de la passion qui perçait dans cette affaire, et se troublait surtout de reconnaître la voix du sous-prieur dans la voix de la sainte Vierge. Pour le raffermir, on l’endormit avec un breuvage et on voulut le stigmatiser ; puis, comme il ne répondait pas à l’espoir qu’on avait mis en lui, on chercha, dit-on, à l’empoisonner et on l’enferma ; mais il trouva moyen de s’échapper ; il s’enfuit à Rome, où il révéla toute l’intrigue. Le saint-siège fit poursuivre les moines scélérats et les fit livrer au bras séculier. Les quatre dominicains coupables furent brûlés le 31 mars 1509, à la porte de Berne. Mais le malheur de ces grandes profanations, c’est que les ennemis de l’Église oublient la réparation ou la taisent, et n’en gardent que le scandale.

Jeu. Prenez une anguille morte par faute d’eau ; prenez le fiel d’un taureau qui aura été tué par la fureur des chiens ; mettez-le dans la peau de cette anguille, joignez-y une drachme de sang de vautour ; liez la peau d’anguille par les deux bouts avec de la corde de pendu, et cachez cela dans du fumier chaud l’espace de quinze jours ; puis vous le ferez sécher dans un four chauffé avec de la fougère cueillie la veille de la Saint-Jean, et vous en ferez un bracelet, sur lequel vous écrirez avec une plume de corbeau et de votre propre sang ces quatre lettres HVTV, et, portant ce bracelet autour de votre bras, vous ferez fortune dans tous les jeux[162]. Voy. Roitelet.

Jeudi. Les sorciers font ce jour-là un de leurs plus abominables sabbats, s’il faut en croire les démonomanes.

Jézer-Tob, Jézer-Hara. Suivant l’ancienne cabale des Juifs, le monde des esprits est partagé, comme notre monde, en deux catégories : les esprits de lumière et les esprits de ténèbres. Jézer-Tob est le chef ou président des esprits de lumière, et Jézer-Hara le chef des esprits de ténèbres ou démons.

Joachim, abbé de Flore, en Calabre, passa pour prophète pendant sa vie et laissa des livres de prédictions qui ont été condamnés en 1215 par le concile de Latran. On lui attribue aussi l’ouvrage intitulé l’Evangile éternel.

Job. Des alchimistes disent que Job, après son affliction, connut le secret de la pierre philosophale, et devint si puissant qu’il pleuvait chez lui du sel d’or ridée analogue à celle des Arabes, qui tiennent que la neige et les pluies qui tombaient chez lui étaient précieuses.

Isidore place dans l’Idumée la fontaine de Job, claire trois mois de l’année, trouble trois mois, verte trois mois et rouge trois autres mois. C’est peut-être cette fontaine que, selon les musulmans, l’ange Gabriel fit sortir en frappant du pied, et dont il lava Job et le guérit.

Jobard, savant très-spirituel, mort à Bruxelles en 1861. Les spirites de Paris l’ont évoqué ; il a répondu : au moins on l’assure ; et les journaux annonçaient, au commencement de 1862, que sa verve était très-compromettante pour beaucoup de savants restés en vogue.

Jocaba. Voy. Cincinnatulus.

Jockey des Fées. On a souvent répété, en Écosse, l’histoire d’un audacieux jockey, lequel vendit un cheval à un vieillard très-vénérable d’extérieur, qui lui indiqua, dans les montagnes d’Eildon, Lucken-Hare comme l’endroit où, à minuit sonnant, il recevrait son prix. Le marchand y alla, son argent lui fut payé en pièces antiques, et l’acheteur l’invita à visiter sa résidence. Il suivit avec étonnement plusieurs longues rangées de stalles, dans chacune desquelles un cheval se tenait immobile, tandis qu’un soldat armé de toutes pièces était couché, aussi sans mouvement, aux pieds de chaque noble animal. « Tous ces hommes, dit à voix basse le maître du lieu, s’éveilleront à la bataille de Sheriffmoor. »

À l’extrémité étaient suspendus une épée et un cor qui devait rompre le charme. Le jockey prit le cor et essaya d’en donner. Les chevaux tressaillirent aussitôt dans leurs stalles ; les soldats se levèrent et firent retentir leurs armes. Une voix forte prononça ces mots : « Malheur au lâche qui ne saisit pas le glaive avant d’enfler le cor. » Un tourbillon de vent chassa l’acheteur de la caverne, dont il ne put jamais retrouver l’entrée[163]

Jogonnata. Voy. Jagghernat.

Johannes de Curüs. Voy. Flaxbinber.

Johnson (Samuel). Johnson, incrédule pour tout ce qui n’était qu’extraordinaire, adoptait avec plus de confiance tout ce qui sentait le miracle, traitant de fable, par exemple, un phénomène de la nature, et écoutant volontiers le récit d’un songe ; doutant du tremblement de terre de Lisbonne pendant six mois, et allant à la chasse du revenant de Cock-Lane ; rejetant les généalogies et les poèmes celtiques, et se déclarant prêt à ajouter foi à la seconde vue des montagnards d’Écosse. En religion, plusieurs de ses opinions étaient plus que libres, et en même temps il vivait sous la tyrannie de certaines pratiques superstitieuses[164].

Joli-Bois. Voy. Verdelet.

Jongleurs. Voy. Escamoteurs, Harvis, Charlatans, etc.

Jormungandur, serpent monstrueux de l’enfer

 
Jormungandur
Jormungandur
 
Scandinave, né du diable et de la géante Angerbode.

Josefsdal (Vallée de Josef). De nos jours encore, on donne ce nom, en Suède, au lieu où se fait le sabbat des sorciers.

Joseph. On croit dans plusieurs pays que les magiciens et sorciers n’ont aucun pouvoir sur ceux qui ont reçu au baptême le nom de Joseph[165].

Josué Ben-Levi, rabbin si rusé et si sage qu’il trompa le ciel et l’enfer tout ensemble. Comme il était près de trépasser, il gagna si bien le diable qu’il lui fit promettre de le porter jusqu’à l’entrée du paradis, lui disant qu’il ne voulait que voir le lieu de l’habitation divine, et qu’il sortirait du monde plus content. Le diable, ne voulant pas lui refuser cette satisfaction, le porta jusqu’au guichet du paradis ; mais Josué, s’en voyant si près, se jeta dedans avec vitesse, laissant le diable derrière, et jura par le Dieu vivant qu’il n’en sortirait point. Dieu, disent les rabbins, fit conscience que le rabbin se parjurât et consentit à ce qu’il demeurât avec les justes[166].

Jours. Les magiciens et sorciers ne peuvent rien deviner le vendredi ni le dimanche. Quelques-uns disent même que le diable ne fait pas ordinairement ses orgies et ses assemblées ces jours-là ; mais ce sentiment n’est pas général. Si on rogne ses ongles les jours de la semaine qui ont un r, comme le mardi, le mercredi et le vendredi, il viendra des envies aux doigts. Il n’est pas facile d’en donner la raison. Suivant une autre croyance répandue en Hollande, en ne coupant ses ongles que le vendredi, on n’a jamais mal aux dents. On a fait des tables des jours heureux et malheureux pour chaque mois ; mais comme elles varient toutes, le jour heureux de l’une étant malheureux dans l’autre, nous laissons aux amateurs le soin de dresser ces tables à leur gré pour leur usage[167].

Judas Iscariote. Après sa trahison infâme, il fut possédé du diable et se pendit à un sureau. Les Flamands appellent encore les excroissances parasites de l’écorce du sureau sueur de Judas[168].

Jugement de Dieu. Voy. Épreuves, Ordalie, etc.

Jugement dernier. Les musulmans disent que le jour du jugement dernier durera cinquante mille ans. Mais chacun y sera si occupé qu’on ne s’en apercevra pas.

Juif errant. On voit dans la légende du Juif errant que ce personnage était cordonnier de sa profession, et qu’il se nommait Ahasvérus ; mais la complainte l’appelle Isaac Laquedem. À l’âge de dix ans, il avait entendu dire que trois rois cherchaient le nouveau roi d’Israël ; il les suivit et visita avec eux la sainte étable de Bethléem. Il allait souvent entendre Notre-Seigneur. Lorsque Judas eut vendu son maître, Ahasvérus abandonna aussi celui qu’on trahissait.

 
Juif errant
Juif errant
 

Comme on conduisait Jésus au Calvaire chargé de l’instrument de sa mort, le bon Sauveur voulut se reposer un instant devant la boutique du cordonnier, qui, craignant de se compromettre, lui dit : « Allez plus loin, je ne veux pas qu’un criminel se repose à ma porte. » Jésus le regarda et lui répondit : « Je vais et reposerai ; mais vous marcherez et vous ne reposerez pas ; vous marcherez tant que le monde durera, et au jugement dernier vous me verrez assis à la droite de mon Père. » Le cordonnier prit aussitôt un bâton à la main et se mit à marcher sans pouvoir s’arrêter nulle part. Depuis dix-huit siècles il a parcouru toutes les contrées du globe sous le nom de Juif errant. Il a affronté les combats, les naufrages, les incendies. Il a cherché partout la mort et ne l’a pas trouvée. Il a toujours cinq sous dans sa bourse. Personne ne peut se vanter de l’avoir vu ; mais nos grands-pères nous disent que leurs grands-pères l’ont connu, et qu’il a paru, il y a plus de cent ans, dans certaines villes. Les aïeux de nos grands-pères en disaient autant, et les bonnes gens croient à l’existence personnelle du Juif errant.

Ce n’est pourtant qu’une allégorie ingénieuse, qui représente toute la nation juive, errante et dispersée depuis l’anathème tombé sur elle. Leur race ne se perd point, quoique confondue avec les nations diverses, et leurs richesses sont à peu près les mêmes dans tous les temps aussi bien que leurs forces. M. Edgar Quinet a fait sur Ahasvérus un poëme humanitaire ; M. le baron de Reiffenberg une chronique[169].

Juifs. Indépendamment de ce coup de foudre qui marque partout les juifs et les fait partout reconnaître, il y a sur eux plusieurs signes d’abandon. Tant qu’ils ont été le peuple fidèle, ils ont conservé intact le dépôt des saintes Écritures. Depuis leur crime, les enseignements de Moïse et des prophètes se sont étouffés chez eux sous les incroyables absurdités du Talmud ; et le sens n’est plus avec eux. La terre sainte, qui était le plus fertile et le plus beau pays du monde, maudite depuis dix-huit siècles, est devenue si misérable qu’elle ne nourrit plus ses rares habitants. Partout les juifs se sont vus mal tolérés. Souvent on les poursuivit pour des crimes imaginaires ; mais leur histoire est souvent chargée de crimes trop réels. On les chassa de l’Espagne, qu’ils voulaient dominer ; et sans cette mesure la Péninsule serait aujourd’hui la proie des juifs et des Maures. Souvent, sans doute, on mit peu d’humanité dans les poursuites exercées contre eux ; mais on ne les bannissait pas sans leur donner trois mois pour s’expatrier, et ils s’obstinaient à demeurer dans les pays où leurs têtes étaient proscrites.

Parmi les moyens que l’on employait pour les découvrir, il en est un singulier que rapporte Tostat dans son livre des Démons : c’était une tête d’airain, une androïde, qui, en Espagne, dit-il, révélait les juifs cachés…

Ils faisaient l’usure et dépouillaient les chrétiens dans les contrées où ils étaient soufferts ; puis, quand ils avaient tout ravi, les princes qui avaient besoin d’argent les faisaient regorger avec violence. Dans de tels cas, ils essuyèrent surtout de grandes vexations chez les Anglais. Le roi Jean fit un jour emprisonner les riches juifs de son royaume pour les forcer à lui donner de l’argent ; un d’eux, à qui on arracha sept dents l’une après l’autre, en l’engageant de la sorte à contribuer, paya mille marcs d’argent à la

 
Des Juifs, à Constantinople, dirent qu’ils seraient les seuls qui entreraient au paradis — Page 381
Des Juifs, à Constantinople, dirent qu’ils seraient les seuls qui entreraient au paradis — Page 381
Des Juifs, à Constantinople, dirent qu’ils seraient les seuls qui entreraient au paradis — Page 381.
 
huitième. Henri III tira d’Aaron, juif d’York, quarante mille marcs d’argent et dix mille pour la reine. Il vendit les autres Juifs de son pays à son frère Richard pour le terme d’une année, afin que ce comte éventrât ceux qu’il avait déjà écorchés, comme dit Matthieu Paris… En général, lorsqu’on tolérait les juifs, on les distinguait des autres habitants par des marques infamantes.

« Avant de quitter Jaffa, dit un illustre voyageur, je ne vous parlerai pas d’une coutume que vous ignorez peut-être et qui est établie chez les Grecs de cette ville. Chaque soir, pendant le carême, les petits enfants des familles grecques vont à la porte des maisons chrétiennes et demandent avec des cris monotones, qu’on prendrait pour une complainte, du bois ou des paras (liards) pour acheter du bois. — Donnez, donnez, disent-ils ; et l’an prochain vos enfants seront mariés ; et leurs jours seront heureux ; et vous jouirez longtemps de leur bonheur.

» Le bois que sollicitent ces enfants est destiné à brûler les juifs. C’est le soir du jeudi saint des Grecs qu’on allume les feux ; chaque petite troupe allume le sien. On fabrique un homme de paille avec le costume juif, et la victime en effigie est ainsi conduite devant le feu, au milieu des clameurs et des huées. Les enfants délibèrent gravement sur le genre de supplice auquel il faut condamner l’Israélite ; les uns disent : Crucifions-le, il a crucifié Jésus-Christ ; les autres : Coupons-lui la barbe et les bras ; puis la tête ; d’autres enfin : Fendons-le, déchirons-lui les entrailles, car il a tué notre Dieu. Le chef de la troupe, prenant alors la parole : — Qu’est-il besoin, dit-il, de recourir à tous ces supplices ? Il y a là un feu tout allumé ; brûlons le juif. — Et le juif est jeté dans les flammes. — Feu, feu, s’écrient les enfants, ne l’épargne pas, dévore-le ; il a souffleté Jésus-Christ ; il lui a cloué les pieds et les mains. — Les enfants énumèrent ainsi toutes les souffrances que les juifs firent endurer au Sauveur. Quand la victime est consumée, on jette au vent ses cendres avec des imprécations ; et puis chacun se retire, satisfait d’avoir puni le bourreau du Christ. — De semblables coutumes portent avec elles leur caractère, et n’ont pas besoin d’être accompagnées de réflexions[170]. »

Les diverses religions sont plus ou moins tolérées dans les États des Turcs et des Persans. Des juifs, à Constantinople, s’avisèrent de dire, en conversation, qu’ils seraient les seuls qui entreraient dans le paradis. — Où serons-nous donc, nous autres ? leur demandèrent quelques Turcs avec qui ils s’entretenaient. — Les juifs, n’osant pas leur dire ouvertement qu’ils en seraient exclus, leur répondirent qu’ils seraient dans les cours. Le grand vizir, informé de cette dispute, envoya chercher les chefs de la synagogue et leur dit que, puisqu’ils plaçaient les musulmans dans les cours du paradis, il était juste qu’ils leur fournissent des tentes, afin qu’ils ne fussent pas éternellement exposés aux injures de l’air. On prétend que c’est depuis ce temps-là que les juifs, outre le tribut ordinaire, payent une somme considérable pour les tentes du grand seigneur et de toute sa maison, quand il va à l’armée[171].

Nous ne réveillerons pas ici les accusations portées contre les juifs à propos de l’assassinat commis à Damas, le 5 février 1840, contre le père Thomas et son domestique. Ceux qui ont lu les pièces officielles de ce triste procès savent ce qu’ils doivent en penser. Mais nous extrairons du savant Journal historique et littéraire de Liège (janvier 1841) un passage relatif à la doctrine des juifs sur le meurtre :

« Le célèbre rabbin Maimonides, mort en 1205, écrivait à l’époque où les juifs furent le plus accusés de meurtres sur les chrétiens. Un de ses principaux ouvrages est le Jad Chazakah ou la Main forte, qui est un abrégé substantiel du Talmud. Voici ce qu’il dit :

« Il nous est ordonné de tuer les hérétiques (minim), c’est-à-dire ceux des Israélites qui se livrent à l’idolâtrie, ou celui qui pêche pour irriter le Seigneur, et les épicuriens, c’est-à-dire ceux des Israélites qui n’ajoutent pas foi à la loi et à la prophétie. Si quelqu’un a la puissance de les tuer publiquement par le duel, qu’il les tue de cette manière. S’il ne peut faire ainsi, qu’il tâche de les circonvenir par fraude jusqu’à ce qu’il leur ait donné la mort. Mais de quelle manière ? Je réponds : S’il voit l’un d’eux tombé au fond d’un puits dans lequel une échelle avait été placée auparavant, qu’il la retire et dise : Je suis obligé de faire descendre du toit mon fils qui est en danger ; quand je l’aurai sauvé, je vous remettrai l’échelle. Et ainsi des autres circonstances. »

» Ce passage n’est qu’une paraphrase du texte talmudique de l’Avoda-Sara, chap, II, qui prescrit les mêmes manœuvres pour faire périr les hérétiques. Il ajoute un autre expédient, celui de fermer le puits au moyen d’une pierre, et de dire qu’on l’a couvert de crainte que le bétail n’y tombât. L’objet de ces homicides est moins déterminé dans le Talmud que dans le passage de Maimonides ; il laisse plus de latitude aux coups meurtriers. Tous les minim sont désignés au fer assassin ; et il est notoire que les chrétiens sont appelés de ce nom. Le Talmud appelle les Évangiles le livre des minim. Maimonides compte parmi les hérétiques (minim) ceux qui prétendent que Dieu a pris un corps et qui adorent, outre le Seigneur, un médiateur entre lui et nous, c’est-à-dire les chrétiens.

» La haine des juifs contre les chrétiens est ancienne. Sans remonter au premier siècle, tout plein d’exemples sanglants, Khosroès, roi de Perse, fit, en 615, une irruption sur la Palestine ; il comptait sur les juifs pour se défaire des chrétiens. Il prit Jérusalem et fit une multitude de prisonniers chrétiens qu’il vendit aux juifs. Leur empressement fut tel que chacun consacrait une partie de son patrimoine à l’achat des prisonniers chrétiens, qu’il massacrait aussitôt. Mais est-ce vrai ? Basnage, dans son Histoire des juifs, raconte ces massacres sans élever le moindre doute sur leur authenticité. Des Juifs convertis ont avoué plusieurs fois que chez eux on massacrait des enfants volés ou achetés, sous prétexte qu’en les tuant on empêchait toute une race idolâtre de naître. On peut aller loin avec ce principe.

» Leurs rabbins disent que le précepte du Décalogue : Non occides, vous ne tuerez point, n’oblige qu’à l’égard des Israélites. Lévi ben Gersom, dans son commentaire sur le Pentateuque, dit : « Les paroles Vous ne tuerez point signifient : vous ne tuerez point parmi les Israélites ; car il nous est permis de tuer les animaux ; il nous est aussi ordonné de tuer une partie des nations, comme Amalech et les autres nations à qui il nous est commandé de ne pas laisser la vie. Il est donc clair que le commandement défend seulement de tuer les Israélites. »

» Maimonides dit aussi qu’on viole ce commandement lorsqu’on tue un Israélite, laissant assez entendre qu’on ne le viole pas en tuant un chrétien ou un gentil. « Un Israélite qui a tué un étranger habitant parmi nous, dit-il ailleurs, ne peut d’aucune manière être condamné à mort. » Dans le Bava mezia, il est encore dit que les juifs sont des hommes et que les autres peuples du monde sont des brutes. Les rabbins enseignent que les autres peuples du monde n’ont pas d’âme humaine ; et ils les traitent, surtout les chrétiens, de porcs, de bœufs, de chiens, d’ânes et de sangliers. Dès lors le précepte : Vous ne tuerez point, n’obligeant point envers les animaux, n’oblige pas envers les chrétiens.

» Ces doctrines ne sont ni celles de Moïse, ni celles des autres livres saints. Ce sont les doctrines des talmudistes, rabbins ou scribes. Mais Buxtorf assure (in Synagoga Judaïca) que cet axiome est vulgaire : Mon fils, faites plus attention aux paroles des scribes (ou rabbins) qu’à celles de la loi. Salomon Jarchi, un des plus fameux docteurs juifs, écrit dans ses commentaires sur le Deutéronome : « Vous ne vous écarterez pas des paroles des rabbins, quand même ils vous diraient que votre main droite est votre main gauche, ou que votre gauche est votre droite. Vous le ferez donc bien moins lorsqu’ils appelleront votre droite, droite, et votre gauche, gauche. »

Cependant, de nos jours et chez nous, les juifs, non plus tolérés seulement, mais devenus citoyens, ne s’occupent plus de la magie comme autrefois et abandonnent complètement les doctrines désolantes de leurs vieux talmudistes. Nous pourrions en citer plusieurs parmi les notables qui comprennent le lien des deux testaments et qui sont beaucoup plus près du catholicisme que les philosophes et quelques protestants. Dieu veuille qu’ils deviennent tous bientôt nos frères en Jésus-Christ !

Julien l’Apostat, né en 331, empereur romain, mort en 363. Variable dans sa philosophie, inconstant dans sa manière de penser, après avoir été chrétien, il retomba dans le paganisme. Les ennemis seuls de l’Église ont trouvé dans quelques qualités apparentes des prétextes pour faire son éloge. Ce sage consultait Apollon et sacrifiait aux dieux de pierre, quoiqu’il connut la vérité. Les démonomanes l’ont mis au nombre des magiciens ; et il est vrai qu’il croyait fermement à la magie, qu’il attribuait à cette puissance les miracles de Notre-Seigneur, dont il n’était pas assez stupide pour nier l’évidence, et il expliquait de la même manière les prodiges que Dieu accordait alors encore à la foi ferme des chrétiens. Enfin, avec Maximus et Jamblique, il évoquait les esprits, consultait les entrailles des victimes et cherchait l’avenir par la nécromancie. Il avait des visions : Ammien Marcellin rapporte que peu avant sa mort, comme il écrivait dans sa tente, à Limitation de Jules César, il vit paraître devant lui le génie de Rome avec un visage blême.

Il fut tué par un trait que personne ne vit venir, à l’âge de trente-deux ans. Ennemi acharné de Jésus-Christ, il recueillit, dit-on, en tombant, un peu de son sang dans sa main et le lança vers le ciel en disant : « Tu as vaincu, Galiléen ! »

Après sa mort, on trouva dans le palais qu’il habitait des charniers et des cercueils pleins de têtes et de corps morts. En la ville de Carres de Mésopotamie, dans un temple d’idoles, on trouva une femme morte pendue par les cheveux, les bras étendus, le ventre ouvert et vide. On prétend que Julien l’avait immolée pour apaiser les dieux infernaux auxquels il s’était voué, et pour apprendre par l’inspection du foie de cette femme le résultat de la guerre qu’il faisait alors contre les Perses.

La mort de l’Apostat fut signifiée, dit-on, dans plusieurs lieux à la fois, et au même moment qu’elle advint. Un de ses domestiques, qui allait le trouver en Perse, ayant été surpris par la nuit et obligé de s’arrêter dans une église, faute d’auberge, vit en songe des apôtres et des prophètes assemblés qui déploraient les calamités de l’Église sous un prince aussi impie que Julien ; et un d’entre eux, s’étant levé, assura les autres qu’il allait y porter remède. La nuit suivante, ce valet, ayant vu dans son sommeil la même assemblée, vit venir l’homme de la veille qui annonça la mort de Julien. Le philosophe Di-dyme d’Alexandrie vit aussi en songe des hommes montés sur des chevaux blancs, et courant dans les airs en disant ; « Annoncez à Didyme qu’à cette heure Julien l’Apostat est tué. »

Jung, auteur allemand, vivant encore peut-être. Il a écrit sur les esprits un ouvrage intitulé Théorie de Geister-Kunder, Nuremberg, 1808, in-8o.

Junier, démon invoqué comme prince des anges dans les litanies du sabbat.

Jupiter-Ammon. Les Égyptiens portaient sur le cœur, comme un puissant préservatif, une amulette ou philactère, qui était une lame sur laquelle ils écrivaient le nom de Jupiter-Ammon. Ce nom était si grand dans leur esprit, et même chez les Romains, qu’on en croyait l’invocation suffisante pour obtenir toutes sortes de biens. On sait que Jupiter-Ammon avait des cornes de bélier. Sa statue, adorée àThèbes, dans la haute Égypte, était un automate qui faisait des signes de tête.

Jurement. « C’est une chose honteuse, dit un bon légendaire, que d’entendre si souvent répéter le nom du diable sans nécessité. Un père en colère dit à ses enfants : — Venez ici, mauvais diables ! Un autre s’écrie : — Te voilà, bon diable ! Celui-ci qui a froid vous l’apprend en disant : — Diable ! le temps est rude. Celui-là qui soupire après la table dit qu’il a une faim de diable. Un autre qui s’impatiente souhaite que le diable l’emporté. Un savant de société, quand il a proposé une énigme, s’écrie bravement : — Je me donne au diable si vous devinez cela. Une chose paraît-elle embrouillée, on vous avertit que le diable s’en mêle. Une bagatelle est-elle perdue, on dit qu’elle est à tous les diables. Un homme laborieux prend-il quelques moments de sommeil, un plaisant vient vous dire que le diable le berce. — Ce qu’il y a de pis, c’est que des gens emploient le nom du diable en bonne part ; ainsi on vous dira d’une chose médiocre : — Ce n’est pas le diable. Un homme fait-il plus qu’on ne demande, on dit qu’il travaille comme le valet du diable. Que l’on voie passer un grenadier de cinq pieds dix pouces, on s’écrie : — Quel grand diable ! D’un homme qui vous étonne par son esprit, par son adresse ou par ses talents, vous dites : — Quel diable d’homme ! On dit encore : Une force de diable, un esprit de diable, un courage de diable ; un homme franc est un bon diable ; un homme qu’on plaint, un pauvre diable ; un homme divertissant a de l’esprit en diable, etc., et une foule de mots semblables. Ce sont de grandes aberrations. »

Un père en colère dit un jour à son fils : — Va-t’en au diable ! Le fils, étant sorti peu après, rencontra le diable, qui l’emmena, et on ne le revit plus[172]. Un autre homme, irrité contre sa fille qui mangeait trop avidement une écuelle de lait, eut l’imprudence de lui dire : — Puisses-tu avaler le diable dans ton ventre ! La jeune fille sentit aussitôt la présence du démon, et elle fut possédée plusieurs mois[173]. Un mari de mauvaise humeur donna sa femme au diable ; au même instant, comme s’il fût sorti de la bouche de l’époux, le démon entra par l’oreille dans le corps de cette pauvre dame[173]. Ces contes vous font rire ; puissent-ils vous corriger !

Un avocat gascon avait recours aux grandes figures pour émouvoir ses juges. Il plaidait au quinzième siècle, dans ces temps où les jugements de Dieu étaient encore en usage. Un jour qu’il défendait la cause d’un Manceau cité en justice pour une somme d’argent dont il niait la dette, comme il n’y avait aucun témoin pour éclaircir l’affaire, les juges déclarèrent qu’on aurait recours à une épreuve judiciaire. L’avocat de la partie adverse, connaissant l’humeur peu belliqueuse du Gascon, demanda que les avocats subissent l’épreuve, aussi bien que leurs clients ; le Gascon n’y consentit qu’à condition que l’épreuve fût à son choix. — La chose se passait au Mans. Le jour venu, l’avocat gascon, ayant longuement réfléchi sur les moyens qu’il avait à prendre pour ne courir aucun péril, s’avança devant les juges et demanda qu’avant de recourir à une plus violente ordalie on lui permît d’abord d’essayer celle-ci, c’est-à-dire qu’il se donnait hautement et fermement au diable, lui et sa partie, s’ils avaient touché l’argent dont ils niaient la dette. Les juges, étonnés de l’audace du Gascon, se persuadèrent là-dessus qu’il était nécessairement fort de son innocence et se disposaient à l’absoudre ; mais auparavant ils ordonnèrent à l’avocat de la partie adverse de prononcer le même dévouement que venait de faire l’avocat gascon. — Il n’en est pas besoin, s’écria aussitôt du fond de la salle une voix rauque.

En même temps on vit paraître un monstre noir, hideux, ayant des cornes au front, des ailes de chauve-souris aux épaules, et avançant les griffes sur l’avocat gascon… Le champion, tremblant, se hâta de révoquer sa parole, en suppliant les juges et les assistants de le tirer des griffes de l’ange des ténèbres. — Je ne céderai, répondit le diable, que quand le crime sera révélé…

Disant ces mots, il s’avança encore sur le plaideur manceau et sur l’avocat gascon… Les deux menteurs, interdits, se hâtèrent d’avouer, l’un, qu’il devait la somme qu’on lui demandait, l’autre, qu’il soutenait sciemment une mauvaise cause. Alors le diable se retira ; mais on sut par la suite que le second avocat, sachant combien le Gascon était peureux, avait été instruit de son idée ; qu’il avait en conséquence affublé son domestique d’un habit noir bizarrement taillé et l’avait équipé d’ailes et de cornes pour découvrir la vérité par ce ministère. Voy. Imprécations.

Jurieu, ministre protestant, né en 1637, mort en 1713. Il prit ses désirs pour des inspirations et se fit prophète. Dans son livre, De l’accomplissement des prophéties, il annonçait en 1685, avec la ferme assurance d’un oracle, que dans cinq ans le calvinisme triompherait par toute la France. Mais 1690 arriva et n’eut pas la complaisance de lui donner raison. Ce qui l’aplatit un peu.


K

Kaaba. Ce lieu célèbre à la Mecque, dans l’enceinte du temple ou plutôt de la mosquée, est, dit-on, la maison d’Abraham, bâtie par lui, selon les croyances musulmanes. Le seuil est un bloc de pierre qui a été, disent les Arabes, la statue de Saturne, autrefois élevée sur la Kaaba même, et renversée par un prodige, ainsi que toutes les autres idoles du lieu, au moment de la naissance de Mahomet.

La Kaaba est un petit édifice d’une quinzaine de pieds. Les musulmans l’appellent la maison carrée et la maison de Dieu ; dans le Koran elle est désignée comme le lieu le plus saint de la terre : aussi les bons musulmans se tournent-ils toujours dans leurs prières vers la Kaaba ; et il faut être peu dévot pour n’en pas faire au moins une fois en sa vie le pèlerinage. On y révère la fameuse pierre noire qui servait d’échafaud à Abraham lorsqu’il maçonnait la maison carrée. On conte qu’elle se haussait et se baissait d’elle-même, selon les désirs du patriarche. Elle lui avait été apportée par l’ange Gabriel ; et on ajoute que cette pierre, se voyant abandonnée après qu’on n’eut plus besoin d’elle, se mit à pleurer ; Abraham la consola en lui promettant qu’elle serait extrêmement vénérée des musulmans ; et il la plaça en effet près de la porte, où elle est baisée par tous les pèlerins.

Kabires, dieux des morts, adorés très-anciennement en Égypte. Bochard pense qu’il faut entendre sous ce nom les trois divinités infernales : Pluton, Proserpine et Mercure.

D’autres ont regardé les Cabires comme des magiciens qui se mêlaient d’expier les crimes des hommes, et qui furent honorés après leur mort. On les invoquait dans les périls et dans les infortunes. Il y a de grandes disputes sur leurs noms, qu’on ne déclarait qu’aux seuls initiés[174]. Ce qui est certain, c’est que les Cabires sont des démons qui présidaient autrefois à une sorte de sabbat. Ces orgies, qu’on appelait fêtes des Cabires, ne se célébraient que la nuit : l’initié, après des épreuves effrayantes, était ceint d’une ceinture de pourpre, couronné de branches d’olivier et placé sur un trône illuminé, pour représenter le maître du sabbat, pendant qu’on exécutait autour de lui des danses hiéroglyphiques plus ou moins infâmes.

Kaboutermannekens, petits lutins flamands qui font des niches aux femmes de la campagne, surtout en ce qui touche le laitage et le beurre.

Kacher, vieux magicien qui, dans l’histoire fabuleuse des anciens rois de Kachemire, transforma le lac qui occupait ce beau pays en un vallon délicieux, et donna aux eaux une issue miraculeuse en coupant une montagne nommée Baraboulé.

Kaf, montagne prodigieuse qui entoure l’horizon de tous côtés, à ce que disent les musulmans. La terre se trouve au milieu de cette montagne, ajoutent-ils, comme le doigt au milieu de l’anneau. Elle a pour fondement la pierre Sakhrat, dont le moindre fragment opère les plus grands miracles. C’est cette pierre, faite d’une seule émeraude, qui excite les tremblements de terre, en s’agitant selon que Dieu le lui ordonne.

Pour arriver à la montagne de Kaf, il faut traverser de vastes régions ténébreuses, ce qu’on ne peut faire que sous la conduite d’un être supérieur. C’est, dit-on, la demeure des génies. Il est souvent parlé de cette montagne dans les contes orientaux. Voy. Sakhrat.

Kaha, maléfice employé aux îles Marquises. Les habitants attribuent au Kaha la plupart de leurs maladies. Voici comment il se pratique : « Quelque sorcier aura attrapé de votre salive, et puis il vous a lié du terrible Kaha ou maléfice du pays, en enveloppant cette salive dans un morceau de feuille d’arbre et la conservant en sa puissance. Il tient là votre âme et votre vie enchaînées. — À ce mal voici le remède : ceux qui ont eu le pouvoir de vous jeter le charme ont aussi le pouvoir de vous l’ôter, moyennant quelque présent. Le sorcier vient donc se coucher près de vous ; il voit ou il entend le génie du mal ou de la maladie quand il entre en vous et quand il en sort, car il paraît que ces génies se promènent souvent ; et il l’attrape comme au vol, ou bien il le saisit en vous frottant le bras, et il l’enferme à son tour dans une feuille, où il peut le détruire[175]. »

Kahlhammer (Marie), Bavaroise, qui a fait récemment beaucoup de bruit à Munich, à propos de ses communications avec les esprits au moyen des tables tournantes. Un livre d’elle,

 
Kahlhammer
Kahlhammer
 
intitulé Communications des bienheureux esprits et de l’archange Raphaël, par la main de Marie Kahlhammer et par la bouche de Cressence Wolff, a été condamné comme superstitieux et dangereux, et les deux héroïnes excommuniées.

Kaïdmords. Chez les Perses, c’est le nom du premier homme ; il sortit de la jambe de devant d’un taureau, selon la doctrine des mages ; il fut tué par les Dives ; mais il ressuscitera le jour du jugement. On invoque son âme chez les Guèbres. Voy. Boundschesch.

Kaiomers, le premier roi de l’antique dynastie des Pichadiens ; il était, suivant les historiens persans, le petit-fils de Noé. C’est lui qui vainquit les Dives ou mauvais génies à la puissance desquels le pays était soumis.

Kakos, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Kalmouks. Les Kalmouks rendent hommage à deux êtres puissants : au génie du bien et au génie du mal, sacrifiant sur le sommet des

 
Un kalmouk
Un kalmouk
 
montagnes, sur les bords des rivières, ou dans l’intérieur des cabanes, à l’un comme à l’autre, mais le plus souvent à la divinité malfaisante, parce qu’ils jugent nécessaire de la fléchir et d’apaiser son courroux. Le soleil, ou, comme ils l’appellent, l’œil de Dieu, est pour eux l’objet d’un culte particulier. Quelque dégénérée que soit cette fausse religion, on reconnaît cependant le rapport qui existe entre elle et l’une des plus anciennes, celle des disciples de Zoroastre, qui avait étendu son influence non-seulement sur l’Inde et la Perse, mais encore sur les peuples nomades des steppes mongoles ; et nous voyons encore de nos jours des tribus, telles que les Kalmouks, qui en ont conservé le souvenir pendant une suite de siècles.

Les Kalmouks, dans le département de Stawropol (Russie), célèbrent l’entrée de la nouvelle année par des sacrifices et des prédictions qui sont dans les attributions des geljunes, prêtres et devins. Pendant la nuit qui précède le nouvel an, chaque Kalmouk allume une lampe devant son idole et, quand ses moyens le lui permettent, va trouver le gelj une pour se faire prédire ce qui arrivera dans l’année. Le geljune, assis gravement sur un tabouret, examine les entrailles d’un agneau, parcourt ses tables astrologiques et répond aux questions qui lui sont posées par des paroles à double sens. Là ne se bornent point ses fonctions. Il doit annoncer aussi quel temps il fera pendant l’année, si les récoltes seront bonnes, etc.

Au reste, il faut avouer que les Kalmouks sont d’excellents prophètes en ce qui concerne le temps. Il y a quelques années, un Kalmouk qui passait par la ville de Stawropol prédit deux ou trois semaines avant Pâques que ce jour-là il tomberait de la neige.

C’était dans les derniers jours du mois de mars (ancien style) ; le temps était superbe, les prés commençaient à verdir, les arbres à bourgeonner. On le traita de fou ; et comme il s’en allait dans le bazar, criant : À Pâques, de la neige ! de la

 
 
neige à Pâques ! on l’arrêta, en lui promettant que, s’il disait vrai, on lui compterait 25 roubles ; mais que, dans le cas contraire, on lui administrerait une correction exemplaire. Le temps resta comme il était ; mais le dimanche de Pâques, vers dix heures, voilà tout à coup qu’un léger vent nord-ouest se met à souffler, devient plus intense, et, à onze heures, éclate une véritable tempête de neige, qui força les habitants de Stawropol à s’envelopper de leurs plus chaudes pelisses. Au lieu de 25 roubles, le Kalmouk en reçut 75.

Aujourd’hui, comme au moyen âge, les Kalmouks ont des schamanes qui, abusant de leur crédulité, leur persuadent qu’ils possèdent un empire magique sur une foule de génies invisibles dont ils se disent accompagnés et qui leur révèlent l’avenir et les choses secrètes. Comme au moyen âge, le mort et même le malade leur inspirent une horreur qu’ils n’ont garde de cacher. Après avoir placé près de lui tout ce dont il peut avoir besoin à leur avis, ils s’éloignent du malade, fut-ce leur père ; la couche du mourant, s’il est riche, est gardée tout au plus par un schamane ; la famille se contente d’envoyer de temps en temps demander de ses nouvelles. Cette indifférence inhumaine ne les empêche pas de rendre après la mort tous les honneurs possibles à celui qu’ils viennent de perdre. Le défunt, vêtu de ses plus beaux habits, est quelquefois enterré au fond des bois, avec son arc et ses flèches, sa pipe, sa selle et son fouet. D’autres suspendent leurs morts dans des couvertures de feutre au haut des arbres les plus élevés ; d’autres enfin en brillent les restes mortels sur un bûcher pour garder leurs cendres. Dans ce cas le cheval favori, du défunt est brûlé avec lui. Ce sont encore les mœurs dont parlent les chroniques et les voyageurs du moyen âge. En général cette peuplade offre jusqu’à présent l’image fidèle de ce qu’étaient les Mongols à une époque malheureusement trop glorieuse pour cette nation, lorsque, conduits par Tchinguis-Khan, ils portèrent de victoire en victoire la terreur et la désolation jusqu’au centre de l’Europe, jusque dans les plaines riantes de la Silésie. — Voyez Kosaks.

Kalpa-Tarou, arbre fabuleux sur lequel les

 
Kalpa-Tarou
Kalpa-Tarou
 
Indiens d’autrefois cueillaient tout ce qu’ils pouvaient désirer.

Kalstrara. C’est le nom que donnaient les anciens Bavarois aux sorciers charmeurs.

Kalta. On trouve dans l’Eyrbiggia Saga l’histoire curieuse d’une lutte entre deux sorcières du Nord. L’une d’elles, Geiralda, était résolue à faire mourir Oddo, le fils de l’autre, nommée Kalta, qui dans une querelle avait, coupé une main à sa bru. Ceux que Geiralda avait envoyés tuer Oddo s’en revinrent déconcertés. Ils n’avaient rencontré que Kalta, filant du lin à une grande quenouille. — Fous, leur dit Geiralda, cette quenouille était Oddo. — Ils retournèrent sur leurs pas, s’emparèrent de la quenouille et la brûlèrent. Mais alors Kalta avait caché son fils sous la forme d’un chevreau. Une troisième fois, elle le changea en pourceau. Les émissaires, furieux de ne pouvoir mettre la main sur celui qu’ils cherchaient, voulurent se dédommager de leurs peines, s’emparèrent du porc, le tuèrent, et ne furent qu’à

 
Kalta
Kalta
 
demi satisfaits quand, le charme détruit, ils reconnurent qu’au lieu d’un cochon gras, ils n’avaient que le cadavre du fils de Kalta.

Kamis, esprits familiers au Japon.

Kamlat, opération magique en usage chez les Tartares de Sibérie, et qui consiste à évoquer le diable au moyen d’un tambour magique ayant la forme d’un tamis ou plutôt d’un lambour de basque. Le sorcier qui fait le kamlat marmotte quelques mots tartares, court de côté et d’autre, s’assied, se relève, fait d’épouvantables grimaces et d’horribles contorsions, roulant les yeux, les fermant, et gesticulant comme un insensé. Au bout d’un quart d’heure, il fait croire que, par ses conjurations, il évoque le diable, qui vient toujours du côté de l’occident en forme d’ours, pour lui révéler ce qu’il doit répondre ; il fait entendre qu’il est quelquefois maltraité cruellement par le démon, et tourmenté jusque dans le sommeil. Pour en convaincre ses auditeurs, il feint de s’éveiller en sursaut en criant comme un possédé.

Kamosch et Kemosch. Voy. Chamos.

Kantius le Silésien. L’histoire de Jean Kantius, racontée au docteur More par un médecin de la Silésie, est un des exemples les plus frappants de cette croyance aux vampires, qui a régné en souveraine sur certains esprits au dernier siècle. — On dit que Kantius, échevin de la ville de Pesth, sortant du tombeau, apparut dans la ville qui l’avait vu naître ; mais ce qui est positif, c’est que de nombreuses rumeurs, relatives à ce même fait, jetèrent une agitation violente et une terreur profonde parmi ses concitoyens et dans toute l’étendue de la Silésie. On

 
Kantius le Silésien
Kantius le Silésien
Kantius le Silésien.
 
condamna son cadavre à être brûlé comme vampire… Mais l’exécution rencontra un obstacle teur est le célèbre cheik Sephy, l’aïeul du prince qui régnait au temps du voyageur Chardin ; et l’on croyait fortement en Perse qu’il contenait une partie des principales révolutions d’Asie, jusqu’à la fin du monde. Il était alors gardé avec soin dans le trésor royal, comme un original dont il n’y a point de double ni de copie, car la connaissance en était interdite au peuple.
 
Le diable vient toujours en forme d’ours. — Page 386
Le diable vient toujours en forme d’ours. — Page 386.
 

Karcist, nom qu’on donne, dans le Dragon étonnant. On ne put tirer le corps de la fosse, tant il était pesant.

Enfin les citoyens de Pesth, bien inspirés, cherchèrent et découvrirent le cheval dont la ruade avait tué Kantius ; ce cheval parvint à grand’peine à amener hors de terre les restes de son ancien maître. Lorsqu’il s’agit d’anéantir ces restes, une autre difficulté se présenta. On mit le corps sur un bûcher allumé, et il ne se consuma pas… On fut obligé de le couper en morceaux que l’on réduisit partiellement en cendres, et depuis lors l’échevin Jean Kantius cessa de faire des apparitions dans sa ville natale.

Karajaméa. Les Persans ont un livre mystérieux appelé Karajaméa (recueil des révolutions futures) ; il est pour eux ce qu’étaient autrefois les oracles des sibylles pour le peuple romain. On le consulte dans les, affaires importantes, et surtout avant d’entreprendre une guerre ; on le dit composé de neuf mille vers, chaque vers formant une ligne de cinquante lettres. Son au-rouge, à l’adepte ou sorcier qui parle avec les esprits.

Kardec (Allan), écrivain contemporain, qui s’occupe du spiritisme et s’est mis en rapport avec les esprits. Il a publié quelques ouvrages dont le plus important est intitulé « Le Livre des esprits, contenant les principès de la doctrine spirite sur la nature des esprits, leur manifestation et leurs rapports avec les hommes, les lois morales, la vie présente, la vie future et l’avenir de l’humanité ; écrit sous la dictée et publié par l’ordre d’esprits supérieurs, par Allan Kardec. » Paris, 1857, chez Dentu. D’après le système de ce livre, qui n’est pas d’accord avec notre foi, nos âmes vivaient à l’état d’esprits avant de s’incarner en nous, et elles revivront esprits en nous quittant. Voy. Spiritisme.

Karra-Kalf, le plus haut degré de la magie en Islande. Dans les temps modernes, lorsqu’on pratiquait le kara-kalf, le diable paraissait sous la forme d’un veau nouvellement né et non encore nettoyé par sa mère. Celui qui désirait d’être initié parmi les magiciens était obligé de nettoyer le veau avec sa langue ; par ce moyen, il parvenait à la connaissance des plus grands mystères.

Katakhanès. C’est le nom que les habitants de l’île de Candie donnent à leurs vampires. En aucune contrée du Levant la croyance aux vampires ou katakhanès n’est aussi générale que dans cette île, où l’on croit aussi aux démons des montagnes, de l’air et des eaux. Voici un fait raconté il n’y a pas longtemps à un voyageur anglais[176] :

« Un jour, le village de Kalikrati, dans le district de Sfakia, fut visité par un katakhanès ; les habitants s’efforcèrent de découvrir qui il était et d’où il venait. Ce katakhanès tuait non-seulement les enfants, mais encore les adultes, et il étendait ses ravages jusqu’aux villages des environs. Il avait été enterré dans le cimetière de l’église de Saint-Georges à Kalikrati, et une arcade avait été construite au-dessus de sa tombe. Un garçon, gardant ses moutons et ses chèvres auprès de l’église, fut surpris par une averse et vint se réfugier sous cette arcade. Après avoir ôté ses armes pour prendre du repos, il les posa en croix à côté de la pierre qui lui servait d’oreiller. La nuit était venue. Le katakhanès, sentant alors le besoin de sortir, dit au berger : — Compère, lève-toi de là ; car il faut que j’aille âmes affaires. Le berger ne répondit ni la première fois, ni la deuxième, ni la troisième. Il supposa que le mort inhumé dans cette tombe était le katakhanès, auteur de tous les meurtres commis dans la contrée. En conséquence, la quatrième fois qu’il lui adressa la parole, le berger répondit : — Je ne me lèverai point de là, compère, car je crains que tu ne vailles pas grand’chose ; et tu pourrais me faire du mal ; mais s’il faut que je me lève, jure par ton linceul que tu ne me toucheras pas ; alors je me lèverai.

» Le katakhanès ne prononça pas d’abord les paroles qu’on lui demandait ; mais le berger persistant à ne point se lever, il finit par faire le serment exigé. Sur cela le berger se leva et ôta ses armes du tombeau ; le katakhanès sortit aussitôt ; après avoir salué le berger, il lui dit : — Compère, il ne faut pas que tu t’en ailles ; reste assis là ; j’ai des affaires dont il est nécessaire que je m’occupe ; mais je reviendrai dans une heure, et je te dirai quelque chose.

» Le berger donc attendit ; le katakhanès s’en alla à environ dix milles de là, où vivaient deux jeunes époux nouvellement mariés ; il les égorgea tous deux. À son retour, le berger s’aperçut que les mains du vampire étaient souillées de sang, et qu’il rapportait un foie dans lequel il soufflait, comme font les bouchers, pour le faire paraître plus grand. — Asseyons-nous, compère, lui dit le katakhanès, et mangeons le foie que j’apporte. — Mais le berger fit semblant de manger ; il n’avalait que le pain et laissait tomber les morceaux de foie sur ses genoux.

» Or, quand le moment de se séparer fut venu, le katakhanès dit au berger : — Compère, ce que tu as vu, il ne faut point en parler ; car, si tu le fais, mes vingt ongles se fixeront dans ta figure et dans celles de tes enfants. — Malgré cela, le berger ne perdit point de temps ; il alla sur-le-champ tout déclarer à des prêtres et à d’autres personnes ; et on se rendit au tombeau, dans lequel on trouva le corps du katakhanès précisément dans l’état où il était quand on l’avait enterré : tout le monde fut convaincu que c’était lui qui était cause des maux qui pesaient sur le pays. On rassembla une grande quantité de bois que l’on jeta dans la tombe, et on brûla le cadavre. Le berger n’était pas présent ; mais, quand le katakhanès fut à moitié consumé, il arriva pour voir la fin de la cérémonie, et alors le vampire lança un crachat : c’était une goutte de sang qui tomba sur le pied du berger ; ce pied se dessécha comme s’il eût été consumé par le feu. Quand on vit cela, on fouilla avec soin dans les cendres ; on y trouva encore l’ongle du petit doigt du katakhanès ; et on le réduisit en poussière. » — Telle est la terrible histoire du vampire de Kalikrati. C’est sans doute au goût qu’on suppose à ces êtres malfaisants pour le foie humain qu’il faut attribuer cette exclamation que Tavernier attribue à une femme candiote : — J’aimerais mieux manger le foie de mon enfant ! Voy. Vampires.

Katmir. Chien des sept Dormants. Voy. Dormants.

Kaybora, esprit des forêts, à l’existence duquel croient encore les Américains ; ils disent que cet esprit enlève les enfants, les cache dans le creux des arbres et les y nourrit[177].

Kayllinger, fameux cristalomancien allemand, de qui Faust prit des leçons pendant deux ans.

Kelby, esprit qu’une superstition écossaise suppose habiter les rivières sous différentes formes, mais plus fréquemment sous celle du cheval. Il est regardé comme malfaisant et porte quelquefois une torche. On attribue aussi à ses regards un pouvoir de fascination.

Kelen et Nysrock, démons que les démonographes font présider aux débauches, aux danses, aux orgies.

Kelpie, cheval-diable. Voy. Nickar.

Kemosch. Voy. Chamos.

Kenne, pierre fabuleuse qui se forme dans l’œil d’un cerf, et à laquelle on attribue des vertus contre les venins.

Kentorp, couvent non loin de Hamm, dont les religieuses furent possédées au seizième siècle par des maléfices que leur cuisinière mêlait, comme elle l’avoua, à leurs aliments. Leur possession consistait en démences et en épilepsies. Wierus parle de ces faits.

Kephalonomancie, divination qui se

 
Kephalonomancie
Kephalonomancie
 
pratiquait en faisant diverses cérémonies sur la tête cuite d’un âne. Elle était familière aux Germains. Les Lombards y substituèrent une tête de chèvre. Delrio soupçonne que ce genre de divination, en usage chez les juifs infidèles, donna heu à l’imputation qui leur fut faite d’adorer un âne. Les anciens la pratiquaient en mettant sur des charbons allumés la tête d’un âne, en récitant des prières superstitieuses, en prononçant les noms de ceux qu’on soupçonnait d’un crime, et en observant le moment où les mâchoires se rapprochaient avec un léger craquement. Le nom prononcé en cet instant désignait le coupable. Le diable arrivait aussi quelquefois sans se montrer pour répondre aux questions qu’on avait à lui faire.

Kericoff, démon des lacs, très-redouté en Russie. Il bat les flots de ses pieds de cheval à travers les tempêtes, élève des trombes et, de ses grandes mains noires, fait sombrer les barques. Il poursuit ensuite le marin qui cherche à se sauver sur une planche ou sur un tonneau, et si l’infortuné se retourne, il voit la grosse tête humaine du mauvais esprit.

Khizzer. Les Orientaux donnent ce nom au prophète Élie, dont ils font un grand enchanteur, attaché à Alexandre le Grand.

Khumano-Goo, sorte d’épreuve en usage au Japon. On appelle goo un petit papier rempli de caractères magiques, de figures de corbeau et d’autres oiseaux noirs. On prétend que ce papier est un préservatif assuré contre la puissance des esprits malins ; et les Japonais ont soin d’en

 
Khumano-Goo
Khumano-Goo
 
acheter pour les exposer à l’entrée de leurs maisons. Mais parmi ces goos, ceux qui ont la plus grande vertu viennent d’un certain endroit nommé Khumano ; ce qui fait qu’on les appelle Khumano-goos. Lorsque quelqu’un est accusé d’un crime et qu’il n’y a pas de preuves suffisantes pour le condamner, on le force à boire une certaine quantité d’eau dans laquelle on met un morceau de khumano-goo. Si l’accusé est innocent, cette boisson ne produit sur lui aucun effet ; mais s’il est coupable, il se sent attaqué de coliques qui le forcent à avouer. Quelquefois on fait avaler le goo. Voy. ce mot.

Kiakiak, le démon au Pégu. Il a son temple au sommet d’une montagne, et les bonzes seuls osent y entrer. Kiakiak doit un jour détruire le monde. Mais alors Dagoun, le dieu suprême, qui s’y attend et qui se prépare, en créera un autre bien plus parfait.

Kijoun, nom d’une idole que les Israélites honorèrent dans le désert, et qui paraît avoir été le soleil. Le prophète Amos en parle au chap. v.

Kiones, idoles communes en Grèce. C’étaient des pierres oblongues en forme de colonnes, d’où vient leur nom.

Kirghis. Les Kirghis, voisins des Kalmouks, sont mahométans ; ils ont un grand prêtre appelé Achoun, qui réside près du khan ; ignorants et superstitieux, ils croient aux sortilèges et possèdent cinq classes de magiciens : les uns font leurs prédictions avec des livres, d’autres se servent de l’omoplate d’une brebis, dépouillée avec un couteau, car elle serait sans vertu si quelqu’un y avait porté les dents ; une troisième classe, pour lire dans l’avenir, sacrifie un cheval, un mouton ou un bouc sans défaut ; la quatrième consulte la flamme qui s’élève du beurre ou de la graisse jetés dans le feu. Enfin il y a des sorcières qui ensorcèlent les esclaves, persuadent aux maîtres que si l’esclave ensorcelé venait à déserter, il s’égarerait indubitablement dans sa fuite et retomberait dans les mains de son maître ; que s’il s’échappait, il rentrerait au moins dans l’esclavage du même peuple.

Pallas rapporte, d’après le récit même qu’il en a entendu faire par les Kirghis, un fait assez ingénieusement inventé : Un parti de Kirghis se mit un jour en campagne avec un des devins de la seconde classe pour attaquer les Kalmouks ; ceux-ci avaient également un devin qui, employant toute sa science, avertit ses compatriotes de l’arrivée des Kirghis, et les engagea à s’éloigner à mesure que ceux-ci avançaient. Le devin kirghis, voyant que son frère le Kalmouk allait faire échouer l’entreprise, employa la ruse ; il dit aux Kirghis de seller leurs chevaux à reculons et de monter dessus. Le Kalmouk, ainsi induit en erreur, vit sur son os que les Kirghis rétrogradaient ; il conseilla donc à son parti de revenir sur ses pas. Les Kirghis joignirent par ce moyen les Kalmouks et les firent prisonniers[178].

 
Kerikoff, démon des lacs. — Page 389.
Kerikoff, démon des lacs. — Page 389.
 

Kisilova (le vampire de). Le marquis d’Argens, qui n’était pas un homme crédule, raconte, dans sa cent trente-septième lettre juive, une histoire de vampire qui eut lieu au village de Kisilova, à trois lieues de Gradisch. Ce qui doit le plus étonner dans ce récit, c’est que d’Argens, alors incrédule, ne met pas en doute cette aventure :

On vient d’avoir en Hongrie, dit-il, une scène de vampirisme qui est dûment attestée par deux officiers du tribunal de Belgrade, lesquels ont fait une descente sur les lieux, et par un officier des troupes de l’empereur, à Gradisch : celui-ci a été témoin oculaire des procédures. Au commencement de septembre mourut, dans le village de Kisilova, un vieillard âgé de soixante-deux ans. Trois jours après qu’il fut enterré, il apparut à son fils pendant la nuit et lui demanda à manger. Celui-ci l’ayant satisfait, le spectre mangea ; après quoi il disparut. Le lendemain, le fils raconta à ses voisins ce qui lui était arrivé. Le fantôme ne se montra pas ce jour-là ; mais trois nuits après, il revint demander encore à souper. On ne sait pas si son fils lui obéit encore ou non ; mais on le trouva le lendemain mort dans son lit. Le même jour, cinq ou six personnes tombèrent subitement malades dans le village, et moururent l’une après l’autre en peu de temps. Le bailli du lieu, informé de ce qui se passait, en fit présenter une relation au tribunal de Belgrade, qui envoya à ce village deux de ses agents,

 
Le vampire de Kisilova
Le vampire de Kisilova
Le vampire de Kisilova.
 
avec un bourreau, pour examiner l’affaire. Un officier impérial s’y rendit de Gradisch, pour être témoin d’un fait dont il avait si souvent ouï parler. On ouvrit les tombeaux de tous ceux qui étaient morts depuis six semaines. Quand on en vint à celui du vieillard, on le trouva les yeux ouverts, d’une couleur vermeille, ayant une respiration naturelle, cependant immobile et mort : d’où l’on conclut que c’était un insigne vampire. Le bourreau lui enfonça un pieu dans le cœur ; on fit un bûcher et l’on réduisit en cendres son cadavre. On ne trouva aucune marque de vampirisme ni dans le corps du fils, ni dans celui des autres morts.

« Grâces à Dieu, ajoute le marquis d’Argens, nous ne sommes rien moins que crédule ; nous avouons que toutes les lumières de la physique que nous pouvons approcher de ce fait ne découvrent rien de ses causes : cependant nous ne pouvons refuser de croire véritable un fait attesté juridiquement et par des gens de probité. »

Klabber ou Kab-Outer, lutins de petite taille qui, l’hiver, en Écosse, quand il n’y a pas de clair de lune, descendent par les cheminées dans les maisons des paysans, s’assoient tranquillement devant le foyer, qu’ils rallument, mais qu’on ne voit pas brûler, et se chauffent. Le matin, quand la ménagère se lève, elle voit que tout le bois qu’elle avait laissé dans l’âtre est consumé, excepté quelques menus brins. Si elle les rallume, ils font autant de chaleur et de profit que de grosses bûches. Si elle fait le signe de la croix ou si elle maudit le klabber, le charme est rompu, et le lutin se venge par quelque malice.

Les klabbers sont vêtus de rouge et ont la peau verte.

Kleudde. Kleudde, tout barbare, tout cacophonique que doive vous paraître ce nom, est un lutin, et un lutin vivant des brouillards de la Flandre, un lutin malfaisant, qui a les regards du basilic et la bouche du vampire, l’agilité du follet et la hideur du griffon. Il aime les nuits froides et brumeuses, les prairies désertes et arides et les champs incultes. Nuire et semer

 
Kleudde
Kleudde
 
l’épouvante sont, dit-on, le seul bonheur de cet affreux lutin ; il se plaît au milieu des ruines couvertes de mousse ; il fuit les saints lieux où reposent des chrétiens ; l’aspect d’une croix l’éblouit et le torture ; il ne boit qu’une eau verte croupissant au fond d’un étang desséché le pain n’approche jamais de ses lèvres, la lumière du grand jour lui brûle les yeux ; il n’apparaît qu’aux heures où le hibou gémit dans la tour abandonnée ; une caverne souterraine est sa demeure ; ses pieds n’ont jamais souillé le seuil d’une habitation humaine ; le mystère et l’horreur entourent son existence maudite. Vagues comme les atomes de l’air, ses formes échappent aux doigts et ne laissent aux mains de l’imprudent qui essayerait de les étreindre qu’une ligne noire et douloureuse comme une brûlure. Son rire est semblable à celui des damnés ; son cri, rauque et indéfinissable, fait tressaillir jusqu’au fond des entrailles ; Kleudde a du sang de démon dans les veines. Malheur à qui, le soir, dans sa route, rencontre Kleudde, le lutin noir[179] !

Klinger (Frédéric-Maximilien de), militaire allemand, né à Francfort-sur-le-Mein en 1753, mort à Saint-Pétersbourg en 1831, auteur de quelques ouvrages]singuliers, entre autres : la Vie, les faits et gestes de Faust et sa Descente aux enfers, publié à Kœnigsberg, en 1819.

Knipperdolinck, l’un des associés de Jean de Leyde. Voyez ce mot.

 
Bernhard Knipperdollinck
Bernhard Knipperdollinck
Bernhard Knipperdollinck.
stadtvogt zu munster in westphalen
1533.
 

Knox (Jean), apostat, écossais et l’un des plus féroces brigands de la réforme, né en 1505, mort en 1572. Il était chapelain d’Édouard VI et se fit chasser pour ses mœurs immondes. Il alla se redresser à Genève, revint dans son pays réformer en abattant les églises, en assommant les prêtres ; car il marchait suivi d’une bande. Il contribua par ses diatribes à la perte de Marie Stuart. Il s’occupait aussi de magie, et dans le procès qu’il dut subir sur cette accusation, on établit qu’il avait fait des évocations dans le cimetière de Saint-André, qu’il y avait fait paraître le diable sous une forme épouvantable, et que cette apparition terrible avait frappé son secrétaire, présent à cette scène, d’un tel effroi qu’il en était mort…

Kobal, démon perfide qui mord en riant, directeur général des farces de l’enfer, peu joyeuses sans doute ; patron des comédiens.

Kobold, esprit de la classe des lutins. « C’est un petit nain étrange, de forme rabougrie, avec des habits bariolés, un bonnet rouge sur la tête. Honoré par les valets, les servantes et les cuisinières de l’Allemagne, il leur rend de bons offices ; il étrille leurs chevaux, il lave la maison, tient la cuisine en bon ordre et veille à tout.

 
Kobold
Kobold
 
Qu’on ne s’avise pas de le négliger. Si c’est une cuisinière, rien ne lui réussit ; elle se brûle dans l’eau bouillante ; elle brise la vaisselle ; elle renverse ou gâte les sauces ; et quand le maître du logis la gronde, elle entend le Kobold rire aux éclats derrière elle. S’il a reçu quelque insulte, la scène devient plus tragique, il verse dans les plats du poison ou du sang de vipère ; quelquefois même il tord le cou à l’imprudent valet qui l’a harcelé[180]. » — Il est de la famille des Cobales et des Coboli ; peut-être leur tige. Voy. ces mots.

Kojozed. « Le lévrier du seigneur de Kojozed

 
Kojozed
Kojozed
 
parcourt les bois et les plaines, léger comme le souffle du vent ; c’est le favori de son maître. Le hautain seigneur, qui hait les hommes, donne toute son affection à l’animal, compagnon de ses courses vagabondes par les forêts et les campagnes. Mais il a disparu le beau lévrier, l’ami constant du seigneur. Le front assombri, le regard menaçant, environné des vassaux qui le redoutent, Kojozed revient de la chasse. Il veut qu’on retrouve son chien ; sa menace épouvante ceux qui l’entourent. Vingt chasseurs s’élancent et battent les bois du voisinage. Mais le lévrier ne revient pas. Une femme, accablée par l’âge, hideuse comme la mort, arrête la bride du cheval de Kojozed. — Que veux-tu ? dit le seigneur. — Te rendre l’ami que tu as perdu. — Où est-il ? — Seule je le sais ; il va dépasser les frontières de la Bohême. — Vieille, comment le sais-tu ? — Je suis vieille, mais puissante. Regarde-moi. » La vieille se redressa, l’œil étincelant de sombres feux ; une clarté sinistre brillait sur sa tête ; le cheval, averti par son instinct, hennissait et voulait fuir : le seigneur de Kojozed reconnut la sorcière.

« Si tu me donnes Jean le Chasseur, ton vassal, je te rendrai ton lévrier. Tu sais que la magicienne ne peut recouvrer sa jeunesse perdue qu’en baignant ses membres flétris dans le sang d’un jeune homme.

— Que cela soit ! » répondit Kojozed.

Jean frémit et tomba aux genoux de son maître :

« Mes pères, s’écrie-t-il, ont servi vos pères pendant deux cents ans ; ma mère vous a nourri de son lait, et vous voulez me donner la mort ! Oh ! ne donnez pas le sang de Jean le Chasseur pour un lévrier ! »

Mais il prie en vain : le pacte s’accomplit. Quand la sorcière ramènera le lévrier à son maître, elle emmènera le jeune homme. Elle témoigne de sa joie par un affreux sourire, et bientôt elle revient tenant en laisse le chien favori. Jean le Chasseur est livré comme payement de la dette contractée par son seigneur, et bientôt, parmi les rites magiques, le sang du vassal coule dans une urne d’airain, et la sorcière se plonge dans ce bain effroyable. La noire caverne retentit des derniers soupirs de Jean et des accents de joie de la magicienne, qui a retrouvé les forces et les grâces de la jeunesse.

Tout était fini : Jean le Chasseur venait d’expirer, quand le lévrier chéri, auquel Kojozed avait sacrifié son serviteur, mourut sous les yeux de son maître[181].

Kolfi. C’est aussi sous ce nom qu’on désigne les kobolds.

Koran, livre et code des musulmans écrit par Mahomet, plein de fables, de singularités et de prodiges. Voyez Maoridath.

Kornmann (Henri), jurisconsulte allemand, mort en 1620. Il a laissé un livre curieux intitulé De miraculis mortuorum, imprimé in-8o l’année de sa mort et devenu très-rare.

Kosaks. Les Kosaks, ainsi que les Kalmouks de leur voisinage, ne sont généralement ni chrétiens ni musulmans. Ils ont tiré de l’Asie une cosmogonie où se retrouvent, comme partout, quelques souvenirs de l’Ancien Testament, enfouis sous des monceaux de folles croyances. De leurs bourkans ou dieux, celui qui protège spécialement la terre est un éléphant blanc comme la neige, long de deux lieues, riche de trente-trois têtes rouges, chacune desquelles se joue de six trompes qui lancent six fontaines. Ce dieu principal est peut-être unique dans les mythologies.

Mais les Kalmouks content, ainsi que quelques hordes de Kosaks, que les hommes, au commencement, vivaient plusieurs siècles ; qu’ils étaient heureux ; que l’un d’eux mangea d’un fruit qu’il n’était pas permis de manger, que tous les autres l’imitèrent et qu’alors l’espèce humaine perdit sa sainteté et le privilège qu’elle avait de prendre son vol et d’aller dans les deux ; qu’elle vécut longuement dans les ténèbres et dans la misère ; que la terre, maudite à cause de leur péché, devint stérile, etc. Ils attendent un réparateur et croient à un enfer où les méchants souffriront deux cents millions d’années.

Kotter, visionnaire. Voy. Comenius.

Koughas, démons ou esprits malfaisants, redoutés des Aléotes, insulaires voisins du Kamtschatka. Ils attribuent leur état d’asservissement et leur détresse à la supériorité des koughas russes sur les leurs ; ils s’imaginent aussi que les étrangers, qui paraissent curieux de voir leurs cérémonies, n’ont d’autre intention que d’insulter à leurs koughas, et de les engager à retirer leur protection aux gens du pays.

Koupaïs. Ce sont les dieux des Tartares de l’Altaï. Ils sont sept et peu puissants ; ils laissent faire.

Kourrigans, lutins redoutés qui se promènent à cheval sur des juments blanches dans les forêts de la Bretagne.

Kraken. « C’est une tradition répandue dans les mers du Nord et sur les côtes de Norvège qu’on voit souvent des îles flottantes surgir au sein des vagues avec des arbres tout formés, aux rameaux desquels pendent des coquillages au lieu de feuilles, mais qui disparaissent au bout de quelques heures. Deber y fait allusion dans son livre intitulé Feroa reserata, et Harpelius dans son Mundus mirabilis, Torfœus dans son Histoire de la Norvège. Les gens du peuple et les matelots regardent ces îles comme les habitations sous-marines d’esprits malins, qui ne les font ainsi surnager que pour railler les navigateurs, confondre leurs calculs et multiplier les embarras de leur voyage. Le géographe Burœus avait placé sur sa carte une de ces îles merveilleuses qu’on appelait Gommer’s-Ore, et qui apparaît parmi les récifs en vue de Stokholm. Le baron Charles de Grippenheim raconte qu’il avait vainement cherché cette île en sondant la côte, lorsqu’un jour, tournant la tête par hasard, il distingua comme trois points de terre qui s’étaient tout à coup élevés sur la surface des flots. «Voilà sans doute la Gummer’s-Ore de Burœus ? demanda-t-il au pilote qui gouvernait sa chaloupe. — Je ne sais, répondit celui-ci ; mais soyez certain que ce que nous voyons pronostique une tempête ou une grande abondance de poisson. » Gummer’s-Ore n’est qu’un amas de récifs à fleur d’eau, où se tient volontiers le Sæ-trolden ou plutôt c’est le Sæ-trolden lui-même. »

En citant cette conversation, le savant baron ajoute que l’opinion du pilote lui parut plus vraisemblable que celle du géographe, et il l’adopta.

« Les pêcheurs norvégiens, dit Pontoppidan, affirment tous, et sans la moindre contradiction dans leurs récits, que, lorsqu’ils poussent au large à plusieurs milles, particulièrement pendant les jours les plus chauds de l’année, la mer semble tout à coup diminuer sous leurs barques, et s’ils jettent la sonde, au lieu de trouver quatre-vingts ou cent brasses de profondeur, il arrive souvent qu’ils en mesurent à peine trente : c’est un kraken qui s’interpose entre les bas-fonds et l’onde supérieure. Accoutumés à ce phénomène, les pêcheurs disposent leurs lignes, certains que là abonde le poisson, surtout la morue et la lingue, et ils les retirent richement chargées ; mais si la profondeur de l’eau va toujours diminuant, et si ce bas-fond accidentel et mobile remonte, les pêcheurs n’ont pas de temps à perdre : c’est le kraken qui se réveille, qui se meut, qui vient

 
Kraken
Kraken
 
respirer l’air et étendre ses larges bras au soleil. Les pêcheurs font alors force de rames, et quand, à une distance raisonnable, ils peuvent enfin se reposer avec sécurité, ils voient en effet le monstre qui couvre un espace d’un mille et demi de la partie supérieure de son dos.

» Les poissons surpris par son ascension, sautillent un moment dans les creux humides formés par les protubérances inégales de son enveloppe extérieure ; puis de cette masse flottante sortent des espèces de pointes ou de cornes luisantes, qui se déploient et se dressent, semblables à des mâts armés de leurs vergues : ce sont les bras du kraken, et telle est leur vigueur que s’ils saisissaient les cordages d’un vaisseau de ligne, ils le feraient infailliblement sombrer. Après être resté quelque temps sur les flots, le kraken redescend avec la même lenteur, et le danger n’est guère moindre pour le navire qui serait à sa portée, car en s’affaissant il déplace un tel volume d’eau, qu’il occasionne des tourbillons et des courants aussi terribles que ceux de la fameuse rivière Male.

» C’est évidemment du kraken que parle Olaüs Wormius sous le nom de hafgufe. Cet auteur dit aussi que son apparition sur l’eau ressemble plutôt à celle d’une île qu’à celle d’un animal, similiorem insulæ quam bestiæ, et il ajoute qu’on n’a jamais trouvé son cadavre, parce que le kraken doit vivre aussi longtemps que le monde, et qu’il n’est pas probable qu’aucun pouvoir ou instrument soit capable d’abréger violemment la vie d’un animal si monstrueux. Cependant, en 1680, un jeune kraken vint s’engager dans les eaux qui courent entre les récifs d’Altstahong ; il y périt misérablement. Comme ce corps immense remplissait à peu près tout le chenal, la putréfaction fut telle qu’on eut une crainte assez fondée que la peste ne vînt désoler le pays. L’assesseur consistorial de Bodœn, M. Friis, dressa un rapport de cet événement.

» Olaüs Magnus, dans son ouvrage De piscibus monstruosis ; Paulinus, dans ses Ephémérides des curiosités de la nature, et Bartholin, dans son Histoire anatomique, admettent également l’existence du kraken et le décrivent à peu près dans les mêmes termes que M. Wormius. Bartholin ajoute que l’évêque de Nidros, voyant cette île flottante apparaître sur les eaux, eut la pieuse idée de la consacrer immédiatement à Dieu, en y célébrant le sacrifice de la messe. Il y fit transporter et dresser un autel et officia lui-même. Soit hasard, soit miracle, le kraken resta immobile au soleil tout le temps que dura la cérémonie ; mais à peine l’évêque eut-il regagné le rivage, on vit l’île supposée se submerger elle-même et disparaître. Selon le même Bartholin, il n’y aurait que deux krakens, qui dateraient du commencement du monde et ne pourraient se multiplier. De peur que l’eau, la nourriture et l’espace ne vinssent à manquer à une race de pareils géants, Dieu, dans sa prévoyance, aurait mesuré avec une sage lenteur tous les mouvements du kraken, qui n’éprouverait les sentiments de la faim qu’une fois dans l’année. Sa digestion achevée, le monstre, dit encore Bartholin, laisse échapper ses excréments, qui répandent une odeur si suave que les poissons accourent pour s’en repaître ; mais lui, ouvrant une effroyable gueule, semblable à un golfe ou détroit, instar sinus aut freti, y aspire tous les malheureux poissons affriandés et pris au piège[182]. »

Kratim ou Katmir. C’est le nom qu’on donne au chien des sept Dormants. Voy. Dormants.

 
Bernard Krechting
Bernard Krechting
 

Krechting, l’un des séides de Jean de Leyde. Voyez ce mot.

Krodo, vieux dieu Scandinave qui vit à cheval sur un poisson gigantesque, et autour duquel on sent l’odeur du sang mêlée au parfum des fleurs.

Kuffa (Catherine), sorcière lorraine qui vivait sous Henri III. Elle confessa qu’elle avait hanté le sabbat et qu’un jour elle y avait compté cinq cents personnes, parmi lesquelles les femmes étaient en grande majorité.

Kuhlmann (Quirinus), l’un des visionnaires du dix-septième siècle, né à Breslau en 1651. Il était doué d’un esprit vif ; étant tombé malade à l’âge de huit ans, il éprouva un dérangement dans ses organes et crut avoir des visions. Une fois il s’imagina voir le diable, escorté d’une foule de démons subalternes ; un autre jour il se persuada que Dieu lui avait apparu ; dès ce moment, il ne cessa de voir à côté de lui une auréole éclatante de lumière. Il parcourut le Nord escorté d’une très-mauvaise réputation. Il escroquait de l’argent à ceux qui lui montraient quelque confiance, et l’employait, disait-il, à l’avancement du royaume de Dieu. Il fut chassé de Hollande au commencement de l’année 1675 et voulut se lier avec Antoinette Bourignon, qui rejeta ses avances. Il fut arrêté en Russie, pour des prédictions séditieuses, et brûlé à Moscou le 3 octobre 1689. Il a publié à Lubeck un Traité de la sagesse infuse d’Adam et de Salomon[183] ; on lui doit une quarantaine d’opuscules qui n’ont d’autre mérite que leur rareté.

Kupay, nom qui, chez les Péruviens, désignait le diable. Quand ils prononçaient ce nom, ils crachaient par terre en signe d’exécration. On l’écrit aussi Gupaï, et c’est encore le nom que les Floridiens donnent au souverain de l’enfer.

Kurdes, habitants de l’Asie qui adorent le diable.

Kurgon, nom que l’on donnait en Gascogne et en Dauphiné aux sorcières qui allaient adorer le diable en forme de bouc au sabbat.

Kutuktus. Les Tartares Kalkas croient que leur souverain pontife, le kutuktus, est immortel ; et, dans le dernier siècle, leurs fakirs firent déterrer et jeter à la voirie le corps d’un savant qui, dans ses écrits, avait paru en douter.


L

Labadie (Jean), fanatique du dix-septième siècle, né en 1610 à Bourg sur la Dordogne. Il se crut un nouveau Jean-Baptiste, envoyé pour annoncer la seconde venue du Messie, et il s’imagina qu’il avait des révélations. Il assurait que Jésus-Christ lui avait déclaré qu’il l’envoyait sur la terre comme son prophète. Il poussa bientôt la suffisance jusqu’à se dire revêtu de la divinité et participant du nom et de la substance de Notre-Seigneur. Mais il joignit à l’ambition d’un sectaire le goût des plaisirs ; il faisait servir à ses odieux projets le masque de la religion, et il ne fut qu’un détestable hypocrite. Il mourut en 1674. Voici quelques-unes de ses productions : Le Hérauld du grand roi Jésus, Amsterdam, 1667, in-12. Le Véritable exorcisme, ou l’unique moyen de chasser le diable du monde chrétien. — Le Chant royal du roi Jésus-Christ. Ces ouvrages sont condamnés.

Labitte, dit l’abbé de peu de sens, peintre, poëte et prêtre d’Arras au milieu du quinzième siècle. Il était très-excentrique, ce qui lui fit donner le surnom que nous venons de citer, et il recherchait un peu les sociétés de ce que nous appelons aujourd’hui le demi-monde. Il se fit initier à la vauderie, hérésie descendue bien bas, puisqu’on y adorait le diable, que ses fêtes étaient le sabbat, et qu’elle reconnaissait pour son maître et seigneur Lucifer, le prince ou l’un des princes des anges déchus. Les Vaudois vivaient en union apparente avec les chrétiens fidèles. Dans les causeries où l’on disait du bien de la sainte Vierge, des bienheureux et des choses saintes, ils renchérissaient, mais ils ajoutaient toujours cette conclusion : « N’en déplaise à mon maître, ou n’en déplaise à mon Seigneur. » Au moyen de cette restriction, toute parole chrétienne leur était permise par leur maître que nous avons nommé. Cet homme fut arrêté comme habitué du sabbat. Dans sa prison, il se coupa la langue avec un canif pour ne rien révéler. Mais il fut condamné au feu et brûlé en 1459. Jacques du Clerq raconte au long cette triste histoire dans ses mémoires. Louis Tieck en a fait, sous le titre de Sabbat des sorcières, un roman hostile aux catholiques, qu’on a traduit en français.

Labourd, pays de Gascogne dont les habitants s’adonnaient au commerce et entreprenaient de longs voyages, où ils croyaient que le diable les protégeait. Pendant que les hommes étaient absents, Delancre dit que les femmes devenaient d’habiles sorcières. Henri IV envoya en 1609 un conseiller au parlement de Bordeaux, Pierre Delancre, que nous avons souvent cité, pour purger le pays de ces sorcières. Instruites de son arrivée, elles s’enfuirent en Espagne. Il en fit toutefois brûler quelques-unes qui étaient d’affreuses coquines.

Labourant. Voy. Pierre Labourant.

Labrosse. Le médecin Labrosse se mêlait de lire aux astres. Le jeune duc de Vendôme, qui avait grande confiance en cet astrologue, vint un matin conter à Henri IV que Labrosse recommandait au roi de se tenir sur ses gardes ce jour-là. Henri IV répondit : « Labrosse est un vieux fou d’étudier l’astrologie, et Vendôme un jeune fou d’y croire. »

Lac. Grégoire de Tours rapporte que dans le Gévaudan il y avait une montagne appelée HéJanie, au pied de laquelle était un grand lac ; à certaines époques de l’année les villageois s’y rendaient de toutes parts pour y faire des festins, offrir des sacrifices et jeter dans le lac, pendant trois jours, une infinité d’offrandes de toute espèce. Quand ce temps était expiré, selon la tradition que rapporte Grégoire de Tours, un orage mêlé d’éclairs et de tonnerre s’élevait ; il était suivi d’un déluge d’eau et de pierres. Ces scènes durèrent jusqu’à la fin du quatrième siècle.

Cent ans avant l’ère chrétienne il y avait aussi à Toulouse un lac célèbre, consacré au dieu du jour, et dans lequel les Tectosages jetaient en offrandes de l’or et de l’argent à profusion, tant en lingots et monnayé que mis en œuvre et façonné.

On lit dans la Vie de saint Sulpice, évêque de Bourges, qu’il y avait de son temps dans le Berry un lac de mauvaise renommée, qu’on appelait le lac des Démons. Voy. Pilate, Herbadilla, Is, etc.

Lacaille (Denyse de). En 1612, la ville de Beauvais fut le théâtre d’un exorcisme sur lequel on n’a écrit que des facéties sans autorité. La possédée était une vieille nommée Denyse de Lacaille. Nous donnons de cette affaire la pièce suivante en résumé : elle a été évidemment supposée par quelque farceur.

Extrait de la sentence donnée contre les démons qui sont sortis du corps de Denyse de Lacaille :

« Nous étant dûment informés que plusieurs démons et malins esprits vexaient et tourmentaient une certaine femme nommée Denyse de Lacaille, de la Landelle, nous avons donné à Laurent Lepot toute-puissance de conjurer lesdits malins esprits. Ledit Lepot, ayant pris la charge, a fait plusieurs exorcismes et conjurations, desquels plusieurs démons sont sortis, comme le procès-verbal le démontre. Voyant que, de jour en jour, plusieurs diables se présentaient ; comme il est certain qu’un certain démon nommé Lissi a dit posséder ladite Denyse, nous commandons, voulons, mandons, ordonnons audit Lissi de descendre aux enfers, sortir hors du corps de ladite Denyse, sans jamais y rentrer ; et, pour obvier à la venue des autres démons, nous commandons, voulons, mandons et ordonnons que Belzébuth, Satan, Motelu et Briffault, les quatre chefs, et aussi les quatre légions qui sont sous leur puissance, et tous les autres, tant ceux qui sont de l’air, de l’eau, du feu, de la terre et autres lieux, qui ont encore quelque puissance de ladite Denyse de Lacaille, comparaissent maintenant et sans délai, qu’ils aient à parler les uns après les autres, à dire leurs noms de façon qu’on puisse les entendre, pour les faire mettre par écrit.

» Et à défaut de comparoir, nous les mettons et les jetons en la puissance de l’enfer, pour être tourmentés davantage que de coutume ; et, faute de nous obéir, après les avoir appelés par trois fois, commandons, voulons, mandons que chacun d’eux reçoive les peines imposées ci-dessus, défendant au même Lissi, et à tous ceux qui auraient possédé le corps de ladite Denyse de Lacaille, d’entrer jamais dans aucun corps, tant de créatures raisonnables que d’autres.

» Suivant quoi ledit Lessi, malin esprit, prêt à sortir, a signé ces présentes. Belzébuth paraissant, Lissi s’est retiré au bras droit ; lequel Belzébuth a signé ; pareillement Belzébuth s’étant retiré, Satan apparut, et a signé pour sa légion, se retirant au bras gauche ; Motelu, paraissant, a signé pour toute la sienne, s’étant retiré à l’oreille droite ; incontinent Briffault est comparu et a signé ces présentes. — Signé : Lissi, Belzébuth, Satan, Motelu, Briffault.

» Le signe et la marque de ces cinq démons sont apposés à l’original du procès-verbal. Beauvais, le 12 décembre 1612. »

Nous le répétons, c’est une farce de huguenot sur un objet sérieux, mais qui a fait peu de bruit.

Lachanopteres, animaux imaginaires que< Lucien place dans le globe de la lune. C’étaient de grands oiseaux couverts d’herbes au lieu de plumes.

Lachus, génie céleste, dont les Basilidiens gravaient le nom sur leurs pierres d’aimant magique ; ce talisman préservait des enchantements.

Laci (Jean), auteur d’un ouvrage intitulé Avertissements prophétiques, publié en 1708, un volume in-8o ; il parut différents ouvrages de cette sorte à l’occasion des prétendus prophètes des Cévennes, qui étaient des foux furieux.

Ladwaiturs, génies propices chez les Scandinaves. Voy. Harold.

Lænsbergh (Matthieu). Voy. Matthieu Lænsbergh.

Lafin (Jacques), sorcier qui fut accusé d’envoûtement sous Henri IV ; on dit qu’on trouva sur lui des images de cire qu’il faisait parler[184].

Laghernhard (Nicole), femme du pays de Labourd qui, au mois d’août 1590, vit sur la lisière d’une forêt, à l’heure de midi, des hommes et des femmes dansant une ronde en se tournant le dos. Elle remarqua quelques-uns de ces personnages qui avaient des pieds de chèvre, et, présumant que c’était le sabbat, elle fit le signe de la croix en invoquant le nom de Jésus. Aussitôt tout disparut. Un certain Grospetter s’enleva dans les airs en laissant échapper une brosse à nettoyer les fours. Un berger qui, assis sur les branches d’un chêne, jouait de la flûte avec sa houlette dont il tirait des sons, fut enlevé pareillement ; et Nicole Laghernhard se sentit remportée par un tourbillon dans sa maisonnette, où elle dut garder le lit huit jours…

Lagneau ou Laigneau (David), adepte mort au dix-septième siècle. Il a traduit les Douze clefs de la philosophie (hermétique), de Basile Valentin ; et l’on voit dans son Harmonie mystique, publiée à Paris en 1636, qu’il s’occupait d’alchimie.

Laica. Nom de fées chez les Péruviens. Les laicas étaient ordinairement bienfaisantes, au lieu que la plupart des autres magiciennes mettaient leur plaisir à faire du mal.

Lamia, reine de Libye, qui fendait le ventre des femmes grosses pour dévorer leurs fruits. Elle a donné son nom aux lamies.

Lamies, démons mauvais, qu’on trouve dans les déserts sous des figures de femmes, ayant des têtes de dragon au bout des pieds. Elles

Lamies
Lamies


hantent aussi les cimetières, y déterrent les cadavres, les mangent et ne laissent des morts que les ossements. À la suite d’une longue guerre, on aperçut dans la Syrie, pendant plusieurs nuits, des troupes de lamies qui dévoraient les cadavres des soldats inhumés à fleur de terre. On s’avisa de leur donner la chasse, et quelques jeunes gens en tuèrent plusieurs à coups d’arquebuse ; il se trouva que le lendemain ces lamies n’étaient plus que des loups et des hyènes.

Il se rencontre des lamies, très-agiles à la course, dans l’ancienne Libye ; leur voix est un sifflement de serpent. Quelle que soit leur demeure, il est certain, ajoute Leloyer, qu’il en existe, « puisque cette croyance était en vigueur chez les anciens ». Le philosophe Ménippe fut épris d’une lamie. Elle l’attirait à elle ; heureusement qu’il fut averti de s’en défier, sans quoi il eût été dévoré. « Semblables aux sorcières, dit encore Leloyer[185], ces démons sont très-friands du sang des petits enfants. »

Tous les démonomanes ne sont pas d’accord sur la forme des lamies : Torquemada, dans son Hexameron, dit qu’elles ont une figure de femme et des pieds de cheval ; qu’on les nomme aussi chevesches, à cause du cri et de la friandise de ces oiseaux pour la chair fraîche. Ce sont des espèces de sirènes selon les uns ; d’autres les comparent aux gholes de l’Arabie. On a dit bien des bizarreries sur ces femmes singulières. Quelques-uns prétendent qu’elles ne voient qu’à travers une lunette[186]. Wierus parle beaucoup de ces monstres dans le troisième livre de son ouvrage sur les Prestiges. Il a même consacré aux lamies un traité particulier[187].

« Les lamies écossaises, dit un écrivain que nous croyons à ses initiales être M. Alfred Michiëls, enlèvent surtout des enfants, et c’est ce qui a rendu les fées en général si redoutables en nos contrées. Il y en avait en Flandre qui envoyaient de toutes parts des esprits inférieurs, conduisant des voitures peintes en rouge, couvertes de toiles rouges, attelées d’un cheval noir. Les enfants qu’ils trouvaient isolés, ceux qu’ils pouvaient attirer par des promesses, ou en leur montrant des dragées et des joujoux, étaient emmenés par eux, et ils les jetaient dans la voiture avec un bâillon dans la bouche. Selon d’autres, ils les massacraient aussitôt ; c’est pour que le sang ne se vît pas qu’ils avaient adopté la couleur rouge pour leurs voitures. Ces voitures s’appelaient bloed-chies et ceux qui les menaient bloed-elven. Dès qu’on les poursuivait ils disparaissaient, et l’on ne trouvait plus que de grandes taupinières au beau milieu du pavé. Cette croyance causait un effroi si grand aux enfants que, dès qu’une voiture de couleur rouge venait à passer, tous se sauvaient en grande hâte. Je me rappelle fort bien avoir partagé la terreur générale. »

Lamotte le Vayer (François), littérateur, né à Paris en 1588 et mort en 1672. C’était, selon Naudé, le Plutarque de la France, ressemblant aux anciens par ses opinions et ses mœurs. Il a laissé des Opuscules sur le sommeil et les songes, in-8o, Paris, 1640.

Lampadomancie, divination dans laquelle on observait la forme, la couleur et les divers mouvements de la lumière d’une lampe, afin d’en tirer des présages pour l’avenir.

Lampe merveilleuse. Il y avait à Paris du temps de saint Louis un rabbin fameux, nommé Jéchiel, grand faiseur de prodiges, et si habile à fasciner les yeux par les illusions de la magie ou de la physique que les juifs le regardaient comme un de leurs saints, et les Parisiens comme un sorcier. La nuit, quand tout le monde était couché, il travaillait à la clarté d’une lampe merveilleuse, qui répandait dans sa chambre une lumière aussi pure que celle du jour. Il n’y mettait point d’huile ; elle éclairait continuellement, sans jamais s’éteindre et sans avoir besoin d’aucun aliment. On disait que le diable entretenait cette lampe et venait passer la nuit avec Jéchiel. Aussi tous les passants heurtaient à sa porte pour l’interrompre. Quand des seigneurs ou d’honnêtes gens frappaient, la lampe jetait une lueur éclatante, et le rabbin allait ouvrir ; mais toutes les fois que des importuns faisaient du bruit pour le troubler dans son travail, la lampe pâlissait ; le rabbin, averti, donnait un coup de marteau sur un grand clou fiché au milieu de la chambre ; aussitôt la terre s’entr’ouvrait et engloutissait les mauvais plaisants[188].

Les miracles de la lampe inextinguible étonnaient tout Paris. Saint Louis, en ayant entendu parler, fit venir Jéchiel afin de le voir ; il fut content, disent les juifs, de la science étonnante de ce rabbin, qui peut-être avait découvert quelque gaz.

Lampes perpétuelles. En ouvrant d’anciens tombeaux tels que celui de la fille de Cicéron, on trouva des lampes qui répandirent un peu de lumière pendant quelques moments, et même pendant quelques heures ; d’où l’on a prétendu que ces lampes avaient toujours brûlé dans les tombeaux. « Mais comment le prouver ? dit le père Lebrun ; on n’a vu paraître des lueurs qu’après que les sépulcres ont été ouverts et qu’on leur a donné de l’air. Or, il n’est pas surprenant que dans les urnes qu’on a prises pour des lampes il y eût une matière qui, étant exposée à l’air, devînt lumineuse, comme les phosphores. On sait qu’il s’excite quelquefois des flammes dans les caves, dans les cimetières et dans tous les endroits où il y a beaucoup de sel et de salpêtre. L’eau de la mer, l’urine et certains bois produisent de la lumière et même des flammes, et l’on ne doute pas que cet effet ne vienne des sels qui sont en abondance dans ces sortes de corps.

Ferrari a voulu démontrer, dans une savante dissertation, que ce qu’on débitait sur ces lampes éternelles n’était appuyé que sur des contes et des histoires fabuleuses[189].

Lampon, devin d’Athènes. On apporta un jour à Périclès, de sa maison de campagne, un bélier qui n’avait qu’une corne très-forte au milieu du front ; sur quoi Lampon pronostiqua (ce que tout le monde prévoyait) que la puissance, jusqu’alors partagée en deux factions, celle de Thucydide et celle de Périclès, se réunirait dans la personne de celui chez qui ce prodige était arrivé.

Lamproies, poissons auxquels on a donné neuf yeux ; mais on a reconnu que c’était une erreur populaire, fondée sur ce que les lamproies ont sur le côté de la tête des cavités, qui n’ont aucune communication avec le cerveau[190].

Lancinet. Les rois de France ont de temps immémorial revendiqué l’honneur de guérir les écrouelles. Le premier qui fut guéri fut un chevalier nommé Lancinet. Voici comment le fait est conté :

« Il était un chevalier nommé Lancinet, de l’avis duquel le roi Clovis se servait ordinairement lorsqu’il était question de faire la guerre à ses ennemis. Étant affligé de cette maladie des écrouelles, et s’étant voulu servir de la recette dont parle Cornélius Celsus, qui dit que les écrouelles se guérissent si l’on mange un serpent, l’ayant essayée par deux fois, et ce remède ne lui ayant point réussi, un jour, comme le roi Clovis sommeillait, il lui fut avis qu’il touchait doucement le cou à Lancinet, et qu’au même instant ledit Lancinet se trouvait guéri sans que même il parût aucune cicatrice.

» Le roi, s’étant levé plus joyeux qu’à l’ordinaire, tout aussitôt qu’il lit jour, manda Lancinet et essaya de le guérir en le touchant, ce qui fut fait ; et toujours depuis, cette vertu et faculté a été comme héréditaire aux rois de France, et s’est transmise à leur postérité[191]. »

Voilà, sans contredit, un prodige ; mais on représentera que personne ne se nommait Lancinet du temps de Clovis ; que ni Clovis, ni Clotaire, ni le roi Dagobert, ni aucun des Mérovingiens ne se vantaient de guérir les humeurs froides ; que ce secret fut également inconnu aux Carlovingiens, et qu’il faut descendre aux Capétiens pour en trouver l’origine[192].

Landat ou Landalde (Catherine), paysanne des frontières de l’Espagne. Deîancre dit qu’interrogée sur ses voyages au sabbat, elle déclara qu’elle n’avait pas besoin de dormir pour s’y rendre ; que dès qu’elle s’asseyait près de son feu, si elle sentait un grand désir d’aller au sabbat, elle s’y trouvait aussitôt transportée. Cette femme avait trente ans.

Landela, magicienne. Voy. Harppe.

Langeac, ministre de France, qui employait beaucoup d’espions, et qui fut souvent accusé de communiquer avec le diable[193].

Langue. On lit dans Diodore de Sicile que les anciens peuples de la Taprobane avaient une langue double, fendue jusqu’à la racine, ce qui animait singulièrement leur conversation et leur facilitait le plaisir de parler à deux personnes en même temps[194]. Mahomet vit dans son paradis des anges bien plus merveilleux ; car ils avaient chacun soixante-dix mille têtes, à chaque tête soixan te-dix mille bouches, et dans chaque bouche soixante-dix mille langues qui parlaient chacune soixante-dix mille idiomes différents.

Les sorcières prétendaient avoir le don de parler toutes les langues : ce qui ne s’est pas vérifié, sinon dans quelques possédées.

Langue primitive. On a cru autrefois que si on abandonnait des enfants à la nature, ils apprendraient d’eux-mêmes la langue primitive, c’est-à-dire celle que parlait Adam, que l’on croit être l’hébreu. Mais malheureusement l’expérience a prouvé que cette assertion n’était qu’une erreur populaire[195]. Les enfants élevés par des chèvres parlent l’idiome des boucs, et il est impossible d’établir que le langage n’a pas été révélé.

Languet, curé de Saint-Sulpice, qui avait un l aient tout particulier pour l’expulsion de certains esprits malins. Quand on lui amenait une de ces prétendues possédées que les convulsion naires ont produites, et qui ont donné matière à tant de scandales, il accourait avec un grand bénitier plein d’eau commune, qu’il lui versait sur la tête en disant : « Je t’adjure de te rendre tout à l’heure à la Salpêtrière, sans quoi je t’y ferai conduire à l’instant. » La possédée ne reparaissait plus.

Lanthila, nom que les habitants des Moluques donnent à un être supérieur qui commande à tous les Nétos ou génies malfaisants.

Lapalud. Voy. Palud.

Lapons. Les Lapons se distinguent un peu des autres peuples : la hauteur des plus grands n’excède pas un mètre et demi ; ils ont la tête grosse, le visage plat, le nez écrasé, les yeux petits, la bouche large, une barbe épaisse qui’leur pend sur l’estomac. Leur habit d’hiver est une peau de renne, taillée comme un sac, descendant sur les genoux, et rehaussée sur les hanches d’une ceinture ornée de plaques d’argent ; ce qui a donné lieu à plusieurs historiens de dire qu’il y avait des hommes vers le Nord velus comme des bêtes, et qui ne se servaient point d’autres habits que ceux que la nature leur avait donnés.

On dit qu’il y a chez eux une école de magie où les pères envoient leurs enfants, persuadés que la magie leur est nécessaire pour éviter les embûches de leurs ennemis, qui sont eux-mêmes grands magiciens. Ils font passer les démons familiers dont ils se servent en héritage à leurs enfants, afin qu’ils les emploient à surmonter les démons des autres familles qui leur sont contraires. Ils se servent souvent d’un tambour pour les opérations de leur magie. Quand ils ont envie d’apprendre ce qui se passe en pays étranger, un d’entre eux bat le tambour, mettant dessus, à l’endroit où l’image du soleil est dessinée, des anneaux de laiton attachés ensemble par une chaîne de même métal. Il frappe sur ce tambour avec un marteau fourchu fait d’un os, de telle sorte que ces anneaux se remuent. Le curieux chante en même temps d’une voix distincte une chanson que les Lapons nomment jonk ; tous ceux qui sont présents, hommes et femmes, y ajoutent chacun son couplet, exprimant de temps en temps le nom du lieu dont ils désirent savoir quelque chose. Le Lapon qui frappe le tambour le met ensuite sur sa tête d’une certaine façon et tombe aussitôt par terre, où il ne donne plus signe de vie ; les assistants continuent de chanter jusqu’à ce qu’il soit revenu à lui, car si on cesse de chanter, l’homme meurt, disent-ils, ce qui lui arrive également si quelqu’un essaye de l’éveiller en le touchant de la main ou du pied. On éloigne même de lui les mouches et les autres animaux. Quand il reprend ses sens de lui-même, il répond aux questions qu’on lui fait sur le lieu où il a été envoyé. Quelquefois il ne se réveille qu’au bout de vingt-quatre heures, selon que le chemin qu’il lui a fallu parcourir a été long ou court. Pour ne laisser aucun doute sur la vérité de ce qu’il raconte, il se vante d’avoir rapporté du pays où il a été la marque qu’on lui a demandée, comme un couteau, un anneau, un soulier ou quelque autre chose. Les Lapons se servent aussi du même tambour pour savoir la cause d’une maladie, ou pour faire perdre la vie ou la santé à leurs ennemis.

Lapons
Lapons
Lapons

Parmi ces peuples, certains magiciens ont une espèce de gibecière de cuir, dans laquelle ils tiennent des mouches magiques ou des démons, qu’ils lâchent de temps en temps contre leurs ennemis, ou contre le bétail, ou simplement pour exciter des tempêtes et faire lever des vents orageux. Ils ont aussi une sorte de dard qu’ils jettent en l’air, et qui, dans leur opinion, cause la mort à tout ce qu’il rencontre. Ils se servent, pour ce même effet, d’une pelote nommée tyre, de la grosseur d’une noix, fort légère, presque ronde, qu’ils envoient contre leurs ennemis pour les faire périr ; si par malheur cette pelote rencontre en chemin quelque autre personne ou. quelque animal, elle ne manque pas de leur causer la mort[196]. Voy. Finnes, Tyre, etc.

Lares. Les lares étaient, chez les anciens, des démons ou des génies gardiens du foyer. Cicéron, traduisant le Timêe de Platon, appelle lares ce que Platon nomme démons. Festus les appelle dieux ou démons inférieurs, gardiens des toits et des maisons. Apulée dit que les lares n’étaient autre chose que les âmes de ceux qui avaient bien vécu et bien rempli leur carrière. Au contraire, ceux qui avaient mal vécu erraient vagabonds et épouvantaient les hommes. Selon Servius, le culte des dieux lares est venu de ce qu’on avait coutume autrefois d’enterrer les corps dans les maisons, ce qui donna occasion au peuple crédule de s’imaginer que leurs âmes y demeuraient aussi, comme des génies secourables et propices, et de les honorer en cette qualité.

La coutume s’étant introduite plus tard d’inhumer les morts sur les grands chemins, on en prit occasion de les regarder comme les dieux des chemins. C’était le sentiment des platoniciens, qui des âmes des bons faisaient des lares, et les lémures des âmes des méchants. On plaçait les statuettes des lares dans un oratoire que l’on avait soin de tenir proprement. Cependant quelquefois on perdait le respect à leur égard, comme à la mort de quelques personnes chères ; on les accusait de n’avoir pas bien veillé à leur conservation, et de s’être laissé surprendre par les esprits malfaisants. Caligula fit jeter les siens par la fenêtre, parce que, disait-il, il était mécontent de leurs services.

Quand les jeunes garçons étaient devenus assez grands pour quitter les bulles qu’on ne portait que dans la première jeunesse, ils les pendaient au cou des dieux lares. Les esclaves y pendaient aussi leurs chaînes, lorsqu’ils recevaient la liberté.

Larmes. Les femmes accusées de sorcellerie étaient regardées comme véritablement sorcières lorsqu’elles voulaient pleurer et qu’elles ne le pouvaient. Une sorcière dont parle Boguet dans son Premier avis ne put jeter aucune larme, bien qu’elle se fût plusieurs fois efforcée devant son juge : (< Car il a été reconnu par expérience que les sorciers ne jettent point de larmes : ce qui a donné occasion à Spranger, Grilland et Bodin de dire que l’une des plus fortes présomptions que l’on puisse élever contre le sorcier est qu’il ne larmoie point[197]. »

Larrivey (Pierre), poëte dramatique du seizième siècle, né à Troyes en 1596. Il s’est fait connaître par un Almanach avec grandes prédictions, le tout diligemment calculé, qu’il publia de 1618 à 1647. Il précéda ainsi Matthieu Lænsbergh. Il ne mangeait point de poisson, parce que, selon son horoscope, il devait mourir étranglé par une arête, prédiction qui ne fut pas accomplie. Les almanachs qui continuent de porter son nom sont encore très-estimés dans le midi de la France, comme ceux de Matthieu Lænsbergh dans le Nord.

Larves, âmes des méchants que l’on dit errer çà et là pour épouvanter les vivants ; on les confond souvent avec les lémures, mais les larves ont quelque chose de plus effrayant.

Lorsque Caligula fut assassiné, on dit que son palais devint inhabitable, à cause des larves qui l’occupaient, jusqu’à ce qu’on lui eut décerné une pompe funèbre.

Launoy (Jean), célèbre docteur de Sorbonne, né le 21 décembre 1603 à Valdéric, diocèse de Coutances. Il a laissé une dissertation pédantesque sur la vision de saint Simon Stock, qu’il n’a pas su comprendre, étant un peu trop janséniste. Un volume in-8o ; 1653 et 1663.

Laurier, arbre qu’Apulée met au rang des plantes qui préservent les hommes des esprits malins. On croyait aussi chez les anciens qu’il garantissait de la foudre.

Lauthu, magicien tunquinois, qui prétendait avoir été porté soixante-dix ans dans le sein de sa mère. Ses disciples le regardaient comme le créateur de toutes choses. Sa morale est trèsrelâchée ; c’est celle que suit le peuple, tandis que la cour suit celle de Confucius.

Lavater (Louis), théologien protestant, né à Kibourg en 1527, auteur d’un traité sur les spectres, les lémures[198], etc. ; Zurich, 1570, in-12, plusieurs fois réimprimé.

Lavater (Jean-Gaspard), né à Zurich en 1741,


mort en 1801, auteur célèbre de l’Art de juger les hommes par la physionomie. Voy. Physiognomonie.

Lavisari. Cardan écrit qu’un Italien nommé Lavisari, conseiller et secrétaire d’un prince, se trouvant une nuit seul dans un sentier, le long d’une rivière, et ne sachant où était le gué pour la passer, poussa un cri dans l’espoir d’être entendu des environs. Son cri ayant été répété par une voix de l’autre côté de l’eau, il se persuada que quelqu’un lui répondait, et demanda : — Dois-je passer ici ? — La voix lui répondit : — Ici.

Il vit alors qu’il était sur le bord d’un gouffre où l’eau se jetait en tournoyant. Épouvanté du danger que ce gouffre lui présentait, il s’écrie encore une fois : — Faut-il que je passe ici ? — La voix lui répondit : — Passe ici. — Il n’osa s’y hasarder, et, prenant l’écho pour le diable, il crut qu’il voulait le faire périr et retourna sur ses pas[199].

Layra, nom d’une maladie que donnaient les sorciers dans une pomme ou dans un autre aliment, et qui produisait le besoin indomptable d’aboyer. Delancre en a eu les preuves. Les mêmes coquins infusaient aussi par le même procédé de violentes épilepsies.

Lazare, tzar des Serviens dans leurs temps héroïques. On lit sur ce prince, dans les chants populaires des Serviens, de singulières légendes.

Leur grand cycle poétique, c’est l’ère fatale de la conquête, c’est la bataille de Kossowo, où périt le roi Lazare, trahi par son gendre Wuk et par ses douze mille guerriers. À cette bataille, le poëte fait intervenir le prophète Élio, qui annonce au roi la volonté de Dieu et l’avertit qu’il est temps de choisir entre le royaume du ciel et celui de la terre. Lazare mande le patriarche de Servie et les douze grands archevêques, pour qu’ils donnent la sainte communion à ses braves, et que purifiés ils se préparent à la mort… Au moment où les troupes défilent en bon ordre, la tzarine Militza demande à son noble époux qu’au moins un de ses frères reste avec elle dans la forteresse de Kruschwatz. Ils refusent tous. Golabun, le serviteur, reste seul. Dès que l’aube du matin paraît, deux corbeaux messagers arrivent auprès de la tzarine qui se trouble ; puis le guerrier Milutine, couvert de dix-sept blessures et portant sa main gauche dans sa droite, vient lui conter comment l’illustre tzar, son époux, est tombé, comment est tombé le vieux lug, son père, comment sont tombés les neuf Iugowitz[200], et comment est tombé Milosch le waiwode.

« On n’avait pu retrouver sur la sanglante plaine la tête de Lazare. Un jeune Turc, né d’une Servienne, l’avait jetée dans une source d’eau vive ; elle y resta quarante ans, et elle brillait comme la lune sur l’eau. Tirée de là enfin et déposée sur le gazon, elle alla rejoindre son corps, qui fut déposé par les douze grands archevêques dans le beau monastère de Rawanitza en Macédoine, « fondé par Lazare de son propre argent, sans qu’il en coûtât un para ou une larme à son pauvre peuple[201] ».

Lazare (Denys), prince de Servie, qui vivait en l’année de l’hégire 788. Il est auteur d’un ouvrage intitulé les Songes, publié en 1686 ; 1 vol. in-8o. Il prétend avoir eu des visions nocturnes dans les royaumes de Stéphan, de Mélisch et de Prague.

Leaupartie, seigneur normand d’un esprit épais, qui fit paraître en 1735 un mémoire pour établir la possession et l’obsession de ses enfants et de quelques autres filles qui avaient copié les extravagances de ces jeunes demoiselles. — Il envoya à la Sorbonne et à la faculté de médecine de Paris des observations pour savoir si l’état des possédées pouvait s’expliquer naturellement. Il exposa que les possédées entendaient le latin ; qu’elles étaient malicieuses ; qu’elles parlaient en hérétiques ; qu’elles n’aimaient pas le son des cloches ; qu’elles aboyaient comme des chiennes ; que l’aboiement de l’une d’elles ressemblait à celui d’un dogue ; que leur servante Anne Néel, quoique fortement liée, s’était dégagée pour se jeter dans le puits : ce qu’elle ne put exécuter, parce qu’une personne la suivait ; mais que, pour échapper à cette poursuite, elle s’élança contre une porte fermée et passa au travers, etc. — Le bruit s’étant répandu que les demoiselles de Leaupartie étaient possédées, un curé nommé Heurtin, faible ou intrigant, s’empara de l’affaire, causa du scandale, fit des extravagances. Mgr de Luynes, évêque de Bayeux, le fit renfermer dans un séminaire ; et les demoiselles, ayant été placées dans des communautés religieuses, se trouvèrent immédiatement paisibles.

Lebrun (Charles), célèbre peintre, né à Paris en 1619, mort en 1690. On lui doit un Traité sur la physionomie humaine comparée avec celle des animaux, 1 vol. in-folio.

Lebrun (Pierre), oratorien, né à Brignolles en 1661, mort en 1729. On a de lui : 1o Lettres qui découvrent l’illusion des philosophes sur la baguette, et qui détruisent leurs systèmes, 1693, in-12 ; 2o Histoire critique des pratiques superstitieuses qui ont séduit les peuples et embarrassé les savants, 1702, 3 vol. in-12, avec un supplément, 1737, in-12.

Nous avons occasion de le citer souvent.

Lécanomancie, divination par le moyen de l’eau. On écrivait des paroles magiques sur des lames de cuivre, qu’on mettait dans un vase plein d’eau, et une vierge qui regardait dans cette eau y voyait ce qu’on voulait savoir, ou ce qu’elle voulait y voir. Ou bien on remplissait d’eau un vase d’argent pendant un « beau clair de lune ; ensuite on réfléchissait la lumière d’une chandelle dans le vase avec la lame d’un couteau, et l’on y voyait ce qu’on cherchait à connaître. — C’est encore par la lécanomancie que chez les anciens on mettait dans un bassin plein d’eau des pierres précieuses et des lames d’or et d’argent, gravées de certains caractères, dont on faisait offrande aux démons. Après les avoir conjurés par certaines paroles, on leur proposait la question à laquelle on désirait une réponse. Alors il sortait du fond de l’eau une voix basse, semblable à un sifflement de serpent, qui donnait la solution désirée. Glycas rapporte que Nectanébus, roi d’Égypte, connut par ce moyen qu’il serait détrôné ; et Delrio ajoute que de son temps cette divination était encore en vogue parmi les Turcs. Elle était anciennement familière aux Chaldéens, aux Assyriens et aux Égyptiens. Vigenère dit qu’on jetait aussi du plomb fondu tout bouillant dans un bassin plein d’eau ; et par les figures qui s’en formaient on avait réponse à ce qu’on demandait[202].

Lecanu (M. l’abbé), du clergé de Paris, auteur d’un livre intitulé « Histoire de Satan, sa chute, son culte, ses manifestations, ses œuvres, la guerre qu’il fait à Dieu et aux hommes ; magie, possessions, illuminisme, magnétisme, esprits frappeurs, spirites, etc. » In-8o, Paris, 1862.

Léchies, démons des bois, espèces de satyres chez les Russes, qui leur donnent un corps humain, depuis la partie supérieure jusqu’à la ceinture, avec des cornes, des oreilles, une barbe de chèvre ; et, de la ceinture en bas, des formes de bouc. Quand ils marchent dans les champs, ils se rapetissent au niveau des herbages ; mais lorsqu’ils courent dans les forêts, ils égalent en hauteurs les arbres les plus élevés. Leurs cris sont effroyables. Ils errent sans cesse autour des promeneurs, empruntent une voix qui leur est connue, et les égarent vers leurs cavernes, où ils prennent plaisir à les chatouiller jusqu’à la mort.

Lechies.


Lecoq, sorcier qui fut exécuté à Saumur, au seizième siècle, pour avoir composé des vénéfices et poisons contre les enfants. Le bruit courait dans ce temps-là que lui et d’autres sorciers ayant jeté leurs sorts diaboliques sur les lits de plume, il devait s’y engendrer certains serpents qui piqueraient et tueraient les bonnes gens endormis ; si bien qu’on n’osait plus se coucher. On attrapa Lecoq et on le brûla, après quoi on alla dormir[203], ce que vous pouvez faire aussi.

Ledoux (Mademoiselle), tireuse de cartes, dont on fit le procès à Paris le 14 juillet 1818. Elle fut condamnée à deux ans d’emprisonnement et à douze francs d’amende, pour avoir prescrit à une jeune demoiselle d’aller la nuit en pèlerinage au Calvaire du mont Valérien, près Paris, et d’y porter quatre queues de morue enveloppées dans quatre morceaux d’un drap coupé en quatre, afin de détacher, par ce moyen cabalistique, le cœur d’un jeune homme riche, de neuf veuves et demoiselles qui le poursuivaient en mariage[204].

Legendre (Gilbert-Charles), marquis de Saint-Aubin-sur-Loire, né à Paris en 1688, mort en 1746. On a de lui un Traité de l’opinion, ou Mémoires pour servir à l’histoire de l’esprit humain, Paris, 1733, 6 vol. in-12 ; ouvrage dont M. Salgues a tiré très-grand parti pour son livre des Erreurs et des préjugés répandus dans la société.

Légions. Il y a aux enfers six mille six cent soixante-six légions de démons. Chaque légion de l’enfer se compose de six mille six cent soixante-six diables, ce qui porte le nombre de tous ces démons à quarante-quatre millions quatre cent trente-cinq mille cinq cent cinquante-six, à la tête desquels se trouvent soixante-douze chefs, selon le calcul de Wierus. Mais d’autres doctes mieux informés élèvent bien plus haut le nombre des démons.

Leleu (Augustin), contrôleur des droits du duc de Chaulnes sur la chaîne de Piquigny, qui demeurait à Amiens, rue de l’Aventure, et dont la maison fut infestée de démons pendant quatorze ans. Après s’être plaint, il avait obtenu qu’on fît la bénédiction des chambres infestées ; ce qui força les diables à détaler[205].

Leloyer. Voy. Loyer(le).

Lemia, sorcière d’Athènes, qui fut punie du dernier supplice, au rapport de Démosthène, pour avoir enchanté, charmé et fait périr le bétail ; car dans cette république on avait établi une chambre de justice pour poursuivre les sorciers[206].

Lemnus ou Lemmens (Liévin), né en 1505 à Ziriczée en Zélande, médecin et théologien, publia un livre sur ce qu’il y a de vrai et de faux en astrologie, et un autre sur les merveilles occultes de la nature[207].

Lémures, génies malfaisants ou âmes des morts damnés qui ( selon les croyances superstitieuses) reviennent tourmenter les vivants, et dans la classe desquels il faut mettre les vampires. On prétend que le nom de Lémure est une corruption de Rémure, qui vient à son tour du nom de Rémus, tué par Romulus, fondateur de Rome ; car après sa mort les esprits malfaisants se répandirent dans Rome[208]. Voy. Lares, Larves, Spectres, Vampires, etc.

Lenglet-Dufresnoy (Nicolas), né à Beauvais en 1674 et mort en 1755. On lui doit :1° une Histoire de la philosophie hermétique, accompagnée d’un catalogue raisonné des écrivains de cette science, avec le véritable Philalète, revu sur les originaux, 1742, 3 vol. in-12 ; 2° un Traité historique et dogmatique sur les apparitions, visions et révélations particulières, avec des observations sur les dissertations du R. P. dom Calmet sur les apparitions et les revenants, 1751, 2 vol. in-12 ; 3° un Recueil de dissertations anciennes et nouvelles sur les apparitions, les visions et les songes, avec une préface historique et un catalogue des auteurs qui ont écrit sur les esprits, les visions, les apparitions, les songes et les sortilèges ; 1752, k vol. in-12.

Nous avons puisé fréquemment dans ces ouvrages.

Lenormand (Mademoiselle), femme qui, sous l’Empire et la Restauration, exerçait à Paris le métier de sibylle. Elle prenait le nom de sibylle du faubourg Saint-Germain, tirait les cartes et disait la bonne aventure par le marc de café. On prétend qu’elle était un des organes de la police. Elle a laissé des mémoires et des souvenirs sibyllins. Morte en 1843. Ce qui est curieux, c’est que, de notre temps, les grandes dames allaient la consulter.

Le Normant (Martin), astrologue qui fut apprécié par le roi Jean, auquel il prédit la victoire qu’il gagna contre les Flamands[209].

Léon III, élu pape en 795. On a eu l’effronterie de lui attribuer un recueil de platitudes, embrouillées dans des figures et des mots

inintelligibles, composé par un visionnaire plus de trois cents ans après lui, sous le titre d’Enchiridion Leonis papœ[210]. On a ajouté qu’il avait envoyé ce livre à Charlemagne. Voici le titre exact de ce ridicule fatras : Enchiridion du pape Léon, donné comme un présent précieux au sérénissime empereur Charlemagne, récemment purgé de toutes ses fautes. Rome, 1670, in-12 long, avec un cercle coupé d’un triangle pour vignette, et à l’entour ces mots en légende : Formation, réformation, transformation. Après un avis aux sages cabalistes, le livre commence par l’Évangile de saint Jean, que suivent les secrets et oraisons pour conjurer le diable. Voy. Conjurations, etc.

Léonard, démon des premiers ordres, grand maître des sabbats, chef des démons subalternes, inspecteur général de la sorcellerie, de la magie noire et des sorciers. On l’appelle souvent le


Grand Nègre. Il préside au sabbat sous la figure d’un bouc de haute taille ; il a trois cornes sur la tête, deux oreilles de renard, les cheveux hérissés, les yeux ronds, enflammés et fort ouverts, une barbe de chèvre et un visage au derrière. Les sorciers l’adorent en lui baisant ce visage inférieur avec une chandelle verte à la main. Quelquefois il ressemble à un lévrier ou à un bœuf, ou à un grand oiseau noir, ou a un tronc d’arbre surmonté d’un visage ténébreux. Ses pieds, quand il en porte au sabbat, sont toujours des pattes d’oie. Cependant, les experts qui ont vu le diable au sabbat observent qu’il n’a pas de pieds quand il prend la forme d’un trône d’arbre et dans d’autres circonstances extraordinaires. Léonard est taciturne et mélancolique ; mais dans toutes les assemblées de sorciers et de diables où il est obligé de figurer, il se montre avantageusement et déploie une gravité superbe[211].

Léopold, fils naturel de l’empereur Rodolphe II. Il embrassa la magie et étudia les arts du diable, qui lui apparut plus d’une fois. Il arriva que son frère Frédéric fut pris en bataille en combattant contre Louis de Bavière. Léopold, voulant lui envoyer un magicien pour le délivrer de la prison de Louis sans payer rançon, s’enferma avec ce magicien dans une chambre, en conjurant et appelant le diable, qui se présenta à eux sous forme et costume d’un messager de pied, ayant ses souliers usés et rompus, le chaperon en tête ; quant au visage, il avait les yeux chassieux. Il leur promit, sans que le magicien inintelligibles se dérangeât, de tirer Frédéric d’embarras, pourvu qu’il y consentît. Il se transporta de suite dans la prison, changea d’habit et de forme, prit celle d’un écolier, avec une nappe autour du cou, et invita Frédéric à entrer dans la nappe, ce qu’il refusa en faisant le signe de la croix. Le diable s’en retourna confus chez Léopold, qui ne le quitta point pour cela ; car pendant la maladie à la suite de laquelle il mourut, s’étant levé un jour sur son séant, il commanda à son magicien, qu’il tenait à gages, d’appeler le diable, lequel se montra sous la forme d’un homme noir et hideux ; Léopold ne l’eut pas plutôt vu qu’il dit : C’est assez ; et il demanda qu’on le recouchât dans son lit, où il trépassa[212]

Lépapa, rocher mystique. Voy. Eatuas.

Lépréchan. C’est le nom qu’on donne au cluricaune dans quelques comtés de l’Irlande. Voyez Cluricaune.

Leriche (M. l’abbé), prêtre du diocèse de Poitiers, auteur d’un savant livre intitulé Études sur les possessions en général et sur la possession de Loudun en particulier, précédées d’une lettre du P. Ventura. 1 vol. in-12, 1859. Dans cet ouvrage, parfaitement écrit et solidement appuyé de preuves, l’auteur a mis au néant tous les mensonges du calviniste Saint-Aubin.

Leroux de Lincy, auteur vivant de travaux curieux intitulés Le Livre des légendes, 1836.

Lesage. Voy. Luxembourg.

Lescorière (Marie), vieille sorcière arrêtée au seizième siècle à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Elle répondit dans son interrogatoire qu’elle passait pour sorcière sans l’être ; qu’elle croyait en Dieu, l’avait prié journellement, et avait quitté le diable depuis longtemps ; qu’il y avait quarante ans qu’elle n’avait été au sabbat. Interrogée sur le sabbat, elle dit qu’elle avait vu le diable en forme d’homme et de bouc, qu’elle lui avait cédé les galons dont elle liait ses cheveux, que le diable les lui avait payés un écu qu’elle avait mis dans sa bourse ; qu’il lui avait surtout recommandé de ne pas prier Dieu, de nuire aux gens de bien, et qu’il lui avait remis pour cela de la poudre dans une boîte ; qu’il était venu la trouver en forme de chat, et que, parce qu’elle avait cessé d’aller au sabbat, il l’avait meurtrie à coups de pierres ; que quand elle appelait le diable, il venait à elle en figure de chien pendant le jour et en figure de chat pendant la nuit ; qu’une fois elle l’avait prié de faire mourir une voisine, ce qu’il avait fait ; qu’une autre fois, passant par un village, les chiens l’avaient suivie et mordue ; que dans l’instant elle avait appelé le diable, qui les avait tués. Elle dit aussi qu’il ne se faisait autre chose au sabbat sinon honneur au diable, qui promettait ce qu’on lui demandait ; qu’on lui faisait offrande en le baisant au derrière ayant chacun une chandelle à la main[213].

Lescot, devin de Parme, qui disait indifféremment à tout homme qui en voulait faire l’essai : a Pensez ce que vous voudrez, et je devinerai ce que vous pensez, » parce qu’il était servi par un démon[214].

Lespèce, Italien qui fut avalé pendant le séjour de la flotte française au port de Zante, sous le règne de Louis XII. Il était dans le brigantin de François de Grammont. Un jour, après avoir bien bu, il se mit à jouer aux dés et perdit tout son argent. Il maugréa Dieu, les saints, la bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu, et invoqua le diable à son aide. La nuit venue, comme l’impie commençait à ronfler, un gros et horrible monstre, aux yeux étincelants, approcha du brigantin. Quelques matelots prirent cette bête pour un monstre marin et voulurent l’éloigner ; mais elle aborda le navire et alla droit à l’hérétique, qui fuyait de tous côtés. Dans sa fuite, il trébucha et tomba dans la gueule de cet horrible serpent[215].

Léthé, fleuve qui arrosait une partie du Tartare et allait jusqu’à l’Élisée. Ses ondes faisaient oublier aux ombres, forcées d’en boire, les plaisirs et les peines de la vie qu’elles avaient quittée. On surnommait le Léthé le fleuve d’Huile, parce que son cours était paisible, et par la même raison Lucain l’appelle deus tacitus, dieu silencieux, car il ne faisait entendre aucun murmure. Les âmes des méchants, après avoir expié leurs | crimes par de longs tourments, venaient aux bords du Léthé perdre le souvenir de leurs maux et puiser une nouvelle vie. Sur ses rives, comme sur celles du Cocyte, on voyait une porte qui communiquait au Tartare[216].

Lettres de l’alphabet. Leur mystère. Voyez Marc l’hérétique.

Lettres infernales, ou Lettres des campagnes, publiées en 1734. Ce n’est qu’une satire contre les fermiers généraux.

Lettres sur les diverses apparitions d’un bénédictin de Toulouse, in-4o, 1679. Ces apparitions étaient, dit-on, des supercheries de quelques novices de la congrégation de Saint-Maur, qui voulaient tromper leurs supérieurs. On les fit sortir de l’ordre.

Leuce-Carin, hérétique du second siècle, auteur apocryphe d’un livre intitulé Voyages des apôtres. Il y conte des absurdités.

Leucophylle, plante fabuleuse qui, selon les anciens, croissait dans le Phase, fleuve de la Colchide. On lui attribuait la vertu d’empêcher les infidélités ; mais il fallait la cueillir avec de certaines précautions, et on ne la trouvait qu’au point du jour, vers le commencement du printemps, lorsqu’on célébrait les mystères d’Hécate.

Lévi de Moravie, rabbin juif, réputé grand magicien au xvie siècle.

Léviathan, grand amiral de l’enfer, selon les démonomanes. Wierus l’appelle le grand menteur. Il s’est mêlé de posséder, de tous temps, les gens qui courent le monde. Il leur apprend à mentir et à en imposer. Il est tenace, ferme à son poste et difficile à exorciser. On donne aussi le nom de Léviathan à un poisson immense que les rabbins disent destiné au repas du Messie. Ce poisson est si monstrueux qu’il en avale d’un coup un autre, lequel, pour être moins grand que lui, ne laisse pas d’avoir trois lieues de long. Toute la masse des eaux est portée sur Léviathan. Dieu, au commencement, en créa deux, l’un mâle et l’autre femelle ; mais de peur qu’ils ne renversassent la terre et qu’ils ne remplissent l’univers de leurs semblables, Dieu, disent encore les rabbins, tua la femelle et la sala pour le repas du Messie qui doit venir. Eh hébreu, Léviathan veut dire monstre des eaux. Il paraît que c’est le nom de la baleine dans le livre de Job, chap. lxi. Samuel Bochard croit que c’est aussi le nom du crocodile. Voy. Kraken.

Lewis (Matthieu-Grégoire), auteur de romans et de pièces de théâtre, né en 1773 et mort en 1818. On a de lui le Moine, 1795, 3 vol. in-12, production effroyable et dangereuse, qui fit plus de bruit qu’elle ne mérite ; le Spectre du château, opéra ou drame en musique, etc.

Lézards. Les Kamtschadales en ont une crainte superstitieuse. Ce sont, disent-ils, les espions de Gaeth (dieu des morts) qui viennent leur prédire la fin de leurs jours. Si on les attrape, on les coupe en petits morceaux pour qu’ils n’aillent rien dire au dieu des morts. Si un lézard échappe, l’homme qui l’a vu tombe dans la tristesse et meurt quelquefois de la peur qu’il a de mourir.

Les nègres qui habitent les deux bords du Sénégal ne veulent pas souffrir, au contraire, qu’on tue les lézards autour de leurs maisons. Ils sont persuadés que ce sont les âmes de leurs pères, de leurs mères et de leurs proches parents qui viennent faire le folgar, c’est-à-dire se réjouir avec eux[217].

Libanius, magicien né en Asie, qui, pendant le siège de Ravenne par Constance, employait des moyens magiques pour vaincre les ennemis[218].

Libanomancie, divination qui se faisait par le moyen de l’encens. Voici, selon Dion Cassius, les cérémonies que les anciens pratiquaient dans la libanomancie. On prend, dit-il, de l’encens, et, après avoir fait des prières relatives aux choses que l’on demande, on jette cet encens dans le feu, afin que sa fumée porte les prières jusqu’au ciel. Si ce qu’on souhaite doit arriver, l’encens s’allume sur-le-champ, quand même il serait tombé hors du feu ; le feu semble l’aller chercher pour le consumer. Mais si les vœux qu’on a formés ne doivent pas être remplis, ou l’encens ne tombe pas dans le feu, ou le feu s’en éloigne et ne le consume pas. Cet oracle, ajoutet-il, prédit tout, excepté ce qui regarde la mort et le mariage.

Libertins, fanatiques qui s’élevèrent en Flandre au milieu du seizième siècle et qui se répandirent en France, où ils eurent pour chef un tailleur picard nommé Quintin. Ils professaient exactement le panthéisme des philosophes de nos jours ; et les rêveurs allemands les copient. Ils regardaient le paradis et l’enfer comme des illusions et se livraient à leurs sens. Le nom quïls se donnaient, comme affranchis, est devenu une injure.

Libres penseurs, personnages qui se posent de nos jours en esprits forts et qui ont toutes les doctrines des hérétiques dont on vient de parler.

Licorne. On croyait chez nos pères que la corne de licorne préservait des sortilèges. Les licornes du cap de Bonne-Espérance sont décrites avec des têtes de cheval, d’autres avec des têtes de cerf. On dit que le puits du palais de Saint-Marc ne peut être empoisonné, parce qu’on y a jeté des cornes de licornes. On est d’ailleurs indécis sur ce qui concerne ces animaux, dont la race semble perdue, quoique, dit-on, elle existe encore en Chine. Voy. Cornes.

Lierre. Nous ne savons pourquoi les Flamands appellent le lierre fil du diable (Duivels-Naaigaren).

Lieder (Madeleine), femme de Lewenburg en Saxe, qui fut possédée en 1605, avec des crises singulières. Quelquefois son démon l’enroulait comme une pelote, de sorte que sa tête touchait ses genoux ; et, dans cette situation, elle était lancée en l’air. D’autres fois sa taille grandissait au point que sa tête touchait le plafond. D’autres

{br0}}fois ses yeux sortaient de sa tête gros comme des œufs de poule, ou sa langue pendait noire et longue d’un pied hors de sa bouche[219]. On l’exorcisa, et le démon qui la possédait dit, par sa bouche, que ses meilleurs amis étaient Judas, Hérode, Pilate et Faust.

Lièvre. On raconte des choses merveilleuses du lièvre. Évax et Aaron disent que si l’on joint ses pieds avec la tête d’un merle, ils rendront l’homme qui les portera si hardi qu’il ne craindra pas même la mort. Celui qui se les attachera au bras ira partout où il voudra, et s’en retournera sans danger. — Si on en fait manger à un chien, avec le cœur d’une belette, il est sûr qu’il n’obéira jamais, quand même on le tuerait[220].

Si des vieillards aperçoivent un lièvre traversant un chemin, ils ne manquent guère d’en

augurer quelque mal. Ce n’est pourtant, au fond, qu’une menace des anciens augures exprimée en ces termes : Inauspicatum dat iter oblahis lepus. Cette idée n’avait apparemment d’autre fondement, si ce n’est que nous devons craindre quand un animal timide passe devant nous ; comme un renard, s’il y passe aussi, nous présage quelque imposture. Ces observations superstitieuses étaient défendues aux Juifs. Chez les Grecs modernes, si un lièvre croise le chemin d’une caravane, elle fera halte jusqu’à ce qu’un passant qui ne l’ait pas vu coupe le charme en traversant la même route[221]. — Les Romains croyaient que celui qui mangeait du lièvre pendant sept jours était par là fort embelli ; et on conte qu’Alexandre-Sévère, qui apparemment avait un grain de coquetterie, mangeait du lièvre à tous ses repas.

À l’honneur des lièvres, voy. Sakimouni.

Lièvre (Le Grand). Les Chipouyans, peuplade sauvage qui habite l’intérieur de l’Amérique septentrionale, croient que le Grand Lièvre, nom qu’ils donnent à l’Être suprême, étant porté sur les eaux avec tous les quadrupèdes qui composaient sa cour, forma la terre d’un grain de sable tiré de l’Océan et tira les hommes des corps des animaux. Mais le Grand Tigre, dieu des eaux, s’opposa aux desseins du Grand Lièvre. Voilà, suivant eux, les principes qui se combattent perpétuellement.

Ligature. On donne ce nom à un maléfice spécial, par lequel on liait et on paralysait quelque faculté physique de l’homme ou de la femme. On appelait chevillement le sortilège qui fermait un conduit et empêchait par exemple les déjections naturelles. On appelait embarrer l’empêchement magique qui s’opposait à un mouvement. On appelait plus spécialement ligature le maléfice qui affectait d’impuissance un bras, un pied ou tout autre membre.

Le plus fameux de ces sortilèges est celui qui est appelé dans tous les livres où il s’agit de superstitions, dans le curé Thiers, dans le père Lebrun et dans tous les autres, le nouement de L’aiguillette ou l’aiguillette nouée, désignation honnête d’une chose honteuse. C’est au reste le terme populaire. Cette matière si délicate, que nous aurions voulu pouvoir éviter, tient trop de place dans les abominations superstitieuses pour être passée sous silence.

Les rabbins attribuent à Cham l’invention du nouement de l’aiguillette. Les Grecs connaissaient ce maléfice. Platon conseille à ceux qui se marient de prendre garde à ces charmes ou ligatures qui troublent la paix des ménages[222]. On nouait aussi l’aiguillette chez les Romains ; cet usage passa des magiciens du paganisme aux sorciers modernes. On nouait surtout beaucoup au moyen âge. Plusieurs conciles frappèrent d’anathème les noueurs d’aiguillette ; le cardinal du Perron fit même insérer dans le rituel d’Évreux des prières contre l’aiguillette nouée ; car jamais ce maléfice ne fut plus fréquent qu’au seizième siècle. Le nouement de l’aiguillette devient si commun, dit Pierre Delancre, qu’il n’y a guère d’hommes qui osent se marier, sinon à la dérobée. On se trouve lié sans savoir par qui, et de tant de façons que le plus rusé n’y comprend rien. Tantôt le maléfice est pour l’homme, tantôt pour la femme, ou pour tous les deux. Il dure un jour, un mois, un an. L’un aime et n’est pas aimé ; les époux se mordent, s’égratignent et se repoussent ; ou bien le diable interpose entre eux un fantôme, etc. Le démonologue expose tous.les cas bizarres et embarrassants d’une si fâcheuse circonstance.

Mais l’imagination, frappée de la peur du sortilège, faisait le plus souvent tout le mal. On attribuait aux sorciers les accidents qu’on ne comprenait point, sans se donner la peine d’en chercher la véritable cause. L’impuissance n’était donc généralement occasionnée que par la peur du maléfice, qui frappait les esprits et affaiblissait les organes ; et cet état ne cessait que lorsque la sorcière soupçonnée voulait bien guérir l’imagination du malade en lui disant qu’elle le restituait. Une nouvelle épousée de Niort, dit Bodin[223], accusa sa voisine de l’avoir liée. Le juge fit mettre la voisine au cachot. Au bout de deux jours, elle commença à s’y ennuyer et s’avisa de faire dire aux mariés qu’ils étaient déliés ; et dès lors ils furent déliés. — Les détails de ce désordre sont presque toujours si ignobles qu’on ne peut mettre sous les yeux d’un lecteur honnête cet enchenillement, comme l’appelle Delancre[224].

Les mariages ont rarement lieu en Russie sans quelque frayeur de ce genre. « J’ai vu un jeune homme, dit un voyageur[225], sortir comme un furieux de la chambre de sa femme, s’arracher les cheveux et crier qu’il était ensorcelé. On eut recours au remède employé chez les Russes, qui est de s’adresser à des magiciennes blanches, lesquelles pour un peu d’argent, rompent le charme et dénouent l’aiguillette ; ce qui était la cause de l’état où je vis ce jeune homme. »

Désaccord.

Nomment de l’aiguillette. — Nous croyons devoir rapporter, comme spécimen des bêtises de l’homme, la stupide formule suivante, qu’on lit au chapitre premier des Admirables secrets du Petit Albert :

« Qu’on prenne la verge d’un loup nouvellement tué ; qu’on aille à la porte de celui qu’on veut lier, et qu’on l’appelle par son propre nom. Aussitôt qu’il aura répondu, on liera la verge avec un lacet de fil blanc, et le pauvre homme sera impuissant aussitôt. »

Ce qui est surprenant, c’est que les gens de village croient à de telles formules, qu’ils les emploient, et qu’on laisse vendre publiquement des livres qui les donnent avec de scandaleux détails.

On trouve dans Ovide et dans Virgile les procédés employés par les noueurs d’aiguillette de leur temps. Ils prenaient une petite figure de cire qu’ils entouraient de rubans ou de cordons ; ils prononçaient sur sa tête des conjurations, en serrant les cordons l’un après l’autre ; ils lui enfonçaient ensuite, à la place du foie, des aiguilles ou des clous, et le charme était achevé.

Bodin assure qu’il y a plus de cinquante moyens de nouer l’aiguillette. Le curé Thiers rapporte avec blâme plusieurs de ces sortes de moyens, qui sont encore usités dans les villages.

Contre l’aiguillette nouée. — On prévient ce maléfice en portant un anneau dans lequel est enchâssé l’œil droit d’une belette ; ou en mettant du sel dans sa poche, ou des sous marqués dans ses souliers, lorsqu’on sort du lit ; ou, selon Pline, en frottant de graisse de loup le seuil et les poteaux de la porte qui ferme la chambre à coucher. — Hincmar de Reims conseille avec raison aux époux qui se croient maléliciés du nouement de l’aiguillette la pratique des sacrements comme un remède efficace ; d’autres ordonnaient le jeûne et l’aumône.

Le Petit Albert conseille contre l’aiguillette nouée de manger un pivert rôti avec du sel bénit, ou de respirer la fumée de la dent d’un mort jetée dans un réchaud. — Dans quelques pays on se flatte de dénouer l’aiguillette en mettant deux chemises à l’envers l’une sur l’autre. Ailleurs, on perce un tonneau de vin blanc, dont on fait passer le premier jet par la bague de la mariée. Ou bien, pendant neuf jours, avant le soleil levé, on écrit sur du parchemin vierge le mot avigazirtor. Il n’y a, comme on voit, aucune extravagance qui n’ait été imaginée.

Voici, avant de finir, un exemple curieux d’une manière peu usitée de nouer l’aiguillette : « Une sorcière, voulant exciter une haine mortelle entre deux futurs époux, écrivit sur deux billets des caractères inconnus et les leur fit porter sur eux. Comme ce charme ne produisait pas assez vite l’effet qu’elle désirait, elle écrivit les mêmes caractères sur du fromage qu’elle leur fit manger ; puis elle prit un poulet noir qu’elle coupa par le milieu, en offrit une partie au diable et leur donna l’autre, dont ils firent leur souper. Cela les anima tellement qu’ils ne pouvaient plus se regarder l’un l’autre. — Y a-t-il rien de si ridicule, ajoute Delancre, persuadé pourtant de la vérité du fait, et peut-on reconnaître en cela quelque chose qui puisse forcer deux personnes qui s’entr’aiment à se haïr à mort ? »

On dit que les sorciers ont coutume d’enterrer des têtes et des peaux de serpents sous le seuil de la porte des mariés, ou dans les coins de leur maison, afin d’y semer la haine et les dissensions. Mais ce ne sont que les marques visibles des conventions qu’ils ont faites avec Satan, lequel est le maître et l’auteur du maléfice de la haine. Parfois, continue Delancre, le diable ne va pas si avant, et se contente, au lieu de la haine, d’apporter seulement de l’oubli, mettant les maris en tel oubli de leurs femmes qu’ils en perdent tout à fait la mémoire, comme s’ils ne s’étaient jamais connus. Un jeune homme d’Etrurie devint si épris d’une sorcière, qu’il abandonna sa femme et ses enfants pour venir demeurer avec elle, et il continua ce triste genre de vie jusqu’à ce que sa femme, avertie du maléfice, l’étant venue trouver, fureta si exactement dans la maison de la sorcière, qu’elle découvrit sous son lit le sortilège, qui était un crapaud enfermé dans un pot, ayant les yeux cousus et bouchés ; elle le prit, et, lui ayant ouvert les yeux, elle le brûla. Aussitôt l’amour et l’affection qu’il avait autrefois pour sa femme et ses enfants revinrent tout à coup dans la mémoire du jeune homme, qui s’en retourna chez lui honteux et repentant et passa dans de bons sentiments le reste de ses jours. — Delancre cite d’autres exemples bizarres des effets de ce charme, comme des époux qui se détestaient de près et qui se chérissaient de loin. Ce sont de ces choses qui se voient aussi de nos jours, sans qu’on pense à y trouver du sortilège.

Le P. Lebrun ne semble pas croire aux noueurs d’aiguillette ; cependant il rapporte le trait de l’abbé Guibert de Nogent, qui raconte[226] que son père et sa mère avaient eu l’aiguillette nouée pendant sept ans, et qu’après cet intervalle pénible une vieille femme rompit le maléfice et leur rendit l’usage du mariage. — Nous le répétons, la peur de ce mal, qui n’a guère pu exister que dans les imaginations faibles, était autrefois trèsrépandue. Personne aujourd’hui ne s’en plaint dans les villes ; mais on noue encore l’aiguillette dans les villages ; bien plus, on se sert encore des procédés que nous rapportons ici, car la superstition n’est pas progressive. El tandis qu’on nous vante à grand bruit l’avancement des lumières, nous vivons à quelques lieues de pauvres paysans qui ont leurs devins, leurs sorciers, leurs présages, qui ne se marient qu’en tremblant, et qui ont la tête obsédée de terreurs infernales.

Lilith. Wierus et plusieurs autres démonomanes font de Lilith le prince ou la princesse des démons succubes. — Les démons soumis à Lilith portent le même nom que leur chef, et, comme les Lamies, cherchent à faire périr les nouveau-nés ; ce qui fait que les juifs, pour les écarter, ont coutume d’écrire aux quatre coins de la chambre d’une femme nouvellement accouchée :« Adam, Ève ; hors d’ici Lilith[227] ! »

Lilly (William), astrologue anglais du dixseptième siècle qui se fit une réputation en publiant l’horoscope de Charles Ier. Il mourut en 1681. Sa Vie, écrite par lui-même, contient des détails si naïfs et en même temps une imposture si palpable qu’il est impossible de distinguer ce qu’il croit vrai de ce qu’il croit faux. C’est lui qui a fourni la partie la plus considérable de l’ouvrage intitulé Folie des astrologues. Les opinions de Lilly et sa prétendue science avaient tant de vogue dans son siècle que Gataker, théologien anglican, se crut obligé d’écrire contre cette déception populaire. Parmi un grand nombre d’écrits ridicules dont le titre indique assez le sujet, nous citerons de Lilly :1o le Jeune Anglais Merlin, Londres, 1664 ; 2o le Messager des étoiles, 1645 ; 3o Recueil de prophéties, 1646.

Limaçons. Les limaçons ont de grandes


propriétés pour le corps humain, dit l’auteur des Secrets d’Albert le Grand, et il indique de suite quelques jocrissades. — De nos jours, on a essayé de les douer de sympathies telles qu’ils remplaceraient le télégraphe électrique. Mais on a reconnu dans cette donnée une mystification. Voy. Escargot.

Beaucoup de personnes doutent si les limaçons ont des yeux. On s’est guéri de ce doute par le secours des microscopes ; les points ronds et noirs de leurs cornes sont leurs yeux, et il est certain qu’ils en ont quatre.

Limbes. C’est le mot consacré parmi les théologiens pour signifier le lieu où les âmes des saints patriarches étaient détenues en attendant la venue de Jésus-Christ. On dormait aussi le nom de Limbes aux lieux où vont les âmes des enfants morts sans baptême.

Limyre, fontaine de Lycie qui rendait des oracles par le moyen de ses poissons. Les consultants leur présentaient à manger : si les poissons se jetaient dessus, le présage était favorable ; s’ils le refusaient, surtout s’ils le rejetaient avec leurs queues, c’était un mauvais indice.

Linkup ou Linkop (Marion), sorcière. Voyez Jacques Ier.

Linurgus, pierre fabuleuse qui se trouvait, dit-on, dans le fleuve Achéloûs. Les anciens l’appelaient lapis lineus. On l’enveloppait dans un linge, et lorsqu’elle devenait blanche, on se promettait bon succès dans ses projets de mariage.

Lion. Si on fait des courroies de sa peau, celui qui s’en ceindra ne craindra point ses ennemis ; si on mange de sa chair, ou qu’on boive de son urine pendant trois jours, on guérira de la fièvre quarte… Si vous portez les yeux de cet animal sous l’aisselle, toutes les bêtes s’enfuiront devant vous en baissant la tête[228].

Le lion est un des signes du zodiaque. Voy. Horoscopes. — Le diable s’est montré quelquefois sous la forme d’un lion, disent les


démonographes. Un des démons qui possédèrent Elisabeth Blanchard est désigné sous le nom du lion d’enfer. Voy. Messie des juifs.

Lios. Voy. Alfares.

Lisathama. Voy. Gruau de la Barre.

Lissi, démon peu connu qui posséda Denise de la Caille et signa le procès-verbal d’expulsion, qui n’est qu’une farce.

Litanies du sabbat. Les mercredis et vendredis on chantait au sabbat les litanies suivantes, s’il faut en croire les relations :

Lucifer, Belzébuth, Léviathan, prenez pitié de nous. Baal, prince des séraphins ; Baalbérith, prince des chérubins ; Astaroth, prince des Trônes ; Rosier, prince des Dominations ; Carreau, prince des Puissances ; Bélias, prince des Vertus ; Perrier, prince des Principautés ; Olivier, prince des Archanges ; Junier, prince des Anges ; Sarcueil, Fume-Bouche, Pierre-de-Feu, Carniveau, Terrier, Coutellier, Candelier, Béhémoth, Oilette, Belphégor, Sabathan, Garandier, Dolers, Pierre-Fort, Axaphat, Prisier, Kakos, Lucesme, priez pour nous[229]. — Il faut remarquer que Satan n’est pas invoqué dans ces litanies, non plus qu’une foule d’autres.

Lithomana. Voy. Gruau de la Barre.

Lithomancie, divination par les pierres. Elle se faisait au moyen de plusieurs cailloux qu’on poussait l’un contre l’autre, et dont le son plus ou moins clair ou aigu donnait à connaître la volonté des dieux. On rapporte encore à cette divination la superstition de ceux qui croient que l’améthyste a la vertu de faire connaître à ceux qui la possèdent les événements futurs par les songes. On disait aussi que si on arrose l’améthyste avec de l’eau et qu’on l’approche de l’aimant, elle répondra aux questions qu’on lui fera, mais d’une voix faible comme celle d’un enfant[230]

Lituus, baguette d’augure, recourbée dans le bout le plus fort et le plus épais. Le lituus dont on fit usage à l’élection de Nuraa, second roi de Rome, était conservé dans le temple de Mars. On conte qu’il fut trouvé entier après l’incendie général de Rome[231].

Livres. Presque tous les livres qui contiennent les secrets merveilleux et les manières d’évoquer le diable ont été attribués à de grands personnages. Abel, Adam, Alexandre, Albert le Grand, Daniel, Hippocrate, Galien, Léon III, Hermès, Platon, saint Thomas, saint Jérôme, passent, dans l’idée des imbéciles, pour auteurs de livres magiques. La plupart de ces livres sont inintelligibles et d’autant plus admirés des sots qu’ils en sont moins entendus. Voyez à leurs noms les grands hommes auxquels on attribue les livres magiques. Le Livre des prodiges, ou Histoires et aventures merveilleuses et remarquables de spectres, revenants, esprits, fantômes, démons, etc., rapportées par des personnes dignes de foi. 1 volume in-12, cinquième édition, Paris, 1821 ; — compilation sans objet. Voy. Mirabilis Liber.

Lizabet, démon. Voy. Colas.

Loannocks (Susanna), Anglaise qui, en 1659, fut accusée par une de ses voisines de lui avoir ensorcelé son rouet, en sorte qu’elle ne pouvait plus le faire tourner. Elle offrit de soutenir son dire par serment. Le mari de l’accusée nia la culpabilité de sa femme, sans nier la possibilité du crime ; et, pour la disculper, il demanda qu’elle fût soumise à l’épreuve de la Bible. Les démonographes magistrats y consentirent, et c’est probablement la dernière fois que cette singulière épreuve eut lieu. L’accusée fut conduite en chemise à l’église de la paroisse et placée dans un plateau de la balance, tandis qu’on mit dans l’autre la grande Bible de l’Église. La femme fut plus lourde que le livre, et en conséquence honorablement acquittée ; car c’était un fait incontestable et incontesté jusqu’alors chez les anglicans qu’une sorcière déshabillée ne pesait pas une Bible d’église[232].

Lock. Chez les Scandinaves, les tremblements de terre étaient personnifiés dans un dieu, un dieu mauvais, un démon nommé Lock. Après avoir répandu le mal dans toute la Scandinavie, comme un semeur sa graine, Lock fut à la fin enchaîné sur des roches aiguës. Lorsqu’il se retourne, ainsi que le ferait un malade, sur son lit de pierres coupantes, la terre tremble ; lorsqu’il écume et répand sa bave, qui est un poison, ses nerfs entrent en convulsion et la terre s’agite[233].

Lofarde, sorcière qui fut accusée, en 1582, par sa compagne, la femme Gantière, de l’avoir menée au sabbat, où le diable l’avait marquée, lequel était vêtu d’un hilaret jaune[234]

Logherys. Voy. Lumcaunes.

Lohen (Nephtali), rabbin de Francfort, réputé au treizième siècle grand magicien.

Loki, démon farceur des Scandinaves. C’est lui qui égayé les dieux et les héros de Walhalla.

Lokman, fabuliste célèbre de l’Orient. Il vivait, dit-on, vers le temps de David, ce qui n’est pas certain ; il fut surnommé le Sage. Les Perses disent qu’il trouva le secret de faire revivre les morts, et qu’il usa de ce secret pour lui-même. Ils lui accordent une longévité de trois cents ans ; quelques-uns prétendent qu’il en vécut mille.

Il a laissé, ou du moins on a mis sous son nom, des apologues qui jouissent d’une grande célébrité. Les écrivains de l’Asie réclament pour lui la plupart des faits et gestes que les Grecs attribuent à Ésope[235].

Lollard (Gauthier), hérétique qui commença en 1315 à semer ses erreurs ; il les avait prises des Albigeois. Il enseignait que les démons avaient été chassés du ciel injustement, qu’ils y seraient un jour rétablis, et que saint Michel et les autres anges seraient alors damnés à leur tour. Il prêchait des mœurs corrompues, et ses disciples firent beaucoup de mal. Brûlé à Cologne en 1322.

Lomelli (Battista), mystique italien qui précéda à Paris, sous Louis XIII, les prestiges de Cagliostro. Il disait la bonne aventure avec beaucoup de cérémonies qui en imposaient.

Longévité. On a vu, surtout dans les pays du Nord, des hommes qui ont prolongé leur vie au delà des termes ordinaires. Cette longévité ne peut s’attribuer qu’à une constitution robuste, à une vie sobre et active, à un air vif et pur. Il n’y a pas cinquante ans que Kotzebue rencontra en Sibérie un vieillard bien portant, marchant et travaillant encore, dans sa cent quarante-deuxième année. Des voyageurs dans le Nord trouvèrent au coin d’un bois un vieillard à barbe grise qui pleurait à chaudes larmes. Ils lui demandèrent le sujet de sa douleur : le vieillard répondit que son père l’avait battu. Les voyageurs surpris le reconduisirent à la maison paternelle et intercédèrent pour lui. Après quoi, ils demandèrent au père le motif de la punition infligée à son fils. « Il a manqué de respect à son grand-père, » répondit le vieux bonhomme.

Les chercheurs de merveilles ont ajouté les leurs à celles de la nature. Torquemada conte qu’en 1531 un vieillard de Trente, âgé de cent ans, rajeunit et vécut encore cinquante ans ; et Langius dit que les habitants de l’île de Bonica en Amérique peuvent aisément s’empêcher de vieillir, parce qu’il y a dans cette île une fontaine qui rajeunit pleinement. Voy. Haquin.

Lorsque l’empereur Charles-Quint envoya une armée navale en Barbarie, le général qui commandait cette expédition passa par un village de la Calabre où presque tous les paysans étaient âgés de cent trente-deux ans, et tous aussi sains et dispos que s’ils n’en avaient eu que trente. C’était, disent les relations, un sorcier qui les rajeunissait. En 1773 mourut, près de Copenhague, un matelot nommé Drakenberg, âgé de cent quarantesix ans : la dernière fois qu’il se maria il avait cent onze ans, et il en avait cent trente quand sa femme mourut. Il devint épris d’une jeune fille de dix-huit ans qui le refusa ; de dépit il jura de vivre garçon désormais, et il tint parole.

En 1670, sous Charles II, mourut dans l’Yorkshire Henri Jenkins, né en 1501, sous Henri VII. Il se rappelait à merveille d’avoir été de l’expédition de Flandre sous Henri VIII, en 1513. Il mourut à cent soixante-neuf ans révolus, après avoir vécu sous huit rois, sans compter le règne de Cromwell. Son dernier métier était celui de pêcheur. Agé de plus de cent ans, il traversait la rivière à la nage. Sa petite-fille mourut à Cork à cent treize ans. Voy. Arthephius, Dormants, Flamel, Jean d’Estampes, Lokman, Zoroastre, etc.

Loota, oiseau qui, dans l’opinion des habitants des îles des Amis, mange, à l’instant de la mort, les âmes des gens du peuple, et qui, pour cet effet, se promène sur leurs tombes. (Voyages de Cooh.)

Loray. Voy. Oray.

Loterie. La loterie doit son origine à un Génois. Elle fut établie à Gênes en 1720, en France elle a été supprimée de nos jours.

Entre plusieurs moyens imaginés par les visionnaires pour gagner à la loterie, le plus commun était celui des songes. Un rêve, sans que l’on en sache la raison, indiquait à celui qui l’avait fait les numéros qui devaient sortir au prochain tour de roue. Si l’on voit en songe un aigle, disent les livres qui enseignent cette science, il donne 8, 20, 46 ; un ange, 20, 46, 56 ; un bouc, 10, 13, 90 ; des brigands, 4, 19, 33 ; un champignon, 70, 80, 90 ; un chat-huant, 13, 85 ; un crapaud, 4, 46 ; le diable, 4, 70, 80 ; un dindon, 80, 40, 66 ; un dragon, 8, 12, 43, 60 ; les fantômes, 1, 22, 52 ; une femme, 4, 9, 22 ; une fille, 20, 35, 58 ; une grenouille, 3, 19, 27 ; la lune, 9, 46, 79, 80 ; un moulin, 15, 49, 62 ; un ours, 21, 50, 63 ; un pendu, 17, 71 ; des puces, 45, 57, 83. Des rats, 9, 40, 56 ; un spectre, 31, 43, 74, etc. Or, dans cent mille personnes qui mettaient à la loterie, il y avait cent mille rêves différents, et il ne sortait que cinq numéros ; de plus, aucun système ne ressemblait à un autre. Si Cagliostro donnait pour tel rêve les numéros 11, 27, 82, un autre indiquait des numéros tout différents. — Croirait-on que les livres de secrets merveilleux donnent gravement ce procédé pour gagner à la loterie ? Il faut : avant de vous coucher, réciter trois fois la formule qui va suivre ; après quoi vous la mettrez sous votre oreiller, écrite sur un parchemin vierge ; et pendant votre sommeil le génie de votre planète viendra vous dire l’heure où vous devez prendre votre billet, et vous révéler en songe les numéros. Voici la formule : « Seigneur, montrez-moi donc un mort mangeant de bonnes viandes, un beau pommier ou de l’eau courante, tous bons signes ; et envoyez-moi les anges Uriel, Rubiel ou Barachiel, qui m’instruisent des nombres que je dois prendre pour gagner ; par celui qui viendra juger les vivants et les morts et le siècle par le feu. » Dites alors trois Pater et trois Ave pour les âmes du purgatoire…

Loudun, ville de France dans le département de la Vienne, célèbre par une possession qui fit grand bruit dans le premier tiers du dix-septième siècle. Un couvent d’ursulines, qui s’occupaient de l’éducation des jeunes filles, avait été établi à Loudun en 1626. Il était tenu par quatorze religieuses, toutes de bonnes et honnêtes familles et toutes d’une vie irréprochable. Il y avait en même temps dans Loudun un prêtre nommé Urbain Grandier, d’une conduite si légère que l’évêque de Poitiers l’avait interdit a divinis le 3 janvier 1630. On savait qu’il faisait des chansons, des pamphlets et qu’il écrivait contre le célibat des prêtres. Peu après la sentence de l’évêque qui devait le ramener à des mœurs plus recueillies, le directeur des ursulines étant mort, Grandier osa se présenter pour le remplacer. La supérieure le refusa. Bientôt des phénomènes singuliers se produisirent dans le couvent : les quatorze religieuses se trouvèrent possédées ; et, chose surprenante, toutes voyaient la nuit Grandier, pour qui elles ressentaient une grande répulsion, se présenter à elles et les pousser à mal faire. Ce fut un grand bruit dans la ville ; les parents avaient retiré leurs enfants, et les ursulines vivaient dans une épouvante, dans des crises et des convulsions contre lesquelles les médecins ne pouvaient rien. Un conseiller du roi Louis XIII fut envoyé à Loudun pour connaître de ce mystère ; on exorcisa les religieuses, et les mauvais esprits qui les possédaient, contraints par les conjurations ecclésiastiques, déclarèrent que c’était Grandier qui les avait envoyés et les retenait dans les corps de ces femmes.

Une grande affluence de curieux et de savants assistait aux exorcismes. On parlait à ces simples filles en latin, en grec, en hébreu, en turc et dans d’autres idiomes de l’ancien et du nouveau monde. Elles comprenaient tout et répondaient à tout si exactement qu’un savant s’écria : « Il faudrait être fou ou athée pour nier ici la possession, » et que plusieurs hérétiques, entre autres lord Montagu, plusieurs hommes dissolus, entre autres Kériolet, se convertirent publiquement.

Un éminent écrivain du diocèse de Poitiers, M. l’abbé Leriche, a publié tout récemment, en un livre plein d’intérêt[236], l’histoire de cette possession, et ses preuves mettent à néant les pasquinades du protestant Saint-Aubin et des autres esprits avariés qui ont voulu ne pas voir. Nous emprunterons à ce livre quelques renseignements utiles. Voici les noms des religieuses : madame de Belciel, fille du baron de Cose en Saintonge, en religion sœur Jeanne des Anges, supérieure ; madame de Zazilli, en religion sœur Claire de Saint-Jean ; madame de la Motte, fille du marquis de la Motte-Baracé, en religion sœur Agnès de Saint-Jean ; les deux dames de Barbeziers, en religion sœur Louise de Jésus et sœur Catherine de la Présentation, toutes deux de l’illustre maison de Nogeret ; madame d’Escoubleau de Sourdis, en religion sœur Jeanne du Saint-Esprit ; trois autres dont les noms de famille ne sont pas connus, sœur Élisabeth de la Croix, sœur Monique de Sainte-Marthe et sœur Séraphique Archer, enfin huit sœurs laies, en tout dix-sept religieuses.

S’intéressaient, présents aux exorcismes, excepté le cardinal de Richelieu : l’évêque de Poitiers, l’archevêque de Tours, l’archevêque de Toulouse, l’évêque de Nîmes, huit prêtres pieux et savants, cinq docteurs de Sorbonne, onze pères de la compagnie de Jésus, deux pères carmes, six capucins, un dominicain, un récollet, deux oratoriens, etc., et parmi les laïques, outre le roi Louis XIII, la reine Anne d’Autriche, Laubardemont, conseiller du roi, intendant de la Touraine, du Maine et de l’Anjou, les sieurs Roatin, Chevallier, Richard et Housnain, magistrats de Poitiers, Cottreau, Burges, Péguineau, Texier, Dreux, Delabarre, Lapicherie, Riverain, Constant, Deniau, magistrats de Tours, de Chinon, de Saint-Maxent, de Laflèche. Outre huit docteurs en médecine, douze médecins appelés de tous les environs ; enfin, douze personnages éminents, entre autres lord Montagu, lord Killegrew, Kériolet, etc., etc., etc.

C’est une pareille assistance, dont nous ne nommons que les sommités, que les niais, qui nient tout, ont osé accuser de fourberie, ou de connivence ou de stupidité. Or, le crime de Grandier, après deux années d’études et d’examen consciencieux, fut reconnu ; Grandier fut emprisonné ; il s’occupait là à écrire sa défense. Mais un arrêt, rendu le 18 août 1634, le condamna au feu, comme reconnu coupable de magie et d’autres méfaits[237].

Louis Ier, surnommé le Pieux et le Débonnaire, fils de Charlemagne, né en 778, mort en 840. Les astrologues jouirent, dit-on, de quelque faveur à sa cour. À l’article de la mort, on raconte qu’au moment où il recevait la dernière bénédiction, il se tourna du côté gauche, roula les yeux comme une personne fâchée et proféra ces mots allemands : Hulz, hutz (dehors, dehors) ! Ce qui fit conclure qu’il s’adressait au diable, dont il redoutait les approches[238].

Louis XI, roi de France, né en 1423, mort en 1483. Un astrologue ayant prédit la mort d’une personne qu’il aimait, et cette personne étant morte en effet, il crut que la prédiction de l’astrologue en était la cause. Il le fit venir devant lui avec le dessein de le faire jeter par la fenêtre. « Toi, qui prétends être si habile homme, lui dit-il, apprends-moi quel sera ton sort ? » Le prophète, qui se doutait du projet du prince, lui répondit : « Sire, je prévois que je mourrai trois jours avant Votre Majesté. » Le roi le crut et se garda bien de le faire mourir. Du moins tel est le conte, et on en a prêté beaucoup à ce roi si partialement jugé.

Louis XIII, roi de France, né en 1601, mort en 1641, surnommé le Juste, parce qu’il était né sous le signe de la Balance ; mais il mérita ce surnom. Lorsqu’il épousa l’infante Anne d’Autriche, on prouva, dit Sainte-Foix, qu’il y avait entre eux une merveilleuse et très-héroïque correspondance. Le nom de Loys de Bourbon contient treize lettres. Ce prince avait treize ans quand le mariage fut résolu ; il était le treizième roi de France du nom de Loys. Anne d’Autriche avait aussi treize lettres en son nom ; son âge était de treize ans, et treize infantes du même nom se trouvaient dans la maison d’Espagne. Anne et Loys étaient de la même taille ; leur condition était égale ; ils étaient nés la même année et le même mois.

Louis XIV. Voy. Anagrammes.

Louis de Hongrie. Peu de temps avant la mort de ce prince, arrivée en 1526, comme il dînait enfermé dans la citadelle de Bude, on vit paraître à sa porte un boiteux mal velu, qui demandait avec instance à parler au roi. Il assurait qu’il avait des choses de la dernière importance à lui communiquer. On le méprisa d’abord, et l’on ne daigna pas l’annoncer. Il cria plus haut et protesta qu’il ne pouvait découvrir qu’au roi seul


ce dont il était chargé. On alla dire à Louis ce qui se passait. Le prince envoya le plus apparent des seigneurs qui étaient auprès de lui et qui feignit d’être le roi ; il demanda à cet homme ce qu’il avait à lui dire. Il répondit : « Je sais que vous n’êtes pas le roi ; mais, puisqu’il méprise de m’entendre, dites-lui qu’il mourra certainement bientôt. » Ayant dit cela, il disparut, et le roi mourut en effet peu après[239].

Louise de Savoie, duchesse d’Angoulême, mère de François Ier, morte en 1532. Elle avait quelques préjugés superstitieux et redoutait surtout les comètes. Brantôme raconte que, trois jours avant sa mort, ayant aperçu pendant la nuit une grande clarté dans sa chambre, elle fit tirer son rideau et fut frappée de la vue d’une comète. « Ah ! dit-elle alors, voilà un signe qui ne paraît pas pour une personne de basse qualité ; refermez la fenêtre. C’est une comète qui m’annonce la mort ; il faut donc s’y préparer. » Les médecins l’assuraient néanmoins qu’elle n’en était pas là. « Si je n’avais vu, dit-elle, le signe de mort, je le croirais, car je ne me sens point si bas. »

Cette comète n’est pas la seule qui ait épouvanté Louise de Savoie. Comme elle se promenait dans le bois de Romorantin, la nuit du 28 août 1514, elle en vit une vers l’occident, et s’écria : — Les Suisses ! les Suisses ! — Elle resta persuadée que c’était un avertissement que le roi serait en grande affaire contre eux[240].

Loup. Chez les anciens Germains et chez les Scandinaves, le diable ou le mauvais principe était représenté par un loup énorme et béant.


C’est Lock. À Quimper, en Bretagne, les habitants mettent dans leurs champs un trépied ou un couteau fourchu, pour garantir le bétail des loups et autres bêtes féroces[241]. Pline dit que si un loup aperçoit un homme avant qu’il en soit vu, cet homme deviendra enroué et perdra la voix ; fable qui est restée en vigueur dans toute l’Italie. En Espagne, on parle souvent des sorciers qui vont faire des courses à cheval sur des loups, le dos tourné vers la tête de la bête, parce qu’ils ne sauraient aller autrement, à cause de la rapidité. Ils font cent lieues par heure ; car ces loups sont des démons. La queue de ces loups est roide comme un bâton, et il y a au bout une chandelle qui éclaire la route.

Il n’y a pas un homme à la campagne qui ne vous assure que les moutons devinent à l’odorat la présence du loup ; qu’un troupeau ne franchira jamais le lieu où l’on aura enterré quelque portion des entrailles d’un loup ; qu’un violon monté avec des cordes tirées des intestins d’un loup mettrait en fuite tout le bercail. Des hommes instruits et sans préjugés ont vérifié toutes ces croyances et en ont reconnu l’absurdité. Kirker a répété à ce sujet des expériences démonstratives ; il a même poussé l’épreuve jusqu’à suspendre un cœur de loup au cou d’un mouton, et le pacifique animal n’en a pas moins brouté l’herbe[242]. Voy. Oraison du loup.

Un journal anglais de l’Inde dit qu’il a été publié un étrange document constatant qu’en un très-court espace de temps il a été dévoré 600 enfants par les loups dans le Penjaub (royaume de Lahore). Il y a vingt ans, près de 1, 000 enfants ont été dévorés de la même manière dans le voisinage d’Agra. On retrouve les vêtements de ces pauvres petites victimes dans les antres où se tiennent ces animaux. Les misérables qui font le métier de recueillir les habillements ou parures des victimes ont eu l’habileté d’accréditer parmi le peuple le bruit que tout village où l’on tue un loup doit être infailliblement ruiné ; de là cette superstitieuse vénération pour ces animaux féroces. Quand on en prend, on s’empresse de les relâcher en se contentant de leur attacher une sonnette au cou.

Lou-pécat, nom du diable en Gascogne.

Loup-garou (le). C’est le nom du démon de la nuit à Blois. Il est de mauvaise rencontre.

Loups-garous. On appelle loups-garous en sorcellerie les hommes et les femmes qui ont été métamorphosés ou qui se métamorphosent et se transmuent eux-mêmes en loups, ou qui se travestissent pour feindre cette transmutation, ou qui, s’imaginant, par une démence abominable, qu’ils sont changés en loups, prennent des habitudes et des mœurs de loups. Le nom de loups-garous veut dire loups dont il faut se garer.

Les loups-garous ont été bien longtemps la terreur des campagnes, parce qu’on savait que les sorciers ne pouvaient se faire loups que par le secours du diable. Dans les idées des démonographes, un loup-garou est un sorcier que le diable lui-même transmue en loup, et qu’il oblige à errer dans les campagnes en poussant d’affreux hurlements. L’existence de loups-garous est attestée par Virgile, Solin, Strabon, Pomponius Mêla, Dionysius Afer, Varron, et par tous les jurisconsultes et aussi par des démonomanes des derniers siècles. À peine commençait-on à en douter sous Louis XIV. L’empereur Sigismond fit débattre devant lui la question des loups-garous, et il fut unanimement résolu que la transformation des loups-garous était un fait positif et constant.

Un garnement qui voulait faire des friponneries mettait aisément les gens en fuite en se faisant passer pour loup-garou. Il n’avait pas besoin pour cela d’avoir la figure d’un loup, puisque les loups-garous de réputation étaient arrêtés comme tels, quoique sous leur figure humaine. On croyait alors qu’ils portaient le poil de loup-garou entre cuir et chair.

Peucer conte qu’en Livonie, sur la fin du mois de décembre, il se trouve tous les ans un bélître qui va sommer les sorciers de se rendre en certain lieu ; et, s’ils y manquent, le diable les y mène de force, à coups si rudement appliqués que les marques y demeurent. Leur chef passe devant, et quelques milliers le suivent, traversant une rivière, laquelle passée, ils changent leur figure en celle d’un loup, se jettent sur les hommes et sur les troupeaux et font mille dommages. Douze jours après, ils retournent au même fleuve et redeviennent hommes.

On attrapa un jour un loup-garou qui courait dans les rues de Padoue ; on lui coupa ses pattes de loup, et il reprit au même instant la forme d’homme, mais avec les bras et les pieds coupés, à ce que dit Fincel.

L’an 1588, en un village distant de deux lieues d’Apchon, dans les montagnes d’Auvergne, un gentilhomme v étant sur le soir à sa fenêtre, aperçut un chasseur de sa connaissance et le pria de lui rapporter de sa chasse. Le chasseur promit, et, s’étant avancé dans la plaine, il vit un gros loup qui venait à sa rencontre. Il lui lâcha un coup d’arquebuse et le manqua. Le loup se jeta sur lui et l’attaqua vivement. Mais l’autre, en se défendant, lui ayant coupé la patte droite avec son couteau de chasse, le loup estropié s’enfuit et ne revint plus. Comme la nuit approchait, le chasseur gagna la maison de son ami, qui lui demanda s’il avait fait bonne chasse. Il tira de sa gibecière la patte coupée au prétendu loup, mais il fut bien étonné de la voir convertie en main de femme, et à l’un des doigts un anneau d’or que le gentilhomme reconnut être celui de son épouse. Il alla aussitôt la trouver. Elle était auprès du feu, cachant son bras droit sous son tablier. Comme elle refusait de l’en tirer, il lui montra la main que le chasseur avait rapportée ; cette malheureuse, éperdue, avoua que c’était elle, en effet, qu’on avait poursuivie sous la figure d’un loup-garou ; ce qui se vérifia encore en confrontant la main avec le bras dont elle faisait partie. Le mari courroucé livra sa femme à la justice ; elle fut brûlée.

Que penser d’une telle histoire, racontée par Boguet comme étant de son temps ? Était-ce une trame d’un mari qui voulait, comme disent les Wallons, être quitte de sa femme ?

Daniel Sennert, médecin célèbre qu’on a appelé le Galien de l’Allemagne, au chap. v de ses Maladies occultes, rapporte des faits d’où il résulterait que l’habitude pour certains maniaques endiablés de courir le loup-garou aurait de l’analogie avec la mystérieuse puissance qui transportait au sabbat certaines personnes dont le corps, pendant cette excursion, restait en syncope. Une femme accusée d’avoir couru le loupgarou, rassurée par la promesse de son juge, qui lui assurait la vie sauve si elle voulait donner la preuve de ce qu’elle faisait dans ses courses, se frotta le corps d’un onguent particulier et tomba aussitôt endormie. Elle ne se réveilla qu’au bout de trois heures. Elle raconta alors qu’étant changée en loup, elle avait éventré une brebis près d’un bourg qu’elle nomma ; on y envoya aussitôt, et on trouva qu’en effet la brebis qu’elle avait désignée, était déchirée et mourante. Comment expliquer cela ?

Les loups-garous étaient fort communs dans le Poitou ; on les y appelait la bête bigourne qui court la galipode. Quand les bonnes gens entendent les hurlements du loup-garou, ce qui n’arrive qu’au milieu de la nuit, ils se gardent de mettre la tête à la fenêtre, parce qu’ils auraient le cou tordu. On assure, dans cette province, qu’on peut forcer le loup-garou à quitter sa forme d’emprunt, en lui donnant un coup de fourche entre les deux yeux.

On sait que la qualité distinctive des loups-garous est un grand goût pour la chair fraîche. Delancre assure qu’ils étranglent les chiens et les enfants ; qu’ils les mangent de bon appétit ; qu’ils marchent à quatre pattes ; qu’ils hurlent comme de vrais loups, avec de grandes gueules, des yeux étincelants et des dents crochues.

On dit, dans la Saintonge, que la peau des loups-garous est d’une dureté telle qu’elle est à l’épreuve des balles ordinaires ; mais il n’en est plus de même si ces balles ont été bénites à certaines heures mystérieuses de la nuit, dans une chapelle dédiée à saint Hubert : alors le sorcier peut être tué, et la forme de bête qu’il avait prise s’évanouit et disparaît. Or, les cérémonies de la bénédiction des balles sont d’un accomplissement difficile ; il faut avoir sur soi tant de choses précieuses, du trèfle à quatre feuilles surtout, que la peau coriace des loups-garous échappe le plus souvent aux embûches ; et c’est ce qui fait que nul ne peut être assuré avoir vu un sorcier autrement que sous la forme naturelle de bête bipède. Les croyances saintongeoises, au reste, ne s’éloignent en rien de celles des peuples du Nord, et sont nées aux mêmes sources que la fable de Robin des Bois des charbonniers allemands. Le nom des loups-garous a été connu dans toutes les provinces de France au moyen âge, bien que souvent travesti en loups-béroux.

Bodin raconte sans rougir qu’en 1542 on vit un matin cent cinquante loups-garous sur une place de Constantinople. — On trouve dans le roman de Persilès et Sigismonde, dernier ouvrage de Cervantés, des îles de loups-garous et des sorcières qui se changent en louves pour enlever leur proie, comme on trouve dans Gulliver une île de sorciers. Mais au moins ces livres sont des romans. — Delancre propose[243] comme un bel exemple ce trait d’un duc de Russie. Averti qu’un sien sujet se changeait en toutes sortes de bêtes, il l’envoya chercher, le fit enchaîner et lui commanda de donner une preuve de son art ; ce qu’il fit, se transformant en loup ; mais ce duc, ayant préparé deux dogues, les fit lancer contre ce misérable, qui aussitôt fut mis en pièces. — On amena au médecin Pomponace un paysan atteint de lycanthropie, qui criait à ses voisins de s’enfuir s’ils ne voulaient pas qu’il les mangeât. Comme ce pauvre homme n’avait rien de la forme d’un loup, les villageois, persuadés pourtant qu’il l’était, avaient commencé à l’écorcher, pour voir s’il ne portait pas le poil sous la peau. Pomponace le guérit ; ce n’était qu’un hypocondre.

J. de Nynauld a publié en 1615 un traité complet de la Lycanthropie, qu’il appelle aussi Folie louvière et lycaonie, mais dont il admet incontestablement la réalité. — Un sieur de Beauvoys de Chauvincourt, gentilhomme angevin, a fait imprimer en 1599 (Paris, petit in-12) un volume intitulé Discours de la lycanthropie, ou de la transmutation des hommes en loups. — Claude, prieur de Laval, avait publié quelques années auparavant un autre livre sur la même matière, intitulé Dialogue de la lycanthropie. Ils affirment tous qu’il y a certainement des loups-garous.

Ce qui est plus singulier, c’est qu’il y a encore dans plusieurs villages des loups-garous, ou de mauvais garnements qui passent pour tels. On se demandera comment il se peut qu’un sorcier ou un loup-garou trouble ou épouvante une contrée pendant trois ou quatre ans, sans que la justice l’arrête. C’est encore une des misères de nos paysans. Comme il y a chez eux beaucoup de méchants, ils se craignent entre eux ; ils ont un discernement et une expérience qui leur apprennent que la justice n’est pas toujours juste ; et ils disent : Si nous dénonçons un coupable et qu’il ne soit pas hors d’état de nuire, c’est un ennemi implacable que nous allons nous faire. Les paysans sont vindicatifs. Après dix ans de galères, ils reviennent se venger de leurs dénonciateurs. Il faudrait peut-être qu’un coupable qui sort des galères n’eût pas le droit de reparaître dans le pays qui a été le théâtre de ses méfaits. Voy. Cynanthropie, Bousanthropie, Raollet, Bisclavaret, etc.

Louviers (possession de). Un prêtre, nommé David, déserteur de Dieu, se trouvant confesseur des religieuses franciscaines de Louviers, pervertit ces jeunes sœurs et les mit sur les voies qui mènent aux démons. En mourant, après avoir entamé son œuvre infernale, il eut pour successeur son ami Mathurin Picard, qui était comme lui lié à Satan et qui se faisait seconder par Boulé, son vicaire. C’en était assez pour amener une possession chez les franciscaines de Louviers. Cette possession devint effroyable. Madeleine Bavent, qui était venue là innocente et dévouée à saint François, déclara comment on l’avait entraînée à profaner la sainte hostie et à commettre d’autres sacrilèges. Elle raconta comment elle avait été emmenée à ces orgies exécrables qu’on appelle le sabbat. Elle y trouvait Picard, Boulé, son vicaire, ses sœurs Catherine de la Croix, Anne Barré, Élisabeth de la Nativité, Catherine de sainte Geneviève, une nommée Simonette et plusieurs autres personnes qui faisaient sans horreur des abominations affreuses. C’est toute une monstrueuse histoire. Les possessions de cette maison se manifestèrent si violemment qu’on dut exorciser les religieuses. La plus saillante était Madeleine Bavent. Après la délivrance du couvent, on ne la condamna qu’à une pénitence qu’elle fit généreusement toute sa vie. Mais Boulé fut condamné au feu par le parlement de Rouen ; et il le méritait. On déterra le corps de Picard pour lui faire subir le même supplice ; ce misérable était mort, un peu avant la sentence. On publia qu’il s’était suicidé, peut-être aidé par Satan.

Loyer (Pierre le), sieur de la Brosse, conseiller du roi au siège présidial d’Angers, et démonographe, né à Huillé dans l’Anjou, en 1550, auteur d’un ouvrage intitulé Discours et histoires des spectres, visions et apparitions des esprits, anges, démons et âmes se montrant visibles aux hommes ; divisé en huit livres, desquels, par les visions merveilleuses et prodigieuses apparitions avenues en tous les siècles, tirées et recueillies des plus célèbres auteurs tant sacrés que profanes, est manifestée la certitude des spectres et visions des esprits, et sont baillées les causes d’iceux, leurs effets, leurs différences, les moyens pour reconnaître les bons et les mauvais et chasser les démons ; aussi est traité des extases et ravissements ; de l’essence, nature et origine des âmes, et de leur état après le décès de leurs corps ; plus des magiciens et sorciers ; de leurs communications avec les malins esprits ; ensemble des remèdes pour se préserver des illusions et impostures diaboliques. Paris, chez Nicolas Buon, 1605, 1 vol. in-4o.

Ce volume singulier est dédié Deo optimo maximo ; il est divisé en huit livres, comme l’annonce le titre qu’on vient de lire. Le premier contient la définition du spectre, la réfutation des saducéens, qui nient les apparitions et les esprits ; la réfutation des épicuriens, qui tiennent les esprits corporels, etc. Le deuxième livre traite, avec la physique du temps, des illusions de nos sens, des prestiges, des extases et métamorphoses des sorciers, des philtres. Le troisième livre établit les degrés, charges, grades et honneurs des esprits ; les histoires de Philinnion et de Polycrite, et diverses aventures de spectres et de démons.

Dans le livre suivant, on apprend à quelles personnes les spectres apparaissent ; on y parle des démoniaques, des pays où les spectres et démons se montrent plus volontiers. Le démon de Socrate, les voix prodigieuses, les signes merveilleux, les songes diaboliques ; les voyages de certaines âmes hors de leur corps tiennent place dans ce livre. Le cinquième traite de l’essence de l’âme, de son origine, de sa nature, de son état après la mort, des revenants. Le livre sixième roule tout entier sur l’apparition des âmes ; on y démontre que les âmes des damnés et des bienheureux ne reviennent pas ; mais seulement les âmes qui souffrent en purgatoire. Dans le septième livre, on établit que la pythonisse d’Endor fit paraître un démon sous la figure de l’âme de Samuel. Il est traité en ce livre de la magie, de l’évocation des démons, des sorciers, etc. Le dernier livre est employé à l’indication des exorcismes, fumigations, prières et autres moyens antidiaboliques. L’auteur, qui a rempli son ouvrage de recherches et de science indigérée, combat le sentiment ordinaire qu’il faut donner quelque chose au diable pour le renvoyer.

« Quant à ce qui est de donner quelque chose au diable, dit-il, l’exorciste ne le peut faire, non pas jusqu’à un cheveu de la tête, non pas jusqu’à un brin d’herbe d’un pré ; car la terre et tout ce qui habite en elle appartient à Dieu. »

Lubin. C’est le poisson dont le fiel servit au jeune Tobie pour rendre la vue à son père. On dit qu’il a contre l’ophthalmie une grande puissance, et que son cœur sert à chasser les démons[244].

Lucesme, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Lucien, écrivain grec dont on ignore l’époque de la vie et de la mort. On a dit qu’il fut changé en âne, ainsi qu’Apulée, par les sorciers de Larisse, qu’il était allé voir pour essayer si leur art magique était véritable ; de sorte qu’il devint sorcier.

Lucifer, nom de l’esprit qui préside à l’orient, selon l’opinion des magiciens. Lucifer était évoqué le lundi, dans un cercle au milieu duquel était son nom. Il se contentait d’une souris pour


prix de ses complaisances. On le prend souvent pour le roi des enfers, et, selon quelques démonomames, il est supérieur à Satan. On dit qu’il est parfois facétieux, et qu’un de ses tours est de retirer les balais sur lesquels les sorcières vont au sabbat et de leur en donner sur les épaules ; ce que les sorcières de Moira, en Suède, ont attesté en 1672. Les mêmes sorcières ont affirmé qu’elles avaient vu au sabbat le même Lucifer en habit gris, avec des bas bleus et des culottes rouges, ornées de rubans. Lucifer commande aux Européens et aux Asiatiques. Il apparaît sous la forme et la figure du plus bel enfant. Quand il est en colère, il a le visage enflammé, mais cependant rien de monstrueux. C’est, selon quelques démonographes, le grand justicier des enfers. Il est invoqué le premier dans les litanies du sabbat.

Lucifériens, nom donné aux partisans de Lucifer, évêque schismatique de Cagliari, au quatrième siècle.

Lucumoriens, sujets du czar de Moscovie, qui, à l’instar de la marmotte, depuis le mois d’octobre jusqu’à la fin du mois d’avril suivant, demeurent comme morts, au dire de Leloyer[245].</ref>.

Ludlam, sorcière, fée ou magicienne trèsfameuse, dont les habitants du comté de Surrey, en Angleterre, placent l’habitation dans une caverne voisine du château de Farnham, connu dans le pays sous le nom de Ludlam’s Hole, caverne de la mère Ludlam. La tradition populaire porte que cette sorcière n’était point un de ces êtres malfaisants qui tiennent une place distinguée dans la démonologie ; au contraire, elle faisait du bien à tous ceux qui imploraient sa protection d’une manière convenable. Les pauvres habitants du voisinage, manquant d’ustensiles de cuisine ou d’instruments de labourage,


n’avaient qu’à lui manifester leurs besoins, ils la trouvaient disposée à leur prêter ce qui leur était nécessaire. L’homme qui voulait avoir un de ces meubles se rendait à la caverne à minuit, en faisait trois fois le tour et disait ensuite : — Bonne mère Ludlam, ayez la bonté de m’envoyer un chaudron, ou telle chose ; je vous promets de vous le rendre dans deux jours.

Cette prière faite, on se retirait ; le lendemain, de grand matin, on retournait à la caverne, à l’entrée de laquelle on trouvait la chose demandée. Mais ceux qui invoquaient la mère Ludlam ne se montrèrent pas toujours aussi honnêtes qu’elle : un paysan vint la prier une fois de lui prêter une grande chaudière et la garda plus longtemps qu’il ne l’avait promis. La mère Ludlam, offensée de ce manque d’exactitude, refusa de recevoir sa chaudière lorsqu’on la lui rapporta, et depuis ce temps elle se venge en ne se prêtant plus à aucune des demandes qu’on lui fait<ref>Noël, Dictionnaire de la Fable.

Lugubre, oiseau du Brésil, dont le cri funèbre ne se fait entendre que la nuit ; ce qui le fait respecter des naturels, qui sont persuadés qu’il est chargé de leur apporter des nouvelles des morts. Léry, voyageur français, raconte que, traversant un village, il en scandalisa les habitants pour avoir ri de l’attention avec laquelle ils écoutaient le cri de cet oiseau. — Tais-toi, lui dit rudement un vieillard, ne nous empêche pas d’entendre les nouvelles que nos grands-pères nous envoient.

Lulle (Raymond), l’un des maîtres le plus souvent cités de la philosophie hermétique, et l’un des savants les moins connus du moyen âge. Il était né à Palma, dans l’île de Majorque, en 1235.

C’était un saint plus encore qu’un savant. Il consacra presque toute sa vie, missionnaire dévoué, à la conversion des Maures. Il reçut le martyre près de Bougie, à l’âge de quatre-vingts ans, tué à coups de pierre par les sectateurs de Mahomet, le 29 juin 1315, jour de Saint-Pierre.

Toutefois, il était savant chimiste ; et les annales de son temps soutiennent, avec preuves, qu’il fit de l’or. M. E.-J. Delécluse termine ainsi une belle notice qu’il a publiée sur cet homme :

« Les chimistes des onzième, douzième et treizième siècles étaient-ils des fous, et la transmutation des métaux est-elle une opération impossible ?

» Il ne m’appartient pas de traiter une pareille question, et je me bornerai à rapporter à ce sujet les paroles d’un des chimistes les plus éclairés de nos jours : — S’il ne sort de ces rapprochements, dit M. Dumas, aucune preuve de la possibilité d’opérer des transmutations dans les corps simples, du moins s’opposent-ils à ce qu’on repousse cette idée comme une absurdité qui serait démontrée par l’état actuel de nos connaissances. »

Lumière merveilleuse. — Prenez quatre onces d’herbe appelée serpentinette, mettez-la dans un pot de terre bouché, puis faites-la digérer au ventre de cheval, c’est-à-dire dans le fumier chaud, quinze jours ; elle se changera en de petits vers rouges, desquels vous tirerez une huile selon les principes de l’art ; de cette huile vous garnirez une lampe, et lorsqu’elle sera allumée dans une chambre, elle provoquera au sommeil et endormira si profondément ceux qui seront dans ladite chambre, que l’on ne pourra en éveiller aucun tant que la lampe brûlera.

Lune, la plus grande divinité du sabéisme après le soleil. Pindare l’appelle l’œil de la nuit, et Horace la reine du silence. Une partie des Orientaux l’honoraient sous le titre d’Uranie. C’est l’Isis des Égyptiens, l’Astarté des Phéniciens, la Mylitta des Perses, l’Alilat des Arabes, la Séléné des Grecs, et la Diane, la Vénus, la Junon des Romains. César ne donne point d’autres divinités aux peuples du Nord et aux anciens Germains que le feu, le soleil et la lune. Le culte de la lune passa dans les Gaules, où la lune avait un oracle desservi par des druidesses dans l’île de Sein, sur la côte méridionale de ïa basse Bretagne. Elle avait un autel à Arlon (Ara Lunæ). Les magiciennes de Thessalie se vantaient d’avoir un grand commerce avec la lune, et de pouvoir, par leurs enchantements, la délivrer du dragon qui voulait la dévorer (lorsqu’elle était éclipsée), ou la faire à leur gré descendre sur la terre.

L’idée que cet astre pouvait être habité a donné lieu à des fictions ingénieuses : telles sont, entre autres, les voyages de Lucien, de Cyrano de Bergerac, et la fable de l’Arioste, qui place dans la lune un vaste magasin rempli de fioles étiquetées, où le bon sens de chaque individu est renfermé. On a publié en 1835, sous le chaperon du savant astronome Herschell, qui sans doute ne soupçonnait pas l’honneur qu’on lui faisait, une plaisante description des habitants de la lune, canard qui venait des États-Unis.

Les Péruviens regardaient la lune comme la sœur et la femme du soleil, et la mère de leurs Incas ; ils l’appelaient mère universelle, et avaient pour elle la plus grande vénération. Cependant ils ne lui avaient point élevé de temple à part et ne lui offraient point de sacrifices. Ils prétendaient que les marques noires qu’on aperçoit dans la lune avaient été faites par un renard qui, ayant monté au ciel, l’avait embrassée si étroitement qu’il lui avait fait ces taches à force de la serrer.

Suivant les Taïtiens, les taches que nous voyons à la lune sont des bosquets d’une espèce d’arbres qui croissaient autrefois à Taïti ; un accident ayant détruit ces arbres, les graines furent portées par des pigeons à la lune, où elles ont prospéré[246].

Les mahométans ont une grande vénération pour la lune ; ils la saluent dès qu’elle paraît, lui présentent leurs bourses ouvertes et la prient d’y faire multiplier les espèces à mesure qu’elle croîtra.

La lune est la divinité des Nicaborins, habitants de Java. Lorsqu’il arrive une éclipse de lune, les Chinois idolâtres, voisins de la Sibérie, poussent des cris et des hurlements horribles, sonnent les cloches, frappent contre du bois ou des chaudrons et touchent à coups redoublés sur les timballes de la grande pagode. Ils croient que le méchant esprit de l’air Arachula attaque la lune, et que leurs clameurs doivent l’effrayer.

Il y a des gens qui prétendent que la lune est douée d’un appétit extraordinaire ; que son estomac, comme celui de l’autruche, digère des pierres. En voyant un bâtiment vermoulu, ils disent que la lune l’a mutilé et qu’elle peut ronger le marbre, ce qui est vrai dans certains climats.

Combien de personnes n’osent couper leurs cheveux dans le décours de la lune ! dit M. Salgues[247]. Mais les médecins sont convenus enfin que la lune influe sur le corps humain, comme sur bien d’autres choses[248].

La plupart des peuples ont cru encore que le lever de la lune était un signal mystérieux auquel les spectres sortaient de leurs tombeaux. Les Orientaux content que les lamies et les gholes déterrent les morts dans les cimetières et font leurs festins au clair de la lune. Dans certains cantons de l’orient de l’Allemagne, on prétendait que les vampires ne commençaient leurs infestations qu’au lever de la lune, et qu’ils étaient obligés de rentrer en terre au chant du coq.

L’idée la plus extraordinaire, adoptée dans quelques villages, c’est que la lune ranimait les vampires. Lorsqu’un de ces spectres, poursuivi dans ses courses nocturnes, était frappé d’une balle ou d’un coup de lance, on pensait qu’il pouvait mourir une seconde fois, mais qu’exposé aux rayons de la lune il reprenait ses forces et pouvait sucer de nouveau les vivants.

Lundi. En Russie, le lundi passe pour un jour malheureux. Parmi le peuple et les personnes superstitieuses, la répugnance à entreprendre ce jour-là quelque chose, surtout un voyage, est si universelle que le petit nombre des gens qui ne la partagent pas s’y soumet par égard pour l’opinion publique.

Lure (Guillaume), docteur en théologie, qui fut condamné comme sorcier, à Poitiers, en 1453, convaincu par son propre aveu, par témoins, et pour avoir été trouvé saisi d’un pacte fait avec le diable, par lequel il renonçait à Dieu et se donnait à icelui diable[249].

Luricaunes, lutins pygmées de la race des


fées. On les appelle en Irlande luricaunes et cluricaunes, lurigadaunes à Tipperari, logherys dans l’Ulster. Ils connaissent les trésors cachés.

Luridan, puissant esprit de l’air en Norvège et en Laponie. Voy. Harold.

Lusignan. On prétend que la maison de Lusignan descend en ligne directe de Mélusine. Voy. Mélusine.

Lusmore. Les Irlandais donnent ce nom à la digitalis purpurea, qu’ils appellent aussi plus communément bonnet de fée, à cause de la ressemblance supposée de ses clochettes avec cette partie de l’habillement des fées. On prétend qu’elle salue les êtres surnaturels en pliant devant eux sa longue tige, en signe de reconnaissance[250].

Luther (Martin), le plus fameux novateur religieux du seizième siècle, né en \l\%k en Saxe, mort en 1546. Il dut son éducation à la charité des moines et entra chez les augustins d’Erfurt. Devenu professeur de théologie, il s’irrita de ne pas être le Judas des indulgences, c’est-à-dire de n’en pas tenir la bourse ; il écrivit contre le Pape et prêcha contre l’Église romaine. Devenu épris de Catherine Bore, religieuse, il l’enleva de son couvent avec huit autres sœurs, se hâta de l’épouser et publia un écrit où il comparait ce rapt à celui que Jésus-Christ fit, le jour de la Passion, lorsqu’il arracha les âmes de la tyrannie de Satan…

Nous ne pouvons ici faire sa vie[251], mais sa mort nous revient. Ses ennemis ont assuré que le diable l’avait étranglé ; d’autres qu’il mourut subitement en allant à la garde-robe, comme Arius, après avoir trop soupé ; que, son tombeau ayant été ouvert le lendemain de son enterrement, on n’y avait pu trouver son corps, et qu’il en était sorti une odeur de soufre insupportable. — Georges Lapôtre le dit fils d’un démon et d’une sorcière.

À la mort de Luther, disent les relations répandues chez ses contemporains, les démons en deuil, habillés en corbeaux, vinrent chercher cet ami de l’enfer. Ils assistèrent invisiblement aux funérailles ; et Thyraeus ajoute qu’ils l’emportèrent ensuite loin de ce monde, où il ne devait que passer. — On conte encore que le jour de sa mort tous les démons qui se trouvaient en une certaine ville de Brabant (à Malines) sortirent des corps qu’ils possédaient et y revinrent le lendemain ; et comme on leur demandait où ils avaient passé la journée précédente, ils répondirent que, par l’ordre de leur prince, ils s’étaient rendus à l’enterrement de Luther. Le valet de Luther, qui l’assistait à sa mort, déclara, ce qui est très singulier, en conformité de ceci, qu’ayant mis la tête à la fenêtre pour prendre l’air au moment du trépas de son maître, il avait vu plusieurs esprits horribles qui dansaient autour de la maison, et ensuite des corbeaux maigres qui accompagnèrent le corps en croassant jusqu’à Wittemberg…

La dispute de Luther avec le diable a fait beaucoup de bruit. Un religieux vint un jour frapper rudement à sa porte, en demandant à lui parler. Le renégat ouvre ; le prétendu moine regarde un moment le réformateur et lui dit : — J’ai découvert dans vos opinions certaines erreurs papistiques sur lesquelles je voudrais conférer avec vous. — Parlez, répond Luther. L’inconnu proposa d’abord quelques discussions assez simples, que Luther résolut aisément. Mais chaque question nouvelle était plus difficile que la précédente, et le moine supposé exposa bientôt des syllogismes très-embarrassants. Luther, offensé, lui dit brusquement : — Vos questions sont trop embrouillées ; j’ai pour le moment autre chose à faire que de vous répondre. Cependant il se levait pour argumenter encore, lorsqu’il remarqua que le religieux avait le pied fendu et les mains armées de griffes. — N’es-tu pas, lui dit-il, celui dont la naissance du Christ a dû briser la tête ?

Et le diable, qui s’attendait avec son ami à un combat d’esprit et non à un assaut d’injures, reçut dans la figure l’encrier de Luther, qui était de plomb[252] : il dut en rire à pleine gorge. On montre encore sur la muraille, à Wittemberg, les éclaboussures de l’encre. On trouve ce fait rapporté, avec quelque différence de détails, dans le livre de Luther lui-même sur la messe

Luther


privée, sous le titre de Conférence de Luther avec le diable[253]. Il conte que, s’étant éveillé un jour, vers minuit, Satan disputa avec lui, l’éclaira sur les erreurs du Catholicisme et l’engagea à se séparer du Pape. C’est donner à sa secte une assez triste origine. L’abbé Cordemoy pense, avec beaucoup d’apparence de raison, que certains critiques ont tort de prétendre que cette pièce n’est pas de Luther. Il est constant qu’il était très-visionnaire ; M. Michelet l’a reconnu positivement, ce qui doit suffire aux incrédules ; pour les croyants, il était très en état de voir le diable. Il est même possible que la bravade de l’encrier soit une vanterie.

Lutins. Les lutins sont du nombre des démons qui ont plus de malice que de méchanceté. lisse plaisent à tourmenter les gens et se contentent de faire plus de peur que de mal. Cardan parle d’un de ses amis qui, couchant dans une chambre que hantaient les lutins, sentit une main froide et molle comme du coton passer sur son cou et son visage, et chercher à lui ouvrir la bouche. Il se garda bien de bâiller ; mais, s’éveillant en sursaut, il entendit de grands éclats de rire sans rien voir autour de lui. Leloyer raconte que de son temps il y avait de mauvais garnements qui faisaient leurs sabbats dans les cimetières pour établir leur réputation et se faire craindre, et que, quand ils y étaient parvenus, ils allaient dans les maisons buffeter le bon vin. Les lutins s’appelaient ainsi parce qu’ils prenaient quelquefois plaisir à lutter avec les hommes. Il y en avait un à Thermesse qui se battait avec tous ceux qui arrivaient dans cette ville. Au reste, disent les bons légendaires, les lutins ne mettent ni dureté ni violence dans leurs jeux… Voy. Elfes, etc.

Lutschin. Au pied de Lutschin, rocher gigantesque de la Suisse, coule un torrent où se noya un fratricide en voulant laver son poignard ensanglanté. La nuit, à l’heure où le meurtre fut commis, on entend encore près du torrent des soupirs et comme le râle d’un homme qui se meurt. On se dit aussi que l’âme du meurtrier rôde dans les environs, cherchant un repos qu’elle ne peut trouver.

Lutteurs, démons qui aiment la lutte et les petits jeux de mains. C’est de leur nom qu’on a nommé les lutins.

Luxembourg (François de Montmorency), maréchal de France, né en 1628, mort en 1695. On l’accusa de s’être donné au diable. Un de ses gens, nommé Bonard, voulant retrouver des papiers qui étaient égarés, s’adressa à un certain Lesage pour les retrouver. Ce Lesage était un homme dérangé, qui se mêlait de sorcellerie et de divination/ Il lui ordonna d’aller visiter les églises, de réciter des psaumes ; Bonard se soumit à tout ce qu’on exigeait de lui, et les papiers ne se retrouvèrent pas. Une fille, nommée la Dupin, les retenait. Bonard, sous les yeux de Lesage, fit une conjuration au nom du maréchal de Luxembourg ; la Dupin ne rendit rien. Désespéré, Bonard fit signer un pacte au maréchal qui se donnait au diable. À la suite de ces menées, la Dupin fut trouvée assassinée. On en accusa le maréchal. Le pacte fut produit au procès. Lesage déposa que le maréchal s’était adressé au diable et à lui pour faire mourir la Dupin. Les assassins de cette fille avouèrent qu’ils l’avaient découpée en quartiers et jetée dans la rivière par les ordres du maréchal. La cour des pairs devait le juger ; mais on mit de la négligence à instruire son procès ; enfin on lui confronta Lesage et un autre sorcier, nommé Davaux, avec lesquels on l’accusa d’avoir fait des sortilèges pour faire mourir plus d’une personne. — Parmi les imputations horribles qui faisaient la base du procès, Lesage dit que le maréchal avait fait un pacte avec le diable, pour pouvoir allier un de ses fils avec la famille de Louvois. Le procès dura quatorze mois. Il n’y eut de jugement ni pour ni contre. La Voisin, la Vigoureux et Lesage, compromis dans ces crimes, furent brûlés à la Grève. Le maréchal de Luxembourg fut élargi, passa quelques jours à la campagne, puis revint à la cour et reprit ses fonctions de capitaine des gardes…

Luxembourg (la maréchale de). Madame la maréchale de Luxembourg avait pour valet de chambre un vieillard qui la servait depuis longtemps, et auquel elle était attachée. Ce vieillard tomba tout à coup dangereusement malade. La maréchale était dans l’inquiétude. Elle ne cessait d’envoyer demander des nouvelles de cet homme, et souvent allait elle-même en savoir. Se portant très-bien, elle s’éveille au milieu de la nuit avec une agitation singulière ; elle veut sonner pour demander ce que fait son valet de chambre ; elle ouvre les rideaux de son lit ; à l’instant, l’imagination fortement frappée, elle croit apercevoir dans son appartement un fantôme couvert d’un linceul blanc ; elle croit entendre ces paroles : — Ne vous inquiétez point de moi, je ne suis plus de ce monde, et avant la Pentecôte vous viendrez me rejoindre. « La fièvre s’empara d’elle ; elle fut bientôt à toute extrémité. Ce qui contribua le plus à augmenter sa terreur, c’est qu’à l’instant même où elle fut frappée de cette vision, l’homme en question venait effectivement d’expirer. La maréchale a cependant survécu à la prédiction du fantôme imaginaire, et cette résurrection fait furieusement de tort aux spectres pour les choses de l’avenir[254]. »

Lycanthropie, transformation d’un homme en loup. Le lycanthrope s’appelle communément loup-garou. Voy. Loups-garous.

Lycaon, fils de Phorénée, roi d’Arcadie, à laquelle il donna le nom de Lycaonie. Il bâtit sur les montagnes la ville de Lycosure, la plus ancienne de toute la Grèce, et y éleva un autel à Jupiter Lycseus, auquel il commença à sacrifier des victimes humaines. Il faisait mourir, pour les manger, tous les étrangers qui passaient dans ses États. Jupiter étant allé loger chez lui, Lycaon se prépara à ôter la vie à son hôte pendant qu’il serait endormi ; mais auparavant il voulut s’assurer si ce n’était pas un dieu et lui fit servir à souper les membres d’un de ses hôtes, d’autres disent d’un esclave. Un feu vengeur, allumé par l’ordre de Jupiter, consuma bientôt le palais, et Lycaon fut changé en loup. C’est le plus ancien loup-garou.

Suivant quelques traditions, il reprenait la figure d’homme au bout de dix ans, si, dans ces dix ans, il s’était abstenu de chair humaine.

Lycas, démon de Thémèse, chassé par le champion Euthymius, et qui fut en grande renommée chez les Grecs. Il était très-noir, avait le visage et tout le corps hideux, et portait une peau de loup pour vêtement[255].

Lychnomancie, divination qui se faisait par l’inspection de la flamme d’une lampe ; il en reste quelques traces. Lorsqu’une étincelle se détache de la mèche, elle annonce une nouvelle et la direction de cette nouvelle. Voy. Lampadomancie.

Lynx. Les anciens disent des merveilles du lynx. Non-seulement ils lui attribuent la faculté de voir à travers les murs, mais encore la vertu de produire des pierres précieuses. Pline raconte

Lynx.

sérieusement que les filets de son urine se transforment en ambre, en rubis et en escarboucles. Mais il ajoute que, par un sentiment de jalousie, cet animal avare a soin de nous dérober ces richesses en couvrant de terre ses précieuses évacuations. Sans cela nous aurions pour rien l’ambre, les rubis et les escarboucles[256].

Lysimachie, plante ainsi nommée parce que, posée sur le joug auquel les bœufs et autres animaux étaient attelés, elle avait la vertu de les empêcher de se battre.

Lysimaque, devin dont parle Démétrius de Phalère dans son livre de Socrate. Il gagnait’sa vie à interpréter des songes au moyen de certaines tables astrologiques. Il se tenait auprès du temple de Bacchus[257].


M

Ma, nom japonais de l’esprit malin ; on le donne au renard, qui cause de grands ravages au Japon, où des sectaires n’admettent qu’une espèce de démons, qui sont les âmes des méchants, lesquelles, après la mort, sont uniquement destinées à animer les renards.

Mab. C’est en Irlande la reine des fées, appelée aussi Titania.

Maberthe. On lit dans l’Histoire des possédés de Flandre, tome II, page 275, qu’il y avait, en quelque royaume de l’Europe, une jeune fille nommée Maberthe, menant une vie qui semblait céleste ; qu’elle fut reçue en pitié dans la maison du seigneur de Swert, l’an 1618. Elle se faisait passer pour sainte et se vantait que son Dieu lui parlait souvent. Mais elle refusa de conférer de ces merveilles avec un évêque, ce qui parut suspect ; et comme on disait qu’un jour le diable l’avait prise par la main et s’était promené avec elle, le seigneur de Swert insista pour qu’elle en parlât audit évêque, ce qu’enfin elle accorda. Après la conférence, qui embarrassa tout le monde sans rien éclaircir, elle s’en alla de la maison en disant : « S’ils savaient que je sais ce que je sais, ils diraient que je suis une sorcière. » On finit par découvrir de grandes abominations dans cette fille. Mais elle était effrontée ; et lorsqu’on lui parlait de se convertir, elle répondait : « J’y penserai ; il y a vingt-quatre heures au jour. » On croit qu’elle finit par être brûlée.

Mac-Allan (Fanny). Voy. Cercueil.

Mac-Alzéan (Euphémie), accusée de sorcellerie parce qu’elle était catholique. Voy. {{DIv|Jacques I[[er}}}.

Mac-Carthy. Les légendes irlandaises racontent l’histoire d’un certain Charles Mac-Carthy qui, après une jeunesse très-dissipée, mourut un jour et ressuscita au moment où on allait l’enlever pour le cimetière. Il raconta des détails curieux sur l’autre monde. Était-ce une léthargie avec rêve ou une grâce spéciale ? C’est ce que nous ne décidons pas.

Mac-Donald (Archibald), voyant célèbre. Il voyait à dix lieues un homme qui passait, et le décrivait avec toutes les singularités qui pouvaient le faire reconnaître[258].

Macha-Halla ou Messa-Hala, astrologue arabe du huitième siècle de notre ère. On a de lui plusieurs ouvrages dont on trouve la liste dans Casiri. Les principaux ont été traduits en latin : 1o Un Traité des éléments et des choses célestes ; 2o un autre, De la révolution des années du monde ; 3o un troisième, De la signification des planètes pour les nativités, Nuremberg, 1549. La bibliothèque Bodléienne a parmi ses manuscrits une traduction hébraïque de ses Problèmes astrologigues, faite par Aben-Ezra.

Machines. Des savants ont produit par la mécanique des machines compliquées où de bonnes gens ont vu de la magie, parce qu’ils ne savaient pas. Voy. Albert le Grand.

Descartes avait fait, dit-on, avec beaucoup d’industrie, une machine automate pour prouver démonstrativement que les bêtes n’ont point d’âme, et que ce ne sont que des machines bien composées qui se remuent à l’occasion des corps étrangers qui les frappent et leur communiquent une partie de leur mouvement. Ce philosophe ayant mis cette machine sur un vaisseau, le capitaine eut la curiosité d’ouvrir la caisse dans laquelle elle était enfermée ; surpris des mouvements qu’il remarqua dans cette machine, qui agissait comme si elle eût été animée, il la jeta dans la mer, croyant que c’était le diable. Au reste, la raison que donnait Descartes pour établir que les bêtes n’ont point d’âmes, c’est qu’elles sont à jamais incapables de progrès. Ce qui est prouvé depuis le commencement du monde.

Machlyes, peuple fabuleux d’Afrique, que Pline prétend avoir eu les deux sexes et deux mamelles, la droite semblable à celle d’un homme, et la gauche à celle d’une femme.

Mac-Intos. Voy. Cercueil.

Macreuses, oiseaux de la famille des canards, qui sont très-communs sur les côtes d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande. Ils ont été le sujet de bien des contes. Plusieurs auteurs ont assuré que ces oiseaux sont produits sans œufs : les uns les font venir des coquilles qui se trouvent dans la mer ; d’autres ont avancé qu’il y a des arbres semblables à des saules, dont le fruit se change en macreuses, et que les feuilles de ces arbres qui tombent sur la terre produisent des oiseaux, pendant que celles qui tombent dans l’eau deviennent des poissons. Il est surprenant, dit le P. Lebrun, que ces pauvretés aient été si souvent répétées, quoique divers auteurs aient remarqué et assuré que les macreuses étaient engendrées de la même manière que les autres oiseaux. Albert le Grand l’avait déclaré en termes précis ; et depuis, un voyageur a trouvé, au nord de l’Écosse, de grandes troupes de macreuses et les œufs qu’elles devaient couver, dont il mangea.

« Il n’y a pas longtemps qu’un journal de Normandie nous racontait sérieusement, dit M. Salgues[259], qu’on venait de pêcher, sur les côtes de Granville, un mât de vaisseau qui dormait depuis plus de vingt ans sous les eaux ; que l’on fut fort étonné de le trouver enveloppé d’une espèce de poisson fort singulier, que les Normands nomment bernacle ou bernache. Or, ce bernache ou bernacle est un long boyau rempli d’eau jaunâtre, au bout duquel se trouve une coquille qui renferme un oiseau, lequel produit une macreuse. Cette absurde nouvelle se répandit, et les Parisiens, ajoute M. Salgues, furent bien étonnés d’apprendre qu’il y avait des oies qui naissaient au bout d’un boyau, dans une petite coquille. »

Johnston, dans sa Taumatographie naturelle, rapporte que les macreuses se forment dans le bois pourri ; que le bois pourri se change en ver et le ver en oiseau… Hector de Boëce est l’homme dont l’autorité lui paraît la plus imposante. Or, ce savant rapporte qu’en 1490 on pécha sur les côtes d’Écosse une pièce de bois pourri ; qu’on l’ouvrit en la présence du seigneur du lieu, et qu’on y trouva une quantité énorme de vers ; mais ce qui surprit singulièrement l’honorable baronnet et les spectateurs, c’est que plusieurs de ces vers commençaient à prendre la forme d’oiseau, que les uns avaient des plumes, et que les autres étaient encore tout rouges. Ce phénomène parut si étonnant, que l’on déposa la pièce de bois dans l’église voisine, où elle fut conservée. Boëce ajoute à ce conte, et pour le faire tenir debout, qu’il fut lui-même témoin d’un prodige semblable ; que le ministre d’une paroisse voisine des bords de la mer ayant péché une grande quantité d’algues et de roseaux, il aperçut à l’extrémité de leurs racines des coquillages singuliers, qu’il les ouvrit et y trouva au lieu de poissons des oiseaux. L’auteur assure que le pasteur lui fit part de cette merveille, et il répète qu’il fut lui-même témoin de la vérité du fait…

Mac-Rodor, médecin écossais dont voici l’aventure :« En l’année 1514, un nommé TroisRieux s’obligea envers un médecin écossais, nommé Mac-Rodor (tous deux habitants de Bordeaux), de lui servir de démon après sa mort ; c’est-à-dire que son esprit viendrait lui obéir en toutes choses et lui faire connaître ce qui était caché aux hommes. Pour parvenir à ces fins, ils signèrent un pacte en lettres de sang sur un parchemin vierge. — Ce Mac-Rodor était regardé comme sorcier et magicien ; il eut une fin misérable, ainsi que toute sa famille. On surprit chez lui l’obligation que nous venons de mentionner, avec une platine de cuivre ronde, de médiocre grandeur, sur laquelle étaient gravés les sept noms de Dieu, sept anges, sept planètes et plusieurs autres figures, caractères, lignes, points, tous inconnus[260]. »

Maczocha, gouffre célèbre en Pologne par l’aventure d’un condamné qui, jeté là du temps des hussites, en fut tiré par un monstrueux dragon, sur le dos duquel il se glissa. Voy. Obesslik.

Madeleine de la Croix, religieuse de Cordoue, qui mena mauvaise vie au seizième siècle, s « e disant sorcière et se vantant d’avoir pour familier un démon. François de Ïorre-Blanca raconte qu’elle avait à volonté des roses en hiver, de la neige dans le mois d’août, et qu’elle passait à travers les murs, qui s’ouvraient devant elle. Elle fut arrêtée par l’inquisition ; mais ayant tout confessé, elle fut admise à pénitence ; car les inquisiteurs n’ont jamais eu la férocité que leur prêtent certains livres ultra-menteurs.

Magares, sorciers de Mingrélie, fort redoutés des gens du pays, parce qu’ils nouaient l’aiguillette. Aussi la cérémonie du mariage, en ce pays, se faisait toujours en secret, et sans qu’on en sût le jour, de peur que ces prétendus sorciers ne jetassent quelques sortilèges fâcheux sur les époux. Voy. Ligatures.

Mages, sectateurs de Zoroastre, adorateurs du feu et grands magiciens. C’est d’eux, disent les démonomanes, que la magie ou science des mages tire son nom. Ils prêchaient la métempsycose astronomique ; c’est-à-dire que, selon leur doctrine, les âmes, au sortir de ce monde, allaient habiter successivement toutes les planètes avant de revenir sur la terre.

Magie et Magiciens. La magie est l’art de produire dans la nature des choses au-dessus du pouvoir des hommes, par le secours des démons, ou en employant certaines cérémonies que la religion interdit. Celui qui exerce cet art est appelé magicien. On distingue la magie noire, la magie naturelle, la cœlestialis, qui est l’astrologie judiciaire, et la cœremonialis. Cette dernière consiste dans l’invocation des démons, en conséquence d’un pacte formel ou tacite fait avec les puis » sances infernales. Ses diverses branches sont la cabale, l’enchantement, le sortilège, l’évocation des morts et des esprits malfaisants, la découverte des trésors cachés et des plus grands secrets, la divination, le don de prophétie, celui de guérir par des termes magiques et par des pratiques mystérieuses les maladies les plus opiniâtres, de préserver de tous maux, de tous dangers, au moyen d’amulettes, de talismans ; la fréquentation du sabbat, etc.[261]

La magie naturelle, selon les démonographes, est l’art de connaître l’avenir et de produire des effets merveilleux par des moyens naturels, mais au-dessus de la portée du commun des hommes. La magie artificielle est l’art de fasciner les yeux et d’étonner les spectateurs, ou par des automates, ou par des escamotages, ou par des tours de physique. La magie blanche est l’art de faire des opérations surprenantes par l’évocation des bons anges, ou simplement par adresse et sans aucune évocation. Dans le premier cas, on prétend que Salomon en est l’inventeur ; dans le second, la magie blanche est la même chose que la magie naturelle, confondue avec la magie artificielle. La magie noire ou diabolique, enseignée par le diable, et pratiquée sous son influence, est l’art de commercer avec les démons, en conséquence d’un pacte fait avec eux, et de se servir de leur ministère pour opérer des effets au-dessus de la nature. C’est de cette magie que sont accusés ceux qu’on appelle proprement magiciens. Cham en a été, dit-on, l’inventeur ou plutôt le conservateur ; car Dieu n’envoya le déluge, disent les démonomanes, que pour nettoyer la terre des magiciens et des sorciers qui la souillaient. Cham enseigna la magie et la sorcellerie à son fils Misraïm, qui, pour les grandes merveilles qu’il faisait, fut appelé Zoroastre. On a dit qu’il avait composé cent mille vers sur ce sujet, et qu’il fut emporté par le diable en présence de ses disciples.

En fait, la magie existe ; et l’Église n’a pu se tromper en la considérant comme une apostasie et un enrôlement dans les phalanges de Satan. Il n’est pas nécessaire d’établir ici la vérité des faits rapportés dans l’Écriture sainte sur la magie et les magiciens. Ils ne sont contestés que par la mauvaise foi des incrédules qui ont leur parti pris de nier. Mais tous les peuples ont reconnu l’existence de la magie ; et les plus forts des esprits forts ne la nieront pas, s’ils ont vu quelques-unes des merveilles du magnétisme. Nous ne parlons ici que des faits et non de la manière de les interpréter. Disons toutefois qu’on a attribué à cet art noir bien des accidents qui n’en ont pas été les produits. Il est constant que les écrivains des siècles passés ont entouré les histoires de faits magiques d’une crédulité trop étendue. La magie, disent-ils, donne à ceux qui la possèdent une puissance à laquelle rien ne peut résister : d’un coup de baguette, d’un mot, d’un signe, ils bouleversent les éléments, changent l’ordre immuable de la nature, livrent le monde aux puissances infernales, déchaînent les tempêtes, les vents et les orages ; en un mot, font le froid et le chaud. Les magiciens et sorciers, dit Vecker, sont portés par l’air d’un très-léger mouvement, vont où ils veulent, et cheminent sur les eaux, comme Oddon le pirate, lequel voltigeait çà et là en haute mer, sans esquif ni navire

On conte qu’un magicien coupa la tête d’un valet en présence de plusieurs personnes qu’il voulait divertir ; toutefois il coupait cette tête avec le dessein de la remettre ; mais pendant qu’il se disposait à la rétablir, il vit un autre magicien qui s’obstinait à le contre-carrer, quelque prière qu’il lui adressât ; il fit naître tout d’un coup un lis sur une table, et en ayant abattu la tête, son ennemi tomba par terre sans tête et sans vie. Puis il rétablit celle du valet et s’enfuit. Ce sont là des contes. Or, ces contes sur l’histoire la chargent sans l’anéantir.

Un autre magicien, en 1284, délivra la ville d’Hameln des rats innombrables qui infestaient ; il opéra cette merveille au moyen d’une flûte enchantée dont les sons attiraient invinciblement les rats. Mais, après ce service rendu, les magistrats d’Hameln refusèrent au magicien le prix convenu. Il s’en vengea, au moyen d’une autre flûte qui, par ses vibrations, entraîna tous les enfants de la ville. On ne les revit plus ; et des documents établissent qu’ils furent transportés en Transylvanie. Des monuments appuient ce trait d’histoire[262], dont Gustave Nieritz a fait un conte de fantaisie[263].

Mouchemberg, dans la suite de l’Argenis, va plus loin. Il raconte les aventures bizarres du magicien Lexilis. Ce magicien ayant été mis en prison par ordre du souverain de Tunis (le fait a eu lieu quelque temps avant la splendeur de Rome), il arriva dans ces entrefaites une chose étrange au fils du geôlier de la prison où Lexilis était détenu. Ce jeune homme venait de se marier, et les parents célébraient les noces hors de la ville. Le soir venu, on joua au ballon. Pour avoir la main plus libre, le jeune marié ôta de son doigt l’anneau nuptial ; il le mit au doigt d’une statue qui était près de là. Après avoir bien joué, il retourne vers la statue pour reprendre son anneau ; mais la main s’était fermée, et il lui fut impossible de le retirer. Ce fait se retrouve dans plusieurs légendes du moyen âge. Le jeune homme ne dit rien d’un tel prodige ; mais quand tout le monde fut rentré dans la ville, il revint seul devant la statue, trouva la main ouverte et étendue comme auparavant, toutefois sans la bague qu’il y avait laissée. Ce second événement le jeta dans une grande surprise. Il n’en alla pas moins rejoindre sa famille. Mais il voulut inutilement se rapprocher de sa femme. Un corps solide se plaçait continuellement devant lui. « C’est moi que tu dois embrasser, lui dit-on enfin, puisque tu m’as épousée aujourd’hui : je suis la statue au doigt de laquelle tu as mis ton anneau. » Le jeune époux effrayé révéla la chose à ses parents. Son père lui conseilla d’aller trouver Lexilis dans son cachot ; il lui en remit la clef. Le jeune homme s’y rendit et trouva le magicien endormi sur la table. Après avoir attendu longtemps qu’il s’éveillât, il le tira doucement par le pied : le pied avec la jambe lui demeura dans les ! mains… Lexilis, s’éveillant alors, poussa un cri : la porte du cachot se referma d’elle-même. Le marié tremblant se jeta aux genoux du magicien, lui demanda pardon de sa maladresse et implora son assistance. Le magicien promit de le débarrasser de la statue, moyennant qu’on le mît en liberté. Le marché fait, il rajusta sa jambe à sa place et sortit. Quand il fut libre, Lexilis écrivit une lettre qu’il donna au jeune homme : « Va-t’en à minuit, lui dit-il, dans le carrefour voisin où aboutissent quatre rues ; attends debout et en silence ce que le hasard t’amènera. Tu n’y seras pas longtemps sans voir passer plusieurs personnages, chevaliers, piétons, gentilshommes : les uns armés, les autres sans armes ; les uns tristes, les autres gais. Quoi que tu voies et que tu entendes, garde-toi de parler ni de remuer. Après cette troupe, suivra un certain, puissant de taille, assis sur un char ; tu lui remettras ta lettre, sans dire un mot, et tout ce que tu désires arrivera. » Le jeune homme fit ce qui lui était prescrit et vit passer un grand cortège. Le maître de la compagnie venait le dernier, monté sur un char triomphal. Il passa devant le fils du geôlier, et, jetant sur lui des regards terribles, il lui demanda de quel front il osait se trouver à sa rencontre ? Le jeune homme, mourant de peur, eut pourtant le courage d’avancer la main et de présenter sa lettre. L’esprit, reconnaissant le cachet, la lut aussitôt et s’écria : « Ce Lexilis sera-t-il longtemps encore sur la terre !… » Un instant après, il envoya un de ses gens ôter l’anneau du doigt de la statue, et le jeune époux cessa d’être troublé.

Cependant le geôlier fit annoncer au souverain de Tunis que Lexilis s’était échappé. Tandis qu’on le cherchait de toutes parts, le magicien entra dans le palais, suivi d’une vingtaine de jeunes filles qui portaient des mets choisis pour le prince. Mais, tout en avouant qu’il n’avait rien mangé de si délicieux, le roi de Tunis n’en renouvela pas moins l’ordre d’arrêter Lexilis. Les gardes, voulant s’emparer de lui, ne trouvèrent à sa place qu’un chien mort, sur le ventre duquel ils avaient tous la main,… prestige qui excita la risée générale. Après qu’on se fut calmé, on alla à la maison du magicien ; il était à sa fenêtre, regardant venir son monde. Aussitôt que les soldats le virent, ils coururent à sa porte, qui se ferma incontinent. De par le roi, le capitaine des gardes lui commanda de se rendre, le menaçant d’enfoncer la porte s’il refusait d’obéir. « Et si je me rends, dit Lexilis, que ferez-vous de moi ? — Nous vous conduirons courtoisement au prince. — Je vous remercie de votre courtoisie ; mais par où irons-nous au palais ? — Par cette rue, » reprit le capitaine en la montrant du doigt. En même temps il aperçut un grand fleuve qui venait à lui en grossissant ses eaux et remplissait la rue qu’il venait de désigner, tellement qu’en moins de rien ils en eurent jusqu’à la gorge. Lexilis, riant, leur criait : « Retournez au palais, car pour moi je ne me soucie pas d’y aller en barbet. »

Le prince, ayant appris ceci, résolut de perdre sa couronne plutôt que de laisser le magicien impuni : il s’arma lui-même pour aller à sa poursuite et le trouva dans la campagne qui se promenait paisiblement. Les soldats l’entourèrent pour le saisir ; mais Lexilis faisant un geste, chaque soldat se trouva la tête engagée entre deux piquets, avec deux cornes de cerf qui l’empêchaient de se retirer. Ils restèrent longtemps dans cette posture, pendant que des enfants leur donnaient de grands coups de houssine sur les cornes… Le magicien sautait d’aise à ce spectacle, et le prince était furieux. Ayant aperçu à terre, aux pieds de Lexilis, un morceau de parchemin carré, sur lequel étaient tracés des caractères, le roi de Tunis se baissa et le ramassa sans être vu du magicien. Dès qu’il eut ces caractères dans la main, les soldats perdirent leurs cornes, les piquets s’évanouirent, Lexilis fut pris, enchaîné, mené en prison, et de là sur l’échafaud pour y être rompu. Mais ici il joua encore un tour de son métier ; car, comme le bourreau déchargeait la barre de fer sur lui, le coup tomba sur un tambour plein de vin, qui se répandit sur la place, et Lexilis ne reparut plus à Tunis…

Voici une autre histoire contée par Wierus : « Un magicien de Magdebourg gagnait sa vie en faisant des tours de son métier, des enchantements, des fascinations et des prestiges sur un théâtre public. Un jour qu’il montrait, pour quelque monnaie, un petit cheval auquel il faisait exécuter, par la force de sa magie, des choses incroyables, après qu’il eut fini son jeu, il s’écria qu’il gagnait trop peu d’argent avec les hommes et qu’il allait monter au ciel… Ayant donc jeté son fouet en l’air, ce fouet commença de s’enlever. Le petit cheval ayant saisi avec sa mâchoire l’extrémité du fouet, s’enleva pareillement. L’enchanteur, comme s’il eût voulu retenir son bidet, le prit par la queue et fut emporté de même. La femme de cet habile magicien empoigna à son tour les jambes de son mari qu’elle suivit ; enfin la servante s’accrocha aux pieds de sa maîtresse, le valet aux jupes de la servante, et bientôt le fouet, le petit cheval, le sorcier, la femme, la cuisinière, le laquais, s’enlevèrent si haut qu’on ne les vit plus. Pendant que tous les assistants demeuraient stupéfaits d’admiration, il survint un homme qui leur demanda pourquoi ils bayaient aux corneilles, et quand il le sut : « Soyez en paix, leur dit-il, votre sorcier n’est pas perdu, je viens de le voir à l’autre bout de la ville, qui descendait à son auberge avec tout son monde[264]… » Voy. Harvis.

On raconte qu’Hemmingius, théologien célèbre, cita un jour deux vers barbares dans une de ses leçons, et ajouta, pour se divertir, qu’ils pouvaient chasser la fièvre, parce qu’ils étaient magiques. L’un de ses auditeurs en fit l’essai sur son valet et le guérit. Puis après on fit courir le remède, et il arriva que plusieurs fébricitants s’en trouvèrent bien. Hemmingius, après cela, se crut obligé de dire qu’il n’avait parlé de la sorte qu’en riant, et que ce n’était qu’un jeu d’esprit. Dès lors le remède tomba ; mais il y en eut beaucoup qui ne voulurent point se dédire de la confiance qu’ils y avaient ajoutée. Les maladies n’existent souvent que dans l’imagination : telle personne guérira avec un charlatan en qui elle a confiance ; telle autre ne guérira point avec un excellent médecin de qui elle se défie.

La magie a reparu en Suède en 1859 avec une sorte d’épidémie diabolique. Voici ce qu’on écrivait alors :

« Une superstition étrange, qui a pris la forme d’une véritable épidémie, a sévi pendant l’été dernier dans quelques contrées de la Suède. Le prévôt du chapitre de Leksand, le docteur Hvaser, chargé de faire une enquête, a consigné dans son rapport les faits suivants :

« Cette superstition a beaucoup de ressemblance avec celles des sorcières du moyen âge qui croyaient avoir assisté au sabbat du diable, ce qui s’appelait en Suède aller à Blokulla. Mais cette fois, et c’est ce qu’il y a de plus curieux, ce ne sont presque que des enfants qui sont en proie à ces hallucinations. En outre, ce n’est plus à Blokulla qu’on est censé aller, mais à Josefsdal, qui doit être près de Stockholm.

» Voici ce que les enfants racontent sur leurs pérégrinations. D’abord ils sont changés en vers, et ils s’échappent au dehors à travers un trou pratiqué dans la fenêtre ; ensuite ils prennent la forme de pies, et, quand ils se sont rassemblés, ils redeviennent enfants. Alors ils montent sur des peaux de veaux ou de vaches à travers les airs vers un clocher, où ils se vouent au diable.

» Anciennement on enlevait des parcelles du métal de la cloche en prononçant ces mots : « Que mon âme n’arrive jamais au règne de Dieu avant que ce métal redevienne une cloche. » Aujourd’hui la farine a remplacé le métal, et arrivé à Josefsdal, on en prépare une bouillie appelée welling, qu’on mange en société avec le malin esprit, qui s’appelle Nordsgubb (le vieux du Nord).

» En dansant, il porte des bottes fourrées dont il se débarrasse quand il s’est échauffé. Presque tous les enfants des deux communes de Gagnef et de Mockjards sont affectés de ces hallucinations. Quelques-uns en souffrent, d’autres restent bien portants. Les parents, qui croient leurs enfants perdus et vendus au prince des ténèbres, s’en désolent. D’autres, et ce ne sont pas les moins superstitieux, quand leurs enfants ne veulent pas faire des aveux, les tourmentent d’une manière incroyable.

» Un petit garçon nommé Grabo Pehr, qui affirmait avoir été plusieurs fois à Josefsdal, prétendait y avoir vu une petite fille, et lorsque la mère de celle-ci interrogeait Grabo Pehr, il indiquait pour preuve qu’en mangeant à Josefsdal, la petite fille s’était éclaboussée à la figure, d’où il serait résulté une blessure qui ne pourrait jamais guérir. La petite fille, en effet, souffrait, tout près de l’œil, d’une plaie de mauvaise nature et dont on ignorait l’origine. On peut croire quelle impression fâcheuse une telle coïncidence apparente faisait sur sa pauvre mère. La petite fille, cependant, n’avait aucune idée de Josefsdal, ni du welling, et par conséquent ne put jamais faire aucune révélation.

» Heureusement cette épidémie, dans ces deux villages, s’est calmée un peu au bout de quelques mois ; mais les esprits de la population n’en sont pas moins extrêmement agités, et des symptômes alarmants se montrent dans les contrées voisines. »

Il y a eu de tout temps, chez tous les peuples peu éclairés, grand nombre de magiciens, et on a beaucoup écrit contre eux. Nous citerons ici quelques-uns des mille et un volumes qui traitent de cette matière ex professo : 1° le Traité de la magie blanche, ou de l’escamotage, de Decremps ; 2° la Magie naturelle, de Porta ; 3° la Véritable magie noire, ou le Secret des secrets, manuscrit trouvé à Jérusalem dans le sépulcre de Salomon, contenant quarante-cinq talismans, avec la manière de s’en servir et leurs merveilleuses propriétés ; plus, tous les caractères— ma— giques connus jusqu’à ce jour, traduit du mage Iroé-Grego, Rome, 1750. Cet ouvrage stupide est donné comme un écrit de Salomon. On y trouve surtout des conjurations. 4° Trinum magicum, ou Traité des secrets magiques, contenant des recherches sur la magie naturelle, artificielle et superstitieuse ; les talismans, les oracles de Zoroastre, les mystères des Égyptiens, Hébreux, Chaldéens, etc., in-8o, Francfort, 1673 ; 5° Lettres de Saint-André, conseiller médecin ordinaire du roi, à quelques-uns de ses amis, au sujet de la magie, des maléfices et des sorciers, etc., Paris, in-12, 1725 ; 6° Traité sur la magie, le sortilège, les possessions, obsessions et maléfices, etc. ; par M. Daugis ; Paris, in-12, 1732. De nos jours on a vu paraître sur ces matières quelques ouvrages d’esprit divers. M. Jules Garinet a donné en 1818 une Histoire de la magie en France, pleine de faits curieux, mais trop sceptiques. Plus récemment, M. Alfred Maury a écrit sur la magie pour la nier. M. Louis Figuier a voulu ainsi expliquer le merveilleux sans trop l’admettre. L’abbé Fiard, dont on s’est raillé, a été peut-être un peu crédule aux yeux du vulgaire ; mais il n’a pas toujours vu faux. M. Eudes de Mirville a parfaitement démontré l’existence palpable des esprits. M. le chevalier Gougenot des Mousseaux, dans son savant livre intitulé la Magie au dix-neuvième siècle, a solidement établi les faits magiques, dans le passé et de nos jours, ainsi que le concours actif des démons autour de nous[265]. Enfin, la Mystique divine, naturelle et diabolique, de Görres, est aussi un livre que les négations ne tueront pas. Voy. Bodin, Delrio, Delancre, Leloyer, Boguet, Wierus, etc.

Magie islandaise. La première magie de ces peuples, devenus aujourd’hui plus sensés, consistait autrefois à évoquer des esprits aériens, et à les faire descendre sur la terre pour s’en servir. Elle était regardée comme la magie des grands. Cependant ces derniers en avaient une seconde, qui consistait à interpréter le chant des oiseaux, surtout des corneilles, les oiseaux les plus instruits dans la connaissance des affaires d’État et les plus capables de prédire l’avenir. Mais comme il n’en existe point en Islande, les corbeaux remplissaient cet office : les rois ne faisaient pas même scrupule de se servir de cette magie.

Magnétisme, science longtemps occulte. Cependant elle a été pratiquée par l’hérétique Marc, plus récemment par Mesmer et Cagliostro. Voici ce qu’écrivait à Bruxelles, en 1839, dans un recueil périodique intitulé le Magnétophile, un écrivain qui pouvait être M. Jobard ou M. Victor Idgiez :

« Le nom de magnétiseurs ne désignait autrefois que quelques mesmériens ou illuminés et quelques songe-creux. Aujourd’hui le magnétisme a fraternisé avec les sciences physiques, qui seules pouvaient éclairer ses données ; il forme la souche principale dont les autres sciences ne sont que les rameaux… Ses progrès sont liés plus immédiatement au profit de la société qu’elle ne semble le penser, dans la préoccupation de ses mesquines passions, de sa vie tumultueuse et agitée. Sous quelque point de vue qu’on le considère, son importance éclate et grandit chaque jour ; mais son immensité nuit encore à ses progrès, parce que personne, isolément, n’a encore le pouvoir d’embrasser son étendue. Le magnétisme est un problème qui se débat depuis près d’un siècle en Europe, dont l’Académie de médecine, en France, a ranimé l’énergie sans en donner la solution, et qui se complique, au contraire, chaque jour davantage par des phénomènes plus merveilleux. On l’a vu concentré d’abord entre les mains de quelques adeptes ignorants ou fanatiques ; de grandes expériences ont été faites ensuite, appuyées sur des noms qui ont porté la conviction dans quelques esprits. Aujourd’hui des savants le rejettent encore, il est vrai ; mais un savant se décide si difficilement à désapprendre ! Une innovation l’épouvante, car elle l’humilie et le détrône. Les doctrines cartésiennes ont lutté longtemps en France contre les vieilles universités avant d’obtenir leur droit de cité ; plus tard elles repoussèrent elles-mêmes les principes de la philosophie newtonienne ; celle-ci rejetait les découvertes d’Huygens ; Beaumé et Lesage niaient les belles théories de la chimie moderne ; Romé-Delisle persiflait l’interprète des phénomènes électro-magnétiques. D’ailleurs, le tabac, le café, l’émétique, la vaccine et jusqu’aux pommes de terre, n’ont-ils pas éprouvé leur temps de persécution ? L’Académie de médecine ne se constitua-t-elle pas formellement opposée à ce que la chimie, cette corne d’abondance des sociétés modernes, fût enseignée dans Paris, comme étant, pour bonnes causes et considérations, défendue et censurée par arrêt du parlement ? L’établissement des banques, des écoles, des voitures publiques, ne rencontra-t-il pas également une opposition formidable dans ce même parlement ? Jacquart ne vit-il pas brûler en place publique, par ordre des prud’hommes de Lyon, ses métiers, qui devaient faire cependant la prospérité et la fortune de cette seconde capitale de la France ? Franklin ne fut-il pas tourné en ridicule quand il apprit aux campagnards l’art de fertiliser les champs avec du plâtre ? Christophe Colomb ne fut-il pas chassé de toutes les cours quand son génie lui fit apparaître un monde dont il voulait doter sa patrie[266] ?… Pitheas, Wedel, Cook, Billinghausen, Biscoé et autres voyageurs célèbres, ne furent-ils pas taxés d’imposture ? Averrhoès, Volta, Fui Ion, Salomon de Caus, Davy, Arkwright, Gall, Lavater et tous ceux qui se sont présentés, une découverte à la main, à la porte de ce vaste Charenton qu’on appelle le monde, n’ont-ils pas été reçus à coups de sifflets ?…

» Cependant le magnétisme voit aussi son triomphe. Déjà il a détruit les doctrines impies de l’école médicale physiologique de Broussais, qui prétendait ramener aux seuls organes matériels du corps les nobles facultés de l’intelligence ; mission d’autant plus grande que là sont les bases de toute société, la clef de voûte et le ciment de tout édifice social. Le premier et le plus bel apanage du magnétisme est donc de devenir une arme toute-puissante contre les partisans de la matière, une preuve irrésistible, irréfragable, évidente, palpable, de l’existence de l’âme indépendante du secours des sens… »

Sans oser juger ici le magnétisme, et sans pouvoir nier ses effets, qui sont évidents, bornons-nous à dire que le magnétisme existe ; que c’est une nouvelle branche de merveilles plus incompréhensible encore que le galvanisme ; qu’on n’en pourra jamais sans doute établir les éléments, mais qu’on en doit tirer un immense parti en médecine. L’Académie des sciences, qui s’obstinait à le nier lorsqu’elle n’était composée en majorité que de matérialistes, le reconnaît aujourd’hui. Les juges religieux n’ont condamné que ses abus. Voy. Somnambulisme. Voy. aussi Mesmer.

Les plus sûrs ouvrages à consulter pour connaître impartialement le magnétisme sont les livres spéciaux de M. Aubin Gauthier, surtout son Traité pratique du magnétisme, in-8o, Paris, 1845. On peut voir aussi le livre de M. l’abbé Loubers et le remarquable ouvrage de M. de Mirville sur les esprits.

Magoa, l’un des plus puissants démons, roi de l’Orient. On l’évoque par l’oraison suivante prononcée au milieu d’un cercle. Elle peut servir tous les jours et à toute heure, dit un grimoire:« Je te conjure et invoque, ô puissant Magoa, roi de l’Orient; je te fais commandement d’obéir à ce que tu aies à venir ou m’envoyer sans retardement Massayel, Asiel, Satiel, Arduel, Acorib, et sans aucun délai, pour répondre à tout ce que je veux savoir et faire. »

Magog. Schradérus, dans son lexique « Scandinave, fait le géant Magog chef des anciens Scythes, inventeur des runes, espèces d’hiéroglyphes ou caractères dont se sont servis les peuples septentrionaux, et dont l’usage a précédé en Europe celui des lettres grecques. Voy. Og.

Mahomet, imposteur suffisamment connu. On peut voir le plus curieux de ses faits extraordinaires, son voyage au paradis, dans les Légendes de l’autre monde.

Maillat (Louise), petite démoniaque, qui vivait en 1598 ; elle perdit l’usage de ses membres ; on la trouva possédée de cinq démons qui s’appelaient loup, chat, chien, joly, griffon. Deux de ces démons sortirent d’abord par sa bouche en forme de pelotes de la grosseur du poing ; la première rouge comme du feu ; la deuxième, qui était le chat, sortit toute noire ; les autres partirent avec moins de violence. Tous ces démons, étant hors du corps de la jeune personne, firent plusieurs tours devant le foyer et disparurent. On a su que c’était Françoise Secrétain qui avait fait avaler ces diables à cette petite fille dans une croûte de pain de couleur de fumier[267].

Maimon, chef de la neuvième hiérarchie des démons, capitaine de ceux qui sont tentateurs, insidiateurs, dresseurs de pièges, lesquels se tortillent autour de chaque personne pour contrecarrer le bon ange[268].

Main. On s’est moqué avec raison des borborites, secte hérétique des premiers siècles de l’Église, qui avaient des idées absurdes en théologie, et qui disaient que la main est toute la civilisation de l’homme ; que sans la main l’homme ne serait qu’un cheval ou un bœuf ; que l’esprit ne serait bon à rien avec des pieds fourchus ou des mains de corne ou des pattes à longues griffes. Ils faisaient un système d’origines ; ils contaient que l’homme, dans le commencement, n’avait que des pattes comme les chiens ; que tant qu’ils n’eurent que des pattes, les hommes, comme des brutes, vécurent dans la paix, l’heureuse ignorance et la concorde ; mais, ajoutaient-ils, un génie prit les hommes en affection et leur donna des mains. Dès lors nos pères se trouvèrent adroits ; ils se firent des armes, ils subjuguèrent les autres animaux, ils imaginèrent, ils produisirent avec leurs mains des choses surprenantes, bâtirent des maisons, taillèrent des habits et firent des peintures. Ôtez à l’homme ses mains, disaient-ils, et, avec tout son esprit, vous verrez ce qu’il deviendra.

Mais nous avons les mains, et c’est Dieu qui nous les a données. Quoique nous n’en possédions que deux, la loi de l’égalité si vantée, cette loi impossible, a échoué aussi dans nos mains. Il y a de l’aristocratie jusque-là. La main droite se croit bien au-dessus de la main gauche ; c’est un vieux préjugé qu’elle a de temps immémorial. Aristote cite l’écrevisse comme un être privilégié, parce qu’il a la patte droite beaucoup plus grosse que la gauche. Dans les temps anciens, les Perses et les Mèdes faisaient comme nous leurs serments de la main droite. Les nègres regardent la main gauche comme la servante de l’autre ; elle est, disent-ils, faite poulie travail, et la droite seule a le droit de porter les morceaux à la bouche et de toucher le visage. Un habitant du Malabar ne mangerait pas d’aliments que quelqu’un aurait touchés de la main gauche. Les Romains donnaient une si haute préférence à la droite que, lorsqu’ils se mettaient à table, ils se couchaient toujours sur le côté gauche pour avoir l’autre entièrement libre. Ils se défiaient tellement de la main gauche, qu’ils ne représentaient jamais l’amitié qu’en la figurant par deux mains droites réunies. Chez nous, toutes ces opinions ont survécu. Les gens superstitieux prétendent même qu’un signe de croix fait de la main gauche n’a aucune valeur. Aussi on habitue les enfants à tout faire de la main droite et à regarder la gauche comme nulle, tandis que peut-être il y aurait avantage à se servir également des deux mains.

Puisqu’on attache à la main une si juste importance, on doit voir sans surprise que des savants y aient cherché tout le sort des hommes. On a écrit d’énormes volumes sous le titre de chiromancie ou divination par la main. Cette science bizarre présente une foule d’indices qui sont au moins curieux ; c’est toute la science des bohémiennes, que nos pères regardaient ordinairement comme des prophétesses et que l’on écoute encore dans les campagnes. De tout temps, dit-on, l’homme fut de glace pour les vérités et de feu pour les mensonges ; il est surtout ami du merveilleux. Si Peau d’Âne m’était conté, a dit la Fontaine, j’y prendrais un plaisir extrême. Voilà la cause de la crédulité que nos bons aïeux accordaient aux bohémiennes ; et voici les principes de l’art de dire la bonne aventure dans la main, science célèbre parmi les sciences mystérieuses, appelée par les adeptes chiromancie, xeiromancie et chiroscopie.

Il y a dans la main plusieurs parties qu’il est important de distinguer : la paume ou dedans de


la main, le poing ou dehors de la main lorsqu’elle est fermée, les doigts, les ongles, les jointures, les lignes et les montagnes. — Il y a cinq doigts : le pouce, l’index, le doigt du milieu, l’annulaire, l’auriculaire ou petit doigt. Il y a quinze jointures : trois au petit doigt, trois à l’annulaire, trois au doigt du milieu, trois à l’index, deux au pouce et une entre la main et le bras. Il y a quatre lignes principales. La ligne de la vie, qui est la plus importante, commence au haut de la main, entre le pouce et l’index, et se prolonge au bas de la racine du pouce jusqu’au milieu de la jointure qui sépare la main du bras ; la ligne de la santé et de l’esprit, qui a la même origine que la ligne de vie, entre le pouce et l’index, coupe la main en deux et finit au milieu de la base de la main, entre la jointure du poignet et l’origine du petit doigt ; la ligne de la fortune ou du bonheur, qui commence à l’origine de l’index, finit sous la base de la main, " en deçà de la racine du petit doigt ; enfin la ligne de la jointure, qui est la moins importante, se trouve sous le bras, dans le passage du bras à la main ; c’est plutôt un pli qu’une ligne. On remarque une cinquième ligne qui ne se trouve pas dans toutes les mains ; elle se nomme ligne du triangle, parce que, commençant au milieu de la jointure, sous la racine du pouce, elle finit ! sous la racine du petit doigt. Il y a aussi sept tubérosités ou montagnes, qui portent le nom des sept planètes. Nous les désignerons tout à l’heure. Pour la chiromancie, on se sert toujours de la main gauche, parce que la droite, étant


plus fatiguée, quoique plus noble, présente quelquefois dans les lignes des irrégularités qui ne sont point naturelles. On prend donc la main gauche lorsqu’elle est reposée, un peu fraîche et sans aucune agitation, pour voir au juste la couleur des lignes et la forme des traits qui s’y trouvent. La figure de la main peut déjà donner une idée, sinon du sort futur des personnes, au moins de leur naturel et de leur esprit. En général, une grosse main annonce un esprit bouché, à moins que les doigts ne soient longs et un peu déliés. Une main potelée, avec des doigts qui se terminent en fuseau, comme on se plaît à en souhaiter aux femmes, n’annonce pas un esprit très-étendu. Des doigts qui rentrent dans la main sont le signe non équivoque d’un esprit lent, quelquefois d’un naturel enclin à la fourberie. Des doigts qui se relèvent au-dessus de la main annoncent des qualités contraires. Des doigts aussi gros à l’extrémité qu’à la racine n’annoncent rien de mauvais. Des doigts plus gros à la jointure du milieu qu’à la racine n’annoncent rien que de bon.

Nous donnons sérieusement ces détails, ne pensant pas qu’il soit nécessaire de les réfuter.

Une main large vaut mieux qu’une main trop étroite. Pour qu’une main soit belle, il faut qu’elle porte en largeur la longueur du doigt du milieu. Si la ligne de la jointure, qui est quelquefois double, est vive et colorée, elle annonce un heureux tempérament. Si elle est droite, également marquée dans toute sa longueur, elle promet des richesses et du bonheur. Si la jointure présentait quatre lignes visibles, égales et droites, on peut s’attendre à des honneurs, à des dignités, à de riches successions. Si elle est traversée de trois petites lignes perpendiculaires ou marquée de quelques points bien visibles, c’est le signe certain qu’on sera trahi. Des lignes qui partent de la jointure et se perdent le long du bras annoncent qu’on sera exilé. Si ces lignes se perdent dans la paume de la main, elles présagent de longs voyages sur terre et sur mer. Une femme qui porte la figure d’une croix sur la ligne de la jointure est chaste, douce, remplie d’honneur et de sagesse ; elle fera le bonheur de son époux. Si la ligne de vie, qui se nomme aussi ligne du cœur, est longue, marquée, égale, vivement colorée, elle présage une vie exempte de maux et une belle vieillesse. Si cette ligne est sans couleur, tortueuse, courte, peu apparente, séparée par de petites lignes transversales, elle annonce une vie courte, une mauvaise santé. Si cette ligne est étroite, mais longue et bien colorée, elle désigne la sagesse, l’esprit ingénieux. Si elle est large et pâle, c’est le signe quelquefois de la sottise. Si elle est profonde et d’une couleur inégale, elle dénote la malice, le babil, la jalousie, la présomption. Lorsqu’à son origine, entre le pouce et l’index, la ligne de vie se sépare en deux, de manière à former la fourche, c’est le signe de l’inconstance. Si cette ligne est coupée vers le milieu par deux petites lignes transversales bien apparentes, c’est le signe d’une mort prochaine. Si la ligne de vie est entourée de petites rides qui lui donnent la forme d’une branche chargée de rameaux, pourvu que ces rides s’élèvent vers le haut de la main, c’est le présage des richesses. Si ces rides sont tournées vers le bas de la main, elles annoncent la pauvreté. Toutes les fois que la ligne de vie est interrompue, brisée, c’est autant de maladies.

La ligne de la santé et de l’esprit est aussi appelée ligne du milieu. Lorsqu’elle est droite, bien marquée, d’une couleur naturelle, elle donne la santé et l’esprit, le jugement sain, une heureuse mémoire et une conception vive. Si elle est longue, on jouira d’une santé parfaite. Si elle est tellement courte qu’elle n’occupe que la moitié de la main, elle dénote la timidité, la faiblesse, l’avarice. Si la ligne de santé est tortueuse, elle donne le goût du vol ; droite, au contraire, c’est la marque d’une conscience pure et d’un cœur juste. Si cette ligne s’interrompt vers le milieu pour former une espèce de demi-cercle, c’est le présage qu’on sera exposé à de grands périls avec les bêtes féroces. La ligne de la fortune ou du bonheur commence, comme nous l’avons dit, sous la racine de l’index, et se termine à la base de la main, en deçà de la racine du petit doigt : elle est presque parallèle à la ligne de santé. Si la ligne de la fortune est égale, droite, assez longue et bien marquée, elle annonce un excellent naturel, la force, la modestie et la constance dans le bien. Si, au lieu de commencer sous la racine de l’index, entre l’index et le doigt du milieu, elle commence presque au haut de la main, c’est le signe de


l’orgueil. Si elle est très-rouge dans sa partie supérieure, elle dénote l’envie. Si la ligne de la fortune est chargée de petites lignes formant des rameaux qui s’élèvent vers le haut de la main, elle présage des dignités, le bonheur, la puissance et les richesses ; mais si cette ligne est absolument nue, unie, sans rameaux, elle prépare la misère et l’infortune. S’il se trouve une petite croix sur la ligne de la fortune, c’est la marque d’un cœur libéral, ami de la véracité, bon, affable, orné de toutes les vertus. Si la ligne du bonheur ou de la fortune, au lieu de naître où nous l’avons dit, prend racine entre le pouce et l’index, au même lieu que la ligne de santé, de façon que les deux lignes forment ensemble un angle aigu, on doit s’attendre à de grands périls, à des chagrins. Si la ligne de santé ne se trouvait pas au milieu de la main, et qu’il n’y eût que la ligne de vie et la ligne de la fortune et du bonheur réunies à leur origine, de manière à former un angle, c’est le présage qu’on perdra la t[ete à la bataille ou qu’on sera blessé mortellement dans quelque affaire. Si la ligne de la fortune est droite et déliée dans sa partie supérieure, elle donne le talent de gouverner sa maison et de faire face honnêtement à ses affaires. Si cette ligne est interrompue vers le milieu par de petites lignes transversales, elle indique la duplicité. Si la ligne de la fortune est pâle dans toute sa longueur, elle promet la pudeur et la chasteté. La ligne du triangle manque dans beaucoup de mains, ^ans qu’on en soit plus malheureux. Si la ligne du triangle est droite, apparente (car ordinairement elle paraît peu) et qu’elle s’avance jusqu’à la ligne de la santé, elle promet de grandes richesses. Si elle se prolonge jusque vers la racine du doigt du milieu, elle donne les plus heureux succès. Mais si elle se perd au-dessous de la racine du petit doigt, vers le bas de la main, elle amène des rivalités. Si elle est tortueuse, inégale, de quelque côté qu’elle se dirige, elle annonce qu’on ne sortira pas de la pauvreté.

L’éminence ou gonflement charnu qui se trouve à la racine du pouce et s’étend jusqu’à la ligne de la vie se nomme la montagne de Vénus. Quand cette tubérosité est douce, unie, sans rides, c’est l’indice d’un heureux tempérament. Si cette montagne est ornée d’une petite ligne parallèle à la ligne de vie et voisine de cette ligne, c’est le présage des richesses. Si le pouce est traversé dans sa longueur de petites lignes qui se rendent de l’ongle à la jointure, ces lignes promettent un grand héritage. Mais si le pouce est coupé de lignes transversales, comme le pli des jointures, c’est le signe qu’on fera des voyages longs et périlleux. Si le pouce ou la racine du pouce présente des points ou des étoiles, c’est la gaieté.

L’éminence qui se trouve à la racine de l’index se nomme la montagne de Jupiter. Quand cette tubérosité est unie et agréablement colorée, c’est le signe d’un heureux naturel et d’un cœur porté à la vertu. Si elle est chargée de petites lignes doucement marquées, on recevra des honneurs et des dignités importantes. La tubérosité qui s’élève dans la paume de la main, à la racine du doigt du milieu, se nomme la montagne de Saturne. Si cette éminence est unie et naturellement colorée, elle marque la simplicité et l’amour du travail ; mais si elle est chargée de petites rides, c’est le signe de l’inquiétude, c’est l’indice d’un esprit prompt à se chagriner. Si la jointure qui sépare la main du doigt du milieu présente des plis tortueux, elle désigne un jugement lent, un esprit paresseux, une conception dure. Une femme qui aurait sous le doigt du milieu, entre la seconde jointure et la jointure voisine de l’ongle, la figure d’une petite croix, porterait là un signe heureux pour l’avenir.

La tubérosité qui se trouve à la racine du doigt annulaire se nomme la montagne du Soleil. Si cette montagne est chargée de petites lignes naturellement marquées, elle annonce un esprit vif et heureux, de l’éloquence, des talents pour les emplois, un peu d’orgueil. Si ces lignes ne sont qu’au nombre de deux, elles donnent moins d’éloquence, mais aussi plus de modestie. Si la racine du doigt annulaire est chargée de lignes croisées les unes sur les autres, celui qui porte ce signe sera victorieux sur ses ennemis et l’emportera sur ses rivaux. L’éminence qui s’élève dans la main à la racine du petit doigt se nomme la montagne de Mercure. Si cette éminence est unie, sans rides, on aura un heureux tempérament, de la constance dans l’esprit et dans le cœur ; pour les hommes, de la modestie ; pour les femmes, de la pudeur. Si cette éminence est traversée par deux lignes légères qui se dirigent vers le petit doigt, c’est la marque de la libéralité.

L’espace qui se trouve sur le bord inférieur de la main au-dessous de la montagne de Mercure, depuis la ligne du bonheur jusqu’à l’extrémité de la ligne de l’esprit, se nomme la montagne de la Lune. Quand cet espace est uni, doux, net, il indique la paix de l’âme et un esprit naturellement tranquille. Lorsqu’il est fort


coloré, c’est le signe de la tristesse, d’un esprit chagrin et morose, et d’un tempérament mélancolique. Si cet espace est chargé de rides, il annonce des voyages et des dangers sur mer.

L’espace qui se trouve au bord inférieur de la main, en deçà de la montagne de la Lune, depuis l’extrémité de la ligne de l’esprit jusqu’à l’extrémité inférieure de la ligne de la jointure, se nomme la montagne de Mars. Quand cet espace est uni, doux et net, il est le caractère du vrai courage et de cette bravoure que la prudence accompagne toujours. S’il est fortement coloré, il désigne l’audace, la témérité. Lorsque la montagne de Mars est chargée de grosses rides, ces rides sont autant de dangers plus ou moins grands, suivant leur profondeur et leur longueur ; c’est aussi le présage d’une mort possible entre les mains des brigands, si les lignes sont livides ; elles sont l’indice d’un trépas funeste si elles sont fort rouges, d’une mort glorieuse au champ de bataille si elles sont droites. Des croix sur la montagne de Mars promettent des dignités et des commandements.

N’oublions pas les signes des ongles. De petits signes blanchâtres sur les ongles présagent des craintes ; s’ils sont noirs, ils annoncent des frayeurs et des dangers ; s’ils sont rouges, ce qui est plus rare, des malheurs et des injustices ; s’ils sont d’un blanc pur, des espérances et du bonheur. Quand ces signes se trouvent à la racine de l’ongle, l’accomplissement de ce qu’ils présagent est éloigné. Ils se rapprochent avec le temps, et se trouvent à la sommité de l’ongle quand les craintes et les espérances se justifient par l’événement.

Pour qu’une main d’homme ou de femme soit très-heureuse, il faut qu’elle ne soit pas trop potelée, qu’elle soit un peu longue, que les doigts ne soient pas trop arrondis, que l’on distingue les nœuds des jointures. La couleur en sera fraîche et douce, les ongles plus longs que larges ; la ligne de la vie, bien marquée, égale, fraîche, ne sera point interrompue et s’éteindra dans la ligne de la jointure. La ligne de la santé occupera les trois quarts de l’étendue de la main. La ligne de la fortune sera chargée de rameaux et vivement colorée.

On voit, dans tous les livres qui traitent de la chiromancie, que les doctes en cette matière reconnaissaient deux sortes de divinations par le moyen de la main : la chiromancie physique, qui, par la simple inspection de la main, devine le caractère et les destinées des personnes ; et la chiromancie astrologique, qui examine les influences des planètes sur les lignes de la main, et croit pouvoir déterminer le caractère et prédire ce qui doit arriver en calculant ces influences. Nous nous sommes plus appesanti sur les principes de la chiromancie physique, parce que c’est la seule qui soit encore en usage. C’est aussi la plus claire et la plus ancienne.

Aristote regarde la chiromancie comme une science certaine ; Auguste disait lui-même la bonne aventure dans la main. Mais les démonomanes pensent qu’on ne peut pas être chiromancien sans avoir aussi un peu de nécromancie, et que ceux qui devinent juste en vertu de cette science sont inspirés souvent par quelque mauvais esprit[269].

« Gardez-vous, en chiromancie, dit M. Salgues[270], des lignes circulaires qui embrasseraient la totalité du pouce ; les cabalistes les nomment l’anneau de Gygès, et Adrien Sicler nous prévient que ceux qui les portent courent risque qu’un jour un lacet fatal ne leur serre la jugulaire. Pour le prouver, il cite Jacquin Caumont, enseigne de vaisseau, qui fut pendu, ne s’étant pas assez méfié de cette funeste figure. Ce serait bien pis si ce cercle était double en dehors et simple en dedans : alors nul doute que votre triste carrière ne se terminât sur une roue. Le même Adrien Sicler a connu à Nîmes un fameux impie qui fut roué en 1559, et qui portait ce signe mortel à la première phalange.

» Il n’est pas possible de vous tracer toutes les lignes décrites et indiquées par les plus illustres chiromanciens pour découvrir la destinée et fixer l’horoscope de chaque individu ; mais il est bon que vous sachiez qu’Isaac Kim-Ker a donné soixante-dix figures de mains au public ; le docte Mélampus, douze ; le profond Compotus, huit ; Jean de Hagen, trente-sept ; le subtil Romphilius, six ; l’érudit Corvæus, cent cinquante ; Jean Cirus, vingt ; Patrice Tricassus, quatre-vingts ; Jean Belot, quatre ; Traisnerus, quarante, et Perrucho, six ; ce qui fait de bon compte quatre cent vingttrois mains sur lesquelles votre sagacité peut s’exercer. Mais, dites-vous, l’expérience et les faits parlent en faveur de la chiromancie. Un Grec prédit à Alexandre de Médicis, duc de Toscane, sur l’inspection de sa main, qu’il mourrait d’une mort violente ; et il fut en effet assassiné par Laurent de Médicis, son cousin. De tels faits ne prouvent rien ; car, si un chiromancien rencontra juste une fois ou deux, il se trompa mille fois. À quel homme raisonnable persuadera-t-on en effet que le soleil se mêle de régler le mouvement de son index (comme le disent les maîtres en chiromancie astrologique) ? que Vénus a soin de son pouce, et Mercure de son petit doigt ? Quoi ! Jupiter est éloigné de vous immensément ; il est quatorze cents fois plus gros que le petit globe que vous habitez, et décrit dans son orbite des années de douze ans, et vous voulez qu’il s’occupe de votre doigt médius !… »

Le docteur Bruhier, dans son ouvrage des Caprices de l’imagination, rapporte qu’un homme de quarante ans, d’une humeur vive et enjouée, rencontra en société une femme qu’on avait fait venir pour tirer des horoscopes. Il présente sa main ; la vieille le regarde en soupirant : — Quel dommage qu’un homme si aimable n’ait plus qu’un mois à vivre ! — Quelque temps après, il s’échauffe à la chasse, la fièvre le saisit, son imagination s’allume, et la prédiction de la bohémienne s’accomplit à la lettre. »

Un personnage important du dernier siècle, M. Raillon, racontait souvent que, dans sa jeunesse, s’étant fait dire sa bonne aventure par une bohémienne, elle lui avait surtout conseillé de prendre garde à l’échafaud, qui lui serait funeste. Son état et sa conduite le mettaient certainement à l’abri de toute crainte à cet égard. Cependant, le triste horoscope s’est malheureusement accompli, quoique d’une manière bien différente du sens que l’on attribue à ce mot pris en mauvaise part. Étant à Paris, et se faisant bâtir un hôtel, il voulut voir par lui-même si les ouvriers exécutaient bien ses ordres. Monté sur un échafaud mal construit, qui cassa sous lui, il tomba de trente pieds de hauteur, et resta mort sur le coup.

Main de gloire. Ce que les sorciers appellent main de gloire est la main d’un pendu, qu’on prépare de la sorte : on l’enveloppe dans un morceau de drap mortuaire, en la pressant bien, pour lui faire rendre le peu de sang qui pourrait y être resté ; puis on la met dans un vase de terre, avec du sel, du salpêtre, du zimat et du poivre long, le tout bien pulvérisé. On la laisse dans ce pot l’espace de quinze jours ; après quoi on l’expose au grand soleil de la canicule, jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement desséchée : si le soleil ne suffit pas, on la met dans un four chauffé de fougère et de verveine. On compose ensuite une espèce de chandelle avec de la graisse de pendu, de la cire vierge et du sésame de Laponie ; et on se sert de la main de gloire, comme d’un chandelier, pour tenir cette merveilleuse chandelle allumée. Dans tous les lieux où l’on va avec ce funeste instrument, ceux qui y sont demeurent immobiles, et ne peuvent non plus remuer que s’ils étaient morts.

Il y a diverses manières de se servir de la main de gloire ; les scélérats les connaissent bien ; mais, depuis qu’on ne pend plus chez nous, ce doit être chose rare. Deux magiciens, étant venus loger dans un cabaret pour y voler, demandèrent à passer la nuit auprès du feu, ce qu’ils obtinrent. Lorsque tout le monde fut couché, la servante, qui se défiait de la mine des deux voyageurs, alla regarder par un trou de la porte pour voir ce qu’ils faisaient. Elle vit qu’ils tiraient d’un sac la main d’un corps mort, qu’ils en oignaient les doigts de je ne sais quel onguent, et les allumaient, à l’exception d’un seul qu’ils ne purent allumer, quelques efforts qu’ils fissent, et cela parce que, comme elle le comprit, il n’y avait qu’elle des de gloire, quand on a eu la précaution de frotter le seuil de la porte avec un onguent composé de fiel de chat noir, de graisse de poule blanche et de sang de chouette, lequel onguent doit être fait dans la canicule[271].

Main invisible. Gaspard Schott, dans sa Magie universelle, livre IV, page 407, rapporte le fait suivant, dont il a été témoin dans son enfance, et qu’il a entendu raconter à des témoins plus âgés que lui. Deux compagnons sortaient d’une ville, armés et portant leur bagage, pour aller travailler dans une contrée. L’un d’eux ayant trop bu attaque l’autre, qui refuse de se battre avec un homme ivre ; mais il reçoit un coup à la tête. Voyant couler son sang, il riposte et perce de part en part le malheureux ivrogne. On accourt aussitôt de la ville, et parmi les assistants se trouve la femme même du mort. Dans le moment qu’elle donnait des soins à son époux, le meurtrier, qui s’enfuyait, se sentit saisi par une main invisible et fut entraîné « auprès du magistrat, lequel le fit mettre en prison. Qu’était-ce que cette main invisible ? Celle du mort qui revenait dégrisé.

Mainfroi ou Manfred, roi de Naples, qui régna dans les Deux-Siciles de 1254 à 1266, fils naturel de l’empereur Frédéric II.

Malgré les secours qu’il reçut des Sarasins, ses alliés, il fut tué dans le combat. — Page 436.


Lorsqu’il fut excommunié pour ses crimes, il s’occupa, dit-on, de magie. Pic de la Mirandole conte que Mainfroi, étant en guerre contre Charles d’Anjou, voulut savoir des démons l’événement de la bataille qu’il allait lui livrer, et que le démon, pour le tromper, ne lui répondit qu’en paroles ambiguës, quoique cependant il lui prédît sa mort ; et en effet, malgré les secours qu’il reçut des Sarasins, ses alliés, il fut tué dans le combat. On remarque que Charles d’Anjou écrivit à Mainfroi, avant la bataille, ces singulières paroles : « Aujourd’hui, je t’enverrai en enfer si tu ne m’envoies pas en paradis. » On a attribué à Manfred un livre latin intitulé la Pomme philosophique, où il traite de la science de l’alchimie, qu’il dit être la sœur germaine de îa magie[272].

Maison ensorcelée. À la fin de nivôse an xiii (1805), il s’est passé à Paris, rue Notre-Dame-de-Nazareth, dans une ancienne maison dont on avait dépouillé des religieuses cordelières, une scène qui fit quelque bruit. On vit tout à coup voler en l’air des bouteilles depuis la cave jusqu’au grenier ; plusieurs personnes furent blessées ; les débris de bouteilles restèrent entassés dans le jardin, sans que la foule des curieux pût découvrir d’où provenait ce phénomène. On consulta des physiciens et des chimistes, ils ne purent pas même dire de quelle manufacture venaient les bouteilles qu’on leur montra. Les gens du quartier se persuadèrent qu’elles venaient de la manufacture du diable, et que cette aventure ne pouvait être que l’ouvrage des sorciers ou des revenants ; les personnes plus instruites, tout aussi crédules, ne surent que penser. La police découvrit enfin que ces revenants n’étaient que des habitants de la maison voisine, aidés d’un physicien de leurs amis, qui, au moyen de l’électricité et d’un trou imperceptible pratiqué dans le mur, parvenait à faire mouvoir à leur gré les meubles de la maison prétendue ensorcelée. Ils avaient pour objet d’empêcher le nouveau propriétaire de la vendre ; ils se vengeaient en même temps d’une personne dont ils croyaient avoir à se plaindre[273]. Voy. Alessandro, Athénodore, Ayola, Bolacré, Chambre infestée, Revenants, etc.

Malache-Chabbalah. On nomme ainsi, dans la cabale juive, les démons qui sont aux ordres de Samaël. Ils remplissent « les sept régions de l’enfer ».

Malades. « Divers sont les jugements qui se font d’aucuns, si un malade doit vivre ou mourir ; mais je publierai ce présent signe infaillible, duquel se pourra servir un chacun, et en faire un ferme jugement : Prenez une ortie et la mettez dans l’urine du malade, incontinent après que le malade l’aura faite, et avant qu’elle soit corrompue ; laissez l’ortie dans ladite urine l’espace de vingt-quatre heures ; et après, si l’ortie se trouve verte, c’est un signe de vie[274]. »

Si l’ortie se trouve verte, c’est un signe de vie. — Page 436.

Delancre[275] nous conseille de ne pas admettre l’opinion des gnostiques, qui disent que chaque maladie a son démon, et d’éviter l’erreur populaire qui prétend que tous ceux qui tombent du haut mal sont possédés. Les maladies ont souvent causé de grands désordres. Le P. Lebrun rapporte l’exemple d’une femme attaquée d’une maladie de l’œil qui lui faisait voir une foule d’images bizarres et effrayantes ; elle se crut ensorcelée : un habile oculiste l’opéra, et guérit en même temps son œil et son imagination. Plusieurs des sorciers, loups-garous et possédés n’étaient que des malades ; mais il est des cas où les maladies sont des effets de possessions. Voy. Hallucination.

Malafar. Voy. Valafar.

Malaingha, nom général des anges du premier ordre chez les habitants de Madagascar. Ces anges font mouvoir les deux, les étoiles, les planètes, et sont chargés du gouvernement des saisons : les hommes sont confiés à leur garde, ils veillent sur leurs jours, détournent les dangers qui les menacent et écartent les démons.

Malatasca. C’est le nom que sainte Catherine de Sienne donnait au diable.

Mal caduc. Pour guérir ce mal, on se sert d’un anneau dont voici la recette : « Vous ferez un anneau de pur argent, dans le chaton duquel vous enchâsserez un morceau de corne de pied d’élan ; puis vous choisirez un lundi du printemps auquel la lune sera en aspect bénin ou en conjonction avec Jupiter ou Vénus, et à l’heure favorable de la constellation, vous graverez en dedans de l’anneau ce qui suit : Dabi, Habi, Haber, Habi. Soyez assuré qu’en portant habituellement cet anneau au doigt du milieu de la main, il vous garantira du mal caduc[276]. » Si vous n’y croyez pas, moi non plus.

Maldonat, célèbre jésuite, né en 1534, à Casas de la Reina dans l’Estramadure. Il étudia à Salamanque et entra chez les jésuites de Rome en 1562. Deux ans après, il ouvrit, au collège de Glermont, à Paris, un cours de philosophie, dans lequel il obtint les plus brillants succès, quoiqu’il n’eût encore que trente ans. Ayant formé le dessein de travailler à un commentaire sur les quatre évangélistes, il crut voir, pendant quelques nuits, un homme qui l’exhortait à finir promptement cet ouvrage, et qui l’assurait qu’il l’achèverait, mais qu’il survivrait peu de jours à sa conclusion ; cet homme lui marquait en même temps un certain endroit du ventre, qui fut le même où Maldonat sentit les vives douleurs dont il mourut en 1583, peu de temps après avoir achevé son ouvrage.Male-Bête, monstre qui passait autrefois, dans l’opinion du peuple de Toulouse, pour courir les rues la nuit. La superstition avait fait croire que tous ceux qui rencontraient ou envisageaient la male-bête mouraient le lendemain.

Malebranche (Nicolas), savant prêtre de l’Oratoire, né à Paris en 1638, mort en 1715. On trouve dans sa Recherche de la vérité d’assez bonnes choses sur la sorcellerie, qu’il regarde comme une maladie d’imagination : ce qui est vrai assez souvent. On dit qu’en un certain temps il n’osait pas se moucher, parce qu’il était persuadé qu’il lui pendait un gigot de mouton au bout du nez. On ne le guérit de cette hallucination qu’en faisant semblant de couper le gigot avec un rasoir : c’est du moins ce qui a été raconté[277]. Voy. Mallebranche.

Maléfices. On appelle maléfices toutes pratiques superstitieuses employées dans le dessein de nuire aux hommes, aux animaux ou aux fruits de la terre. On appelle encore maléfices les maladies et autres accidents malheureux causés par un art infernal, et qui ne peuvent s’enlever que par un pouvoir surnaturel. Il y a sept principales sortes de maléfices employés par les sorciers:1° ils mettent dans le cœur une passion criminelle; 2° ils inspirent des sentiments de haine ou d’envie à une personne contre une autre ; 3° ils jettent des ligatures ; 4° ils donnent des maladies ; 5° ils font mourir les gens ; 6° ils ôtent l’usage de la raison ; 7° ils nuisent dans les biens et appauvrissent leurs ennemis. Les anciens se préservaient des maléfices à venir en crachant dans leur sein. En Allemagne, quand une sorcière avait rendu un homme ou un cheval impotent et maléficié, on prenait les boyaux d’un autre homme ou d’un cheval mort, on les traînait jusqu’à quelque logis, sans entrer par la porte commune, mais par le soupirail de la cave, ou par-dessous terre, et on y brûlait ces intestins. Alors la sorcière qui avait jeté le maléfice sentait dans ses entrailles une violente douleur, et s’en allait droit à la maison où l’on brûlait les intestins pour y prendre un charbon ardent, ce qui faisait cesser le mal. Si on ne lui ouvrait promptement la porte, la maison se remplissait de ténèbres avec un tonnerre effroyable, et ceux qui étaient dedans étaient contraints d’ouvrir pour conserver leur vie[278]. Les sorciers, en ôtant un sort ou maléfice, sont obligés de le donner à quelque chose de plus considérable que l’être ou l’objet à qui ils l’ôtent : sinon, le maléfice retombe sur eux. Mais un sorcier ne peut ôter un maléfice s’il est entre les mains de la justice : il faut pour cela qu’il soit pleinement libre.

On a regardé souvent les épidémies comme des maléfices. Les sorciers, disait-on, mettent quelquefois sous le seuil de la bergerie ou de l’étable qu’ils veulent ruiner une touffe de cheveux ou un crapaud, avec trois maudissons, pour faire mourir étiques les moutons et les bestiaux qui passent dessus : on n’arrête le mal qu’en ôtant le maléfice. Delancre dit qu’un boulanger de Limoges voulant faire du pain blanc suivant sa coutume, sa pâte fut tellement charmée et maléficiée par une sorcière, qu’il fit du pain noir, insipide et infect. Une magicienne ou sorcière, pour gagner le cœur d’un jeune homme marié, mit sous son lit, dans un pot bien bouché, un crapaud qui avait les yeux fermés ; le jeune homme quitta sa femme et ses enfants pour s’attacher à la sorcière ; mais la femme trouva le maléfice, le fit brûler, et son mari revint à elle[279]. Un pauvre jeune homme ayant quitté ses sabots pour monter à une échelle, une sorcière y mit quelque poison sans qu’il s’en aperçût, et le jeune homme, en descendant, s’étant donné une entorse, fut boiteux toute sa vie[280]. Une femme ensorcelée devint si grasse, dit Delrio, que c’était une boule dont on ne voyait plus le visage, ce qui ne laissait pas que d’être considérable. De plus, on entendait dans ses entrailles le même bruit que font les poules, les coqs, les canards, les moutons, les bœufs, les chiens, les cochons et les chevaux, de façon qu’on aurait pu la prendre pour une basse-cour ambulante.

Une sorcière avait rendu un maçon impotent et tellement courbé, qu’il avait presque la tête entre les jambes. Il accusa la sorcière du maléfice qu’il éprouvait ; on l’arrêta, et le juge lui dit qu’elle ne se sauverait qu’en guérissant le maçon. Elle se fit apporter par sa fille un petit paquet de sa maison, et, après avoir adoré le diable, la face en terre, en marmottant quelques charmes, elle donna le paquet au maçon, lui commanda de se baigner et de le mettre dans son bain, en disant : Va de par le diable ! Le maçon le fit, et guérit. Avant de mettre le paquet dans le bain, on voulut savoir ce qu’il contenait ; on y trouva trois petits lézards vifs ; et quand le maçon fut dans le bain, il sentit sous lui comme trois grosses carpes, qu’on chercha un moment après sans rien trouver[281].

Les sorciers mettent parfois le diable dans des noix, et les donnent aux petits enfants, qui deviennent maléficiés. Un de nos démonographes (c’est, je pense, Boguet) rapporte que, dans je ne sais quelle ville, un sorcier avait mis sur le parapet d’un pont une pomme maléficiée, pour un de ses ennemis, qui était gourmand de tout ce qu’il pouvait trouver sans desserrer la bourse. Heureusement le sorcier fut aperçu par des gens expérimentés, qui défendirent prudemment à qui que ce fût d’oser porter la main à la pomme, sous peine d’avaler le diable. Il fallait pourtant l’ôter, à moins qu’on ne voulût lui donner des gardes. On fut longtemps à délibérer, sans trouver aucun moyen de s’en défaire ; enfin il se présenta un champion qui, muni d’une perche, s’avança à distance de la pomme et la poussa dans la rivière, où étant tombée, on en vit sortir plusieurs petits diables en forme de poissons. Les spectateurs prirent des pierres et les jetèrent à la tête de ces petits démons, qui ne se montrèrent plus… Boguet conte encore qu’une jeune fille ensorcelée rendit de petits lézards, lesquels s’envolèrent par un trou qui se fit au plancher. Voy. Charmes, Enchantements, Magiciens, Sorciers, etc.

Maletena (Domingina), femme des environs de Fontarabie, qui allait au sabbat et qui fit un jour le pari de sauter plus loin que ses compagnes ; elle le gagna en montant sur le mont de la Rhune et de là exécutant, devant témoins, un saut qui l’emporta à deux lieues[282].

Malheur. En beaucoup de lieux, détruire le nid d’une hirondelle, tuer un roitelet, un grillon du foyer, un chien devenu caduc au service de la famille, et quelques autres faits de ce genre portent malheur. Et pourquoi pas, puisque ce sont des actions mauvaises ?

Malices des démons. On trouve sur ce chapitre des légendes bien naïves. Il y avait à Bonn, dit Gésaire d’Heisterbach, un prêtre remarquable par sa pureté, sa bonté et sa dévotion. Le diable se plaisait à lui jouer de petits tours de laquais ; lorsqu’il lisait son bréviaire, l’esprit malin s’approchait sans se laisser voir, mettait sa griffe sur la leçon du bon curé et l’empêchait de finir ; une autre fois il fermait le livre, ou tournait le feuillet à contre-temps. Si c’était la nuit, il soufflait la chandelle. Le diable espérait se donner la joie de mettre sa victime en colère ; mais le bon prêtre recevait tout cela si bien et résistait si constamment à l’impatience, que l’importun esprit fut obligé de chercher une autre dupe[283].

Cassien parle de plusieurs esprits ou démons de la même trempe qui se plaisaient à tromper les passants, à les détourner de leur chemin et à leur indiquer de fausses routes, le tout par malicieux divertissement[284].

Un baladin avait un démon familier qui jouait avec lui et se plaisait à lui faire des espiègleries. Le matin il le réveillait en tirant les couvertures, quelque froid qu’il fît ; et quand le baladin dormait profondément, son démon l’emportait hors du lit et le déposait au milieu de la chambre[285]. Pline parle de quelques jeunes gens qui furent tondus par le diable. Pendant que ces jeunes gens dormaient, des esprits familiers, vêtus de blanc, entraient dans leurs chambres, se posaient sur leur lit, leur coupaient les cheveux proprement, et s’en allaient après les avoir répandus sur le plancher[286].

Malin. C’est une des épithètes qu’on donne volontiers au démon, appelé souvent l’esprit malin : elle est prise dans son plus mauvais sens.

Malina. Voy. Anninga.

Mallebranche, marqueur du jeu de paume, demeurant en la rue Sainte-Geneviève, à Paris, lequel fut, le 11 décembre 1618, visité par un revenant. C’était sa femme, morte depuis cinq ans. Elle lui donna de bons conseils qui redressèrent sa mauvaise vie, mais parla sans se montrer. On a fait là-dessus une brochure in-12, intitulée Histoire nouvelle et remarquable de l’esprit d’une femme qui s’est apparue au faubourg Saint-Marcel, après qu’elle a demeuré cinq ans entiers ensevelie : elle a parlé à son mari, lui a commandé de faire prier pour elle, ayant commencé de parler le mardi 11 décenbre 1618. Paris, in-12, 1618[287].

Malphas, grand président des enfers, qui apparaît sous la forme d’un corbeau. Quand il se montre avec la figure humaine, le son de sa voix est rauque ; il bâtit des citadelles et des tours inexpugnables, renverse les remparts ennemis, fait trouver de bons ouvriers, donne des esprits familiers, reçoit des sacrifices et trompe les sacrificateurs : quarante légions lui obéissent.

Malphas.


Mambrés, célèbre enchanteur de l’Égypte, un de ceux que Moïse confondit par ses miracles.

Mammon, démon de l’avarice : c’est lui, dit Milton, qui, le premier, apprit aux hommes à déchirer le sein de la terre pour en arracher les trésors.

Mammon.


Mammouth, animal dont la race est perdue. Voici sur ce monstre une tradition des indigènes de l’Amérique du Nord :

« Il y a dix mille lunes que cette terre était couverte de forêts épaisses. Des bandes de bêtes féroces et des hommes aussi libres qu’elles étaient les seuls maîtres du pays. Il existait une race d’animaux grands comme un précipice, cruels comme des panthères, légers comme l’aigle ; les chênes craquaient sous leurs pieds, et le lac diminuait quand ils venaient y éteindre leur soif. C’est en vain qu’on tirait contre eux le fort javelot ; la flèche aiguë était également inutile. Les forêts étaient dévastées et réduites en farine. On entendait de tous côtés les gémissements des animaux expirants, et des contrées entières habitées par des hommes étaient détruites. Les clameurs qu’excitait cette désolation s’étendaient de tous côtés, jusque dans la région de la paix, qui est à l’ouest.

» L’esprit bon s’interposa pour sauver les malheureux : un éclair fourchu brilla et un trèsgrand coup de tonnerre ébranla le monde ; les feux du ciel furent lancés seulement contre les cruels destructeurs, et les échos des montagnes retentirent des mugissements de la mort. Tous furent tués, excepté un mâle, le plus féroce de la race, contre lequel les traits du ciel frappèrent en vain. L’animal monta sur le sommet le plus bleu d’où sort la source du Monangohela, et par ses terribles rugissements, il bravait toute vengeance : la foudre rouge cassa un très-gros chêne et lança contre lui les éclats de cet arbre ; mais à peine effleurèrent-ils la peau du monstre enragé. À la fin, la fureur le rendit fou ; il fit un grand saut par-dessus les vagues de l’ouest, et il règne maintenant monarque absolu du désert ; il règne malgré la toute-puissance divine[288]. »

Man, ennemi de Sommona-Kodom. Les Siamois le représentent comme une espèce de monstre, avec une tête hérissée de serpents, un visage fort large et des dents horriblement grandes.

Mancanas, imposteur qui, dans les îles Mariannes, s’attribuait le pouvoir de commander aux éléments, de rendre la santé aux malades, de changer les saisons et de procurer une récolte abondante ou d’heureuses pêches.

Manche à balai. Quand les sorciers et les démons faisaient leur sabbat, les sorcières s’y rendaient souvent à cheval sur un manche.

Mandragores, démons familiers assez débonnaires ; ils apparaissent sous la figure de petits hommes sans barbe, avec les cheveux épars. Un jour qu’une mandragore osa se montrer à la requête d’un sorcier qu’on tenait en justice, le juge ne craignit pas de lui arracher les bras et de les jeter dans le feu. Ce qui explique ce fait, c’est qu’on appelle aussi mandragores de petites poupées dans lesquelles le diable se loge, et que les sorciers consultent en cas d’embarras. On lit dans le Petit Albert que, voyageant en Flandre et passant, par Lille, l’auteur de cet ouvrage fut invité par un de ses amis à l’accompagner chez une vieille femme qui passait pour une grande devineresse, et dont il découvrit la fourberie. Cette vieille conduisit les deux amis dans un cabinet obscur, éclairé seulement par une lampe, à la lueur de laquelle on voyait, sur une table couverte d’une nappe, une espèce de petite statue ou mandragore, assise sur un trépied, ayant la main gauche étendue et tenant de cette main un cordon de soie très-délié, au bout duquel pendait une petite mouche de fer bien poli. On avait placé au-dessous un verre de cristal, en sorte que la mouche se trouvait suspendue au-dessus de ce verre. Le mystère de la vieille consistait à commander à la mandragore de frapper la mouche contre le verre, pour rendre témoignage de ce que l’on voulait savoir. Ainsi elle disait, en s’adressant à la statue :« Je t’ordonne, mandragore, au nom de celui à qui tu dois obéir, que si monsieur doit être heureux dans le voyage qu’il va faire, tu fasses frapper trois fois la mouche contre le verre. » La mouche frappait aussitôt les trois coups demandés, quoique la vieille ne touchât aucunement ni au verre, ni au cordon de soie, ni à la mouche, ni à la statue ; ce qui surprenait les spectateurs. Et afin de mieux duper les gens parla diversité de ses oracles, la vieille faisait de nouvelles questions à la mandragore et lui défendait de frapper si telle ou telle chose devait ou ne devait pas arriver ; alors la mouche restait immobile. Voici en quoi consistait tout l’artifice de la vieille : la mouche de fer, qui était suspendue dans le verre, étant fort légère et bien aimantée, quand la vieille voulait qu’elle frappât contre le verre, elle mettait à un de ses doigts une bague dans laquelle était enchâssé un gros morceau d’aimant. On sait que la pierre d’aimant a la vertu d’attirer le fer : l’anneau de la vieille mettait en mouvement la mouche aimantée, et la faisait frapper autant de fois qu’elle voulait contre le verre. Lorsqu’elle désirait que la mouche ne frappât point, elle ôtait la bague de son doigt, sans qu’on s’en aperçût. Ceux qui étaient d’intelligence avec elle avaient soin de s’informer des affaires de ceux qu’ils lui menaient, et c’est ainsi que tant de personnes furent trompées.

Les Germains avaient aussi des mandragores qu’ils nommaient Alrunes : c’étaient des figures de bois qu’ils révéraient, comme les Romains leurs dieux lares, et comme les nègres leurs fétiches. Ces figures prenaient soin des maisons et des personnes qui les habitaient. On les faisait des racines les plus dures, surtout de la mandragore. On les habillait proprement, on les couchait mollement dans de petits coffrets ; toutes les semaines on les lavait avec du vin et de l’eau, et à chaque repas on leur servait à boire et à manger, sans quoi elles auraient jeté des cris comme des enfants qui souffriraient la faim et la soif, ce qui eût attiré des malheurs ; enfin on les tenait renfermées dans un lieu secret, d’où on ne les retirait que pour les consulter. Dès qu’on avait le bonheur d’avoir chez soi de pareilles figures (hautes de huit à neuf pouces), on se croyait heureux, on ne craignait plus aucun danger, on en attendait toutes sortes de biens, surtout la santé et la guérison des maladies les plus rebelles. Mais ce qui était encore plus admirable, c’est qu’elles faisaient connaître l’avenir : on les agitait pour cela, et on croyait attraper leurs réponses dans des hochements de tête que le mouvement leur imprimait. On dit que cette superstition des anciens Germains subsiste encore aujourd’hui parmi le peuple de la basse Allemagne, du Danemark et de la Suède.

Les anciens attribuaient de grandes vertus à la plante appelée mandragore. Les plus merveilleuses de ces racines étaient celles qui avaient pu être arrosées de l’urine d’un pendu ; mais on ne pouvait l’arracher sans mourir. Pour éviter ce malheur, on creusait la terre tout autour, on y fixait une corde attachée par l’autre extrémité au cou d’un chien ; ensuite ce chien, étant chassé, arrachait la racine en s’enfuyant ; il succombait à l’opération, mais l’heureux mortel qui ramassait alors cette racine ne courait plus le moindre danger et possédait un trésor inestimable contre les maléfices. Voy. Bouchey, Brioché, etc.

Mâné-Raja. C’est le Noé de la mythologie indienne, qui n’est qu’une tradition horriblement altérée de l’Écriture sainte. Il fut sauvé au jour du déluge universel, en récompense des vertus qu’il avait seul pratiquées au milieu de la corruption de son temps. Un jour qu’il se baignait, Dieu se présenta à lui sous la forme d’un petit poisson et lui dit de le prendre : Màné l’ayant fait, et le voyant grossir dans sa main, le mit dans un vase où il grossit encore avec tant de promptitude, que le raja fut contraint de le porter dans un grand bassin, de là dans un étang, puis dans le Gange, et enfin dans la mer. Alors le poisson lui apprit que tous les hommes allaient être noyés dans les eaux du déluge, à l’exception de lui, Mâné. Il lui ordonna en conséquence de prendre une barque qui se trouvait attachée au rivage, de l’amarrera ses nageoires, et de se mettre dedans à sa remorque. Mâné, ayant obéi, fut sauvé de la sorte, et le poisson disparut quand les eaux se retirèrent. Le déluge indien ne dura que sept jours.

Mânes, dieux des morts, qui présidaient aux tombeaux chez les anciens. Plus souvent encore les mânes sont les âmes des morts. Le nom de mânes en Italie était particulièrement attribué aux génies bienfaisants et secourables. Les mânes pouvaient sortir des enfers, avec la permission de Summanus, leur souverain. Ovide rapporte que, dans une peste violente, on vit les mânes se lever de leurs tombeaux et errer dans la ville et les champs en jetant des hurlements affreux. Ces apparitions ne cessèrent avec la peste, suivant ce poëte, que quand on eut rétabli les fêtes férales, établies par Numa, et qu’on eut rendu aux ombres le culte ordinaire qu’on avait depuis quelque temps interrompu. Lorsque les mânes étaient nommés Lémures ou Rémures, on les regardait comme des génies irrités, malfaisants et ardents à nuire. Leloyer[289] dit que les mânes n’étaient que des démons noirs et hideux, comme les diables et les ombres infernales. Voy. Lémures.

Manfred. Voy. Mainfroi.

Mang-Taar, espèce d’enfer des Yakouts, habité par huit tribus d’esprits malfaisants ; ces esprits ont un chef, dont le nom est Achardi Rioho, le puissant. Le bétail dont le poil est entièrement blanc est sacré pour les Yakouts, comme dévoué au grand Acharaï. Les Yakouts croient que, dès que leurs schamanes meurent, ils se réunissent à ces esprits. Ces schamanes sont des sorciers, ou prétendus tels, qui font auprès de leurs idoles l’office de prêtres.

Manichéens, sectateurs de l’hésésiarque Manès, né dans la Perse en 240. Ils reconnaissaient deux principes également puissants, également éternels, Dieu, auteur du bien, et le diable, auteur du mal.

Manie. Il y a des manies féroces qu’on n’explique plus. Nos pères y voyaient une possession, et peut-être n’avaient-ils pas si tort. Le 24 octobre 1833, un fermier de Habershausen (Bavière), nommé Joseph Raas, sans doute possédé, tua sa femme par fanatisme ; il la croyait elle-même possédée du démon, il voulait le chasser du corps de cette malheureuse ; à cet effet il la frappa à coups redoublés d’une croix de métal qui lui ôta la vie. Pendant cette affreuse opération, quatre de ses enfants étaient présents et priaient, par son ordre, pour l’heureuse délivrance de leur mère. Aux cris de la victime, les voisins accoururent ; mais malheureusement il était trop tard : l’infortunée venait d’expirer.

Dernièrement, à Paris, un homme d’une quarantaine d’années, ayant une visite à faire dans le quartier Saint-Marcel, s’aperçut que sa barbe était plus longue qu’il ne convenait, et entra, pour se faire raser, chez le sieur R., perruquier dans une petite rue du quartier Mouffetard. Le barbier silencieux barbouilla de mousse de savon le visage de sa pratique et commença son office. Quand il en fut arrivé au cou du patient, il s’arrêta tout à coup et alla fermer à double tour la porte d’entrée, dont il mit la clef dans sa poche. Il revint alors vers son homme, qui l’avait regardé avec étonnement, et lui mettant le rasoir sur la gorge : « Monsieur, lui dit-il, je suis sous la dépendance d’un esprit qui est toujours invisible près de moi et qui vient de réordonner de vous couper le cou. » Trouvant la plaisanterie assez déplacée, le monsieur regarda le perruquier et remarqua que ses yeux brillaient d’un éclat extraordinaire. Quoique commençant à s’effrayer, il ne perdit pas son sang-froid, et d’un air dégagé il répondit : « Vous me laisserez au moins le temps de faire ma prière. — C’est juste, répond le barbier, et pour que ma présence ne vous dérange pas, je vais me retirer. » Il entra en effet dans l’arrière-boutique et en ferma la porte sur lui. Le monsieur courut alors à la devanture, Brisa un carreau et appela du monde. La porte ayant été enfoncée, on pénétra dans l’arrière-boutique, et on trouva le perruquier étendu sanglant sur le parquet ; il s’était à lui-même coupé la gorge avec le rasoir. Depuis quelques jours cet homme donnait des signes d’aliénation mentale ; mais on était loin de supposer qu’il atteindrait d’une manière si subite le paroxysme de la folie.

Manifestations fluidiques. Voy. Tables tournantes.

Manipa, idole adorée dans les royaumes de Tangut et de Barantola, en Tartarie. Elle a neuf têtes, qui s’élèvent en pyramide. Tous les ans, des jeunes gens armés, saisis d’une rage enthousiaste, courent la ville et tuent tout ce qu’ils rencontrent, en l’honneur de Manipa, croyant se faire ainsi de grands droits à ses faveurs.


Manitou. C’est le nom que les nègres donnent au diable. Voy. Matchi-Manitou.

Manto, sibylle thessalienne, à qui on attribue cette prophétie, appliquée à Notre-Seigneur Jésus-Christ:a Celui qui est grand viendra ; il traversera les montagnes et les eaux du ciel; il régnera dans la pauvreté et dominera dans le silence, et il naîtra d’une vierge[290]. »

Mansote (La). Voy. Berbiguier.

Many, faux prophète et peintre célèbre parmi les Orientaux, qui fonda en Perse une secte, dont l’existence des deux principes éternels du bien et du mal, la métempsycose, l’abstinence des viandes, la prohibition du meurtre de tout animal, sont les dogmes principaux. C’est, dit-on, le même que Manès.

Maoun, troisième ciel des musulmans, peuplé d’anges qui ont la figure du vautour.

Maoridath, préservatif contre les enchantements. C’est le nom que les musulmans donnent aux deux derniers chapitres du Koran, qu’ils récitent souvent pour se garantir des sortilèges et de toutes autres mauvaises rencontres.

Marais. Dans le Pallène, contrée du Septentrion que nous ne connaissons pas, les conteurs anciens signalent un marais non moins ignoré, où ceux qui se baignaient neuf fois recevaient le plumage d’un cygne et la facullé de voler.

Marat, monstre qui éclata chez nous en 1793 et qui était sans doute un démon incarné, probablement le démon du massacre ; au moins il en était possédé, et il était Prussien. À sa mort, on lui rendit un culte à Paris. Son buste était sur une sorte d’autel à la place du Carrousel, et les passants devaient lui faire hommage en se mettant à genoux devant sa figure. De plus, on lui éleva une chapelle dans son club, et on se

recommandait en ce lieu au cœur de Marat… Il est vrai que, peu de jours après, on jeta son buste et ce qui restait de lui dans l’égout de la rue Montmartre[291].

Marbas ou Barbas, grand président des enfers ; il se montre sous la forme d’un lion furieux. Lorsqu’il est en présence d’un exorciste, il prend la figure humaine et répond sur les choses cachées. Il envoie les maladies ; il donne la connaissance des arts mécaniques ; il change l’homme en différentes métamorphoses ; il commande trente-six légions[292].

Marc. L’hérésiarque Valentin eut entre autres disciples un nommé Marc, qui exerçait une espèce de magnétisme par lequel il prétendait communiquer le don de prophétie. Quand une femme à qui il avait promis ce don lui disait : Mais je ne suis pas prophétesse, il faisait sur elle des invocations afin de l’étonner, et il ajoutait : Ouvre la bouche à présent et dis tout ce qui te viendra, tu prophétiseras. La pauvre femme se hasardait et se croyait prophétesse. Il donnait dans la cabale ; et sans doute ses sectateurs tenaient de lui cette doctrine que les vingt-quatre lettres de l’alphabet sont vingt-quatre éons ou esprits qui dirigent toutes choses. On ajoute que dans ses prestiges, car il faisait aussi de la magie, il était secondé par le démon Azazel.

Marc de café (Art de dire la bonne aventure par le). Les préparatifs de l’art de lire les choses futures dans le marc de café sont fort simples. Vous laisserez dans la cafetière le marc que le café y a déposé ; qu’il soit vieux ou frais, il a des résultats, pourvu qu’il soit à peu près sec quand vous voudrez l’employer. Vous jetterez un verre d’eau sur ce marc ; vous le ferez chauffer jusqu’à ce qu’il se délaye. Vous aurez une assiette blanche, sans tache, essuyée et séchée. Vous remuerez d’abord le marc avec une cuiller,’vous le verserez sur l’assiette, mais en petite quantité et de façon qu’il n’emplisse l’assiette qu’à moitié. Vous l’agiterez en tous sens, avec légèreté, pendant une minute ; ensuite vous répandrez doucement tout le liquide dans un autre vase. Par ce moyen il ne reste dans l’assiette que des particules de marc de café disposées de mille manières, et formant une foule de dessins hiéroglyphiques. Si ces dessins sont trop brouillés, que le marc soit trop épais, que l’assiette ne ressemble à rien, vous recommencerez l’opération. On ne peut lire les secrets de la destinée que si les dessins de l’assiette sont clairs et distincts, quoique pressés. Les bords sont ordinairement plus épais ; il y a même souvent des parties embrouillées dans le milieu ; mais on ne s’en inquiète point ; on peut deviner quand la majeure partie de l’assiette est déchiffrable. Des sibylles prétendent qu’on doit dire certaines paroles mystérieuses[293] en versant l’eau dans la cafetière, en remuant le marc avec la cuiller devant le feu, en le répandant sur l’assiette. C’est peut-être une supercherie. Les paroles n’ont pas ici de vertu. Si on les ajoute, ce n’est que pour donner à l’œuvre quelque solennité et pour contenter les gens qui veulent que tout se fasse en cérémonie.

Le marc de café, après qu’on l’a versé dans l’assiette, y laisse donc diverses figures. Il s’agit de les démêler ; car il y a des courbes, des ondulations, des ronds, des ovales, des carrés, des triangles, etc., etc. Si le nombre des ronds ou cercles, plus ou moins parfaits, l’emporte sur la quantité des autres figures, ce signe annonce qu’on recevra de l’argent. S’il y a peu de ronds, il y a de la gêne dans les finances de la personne qui consulte. Des figures carrées annoncent des désagréments, en raison de leur nombre. Des figures ovales promettent du succès dans les affaires, quand elles sont nombreuses ou distinctement marquées. Des lignes grandes ou petites, pourvu qu’elles soient saillantes ou multipliées, présagent une vieillesse heureuse. Les ondulations ou lignes qui serpentent annoncent des revers et des succès entremêlés. Une croix au milieu des dessins de l’assiette promet une mort douce. Trois croix présagent des honneurs. S’il se trouve dans l’assiette un grand nombre de croix, on reviendra à Dieu après la fougue des passions : il eût été mieux de ne pas le quitter. Un triangle promet un emploi honorable. Trois triangles à peu de distance l’un de l’autre sont un signe heureux ; en général, cette figure est de bon présage. Une figure qui aurait la forme d’un H annonce un empoisonnement. Un carré long bien distinct promet des discordes dans le ménage. Si vous apercevez au milieu des dessins de l’assiette une raie dégagée, c’est un chemin qui annonce un voyage. Il sera long, si ce chemin s’étend ; facile si le chemin est net ; embarrassé si le chemin est chargé de points ou de petites lignes. Un rond dans lequel on trouve quatre points promet un enfant. Deux ronds de cette sorle en promettent deux, et ainsi de suite. Vous découvrez dans l’assiette la figure d’une maison à côté d’un cercle ? Attendez-vous à posséder cette maison. Elle sera à la ville, car vous voyez un X dans le voisinage. Elle serait à la campagne si vous distinguiez auprès de ce signe la forme d’un arbre, d’un arbuste ou d’une plante quelconque. Cette maison vous sera donnée, ou du moins vous l’aurez par héritage, lorsqu’elle est accompagnée de triangles. Vous y mourrez si elle est surmontée d’une croix. Vous trouverez peut-être la forme d’une couronne ; elle vous promet des succès à la cour. On rencontre souvent la figure d’un ou de plusieurs petits poissons ; ils annoncent qu’on sera invité à quelque bon dîner. La figure d’un animal à quatre pattes promet des peines. La figure d’un oiseau présage un coup de bonheur. Si l’oiseau semble pris dans un filet, c’est un procès. La figure d’un reptile annonce une trahison. La figure d’une rose donne la santé ; la forme d’un saule pleureur, une mélancolie ; la figure d’un buisson, des retards. La forme d’une roue est le signe d’un accident. Une fenêtre ou plusieurs carrés joints ensemble de manière à former une espèce de croisée vous avertissent que vous serez volé. C’est bon à savoir. Si vous voyez une tête ou une forme de chien à côté d’une figure humaine, vous avez un ami. Si vous voyez un homme monté sur un cheval ou sur tout autre quadrupède, un homme estimable fait pour vous de grandes démarches. Quand vous apercevez trois figures l’une auprès de l’autre, attendez quelque emploi honorable. Si vous distinguiez une couronne de croix, un homme de vos parents mourrait dans l’année. Une couronne de triangles ou de carrés annonce la mort d’une de vos parentes également dans l’année qui court. Un bouquet composé de quatre fleurs ou d’un plus grand nombre est le plus heureux de tous les présages. — Voilà.

Marceau, l’un des généraux les plus renommés de la première république française. La Gazette de Cologne a publié récemment l’histoire suivante, qui lui a été communiquée par son correspondant de Coblentz, et qui forme encore dans cette ville le sujet de toutes les conversations.

On sait qu’au-dessous du fort Empereur-François, auprès de la route de Cologne, se trouve le monument du général français républicain Marceau, qui tomba à Altenkirchen et fut enseveli à Coblentz, sur le mont Saint-Pierre, où se trouve mainténant la partie principale du fort sus-mentionné. Le monument du général, qui est une pyramide tronquée, fut plus tard enlevé, lorsqu’on commença les fortifications de Coblentz. Toutefois, sur l’ordre exprès du feu roi Frédéric-Guillaume III, il fut reconstruit à la place où il se trouve maintenant.

M. de Stramberg, qui, dans son Rheinnischen antiquarius, donne une biographie très-détaillée de Marceau, raconte, en faisant mention du monument de ce dernier, que des personnes prétendent avoir vu le général, de nuit, à différentes reprises, après sa mort, monté sur un cheval blanc et couvert d’un manteau de même couleur (des chasseurs français), se dirigeant vers le mont Saint-Pierre.

Dernièrement, un soldat qui était en faction à minuit sur ce mont dit avoir vu venir à lui un spectre blanc monté sur un cheval gris. N’ayant reçu aucune réponse à son interpellation, le soldat a fait feu trois fois. Une patrouille, étant arrivée au bruit de ces décharges, a trouvé la sentinelle étendue sur le sol, presque évanouie et dans un affreux paroxysme de fièvre. Elle a été transportée à l’hôpital, où elle est tombée dangereusement malade, et où, au milieu du délire, elle n’a parlé que de l’apparition susmentionnée.

Marcellus, médecin en Pamphylie, contemporain de l’empereur Marc-Aurèle, a composé un poëme sur la lycanthropie, mélancolie diabolique qui frappe ceux qui en sont atteints de l’idée qu’ils sont changés en loups. Des fragments de ce poëme sont conservés dans le Corpus poetarum de Maittaire. Londres, 1713 à 1722, 27 v. in-12.

Marchocias, grand marquis des enfers. Il se montre sous la figure d’une louve féroce, avec des ailes de griffon et une queue de serpent : sous ce gracieux aspect le marquis vomit des femmes. Lorsqu’il prend la figure humaine, on


croit voir un grand soldat. Il obéit aux exorcistes, est de l’ordre des Dominations et commande trente légions[294].

Marcionites, hérétiques du cinquième siècle qui avaient pour chef Marcion. Ils étaient dualistes et disaient que Dieu avait créé nos âmes, mais que le diable, jaloux, avait aussitôt créé nos corps, dans lesquels il avait emprisonné lesdites âmes.

Mardi. Si on rogne ses ongles les jours de la semaine qui ont un R, comme le mardi, le mercredi et le vendredi, les bonnes gens disent qu’il viendra des envies aux doigts.

Maréchal de salon. Voy. Michel.

Marentakein, arbrisseau des spectres. Voy. Guthevl.

Margaritomancie, divination par les perles. On en pose une auprès du feu ; on la couvre d’un vase renversé, on l’enchante en récitant les noms de ceux qui sont suspects. Si quelque chose a été dérobé, au moment où le nom du larron est prononcé, laverie bondit en haut et perce le fond du vase pour sortir ; c’est ainsi qu’on reconnaît le coupable[295].

Marguerite, Hollandaise qui vivait au treizième siècle. Ayant refusé brutalement l’aumône à une pauvre femme qui avait plusieurs enfants, et lui ayant reproché sa fécondité, cette pauvresse lui prédit qu’elle-même aurait autant d’enfants qu’il y a de jours dans l’an. Elle accoucha en effet de trois cent soixante-cinq enfants, qui furent présentés au baptême, tous les garçons, gros comme le doigt, avec le nom de Jean, et toutes les filles, aussi mignonnes, avec le nom de Marie, sur deux grands plats que l’on garde toujours à Loosduynea, près de la Haye, où cette histoire n’est, pas mise en douté. Avec les deux plats bien conservés, on montre le tombeau des trois cent soixante-cinq enfants, morts tous aussitôt après leur baptême[296].

Marguerite, Italienne qui avait un esprit familier. Lenglet-Dufresnoy rapporte ainsi son histoire


sur le témoignage de Cardan : « Il y avait à Milan une femme nommée Marguerite, qui publiait partout qu’elle avait un démon ou esprit familier qui la suivait et l’accompagnait partout, mais qui pourtant s’absentait deux ou trois mois de l’année. Elle trafiquait de cet esprit ; car souvent elle était appelée en beaucoup de maisons, et incontinent qu’on lui avait fait commandement d’évoquer son esprit, elle courbait la tête ou l’enveloppait "de son tablier et commençait à l’appeler et adjurer en sa langue italienne. Il se présentait soudain à elle et répondait à son évocation ; la voix de cet esprit ne s’entendait pas auprès d’elle, mais loin, comme si elle fut sortie de quelque trou de muraille ; et si quelqu’un se voulait approcher du lieu où la voix de cet esprit résonnait, il était étonné qu’il ne l’entendait plus en cet endroit, mais en quelque autre coin de la maison.

» Quant à la voix de l’esprit, elle n’était point articulée ni formée de manière qu’on la pût bien entendre ; elle était grêle et faible, de sorte qu’elle se pouvait dire plutôt un murmure qu’un son de voix. Après que cet esprit avait sifflé ainsi et murmuré, la vieille lui servait de truchement et faisait entendre aux autres ce qu’il avait dit. Elle a demeuré en quelques maisons où les femmes, qui ont observé ses façons de faire, disent, qu’elle enferme quelquefois cet esprit en un linceul, et qu’il a coutume de lui mordre la bouche tellement qu’elle a presque toujours les lèvres ulcérées. Cette misérable femme est en si grande horreur à tout le monde, à cause de cet esprit, qu’elle ne trouve personne qui la veuille loger ni qui consente à fréquenter avec elle[297]. » Nous n’avons pas besoin d’ajouter que c’était là un tour de ventriloquie.

Marguerite de Navarre. Cette reine, malade, vit la nuit une grande lumière, et, apprenant que c’était une comète, elle regarda cette apparition comme l’annonce de sa mort. Quoiqu’elle ne se sentît pas trop mal, elle s’y prépara, frappée, et mourut en effet trois jours après.

Mariacho de Molères, insigne sorcière qui fut accusée par une jeune fille nommée Marie Aspiculette, âgée de dix-neuf ans, de l’avoir menée au sabbat, l’emportant sur son cou après s’être frottée d’une eau épaisse et verdâtre, dont elle se graissait les mains, les hanches et les genoux[298].

Mariage. On a plusieurs moyens de connaître quand et avec qui on se mariera. M. Chopin conte qu’en Russie les jeunes filles curieuses de connaître si elles seront mariées dans l’année forment un cercle dans lequel chacune répand devant soi une pincée de grains d’avoine. Cela fait, une femme placée au centre, et tenant un coq enveloppé, tourne plusieurs fois sur elle-même en fermant les yeux et lâche l’animal, qu’on a eu soin d’affamer ; il ne manque pas d’aller picoter le grain. Celle dont l’avoine a été la première entamée peut compter sur un prochain mariage. Plus le coq y met d’avidité, et plus promptement l’union pronostiquée doit se conclure.

S’il est naturel à une jeune fille russe de désirer le mariage, il ne l’est pas moins qu’elle souhaite de connaître celui qui sera son époux. Le moyen suivant satisfait sa curiosité. Elle se rend à minuit dans une chambre écartée où sont préparés deux miroirs placés parallèlement vis-à-vis l’un de l’autre et éclairés de deux flambeaux. Elle s’assied et prononce par trois fois[299] ces mots : Kto môy soujnoy kto moy riajnoy, tôt pobajetsia mnie. « Que celui qui sera mon époux m’apparaisse ! » Après quoi elle porte ses regards sur l’un des miroirs, et la réflexion lui présente une longue suite de glaces ; sa vue doit se fixer sur un espace éloigné et plus obscur, où l’on prétend que se fait l’apparition. On conçoit que plus le lieu observé paraît éloigné, plus il est facile à l’imagination déjà préoccupée de se faire une illusion. On se sert du même procédé pour savoir ce que font des personnes absentes.

Ceux qui désirent apprendre ( toujours chez les Russes) si une jeune fille se mariera bientôt font un treillage en forme de pont avec de petites branches entrelacées, et le mettent sous son chevet sans qu’elle s’en aperçoive. Le lendemain on demande ce qu’elle a vu en songe ; si elle raconte avoir passé un pont avec un jeune homme, c’est un signe infaillible qu’elle lui sera unie la même année. Cette divination s’appelle en russe most mastite[300].

On lit dans les Admirables secrets du Petit Albert cette manière de connaître avec qui on s’unira. Il faut avoir du corail pulvérisé et de la poudre d’aimant, les délayer ensemble avec du sang de pigeon blanc ; on fera un petit peloton de pâte qu’on enveloppera dans un morceau de taffetas bleu ; on se le pendra au cou ; on mettra sous son chevet une branche de myrte vert, et on verra en songe la personne qu’on doit épouser. Les filles ou veuves obtiennent le même résultat en liant une branche de peuplier avec leurs chausses sous leur chevet, et se frottant les tempes, avant de dormir, d’un peu de sang de huppe.

On croit aussi dans plusieurs provinces, et on le croit sur nombre d’exemples, que les époux qui mangent ou boivent avant la célébration de leur mariage ont des enfants muets.

Les coutumes superstitieuses qui en Écosse précèdent et suivent les mariages sont innombrables ; le peuple croit que les évocations, accompagnées de certaines paroles magiques, ont la puissance de faire apparaître l’ombre des futurs époux, et que des noisettes jetées au feu indiquent, par les divers pétillements de la flamme, si leur union sera heureuse. Un savant regrette de n’avoir pu découvrir l’origine certaine et la signification des présents échangés entre les fiancés. L’anneau est le symbole de l’esclavage qui pèse sur la femme, et on a cru qu’il était placé au quatrième doigt de la main gauche, parce qu’une veine conduit de ce doigt au cœur. Cette opinion était répandue chez les Égyptiens et chez les Grecs. Un anneau de mariage avec un diamant présageait une union malheureuse, parce que l’interruption du cercle annonçait que l’attachement des époux ne serait pas de durée, on a donc adopté un cercle d’or.

On entend dire encore de nos jours que quand deux mariages se font à la même messe, l’un des deux n’est pas heureux.

Mariage du diable. Gôrres, dans le chapitre xiv de la sixième partie de sa Mystique, rapporte une allégorie que voici : « L’idée vint un jour au diable de prendre femme, afin de propager sa race. Il s’adressa donc à l’Impiété, et après l’avoir épousée il en eut sept filles. Il les maria bientôt, l’Orgueil aux puissants de la terre, l’Avarice aux marchands, l’Avidité déloyale aux mercenaires, l’Hypocrisie aux fourbes, l’Envie aux artistes, la Vanité aux efféminés. L’Impureté lui restait ; car, réflexion faite, il sétait décidé à la garder chez lui pour que ceux qui désireraient l’avoir vinssent la chercher. Il comptait sur un grand nombre de visites, et il ne fut pas trompé dans ses prévisions.

Mariagrane (Marie), sorcière qui dit avoir vu souvent le diable, et qui se trouve citée dans Delancre.

Marigny ( Enguerrand de), ministre de Louis X, roi de France. Alix de Mons, femme d’Enguerrand, et la dame de Canteleu, sa sœur, furent accusées d’avoir eu recours aux sortilèges pour envoûter le roi, messire Charles, son frère, et autres barons, et d’avoir fait des maléfices pour faire évader Enguerrand, qui était emprisonné. On fit arrêter les deux dames. Jacques Dulot, magicien, qui était censé les avoir aidées de ses sortilèges, fut mis en prison ; sa femme fut brûlée et son valet pendu. Tous ces gens étaient des bandits. Dulot, craignant pareil supplice, se tua dans son cachot. Le comte de Valois, oncle du roi, fit considérer à ce prince que la mort volontaire du magicien était une grande preuve contre Marigny. On montra au monarque les images de cire ; il se laissa persuader et déclara qu’il ôtait sa main de Marigny et qu’il l’abandonnait à son oncle. On assembla aussitôt quelques juges ; la délibération ne fut pas longue : Marigny fut condamné, malgré sa qualité de gentilhomme, à être pendu comme sorcier. L’arrêt fut exécuté la veille de l’Ascension, et son corps fut attaché au gibet de Montfaucon, qu’il avait fait relever durant son ministère. Le peuple, que l’insolence du ministre avait irrité, se montra touché de son malheur. Les juges n’osèrent condamner sa femme et sa sœur ; le roi lui-même se repentit d’avoir abandonné Marigny à ses ennemis. Dans son testament il laissa une somme considérable à sa famille, en considération, dit-il, de la grande infortune qui lui était arrivée[301].

Marionnettes. On croyait autrefois que dans les marionnettes logeaient de petits démons. Voy. Brioché, Bouchey, Mandragores, etc.

Marissane. Un jeune homme de quinze ou seize ans, nommé Christoval de la Garrade, fut enlevé, sans graisse ni onguent, par Marissane de Tartras, sorcière, laquelle le porta si loin et si haut à travers les airs, qu’il ne put reconnaître le lieu du sabbat ; mais il avoua qu’il avait été bien étrillé pour n’avoir pas voulu prendre part audit sabbat, et sa déposition fut une des preuves qui firent brûler la sorcière. Pourtant il pouvait n’avoir fait qu’un rêve. Voy. Raide.

Marius. Il menait avec lui une sorcière scythe qui lui pronostiquait le succès de ses entreprises.

Marle (Thomas de), comte d’Amiens et sire de Coucy, dont on peut lire les crimes dans les chroniques du règne de Louis le Gros. À sa mort, il recula sur ses forfaits et voulut se réconcilier avec Dieu ; mais comme il refusait de réparer une des plus sombres actions de sa vie[302], lorsqu’il se souleva pour recevoir la sainte communion qu’il avait demandée, Suger atteste qu’une main invisible lui tordit le cou.

Marlowe, poëte anglais de la fin du seizième siècle, né en février 1563, tué en duel le 15 juin 1593 à l’âge de trente ans. C’était un débauché, si on s’en rapporte à son épitaphe. Il a laissé un poëme de Faust, antérieur de deux siècles à celui de Gœthe[303].

Marot. Mahomet cite l’histoire des deux anges Arot et Marot pour justifier la défense qu’il fait de boire du vin. « Dieu, dit-il, chargea Arot et Marot d’une commission sur la terre. Une jeune dame les invita à dîner, et ils trouvèrent le vin si bon qu’ils s’enivrèrent. Ils remarquèrent alors que leur hôtesse était belle, s’éprirent d’amour et se déclarèrent. Cette dame, qui était sage, répondit qu’elle ne les écouterait que quand ils lui auraient appris les mots dont ils se servaient pour monter au ciel. Dès qu’elle les sut, elle s’éleva jusqu’au trône de Dieu, qui la transforma, pour prix de sa vertu, en une étoile brillante (c’est l’étoile du matin), et qui condamna les deux anges ivrognes à demeurer jusqu’au jour du jugement suspendus par les pieds dans le puits de Babel, que les pèlerins musulmans vont visiter encore auprès de Bagdad.

Marque du diable. On sait que les sorcières qui vont au sabbat sont marquées par le diable, et ont particulièrement un endroit insensible que les juges ont fait quelquefois sonder avec de longues épingles. Lorsque les prévenues ne jettent aucun cri et ne laissent voir aucune souffrance, elles sont réputées sorcières et condamnées comme telles, parce que c’est une preuve évidente de leur transport au sabbat. Delancre[304] ajoute que toutes celles qui ont passé par ses mains ont avoué toutes ces choses lorsqu’elles furent jetées au feu. Bodin prétend que le diable ne marque point celles qui se donnent à lui volontairement et qu’il croit fidèles ; mais Delancre réfute cette assertion, en disant que toutes les plus grandes sorcières qu’il a vues avaient une ou plusieurs marques, soit à l’œil, soit ailleurs. Ces marques ont d’ordinaire la forme d’un petit croissant ou d’une griffe, ou d’une paire de cornes qui font la fourche.

Marquis de l’enfer. Les marquis de l’enfer, comme Phœnix, Cimeriès, Andras, sont, ainsi que chez nous, un peu supérieurs aux comtes. On les évoque avec fruit (dans le sens diabolique) depuis trois heures du soir jusqu’à la chute du jour[305].

Marsay. Voy. Obereit.

Martibel (Sarena ou Séréna), sorcière du diocèse de Soissons au quinzième siècle. Des témoins déclarèrent l’avoir vue danser au sabbat avec quatre crapauds habillés, l’un sur son épaule gauche, l’autre sur son épaule droite, et les deux autres sur ses poings, où ils se tenaient comme les faucons ou les éperviers sur le poing d’un chasseur.

Martin (Saint), Un jour que saint Martin de Tours disait la messe, le diable entra dans l’église avec l’espoir de le distraire. C’est une naïve historiette de la Légende dorée ; elle est représentée dans une église de Brest. Elle parut à Grosnet un trait si joli qu’il le mit en vers. Le diable était, selon cet ancien poëte, dans un coin de l’église écrivant sur un parchemin les caquets des femmes et les propos inconvenants qu’on tenait à ses oreilles pendant les saints offices. Quand sa feuille fut remplie, comme il avait encore bien des notes à prendre, il mit le parchemin entre ses dents et le tira de toutes ses forces pour l’allonger ; mais la feuille se déchira, et la tête du diable alla frapper contre un pilier qui se trouvait derrière, lui. Saint Martin, qui se retournait alors pour le Dominus vobiscum, se mit à rire de la grimace du diable et perdit ainsi le mérite de sa messe, au jugement du moins de l’esprit malin, qui toutefois se hâta de fuir…

Martin (Marie), sorcière du bourg de la Neufville-le-Roi, en Picardie, qui fut arrêtée pour avoir fait mourir des bêtes et des hommes par sortilège ou plutôt par maléfice, car au moins ce mot veut dire mauvaise action. Un magicien qui passait parla la reconnut, et, sur son avis, la sorcière fut rasée. On lui trouva la marque du diable, ayant l’empreinte d’une palte de chat. Elle dit au juge qu’elle se reconnaissait coupable. Traduite à la prévôté, elle avoua qu’elle était sorcière, qu’elle jetait des sorls au moyen d’une poudre composée d’ossements de trépassés ; que le diable Cerbérus lui parlait ordinairement. Elle nomma les personnes qu’elle avait ensorcelées et les chevaux qu’elle avait maléficiés. Elle dit encore que, pour plaire à Cerbérus, elle n’allait pas à la messe deux jours avant de jeter ses sorts ; elle conta qu’elle était allée au chapitre tenu par Cerbérus, et qu’elle y avait été conduite la première fois par Louise Morel, sa tante. Dans son second interrogatoire, elle déclara que la dernière fois qu’elle était allée au sabbat c’était à Varipon, près Noyon ; que Cerbérus, vêtu d’une courte robe noire, ayant une barbe noire, ceiffé d’un chapeau à forme haute, tenait son chapitre près des haies dudit Varipon, et qu’il appelait là par leurs noms les sorciers et les sorcières. Elle fut condamnée par le conseil de la ville de Montdidier à être pendue, le 2 juin 1586. Elle en appela au parlement de Paris, qui rejela le pourvoi. Son exécution eut lieu le 25 juillet même année[306].

Martin (Thomas), laboureur de Gaillardon en Beauce, qui eut, dans un de ses champs, le 15 janvier 1816, vers deux heures de l’après-midi, une vision d’un personnage vêtu de blanc, lequel le chargea d’une mission pour le roi Louis XVIII. Il eut beau s’en défendre, la vision se représenta tant de fois qu’on le fit partir pour


Paris, où, après avoir été minutieusement examiné par les plus habiles médecins, il fut admis devant le roi, avec qui il s’entretint seul à seul pendant une heure. Quelques-uns ont cru que Martin était un halluciné, ce qui n’a pu être établi. On a publié cette aventure plusieurs fois. La meilleure relation est celle qui a été éditée chez Hivert, à Paris, en 1831, petit in-8o.

Martinet, démon familier, qui accompagnait les magiciens et leur défendait de rien entreprendre sans sa permission, ni de sortir d’un lieu sans le congé de maître Martinet. Quelquefois aussi il rendait service aux voyageurs, en leur indiquant les chemins les plus courts, ce qui était de la complaisance.

Martre. On croit, en Russie, que la peau de martre est un préservatif assuré contre les charmes, sortilèges et maléfices.

Martym ou Batym, duc aux enfers, grand et fort : il a l’apparence d’un homme robuste, et au derrière une queue de serpent. Il monte un cheval d’une blancheur livide. Il connaît les vertus des herbes et des pierres précieuses. Il transporte les hommes d’un pays dans un autre avec une vitesse incroyable. Trente légions lui obéissent.

Mascarades. Les Gaulois croyaient que Mythras présidait aux constellations ; ils l’adoraient comme le principe de la chaleur, de la fécondité et des bonnes et mauvaises influences. Les initiés à ses mystères étaient partagés en plusieurs confréries, dont chacune avait pour symbole une constellation ; les confrères célébraient leurs fêtes et faisaient leurs processions et leurs festins déguisés en lions, en béliers, en ours, en chiens, etc., c’est-à-dire sous les figures qu’on suppose à ces constellations. Voilà sans doute, selon Saint-Foix, l’origine de nos mascarades.

On lit, sur les mascarades, cette plaisanterie ingénieuse dans Montesquieu :

On demandait à un Turc, revenu d’Europe, ce qu’il y avait vu de remarquable. « À Venise, répondit-il, ils deviennent fous pendant un temps de l’année ; ils courent déguisés par les rues, et cette extravagance augmente au point que les ecclésiastiques sont obligés de l’arrêter ; dé savants exorcistes font venir les malades un certain jour (le mercredi des Cendres), et, aussitôt qu’ils leur ont répandu un peu de cendre sur la tête, le bon sens leur revient, et ils retournent à leurs affaires. »

Massaliens ou Messaliens, illuminés des premiers siècles qui croyaient que chaque homme tire de ses parents et apporte en lui un démon qui ne le quitte pas. Ils faisaient de longues prières pour le dompter ; après quoi ils dansaient et se livraient à des contorsions et à des gambades en disant qu’ils sautaient sur le diable. Une autre secte de massaliens, au dixième siècle, admettait deux dieux nés d’un premier être ; le plus jeune gouvernait le ciel, l’aîné présidait à la terre ; ils nommaient le dernier Sathan, et supposaient que les deux frères se faisaient une guerre continuelle, mais qu’un jour ils devaient se réconcilier[307].

Mastication. Les anciens croyaient que les morts mangeaient dans leurs tombeaux. On ne sait pas s’ils les entendaient mâcher ; mais il est certain qu’il faut attribuer à l’idée qui conservait aux morts la faculté de manger l’habitude des repas funèbres qu’on servait de temps immémorial, et chez tous les peuples, sur la tombe du défunt.

L’opinion que les spectres se nourrissent est encore répandue dans le Levant. Il y a longtemps que les Allemands sont persuadés que les morts mâchent comme des porcs dans leurs tombeaux, et qu’il est facile de les entendre grogner en broyant ce qu’ils dévorent. Philippe Rherius, au dix-septième siècle, et Michel Raufft, au commencement du dix-huitième, ont même publié des Traités sur les morts qui mâchent dans leurs sépulcres[308]. Ils disent qu’en quelques endroits de l’Allemagne, pour empêcher les morts de mâcher, on leur met dans le cercueil une motte de terre sous le menton ; ailleurs on leur fourre dans la bouche une petite pièce d’argent, et d’autres leur serrent fortement la gorge avec un mouchoir. Ils citent ensuite plusieurs morts qui ont dévoré leur propre chair dans leur sépulcre. On doit s’étonner de voir des savants trouver quelque chose de prodigieux dans des faits aussi naturels. Pendant la nuit qui suivit les funérailles du comte Henri de Salm, on entendit dans l’église de l’abbaye de Haute-Seille, où il était enterré, des cris sourds que les Allemands auraient sans doute pris pour le grognement d’une personne qui mâche ; et le lendemain, le tombeau du comte ayant été ouvert, on le trouva mort, mais renversé et le visage en bas, au lieu qu’il avait été inhumé sur le dos. On l’avait enterré vivant, comme on en a enterré tant d’autres.

On doit attribuer à une cause semblable l’histoire, rapportée par Raufft, d’une femme de Bohême, qui, en 1345, mangea, dans sa fosse, la moitié de son linceul sépulcral. Dans le dernier siècle, un pauvre homme ayant été inhumé précipitamment au cimetière, on entendit pendant la nuit du bruit dans son tombeau : on l’ouvrit le lendemain, et on trouva qu’il s’était mangé les chairs des bras. Cet homme, ayant bu de l’eau-de-vie avec excès, avait été enterré vivant. Une demoiselle d’Augsbourg étant tombée en léthargie, on la crut morte, et son corps fut mis dans un caveau profond, sans être couvert de terre. On entendit bientôt quelque bruit dans son tombeau ; mais on n’y fit pas attention. Deux ou trois ans après, quelqu’un de la famille mourut : on ouvrit le caveau, et l’on trouva le corps de la demoiselle auprès de la pierre qui en fermait l’entrée. Elle avait inutilement tenté de déranger cette pierre, et elle n’avait plus de doigts à la main droite, qu’elle s’était dévorée de désespoir. Voy Vampires.

Mastiphal. C’est le nom qu’on donne au prince des démons, dans un livre apocryphe cité par Cédrénus et qui a pour titre : la Petite Genèse.

Matchi-Manitou, esprit malfaisant, auquel les sauvages de l’Amérique septentrionale attribuent tous les maux qui leur arrivent. Ce mauvais génie n’est autre que la lune. Plusieurs de ces sauvages s’imaginent que les orages sont causés par l’esprit de la lune. Ils jettent à la mer ce qu’ils ont de plus précieux dans leurs canots, espérant apaiser par ces offrandes l’esprit irrité.

Matière. C’est le culte de la matière qui a donné naissance à la cabale et à toutes les sciences occultes.

Matignon (Jacques Goyon de), gentilhomme, qui servit Henri III et Henri IV. Ses envieux, apparemment pour le décrier, disaient que l’esprit, l’habileté, la prudence, le courage n’étaient point naturellement en lui, mais qu’ils lui venaient d’un pacte qu’il avait fait avec le diable. Il fallait que ce diable fût une bonne créature, dit SaintFoix, puisque Matignon donna, dans toutes les occasions, des marques d’un caractère plein de douceur et d’humanité[309].

Matignon (le P. A. de), de la compagnie de Jésus, a publié en 1861 la Question du surnaturel, vol. in-12, qui traite du merveilleux et notamment du spiritisme, et, en 1862, les Morts et les Vivants, entretiens sur les communications d’outre-tombe, vol. in-12, qui se rattache au précédent.

Matthieu Laensberg, Liégeois célèbre qui passe parmi le peuple pour le plus grand mathématicien, astrologue et prophète des temps modernes. C’était un bon chanoine, qui donnait dans l’astrologie. Ses prédictions trouvent encore, dans les campagnes, de bonnes gens qui se feraient scrupule d’en douter, et qui, quand son almanach prédit de la pluie pour un jour de beau temps, se contentent de dire : « Il pleut ailleurs. » Le premier almanach de Matthieu Laensberg a paru en 1636[310].

Matzou, divinité chinoise. C’était, suivant quelques auteurs, une magicienne.

Maupertuis. Voy. Hallucination.

Maurice, empereur, couronné en 582. On lit dans sa vie qu’étant petit enfant, il fut enlevé et emporté plusieurs fois, par les esprits appelés Gelions ; mais qu’ils ne lui purent faire aucun mal, à cause de son baptême.

Maury (Alfred), savant de notre temps qui a écrit avec une grande érudition sur la magie et l’astrologie, mais pour nier la magie, malgré ses évidences. Nous n’entendons ici par la magie que les relations avec les mauvais esprits qui nous entourent.

Maury (Jean-Siffrein). Un colporteur, en 1792, pour mieux piquer la curiosité du peuple de Paris, criait, en vendant ses pamphlets : Mort de l’abbé Maury ! L’abbé passe, s’en approche, lui donne un soufflet et lui dit : « Tiens, si je suis mort, au moins tu croiras aux revenants. »

Mécanique. Ainsi que toutes les sciences compliquées, la mécanique a produit des combinaisons surprenantes qui ont été reçues autrefois comme des prodiges. Ce qui a le plus étonné les esprits, c’est l’automate qu’on appelait aussi androïde. Nous avons parlé de l’androïde d’Albert le Grand, qui passa aux yeux de ses contemporains pour une œuvre de magie. Jean Muller, savant du quinzième siècle, plus connu sous le nom de Regiomontanus, fit, dit-on, un aigle automate qui avait la faculté de se diriger dans les airs ; il devançait le canard automate de Vaucanson, qui barbotait, voltigeait, cancanait et digérait. Aulu-Gelle rapporte qu’Architas, dans l’antiquité, avait construit un pigeon qui prenait son vol, s’élevait à une certaine hauteur et revenait à sa place. On attribue à Roger Bacon une tête qui prononçait quelques paroles. Vaucanson fit


un joueur de flûte qui exécutait plusieurs airs. Jacques Droz, son contemporain, fit au dernier siècle un automate qui dessinait et un autre qui jouait du clavecin. Dans le même temps, l’abbé Mical construisit deux têtes de bronze qui, comme l’androïde de Roger Bacon, prononçaient des paroles. Mais ce qui fit plus d’effet encore, ce fut le joueur d’échecs du baron de Kempelen. C’était un automate mû par des ressorts, qui jouait aux échecs contre les plus forts joueurs et les gagnait quelquefois. On ignorait, il est vrai, que le mécanisme était dirigé par un homme caché dans l’armoire à laquelle l’automate était adossé. Mais ce n’en était pas moins un travail admirable.

Autrefois, nous le répétons, on ne voyait dans les androïdes que l’œuvre d’une science occulte. Aujourd’hui, par un revirement inconcevable, on semble faire peu de cas de ces efforts du génie de la mécanique. On a laissé périr tous les automates célèbres, et nos musées et nos conservatoires, qui sont encombrés de tant de futilités, ne possèdent pas d’androïdes.

Mécasphins, sorciers chaldéens qui usaient d’herbes, de drogues particulières et d’os de morts, pour leurs opérations superstitieuses.

Méchant. Le diable est appelé souvent le méchant, le mauvais et le malin. Il est le principe en effet et le père de la méchanceté.

Mechtilde (sainte). Elle parut environ cent ans après sainte Hildegarde. Elle était sœur de sainte Gertrude. Ses visions et révélations ont été imprimées en 1513. C’est un recueil assez curieux et assez rare, qui contient le livre du Pasteur et les Visions du moine Vetin, réimprimées depuis par le père Mabillon, au quatrième livre de ses Actes de l’ordre de saint Benoît, partie première. On y trouve aussi les révélations de sainte Elisabeth de Schonaw, qui contiennent cinq livres, aussi bien que celles de sainte Mechtilde. Celles de sainte Gertrude viennent ensuite, et sont suivies des visions du frère Robert, dominicain, qui vivait en 1330. Sainte Mechtilde est morte en l’an 1284 ou 1286. On trouve dans ce recueil beaucoup de descriptions de l’enfer.

Médecine. Si la médecine et la chirurgie ont fait quelque progrès en Turquie et en Égypte, lisait-on, il y a six ou sept ans, dans la Revue britannique, c’est grâce aux efforts de quelques Européens actifs et éclairés ; les Persans en sont encore réduits, dans toutes les maladies graves, aux prédictions des astrologues et aux incantations mystiques de leurs hakkims ; souvent l’infortuné patient meurt faute de soins, lorsque l’emploi des moyens convenables lui aurait facilement conservé la vie. Celui qui ferait en ce pays des expériences chimiques passerait pour être en correspondance avec le diable et serait immédiatement regardé comme un magicien ; ainsi les préjugés des Persans s’opposent à toute espèce de progrès.

Médée, enchanteresse de Colchide qui rendit Jason victorieux de tous les monstres et guérit Hercule de sa fureur par certains remèdes magiques. Elle n’est pas moins célèbre par ses vastes connaissances en magie que parle meurtre de ses enfants (récit qui, selon Elien, est une calomnie). Les démonographes remarquent qu’elle pouvait bien êire grande magicienne, parce qu’elle avait appris la sorcellerie de sa mère, Hécate. Les songe-creux lui attribuent un livre de conjuration qui porte en effet son nom. Voy. Mélye.

Médie. On trouvait, dit-on, chez les Mèdes, des pierres merveilleuses, noires ou vertes, qui rendaient la vue aux aveugles et guérissaient la goutte, appliquées sur le mal dans une compresse de lait de brebis.

Meerman, homme de mer. Les habitants des bords de la mer Baltique croient à l’existence de ces hommes de mer ou esprits des eaux, qui ont la barbe verte et les cheveux tombants sur les épaules comme des tiges de nénuphar[311]. Ils chantent le soir parmi les vagues, appelant les pêcheurs. Mais malheur à qui se laisse séduire par eux ; leur chant précède les tempêtes.

Mégalanthropogénésie, moyen d’avoir de beaux enfants et des enfants d’esprit. — On sait quels sont les effets de l’imagination sur les intelligences qui s’y laissent emporter ; ces effets sont surtout remarquables dans les femmes enceintes, puisque souvent l’enfant qu’elles portent dans leur sein est marqué de quelqu’un des objets dont leur imagination a été fortement occupée pendant la grossesse. Quand Jacob voulut avoir des moutons de diverses couleurs, il présenta aux yeux des brebis des choses bigarrées, qui les frappèrent assez pour amener le résultat qu’il en espérait. L’effet que l’imagination d’une brebis a pu produire doit agir plus sûrement encore sur l’imagination incomparablement plus vive d’une femme. Aussi voyons-nous bien plus de variété dans les enfants des hommes que dans les petits des animaux. On a vu des femmes mettre au monde des enfants noirs et velus ; et lorsque l’on a cherché la cause de ces effets, on a découvert que, pendant sa grossesse, la femme avait l’esprit occupé de quelque tableau monstrueux. Les statues de marbre et d’albâtre sont quelquefois dangereuses. Une jeune épouse admira une petite statue de l’Amour de marbre blanc. Cet Amour était si gracieux, qu’elle en demeura frappée ; elle conserva plusieurs jours les mêmes impressions, et accoucha d’un enfant plein de grâces, parfaitement semblable à l’Amour de marbre, mais pâle et blanc, comme lui. Torquemada rapporte qu’une Italienne des environs de Florence, s’étant frappé l’esprit d’une image de Moïse, mit au monde un fils qui avait une longue barbe blanche. On peut se rappeler, sur le même sujet, une foule d’anecdotes non moins singulières ; peut-être quelques-unes sont-elles exagérées. Voy. Accouchements.

En 1802, une paysanne enceinte, arrivant à Paris pour la première fois, fut menée au spectacle par une sœur qu’elle avait dans la capitale. Un acteur qui jouait le rôle d’un niais la frappa si fortement, que son fils fut idiot, stupide et semblable au personnage forcé que la mère avait vu avec trop d’attention.

Puisque l’imagination des femmes est si puissante sur leur fruit, c’est de cette puissance qu’il faut profiter, disent les professeurs de mégalanthropogénésie. Ornez la chambre des femmes de belles peintures durant toute la grossesse ; n’occupez leurs regards que de beaux anges et de sujets gracieux ; évitez de les conduire aux spectacles de monstres, etc. A Paris, où les salons de peinture occupent les dames, les enfants ont été longtemps plus jolis que dans les villages, où l’on voit rarement des choses qui puissent donner une idée de la beauté. Si aujourd’hui la population parisienne est généralement laide, on le doit aux caricatures qui s’étalent partout et s’appliquent à tout. C’est un goût qui nous vient des Anglais ; mais les iVnglais ne font pas autant de laideurs que nous. Chez les Cosaques, où tout est grossier, tous les enfants sont hideux comme leurs pères. Pour obtenir des enfants d’esprit, il n’est pas nécessaire que les parents en aient, mais qu’ils en désirent, qu’ils admirent ceux qui en ont, qu’ils lisent de bons livres, que la mère se frappe des avantages que donnent l’esprit, la science, le génie ; qu’on rarle souvent de ces choses, qu’on s’occupe peu de sottises. Voy. Imagination.

On a publié il y a quelques années un traité de Mégalanthropogénésie qui est un peu oublié, et qui mérite de l’être davantage, 2 vol. in-8o.

Mehdi.

Mehdi.

Les journaux d’avril 1841 annonçaient l’apparition en Arabie d’un nouveau prophète appelé Mehdi. « Ceux qui croient en lui (disaient ces journaux), et ils sont nombreux, comptent la nouvelle ère mahométane du jour de son apparition. Ils disent qu’il entrera à la Mecque dans sa quarantième année, que de là il ira à Jérusalem et régnera avec puissance et grandeur jusqu’à ce que Dedschail, le démon du mal, se soit levé contre lui et l’ait vaincu. Alors Jésus, le prophète des chrétiens, viendra à son secours avec soixante-dix mille anges. Toute la terre reconnaîtra Mehdi, et après la conversion des païens, des juifs et des chrétiens à l’islamisme, commencera l’empire des mille et mille années. Ce prophète a fait battre des monnaies, sur lesquelles il s’intitule Imam des deux continents et des deux mers. » Toutefois, on ne parla de ce Mehdi qu’un moment. C’était ce qu’on appelle un canard de journal ; et voici l’origine de celui-là:Les Persans disent qu’il y a eu douze grands imams ou guides. Ali fut le premier ; ses successeurs furent les enfants qu’il eut de Fatimé, sa glorieuse épouse, fille de Mahomet. Le dernier a été retiré par Dieu de ce monde corrompu; et les hommes sont restés sans imam visible. Il s’appelle le Mehdi, c’est-à-dire celui qui est conduit et dirigé par Dieu. Il doit reparaître sur la terre à la fin du monde.

Meigmalloch, esprit de l’espèce des Brownies. Il paraît toujours sous la forme d’une jeune fille et semble se plaire en Écosse.

Mélampus, auteur d’un Traité de l’art de juger les inclinations et le sort futur des hommes par l’inspection des seings ou grains de beauté. Voy. Seings. Mélanchthon, disciple de Luther, mort en 1568. Il croyait aux revenants comme son maître, et ne croyait pas à l’Église. Il rapporte, dans un de ses écrits, que sa tante, ayant perdu son mari lorsqu’elle était enceinte, vit un soir, étant assise auprès de son feu, deux personnes entrer dans sa chambre, l’une ayant la figure de son époux défunt, l’autre celle d’un franciscain de la ville. D’abord elle en fut effrayée ; mais son défunt mari la rassura et lui dit qu’il avait quelque chose d’important à lui communiquer. Ensuite il fit signe au franciscain de passer un moment dans la pièce voisine, en attendant qu’il eût fait connaître ses volontés à sa femme ; alors il la pria de lui faire dire des messes et l’engagea à lui donner la main sans crainte ; elle donna donc la main à son mari, et elle la retira sans douleur, mais brûlée, de sorte qu’elle en demeura noire tout le reste de ses jours. Après cela, le spectre rappela le franciscain, et tous deux disparurent…

Mélancolie. Les anciens appelaient la mélancolie le bain du diable, à ce que disent quelques démonomanes. Les personnes mélancoliques étaient au moins maléficiées, quand elles n’étaient pas démoniaques ; et les choses qui dissipaient l’humeur mélancolique, comme faisait la musique sur l’esprit de Saùl, passaient pour des moyens sûrs de soulager les possédés.

Melchisédech. Plusieurs sectes d’hérétiques, qu’on appela melchisédéchiens, tombèrent dans de singulières erreurs à propos de ce patriarche. Les uns crurent qu’il n’était pas un homme, mais la grande vertu de Dieu et supérieur à JésusChrist ; les autres dirent qu’il était le Saint-Esprit. Il y en eut qui soutinrent qu’il était JésusChrist même. Une de ces sectes avait soin de ne toucher personne, de peur de se souiller.

Melchom, démon qui porte la bourse ; il est aux enfers le payeur des employés publics.

Melchom.


Melek-al-Mout. C’est le nom que les anciens Persans donnent à l’ange de la mort. Les Persans modernes l’appellent aussi l’ange aux vingt mains, pour faire entendre comment il peut suffire à expédier toutes les âmes. Il paraît être l’ange Azraël des Juifs et le Mordad des mages, appelé encore Asuman.

Melissa. Voy. Abeilles.

Mélèze, arbre maudit chez les Tartares.Mélusine, fée célèbre qui épousa le chef de la maison de Lusignan, à condition qu’il n’entrerait jamais, le samedi, dans la chambre où elle mélancolie se retirait. C’est qu’elle était obligée tous les samedis de passer ce jour dans sa forme naturelle, moitié femme et moitié serpent. Il vécut longtemps avec elle et en eut plusieurs enfants, surmontant jusque-là sa curiosité. Mais un jour, qu’il n’en fut pas le maître, c’était un samedi, il alla, par une fente de la porte, épier sa femme, et il la vit telle qu’elle était. La fée s’aperçut de l’indiscrétion, s’envola et ne se remontra plus à son mari.

On dit, dans le Poitou, qu’elle vient la nuit battre des mains et pousser des cris autour du château de Lusignan, toutes les fois qu’un de ses descendants doit mourir[312].

Melye. Il y avait chez les fées, comme chez les hommes, une inégalité de moyens et de puissance. On voit dans les romans de chevalerie et dans les contes merveilleux que souvent une fée bienfaisante était gênée dans ses bonnes intentions par une méchante fée dont le pouvoir était plus étendu.

Melye était une méchante fée. Voy. Urgande.

Menah. C’est une vallée mystérieuse à quatre lieues de la Mecque. Les pèlerins qui la parcourent doivent y jeter sept pierres par-dessus leur épaule. On en trouve trois raisons chez les docteurs musulmans : c’est, selon les uns, pour renoncer au diable et le rejeter, à l’imitation d’Ismaël, qu’il voulut tenter au moment où son père Abraham allait le sacrifier (car ils confondent Ismaël avec Isaac). Ismaël, disent-ils, fit fuir le démon en lui jetant des pierres.

Mais d’autres docteurs disent que le diable tenta Abraham lui-même, voulant l’empêcher d’égorger Ismaël. Il ne put rien gagner, ni sur le patriarche, ni sur Ismaël, ni même sur Agar : ces trois personnages l’éloignèrent à coups de pierres. Le troisième sentiment diffère : cette cérémonie aurait lieu en mémoire des pierres qu’Adam jeta au diable lorsqu’il vint l’aborder effrontément après lui avoir fait commettre le péché originel.

Ménandre, disciple de Simon le Magicien ; il profita des leçons de son maître et enseigna la même doctrine que lui. Il professait la magie. Simon se faisait appeler la Grande Vertu. Ménandre dit que, quant à lui, il était envoyé sur la terre par les puissances invisibles pour opérer le salut des hommes. Ainsi Ménandre et Simon doivent être mis au rang des faux messies plutôt qu’au rang des hérétiques. L’un et l’autre enseignaient que la suprême intelligence, qu’ils nommaient Ennoïa, avait donné l’être à un grand nombre de génies qui avaient formé le monde et la race des hommes. Valentin, qui vint plus tard, trouva là ses éons[313]. Ménandre donnait un baptême qui devait rendre immortel…

Menasseh ben Israël, savant juif portugais, né vers 1604. Il a beaucoup écrit sur le Thalmud. Il y a quelques faits merveilleux dans ses Trois livres de la résurrection des morts[314]. Son ouvrage de l’Espérance d’Israël[315] est curieux. Un juif converti de Villaflor en Portugal, Antoine Montesini, étant venu à Amsterdam vers 1649, publia qu’il avait vu dans l’Amérique méridionale de nombreuses traces des anciens Israélites. Menasseh ben Israël s’imagina là-dessus (avait-il tort ?) que les dix tribus enlevées par Salmanasar étaient allées s’établir dans ce pays-là, et que telle était l’origine des habitants de l’Amérique ; il publia son Spes Israelis pour le prouver. Dans la troisième partie de son livre, Souffle de vie[316], il traite des esprits et des démons, selon les idées des rabbins de son temps, et, dans la quatrième partie, de la métempsycose, qui est pour beaucoup de juifs une croyance. Il avait commencé un traité de la science des thalmudistes et un autre de la philosophie rabbinique, qui n’ont pas été achevés.

Ménestrier (Claude-François), jésuite, auteur d’un livre intitulé la Philosophie des images énigmatiques y où il traite des énigmes, hiéroglyphes, oracles, prophéties, sorts, divinations, loteries, talismans, songes, centuries de Nostradamus et baguette divinatoire, in-12, Lyon, 1694.

Meneurs de loups. Près du château de Lusignan, ancienne demeure de Mélusine, on rencontre de vieux bergers, maigres et hideux comme des spectres : on dit qu’ils mènent des troupeaux de loups. Cette superstition est encore accréditée dans quelques pays, entre autres dans le Nivernais[317].

Menippe, compagnon d’Apollonius de Tyane. Visité d’une lamie ou démon succube, il en fut délivré par Apollonius[318].

Menjoin, sorcier. Voy. Chorropique.

Menra ou le Verbe. C’est le Créateur dans la doctrine des cabalistes.

Mensonge. Le diable est appelé dans l’Évangile le père du mensonge.

Méphistophélès, démon de Faust ; on le reconnaît à sa froide méchanceté, à ce rire amer qui insulte aux larmes, à la joie féroce que lui cause l’aspect des douleurs. C’est lui qui, par la raillerie, attaque les vertus, abreuve de mépris les talents, fait mordre sur l’éclat de la gloire la rouille de la calomnie. Il n’était pas inconnu à Voltaire, à Parny et à quelques autres. C’est, après Satan, le plus redoutable meneur de l’enfer[319]. Voy. Faust.

Mercana, branche de la cabale qui donne la science des choses surnaturelles.

Mercati (Michel). Voy. Ficino.

Mercier, auteur d’un Tableau de Paris, qui a fait quelque bruit, et de Songes philosophiques, où l’on trouve deux ou trois songes qui roulent sur les vampires et les revenants.

Mercredi. Ce jour est celui où les sorciers jouent au sabbat leurs mystères et chantent leurs litanies. Voy. Litanies du sabbat. Les Persans regardent le mercredi comme un jour blanc, c’est-à-dire heureux, parce que la lumière fut créée ce jour-là ; pourtant ils exceptent le dernier mercredi du mois de séphar, qui répond à février ; ils appellent celui-là le mercredi du malheur ; c’est le plus redouté de leurs jours noirs.

Mercure. Il est chargé, dans l’ancienne mythologie, de conduire les âmes des morts à leur destination dernière.

Mères. C’est le nom qu’on donne souvent aux fées en Bretagne ; et comme on croit qu’elles se changent fréquemment en oies, on appelle quelquefois les contes de fées, Contes de ma mère l’oie.

Merle, oiseau commun, dont la vertu est admirable. Si l’on pend les plumes de son aile droite avec un fil rouge au milieu d’une maison où l’on n’aura pas encore habité, personne n’y pourra sommeiller tant qu’elles y seront pendues. Si l’on met son cœur sous la tête d’une personne endormie et qu’on l’interroge, elle dira tout haut ce qu’elle aura fait dans la journée. Si on le jette dans l’eau de puits, avec le sang d’une huppe, et qu’on frotte de ce mélange les tempes de quelqu’un, il tombera malade et en danger de mort. On se sert de ces secrets sous une planète favorable et propre, comme celles de Jupiter et de Vénus, et quand on veut faire du mal, celles de Saturne et de Mars[320]… Le diable s’est quelquefois montré sous la forme de cet oiseau. On sait aussi qu’il y a des merles blancs.

Merlin. Merlin n’est pas né en Angleterre, comme on le dit communément, mais en basse Bretagne, dans l’île de Sein. Il était fils d’un démon et d’une druidesse, fille d’un roi des bas Bretons. Les cabalistes disent que le père de Merlin était un sylphe. Que ce fût un sylphe ou un démon, il éleva son fils dans toutes les sciences et le rendit habile à opérer des prodiges. Ce qui a fait croire à quelques-uns que Merlin était Anglais, c’est qu’il fut porté dans ce pays quelques jours après sa naissance. Voici l’occasion de ce voyage:

Wortigern, roi d’Angleterre, avait résolu de faire bâtir une tour inexpugnable où il pût se mettre en sûreté contre les bandes de pirates qui dévastaient ses États. Lorsqu’on en jeta les fondements, la terre engloutit pendant la nuit tous les travaux de la journée. Ce phénomène se répéta tant de fois que le roi assembla les magiciens pour les consulter. Ceux-ci déclarèrent qu’il fallait affermir les fondements de la tour avec le sang d’un petit enfant qui fût né sans père. Après beaucoup de recherches, dans le pays et hors du pays, on apprit qu’il venait de naître dans l’île de Sein un petit enfant d’une druidesse, qui n’avait point de père connu. C’était Merlin. Il présentait les qualités requises par les magiciens ; on l’enleva et on l’amena devant le roi Wortigern. Merlin n’avait que seize jours. Cependant il n’eut pas plutôt entendu la décision des magiciens qu’il se mit à disputer contre eux avec une sagesse qui consterna tout l’auditoire. Il annonça ensuite que, sous les fondements de la tour que l’on voulait bâtir, il y avait un grand lac, et dans ce lac deux dragons furieux. On creusa; les deux dragons parurent:l’un, qui était rouge, représentait les Anglais ; l’autre, qui était blanc, représentait les Saxons. Ces deux peuples étaient alors en guerre, et les deux dragons étaient leurs génies protecteurs. Ils commencèrent, à la vue du roi et de sa cour, un combat terrible, sur lequel Merlin se mit à prophétiser l’avenir des Anglais. On pense bien qu’après ce qui venait de se passer, il ne fut plus question de tuer le petit enfant. On se disposa à le reconduire dans son pays et on l’invita à visiter quelquefois l’Angleterre. Merlin pria qu’on ne s’occupât point de lui ; il frappa la terre, et il en sortit un grand oiseau sur lequel il se plaça ; il fut en moins d’une heure dans les bras de sa mère, qui l’attendait sans inquiétude, parce qu’elle savait ce qui se passait. Merlin fut donc élevé dans les sciences et dans l’art des prodiges par son père et par les conseils de sa mère, qui était prophétesse ; on croit même qu’elle était fée. Quand il fut devenu grand, il se lia d’amitié avec Ambrosius, autre roi des Anglais. Pour rendre plus solennelle l’entrée de ce prince dans sa capitale, il fit venir d’Irlande en Angleterre plusieurs rochers qui accompagnèrent en dansant le cortège royal, et formèrent en s’arrêtant une espèce de trophée à la gloire du monarque. On voit encore ces rochers à quelques lieues de Londres, et on assure qu’il y a des temps où ils s’agitent par suite du prodige de Merlin ; on dit même que pour ce roi, son ami, il bâtit un palais de fées en moins de temps que Satan ne construisit le Pandémonium des enfers.

Après une foule de choses semblables, Merlin, jouissant de la réputation la plus étendue et de l’admiration universelle, pouvait étonner le monde et s’abandonner aux douceurs de la gloire ; il aima mieux agrandir ses connaissances et sa sagesse. Il se retira dans une forêt de la Bretagne, s’enferma dans une grotte et s’appliqua sans relâche à l’étude des sciences mystérieuses. Son père le visitait tous les sept jours et sa mère plus fréquemment encore; il fit, sous eux, des progrès étonnants et les surpassa bientôt l’un et l’autre. On a lu dans les histoires de la chevalerie héroïque les innombrables aventures de Merlin. Il purgea l’Europe de plusieurs tyrans ; il protégea les dames, et bien souvent les chevaliers errants bénirent ses heureux secours. Las de parcourir le monde, il se condamna à passer sept ans dans l’île de Sein. C’est là qu’il composa ses prophéties, dont quelques-unes ont été publiées. On sait qu’il avait donné à l’un des chevaliers errants qui firent la gloire de la France une épée enchantée avec laquelle on était invincible ; un autre avait reçu un cheval indomptable à la course. Le sage enchanteur avait aussi composé pour le roi Arthus une chambre magique, où ne pouvaient entrer que les braves, une couronne transparente qui se troublait sur la tête d’une coquette, et une épée qui jetait des étincelles dans les mains des guerriers intrépides.

L’épée d’Artus

Quelques-uns ont dit que Merlin mourut dans une extrême vieillesse ; d’autres qu’il fut emporté par le diable ; mais l’opinion la plus répondue aujourd’hui en Bretagne, c’est que Merlin n’est pas mort ; qu’il a su se mettre à l’abri de la fatalité commune, et qu’il est toujours plein de vie dans une forêt du Finistère nommée Brocéliande, où il est enclos et invisible à l’ombre d’un bois d’aubépine. On assure que messire Gauvain et quelques chevaliers de la Table-Ronde cherchèrent vainement partout ce magicien célèbre ; Gauvain seul l’entendit, mais ne put le voir, dans la forêt de Brocéliande.

La science donne à Merlin le nom de Myrdhinn[321].

Mérovée, troisième roi des Francs, dont la naissance doit être placée vers l’an 410 ; il monta sur le trône en 440 et mourut en 458. Il siégeait dans les provinces belgiques. Des chroniqueurs rapportent ainsi sa naissance :« La femme de Clodion le Chevelu, se promenant un jour au bord de la mer, fut surprise par un monstre qui sortit des flots ; elle en eut un fils qui fut nommé Mérovée, et qui succéda à Clodion. » Sauvai croit que cette fable fut inventée par Mérovée lui-même, pour imprimer du respect dans l’esprit des siens en s’attribuant une origine si extraordinaire. Des chroniqueurs ont dit que son nom Meer-Wech signifie veau marin

Merveilles. Pline assure que les insulaires de Minorque demandèrent un secours de troupes à l’empereur Auguste contre les lapins qui renversaient leurs maisons et leurs arbres. Aujourd’hui, dit un critique moderne, on demanderait à peine un secours de chiens. Un vieux chroniqueur conte qu’il y avait à Cambaya, dans l’Hindoustan, un roi qui se nourrissait de venin, et qui devint si parfaitement vénéneux, qu’il tuait de son haleine ceux qu’il voulait faire mourir.

On lit dans Pausanias que, quatre cents ans après la bataille de Marathon, on entendait toutes les nuits dans l’endroit où cette grande lutte avait eu lieu des hennissements de chevaux et des bruits de gens d’armes qui se battaient. Et ce qui est admirable, c’est que ceux qui y veriaient exprès n’entendaient rien de ces bruits : ils n’étaient entendus que de ceux que le hasard conduisait là.

Albert le Grand assure qu’il y avait en Allemagne deux enfants jumeaux dont l’un ouvrait les portes les mieux fermées en les touchant avec son bras droit ; l’autre les fermait en les touchant avec son bras gauche.

Paracelse dit qu’il a vu beaucoup de sages passer vingt années sans manger quoi que ce fût. Si on veut se donner cette satisfaction, qu’on enferme, dit-il, de la terre dans un globe de verre, qu’on l’expose au soleil jusqu’à ce qu’elle soit pétrifiée, qu’on se l’applique sur le nombril, et qu’on la renouvelle quand elle sera sèche, on se passera de manger et de boire sans aucune peine. Paracelse assure intrépidement avoir fait lui-même cette expérience pendant six mois. Voy. la plupart des articles de ce Dictionnaire.

Mesmer (Antoine), médecin allemand, fameux par la doctrine du magnétisme animal, né à Mesburg en 1734, mort en 1815. Il a laissé plusieurs ouvrages dans lesquels il soutient que les corps célestes, en vertu de la même force qui produit leurs attractions mutuelles, exercent une influence sur les corps animés, et principalement sur le système nerveux, par l’intermédiaire d’un fluide subtil qui pénètre tous les corps et remplit tout l’univers. Il alla s’établir à Vienne, et tenta de guérir par le magnétisme minéral en appliquant des aimants sur les parties malades. Ayant trouvé un rival dans cet art, il se restreignit au magnétisme animal, c’est-à-dire à l’application des mains seulement sur le corps, ce qui le fit regarder à tort comme un fou et un visionnaire par les différentes académies de médecine où il présenta ses découvertes. Mais les académies nous prouvent tous les jours qu’elles ne sont pas infaillibles. Il vint à Paris : le peuple et la cour furent surpris de ce nouveau genre de cures. On nomma des docteurs pour examiner le magnétisme animal, et on publia des écrits si violents contre Mesmer qu’il fut contraint de quitter la France. Il alla vivre incognito en Angleterre, ensuite en Allemagne, où il mourut. Il reste de lui : 1° De l’influence des planètes, Vienne, 1766, in-12 ; 2° Mémoire sur la découverte du magnétisme animal, Paris, 1779, in-12 ; 3° Précis historique des faits relatifs au magnétisme animal, jusqu’en avril 1781, Londres, 1781, in-8o ; 4° Histoire abrégée du magnétisme animal, Paris, 1783, in-8o ; 5° Mémoire de F.-A. Mesmer sur ses découvertes, Paris, an vu (1799), in-8o. Voy. Magnétisme.

Messa-Hala. Voy. Macha-Halla.

Messe du diable. On a vu, par différentes confessions de sorciers, que le diable fait aussi dire des messes au sabbat. Pierre Aupetit, prêtre apostat du village de Fossas, en Limousin, fut brûlé pour y avoir célébré les mystères. Au lieu de dire les saintes paroles de la consécration, on dit au sabbat : Belzébuth, Belzèbuth, Belzébuth. Le diable vole sous la forme d’un papillon autour de celui qui dit la messe et qui mange une hostie noire, qu’il faut mâcher pour l’avaler[322]. Voy. Sabbat.

Messie des juifs. Comme ils n’ont pas reconnu le vrai, plusieurs faux messies se sont offerts à eux : Dosithée, André, Bar-Kokébas, le faux Moïse, Julien, Alruy, Sabataï-Zévi, etc. Pour prévenir de nouvelles tentatives d’imposteurs vulgaires, les rabbins ont représenté le messie qu’ils attendent avec une apparence et des entourages si gigantesques qu’on ne peut les simuler. Ainsi se prépare pour son festin, où seront appelés tous les juifs, un bœuf qui mange chaque jour le foin de mille montagnes, un poisson qui occupe de sa masse tout un océan, et un oiseau qui couvrirait Paris de sa queue[323].

Métamorphoses. La mythologie des païens avait ses métamorphoses variées ; nous avons aussi les transformations gracieuses des fées et les transformations plus brutales des sorciers. Les sorciers qu’on brûla à Vernon, en 1566, s’assemblaient dans un vieux château, sous des formes de chats. Quatre ou cinq hommes, un peu plus hardis qu’on ne l’était alors, résolurent d’y passer la nuit ; mais ils se trouvèrent assaillis d’un si grand nombre de chats que l’un d’eux fut tué et les autres grièvement blessés. Les chats, de leur côté, n’étaient pas invulnérables ; et on en vit plusieurs le lendemain qui, ayant repris leur figure d’hommes et de femmes, portaient les marques du combat qu’ils avaient soutenu. Voy. Loups-garous.

Spranger conte qu’un jeune homme de l’île de Chypre fut changé en âne par une sorcière, parce qu’il avait un penchant pour l’indiscrétion. Si les sorcières étaient encore puissantes, bien des jeunes gens d’aujourd’hui auraient les oreilles longues. On dit quelque part qu’une sorcière métamorphosa en grenouille un cabaretier qui mettait de l’eau dans son vin. Voy Fées, Urgande, Sorciers, etc.

Métatron, une des trois intelligences de la cabale ; les deux autres sont Acatriel et Sandalphon.

Métempsycose. La mort, suivant cette doctrine, n’était autre chose que le passage de l’âme dans un autre corps. Ceux qui croyaient à la métempsycose disaient que les âmes, étant sorties des corps, s’envolaient, sous la conduite de Mercure, dans un lieu souterrain où étaient d’un côté le Tartare et de l’autre les champs Élysées. Là, celles qui avaient mené une vie pure étaient heureuses, tandis que les âmes des méchants se voyaient tourmentées par des furies. Mais, après un certain temps, les unes et les autres quittaient ce séjour pour habiter de nouveaux corps, même ceux des animaux ; et afin d’oublier entièrement tout le passé, elles buvaient de l’eau du fleuve Léthé, On peut regarder les Égyptiens comme les premiers auteurs de cette ancienne opinion de la métempsycose, que Pythagore a répandue dans la suite. Les manichéens croient à la métempsycose, tellement que les âmes, selon eux, passent dans les corps de l’espèce qu’elles ont le plus aimée dans leur vie précédente ou qu’elles ont le plus maltraitée. Celui qui a tué un rat ou une mouche sera contraint, par punition, de laisser passer son âme dans le corps d’un rat ou d’une mouche. L’état où l’on sera mis après sa mort sera pareillement opposé à l’état où l’on est pendant la vie : celui qui est riche sera pauvre, et celui qui est pauvre deviendra riche. C’est cette dernière croyance qui, dans les temps, multiplia un peu le parti des manichéens. Voy. Ghilcul et Transmigration.

Métoposcopie. Art de connaître les hommes par les rides du front. Voy. Front.

Meurtre. « Dans la nuit qui suivit l’ensevelissement du comte de Flandre Charles le Bon, ses meurtriers, selon la coutume des païens et


des sorciers, firent apporter du pain et un vase plein de cervoise. Ils s’assirent autour du cadavre, placèrent la boisson et le pain sur le linceul, comme sur une table, buveant et mangeant sur le mort, dans la confiance que par cette action ils empêcheraient qui que ce fût de venger le meurtre commis[324]. » Année 1127.

Meyer, professeur de philosophie à l’université de Halle, auteur d’un Essai sur les apparitions, traduit de l’allemand par F.-Ch. de Baer, 1748, in-12. L’auteur convient qu’on est sur un mauvais terrain lorsqu’on écrit sur les spectres. Il avoue qu’il n’en a jamais vu et n’a pas grande envie d’en voir. Il observe ensuite que l’imagination est pour beaucoup dans les aventures d’apparitions.

« Supposons, dit-il, un homme dont la mémoire est remplie d’histoires de revenants ; car les nourrices, les vieilles et les premiers maîtres ne manquent pas de nous en apprendre ; que cet homme pendant la nuit soit couché seul dans sa chambre, s’il entend devant sa porte une démarche mesurée, lourde et traînante, ce qui marche est peut-être un chien, mais il est loin d’y songer, et il a entendu un revenant, qu’il pourra même avoir vu dans un moment de trouble. » L’auteur termine en donnant cette recette contre les apparitions: 1° qu’on tâche d’améliorer son imagination et d’éviter ce qui pourrait la faire extravaguer ; 2° qu’on ne lise point d’histoires de spectres; car un homme qui n’en a jamais lu ni entendu n’a guère d’apparitions. « Qu’un spectre soit ce qu’il voudra, ajoute Meyer, Dieu est le maître, et il nous sera toujours plus favorable que contraire. »

Michael (Éliacim). Jean Desmarets, sieur de Saint-Sorlin, avait publié des Avis du Saint-Esprit au roi. Mais le plus éclatant et le plus important des avis de cette sorte est celui qui fut apporté un peu plus tard par le grand prophète Éliacim Michael. Il nous avertissait, dit Baillet, que dans peu de temps on verrait une armée de cent quarante mille hommes de troupes sacrées sous les ordres du roi, qui aurait pour lieutenants les quatre princes des anges. Il ajoutait que Louis XIV, avec cette armée, exterminerait absolument tous les hérétiques et tous les mahométans, mais que tous ses soldats merveilleux seraient immolés[325] .

Michaélis (Sébastien), dominicain, né au diocèse de Marseille en 1543. Il a écrit l’Histoire véritable de ce qui s’est passé dans l’exorcisme de trois filles possédées au pays de Flandre, avec un Traité des sorciers et des magiciens, 2 vol. in-12, très-rares, imprimés à Paris en 1623, cinq ans après la mort de l’auteur. Il dit dans cet ouvrage que les tribunaux sensés ne considéraient la confession de magie et d’assistance au sabbat que comme preuves chimériques, et qu’ils ne condamnaient la magie que si elle était aggravée par la circonstance d’un attentat contre les hommes ou contre leurs biens.

Michel (Mont Saint-). Il y a sur le mont Saint-Michel, en Bretagne, cette croyance que les démons chassés du corps des hommes sont enchaînés dans un cercle magique au haut de cette montagne. Ceux qui mettent le pied dans ce cercle courent toute la nuit sans pouvoir s’arrêter : aussi la nuit on n’ose traverser le mont Saint-Michel[326] .

Michel, maréchal ferrant de Salon en Provence, eut une singulière aventure en 1697. Un spectre, disait-on, s’était montré à un bourgeois de la ville et lui avait ordonné d’aller parler à Louis XIV, qui était alors à Versailles, en lui recommandant le secret envers tout autre que l’intendant de la province, sous peine de mort. Ce bourgeois effrayé conta sa vision à sa femme et paya son indiscrétion de sa vie. Quelque temps après, la même apparition s’étant adressée à un autre habitant de Salon, il eut l’imprudence à son tour d’en faire part à son père, et il mourut comme le premier. Tous les alentours furent épouvantés de ces deux tragédies. Le spectre se montra alors à Michel, le maréchal ferrant ; celui-ci se rendit aussitôt chez l’intendant, où il fut d’abord traité de fou ; mais ensuite on lui accorda des dépêches pour le marquis de Barbezieux, lequel lui facilita les moyens de se présenter au premier ministre du roi. Le ministre voulut savoir les motifs qui engageaient ce bonhomme à parler au prince en secret. Michel, à qui le spectre apparut de nouveau à Versailles,

Le spectre.


assura qu’au risque de sa vie il ne pouvait rien divulguer, et, comme il était néanmoins pressé de parler, il dit au ministre que, pour lui prouver qu’il ne s’agissait pas de chimères, il pouvait demander à Sa Majesté si, à sa dernière chasse de Fontainebleau, elle-même n’avait pas vu un fantôme ? si son cheval n’en avait pas été troublé ? s’il n’avait pas pris un écart ? et si Sa Majesté, persuadée que ce n’était qu’une illusion, n’avait pas évité d’en parler à personne ? Le marquis et le ministre ayant informé le roi de ces particularités, Louis XIV voulut voir secrètement Michel le jour même. Personne n’a jamais pu savoir ce qui eut lieu dans cette entrevue. Mais Michel, après avoir passé trois jours à la cour, s’en revint dans sa province, chargé d’une bonne somme d’argent que lui avait donnée Louis XIV, avec l’ordre de garder le secret le plus rigoureux sur le sujet de sa mission. On ajoute que, le roi étant un jour à la chasse, le duc de Duras, capitaine des gardes du corps, ayant dit qu’il n’aurait jamais laissé approcher Michel de la personne du roi, s’il n’en avait reçu l’ordre, Louis XIV répondit : « Il n’est pas fou, comme vous le pensez, et voilà comme on juge mal. » Mais on n’a pu découvrir autre chose de ce mystère.

Michel de Sahourspe, sorcier du pays de Saxe, qui déclara qu’il avait vu au sabbat un grand et un petit diable ; que le grand se servait du petit comme d’un aide de camp ; et que le derrière du grand maître des sabbats était un visage.

Michel l’Écossais, astrologue du seizième siècle. Il prédit qu’il mourrait dans une église ; ce qui arriva, dit Granger. Comme il était un jour à l’office, il lui tomba sur la tête une pierre de la voûte qui le tua.

Michel le Bohémien, médecin empirique du seizième siècle, accusé d’avoir eu des relations avec le diable. On le cite souvent sous le nom de Michel Boemius[327].

Midas. Lorsque Midas, qui fut depuis roi de Phrygie, était encore enfant, un jour qu’il


dormait dans son berceau, des fourmis emplirent sa bouche de grains de froment. Ses parents voulurent savoir ce que signifiait ce prodige : les devins consultés répondirent que ce prince serait le plus riche des hommes. Ce qui n’a été écrit qu’après qu’il l’était devenu.

Midi. Voy. Démon de midi.

Migalena, sorcière du pays de Labourd, qui fut arrêtée à l’âge de soixante et un ans et traduite devant les tribunaux, en même temps que Bocal, son fils, sorcier du même terroir. Migalena avoua qu’elle avait été au sabbat, qu’elle y avait fait des choses abominables, qu’elle y avait assisté aux mystères en présence de deux cents sorciers. Pressée par son confesseur de prier Dieu, elle ne put réciter une prière couramment : elle commençait le Pater et l’Ave, sans les achever, comme si le diable, qu’elle servait, l’en eût empêchée formellement[328].

Mikado, l’un des deux empereurs du Japon. Il est spécialement chargé du spirituel. Aux yeux de ses sujets, disent les voyageurs, le mikado n’est pas un homme, c’est un dieu ; c’est même bien plus qu’un dieu, car tous les autres dieux de la mythologie japonaise, tous les kamis (ainsi les nomme-t-on) sont d’un rang inférieur au mikado ; ils le craignent, ils lui obéissent, et ils viennent, tous les ans, passer un mois à sa cour. Il est vrai qu’ils ne sont visibles qu’à l’œil du mikado. Pendant ce mois, les temples restent déserts ; les dieux n’y résidant plus, personne ne vient en troubler la solitude.

Le mikado ne touche jamais la terre de son pied sacré ; notre planète est indigne d’un tel honneur. Toujours porté sur les épaules de ses valets, ce monarque ne sort jamais de sa demeure ; nul regard profane ne saurait venir le souiller. Tout ce qui pourrait ressembler à une mutilation de sa personne auguste est défendu ; c’est lorsqu’il dort qu’on lui coupe les cheveux, que l’on rogne ses ongles. Il peut épouser neuf fois neuf femmes, mais habituellement il juge que neuf c’est bien assez pour un dieu japonais. On ne l’approche qu’à genoux, on le consulte sur toutes les affaires importantes, mais on ne lui accorde, après tout, qu’un vain titre et de riches revenus. Sa race est impérissable ; s’il advient cependant qu’il ne devienne point père, le ciel y pourvoit ; on trouve un matin sous un arbre du jardin un bel enfant que des mains surnaturelles y ont déposé durant la nuit : c’est le mikado présomptif. Le mikado actuel est le cent dixseptième de la troisième dynastie, et la première dynastie monta sur le trône, suivant les chronologistes japonais les plus exacts, 836794 ans avant notre ère. C’est une date qu’on peut débattre.

C’est dans le corps du mikado que s’est incarné le dieu Ama-terasu-oo-Kami, l’arbitre souverain des hommes et des choses ; il s’occupe à fixer les jours auxquels doivent se célébrer certaines fêtes mobiles ; il détermine les couleurs propres à effrayer les mauvais esprits ; il passe, chaque vingt-quatre heures, un assez long espace de temps assis sur son trône, dans une immobilité complète. S’il faisait, de droite ou de gauche, * le moindre mouvement, on ne doute point qu’il n’amenât d’affreuses catastrophes sur ce côté réprouvé de l’empire. Lorsqu’il est demeuré ainsi comme pétrifié durant trois heures, il se lève et s’en va. Le reste du temps, la couronne impériale occupe sa place ; elle doit se conformer air même principe d’immobilité absolue durant vingt heures.

Le mikado ne porte jamais deux fois le même vêtement ; tout ce qui a touché sa personne sacrée est brûlé aussitôt qu’il s’en dépouille ; les verres, les plats, les assiettes, qui paraissent sur sa table sont brisés immédiatement après le dessert; nul profane ne pourra s’en servir.

L’empereur temporel s’appelle le Taïcoun.

Milan, oiseau qui a des propriétés admirables. Albert le Grand dit que, si l’on prend sa tête et qu’on la porte devant son estomac, on se fera aimer de tout le monde. Si on l’attache au cou d’une poule, elle courra sans relâche jusqu’à ce qu’elle l’ait déposée ; si on frotte de son sang la crête d’un coq, il ne chantera plus. Il se trouve dans ses rognons une pierre qui, mise dans la casserole où cuit la viande que doivent manger

Milan.

deux ennemis, les rend bons amis et les fait vivre en bonne intelligence…

Millénaires. On a donné ce nom : 1° à des gens qui croyaient que Notre-Seigneur, à la fin du monde, régnera mille ans sur la terre ; 2° à d’autres qui pensaient que la fin du monde arriverait en l’an mil ; 3° à d’aucuns encore qui avaient imaginé que, de mille ans en mille ans, il y avait pour les damnés une cessation des peines de l’enfer.

Miller. Le prophète américain Miller, qui avait commencé en 1833 ses prédictions de la fin prochaine du monde, et qui les a continuées pendant dix ans sans que les démentis qu’il recevait périodiquement parussent altérer sa confiance imperturbable, est mort le 20 décembre 184/i à Hampton, dans le comté de Washington (État de New-York), à l’âge de 68 ans. Ses calculs du millenium étaient fondés sur l’interprétation d’un passage de l’Apocalypse qui a déjà occasionné les commentaires les plus extravagants. Cet illuminé ne comptait pas moins de 30 ou 40,000 disciples. Leurs rêveries ont donné lieu à plusieurs contestations judiciaires, dont les journaux américains ont rendu compte.

Les millénaires, persuadés qu’ils n’avaient plus que peu de temps à vivre, s’empressaient de vendre leurs biens, et surtout croyaient pouvoir se dispenser de payer leurs dettes. Le dernier délai de rigueur irrévocable et sans remise, fixé à un certain jour de l’année 1843, s’est écoulé sans autre phénomène qu’une éclipse totale de lune annoncée dans tous les almanachs. Depuis ce temps, la crédulité des adeptes du prophète a été fort ébranlée, et, s’il reste encore des illusions à quelques-uns d’entre eux, la mort même du prophète a dû les faire évanouir. Il avait annoncé que lui et un très-petit nombre d’élus devaient survivre à la catastrophe, afin de prononcer l’oraison funèbre du genre humain et de solliciter la clémence céleste lors du jugement dernier, que Miller appelait le jour de l’épreuve.

Millo, vampire de Hongrie au dix-huitième siècle. Une jeune fille, nommée Stanoska, s’étant couchée un soir en parfaite santé, se réveilla au milieu de la nuit toute tremblante, jetant des cris affreux, et disant que le jeune Millo, enterré depuis neuf semaines, avait failli l’étrangler. Cette fille mourut au bout de neuf jours. On pensa que Millo pouvait être un vampire ; il fut déterré, reconnu pour tel et décapité après avoir eu le cœur percé d’un clou. Ses restes furent brûlés et jetés dans la rivière. Voy. Vampires.

Milon, athlète grec, dont on a beaucoup vanté la force prodigieuse. Galien, Mercurialis et d’autres disent qu’il se tenait si ferme sur une planche huilée, que trois hommes ne pouvaient la lui faire abandonner. Athénée ajoute qu’aux jeux Olympiques il porta longtemps sur ses épaules un bœuf de quatre ans, qu’il mangea le même jour tout entier ; fait aussi vrai que le trait de Gargantua, lequel avala six pèlerins dans une bouchée de salade[329] .

Milton. Dans son beau poëme du Paradis perdu, il a pompeusement peint les démons. Satan figure aussi dans son Paradis reconquis.

Mimer. En face de Kullan, on aperçoit une colline couverte de verdure, qu’on appelle la colline d’Odin. C’est là, dit-on, que le dieu Scandinave a été enterré. Mais on n’y voit que le tombeau du conseiller a’Élat Schimmelinann, qui était un homme fort paisible, très-peu soucieux, je crois, de monter au Valhalla et de boire le miœd avec les valkyries. Cependant une enceinte d’arbres protège l’endroit où les restes du dieu suprême ont été déposés ; une source d’eau limpide y coule avec un doux murmure. Les jeunes filles des environs, qui connaissent leur mythologie, disent que c’est la vraie source de la sagesse, la source de Mimer, pour laquelle Odin sacrifia un de ses yeux. Dans les beaux jours d’été, elles y viennent boire<ref>Marmier, Souvenirs danois.<ref>.

Mimi. Voy. Zozo.

Mimique, art de connaître les hommes par leurs gestes, leurs habitudes. C’est la partie la moins douteuse peut-être de la physiognomonie. La figure est souvent trompeuse, mais les gestes et les mouvements d’une personne qui ne se croit pas observée peuvent donner une idée plus ou moins parfaite de son caractère. Rien n’est plus significatif, dit Lavater, que les gestes qui accompagnent l’attitude et la démarche. Naturel ou affecté, rapide ou lent, passionné ou froid, uniforme ou varié, grave ou badin, aisé ou forcé, dégagé ou roide, noble ou bas, fier ou humble, hardi ou timide, décent ou ridicule, agréable, gracieux, imposant, menaçant, le geste est différencié de mille manières. L’harmonie étonnante qui existe entre la démarche, la voix et le geste, se dément rarement. Mais pour démêler le fourbe, il faudrait le surprendre au moment où, se croyant seul, il est encore lui-même et n’a pas eu le temps de faire prendre à son visage l’expression qu’il sait lui donner. Découvrir l’hypocrisie est la chose la plus difficile et en même temps la plus aisée : difficile tant que l’hypocrite se croit observé, facile dès qu’il oublie qu’on l’observe. Cependant on voit tous les jours que la gravité et la timidité donnent à la physionomie la plus honnête un aperçu de malhonnêteté. Souvent c’est parce qu’il est timide, et non point parce qu’il est faux, que celui qui vous fait un récit ou une confidence n’ose vous regarder en face. N’attendez jamais une humeur douce et tranquille d’un homme qui s’agite sans cesse avec violence ; et en général ne craignez ni emportement ni excès de quelqu’un dont le maintien est toujours sage et posé.

Avec une démarche alerte, on ne peut guère être lent et paresseux ; et celui qui se traîne nonchalamment à pas comptés n’annonce pas cet esprit d’activité qui ne craint ni dangers ni obstacles pour arriver au but. Une bouche béante et fanée, une attitude insipide, les bras pendants et la main gauche tournée en dehors, sans qu’on en devine le motif, annoncent la stupidité naturelle, la nullité, le vide, une curiosité hébétée.

La démarche d’un sage est différente de celle d’un idiot, et un idiot est assis autrement qu’un homme sensé. L’attitude du sage annonce la méditation, le recueillement ou le repos. L’imbécile reste sur sa chaise sans savoir pourquoi ; il semble fixer quelque chose, et son regard ne porte sur rien ; son assiette est isolée comme lui-même. La prétention suppose un fond de sottise. Attendez-vous à rencontrer l’une et l’autre dans toute physionomie disproportionnée et grossière, qui affecte un air de solennité et d’autorité. Jamais l’homme sensé ne se donnera des airs, ni ne prendra l’attitude d’une tête éventée. Si son attention excitée l’oblige à lever la tête, il ne croisera pourtant pas les bras sur le dos ; ce maintien suppose de l’affectation, surtout avec une physionomie qui n’a rien de désagréable, mais qui n’est pas celle d’un penseur. Un air d’incertitude dans l’ensemble, un visage qui, dans son


immobilité, ne dit rien du tout, ne sont pas des signes de sagesse. Un homme qui, réduit à son néant, s’applaudit encore lui-même avec joie, qui rit


comme un sot sans savoir pourquoi, ne parviendra jamais à former ou à suivre une idée raisonnable.

La crainte d’être distrait se remarque dans la bouche. Dans l’attention elle n’ose respirer.

Un homme vide de sens qui veut se donner des airs met la main droite dans son sein et la gauche dans la poche de sa culotte, avec un’maintien. affecté et théâtral. Une personne qui est toujours aux écoutes ne promet rien de bien distingué. Quiconque sourit sans sujet avec une lèvre de


travers, quiconque se tient souvent isolé sans aucune direction, sans aucune tendance déterminée, quiconque salue le corps roide, n’inclinant que la tête en avant, est un fou.

Si la démarche d’une femme est sinistre, non-seulement désagréable, mais gauche, impétueuse, sans dignité, se précipitant en avant et de côté d’un air dédaigneux, soyez sur vos gardes. Ne vous laissez éblouir ni par le charme de la beauté, ni par les grâces de son esprit, ni même par l’attrait de la confiance qu’elle pourra vous témoigner ; sa bouche aura les mêmes caractères que sa démarche, et ses procédés seront durs et faux comme sa bouche ; elle sera peu touchée de tout ce que vous ferez pour elle et se vengera de la moindre chose que vous aurez négligée. Comparez sa démarche avec les lignes de son front et les plis qui se trouvent autour de sa bouche, vous serez étonné du merveilleux accord de tous ces signes caractéristiques.

Ayez le plus de réserve possible en présence de l’homme gras et d’un tempérament colère qui semble toujours mâcher, roule sans cesse les yeux autour de soi, ne parle jamais de sens rassis, s’est donné cependant l’habitude d’une politesse affectée, mais traite tout avec une espèce de désordre et d’impropreté. Dans son nez rond, court, retroussé, dans sa bouche béante, dans les mouvements irréguliers de sa lèvre inférieure,


de son front saillant et plein d’excroissances, dans sa démarche, qui se fait entendre de loin, vous reconnaîtrez l’expression du mépris et de la dureté, des demi-talents avec la prétention d’un talent accompli, de la méchanceté sous une gauche apparence de bonhomie.

Fuyez l’homme dont la voix tendue, toujours montée, toujours haute et sonore, ne cesse de décider ; dont les yeux, tandis qu’il décide, s’agrandissent, sortent de leur orbite ; dont les sourcils se hérissent, les veines se gonflent, la lèvre inférieure se pousse en avant, dont les mains se tournent en poings, mais qui se calme tout à coup, qui reprend le ton d’une politesse froide, qui fait rentrer dans un calme apparent ses yeux et ses lèvres, s’il est interrompu par la présence imprévue d’un personnage important qui se trouve être votre ami. — L’homme dont les traits et la couleur du visage changent subitement, qui cherche avec soin à cacher cette altération soudaine et sait reprendre aussitôt un air calme ; celui qui possède l’art de tendre et détendre les muscles de sa bouche, de les tenir pour ainsi dire en bride, particulièrement lorsque l’œil observateur se dirige sur lui : cet homme a moins de probité que de prudence ; il est plus courtisan que sage et modéré. Rappelez-vous les gens qui glissent plutôt qu’ils ne marchent, qui reculent en s’avançant, qui disent des grossièretés d’une voix basse et d’un air timide, qui vous fixent hardiment dès que vous ne les voyez plus et n’osent jamais vous regarder tranquillement en face, qui ne disent du bien de personne, sinon des méchants, qui


trouvent des exceptions à tout et paraissent avoir toujours contre l’assertion la plus simple une contradiction toute prête ; fuyez l’atmosphère où ces gens respirent. Celui qui relève la tête et la porte en arrière (que cette tête soit grosse ou singulièrement petite) ; celui qui se mire dans ses pieds mignons de manière à les faire remarquer ; celui qui, voulant montrer de grands yeux


encore plus grands qu’ils ne sont, les tourne exprès de côté comme pour regarder tout pardessus l’épaule ; celui qui, après vous avoir prêté longtemps un silence orgueilleux, vous fait ensuite une réponse courte, sèche et tranchante, qu’il accompagne d’un froid sourire ; qui, du moment qu’il aperçoit la réplique sur vos lèvres, prend un air sourcilleux et murmure tout bas d’un ton propre à vous ordonner le silence : cet homme a pour le moins trois qualités haïssables, avec tous leurs symptômes, l’entêtement, l’orgueil, la dureté ; très-probablement il y joint encore la fausseté, la fourberie et l’avarice. Le corps penché en avant annonce un homme prudent et laborieux. Le corps penché en arrière annonce un homme vain, médiocre et orgueilleux.

Les borgnes, les boiteux et surtout les bossus, dit Albert le Grand, sont rusés, spirituels, un peu malins et passablement méchants.

L’homme sage ne rit aux éclats que rarement


et peu. Il se contente ordinairement de sourire. Quelle différence entre le rire affectueux de l’humanité et le rire infernal qui se réjouit du mal d’autrui ! Il est des larmes qui pénètrent les cieux ; il en est d’autres qui provoquent l’indignation et le mépris.

Remarquez aussi la voix (comme les Italiens le font dans leurs passe-ports et dans leurs signalements) ; distinguez si elle est haute ou basse, forte ou faible, claire ou sourde, douce ou rude, juste ou fausse. Le son de la voix, son articulation, sa faiblesse et son étendue, ses inflexions dans le haut et dans le bas, la volubilité et l’embarras de la langue, tout cela est infiniment caractéristique. Le cri des animaux les plus courageux est simple, dit Aristote, et ils le poussent sans effort marqué. Celui des animaux timides est beaucoup plus perçant. Comparez à cet égard le lion, le bœuf, le coq qui chante son triomphe, avec le cerf et le lièvre ; ceci peut s’appliquer aux hommes. La voix grosse et forte annonce un homme robuste ; la voix faible un homme timide. La voix claire et sonnante dénote quelquefois un menteur ; la voix habituellement tremblante indique souvent un naturel soupçonneux. L’effronté et l’insolent ont la voix haute. La voix rude est un signe de grossièreté. La voix douce et pleine, agréable à l’oreille, annonce un heureux naturel.

Un homme raisonnable se met tout autrement qu’un fat ; une femme pieuse, autrement qu’une coquette. La propreté et la négligence, la simplicité et la magnificence, le bon et le mauvais goût, la présomption et la décence, la modestie et la fausse honte : voilà autant de choses qu’on distingue à l’habillement seul. La couleur, la coupe, la façon, l’assortiment d’un habit, tout cela est expressif encore et nous caractérise. Le sage est simple et uni dans son extérieur ; la simplicité lui est naturelle. On reconnaît bientôt un homme qui s’est paré dans l’intention de plaire, celui qui ne cherche qu’à briller et celui qui se néglige, soit pour insulter à la décence, soit pour se singulariser.

Il y aurait aussi des remarques à faire sur le choix et l’arrangement des meubles, dit Lavater. Souvent d’après ces bagatelles on peut juger l’esprit et le caractère du propriétaire ; mais on ne doit pas tout dire. Voy. Physiognomonie. Mineurs (Démon). Il y a de malins esprits qui, sous les formes de satyres, de boucs et de chèvres, vont tourmenter les mineurs ; on dit qu’ils apparaissent souvent aux mines métalliques et battent ceux qui tirent les métaux. Cependant ces démons ne sont pas tous mauvais, puisqu’on en cite qui, au contraire, aident les ouvriers. Olaùs Magnus dit que ces derniers se laissent voir sous la forme de nains, grands d’un demi-mètre ; qu’ils aident à scier les pierres, à creuser la terre ; mais que malgré cela ils ont toujours une tendance aux tours malicieux, et que les malheureux mineurs sont souvent victimes de leurs mauvais traitements. Au reste, on a distingué six sortes d’esprits qui fréquentent les mines et sont plus ou moins méchants. Quelques-uns disent qu’ils en ont vu dans les mines d’Allemagne, pays où les démons semblent assez se complaire, et que ces malins esprits ne laissaient aucun repos aux travailleurs, tellement qu’ils étaient contraints d’abandonner le métier. Entre autres exemples qu’ils donnent de la malignité de cette engeance infernale, nous ne signalerons qu’un démon mineur qui tua douze artisans à la fois : ce qui fit délaisser une mine d’argent très-productive[330]. Voy. Anneberg, Montagnards, etc.

Mingrélie. Le christianisme dans ce pays de schisme grec est très-corrompu. On y voit des prêtres baptiser les enfants distingués avec du vin. Lorsqu’un malade demande des secours spirituels, le prêtre ne lui parle pas de confession ; mais il cherche dans un livre la cause de sa maladie et l’attribue à la colère de quelqu’une de. leurs images, qu’il faut apaiser par des offrandes.

Minoson, démon qui fait gagner à toutes sortes de jeux ; il dépend de Baël, l’un des plus puissants chefs de l’enfer[331].

Minuit. C’est à cette heure-là que se fait généralement le sabbat des sorciers, et que les spectres et les démons apparaissent. Cependant le diable n’aime pas uniquement l’heure de minuit, car il peut tenir sabbat à midi, comme l’ont avoué plusieurs sorcières, telles que Jeannette d’Abadie et Catherine Naguille[332].

Mirabel (Honoré), fripon qui fut condamné aux galères perpétuelles, après avoir été appliqué à la question, par arrêt du 18 février 1729. Il avait promis à un de ses amis, nommé Auguier, de lui faire trouver des trésors par le moyen du diable. Il fouilla, après maintes conjurations, dans des ruines près de Marseille, et dit qu’il y avait là un sac de pièces portugaises que lui avait indiqué un spectre. Il tira, en présence de plusieurs personnes et d’un valet nommé Bernard, un paquet enveloppé d’une serviette ; l’ayant emporté chez lui, il le délia et y trouva un peu d’or, qu’il donna à Augier, lui en promettant davantage et le priant de lui prêter quarante francs ; ce qui doit sembler assez singulier. L’ami lui prêta cette somme, lui passa un billet par lequel il reconnaissait lui devoir vingt mille livres, et lui remettait les quarante francs. Le billet fut signé le 27 septembre 1726. Quelque temps après, Mirabel demanda le payement du

billet ; comme on le refusa, parce que le sorcier n’avait donné que des espérances qui ne s’étaient pas réalisées, il eut la hardiesse d’intenter un procès ; mais, en fin de cause, il se vit, comme on l’a dit, condamné aux galères, par messieurs du parlement d’Aix[333].

Mirabilis liber. On attribue la plus grande part de ce livre à saint Césaire. C’est un recueil de prédictions dues à des saints et à des sibylles. Ce qui peut surprendre les esprits forts, c’est que dans l’édition de 1522 on voit annoncés les événements qui ont clos si tragiquement le dernier siècle, l’expulsion et l’abolition de la noblesse, les persécutions contre le clergé, la suppression des couvents, le mariage des prêtres, le pillage des églises, la mort violente du roi et de la reine, etc. On y lit ensuite que l’aigle venant des pays lointains rétablira l’ordre en France[334]

Miracles. Un certain enchanteur abattit une bosse en y passant la main. ; on cria au miracle !… La bosse était une vessie enflée[335]. Tels sont les miracles des charlatans. Mais parce que les charlatans font des tours de passe-passe qui singent les faits surnaturels proprement appelés miracles (et il n’y a de miracles que ceux qui viennent de Dieu), il est absurde de les nier. Nous vivons entourés de miracles qui ne se peuvent expliquer, quoiqu’ils soient constants. Nous ne pouvons parler ici que des faux miracles, œuvre de Satan, ou fourberies des imposteurs qui servent ainsi la cause de l’esprit du mal. Ce qui est affligeant, c’est que les jongleries ont souvent plus de crédit chez les hommes fourvoyés que les faits extraordinaires dont la vérité est établie, comme les superstitions ont plus de racines que les croyances religieuses dans les têtes détraquées[336].

On raconte l’anecdote suivante pour prouver que les plus grandes absurdités trouvent des partisans. Deux charlatans débutaient dans une petite ville de province, au temps où Cagliostro et d’autres personnages importants venaient de se présenter à Paris à titre de docteurs qui guérissaient toutes les maladies. Ils pensèrent qu’ils fallait quelque chose de plus relevé pour accréditer leur savoir-faire. Ils s’annoncèrent donc comme ayant le pouvoir de ressusciter les morts ; et, afin qu’on n’en pût douter, ils déclarèrent qu’au bout de trois semaines, jour pour jour, ils rappelleraient à la vie, publiquement, dans le cimetière indiqué, le mort dont on leur montrerait la sépulture, fût-il enterré depuis dix ans. Ils demandent au juge du lieu qu’on les garde à vue pour s’assurer qu’ils ne s’échapperont pas, mais qu’on leur permette en attendant de vendre des drogues et d’exercer leurs talents. La proposition paraît si belle qu’on n’hésite pas à les consulter. Tout le monde assiège leur maison ; tout le monde trouve de l’argent pour payer de tels médecins. Le grand jour approchait. Le plus jeune des deux charlatans, qui avait moins d’audace, témoigna ses craintes à l’autre, et lui dit : — Malgré toute votre habileté, je crois que vous nous exposez à être lapidés ; car enfin vous n’avez pas le talent de ressusciter les morts. — Vous ne connaissez pas les hommes, lui répliqua le docteur, je suis tranquille.

L’événement justifia sa présomption. Il reçut d’abord une lettre d’un gentilhomme du lieu ; elle était ainsi conçue : « Monsieur, j’ai appris que vous deviez faire une grande opération qui me fait trembler. J’avais une méchante femme ; Dieu m’en a délivré ; et je serais le plus malheureux des hommes si vous la ressuscitiez. Je vous conjure donc de ne point faire usage de votre secret dans notre ville, et d’accepter un petit dédommagement que je vous envoie, etc. » Une heure après, les charlatans virent arriver chez eux deux jeunes gens qui leur présentèrent une autre gratification, sous la condition de ne point employer leur talent à la résurrection d’un vieux parent dont ils venaient d’hériter. Ceux-ci furent suivis par d’autres, qui apportèrent aussi leur argent pour de pareilles craintes, en faisant la même supplication. Enfin le juge du lieu vint lui-même dire aux deux charlatans qu’il ne doutait nullement de leur pouvoir miraculeux, qu’ils en avaient donné des preuves par une foule de guérisons ; mais que l’expérience qu’ils devaient faire le lendemain dans le cimetière avait mis d’avance toute la ville en combustion ; que l’on craignait de voir ressusciter un mort dont le retour pourrait causer des révolutions dans les fortunes ; qu’il les priait de partir, et qu’il allait leur donner une attestation comme quoi ils ressuscitaient réellement les morts. Le certificat fut signé, paraphé, légalisé, dit le conte ; et les deux compagnons parcoururent les provinces, montrant partout la preuve légale de leur talent surnaturel….

Mirage, déception des sens, causée par certains phénomènes de l’atmosphère, qui fait voir des aspects enchanteurs, soit sur les mers, soit sur les déserts de sables, tandis qu’il n’y a rien. Certains voyageurs ont cru voir là des charmes magiques.

Mirak. Voy. Agraféna.

Miroir. Lorsque François I er faisait la guerre à Charles-Quint, on conte qu’un magicien apprenait aux Parisiens ce qui se passait à Milan en écrivant sur un miroir les nouvelles de cette ville et l’exposant à la lune, de sorte que les Parisiens lisaient dans cet astre ce que portait le miroir. Ce secret est perdu comme tant d’autres. Voy. Pythagore. Pour la divination par le miroir, voy. Cristallomancie. En Bretagne, se regarder la nuit dans un miroir, c’est le moyen de devenir laide ou d’être ornée d’un visage de loup.


Mirville (J. Eudes de), auteur de travaux remarquables sur les Esprits, leurs faits incontestables et leur réalité.

Miscaun-Marry. On donne ce nom, en Irlande, au feu follet, ignis fatum.

Misraïm, fils de Gham. Voy. Magie.

Mœnsklint. Les riverains de la mer Baltique vous montrent avec orgueil une grande masse de roc toute blanche, taillée à pic, surmontée de quelques flèches aiguës et couronnée d’arbustes. Mais voyez, ce que le géologue appelle pierre calcaire, ce n’est pas la pierre calcaire, et ce qui s’élève au haut de cette montagne sous la forme d’un massif d’arbres, ce n’est pas un massif d’arbres. Il y a là une jeune fée très-belle qui règne sur les eaux et sur l’île. Ce roc nu, c’est sa robe blanche qui tombe à grands replis dans les vagues et se diapré aux rayons du soleil ; cette pyramide aiguë qui le surmonte, c’est son sceptre ; et ces rameaux de chêne, c’est sa couronne. Elle est assise au haut du pic qu’on appelle le Dronnings Stol (le siège de la Reine). De là elle veille sur son empire, elle protège la barque du pêcheur et le navire du marchand. Souvent la nuit on a entendu sur cette côte des voix harmonieuses, des voix étranges qui ne ressemblent pas à celles qu’on entend dans le monde. Ce sont les jeunes fées qui chantent et dansent autour de leur reine, et la reine est là qui les regarde et leur sourit. Oh ! le peuple est le plus grand de tous les poëtes. Là où la science analyse et discute, il invente, il donne la vie à la nature animée, il spiritualise les êtres que le physicien regarde comme une matière brute. Il passe le long d’un lac, et il y voit des esprits ; il passe au pied d’un roc de craie, il y voit une reine et il l’appelle le Mœnsklint (le rocher de la Jeune Fille)[337].

Mog. De ce nom peut-être est venu le mot magus, magicien. On retrouve encore dans l’Arménie l’ancienne région des Mogs. « Le nom de Mog, dit M. Eugène Boré[338], est un mot zend et pehlvi qui a passé dans la langue chaldéenne à l’époque où le symbole religieux de la Perse fut adopté par le peuple de Babylone. 11 représentait la classe pontificale, initiée sans doute à des doctrines secrètes dont l’abus et l’imposture firent tomber ensuite ce titre en discrédit. Les prêtres ainsi désignées étaient ces anciens desservants du temple de Bélus, qu’avait visités et entretenus Hérodote, et qu’il nomme Chaldéens aussi bien que le prophète Daniel. Ils avaient encore le nom de sages ou philosophes, de voyants et d’astronomes. Lorsqu’ils mêlèrent aux principes élevés de la science et de la sagesse les superstitions de l’idolâtrie et toutes les erreurs de l’astrologie et de la divination, ils furent appelés enchanteurs, interprètes de songes, sorciers, en un mot magiciens. » Mais, au dixième siècle, Thomas Ardzérouni, cité par M. Boré, appelle encore la contrée qu’ils habitaient le pays des Mogs. Les Mogols viendraient-ils des Mogs ?

Mogol. Delancre dit qu’un empereur mogol guérissait certaines maladies avec l’eau dans laquelle il lavait ses pieds.

Mohra, bourg célèbre dans la Suède pour les sorciers qu’il a produits. En 1559, pendant les débuts de la réforme, on y arrêta soixante-dix sorcières qui avaient séduit trois cents enfants.

Moine bourru. Voy. Bourru.

Moines. On lit partout ce petit conte. Un moine qu’une trop longue abstinence faisait souffrir s’avisa un jour, dans sa cellule, de faire cuire un œuf à la lumière de sa lampe. L’abbé, qui faisait sa ronde, ayant vu le moine occupé à sa petite cuisine, l’en reprit ; le bon religieux, pour s’excuser, dit que c’était le diable qui l’avait tenté et lui avait inspiré cette ruse. Tout aussitôt parut le diable lui-même, lequel était caché sous la table, et s’écria en s’adressant au moine : « Tu en as menti par ta barbe ; ce tour n’est pas de mon invention, et c’est toi qui viens de me l’apprendre. » Césaire d’Heisterbach donne cet autre petit fait. « Le moine Herman, comparant la rigoureuse abstinence de son ordre aux bons ragoûts que l’on mange dans le monde, vit entrer dans sa cellule un inconnu de bonne mine qui lui offrit un plat de poisson. Il reçut ce présent, et lorsqu’il voulut accommoder son poisson, il ne trouva plus sous sa main qu’un plat de fiente de cheval. Il comprit qu’il venait de recevoir une leçon, et fut plus sobre[339].

Mois. Divinités de chaque mois chez les païens. — Junon présidait au mois de janvier ; Neptune, à février ; Mars, au mois qui porte son nom ; Vénus, au mois d’avril ; Phébus, au mois de mai ; Mercure, au mois de juin ; Jupiter, à juillet ; Cérès, au mois d’août ; Vulcain, à septembre ; Pallas, au mois d’octobre ; Diane, à novembre ; Vesta, à décembre.

Anges de chaque mois. Selon les cabalistes, janvier est le mois de Gabriel ; février, le mois de Barchiel ; mars, le mois de Machidiel ; avril, le mois d’Asmodel ; mai, le mois d’Ambriel ; juin, le mois de Muriel ; juillet, le mois de Verchiel ; août, le mois d’Hamaliel ; septembre, le mois d’Uriel ; octobre, le mois de Barbiel ; novembre, le mois d’Adrachiel ; décembre, le mois d’Hanaël.

Démons de chaque mois. Janvier est le mois de Bélial ; février, le mois de Léviathan ; mars, le mois de Satan ; avril, le mois d’Astarté ; mai, le mois de Lucifer ; juin, le mois de Baalberith ; juillet, le mois de Belzébuth ; août, le mois d’Astaroth ; septembre, le mois de Thamuz ; octobre, le mois de Baal ; novembre, le mois d’Hécate; décembre, le mois de Moloch. Animaux de chaque mois. La brebis est consacrée au mois de janvier ; le cheval, au mois de février ; la chèvre, au mois de mars ; le bouc, au mois d’avril ; le taureau, au mois de mai ; le chien, au mois de juin ; le cerf, au mois de juillet ; le sanglier, au mois d’août ; l’âne, au mois de septembre ; le loup, au mois d’octobre ; la biche, au mois de novembre ; le lion, au mois de décembre.

Oiseaux de chaque mois. Le paon est consacré au mois de janvier ; le cygne, au mois de février ; le pivert, au mois de mars ; la colombe, au mois d’avril ; le coq, au mois de mai ; l’ibis, au mois de juin ; l’aigle, au mois de juillet ; le moineau, au mois d’août ; l’oie, au mois de septembre ; la chouette, au mois d’octobre ; la corneille, au mois de novembre ; l’hirondelle, au mois de dédécembre.

Arbres de chaque mois. Le peuplier est l’arbre de janvier ; l’orme, de février ; le noisetier, de mars ; le myrthe, d’avril ; le laurier, de mai ; le coudrier, de juin ; le chêne, de juillet ; le pommier, d’août ; le buis, de septembre ; l’olivier, d’octobre ; le palmier, de novembre ; le pin, de décembre.

Moïse. Les talmudistes et les Orientaux ont surchargé l’histoire de Moïse de beaucoup de légendes et de contes prodigieux[340]. En kok, un imposteur, selon les uns, le diable lui-même, selon les autres, se présenta aux Israélites de Candie, en leur disant qu’il était Moïse, ressuscité pour les ramener en Palestine. La multitude se laissa séduire et suivit son prétendu chef jusqu’à la mer, comptant bien qu’elle allait s’ouvrir de nouveau pour lui livrer passage ; mais il n’y eut pas de miracle. La mer furieuse engloutit vingt mille Juifs, s’il faut en croire les historiens, et le faux Moïse ne se retrouva plus.

Moiset. C’est le nom que prit le démon ou le fourbe qui se donnait pour tel, et qui engagea pour le sabbat et la sorcellerie Pierre Bourget et Michel Verdung.

Mokissos, génies révérés des habitants de Loango, mais subordonnés au Dieu suprême. Ils pensent que ces génies peuvent les châtier et même leur ôter la vie s’ils ne sont pas fidèles à leurs obligations. Lorsqu’un homme est heureux et bien portant, il est dans les bonnes grâces de son mokisso. Est-il malade ou éprouve-t-il des revers, il attribue cette calamité à la colère de son génie. Ces peuples donnent le même nom à leur souverain, auquel ils croient une puissance divine et surnaturelle, comme de pouvoir faire tomber la pluie et d’exterminer en un instant des milliers d’hommes, etc. Les mokissos sont des figures de bois qui représentent ou des hommes grossièrement faits, ou des quadrupèdes, ou des oiseaux. On leur offre des vœux et des sacrifices pour les apaiser. Voy. Fétiches.

Molitor (Ulrich), auteur d’un livre rare intitulé Traité des lamies et des pythonisses : Tractatus de lamiis et pythonicis, Constance, l489, in-4o. Paris, 1561, in-8o. On y voit des choses singulières, qui ne sont pourtant pas des fables, car l’auteur est circonspect et critique sérieux.

Moloch, prince du pays des larmes, membre du conseil infernal. Il était adoré par les Ammonites sous la figure d’une statue de bronze assise


dans un trône de même métal, ayant une tête de veau surmontée d’une couronne royale. Ses bras étaient étendus pour recevoir les victimes humaines : on lui sacrifiait des enfants. Dans Milton, Moloch est un démon affreux et terrible couvert des pleurs des mères et du sang des enfants.

Les rabbins prétendent que, dans l’intérieur de la statue du fameux Moloch, dieu des Ammonites, on avait ménagé sept espèces d’armoires. On en ouvrait une pour la farine, une autre pour les tourterelles, une troisième pour une brebis, une quatrième pour un bélier, la cinquième pour un veau, la sixième pour un bœuf, la septième pour un enfant. C’est ce qui a donné lieu de confondre Moloch avec Mithras, et ses sept portes mystérieuses avec les sept chambres. Lorsqu’on voulait sacrifier des enfants à Moloch, on allumait un grand feu dans l’intérieur de cette statue. Mais afin qu’on n’entendît pas leurs cris plaintifs, les prêtres faisaient un grand bruit de tambours et d’autres instruments autour de l’idole. Voy. Mystères.

Momies. Le prince de Radzivill, dans son Voyage de Jérusalem, raconte une chose singulière dont il a été le témoin. Il avait acheté en Égypte deux momies, l’une d’homme et l’autre "de femme, et les avait enfermées secrètement en des caisses qu’il fit mettre dans son vaisseau lorsqu’il partit d’Alexandrie pour revenir en Europe. Il n’y avait que lui et ses deux domestiques qui sussent ce que contenaient les caisses, parce que les Turcs alors permettaient difficilement qu’on emportât les momies, croyant que les chrétiens s’en servaient pour des opérations magiques. Lorsqu’on fut en mer, il s’éleva une tempête qui revint à plusieurs reprises avec tant de violence, que le pilote désespérait de sauver le navire. Tout le monde était dans l’attente d’un naufrage prochain et inévitable. Un bon prêtre polonais, qui accompagnait le prince de Radzivill, récitait les prières convenables à une telle circonstance ; le prince et sa suite y répondaient. Mais le prêtre était tourmenté, disait-il, par deux spectres (un homme et une femme) noirs et hideux, qui le harcelaient et le menaçaient. On crut d’abord que la frayeur et le danger du naufrage lui avaient troublé l’imagination. Le calme étant revenu, il parut tranquille ; mais le tumulte des éléments reparut bientôt ; alors ces fantômes le tourmentèrent plus fort qu’auparavant, et il n’en fut délivré que quand on eut jeté les deux momies à la mer, ce qui fit en même temps cesser la tempête<ref>Dom Calmet, Dissertation sur les apparitions.<ref>. »

Ajoutons que de nos jours les marins du Levant conservent cette opinion que les momies attirent les tempêtes, et on ne peut les embarquer qu’à leur insu.

Monarchie infernale. Elle se compose, selon Wierus, d’un empereur, qui est Belzébuth ; de sept rois, qui régnent aux quatre points cardinaux, et qui sont Baël, Pursan, Byleth, Paymon, Belial, Asmoday, Zapan ; de vingt-trois ducs, savoir:Agarès, Busas, Gusoyn, Bathym, Eligor, Valefar, Zepar, Sytry, Bime, Berith, Astaroth, Vepar, Ghax, Pricel, Murmur, Focalor, Gomory, Amduscias, Aym, Orobas, Vapula, Hauros, Alocer ; de treize marquis, Aamon, Loray, Naberus, Forneus, Ronève, Marchocias, Sabnac, Gamigyn, Arias, Andras, Androalphus, Cimeries, Phœnix ; de dix comtes, Barbatos, Botis, Morax, Ipès, Furfur, Raym, Halphas, Vine, Decarabia, Zalcos ; de onze présidents, Marbas, Buer, Glasialabolas, Forças, Malphas, Gaap, Caym, Volac, Oze, Amy, Haagenti, et de plusieurs chevaliers, comme Furcas, Bifrons, etc.

Les forces deja monarchie infernale se composent de 6666 légions, chacune de 6666 démons; ce qui ne fait que 44, 635, 566 combattants. Mais chacun de ces démons a sous lui des bandes. Voy. Cour.

Monde. Voy. Origines.

Monkir et Nékir, anges qui, selon la croyance des musulmans, interrogent le mort aussitôt qu’il est dans le sépulcre, et commencent leur interrogatoire par cette demande : — Qui est votre seigneur, et qui est votre prophète ? — Leurs fonctions sont aussi de tourmenter les réprouvés. Ces anges ont un aspect hideux et une voix aussi terrible que le tonnerre. Après qu’ils ont reconnu que le mort est dévoué à l’enfer, ils le fouettent avec un fouet moitié fer et moitié feu. Les mahométans ont tiré cette idée du Talmud.

Monsieur de Laforêt. C’est le nom qu’on donnait autrefois au fantôme plus connu sous le titre de grand Veneur de la forêt de Fontainebleau. Voy. Veneur.

Sa résidence ordinaire était dans cette forêt ; mais il s’en écartait quelquefois. Delancre rapporte qu’un enfant qui vivait en Allemagne fut trouvé vêtu d’une peau deïoup et courant comme un petit Ioup-garou ; il dit que c’était M. de Laforêt qui lui avait donné sa peau ; que son père s’en servait aussi. Dans un interrogatoire, cet enfant avoua que si M. de Laforêt lui apparaissait, il pouvait le mettre en fuite par des signes de croix. Il ajouta que M. de Laforêt lui demandait quelquefois s’il voulait être à lui, et qu’il lui offrait pour cela de grandes richesses.

Monstres. Méry, célèbre anatomiste et chirurgien-major des Invalides, Vit et disséqua, en 1720, un petit monstre né à six mois de terme, sans tête, sans bras, sans cœur, sans poumons, sans estomac, sans reins, sans foie, sans rate, sans pancréas, et pourtant né vivant. Cette production extraordinaire fut suivie d'une fille bien organisée, qui tenait au petit monstre par un cordon ombilical commun. Son observation est consignée dans les Mémoires de l'Académie des sciences. Comment la circulation du sang s'opérait-elle dans cet individu dépourvu de cœur ?

Mery essaya de l’expliquer dans une dissertation[341]. En d’autres temps, on eût tout mis sur le compte du diable, et qui sait ? Voy. Imagination.

Torquemada rapporte qu’Alexandre le Grand lorsqu’il faisait la guerre des Indes, vit plus de cent trente mille hommes ensemble qui avaient


des têtes de chiens et aboyaient comme eux; ce qui ne se voit de nos jours que dans les caricatures. Il dit aussi que certains habitants du mont Milo avaient huit doigts aux pieds et les pieds tournés en arrière, ce qui rendait ces hommes extrêmement légers à la course.

On voit dans de vieilles chroniques qu’il y avait au nord des hommes qui n’avaient qu’un œil au milieu du front ; en Albanie, des hommes dont les cheveux devenaient blancs dès l’enfance, et qui voyaient mieux la nuit que le jour (conte produit par les Albinos) ; des Indiens qui avaient des têtes de chien ; d’autres sans cou et sans tête, ayant les yeux aux épaules, et, ce qui surpasse ton le admira Lion, un peuple dont le corps était velu et couvert de plumes comme les oiseaux, et qui se nourrissait seulement de l’odeur des fleurs. On a pourtant ajouté foi à ces fables.

N’oublions pas celles qui se trouvent consignées dans le Journal des voyages de Jean Struys, qui dit avoir vu de ses propres yeux les habitants de l’île de Formose ayant une queue au derrière, comme les bœufs. Il parle aussi d’une espèce de concombre, qui se nourrit, dit-on, des plantes voisines. Cet auteur ajoute que ce fruit surprenant a la figure d’un agneau, avec les pieds, la tête et la queue de cet animal distinctement formés ; d’où on l’appelle, en langage du pays, banaret ou bonarez, qui signifie agneau. Sa peau est couverte d’un duvet fond blanc, aussi délié que la soie. Les ïartares en font grand cas, et la plupart le gardent avec soin dans leurs maisons, où cet auteur en a vu plusieurs. Il croît sur une tige d’environ trois pieds de haut. L’endroit par où il tient à sa tige est une espèce de nombril, sur lequel il se tourne et se baisse vers les herbes qui lui servent de nourriture, se séchant et se flétrissant aussitôt que ces herbes lui manquent. Les loups l’aiment et le dévorent avec avidité, parce qu’il a le goût de la chair d’agneau ; et l’auteur ajoute qu’on lui a assuré que cette plante a effectivement des os, du sang et de la chair : d’où vient qu’on l’appelle encore dans le pays zoaphité, c’est-à-dire plante animale[342].

Montagnards,

Montagnards


démons qui font leur séjour dans les mines sous les montagnes, et tourmentent les mineurs. Ils ont trois pieds de haut, un visage horrible, un air de vieillesse, une camisole et un tablier de cuir, comme les ouvriers dont ils prennent souvent la figure. Ils sont soumis à un esprit géant ; ce qui fait contraste. On dit que ces démons autrefois n’étaient pas malfaisants, qu’ils entendaient même la plaisanterie ; mais une insulte leur était sensible, et ils la souffraient rarement sans se venger. Un mineur eut l’audace de dire des injures à un de ces démons. Le démon indigné sauta sur le mineur et lui tordit le cou. L’infortuné n’en mourut pas, mais il eut le cou renversé et le visage tourné par derrière tout le reste de sa vie. Il y a eu des gens qui l’ont vu en cet état, dit le narrateur… Ils avaient de bons yeux. Voy. Mineurs.

Montalembert (Adrien de), aumônier de François I er, auteur d’un ouvrage intitulé La merveilleuse Histoire de l’esprit qui depuis naguère s’est apparu au monastère des religieuses de Saint-Pierre de Lyon. Paris, 1528, in-/i° ; Rouen, 1529 ; Paris, 1580, in-12. C’est l’histoire d’Alice de Télieux.

Montan, chef des hérétiques montanistes au onzième siècle. C’était un eunuque phrygien. Il avait des attaques d’épilepsie, et il les fit passer pour des extases où il s’entretenait avec Dieu. Il reconnaissait que le Saint-Esprit était venu, mais il le distinguait du Paraclet, et il disait : C’est moi qui suis le Paraclet. Les montanistes admettaient les femmes à la prêtrise.

Montanay, sorcier. Voy. Galigaï.

Montézuma. Voy. Présages.

Monture des esprits. Dans les idées de l’Irlande et de plusieurs autres peuplades du Nord, les esprits, fées ou lutins, qui ont à voyager enfourchent un jonc, un brin d’herbe, un tronc de

choux, et toute autre chose ; sur cette monture ils parcourent des distances incroyables en un quart d’heure.

Mopsus, devin de l’antiquité, qui se montra plus habile que Calchas et le fit mourir de jalousie.

Morail, démon qui a la puissance de rendre invisible, selon les Clavicules de Salomon.

Morax ou Forai, capitaine, comte et président de plusieurs bandes infernales ; il se fait voir sous la forme d’un taureau. Lorsqu’il prend la figure humaine, il instruit l’homme dans l’astronomie et dans tous les arts libéraux. Il est le prince des esprits familiers qui sont doux et sages.

Il a sous ses ordres trente-six légions.

Mordad, l’ange de la mort chez les mages.

Moreau, chiromancien du dix-neuxième siècle, qui, dit-on, prédit à Napoléon sa chute et ses malheurs. Bien d’autres furent aussi sorciers que lui. Il exerçait à Paris, où il est mort en 1825.

Morel (Louise), sorcière, tante de Marie Martin. Voy. Martin.

Morgane, sœur du roi Arthus, élève de Merlin, qui lui enseigna la magie ; elle est fameuse dans les romans de chevalerie par ses enchantements et par les tours qu’elle joua à Genièvre, sa belle-sœur. C’est dans la Bretagne une grande fée, l’une des prophétesses de l’île de Sein, et la plus puissante des neuf sœurs druidesses. Les Bretons l’appellent la Chanteuse des mers, et il y a dans ce pays des pêcheurs qui prétendent descendre d’elle.

Pour plusieurs, Morgane est un mirage ; Morgiane, chez les Orientaux, est une péri qu’ils appellent aussi Mergiann.

Morin (Jean-Baptiste), médecin de mademoiselle de Guise, né au Mans en 1615, et mort en 1705. Il pronostiquait comme Luc Gauric. On dit qu’il annonça le sort de Gustave-Adolphe et du jeune Cinq-Mars, et qu’il fixa, à quelques légères différences près, le jour et l’heure où moururent le cardinal de Richelieu et le connétable de Lesdiguières. On lui attribue à tort la réponse adroite de cet astrologue qui, interrogé par Louis XI s’il connaissait lui-même l’époque de sa propre mort, répondit : — Oui, prince, trois jours avant la vôtre.

Sous le règne de Louis XIII, on était très-infatué de l’astrologie judiciaire. Morin ayant prédit que tel jour le roi était menacé de quelque malheur, on respecta assez sa prédiction pour recommander au roi de ne pas sortir. Il garda effectivement l’appartement toute la matinée ; mais s’ennuyant l’après-midi, il voulut prendre l’air et tomba. — Qu’on ne parle pas de cela à Morin, dit le prince ; cet accident le rendrait trop glorieux.

Morin (Simon), visionnaire fanatique du dixseptième siècle, né vers 1623, qui voulut rétablir la secte des illuminés, et qui annonçait que Notre-Seigneur Jésus-Christ s’était incarné en lui. Il fit quelques prosélytes ; mais à la suite de plusieurs détentions à la Bastille, il fut condamné à être brûlé, après avoir fait amende honorable comme accusé de conspiration contre le roi ; il monta sur le bûcher le 14 mars 1663. C’était un agitateur fanatique qui eût bien voulu une petite révolution.

Mort. « La mort, si poétique, parce qu’elle touche aux choses immortelles, si mystérieuse à cause de son silence, devait avoir mille manières de s’énoncer pour le peuple. Tantôt un trépas se faisait prévoir par le tintement d’une cloche qui sonnait d’elle-même, tantôt l’homme qui devait mourir entendait frapper trois coups sur le plancher de sa chambre. Une religieuse de Saint-Benoît, près de quitter la terre, trouvait une couronne d’épines blanches sur le seuil de sa cellule. Une mère perdait-elle son fils dans un pays lointain, elle en était instruite à l’instant par ses songes. Ceux qui nient les pressentiments ne connaîtront jamais les routes secrètes par où deux cœurs qui s’aiment communiquent d’un bout du monde à l’autre. Souvent le mort chéri, sortant du tombeau, se présentait à son ami, lui recommandait de dire des prières pour le racheter des flammes et le conduire à la félicité des élus[343]. »

De tous les spectres de ce monde, la mort est le plus effrayant. Dans une année d’indigence, un paysan se trouve au milieu de quatre petits enfants qui portent leurs mains à leur bouche, qui demandent du pain, et à qui il n’a rien à donner… La démence s’empare de lui ; il saisit un couteau ; il égorge les trois aînés ; le plus jeune, qu’il allait frapper aussi, se jette à ses pieds et lui crie : — Ne me tuez pas, je n’ai plus faim.

Dans les armées des Perses, quand un simple soldat était malade à l’extrémité, on le portait en quelque forêt prochaine, avec un morceau de pain, un peu d’eau et un bâton pour se défendre contre les bêtes sauvages, tant qu’il en aurait la force. Ces malheureux étaient ordinairement dévorés. S’il en échappait quelqu’un qui revînt chez lui, tout le monde le fuyait comme si c’eût été un démon ou un fantôme ; on ne lui permettait de communiquer avec personne qu’il n’eût été purifié. On était persuadé qu’il devait avoir eu de grandes liaisons avec les démons, puisque les bêtes ne l’avaient pas mangé, et qu’il avait recouvré ses forces sans aucun secours.

Les anciens attachaient tant d’importance aux cérémonies funèbres, qu’ils inventèrent les dieux mânes pour veiller aux sépultures. On trouve dans la plupart de leurs écrits des traits frappants qui nous prouvent combien était sacré parmi eux ce dernier devoir que l’homme puisse rendre à l’homme. Pausanias conte que, certains peuples de l’Arcadie ayant tué inhumainement quelques jeunes garçons qui ne leur faisaient aucun mal, sans leur donner d’autre sépulture que les pierres avec lesquelles ils les avaient assommés, et leurs femmes, quelque temps après, se trouvant atteintes d’une maladie qui les faisait toutes avorter, on consulta les oracles, qui commandèrent d’enterrer au plus vite les enfants si cruellement privés de funérailles.

Les Égyptiens rendaient de grands honneurs aux morts. Un de leurs rois, se voyant privé d’héritiers par la mort de sa fille unique, n’épargna rien pour lui rendre les derniers devoirs et tâcha d’immortaliser son nom par la plus riche sépulture qu’il put imaginer. Au lieu d’un mausolée, il lui fit bâtir un palais ; et on ensevelit le corps de la jeune princesse dans un bois incorruptible, qui représentait une génisse Couverte de lames d’or et revêtue de pourpre. Cette figure était à genoux, portant entre ses cornes un soleil d’or massif, au milieu d’une salle magnifique et entourée de cassolettes où brûlaient continuellement des parfums odoriférants.

Les Égyptiens embaumaient les corps et les conservaient précieusement ; les Grecs et les Romains les brûlaient. Cette coutume de brûler les morts est fort ancienne. Les Égyptiens, avant de rendre à leurs rois les honneurs funèbres, les jugeaient devant le peuple et les privaient de sépulture s’ils s’étaient conduits en tyrans.

Quand le roi des Tartares mourait, on mettait son corps embaumé dans un chariot, et on le promenait dans toutes ses provinces. Il était permis à chaque gouverneur de lui faire quelque outrage, pour se venger du tort qu’il en avait reçu. Par exemple, ceux qui n’avaient pu obtenir audience maltraitaient les oreilles, qui leur avaient été fermées ; ceux qui avaient été indignés de ses débauches s’en prenaient aux cheveux, qui étaient sa principale beauté, et lui faisaient mille huées, après l’avoir rasé, pour le rendre laid et ridicule. Ceux qui se plaignaient de sa trop grande délicatesse lui déchiraient le nez, croyant qu’il n’était devenu efféminé que parce qu’il avait trop aimé les parfums. Ceux qui décriaient son gouvernement lui brisaient le front, d’où étaient sorties toutes ses ordonnances tyranniques ; ceux qui en avaient reçu quelque violence lui mettaient les bras en pièces. Après qu’on l’avait ramené au lieu où il était mort, on le brûlait avec une de ses femmes, un échanson, un cuisinier, un écuyer, un palefrenier, quelques chevaux et cinquante esclaves[344].

Quand un Romain mourait, on lui fermait les yeux pour qu’il ne vît point l’affliction de ceux qui l’entouraient. Lorsqu’il était sur le bûcher, on les lui rouvrait pour qu’il pût voir la beauté des cieux qu’on lui souhaitait pour demeure. On faisait faire ordinairement la figure du mort, ou en cire, ou en marbre, ou en pierre ; et cette figure accompagnait le cortège funèbre, entourée de pleureuses à gages. Chez plusieurs peuples de l’Asie et de l’Afrique, aux funérailles d’un homme riche et de quelque distinction, on égorge et on enterre avec lui cinq ou six de ses esclaves. Chez les Romains, dit Saint-Foix, on égorgeait aussi des vivants pour honorer les morts ; on faisait combattre des gladiateurs devant le bûcher, et on donnait à ces massacres le nom de jeux funéraires. En Égypte et au Mexique, dit le même auteur, on faisait toujours marcher un chien à la tête du convoi funèbre. En Europe, sur les anciens tombeaux des princes et des chevaliers, on voit communément des chiens à leurs pieds.

LesParthes, les Mèdes et les Ibériens exposaient les corps, ainsi que chez les Perses, pour qu’ils fussent au plus tôt dévorés par les bêtes sauvages, ne trouvant rien de plus indigne de l’homme que la putréfaction. Les Bactriens nourrissaient, pour ce sujet, de grands chiens dont ils avaient un soin extrême. Ils se faisaient autant de gloire de les nourrir grassement que les autres peuples de se bâtir de superbes tombeaux. Un Bactrien faisait beaucoup d’estime du chien qui avait mangé son père. Les Barcéens faisaient consister le plus grand honneur de la sépulture à être dévorés par les vautours ; de sorte que toutes les personnes de mérite et ceux qui mouraient en combattant pour la patrie étaient aussitôt exposés dans les lieux où les vautours pouvaient en faire curée. Quant à la populace, on l’enfermait dans des tombeaux, ne la jugeant pas digne d’avoir pour sépulture le ventre des oiseaux sacrés.

Plusieurs peuples de l’Asie eussent cru se rendre coupables d’une grande impiété en laissant pourrir les corps ; c’est pourquoi, aussitôt que quelqu’un était mort parmi eux, ils le mettaient en pièces et le mangeaient en grande dévotion avec les parents et les amis. C’était, lui rendre honorablement les derniers devoirs. Pythagore enseigna la métempsycose des âmes ; ceux-ci pratiquaient la métempsycose des corps, en faisant passer le corps des morts dans celui des vivants. D’autres peuples, tels que les anciens Hiberniens, les Bretons et quelques nations asiatiques, faisaient encore plus pour les vieillards : ils les égorgeaient dès qu’ils étaient septuagénaires et en faisaient pareillement un festin. C’est ce qui se pratique encore chez quelques peuplades sauvages.

Les Chinois font publier le convoi, pour que le concours du peuple soit plus nombreux. On fait marcher devant le mort des drapeaux et des bannières, puis des joueurs d’instruments, suivis de danseurs revêtus d’habits fort bizarres, qui sautent tout le long du chemin avec des gestes ridicules. Après cette troupe viennent des gens armés de boucliers et de sabres, ou de gros bâtons noueux. Derrière eux, d’autres portent des armes à feu dont ils font incessamment des décharges. Enfin, les prêtres, criant de toutes leurs forces, marchent avec les parents, qui mêlent à ces cris des lamentations épouvantables ; le cortège est fermé par le peuple. Cette musique enragée et ce mélange burlesque de joueurs, de danseurs, de soldats, de chanteuses et de pleureurs donnent beaucoup de gravité à la cérémonie. On ensevelit le mort dans un cercueil précieux, et on enterre avec lui, entre plusieurs objets, de petites figures horribles, pour faire sentinelle près de lui et effrayer les démons ; après quoi on célèbre le festin funèbre, où l’on invite de temps en temps le défunt à manger et à boire avec les convives. Les Chinois croient que les morts reviennent en leur maison une fois tous les ans, la dernière nuit de l’année. Pendant toute cette nuit, ils laissent leur porte ouverte, afin que les âmes de leurs parents trépassés puissent entrer ; ils leur préparent des lits et mettent dans la chambre un bassin plein d’eau pour qu’ils puissent se laver les pieds. Ils attendent jusqu’à minuit. Alors, supposant les morts arrivés, ils leur font compliment, allument des cierges, brûlent des odeurs et les prient, en leur faisant de profondes révérences, de ne pas oublier leurs enfants et de leur obtenir des dieux la force, la santé, les biens et une longue vie.

Les Siamois brûlent les corps et mettent autour du bûcher beaucoup de papiers où sont peints des jardins, des maisons, des animaux, des fruits, en un mot, tout ce qui peut être utile et agréable dans l’autre vie. Ils croient que ces papiers brûlés deviennent réellement de qu’ils représentent. Ils croient aussi que tout être, dans la nature, quel qu’il soit, un habit, une flèche, une hache, un chaudron, etc., a une âme, et que cet âme suit dans l’autre monde le maître à qui la chose appartenait dans ce monde-ci. On aurait dit sérieusement pour eux ces vers burlesques :

      J’aperçus l’ombre d’un cocher Qui,
      tenant l’ombre d’une brosse,
      En frottait l’ombre d’un carrosse[345].

Le gibet, qui nous inspire tant d’horreur, a passé chez quelques peuples pour une telle marque d’honneur que souvent on ne l’accordait qu’aux grands seigneurs et aux souverains. Les Tibaréniens, les Suédois, les Goths suspendaient les corps à des arbres et les laissaient se défigurer ainsi peu à peu, et servir de jouet aux vents. D’autres emportaient dans leurs maisons ces corps desséchés et les pendaient au plancher comme des pièces de cabinet[346]. Les Groënlandais, habitant le pays du monde le plus froid, ne prennent pas d’autres soins des morts que de les exposer nus à l’air, où ils se gèlent et se durcissent aussitôt comme des pierres ; puis, de peur qu’en les laissant au milieu des champs ils ne soient dévorés par les ours, les parents les enferment dans de grands paniers qu’ils suspendent aux arbres. Les Troglodytes exposaient les corps morts sur une éminence, le derrière tourné vers les assistants ; de sorte qu’excitant, par cette posture, le rire de toute l’assemblée, on se moquait du mort au lieu de le pleurer ; chacun lui jetait des pierres, et quand il en était couvert, on plantait au-dessus une corne de chèvre et on se retirait. Les habitants des îles Baléares dépeçaient le corps en petits morceaux et croyaient honorer infiniment le défunt en l’ensevelissant dans une cruche. Dans certains pays de l’Inde, la femme se brûle sur le bûcher de son mari.

Lorsqu’elle a dit adieu à sa famille, on lui apporte des lettres pour le défunt, des pièces de toile, des bonnets, des souliers, etc. Quand les présents cessent de venir, elle demande jusqu’à trois fois à l’assemblée si l’on n’a plus rien à lui apporter et à lui recommander, ensuite elle fait un paquet de tout et l’on met le feu au bûcher. Dans le royaume de Tonquin, il est d’usage, parmi les personnes riches, de remplir la bouche du mort de pièces d’or et d’argent, pour ses besoins dans l’autre monde. On revêt l’homme de sept de ses meilleurs habits et la femme de neuf robes. Les Galates mettaient dans la main du mort un certificat de bonne conduite.

Chez les Turcs, on loue des pleureuses qui accompagnent le convoi, et on porte des rafraîchissement auprès du tombeau pour régaler les passants, qu’on invite à pleurer et à pousser des cris lamentables. Les Gaulois enterraient avec le corps mort ses armes, ses habits, ses animaux, et même ceux de ses esclaves qu’il avait paru le plus chérir. Quand on découvrit le tombeau de Childéric, père de Clovis, à Tournay, on y trouva des pièces d’or et d’argent, des boucles, des agrafes, des filaments d’habits, la poignée d’une épée, le tout d’or ; la figure en or d’une tête de bœuf, qui était, dit-on, l’idole qu’il adorait ; les os, le mors, un fer et quelques restes du harnais d’un cheval, un globe de cristal dont il se servait pour deviner, une pique, une hache d’armes, un squelette d’homme en entier, une autre tête moins grosse, qui paraissait avoir été celle d’un jeune homme, et apparemment de l’écuyer qu’on avait tué, selon la coutume, pour accompagner et aller servir là-bas son maître. On voit qu’on avait eu soin d’enterrer avec lui ses habits, ses armes, de l’argent, un cheval, un domestique, des tablettes pour écrire, en un mot tout ce qu’on croyait devoir lui être nécessaire dans l’autre monde. Quelquefois même on enterrait avec les grands personnages leur médecin. La belle Austregilde obtint en mourant, du roi Gontran, son mari, qu’il ferait tuer et enterrer avec elle les deux médecins qui l’avaient soignée pendant sa maladie. « Ce sont, je crois, les seuls, dit Saint-Foix, qu’on ait inhumés dans le tombeau des rois ; mais je ne doute pas que plusieurs autres n’aient mérité le même honneur. »

On observait anciennement en France une coutume singulière aux enterrements des nobles : on faisait coucher dans le lit de parade qui se portait aux enterrements un homme armé de pied en cap pour représenter le défunt. On trouva dans les comptes de la maison de Polignac : Donné cinq sous à Blaise, pour avoir fait le chevalier mort, à la sépulture de Jean, fils de Randonnet Armand, vicomte de Polignac.

Quelques peuples de l’Amérique enterraient leurs morts assis et entourés de pain, d’eau, de fruits et d’armes. À Panuco, dans le Mexique, on regardait les médecins comme de petites divinités, à cause qu’ils procuraient la santé, qui est le plus précieux de tous les biens. Quand ils mouraient, on ne les enterrait pas comme les autres ; on les brûlait avec des réjouissances publiques ; les hommes et les femmes dansaient pêle-mêle autour du bûcher. Dès que les os étaient réduits en cendres, chacun tâchait d’en emporter dans sa maison et les buvait ensuite avec du vin, comme un préservatif contre toutes sortes de maux. Quand on brûlait le corps de quelque empereur du Mexique, on égorgeait d’abord sur son bûcher l’esclave qui avait eu soin, pendant sa vie, d’allumer ses lampes, afin qu’il lui allât rendre les mêmes devoirs dans l’autre monde. Ensuite on sacrifiait deux cents esclaves, tant hommes que femmes, et parmi eux quelques nains et quelques bouffons pour son divertissement. Le lendemain, on enfermait les cendres dans une petite grotte voûtée, toute peinte en dedans, et on mettait au-dessus la figure du prince, à qui l’on faisait encore de temps en temps de pareils sacrifices, car le quatrième jour après qu’il avait été brûlé, on lui envoyait quinze esclaves en l’honneur des quatre saisons, afin qu’il les eût toujours belles ; on en sacrifiait cinq le vingtième jour, afin qu’il eût, toute l’éternité, une vigueur pareille à celle de vingt ans ; le soixantième, on en immolait trois autres, afin qu’il ne sentît aucune des principales incommodités de la vieillesse, qui sont la langueur, le froid et l’humidité. Enfin, au bout de l’année, on lui en sacrifiait encore neuf, qui est le nombre le plus propre à exprimer l’éternité, pour lui souhaiter une éternité de plaisir.

Quand les Indiens supposent qu’un de leurs chefs est près de rendre le dernier soupir, les savants de la nation se rassemblent. Le grand prêtre et le médecin apportent et consultent chacun la figure de la divinité, c’est-à-dire de l’esprit bienfaisant de l’air et de celui du feu. Ces figures sont en bois, artistement taillées, et représentent un cheval, un cerf, un castor, un cygne, un poisson, etc. Tout autour sont suspendues des dents de castor, des griffes d’ours et d’aigle. Leurs maîtres se placent avec elles dans un coin écarté de la cabane pour les consulter ; il existe ordinairement entre eux une rivalité de réputation, d’autorité, de crédit ; s’ils ne tombent pas d’accord sur la nature de la maladie, ils frappent violemment ces idoles les unes contre les autres, jusqu’à ce qu’une dent ou une griffe en tombe. Cette perte prouve la défaite de l’idole qui l’a éprouvée et assure par conséquent une obéissance formelle à l’ordonnance de son compétiteur.

Aux funérailles du roi de Méchoacan, le corps était porté par le prince que le défunt avait choisi pour son successeur ; la noblesse et le peuple le suivaient avec de grandes lamentations. Le convoi ne se mettait en marche qu’à minuit, à la lueur des torches. Quand il était arrivé au temple, on faisait quatre fois le tour du bûcher ; après quoi on y déposait le corps et on amenait les officiers destinés à le servir dans l’autre monde ; entre autres, sept jeunes filles, l’une pour serrer ses bijoux, l’autre pour lui présenter sa coupe, la troisième pour lui laver les mains, la quatrième pour lui donner la serviette, la cinquième pour lui faire sa cuisine, la sixième pour mettre son couvert, la septième pour laver son linge. On mettait le feu au bûcher, et toutes ces malheureuses victimes, couronnées de fleurs, étaient assommées à grands coups de massue et jetées dans les flammes.

Chez les sauvages de la Louisiane, après les cérémonies des obsèques, quelque homme notable de la nation, mais qui doit n’être pas de la famille du mort, fait son éloge funèbre. Quand il a fini, les assistants vont tout nus, les uns après les autres, se présenter devant l’orateur, qui leur applique à chacun, d’un bras vigoureux, trois coups d’une lanière large de deux doigts, en disant : « Souvenez-vous que pour être un bon guerrier comme l’était le défunt, il faut savoir souffrir. »

Les protestants luthériens n’ont point de cimetière et enterrent indistinctement les morts dans un champ, dans un bois, dans un jardin. « Parmi nous, dit Simon de Paul, l’un de leurs prédicants, il est fort indifférent d’être enterré dans les cimetières ou dans les lieux où l’on écorche les ânes. — Hélas, disait un vieillard du Palatinat, faudra-t-il donc qu’après avoir vécu avec honneur, j’aille demeurer après ma mort parmi les raves, pour en être éternellement le gardien ? »

Les Circassiens lavent les corps des morts, à moins que le défunt ne soit mort loyalement dans une bataille pour la défense du pays, auquel cas on l’enterre dans son harnais, sans le laver, supposant qu’il sera reçu d’emblée en paradis[347].

Les Japonais témoignent la plus grande tristesse pendant la maladie d’un des leurs, et la plus grande joie à sa mort. Ils s’imaginent que les maladies sont des démons invisibles, et souvent ils présentent requête contre elles dans les temples. Ces mêmes Japonais poussent quelquefois si loin la vengeance, qu’ils ne se contentent pas de faire périr leur ennemi ; mais ils se donnent encore la mort pour aller l’accuser devant leur dieu et le prier d’embrasser leur querelle ; on conte même que des veuves, non contentes d’avoir bien tourmenté leurs maris pendant leur vie, se poignardent pour avoir le plaisir de les faire enrager après leur mort.

Quand un Caraïbe est mort, ses compagnons viennent visiter le corps et lui font mille questions bizarres, accompagnées de reproches sur ce qu’il s’est laissé mourir, comme s’il eût dépendu de lui de vivre plus longtemps : « Tu pouvais faire si bonne chère ! il ne te manquait ni manioc, ni patates, ni ananas ; d’où vient donc que tu es mort ? Tu étais si considéré ! chacun avait de l’estime pour toi, chacun t’honorait, pourquoi donc es-tu mort ?… Tes parents t’accablaient de caresses : ils ne te laissaient manquer de rien ; dis-nous donc pourquoi tu es mort ? Tu étais si nécessaire au pays ! tu t’étais signalé dans tant de combats ! tu nous mettais à couvert des insultes de nus ennemis ; d’où vient donc que tu es mort ? » Ensuite on l’assied dans une fosse ronde ; on l’y laisse pendant dix jours sans l’enterrer ; ses compagnons lui apportent tous les matins à manger et à boire ; mais enfin, voyant qu’il ne veut point revenir à la vie, ni toucher à ces viandes, ils les lui jettent sur la tête, et, comblant la fosse, ils font un grand feu, autour duquel ils dansent avec des hurlements.

Les Turcs en enterrant les morts leur laissent les jambes libres, pour qu’ils puissent se mettre à genoux quand les anges viendront les examiner ; ils croient qu’aussitôt que le mort est dans la fosse, son âme revient dans son corps et que deux anges horribles se présentent à lui et lui demandent : « Quel est ton dieu, ta religion et ton prophète ? » S’il a bien vécu, il répond : « Mon dieu est le vrai Dieu, ma religion est la vraie religion, et mon prophète est Mahomet. » Alors on lui amène une belle figure, qui n’est autre chose que ses bonnes actions, pour le divertir jusqu’au jour du jugement, où il entre en paradis. Mais si le défunt est coupable, il tremble de peur et ne peut répondre juste. Les anges noirs le frappent aussitôt avec une massue de feu et l’enfoncent si rudement dans la terre que tout le sang qu’il a pris de sa nourrice s’écoule par le nez. Là-dessus vient une figure très-vilaine (ses mauvaises actions) qui le tourmente jusqu’au jour du jugement, où il entre en enfer. C’est pour délivrer le mort de ces anges noirs que les parents lui crient sans cesse : « N’ayez pas peur et répondez bravement. » Ils font une autre distinction des bons et des méchants, qui n’est pas moins absurde. Ils disent qu’au jour du jugement Mahomet viendra dans la vallée de Josaphat, pourvoir si Jésus-Christ jugera bien les hommes ; qu’après le jugement il prendra la forme d’un mouton blanc ; que tous les Turcs se cacheront dans sa toison, changés en petite vermine, qu’il se secouera alors, et que tous ceux qui tomberont seront damnés, tandis que tous ceux qui resteront seront sauvés, parce qu’il les mènera en paradis. Des docteurs musulmans exposent encore autrement la chose : Au jugement dernier, Mahomet se trouvera à côté de Dieu, monté sur le Borak et couvert d’un manteau fait des peaux de tous les chameaux qui auront porté à la Mecque le présent que chaque sultan y envoie à son avènement à l’empire. Les âmes des bienheureux musulmans se transformeront en puces, qui s’attacheront aux poils du manteau du prophète, et Mahomet les emportera dans son paradis avec une rapidité prodigieuse ; il ne sera plus question alors que de se bien tenir, car les âmes qui s’échapperont, soit par la rapidité du vol, soit autrement, tomberont dans la mer, où elles nageront éternellement.

Parmi les juifs modernes, aussitôt que Te malade est abandonné des médecins, on fait venir un rabbin, accompagné, pour le moins, de dix personnes. Le juif répare le mal qu’il a pu faire ; puis il change de nom, pour que l’ange de la mort, qui doit le punir, ne le reconnaisse plus ; ensuite il donne sa bénédiction à ses enfants, s’il en a, et reçoit celle de son père, s’il ne l’a pas encore perdu. De ce moment on n’ose plus le laisser seul, de peur que l’ange de la mort, qui est dans sa chambre, ne lui fasse quelque violence. Ce méchant esprit, disent-ils, avec l’épée qu’il a dans sa main, paraît si effroyable que le malade en est tout épouvanté. De cette épée, qu’il tient toujours nue sur lui, découlent trois gouttes d’une liqueur funeste : la première qui tombe lui donne la mort, la seconde le rend pâle et difforme, la dernière le corrompt et le fait devenir puant et infect Aussitôt que le malade expire, les assistants jettent par la fenêtre toute l’eau qui se trouve dans la maison ; ils la croient empoisonnée, parce que l’ange de la mort, après avoir tué le malade, y a trempé son épée pour en ôter le sang. Tous les voisins, dans la même crainte, en font autant. Les juifs racontent que cet ange de la mort était bien plus méchant autrefois ; mais que, par la force du grand nom de Dieu, des rabbins le lièrent un jour et lui crevèrent l’œil gauche ; d’où vient que, ne voyant plus si clair, il ne saurait plus faire tant de mal. Dans leurs cérémonies funèbres, les juifs sont persuadés que, si on omettait une seule des observations et des prières prescrites, l’âme ne saurait être portée par les anges jusqu’au lit de Dieu, pour s’y reposer éternellement ; mais que, tristement obligée d’errer çà et là, elle serait rencontrée par des troupes de démons qui lui feraient souffrir mille peines. Ils disent qu’avant d’entrer en paradis ou en enfer, l’âme revient pour la dernière fois dans le corps et le fait lever sur ses pieds ; qu’alors l’ange de la mort s’approche avec une chaîne, dont la moitié est de fer et l’autre moitié de feu, et lui en donne trois coups : au premier, il disjoint tous les os et les fait tomber confusément à terre ; au second, il les brise et les éparpille, et au dernier, il les réduit en poudre. Les bons anges viennent ensuite et ensevelissent les cendres. Les juifs croient que ceux qui ne sont point enterrés dans la terre promise ne pourront point ressusciter ; mais que toute la grâce que Dieu leur fera, ce sera de leur ouvrir de petites fentes au travers desquelles ils verront le séjour des bienheureux. Cependant le rabbin Juda, pour consoler les vrais israélites, assure que les âmes des justes enterrées loin du pays de Chanaan rouleront par de profondes cavernes, qui leur seront pratiquées sous terre, jusqu’à la montagne des Oliviers, d’où elles entreront en paradis.

En Bretagne, on croit que tous les morts ouvrent la paupière à minuit[348]. Et à Plouerden, près Landernau, si l’œil gauche d’un mort ne se ferme pas, un des plus proches parents est menacé sous peu de cesser d’être[349]. On dit ailleurs que tout le monde voit les démons en mourant, et que la sainte Vierge fut seule exempte de cette vision. Le jour de la Commémoration des trépassés, les Bretons ne balayent pas leurs maisons pour ne pas troubler les morts, qui y reviennent ce jour-là en grandes troupes.

Les Arméniens frottent les morts d’huile, parce qu’ils s’imaginent qu’ils doivent lutter corps à corps avec de mauvais génies. Chez les chrétiens schismatiques de l’archipel Grec, si le corps d’un mort n’est pas bien roide, c’est un signe que le diable y est entré, et on le met en pièces pour empêcher ses fredaines. Les Tonquinois de la secte des lettrés rendent un culte religieux à ceux qui sont morts de faim ; les premiers jours de chaque semaine, ils leurs présentent du riz cuit qu’ils ont été mendier par la ville.

Chez les anciens, celui qui rencontrait un cadavre était obligé de jeter sur lui, par trois fois, de la poussière, sous peine d’immoler à Cérès la victime que l’on nommait porca prœcidanea ; on regardait même comme maudits ceux qui passaient devant un cadavre sans lui rendre ce dernier devoir.

Voici sur les morts des anecdotes d’un autre genre. Méhémet Almédi, roi de Fez, prince ambitieux, rusé, hypocrite, eut une longue guerre à soutenir contre des peuples voisins qui refusaient de se soumettre à lui. Il remporta sur eux quelques victoires ; mais ayant perdu une bataille, où il avait exposé ses troupes avec une fureur aveugle, elles refusèrent de retourner à l’ennemi. Pour les ranimer, il employa un stratagème. Il offrit à un certain nombre de ses officiers, ceux qui lui étaient le plus affectionnés, des récompenses considérables, s’ils voulaient se laisser enfermer quelques heures dans des tombeaux, comme s’ils fussent morts à la bataille. — J’ai fait pratiquer à ces tombeaux, leur dit-il, des ouvertures par lesquelles vous pourrez respirer et vous faire entendre ; car je disposerai les esprits, et, quand l’armée passera, je vous interrogerai ; vous répondrez que vous avez trouvé ce que je vous avais promis, c’est-à-dire une félicité entière et parfaite, récompense de votre dévouement, bonheur réservé à tous ceux qui combattront avec vaillance. Le tout s’exécuta comme l’avait proposé Méhémet Almédi. Il cacha parmi les morts ses plus fidèles serviteurs, les couvrit de terre, leur laissant un petit soupirail pour respirer et se faire entendre. Ensuite il rentra au camp, et faisant assembler les principaux chefs au milieu de la nuit : — Vous êtes, leur dit-il, les soldats de Dieu, les défenseurs de la loi et les protecteurs de la vérité. Disposez-vous à exterminer nos ennemis, qui sont aussi ceux du Très-Haut ; comptez que vous ne retrouverez jamais une occasion aussi certaine de lui plaire. Mais comme il pourrait se trouver parmi vous des cœurs pusillanimes qui ne s’en rapporteraient pas à mes paroles, je veux les convaincre par un grand prodige. Allez au champ de bataille ; interrogez ceux de nos frères qui ont été tués aujourd’hui ; ils vous assureront qu’ils jouissent du plus parfait bonheur, pour avoir perdu la vie dans la guerre sainte. Il conduisit alors ses guerriers sur le champ de bataille, où il cria de toute sa force : — Assemblée des fidèles martyrs, faites-nous savoir ce que vous avez vu des merveilles du Dieu Très-Haut. Les compères enfouis répondirent : — Nous avons reçu du Tout-Puissant des récompenses infinies et qui ne peuvent être comprises par des vivants. Les chefs, surpris du prodige de cette réponse, coururent la publier dans l’armée et réveillèrent le courage dans le cœur de tous les soldats. Pendant que le camp s’agitait, le roi, feignant une extase occasionnée par le miracle qui venait d’avoir lieu, était demeuré près des tombeaux où ses serviteurs ensevelis attendaient leur délivrance. Mais il boucha les soupiraux par lesquels ils respiraient et les envoya recueillir, par ce barbare stratagème, les récompenses qu’il venait d’annoncer à leurs frères.

Disons un mot de la peur que tous les hommes ont pour les morts. Trois mauvais sujets de musiciens, au retour d’une partie de débauche, passaient devant un cimetière ; ils y entrent ; après s’être permis, pour s’encourager, de mauvaises plaisanteries sur les morts qui habitaient là, une idée folle leur vint. Ils portaient avec eux leurs instruments de musique. Ils trouvent original de donner un concert à un tas d’ossements rassemblés en faisceau dans l’une des extrémités de ce champ du repos. Ils n’ont pas plutôt commencé leur affreuse sérénade, qu’un cri part du fond de l’ossuaire ; tous les ossements qui le composent se meuvent, s’agitent, s’entrechoquent avec bruit, semblent se réunir et se ranimer pour punir les audacieux qui bravent ainsi l’empire de la mort. Les concertants sont tellement effrayés que deux d’entre eux tombent morts à l’instant, et l’autre, à demi écrasé, reste longtemps sans connaissance. En reprenant ses sens il demeura si vivement frappé qu’il se fit ermite. — Voici le secret de l’aventure. Un pauvre mendiant, qui n’avait pas d’asile, s’était réfugié derrière le monceau d’ossements, pour y passer la nuit ; cette musique inattendue Lui avait fait une telle frayeur, en le réveillant en sursaut, qu’il s’était enfui et qu’en se sauvant il avait fait crouler la pyramide fatale.

Voy. Nécromancie, Vampires, Revenants, etc.

Mortemart. Un seigneur de cette famille célèbre perdit sa femme qu’il chérissait. Tandis qu’il se livrait à son désespoir, le diable lui apparut et lui offrit de ranimer la défunte s’il voulaitse donner à lui. Le mari, dit-on, y consentit ; la femme revécut. Mais un jour qu’on prononça devant elle le nom de Jésus, elle retomba morte, et ce fut tout de bon.

Most-Mastite. Voy. Mariage.

Motelu, démon que l’on trouve cité dans le procès intenté à Denise de Lacaille.

Motogon, le dieu créateur en Australie. « Les Australiens disent que le Motogon, qu’ils croient un hommè très-fort, très-grand, très-sage, de leur couleur et de leur pays, quand il créa le soleil, la terre, les arbres, le kangarou, etc., usa de cette parole : « Terre, parais dehors ! » ) et il souffla, et la terre fut créée. « Eau, parais dehors ! » il souffla, et l’eau fut créée. Ainsi de tous les autres êtres. C’est une tradition assurément de la formule de la Genèse[350]. » Chez ces peuples, le démon se nomme Cienga.

Mouche. Le diable apparaît quelquefois en forme de mouche ou de papillon. On le vit sortir sous cette forme de la bouche d’un démoniaque de Laon[351]. Les démonomanes appellent Belzébuth seigneur des mouches ; les habitants de Ceylan appellent le diable Achov, qui signifie en leur langue dieu des mouches ou chasse-mouches ; ils lui offrent des sacrifices pour être délivrés de ces insectes, qui causent quelquefois dans leur pays des maladies contagieuses ; ils disent qu’elles meurent aussitôt qu’on a sacrifié à Achor[352]. M. Éméric David, à propos de Jupiter, dit que les ailes de mouches qui, dans quelques monuments, forment (à ce qu’on prétend) la barbe de Jupiter, sont un hommage au feu générateur,

les mouches étant produites par la canicule

Voy. Granson, Myagorus, etc.

Moult (Thomas-Joseph), astrologue napolitain, inférieur à Matthieu Laensberg ; il a laissé des prédictions populaires.

Mouni, esprits que reconnaissent les Indiens, quoique aucun de leurs livres sacrés n’en fasse mention ; ils leur attribuent les qualités que les Européens accordent aux esprits follets. Ces esprits n’ont point de corps, mais ils prennent la forme qui leur plaît, ils rôdent la nuit pour faire mal aux hommes, tâchent de conduire les voyageurs égarés dans des précipices, des puits ou des rivières, se transformant en lumière et cachant le péril où ils les entraînent. C’est pour se les rendre propices que les Indiens élèvent en leur honneur de grossières statues colossales, auxquelles ils vont adresser des prières.

Mouton. Le diable s’est montré plusieurs fois


sous la forme d’un mouton. Le sorcier Aupelit, qui fut condamné à être brûlé vif, avoua qu’il s’était présenté à lui sous la figure d’un mouton plus noir que blanc, et qu’il lui avait dit que toutes les fois qu’il verrait dans les nuages un mouton, ce serait le signal du sabbat[353]. Quand vous rencontrez dans un voyage des moutons qui viennent à vous, c’est un signe que vous serez bien reçu ; s’ils fuient devant vous, ils présagent un triste accueil. Voy. Morts.

Mouzouko, nom que les habitants du Monomotapa donnent au diable, qu’ils représentent comme fort méchant[354]. Il n’est bon nulle part.

Mozart. Tout le monde sait les circonstances singulières de la mort de ce célèbre compositeur. Un inconnu vint lui demander, à haut prix, une messe de Requiem pour un grand personnage qu’il ne voulut pas lui nommer. Le mystère dont s’entourait cet inconnu, sa figure peut-être, l’impossibilité de découvrir qui il était, troublèrent l’esprit de Mozart. Il traîna assez longtemps le travail promis, se figurant que ce serait sa dernière œuvre. Il mourut après l’avoir terminé.

Mozart.

Saliéri, son rival, qu’il ne connaissait pas, avoua, en mourant à son tour, que c’était lui qui avait jouéie personnage de l’inconnu ; et il s’accusa ainsi de la mort de Mozart, dont il était envieux.

Mugeta d’Essen, sorcière lorraine qui fut condamnée au bûcher. Avant d’y monter, elle déclara que l’esprit impur défend à ses adhérents de se laver le matin et qu’il a la propreté en horreur. En conséquence, elle conseilla à son mari, s’il voulait faire reculer les démons, de se laver tous les matins les mains et la figure et de se recommander à Dieu dès son réveil[355].

Muhazimim, nom que les Africains donnent à leurs possédés. Ils font des cercles, impriment des caractères sur le front de ces muhazimim, et le diable qui les possède déloge aussitôt[356].

Mulet. C’est sous cette forme que se montre le lutin Odet.

Muller (Jean), astronome et astrologue, plus connu sous le nom de Regiomontanus, né en 1436, en Franconie, mort à Rome en 1476. Il paraît qu’il prophétisait aussi, puisqu’on dit qu’il annonça la fin du monde en même temps que Sto filer. Ces deux hommes firent tant de bruit que les esprits faibles crurent que le monde finirait infailliblement en 1588. On dit qu’il construisit deux automates merveilleux : 1° un aigle qui volait et qui alla au-devant de l’Empereur, lors de son entrée à Ratisbonne ; 2° une mouche de fer, qui faisait le tour d’une table en bourdonnant à l’oreille de chaque convive, et revenait se poser sur sa main. Ses contemporains voyaient dans ces deux objets, dont on exagère la perfection, des œuvres de magie.

Mullin, démon d’un ordre inférieur, premier valet de chambre de Belzébuth. Il y a aussi dans quelques procès de sorciers un certain maître Jean Mullin, qui est le lieutenant du grand maître des sabbats.

Mummol. En 578, Frédégonde perdit un de ses fils, qui mourut de la dyssenterie. On accusa le général Mummol, qu’elle haïssait, de l’avoir fait périr par des charmes et des maléfices. Il avait eu l’imprudence de dire à quelques personnes qu’il connaissait une herbe d’une efficacité absolue contre la dyssenterie[357]. Il n’en fallut pas davantage pour qu’il fût soupçonné d’être sorcier. La reine fit arrêter plusieurs femmes de Paris, qui confessèrent qu’elles étaient sorcières, qu’elles avaient tué plusieurs personnes, que Mummol devait périr, et que le prince avait été sacrifié pour sauver Mummol. De ces sorcières, qui étaient coupables de meurtres, les unes furent brûlées, d’autres noyées ; quelques-unes expirèrent sur la roue. Après ces exécutions, Frédégonde partit pour Compiègne et accusa Mummol auprès du roi[358]. Ce prince le fit venir ; on lui lia les mains derrière le dos ; on lui demanda quel maléfice il avait employé pour tuer le prince ; il ne voulut rien avouer de ce qu’avaient déposé les sorcières ; mais il convint qu’il avait souvent charmé des onguents et des breuvages, pour gagner la faveur du roi et de la reine. Quand il fut retiré de la torture, il appela un sergent et lui commanda d’aller dire au roi qu’il n’avait éprouvé aucun mal. Chilpéric, entendant ce rapport, s’écria : « Il faut vraiment qu’il soit sorcier pour n’avoir pas souffert de la question !… » En même temps il fit reprendre Mummol ; on l’appliqua de nouveau à la torture ; mais quand on se préparait à lui trancher la tête, la reine lui fit grâce de la vie, se contentant de prendre ses biens. On le plaça sur une charrette attelée pour le conduire à Bordeaux, où il était né ; il ne devait point y mourir, tout son sang se perdit pendant la route, et il expira d’épuisement. On brûla tout ce qui avait appartenu au jeune prince, autant à cause des tristes souvenirs qui s’y attachaient, que pour anéantir tout ce qui portait avec soi l’idée du sortilège[359].

Muncer (Thomas),


Muncer (Thomas).


d’abord disciple de Luther, puis son rival. Il se donna comme inspiré de l’Esprit-Saintpour renverser tous les trônes et rendre tous les hommes égaux. Il pratiquait la prophétie, racontait ses visions ; et il charma si bien les masses qu’il rassembla une armée de quarante mille hommes. Comme il saccageait non-seulement les églises et les objets sacrés, mais les châteaux des princes, ceux-ci s’armèrent contre lui. Il marcha à la bataille en annonçant que l’esprit qui l’inspirait lui assurait pleine victoire et qu’il recevrait dans sa manche tous les boulets qu’on allait lancer contre ses fidèles. Mais il s’en tint si loin qu’il n’en put recevoir aucun. Cependant on lui tua sept mille hommes et on dispersa ses bandes. Lui-même, pris à Mulhouse, monta sur l’échafaud en 1525 et alla rejoindre l’esprit qui le possédait.

Munnings, vieille Anglaise qu’on amena aux juges, comme sorcière^ en 1694. Un témoin jura que, sortant du cabaret vers neuf heures du soir, et regardant chez elle par sa fenêtre, il l’avait vue tirer de son panier deux petits démons, l’un blanc et l’autre noir. La pauvre femme eut beau protester que le démon blanc était un fuseau de laine blanche qu’elle allait filer, et que le démon noir n’en était que l’ombre, elle n’en fut pas moins pendue. C’était la justice laïque. L’Église romaine, qui n’envoyait les vrais sorciers ni à la potence ni au feu, et qui se contentait de les exorciser avec l’eau bénite et la prière, n’a jamais vu ces barbaries qu’avec horreur.

Munster. « Si l’on en croit le témoignage de quelques contemporains, des signes précurseurs avaient annoncé les calamités qui frappèrent Munster (de 1531 à 1535, sous la domination des anabaptistes). Dès 1517, la veille des ides de janvier, on vit trois soleils à la fois, que perçaient d’outre en outre des glaives lumineux. Quelques jours après, trois lunes ; on ne dit pas qu’elles aient été traitées aussi cruellement que les soleils. Mais les étoiles ne furent point épargnées. De petites épées qu’on apercevait çà et là dans les nues semblaient les poignarder :In nubïbus sparsim gladioli, quasi stellas transfigentes. N’oublions point un bras qui ne tenait à rien, étendu vers le nord et armé d’un sabre nu, ni des éclipses de soleil et de lune, ni une comète, ni des feux errants pendant la nuit. Ajoutons à ces prodiges des enfantements monstrueux. En plein jour, un homme céleste traversa les airs ; il avait une couronne d’or sur la tête, un glaive dans une main, une verge dans l’autre. Mais qu’était-ce, en comparaison d’un spectre hideux, vu pareillement en l’air, tenant dans ses mains décharnées des entrailles palpitantes, qu’il comprimait si réellement, que le sang en dégoutta sur le toit de plusieurs maisons ?

« L’auteur que je suis est trop sage pour garantir ces tristes merveilles, et je me borne comme lui à les donner pour ce qu’elles valent. Il en est une cependant qui mérite plus d’attention, parce que l’historien assure qu’il en fut témoin, prœsente me, dit-il. La fille d’un tailleur, nommé Tomberg, âgée de quinze à seize ans, timide et parlant difficilement, fut tout à coup saisie d’un enthousiasme terrible, parla trois heures de suite avec une sorte de fureur, annonçant à la ville les malheurs dont elle était menacée. Sa prédiction finie, elle tomba morte. Ce trait ressemble assez au juif du siège de Jérusalem[360]. » Voy. Jean de Leyde.

Muraille du diable. C’est cette fameuse muraille qui séparait autrefois l’Angleterre de l’Ecosse, et dont il subsiste encore diverses parties que le temps n’a pas trop altérées. La force du ciment et la dureté des pierres ont persuadé aux habitants des lieux voisins qu’elle a été faite de la main du diable ; et les plus superstitieux ont grand soin d’en recueillir jusqu’aux moindres débris, qu’ils mêlent dans les fondements de leurs maisons, pour leur communiquer la même solidité. Elle a été bâtie par l’empereur Adrien. Un jardinier écossais, ouvrant la terre dans son jardin, trouva une pierre d’une grosseur considérable, sur laquelle on lisait, en caractères du pays, qu’elle était là pour la sûreté des murs du château et du jardin, et qu’elle y avait été apportée de la grande muraille dont elle avait fait autrefois partie ; mais qu’il serait aussi dangereux de la remuer qu’il y aurait d’avantage à la laisser à sa place. Le seigneur de la maison, moins crédule que ses ancêtres, voulut la faire transporter dans un autre endroit, pour l’exposer à la vue, comme un ancien monument. On entreprit de la faire sortir de terre à force de machines, et on en vint à bout, comme on l’aurait fait d’une pierre ordinaire. Elle demeura sur le bord du trou, pendant que la curiosité y fit descendre le jardinier, plusieurs domestiques, les deux fils du gentilhomme, qui s’amusèrent quelques moments à creuser encore le fond. La pierre fatale, qu’on avait négligé apparemment de placer dans un juste équilibre, prit ce temps pour retomber au fond du trou, et écrasa tous ceux qui s’y trouvaient. Ce n’était là que le prélude des malheurs que devait causer cette pierre. La jeune épouse de l’aîné des deux frères apprit ce qui venait d’arriver. Elle courut au jardin ; elle y arriva dans le temps que les ouvriers s’empressaient de lever la pierre, avec quelque espérance de trouver un reste de vie aux infortunés qu’elle couvrait. Ils l’avaient levée à demi, et l’on s’aperçut en effet qu’ils respiraient encore, lorsque l’imprudente épouse, perdant tout soin d’elle-même, se jeta si rapidement sur le corps de son mari, que les ouvriers, saisis de son action, lâchèrent malheureusement les machines qui soutenaient la pierre et l’ensevelirent ainsi avec les autres. Cet accident confirma plus que jamais la superstitieuse opinion des Écossais :on ne manqua pas de l’attribuer à quelque pouvoir établi pour la conservation du mur d’Écosse et de toutes les pierres qui en sont détachées.

Murmur, grand-duc et comte de l’empire infernal, démon de la musique. Il paraît sous la forme d’un soldat monté sur un vautour et accompagné d’une multitude de trompettes ; sa tête est ceinte d’une couronne ducale ; il marche précédé du bruit des clairons. Il est de l’ordre des Anges et de celui des Trônes[361].

Murzanti. Une jeune Italienne de Poncini était possédée d’un esprit qui se donnait pour l’âme d’un homme appelé Murzanti, lequel avait été assassiné dans une partie de jeu. L’esprit, interpellé, déclara qu’il quitterait le corps de cette jeune fille lorsqu’on aurait fait dire des prières et des messes pour le repos de son âme. On le fit, et la possédée fut guérie.

Muschat. En Écosse, près d’Edimbourg et des rochers de Salisbury, on remarque une élévation appelée « la butte de Muschat, » ainsi nommée parce que là même un scélérat nommé Muschat coupa la gorge à sa femme. Les témoins indignés le lapidèrent sur le lieu même où il venait de commettre son crime ; et la butte s’est formée, dit-on, de l’immense quantité de pierres amoncelées sur l’assassin et sa victime. Or, on prétend dans la contrée que Muschat et sa femme sont toujours là-dessous, que la femme a recousu son gosier et qu’ils se querellent encore.

Musique céleste. Entre plusieurs découvertes surprenantes que fit Pythagore, on admire surtout cette musique céleste que lui seul entendait. Il trouvait les sept tons de la musique dans la distance qui est entre les planètes :de la terre à la lune, un ton ; de la lune à Mercure, un demiton ; de Mercure à Vénus, un demi-ton ; de Vénus au soleil, un ton et demi ; du soleil à Mars, un ton ; de Mars à Jupiter, un demi-ton ; de Jupiter à Saturne, un demi-ton, et de Saturne au zodiaque, un ton et demi. C’est à cette musique des corps célestes qu’est attachée l’harmonie de toutes les parties qui composent l’univers. Nous autres, dit Léon l’Hébreu, nous ne pouvons entendre cette musique, parce que nous en sommes trop éloignés, ou bien parce que l’habitude continuelle de l’entendre fait que nous ne nous en apercevons point, comme ceux qui habitent près de la mer ne s’aperçoivent plus du bruit des vagues, parce qu’ils y sont accoutumés.

Muspelheim. Les Scandinaves nomment ainsi un monde lumineux, ardent, inhabitable aux étrangers. Surtur le Noir y tient son empire ; dans ses mains brille une épée flamboyante. Il viendra à la fin du monde, vaincra tous les dieux et livrera l’univers aux flammes.

Musucca, nom du diable chez quelques peuples de l’Afrique. Ils en ont une très-grande peur et le regardent comme l’ennemi du genre humain ; mais ils ne lui rendent aucun hommage. C’est le même que Mouzouko.

Mutisme. Souvent les possédés sont privés passagèrement ou longtemps de l’usage de la parole ; dans le cas surtout où réside en eux l’esprit qu’on appelle le démon muet. On exorcisa à Laon, en 1566, une femme par la bouche de laquelle le démon parlait, tandis que la langue de la possédée était retirée dans sa gorge.


Mycale.
Mycale, magicienne qui faisait descendre la lune par la force de ses charmes. Elle fut mère de deux célèbres Lapithes, Brotéas et Orion.

Myagorus, génie imaginaire auquel on attribuait la vertu de chasser les mouches pendant les sacrifices. Les Arcadiens avaient des jours d’assemblée, et commençaient par invoquer ce dieu et le prier de les préserver des mouches. Les Éléens encensaient avec constance les autels de Myagorus, persuadés qu’autrement des essaims de grosses mouches viendraient infester leur pays sur la fin de l’été et semer la peste. Voy. Achor, Belzébuth.


Myoam, génie invoqué par les basilidiens.

Myomancie, divination par les rats ou les souris ; on tirait des présages malheureux ou de leur cri, ou de leur voracité. Elien raconte que le cri aigu d’une souris suffit à Fabius Maximus


pour l’engager à se démettre de la dictature ; et, selon Varron, Cassius Flaminius, sur un pareil présage, quitta la charge de général de cavalerie. Plutarque dit qu’on augura mal de la dernière campagne de Marcellus, parce que des rats avaient rongé quelques dorures du temple de Jupiter. Un Romain vint un jour, fort effrayé, consulter Caton, parce que les rats avaient rongé un de ses souliers. Caton lui répondit que c’eût été un tout autre prodige si le soulier avait rongé un rat.

Myricæus, surnom donné à Apollon, comme présidant à la divination par les tiges de bruyère, à laquelle on donnait l’épithète de prophétique, On lui mettait alors à la main une tige de cette plante

Mystères. Nonnus dit que chez les Romains il fallait passer par quatre-vingts épreuves différentes pour être initié dans les mystères de Mithras ou du Soleil. D’abord on faisait baigner le candidat, puis on l’obligeait à se jeter dans le feu ; ensuite on le reléguait dans un désert, où il était soumis à un jeûne rigoureux de cinquante jours ; après quoi on le fustigeait durant deux jours ; on le mettait vingt autres jours dans la neige. Ce n’était qu’après ces épreuves, sur l’observation rigoureuse desquelles veillait un prêtre, et dans lesquelles le récipiendiaire succombait souvent, qu’on était admis aux mystères. Il y avait d’autres cérémonies très-bizarres aux mystères d’Éleusis, de Trophonius, de la grande déesse, etc.

Mythologie. Contentons-nous de citer ici quelques fragments de Benjamin Binet dans son Traité des dieux et des démons du paganisme :

« Si l’on fixait la théologie païenne à ce que les poètes nous en débitent, et à ce que le vulgaire a cru, il y aurait d’abord de quoi s’étonner en voyant comment l’homme, qui a conservé quelques linéaments de l’image de Dieu et qui en a une idée naturelle, s’est abandonné à des superstitions si absurdes. Les païens, qui n’avaient point d’autre guide que la mèche fumante de leur raison, sont tombés dans une espèce de délire en faisant autant de monstres de dieux qu’il y avait de créatures. Il est juste, avant d’examiner la croyance des philosophes, de vous décrire succinctement combien la croyance du vulgaire était grossière.

» Leurs dieux les plus vénérés, tels que les poètes nous les dépeignent, étaient plus propres à faire rire qu’à exciter la dévotion. Ils en avaient de ronds, de carrés, de triangulaires, d’informes, de boiteux, de borgnes, d’aveugles. Combien d’extravagances ne leur attribuait-on pas ! Les poètes nous parlent d’une manière bouffonne des amours d’un Anubis impudique et de la Lune ; ils nous apprennent que Diane avait été fouettée ; nous y lisons la précaution pieuse d’un Jupiter qui, étant sur le point de mourir, fit son testament ; nous y voyons les dieux en guerre au siège de Troie, l’attentat des Titans contre Jupiter, la terreur qu’ils donnèrent à tous les dieux, terreur qui leur fit quitter leur domicile et interrompre leurs fonctions pour aller se cacher en Égypte, et s’y métamorphoser en crocodiles et en oignons. Ils nous dépeignent la faim pressante des trois Hercules, les accents lugubres du Soleil déplorant le malheur de son fils foudroyé par Jupiter, les soupirs d’une Cybèle lascive qui se plaint de l’indifférence d’un berger insensible à ses flammes. Hercule vidait du fumier. Apollon était bouvier ; Neptune se loua à Laomédon pour bâtir les murs de Troie, et fut en cela d’autant plus malheureux qu’il n’en fut pas payé. Jupiter, le plus grand des dieux, prenait d’étranges formes pour séduire et ravir les femmes : il se changeait tantôt en pluie d’or, tantôt en cygne, tantôt en taureau.

» Pour ce qui est des fonctions des dieux, Arnobe reproche aux païens qu’ils en avaient dont les uns étaient drapiers, les autres matelots, ménétriers, gardes du bétail ; que l’un était musicien, l’autre servait de sage-femme, l’autre savait l’art de deviner, l’un était médecin, l’autre présidait à l’éloquence, l’un se mêlait des armes, l’autre était forgeron. » Enfin, saint Augustin, parlant des charges que les païens attribuaient à leurs dieux, conclut que « cela sent plutôt la bouffonnerie de théâtre que la majesté de Dieu (De Civit. Dei, lib. III, cap. v ».)

« Mais afin de vous montrer combien la théologie des païens était grossière, il faut vous en donner un petit abrégé plus exact. Évhémérus de Messine, qui a recueilli l’histoire de Jupiter et des autres dieux avec leurs titres, leurs épitaphes et leurs inscriptions, trouvées dans les temples les plus anciens, et particulièrement dans celui de Jupiter Triphilin, qui possédait une colonne où Jupiter avait lui-même gravé ses actions ; cet Évhémérus dit en substance que Saturne prit Ops pour femme ; que Titan, qui était l’aîné de ses enfants, voulut régner : mais que Vesta, leur mère, et Céres et Ops, leurs sœurs, conseillèrent à Saturne de ne point céder l’empire. Ce que voyant, Titan, qui se sentait le plus faible, s’accorda avec Saturne, à condition que, s’il engendrait des enfants mâles, il ne les élèverait point, afin que l’empire revînt à ses enfants : ainsi ils tuèrent le premier fils qui naquit à Saturne ; qu’ensuite naquirent Jupiter et Junon, dont ils ne montrèrent que Junon, et donnèrent Jupiter à Vesta pour le nourrir en cachette ; qu’après vint Neptune, que l’on cacha aussi, et enfin Pluton et Glauca ; que l’on montra Glauca, qui mourut bientôt après, et que Pluton fut nourri, comme Jupiter, en cachette. Or, cela étant parvenu aux oreilles de Titan, il assembla ses enfants, et mit Saturne et Ops au cachot. Mais Jupiter, étant devenu grand, combattit contre les Titans, les vainquit, et mit son père et sa mère hors de prison. Cependant, ayant découvert que son père, qu’il avait rétabli, était jaloux de lui et attentait à sa vie, il s’empara de l’État et le relégua en Italie. (Lactant., lib. I, cap. xiv.)

» Les païens distinguaient leurs dieux en divers ordres ; les uns étaient majores ou communes, comme Virgile les appelle (Æneid., lib. xii), parce qu’ils étaient reconnus et servis pour tels par toutes les nations sujettes à l’empire romain. On les nommait aussi œviterni. Ces grands dieux composaient une espèce de cour souveraine et étaient au nombre de douze, compris en ces deux vers d’Ennius : "

      Juno, Vesta, Minerva, Ceres, Diana, Venus, Mars,
      Mercurius, Jupiter, Neptunus, Vulcanus, Apollo.

» Les autres dieux passaient pour des divinités moyennes, célestes, terrestres, aquatiques et infernales, auxquelles on confiait le gouvernement de certaines parties de l’univers. Il y en avait d’autres que l’on ne reconnaissait que pour des dieux nouveaux qui avaient été ou engendrés des hommes et des dieux, ou déifiés par l’apothéose, à cause des bienfaits que l’on en avait reçus. Ces dieux s’appelaient indigetes, semidei. Tels étaient Hercule, Castor, Pollux, Esculape, et tous ceux que leurs mérites avaient élevés au ciel. Sur quoi Cicéron dit agréablement que le ciel est peuplé du genre humain. Il y en avait encore d’autres que l’on ne considérait que comme des dieux ou barbares et étrangers, ou incertains et inconnus, que l’on invoquait d’une manière douteuse, si tu es dieu, si tu es déesse, ou en général, sans les nommer, comme fait le bouffon comique de Plaute : Fassent, dit-il, tous les dieux grands ou petits, et les dieux des pots (Plaut., Cist., act. ii), etc. Ce sont ces divinités qu’Ovide appelle la populace des dieux, les Faunes, les Satyres, les Lares, les Nymphes.

» De tous ces dieux, il y en avait de bons et de mauvais, auxquels on sacrifiait afin qu’ils ne fissent point de mal (Aul. Gell., lib. v). Ces divinités hautes, moyennes et basses, n’étaient pas toutes également vénérées : on rendait à celles du premier ordre un culte suprême et universel, à celles du second un service subalterne. Que l’on adore, dit Cicéron, les dieux et ceux qui ont toujours été estimés célestes, et ceux que leurs mérites ont élevés au ciel (De leg., lib. ii). Mais pour les dieux inférieurs, étrangers, incertains et particuliers, on ne leur déférait qu’un honneur arbitraire, ou proportionné à leur faible pouvoir, qui ne s’étendait que sur certaines parties du monde, dont on leur avait donné le gouvernement.

» Je ne dirai rien de cette multitude de divinités païennes dont le nom seul est ridicule : tels étaient les dieux Vagitonus, Robigus, Picus, Tiberinus, Pilumnus, Consus ; telles étaient les déesses Cloacina, Educa, Potina, Volupia, Febris, Fessonia, Flora, etc. Je ne vous en rapporterai point mille histoires absurdes pour vous prouver que ce que l’on contait des dieux ne venait que des fictions des poètes, que le peuple, naturellement superstitieux, avait adoptées comme conformes à ses préjugés. »



N

Nabam, démon que l’on conjure le samedi. Voy. Conjurations.

Nabérus, appelé aussi Nébiros, marquis du sombre empire, maréchal de camp et inspecteur général des armées. Il se montre sous la figure d’un corbeau ; sa voix est rauque ; il donne l’éloquence, l’amabilité et enseigne les arts libéraux. Il fait trouver la main de gloire ; il indique les qualités des métaux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; l’un des chefs des nécromanciens, il prédit l’avenir. Il commande à dix-neuf légions[362].

Nabuchodonosor, roi de Babylone, crut pouvoir exiger des peuples le culte et les hommages qui ne sont dus qu’à Dieu, et il fut pendant sept ans changé en bœuf. Les paradistes croient faire une grande plaisanterie en annonçant qu’on verra chez eux l’ongle de Nabuchodonosor[363] parmi d’autres bagatelles ; mais l’ongle de Nabuchodonosor est dans le cabinet de curiosités du roi de Danemark…

« Entre les Pères de l’Église, les uns, dit Chevreau, ont cru certaine la réprobation de Nebuchadnetzar, les autres n’ont douté nullement de son salut. On a fait encore des questions assez inutiles sur le texte de Daniel, où il est dit que « Nabuchodonosor fut banni sept ans de la compagnie des hommes ; qu’il demeurait avec les bêtes des champs ; qu’il mangeait l’herbe comme les bœufs ; que son poil devint long comme les plumes des aigles, et ses ongles comme ceux des oiseaux. » Saint Cyrille de Jérusalem, Cédrenus et d’autres ont été persuadés qu’il avait été changé en bœuf ; et notre Bodin y aurait souscrit, lui qui a cru à la lycanthropie. Je ne pousserai point cette question, et je me contente de dire ici, après beaucoup d’autres, qu’il perdit l’usage de la raison ; qu’il fut tellement changé par les injures de l’air, par la longueur de son poil et de ses ongles, et par sa manière de vivre avec les bêtes, qu’il s’imagina qu’il en était une. Tertullien dit qu’en cet état il fut frénétique ; saint Thomas, qu’il eut l’imagination blessée ; et les paroles de saint Jérôme sont remarquables : Quando autem dixit sensumsibi redditum, ostendit non formam se amisisse, sed mentem[364]. »

Nachtmaneken, ou petit homme de nuit, nom que les Flamands donnent aux incubes.

Nachtvrouwtje, ou petite femme de nuit, nom que les Flamands donnent aux succubes.

Nagates, astrologues de Ceylan. Des voyageurs crédules vantent beaucoup le savoir de ces

 
Nagate
Nagate
 
devins, qui, disent-ils, font souvent des prédictions que l’événement accomplit. Ils décident du sort des enfants. S’ils déclarent qu’un astre malin a présidé à leur naissance, les pères, en qui la superstition étouffe la nature, leur ôtent une vie qui doit être malheureuse. Cependant, si l’enfant qui voit le jour sous l’aspect d’une planète contraire est un premier-né, le père le garde, en dépit des prédictions ; ce qui prouve que l’astrologie n’est qu’un prétexte dont les pères trop chargés d’enfants se servent pour en débarrasser leur maison. Ces nagates se vantent encore de prédire, par l’inspection des astres, si un mariage sera heureux, si une maladie est mortelle, etc.

Naglefare, vaisseau fatal chez les Celtes. Il est fait des ongles des hommes morts ; il ne doit être achevé qu’à la fin du monde, et son apparition fera trembler les hommes et les dieux. C’est sur ce vaisseau que l’armée des mauvais génies doit arriver d’Orient.

Nagual. C’est le nom que donnent les Mexicains à leur esprit familier. Chaque nouveau-né a le sien. Les peuplades ont le leur collectif. Le nagual de chaque nouveau-né est vivant sous la forme d’un animal, d’un poisson, d’un oiseau, qui est signalé le jour de sa naissance par son horoscope. C’est un tigre, un chat, un perroquet, un insecte. Dans le culte du Mexique, avant la conquête, on offrait souvent du sang aux dieux et aussi aux esprits familiers ; on tirait à l’enfant qui venait de naître une goutte de sang sous l’oreille ou sous la langue pour l’offrir avant tout à Chalchinhlicué, la déesse des eaux et la protectrice des enfants.

L’ara, gros perroquet, recevait un culte provincial dans quelques lieux du Mexique. Il avait ses prêtres, qui lui présentaient goutte par goutte leur propre sang en se tatouant de piqûres, et ce culte subsistait encore dans des cavernes il n’y a pas longtemps[365].

Naguille (Catherine), petite sorcière âgée de onze ans, qui fut accusée d’aller au sabbat en plein midi[366].

Naguille (Marie), jeune sorcière, sœur de la précédente. Arrêtée à seize ans, elle avoua que sa mère l’avait conduite au sabbat. Lorsqu’elles devaient y aller ensemble, le diable venait ouvrir la fenêtre de leur chambre et les attendait à la porte. La mère tirait un peu de graisse d’un pot, s’en oignait la tête, excepté la figure, prenait sa fille sous le bras, et elles s’en allaient en l’air au sabbat. Pour revenir à la maison, le diable leur servait de porteur. Elle avoua encore que le sabbat se tenait à Pagole, près d’un petit bois[367].

Nahama, sœur de Tubalcain. On lit dans le Talmud que c’est une des quatre mères des diables. Elle est devenue elle-même, selon les démonomanes, un démon succube.

Nain-Laurin ou l’Elf-roi. C’est le roi des

 
Nain-Laurin
Nain-Laurin
 
petits elfs, des kobolds et d’autres esprits nains. Il joue un grand rôle dans le poëme de Nibelungs.

Nains. Presque tous les esprits de l’espèce des fées sont nains en Irlande.

Aux noces d’un certain roi de Bavière, on vit un nain si petit qu’on l’enferma dans un pâté, armé d’une lance et d’une épée. Il en sortit au milieu du repas, sauta sur la table, la lance en arrêt, et excita l’admiration de tout le monde[368].

La fable dit que les pygmées n’avaient pas deux pieds de haut et qu’ils étaient toujours en guerre avec les grues. Les Grecs, qui reconnaissaient des géants, pour faire le contraste parfait, imaginèrent ces petits hommes, qu’ils appelèrent pygmées. L’idée leur en vint peut-être de certains peuples d’Éthiopie, appelés Péchinies, qui étaient d’une petite taille. Et comme les grues se retiraient tous les hivers dans leur pays, ils s’assemblaient pour leur faire peur et les empêcher de s’arrêter dans leurs champs : voilà le combat des pygmées contre les grues.

 
Nain
Nain
 

Swift fait trouver à son Gulliver des hommes hauts d’un demi-pied dans l’île de Lilliput. Avant lui, Cyrano de Bergerac, dans son Voyage au soleil, avait vu de petits nains pas plus hauts que le pouce.

Les Celtes pensaient que les nains étaient des espèces de créatures formées du corps du géant Ime, c’est-à-dire de la poudre de la terre. Ils n’étaient d’abord que des vers ; mais, par l’ordre des dieux, ils participèrent à la raison et à la figure humaines, habitant toujours cependant entre la terre et les rochers. « On a découvert sur les bords de la rivière Merrimak, à vingt milles de l’île Saint-Louis, dans les États-Unis, des tombeaux en pierre, construits avec une sorte d’art et rangés en ordre symétrique, mais dont aucun n’avait plus de quatre pieds de long. Les squelettes humains n’excèdent pas trois pieds en longueur. Cependant les dents prouvent que c’étaient des individus d’un âge mûr. Les crânes sont hors de proportion avec le reste du corps. Voilà donc les pygmées retrouvés[369]. » Voy. Pygmée.

Laissons passer une anecdote de nain.

On montre dans le château d’Umbres, à une lieue d’Inspruck, le tombeau d’Haymon, géant né dans le Tyrol au quinzième siècle. Il avait seize pieds de haut et assez de force, dit-on, pour porter un bœuf d’une main. À côté du squelette d’Haymon est celui d’un nain qui fut cause de sa mort. Ce nain ayant délié le cordon du soulier du géant, celui-ci se baissa pour le renouer ; le nain profita de ce moment pour lui donner un soufflet. Cette scène se passa devant l’archiduc Ferdinand et sa cour ; on en rit : ce qui fit tant de peine au géant que peu de jours après il en mourut de chagrin.

C’était un luxe, autrefois, d’avoir à la cour des nains ou des fous.

Nairancie. Espèce de divination usitée parmi les Arabes et fondée sur plusieurs phénomènes du soleil et de la lune.

Nakaronkir, esprit que Mahomet envoie dans leur sommeil aux musulmans coupables, pour les pousser au repentir.

Nambroth, démon que l’on conjure le mardi. Voy. Conjurations.

Nan, mouches assez communes en Laponie. Les Lapons les regardent comme des esprits et les portent avec eux dans des sacs de cuir, bien persuadés que par ce moyen ils seront préservés de toute espèce de maladies.

Napier (Barbara). Voy. Jacques Ier.

Napoléon Ier, empereur des Français. On a prétendu qu’il avait un génie familier, comme Socrate et tous les grands hommes dont les actions ont excité l’admiration de leurs contemporains. On l’a fait visiter par un petit homme rouge, espèce de génie mystérieux. Des esprits hostiles ont vu aussi dans Napoléon un des précurseurs de l’Antéchrist ; ce qui est absurde.

Narac, enfer des Indiens ; on y sera tourmenté par des serpents.

Nastrande ou Nastrund, partie de l’enfer des Scandinaves. Là sera un bâtiment vaste et infâme ; la porte, tournée vers le nord, ne sera construite que de cadavres et de serpents, dont toutes les têtes, tendues à l’intérieur, vomiront des flots de venin. Il s’en formera un fleuve empoisonné, dans les ondes rapides duquel flotteront les parjures, les assassins et les adultères. Dans une autre région, la condition des damnés sera pire encore ; car un loup dévorant y déchirera sans cesse les corps qui y seront envoyés.

Nathan de Gaza, juif visionnaire qui se présenta en précurseur du faux messie Sabathaï-Zévi.

 
Napoléon Ier, empereur des Français. — Page 488
Napoléon Ier, empereur des Français. — Page 488.
 

Natona (Berthe), Génoise qui fut possédée en 1217 de trois démons. Ils l’enlevaient en l’air à huit ou neuf pieds. Elle fut délivrée devant les reliques de saint Ubald, dont ses exorcistes imploraient l’intercession.

Naturel et Surnaturel. Ce qui a fourvoyé beaucoup d’esprits qui se sont crus forts parce qu’ils étaient faibles et qu’ils ne s’en doutaient pas, c’est qu’ils ont confondu ces deux essences : le naturel et le surnaturel. Ainsi Balthasar Becker, dans son Monde enchanté, veut anéantir les démons, parce que sa laideur faisait dire qu’il était l’un d’eux. Il voulait s’escrimer sur la chute de l’homme ; or, il s’insurgea contre ces paroles de Moïse : « Le serpent dit à la femme. » Est-ce que le serpent a les organes qu’il faut pour parler ? se demanda-t-il. Et si on lui objecte que le diable a pris la figure du serpent, il répond qu’un esprit n’a pas non plus les organes qui parlent. Il en tire donc cette conclusion : « Cela ne se peut naturellement ; donc cela n’est pas. » Mais Benjamin Binet lui a répliqué : « Ce que vous répondez, c’est ne rien dire, puisqu’il s’agit là d’un fait surnaturel. »

Les naturalistes, les rationalistes, les réalistes (car nous avons ces sectes autour de nous) raisonnent comme Becker ; et ainsi ils déraisonnent.

Naudé (Gabriel), l’un des savants distingués de son temps, né à Paris en 1600. Il fut d’abord bibliothécaire du cardinal Mazarin, ensuite de la reine Christine, et mourut à Abbeville en 1653. Il a laissé une Instruction à la France sur la vérité de l’histoire des frères de la Rose-Croix, 1623, in-à° et in-8o; rare. Naudé y prouve que les prétendus frères de la Rose-Croix n’étaient que des fourbes qui cherchaient à trouver des dupes, en se vantant d’enseigner Tari de faire de l’or, et d’autres secrets non moins merveilleux. Ce curieux opuscule est ordinairement réuni à une autre brochure intitulée Avertissement au sujet des frères de la Rose-Croix. On a encore de lui : Apologie pour les grands hommes faussement soupçonnés de magie, 1625, in-8o. Cet ouvrage, peut-être un peu trop systématique, a eu plusieurs éditions. Il y prend la défense des sages, anciens et modernes, accusés d’avoir eu des génies familiers, tels que Socrate, Aristote, Plotin, etc., ou d’avoir acquis par la magie des connaissances au-dessus du vulgaire.

Naurause (Pierres de). Voy. Fin du monde.

Navius (Accius). Ce Navius, étant jeune, dit Cicéron, fut réduit par la pauvreté à garder les pourceaux. En ayant perdu un, il fit vœu que, s’il le retrouvait, il offrirait aux dieux la plus belle grappe de raisin qu’il y aurait dans l’année. Lorsqu’il eut retrouvé son pourceau, il se tourna vers le midi, s’arrêta au milieu d’une vigne, partagea l’horizon en quatre parties ; et après avoir eu dans les trois premières des présages contraires, il trouva une grappe de raisin d’une admirable grosseur. Ce fut le récit de cette aventure qui donna à Tarquin la curiosité de mettre à l’épreuve son talent de divination. Il coupa un jour un caillou avec un rasoir, pour prouver qu’il devinait bien.

Naylor (James), imposteur du seizième siècle, né dans le diocèse d’York, en Angleterre. Après avoir servi quelque temps en qualité de maréchal des logis dans le régiment du colonel Lambert, il se retira parmi les trembleurs et s’acquit tant de réputation par ses discours, qu’on le regardait comme un saint homme. Voulant profiter de la bonne opinion qu’on avait de lui et se donner en quelque sorte pour un dieu, il résolut, en 1656, d’entrer dans Bristol en plein jour, monté sur un cheval dont un homme et une femme tenaient les rênes, suivi de quelques autres qui chantaient tous : Saint, saint, saint, le Dieu de sabaoth[370]. Les magistrats l’arrêtèrent et l’envoyèrent au parlement, où, son procès ayant été instruit, il fut condamné, le 25 janvier 1657, comme blasphémateur et séducteur du peuple, à avoir la langue percée avec un fer chaud et le front marqué de la lettre B (blasphémateur), à être ensuite reconduit à Bristol, où il rentrerait à cheval, ayant le visage tourné vers la queue : ce qui fut exécuté à la lettre, quoique ce fou misérable eût désiré paraître sur un âne. Naylor fut ensuite enfermé pour le reste de ses jours ; mais on l’élargit, un peu plus tard, et il ne cessa de prêcher ceux de sa secte jusqu’à sa mort.

Naxac, séjour de peines où les habitants du Pégu font arriver les âmes après plusieurs transmigrations.

Nébiros. Voy. Naberus.

Nécato, sorcière d’Andaye qui allait au sabbat avec d’autres, quoique emprisonnée ; ce qui établit que, comme plusieurs de ces malheureuses, elle n’y allait qu’en esprit. Delancre dépeint cette sorcière comme un monstre de laideur. Elle avait une barbe de satyre, des yeux de chat sauvage, une voix rauque. Son regard effrayait même ses compagnes.

Nécromancie, art d’évoquer les morts ou de deviner les choses futures par l’inspection des cadavres. Voy. Anthropomancie, Érichtho, etc.

Il y avait à Séville, à Tolède et à Salamanque des écoles publiques de nécromancie dans de profondes cavernes, dont la grande Isabelle fit murer les entrées. Pour prévenir les superstitions de l’évocation des mânes et de tout ce qui a pris le nom de nécromancie, Moïse avait fait de sages défenses aux Juifs. Isaïe condamne également ceux qui demandent aux morts ce qui intéresse les vivants et ceux qui dorment sur les tombeaux pour avoir des rêves. C’est même pour obvier aux abus de la nécromancie répandue en Orient que chez le peuple israélite celui qui avait touché un mort était impur. Cette divination était en usage chez les Grecs et surtout chez les Thessaliens ; ils arrosaient de sang chaud un cadavre, et ils prétendaient ensuite en recevoir des réponses certaines sur l’avenir. Ceux qui consultaient le mort devaient auparavant avoir fait les expiations prescrites par le magicien qui présidait à cette cérémonie, et surtout avoir apaisé par quelques sacrifices les mânes du défunt : sans ces préparatifs, le défunt demeurait sourd à toutes les questions. Les Syriens se servaient aussi de cette divination, et voici comment ils s’y prenaient : Ils tuaient de jeunes enfants en leur tordant le cou, leur coupaient la tête, qu’ils salaient et embaumaient, puis gravaient sur une lame ou sur une plaque d’or le nom de l’esprit, malin pour lequel ils avaient fait ce sacrifice ; ils plaçaient la tête sur cette plaque, l’entouraient de cierges, adoraient cette sorte d’idole et en tiraient des réponses[371]. Voy. Magie.

Les rois idolâtres d’Israël et de Juda se livrèrent à la nécromancie. Saül y eut recours lorsqu’il voulut consulter l’ombre de Samuel. L’Église a toujours condamné ces abominations. Lorsque Constantin, devenu chrétien, permit encore aux païens de consulter leurs augures, pourvu que ce fût au grand jour, il ne toléra ni la magie noire ni la nécromancie. Julien se livrait à cette pratique exécrable.

Il restait, au moyen âge, quelques traces de la nécromancie dans l’épreuve du cercueil.

Neffesoliens, secte de mahométans qui prétendent être nés du Saint-Esprit, c’est-à-dire sans opération d’homme : ce qui les fait tellement vénérer qu’on ne s’approche d’eux qu’avec réserve. On prétend qu’un malade guérit pour peu qu’il puisse toucher un de leurs cheveux. Mais Delancre dit que ces saints hommes sont au contraire des enfants du diable, qui tâchent de lui faire des prosélytes[372] ; et c’est le plus probable.

Néga. « Tu as fait un vœu à sainte Néga. » Expression des bandits corses. Cette sainte n’est pas dans le calendrier ; mais, chez ces bandits, se vouer à sainte Néga, c’est nier tout de parti pris[373].

Négation. La première négation a été faite par Satan, qui a donné un insolent démenti à Dieu même. La plus affreuse négation dans ce monde est celle des insensés qui nient Dieu. La mort les éclairera malheureusement trop tard.

Nègres. Il est démontré que les nègres ne sont pas d’une race différente des blancs, comme l’ont voulu dire quelques songe-creux ; qu’ils ne sont pas non plus la postérité de Caïn, laquelle a péri dans le déluge. Les hommes, cuivrés en Asie, sont devenus noirs en Afrique et blancs dans le Septentrion ; et tous descendent d’un seul couple. Les erreurs, plus ou moins innocentes, des philosophes à ce sujet ne sont plus admises que par les ignorants. Les sorciers appelaient quelquefois le diable le grand nègre. Un jurisconsulte dont on n’a conservé ni le nom ni le pays, ayant envie de voir le diable, se fit conduire par un magicien dans un carrefour peu fréquenté, où les démons avaient coutume de se réunir. Il aperçut un grand nègre sur un trône élevé, entouré de plusieurs soldats noirs armés de lances et de bâtons. Le grand nègre, qui était le diable, demanda au magicien qui il lui amenait. — Seigneur, répondit le magicien, c’est un serviteur fidèle. — Si tu veux me servir et m’adorer, dit le diable au jurisconsulte, je te ferai asseoir à ma droite. Mais le prosélyte, trouvant la cour infernale plus triste qu’il ne l’avait espéré, fit le signe de la croix, et les démons s’évanouirent[374].

Les nègres font le diable blanc.

Nékir. Voy. Monkir.

Nembroth, un des esprits que les magiciens consultent. Le mardi lui est consacré et on l’évoque ce jour-là : il faut, pour le renvoyer, lui jeter une pierre ; ce qui est facile.

Nemrod, roi d’Assyrie. Ayant fait bâtir la tour de Babel, et voyant, disent les auteurs arabes, que cette tour, à quelque hauteur qu’il l’eût fait élever, était encore loin d’atteindre au ciel, il imagina de s’y faire transporter dans un panier par quatre énormes vautours. Les oiseaux l’emportèrent en effet lui et son panier, mais si haut et si loin que depuis on n’entendit plus parler de lui.

Nénufar, plante aquatique froide, dont voici un effet : Un couvreur travaillait en été sur une maison, à l’une des fenêtres de laquelle le maître avait un flacon d’eau de fleurs de nénufar à purifier au soleil. Le couvreur, étant échauffé et altéré, prit le flacon et but de cette eau ; il s’en retourna chez lui avec les sens glacés. Au bout de quelques jours, surpris de son refroidissement-il se crut ensorcelé. Il se plaint du maléfice qu’on lui a fait. Le maître de la maison examine son flacon et le trouve vide. Il reconnaît aussitôt d’où vient le maléfice, console le couvreur en lui faisant boire du vin de gingembre confit et toutes choses propres à le réchauffer. Il le rétablit enfin et fit cesser ses plaintes[375].

Néphélim, nom qui signifie également géants ou brigands. Aussi est-ce celui que l’Écriture donne aux enfants nés du commerce des anges avec les filles des hommes. Selon l’auteur du livre d’Énoch, les néphélim étaient fils des géants.

Nequam, prétendu prince des magiciens, à qui les chroniques mayençaises attribuent la fondation de Mayence.

Ner ou Néré. C’est le nom que l’on donne en Perse aux génies mâles de la race des Dives. Ils sont très-méchants. Les plus renommés de ces dives pour leur férocité sont Demrousch-Néré, Séhélan-Néré, Mordach-Néré, Cahamérage-Néré. Ils ont fait la guerre aux premiers monarques de l’Orient (dans les temps fabuleux). Tahmuras les a vaincus et enchaînés dans des cavernes bien closes[376].

Nergal, démon du second ordre, chef de la police du ténébreux empire, premier espion de Belzébuth, sous la surveillance du grand justicier Lucifer. Ainsi le disent les démonomanes. Toutefois Nergal ou Nergel fut une idole des Assyriens ; il paraît que dans cette idole ils adoraient le feu.

Néron, empereur romain, dont le nom odieux est devenu la plus cruelle injure pour les mauvais princes. Il portait avec lui une petite statue ou mandragore qui lui prédisait l’avenir. On rapporte qu’en ordonnant aux magiciens de quitter l’Italie, il comprit sous le nom de magiciens les philosophes, parce que, disait-il, la philosophie favorisait l’art magique. Cependant il est certain, disent les démonomanes, qu’il évoqua lui-même les mânes de sa mère Agrippine[377].

Netla. Voy. Ortie.

Nétos, génies malfaisants aux Moluques. Ils ont pour chef Lanthila.

Neuf. Ce nombre est sacré chez différents peuples. Les Chinois se prosternent neuf fois devant leur empereur. En Afrique, on a vu des princes, supérieurs aux autres en puissance, exiger des rois leurs vassaux de baiser neuf fois la poussière avant de leur parler. Pallas observe que les Mogols regardent aussi ce nombre comme très-auguste, et l’Europe n’est pas exempte de cette idée.

Neuhaus (Femme blanche de). Voy. Femmes blanches.

Neures ou Neuriens, peuples de la Sarmatie européenne qui prétendaient avoir le pouvoir de se métamorphoser en loups une fois tous les ans, et de reprendre ensuite leur première forme.

New-Haven. La barque de la fée de New-Haven apparaît, dit-on, sur les mers avant les naufrages au nouveau monde. Cette tradition prend sa source dans une de ces apparitions merveilleuses et inexplicables qu’on suppose être occasionnées par la réfraction de l’atmosphère, comme le palais de la fée Morgane, qui brille au-dessus des eaux dans la baie de Messine.

Niais est un adjectif qui vient de nier ; et ceux qui nient n’en doivent pas être bien fiers.

Nibrianes. Les nibrianes sont les fées des Napolitains. Il y en a une attachée à chaque maison ; et ceux qui l’occupent offensent la nébriane s’ils se plaignent de leur logis. C’est là sans doute une invention de propriétaires.

Nickar ou Nick. D’après la mythologie Scandinave, source principale de toutes les croyances populaires de l’Allemagne et de l’Angleterre,

 
Nickar ou Nick
Nickar ou Nick
 
Odin prend le nom de Nickar ou Hnickar lorsqu’il agit comme principe destructeur ou mauvais génie. Sous ce nom et sous la forme de kelpic, cheval-diable d’Écosse, il habite les lacs et les rivières de la Scandinavie, où il soulève des tempêtes et des ouragans. Il y a dans l’île de Rugen un lac sombre dont les eaux sont troubles et les rives couvertes de bois épais. C’est là qu’il aime à tourmenter les pécheurs en faisant chavirer leurs bateaux et en les lançant quelquefois jusqu’au sommet des plus hauts sapins. Du Nickar Scandinave sont provenus les hommes d’eau et les femmes d’eau, les nixes des Teutons. Il n’en est pas de plus célèbres que les nymphes de l’Elbe et de la Gaal. Avant l’établissement du Christianisme, les Saxons qui habitaient le voisinage de ces deux fleuves adoraient une divinité du sexe féminin, dont le temple était dans la ville de Magdebourg ou Megdeburch (ville de la jeune fille), et qui inspira toujours depuis une certaine crainte comme la naïade de l’Elbe. Elle apparaissait à Magdebourg, où elle avait coutume d’aller au marché avec un panier sous le
 
 
bras : elle était pleine de grâce, propre, et au premier abord on l’aurait prise pour la fille d’un bon bourgeois ; mais les malins la reconnaissaient à un petit coin de son tablier, toujours humide, en souvenir de son origine aquatique[378].

Chez les Anglais, les matelots appellent le diable le vieux Nick.

Nicksa. Voy. Nixas.

Nicolaï. Voy. Hallucination.

Nid, degré supérieur de magie que les Islandais comparaient à leur seidur ou magie noire. Cette espèce de magie consistait à chanter un charme de malédictions contre un ennemi.

Nider (Jean), savant dominicain mort en 1440. Son Formicarium contient sur les possessions des faits curieux.

Niflheim (Abîme), nom d’un double enfer chez les Scandinaves. Ils le plaçaient dans le neuvième monde ; suivant eux, la formation en avait précédé de quelques hivers celle de la terre. Au milieu de cet enfer, dit l’Edda, il y a une fontaine nommée Hvergelmer. De là coulent les fleuves suivants : l’Angoisse, l’Ennemi de la Joie, le Séjour de la Mort, la Perdition, le Gouffre, la Tempête, le Tourbillon, le Rugissement, le Hurlement, le Vaste ; celui qui s’appelle le Bruyant coule près des grilles du Séjour de la Mort. Cet enfer est une espèce d’hôtellerie, ou, si l’on veut, une prison dans laquelle sont détenus les hommes lâches ou pacifiques qui ne peuvent défendre les dieux inférieurs en cas d’attaque imprévue. Mais les habitants doivent en sortir au dernier jour pour être condamnés ou absous. C’est une idée très-imparfaite du purgatoire.

Nigromancie, art de connaître les choses cachées dans les endroits noirs, ténébreux, comme les mines, les pétrifications souterraines, etc. Ceux qui faisaient des découvertes de ce genre évoquaient les démons et leur commandaient d’apporter les trésors cachés. La nuit était particulièrement destinée à ces évocations, et c’est aussi durant ce temps que les démons exécutaient les commissions dont ils étaient chargés.

Ninon de Lenclos. On conte qu’elle dut de conserver une certaine beauté, trop vantée, jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans, à certain pacte qu’elle fit avec le diable, lequel lui avait apparu, dans un moment de vanité, sous les traits d’un nain vêtu de noir. On ajoute qu’à l’heure de sa mort elle vit aux pieds de son lit le nain qui l’attendait[379].

Nirudy ou Nirondy, roi des démons malfaisants chez les Indiens. On le représente porté sur les épaules d’un géant et tenant un sabre à la main.

Nis et Nisgodreng, lutins danois de l’espèce des Cluricaunes. Voy. ce mot.

Nisses, petites fées en Écosse.

Nitoès, démons ou génies que les habitants des îles Mol uques consultent dans les affaires importantes. On se rassemble, on appelle les démons au son d’un petit tambour, on allume des flambeaux, et l’esprit paraît, ou plutôt un de ses ministres ; on l’invite à boire et à manger, et, sa réponse faite, l’assemblée dévore les restes du festin.

Nixas ou Nicksa, dieu d’une rivière ou de l’Océan, adoré sur les bords de la Baltique, paraît incontestablement avoir tous les attributs de Neptune. Parmi les vents brumeux et les épouvantables tempêtes de ces sombres contrées, ce n’est pas sans raison qu’on l’a choisi comme la puissance la plus contraire à l’homme, et le caractère surnaturel qu’on lui a attribué est parvenu jusqu’à nous sous deux aspects bien différents. La Nixa des Germains est une de ces aimables fées, nommées Naïades par les anciens ; le vieux Nick (le diable en Angleterre) est un véritable descendant du dieu de la mer du Nord, et possède une grande portion de sa puissance. Le matelot anglais, qui semble ne rien craindre, avoue la terreur que lui inspire cet être redoutable, qu’il regarde comme l’auteur des différentes calamités auxquelles sa vie précaire est continuellement en butte.

Noals (Jeanne), sorcière qui fut brûlée par arrêt du parlement de Bordeaux, le 20 mars 1619, pour avoir chevillé le moulin de Las-Coudourleiras, de la paroisse de Végenne. Ayant porté un jour du blé à moudre à ce moulin avec deux autres femmes, le meunier, Jean Destrade, les pria d’attendre que le blé qu’il avait déjà depuis plusieurs jours fût moulu ; mais elles s’en allèrent mécontentes, et aussitôt le moulin se trouva chevillé, de façon que le meunier ni sa femme n’en surent trouver le défaut. Le maître du moulin ayant été appelé, il s’avisa d’y amener ladite sorcière, qui, s’étant mise à genoux sur l’engin avec lequel le meunier avait coutume d’arrêter l’eau, fit en sorte qu’un quart d’heure après le moulin se remit à moudre avec plus de vitesse qu’il n’avait jamais fait[380].

Nodier (Charles), spirituel auteur de Trilby ou le lutin d’Argail (Argyle), et de beaucoup d’écrits charmants où les fées et les follets tiennent poétiquement leur personnage.

Noé. Les Orientaux ont chargé de légendes merveilleuses l’histoire de ce patriarche[381].

Noël (Jacques), prétendu possédé et peut-être obsédé, qui fit quelque bruit en 1667. Il était neveu d’un professeur de philosophie au collège d’Harcourt, à Paris. Il s’imaginait sans cesse voir des spectres. Il était sujet aux convulsions épileptiques, faisait des grimaces, des contorsions, des cris et des mouvements extraordinaires. On le crut démoniaque, on l’examina ; il prétendit qu’on l’avait maléficié, parce qu’il n’avait pas voulu aller au sabbat. Il assura avoir vu le diable plusieurs fois en différentes formes[382]. On finit par découvrir qu’il était fou.

Noh, nom du premier homme selon les Hottentots. Ils prétendent que leurs premiers parents entrèrent dans le pays par une porte ou par une fenêtre ; qu’ils furent envoyés de Dieu même, et qu’ils communiquèrent à leurs enfants l’art de nourrir les bestiaux, avec quantité d’autres connaissances.

Noix. Un grand secret est renfermé dans les noix ; car si on les fait brûler, qu’on les pile et qu’on les mêle avec du vin et de l’huile, elles entretiennent les cheveux et les empêchent de tomber[383].

Nomancie, divination par les noms et par les lettres qui les composent. C’est la même science que l’onomancie. Voy. ce mot.

Nombre deux. Depuis Pythagore, qui avait regardé le nombre deux comme représentant le mauvais principe, ce nombre était aux yeux de l’Italie le plus malheureux de tous ; Platon, imbu de cette doctrine, comparaît le nombre deux à Diane, toujours stérile, et partant peu honorée. C’est d’après le même principe que les Romains avaient dédié à Plu ton le deuxième mois de l’année et le deuxième jour du mois ; parce que tout ce qui était de mauvais augure lui était spécialement consacré.

Diverses croyances s’attachaient à quelques autres nombres. Voy. Neuf, etc.

Nonos, génies malfaisants, que les Indiens des îles Philippines placent dans des sites extraordinaires entourés d’eau ; ils ne passent jamais dans ces lieux, qui remplissent leur imagination d’effroi, sans leur en demander permission. Quand ils sont attaqués de quelque infirmité ou maladie, ils portent à ces génies, en forme d’offrande, du riz, du vin, du coco et le cochon, qu’on donne ensuite à manger aux malades.

Nornes, fées ou parques chez les Celtes. Elles dispensaient les âges des hommes, et se nommaient Urda (le passé), Verandi (le présent) et Skalda (l’avenir).

Norsgubb, le Vieux du Nord ou des Norses. C’est le nom populaire du diable en Suède.

Nostradamus (Michel), médecin et astrologue, né en 1503 à Saint-Remi en Provence, mort à Salon en 1566. Les talents qu’il déploya pour la guérison de plusieurs maladies qui affligeaient la Provence lui attirèrent la jalousie de ses collègues ; il se retira de la société. Vivant seul avec ses livres, son esprit s’exalta au point qu’il crut avoir le don de connaître l’avenir. Il

 
Nostradamus
Nostradamus
 
écrivit ses prédictions dans un style énigmatique ; et pour leur donner plus de poids, il les mit en vers. Il en composa autant de quatrains, dont il publia sept centuries à Lyon en 1555. Ce recueil eut une vogue inconcevable ; on prit parti pour le nouveau devin ; les plus raisonnables le regardèrent comme un visionnaire, les autres imaginèrent qu’il avait commerce avec le diable, d’autres qu’il était véritablement prophète. Le plus grand nombre des gens sensés ne vit en lui qu’un charlatan qui, n’ayant pas fait fortune à son métier de médecin, cherchait à mettre à profit la crédulité du peuple. La meilleure de ses visions est celle qui lui annonça qu’il s’enrichirait à ce métier. Il fut comblé de biens et d’honneurs par Catherine de Médicis, par Charles IX et par le peuple des petits esprits. Le poète Jodelle fit ce jeu de mots sur son nom :
 

Nostra damus cum falsa damus, nam fallere nostrum est ;
Et cum falsa damus, nil nisi nostra damus.

 

Ce n’est point merveille, dit Naudé, si, parmi le nombre de mille quatrains, dont chacun parle toujours de cinq ou six choses différentes, et surtout de celles qui arrivent ordinairement, on rencontre quelquefois un hémistiche qui fera mention d’une ville prise en-France, de la mort d’un grand en Italie, d’une peste en Espagne, d’un monstre, d’un embrasement, d’une victoire ou de quelque chose semblable. Ces prophéties ne ressemblent à rien mieux qu’à ce soulier de Théramène, qui se chaussait indifféremment par toutes sortes de personnes. Et quoique Chavigny, qui a tant rêvé là-dessus, ait prouvé, dans son Janus français, que la plupart des prédictions de Nostradamus étaient accomplies au commencement du dix-septième siècle, on ne laisse pas néanmoins de les remettre encore sur le tapis. Il en est des prophéties comme des almanachs ; les idiots croient à tout ce qu’ils y lisent, parce que sur mille mensonges ils ont rencontré une fois la vérité. Nostradamus est enterré à Salon ; il avait prédit de son vivant que son tombeau changerait de place après sa mort. On l’enterra dans l’église des Cordeliers, qui fut détruite. Alors le tombeau se trouva dans un champ, et le peuple est persuadé plus que jamais qu’un homme qui prédit si juste mérite au moins qu’on le croie[384].

Notarique, une des trois divisions de la cabale chez les Juifs. Elle consiste à prendre ou chaque lettre d’un mot pour en faire une phrase entière, ou les premières lettres d’une sentence pour en former un seul mot.

Noyés. Les marins anglais et américains croient que retirer un noyé et l’amener sur le pont d’un navire qui va appareiller, c’est, si le noyé y meurt, un mauvais présage, qui annonce des malheurs et le danger de périr. Superstition inhumaine. Aussi laissent-ils les noyés à l’eau.

Voici une légende qui a été racontée par le poète Œhlenschlæsger. Ce n’est point une légende, c’est un drame de la vie réelle. Un pauvre matelot a perdu un fils dans un naufrage, et la douleur l’a rendu fou. Chaque jour il monte sur

 
 
sa barque et s’en va en pleine mer ; là, il frappe à grands coups sur un tambour, et il appelle son fils à haute voix : — Viens, lui dit-il, viens ! sors de ta retraite, nage jusqu’ici, je te placerai à côté de moi dans mon bateau ; et si tu es mort, je te donnerai une tombe dans le cimetière, une tombe entre des fleurs et des arbustes ; tu dormiras mieux là que dans les vagues. Mais le malheureux appelle en vain et regarde en vain. Quand la nuit descend, il s’en retourne en disant : — J’irai demain plus loin, mon pauvre fils ne m’a pas entendu[385].

Nuit des trépassés. De tous les jours de

 
 
l’année, il n’en est point que l’imagination superstitieuse des Flamands ait entouré de plus grandes terreurs que le Ier novembre. Les morts sortent à minuit de leurs tombes pour venir, en longs suaires, rappelerles prières dont ils ont besoin aux vivants qui les oublient. La sorcière et le vieux berger choisissent cette soirée pour exercer leurs redoutables maléfices. L’ange Gabriel soulève alors pour douze heures le pied sous lequel il retient le démon captif, et rend à cet infernal ennemi des hommes le pouvoir momentané de les faire souffrir. D’ordinaire, la désolation de la nature vient encore ajouter aux terreurs de ces croyances ; la tempête mugit, la neige tombe avec abondance, les torrents se gonflent et débordent ; enfin la souffrance et la mort menacent de toutes parts le voyageur[386].

Numa-Pompilius, second roi de Rome. Il donna à son peuple des lois assez sages, qu’il disait tenir de la nymphe Égérie. Il marqua les jours heureux et les jours malheureux, etc.[387].

Les démonomanes font de Numa un insigne enchanteur et un profond magicien. Cette nymphe, qui se nommait Égérie, n’était autre chose qu’un démon qu’il s’était rendu familier, comme étant un des plus versés et mieux entendus qui aient jamais existé en l’évocation des diables. Aussi tient-on pour certain, dit Leloyer, que ce fut, par l’assistance et l’industrie de ce démon qu’il fit beaucoup de choses curieuses pour se mettre en crédit parmi le peuple de Rome, qu’il voulait gouverner à sa fantaisie. À ce propos, Denys d’Halicarnasse raconte qu’un jour, ayant invité à souper bon nombre de citoyens, il leur fit servir des viandes simples et communes en vaisselle peu somptueuse ; mais dès qu’il eut dit un mot, sa diablesse le vint trouver, et tout incontinent la salle devint pleine de meubles précieux, et les tables furent couvertes de toutes sortes de viandes exquises et délicieuses. Il était si habile dans ses conjurations, qu’il forçait Jupiter à quitter son séjour et à venir causer avec lui. Numa-Pompilius fut le plus grand sorcier et le plus fort magicien de tous ceux qui ont porté couronne, dit Delancre ; il avait encore plus de pouvoir sur les diables que sur les hommes. Il composa des livres de magie qu’on brûla quatre cents ans après sa mort… Voy. Égérie.

Nursie, au royaume de Naples. Là était la grotte de la Sibylle, remplacée au moyen âge par des sorcières qu’on allait consulter.

Nybbas, démon d’un ordre inférieur, grand

 
Nybbas
Nybbas
 
paradiste de la cour infernale. Il a aussi l’intendance des visions et des songes. On le traite avec assez peu d’égards, le regardant comme bateleur et charlatan.

Nymphes, démons femelles. Leur nom vient de la beauté des formes sous lesquelles ils se montrent. Chez les Grecs, les nymphes, très-honorées, étaient partagées en plusieurs classes : les mélies suivaient les personnes qu’elles voulaient favoriser ou tromper ; elles couraient avec une vitesse inconcevable. Les nymphes genetyllides présidaient à la naissance, assistaient les enfants au berceau, faisaient les fonctions de sages-femmes, et leur donnaient même la nourriture. Ainsi Jupiter fut nourri par la nymphe Mélisse, etc. Ce qui prouve que ce sont bien des démons, c’est que les Grecs disaient qu’une personne était remplie de nymphes pour dire qu’elle était possédée des démons. Du reste, les cabalistes pensent que ces démons habitent les eaux, ainsi que les salamandres habitent le feu, les sylphes l’air, et les gnomes ou pygmées la terre. Voy. Ondins.

 
Nymphes
Nymphes
Nymphes.
 

Nymphe de l’Elbe. Prétorius, auteur estimable du seizième siècle, raconte que la nymphe de l’Elbe s’assied quelquefois sur les bords du fleuve, peignant ses cheveux à la manière des sirènes. Une tradition semblable à celle que Walter Scott a mise en scène dans la Fiancée de Lamermoor avait cours au sujet de la sirène de l’Elbe ; elle est rapportée tout au long par les frères Grimm, dans leur Recueil de légendes germaniques. Quelque belles que paraissent les ondines ou nixes, le principe diabolique fait toujours partie de leur essence : l’esprit du mal n’est couvert que d’un voile plus ou moins transparent, et tôt ou tard la parenté de ces beautés mystérieuses avec Satan devient manifeste. Une

 
 
mort inévitable est le partage de quiconque se laisse séduire par elles. Des auteurs prétendent que les dernières inondations du Valais furent causées par des démons qui, s’ils ne sont pas des nickars ou des nixes, sont du moins de nature amphibie. Il y a près de la vallée de Bagnes une montagne fatale où les démons font le sabbat. En l’année 1818, deux frères mendiants de Sion, prévenus de cette assemblée illégale, gravirent la campagne pour vérifier le nombre et les intentions des délinquants. En diable, l’orateur de la troupe, s’avança. — Révérends frères, dit-il, nous sommes ici une armée telle que, si on divisait entre nous à parts égales tous les glaciers et tous les rochers des Alpes, nous n’en aurions pas chacun une livre pesant[388].

Nynauld (Jean de), auteur d’un livre intitulé De la Lycanthropie, transformation et extases des sorciers. Paris, 1615, in-8o.

Nyol, vicomte de Brosse, poursuivi comme sorcier à la fin du seizième siècle. Il confessa qu’ayant entendu dire qu’on brûlait les sorciers, il avait quitté sa maison et en était demeuré longtemps absent. Ses voisins, l’ayant suivi, l’avaient trouvé dans une étable de pourceaux ; ils l’interrogèrent sur différents maléfices dont il était accusé ; il reconnut qu’il était allé une fois au sabbat, à la croix de la Motte, où il avait vu le diable en forme de chèvre noire ; qu’il s’était donné audit diable, sous promesse qu’il aurait des richesses et serait bien heureux au monde, « et lui bailla pour gage sa ceinture, partie de ses cheveux, et après sa mort un de ses pouces. Ensuite le diable le marqua sur l’épaule ; il lui commanda de donner des maladies, de faire mourir les hommes et les bestiaux, de faire périr les fruits par des poudres qu’il jetterait au nom de Satan. Il avoua encore que le diable l’avait fait danser au sabbat avec les autres sorciers ayant chacun une chandelle, et que quand le diable se retirait enfin, eux tous se trouvaient transportés dans leurs maisons. » Vingt-huit témoins confrontés soutinrent que le vicomte de Brosse avait la réputation de sorcier, et qu’il avait fait mourir quatre hommes et beaucoup de bestiaux[389]. Il fut condamné.

Nypho ou Nyphus (Augustin), sorcier italien, qui avait un démon familier et barbu, dit Delancre[390], lequel démon lui apprenait toutes choses. Il a fait un livre Des divinations, imprimé à la suite de l’explication des songes par Artémidore. Voy. Artémidore.

Nysrock, démon du second ordre, chef de cuisine de Belzébuth, seigneur de la délicate tentation et des plaisirs de la table.



O

Oannès ou Oès, monstre moitié homme et moitié poisson, dans les vieilles mythologies de l’Orient ; venu de la mer égyptienne, il sortait de l’œuf primitif, d’où tous les autres êtres avaient été tirés. Il parut, dit Bérose, près d’un lieu voisin de Babylone. Il avait une tête d’homme sous une tête de poisson. À sa queue étaient joints des pieds d’homme, et il en avait la voix et la parole. Ce monstre demeurait parmi les hommes sans manger, leur donnait la connaissance des lettres et des sciences, leur enseignait les arts, l’arithmétique, l’agriculture ; en un mot, tout ce qui pouvait contribuer à adoucir les mœurs. Au soleil couchant, il se retirait dans la mer et passait la nuit sous les eaux. C’était un poisson comme on n’en voit guère.

Ob, démon des Syriens, qui était, à ce qu’il paraît, ventriloque. Il donnait ses oracles par le derrière, organe qui n’est pas ordinairement destiné à la parole, et toujours d’une voix basse et sépulcrale, en sorte que celui qui le consultait ne l’entendait souvent pas du tout, ou plutôt entendait tout ce qu’il voulait.

Obereit (Jacques Hermann), alchimiste et mystique, né en 1725, à Arbon en Suisse, et mort en 1798. Son père avait eu le même goût pour l’alchimie, qu’il appelait l’art de perfectionner les métaux par la grâce de Dieu. Le fils voulut profiter des leçons que lui avait laissées le vieillard ; comme sa famille était réduite à l’indigence, il travailla sans relâche dans son laboratoire ; mais l’autorité vint le fermer, comme dangereux pour la sûreté publique. Cependant il réussit à prouver que ses opérations ne pouvaient nuire, et il s’établit chez un frère de Lavater. Depuis dix-huit ans, Jacques (qui était fou), connaissait, disait-il, une personne qu’il nomme Théantis, bergère séraphique ; il l’épousa dans un château, sur une montagne entourée de nuages. « Notre mariage, dit-il, n’était ni platonique ni épicurien, c’était un état dont le monde n’a aucune idée. » Elle mourut au bout de trente-six jours, et le veuf, se souvenant que Marsay, grand mystique de ce temps, avait entonné un cantique de reconnaissance à la mort de sa femme, chanta à gorge déployée durant toute la nuit du décès de la sienne. Il a publié, en 1776, à Augsbourg, un traité de la Connexion originaire des esprits et des corps, d’après les principes de Newton. On lui doit aussi les Promenades de Gamaliel, juif philosophe, 1780.

Obergemeiner, propriétaire à Münchhof, près de Gratz, d’une maison qui fut infestée, en janvier 1821, de mains invisibles ou de procédés inexplicables qui, malgré la surveillance de trente hommes armés, lançaient aux fenêtres des pierres de quinze livres, parties le plus souvent de l’intérieur de la maison où ces pierres ne se trouvaient pas, qui brisaient la vaisselle, cassaient les pots et jetaient rudement à la tête (les assistants les cuillers à pot en fer, lesquelles arrivaient violemment à leur but, mais sans causer le moindre mal, au contraire des pierres qui brisaient les vitres. Le seau plein d’eau s’enlevait tout seul au plafond ; les plats volaient et faisaient des courbes. On n’a pu avoir explication de ces phénomènes, mentionnés et décrits longuement dans la Mystique de Görres[391].

 


Obéron et Titania

Obéron et Titania.
 

Obéron, roi des fées et des fantômes aériens. Il joue un grand rôle dans la poésie anglaise ; c’est l’époux de Titania. Ils habitent l’Inde ; la nuit, ils franchissent les mers et viennent dans, nos climats danser au clair de la lune ; ils redoutent le grand jour et fuient au premier rayon du soleil, ou se cachent dans les bourgeons des arbres jusqu’au retour de l’obscurité. Obéron est le sujet d’un poëme célèbre de Wieland.

Obesslik. Du temps des hussites, un brigand nommé Obesslik se rendit à la justice, qui le poursuivait depuis longtemps ; mais il se rendit à condition qu’on épargnât son sang. Il fut donc condamné à mourir de faim et descendu dans le gouffre de Maczocha avec une cruche d’eau et un seul pain. Le pain fut bientôt dévoré, la cruche d’eau bientôt vidée. Alors commença pour lui cette horrible agonie dont on peut se faire une idée après avoir lu l’épisode d’Ugolin dans le Dante. La mort lente s’approchait avec le désespoir, lorsque tout à coup le condamné entendit un sifflement étrange dans l’air et vit, en levant les yeux, un dragon ailé qui plongea à grands coups d’aile dans le précipice. Obesslik, qu’épouvantait l’idée que ce dragon le dévorerait, ramassa le reste de ses forces, se recula dans une crevasse de la paroi, prit une pierre et la jeta vers le dragon, qui fut atteint sous le ventre, seul endroit qui n’était pas protégé par des écailles comme tout le resle de son corps. Un sang noir sortit de la blessure du monstre, qui s’abattit sur une saillie du cratère, où il se reposa quelque temps ; une demi-heure s’écoula ainsi, et, quand il eut repris quelques forces par le repos, il se releva et sortit. Ainsi délivré de son hôte monstrueux, Obesslik pensa ceci :

« Ne pourrais-je pas me sauver par son secours, s’il revenait ?

Le lendemain, à la même heure, le dragon redescendit dans le gouffre et se mit à fouiller la vase avec son bec immense pour y chercher des vipères d’eau dont il se nourrissait. Obesslik se glissa derrière lui et se plaça sur son dos écaillé. Quand le monstre se fut bien repu, il reprit son vol, sans s’apercevoir qu’un homme était sur lui, et sortit du précipice. Il s’éleva bien haut dans l’air, portant toujours son cavalier, qui attendait un moment favorable pour descendre de son étrange coursier. Ses ailes bruissaient dans le vent, et il s’abattit dans une forêt voisine, où il se coucha sous un grand chêne et s’endormit.

Obesslik sauvé reprit son ancien métier de dévaliseur, et plus d’une fois l’effroi se répandit dans la contrée au récit des crimes de celui que l’on croyait mort dans la Maczocha. Les montagnes de Hradi étaient surtout le théâtre de ses sanguinaires exploits. Mais il fut repris et décapité à Olmütz.

Obole, pièce de monnaie que les Romains et les Grecs mettaient dans la bouche des morts, pour payer leur passage dans la barque à Caron.

Obsédés. Dom Calmet fait cette distinction entre les possédés et les obsédés. Dans les possessions, dit-il, le diable parle, pense, agit pour le possédé. Dans les obsessions, il se tient au dehors, il assiège, il tourmente, il harcèle. Saül était possédé, le diable le rendit sombre ; Sara, qui épousa le jeune Tobie, n’était qu’obsédée, le diable n’agissait qu’autour d’elle. Voy. Possédés.

Obsequens (Julius). Il a laissé un livre des prodiges, dont une partie est perdue.

Occultes. On appelle sciences occultes la magie, la nécromancie, la cabale, l’alchimie et toutes les sciences secrètes.

Ochosias, roi d’Israël, mort 896 ans avant notre ère. Il s’occupait de magie et consultait Belzébuth, honoré à Accaron. Il eut une fin misérable.

Oculomancie, divination dont le but était de découvrir un larron, en examinant la manière dont il tournait l’œil, après certaines cérémonies superstitieuses.

Oddo. Voy. Kalta.

Oddon, pirate flamand des temps anciens, qui voguait en haute mer par magie, sans esquif ni navire.

Od-esprit. M. Gagne, qui est un des adeptes du spiritisme, croit avoir découvert dans l’atmosphère un agent impondérable où flottent les esprits qui nous circonviennent, et avec qui les habiles se mettent en communication. Il appelle cet agent l’Od-esprit.

Odet, démon de la nuit, qui se montre à Orléans sous la forme d’un mulet et fait de mauvais tours à ceux qu’il rencontre. Il est de l’espèce de kleudde.

Odeur. On voit dans tous les procès de sorcellerie que l’odeur des sorciers est abominable, ce qui ne peut surprendre, puisque leurs chefs leur défendent de se laver. — Plusieurs possédés sont aussi très-puants.

Odin, dieu des Scandinaves. Deux corbeaux sont souvent placés sur ses épaules et lui disent à l’oreille tout ce qu’ils ont vu ou entendu de neuf. Odin les lâche tous les jours ; et, après qu’ils ont parcouru le monde, ils reviennent le soir à l’heure du repas. C’est pour cela que ce dieu sait tant de choses, et qu’on l’appelle le dieu des corbeaux. À la fin des siècles, il sera mangé par le loup Fenris. Les savants vous diront que l’un de ces corbeaux est l’emblème de la pensée ; quelle pensée ! et l’autre le symbole de la mémoire. Les deux loups qui se tiennent aux pieds d’Odin figuraient la puissance. Il y a des gens qui ont admiré ce mythe.

Odin, à la fois pontife, conquérant, monarque, orateur et poëte, parut dans le Nord, environ soixante-dix ans avant Notre-Seigneur selon les uns, plus tard selon d’autres. Le théâtre de ses exploits fut principalement le Danemark. Il avait la réputation de prédire l’avenir et de ressusciter les morts. Quand il eut fini ses expéditions glorieuses, il retourna en Suède, et, se sentant près du tombeau, il ne voulut pas que la maladie tranchât le fil de ses jours, après avoir si souvent bravé la mort dans les combats. Il convoqua tous ses amis, les compagnons de ses exploits ; il se fit, sous leurs yeux, avec la pointe d’une lance, neuf blessures en forme de cercle ; et, au moment d’expirer, il déclara qu’il allait dans la Scythie prendre place parmi les dieux, promettant d’accueillir un jour avec honneur dans son paradis tous ceux qui s’exposeraient courageusement dans les batailles, ou qui mourraient les armes à la main. Toute la mythologie des Islandais a Odin pour principe, comme le prouve l’Edda, traduit par Mallet, à la tête de son Histoire de Danemark[392]. Voy. Woden, Hakelberg, etc.

Odontotyrannus. Voy. Serpent de mer.

Odorat. Cardan dit au livre XIII de la Subtilité qu’un odorat excellent est une marque d’esprit, parce que la qualité chaude et sèche du cerveau est propre à rendre l’odorat plus subtil, et que ces mêmes qualités rendent l’imagination plus vive et plus féconde. Rien n’est moins sûr que cette assertion ; il n’y a point de peuple qui ait si bon nez que les habitants de Nicaragua, les Abaquis, les Iroquois ; et on sait qu’ils n-’en sont pas plus spirituels. Mamurra, selon Martial, ne consultait que son nez pour savoir si le cuivre qu’on lui présentait était de Corinthe.

 
Odet, démon de la nuit, sous la forme d’un mulet. — Page 499
Odet, démon de la nuit, sous la forme d’un mulet. — Page 499.
 

Œil. Les gorgones avaient un seul œil, dont elles se servaient tour à tour pour changer en pierres tous ceux qui les regardaient. Les anciens font mention des Arimaspes, comme de peuples qui n’avaient qu’un œil, et qui étaient souvent aux prises avec les griffons, pour ravir l’or confié à la garde de ces monstres. Pour le mauvais œil, Voy. Yeux.

Œnomancie, divination par le vin, dont on considère la couleur en le buvant, et dont on remarque les moindres circonstances pour en tirer des présages. Les Perses étaient fort attachés à cette divination.

Œnothère, géant de l’armée de Charlemagne, qui, d’un revers de son épée, fauchait des bataillons ennemis comme on fauche l’herbe d’un pré[393].

Œonistice, divination par le vol des oiseaux. Voy. Augures.

Oès. Voy. Oannès.

Œufs. On doit briser la coque des œufs frais, quand on les a mangés, par pure civilité ; aussi cet usage est-il pratiqué par les gens bien élevés, dit M. Salgues[394] ; cependant il y a des personnes qui n’ont pas coutume d’en agir ainsi. Quoi qu’il en soit, cette loi remonte à une très-haute antiquité. On voit, par un passage de Pline, que les Romains y attachaient une grande importance. L’œuf était regardé comme l’emblème de la nature, comme une substance mystérieuse et sacrée. On était persuadé que les magiciens s’en servaient dans leurs conjurations, qu’ils le vidaient et traçaient dans l’intérieur des caractères magiques dont la puissance pouvait opérer beaucoup de mal. On en brisait les coques pour détruire les charmes. Les anciens se contentaient quelquefois de les percer avec un couteau, et dans d’autres moments de frapper trois coups dessus. Les œufs leur servaient aussi d’augure. Julie, fille d’Auguste, étant grosse de Tibère, désirait ardemment un fils. Pour savoir si ses vœux seraient accomplis, elle prit un œuf, le mit dans son sein, l’échauffa ; quand elle était obligé de le quitter, elle le donnait à une nourrice pour lui conserver sa chaleur. L’augure fut heureux, dit Pline : elle eut un coq de son œuf et mit au monde un garçon[395].

Les druides pratiquaient, dit-on, cette superstition étrange ; ils vantaient fort une espèce d’œuf inconnu à tout le monde, formé en été par une quantité prodigieuse de serpents entortillés ensemble, qui y contribuaient tous de leur bave et de l’écume qui sortait de leur corps. Aux sifflements des serpents, l’œuf s’élevait en l’air ; il fallait s’en emparer alors, avant qu’il touchât la terre : celui qui l’avait reçu devait fuir ; les serpents couraient tous après lui jusqu’à ce qu’ils fussent arrêtés par une rivière qui coupât leur chemin[396]. Ils faisaient ensuite des prodiges avec cet œuf.

Aujourd’hui on n’est pas exempt de bien des superstitions sur l’œuf. Celui qui en mange tous les matins sans boire meurt, dit-on, au bout de l’an. Il ne, faut pas brider les coques des œufs, suivant une croyance populaire superstitieuse, de peur de brider une seconde fois saint Laurent, qui a été brûlé sur un feu nourri de pareils aliments[397]. Albert le Grand nous apprend, dans ses Secrets, que la coque d’œuf, broyée avec du vin blanc et bue, rompt les pierres tant des reins que de la vessie.

Pour la divination par les blancs d’œufs, voyez Oomancie, Garuda, etc.

Og, roi de Basan. Og, selon les rabbins, était un de ces géants qui ont vécu avant le déluge. Il s’en sauva en montant sur le toit de l’arche où étaient Noé et ses fils. Il était si pesant, qu’on fut obligé de mettre dehors le rhinocéros, qui suivit l’arche à la nage. Noé cependant fournit à Og de quoi se nourrir, non par compassion, mais pour faire voir aux hommes qui viendraient après le déluge quelle avait été la puissance du Dieu qui avait exterminé de pareils monstres. Les géants vivaient longtemps. Og était encore du monde quand les Israélites, sous la conduite de Moïse, campèrent dans le désert. Le roi de Basan leur fit la guerre. Voulant d’un seul coup détruire le camp d’Israël, il enleva une montagne large de six mille pas, avec laquelle il se proposait d’écraser l’armée de Moïse. Mais Dieu permit que des fourmis crevassent la montagne, à l’endroit où elle posait sur la tête du géant, de sorte qu’elle tomba sur son cou en manière de collier. Ensuite ses dents s’étant accrues extraordinairement, s’enfoncèrent dans le roc et l’empêchèrent de s’en débarrasser. Moïse alors le tua, mais non sans peine ; car le roi Og était d’une si énorme stature, que Moïse, qui lui-même était haut de six aunes, prit une hache de la même hauteur ; et encore fallut-il qu’il fît un saut de six aunes pour parvenir à frapper la cheville du pied d’Og.

Ogier le Danois. On croit qu’il vit dans sa tombe, comme Frédéric-Barberousse et d’autres[398].

Ogres. Sauf le nom, ces monstres étaient connus des anciens. Polyphème, dans l’Odyssée, n’est autre chose qu’un ogre ; on trouve des ogres dans les Voyages de Sindbad le marin ; et un autre passage des Mille et une nuits prouve que les ogres ne sont pas étrangers aux Orientaux. Dans le conte du Vizir puni, un jeune prince égaré rencontre une dame qui le conduit à sa masure : elle dit en entrant : — Réjouissez-vous, mes fils, je vous amène un garçon bien fait et fort gras. — Maman, répondent les enfants, où est-il, que nous le mangions ? car nous avons bon appétit. — Le prince reconnaît alors que la femme, qui se disait fille du roi des Indes, est une ogresse, femme de ces démons sauvages qui se retirent dans les lieux abandonnés et se servent de mille ruses pour surprendre et dévorer les passants, comme les sirènes, qui, selon quelques mythologues, étaient certainement des ogresses. C’est à peu près l’idée que nous nous faisons de ces êtres effroyables ; les ogres, dans nos opinions, tenaient des trois natures : humaine, animale et infernale. Ils n’aiment rien tant que la chair fraîche ; et les petits enfants étaient leur plus délicieuse pâture. Le Drac, si redouté dans le Midi, était un ogre qui avait son repaire aux bords du Rhône, où il se nourrissait de chair humaine. Il paraît que cette anthropophagie est ancienne dans nos contrées, car le chapitre lxvii de la loi salique prononce une amende de deux cents écus contre tout sorcier ou stryge qui aura mangé un homme.

Quelques-uns font remonter l’existence des ogres jusqu’à Lycaon, ou du moins à la croyance où l’on était que certains sorciers se changeaient en loups dans les orgies nocturnes, et mangeaient au sabbat la chair des petits enfants qu’ils pouvaient y conduire. On ajoutait que, quand ils en avaient mangé une fois, ils en devenaient extrêmement friands et saisissaient ardemment toutes les occasions de s’en repaître : ce qui est bien le naturel qu’on donne à l’ogre. On voit une multitude d’horreurs de ce genre dans les procès des sorciers ; on appelait ces ogres des loups-garous ; et le loup du petit Chaperon-Rouge n’est pas autre chose. Quant à l’origine du nom des ogres, l’auteur des Lettres sur les contes des fées de Ch. Perrault l’a trouvée sans doute. Ce sont les féroces Huns ou Hongrois du moyen âge, qu’on appelait Hunnigours, Oïgours, et ensuite par corruption Ogres. Les Hongrois, disait-on, buvaient le sang de leurs ennemis ; ils leur coupaient le cœur par morceaux et le dévoraient en manière de remède contre toute maladie. Ils mangeaient de la chair humaine, et les mères hongroises, pour donner à leurs enfants l’habitude de la douleur, les mordaient au visage dès leur naissance.

C’était en effet un terrible peuple que ces païens, dont les hordes innombrables, accourues des extrémités septentrionales de l’Asie, dévastèrent pendant deux tiers de siècle l’Italie, l’Allemagne et la France. Ils incendiaient les villes et les villages, égorgeaient les habitants ou les emmenaient prisonniers. La pitié leur était

 
Hongrois
Hongrois
Hongrois.
 
inconnue, car ils croyaient que les guerriers étaient servis dans l’autre monde par les ennemis qu’ils avaient tués dans celui-ci. Une défaite signalée que leur fit éprouver Othon, empereur d’Allemagne, délivra pour jamais de leurs ravages l’Europe occidentale. La terreur profonde qu’ils avaient inspirée se propagea longtemps encore après leur disparition, et les mères se servirent du nom des Hongrois, ogres, pour épouvanter leurs petits enfants. Voy. Fées, Omestès, etc.

Oiarou, objet du culte des Iroquois. C’est la première bagatelle qu’ils auront vue en songe, un calumet, une peau d’ours, un couteau, une plante, un animal, etc. Ils croient pouvoir, par la vertu de cet objet, opérer ce qui leur plaît, même se transporter et se métamorphoser.

Oigours. Voy. Ogres.

Oilette, démon sans renommée, invoqué dans les litanies du sabbat.

Oiseaux. Naudé conte que l’archevêque Laurent expliquait le chant des oiseaux, comme il en fit en jour l’expérience à Rome devant quelques prélats ; car il entendit un petit moineau qui avertissait les autres par son chant qu’un chariot de blé venait de verser à la porte Majeure, et qu’ils trouveraient là de quoi faire leur profit[399].

À la côte du Croizic, en Bretagne, sur un rocher au fond de la mer, les femmes du pays vont, parées avec recherche, les cheveux épars, ornées d’un beau bouquet de fleurs nouvelles ; elles se placent sur le rocher, les yeux élevés vers le ciel, et demandent avec un chant sentimental aux oiseaux de leur ramener leurs époux et leurs fiancés[400]. Voy. Augures, Corneille, Hibou, etc.

Okkisiks, nom sous lequel les Hurons désignent des génies ou esprits, bienfaisants ou malfaisants, attachés à chaque homme.

Oldenberg, montagne de l’Allemagne sous laquelle Charlemagne vit toujours avec ses douze pairs et son armée. Tradition locale.

Oldenbourg. « Je ne puis m’empêcher, dit Balthasar Bekker, dans le tome IV, chapitre xvii, du Monde enchanté, de rapporter une fable dont j’ai cherché aussi exactement les détails qu’il m’a été possible : c’est celle du fameux cornet d’Oldenbourg. « On dit que le comte Otton d’Oldenbourg, étant allé un jour à la chasse sur la montagne d’Ossemberg, fut atteint d’une soif qu’il ne pouvait étancher ; il se mit à jurer d’une manière indigne, en disant qu’il ne se souciait pas de ce qui pourrait lui arriver, pourvu que quelqu’un lui donnât à boire. Le diable lui apparut aussitôt

 
Oldenbourg
Oldenbourg
 
sous la forme d’une femme ; elle semblait sortir de terre ; elle lui présenta à boire dans un cornet fort riche, d’une matière inconnue et qui ressemblait au vermeil. Le comte, se doutant de quelque chose, ne voulut pas boire et renversa ce qui était dans le cornet sur la croupe de son cheval. La force de ce breuvage emporta tout le poil aux endroits qu’il avait touchés. Le comte frémit ; mais il garda le cornet, qui subsiste encore, dit-on, et que plusieurs se sont vantés d’avoir vu. On le trouve représenté dans plusieurs hôtelleries : c’est un grand cornet recourbé, comme un cornet à bouquin, et chargé d’ornements bizarres. »

Old Gentleman. Le peuple en Angleterre appelle le diable le vieux gentleman.

Olive (Robert), sorcier qui fut brûlé à Falaise en 1556. On établit à son procès que le diable le transportait d’un lieu à un autre ; que ce diable s’appelait Chrysopole, et que c’était à l’instigation dudit Chrysopole que Robert Olive tuait les petits enfants et les jetait au feu[401].

Olivier, démon invoqué comme prince des archanges dans les litanies du sabbat.

Ololygmancie, divination tirée du hurlement des chiens. Dans la guerre de Messénie, le roi Aristodème apprit que les chiens hurlaient comme des loups, et que du chiendent avait poussé autour d’un autel. Désespérant du succès, d’après cet indice et d’autres encore (Voy. Ophioneus), quoiqu’il eût déjà immolé sa fille pour apaiser les dieux, il se tua sur la foi des devins, qui virent dans ces signes de sinistres présages.

Olys, talisman que les prêtres de Madagascar donnent aux peuples pour les préserver de plusieurs malheurs, et notamment pour enchaîner la puissance du diable.

Ombre. Dans le système de la mythologie païenne, ce qu’on nommait ombre n’appartenait ni au corps ni à l’âme, mais à un état mitoyen. C’était cette ombre qui descendait aux enfers. On croyait que les animaux voyaient les ombres des morts. Aujourd’hui même, dans les montagnes d’Écosse, lorsqu’un animal tressaille subitement, sans aucune cause apparente, le peuple attribue ce mouvement à l’apparition d’un fantôme.

En Bretagne, les portes des maisons ne se ferment qu’aux approches de la tempête. Des feux follets, des sifflements l’annoncent. Quand on entendait ce murmure éloigné qui précède l’orage, les anciens s’écriaient : — Fermons les portes, écoutez les criériens ; le tourbillon les suit. Ces criériens sont les ombres, les ossements des naufragés qui demandent la sépulture, désespérés d’être depuis leur mort ballottés par les éléments[402] On dit encore que celui qui vend son âme au diable n’a plus d’ombre au soleil ; cette tradition, très-répandue en Allemagne, est le fondement de plusieurs légendes. Voy. Revenants.

Ombriel, génie vieux et rechigné, à l’aile pesante, à l’air refrogné. Il joue un rôle dans la Boucle de cheveux enlevée de Pope.

Omestès, surnom de Bacchus, considéré comme chef des ogres ou loups-garous qui mangent la chair fraîche.

Omomancie, divination par les épaules chez les rabbins. Les Arabes devinent par les épaules du mouton, lesquelles, au moyen de certains points dont elles sont marquées, représentent diverses figures de géomancie.

Omphalomancie, divination par le nombril. Les sages-femmes, par les nœuds inhérents au nombril de l’enfant premier-né, devinaient combien la mère en aurait encore après celui-là.

Omphalophysiques, fanatiques de Bulgarie que l’on trouve du onzième au quatorzième siècle, et qui, par une singulière illusion, croyaient voir la lumière du Thabor à leur nombril.

On, mot magique, comme tétragrammaton, dont on se sert dans les formules de conjurations.

Ondins ou Nymphes, esprits élémentaires, composés des plus subtiles parties de l’eau qu’ils habitent. Les mers et les fleuves sont peuplés, disent les cabalistes, de même que le feu, l’air et la terre. Les anciens sages ont nommé Ondins

 
Ondine
Ondine
 
ou Nymphes cette espèce de peuple. Il y a peu de mâles, mais les femmes y sont en grand nombre ; leur beauté est extrême, et les filles des hommes n’ont rien de comparable[403]. Voy. Cabale, Nickar, etc.

En Allemagne, le peuple croit encore aux Ondines, esprits des eaux, qui ont une assez mauvaise réputation. Du fond de leurs humides demeures, elles épient le pêcheur qui rêve au bord des ondes et l’attirent dans un gouffre où il disparaît pour toujours.

On croit en Suède à l’esprit des eaux. Chaque rivière a le sien ; tous sont soumis à un chef. De même que ceux des montagnes, ils sont invisibles : leur main seule ne l’est pas, suivant la tradition en vogue le long du lac Miæsen. Un pêcheur qui demeurait sur ses bords, désirant présenter un gâteau de Noël à l’esprit des eaux, le porta au rivage ; l’eau était gelée, il ne voulut pas poser le gâteau sur la glace, pour ne pas donner au démon la peine de la casser ; il retourna chez lui pour y prendre une pioche, puis frappa de toute sa force pour briser la glace, mais ne réussit qu’à faire un trou trop petit pour que le gâteau pût y passer. Dans son désespoir, ne sachant plus que faire, il plaça son gâteau sur la glace : aussitôt une très-petite main, aussi blanche que la neige, sortit du trou, et le gâteau se réduisant à une dimension proportionnée, la main put s’en saisir et l’emporter.

Les habitants du bord du lac ont profité de cet exemple pour épargner leur farine et leurs raisins secs. Afin d’éviter au génie du Miæsen la peine de changer la dimension du gâteau, celui qu’ils lui offrent est toujours de taille à pouvoir pénétrer par la plus petite ouverture que l’on puisse faire dans la glace. Cette tradition a formé matière à un compliment pour les dames : on dit habituellement de celles dont on veut faire l’éloge : « Elle a la main comme celle de l’esprit du lac. » Voy. Nymphes, Nictar, etc.

Oneirocritique, art d’expliquer les songes. Voy. Songes.

Ongles. Les Madécasses ont grand soin de se couper les ongles une ou deux fois la semaine ; ils s’imaginent que le diable s’y cache quand ils sont longs. C’était une impiété chez les Romains que de se couper les ongles tous les neufs jours. Cardan assure, dans son traité De varietate rerum, qu’il avait prévu par les taches de ses ongles tout ce qui lui était arrivé de singulier. Voy. Chiromancie.

On sait qu’il pousse des envies aux doigts quand on coupe ses ongles les jours qui ont un R, comme mardi, mercredi et vendredi… Enfin, quelques personnes croient en Hollande qu’on se met à l’abri du mal de dents en coupant régulièrement ses ongles le vendredi. Voy. Onychomancie.

Onguents. Il y a plusieurs espèces d’onguents, qui ont tous leur propriété particulière. On sait que le diable en compose de différentes façons, et qu’il les emploie à nuire au genre humain. Pour endormir, on en fait un avec de la racine de belladone, de la morelle furieuse, du sang de chauve-souris, du sang de huppe, de l’aconit, de la suie, du persil, de l’opium et de la ciguë. Voy. Graisse.

Onomancie ou Onomatomancie, divination par les noms. Elle était fort en usage chez les anciens. Les pythagoriciens prétendaient que les esprits, les actions et les succès des hommes étaient conformes à leur destin, à leur génie et à leur nom. On remarquait qu’Hippolyte avait été déchiré par ses chevaux, comme son nom le portait. De même, on disait d’Agamemnon que, suivant son nom, il devait rester longtemps devant Troie ; et de Priam, qu’il devait être racheté d’esclavage. Une des règles de l’onomancie, parmi les pythagoriciens, était qu’un nombre pair de voyelles dans le nom d’une personne signifiait quelque imperfection au côté gauche, et un nombre impair quelque imperfection au côté droit. Ils avaient encore pour adage que de deux personnes, celle-là était la plus heureuse dans le nom de laquelle les lettres numérales jointes ensemble formaient la plus grande somme. Ainsi, disaient-ils, Achille devait vaincre Hector, parce que les lettres numérales comprises dans le nom d’Achille formaient une somme plus grande que celles du nom d’Hector. C’était sans doute d’après un principe semblable que, dans les parties de plaisir, les Romains buvaient à la santé de leurs belles autant de coups qu’il y avait de lettres dans leur nom. Enfin, on peut rapporter à l’onomancie tous les présages qu’on prétendait tirer des noms, soit considérés dans leur ordre naturel, soit décomposés et réduits en anagrammes ; folie trop souvent renouvelée chez les modernes. Voy. Anagrammes.

Cœlius Rhodiginus a donné la description d’une singulière espèce d’onomancie ; Théodat, roi des Goths, voulant connaître le succès de la guerre qu’il projetait contre les Romains, un devin juif lui conseilla de faire enfermer un certain nombre de porcs dans de petites étables, de donner aux uns des noms goths, avec des marques pour les distinguer, et de les garder jusqu’à un certain jour. Ce jour étant arrivé, on ouvrit les étables, et l’on trouva morts les cochons désignés par des noms goths, ce qui fit prédire au juif que les Romains seraient vainqueurs[404].

Onychomancie, divination par les ongles. Elle se pratiquait en frottant avec de la suie les ongles d’un jeune garçon, qui les présentait au soleil, et l’on s’imaginait y voir des figures qui-faisaient connaître ce qu’on souhaitait de savoir. On se servait aussi d’huile et de cire.

Oomancie ou Ooscopie, divination par es œufs. Les devins des anciens jours voyaient dans la forme extérieure et dans les figures intérieures d’un œuf les secrets les plus impénétrables de l’avenir. Suidas prétend que cette divination fut inventée par Orphée.

On devine à présent par l’inspection des blancs d’œufs ; et des sibylles modernes (entre autres mademoiselle Lenormand) ont rendu cette divination célèbre. Il faut prendre pour cela un verre d’eau, casser dessus un œuf frais et l’y laisser tomber doucement. On voit par les figures que le blanc forme dans l’eau divers présages. Quelques-uns cassent l’œuf dans de l’eau bouillante ; on explique alors les signes comme pour le marc de café. Au reste, cette divination n’est pas nouvelle ; elle est même indiquée par le Grimoire. « L’opération de l’œuf, dit ce livre, est pour savoir ce qui doit arriver à quelqu’un qui est présent lors de l’opération. On prend un œuf d’une poule noire, pondu du jour ; on le casse, on en tire le germe ; il faut avoir un grand verre bien fin et bien net, l’emplir d’eau claire et y mettre le germe de l’œuf ; on met ce verre au soleil de midi dans l’été, en récitant des oraisons et des conjurations, et avec le doigt on remue l’eau du verre pour faire tourner le germe ; on le laisse ensuite reposer un instant, et on regarde sans toucher. On voit ce qui aura rapport à celui ou à celle pour qui l’opération se fait. Il faut tâcher* que ce soit un jour de travail, parce qu’alors les objets s’y présentent dans leurs occupations ordinaires[405]. Voy. Œufs.

Opale. Cette pierre récrée le cœur, préserve de tout venin et contagion de l’air, chasse la tristesse, empêche les syncopes, les maux de cœur et les affections malignes…

Opalski, sources d’eaux chaudes dans le Kamtschatka. Les habitants s’imaginent que c’est la demeure de quelque démon et ont soin de lui apporter de légères offrandes pour apaiser sa colère. Sans cela, disent-ils, il soulèverait contre eux de terribles tempêtes.

Ophiogènes, charmeurs qui, dans l’Hellespont, guérissaient par le simple toucher les morsures des serpents. Varron cite quelques-uns de ces habiles qui faisaient la même chose avec leur salive.

Ophiomancie, divination par les serpents. Elle était fort usitée chez les anciens, et consistait à tirer présage des divers mouvements qu’on voyait faire aux serpents. On avait tant de foi à ces oracles, qu’on nourrissait exprès des serpents pour connaître ainsi l’avenir. Voy. Serpents.

Ophionée, chef des démons ou mauvais génies qui se révoltèrent contre Jupiter, selon Phérécyde le Syrien.

Ophioneus, célèbre devin de Messénie, aveugle de naissance. Il demandait à ceux qui venaient le consulter comment ils s’étaient conduits jusqu’alors, et, d’après leur réponse, prédisait ce qui leur devait arriver. Ce n’était pas si bête. Aristodème, roi des Messéniens, ayant consulté l’oracle de Delphes sur le succès de la guerre contre les Lacédémoniens, il lui fut répondu que quand deux yeux s’ouvriraient à la lumière et se refermeraient peu après, c’en serait fait des Messéniens. Ophioneus se plaignit de violents maux de tête qui durèrent quelques jours, au bout desquels ses yeux s’ouvrirent pour se refermer bientôt. Aristodème, en apprenant cette double nouvelle, désespéra du succès et se tua pour ne pas survivre à sa défaite. Voy. Ololygmancie.

Ophites, hérétiques du deuxième siècle qui rendaient un culte superstitieux au serpent. Ils enseignaient que le serpent avait rendu un grand service aux hommes en leur faisant connaître le bien et le mal ; ils maudissaient Jésus-Christ, parce qu’il est écrit qu’il est venu dans le monde pour écraser la tête du serpent. Aussi Origène ne les regardait-il pas comme chrétiens. Leur secte était peu nombreuse.

Ophthalmius, pierre fabuleuse qui rendait, disait-on, invisible celui qui la portait.

Ophthalmoscopie, art de connaître le caractère ou le tempérament d’une personne par l’inspection de ses yeux. Voy. Physiognomonie.

Optimisme. On parle d’une secte de philosophes optimistes qui existaient jadis dans l’Arabie, et qui employaient tout leur esprit à ne rien trouver de mal. Un docteur de cette secte avait une femme acariâtre, qu’il supporta longtemps, mais qu’enfin il étrangla de son mieux ; et il trouva que tout était bien. Le calife fit empaler le coupable, qui souffrit sans se plaindre. Comme les assistants s’étonnaient de sa tranquillité : — Eh mais ! leur dit-il, ne suis-je pas bien empalé ?

On fait aussi ce conte : Le diable emportait un philosophe de la même secte, et celui-ci se laissait emporter tranquillement. — Il faut bien que nous arrivions quelque part, disait-il, et tout est pour le mieux[406].


 
Un docteur de cette secte avait une femme acariâtre… — Page 505
Un docteur de cette secte avait une femme acariâtre… — Page 505.
 

Oracles. Les oracles étaient chez les anciens ce que sont les devins parmi nous. Toute la différence qu’il y a entre ces deux espèces, c’est que les gens qui rendaient les oracles se disaient les interprètes des dieux, et que les sorciers ne peuvent relever que du diable. On honorait les premiers ; on méprise les seconds.

Le P. Kirker, dans le dessein de détromper les gens superstitieux sur les prodiges attribués à l’oracle de Delphes, avait imaginé un tuyau adapté avec tant d’art à une figure automate, que quand quelqu’un parlait un autre entendait dans une chambre éloignée ce qu’on venait de dire, et répondait par ce même tuyau, qui faisait ouvrir la bouche et remuer les lèvres de l’automate. Il supposa en conséquence que les prêtres du paganisme, en se servant de ces tuyaux, faisaient accroire aux sots que l’idole satisfaisait à leurs questions.

L’oracle de Delphes est le plus fameux de tous. Il était situé sur un côté du Parnasse, coupé de sentiers taillés dans le roc, entouré de rochers qui répétaient plusieurs fois le son d’une seule trompette. Un berger le découvrit en remarquant que ses chèvres étaient enivrées de la vapeur que produisait une grotte autour de laquelle elles paissaient. La prêtresse rendait ses oracles, assise sur un trépied d’or, au-dessus de cette cavité ; la vapeur qui en sortait la faisait entrer dans une sorte de délire effrayant, qu’on prenait pour un enthousiasme divin.

Les oracles de la Pythie n’étaient autre chose qu’une inspiration démoniaque, dit Leloyer, et ne procédaient point d’une voix humaine. Dès qu’elle entrait en fonction, son visage s’altérait, sa gorge s’enflait, « sa poitrine pantoisait et haletait sans cesse ; elle ne ressentait rien que rage ; elle remuait la tête, faisait la roue du cou, pour

 
Devin
Devin
Devin.
 
parler comme le poète Stace, agitait tout le corps et rendait ainsi ses réponses. »

Les prêtres de Dodone disaient que deux colombes étaient venues d’Égypte dans leur forêt, parlant le langage des hommes, et qu’elles avaient commandé d’y bâtir un temple à Jupiter, qui promettait de s’y trouver et d’y rendre des oracles. Pausanias conte que des filles merveilleuses se changeaient en colombes, et sous cette forme rendaient les célèbres oracles de Dodone. Les chênes parlaient dans cette forêt enchantée (Voy. Arbres), et on y voyait une statue qui répondait à tous ceux qui la consultaient, en frappant avec une verge sur des chaudrons d’airain, laissant à ses prêtres le soin d’expliquer les sons prophétiques qu’elle produisait.

Le bœuf Apis, dans lequel l’âme du grand Osiris s’était retirée, était regardé chez les Égyptiens comme un oracle. En le consultant, on se mettait les mains sur les oreilles et on les tenait bouchées jusqu’à ce qu’on fût sorti de l’enceinte du temple ; alors on prenait pour réponse du dieu la première parole qu’on entendait.

Ceux qui allaient consulter en Achaïe l’oracle d’Hercule, après avoir fait leur prière dans le temple, jetaient au hasard quatre dés, sur les faces desquels étaient gravées quelques figures ; ils allaient ensuite à un tableau où ces hiéroglyphes étaient expliqués et prenaient pour la réponse du dieu l’interprétation qui répondait à la chance qu’ils avaient amenée.

Les oracles présentaient ordinairement un double sens, qui sauvait l’honneur du dieu et leur donnait un air de vérité, mais de vérité cachée au milieu du mensonge, que peu de gens avaient l’esprit de voir.

Théagène de Thase avait remporté quatorze cents couronnes en différents jeux, de sorte qu’après sa mort on lui éleva une statue en mémoire de ses victoires. Un de ses ennemis allait souvent insulter cette statue, qui tomba sur lui et l’écrasa. Ses enfants, conformément aux lois de Dracon, qui permettaient d’avoir action même contre les choses inanimées, quand il s’agissait de punir l’homicide, poursuivirent la statue de Théagène pour le meurtre de leur père ; elle fut condamnée à être jetée dans la mer. Les Thasiens furent peu après affligés d’une peste. L’oracle consulté répondit : Rappelez vos exilés. Ils rappelèrent en conséquence quelques-uns de leurs concitoyens ; mais la calamité ne cessant point, ils renvoyèrent à l’oracle, qui leur dit alors plus clairement : Vous avez détruit les honneurs du grand Théagène !… La statue fut remise à sa place ; on lui sacrifia comme à un dieu, et la peste s’apaisa.

On consultait l’oracle sur toutes choses. Euchidas, jeune Platéen, périt victime de son zèle pour son pays. Après la bataille de Platée, l’oracle de Delphes ordonna à ses compatriotes d’éteindre tout le feu qui était dans le pays, parce qu’il avait été profané par les barbares, et d’en venir prendre un plus pur à Delphes. Le feu fut éteint dans toute la contrée. Euchidas se chargea d’aller chercher celui de Delphes avec toute la diligence possible. En effet, il partit en courant et revint de même, après avoir fait mille stades dans un jour. En arrivant, il salua ses compatriotes, leur remit le feu sacré et tomba mort de lassitude. Les Platéens lui élevèrent un tombeau avec cette épitaphe : « Ci-gît Euchidas, mort pour être allé à Delphes et en être revenu en un seul jour. »

Philippe, roi de Macédoine, fut averti par l’oracle d’Apollon qu’il serait tué par une charrette : c’est pourquoi il commanda aussitôt qu’on fît sortir toutes les charrettes et tous les chariots de son royaume. Toutefois il ne put échapper au sort que l’oracle avait si bien prévu : Pausanias, qui lui donna la mort, portait une charrette gravée à la garde de l’épée dont il le perça. Ce même Philippe désirant savoir s’il pourrait vaincre les Athéniens, l’oracle qu’il consultait lui répondit :

 

Avec lances d’argent quand tu feras la guerre,
Tu pourras terrasser les peuples de la terre.

 
Ce moyen lui réussit merveilleusement, et il disait quelquefois qu’il était maître d’une place s’il pouvait y faire entrer un mulet chargé d’or.

L’ambiguïté était un des caractères les plus ordinaires des oracles, et le double sens ne pouvait que leur être favorable. Ainsi, quand la Pythie dit à Néron : « Garde-toi des soixante-treize ans, » ce prince crut que les dieux lui annonçaient par là une longue vie. Mais il fut bien étonné quand il vit que cette réponse indiquait Galba, vieillard de soixante-treize ans, qui le détrôna.

Quelquefois les oracles ont dit des vérités. Qui les y contraignait ? On est surpris de lire dans Porphyre que l’oracle de Delphes répondit un jour à des gens qui lui demandaient ce que c’était que Dieu : « Dieu est la source de la vie, le principe de toutes choses, le conservateur de tous les êtres. Tout est plein de Dieu : il est partout. Personne ne l’a engendré : il est sans mère. Il sait tout, et on ne peut rien lui apprendre. Il est inébranlable dans ses desseins, et son nom est ineffable. Voilà ce que je sais de Dieu, ne cherche pas à en savoir davantage : ta raison ne saurait le comprendre, quelque sage que tu sois. Le méchant et l’injuste ne peuvent se cacher devant lui ; l’adresse et l’excuse ne peuvent rien déguiser à ses regards perçants. »

Dans Suidas, l’oracle de Sérapis dit à Thulis, roi d’Égypte : « Dieu, le Verbe, et l’Esprit qui les unit, tous ces trois ne sont qu’un : c’est le Dieu dont la force est éternelle. Mortel, adore et tremble, ou tu es plus à plaindre que l’animal dépourvu de raison. »

Le comte de Gabalis, en attribuant les oracles aux esprits élémentaires, ajoute qu’avant Jésus-Christ ces esprits prenaient plaisir à expliquer aux hommes ce qu’ils savaient de Dieu et à leur donner de sages conseils ; mais qu’ils se retirèrent quand Dieu vint lui-même instruire les hommes, et que dès lors les oracles se turent.

« On pensera des oracles des païens ce que l’on voudra, dit dom Calmet dans ses Dissertations sur les apparitions, je n’ai nul intérêt à les défendre, je ne ferai pas même difficulté d’avouer qu’il y a eu de la part des prêtres et des prêtresses qui rendaient ces oracles beaucoup de supercheries et d’illusions. Mais s’ensuit-il que le démon ne s’en soit jamais mêlé ? On ne peut disconvenir que, depuis le Christianisme, les oracles ne soient tombés insensiblement dans le mépris et n’aient été réduits au silence, et que les prêtres, qui se mêlaient de prédire les choses cachées et futures, n’aient été souvent forcés d’avouer que la présence des chrétiens leur imposait silence. »

Orages. Voy. Criériens, Tonnerre, etc.

Oraison du loup. Quand on l’a prononcée pendant cinq jours au soleil levant, on peut défier les loups les plus affamés et mettre les chiens à la porte. La voici, cette oraison fameuse :

« Viens, bête à laine, c’est l’agneau d’humilité ; je te garde. Va droit, bête grise, à gris agripeuse ; va chercher ta proie, loups et louves et louveteaux : tu n’as point à venir à cette viande qui est ici. Vade retro, o Satana ! » Voy. Gardes.

Oray ou Loray, grand marquis des enfers, qui se montre sous la forme d’un superbe archer portant un arc et des flèches ; il anime les combats, empire les blessures faites par les archers, lance les javelines les plus meurtrières. Trente légions le reconnaissent pour dominateur et souverain[407].

Orcavelle, magicienne célèbre dans les romans de chevalerie. Elle opérait des enchantements extraordinaires.

Ordalie. On donnait le nom d’ordalie à une série d’épreuves par les éléments. Elles consistaient à marcher les yeux bandés parmi des socs de charrue rougis au feu, à traverser des brasiers enflammés, à plonger le bras dans l’eau bouillante, à tenir à la main une barre de fer rouge, à avaler un morceau de pain mystérieux, à être plongé, les mains liées aux jambes, dans une grande cuve d’eau, enfin à étendre pendant assez longtemps les bras devant une croix. Voy. Croix, Eau, Feu, etc.

Oreille. On dit que nos amis parlent de nous quand l’oreille gauche nous tinte, et nos ennemis quand c’est la droite.

Oresme (Guillaume), astrologue du quatorzième siècle, dont on sait peu de chose.

Orfa. Le lac d’Orfa, près d’Édesse, pullule de poissons réputés sacrés. Il est expressément défendu, en mémoire d’Abraham, d’y jamais tendre un filet ou d’y jeter une amorce.

Orgueil, le péché qui ouvre la phalange odieuse des sept péchés capitaux. C’est le péché d’Adam, et il nous est resté.

Orias, démon des astrologues et des devins, grand marquis de l’empire infernal. Il se montre sous les traits d’un lion furieux, assis sur un cheval qui a la queue d’un serpent. Il porte dans chaque main une vipère. Il connaît l’astronomie et enseigne l’astrologie. Il métamorphose les hommes à leur volonté, leur fait obtenir des dignités et des titres, et commande trente légions.

Originel (Péché), la source de tous les maux qui affligent l’humanité, réparé par le baptême dans ses conséquences éternelles. Ceux qui nient le péché originel n’ont pourtant jamais pu expliquer leur négation. Voy. Péché.

Origines du monde. Tout s’accorde pour reconnaître au monde une origine peu éloignée. L’histoire, aussi bien que la sainte Bible, ne nous permet guère de donner au monde plus de six mille ans ; et rien dans les arts, dans les monuments, dans la civilisation des anciens peuples, ne contredit l’Écriture sainte. Racontons toutefois les rêveries des conteurs païens. Sanchoniaton présente ainsi l’origine du monde. Le Très-Haut et sa femme habitaient le sein de la lumière. Ils eurent un fils beau comme le Ciel, dont il porta le nom, et une fille belle comme la Terre, dont elle porta le nom. Le Très-Haut mourut, tué par des bêtes féroces, et ses enfants le déifièrent. Le Ciel, maître de l’empire de son père, épousa alors la Terre, sa sœur, et en eut plusieurs enfants, entre autres Hus ou Saturne. Il prit encore soin de sa postérité avec quelques autres femmes ; mais la Terre en témoigna tant de jalousie qu’ils se séparèrent. Néanmoins le Ciel revenait quelquefois à elle et l’abandonnait ensuite de nouveau, ou cherchait à détruire les enfants qu’elle lui avait donnés. Quand Saturne fut grand, il prit le parti de sa mère et la protégea contre son père, avec le secours d’Hermès, son secrétaire. Saturne chassa son père et régna en sa place. Ensuite il bâtit une ville, et se défiant de Sadid, l’un de ses fils, il le tua et coupa la tête à sa fille, au grand étonnement des dieux. Cependant le Ciel, toujours fugitif, envoya trois de ses filles à Saturne pour le faire périr ; ce prince les fit prisonnières et les épousa. À cette nouvelle, le père en détacha deux autres que Saturne épousa pareillement. Quelque temps après Saturne, ayant tendu des embûches à son père, l’estropia et l’honora ensuite comme un dieu.

Tels sont les divins exploits de Saturne, tel fut l’âge d’or. Astarté la Grande régna alors dans le pays par le consentement de Saturne ; elle porta sur sa tête une tête de taureau pour marque de sa royauté, etc.[408].

Au commencement, dit Hésiode, était le Chaos, ensuite la Terre, le Tartare, l’Amour, le plus beau des dieux. Le Chaos engendra l’Érèbe et la Nuit, de l’union desquels naquirent le Jour et la Lumière. La Terre produisit alors les étoiles, les montagnes et la mer. Bientôt, unie au Ciel, elle enfanta l’Océan, Hypérion, Japhet, Rhéa, Phœbé, Thétis, Mnémosyne, Thémis et Saturne, ainsi que les cyclopes et les géants Briarée et Gygès, qui avaient cinquante têtes et cent bras. À mesure que ses enfants naissaient, le Ciel les enfermait dans le sein de la Terre. La Terre, irritée, fabriqua une faux qu’elle donna à Saturne. Celui-ci en frappa son père, et du sang qui sortit de cette blessure naquirent les géants et les furies. Saturne eut de Rhéa, son épouse et sa sœur, Vesta, Cérès, Junon, Pluton, Neptune et Jupiter. Ce dernier, sauvé de la dent de son père, qui mangeait ses enfants, fut élevé dans une caverne, et par la suite fit rendre à Saturne ses oncles qu’il tenait en prison, ses frères qu’il avait avalés, le chassa du ciel, et, la foudre à la main, devint le maître des dieux et des hommes.

 
Origines du monde
Origines du monde
 

Les Égyptiens faisaient naître l’homme et les animaux du limon échauffé par le Soleil. Les Phéniciens disaient que le Soleil, la Lune et les astres ayant, paru, le Limon, fils de l’Air et du Feu, enfanta tous les animaux ; que les premiers hommes habitaient la Phénicie ; qu’ils furent d’une grandeur démesurée et donnèrent leur nom aux montagnes du pays ; que bientôt ils adorèrent deux pierres, l’une consacrée au Vent, l’autre au Feu, et leur immolèrent des victimes. Mais le Soleil fut toujours le premier et le plus grand de leurs dieux.

Tous les peuples anciens faisaient ainsi remonter très-haut leur origine, et chaque nation se croyait la première sur la terre. Quelques nations modernes ont la même ambition : les Chinois se disent antérieurs au déluge de quelques centaines de mille ans. Ils croient la matière éternelle ; ils lui font produire un jour le dragon, la tortue, le dragon-cheval, des oiseaux singuliers, et un homme que les chroniques chinoises appellent Pan-kou ; quand il s’est tâté et reconnu dans le chaos, Pan-kou, qui n’est ni créé ni créateur, se fait un ciseau et un maillet avec quoi il débrouille

 
Origines du monde
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les éléments divers. Les Japonais soutiennent que les dieux dont ils sont descendus ont habité leur pays plusieurs millions d’années avant le règne de Sin-Mu, fondateur de leur monarchie. C’est ainsi que les vieux chroniqueurs français font remonter la généalogie de nos rois plus loin que Noé. Une seule découverte dans ces prétentions explique toutes les autres. Nos chroniqueurs ont mis à la file soixante petits rois qui régnaient ensemble, dans le même temps, chacun en sa ville. Telle est la vérité des dynasties chinoises, égyptiennes et japonaises.

Les Parsis ou Guèbres prétendent que, pour peupler plus promptement le monde nouvellement créé, Dieu permit qu’Ève, notre mère commune, mît au monde chaque jour deux enfants jumeaux ; ils ajoutent que durant mille ans la mort respecta les hommes et leur laissa le temps de se multiplier. Les Lapons, qui ne sont pas très-forts, s’imaginent que le monde existe de toute éternité et qu’il n’aura jamais de fin.

Disons un mot de quelques autres origines.

Les hommes tirent plus de vanité d’une noble souche ou d’une souche singulière que d’un cœur noble et d’un mérite personnel. Les peuples de la Côte-d’Or, en Afrique, croient que le premier homme fut produit par une araignée. Les Athéniens se disaient descendus des fourmis d’une forêt de l’Attique. Parmi les sauvages du Canada, il y a trois familles principales : l’une prétend descendre d’un lièvre, l’autre dit qu’elle descend d’une très-belle et très-courageuse femme qui eut pour mère une carpe, dont l’œuf fut échauffé par les rayons du soleil ; la troisième famille se donne pour premier ancêtre un ours. Les rois des Goths étaient pareillement nés d’un ours. Les Pégusiens sont nés d’un chien. Les Suédois et les Lapons sont issus de deux frères, dont le courage était bien différent, s’il faut en croire les Lapons. Un jour qu’il s’était élevé une tempête horrible, l’un des deux frères (ils se trouvaient ensemble) fut si épouvanté qu’il se glissa sous une planche, que Dieu, par pitié, convertit en maison. De ce poltron sont nés tous les Suédois. L’autre, plus courageux, brava la furie de la tempête, sans chercher même à se cacher : ce brave fut le père des Lapons, qui vivent encore aujourd’hui sans s’abriter.

Les Syriens disent que notre planète n’était pas faite pour être habitée originairement par des gens raisonnables, mais que, parmi les citoyens du ciel, il se trouva deux gourmands, le mari et la femme, qui s’avisèrent de manger une galette. Pressés ensuite d’un besoin qui est la suite de la gourmandise, ils demandèrent à un des principaux domestiques de l’empire où était la garde-robe. Celui-ci leur répondit : Voyez-vous-la terre, ce petit globe qui est à mille millions de lieues de nous ? C’est là. Ils y allèrent, et on les y laissa pour les en punir.

Selon les Indiens, huit éléphants soutiennent le monde ; ils les appellent Achtequedjams.

On peut voir, pour plus de détails, le préambule des Légendes de l’Ancien Testament.

Ornithomancie, divination qu’on tirait de la langue, du vol, du cri et du chant des oiseaux. Voy. Augures.

Orobas, grand prince du sombre empire. On le voit sous la forme d’un beau cheval. Quand il paraît sous la figure d’un homme, il parle de l’essence divine. Consulté, il donne des réponses sur le passé, le présent et l’avenir. Il

 
Orobas
Orobas
 
découvre le mensonge, accorde des dignités et des emplois, réconcilie les ennemis, et a sous ses ordres vingt légions.

Oromasis, salamandre distingué que les cabalistes donnent pour compagnon de Noé dans l’arche.

Oromaze, Ormos, Ormuzd. La mythologie persane dit que le dieu Oromaze fit vingt-quatre dieux, et les mit tous dans un œuf. Ahrimane, son ennemi, en ayant aussi fait un pareil nombre, ceux-ci percèrent l’œuf, et le mal se trouva alors mêlé avec le bien. Voy. Ahrimane.

Oronte. Pausanias raconte qu’un empereur romain, voulant transporter ses troupes depuis la mer jusqu’à Antioche, entreprit de rendre l’Oronte navigable, afin que rien n’arrêtât ses vaisseaux. Ayant donc fait creuser un canal avec beaucoup de peines et de frais, il détourna le fleuve et lui fit changer de lit. Quand le premier canal fut à sec, on y trouva un tombeau de briques long de onze coudées, qui refermait un cadavre de pareille grandeur et de figure humaine dans toutes ses parties. Les Syriens ayant consulté l’oracle d’Apollon, à Claros, pour savoir ce que c’était, il leur fut répondu que c’était Oronte, Indien de nation.

Orphée, époux d’Eurydice, qu’il perdit le jour de ses noces, qu’il pleura si longtemps, et qu’il alla enfin redemander aux enfers. Platon la lui rendit, à condition qu’il ne regarderait point derrière lui jusqu’à ce qu’il fut hors du sombre empire. Orphée ne put résister à son impatience ; il se retourna et perdit Eurydice une seconde fois et sans retour. Il s’enfonça alors dans un désert, jura de ne plus aimer, et chanta ses douleurs d’un ton si touchant qu’il attendrit les bêtes féroces. Les bacchantes furent moins sensibles, car sa tristesse le fit mettre en pièces par ces furieuses. Les anciens voyaient dans Orphée un musicien habile à qui rien ne pouvait résister. Les compilateurs du moyen âge l’ont regardé comme un magicien insigne, et ont attribué aux charmes de la magie les merveilles que la mythologie attribue au charme de sa voix.

Orphée fut le plus grand sorcier et le plus grand nécromancien qui jamais ait vécu, dit Pierre Leloyer. Ses écrits ne sont farcis que des louanges des diables. Il savait les évoquer. Il institua l’ordre des Orphéotélestes, espèce de sorciers, parmi lesquels Bacchus tenait anciennement pareil lieu que le diable tient aujourd’hui aux assemblées du sabbat. Bacchus, qui n’était qu’un diable déguisé, s’y nommait Sabasius : c’est de là que le sabbat a tiré son nom. Après la mort d’Orphée, sa tête rendit des oracles dans l’île de Lesbos. Tzetzès dit qu’Orphée apprit en Égypte la funeste science de la magie, qui y était en grand crédit, et surtout Part de charmer les serpents. Pausanias explique sa descente aux enfers par un voyage en Thesprotie, où l’on évoquait par des enchantements les âmes des morts. L’époux d’Eurydice, trompé par un fantôme qu’on lui fit voir pendant quelques instants, mourut de regret, ou du moins renonça pour jamais à la société des hommes et se retira sur les montagnes de Tbrace. Leclerc prétend qu’Orphée était un grand magicien ; que ses hymnes sont des évocations infernales, et que, si l’on en croit Apollodore et Lucien, c’est lui qui a mis en vogue dans la Grèce la magie, Part de lire dans les astres et l’évocation des mânes.

Orphelinats. Plusieurs fois ces établissements de charité ont été obsédés par les malins esprits. Dans la maison d’orphelines fondée à Lille au milieu du dix-septième siècle par Antoinette Bourignon, la fondatrice crut voir un jour une nuée de petits démons voltigeant autour des têtes de ses jeunes filles. Elle les entoura de surveillance. Un jour, une d’elles s’étant échappée d’une chambre bien close où on l’avait enfermée, on lui demanda qui l’avait mise en liberté ; elle répondit : « J’ai été délivrée par un esprit auquel je me suis vouée dès l’enfance. » Dès lors cinquante orphelines se déclarèrent possédées ; elles disaient qu’elles étaient emportées au sabbat toutes les nuits. On accusa la Bourignon d’avoir enflammé les imaginations de ces pauvres jeunes filles, et là peur qu’elle eut d’être poursuivie l’engagea à s’enfuir.

En 1669, les orphelins de l’hospice de Horn furent pareillement atteints de convulsions et de délire. C’était un pays de protestants, et les démons avaient beau jeu ; car les ministres, qui chez eux remplaçaient nos prêtres, ne pouvaient exorciser. Cependant, ces orphelins hurlaient et aboyaient comme des chiens. Ils se jetaient par terre et se heurtaient à se briser contre des corps durs. Un siècle auparavant, en 1566, la même crise avait eu lieu dans la maison des orphelins d’Amsterdam. Hooft, dans son Histoire des Pays-Bas, rapporte que soixante-dix de ces pauvres enfants étaient évidemment possédés par de mauvais esprits. Ils grimpaient aux murs les plus élevés et couraient sur les toits comme des chats. Si on les fâchait, leurs figures devenaient horribles. Ils parlaient des langues qu’ils n’avaient jamais apprises et racontaient dans leur petite chambre ce qui se passait et ce qui se disait à l’hôtel de ville, au moment même où ils parlaient. C’était donc une épidémie diabolique ; et nous ne saurions dire comment elle fut calmée.

Orphéotelestes, gens qui faisaient le sabbat, c’est-à-dire les mystères d’Orphée.

Or portable, Or artificiel. Voy. Alchimie.

Orr (John). C’était un Américain, en correspondance sans doute avec les esprits. Il prêchait le spiritisme dans les rues, se disant l’ange Gabriel, et par conséquent à l’abri de la mort. Il avait des adeptes qui furent donc bien surpris de le voir mourir comme un homme, au commencement de l’année 1857, à Démérara.

Orthon, lutin ou esprit familier qui s’attacha au comte de Foix. Le bon Froissart en a parlé[409].

Ortie brûlante. Les Islandais, qui appellent cette plante netla, croient qu’elle a une vertu singulière pour écarter les sortilèges. Selon eux, il faut en faire des poignées de verges et en fouetter les sorciers à nu.

Os des morts. Certains habitants de la Mauritanie ne mettent jamais deux corps dans la même sépulture, de peur qu’ils ne s’escamotent mutuellement leurs os au jour de la résurrection.

Othon. Suétone dit que le spectre de Galba poursuivait sans relâche Othon, son meurtrier, le tiraillait hors du lit, l’épouvantait et lui causait mille tourments. C’était peut-être le remords.

Otis ou Botis, grand président des enfers. Il apparaît sous la forme d’une vipère ; quand il prend la figure humaine, il a de grandes dents, deux cornes sur la tête et un glaive à la main ; il répond effrontément sur le présent, le passé et l’avenir. Il a autant d’amis que d’ennemis. Il commande soixante légions[410].

Ouahiche, génie ou démon dont les jongleurs iroquois se prétendent inspirés. C’est lui qui leur révèle les choses futures.

Ouikka, mauvais génie qui, chez les Esquimaux, fait naître les tempêtes et renverse les barques.

Oulon-Toyon, chef des vingt-sept tribus d’esprits malfaisants, que les Yakouts supposent répandus dans l’air et acharnés à leur nuire. Il a une femme et beaucoup d’enfants.

Oupires. Voy. Vampires.

Ouran ou Ouran-Soangue, homme endiablé, sorte de magiciens de l’île Gromboccanore, dans les Indes orientales. Ils ont la réputation de se rendre invisibles quand il leur plaît, et de se transporter où ils veulent. Le peuple les craint et les hait mortellement ; quand on peut en attraper quelqu’un, on le tue sans miséricorde.

Ourisk, lutin du genre des sylvains et des satyres du paganisme.

Ours. Quand les Ostiacks ont tué un ours, ils l’écorchent et mettent sa peau sur un arbre auprès d’une de leurs idoles ; après quoi ils lui rendent leurs hommages, lui font de très-humbles excuses de lui avoir donné la mort et lui représentent que dans le fond ce n’est pas à eux qu’il doit s’en prendre, puisqu’ils n’ont pas forgé le fer qui l’a percé, et que la plume qui a hâté le vol de la flèche appartient à un oiseau étranger. Au Canada, lorsque des chasseurs tuent un ours, un d’eux s’en approche, lui met entre les dents le tuyau de sa pipe, souffle dans le fourneau, et, lui remplissant ainsi de fumée la gueule et le gosier, il conjure l’esprit de cet animal de ne pas s’offenser de sa mort. Mais comme l’esprit ne fait aucune réponse, le chasseur, pour savoir si sa prière est exaucée, coupe le filet qui est sous la langue de l’ours et le garde jusqu’à la fin de la chasse. Alors on fait un grand feu dans toute la bourgade, et toute la troupe y jette ces filets avec cérémonie : s’ils y pétillent et se retirent, comme il doit naturellement arriver, c’est une marque certaine que les esprits des ours sont apaisés ;

 
Ours
Ours
 


autrement on se persuade qu’ils sont irrités et que la chasse ne sera point heureuse l’année d’après, à moins qu’on ne prenne soin de se les réconcilier par des présents et des invocations[411].

Le diable prend quelquefois la forme de cet animal. Il s’est présenté un jour sous cette peau à une Allemande ; il entraînait à sa suite quelques petits, qui n’étaient que des cobolds. L’Allemande se défia et le mit en fuite par le signe de la croix. Un choriste de Cîteaux, s’étant légèrement endormi aux matines, s’éveilla en sursaut et aperçut un ours qui sortait du chœur. Cette vision commença à l’effrayer, quand il vit l’ours reparaître et considérer attentivement tous les novices, comme un officier de police qui fait sa ronde, o. Enfin, le monstre sortit de nouveau en disant : « Ils sont bien éveillés ; je reviendrai tout à l’heure voir s’ils dorment… » Le naïf légendaire ajoute que c’était le diable, qu’on avait envoyé pour contenir les frères dans leur devoir[412].

On croyait autrefois que ceux qui avaient mangé la cervelle d’un ours étaient frappés de vertiges, durant lesquels ils se croyaient transformés en ours et en prenaient les manières.

Ovide. On lui attribue un ouvrage de magie intitulé le Livre de la vieille, que nous ne connaissons pas.

Oxyones, peuples imaginaires de Germanie, qui avaient, dit-on, la tête d’un homme et le reste du corps d’une bête. C’est une fable et une farce. Les faiseurs de caricatures ont souvent pris ce thème, notamment en 1791, pour le général Lafayette, qui était toujours à cheval.

 
Oxyone
Oxyone
 

Oze, grand président des enfers. Il se présente sous la forme d’un léopard ou sous celle d’un homme. Il rend ses adeptes habiles dans les arts libéraux. Il répond sur les choses divines et abstraites, métamorphose l’homme, le rend insensé au point de lui faire croire qu’il est roi ou empereur. Oze porte une couronne ; mais son règne ne dure qu’une heure par jour[413].



P

Pa (Olaùs). Voy. Harppe.

Pacte. Il y a plusieurs manières de faire pacte avec le diable. Les gens qui donnent dans les croyances superstitieuses pensent le faire venir en lisant le Grimoire à l’endroit des évocations, en récitant les formules de conjuration rapportées dans ce dictionnaire, ou bien en saignant une poule noire dans un grand chemin croisé, et l’enterrant avec des paroles magiques. Quand le diable veut bien se montrer, on fait alors le marché, que l’on signe de son sang. Au reste, on dit l’ange des ténèbres accommodant, sauf la condition accoutumée de se donner à lui.

Le comte de Gabalis, qui ôte aux démons leur antique pouvoir, prétend que ces pactes se font avec les gnomes, qui achètent l’âme des hommes pour les trésors qu’ils donnent largement ; en cela, cependant, conseillés par les hôtes du sombre empire.

Un pacte, dit Bergier, est une convention, expresse ou tacite, faite avec le démon, dans l’espérance d’obtenir par son entremise des choses qui passent les forces de la nature. Un pacte peut donc être exprès et formel, ou tacite et équivalent. Il est censé exprès et formel :^lorsque par soi-même on invoque expressément le démon et que l’on demande son secours, soit que l’on voie réellement cet esprit de ténèbres, soit que l’on croie le voir ; 2° quand on l’invoque par le ministère de ceux que l’on croit être en relation et en commerce avec lui ; 3° quand on fait quelque chose dont on attend l’effet de lui. Le pacte est seulement tacite ou équivalent, lorsque l’on se borne à faire une chose de laquelle on espère un effet qu’elle ne peut produire naturellement, ni surnaturellement et par l’opération de Dieu, parce qu’alors on ne peut espérer cet effet que par l’intervention du démon. Ceux, par exemple, qui prétendent guérir les maladies par des paroles doivent comprendre que les paroles n’ont pas naturellement cette vertu. Dieu n’y a pas attaché non plus cette efficacité. Si donc elles produisaient cet effet, ce ne pourrait être que par l’opération de l’esprit infernal. De là, les théologiens concluent que non-seulement toute espèce de magie, mais encore toute espèce de superstition, renferme un pacte au moins tacite ou équivalent avec le démon, puisque aucune pratique superstitieuse ne peut rien produire, à moins qu’il ne s’en mêle. C’est le sentiment de saint Augustin, de saint Thomas et de tous ceux qui ont traité cette matière[414].

Donnons ici une pièce curieuse des grimoires. C’est ce qu’ils appellent le « Sanctum regnum de la Clavicule, ou la véritable manière de faire les pactes ; avec les noms, puissances et talents de tous les grands esprits supérieurs, comme aussi la manière de les faire paraître par la force de la grande appellation du chapitre des pactes de la grande Clavicule, qui les force d’obéir à quelque opération que l’on souhaite ».

« Le véritable sanctum regnum de la grande Clavicule, autrement dit les pacta conventa dœmoniorum, dont on parle depuis si longtemps, sont une chose fort nécessaire à établir ici pour l’intelligence de ceux qui, voulant forcer les esprits, n’ont point la qualité requise pour composer la verge foudroyante et le cercle cabalistique. Ils ne


peuvent venir à bout de forcer aucun esprit de paraître, s’ils n’exécutent de point en point tout ce qui est décrit ci-après touchant la manière de faire des pactes avec quelque esprit que ce puisse être, soit pour avoir des trésors, soit pour découvrir les secrets les plus cachés, soit pour faire travailler un esprit pendant la nuit à son ouvrage, ou pour faire tomber une grêle ou la tempête partout où l’on souhaite ; soit pour se rendre invisible, pour se faire transporter partout où l’on veut, pour ouvrir toutes les serrures, voir tout ce qui se passe dans les maisons et apprendre tous les tours et finesses des bergers ; soit pour acquérir la main de gloire et pour connaître les qualités et les vertus des métaux et des minéraux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; pour faire, en un mot, des choses si merveilleuses, qu’il n’y a aucun homme qui n’en soit dans la dernière surprise. C’est par la grande Clavicule de Salomon que l’on a découvert la véritable manière de faire les pactes ; il s’en est servi lui-même pour acquérir de grandes richesses, et pour connaître les plus impénétrables secrets de la nature.

« Nous commencerons par décrire les noms des principaux esprits avec leur puissance et pouvoir, et ensuite nous expliquerons les pacta dœmoniorum, ou la véritable manière de faire les pactes avec quelque esprit que ce soit. Voici les noms des principaux :

» Lucifer, empereur. — Belzébut, prince. — Astarot, grand-duc.

» Ensuite viennent les esprits supérieurs qui sont subordonnés aux trois nommés ci-devant :

» Lucifuge, premier ministre. — Satanachia, grand général. — Fleurety, lieutenant général. — Nebiros, maréchal de camp. — Agaliarept, grand sénéchal. — Sargatanas, brigadier chef.

» Les six grands esprits que je viens de nommer ci-devant dirigent, par leur pouvoir, toute la puissance infernale qui est donnée aux autres esprits. Ils ont à leur service dix-huit autres esprits qui leur sont subordonnés, savoir :

» Baël, Agarès, Marbas, Pruflas, Aamon, Barbatos, Buer, Gusoyn, Botis, Bathim, Pursan, Abigar, Loray, Valafar, Foray, Ayperos, Naberus, Glassyalabolas.

» Après vous avoir indiqué les noms des dixhuit esprits ci-devant, qui sont inférieurs aux six premiers, il est bon de vous prévenir de ce qui suit, savoir :

» Que Lucifuge commande sur les trois premiers, qui se nomment Baël, Agarès et Marbas ; Satanachia sur Pruflas, Aamon et Barbatos ; Agaliarept sur Buer, Gusoyn et Botis ; Fleurety sur Bathim, Pursan et Abigar ; Sargatanas sur Loray, Valafar et Foray ; Nebiros sur Ayperos, Naberus et Glassyalabolas.

» Et, quoiqu’il y ait encore des millions d’esprits qui sont tous subordonnés à ceux-là, il est très-inutile de les nommer, à cause que l’on ne s’en sert que quand il plaît aux esprits supérieurs de les faire travailler à leur place, parce qu’ils se servent de tous ces esprits inférieurs comme s’ils étaient leurs esclaves. Ainsi, en faisant le pacte avec un des six principaux dont vous avez besoin, il n’importe quel esprit vous serve ; néanmoins demandez toujours à l’esprit avec lequel vous faites votre pacte que ce soit un des trois principaux qui lui sont subordonnées.

» Voici précisément les puissances, sciences, arts et talents des esprits susnommés, afin que celui qui veut faire un pacte puisse trouver dans chacun des talents des six esprits supérieurs ce dont il aura besoin.

» Le premier est le grand Lucifuge Rofocale, premier ministre infernal ; il a la puissance que Lucifer lui a donnée sur toutes les richesses et sur tous les trésors du monde.

» Le second est Satanachia, grand général ; il a la puissance de soumettre toutes les femmes et commande la grande légion des esprits.

» Agaliarept, aussi général, a la puissance de découvrir les secrets les plus cachés dans toutes les cours et dans tous les cabinets du monde ; il dévoile les plus grands mystères ; il commande la seconde légion des esprits.

» Fleurety, lieutenant général, a la puissance de faire tel ouvrage que l’on souhaite pendant la nuit ; il fait aussi tomber la grêle partout où il veut. Il commande un corps très-considérable d’esprits.

» Sargatanas, brigadier, a la puissance de vous rendre invisible, de vous transporter partout, d’ouvrir toutes les serrures, de vous faire voir tout ce qui se passe dans les maisons, de vous apprendre tous les tours et finesses des bergers ; il commande plusieurs brigades d’esprits.

» Nebiros, maréchal de camp et inspecteur général, a la puissance de donner du mal à qui il veut ; il fait trouver la main de gloire, il enseigne toutes les qualités des métaux, des minéraux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; c’est lui qui a aussi l’art de prédire l’avenir, étant un des plus grands nécromanciens de tous les esprits infernaux : il va partout ; il a inspection sur toutes les malices infernales.

» Quand vous voudrez faire votre pacte avec un des principaux esprits que je viens de nommer, l’avant-veille du pacte, vous irez couper, avec un couteau neuf qui n’ait jamais servi, une baguette de noisetier sauvage, qui n’ait jamais porté et qui soit semblable à la verge foudroyante ; vous la couperez positivement au moment où le soleil paraît sur l’horizon. Cela fait, vous vous munirez d’une pierre ématille et de deux cierges bénits, et vous choisirez ensuite pour l’exécution un endroit où personne ne vous incommode. Vous pouvez même faire le pacte dans une chambre écartée ou dans quelque masure de vieux château ruiné, parce que l’esprit a le pouvoir d’y transporter tel trésor qui lui plaît. Vous tracerez un triangle avec votre pierre ématille, et cela seulement la première fois que vous faites le pacte ; ensuite vous placerez les deux cierges bénits à côté ; vous écrirez autour le saint nom de Jésus, afin que les esprits ne vous puissent faire aucun mal. Ensuite vous vous poserez au milieu du triangle, ayant en main la baguette mystérieuse, avec la grande appellation à l’esprit, la demande que vous voulez lui faire, le pacte et le renvoi de l’esprit.

» Vous commencerez à réciter l’appellation suivante avec fermeté.

« Empereur Lucifer, maître de tous les esprits rebelles, je te prie de m’être favorable dans l’appellation que je fais à ton grand ministre Lucifuge Rofocale, ayant envie de faire pacte avec lui. Je te prie aussi, prince Belzébut, de me protéger dans mon entreprise. Comte Astarot, sois-moi propice, et fais que dans cette nuit le grand Lucifuge m’apparaisse sous une forme humaine, sans aucune mauvaise odeur, et qu’il m’accorde, par le moyen du pacte que je vais lui présenter, toutes les richesses dont j’ai besoin. Ô grand Lucifuge ! je te prie de quitter ta demeure, dans quelque partie du monde qu’elle soit, pour venir me parler ; sinon je t’y contraindrai par la force du grand Dieu vivant, de son cher Fils et du Saint-Esprit ; obéis promptement, ou tu vas être éternellement tourmenté par la force des puissantes paroles de la grande Clavicule de Salomon, paroles dont il se servait pour obliger les esprits rebelles à recevoir son pacte. Ainsi, parais au plus tôt, ou je te vais continuellement tourmenter par la force de ces puissantes paroles de la Clavicule : Agipn, tetagram, vaychéon stimulamaton y ezparès tetragrammaton oryoram irion esytion existion eryona onera brasim moym messias solerEmanuelSabaotAdonay, teadoro etinvoco. »

» Vous êtes sûr que, d’abord que vous aurez lu ces puissantes paroles, l’esprit paraîtra et vous dira ce qui suit : « Me voici : que me demandes-tu ? Pourquoi troubles-tu mon repos ? Réponds-moi. — Je te demande pour faire pacte avec toi, et enfin que tu m’enrichisses au plus tôt ; sinon je te tourmenterai par les puissantes paroles de la Clavicule. — Je ne puis t’accorder ta demande qu’à condition que tu te donnes à moi dans vingt ans, pour faire de ton corps et de ton âme ce qu’il me plaira. »

» Alors vous lui jetterez votre pacte, qui doit être écrit de votre propre main sur un petit morceau de parchemin vierge ; il consiste en ce peu de mots auxquels vous mettrez votre signature avec votre véritable sang. « Je promets au grand Lucifuge de le récompenser dans vingt ans de tous les trésors qu’il me donnera. En foi de quoi je me suis signé. »

» L’esprit vous répondra : « Je ne puis accorder ta demande. »

» Alors, pour le forcer à vous obéir, vous relirez la grande interpellation avec les terribles paroles de la Clavicule, jusqu’à ce que l’esprit reparaisse et vous dise ce qui suit : « Pourquoi me tourmentes-tu davantage ? Si tu me laisses en repos, je te donnerai le plus prochain trésor, à condition que tu me consacreras une pièce tous les premiers lundis de chaque mois, et que tu ne m’appelleras qu’un jour de chaque semaine, de dix heures du soir à deux heures après minuit. Ramasse ton pacte, je l’ai signé ; et, si tu ne tiens pas ta parole, tu seras à moi dans vingt ans. —

» J’acquiesce à ta demande, à condition que tu me feras paraître le plus prochain trésor que je pourrai emporter tout de suite. »

» L’esprit dira : « Suis-moi et prends le trésor que je vais te montrer. »

» Vous le suivrez sans vous épouvanter ; vous jetterez votre pacte tout signé sur le trésor, en le touchant avec votre baguette ; vous en prendrez tant que vous pourrez, et vous vous en retournerez dans le triangle en marchant à reculons ; vous y poserez votre trésor devant vous, et vous commencerez tout de suite à lire le renvoi de l’esprit.

» Voici maintenant la conjuration et renvoi de l’esprit avec lequel on a fait pacte :

« Ô grand Lucifuge ! je suis content de toi pour le présent ; je te laisse en repos et te permets de te retirer où bon te semblera, sans faire aucun bruit ni laisser aucune mauvaise odeur. Pense aussi à ton engagement de mon pacte, car, si tu y manques d’un instant, tu peux être sûr que je te tourmenterai éternellement avec les grandes et puissantes paroles de la Clavicule de Salomon, par lequel on force tous les esprits rebelles à obéir…[415] »

Pain (Épreuve du). C’était un pain fait de farine d’orge, bénit ou plutôt maudit par les imprécations d’un prêtre. Les Anglo-Saxons le faisaient manger à un accusé non convaincu, persuadés que s’il était innocent ce pain ne lui ferait point de mal ; que s’il était coupable il ne pourrait l’avaler, ou que s’il l’avalait, il étoufferait. Le juge qui faisait cette cérémonie demandait, par une prière composée exprès, que les mâchoires du criminel restassent roides, que son gosier se rétrécît, qu’il ne pût avaler, qu’il rejetât le pain de sa bouche. C’était une profanation des prières de l’Église[416]. La seule chose qui fût réelle dans cette épreuve, qu’on appelait souvent l’épreuve du pain conjuré, c’est que, de toutes les espèces de pain, le pain d’orge moulue un peu gros est le plus difficile à avaler. Voy. Gorsned, Alphitomancie, etc.

Pain bénit. Du côté de Guingamp en Bretagne, et dans beaucoup d’autres lieux, quand on ne peut découvrir le corps d’un noyé, on met un petit cierge allumé sur un pain que l’on a fait bénir et qu’on abandonne au cours de l’eau ; on trouve le cadavre dans l’endroit où le pain s’arrête[417], et ce qui peut surprendre les curieux, c’est que ce prodige s’est vu très-souvent. Comment l’expliquer ? On a le même usage en Champagne et ailleurs.

Pajot (Marguerite), sorcière qui fut exécutée à Tonnerre en 1576, pour avoir été aux assemblées nocturnes des démons et des sorciers. Elle composait des maléfices et faisait mourir les hommes et les animaux. Elle avait de plus tué un sorcier qui n’avait pas voulu lui prêter un lopin de bois avec lequel il faisait des sortilèges.


Une remarque singulière qu’on avait notée, c’est qu’elle revenait du sabbat toujours toute froide 3[418].


Palingénésie. Ce mot veut dire renaissance. Duchêne dit avoir vu à Cracovie un médecin polonais qui conservait dans des fioles la cendre de plusieurs plantes ; lorsqu’on voulait voir une rose dans ces fioles, il prenait celle où se trouvait la cendre du rosier, et la mettait sur une chandelle allumée : après qu’elle avait un peu senti la chaleur, on commençait à voir remuer la cendre ; puis on remarquait comme une petite nue obscure qui, se divisant en plusieurs parties, venait enfin à représenter une rose si belle, si fraîche et si parfaite, qu’on l’eût jugée palpable et odorante comme celle qui vient du rosier. Cette nouveauté fut poussée plus loin. On assura que les morts pouvaient revivre naturellement, et qu’on avait des moyens de les faire ressusciter en quelque façon. Van der Beken, surtout, a donné ces opinions pour des vérités incontestables ; et dans le système qu’il a composé pour expliquer de si étranges merveilles, il prétend qu’il y a dans le sang des idées séminales, c’est-à-dire des corpuscules qui contiennent en petit tout l’animal. Quelques personnes, dit-il, ont distillé du sang humain nouvellement tiré, et elles y ont vu, au grand étonnement des assistants saisis de frayeur, un spectre humain qui poussait des gémissements. C’est pour ces causes, ajoute-t-il, que Dieu a défendu aux Juifs de manger le sang des animaux, de peur que les esprits ou idées de leurs espèces qui y sont contenues ne produisissent de funestes effets. Ainsi, en conservant les cendres de nos ancêtres, nous pourrons en tirer des fantômes qui nous en représenteront la figure. Quelle consolation, dit le P. Lebrun, que de repasser en revue son père et ses aïeux, sans le secours du démon et par une nécromancie très-permise ! Quelle satisfaction pour les savants que de ressusciter en quelque manière les Romains, les Grecs, les Hébreux et toute l’antiquité ! Rien d’impossible à cela, il suffit d’avoir les cendres de ceux qu’on veut faire paraître. Ce système eut, comme toutes les rêveries, beaucoup de partisans. On prétendait qu’après avoir mis un moineau en cendres et en avoir extrait le sel, on avait obtenu, par une chaleur modérée, le résultat désiré. L’académie royale d’Angleterre essaya, dit-on, cette expérience sur un homme. Je ne sache pas qu’elle ait réussi. Mais cette découverte, qui n’aurait pas dû occuper un seul instant les esprits, ne tomba que quand un grand nombre de tentatives inutiles eurent prouvé que ce n’était non plus qu’une ridicule chimère. Voy. Cendres. La palingénésie philosophique de Bonnet est un système publié au dernier siècle et condamné ; il est plus du ressort des théologiens que du nôtre.

Palmoscopie, augure qui s’appelait aussi patmicum, et qui se tirait de la palpitation des parties du corps de la victime, calculées à la main.

Palud (Madeleine de Mendoz de la), fille d’un gentilhomme de Marseille, et sœur du couvent des Ursulines, qui fut ensorcelée par Gaufridi à l’âge de dix-neuf ans. Voy. Gaufridi. Cette femme, quarante ans après le procès de Gaufridi, vieille et n’ayant qu’un chien pour compagnie, voulut se mêler encore de sorcellerie, elle fut condamnée, par arrêt du parlement de Provence, à la prison perpétuelle, en 1653.

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.

Pamilius. Pamilius de Phères, tué dans un combat, resta dix jours au nombre des morts ; on l’enleva ensuite du champ de bataille pour le porter sur le bûcher ; mais il revint à la vie et conta des histoires surprenantes de ce qu’il avait vu pendant que son corps était resté sans sentiment[419].

Pan, l’un des huit grands dieux ou dieux de la première classe chez les Égyptiens. On le représentait sous les traits d’un homme dans la partie supérieure de son corps, et sous la forme d’un bouc dans la partie inférieure. — Dans les démonographies, c’est le prince des démons incubes. Quelques-uns entendent par le grand Pan le règne des démons, qui fut brisé par la mort de Jésus-Christ sur la croix. Plutarque raconte qu’à cette époque solennelle, Épitherse s’étant embarqué sur un vaisseau avec plusieurs autres pour aller en Italie, le vent leur manqua près de certaines îles de la mer Égée ; que comme la plupart des passagers veillaient et buvaient après souper, l’on entendit tout d’un coup une voix venant de l’une de ces îles, qu’il appelle Paxès, et qui appelait si fort Thamus, pilote égyptien, qu’il n’y eut personne de la compagnie qui n’en fût effrayé. Ce Thamus ne répondit qu’à la troisième fois, lorsque la voix, se renforçant, lui cria que quand il serait arrivé en un certain lieu qu’elle désignait, il annonçât que le grand Pan était mort. On délibéra pour savoir si on obéirait, et la conclusion fut que si le vent n’était pas assez fort pour outre-passer le lieu indiqué, il fallait exécuter l’ordre. C’est pourquoi, le calme les arrêtant, Thamus cria de toute sa force : Le grand Pan est mort. Il n’eut pas plutôt achevé que l’on entendit de tous côtés des plaintes et des gémissements. L’empereur Tibère, informé de l’aventure, envoya quérir Thamus, et assembla à ce sujet les savants. Sur quoi Démétrius, pour confirmer cette pensée de la mort des démons, ajouta une autre histoire : il dit qu’ayant été lui-même envoyé par l’empereur pour reconnaître certaines îles stériles situées vers l’Angleterre, il aborda à une de celles qui sont habitées ; que peu après il s’éleva une tempête effroyable qui fit dire aux insulaires que c’était quelqu’un des démons ou des demi-dieux qui était mort[420].

Pandæmonium, capitale de l’empire infernal, selon Milton.

Panen (Bartholomée), exorciste protestant. Voy. Guillaume.

Paneros. Pline cite une pierre précieuse de ce nom qui rendait les femmes fécondes.

Paniers. Les rabbins racontent une fable assez plaisante sur l’étymologie du mot Ève. Ève, disent-ils, dérive du mot qui signifie causer ; la première femme prit ce nom parce que, lorsque Dieu créa le monde, il tomba du ciel douze paniers remplis de caquets, et qu’elle en ramassa neuf, tandis que son mari n’eut le temps de ramasser que les trois autres.

Panjacartaguel. Ce mot, qui chez les Indiens désigne les cinq dieux, exprimait aussi les cinq éléments qui, engendrés par le Créateur, concoururent à la formation de l’univers. Dieu, disent-ils, tira l’air du néant. L’action de l’air forma le vent. Du choc de l’air et du vent naquit le feu. À sa retraite celui-ci laissa une humidité, d’où l’eau tire son origine. De l’union de ces puissances résulta une écume ; la chaleur du feu en composa une masse qui fut la terre.

Panjangam, almanach des brahmines, où sont marqués les jours heureux et les jours malheureux, et les heures du jour et de la nuit heureuses ou malheureuses.

Pantacles, espèces de talismans magiques. Toute la science de la Clavicule dépend de l’usage des pantacles, qui contiennent les noms ineffables de Dieu. Les pantacles doivent être faits le mercredi, au premier quartier de la lune, à trois heures du matin, dans une chambre aérée, nouvellement blanchie, où l’on habite seul. On y brûle des plantes odoriférantes. On a du

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.


parchemin vierge, sur lequel on décrit trois cercles l’un dans l’autre, avec les trois principales couleurs : or, cinabre et vert ; la plume et les couleurs doivent être exorcisées. On écrit alors les noms sacrés, puis on met le tout dans un drap de soie. On prend un pot de terre, où l’on allume du charbon neuf, de l’encens mâle et du bois d’aloès, le tout exorcisé et purifié ; puis, la face tournée vers l’orient, on parfume encore les pantacles avec les espèces odoriférantes, et on les remet dans le drap de soie consacré pour s’en servir au besoin.

On ne peut faire aucune opération magique pour exorciser les esprits sans avoir ce sceau, qui contient les noms de Dieu. Le pantacle n’est parfait qu’après qu’on a renfermé un triangle dans les cercles ; on lit dans le triangle ces trois mois : formatio, reformatio, transformatio’'. À côté du triangle est le mot agla, qui est très-puissant pour arrêter la malice des esprits.Ilfaut que la peau sur laquelle on applique le sceau soit exorcisée et bénite ; on exorcise aussi l’encre et la plume dont on se sert pour écrire les mots que l’on vient de citer.

Pantarbe, pierre fabuleuse à laquelle quelques docteurs ont attribué la propriété d’attirer l’or, comme l’aimant attire le fer. Philostrate, dans la Vie d’Apollonius, en raconte des merveilles. L’éclat en est si vif, dit-il, qu’elle ramène le jour au milieu de la nuit ; mais, ce qui est le plus étonnant encore, cette lumière est un esprit qui se répand dans la terre et attire insensiblement les pierres précieuses ; plus cette vertu s’étend, plus elle a de force ; et toutes ces pierres dont la pantarbe se fait une ceinture ressemblent à un essaim d’abeilles qui environnent leur roi. De peur qu’un si riche trésor ne devînt trop vil, non— seulement la nature l’a caché dans la terre profonde, mais elle lui a donné la faculté de s’échapper des mains de ceux qui voudraient la prendre sans précaution. On la trouve dans cette partie des Indes où s’engendre l’or. Suivant l’auteur des Amours de Théagène et de Chariclée : elle garantit du feu ceux qui la portent.

Paouaouci, enchantements ou conjurations au moyen desquels les naturels de la Virginie prétendent faire paraître des nuages et tomber de la pluie.

Pape. Les huguenots ont dit que le pape était l’Antéchrist. C’est ainsi que les filous crient au voleur pour détourner l’attention.

Le conte absurde de la papesse Jeanne, inventé par les précurseurs de Luther, est maintenant reconnu si évidemment faux qu’il ne peut nous arrêter un instant[421].

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.

Papillon. L’image matérielle de l’âme la plus généralement adoptée est le papillon. Les artistes anciens donnent à Platon une tête avec des ailes de papillon, parce que c’est le premier philosophe grec qui ait écrit dignement sur l’immortalité de l’âme.

Paracelse (Philippe Bombast, dit), né dans le canton de Zurich en 1493. Il voyagea, vit les médecins de presque toute l’Europe, et conféra avec eux. Il se donnait pour le réformateur de la médecine ; et voulant en arracher le sceptre à Hippocrate et à Galien, il décria leurs principes et leur méthode. On lui doit la découverte de l’opium et du mercure, dont il enseigna l’usage. Paracelse est surtout le héros de ceux qui croient à la pierre philosophale, et qui lui attribuent hautement l’avantage de l’avoir possédée, s’appuyant en cela de sa propre autorité. C’était quelquefois un homme étonnant et un grand charlatan, a Quand il était ivre, dit Wettern, qui a demeuré vingt-sept mois avec lui, il menaçait de faire venir un million de diables, pour montrer quel empire et quelle puissance il avait sur eux ; mais il ne disait pas de si grandes extravagances quand il était à jeun. » Il avait, selon les démonomanes, un démon familier renfermé dans le pommeau de son épée. Il disait que Dieu lui avait révélé le secret de faire de l’or, et il se vantait de pouvoir, soit par le moyen de la pierre philosophale, soit par la vertu de ses remèdes, conserver la vie aux hommes pendant plusieurs siècles. Néanmoins il mourut à quarante — huit ans, en 1541, à Salzbourg.

Les médecins, ses rivaux, n’ont pas peu contribué à le décrier. « Ce fut le diable, dit le docteur Louis de Fontenettes, dans la préface de son Hippocrate dépaysé, qui suscita Paracelse, auteur de la plus damnable hérésie qui ait jamais été tramée contre le corps humain. »

Paramelle. Tout le monde a connu de réputation l’abbé Paramelle, qui découvrait à coup sûr les sources cachées, sans baguette divinatoire. Voici une de ses anecdotes :

Un riche propriétaire du Jura voulut se moquer un peu de la science de l’hydroscope. Il possédait dans son jardin une source abondante ; il la cacha soigneusement aux yeux. « Aurai-je le bonheur de trouver de l’eau sur cette propriété ? » Telle est la question qui fut adressée à l’abbé Paramelle. — Non, répondit-il résolument. — Mais enfin, monsieur l’abbé, voyez, cherchez bien ; il est impossible qu’il n’y ait pas ici quelque source. — Non, vous dis-je, il n’y aura pas de source ici. Le financier rit sous cape ; son hôte n’a pas l’air de s’en apercevoir, et se dirige jusqu’à un champ éloigné de quelques centaines de pas. C’était l’unique richesse d’un pauvre paysan.’ « Seriez-vous bien aise, lui dit l’abbé, de posséder une source dans votre champ ? — Hé ! monsieur l’abbé, répond l’autre, je n’ai pas le moyen de souscrire. — Vous l’aurez gratis. Apportez une pioche. » La pioche vient, la terre est fouillée, et une belle source jaillit à tous les yeux. Le riche propriétaire se prépare enfin à jouir du fruit de son stratagème et de la confusion de l’abbé. Il retourne sur ses pas, accompagné de la foule ; il veut lui montrer la riche fontaine qu’il avait dissimulée. Qui fut surpris ? La source a disparu. L’hydroscope l’avait arrêtée dans sa course au milieu du champ du cultivateur. Notre homme jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

Parchemin vierge. Il est employé dans la magie en plusieurs manières. On appelle parchemin vierge celui qui est fait de peaux de bêtes n’ayant jamais engendré. Pour le faire, on met l’animal qui doit le fournir dans un lieu secret où personne n’habite ; on prend un bâton vierge ou de la séve de l’année ; on le taille en forme de couteau, puis on écorche l’animal avec ce couteau de bois, et avec le sel on sale ladite peau, que l’on met au soleil pendant quinze jours. On prendra alors un pot de terre vernissé, autour duquel on écrira des caractères magiques ; dans ce pot on mettra une grosse pierre de chaux vive avec de l’eau bénite et ladite peau ; on l’y laissera neuf jours entiers. On la tirera enfin, et avec le couteau de bois, on la ratissera pour en ôter le poil ; on la mettra sécher pendant huit jours à l’ombre, après l’avoir aspergée ; on la serrera ensuite dans un drap de soie avec tous les instruments de l’art. Qu’aucune femme ne voie ce parchemin, parce qu’il perdrait sa vertu. C’est sur ce parchemin qu’on écrit ensuite les pantacles, talismans, figures magiques, pactes et autres pièces.

Parfums. On dit que si l’on se parfume avec de la semence de lin et de psellium, ou avec les racines de violette et d’acne, on connaîtra les choses futures, et que, pour chasser les mauvais esprits et fantômes nuisibles, il faut faire un parfum avec calament, pivoine, menthe et palmachristi. On peut assembler les serpents par le parfum des os de l’extrémité du gosier de cerf, et, au contraire, on les peut chasser et mettre en fuite si on allume la corne du même cerf. La corne du pied droit d’un cheval ou d’une mule, allumée dans une maison, chasse les souris, et celle du pied gauche les mouches. Si on fait un parfum avec du fiel de seiche, du thymiamas, des roses et du bois d’aloès, et qu’on jette sur ce parfum allumé de l’eau ou du sang, la maison semblera pleine d’eau ou de sang, et si on jette dessus de la terre labourée, il semblera que le sol tremble[422].

Paris. Une prédiction avait annoncé que Paris serait détruit par une pluie de feu le 6 janvier 1840. Mais la catastrophe a été remise au cinquième mois de l’année 1900.

Parker (Guillaume). Voy. Buckingham.

Parkes (Thomas), Anglais qui, en voulant se mettre en relation avec les esprits, se vit poursuivi de visions épouvantables.

Parlements. Le clergé n’a jamais demandé la mort des sorciers. Ce sont les parlements qui les ont toujours poursuivis avec chaleur. À la fin du dix-septième siècle, le clergé réclamait contre l’exécution de plusieurs sorcières convaincues d’avoir fait le sabbat avec maître Verdelet ; le parlement de Rouen pria très-humblement le roi de permettre qu’on brûlât incontinent toutes les sorcières. On citerait mille exemples pareils.

Paroles magiques. On peut charmer les dés ou les cartes de manière à gagner continuellement au jeu, en les bénissant en même temps que l’on récite ces paroles : Contra me ad incarte cla, a filii a Eniol, Lieber, Braya, Braguesca. On n’est point mordu des puces si l’on dit en se couchant : Och, och. On fait tomber les verrues des mains en les saluant d’un bonsoir le matin et d’un bonjour le soir. On fait filer le diable avec ces mots : Per ipsum, et cum ipso, et in ipso. Qu’on dise : Sista, pista, rista, xista, pour n’avoir plus mal à la cuisse. Qu’on prononce trois fois : Onasages, pour guérir le mal de dents. On prévient les suites funestes de la morsure des chiens enragés en disant : Hax, pax, max. Voy. Beurre, Charmes, Sabbat, Éléazar, Ananisapta, Amulettes, etc.

Parque (Marie de la), compagne au sabbat de Domingina Maletena. Voy. ce mot.

Parques, divinités que les anciens croyaient présider à la vie et à la mort ; maîtresses du sort des hommes, elles en réglaient les destinées. La vie était un fil qu’elles filaient : l’une tenait la quenouille, l’autre le fuseau, la troisième, avec ses grands ciseaux, coupait le fil. On les nomme Clotho, Lachésis et Atropos. On les fait naître de la Nuit, sans le secours d’aucun dieu. Orphée, dans l’hymne qu’il leur adresse, les appelle les fille de l’Érèbe.

Parris, famille protestante établie à Salem, dans la Nouvelle-Angleterre. Plusieurs jeunes filles de cette famille, dont le père était ministre, furent obsédées en 1692, et tombèrent dans un état extraordinaire. Elles se glissaient dans des trous, sous les bancs, sous les meubles, et faisaient des contorsions étranges. En ce même temps une jeune fille d’un nommé Goodwin, dans la même ville, avait des hallucinations, voyait à tout moment un cheval devant elle, se mettait à califourchon sur une chaise et prenait le galop. On crut que ces jeunes filles étaient ensorcelées, d’autant plus qu’elles accusaient certaines femmes de les avoir maléficiées. On mit ces femmes en prison, et les obsédées respirèrent. Tout cela est un peu obscur ; mais ce qui est clair, c’est que l’esprit malin était là pour quelque chose.

Parthénomancie, divination ridicule pour connaître la présence ou l’absence de la virginité. On mesurait le cou d’une fille avec un fil, et en répétant l’épreuve avec le même fil, on tirait mauvais présage du grossissement du cou.

Pasétès, magicien qui achetait les choses sans les marchander ; mais l’argent qu’il avait donné n’enrichissait que les yeux, car il retournait toujours dans sa bourse. Voy. Pistole volante.

Passalorynchithes, hérétiques des premiers siècles, ainsi nommés de deux mots grecs qui veulent dire pieu dans le nez. Ils croyaient qu’on ne pouvaient prier convenablement qu’en se mettant deux doigts, comme deux pieux, dans les deux narines.

Patala, nom de l’enfer des Indiens.

Patiniac, superstition particulière aux Indiens des îles Philippines. C’est un sortilège qu’ils prétendent attacher au fruit d’une femme, dont l’effet est de prolonger les douleurs de l’enfantement et même de l’empêcher. Pour lever le charme, le mari ferme bien la porte de sa case, fait un grand feu tout à l’entour, quitte le peu de vêtements dont il est ordinairement couvert, prend une lance ou un sabre, et s’en escrime avec fureur contre les esprits invisibles jusqu’à ce que sa femme soit délivrée.

Patris (Pierre), poëte, né à Caen en 1583.

Il fut premier maréchal des logis de Gaston de France, duc d’Orléans. L’esprit de plaisanterie lui valut sa fortune et la confiance dont il jouissait auprès du prince. Il mourut à Paris en 1671. On raconte qu’étant au château d’Egmond, dans une chambre où un esprit venait de se montrer, il ouvrit la porte de cette chambre, qui donnait sur une longue galerie, au bout de laquelle se trouvait une grande chaise de bois si pesante que deux hommes avaient peine à la soulever. Il vit cette chaise matérielle se remuer, quitter sa place et venir à lui comme soutenue en l’air. Il s’écria : — Monsieur le diable, les intérêts de Dieu à part, je suis bien votre serviteur ; mais je vous prie de ne pas me faire peur davantage.

La chaise s’en retourna à sa place comme elle était venue. Cette vision, dit-on, fit une forte impression sur l’esprit de Patris, et ne contribua pas peu à le faire rentrer dans son devoir.

Patroüs. Jupiter avait, sous le nom de Patroüs, à Argos, une statue de bois, qui le représentait avec trois yeux, pour marquer qu’il voyait ce qui se passait dans le ciel, sur la terre et dans les enfers. Les Argiens disaient que c’était le Jupiter Patroüs qui était dans le palais de Priam, et que ce fut au pied de son autel que ce prince fut tué par Pyrrhus.

Pauana. C’est le nom qu’on donnait en Flandre à la danse infernale, violente, déhanchée, excentrique, que dansaient les sorcières au sabbat.

Paul (Arnold), paysan de Médroïga, village de Hongrie, qui fut écrasé par la chute d’un chariot chargé de foin, vers l’an 1728. Trente jours après sa mort, quatre personnes moururent subitement et de la même manière que meurent ceux qui sont molestés des vampires. On se ressouvint alors qu’Arnold avait souvent raconté qu’aux environs de Gassova, sur les frontières de la Turquie, il avait été tourmenté longtemps par un vampire turc ; mais que, sachant que ceux qui étaient victimes d’un vampire le devenaient après leur mort, il avait trouvé le moyen de se guérir en mangeant de la terre du tombeau du défunt et en se frottant de son sang. On présuma que si ce remède avait guéri Arnold (Paul), il ne l’avait pas empêché de devenir vampire à son tour ; eh conséquence on le déterra pour s’en assurer, et, quoiqu’il fût inhumé depuis quarante jours, on lui trouva, le corps vermeil ; on s’aperçut que ses cheveux, ses ongles, sa barbe, s’étaient renouvelés, et que ses veines étaient remplies d’un sang fluide. Le bailli du lieu, en présence de qui se fit l’exhumation, et qui était un homme expert, ordonna d’enfoncer dans le cœur de ce cadavre un pieu fort aigu et de le percer de part en part ; ce qui fut exécuté sur-le-champ. Le corps du vampire jeta un cri et fit des mouvements ; après quoi on lui coupa la tête et on le brûla dans un grand bûcher. On fit subir ensuite le même traitement aux quatre morts qu’Arnold (Paul) avait tués, de peur qu’ils ne devinssent vampires à leur tour, et il y eut un peu de calme. Voy. Vampires.

Paul (Saint). Voy. Art de saint Paul.

Paule. Il y avait au couvent des cordeliers de Toulouse un caveau qui servait de catacombes ; les morts s’y conservaient. Dans ce caveau était enterrée, depuis la fin du seizième siècle, une femme célèbre dans le pays, sous le nom de la belle Paule. Il était d’usage de visiter son tombeau le jour anniversaire de sa mort. Un jeune cordelier, la tête un peu échauffée, s’était un jour engagé à descendre dans ces catacombes sans lumière et sans témoin, et à enfoncer un clou dans le cercueil de Paule. Il y descendit en effet ; mais il attacha par mégarde au cercueil un pan de sa robe. Lorsqu’il voulut remonter, il se crut retenu par la défunte ; ce qui lui causa une telle frayeur qu’il tomba mort sur la place.

Pausanias. Quelques écrivains ont prétendu que les Lacédémoniens n’avaient point de sorciers, parce que, quand ils voulurent apaiser les mânes de Pausanias, qu’on avait laissé mourir de faim dans un temple, et qui s’était montré depuis à certaines personnes, on fut obligé de faire venir des sorciers d’Italie pour chasser le spectre du défunt. Mais ce trait ne prouve rien, sinon que les sorciers de Lacédémone n’étaient pas aussi habiles que ceux de l’Italie.

Pavanis (Les). C’est le nom qu’on donne aux magiciens et devins dans l’isthme de Dari.

Paymon, l’un des rois de l’enfer. S’il se montre aux exorcistes, c’est sous la forme d’un homme à cheval sur un dromadaire, couronné d’un diadème étincelant cle pierreries, avec un visage de femme. Deux cents légions, partie de


l’ordre des Anges, partie de l’ordre des Puissances, lui obéissent. Si Paymon est évoqué par quelque sacrifice ou libation, il paraît accompagné des deux grands princes Bébal et Abalam[423].

Péanite, pierre fabuleuse, que les anciens croyaient douée du privilège de faciliter les accouchements.

Peau. Pour guérir les taches de la peau et les verrues, il suffit, selon certaines croyances populaires, de toucher un cadavre ou de se frotter les mains au clair de la lune. Voy. Verrues[424].

Péché, chemin de l’enfer.

Péché originel. « Un enfant, dites-vous, ne peut naître responsable de la faute d’un père. En êtes-vous bien sûr ? Au sein de l’humanité un sentiment universel se manifeste ; la vie de tous les peuples exprime par les faits les plus significatifs l’existence d’une loi terrible et mystérieuse, de la loi d’hérédité et de solidarité pour le crime et la peine entre les hommes. Interrogez les nations qui furent les plus voisines des traditions primitives. En Chine, le fils est puni pour le père ; une famille et même une ville entière répondent pour le crime d’un seul. Dans l’Inde, les parents, l’instituteur, l’ami du coupable, doivent être punis. Tout l’Orient jugeait ainsi. Il en est de même encore parmi les peuplades sauvages. De là aussi ces chants lugubres des poètes qui, voyant Rome désolée par les guerres civiles, en donnent instinctivement pour raison qu’elle expiait les parjures de Laomédon, les parjures des Troyens, le parricide de Romulus, c’est-à-dire les crimes commis par ses aïeux.

» Alexandre meurt au milieu de ses plus belles années ; après lui de sanglantes divisions se déclarent}} ; des maux sans nombre accablent les parents du conquérant ; les historiens païens attribuent sans hésiter tous ces malheurs à la vengeance divine, qui punissait les impiétés et les parjures du père d’Alexandre sur sa famille. Thésée, dans Euripide, troublé de l’attentat dont il croit son fils coupable, s’écrie : « Quel est donc celui de nos pères qui a commis un crime digne de m’attirer un tel opprobre ? » J’omets à dessein une foule d’autres monuments, et je m’abstiens même de citer les livres de l’Ancien Testament, fort explicites sur ce point. Mais parmi ces témoignages et ces faits, une loi est écrite évidemment ; elle est écrite en caractères de sang dans les annales de tous les peuples : c’est la loi de l’hérédité du crime et de la peine. Un sentiment profond et universel la proclame. Ce cri des peuples ne saurait être ni la fausseté ni l’injustice[425]. »

Pédasiens. Chez les Pédasiens, peuples de Carie, toutes les fois qu’eux ou leurs voisins étaient menacés de quelque malheur, une longue barbe poussait à la prêtresse de Minerve. Hérodote remarque que ce prodige arriva trois fois.

Pédegache. Voy. Yeux.

Pégomancie, divination par les sources. Elle se pratiquait soit en y jetant un certain nombre de pierres dont on observait les divers mouvements, soit en y plongeant des vases de verre, et en examinant les efforts que faisait l’eau pour y entrer et chasser l’air qui les remplissait. La plus célèbre des pégomancies est la divination par le sort des dés, qui se pratiquait à la fontaine d’Abano, près de Padoue ; on jetait les dés dans l’eau pour voir s’ils surnageaient ou s’ils s’enfonçaient, et quels numéros ils donnaient ; sur quoi un devin expliquait l’avenir.

Pégu. Kiak-Kiak, dieu des dieux, ou plutôt démon des démons, idole principale du Pégu, est représenté sous une figure humaine, qui a vingt aunes de longueur, couchée dans l’attitude d’un homme endormi. Cette idole est placée dans un temple magnifique, dont les portes et les fenêtres sont toujours ouvertes et dont l’entrée est permise à tout le monde.

Peigne. Trouver un peigne, présage de bonheur.

Pendus. On sait qu’on gagne à tous les jeux, quand on a dans sa poche de la corde de pendu. — Un soldat de belle corpulence ayant été pendu, quelques jeunes chirurgiens demandèrent la permission d anatomiser son corps. On la leur accorda, et ils allèrent, à dix heures du soir, prier le bourreau de le leur remettre. Le bourreau était déjà couché ; il leur répondit qu’il ne se souciait pas de se lever, et qu’ils pouvaient aller eux-mêmes dépendre le mort. Pendant qu’ils s’y décidaient, le plus éveillé d’entre eux se détacha sans être remarqué, courut devant, se mit en chemise et se cacha sous son manteau au pied de la potence en attendant les autres. Quand ils furent arrivés, le plus hardi de la bande monta à l’échelle et se mit à couper la corde pour faire tomber le corps ; mais aussitôt le camarade caché se montra et dit :« Qui êtes-vous ? et pourquoi venez-vous enlever mon corps ? » À ces mots, et à la vue du fantôme blanc qui gardait la potence, les jeunes gens prennent la fuite épouvantés ; celui qui était sur l’échelle saute à bas sans compter les échelons, pensant que l’esprit du pendu le tenait déjà. « Et ne furent ces pauvres chirurgiens de longtemps rassurés[426]. »

On lisait dernièrement ce qui suit dans le Moniteur du Calvados : — « Voici un déplorable exemple d’aberration causée par la ridicule croyance aux erreurs et aux préjugés populaires, malheureusement enracinés encore profondément dans l’esprit de nos populations des campagnes. Un maçon, honnête ouvrier d’une petite commune du département de l’Orne, arrivait à grand’peine, à l’aide d’un travail opiniâtre, à nourrir sa nombreuse famille ; aussi la tête troublée par les superstitions et la lecture du Petit-Albert, résolut-il de se sacrifier pour le bonheur des siens. Il se pendit, en laissant un billet ainsi conçu : « Adieu, ma femme et mes enfants ! Comme je n’ai pas de fortune à vous donner, je veux vous laisser de quoi réussir dans tout ce que vous entreprendrez : Partagez-vous ma corde. »

Pénitence. Le Kari-Chang est le temps de pénitence des idolâtres de l’île Formose ; et chez les peuples que les ténèbres couvrent encore, les pénitences sont bien autrement dures que chez les chrétiens. Le Kari-Chang les oblige à vingt-sept articles qu’ils doivent observer exactement, sous peine d’être sévèrement châtiés. Entre autres choses, il leur est défendu, pendant ce temps, de construire des huttes, de se marier, de vendre des peaux, de semer, de forger des armes, de faire rien de neuf, de tuer des cochons, de nommer un enfant nouveau-né, etc.

Les Formosans prétendent que ces lois leur ont été imposées par un de leurs compatriotes, qui, se voyant exposé au mépris, parce qu’il était difforme et hideux, conjura les dieux de l’admettre dans le ciel, la première fois qu’il recevrait quelque insulte. Ses vœux furent entendus. Ce Formosan, qui avait à peine figure d’homme, devint donc un dieu, et, comme il était laid, un dieu redoutable. Il ne tarda pas à se venger des railleries de ses compatriotes : il descendit dans l’île de Formose et leur apporta les vingt-sept articles du Kari-Chang, leur faisant les plus têrribles menaces, s’ils en négligeaient un seul.

Penote. Un alchimiste, réduit à l’hôpital (c’était Penote), avait coutume de dire qu’il ne souhaitait rien à ses plus mortels ennemis qu’un peu de goût pour l’alchimie.

Penteman. Le peintre Penteman, né à Rotterdam, vers l’an 1650, fut chargé de représenter dans un tableau des têtes de morts et plusieurs autres objets capables d’inspirer du mépris pour les amusements et les vanités du siècle. Afin d’avoir sous les yeux des modèles, il entra dans un cabinet d’anatomie, qui devait lui servir d’atelier. En dessinant les tristes objets qui l’entouraient, l’artiste s’assoupit malgré lui et céda bientôt aux charmes du sommeil. Il en goûtait à peine les douceurs, qu’il fut réveillé par un bruit extraordinaire. Quelle dut être sa frayeur, en voyant remuer les têtes des squelettes qui l’environnaient, et en apercevant les corps suspendus au plancher s’agiter et se heurter avec violence ! Saisi d’effroi, Penteman sort de ce lieu terrible, se précipite du haut de l’escalier et tombe dans la rue à demi mort. Lorsqu’il eut repris connaissance, il fut facile de s’assurer que le spectacle dont il venait d’être épouvanté n’était que trop naturel, puisqu’il avait été occasionné par un tremblement de terre. Mais la terreur avait tellement glacé son sang qu’il mourut peu de jours après.

Pératoscopie, divination par l’inspection des phénomènes et choses extraordinaires qui apparaissent dans les airs.

Perdrix. On dit qu’un malade ne peut mourir lorsqu’il est couché sur un lit de plumes d’ailes de perdrix[427] >.

Pérez (Juan). Voy. Inquisition.

Périclès, général athénien qui, se défiant de l’issue d’une bataille, pour rassurer les siens, fit entrer dans un bois consacré à Pluton un homme d’une taille haute, chaussé de longs brodequins, ayant les cheveux épars, vêtu de pourpre, et assis sur un char traîné par quatre chevaux blancs ; il parut au moment de la bataille, appela Périclès par son nom, et lui commanda de combattre, l’assurant que les dieux donnaient la victoire aux Athéniens. Cette voix fut entendue des ennemis, comme venant de Pluton, et ils en eurent une telle peur qu’ils s’enfuirent sans tirer l’épée.

Péris, génies femelles des Persans, d’une beauté extraordinaire ; elles sont bienfaisantes, habitent le Ginnistan, se nourrissent d’odeurs exquises, et ressemblent un peu à nos fées. Elles ont pour ennemis les dives. Voy. Dives.

Périthe, pierre jaune qui avait, dit-on, la vertu de guérir la goutte et qui brûlait la main quand on la serrait fortement.

Péroun, génie ou dieu du tonnerre chez les anciens Slaves ; il était très-redouté ; et son culte avait lieu encore au sixième siècle.

Perrier, démon invoqué comme prince des principautés, dans les litanies du sabbat.

Persil (Maître). Voy. Verdelet.

Perteman. Une jeune fille de la commune d’Uccle (près de Bruxelles) avait dit à plusieurs personnes qu’elle était ensorcelée ; que la nuit des spectres et des revenants, vêtus de longues robes jaunes, se présentaient devant son lit et venaient lui causer de grandes frayeurs, au point que sa santé en était altérée. Les frères de cette jeune fille, croyant que leur sœur était réellement ensorcelée, eurent recours à un individu de la commune surnommé le perteman (le joueur de mauvais tours), qui avait la réputation de posséder le moyen de conjurer les spectres et les esprits malins. Cet homme s’attendait probablement, et pour cause, à être consulté par les parents de la jeune fille ; il se mit donc en devoir d’employer, moyennant salaire, bien entendu, ses talents surnaturels, comme il les appelait, pour combattre les œuvres des nombreuses sorcières dont il prétendait que la jeune fille était la victime. Presque tous les soirs il se rendait, muni d’un gros livre, au domicile de la fille, y allumait des chandelles et restait souvent là toute la nuit ; cependant le revenant reparaissait toujours lorsque l’exorciseur ne venait pas ; enfin, le perteman vint annoncer qu’il était parvenu à reconnaître la cause du malheur et le remède à employer ; ce remède était une somme de 15 fr. à répartir entre les trente sorcières qui assiégeaient la malheureuse jeune fille ; on les calmait donc à raison de 50 centimes par tête.

Le frère de cette infortunée, ne possédant pas la somme de quinze francs, alla consulter le bourgmestre, et l’on conçoit qu’il n’en fallut pas davantage pour mettre un terme aux manœuvres du sorcier. L’autorité communale envoya, le soir même où le perteman devait venir opérer le désenchantement définitif, deux gardes forestiers chargés de vérifier ce qui se passait ; ceux-ci trouvèrent le perteman dans la maison. Il s’occupait à feuilleter son gros volume, à jeter de l’eau bénite et à marmotter certaines paroles ; vers minuit, ils virent approcher de la maison une femme habillée de jaune, qui alla écouter à la porte ; un instant après, le perteman sortit, disposé à lier conversation avec le revenant ; il aperçut alors les gardes, prit la fuite, ainsi que la femme, et dans son trouble il laissa tomber son volume mystérieux qui, vérification faite, fut trouvé être un ouvrage de Mirabeau, intitulé De la monarchie prussienne sous Frédéric le Grand. Le perteman fut arrêté, et depuis le revenant n’a plus été vu ni par la jeune fille ni par personne. Ce fait s’est passé il y a moins de trente ans.

Pertinax. Trois ou quatre jours avant que l’empereur Pertinax fût massacré par les soldats de sa garde, on conte qu’il vit dans un étang je ne sais quelle figure qui le menaçait l’épée au poing.

Peste. Les rois de Hongrie se vantaient de guérir la jaunisse, comme les rois de France guérissaient les écrouelles, et comme ceux de Bourgogne dissipaient la peste.

Dans le pays de Reuss, on attribue les pestes et les diverses épidémies à une grande diablesse maigre, et remarquable par ses grands cheveux noirs et sordides. Elle parcourt les airs sur un chariot noir et marche, suivie de nombreuses filles de l’enfer, qui répandent partout des germes de mort.

Pet. Qui pète en mangeant voit le diable en mourant. Axiome populaire, répandu pour enseigner la bienséance aux enfants dans les contrées où l’on mange beaucoup de choux et de navets.

Petchimancie, divination par les brosses ou vergettes. Quand un habit ne peut pas se vergeter, c’est un signe qu’il y aura de la pluie.

Petit monde. On appelait petit monde une société secrète qui conspirait en Angleterre au dernier siècle pour le rétablissement des Stuarts. On débitait beaucoup de contes sur cette société : par exemple, on disait que le diable en personne, assis dans un grand fauteuil, présidait aux assemblées. C’étaient des francs-maçons.

Petit-Pierre. Les contes populaires de l’Allemagne donnent ce nom au démon qui achète les âmes et avec qui on fait pacte. Il vient au lit de mort, sous la forme d’un nain, chercher ceux qu’il a achetés.

Petpayatons. Les Siamois appellent ainsi les mauvais esprits répandus dans l’air. S’ils préparent une médecine, ils attachent au vase plusieurs papiers, où sont écrites des paroles mystérieuses pour empêcher que les Petpayatons n’emportent la vertu du remède.

Pétrobusiens, disciples de Pierre de Bruys, hérétique du Dauphiné, contemporain de la première croisade. Ils reconnaissent deux créateurs :Dieu et le diable. Ils disaient que les prières sont aussi bonnes dans un cabaret que dans une église, dans une étable que sur un autel ; en conséquence, ils détruisaient les édifices sacrés et brûlaient les croix et les images.

Pettimancie, divination par le jet des dés. Voy. Astragalomancie et Cubomancie.

Peucer (Gaspard) / médecin, né à Bautzen en 1525. Il était gendre de Mélanchthon et comme lui séparé de l’Église. Il a laissé un livre sur les divinations : De prœcipuis divinationum generibus, traduit en français par Simon Goulard. Anvers, 1584.

Peucer (Gaspard).


Peuplier. Les anciens regardaient le peuplier comme un arbre dédié aux enfers et aux démons.

Peur. On prétend que pour se préserver de la peur il faut porter sur soi une épingle qui ait été fichée dans le linceul d’un mort.

Un officier logé en chambre garnie, et sur le point de rejoindre son régiment, était encore dans son lit au petit point du jour, lorsqu’un menuisier, porteur d’un cercueil pour un homme qui venait de mourir dans la pièce voisine, entra, croyant ouvrir la porte de la chambre du mort. « Voilà, dit-il, une bonne redingote pour l’hiver. » L’officier ne douta pas qu’on ne vînt pour le voler. Aussitôt il saute à bas du lit et s’élance contre le prétendu voleur… Le menuisier, voyant quelque chose de blanc, laisse tomber son cercueil, et s’enfuit à toutes jambes, criant que le mort était à ses trousses… On dit qu’il en fut malade.

Un marchand de la rue Saint-Victor, à Paris, donnant un grand souper, la servante de la maison fut obligée de descendre à la cave à dix heures du soir. Elle était peureuse ; elle ne fut pas plutôt descendue, qu’elle remonta tout épouvantée, en criant qu’il y avait un fantôme entre deux tonneaux !… L’effroi se répandit dans la maison, les domestiques les plus hardis descendirent à la cave, les maîtres suivirent, et l’on reconnut que le spectre était un mort qui y avait glissé de la charrette de l’Hôtel-Dieu, et était tombé dans la cave par le soupirail.

Un provincial venu à Paris dans le temps du carnaval fit la partie, comme tant d’autres idiots, d’aller au bal masqué avec un de ses amis, et il se déguisa en diable ; c’était très-ingénieux. Les deux amis se retirèrent avant le jour. Comme le carrosse qui les remmenait passait dans le quartier où logeait le provincial, il fut le premier qui descendit, et son ami le laissa devant sa porte, où il frappa vivement, parce qu’il faisait grand froid. Il fut obligé de redoubler les coups avant de pouvoir éveiller une vieille servante de son auberge, qui vint enfin à moitié endormie lui ouvrir, mais qui, dès qu’elle le vit, referma sa porte au plus vite et s’enfuit en criant. Le provincial ne pensait pas à son costume ; et, ne sachant ce que pouvait avoir la servante, il se remit à frapper ; mais inutilement, personne ne revint. Mourant de froid, il prit le parti de chercher gîte ailleurs. En marchant le long de la rue, il aperçut de la lumière dans une maison ; pour comble de bonheur, la porte n’était pas fermée tout à fait. Il vit en entrant un cercueil avec des cierges autour, et un bon homme qui, en gardant le mort, s’était endormi auprès d’un bon brasier. Le provincial, sans faire de bruit, s’approcha le plus qu’il put du brasier, s’y installa et s’endormit aussi fort tranquillement sur un siège. Cependant le gardien s’éveilla ; voyant la figure qui lui faisait compagnie, avec ses cornes et le reste, il ne douta pas que ce ne fût le diable qui venait prendre le mort. Il poussa des cris si épouvantables que le provincial, s’éveillant en sursaut, fut tout effrayé, croyant de son côté voir le défunt à ses trousses. Quand il fut revenu de sa frayeur, il fit réflexion sur son habillement et comprit que c’était ce qui avait causé ses embarras. Comme le jour commençait à paraître, il alla changer de mise dans une friperie et retourna à son auberge, où il n’eut pas de peine cette fois à se faire ouvrir la porte. Il apprit en entrant que la servante était malade, et que c’était une visite que le diable lui avait rendue qui causait son mal. Il n’eut garde de dire que lui-même était le diable. Il sut ensuite que l’on publiait dans le quartier que le diable était venu pour enlever un voisin. La servante attestait la chose ; et ce qui y donnait le plus de vraisemblance, c’est que le pauvre défunt avait été usurier. Voy. Apparitions, Revenants, Fannius, Visions, etc.

Phara-IldisPhara-Ildis, ou simplement Phara, bonne et bienfaisante fée en Norvège.

Pharmacie, divination employée par les magiciens et enchanteurs, lesquels devinent, à l’aide du commerce qu’ils ont avec les démons, qu’ils évoquent pour cela au moyen de fumigations faites sur un réchaud.

Phénix, grand marquis des enfers. Il paraît sous la forme d’un phénix avec la voix d’un enfant ; avant de se montrer à l’exorciste, il rend des sons mélodieux, il faut au contraire se boucher les oreilles quand on lui commande de prendre la forme humaine. Il répond sur toutes les sciences. C’est un bon poëte, qui satisfait en vers à toutes les demandes. Après mille ans, il espère retourner au septième ordre des Trônes. Vingt légions lui obéissent[428].

Phénix. Il y a, dit Hérodote, un oiseau sacré qu’on appelle phénix. Je ne l’ai jamais vu qu’en peinture. Il est grand comme un aigle ; son plumage est doré et entremêlé de rouge. Il se nourrit d’aromates et vient tous les cinq cents ans en Égypte, chargé du cadavre de son père enveloppé de myrrhe, qu’il enterre dans le temple du Soleil. Solin dit que le phénix naît en Arabie ; que sa gorge est entourée d’aigrettes, son cou brillant comme l’or, son corps pourpre, sa queue mêlée d’azur et de rose ; qu’il vit cinq cent quarante ans. Certains historiens lui ont donné jusqu’à douze mille neuf cent cinquante-quatre ans de vie.

Saint Clément le Romain rapporte qu’on croit que le phénix naît en Arabie, qu’il est unique dans son espèce, qu’il vit cinq ans ; que, lorsqu’il est près de mourir, il se fait, avec de l’encens, de la myrrhe et d’autres aromates, un cercueil où il entre à temps marqué, et il y meurt ; que sa chair corrompue produit un ver qui se nourrit de l’humeur de l’animal mort et se revêt de plumes ; qu’ensuite, devenu plus fort, il prend le cercueil de son père et le porte en Égypte, sur l’autel du Soleil, à Héliopolis.

Outre que tous ceux qui parlent de cet oiseau mystérieux ne l’ont point vu et n’en parlent que par ouï-dire, qui peut être sûr qu’il a vécu cinq cents ans ? qui peut assurer qu’il soit seul de son espèce ?

Le P. Martini rapporte, dans son Histoire de la Chine, qu’au commencement du règne de l’empereur Xao-Hao IV, on vit paraître l’oiseau du soleil, dont les Chinois regardent l’arrivée comme un heureux présage pour le royaume. Sa forme, dit-il, le ferait prendre pour un aigle, sans la beauté et la variété de son plumage. Il ajoute que sa rareté lui fait croire que cet oiseau est le même que le phénix[429].

Phénomènes. Une négresse de Carthagène, dans le nouveau royaume de Grenade, mit au monde un enfant tel qu’on n’en a jamais vu ; c’était une fille qui naquit en 1738 et vécut environ six mois. Elle était tachetée de blanc et de noir, depuis le sommet de la tête jusqu’aux pieds, avec tant de symétrie et de variété qu’il semblait que ce fût l’ouvrage du compas et du pinceau. Sa tête était couverte de cheveux noirs bouclés, d’entre lesquels s’élevait une pyramide de poil crépu, qui du sommet de la tête descendait, en élargissant ses deux lignes latérales, jusqu’au milieu des sourcils, avec tant de régularité dans la division des couleurs que les deux moitiés des sourcils qui servaient de base aux deux angles de la pyramide étaient d’un poil blanc et bouclé, au lieu que les deux autres moitiés, du côté des oreilles, étaient d’un poil noir et crépu. Pour relever encore l’espace blanc que formait la pyramide dans le milieu du front, la nature y avait placé une tache noire qui dominait le reste du visage. Une autre pyramide blanche, s’appuyant sur la partie inférieure du cou, s’élevait avec proportion, et, partageant le menton, venait aboutir au-dessus de la lèvre inférieure. Depuis l’extrémité des doigts jusqu’au-dessus du poignet, et depuis les pieds jusqu’à la moitié des jambes, la jeune fille paraissait avoir des bottines et des gants naturels, d’un noir clair, tirant sur le cendré, mais parsemées d’un grand nombre de mouches aussi noires que du jais. De l’extrémité inférieure du cou descendait une espèce de pèlerine noire sur la poitrine et les épaules ; elle se terminait en trois pointes, dont deux étaient placées sur les gros muscles des bras ; la troisième, qui était la plus large, sur la poitrine. Les épaules étaient d’un noir clair, tacheté comme celui des pieds et des mains. Les autres parties du corps étaient tachetées de blanc et de noir dans une agréable variété ; deux taches noires couvraient les deux genoux. Toutes les personnes du pays voulurent voir ce phénomène, comblèrent cette petite fille de présents ; et on offrit de l’acheter à grand prix.

L’auteur à qui nous empruntons cette description assure que la mère avait une petite chienne noire et blanche qui ne la quittait jamais, et qu’ayant examiné en détail les taches de sa fille et de la chienne, il y trouva une ressemblance totale, non-seulement par la forme des couleurs, mais encore par rapport aux lieux où les nuances étaient placées. Il en conclut que la vue continuelle de cet animal avait été plus que suffisante pour tracer dans l’imagination de la mère cette variété de teintes et l’imprimer à la fille qu’elle portait dans son sein.

On dit que le peuple anglais est un peuple de philosophes ; ce qui n’empêcha pas, en 1726, une femme de Londres d’accoucher, disait-elle, d’un lapereau chaque jour ; le chirurgien qui l’accouchait, nommé Saint-André, assurait que rien n’était plus positif, et le peuple philosophe le croyait. — Marguerite Daniel, femme de René Rondeau, du bourg du Plessé, dépendant du marquisat de Blin, devint grosse en 1685, vers la mi-octobre. Elle sentit remuer son enfant le jour de la Chandeleur et entendit le vendredi saint suivant trois cris sortir de son ventre. Depuis, son enfant continua de faire les mêmes cris trois ou quatre fois le jour, à chaque fois quatre, cinq cris, et même jusqu’à huit et neuf fort distincts, semblables à ceux d’un enfant nouvellement né ; mais quelquefois avec de tels efforts, qu’on voyait l’estomac de cette femme s’enfler comme si elle eût dû étouffer…

En octobre 1842, à Bruxelles, une femme accoucha, dans l’hospice de la Maternité, d’une petite fille qui avait une queue de cheval. Son père était un cocher. L’opération qui l’a délivrée, sans la compromettre aucunement, de cet ornement singulier, a été faite par le docteur Seutin, et le phénomène fut aussitôt régulièrement constaté Voy. Imagination, etc.

Philinnion. Voici un trait rapporté par Phlégon, et qu’on présume être arrivé à Hypate en Thessalie. Philinnion, fille unique de Démocrate et de Charito, mourut en âge nubile ; ses parents inconsolables firent enterrer avec le corps mort les bijoux et les atours que la jeune fille avait le plus aimés pendant sa vie. Quelque temps après, un jeune seigneur, nommé Mâchâtes, vint loger chez Démocrate, qui était son ami. Le soir,


comme il était dans sa chambre, Philinnion lui apparaît, lui déclare qu’elle l’aime ; ignorant sa mort, il l’épouse en secret. Mâchâtes, pour gage de son amour, donne à Philinnion une coupe d’or et se laisse tirer un anneau de fer qu’il avait au doigt. Philinnion, de son côté, lui fait présent de son collier et d’un anneau d’or, et se retire avant le jour. Le lendemain, elle revint à la même heure. Pendant qu’ils étaient ensemble, Charito envoya une vieille servante dans la chambre de Mâchâtes pour voir s’il ne lui manquait rien. Cette femme retourna bientôt éperdue vers sa maîtresse et lui annonça que Philinnion était avec Mâchâtes. On la traita de visionnaire ; mais comme elle s’obstinait à soutenir ce qu’elle disait, quand le matin fut venu, Charito alla trouver son hôte et lui demanda si la vieille ne l’avait point trompée. Mâchâtes avoua qu’elle n’avait pas fait un mensonge, raconta les circonstances de ce qui lui était arrivé, et montra le collier et l’anneau d’or que la mère reconnut pour ceux de sa fille. Cette vue réveilla la douleur de la perte qu’elle avait faite ; elle jeta des cris épouvantables e supplia Mâchâtes de l’avertir quand sa fille reviendrait, ce qu’il exécuta. Le père et la mère la virent et coururent à elle pour l’embrasser. Mais Philinnion, baissant les yeux, leur dit avec une contenance morne : — Hélas ! mon père, et vous, ma mère, vous détruisez ma félicité, en m’empêchant, par votre présence importune, de vivre seulement trois jours. Votre curiosité vous sera funeste, car je m’en retourne au séjour de la mort, et vous me pleurerez autant que quand je fus portée en terre pour la première fois. Mais je vous avertis que je ne suis pas venue ici sans la volonté des dieux. Après ces mots, elle retomba morte, et son corps fut exposé sur un lit à la vue de tous ceux de la maison. On alla visiter le tombeau, qu’on trouva vide et ne contenant seulement que l’anneau de fer et la coupe que Mâchâtes lui avait donnés…

Philosophie hermétique. Voy. Pierre philosophale.

Philotanus, démon d’ordre inférieur, soumis à Bélial.

Philtre, breuvage ou drogue dont l’effet prétendu est de donner l’amour. Les anciens, qui en connaissaient l’usage, invoquaient dans la confection des philtres les divinités infernales. Il y entrait différents animaux, herbes ou matières, tels que le poisson appelé remore, certains os de grenouilles, la pierre astroïte et surtout l’hippomane. Delrio, qui met les philtres au rang des maléfices, ajoute qu’on s’est aussi servi pour les composer de rognures d’ongles, de limailles de métaux, de reptiles, d’intestins de poissons et d’oiseaux, et qu’on y a mêlé quelquefois des fragments d’ornements d’église.

Les philtres s’expliquent, comme les poisons, par la pharmacie. L’hippomane est le plus fameux de tous les philtres ; c’est un morceau de chair noirâtre et de forme ronde, de la grosseur d’une figue sèche, que le poulain apporte quelquefois sur le front en naissant. Suivant les livres de secrets magiques, ce mystérieux morceau de chair fait naître une passion ardente, quand, étant mis en poudre, il est pris avec le sang de celui qui veut se faire aimer. Jean-Baptiste Porta détaille au long les surprenantes propriétés de l’hippomane ; il est fâcheux qu’on n’ait jamais pu le trouver tel qu’il le décrit, ni au front du poulain naissant, ni ailleurs. Voy. Hippomane.

Les philtres sont en grand nombre et plus ridicules les uns que les autres. Les anciens les connaissaient autant que nous, et chez eux on rejetait sur les charmes magiques les causes d’une passion violente, un amour disproportionné, le rapprochement de deux cœurs entre qui la fortune avait mis une barrière, ou que les parents ne voulaient point unir.

Il y a de certains toniques qui enflamment les intestins, causent la démence ou la mort et inspirent une ardeur qu’on a prise pour de l’amour. Telles sont les mouches cantharides avalées dans un breuvage. Un Lyonnais, voulant se faire aimer de sa femme qui le repoussait, lui fit avaler quatre de ces insectes pulvérisés dans un verre de vin du Rhône ; il s’attendait à un succès, il fut veuf le lendemain. À ces moyens violents on a donné le nom de philtres.

Rien n’est plus curieux, dit un contemporain, que la superstition qui en Écosse préside aux moyens ; employés pour faire naître l’amour ou vaincre la résistance de l’objet aimé. Sir John Colquhoun avait épousé depuis peu de mois lady Lilia Graham, fille aînée de Jean, quatrième comte de Montrose, lorsque lady Catherine, sa belle-sœur, vint passer quelque temps chez lui. Bientôt il en devint épris, et, pour vaincre l’indifférence qu’elle lui témoignait, il eut recours à un nécromancien habile, qui composa un bouquet formé de diamants, de rubis et de saphirs montés en or, et le doua de la propriété de livrer a la personne qui le donnait le corps et l’âme de celle qui le recevait. Il paraît que sir John fit un usage immédiat de ce talisman. Les chroniques de cette époque disent qu’il partit avec lady Catherine pour Londres près qu’il eut criminellement abandonné son épouse, et qu’il fut obligé d’y rester caché pour échapper à la sentence de mort qui avait été prononcée contre lui dans sa patrie.

Mais on comprend très-bien l’effet sur une femme mondaine et vaniteuse d’un philtre composé de riches diamants.

Phlégéton, fleuve d’enfer qui roulait des torrents de flamme et environnait de toutes parts la prison des méchants. On lui attribuait les qualités les plus nuisibles. Après un cours assez long en sens contraire du Cocyte, il se jetait comme lui dans l’Achéron.

Phooka, mauvais esprit qui paraît en Irlande sous la forme d’un poulain sauvage, chargé de chaînes pendantes, ou sous l’apparence d’une vache farouche, d’un oiseau de proie, d’un cheval maigre. Il parle ; et son plus grand plaisir est d’inquiéter les voyageurs égarés pendant la nuit.

Phosphore. Voy. Lampes perpétuelles, Stratagèmes, etc.

Phrénologie ou Crânologie, art ou science qui donne les moyens de juger les hommes par les protubérances du crâne. Voy. Gall.

Phylactères, préservatifs. Les Juifs portaient à leurs manches et à leur bonnet des bandes de parchemin, sur lesquelles étaient écrits des passages de la loi ; ce que Notre-Seigneur leur reproche dans saint. Matthieu, chap. xxiii. Leurs descendants suivent la même pratique et se persuadent que ces bandes ou phylactères sont des amulettes qui les préservent de tout danger, et surtout qui les gardent contre l’esprit malin.

Des chrétiens ont fait usage aussi de paroles écrites ou gravées comme de phylactères et préservatifs. L’Église a toujours condamné cet abus. Voy. Amulettes.

Phyllorhodomancie, divination par les feuilles de roses. Les Grecs faisaient claquer sur la main une feuille de rose et jugeaient par le son du succès de leurs vœux.

Physiognomonie, art de juger les hommes par les traits du visage, ou talent de connaître l’intérieur de l’homme par son extérieur.

Celle science a eu plus d’ennemis que de partisans ; elle ne paraît pourtant ridicule que quand on veut la pousser trop loin. Tous les visages, toutes les formes, tous les êtres créés diffèrent entre eux, non-seulement dans leurs classes, dans leurs genres, dans leurs espèces, mais aussi dans leur individualité. Pourquoi cette diversité de formes ne serait-elle pas la Conséquence de la diversité des caractères, ou pourquoi la diversité des caractères ne serait-elle pas liée, à cette diversité de forme ? Chaque passion, chaque sens, chaque qualité prend sa place dans le corps de tout être créé ; la colère enfle les muscles : les muselés enflés sont donc un signe de colère ?… Des yeux pleins de feu, un regard aussi prompt que l’éclair et un esprit vif et pénétrant se retrouvent cent fois ensemble. Un œil ouvert et serein se rencontre mille fois avec un cœur franc et honnête. Pourquoi ne pas chercher à connaître les hommes par leur physionomie ? On juge tous, les jours le ciel sur sa physionomie. On marchand apprécie ce qu’il achète par son extérieur, par sa physionomie… Tels sont les raisonnements des physionomistes pour prouver la sûreté de leur science. Il est vrai, ajoutent-ils, qu’on peut quelquefois s’y tromper ; mais une exception ne doit pas nuire aux règles.

J’ai vu, dit Lavater, un criminel condamné à la roue pour avoir assassiné son bienfaiteur, et ce monstre avait le visage ouvert et gracieux comme l’ange du Guide. Il ne serait pas impossible de trouver aux galères des têtes de Régulus et des physionomies de vestales dans une maison de force. Cependant le physionomiste habile distinguera les traits, souvent presque imperceptibles, qui annoncent le vice et la dégradation.

Quoi qu’il en soit de la physiognomonie, en voici les principes, tantôt raisonnables, tantôt forcés ; le lecteur saura choisir.

La beauté morale est ordinairement en harmonie avec la beauté physique. (Socrate et mille et mille autres prouvent le contraire.) Beaucoup de personnes gagnent à mesure qu’on apprend à les connaître, quoiqu’elles vous aient déplu au premier aspect. Il faut qu’il y ait entre elles et vous quelque point de dissonance, puisque, du premier abord, ce qui devait vous rapprocher ne vous a point frappé. Il faut aussi qu’il y ait entre vous quelque rapport secret, puisque plus vous vous voyez, plus vous vous convenez. Cependant faites attention au premier mouvement d’instinct que vous inspire une nouvelle liaison. Tout homme dont la figure, dont la bouche, dont la démarche, dont l’écriture est de travers, aura dans sa façon de penser, dans son caractère, dans ses procédés, du louche, de l’inconséquence, de la partialité, du sophistique, de la fausseté, de la ruse, du caprice, des contradictions, de la fourberie, une imbécillité dure et froide. Voy. Mimique, Écriture, etc.

La tête est la plus noble partie du corps humain, le siège de l’esprit et des facultés intellectuelles. (Le docteur Van Helmont plaçait les facultés intellectuelles dans d’estomac.) Une tête qui est en proportion avec le reste du corps, qui paraît telle au premier abord, qui n’est ni trop grande ni trop petite, annoncé un caractère d’esprit plus parfait qu’on n’en oserait attendre d’une tête disproportionnée. Trop volumineuse, elle indique presque toujours la grossièreté ; trop petite, elle est un signe de faiblesse. Quelque proportionnée que soit la tête au corps, il faut encore qu’elle ne soit ni trop arrondie ni trop allongée :

 
Physiognomonie
Physiognomonie
 
plus elle est régulière, et plus elle est parfaite. On peut appeler bien organisée celle dont la hauteur perpendiculaire, prise depuis l’extrémité de l’occiput jusqu’à la pointe du nez, est égale à sa largeur horizontale. Une tête trop longue annonce un homme de peu de sens, vain, curieux, envieux et crédule. La tête penchée vers la terre est la marque d’un homme sage, constant dans ses entreprises. Une tête qui tourne de tous côtés annonce la présomption, la médiocrité, le mensonge, un esprit pervers, léger, et un jugement faible.

On peut diviser le visage en trois parties, dont la première s’étend depuis le front jusqu’aux sourcils ; la seconde depuis les sourcils jusqu’au bas du nez ; la troisième depuis le bas du nez jusqu’à l’extrémité de l’os du menton. Plus ces trois étages sont symétriques, plus on peut compter sur la justesse de l’esprit et sur la régularité du caractère en général. Quand il s’agit d’un visage dont d’organisation est extrêmement forte ou extrêmement délicate, le caractère peut être apprécié plus facilement par le profil que par la face. Sans compter que le profil se prête moins à la dissimulation, il offre des lignes plus vigoureusement prononcées, plus précises, plus simples, plus pures ; par conséquent la signification en est aisée à saisir ; au lieu que souvent les lignes de la face en plein sont assez difficiles à démêler.

Un beau profil suppose toujours l’analogie d’un caractère distingué. Mais on trouve mille profils qui, sans être beaux, peuvent admettre la supériorité du caractère. Un visage charnu annonce une personne timide, enjouée, crédule et présomptueuse. Un homme laborieux a souvent le visage maigre, Un visage qui sue à la moindre agitation annonce un tempérament chaud, un esprit vain et grossier, un penchant à la gourmandise.

Les cheveux offrent des indices multipliés du tempérament de l’homme, de son énergie, de sa façon de sentir, et aussi de ses facultés spirituelles. Ils n’admettent pas la moindre dissimulation ; ils répondent à notre constitution physique, comme les plantes et les fruits répondent au terroir qui les produit. Je suis sûr, dit Lavater, que par l’élasticité des cheveux on pourrait juger de l’élasticité du caractère. Les cheveux longs, plats, disgracieux n’annoncent rien que d’ordinaire.

 
Physiognomonie
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Les chevelures d’un jaune doré, ou d’un blond tirant sur le brun, qui reluisent doucement, qui se roulent facilement et agréablement, sont les chevelures nobles (en Suisse, patrie de Lavater).

Des cheveux noirs, plats, épais et gros dénotent peu d’esprit, mais de l’assiduité et de l’amour de l’ordre. Les cheveux blonds annoncent généralement un tempérament délicat, sanguin-flegmatique. Les cheveux roux caractérisent, dit-on, un homme souverainement bon, ou souverainement méchant. Les cheveux fins marquent la timidité ; rudes, ils annoncent le courage (Napoléon les avait fins, dit-on) : ce signe caractéristique est du nombre de ceux qui sont communs à l’homme et aux animaux. Parmi les quadrupèdes, le cerf, le lièvre, la brebis, qui sont au rang des plus timides, se distinguent particulièrement des autres par la douceur de leur poil, tandis que la rudesse de celui du lion et du sanglier répond au courage qui fait leur caractère.

Mais que dire du chat et du tigre, qui ont le poil fin ?

 
Physiognomonie
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En appliquant ces remarques à l’espèce humaine, les habitants du Nord sont ordinairement très-courageux, et ils ont la chevelure rude ; les Orientaux sont beaucoup plus timides, et leurs cheveux sont plus doux.

Les cheveux crépus marquent un homme de dure conception. Ceux qui ont beaucoup de cheveux sur les tempes et sur le front sont grossiers et orgueilleux. Alexandre Dumas est crépu.

Une barbe fournie et bien rangée annonce un homme d’un bon naturel et d’un tempérament raisonnable. Celui qui a la barbe claire et mal disposée tient plus du naturel et des inclinations de la femme que de celles de l’homme. Si la couleur de la barbe diffère de celle des cheveux, elle n’annonce rien de bon. De même, un contraste frappant entre la couleur de la chevelure et la couleur des sourcils peut inspirer quelque défiance…

Le front, de toutes les parties du visage, est la plus importante et la plus caractéristique. Les fronts, vus de profil, peuvent se réduire à trois classes générales. Ils sont ou penchés en arrière, ou perpendiculaires, ou proéminents. Les fronts penchés en arrière indiquent en général de l’imagination, de l’esprit et de la délicatesse. Une perpendicularité complète, depuis les cheveux jusqu’aux sourcils, est le signe d’un manque total d’esprit. Une forme perpendiculaire, qui se

 
Physiognomonie
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voûte insensiblement par le haut, annonce un esprit capable de beaucoup de réflexion, un penseur rassis et profond. Les fronts proéminents appartiennent à des esprits faibles et bornés et qui ne parviendront jamais à une certaine maturité. Plus le front est allongé, plus l’esprit est dépourvu d’énergie et manque de ressort. Plus il est serré, court etcompacte, plus le caractère est concentré, ferme et solide… Pour
 
Physiognomonie
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qu’un front soit heureux, parfaitement beauel d’une expression quiannonce à la fois la richesse du jugement et la noblesse du caractère, il doit se trouver, dans la plus exacte proportion avec le reste du visage. Exempt de toute espèce d’inégalités et de rides permanentes, il doit pourtant en être susceptible. Mais alors il ne se plissera que dans les moments d’une méditation sérieuse, dans un mouvement de douleur ou d’indignation. Il doit reculer parle haut. La couleur de la peau doit en être plus claire que celle des autres parties du visage.

Si l’os de l’œil est un peu saillant, c’est le signe d’une aptitude singulière aux travaux de l’esprit, d’une sagacité extraordinaire pour les grandes entreprises. Mais sans cet angle saillant, il y a des têtes excellentes, qui n’en ont que plus de solidité lorsque le bas du front s’affaisse, Comme un mur perpendiculaire, sur des sourcils placés horizontalement, et qu’il s’arrondit et se voûte imperceptiblement, des deux côtés, vers les tempes. Les fronts courts, ridés, noueux, irréguliers, enfoncés d’un côté, échancrés, ou qui se plissent toujours différemment, ne sont pas une bonne recommandation, et ne doivent pas inspirer beaucoup de confiance. Les fronts carrés, dont les marges latérales sont encore assez spacieuses, et dont l’os de l’œil est en même temps-bien solide, supposent un grand fond de sagesse et de courage. Toits les physionomistes s’accordent sur ce point. Un front très-osseux et garni de beaucoup de peau annonce un naturel acariâtre et querelleur. Un front élevé, avec un visage long et pointu vers le menton, est un signe de faiblesse. Des fronts allongés, avec une peau fortement tendue et très-unie, sur lesquels on n’aperçoit, même à l’occasion d’une joie peu commune, aucun pli doucement animé, sont toujours l’indice d’un caractère froid, soupçonneux, caustique, opiniâtre, fâcheux, rempli de prétentions, rampant et vindicatif. Un front qui, du haut, penche en avant et s’enfonce vers l’œil est, dans un homme fait, l’indice d’une imbécillité sans ressource. Voy. Métoposcopie.

Au-dessous du front commence sa belle frontière, le sourcil, arc-en-ciel de paix dans sa douceur, arc tendu de la discorde lorsqu’il exprime le courroux. Des sourcils doucement arqués s’accordent avec la modestie et la simplicité. Placés enligne droite et horizontalement, ils se rapportent à un caractère mâle et vigoureux. Lorsque leur forme est moitié horizontale et moitié courbée, la force de l’esprit se trouve réunie à une bonté ingénue.

Des sourcils rudes et en désordre sont toujours le signe d’une vivacité intraitable ; mais cette même confusion annonce un feu modéré, si le poil est fin. Lorsqu’ils sont épais et compactes, que les poils sont coupés parallèlement, et pour ainsi dire tirés au cordeau, ils promettent un jugement mûr et solide, un sens droit et rassis.

Des sourcils qui se joignent passaient pour un trait de beauté chez les Arabes, tandis que les anciens physionomistes y attachaient l’idée d’un caractère sournois. La première de ces deux opinions est fausse, la seconde exagérée, car on trouve souvent ces sortes de sourcils aux physionomies les plus honnêtes et les plus aimables. Les sourcils minces sont une marque infaillible de flegme et de faiblesse ; ils diminuent la force et la vivacité du caractère dans un homme énergique. Anguleux et entrecoupés, les sourcils dénotent l’activité d’un esprit productif. Plus les sourcils s’approchent des yeux, plus le caractère est sérieux, profond et solide. Une grande distance de l’un à l’autre annonce une âme Calme et tranquille. Le mouvement des sourcils est d’une expression infinie ; il sert principalement à marquer les passions ignobles, l’orgueil, la colère, le dédain. Un homme sourcilleux est un être méprisant et souventes fois méprisable.

C’est surtout dans les yeux, dit Buffon, que se peignent les images de nos secrètes agitations, et qu’on peut les reconnaître. L’œil appartient à l’âme plus qu’aucun autre organe ; il semble y toucher et participer à tous ses mouvements ; il en exprime les passions les plus vives et les émotions les plus tumultueuses, comme les sentiments les plus délicats. Il les rend dans toute leur force, dans toute leur pureté, tels qu’ils viennent de naître ; il les transmet par des traits rapides. Les yeux bleus annoncent plus de faiblesse que les yeux bruns ou noirs. Ce n’est pas qu’il n’y ait des gens très-énergiques avec des yeux bleus ; mais, sur la totalité, les yeux bruns sont l’indice plus ordinaire d’un esprit mâle ; tout comme le génie, proprement dit, s’associe presque toujours des yeux d’un jaune tirant sur le brun. Les gens colères ont dès yeux de différentes couleurs, rarement bleus, plus souvent bruns ou verdâtres. Les yeux de cette dernière nuance sont en quelque sorte un signe distinctif de vivacité et de courage. On ne voit presque jamais des yeux bleu clair à des personnes colères. Des yeux qui forment un angle allongé, aigu et pointu vers le nez, appartiennent à des personnes ou très-judicieuses ou très-fines. Lorsque la paupière d’en haut décrit un plein cintre, c’est la marque d’un bon naturel et de beaucoup de délicatesse, quelquefois aussi d’un caractère timide. Quand la paupière se dessine presque horizontalement sur l’œil et coupe diamétralement la prunelle, elle annonce souvent un homme très-adroit, très-rusé ; mais il n’est pas dit pour cela que cette forme de l’œil détruise la droiture du cœur. Des yeux très-grands, d’un bleu fort clair, et vus de profil presque transparents, annoncent toujours une conception facile, étendue, mais en même tempsun caractère extrêmement sensible, difficile à manier, soupçonneux, jaloux, susceptible de prévention. De petits yeux noirs, étincelants, sous des sourcils noirs et touffus, qui paraissent s’enfoncer lorsqu’ils sourient malignement, annoncent de la ruse, des aperçus profonds, un esprit d’intrigue et de chicane. Si de pareils yeux ne sont pas accompagnés d’une bouche moqueuse, ils désignent un esprit froid et pénétrant, beaucoup de goût, de l’élégance, de la précision, plus de penchant à l’avarice qu’à la générosité. Des yeux grands, ouverts, d’une clarté transparente, et dont le feu brille avec une mobilité rapide dans les paupières parallèles, peu larges et fortement dessinées, réunissent ces caractères : une pénétration vive, de l’élégance et du goût, un tempérament colère, de l’Orgueil.

Des yeux qui laissent voir la prunelle entière, et sous la prunelle encore plus ou moins de blanc, sont dans un état de tension, qui n’est pas naturel, ou n’appartiennent qu’à des hommes inquiets, passionnés, à moitié fous, jamais à des hommes d’un jugement sain, mûr, précis, et qui méritent confiance. Certains yeux sont très-ou-verts, très-luisants, avec des physionomies fades ; ils annoncent de l’entêtement, de la bêtise unie à des prétentions.

Les gens soupçonneux, emportés, violents, ont souvent les yeux enfoncés dans la tête et la vue longue et étendue. Le fou, l’étourdi, ont

 
Olivier le Daim
Olivier le Daim
Olivier le Daim.
 
souvent les yeux hors de la tête. Le fourbe a, en parlant, les paupières penchée set le regard en dessous. Les gens fins et rusés ont coutume de tenir un œil et quelquefois les deux yeux à demi fermés. C’est un signe de faiblesse. En effet, on voit bien rarement un homme bien énergique qui soit rusé : notre méfiance envers les autres naît du peu de confiance que nous avons en nous.

Les anciens avaient raison d’appeler le nez honestamentum faciei. Un beau nez ne s’associe jamais avec un, visage difforme. On peut être laid et avoir de beaux yeux ; mais un nez régulier exige nécessairement une heureuse analogie des autres traits ; aussi voit-on mille beaux yeux contre un seul nez parfait en beauté, et là où il se trouve, il suppose toujours un caractère distingué : Non cuiquam datum est habere nasum.

Voici, d’après les physionomistes, ce qu’il faut pour la conformation d’un nez parfaitement beau : sa longueur doit être égale à celle du front ; il doit y avoir une légère cavité auprès de sa racine. Vue par-devant, l’épine du nez doit être large et presque parallèle des deux côtés ; mais il faut que cette largeur soit un peu, plus sensible vers le milieu. Le bout ou la pomme du nez ne sera-ni dure ni charnue. De face, il faut que les ailes du nez se présentent distinctement et que les narines se raccourcissent agréablement au-dessous. Dans le profil, le bas du nez n’aura d’étendue qu’un tiers de sa hauteur. Vers le haut, il joindra de près l’arc de l’os de l’œil, et sa largeur, du côté de l’œil, doit être au moins d’un demi-pouce. Un nez qui rassemble toutes ces perfections exprime tout ce qui peut s’exprimer. Cependant nombre de gens du plus grand mérite ont le nez difforme ; mais il faut différencier aussi l’espèce de mérite qui les distingue. Un petit nez, échancré en profil, n’empêche pas d’être honnête et judicieux, mais ne donne point le génie. Des nez qui se courbent au haut de la racine conviennent à des caractères impérieux, appelés à commander, à opérer de grandes choses, fermes dans leurs projets et ardents à les poursuivre. Les nez perpendiculaires (c’est-à-dire qui approchent de cette forme, car, dans toutes ses productions, la nature abhorre les lignes complètement droites), tiennent le milieu entre les nez échancrés et les nez arqués ; ils supposent une âme qui sait agir et souffrir tranquillement et avec énergie. Un nez dont l’épine est large, n’importe qu’il soit droit ou courbé, annonce toujours des facultés supérieures. Mais cette forme est très-rare. La narine petite est le signe certain d’un esprit timide, incapable de hasarder la moindre entreprise. Lorsque les ailes du nez sont bien dégagées, bien mobiles, elles dénotent-une grande délicatesse de sentiment, qui peut dégénérer en sensualité. Où vous ne trouverez pas une petite inclinaison, une espèce d’enfoncement dans le passage du front au nez, à moins que le nez ne soit fortement recourbé, n’espérez pas découvrir le moindre caractère de grandeur. Les hommes dont le nez penche extrêmement vers la bouche ne sont jamais ni vraiment bons, ni vraiment gais, ni grands, ni nobles : leur pensée s’attache toujours aux choses de la terre ; ils sont réservés, froids, insensibles, peu communicatifs ; ils ont ordinairement l’esprit malin ; ils sont hypocondres ou mélancoliques. Les peuples tartares ont généralement le nez plat et enfoncé ; les nègres d’Afrique l’ont camard ; les Juifs, pour la plupart, aquilin ; les Anglais, cartilagineux, et rarement pointu. S’il faut en juger par les tableaux et les portraits, les beaux nez ne sont pas communs parmi les Hollandais. Chez les Italiens, au contraire, ce trait est distinctif. Enfin, il est absolument caractéristique pour les hommes célèbres de la France et de la Belgique.

 
Physiognomonie
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Des joues charnues indiquent l’humidité du tempérament. Maigres et rétrécies, elles annoncent la sécheresse des humeurs. Le chagrin les creuse ; la rudesse et la bêtisse leur impriment des sillons grossiers ; la sagesse, l’expérience et la finesse d’esprit les entrecoupent de traces légères et doucement ondulées. Certains enfoncements, plus ou moins triangulaires, qui se remarquent quelquefois dans les joues, sont le signe infaillible de l’envie ou de la jalousie. Une joue naturellement gracieuse, agitée par un doux tressaillement qui la relève vers les yeux, est le garant d’un cœur sensible. Si, sur la joue qui sourit, on voit se former trois lignes parallèles et circulaires, comptez dans ce caractère sur un fond de folie.

L’oreille, aussi bien que les autres parties du corps humain, a sa signification déterminée ; elle n’admet pas le moindre déguisement ; elle a ses convenances et une analogie particulière avec l’individu auquel elle appartient. Quand le bout de l’oreille est dégagé, c’est un bon augure pour les facultés intellectuelles. Les oreilles larges et dépliées annoncent l’effronterie, la vanité, la faiblesse du jugement ; Les oreilles grandes et grosses marquent un homme simple, grossier, stupide. Les oreilles petites dénotent la timidité. Les oreilles trop repliées et entourées d’un bourrelet mal dessiné n’annoncent rien de bon quant à l’esprit et aux talents.

Une oreille moyenne, d’un contour bien arrondi, ni trop épaisse, ni excessivement mince,

 
Physiognomonie
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ne se trouve guère que chez des personnes spirituelles, judicieuses, sages et distinguées.

La bouche est l’interprète de l’esprit et du cœur ; elle réunit, dans son état de repos et dans la variété infinie de ses mouvements, un monde de caractères. Elle est éloquente jusque dans son silence. On remarque un parfait rapport entre les lèvres et le naturel. Qu’elles soient fermes, qu’elles soient molles et mobiles, le caractère est toujours d’une trempe analogue. De grosses lèvres bien prononcées et bien proportionnées, qui présentent des deux côtés la ligne du milieu également, bien serpentée et facile à reproduire au dessin, de telles lèvres sont incompatibles avec la bassesse, elles répugnent aussi a la fausseté et à la méchanceté. La lèvre supérieure caractérise le goût. L’orgueil et la colère la courbent ; la finesse l’aiguise ; la bonté l’arrondit ; le libertinage l’énerve et la flétrit. L’usage de la lèvre inférieure est de lui servir de support.

Une bouche resserrée, dont la fente court en ligne droite, et où le bord des lèvres ne paraît pas, est l’indice certain du sang-froid, d’un esprit appliqué, de l’exactitude et de la propreté, mais aussi de la sécheresse de cœur. Si elle remonte en même temps aux deux extrémités, elle suppose un fond d’affectation et de vanité. Des lèvres rognées inclinent à la timidité et à l’avarice. Une lèvre de dessus qui déborde un peu est la marque distinctive de la bonté ; non qu’on puisse refuser absolument cette qualité à la lèvre d’en bas qui avance ; mais, dans ce cas, on doit s’attendre plutôt à une froide et sincère bonhomie qu’au sentiment d’une vive tendresse. Une lèvre inférieure qui se creuse au milieu n’appartient qu’aux esprits enjoués. Regardez attentivement un homme gai dans le moment où il va produire une saillie, le centre de sa lèvre ne manquera jamais de se baisser et de se creuser un peu.

Une bouche bien close, si toutefois elle n’est pas affectée et pointue, annonce le courage ; et dans les occasions où il s’agit d’en faire preuve, les personnes mêmes qui ont l’habitude de tenir la bouche ouverte la ferment ordinairement. Une bouche béante est plaintive ; une bouche fermée souffre avec patience, dit le Brun, dans son Traité des passions, et c’est la partie qui, de tout le visage, marque le plus particulièrement les mouvements du cœur. Lorsqu’il se plaint, la bouche s’abaisse par les côtés ; lorsqu’il est content, les coins de la bouche s’élèvent en haut ; lorsqu’il a de l’aversion, la bouche se pousse en avant et s’élève par le milieu. Toute bouche qui a deux fois la largeur de l’œil est la bouche d’un sot ; j’entends la largeur de l’œil prise de son extrémité vers le nez jusqu’au bout intérieur de son orbite, les deux largeurs mesurées sur le même plan. Si la lèvre inférieure, avec les dénis, dépasse horizontalement la moitié de la largeur de la bouche vue de profil, comptez, suivant l’indication des autres nuances de phy sionomie, sur un de ces quatre caractères isolés, ou sur tous les quatre réunis, bêtise, rudesse, avarice, malignité. De trop grandes lèvres, quoique bien proportionnées, annoncent toujours un homme peu délicat, sordide ou sensuel, quelquefois même un homme stupide ou méchant.

Une bouche, pour ainsi dire, sans lèvres, dont la ligne du milieu est fortement tracée, qui se retire vers le haut, aux deux extrémités, et dont la lèvre supérieure, vue de profil depuis le nez, paraît arquée ; une pareille bouche ne se voit guère qu’à des avares rusés, actifs, industrieux, froids, durs, flatteurs et polis, mais atterrants dans leurs refus. Une petite bouche, étroite, sous de petites narines, et un front elliptique, est toujours peureuse, timide à l’excès, d’une vanité puérile, et s’énonce avec difficulté. S’il se joint à cette bouche de grands yeux saillants,

 
Physiognomonie
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troubles, un menton osseux, oblong, et surtout si la bouche se tient habituellement ouverte,
 
Physiognomonie
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soyez encore plus sur de l’imbécillité d’une pareille tête.

Les dents petites et courtes sont regardées, par les anciens physionomistes, comme le signe d’une constitution faible. De longues dents sont un indicé de timidité. Les dents blanches, propres et bien rangées, qui, au moment où la bouche s’ouvre, paraissent s’avancer sans déborder, et

 
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qui ne se montrent pas toujours entièrement à découvert, annoncent dans l’homme fait un esprit doux et poli, un cœur bon et honnête. Ce n’est pas qu’on ne puisse avoir un caractère très-estimable avec des dents gâtées, laides ou inégales ; mais ce dérangement, physique provient, la plupart du temps, de maladie ou de quelque mélange d’imperfection morale. Celui qui a les dents inégales est envieux. Les dents grosses, larges et fortes sont la marque d’un tempérament fort, et promettent une longue vie, si l’on en croit Aristote.

Pour être en belle proportion, dit Herder, le menton ne doit être ni pointu, ni creux, mais uni. Un menton avancé annonce toujours quelque

 
Physiognomonie
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chose de positif, au lieu que la signification du menton reculé est toujours négative. Souvent le caractère de l’énergie ou de la non-énergie de l’individu se manifeste uniquement par le menton. Il y a trois principales sortes de mentons : les mentons qui reculent, ceux qui, dans le profil, sont en perpendicularité avec la lèvre inférieure, et ceux qui débordent la lèvre d’en bas, ou, en d’autres termes, les mentons pointus. Le menton reculé, qu’on pourrait appeler hardiment le menton féminin, puisqu’on le retrouve presque à toutes les personnes de l’autre sexe, fait toujours soupçonner quelque côté faible. Les mentons de la seconde classe inspirent la confiance. Ceux de la troisième dénotent un esprit actif et délié, pourvu qu’ils ne fassent pas anse, car cette forme exagérée-conduit ordinairement à la pusillanimité et à l’avarice. Une forte incision au milieu du menton semble indiquer un homme judicieux, rassis et résolu, à moins que ce trait ne soit démenti par d’autres traits contradictoires. Un menton pointu passe ordinairement pour le signe de la ruse. Cependant on trouve cette forme chez les personnes les plus honnêtes ; la ruse n’est alors qu’une bonté raffinée.

Cet entre-deux de la tête et de la poitrine, qui tient-de l’une et de l’autre, est significatif comme tout ce qui a rapport à l’homme. Nous connaissons certaines espèces de goitres qui sont le signe infaillible de la stupidité, tandis qu’un cou bien proportionné est une recommandation irrécusable pour la solidité du caractère. Le cou long et la tête haute sont quelquefois le signe de l’orgueil et de la, vanité,. Un cou raisonnablement épais et

 
Physiognomonie
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un peu court ne s’associe guère à la tête d’un fat ou d’un sot. Ceux qui ont le cou mince, délicat et allongé sont timides comme le cerf, au sentiment d’Aristote, et ceux qui ont le cou épais et court ont de l’analogie avec le taureau irrité. Mais les analogies sont fausses pour la plupart, dit Lavater, et jetées sur le papier sans que l’esprit d’observation les ait dictées.

Il y a autant de diversité et de dissemblance entre les formes des mains qu’il y en a entre les physionomies. Deux visages parfaitement ressemblants n’existent nulle part ; de même vous ne rencontrerez pas chez deux personnes différentes deux mains qui se ressemblent.

Chaque main, dans son état naturel, c’est-à-dire abstraction faite des accidents extraordinaires, se trouve en parfaite analogie avec les corps dont elle fait partie. Les os, les nerfs, les muscles, le sang et la peau de la main ne sont que la continuation des os, des nerfs, des muscles, du sang et de la peau du reste du corps. Le même sang circule dans le cœur, dans la tête et dans la main. La main contribue donc, pour sa part, à faire connaître le caractère de l’individu ; elle est, aussi bien que les autres membres du corps, un objet de physiognomonie, objet d’autant plus significatif et d’autant plus frappant, que la main ne peut pas dissimuler, et que sa mobilité la trahit à chaque instant. Sa position la plus tranquille indique nos dispositions naturelles ; ses flexions, nos actions et nos passions. Dans tous ses mouvements, elle suit l’impulsion que lui donne le reste du corps. Voy. Main.

Tout le monde sait que des épaules larges, qui descendent insensiblement et qui ne remontent pas en pointe sont un signe de santé et de force. Des épaules de travers influent ordinairement aussi sur la délicatesse de la complexion ; mais on dirait qu’elles favorisent la finesse et l’activité de l’esprit, l’amour de l’exactitude et de l’ordre. Une poitrine large et carrée, ni trop convexe, ni trop concave, suppose toujours des épaules bien constituées et fournit les mêmes indices. Une poitrine plate, et pour ainsi dire creuse, dénote la faiblesse du tempérament. Un ventre gros et proéminent incline bien plus à la sensualité et a la paresse qu’un ventre plat et rétréci.

On doit attendre plus d’énergie et d’activité, plus de flexibilité d’esprit et de finesse, d’un tempérament sec que d’un corps surchargé d’embonpoint. Il se trouve cependant des gens d’une taille effilée qui sont excessivement lents et paresseux ; mais alors le caractère de leur indolence reparaît dans le bas du visage. Les gens d’un mérite supérieur ont ordinairement les cuisses maigres. Les pieds plats s’associent rarement avec le génie.

Quoiqu’il n’y ait aucune ressemblance proprement dite entre l’homme et les animaux, selon la remarque d’Aristote, il peut arriver néanmoins que certains traits du visage humain nous rappellent l’idée de quelque animal.

Porta a été plus loin, puisqu’il a trouvé dans chaque figure humaine la figure d’un animal ou d’un oiseau, et qu’il juge les hommes par le naturel de l’animal dont ils simulent un peu les traits.

Le singe, le cheval et l’éléphant sont les animaux qui ressemblent le plus à l’espèce humaine par le contour de leurs profils et de leur face. Les plus belles ressemblances sont celles du cheval, du lion, du chien, de l’éléphant et de l’aigle. Ceux qui ressemblent au singe sont habiles, actifs, adroits, rusés, malins, avares et quelquefois méchants. La ressemblance du cheval donne le courage et la noblesse de l’âme. Un front comme celui de l’éléphant annonce la prudence et l’énergie. Un homme qui par le nez et le front ressemblerait au profil du lion ne serait certainement pas un homme ordinaire (la face du lion porte l’empreinte de l’énergie, du calme et de la force) ; mais il est bien rare que ce caractère puisse se trouver en plein sur une face humaine.

 
Physiognomonie
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La ressemblance du chien annonce la fidélité, la droiture et un grand appétit[430] ; celle du loup, qui en diffère si peu, dénote un homme violent, dur, lâche, féroce, passionné, traître et sanguinaire ; celle du renard indique la petitesse, la faiblesse, la ruse et la violence. La ligne qui partage le museau de l’hyène porte le caractère d’une dureté inexorable. La ressemblance du tigre annonce une férocité gloutonne. Dans les yeux et le mufle du tigre, quelle expression de perfidie ! La ligne que forme la bouche du lynx et du tigre est l’expression de la cruauté. Le chat : hypocrisie, attention et friandise. Les chats sont des tigres en petit, apprivoisés par une éducation domestique. La ressemblance de l’ours indique la fureur, le pouvoir de déchirer, une humeur misanthrope[431] ; celle du sanglier ou du cochon annonce un naturel lourd, vorace et brutal. Le blaireau est ignoble, méfiant et glouton. Le bœuf est patient, opiniâtre, pesant, d’un appétit grossier. La ligne que forme la bouche de la vache et du bœuf est l’expression de l’insouciance, de la stupidité et de l’entêtement. Le cerf et la biche : timidité craintive, agilité, attention, douce et paisible innocence. La ressemblance de l’aigle annonce une force victorieuse ; son œil étincelant a tout le feu de l’éclair. Le vautour a plus de souplesse, et en même temps quelque chose de moins noble. Le hibou est plus faible plus timide que le vautour. Le perroquet : affectation de force, aigreur et babil, etc. Toutes ces sortes de ressemblances varient à l’infini, mais elles sont difficiles à trouver.

Tels sont les principes de la physiognomonie, d’après Aristote, Albert le Grand, Porta, etc., mais principalement d’après Lavater, qui a le plus écrit sur cette matière, et qui du moins a mis quelquefois un grain de bon sens dans ses essais. Il parle avec sagesse : lorsqu’il traite des mouvements du corps et du visage, des gestes et des parties mobiles qui expriment, sur la figure de l’homme, ce qu’il sent intérieurement et au moment où il le sent. Mais combien il extravague aussi lorsqu’il veut décidément trouver du génie dans la main ! Il juge les femmes avec une injustice extrême.

Tant que la physiognomonie apprendra à l’homme à connaître la dignité de l’être que Dieu lui a donné, cette science, quoique en grande partie hasardeuse, méritera pourtant quelques éloges, puisqu’elle aura un but utile et louable. Mais lorsqu’elle dira qu’une personne constituée de telle sorte est vicieuse de sa nature ; qu’il faut la fuir et s’en défier ; que, quoique cette personne présente un extérieur séduisant et un air plein de bonté et de candeur, il faut toujours l’éviter, parce que son naturel est affreux, que son visage l’annonce et que le signe en est certain, immuable, la physiognomonie sera une science abominable qui établit le fatalisme.

On a vu des gens assez infatués de cette science pour se donner les défauts que leur visage portail nécessairement et devenir vicieux, en quelque sorte, parce que la fatalité de leur physionomie les y condamnait, semblables à ceux-là-qui abandonnaient la vertu parce que la fatalité de leur étoile les empêchait d’être vertueux.

Les pensées suivantes, publiées par le Journal de santé, sont extraites d’un petit Traité de la physiognomonie, par M. Bourdon :

« La douleur physique, les souffrances, donnent souvent à la physionomie une expression analogue à celle dm génie, l’ai vu une femme du peuple, affectée d’un cancer, qui ressemblait parfaitement à madame de Staël quant à l’expression profonde de la physionomie. Je dis la même chose des passions contrariées, des violents chagrins, des fatigues de l’esprit et de l’abus des jouissances : tout ce qui remue vivement notre âme, tout ce qui porte coup à la sensibilité, a des effets à peu près semblables sur la figure.

» Une grosse tête annonce de l’imagination par instants, de là pesanteur par habitude, de l’enthousiasme par éclairs, beaucoup de volonté et souvent du génie. Un front étroit indique de la vivacité ; un front rond de la colère.

» Chaque homme a beaucoup de peine à se faire une juste idée de ses propres traits ; les femmes elles-mêmes n’y parviennent que très-difficilement. Cela vient de ce qu’on ne peut voir les mouvements des yeux, par qui la physionomie reçoit sa principale expression.

» On peut, jusqu’à un certain point, juger de la respiration d’une personne d’après son style, d’après la coupe de ses phrases et sa ponctuation. Assurément J. J. Rousseau ne ponctuait pas comme Voltaire, ni Bossuet comme Fénelon. Quand je dis qu’on peut à l’aide du style apprécier la respiration d’un individu, c’est dire qu’on peut aussi juger des passions qui l’agitent, de l’émotion qu’il éprouve ; car les vives pensées ont pour effet de remuer le cœur, et les palpitations du cœur accélèrent la respiration et rendent la voix tremblante. Voilà d’où vient le pouvoir qu’une voix émue est toujours sûre d’exercer sur nous : elle attire l’attention, elle indique un orateur ou inspiré, ou timide, ou consciencieux. Les orateurs froids et médiocres simulent celle émotion vraie, qui vient du cœur, à l’aide de l’agitation oscillatoire et saccadée des bras.

» La même émotion morale qui hâte la respiration, qui fait palpiter le cœur et rend la voix tremblante, rend de même tous les mouvements du corps vacillants et incertains, tant que dure l’inspiration morale, et quelquefois même longtemps après que l’agitation de l’esprit a cessé. Voilà pourquoi l’écriture de nos grands écrivains est généralement si illisible ; et comme il est écrit que toujours l’incapacité singera jusqu’aux défauts inséparables du vrai mérite, voilà pourquoi beaucoup d’hommes médiocres se sont crus engagés d’honneur à graver en caractères indéchiffrables les stériles pensées qu’une verve engourdie leur suggérait.

» L’extrême laideur est presque toujours un signe d’esclavage, de souffrances morales ou de durs travaux. Il est certain que l’oisiveté, qu’une douée incurie sont favorables à la beauté corporelle : il y avait donc plus de vrai qu’on ne pense dans ce titre de gentilhomme dont on gratifiait jadis tout heureux fainéant.

» Il n’est pas d’homme peut-être qui ne consentît très-volontiers à échanger, à son choix et selon son goût, quelque trait de sa physionomie, une partie quelconque de son corps. On n’est jamais aussi Complètement satisfait de sa figure que de son esprit. Jugez combien la perfection corporelle doit être rare chez les peuples actuels de l’Europe, puisque la Vénus de Tornwaldsen lui a nécessité trente différents modèles ! J’observe toute fois que la démoralisation des villes capitales, mais surtout les bienfaits récents de la vaccine, sont des causes qui doivent puissamment seconder le génie des peintres et des sculpteurs de nos jours.

» Un homme qui a le malheur de loucher doit se montrer beaucoup plus réservé qu’un autre dans ses actions et ses discours car ; la malignité humaine est naturellement disposée à augurer mal de la symétrie de tout édifice dont les issues sont désordonnées.

» De profondes rides aux côtés de la bouche font conjecturer qu’on est ou moqueur, ou naturellement gai, ou soumis aux caprices d’un maître mauvais plaisant.

» Le rire (jeneparle pasdusourire) est un caractère d’ineptie plutôt que d’intelligence : les hommes supérieurs sont généralement graves. L’habitude des grandes pensées rend presque toujours indifférent aux petites choses qui sont en possession d’exciter le rire.

» Plus sont profondes celles des rides qui dépendent des muscles, et plus il est permis de croire à une longue vie, à une santé durable. En effet, l’énergie des muscles indique toujours une heureuse organisation, des fonctions régulières. Voilà sur quel principe vrai l’art de la chiromancie est fondé : s’il ne conduit si souvent qu’à des mensonges, cela vient de ce qu’on lui fait dire autre chose que ce qu’il dit en effet… »

Terminons ce long article par une anecdote : Louis XIV était si persuadé du talent que Lachambre, médecin et académicien français, s’attribuait de juger, sur la seule physionomie des gens, quel était non-seulement leur caractère, mais encore à quelle place et à quels emplois chacun d’eux pouvait être propre, que ce prince ne se déterminait, soit en bien, soit en mal, sur les choix qu’il avait à faire qu’après avoir consulté ce singulier oracle. « Si je meurs avant Sa Majesté, disait Lachambre, elle court grand risque de faire à l’avenir beaucoup de mauvais choix. » Lachambre mourut en effet avant le roi, et sa prédiction parut plus d’une fois justifiée. — Ce médecin a laissé des ouvrages dont le genre dénote assez le penchant qu’il avait à étudier les physionomies. Voy. Mimique.

Piaces, prêtres magiciens de l’île d’Hispaniola, au moment de la conquête ou découverte de cette île. On voit dans l’Histoire des Indes de Ferdinand d’Oviédo, ami de Christophe Colomb, des faits qui établissent sérieusement l’intervention des démons dans les paroles des piaces qui révélaient exactement ce qui se faisait au loin ; à moins que ce ne fût du magnétisme.

Piaches, prêtres idolâtres de la côte de Cumana, aussi en Amérique. Pour être admis dans leur ordre, il fallait passer par une espèce de noviciat qui consistait à errer deux ans dans les forêts. Ils persuadaient au peuple qu’ils recevaient là des instructions de certains esprits en forme humaine. Ils disaient que le soleil et la lune étaient le mari et la femme. Pendant les éclipses, les femmes se tiraient du sang et s’égratignaient les bras ; elles croyaient la lune en querelle avec son mari.

Ces piaches, qui ressemblent aux piaces d’Hispaniola, donnaient un talisman en forme de X comme préservatif contre les fantômes. Ils disaient que les échos sont les voix des trépassés.

Picard (Mathurin), directeur d’un couvent de Louviers, qui fut accusé d’être sorcier et d’avoir conduit au sabbat Madeleine Bavent, tourière de ce couvent. Comme il était mort lorsqu’on arrêta Madeleine, et qu’on lui fit son procès, où il fut condamné ainsi qu’elle, son corps fut délivré à l’exécuteur des sentences criminelles, traîné sur des claies par les rues et lieux publics, puis conduit en la place du Vieux-Marché ; là brûlé et les cendres jetées au vent ; 1647.

Picatrix, médecin ou charlatan arabe, qui vivait en Espagne vers le treizième siècle. Il se livra de bonne heure à l’astrologie, et se rendit si recommandable dans cette science, que ses écrits devinrent célèbres parmi les amateurs des sciences occultes. On dit qu’Agrippa, étant allé en Espagne, eut connaissance de ses ouvrages et y prit beaucoup d’idées creuses, notamment dans le traité que Picatrix avait laissé De la philosophie occulte.

Pic de la Mirandole (Jean), l’un des hommes les plus célèbres par la précocité et l’étendue de l’étude, né le 24 février 1463. Il avait une mémoire prodigieuse et un esprit très-pénétrant. Cependant un imposteur l’abusa en lui faisant voir soixante manuscrits qu’il assurait avoir été composés par l’ordre d’Esdras, et qui ne contenaient que les plus ridicules rêveries cabalistiques. L’obstination qu’il mit à les lire lui fit perdre un temps plus précieux que l’argent qu’il en avait donné et le remplit d’idées chimériques dont il ne fut jamais entièrement désabusé. Il mourut en 1494. On a recueilli de ses ouvrages des Conclusions philosophiques de cabale et de théologie, Rome, Silbert, in-folio extrêmement rare ; c’est là le seul mérite de ce livre. Car, de l’aveu même de Tiraboschi, on ne peut que gémir en le parcourant, de voir qu’un si beau génie, un esprit si étendu et si laborieux, se soit occupé de questions si frivoles. On a dit qu’il avait un démon familier.

Pichacha, nom collectif des esprits follets chez les Indiens.

Picollus, démon révéré par les anciens habitants de la Prusse, qui lui consacraient la tête


d’un homme mort et brûlaient du suif en son honneur. Ce démon se faisait voir aux derniers jours des personnages importants. Si on ne l’apaisait pas, il se présentait une seconde fois ; et lorsqu’on lui donnait la peine de paraître une troisième, on ne pouvait plus l’adoucir que par l’effusion du sang humain.

Lorsque Picollus était content, on l’entendait rire dans son temple ; car il avait un temple.

Pie, oiseau de mauvais augure. En Bretagne, les tailleurs sont les entremetteurs des mariages ; ils se font nommer, dans cette fonction, basvanals ; ces basvanals, pour réussir dans leurs demandes, portent un bas rouge et un bas bleu, et ils rentrent chez eux s’ils voient une pie, qu’ils regardent comme un funeste présage[432].

Plusieurs vieilles sorcières ont eu leur démon familier en forme de pie ou de corbeau. Les pies sont le symbole des caquetages.

M. Berbiguier dit que la pie voleuse, dont on a fait un mélodrame, était un farfadet.


Pied. Les Romains distingués avaient dans leur vestibule un esclave qui avertissait les visiteurs d’entrer du pied droit. On tenait à mauvais augure d’entrer du pied gauche chez les dieux et chez les grands. On entrait du pied gauche lorsqu’on était dans le deuil ou dans le chagrin<ref> M. Nisard, Stace.<ref>. Les anciens avaient pour règle de religion de construire en nombre impair les degrés des temples ; d’où il résultait qu’après les avoir montés, on entrait nécessairement dans l’édifice auquel ces degrés conduisaient parle pied droit ; ce que les païens regardaient comme un point essentiel et d’un augure aussi favorable que le contraire eût été funeste.

Pied fourchu. Le diable a toujours un pied fourchu quand il se montre en forme d’homme.

Pierre à souhaits. Voy. Aselle.

Pierre d’aigle, ainsi nommée parce qu’on a supposé qu’elle se trouvait dans les nids d’aigle. Voy. Aétite, et à leur nom les autres pierres précieuses. Voy. aussi Rugxer et Sakhrat.

Pierre du diable. Il y a dans la vallée de Schellenen, en Suisse, des fragments de rocher de beau granit, qu’on appelle la pierre du diable. Dans un démêlé qu’il y eut entre les gens du pays et le diable, celui-ci les apporta là pour renverser un ouvrage qu’il avait eu, quelque temps auparavant, la complaisance de leur construire.

Pierre philosophale. On regarde la pierre philosophale comme une chimère. Un mépris si mal raisonné, disent les philosophes hermétiques, est un effet du juste jugement de Dieu, qui ne permet pas qu’un secret si précieux soit connu des méchants et des ignorants. La science de la pierre philosophale ou la philosophie hermétique fait partie de la cabale, et ne s’enseigne que de bouche à bouche. — Les alchimistes donnent une foule de noms à la pierre philosophale : c’est la fille du grand secret ; le soleil est son père, la lune est sa mère, le vent Va portée dans son ventre, etc.

Le secret plus ou moins chimérique de faire de l’or a été en vogue parmi les Chinois longtemps avant qu’on n’en eût les premières notions en Europe. Ils parlent dans leurs livres, en termes magiques, de la semence d’or et de la poudre de projection. Ils promettent de tirer de leurs creusets non seulement de l’or, mais encore un remède spécifique et universel qui procure à ceux qui le prennent une espèce d’immortalité.

Zosime, qui vivait au commencement du cinquième siècle, est un des premiers parmi nous qui aient écrit sur l’art de faire de l’or et de l’argent, ou la manière de fabriquer la pierre philosophale. Cette pierre est une poudre ou une liqueur formée de divers métaux en fusion sous une constellation favorable.

Gibbon remarque que les anciens ne connaissaient pas l’alchimie. Cependant on voit dans Pline que l’empereur Caligula entreprit de faire de l’or avec une préparation d’arsenic, et qu’il abandonna son projet, parce que les dépenses l’emportaient sur le profit.

Des partisans de cette science prétendent que les Égyptiens en connaissaient tous les mystères. Cette précieuse pierre philosophale, qu’on appelle aussi élixir universel, eau du soleil, poudre de projection, qu’on a tant cherchée, et que sans doute on n’a jamais pu découvrir[433], procurerait à celui qui aurait le bonheur de la posséder des richesses incompréhensibles, une santé toujours florissante, une vie exempte de toutes sortes de maladies, et même, au sentiment de plus d’un cabaliste, l’immortalité… Il ne trouverait rien qui put lui résister, et serait sur la terre le plu ? glorieux, le plus puissant, le plus riche et le plus heureux des mortels ; il convertirait à son gré tout en or, et jouirait de tous les agréments. L’empereur Rodolphe n’avait rien plus à cœur que cette recherche. Le roi d’Espagne Philippe II employa, dit-on, de grandes sommes à faire travailler les chimistes aux conversions des métaux. Tous ceux qui ont marché sur leurs traces n’ont pas eu de grands succès. Quelques-uns donnent cette recette comme le véritable secret de faire l’œuvre hermétique : Mettez dans une fiole de verre fort, au feu de sable, de l’élixir d’Aristée, avec du baume de mercure et une pareille pesanteur du plus pur or de vie ou précipité d’or, et la calcination qui restera au fond de la fiole se multipliera cent mille fois. Que si l’on ne sait comment se procurer de l’élixir d’Aristée et du baume de mercure, on peut implorer les esprits cabalistiques, ou même, si on l’aime mieux, le démon barbu, dont nous avons parlé.

On a dit aussi que saint Jean l’évangéliste avait enseigné le secret de faire de l’or ; et en effet, on chantait autrefois dans quelques églises une hymne en son honneur, où se trouve une allégorie que les alchimistes s’appliquent :

          Inexhaustum fert thesaurum
          Qui de virgis facit aurum.
          Gemmas de lapidibus.

D’autres disent que, pour faire le grand œuvre, il faut de l’or, du plomb, du fer, de l’antimoine, du vitriol, du sublimé, de l’arsenic, du tartre, du mercure, de la terre et de l’air, auxquels on joint un œuf de coq, du crachat, de l’urine et des excréments humains. Aussi un philosophe a dit avec raison que la pierre philosophale était une salade, et qu’il y fallait du sel, de l’huile et du vinaigre.

Nous donnerons une plus ample idée de la matière et du raisonnement des adeptes en présentant au lecteur quelques passages du Traité de chimie philosophique et hermétique, publié à Paris en 1725[434]. « Au commencement, dit l’auteur, les sages, ayant bien considéré, ont reconnu que l’or engendre l’or et l’argent, et qu’ils peuvent se multiplier dans leurs espèces.

» Les anciens philosophes, travaillant par la voie sèche, ont rendu une partie de leur or volatil, et l’ont réduit en sublimé blanc comme neige et luisant comme cristal ; ils ont converti l’autre partie en sel fixe ; et de la conjonction du volatil avec le fixe, ils ont fait leur élixir. Les philosophes modernes ont extrait de l’intérieur du mercure un esprit igné, minéral, végétal et multiplicatif, dans la concavité humide duquel est caché le mercure primitif ou quintessence universelle. Par le moyen de cet esprit, ils ont attiré la semence spirituelle contenue en l’or ; et par cette voie, qu’ils ont appelée voie humide, leur soufre et leur mercure ont été faits : c’est le mercure des philosophes, qui n’est pas solide comme le métal, ni mou comme le vif-argent, mais entre les deux. Ils ont tenu longtemps ce secret caché, parce que c’est le commencement, le milieu et la fin de l’œuvre ; nous l’allons découvrir pour le bien de tous, il faut donc pour faire l’œuvre : 1o purger le mercure avec du sel et du vinaigre (salade) ; 2o le sublimer avec du vitriol et du salpêtre ; 3o le dissoudre dans l’eau-forte ; 4o le sublimer derechef ; 5o le calciner et le fixer : 6o en dissoudre une partie par défaillance à la cave, où il se résoudra en liqueur ou huile (salade) : 7o distiller cette liqueur pour en séparer L’eau spirituelle, l’air et le feu : 8o mettre de ce corps mercuriel calciné et fixé dans l’eau spirituelle ou esprit liquide mercuriel distillé ; 9o les putréfier ensemble jusqu’à la noirceur ; puis il s’élèvera en superficie de l’esprit un soufre blanc non odorant, qui est aussi appelé sel ammoniac ; 10o dissoudre ce sel ammoniac dans l’esprit mercuriel liquide, puis le distiller jusqu’à ce que tout passe en liqueur, et alors sera fait le vinaigre des sages ; 11o cela parachevé, il faudra passer de l’or à l’antimoine par trois fois, et après le réduire en chaux : 12o mettre cette chaux d’or dans ce vinaigre très-aigre, les laisser putréfier ; et en superficie du vinaigre, il s’élèvera une terre feuillée de la couleur des perles orientales ; il faut sublimer de nouveau jusqu’à ce que cette terre soit très-pure ; alors vous aurez fait la première opération du grand œuvre.

» Pour le second travail, prenez, au nom de Dieu, une part de cette chaux d’or et deux parts de l’eau spirituelle chargée de son sel ammoniac ; mettez cette noble confection dans un vase de cristal de la forme d’un œuf, scellez le tout du sceau d’Hermès ; entretenez un feu doux et continuel : l’eau ignée dissoudra peu à peu la chaux d’or ; il se formera une liqueur qui est l’eau des sages et leur vrai chaos, contenant les qualités élémentaires, chaud, sec, froid et humide. Laissez putréfier cette composition jusqu’à ce qu’elle devienne noire : cette noirceur, qui est appelée la tête de corbeau et le saturne des sages, fait connaître à l’artiste qu’il est en bon chemin. Mais pour ôter cette noirceur puante, qu’on appelle aussi terre noire, il faut faire bouillir de nouveau, jusqu’à ce que le vase ne présente plus qu’une substance blanche comme la neige. Ce degré de l’œuvre s’appelle le cygne. Il faut enfin fixer par le feu cette liqueur blanche, qui se calcine et se divise en deux parts, l’une blanche pour l’argent, l’autre rouge pour l’or ; alors vous aurez accompli les travaux et vous posséderez la pierre philosophale.

» Dans les diverses opérations, on peut tirer divers produits : d’abord le lion vert, qui est un liquide épais, qu’on nomme aussi l’azot, et qui fait sortir l’or caché dans les matières ignobles ; le lion rouge, qui convertit les métaux en or : c’est une poudre d’un rouge vif ; la tête de corbeau, dite encore la voile noire du navire de Thésée, dépôt noir qui précède le lion vert, et dont l’apparition au bout de quarante jours promet le succès de l’œuvre : il sert à la décomposition et putréfaction des objets dont on veut tirer l’or ; la poudre blanche, qui transmue les métaux blancs en argent fin ; l’élixir au rouge, avec lequel on fait de l’or et on guérit toutes les plaies ; l’élixir au blanc, avec lequel on fait de l’argent et on se procure une vie extrêmement longue : on l’appelle aussi la fille blanche des philosophes. Toutes ces variétés de la pierre philosophale végètent et se multiplient… » Le reste du livre est sur le même ton. Il contient tous les secrets de l’alchimie. Voy. Baume universel, Élixir de vie, Or potable, etc.

Les adeptes prétendent que Dieu enseigna l’alchimie à Adam, qui en apprit le secret à Hénoch, duquel il descendit par degrés à Abraham, à Moïse, à Job, qui multiplia ses biens au septuple par le moyen de la pierre philosophale, à Paracelse, et surtout à Nicolas Flamel. Ils citent avec respect des livres de philosophie hermétique qu’ils attribuent à Marie, sœur de Moïse, à Hermès Trismégiste, à Démocrite, à Aristote, à saint Thomas d’Aquin, etc. La boîte de Pandore, la toison d’or de Jason, le caillou de Sisyphe, la cuisse d’or de Pythagore, ne sont selon eux que le grand œuvre[435]. Ils trouvent tous leurs mystères dans la Genèse, dans l’Apocalypse surtout, dont ils font un poëme à la louange de l’alchimie ; dans l’Odyssée, dans les Métamorphoses d’Ovide. Les dragons qui veillent, les taureaux qui soufflent du feu, sont les emblèmes des travaux hermétiques.

Gobineau de Montluisant, gentilhomme chartrain, a même donné une explication extravagante des figures bizarres qui ornent la façade de Notre-Dame de Paris ; il y voyait une histoire complète de la pierre philosophale. Le Père éternel étendant les bras et tenant un ange dans chacune de ses mains annonce assez, dit-il, la perfection de l’œuvre achevée.

D’autres assurent qu’on ne peut posséder le grand secret que par le secours de la magie ; ils nomment démon barbu le démon qui se charge de l’enseigner ; c’est, disent-ils, un très-vieux démon.

On trouve à l’appui de cette opinion, dans plusieurs livres de conjurations magiques, des formules qui évoquent les démons hermétiques. Cédrénus, qui donnait dans cette croyance, raconte qu’un alchimiste présenta à l’empereur Anastase, comme l’ouvrage de son art, un frein d’or et de pierreries pour son cheval. L’empereur accepta le présent et fit mettre l’alchimiste dans une prison, où il mourut ; après quoi le frein devint noir, et on reconnut que l’or des alchimistes n’était qu’un prestige du diable. Beaucoup d’anecdotes prouvent que ce n’est qu’une friponnerie ordinaire.

Un rose-croix, passant à Sedan, donna à


Henri Ier, prince de Bouillon, le secret de faire de l’or, qui consistait à faire fondre dans un creuset un grain d’une poudre rouge qu’il lui remit, avec quelques onces de litharge. Le prince fit l’opération devant le charlatan, et tira trois onces d’or pour trois grains de cette poudre ; il fut encore plus ravi qu’étonné ; et l’adepte, pour achever de le séduire, lui fit présent de toute sa poudre transmutante. Il y en avait trois cent mille grains. Le prince crut posséder trois cent mille onces d’or. Le philosophe était pressé de partir ; il allait à Venise tenir la grande assemblée des philosophes hermétiques ; il ne lui restait plus rien, mais il ne demandait que vingt mille écus. Le duc de Bouillon les lui donna et le renvoya avec honneur. Comme en arrivant à Sedan le charlatan avait fait acheter toute la litharge qui se trouvait chez les apothicaires de cette ville, et l’avait fait revendre ensuite

Le baron de Puimerolles présenté à Charles IX


chargée de quelques onces d’or, quand cette litharge fut épuisée, le prince ne fit plus d’or, ne vit plus le rose-croix et en fut pour ses vingt mille eus.

Jérémie Médérus, cité par Delrio[436], raconte un tour absolument semblable qu’un autre adepte joua au marquis Ernest de Bade.

Tous les souverains s’occupaient autrefois de la pierre philosophale ; la fameuse Elisabeth la chercha longtemps. Jean Gauthier, baron de Plumerolles, se vantait de savoir faire de l’or ; Charles IX, trompé par ses promesses, lui fit donner cent vingt mille livres, et l’adepte se mit à l’ouvrage. Mais après avoir travaillé huit jours, il se sauva avec l’argent du monarque. On courut à sa poursuite, on l’attrapa, et il fut pendu : mauvaise fin, même pour un alchimiste ! chargée En 1616, la reine Marie de Médicis donna à Gui de Crusembourg vingt mille écus pour travailler dans la Bastille à faire de l’or. Il s’évada au bout de trois mois avec les vingt mille écus, et ne reparut plus en France.

Le pape Léon X fut moins dupe. Un homme qui se vantait de posséder le secret de la pierre philosophale lui demandait une récompense. Le protecteur des arts le pria de revenir le lendemain, et il lui fit donner un grand sac, en lui disant que, puisqu’il savait faire de l’or, il lui offrait de quoi le contenir[437]. Mais il y eut des alchimistes plus fiers. L’empereur Rodolphe II, ayant entendu parler d’un chimiste franc-comtois qui passait pour être certainement un adepte, lui envoya un homme de confiance pour l’engager à venir le trouver à Prague. Le commissionnaire n’épargna ni persuasion, ni promesses pour s’acquitter de sa commission ; mais le Franc-Comtois fut inébranlable, et se tint constamment à cette réponse : Ou je suis adepte ou je ne le suis pas ; si je le suis, je n’ai pas besoin de l’empereur, et si je ne le suis pas, l’empereur n’a que faire de moi.

Un alchimiste anglais vint un jour rendre visite au peintre Rubens, auquel il proposa de partager avec lui les trésors du grand œuvre, s’il voulait construire un laboratoire et payer quelques petits frais. Rubens, après avoir écouté patiemment les extravagances du souffleur, le mena dans son atelier. Vous êtes venu, lui dit-il, vingt ans trop tard, car depuis ce temps j’ai trouvé la pierre philosophale avec cette palette et ces pinceaux,

Le roi d’Angleterre Henri VI fut réduit à un tel degré cle besoin que, au rapport d’Évelyn (dans ses Numismata), il chercha à remplir ses coffres avec le secours de l’alchimie. L’enregistrement de ce singulier projet contient les protestations les plus solennelles et les plus sérieuses de l’existence et des vertus de la pierre philosophale, avec des encouragements à ceux qui s’en occuperont. Il annule et condamne toutes les prohibitions antérieures. Aussitôt que cette patente royale fut publiée, il y eut tant de gens qui s’engagèrent à faire de l’or, selon l’attente du roi, que l’année suivante Henri VI publia un autre édit dans lequel il annonçait que l’heure était prochaine où, par le moyen de la pierre philosophale, il allait payer les dettes de l’État en or et en argent monnayés.

Charles II d’Angleterre s’occupait aussi d’alchimie. Les personnes qu’il choisit pour opérer le grand œuvre formaient un assemblage aussi singulier que leur patente était ridicule. C’était une réunion d’épiciers, de merciers et de marchands de poisson. Leur patente fut accordée authoritate parliamenti.

Les alchimistes était appelés autrefois multiplicateurs ; on le voit par un statut de Henri IV d’Angleterre, qui ne croyait pas à l’alchimie. Ce statut se trouve rapporté dans la patente de Charles II. Comme il est fort court, nous le citerons. « Nul dorénavant ne s’avisera de multiplier l’or et l’argent, ou d’employer la supercherie de la multiplication, sous peine d’être traité et puni comme félon. »

On lit dans les Curiosités de la littérature, ouvrage traduit de l’anglais par Th. Bertin, qu’une princesse de la Grande-Bretagne, éprise


de l’alchimie, fit rencontre d’un homme qui prétendait avoir la puissance de changer le plomb en or. Il ne demandait que les matériaux et le temps nécessaires pour exécuter la conversion. Il fut emmené à la campagne de sa protectrice, où l’on construisit un vaste laboratoire, et, afin qu’il ne fût pas troublé, on défendit que personne n’y entrât. Il avait imaginé de faire tourner sa porte sur un pivot, et recevait à manger sans voir, sans être vu, sans que rien pût le distraire. Pendant, deux ans il ne condescendit à parler à qui que ce fût, pas même à la princesse. Lorsqu’elle fut introduite enfin dans son laboratoire, elle vit des alambics, des chaudières, de longs tuyaux, des forges, des fourneaux, et trois ou quatre feux d’enfer allumés ; elle ne contempla pas avec moins de vénération la figure enfumée de l’alchimiste, pâle, décharné, affaibli par ses veilles, qui lui révéla, dans un jargon inintelligible, les succès obtenus ; elle vit ou crut voir des monceaux d’or encore imparfait répandus dans le laboratoire. Cependant l’alchimiste demandait souvent un nouvel alambic et des quantités énormes de charbon. La princesse, malgré son zèle, voyant qu’elle avait dépensé une grande partie de sa fortune à fournir aux besoins du philosophe, commença à régler l’essor de son imagination sur les conseils de la sagesse. Elle découvrit sa façon de penser au physicien : celui-ci avoua qu’il était surpris de la lenteur de ses progrès ; mais il allait redoubler d’efforts et hasarder une opération de laquelle, jusque-là, il avait cru pouvoir se passer. La protectrice se retira ; les visions dorées reprirent leur premier empire. Un jour qu’elle était à dîner, un cri affreux, suivi d’une explosion semblable à celle d’un coup de canon, se fit entendre ; elle se rendit avec ses gens auprès du chimiste. On trouva deux larges retortes brisées, une grande partie du laboratoire en flamme, et le physicien grillé depuis les pieds jusqu’à la tête.

Elie Ashmole écrit dans sa Quotidienne du 13 mai 1655 : « Mon père Backouse (astrologue qui l’appelait son fils, méthode pratiquée par les gens de cette espèce) étant malade dans FleetStreet, près de l’église de Saint-Dunstan, et se trouvant, sur les onze heures du soir, à l’article de la mort, me révéla le secret de la pierre philosophale, et me le légua un instant avant d’expirer. »

Nous apprenons par là qu’un malheureux qui connaissait l’art de faire de l’or vivait cependant de charités, et qu’Ashmole croyait fermement être en possession d’une pareille recette.

Ashmole a néanmoins élevé un monument curieux des savantes folies de son siècle, dans son Theatrum chimicum britannicum, vol. in-4o, dans lequel il a réuni les traités des alchimistes anglais. Ce recueil présente divers échantillons des mystères de la secte des roses-croix, et Ashmole raconte des anecdotes dont le merveilleux surpasse toutes les chimères des inventions arabes. Il dit de la pierre philosophale qu’il en sait assez pour se taire et qu’il n’en sait pas assez pour en parler.

La chimie moderne n’est pourtant pas sans avoir l’espérance, pour ne pas dire la certitude, de voir un jour vérifiés les rêves dorés des alchimistes. Le docteur Girtanner de Gœttingue a dernièrement hasardé cette prophétie que, dans le dix-neuvième siècle, la transmutation des métaux sera généralement connue ; que chaque chimiste saura faire de l’or ; que les instruments de cuisine seront d’or et d’argent, ce qui contribuera beaucoup à prolonger la vie, qui se trouve aujourd’hui compromise par les oxydes de cuivre, de fer et de plomb que nous avalons avec notre nourriture[438]. C’est ce que surtout le galvanisme amènera.

Pierre de santé. À Genève et en Savoie, on appelle ainsi une espèce de pyrite martiale très-dure et susceptible d’un beau poli. On taille ces pyrites en facettes comme le cristal, et l’on en fait des bagues, des boucles et d’autres ornements. Sa couleur est à peu près la même que celle de l’acier poli. On lui donne le nom de santé, d’après le préjugé où l’on est qu’elle pâlit lorsque la santé de la personne qui la porte est sur le point de s’altérer.

Pierre-de-feu, démon inconnu qui est invoqué dans les litanies du sabbat.

Pierre-fort, démon invoqué dans les litanies du sabbat. Nous ne le connaissons pas autrement, et il se peut aussi que ce soit un des plus affreux saints des sorciers.

Pierre d’Apone, philosophe, astrologue et médecin, né dans le village d’Abano ou Apono[439], près de Padoue, en 1250. C’était le plus habile magicien de son temps, disent les démonomanes ; il s’acquit la connaissance des sept arts libéraux, par le moyen de sept esprits familiers qu’il tenait


enfermés dans des bouteilles ou dans des boîtes de cristal. Il avait de plus l’industrie de faire revenir dans sa bourse tout l’argent qu’il avait dépensé. Il fut poursuivi comme hérétique et magicien ; et s’il eût vécu jusqu’à la fin du procès, il y a beaucoup d’apparence qu’il eût été brûlé vivant, comme il le fut en effigie après sa mort. Il mourut à l’âge de soixante-six ans. Cet homme avait, dit-on, une telle antipathie pour le lait qu’il n’en pouvait sentir le goût ni l’odeur. Thomazo Garsoni dit, entre autres contes merveilleux sur Pierre d’Apone, que, n’ayant point de puits dans sa maison, il commanda au diable de porter dans la rue le puits de son voisin, parce qu’il refusait de l’eau à sa servante. Malheureusement pour ces belles histoires, il parait prouvé que Pierre d’Apone était une sorte de pauvre esprit fort qui ne croyait pas au diable, du reste homme de mauvais renom. Les amateurs de livres superstitieux recherchent sa Géomancie[440]. Mais ne lui attribuons pas un petit livre qu’on met sur son compte et dont voici le titre : les Œuvres magiques de Henri-Corneille Agrippa, par Pierre d’Alan, latin et français, avec des secrets occultes, in-24, réimprimé à Liège, 1788. On dit dans ce livre que Pierre d’Aban était disciple d’Agrippa, qui vécut trois siècles après lui…

La partie principale est intitulée Heptamêron ou les Eléments magiques. On y trouve les sûrs moyens d’évoquer les esprits et de faire venir le diable. Pour cela, il faut tracer trois cercles l’un dans l’autre, dont le plus grand ait neuf pieds de circonférence, et se tenir dans le plus petit, où l’on écrit le nom des anges qui président à l’heure, au jour, au mois, à la saison, etc.

Voici les anges qui président aux heures. Notez que les heures sont indiquées ici dans la langue infernale. Yayn ou première heure, l’ange Michaël ; Ianor ou deuxième heure, Anaël ; Nasnia ou troisième heure, Raphaël ; Salla ou quatrième heure, Gabriel ; Sadedali ou cinquième heure, Cassiel ; Thamus ou sixième heure, Sachiel ; Ourer ou septième heure, Samaël ; Thanir ou huitième heure, Araël ; Néron ou neuvième heure, Gambie] ; Jaya ou dixième heure, Uriel ; Abaï ou onzième heure, Azaël ; Natalon ou douzième heure, Sambaël. — Les anges du printemps, cabalistiquement nommés Talvi, sont Spugliguel, Caracasa, Commissoros et Amatiel ; le nom de la terre est alors Amadaï, le nom du soleil Abraïm, celui de la lune Agusita. Les anges de l’été, nommés Gasmaran, sont Tubiel, Gargatiel, Tariel et Gaviel. La terre s’appelle alors Festativi, le soleil Athéma’ï, et la lune Armatas. Les anges de l’automne, qui se nommera Ardaraël, sont Torquaret, Tarquam et Guabarel. La terre s’appelle Rahimara, le soleil Abragini, la lune Matafignaïs. Les anges de l’hiver, appelés Fallas, sont Altarib, Amabaël, Grarari. La terre se nomme Gérénia, le soleil Commutât et la lune Affaterim. Pour les anges des mois et des jours, voy. Mois et Jours.

Après avoir écrit tous les noms dans le cercle, mettez les parfums dans un vase de terre neuf, et dites : « Je t’exorcise, parfum, pour que tout fantôme nuisible s’éloigne de moi. » Ayez une feuille de parchemin vierge sur laquelle vous écrirez des croix ; puis appelez des quatre coins du monde les anges qui président à l’air, les sommant de vous aider sur-le-champ, et dites : « Nous t’exorcisons par la mer flottante et transparente, par les quatre divins animaux qui vont et viennent devant le trône de la divine Majesté ; nous t’exorcisons ; et si tu ne parais pas aussitôt ici, devant ce cercle, pour nous obéir en toutes choses, nous te maudissons et te privons de tout office, bien et joie ; nous te condamnons à brûler sans aucun relâche dans l’étang de feu et de soufre, etc. » Cela dit, on verra plusieurs fantômes qui rempliront l’air de clameurs. On ne s’en épouvantera point, et on aura soin surtout de ne point sortir du cercle. On apercevra des spectres qui paraîtront menaçants et armés de flèches ; mais ils n’auront pas puissance de nuire. On soufflera ensuite vers les quatre parties du monde et on dira : « Pourquoi tardez-vous ? soumettez-vous à votre maître. » Alors paraîtra l’esprit en belle forme qui dira : « Ordonnez et demandez, me voici prêt à vous obéir en toutes choses. » Vous lui demanderez ce que vous voudrez, il vous satisfera, et après que vous n’aurez plus besoin de lui, vous le renverrez en disant : « Allez en paix chez vous, et soyez prêt à venir quand je vous appellerai. » Voilà ce que présentent de plus curieux les Œuvres magiques. Et le lecteur qui s’y fiera sera du moins mystifié[441].

Pierre Labourant, nom que des sorciers donnèrent au diable du sabbat. Jeanne Garibaut, sorcière, déclara que Pierre Labourant porte une chaîne de fer qu’il ronge continuellement, qu’il habite une chambre enflammée où se trouvent des chaudières dans lesquelles on fait cuire des personnes, pendant que d’autres rôtissent sur de larges chenets, etc.

Pierre le Brabançon, charlatan, né dans les Pays-Bas. M. Salgues rapporte de lui le fait suivant. Étant devenu épris d’une Parisienne, riche héritière, le Brabançon contrefit aussitôt la voix du père défunt et lui fit pousser, du fond de sa tombe, de longs gémissements ; le mort se plaignit des maux qu’il endurait au purgatoire, et reprocha à sa femme le refus qu’elle faisait de donner sa fille à un si galant homme. La femme, effrayée, n’hésita plus : le Brabançon obtint la main de la demoiselle, mangea la dot, s’évada de Paris et courut se réfugier à Lyon. Un gros financier venait d’y mourir, et son fils se trouvait possesseur d’une fortune opulente. Le Brabançon va le trouver, lie connaissance avec lui, et le mène dans un lieu couvert et silencieux ; là, il fait entendre la voix plaintive du père, qui se reproche les malversations qu’il a commises dans ce monde, et conjure son fils de les expier par des prières et des aumônes ; il l’exhorte d’un ton pressant et pathétique à donner six mille francs au Brabançon pour racheter des captifs. Le fils hésite et remet l’affaire au lendemain. Mais le lendemain la même voix se fait entendre, et le père déclare nettement à son fils qu’il sera damné lui-même s’il tarde davantage à donner les six mille francs à ce brave homme que le ciel lui a envoyé. Le jeune traitant ne se le lit pas dire trois fois ; il compta les six mille francs au ventriloque, qui alla boire et rire à ses dépens.

Pierre le Vénérable, savant abbé de Cluny, mort en 1156. Il a laissé un livre de miracles qui contient plusieurs légendes où les démons ne jouent pas le beau rôle.

Pierres d’anathème. « Non loin de Patras, je vis des tas de pierres au milieu d’un champ ; j’appris que c’était ce que les Grecs appellent pierres d’anathème, espèce de trophées qu’ils élèvent à la barbarie de leurs oppresseurs. En dévouant leurs tyrans aux génies infernaux, ils les maudissent dans leurs ancêtres, dans leur âme et dans leurs enfants ; car tel est le formulaire de leurs imprécations. Ils se rendent dans le champ qu’ils veulent vouer à l’anathème, et chacun jette sur le même coin de terre la pierre de réprobation. Les passants ne manquant pas dans la suite d’y joindre leur suffrage, il s’élève bientôt dans le lieu voué à la malédiction un tas de pierres assez semblable aux monceaux de cailloux qu’on rencontre sur le bord de nos grandes routes, ce qui du reste nettoie les champs[442]. »

Pigeons. C’est une opinion accréditée dans le peuple que le pigeon n’a point de fiel. Cependant Aristote et de nos jours l’anatomie ont prouvé qu’il en avait un, sans compter que la fiente de cet oiseau contient un sel inflammable qui ne peut exister sans le fiel. On conte que le crâne d’un homme caché dans un colombier y attire tous les pigeons des environs.

Le maréchal de Mouchy prétendait que la chair du pigeon a une vertu consolante. Lorsque ce seigneur avait perdu un ami, un parent, il disait à son cuisinier : « Vous me servirez à dîner des pigeons rôtis. J’ai remarqué, ajoutait-il, qu’après avoir mangé deux pigeons, je me lève de table beaucoup moins chagrin. »

Pij, nom que les Siamois donnent aux lieux où les âmes des coupables sont punies ; elles y doivent renaître avant de revenir en ce monde.

Pilal-Karras, exorcistes ou devins du Malabar, aux conjurations desquels les pêcheurs de perles ont recours pour se mettre à l’abri des attaques du requin, lorsqu’ils plongent dans la mer. Ces conjurateurs se tiennent sur la côte, marmottent continuellement des prières et font mille contorsions bizarres.

Pilapiens, peuples qui habitent une presqu’île sur les bords de la mer Glaciale, et qui boivent, mangent et conversent familièrement avec les ombres. On allait autrefois les consulter. Leloyer rapporte que, quand un étranger voulait savoir des nouvelles de son pays, il s’adressait à un Pilapien, qui tombait aussitôt en extase et invoquait le diable, lequel lui révélait les choses cachées.

Pilate (Mont), montagne de Suisse, au sommet de laquelle est un lac ou un étang célèbre dans les légendes. On disait que Pilate s’y était jeté, que les diables y paraissaient souvent, que Pilate, en robe de juge, s’y faisait voir tous les ans une fois, et que celui qui avait le malheur d’avoir cette vision mourait dans l’année. De plus, il passait pour certain que, quand on lançait quelque chose dans ce lac, cette imprudence excitait des tempêtes terribles qui causaient de grands ravages dans le pays ; en sorte que, même au seizième siècle, on ne pouvait monter sur cette montagne, ni aller voir ce lac, sans une permission expresse du magistrat de Lucerne, et il était défendu, sous de fortes peines, d’y rien jeter. La même tradition se rattache au lac de Pilate, voisin de Vienne en Dauphiné[443].

Piletski, puissante famille polonaise, dont les filles, après leur mort, se changeaient en colombes si elles n’étaient pas mariées ; et, si elles étaient mariées, en papillons de nuit. Elles


allaient, sous ces formes, annoncer leur mort à tous leurs parents. C’est une de ces traditions qu’il suffit de mentionner et qui est probablement l’œuvre de quelque poëte légendaire.

Pinet. Pic de la Mirandole parle d’un sorcier nommé Pinet, lequel eut commerce trente ans avec le démon Fiorina[444].

Pipi (Marie), sorcière qui sert d’échanson au sabbat ; elle verse à boire dans le repas non seulement au roi de l’enfer, mais encore à ses officiers et à ses disciples, qui sont les sorciers et magiciens 3[445],

Piqueur. À Marsanne, village du Dauphiné, près de Montélimart, on entend toutes les nuits, vers les onze heures, un bruit singulier que les gens du pays appellent le piqueur : il semble, en effet, que l’on donne plusieurs coups sous terre[446]. M. Berbiguier, dans son tome III des Farfadets, nous apprend qu’en 1821 les piqueurs qui piquaient les femmes dans les rues de Paris n’étaient allaient ni des filous, ni des méchants, mais des farfadets ou démons. « J’étais plus savant, dit-il, que le vulgaire, qui ignore que les farfadets ne font le mal que par plaisir. »

Piripiris, talismans en usage chez certains Indiens du Pérou. Ils sont composés de diverses plantes ; ils doivent faire réussir la chasse, assurer les moissons, amener de la pluie, provoquer des inondations et défaire les armées ennemies.

Pison. Après la mort de Germanicus, le bruit courut qu’il avait été empoisonné par les maléfices de Pison. On fondait les soupçons sur les indices suivants : on trouva dans la demeure de Germanicus des ossements de mort, des charmes et des imprécations contre les parois des murs, le nom de Germanicus gravé sur des lames de plomb, des cendres souillées de sang, et plusieurs autres maléfices par lesquels on croyait les hommes dévoués aux dieux infernaux[447].

Pistole volante. Quoique les sorciers de profession aient toujours vécu dans la misère, on prétendait qu’ils avaient cent moyens d’éviter l’indigence et le besoin. On cite entre autres la pistole volante, qui, lorsqu’elle était enchantée par certains charmes et paroles magiques, revenait toujours dans la poche de celui qui l’employait, au grand profit des magiciens qui achetaient, et au grand détriment des bonnes qui vendaient ainsi en pure perte. Voy. Agrippa, Faust, Pasétès, etc.

Pithon, démon qui était familier avec Madeleine de la Croix.

Pivert. Nos anciens, dit le Petit Albert, assurent que le pivert est un souverain remède contre le sortilège de l’aiguillette nouée, si on le mange rôti à jeun avec du sel bénit ; c’était un oiseau d’augure. Élius, préteur romain, rendait la justice sur son tribunal, lorsqu’un pivert vint se reposer sur sa fête. Les augures, consultés sur ce fait, répondirent que tant qu’Élius prendrait soin de l’oiseau, sa famille prospérerait, mais que la république serait malheureuse ; qu’au contraire, lorsque le pivert périrait, la république prospérerait et la famille d’Élius serait à plaindre. Ce dernier, préférant l’intérêt public au sien, tua sur-le-champ l’oiseau en présence du sénat ; et quelque temps après, dix-sept jeunes guerriers de sa maison furent tués à la bataille de Cannes. Mais cette bataille n’accomplit que la moitié de la prédiction et démentit l’autre, puisqu’elle fut la plus désastreuse de toutes celles que perdit la république.

Planètes. Il y a maintenant plus de soixante planètes. Les anciens n’en connaissaient que sept, en comptant la lune, qui n’est qu’un satellite de la terre ; ainsi les nouvelles découvertes détruisent tout le système de l’astrologie judiciaire. Les vieilles planètes sont : le soleil, la lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Chaque planète gouverne un certain nombre d’années[448]. Les années où Mercure préside sont bonnes au commerce, etc. ; la connaissance de cette partie de l’astrologie judiciaire s’appelle Alfridarie.

Plante-bornes. Le plante-bornes est une des plus poétiques et des plus morales traditions. Les Auvergnats ont la passion de la propriété : conserver et surtout agrandir l’héritage, c’est le but principal de leur vie, l’honneur d’un nom ; et l’on dit :« Ce champ est dans ma famille depuis un siècle, » avec l’orgueil que l’on peut avoir ailleurs en montrant un parchemin établissant que son ancêtre était cousin de saint Louis ou frère d’armes de François Ier. À cet amour de la propriété, il fallait un frein ; car la tentation était dangereuse dans un pays où l’on ne connaissait pas de clôtures. La religion fut ce frein salutaire ; et longtemps encore après la révolution, ce n’étaient ni les juges, ni les experts qui réglaient les différends entre propriétaires, mais bien le curé. Le prêtre avait donc dû placer le respect des limites des champs au rang des choses les plus sacrées, et menacer souvent des vengeances éternelles ceux qui failliraient à ce respect. Il n’est donc pas étonnant que des imaginations frappées si vivement aient conçu la pensée du plante-bornes, c’est-à-dire de l’esprit, ou plutôt de l’âme de l’homme injuste revenant après sa mort expier son crime, en réparant ou faisant réparer le dommage causé à ses voisins. Le plante-bornes est d’un effet autrement puissant que la loi ; elle est terrible, mais aveugle ; souvent, avec de certaines précautions, on peut lui échapper ; tandis qu’avec le monde des esprits, il n’est ni ruses, ni chicanes, ni secret possible. L’amour de la famille même, le désir si naturel à tous les cœurs d’enrichir ses enfants, de les rendre heureux, conduisent le propriétaire à se surveiller scrupuleusement, à ne commettre jamais la plus légère infraction aux règles de la probité. Quel père voudrait léguer à ses fils des tourments perpétuels, la honte publique, avec le soin de réparer ses fautes, sous peine de la mort la plus affreuse ?

Car le plante-bornes ne s’en tient pas à une course vague, désordonnée, à travers les villages, mêlée de douloureux gémissements ; il finit par arriver à sa destination, frappe trois grands coups à l’étroite fenêtre de sa chaumière, en répétant par trois fois : « Plante-bornes !!! » Si les habitants, sous l’empire de la terreur, restent muets, on entend autour de la maison des pas lourds et des battements d’ailes ; et le plante-bornes revient gémir tous les soirs, sans se lasser jamais, jusqu’à ce qu’enfin l’on se décide à lui répondre.

Il se trompe quelquefois, s’adresse à une famille pure de toutes fraudes, et qui peut hardiment répondre pour ses aïeux ; mais c’est pour lui ménager un triomphe ; car, sûr de sa conscience et de celles de ses pères, le chef de famille ouvre la fenêtre, crie trois fois : « Plante-les toi-même ! » Alors tout est fini ; la paroisse est en admiration devant ceux qui ont pu chasser les plante-bornes. C’est comme une consécration de l’antique probité de la famille ; chasser un plante-bornes, c’est plus honorable que faire ses preuves de cent ans de noblesse devant Chérin.

Mais si, se mentant à lui-même, le fils d’un coupable osait prononcer la formule sacramentelle, malheur à lui ! Un homme injuste mourut subitement ; il avait bien souvent dit à son fils, en se raillant des croyances superstitieuses : « Si jamais je reviens vous tourmenter pour le bornage, n’ayez pas peur ; chassez-moi. »

Cependant une vieille femme l’avait ajourné devant ce même fils : « Vous avez planté des arbres sur le champ qui m’appartenait ; vous ne voulez pas vous arranger avec moi pendant que vous êtes vivant : prenez garde, il en coûte aux morts de se lever de leurs tombes ! »

Des semaines, des mois s’écoulèrent, le fils commençait à rire des plante-bornes ; mais un soir, tout le monde l’affirme, la paroisse était en émoi ; on frappa à la porte de sa chaumière. Rien ne bougea à l’intérieur ; alors, ce qui n’était plus jamais arrivé arriva : le plante-bornes appela son fils par son nom. Furieux, celui-ci s’élança vers la fenêtre, l’ouvrit, et aux cris de plante-bornes !… qui se répercutaient dans les montagnes, il répondit effrontément : « Plante-les toi-même ! » puis il voulut refermer le volet ; mais une invisible main le saisit à la gorge, et l’on entendit de très-près crier d’une voix désolée : « Plante-bornes ! plante-bornes ! » L’infortuné, demi-mort de frayeur, refusant encore de croire au surnaturel, essaya de se défendre ; au même instant, sa femme, ses enfants, sa vieille mère le virent disparaître dans l’espace ; puis, la chute d’un corps les fit frisonner ; puis un cri déchirant remplit la contrée ; et le lendemain on trouva le corps de l’esprit fort étendu mort sur le pavé du chemin, les lèvres sanglantes et les mains crispées[449].

Platon, célèbre philosophe grec, né l’an 430 avant JésusChrist. On lui attribue un livre de nécromancie. Il y a vingt-cinq ans qu’on a publié de lui une prophétie contre les francs-maçons ; des doctes l’ont expliquée comme celles de Nostradamus.

Plats. Divination par les plats. Quinte-Curce dit que les prêtres égyptiens mettaient Jupiter Ammon sur une nacelle d’or d’où pendaient des plats d’argent, par le mouvement desquels ils jugeaient de la volonté du dieu, et répondaient à ceux qui les consultaient.

Pline. Les Orientaux en font un géomètre prodigieux ; il est lié, chez eux, à l’histoire d’Alexandre le Grand.

Plogojowits (Pierre), vampire qui répandit la terreur au dernier siècle dans le village de Kisolova en Hongrie, où il était enterré depuis dix semaines.Il apparut la nuit à quelques-uns des habitants pendant leur sommeil et leur serra tellement le gosier qu’en vingt-quatre heures ils en moururent. Il fit périr ainsi neuf personnes, tant vieilles que jeunes, dans l’espace de huit jours. La veuve de Plogojowits déclara elle-même que son mari lui était venu demander ses souliers ; ce qui l’effraya tellement qu’elle quitta le village de Kisolova. Ces circonstances déterminèrent les habitants du village à tirer de terre le corps de Plogojowits et à le brûler pour se délivrer de ses infestations. Ils trouvèrent que son corps n’exhalait aucune mauvaise odeur ; qu’il était entier et comme vivant, à l’exception du nez, qui paraissait flétri ; que ses cheveux et sa barbe avaient poussé, et qu’à la place de ses ongles, qui étaient tombés, il lui en était venu de nouveaux ; que sous la première peau, qui paraissait comme morte et blanchâtre, il en croissait une nouvelle, saine et de couleur naturelle. Ils remarquèrent aussi dans sa bouche du sang tout frais, que le vampire avait certainement sucé aux gens qu’il avait fait mourir. On envoya chercher un pieu pointu, qu’on lui enfonça dans la poitrine, d’où il sortit quantité de sang frais et vermeil, de même que par le nez et par la bouche. Ensuite les paysans mirent le corps sur un bûcher, le réduisirent en cendres[450], et il ne suça plus.

Plotin, philosophe de l’école d’Alexandrie, au troisième siècle. Il se vantait d’avoir un esprit familier de haut rang et de la race des dieux ; ce qui paraît peu dans ses écrits, qui n’ont rien de divin. Il se croyait bien au-dessus de l’humanité, et il eût été flatté d’espérer l’apothéose. Lorsqu’il mourut, à soixante-six ans, il disait : Je m’occupe de réunir le dieu qui est en moi à la divinité qui occupe l’univers. Au même instant on vit un serpent sortir de dessous son lit et s’échapper par un trou qui existait dans la muraille. Les assistants prétendirent que ce serpent était le dieu qui possédait Plotin, ou du moins qui habitait en lui.

Pluies merveilleuses. Le peuple met les pluies de crapauds et de grenouilles au nombre des phénomènes de mauvais augure ; et il n’y a pas encore longtemps qu’on les attribuait aux maléfices des sorciers. Elles ne sont pourtant pas difficiles à concevoir : les grenouilles et les crapauds déposent leur frai en grande quantité dans les eaux marécageuses. Si ce frai vient à être enlevé avec les vapeurs que la terre exhale, et qu’il reste longtemps exposé aux rayons du soleil, il en naît ces reptiles que nous voyons tomber avec la pluie. Les pluies de feu ne sont autre chose que la succession très-rapide des éclairs et des coups de tonnerre dans un temps orageux. Des savants ont avancé que les pluies de pierres nous venaient de la lune ; et cette opinion a grossi la masse énorme des erreurs populaires. Ces pluies ne sont ordinairement que les matières volcaniques, les ponces, les sables et les terres brûlées qui sont portés par les vents impétueux à une très-grande distance. On a vu les cendres du Vésuve tomber jusque sur les côtes d’Afrique. La quantité de ces matières, la manière dont elles se répandent dans les campagnes, souvent si loin de leur origine, et les désastres qu’elles occasionnent quelquefois, les ont fait mettre au rang des pluies les plus formidables. Mais, de toutes les pluies prodigieuses, la pluie de sang a toujours été la plus effrayante aux yeux du peuple ; et cependant elle est chimérique. Il n’y a jamais eu de vraie pluie de sang. Toutes celles qui ont paru rouges ou approchant de cette couleur ont été teintes par des terres, des poussières de minéraux ou d’autres matières emportées par les vents dans l’atmosphère, où elles se sont mêlées avec l’eau qui tombait des nuages. Plus souvent encore ce phénomène, en apparence si extraordinaire, a été occasionné par une grande quantité de petits papillons qui répandent des gouttes d’un suc rouge sur les endroits où ils passent[451].

Plutarque, le plus sage des philosophes, mort à Rome l’an 140 de notre ère. Il était initié et prêtre d’Apollon à Delphes. Cependant il a mérité par ses écrits les éloges même des chrétiens. Ses récits de la Cessation des oracles, son Histoire de Thespésius et ses Livres de morale, comme ses Vies des hommes illustres, établissent sa probité. Il a dû connaître les chrétiens.

Pluton, roi des enfers, selon les païens, et, selon les démonomanes, archidiable, prince du feu, gouverneur général des pays enflammés, surintendant des travaux forcés du ténébreux empire.

Plutus, dieu des richesses. Il était mis au nombre des dieux infernaux, parce que les richesses se tirent du sein de la terre. Dans les sacrifices en son honneur, les signes ordinairement funestes qu’offraient les entrailles des victimes devaient toujours s’interpréter en bonne part.

Pnigalion. C’est le nom que quelques


médecins ont donné au cauchemar, parce que, au moyen de visions effrayantes, il étouffe la voix et l’estomac.

Pocel, roi de l’enfer chez les Prussiens. Ils nomment aussi Pocol le chef des hordes d’esprits aériens, et Porquet celui qui garde les forêts. Ce dernier est le Pan des anciens[452]. Voy. Picollus et Pucel.

Pochwist, divinité de l’hiver et du mauvais temps chez les Polonais, avant qu’ils fussent chrétiens.

Pogoda, chez les mêmes, à la même époque, divinité du beau temps.

Points de côté. De bonnes gens dans les Ardennes croient guérir les points de côté au moyen de cette singulière prière : « Pointe ! Pointe sur pointe ! que Dieu te guérisse de cette pointe ! comme saint Côme et saint Damien ont guéri les plaies de Notre-Seigneur dans le jardin des Olives… »

Poirier (Marguerite), petite fille de treize ans qui déposa comme témoin contre Jean Grenier, jeune loup-garou. Elle déclara qu’un jour qu’elle gardait ses moutons dans la prairie, Grenier s’était jeté sur elle en forme de loup et l’eût mangée si elle ne se fût défendue avec un bâton, dont elle lui donna un coup sur l’échine. Elle avoua qu’il lui avait dit qu’il se changeait en loup à volonté, qu’il aimait à boire du sang et à manger la chair des petits garçons et des petites filles ; cependant qu’il ne mangeait pas les bras ni les épaules[453].

Poisons. On a souvent attribué à la magie des forfaits qui n’étaient dus qu’à la connaissance de l’art des poisons. « Il est certain que, pendant le seizième siècle, dans les années qui le précédèrent et le suivirent, l’empoisonnement était arrivé à une perfection inconnue à la chimie moderne et que l’histoire a constatée. L’Italie, berceau des sciences modernes, fut à cette époque médecins inventrice et maîtresse de ces secrets, dont plusieurs se perdirent. De là vint cette réputation qui pesa, durant les deux siècles suivants, sur les Italiens. Les romanciers en ont si fort abusé, que partout où ils introduisent des Italiens, ils leur font jouer des rôles d’assassins et d’empoisonneurs. Si l’Italie avait alors l’entreprise des poisons subtils dont parlent quelques historiens, il faudrait seulement reconnaître sa suprématie en toxicologie comme dans d’autres connaissances. Elle servait les passions du siècle, comme elle bâtissait d’admirables édifices, commandait les armées, peignait de belles fresques, chantait des romances, dessinait des fêtes ou des ballets et raffinait la politique. À Florence, l’art des poisons était à un si haut point, qu’une femme partageant une pêche avec un duc, en se servant d’une lame d’or dont un côté seulement était empoisonné, mangeait la moitié saine et donnait la mort avec l’autre. Une paire de gants parfumés infiltrait par les pores une maladie mortelle. On mettait le poison dans un bouquet de roses naturelles, dont la seule senteur, une fois respirée, donnait la mort. Don Juan d’Autriche fut, dit-on, empoisonné par une paire de bottes[454]. »

Polkan, centaure des Slavons, auquel on attribuait une force et une vitesse extraordinaires. Dans les anciens contes russes, on le dépeint homme depuis la tête jusqu’à la ceinture, et cheval ou chien depuis la ceinture. En cheval, ses ruades gracieuses ont donné naissance à la danse bête qu’on nomme polka.

Pollier (Abraham). C’était un Suisse qui servait comme dragon chez le comte de HohenlohePfédelbach, au commencement de l’an 1684. Le 4 avril, il annonça qu’il allait être congédié ; et comme on s’en étonnait, il ajouta qu’il était au service du diable ; que le diable, en prenant hypothèque sur son âme, lui avait avancé de l’argent ; mais que toutes les fois qu’il avait voulu le rembourser, comme il s’en était réservé le droit dans le pacte conclu entre eux, il manquait toujours un thaler, et enfin qu’on ne le reverrait plus le lendemain. Il disparut en effet le soir. Et, durant cette soirée, on l’entendit dans plusieurs hameaux implorer du secours, sans que personne osât aller à son aide. On trouva, au matin qui suivit, ses armes et ses habits près du village qu’il avait quitté. Huit jours après, un pêcheur repêcha son haut-de-chausse et sa chemise, et peu après son corps, où l’on constata qu’il avait eu le cou tordu. On l’enterra sous la potence[455].

Polycrite. Il y avait en Étolie un citoyen vénérable, nommé Polycrite, que le peuple avait élu gouverneur du pays, à cause de son rare mérite et de sa probité. Sa dignité lui fut prorogée jusqu’à trois ans, au bout desquels il se maria avec une femme de Locres. Mais il mourut la quatrième nuit de ses noces et la laissa enceinte d’un hermaphrodite, dont elle accoucha neuf mois après. Les prêtres et les augures, ayant été consultés sur ce prodige, conjecturèrent que les Étoliens et les Locriens auraient guerre ensemble, parce que ce monstre avait les deux sexes. On conclut enfin qu’il fallait mener la mère et l’enfant hors des limites d’Étolie et les brûler tous deux. Comme on était près de faire cette abominable exécution, le spectre de Polycrite apparut et se mit auprès de son enfant. Il était vêtu d’un habit noir. Les assistants, effrayés, voulaient s’enfuir ; il les rappela, leur dit de ne rien craindre et fit ensuite, d’une voix grêle et basse, un beau discours par lequel il leur montra que, s’ils brûlaient sa femme et son fils, ils tomberaient dans des calamités extrêmes. Mais, voyant que, malgré ses remontrances, les Étoliens étaient décidés à faire ce qu’ils avaient résolu, il prit son enfant, le mit en pièces et le dévora. Le peuple poussa des huées contre lui et lui jeta des pierres pour le chasser ; il fit peu d’attention à ces insultes et continua de manger son fils, dont i ne laissa que la tête, après quoi il disparut. Ce prodige sembla si effroyable qu’on prit le dessein d’aller consulter l’oracle de Delphes. Mais la tête de l’enfant, s’étant mise à parler, leur prédit, en vers, tous les malheurs qui devaient leur arriver dans la suite, et, disent les anciens conteurs, la prédiction s’accomplit. La tête de l’enfant de Polycrite, se trouvant exposée sur un marché public, prédit encore aux Étoliens, alors en guerre contre les Acarnaniens, qu’ils perdraient la bataille. — Le Polycrite de ce conte était un vampire ou un ogre.

Polyglossos, nom que les anciens donnaient à un chêne prophétique de la forêt de Dodone ; ce chêne extraordinaire rendait des oracles dans la langue de ceux qui venaient le consulter.

Polyphage. On a publié à Wittemberg, il y a vingt ou trente ans, une dissertation sous ce titre : De polyphago et alio triophago Witlemlergensis dissertatio, in-4o. C’est l’histoire d’un des plus grands mangeurs qui aient jamais existé. Cet homme, si distingué dans son espèce, dévorait quand il voulait (ce qu’il ne faisait toutefois que pour de l’argent) un mouton entier, ou un cochon, ou deux boisseaux de cerises avec leurs noyaux ; il brisait avec les dents, mâchait et avalait des vases de terre et de verre, et même des pierres très-dures ; il engloutissait des animaux vivants, oiseaux, souris, chenilles, etc. Enfin, ce qui surpasse toute croyance, on présenta un jour à cet avale-tout une écritoire couverte de plaques de fer ; il la mangea avec les plumes, le canif, l’encre et le sable. Ce fait si singulier, qui doit consterner nos hommes sauvages, nos mangeurs de cailloux et nos jongleurs de places publiques, a été attesté par sept témoins oculaires, devant le sénat de Wittemberg. Quoi qu’il en soit, ce terrible estomac jouissait d’une santé vigoureuse ; il termina ses prouesses à l’âge de soixante ans. Alors il commença à mener une vie sobre et réglée, et vécut jusqu’à l’âge de soixante-dix-neuf ans. Son cadavre fut ouvert ; on le trouva rempli de choses extraordinaires, dont l’auteur donne la description[456]. La seconde partie de la dissertation renferme l’histoire de quelques hommes de cette trempe et l’explication de ces singularités. Mais le tout nous semble un peu farci de ce que l’on appelle, en termes de journalisme, des canards ; et il y en a beaucoup dans les récits de merveilles.

Polyphême, géant qui n’avait qu’un œil au milieu du front, célèbre dans l’Odyssée, type effrayant de nos ogres.

Polyphidée, devin d’Hypérésie, pays d’Argos.

Polythéisme. Un brahme de Calcutta a publié, ces dernières années, une défense théologique du système des Hindous, qui admettent trois cent cinquante millions de dieux et de déesses.

Pomme d’Adam. La légère protubérance qu’on appelle pomme d’Adam à la gorge des hommes vient, dans les opinions populaires, d’un pépin qui s’arrêta là quand notre premier père mangea si désastreusement le fruit défendu.

Pomponace, professeur de philosophie souvent hasardée ; né à Mantoue en 1462, mort en 1525. Dans son Traité des enchantements, il


prétend que les démons ne sont pour rien dans la magie et les phénomènes occultes ; mais que tout ce qu’on leur attribue est l’œuvre des astres, dont il fait des démons.

Poniatowska (Catherine), visionnaire du Nord. Voy. Comenius.

Pont. Les anciens Scandinaves disaient que les dieux avaient fait un pont qui communiquait du ciel à la terre, et qu’ils le montaient à cheval. Quand Satan se révolta contre Dieu, il fit bâtir un fameux pont qui allait de l’abîme au paradis. Il est rompu.

Pont d’Adam. On appelle Pont d’Adam une suite de bancs de sable qui s’étendent presque en ligne directe entre l’île de Manar et celle de Ceylan, où les indigènes placent le paradis terrestre. C’est, selon les Chingulais, le chemin par lequel Adam, chassé du paradis, se rendit sur le continent. Les Indiens disent que le golfe se referma pour empêcher son retour.

Pont du diable. Dans la vallée de Schellenen, en Suisse, l’imagination croit voir partout les traces d’un agent surnaturel. Le diable n’est point, aux yeux de ces montagnards, un ennemi malfaisant ; il s’est même montré assez bonne personne, en perçant des rochers, en jetant des ponts sur les précipices, etc., ce que lui seul, selon les habitants, pouvait exécuter. On ne peut rien imaginer de plus hardi que la route qui parcourt la vallée de Schellenen. Après avoir suivi quelque temps les détours capricieux de cette route terrible, on arrive à cette œuvre de Satan, qu’on appelle le Pont du diable. Cette construction imposante est moins merveilleuse encore que le site où elle est placée. Le pont est jeté entre deux montagnes droites et élevées, sur un torrent furieux, dont les eaux tombent par cascades sur des rocs brisés et remplissent l’air de leur fracas et de leur écume[457].

Le pont de Jouy-aux-Arches, près Metz, était aussi l’ouvrage du diable, aussi bien que l’ancien


pont de Saint-Cloud, qui s’ébranla au seizième siècle, au passage d’un enfant qu’on venait de baptiser, et s’écroula ensuite. Plusieurs autres ponts ont le même nom.

Popoguno, enfers des Virginiens, dont le supplice consiste à être suspendu entre le ciel et la terre.

Poppiel Ier, roi de Pologne au neuvième siècle. On rapporte qu’il jurait souvent et que son serment ordinaire était : Que les rats me puissent manger ! Si ce serment ne lui fut pas funeste, il le fut du moins à sa postérité, comme on va le voir. Il mourut de maladie, dans un âge peu avancé. Poppiel II, son fils, fut comme lui un tyran. On lui avait donné pour tuteurs ses oncles, guerriers braves et expérimentés, qu’il n’écouta point. Il épousa une princesse qui s’empara de son esprit, lui rendit d’abord ses oncles suspects, ensuite odieux, et ses conseils le décidèrent à les faire empoisonner. La cour frémit et le peuple s’indigna à cette nouvelle. Poppiel, avec l’audace qui est le propre des grands criminels, accusa ses oncles de trahison et défendit qu’on leur accordât ni bûcher, ni sépulture. Les Polonais, qui aimaient ces princes si lâchement assassinés, murmurèrent de nouveau ; mais on n’eût fait que les plaindre, si le ciel ne leur eût envoyé des vengeurs. Du milieu de leurs restes tombés en pourriture, il sortit une armée de rats, destinés à punir Poppiel. L’horreur qu’avait inspirée son crime avait fait fuir la plus grande partie de sa cour; elle était presque réduite à la reine et à lui seul, lorsque ces bêtes les assiégèrent et vinrent à bout de les dévorer. Voy. Hatton.

Porcs (Divination par les). Nous ne pouvons citer qu’un exemple de ce singulier procédé pour la connaissance de l’avenir. Justinien ayant déclaré la guerre à Théodat, ce roi des Goths fut vaincu par Bélisaire ou plutôt par la peur. Procope explique ainsi le fait : Ce pauvre prince ayant consulté un juif qui passait pour un devin très-habile, afin de savoir d’avance le résultat de la guerre, le Juif enferma trente porcs, dix par dix, dans trois étables. On les tint un certain temps sans manger. Le terme de l’expérience étant expiré, le prince et le juif entrèrent dans les étables ; on avait donné aux porcs de la première le nom de Goths, à ceux de la seconde le nom de Romains et aux porcs de la troisième le nom de Grecs. Les porcs qui représentaient les Goths se trouvèrent morts, à l’exception de deux ; cinq des porcs romains restaient debout; mais les porcs grecs se montrèrent tous vivants. Théodat vit là que la victoire serait à l’empereur, et subit en conséquence une défaite. Les Goths, instruits de ces détails, chassèrent leur roi Théodat et proclamèrent à sa place Vitigès, son écuyer.

Porom-Houngse, sorte de fakirs chez les Indiens. Ils se vantent d’être descendus du ciel et de vivre des milliers d’années sans jamais prendre la moindre nourriture. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’on ne voit jamais un porom-houngse manger ou boire en public.

Porphyre, visionnaire grec et philosophe vivant au troisième siècle, que quelques-uns de ges ont fait mettre au rang des sorciers, dans les arts magiques.

Porriciæ, entrailles de la victime que les prêtres jetaient dans le feu, après les avoir considérées pour en tirer de bons ou de mauvais présages.

Porta (Jean-Baptiste), physicien célèbre, qui a fait faire des pas à la science et qui a préparé les découvertes photographiques dont nous jouis, sons aujourd’hui, né à Naples vers 1550. On dit qu’il composa à quinze ans les premiers livres de sa Magie naturelle, qui sont gâtés par les préjugés du siècle où il vécut. Il croyait à l’astrologie judiciaire, à la puissance indépendante des esprits, etc. On cite, comme le meilleur de ses ouvrages, la Physiognomonie céleste, 1661, in-4 ; il s’y déclare contre les chimères de l’astrologie ; mais il continue néanmoins à attribuer une grande influence aux corps célestes. On lui doit encore un traité de Physiognomonie, où il compare les figures humaines aux figures des animaux, pour en tirer des inductions systématiques. Voy. Physiognomonie, à la fin.

Porte. Les Tartares mantchoux révèrent un esprit gardien de la porte, sorte de divinité domestique qui écarte le malheur de leurs maisons.

Portes des Songes. Dans Virgile, l’une est de corne, l’autre est d’ivoire. Par la porte de corne passent les Songes véritables, et par la porte d’ivoire, les vaines illusions et les Songes trompeurs.

Possédés. Le bourg de Teilly, à trois lieues d’Amiens, donna en 1816 le spectacle d’une fille qui voulait se faire passer pour possédée. Elle était, disait-elle, au pouvoir de trois démons, Mimi, Zozo et Crapoulet. Un honnête ecclésiastique prévint l’autorité, qui reconnut que cette fille était malade. On la fit entrer dans un hôpital, et il ne fut plus parlé de la possession. On trouve de la sorte dans le passé quelques supercheries que la bonne foi de nos pères a su réprimer souvent. Il y eut jadis bien moins de scandales qu’on ne le conte, et les possessions n’étaient pas de si libre allure qu’on le croit. Une démoniaque commençait à faire du bruit sous Henri III ; le roi aussitôt envoya son chirurgien Pigray, avec deux autres médecins, pour examiner l’affaire. Quand la possédée fut amenée devant ces docteurs, on l’interrogea, et elle débita des sornettes. Le prieur des capucins lui fit des demandes en latin auxquelles elle répondit fort mal ; et enfin on trouva, dans certains papiers, qu’elle avait été déjà, quelques années précédemment, fouettée en place publique pour avoir voulu se faire passer pour démoniaque ; on la condamna à une réclusion perpétuelle. Du temps du même Henri III, une Picarde se disait possédée du diable, apparemment pour se rendre formidable. L’évêque d’Amiens, soupçonnant quelque imposture, la fit exorciser par un laïque déguisé en prêtre et lisant les épîtres de Cicéron. La démoniaque savait son rôle par cœur ; elle se tourmenta, fit des grimaces effroyables, des cabrioles et des cris, absolument comme si le diable, qu’elle disait chez elle, eût été en face d’un prêtre lisant le livre sacré[458]. Elle fut ainsi démasquée.

Mais il y a les vrais possédés ou démoniaques. Ce sont ceux dont le diable s’est emparé. Plusieurs aujourd’hui prétendent que les possessions sont des monomanies, des folies plus ou moins furieuses, plus ou moins bizarres. Mais comment expliquer ce fait qu’à Gheel en Belgique, où l’on traite les fous colonisés, on guérit les fous furieux en les exorcisant ?…

Le savant docteur Moreau, dans la visite officielle qu’il a faite à Gheel en 1842, et qu’il a publiée, a reconnu ce fait, qui ne peut être contesté. Le diable serait — il donc pour quelque chose dans certaines folies ? et connaissons-nous bien tous les mystères au milieu desquels nous vivons ? Dans tous les cas, si plusieurs possessions ont été soupçonnées de charlatanisme, nous croyons que le soupçon a été fondé moins souvent qu’on ne le dit.

On a beaucoup écrit sur les démoniaques, qui sont, disent les experts, plus ou moins agités, suivant le cours de la lune. L’historien Josèphe dit que ce ne sont pas les démons, mais les âmes des méchants, qui entrent dans les corps dès possédés et les tourmentent.

On a vu des démoniaques à qui les diables arrachaient les ongles des pieds sans leur faire de mal. On en a vu marcher à quatre pattes, se traîner sur le dos, ramper sur le ventre, marcher sur la tête. Il y en eut qui se sentaient chatouiller les pieds sans savoir par qui ; d’autres parlaient des langues qu’ils n’avaient jamais apprises. Comment expliquera-t-on les convulsionnaires jansénistes du dernier siècle, si on en exclut le diable[459] ? En l’an 1556, il se trouva à Amsterdam une phalange d’enfants démoniaques, que les exorcismes ordinaires ne purent délivrer ; on publia qu’ils n’étaient en cet état que par maléfices et sortilèges ; ils vomissaient des ferrements, des lopins de verre, des cheveux, des aiguilles et autres choses semblables. On conte qu’à Rome, dans un hôpital, soixante-dix filles devinrent folles ou démoniaques en une seule nuit ; deux ans se passèrent sans qu’on les pût guérir. Cela peut être arrivé, dit Cardan, ou par le mauvais air du lieu, ou par la mauvaise eau, ou par la fourberie, ou par suite de mauvais déportements. C’est que la suite de mauvais déportements entraîne souvent les mauvais esprits contre lesquels nous luttons tous et sans cesse, si nous ne sommes à eux. On croyait reconnaître autrefois qu’une personne était démoniaque à plusieurs signes : 1° les contorsions ; 2° l’enflure du visage ; 3° l’insensibilité et la ladrerie ; 4° l’immobilité ; 5° les clameurs du ventre ; 6° le regard fixe ; 7° des réponses en français à des mots latins ; 8° les piqûres de lancette sans effusion de sang, etc. Mais, dit-on, les saltimbanques et les grimaciers font des contorsions, sans pour cela être possédés du diable ; et qu’en savez-vous ? L’enflure du visage, de la gorge, de la langue, est souvent causée par des vapeurs ou par la respiration retenue. L’insensibilité peut bien être la suite de quelque maladie ou n’être que factice, si la personne insensible a beaucoup de force. Un jeune Lacédémonien se laissa ronger le flanc par un renard qu’il venait de voler, sans donner le moindre signe de douleur ; un enfant se laissa brûler la main dans un sacrifice que faisait Alexandre, sans faire aucun mouvement ; du moins les historiens le disent. Ils en content bien d’autres. Ceux qui se faisaient fouetter devant l’autel de Diane ne fronçaient pas le sourcil… On vous dira même que l’immobilité est volontaire, aussi bien dans les gestes que dans les regards, qu’on est libre de se mouvoir ou de ne pas se mouvoir, pour peu qu’on ait de fermeté dans les nerfs ; que les clameurs et jappements que les possédés faisaient entendre dans leur ventre sont expliqués par nos ventriloques. On explique aussi les piqûres d’aiguille ou de lancette sans effusion de sang ; dans les mélancoliques, dit-on, le sang qui est épais et grossier ne peut souvent sortir par une petite ouverture, et certaines personnes piquées de la lancette ne saignent point. On exclura des possédés les gens d’un estomac qui, ne digérant point, rendent les choses telles qu’ils les ont avalées, ainsi que les fous et les maniaques. Les symptômes de la manie sont si affreux[460] que nos ancêtres l’ont mise sur le compte des esprits malins. Et qui pourra établir qu’ils se trompaient ?

On a publié un traité sur ce sujet, intitulé Recherches sur ce qu’il faut entendre par les démoniaques dont il est parlé dans le Nouveau Testament, par T. P. A. P. 0. A. B. J. T. C. 0. S., in-12, 1738, livre où la question n’est pas du tout décidée.

Il y a sur quelques possessions prétendues des explications naturelles, comme dans cette anecdote : Dans une petite ville du Piémont, un abbé qui s’en revenait de la promenade étant tout à coup tombé dans la rue, la population l’environne, le porte dans une maison voisine, où tous les secours ordinaires ne peuvent le rappeler à la vie. Arrive un distillateur, qui lui remplit sans succès la bouche d’une liqueur très-spiritueuse. Quelques-uns des assistants courent donc à la paroisse la plus voisine, et reviennent avec un vicaire, qu’on prie, à tout hasard, de lui administrer les sacrements. Le jeune prêtre désire s’assurer d’abord de l’état du malade ; c’était le soir : il demande une lumière, et la porte à la bouche du patient. Un hoquet du prétendu mort en sort aussitôt, et cette vapeur s’enflamme à la chandelle ; les assistants fuient en criant que l’abbé a un démon dans le corps ; ils vont supplier le curé de venir l’exorciser. Pendant ce temps, le hoquet, auteur de l’esclandre, ayant été suivi d’une explosion d’humeurs qui étouffaient le pauvre abbé, les exorcistes, en arrivant, sont surpris de le trouver debout ; le distillateur rentre et éclaircit le prodige : ayant été forcé de quitter pour quelques instants le malade, après lui avoir rempli la bouche de son élixir, il n’avait pu expliquer que le hoquet, en repoussant au dehors la liqueur spiritueuse, avait naturellement produit la flamme dont l’assemblée avait été si vivement électrisée.

Mais ces petits faits n’atténuent pas l’incontestable véracité des possessions réelles, qui ne peuvent être repoussées que par l’Église. Voy. Grandier, Bavent, Picard, Boulé, etc.

Possédées de Flandre. L’affaire des possédées de Flandre, au dix-septième siècle, a fait trop de bruit pour que nous puissions nous dispenser d’en parler. Leur histoire a été écrite en deux volumes in-8o, par les Pères Domptius et Michaelis. Ces possédées étaient trois sorcières, qu’on exorcisa à Douai. L’une était Didyme, qui répondait en vers et en prose, en latin et en hébreu. C’était une pauvre religieuse infectée d’hérésie et convaincue des mauvaises mœurs qui sont les compagnes de l’apostasie. La seconde était une fille, appelée Simone Dourlet, qui ne répugnait pas à passer pour sorcière. La troisième était Marie de Sains, qui allait au sabbat et prophétisait par l’esprit de Satan… La presse du temps a publié un factum curieux, intitulé les Confessions de Didyme, sorcière pénitente, avec les choses qu’elle a déposées touchant la synagogue de Satan. Plus, les instances que cette complice (qui depuis est rechutée) a faites pour rendre nulles ses premières confessions : véritable récit de tout ce qui s’est passé en cette affaire ; Paris, 1623. On voit dans cette pièce que « Didyme n’était pas en réputation de sainteté, mais suspecte au contraire, à cause de ses mœurs fâcheuses ». On la reconnut possédée et sorcière ; on découvrit, le 29 mars 1617, qu’elle avait sur le dos une marque faite par le diable. Elle confessa avoir été à la synagogue (c’est ainsi qu’elle nommait le sabbat), y avoir eu commerce avec le diable et y avoir reçu ses marques. Elle s’accusa d’avoir fait des maléfices, d’avoir reçu du diable des poudres pour nuire, de les avoir employées avec certaine formule de paroles terribles. Elle avait, disait-elle, un démon familier de l’ordre de Belzébuth. Elle dit encore qu’elle avait entrepris d’ôter la dévotion à sa communauté pour la perdre ; que, pour elle, elle avait mieux aimé le diable que son Dieu. Elle avait renoncé à Dieu ; se livrant corps et âme au démon ; ce qu’elle avait confirmé en donnant au diable quatre épingles : convention qu’elle avait signée de son sang, tiré de sa veine avec une petite lancette que le diable lui avait fournie. Elle se confessa encore de plusieurs abominations, et dit qu’elle avait entendu parler au sabbat d’un certain grand miracle par lequel Dieu exterminera la synagogue ; et alors ce sera fait de Belzébuth, qui sera plus puni que les autres. Elle parla de grands combats que lui livraient le diable et la princesse des enfers pour empêcher sa confession. Puis elle désavoua tout ce qu’elle avait confessé, s’écriant que le diable la perdait. Était-ce folie ? dans tous les cas cette folie était affreuse. Marie de Sains disait de son côté qu’elle s’était aussi donnée au diable, qu’elle avait assisté au sabbat, qu’elle y avait adoré le diable, une chandelle noire à la main. Elle prétendit que l’Antéchrist était venu, et elle expliquait l’Apocalypse. Simone Dourlet avait aussi fréquenté le sabbat. Mais comme elle témoignait du repentir, on la mit en liberté, car elle était arrêtée comme sorcière. Un jeune homme de Valenciennes, de ces jeunes gens dont la race n’est pas perdue, pour qui le scandale est un attrait, s’éprit alors de Simone Dourlet et voulut l’épouser. L’ex-sorcière y consentit. Mais le comte d’Estaires la fit remettre en prison, où elle fut retenue longtemps avec Marie de Sains. Didyme fut brûlée. Voy. Sabbat.

Postel (Guillaume), visionnaire du seizième siècle, né au diocèse d’Avranches. Il fut si précoce, qu’à l’âge de quatorze ans on le fit maître d’école. Il ne devint absurde que dans l’âge mûr. On dit qu’une lecture trop approfondie des ouvrages des rabbins et la vivacité de son imagination le précipitèrent dans des écarts qui semèrent sa vie de troubles, et lui causèrent de cuisants chagrins. Il crut qu’il était appelé de Dieu à réunir tous les hommes sous une même loi, * par la parole ou par le glaive, voulant toutefois les soumettre à l’autorité du Pape et du roi de France, à qui la monarchie universelle appartenait de droit, comme descendant en ligne directe du fils aîné de Noé. S’étant donc fait nommer aumônier de l’hôpital de Venise, il se lia avec une femme timbrée, connue sous le nom de mère Jeanne, dont les visions achevèrent de lui tourner la tête. Postel se prétendit capable d’instruire et de convertir le monde entier. À la nouvelle des rêveries qu’il débitait, il fut dénoncé comme hérétique ; mais on le mit hors de cause en considérant qu’il était fou. Après avoir parcouru l’Orient et fait paraître plusieurs ouvrages dans lesquels il parle des visions de la mère


Jeanne, il rentra dans de meilleurs sentiments, se retira au prieuré de Saint-Martin des Champs, à Paris, et y mourut en chrétien à quatre-vingt-seize ans, le 6 septembre 1581. On lui attribue à tort le livre des Trois Imposteurs. Voy. Jeanne.

Pot à beurre. Un certain exorciste avait enfermé plusieurs démons dans un pot à beurre ; après sa mort, comme les démons faisaient du bruit dans le pot, les héritiers le cassèrent, persuadés qu’ils allaient y surprendre quelque trésor ; mais ils n’y trouvèrent que le diable assez mal logé. Il s’envola avec ses compagnons et laissa le pot vide[461]. Conte populaire.

Pou d’argent. C’est la décoration que le diable donne aux sorciers.

Poudot, savetier de Toulouse, dans la maison duquel le diable se cacha en 1557. Le malin jetait des pierres qu’il tenait enfermées dans un coffre que l’on trouva fermé à clef, et que l’on enfonça ; mais, malgré qu’on le vidât, il se remplissait toujours. Cette circonstance fit beaucoup de bruit dans la ville, et le président de la cour de justice, M. Latomy, vint voir cette merveille. Le diable fit sauter son bonnet d’un coup de pierre, au moment où il entrait dans la chambre au coffre ; il s’enfuit effrayé, et on ne délogea qu’avec peine cet esprit malin, qui faisait des tours de physique amusante[462].

Poudres. Les sorciers composaient pour leurs maléfices des poudres qui, comme leurs onguents, étaient des poisons.

Poule noire. C’est en sacrifiant une poule noire à minuit, dans un carrefour isolé, qu’on engage le diable à venir faire pacte. Il faut prononcer une conjuration, ne se point retourner, faire un trou en terre, y répandre le sang de la

poule et l’y enterrer. Le même jour, et plus ordinairement neuf jours après, le diable vient et donne de l’argent ; ou bien il fait présent à celui qui a sacrifié d’une autre poule noire qui est une poule aux œufs d’or. Les doctes croient que ces sortes de poules, données par le diable, sont de vrais démons. Le juif Samuel Bernard, banquier de la cour de France, mort à quatre-vingt-dix ans en 1739, et dont on voyait la maison à la place des Victoires, à Paris, avait, disait-on, une poule noire qu’il soignait extrêmement ; il mourut peu de jours après sa poule, laissant trente-trois millions. La superstition de la poule noire est encore très-répandue. On dit en Bretagne qu’on vend la poule noire au diable, qui l’achète à minuit, et paye le prix qu’on lui en demande[463]. Il y a un mauvais et sot petit livre dont voici le titre : « La Poule Noire, ou la poule aux œufs d’or, avec la science des talismans et des anneaux magiques, l’art de la nécromancie et de la cabale, pour conjurer les esprits infernaux, les sylphes, les ondins, les gnomes, acquérir la connaissance des sciences secrètes, découvrir les trésors et obtenir le pouvoir de commander à tous les êtres et déjouer tous les maléfices et sortilèges, etc. » En Égypte, 740, 1 vol. in-18. — Ce n’est qu’un fatras niais et incompréhensible.

Poulets. Voy. Augures.

Poulpiquets. Voy. Boléguéans.

Poupart. Voy. Apparitions.

Pourang, nom du premier homme, selon les Japonais, lequel sortit d’une citrouille échauffée par l’haleine d’un bœuf, après qu’il eut cassé l’œuf d’où le monde était issu.

Pou-Sha, dieu de la porcelaine chez les Chinois. Des ouvriers, dit-on, ne pouvant exécuter un dessin donné par un empereur, l’un d’eux, nommé Pou-Sha, dans un moment de désespoir, s’élança dans le fourneau tout ardent. Il fut à l’instant consumé, et la porcelaine prit la forme que souhaitait le prince. Ce malheureux acquit à ce prix l’honneur de présider, en qualité de dieu, aux ouvrages de porcelaine.

Poussière. Un nuage de poussière soulevé par le vent est toujours supposé, par les basses classes du peuple irlandais, être occasionné par la marche d’une troupe de fées changeant de domicile, et l’on observe scrupuleusement envers ces cavalières invisibles les mêmes politesses que si la poussière était causée par une société de personnes les plus considérables du pays. En Écosse, le bruit des brides retentissant dans les airs accompagne toujours le tourbillon qui marque la marche des fées.

Powel, chief-justice anglais, en 1711. On lui amena un charlatan accusé de relations avec le diable. Le misérable avoua que l’accusation était vraie, et il confessa que le diable s’était montré à lui sous diverses formes. Powel ne vit là qu’un homme, ou imposteur par nécessité, ou affligé d’hallucinations, ou fou ; et comme les jurés, qui voyaient partout des sorciers, voulaient le condamner au feu, il leur demanda s’ils le déclaraient coupable sur le chef d’accusation portant qu’il était entré en communication avec le diable, sous la forme d’un chat. Le chef du jury répondit : « Oui, il est coupable sur ce chef. » Le magistrat s’appuya de cette stupidité pour obtenir la grâce du malheureux.

Pra-Ariaseria, personnage fameux qui vivait dans le royaume de Siam du temps de Sommona-Godom. Les Siamois en font un colosse de quarante brasses et demie de circonférence, et de trois brasses et demie de diamètre, ce qui paraît peu compréhensible. Il est vrai que nous ne savons pas quelle était sa forme.

Préadamites. En 1655, Isaac de la Perreyre fit imprimer, en Hollande, un livre dans lequel il voulait établir qu’il y a eu des hommes avant Adam. Quoiqu’il n’eût pour appui que les fables des Égyptiens et des Chaldéens, ce paradoxe eut un moment des sectateurs, comme en ont toutes les absurdités. Desmarais, qui professait à Groningue, le combattit, et plus tard l’auteur même se rétracta.

Précy. Voy. Rambouillet.

Prédictions. D’habiles astrologues avaient assuré à Pompée, à César et à Grassus qu’ils mourraient chez eux comblés de gloire, de biens et d’années, et tous trois périrent misérablement. Charles-Quint, François I er et Henri VIII, tous trois contemporains, furent menacés de mort violente, et leur mort ne fut que naturelle. Le Grand Seigneur Osman voulant déclarer la guerre à la Pologne en 1621, malgré les remontrances de ses ministres, un santon aborda ce sultan et lui dit :

« Dieu m’a révélé la nuit dernière, dans une vision, que si Ta Hautesse va plus loin, elle est en danger de perdre son empire ; ton épée ne peut cette année faire de mal à qui que ce soit. » « Voyons, dit Osman, si la prédiction est certaine. » Et donnant son cimeterre à un janissaire, il lui commanda de couper la tête à ce prétendu prophète, ce qui fut exécuté sur-le-champ. Cependant Osman réussit mal dans son entreprise contre la Pologne, et perdit, peu de temps après, la vie avec l’empire.

On cite encore le fait suivant, comme exemple de prédiction accomplie : Un ancien coureur, nommé Languille, s’était retiré sur ses vieux jours à Aubagne, près de Marseille. Il se prit de querelle avec le bedeau de la paroisse, qui était en même temps fossoyeur ; cette dispute avait produit une haine si vive, que Languille avait signifié au bedeau qu’il ne mourrait jamais que par lui ; de sorte que le pauvre bedeau, effrayé, l’évitait comme un ennemi formidable. Peu de temps après, Languille mourut, âgé de soixante-quinze ans. Il logeait dans une espèce de chambre haute, où l’on montait par un escalier étroit et très-roide. Quand il fut question de l’enterrer, le bedeau, bien joyeux, alla le chercher et chargea sur ses épaules la bière dans laquelle était le corps de Languille, qui était devenu assez gros. Mais, en le descendant d’un air triomphal, il fit un faux pas, glissa en avant ; la bière, tombant sur lui, l’écrasa. Ainsi s’accomplit la menace de Languille, autrement sans doute qu’il ne l’avait entendu.

On avait prédit à un duc de Choiseul qu’il périrait dans une sédition. On a prétendu que cette prédiction s’était accomplie, quoique le duc soit mort de maladie, parce qu’il expira dans le moment où douze médecins, rassemblés pour une consultation à son sujet, se battaient à propos des moyens divers proposés pour le guérir.

Alvaro de Luna, favori de Jean II, roi de Castille, fut mis à mort pour avoir gouverné l’État en despote. Après avoir consulté un astrologue sur sa destinée, il lui avait été répondu qu’il eût à se garder de Cadahalso. Il crut que c’était d’un village près de Tolède, qui portait ce nom ; il s’abstint d’y aller. Mais ayant été condamné à perdre la tête sur un échafaud, que les Espagnols appellent aussi cadahalso, on dit qu’il s’était trompé sur le sens du mot.

En 1382, un astrologue anglais fit crier par la ville de Londres que la veille de l’Ascension personne ne sortît de sa maison sans avoir dit cinq fois le Pater noster, et sans avoir déjeuné, à cause du brouillard pestilentiel qui arriverait ce jour-là ; parce que ceux qui ne le feraient pas mourraient infailliblement. Plusieurs, se fiant à cette prédiction, firent ce que l’astrologue avait prescrit ; mais, comme on reconnut après qu’il avait trompé le peuple, on le mit sur un cheval à reculons, tenant la queue en place de bride, avec deux marmites au cou, et on le promena ainsi par toute la ville.

Wecker, dans les Secrets merveilleux, donne ce procédé comme infaillible pour prédire l’avenir :

Qu’on brûle de la graine de lin, des racines de persil et de violette ; qu’on se mette dans cette fumée, on prédira les choses futures. Voy. Astrologie, Prophéties, Bohémiens, etc.

Préjugé. Manière banale, absurde ou irréfléchie d’apprécier les choses. Les sujets du Grand Mogol sont dans l’usage de peser leur prince tous les ans, et c’est toujours en raison de ce qu’il pèse qu’ils l’estiment valoir plus ou moins.

Prélati, charlatan de magie. Voy. Raiz.

Présages. Cette faiblesse, qui consiste à regarder comme des indices de l’avenir les événements les plus simples et les plus naturels, est l’une des branches les plus considérables de la superstition. Il est à remarquer qu’on distinguait autrefois les présages des augures, en ce que ceux-ci s’entendaient des augures recherchés ou interprétés selon les règles de l’art augurai, et que les présages qui s’offraient fortuitement étaient interprétés par chaque particulier d’une manière plus vague et plus arbitraire. De nos jours on regarde comme d’un très-mauvais augure de déchirer trois fois ses manchettes, de trouver sur une table des couteaux en croix, d’y voir des salières renversées, etc. Quand nous rencontrons en chemin quelqu’un qui nous demande où nous allons, il faut, selon les enseignements superstitieux, retourner sur nos pas, de peur que mal ne nous arrive. Si une personne à jeun raconte un mauvais songe à une personne qui ait déjeuné, le songe sera funeste à la première. Il sera funeste à la seconde, si elle est à jeun, et que la première ait déjeuné. Il sera funeste à toutes les deux, si toutes les deux sont à jeun. Il serait sans conséquence si toutes les deux avait l’estomac garni… Malheureux généralement qui rencontre le matin, ou un lièvre, ou un serpent, ou un lézard, ou un cerf, ou un chevreuil, ou un sanglier ! Heureux qui rencontre un loup, une cigale, une chèvre, un crapaud ! Voy. Araignée, Chasse, Pie, Hibou, etc., etc., etc. Cécilia, femme de Métellus, consultait les dieux sur l’établissement de sa nièce, qui était nubile. Cette jeune fille, lasse de se tenir debout devant l’autel sans recevoir de réponse, pria sa tante de lui prêter la moitié de son siège. « De bon cœur, lui dit Cécilia, je vous cède ma place tout entière. » Sa bonté lui inspira ces mots, qui furent pourtant, dit Valère-Maxime, un présage de ce qui devait arriver ; car Cécilia mourut quelque temps après, et Métellus épousa sa nièce. Lorsque Paul-Émile faisait la guère au roi Persée, il lui arriva quelque chose de remarquable. Un jour, rentrant à sa maison, il embrassa, selon sa coutume, la plus jeune de ses filles, nommée Tertia, et la voyant plus triste qu’à l’ordinaire, il lui demanda le sujet de son chagrin. Cette petite fille lui répondit que Persée était mort (un petit chien que l’enfant nommait ainsi venait de mourir). Paul saisit le présage ; et en effet, peu de temps après, il vainquit le roi Persée, et entra triomphant dans Rome[464].

Un peu avant l’invasion des Espagnols au Mexique, on prit au lac de Mexico un oiseau de la forme d’une grue, qu’on porta à l’empereur Montézuma, comme une chose prodigieuse » Cet oiseau, dit le conte, avait au haut de la tête une espèce de miroir où Montézuma vit les cieux parsemés d’étoiles, de quoi il s’étonna grandement. Puis, levant les yeux au ciel, et n’y voyant plus d’étoiles, il regarda une seconde fois dans le miroir, et aperçut un peuple qui venait de l’Orient, armé, combattant et tuant. Ses devins étant venus pour lui expliquer ce présage, l’oiseau disparut, les laissant en grand trouble. « C’était, à mon avis, dit Delancre, son mauvais démon qui venait lui annoncer sa fin, laquelle lui arriva bientôt. » Dans le royaume de Loango, en Afrique, on regarde comme le présage le plus funeste pour le roi que quelqu’un le voie boire et manger : ainsi il est absolument seul et sans domestiques quand il prend ses repas. Les voyageurs, en parlant de cette superstition, rapportent un trait barbare d’un roi de Loango : Un de ses fils, âgé de huit ou neuf ans, étant entré imprudemment dans la salle où il mangeait, et dans le moment qu’il buvait, il se leva de table, appela le grand prêtre, qui saisit cet enfant, le fit égorger, et frotta de son sang les bras du père, pour détourner les malheurs dont ce présage semblait le menacer. Un autre roi de Loango fit assommer un chien qu’il aimait beaucoup, et qui, l’ayant un jour suivi, avait assisté à son dîner<ref>Saint-Foix, Essais historiques.<ref>.

Les hurlements des bêtes sauvages, les cris des cerfs et des singes sont des présages sinistres pour les Siamois. S’ils rencontrent un serpent qui leur barre le chemin, c’est pour eux une raison suffisante de s’en retourner sur leurs pas, persuadés que l’affaire pour laquelle ils sont sortis ne peut pas réussir. La chute de quelque meuble que le hasard renverse est aussi d’un très-mauvais augure. Que le tonnerre vienne à tomber, par un effet naturel et commun, voilà de quoi gâter la meilleure affaire. Plusieurs poussent encore plus loin la superstition et l’extravagance : dans une circonstance critique et embarrassante, ils prendront pour règle de leur conduite les premières paroles qui échapperont au hasard à un passant, et qu’ils interpréteront à leur manière. Dans le royaume de Bénin, en Afrique, on regarde comme un augure très-favorable qu’une femme accouche de deux enfants jumeaux : le roi ne manque pas d’être aussitôt informé de cette importante nouvelle, et l’on célèbre par des concerts et des festins un événement si heureux. Le même présage est regardé comme très-sinistre dans le village d’Arebo, quoiqu’il soit situé dans le même royaume de Bénin.

Un serpent s’était entortillé autour d’une clef à la porte d’une maison, et les devins annonçaient que c’était un présage. « Je ne le crois pas, dit un philosophe, mais c’en pourrait bien être un si la clef s’était entortillée autour du serpent. »

Prescience, connaissance certaine et infaillible de l’avenir. Elle n’appartient qu’à Dieu. Rappelons-nous ici la maxime d’Hervey : « Mortel, qui que tu sois, examine et pèse tant que tu voudras ; nul sur la terre ne sait quelle fin l’attend. »

Préservatifs. Voy. Amulettes, Cornes, Phylactères, Troupeaux, etc.

Pressentiment. Suétone assure que Calpurnie fut tourmentée de noirs pressentiments peu d’heures avant la mort de César. Mais que sont les pressentiments ? Est-ce une voix secrète et intérieure ? Est-ce une inspiration céleste ? Est-ce la présence d’un génie invisible qui veille sur nos destinées ? Les anciens avaient fait du pressentiment une sorte de religion, et de nos jours on y ajoute foi. M. C. de R…, après s’être beaucoup amusé au bal de l’Opéra, mourut d’un coup de sang en rentrant chez lui. Madame de V…, sa sœur, qui l’avait quitté assez tard, fut tourmentée toute la nuit de songes affreux qui lui représentaient son frère dans un grand danger, l’appelant à son secours. Souvent réveillée en sursaut, et dans des agitations continuelles, quoiqu’elle sût que son frère était au bal de l’Opéra, elle n’eut rien de plus pressé, dès que le jour parut, que de demander sa voiture et de courir chez lui. Elle arriva au moment où le suisse avait reçu ordre de ne laisser entrer personne et de dire que M. C. de R… avait besoin de repos. Elle s’en retourna consolée et riant de sa frayeur. Ce ne fut que dans l’après-midi qu’elle apprit que ses noirs pressentiments ne l’avaient point trompée. Voy. Songes.

On lisait dans le journal la Patrie, en septembre 1857 :

« M. de S…, neveu de la comtesse K…, habite l’Angleterre. Un soir, il rentre chez lui, l’esprit fort tranquille. A peine a-t-il allumé sa bougie qu’il entend un bruit étrange. Il se détourne, et voit sur sa table une main qui trace rapidement quelques lettres sur le papier et disparaît. Il s’approche et lit : Godefroy. C’est le nom d’un de ses amis qui voyageait alors dans l’Amérique du Nord.

» M. de S… a pris note précise du jour et de l’heure de cette apparition ; quelque temps après, il a su officiellement que ce même jour, à la même heure, son ami était mort au Canada. L’impression que cet événement a produite sur lui a été si vive, qu’il vient de renoncer au monde et d’entrer aux oratoriens de Londres. »

Pressine. Voy. Mélusine.

Prestantius. Voy. Extases.

Prestiges. « Il y a eu de nos jours, dit Gaspard Peucer, en ses commentaires De divinatione, une vierge bateleuse à Bologne, laquelle, pour l’excellence de son art, était fort renommée par toute l’Italie ; néanmoins elle ne sut, avec toute sa science, si bien prolonger sa vie, qu’enfin, surprise de maladie, elle ne mourût. Quelque autre magicien, qui l’avait toujours accompagnée, sachant le profit qu’elle retirait de son art pendant sa vie, lui mit, par le secours des esprits, quelque charme ou poison sous les aisselles : de sorte qu’il semblait qu’elle eût vie ; et elle commença à se retrouver aux assemblées, jouant de la guitare, chantant, sautant et dansant, comme


elle avait accoutumé : de sorte qu’elle ne différait d’une personne vivante que par la couleur, qui était excessivement pâle. Peu de jours après, il se trouva à Bologne un autre magicien, lequel, averti de l’excellence de l’art de cette fille, la voulut voir jouer comme les autres. Mais à peine l’eut-il vue, qu’il s’écria : Que faites-vous ici, messieurs ? celle que vous voyez devant vos yeux, qui fait de si jolis soubresauts, n’est autre qu’une charogne morte. Et à l’instant elle tomba morte à terre : au moyen de quoi le prestige et l’enchanteur furent découverts. »

Une jeune femme de la ville de Laon vit le diable sous la forme de son grand-père, puis sous celles d’une bête velue, d’un chat, d’un escarbot, d’une guêpe et d’une jeune fille[465]. Ce sont plutôt des hallucinations que des prestiges. Voy. Apparitions, Enchantements, Sicidites, Métamorphoses, Charmes, etc.

Prêtres noirs. C’est le nom que donnent les sorciers aux prêtres du sabbat.

Prières superstitieuses. Nous empruntons à l’abbé Thiers et à quelques autres ces petits chefs-d’œuvre de niaiserie ou de naïveté.

Pour le mal de dents : Sainte Apolline, qui êtes assise sur la pierre ; sainte Apolline, que faitesvous là ? — Je suis venue ici pour le mal de dents. Si c’est un ver, ça s’ôtera ; si c’est une goutte, ça s’en ira.

Contre le tonnerre : Sainte Barbe, sainte Fleur, la vraie croix de Notre-Seigneur. Partout où cette oraison se dira, jamais le tonnerre ne tombera.

Pour toutes les blessures : Dieu me bénisse et me guérisse, moi pauvre créature, de toute espèce de blessure, quelle qu’elle soit, en l’honneur de Dieu et de la Vierge Marie, et de MM. saint Cosme et saint Damien. Amen.

Pour les maladies des yeux : M. saint Jean, passant par ici, trouva trois vierges en son chemin. Il leur dit : Vierges, que faites-vous ici ? Nous guérissons de la maille. — Oh ! guérissez, vierges, guérissez cet œil.

Pour arrêter le sang du nez : Jésus-Christ est né en Bethléem et a souffert en Jérusalem. Son sang s’est troublé ; je le dis et te commande, sang, que tu t’arrêtes par la puissance de Dieu, par l’aide de saint Fiacre et de tous les saints, tout ainsi que le Jourdain, dans lequel saint JeanBaptiste baptisa Notre-Seigneur, s’est arrêté. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Contre la brûlure : Feu de Dieu, perds ta chaleur, comme Judas perdit sa couleur, quand il vendit Notre-Seigneur au jardin des Olives. Voyez Point de côté, Oraison du loup, Gardes, Barbe-à-Dieu, etc.

Prierio (Sylvestre Mozzolino de), savant dominicain, a publié un livre curieux sur les faits étranges des sorcières et des démons :De strigimagarum denionumque prestigiis. Rome, 1521 ; in-4o.

Prisier, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Prodiges, événements surprenants dont on ignore la cause, et que l’on est tenté de regarder comme surnaturels. C’est la définition de Bergier. Sous le consulat de Volumnius, on entendit parler un bœuf. Il tomba du ciel, en forme de pluie, des morceaux de chair, que les oiseaux dévorèrent en grande partie ; le reste fut quelques jours sur la terre sans rendre de mauvaise odeur. Dans d’autres temps, on rapporta des événements aussi extraordinaires, qui ont néanmoins trouvé créance parmi les hommes. Un enfant de six mois cria victoire dans un marché de bœufs. Il plut des pierres à Picenna. Dans les Gaules, un loup s’approcha d’une sentinelle, lui tira l’épée du fourreau et l’emporta. Il parut en Sicile une sueur de sang sur deux boucliers, et, pendant la seconde guerre punique, un taureau dit, en présence de Cnéus Domitius : Rome, prends garde à


toi[466] ! Dans la ville de Galéna, sous le consulat de Lépide, on entendit parler un coq d’Inde, qui ne s’appelait pas alors un coq d’Inde ; car c’était une pintade. Voilà des prodiges.

Delancre parle d’une sorcière qui, de son temps, sauta du haut d’une montagne sur un rocher éloigné de deux lieues. Quel saut !… Un homme ayant bu du lait, Schenck dit qu’il vomit deux petits chiens blancs aveugles. Vers la fin du mois d’août 1682, on montrait à Charenton une fille qui vomissait des chenilles, des limaçons, des araignées et beaucoup d’autres insectes. Les docteurs de Paris étaient émerveillés. Le fait semblait constant. Ce n’était pas en secret : c’était devant des assemblées nombreuses que ces singuliers vomissements avaient lieu. Déjà on préparait de toutes parts des dissertations pour expliquer ce phénomène, lorsque le lieutenant criminel entreprit de s’immiscer dans l’affaire. Il interrogea la maléficiée, lui fit peur du fouet et du carcan, et elle avoua que depuis sept ou huit mois elle s’était accoutumée à avaler des chenilles, des araignées et des insectes ; qu’elle désirait depuis longtemps avaler des crapauds, mais qu’elle n’avait pu s’en procurer d’assez petits[467]. On a pu lire, il y a vingt ans, un fait pareil rapporté dans les journaux : une femme vomissait des grenouilles et des crapauds ; un médecin peu crédule, appelé pour vérifier le fait, pressa de questions la malade et parvint à lui faire avouer qu’elle avait eu recours à cette jonglerie pour gagner un peu d’argent[468].

« Il y a, dit Chevreau, des choses historiques et qui ne sont presque pas vraisemblables. Il plut du sang sous l’empereur Louis II ; de la laine sous l’empereur Jovinien ; des poissons, dont on ne put approcher pour leur puanteur, sous Othon III ; et Valère-Maxime, dans le chapitre des Prodiges, de son premier livre, a parlé d’une pluie de pierres et d’une autre de pièces sanglantes de chair, qui furent mangées par les oiseaux. Louis, fils de Ladislas, roi de Hongrie et de Bohême, pour être venu avant terme, naquit sans peau, et les médecins trouvèrent moyen de lui en faire une, Une femme, dans le Péloponnèse, comme le dit Pline, eut en quatre couches vingt enfants, cinq à la fois, dont la plupart vécurent ; et selon Trogus, une autre, en Égypte, eut sept enfants d’une même couche. Saint Augustin, dans le chapitre xxiii du livre XIV de la Cité de Dieu, dit qu’il a vu un homme qui suait quand il voulait, sans faire aucun exercice violent, et qu’il y prenait un fort grand plaisir. Le bras d’un des capitaines de Brutus sua de l’huile rosat en telle abondance, que toute la peine qu’on se donna pour l’essuyer et pour le sécher fut inutile. Démophon, maître d’hôtel d’Alexandre, s’échauffait à l’ombre et se rafraîchissait au soleil.Il s’est trouvé une Athénienne qui a vécu de ciguë jusqu’à la vieillesse ; et un certain Mahomet, roi de Cambaye, s’accoutuma si bien aux viandes empoisonnées, dans la peur qu’il eut de périr par le poison, qu’il n’en eut plus d’autres dans ses repas. Il devint si venimeux qu’une mouche qui le louchait tombait morte dans le même instant ; il tuait de son haleine ceux qui passaient une heure avec lui. Pyrrhus, roi d’Épire, comme le disent Pline et Plutarque, guérissait avec le pouce de son pied droit tous les maux de rate, et, selon d’autres, tous les ulcères qui s’étaient formés dans la bouche ; mais ce qui n’est pas moins étonnant, c’est que, le corps de Pyrrhus étant brûlé et réduit en cendre, on trouva tout entier le même pouce, qui fut porté en cérémonie dans un temple, et là enchâssé comme une relique. C’en est assez pour justifier qu’il y a des choses historiques qui ne sont presque jamais vraisemblables[469].

Prométhée. Atlas et Prométhée, tous deux grands astrologues, vivaient du temps de Joseph. Quand Jupiter délivra Prométhée de l’aigle ou du vautour qui devait lui dévorer les entrailles pendant trente mille ans, le dieu, qui avait juré de ne le point détacher du Caucase, ne voulut pas fausser son serment, et lui ordonna de porter à son doigt un anneau où serait enchâssé un fragment de ce rocher. C’est là, selon Pline, l’origine des bagues enchantées.

Pronostics populaires. Quand les chênes portent beaucoup de glands, ils pronostiquent un hiver long et rigoureux. Tel vendredi, tel dimanche. Le peuple croit qu’un vendredi pluvieux ne peut être suivi d’un dimanche serein. Racine a dit au contraire :

            Ma foi, sur l’avenir bien fou qui se fiera :
            Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.

Si la huppe chante avant que les vignes germent, c’est un signe d’abondance de vin :

            De saint Paul la claire journée
            Nous dénote une bonne année.
            Si l’on voit épais les brouillards,
            Mortalité de toutes parts.
            S’il fait vent, nous aurons la guerre ;
            S’il neige ou pleut, cherté sur terre ;
            Si beaucoup d’eau tombe en ce mois,
            Lors peu de vin croître tu vois.

Des étoiles en plein jour pronostiquent des incendies et des guerres. Sous le règne de Constance, il y eut un jour de ténèbres pendant lequel on vit les étoiles ; le soleil à son lever était aussi pâle que la lune : ce qui présageait la famine et la peste.

            Du jour de saint Médard, en juin,
            Le laboureur se donne soin ;

</noinclude>
           Car les anciens disent : S’il pleut,
           Quarante jours pleuvoir il peut. 
           Et s’il fait beau, sois tout certain 
           D’avoir abondamment de grain. 

</poem>

On lit dans les Mélanges tirés d’une grande bibliothèque que, les habitants de Salency ayant, dans un temps de sécheresse, invoqué particulièrement saint Médard, évêque de Noyon, pour obtenir de la pluie, il arriva qu’en effet cette sécheresse fut suivie d’une pluie de quarante jours. C’est là, dit-on, l’origine du pronostic attribué à saint Médard. On dit encore que :

            S’il pleut le jour de saint Gervais,
            Il pleuvra quinze jours après.

Les tonnerres du soir amènent un orage ; les tonnerres du matin promettent des vents ; ceux qu’on entend vers midi annoncent la pluie. Les pluies de pierres pronostiquent des charges et des surcroîts d’impôts.

            Quiconque en août dormira
            Sur midi s’en repentira.
            Bref, en tout temps je te prédi
            Qu’il ne faut dormir à midi.

Trois soleils pronostiquent un triumvirat. On vit trois soleils, dit Cardan, après la mort de Jules César ; la même chose eut lieu un peu avant le règne de François Ier, Charles-Quint et Henri VIII.

Si le soleil luit avant la messe le jour de la Chandeleur, c’est un signe que l’hiver sera encore bien long. — Qui se couche avec les chiens se lève avec les puces.

Les paysans ont mille signes que nous n’avons pas pour prévoir le beau ou le mauvais temps ; leurs baromètres naturels sont souvent plus infaillibles que les nôtres ; leurs signes, en effet, sont fondés sur une constante observation. Newton, se promenant à la campagne avec un livre à la main, passa devant un pâtre, à qui il entendit marmotter ; — Ce gentleman ne lira pas tout le long de sa promenade, ou bien son livre sera mouillé ; et le philosophe ne tarda pas à voir tomber La pluie. Il repasse et demande au pâtre : — À quoi, mon ami, avez-vous donc jugé qu’il allait pleuvoir ? C’est, répondit-il, que mes vaches fourraient leurs museaux dans les haies[470].

Prophètes. Les Turcs reconnaissent plus de cent quarante mille prophètes ; les seuls que nous

Un groupe des cent quarante mille prophètes turcs


devions révérer comme vrais prophètes sont ceux des saintes Écritures. Toutes les fausses religions en ont eu de faux comme elles.

Voici quelques mots sur un prophète moderne, comme il s’en voit encore. Le lord juge Holt avait envoyé en prison un soi-disant prophète qui se donnait à Londres les airs de passer pour un envoyé du ciel. Un particulier, partisan de cet inspiré, se rendit chez milord et demanda à lui parler. On lui dit qu’il ne pouvait pas entrer, parce que milord était malade. — Dites à milord que je viens de la part de Dieu, répliqua le visiteur. Le domestique se rendit auprès de son maître, qui lui donna ordre de faire entrer. — Qu’y a-t-il pour votre service ? lui demanda le juge. — Je viens, lui dit l’aventurier, de la part du Seigneur, qui m’a envoyé vers toi pour t’ordonner de mettre en liberté John Atkins, son fidèle serviteur, que tu as fait mettre en prison. — Vous êtes un faux prophète et un insigne menteur, lui répondit le juge, car si le Seigneur vous avait chargé de cette mission, il vous aurait adressé au procureur général. Il sait qu’il n’est pas en mon pouvoir d’ordonner l’élargissement d’un prisonnier ; mais je puis lancer un décret de prise de corps contre vous, pour que vous lui teniez compagnie, et c’est ce que je vais faire.

La rébellion contre l’Église connue sous le nom de la réforme a eu ses prophètes, dont les plus célèbres sont Astier, Isabeau et Jurieu, qui a prophétisé si bien à rebours. Voyez les Prophètes du Dauphiné, dans les Légendes infernales.

Comme le diable cherche toujours à singer Dieu, il a donc aussi ses prophètes. Mais ils sont menteurs. Tous les oracles des faux dieux passaient pour prophéties. Mais sur cent de ces oracles, quatre-vingt-dix-neuf n’étaient que des énigmes qu’il fallait deviner. Voy. Psellus.

Propreté. Saint Bernard met la propreté au nombre des vertus ; car Dieu aime ce qui est pur. Les démons, naturellement opposés, font de la propreté un vice dans leurs adeptes, qui sont obligés de l’éviter.

Proserpine, épouse de Pluton selon les païens, et reine de l’empire infernal. Selon les démonomanes, Proserpine est archiduchesse et souveraine princesse des esprits malins. Son nom vient de proserpere, ramper, serpenter ; les interprètes voient en elle le serpent funeste.

Prostrophies, esprits malfaisants qu’il fallait supplier avec ferveur, chez les anciens, pour éviter leur colère.

Proudhon, écrivain contemporain qui a eu la stupide grossièreté d’écrire que Dieu est le diable, et de s’offrir pour gouverner mieux que lui les choses de ce monde. C’est cet ennemi de Dieu qui a établi que la propriété est le vol. Le diable a dû bien rire.


Pruflas

Pruflas ou Busas, grand prince et grand-duc de l’empire infernal. Il régna dans Babylone ; et là il avait la tête d’un hibou. Il excite les discordes, allume les guerres, les querelles et réduit les gens à la mendicité ; il répond avec profusion à tout ce qu’on lui demande ; il a vingt-six légions sous ses ordres[471].

Psellus (Michel), auteur du livre De operatione dœmonum. Paris, 1623 ; in-8o. Il a été traduit en français par Gaulmin. Il est fort curieux. On y voit que les démons promettaient à ceux qu’ils pouvaient enrôler sous leurs bannières des honneurs, de l’or et des richesses ; mais qu’ils n’accomplissaient pas leurs promesses ; qu’ils trompaient habituellement leurs initiés par une certaine fantasmagorie et par des apparitions lumineuses qu’ils appelaient théopsies ou visions divines ; mais que les amateurs ne pouvaient y arriver qu’après avoir commis des actions abominables. Psellus parle aussi d’excréments humains, solides et fluides, que les sorciers devaient goûter pour se rendre les démons favorables. Il raconte une aventure qui lui fut personnelle et que nous empruntons à la traduction de Görres par M. de Sainte-Foi.

Psellus, qui était puissant à la cour de Constantinople, fit mettre en prison un sorcier


manichéen qui prophétisait. « Comme je lui demandais, dit-il, d’où il tenait le don de prophétie, il refusa d’abord de répondre. Mais, forcé de parler, il me dit qu’il avait appris son art d’un vagabond de Libye. — Celui-ci, me poursuivit-il, m’ayant mené la nuit sur une montagne, me fit goûter mani d’une certaine herbe, me cracha dans la bouche, m’oignit les yeux d’un certain onguent et me fit voir une multitude de démons, parmi lesquels j’en aperçus un qui volait vers moi sous la forme d’un corbeau ; et, entrant par ma bouche, il pénétra jusqu’au fond de mes entrailles. À partir de ce moment jusqu’aujourd’hui, j’ai pu lire dans l’avenir toutes les fois que mon démon l’a bien voulu. Il n’y a que quelques jours dans l’année où je ne puis obtenir de lui qu’il me révèle quoi que ce soit : c’est aux fêtes de la Croix, aux jours de la Passion et de la Résurrection. — Il me dit ensuite : Vous aurez beaucoup à souffrir dans votre corps ; les démons vous en veulent, parce que vous abolissez leur culte ; et ils vous ont préparé des dangers auxquels vous n’échapperez pas, si une puissance supérieure à la leur ne vous arrache de leurs mains. — Tout arriva comme il l’avait prédit, ajoute Psellus, et je serais mort au milieu des dangers de toutes sortes dont j’ai été environné, si Dieu ne m’en avait inopiné » ment délivré[472].

Psylles, peuples de Libye, dont la présence seule charmait le poison le plus subtil des serpents les plus redoutables. Ils prétendaient aussi guérir la morsure des serpents avec leur salive ou par leur simple attouchement. Hérodote prétend que les anciens Psylles périrent dans la guerre insensée qu’ils entreprirent contre le vent du midi, indignés qu’ils étaient de voir leurs sources desséchées.

Un psylle charmeur.


Psylotoxotes, peuples imaginaires de Lucien. Ils étaient montés sur des puces grosses comme des éléphants.

Psephos, sorte de divination où l’on faisait usage de petits cailloux qu’on cachait dans du sable.

Psychomancie, divination par les esprits, ou art d’évoquer les morts. Voy. Nécromancie.

Publius. Voy. Tête.

Pucel, grand et puissant duc de l’enfer. Il paraît sous la forme d’un ange obscur ; il répond sur les sciences occultes ; il apprend la géométrie et les arts libéraux ; il cause de grands bruits et fait entendre le mugissement des eaux dans les lieux où il n’y en a pas. Il commande quarante-huit légions. Il pourrait bien être le même que Pocel.

Pucelle d’Orléans. Voy. Jeanne d’Arc

Puces. L’abbé Thiers, parmi les superstitions qu’il a recueillies, rapporte celleci : qu’on peut se prémunir contre la morsure des puces en disant : Och, och.

Puck. C’était un démon familier que ce Puck, qui eut longtemps son domicile chez les dominicains de Schwerin dans le Mecklembourg. Malgré les tours qu’il jouait aux étrangers qui venaient visiter le monastère, Puck, soumis aux moines, avait l’air d’être pour eux un bon serviteur. Sous la forme d’un singe, il tournait la broche, tirait le vin, balayait la cuisine. Cependant, malgré tous ces services, le religieux à qui nous devons la Veridica relatio de dœmonio Puck ne reconnaît

en lui qu’un esprit malin. Le Puck de Schwerin recevait pour ses gages deux pots d’étain et une veste bariolée de grelots en guise de boutons.

Le moine Rusch, de la légende suédoise, et Bronzet, de l’abbaye de Montmajor, près d’Arles, sont encore Puck sous d’autres noms. On le retrouve en Angleterre sous la forme de Robin Goodfellow ou de Robin Hood (Robin des bois), le fameux bandit de la forêt de Sherwood ayant reçu ce surnom à cause de sa ressemblance avec ce diable populaire. Enfin Robin Hood est aussi le Red Cap d’Écosse et le diable saxon Hodeken, ainsi appelé de l’hoodiwen, ou petit chaperon rouge qu’il porte en Suède lorsqu’il y apparaît sous la forme du Nisse ou Nissegodreng. Puck, en Suède, se nomme Nissegodreng (ou Nisse le bon enfant), et vit en bonne intelligence avec Tomtegobbe, ou le Vieux du Grenier, qui est un diable de la même classe. On trouve Nissegodreng et Tomtegobbe dans presque toutes les fermes, complaisants et dociles si on les traite avec douceur, mais irascibles et capricieux si on les offense.

Dans le royaume voisin, en Danemark, les Pucks ont un rare talent comme musiciens. Il existe une certaine danse appelée la gigue du roi des Elfes, bien connue des ménétriers de campagne et qu’aucun d’eux n’oserait exécuter. L’air seul produit le même effet que le cor d’Obéron : à peine la première note se fait-elle entendre, vieux et jeunes sont forcés de sauter en mesure ; les tables, les chaises et les tabourets de la maison commencent à se briser, et le musicien imprudent ne peut rompre le charme qu’en jouant la même danse à rebours sans déplacer une seule note, ou bien en laissant approcher un des danseurs involontaires assez adroit pour passer derrière lui et couper toutes les cordes du violon par-dessus son épaule[473].

Punaises. Si on les boit avec de bon vinaigre, elles font sortir du corps les sangsues que l’on a avalées, sans y prendre garde, en buvant de l’eau de marais[474].

Purgatoire. Les juifs reconnaissent une sorte de purgatoire ; il dure pendant toute la première année qui suit la mort de la personne décédée. L’âme, durant ces douze mois, a la liberté de venir visiter son corps et revoir les lieux et les personnes pour lesquels elle a eu quelque affection particulière. Le jour du sabbat est pour elle un jour de relâche. Les Kalmouks croient que les Berrids, qui sont les habitants de leur purgatoire, ressemblent à des tisons ardents et souffrent surtout de la faim et de la soif. Veulent-ils boire, à l’instant ils se voient environnés de sabres, de lances, de couteaux ; à l’aspect des aliments, leur bouche se rétrécit comme un trou d’aiguille, leur gosier ne conserve que le diamètre d’un fil, et leur ventre s’élargit et se déploie sur leurs cuisses comme un paquet d’allumettes. Leur nourriture ordinaire se compose d’étincelles. Ceux qui ont dit que le purgatoire n’est séparé de l’enfer que par une grande toile d’araignée ou par des murs de papier qui en forment l’enceinte et la voûte, ont dit des choses que les vivants ne savent pas. Le purgatoire est indiqué dans saint Matthieu, chap. xn, où NotreSeigneur parle de péchés qui ne sont remis ni dans le siècle présent, ni dans le siècle futur. Or, les péchés qui peuvent être remis dans le siècle futur ne le seront ni dans le ciel, où rien de souillé ne peut entrer, ni dans l’enfer, où il n’y a plus de rémission. Donc ils seront expiés dans un lieu intermédiaire ; et ce lieu est le purgatoire.

Purrikeh, épreuve par le moyen de l’eau et du feu, en usage chez les Indiens pour découvrir les choses cachées.

Pursan ou Curson, grand roi de l’enfer. Il


apparaît sous la forme humaine, en costume du temps, avec une tête qui rappelle le lion ; il porte une couleuvre ; il est quelquefois monté sur un ours et précédé continuellement du son de la trompette. Il connaît à fond le présent, le passé, l’avenir, découvre les choses enfouies, comme les trésors. En prenant la forme d’un homme, il est aérien ; il est le père des bons esprits familiers. Vingt-deux légions reçoivent ses ordres[475].

Putéorites, secte juive dont la superstition consistait à rendre des honneurs particuliers aux puits et aux fontaines.

Pygmées, peuple fabuleux qu’on disait avoir existé en Thrace. C’étaient des hommes qui n’avaient qu’une coudée de haut ; leurs femmes accouchaient à trois ans et étaient vieilles à huit. Leurs villes et leurs maisons n’étaient bâties que de coquilles d’œufs ; à la campagne, ils se retiraient dans des trous qu’ils faisaient sous terre. Ils coupaient leurs blés avec des cognées, comme s’il eût été question d’abattre une forêt. Une armée de ces petits hommes attaqua Hercule, qui s’était endormi après la défaite du géant Antée, et prit pour le vaincre les mêmes précautions qu’on prendrait pour former un siège. Les deux ailes de cette petite armée fondent sur la main droite du héros, et, pendant que le corps de bataille s’attache à la gauche et que les archers tiennent ses pieds assiégés, la reine, avec ses plus braves sujets, livre un assaut à la tête. Hercule se réveille, et, riant du projet de ces fourmilières, les enveloppe toutes dans sa peau de lion et les porte à Eurysthée.

Les Pygmées avaient guerre permanente contre les grues, qui venaient de la Scythie les attaquer. Montés sur des perdrix ou, selon d’autres, sur des chèvres d’une taille proportionnée à la leur, ils s’armaient de toutes pièces pour aller combattre leurs ennemis.

Près de Morlaix, il existe, dit-on, de petits hommes d’un pied de haut, vivant sous terre, marchant et frappant sur des bassins. Ils étalent leur or et’le font sécher au soleil. L’homme qui tend la main modestement reçoit deux poignées de ce métal ; celui qui vient avec un sac dans l’intention de le remplir est éconduit et maltraité, leçon de modération qui tient à des temps reculés[476]. Voy. Nains, Gnomes, etc.

Pyramides. Les Arabes prétendent que les pyramides ont été bâties longtemps avant le déluge par une nation de géants. Chacun d’eux apportait sous son bras une pierre de vingt-cinq aunes.

Pyromancie, divination par le feu. On jetait dans le feu quelques poignées de poix broyée, et, si elle s’allumait promptement, on en tirait un bon augure ; ou bien on brûlait une victime, et on prédisait l’avenir sur la couleur et la figure de la flamme. Les démonomanes regardent le devin Amphiaraüs comme l’inventeur de cette divination. Il y avait à Athènes un temple de Minerve Poliade où se trouvaient des vierges occupées à examiner les mouvements de la flamme d’une lampe continuellement allumée. Delrio rapporte que, de son temps, les Lithuaniens pratiquaient une espèce de pyromancie qui consistait à mettre un malade devant un grand feu ; et si l’ombre formée par le corps était droite et directement opposée au feu, c’était signe de guérison ; si l’ombre était de côté, c’était signe de mort.

Pyrrhus, roi d’Épire, avait forcé les Locriens à remettre entre ses mains les trésors de Proserpine. Il chargea ses vaisseaux de ce butin sacrilège et mit à la voile ; mais il fut surpris par une tempête si furieuse qu’il échoua sur la côte voisine du temple. On retrouva sur le rivage tout l’argent qui avait été enlevé, et on le remit dans le dépôt sacré[477].

Pythagore, fils d’un sculpteur de Samos. Il voyagea pour s’instruire : les prêtres d’Égypte l’initièrent à leurs mystères, les mages de Chaldée lui communiquèrent leurs sciences : les sages de Crète leurs lumières. Il rapporta dans Samos tout ce que les peuples les plus instruits possédaient de sagesse et de connaissances utiles ; mais trouvant sa patrie sous le joug du tyran Polycrate, il passa à Crotone, où il éleva une école de philosophie dans la maison du fameux athlète Milon. C’était vers le règne de ïarquin le Superbe. Il enseignait la morale, l’arithmétique, la géométrie et la musique. On le fait inventeur de la métempsycose. Il paraît que, pour étendre l’empire qu’il exerçait sur les esprits, il ne dédaigna pas d’ajouter le secours des prestiges aux avantages que lui donnaient ses connaissances et ses lumières. Porphyre et Jamblique lui attribuent des prodiges ; il se faisait entendre et obéir des bêtes mêmes. Une ourse faisait de grands ravages dans le pays des Dauniens ; il lui ordonna de se retirer : elle disparut. Il se montra avec une cuisse d’or aux jeux olympiques ; il se fit saluer par le fleuve Nessus ; il arrêta le vol d’un, aigle ; il fit mourir un serpent ; il se fit voir, le même jour et à la même heure, à Crotone et à Métaponte. Il vit un jour, à Tarente, un bœuf qui


broutait un champ de fèves ; il lui dit à l’oreille quelques paroles mystérieuses qui le firent cesser pour toujours de manger des fèves[478]. On n’appelait plus ce bœuf que le bœuf sacré, et, dans sa vieillesse, il ne se nourrissait que de ce que les passants lui donnaient. Enfin, Pythagore prédisait l’avenir et les tremblements de terre avec une adresse merveilleuse ; il apaisait les tempêtes, dissipait la peste, guérissait les maladies d’un seul mot ou par l’attouchement. Il fit un voyage aux enfers, où il vit l’âme (l’Hésiode attachée avec des chaînes à une colonne d’airain, et celle d’Homère pendue à un arbre au milieu d’une légion de serpents, pour toutes les fictions injurieuses à la Divinité dont leurs poèmes sont remplis. Pythagore intéressa les femmes au succès de ses visions, en assurant qu’il avait vu dans les enfers beaucoup de maris très-rigoureusement punis pour avoir maltraité leurs femmes, et que c’était le genre de coupables le moins ménagé dans l’autre vie. Les femmes furent contentes, les maris eurent peur, et tout fut reçu. Il y eut encore une circonstance qui réussit merveilleusement : c’est que Pythagore, au moment de son retour des enfers, et portant encore sur le visage la pâleur et l’effroi qu’avait dû lui causer la vue de tant de supplices, savait parfaitement tout ce qui était arrivé sur la terre pendant son absence.

Pythonisse d’Endor. L’histoire de la pythonisse dont il est parlé dans le vingt-huitième chapitre du premier livre des Rois a exercé beaucoup de savants, et leurs opinions sont partagées. Les uns croient que cette femme évoqua véritablement l’âme de Samuel, et les autres n’en sont nullement persuadés. Le cardinal Bellarmin, qui est de la première opinion, appuie fort sur les paroles de la pythonisse, qui dit « qu’elle a vu un homme haut avec sa robe, et que par là Saül connut que ce devait être Samuel. » Il y a dans l’hébreu Élohim, qui, par quelques-uns a été traduit des dieux, un dieu, un homme divin, un grand homme ; par Jonathan, l’ange du Seigneur ; et ceux qui sont faits au style de l’Écriture se souviendront du vingt-deuxième chapitre de l’Exode : Tu ne médiras point d’Élohim ou de l’ange du Seigneur, c’est-à-dire des magistrats, des juges du peuple et des prophètes. Dans le verset douzième, elle dit qu’elle a vu Samuel, et c’est une manière de parler dans toutes les langues, où l’on appelle dumom des choses la plupart de celles qui les représentent. Nicolas de Lyre dit à ce propos : Rerum similitudines in sacra Scriptura fréquenter nominantur nominibus ipsarum. Quand Pharaon vit sept vaches grasses et sept vaches maigres, sept épis de blé qui étaint sortis d’un tuyau et sept autres qui étaient flétris, il ne vit ni ces épis ni ces vaches, puisqu’il songea seulement qu’il les voyait. Où il est dit que Saül connut que ce devait être Samuel, le mot hébreu a été rendu par crut, s’imagina, se mit dans l’esprit ; et l’opinion de saint Augustin est que Satan, qui se transforme quelquefois en ange de lumière, apparut sous la forme de Samuel à la pythonisse.

Rabby Ménassé Ben Israël, qui, dans le deuxième livre de la Résurrection des morts, chap. vi, ne trouve point de fondement dans l’opinion de saint Augustin, établit pour une maxime indubitable qu’il y a certains esprits qui peuvent se mettre dans le corps les âmes de ceux qui n’ont plus de vie, parce que l’âme n’est pas tout à fait absente du corps la première année qui suit la mort[479] ; que dans ce temps-là elle y peut rentrer et en sortir, et qu’après ce temps elle ne dépend plus de ces esprits. Mais il raisonne sur une fausseté, qu’il suppose comme une vérité indubitable avec la plupart des talmudistes. Quoique Saül soit mort sept mois après Samuel, comme le croient quelques-uns, cela ne fait rien pour Ménassé, qui ne s’en rapporte qu’à ses rabbins, fort persuadés, avec l’auteur du Juchasin, qu’il y a eu deux années entières entre la mort de l’un et de l’autre. Si ces esprits dont il parle sont des démons, les âmes des bienheureux ne peuvent être de leur dépendance ; et si ces esprits sont eux-mêmes bienheureux, ils n’envient point la félicité de leurs semblables, et ne pourront pas les rendre sujets au pouvoir prétendu d’une pythonisse. Quidam dicunt Samuelem vere revocatum esse, dit Procope de Gaza sur le verset : J’ai vu un grand homme qui montait : Quid magis impium est, quam si dicamus dæmones incantamentis curiosorum, in animas potestatem habere, in quas, quo ad homines vixerunt, potestatem nullam habuerunt ? On peut cependant remarquer ici que Saül, qui auparavant avait tâché d’exterminer tous les devins, était persuadé du contraire, puisqu’il demande à cette femme qu’elle lui fasse voir Samuel ; et c’est de là qu’elle eut une occasion de le tromper, comme l’a remarqué Van Dale dans son livre des Oracles, qu’il a donné au public.

En effet, quoiqu’elle feignît de ne point connaître ce premier roi des Israélites qui s’était déguisé et avait changé d’habit, il ne pouvait pas lui être inconnu ; son palais ne devait pas être fort éloigné de la maison de la pythonisse ; et il était assez remarquable par sa beauté, puisqu’il était le plus beau des Israélites, et par sa taille, puisqu’il surpassait les autres hommes de toute la tête. Ajoutez que toute cette pièce fut jouée par la pythonisse que Saül interrogea sans avoir rien vu ; il y avait peut-être quelque muraille ou quelque autre séparation entre lui et elle. Comme elle connaissait le trouble d’esprit où était le roi pour ce que Samuel lui avait prédit, et que les armées des Israélites et des Philistins étaient en présence, elle put lui dire fort sûrement : « Toi et ton fils serez demain avec moi, ou vous ne serez plus au monde. » Pour ne pas porter son coup à faux, elle se servit du mot machar, demain, qui signifie un temps à venir indéfini, bientôt, comme on le peut voir dans le Deutéronome, chap. vi, vers. 20, et dans Josué, chap. iv, vers. 6. Objicere aliquis posset, ajoute Procope de Gaza, ignorantiam mortis Saulis ; non enim postero die, sed diebus aliquot interjectis, videtur obiisse. Nisi dicamus, etc. Ainsi la scène a pu se passer naturellement, sans le secours de la magie, par la seule adresse d’une femme qui devait être assez bien instruite dans son métier[480].

Pythons. Les Grecs nommaient ainsi, du nom d’Apollon Pythien, les esprits qui aidaient à prédire les choses futures, et les personnes qui en étaient possédées. La Vulgate se sert souvent de ce terme pour exprimer les devins, les magiciens, les nécromanciens. La sorcière qui fit apparaître devant Saül l’ombre de Samuel est appelée la Pythonisse d’Endor. Voy. l’article précédent. On dit aussi esprit de python pour esprit de devin. Les prêtresses de Delphes s’appelaient pythonisses ou pythées. Python, dans la mythologie grecque, est un serpent qui naquit du limon de la terre après le déluge. Il fut tué par Apollon, pour cela surnommé Pythien.



Q

Quakerisme, secte fondée chez les Anglais en 1647, par un cordonnier nommé Fox. Il exposa sa doctrine, qui consiste, en raison de ce que tous les hommes sont égaux, à tutoyer tout le monde, à ne saluer personne, à ne porter ni boutons, ni dentelles, ni aucune autre superfluité, à prêcher, qu’on soit homme ou femme, enfant ou vieillard, dès qu’on se sent inspiré par l’esprit, à n’avoir ni culte, ni prêtres, etc. Cette doctrine grossière fut fardée par deux savants, Guillaume Penh et Robert Barklay, à qui cette intervention ne fait pas très-grand honneur. La secte s’étendit en Angleterre et en Amérique. Son culte consiste à se réunir pour danser gravement, mais jusqu’à ce que l’esprit vienne inspirer quelqu’un de la compagnie. Cette inspiration s’annonce par des convulsions et par un certain tremblement ; ce qui n’est pas trop la manière du Saint-Esprit. Ce tremblement a constitué le nom des quakers, qui veut dire trembleurs. Aussitôt que l’un ou l’une des danseurs sent l’Esprit, il ou elle se met à prêcher.

 
Quakers
Quakers
 

Queiran (Isaac), sorcier de Nérac, arrêté à Bordeaux, ou il était domestique depuis vingt-cinq ans. Interrogé comment il avait appris le métier de sorcier, il avoua qu’à un âge encore jeune, étant au service d’un habitant de la Bastide d’Armagnac, un jour qu’il allait chercher du feu chez une vieille voisine, elle lui dit de se bien garder de renverser des pots qui étaient devant la cheminée :ils étaient pleins de poison que Satan lui avait ordonné de faire. Cette circonstance ayant piqué sa curiosité, après plusieurs questions, la vieille lui demanda s’il voulait voir le grand maître des sabbats et son assemblée. Elle le suborna de telle sorte qu’après l’avoir oint d’une graisse dont il n’a pas vu la couleur ni senti l’odeur, il fut enlevé et porté dans les airs jusqu’au lieu où se tenait le sabbat. Des hommes et des femmes y criaient et y dansaient ; ce qui l’ayant épouvanté, il s’en retourna.

Le lendemain, comme il passait par la métairie de son maître, un grand homme maigre se présenta à lui et lui demanda pourquoi il avait quitté l’assemblée où il avait promis à la vieille de rester. Il s’excusa sur ce qu’il n’y avait là rien à faire pour lui ; et il voulut continuer son chemin. Mais l’homme maigre lui déchargea un coup de gaule sur l’épaule, en lui disant : « Demeure, je te baillerai bien chose qui t’y fera venir. » Ce coup lui fit mal pendant deux jours, et il s’aperçut que ce grand homme noir l’avait marqué sur le bras auprès de la main ; la peau en cet endroit paraissait noire et tannée.

Un autre jour, comme il traversait le pont de la rivière qui est près de la Bastide, le même homme maigre lui apparut de nouveau, lui demanda s’il se ressouvenait des coups qu’il lui avait donnés, et s’il voulait le suivre. Il refusa. Le diable aussitôt, l’ayant chargé sur son cou, voulut le noyer ; mais le pauvre garçon cria si fort, que les gens d’un moulin voisin de là étant accourus, le vilain noir fut obligé de fuir. Enfin le diable l’enleva un soir dans une vigne qui appartenait à son maître ; et le conduisit, quoi qu’il en eût, au sabbat ; il y dansa et mangea comme les autres. Un petit démon frappait sur un tambour pendant les danses, jusqu’à ce que le diable, ayant entendu les coqs chanter, renvoya tout son monde.

 
L’homme maigre
L’homme maigre
L’homme maigre
 

Interrogé s’il n’avait pas fait quelques maléfices, Queiran répondit qu’il avait maléficié un enfant dans la maison où il avait servi ; qu’il lui avait mis dans la bouche une boulette que le diable lui avait donnée, laquelle avait rendu cet enfant muet pendant trois mois. Après avoir été entendu en la chambre de la Tournelle, où il fut reconnu pour un bandit qui faisait l’ingénu, Queiran fut condamné au supplice le 8 mai 1609[481].

Question. Voy. Insensibilité.

Queys, mauvais génies chez les Chinois.

Quintillianites. Une femme de la secte des caïnites, nommée Quintille, vint en Afrique du temps de Tertullien et y pervertit plusieurs personnes. On appela quintillianites les abominables sectateurs qu’elle forma. Il paraît qu’elle ajoutait encore d’horribles pratiques aux infamies des caïnites. Voy. Caïn.

Quirim, pierre merveilleuse qui, suivant les démonographes, placée sur la tête d’un homme durant son sommeil, lui fait dire tout ce qu’il a dans l’esprit. — On l’appelle aussi pierre des traîtres.

Quivogne (femme), sorcière contemporaine. Les prétendus sorciers et sorcières, ou devineresses, trouvent encore tous les jours, dans notre siècle si éclairé, le moyen de faire des dupes, quelle que soit la grossièreté des pièges qu’ils tendent à la crédulité et à l’ignorance. Tout récemment une fille Rupt, de Vesoul, s’était laissé

 
Quivogne
Quivogne
 


persuader par la femme Quivogne qu’à l’aide d’un char aérien son futur, qui était au service, allait lui être ramené pour l’épouser. Elle avait exigé pour cela douze francs, qu’elle devait employer, assurait-elle, à faire dire des messes, puis elle avait reçu du linge et d’autres objets. Tout cela était passé dans les mains de la femme Quivogne ; mais il fallait encore, pour faire le corps de la machine, quinze aunes de toile ; et c’est lorsque la pauvre jeune fille délaissée cherchait à se les procurer qu’elle avoua à la marchande à qui elle s’adressait l’emploi qui devait en être fait. — Tout étant découvert ainsi, la sorcière fut arrêtée, jugée et convaincue de bien d’autres escroqueries encore, Enfin elle a été condamnée à un an de prison, d’où probablement son art ne l’a tirée qu’à l’expiration de sa peine. — Autrefois on eût été plus sérieux ; on eût séquestré cette voleuse infâme de la société. Aurait-on eu tort ?

 
Séparateur dans la forme d’une chauve-souris
Séparateur dans la forme d’une chauve-souris
 


R

Rabbats, lutins qui font du vacarme dans les maisons et empêchent les gens de dormir. On les nomme rabbats parce qu’ils portent une bavette à leur cravate, comme les gens qu’on appelle en Hollande consolateurs des malades, et qui ne consolent personne.

Rabbins, docteurs juifs qui, rebelles à la vérité, furent longtemps soupçonnés d’être magiciens et d’avoir commerce avec les démons[482].

Rabdomancie, divination par les bâtons. C’est une des plus anciennes superstitions. Ézéchiel et Osée reprochent aux Juifs de s’y laisser tromper. On dépouillait, d’un côté et dans toute sa longueur, une baguette choisie ; on la jetait en l’air ; si, en retombant, elle présentait la partie dépouillée, et qu’en la jetant une seconde fois elle présentât le côté revêtu de l’écorce, on en tirait un heureux présage. Si, au contraire, elle tombait une seconde fois du côté pelé, c’était un augure fâcheux. Cette divination était connue chez les Perses, chez les Tartares et chez les Romains. La baguette divinatoire, qui a fait grand bruit sur la fin du dix-septième siècle, tient à la rabdomancie. Voy. Baguette. Bodin dit qu’une sorte de rabdomancie était de son temps en vigueur à Toulouse ; qu’on marmottait quelques paroles ; qu’on faisait baiser les deux parties d’un certain bâton fendu, et qu’on en prenait deux parcelles qu’on pendait au cou pour guérir la fièvre quarte.

Rachaders, génies malfaisants des Indiens.

Radcliffe (Anne), Anglaise qui publia, il y a cinquante ans, des romans pleins de visions, de spectres et de terreurs, comme les Mystères d’Udolphe, etc.

Ragalomancie, divination qui se faisait avec des bassinets, des osselets, de petites balles, des tablettes peintes, et que nul auteur n’a pu bien expliquer[483].

Rage. Pour être guéri de la rage, des écrivains superstitieux donnent ce conseil : On mangera une pomme ou un morceau de pain dans lequel on enfermera ces mots : Zioni, Kirioni, Ezzeza ; ou bien on brûlera les poils d’un chien enragé, on en boira la cendre dans du vin, et on guérira[484].

Le seul moyen sûr de guérir la rage et qui n’a jamais manqué, c’est d’aller à Saint-Hubert, comme l’attestent les noms de plus de trois cent mille pèlerins qui y sont enregistrés.

Raginis, espèce de fées chez les Kalmouks. Elles habitent le séjour de la joie, d’où elles s’échappent quelquefois pour venir au secours des malheureux. Mais elles ne sont pas toutes bonnes ; c’est comme chez nous.

Raguse (George de), théologien, médecin et professeur à l’université de Padoue, a publié un livre rare sur les divinations, où il traite spécialement de l’astrologie, de la chiromancie, de la physiognomonie, de la géomancie, de la nomancie, de la cabale, de la magie, etc. Paris, 1623, in-8o.

Rahouart, démon que nous ne connaissons pas. Dans la Moralité du mauvais riche et du ladre, imprimée à Rouen, sans date, chez Durzel, et

 
 
jouée à la fin du quinzième siècle, Satan a pour compagnon le démon Rahouart. C’est dans sa hotte que Rahouart emporte l’âme du mauvais riche quand il est mort.

Raiz. Voy. Retz.

Raide (Marie de la), sorcière qu’on arrêta à l’âge de dix-huit ans, au commencement du dix-septième siècle. Elle avait débuté dans le métier à dix ans, conduite au sabbat pour la première fois par la sorcière Marissane. Après la mort de cette femme, le diable, selon la procédure, la mena lui-même à son assemblée, où elle avoua qu’il se tenait en forme de tronc d’arbre. Il semblait être dans une chaire, et avait quelque ombre humaine fort ténébreuse. Cependant elle l’a vu sous la figure d’un homme ordinaire, tantôt rouge, tantôt noir. Il s’approchait souvent des enfants, tenant un fer chaud à la main ; mais elle ignore s’il les marquait. Elle n’avait jamais baisé le diable ; mais elle avait vu comment on s’y prenait : le diable présentait sa figure ou son derrière, le tout à sa discrétion et comme il lui plaisait. Elle ajouta qu’elle aimait tellement le sabbat qu’il lui semblait aller à la noce, « non pas tant, par la liberté et licence qu’on y a, mais parce que le diable tenait tellement liés leur cœur et leurs volontés qu’à peine y laissait-il entrer nul autre désir ». En outre les sorcières y entendaient une musique harmonieuse, et le diable leur persuadait que l’enfer n’est qu’une niaiserie, que le feu qui brûle continuellement n’est qu’artificiel. Elle dit encore qu’elle ne croyait pas faire mal d’aller au sabbat, et que même elle avait bien du plaisir à la célébration de la messe qui s’y disait, où le diable se faisait passer pour le vrai Dieu. Cependant elle voyait à l’élévation l’hostie noire[485]. Il ne paraît pas que Marie de la Raide ait été ! brûlée ; mais on ignore ce que les tribunaux en firent.

Raleigh (Walter), courtisan célèbre de la reine ; Élisabeth. Il se vante d’avoir vu, dans l’Amérique du Sud, des sauvages trois fois aussi grands que des hommes ordinaires, des cyclopes qui avaient les yeux aux épaules, la bouche sur la j poitrine et la chevelure au milieu du dos.

Rambouillet. Le marquis de Rambouillet, partant avec Louis XIV pour la guerre de Flandre, I et le marquis de Précy retenu au lit par la fièvre, s’étaient promis que celui des deux qui mourrait le premier viendrait donner à l’autre des nouvelles de l’autre monde. Six semaines après, à six heures du matin, Rambouillet vint éveiller son ami, lui annoncer qu’il avait été tué la veille, lui montrer sa blessure, lui déclarer que lui-même Précy serait tué à la première bataille à laquelle il prendrait part, et disparut. Précy aussitôt réveilla sa maison, raconta ce qui venait d’arriver et fut pris pour un visionnaire dont la fièvre avait troublé les sens. Huit jours après la poste de Flandre apporta la nouvelle de la mort de Rambouillet, avec les détails donnés par Précy. Cependant on est si difficile à croire l’extraordinaire qu’on persuada à Précy que son aventure n’était qu’un pressentiment produit par la sympathie. Sans doute qu’il en vint à le croire lui-même, puisqu’il alla peu après au combat du faubourg Saint-Antoine, et il y fut tué : ce qui dut le faire réfléchir.

Ranfaing (Marie de). M. le chevalier Gougenot des Mousseaux raconte l’histoire de cette dame :

« Une veuve illustre a refusé la main d’un médecin, dont l’amour n’excita en elle qu’un insurmontable dégoût ; et ce misérable, qui croyait à la magie, parvient à lui faire boire un philtre préparé par son art. Cette femme tombe aussitôt dans un lamentable état. Les médicaments que lui administrent les plus habiles médecins, réunis en consultation, ont perdu toute efficacité. La science est à bout de voies et déclare enfin que les accidents éprouvés par la patiente ne peuvent avoir d’autre cause qu’une possession diabolique. »

Cette dame était une femme de grande vertu ; elle avait fondé un refuge pour les malheureux que le monde abandonne à cause de leurs fautes. Les démons, à qui elle ravissait leur proie, durent se réjouir de la posséder. On l’amena à Nancy, où les évêques de Nancy et de Toul la firent exorciser par les plus saints prêtres et les plus habiles théologiens. On la questionnait, ou plutôt le démon qui était en elle, en latin, en grec et en hébreu ; et quoiqu’elle sût à peine lire le latin et qu’elle ne comprît d’autre idiome que sa langue, elle répondait avec une exactitude extrême. Le démon, qui parlait par sa bouche, relevait même les solécismes et les autres fautes qui échappaient à ses interrogateurs. L’histoire de ces exorcismes est assez longue. Ils se faisaient devant le duc de Lorraine Henri II et devant une assemblée immense, que les grandes douleurs de cette pauvre dame intéressaient vivement. Elle fut délivrée enfin, en même temps que le coupable qui avait causé ces horreurs avoua son crime et fut condamné à mort par la cour de justice de Nancy. (La Magie au dix-neuvième siècle.)

Rani-Razal, femme de Bava-Coumba, chez les Indiens du Satpoura. Les jeunes mariés lui rendent un culte et font des offrandes à son idole sous un arbre qui lui est consacré.

Rannou. C’est une légende bretonne qui a été publiée, il y a vingt ans, dans une feuille catholique et signée : Un Glaneur.

« La mère de Rannou était une pauvre femme qui, en se promenant un jour au bord de la mer pour chercher des coquillages, aperçut une sirène que les eaux, en se retirant, avaient laissée à sec. La pauvre femme, tout effrayée, allait fuir lorsque le monstre la rappela de sa voix la plus douce. « Venez donc à mon aide, disait la sirène ; ne laissez pas une pauvre mère mourir ici sans secours. Je suis une créature inoffensive, qui ne fais jamais de mal à personne ; bien plus, souvent par mes chants j’avertis les matelots de la présence des écueils. »

La mère de Rannou avait l’âme bonne ; elle fut tellement touchée par les prières de la sirène qu’elle l’aida à regagner la mer. Alors celle-ci lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? demande et tu es sûre d’obtenir. — Je ne suis qu’une pauvre femme ; Dieu m’a fait la grâce d’être contente de mon sort. Je ne veux rien pour moi. Mais j’ai un fils encore tout enfant ; je voudrais bien qu’il eût de l’esprit et de la vaillance. »

La sirène plongea dans la mer et revint un instant après avec une coquille pleine d’un breuvage semblable à du lait. « Voici, dit-elle, un philtre que tu feras prendre à ton enfant. Mais fais attention à ce qu’il le boive tout entier et sans qu’une seule goutte soit perdue. Adieu, et fais ponctuellement ce que je te* recommande. »

La pauvre femme s’en revint avec le présent de la sirène ; mais, craignant les tromperies de quelque fée malicieuse, elle n’osa pas donner le philtre à son enfant avant d’en avoir fait l’expérience. Elle commença donc par en faire boire une partie à son chat. Quelques jours après, comme elle se promenait encore au bord de la mer, elle revit la sirène, qui lui dit : « Vous avez manqué de foi, malheur à vous, car vous serez la cause de grandes infortunes. » Puis elle disparut sous les flots.

La prédiction ne tarda pas à s’accomplir. Le chat et l’enfant de la pauvre femme ressentirent bientôt, mais d’une façon différente, les effets du mystérieux breuvage. Rannou devint si fort et si robuste qu’à l’âge de huit ans il jouait au palet avec des meules de moulin. Le chat, de son côté acquit une intelligence surhumaine ; mais comme ces animaux, qui hantent les sabbats, sont d’une nature méchante et infernale, il ne se servit de son esprit que pour faire du mal. La chose en vint au point que la population du canton se souleva en masse pour le tuer.

Quant à Rannou, il resta tellement dépourvu de toute intelligence, qu’il ne savait pas faire usage de sa force prodigieuse. Par désœuvrement il arrachait les vergers et abattait les maisons sans penser à mal. Il tua même sa mère, avec laquelle il voulait plaisanter, et qu’il s’amusait à lancer en l’air comme un jouet. On forma aussi une ligue contre lui, et une mort malheureuse mit fin à cette existence funeste.

Que d’existences manquées ainsi parce que l’on a négligé quelques gouttes du breuvage de la sirène, c’est-à-dire de la religion !

Raollet (Jacques), loup-garou de la paroisse de Maumusson, près de Nantes, qui fut arrêté et condamné à mort par le parlement d’Angers. Durant son interrogatoire, il demanda à un gentilhomme qui était présent s’il ne se souvenait pas d’avoir tiré de son arquebuse sur trois loups ; celui-ci ayant répondu affirmativement, il avoua qu’il était l’un des trois loups, et que, sans l’obstacle qu’il avait eu en cette occasion, il aurait dévoré une femme qui était près du lieu. Rickius dit que, lorsque Raollet fut pris, il avait les cheveux flottants sur les épaules, les yeux enfoncés dans la tête, les sourcils refrognés, les ongles extrêmement longs ; qu’il puait tellement qu’on ne pouvait l’approcher. Quand il se vit condamner par la cour d’Angers, il ajouta à ses aveux qu’il avait mangé des charrettes ferrées, des moulins à vent, des avocats, procureurs et sergents, disant que cette dernière viande était tellement dure et assaisonnée qu’il n’avait pu la digérer[486]

Rat. Pline dit que, de son temps, la rencontre d’un rat blanc était de bon augure. Les boucliers de Lavinium rongés par les rats présagèrent un événement funeste, et la guerre des Marses, qui survint bientôt après, donna un nouveau crédit à cette superstition. Le voile de Proserpine était parsemé de rats brodés.

 
Rat
Rat
 

Les peuples de Bassora et de Cambaie se feraient un cas de conscience de nuire à ces animaux, qu’ils révèrent.

Les matelots donnent aux rats une prescience remarquable. « Nous sommes condamnés, disent-ils, à un calme plat ou à quelque autre accident ; il n’y a pas un seul rat à bord… » Ils croient que les rats abandonnent un bâtiment qui est destiné à périr. Voy. Hatton, Poppiel, Sifflet magique.

« Les Indiens jadis menaient un grand deuil lorsqu’ils avaient immolé par mégarde quelques rats musqués, la femelle du rat musqué étant, comme chacun sait, la mère du genre humain. Les Chinois, meilleurs observateurs, tiennent pour certain que le rat se change en caille et la taupe en loriot[487]. »

Raum, grand comte du sombre empire ; il se présente sous la forme d’un corbeau lorsqu’il est conjuré. Il détruit des villes, donne des dignités. Il est de l’ordre des Trônes et commande trente légions[488].

Réalisme, la plus aplatie de toutes les philosophies exposées par les songe-creux. Selon cette doctrine, tout s’est créé soi-même, comme l’établit M. Michelet dans son livre de La Mer, et tout est une portion de Dieu, un chou, un navet, un cloporte, aussi bien que M. Comte, M. Michelet lui-même et M. Süe.

Red-cap, lutin écossais. Voy. Puck.

Regard. Voy. Yeux.

Regensberg. Voy. Démons familiers.

Regiomontanus. Voy. Muller.

Reid (Thomas), Écossais qui eut commerce assez long avec les fées[489].

Reine Guétet, dite la Possédée de Riel-les-Eaux. M. Roze des Ordons a publié dans les journaux, en 1853, de curieux détails sur cette femme, connue dans la Côte-d’Or sous le nom de la Possédée de Riel-les-Eaux (dans l’arrondissement de Châtillon-sur-Seine). Se trouvant à ce village, le 8 mai 1853, qui était un dimanche, comme on lui disait que le démon ne tourmentait la pauvre Reine que le dimanche ou les jours de fête, il eut le désir de la voir, quoiqu’on lui attestât que, sous la possession de son démon, cette sage et pieuse fille n’était plus « une créature humaine, mais un monstre hideux, qui hurlait, qui beuglait, qui jappait, qui grinçait des dents, qui rugissait ; que son œil fauve alors ne pouvait plus voir le ciel, ni supporter la douce lumière du jour ; qu’elle se tenait enfermée dans l’ombre et se cachait à tous les regards ; enfin que le malheur de cette infortunée était impénétrable. »

M. Roze des Ordons obtint assez difficilement la permission de voir cette calamité affreuse : mais enfin il l’obtint : il fut bientôt accompagné d’un notaire du voisinage et du curé de Riel. Les habitants, qui le savaient disposé à voir la possédée dans sa crise, le suivaient de l’œil, comme on suit un insensé qui parle de se jeter à la rivière. Quand la parente de Reine prit sa grosse clef pour ouvrir la porte du lieu où se renfermait la possédée, les curieux s’arrêtèrent pour entrevoir de loin ce qui allait se passer. — Mais laissons le narrateur raconter lui-même. « Tout cela n’était pas rassurant, dit-il. Je recommandai à notre introductrice de ne pas fermer la porte sur nous ; je lui dis que la porte, restée ouverte, nous permettrait mieux de voir au fond du sombre appartement ; mais c’était, en réalité, pour me ménager une retraite en cas d’accident. D’un tour de clef la porte nous est ouverte ; j’entre hardiment, je vais droit au lit et je soulève le rideau. Un cri affreux s’est fait entendre ; j’avance en m’écriant : Reine, ma bonne Reine, écoutez-moi.

» Des hurlements de bête féroce, d’horribles imprécations, des vociférations assourdissantes couvrent ma voix. Je vois tourbillonner devant moi quelque chose qui rugit, qui souffle, qui râle… Une tête qui bat sur ses épaules avec

une telle violence que je ne puis en distinguer les traits… Un corps qui roule comme un serpent et bondit par soubresauts terribles à se briser contre les murailles. Plus j’insiste pour être entendu, plus la rage redouble, plus la tempête devient furieuse. On criait au dehors : Retirez-vous, monsieur, retirez-vous ; elle va se tuer. Le notaire était déjà bien loin. M. le curé, que des personnes charitables avaient fait prévenir, accourait avec une jeune femme tenant un enfant dans ses bras. Cette femme, pâle et émue, était arrêtée devant la porte ; elle semblait vouloir me parler et me montrait son enfant. On me criait : «Prenez l’enfant, ne craignez rien ; prenez donc vite et le portez sur Reine. » Je regardais, j’écoutais et je ne comprenais point.

» Enfin, la jeune femme, surmontant sa frayeur, entre précipitamment, va droit au lit et pose son enfant sur le corps enragé. O prodige inouï et incompréhensible, marque éclatante de la puissance du ciel sur celle de l’enfer ! O spectacle admirable et que je n’oublierai de ma vie ! ô science attendrissante et digne des anges, qui fait encore couler mes larmes ! À peine l’innocente créature a-t-elle touché la possédée que le corps de Reine, comme frappé de la foudre, s’affaisse sur lui-même sans mouvement, sans voix. Le calme succède à la tempête, le tumulte a fait place à un silence profond !

» Alors je vois une tête humaine, une figure angélique, un doux regard fixé sur moi… Je vois la pauvre Reine ! Tout le monde, rassuré, envahit la demeure ; on approche du lit, dont on répare le désordre. On tend la main à Reine. Ma bonne Reine, lui dit-on, c’est M. Roze qui vient vous voir et qui ne voulait pas s’en aller sans vous faire ses adieux et vous dire un mot d’amitié.

» — Ah ! monsieur, que je suis reconnaissante, dit alors la pauvre affligée ; je savais bien que c’était vous, vous vous êtes nommé en entrant ; vous m’avez dit de me calmer, de me contenir un peu pour vous entendre ; je vous entendais parfaitement, mais je ne pouvais pas vous répondre : je n’avais plus l’usage de ma parole, car ce n’est pas moi qui blasphème le saint nom de Dieu, croyez-le bien, mon cher monsieur ; j’aimerais mieux mourir ! Mon corps seul est coupable, puisqu’il sert au démon ; mais mon âme n’est pas en son pouvoir ; il ne l’aura jamais, elle n’appartient qu’à Dieu.

» — Et c’est donc ce petit enfant, ma bonne Reine, qui calme vos tourments et chasse le démon ?

» — Oh ! oui, monsieur ; tant que cette innocente créature est dans mes bras, je suis comme inviolable, et le démon n’oserait pas profaner ce qu’il touche ; mais je retomberai sous sa puissance dès que mon ange m’abandonnera.

» Et la pauvre fille nous regardait avec un doux sourire ; elle semblait toute heureuse de l’intérêt que nous lui témoignions et du bien-être, hélas ! de si courte durée qu’elle goûtait avec nous. Elle comblait de caresses son petit ange gardien. L’enfant tendait toujours ses bras à sa mère, qui amusait son impatience pour prolonger le plus longtemps possible cette touchante entrevue. Mais enfin il fallut bien céder à ses instances réitérées. La pauvre Reine s’en aperçut, et je la vis pâlir. Le charme allait cesser, et nous touchions à cet instant terrible dont l’attente serrait tous les cœurs.

» À peine la jeune femme eut-elle enlevé son enfant des bras de l’infortunée, que l’on vit ses bras se tordre et s’agiter de désespoir, comme s’ils eussent ressenti les flammes de l’enfer, bientôt la rage du démon, si merveilleusement enchaînée, si longtemps comprimée, éclatait en affreux rugissements. Un spectre échevelé se dressait devant nos yeux. Il fallut fuir. En un instant la chambre fut déserte. Je sortis le dernier ; mais je restai cloué derrière cette porte, écoutant, dans une muette terreur, ces cris sinistres, ces plaintes lamentables, ces voix agonisantes mêlées à des accents de rage, à de sourds gémissements, tels qu’on en peut entendre dans une lutte acharnée entre un bourreau et sa victime. J’attendais avec anxiété la fin de ce pénible drame, qui ne devait se dénouer que dans les ombres de la nuit et quand la vie serait éteinte ou les forces de la martyre épuisées. Je ne pouvais m’arracher de ces lieux étranges, où m’enchaînait le charme du prodige dont je venais d’être témoin. Ce n’était point un rêve, une vaine illusion. Ce fait, je n’en pouvais douter ; je l’avais vu de mes yeux et touché de mes mains. Je rendais grâces à Dieu.

» Oui, m’écriais-je dans le transport de mon admiration, la religion a ses lois éternelles qu’il n’est pas permis de mettre en doute ! Oui, il y a des jours saints, consacrés pour elle, que le génie du mal s’efforce de profaner ! Oui, le démon existe, l’enfer existe ! Mais au-dessus de l’enfer est le ciel ! Au-dessus de l’ange des ténèbres, l’ange de lumière et de l’innocence dont j’ai vu le triomphe ! Dieu tout-puissant ! donnez-moi, comme à vos apôtres, l’esprit divin de la parole, et je publierai vos merveilles, vos miséricordes infinies. Labia mea aperies et os meum annunliabit laudem tuam !

» Et impii ad te convertentur, ajoute M. le curé en me frappant doucement sur l’épaule, car il était là depuis une heure, ce digne et bon pasteur. « Eh bien, mon cher monsieur, me dit-il en me serrant la main, vous voilà donc converti aux contes de bonne femme. Ces bons habitants de Riel-les-Eaux, les trouvez-vous toujours bien simples de croire à la possédée ? — Monsieur le curé, je suis anéanti. Mais il y a donc encore des possédés ? — Eh ! qu’y voyez-vous d’impossible ? qu’y a-t-il d’impossible à Dieu ? S’il permet au démon d’éprouver les âmes, ne peut-il lui permettre d’éprouver nos corps ? Ce qu’il a voulu jadis, ne peut-il le vouloir aujourd’hui ? Ne lisez-vous pas dans l’Évangile que Notre-Seigneur a chassé les démons qui tourmentaient les possédés ? Dieu voulut qu’au temps de Jésus-Christ il y en eût un plus grand nombre, sans doute pour lui fournir plus d’occasions de signaler sa puissance et nous donner plus de preuves de sa mission et de sa divinité. Qui me dira que Dieu n’a pas eu ses desseins en permettant, dans notre humble village, le phénomène étrange que nous avons en ce moment devant les yeux ? Saint Jérôme et saint Hilaire assurent que l’on voyait de leur temps des personnes extraordinairement tourmentées par les démons sur les tombeaux des saints martyrs. De nos jours, Reine Guetet ne peut entrer dans une église ni passer un seul jour de dimanche ou de fête sans être elle-même extraordinairement tourmentée. Nous croyons ce que nous voyons ; comment faire autrement ? Peut-on fermer ses yeux à la lumière et résister à l’évidence ? Pouvons-nous mettre en doute un fait public qui se renouvelle depuis trente ans et sans interruption à la face de tout un pays ? Ce fait résulte-t-il d’un préjugé de notre part, d’une erreur populaire ou du charlatanisme d’une comédienne ? Unefemme peut jouer la comédie et faire des dupes ; elle peut en imposer quelques jours et même quelques années ; mais elle ne saurait continuer toute sa vie ce jeu terrible dont la conséquence est la mort. Voyez l’état de la pauvre Reine ; elle ne marche plus, elle se traîne, son corps est disloqué ; c’est un spectre ambulant qui n’a que le souffle de la vie, et, en effet, après les crises affreuses dont vous avez été témoin et qui se renouvellent si souvent, son existence tient du prodige. Mais ce qui fait l’objet de notre admiration, c’est le moyen si extraordinaire et si simple que le Ciel, dans sa miséricorde, vient de nous révéler pour calmer les tourments de la pauvre Reine ; c’est celui que vous avez vu et dont nous nous servons maintenant pour lui administrer la communion. Dès qu’elle est préparée à cette action, elle se couche ; on lui apporte un jeune enfant, on le pose sur son cœur, et elle reçoit avec bonheur le pain des forts. Reine, avec l’enfant, est invincible. Assis sur sa poitrine comme sur un trône inébranlable, le petit ange défie l’enfer. En vain Satan relève la tête, il terrasse le monstre, il le tient écrasé sous ses pieds. Super aspidem et basiliscum ambulabis et conculcabis leonem et draconem ! Vous voyez donc que le bon Dieu fait encore, quand il lui plaît, des choses extraordinaires, et vous pouvez en rendre témoignage. — Si je le puis, monsieur le curé ! mais c’est un devoir sacré pour moi. Je monterai sur les toits pour publier ce que j’ai vu et pour rendre hommage à la vérité. — Ne montez pas si haut ; contentez-vous de glorifier Dieu en racontant tout simplement et sans emphase le fait dont vous avez été témoin. La vérité parle d’elle-même et n’a pas besoin de recommandation. Faites mieux, adressez-moi vos incrédules ; qu’ils viennent comme vous s’assurer du fait par eux-mêmes. Je sers un Dieu de charité ; envoyez-moi tous vos amis : ils sont déjà les miens ; mes bras leur sont ouverts, je les accueillerai avec joie. Mon presbytère ne sera jamais trop étroit pour les recevoir, ni mon cœur pour les bénir ! »

» Lecteurs, entendez cette voix, si vous doutez encore. Hâtez-vous d’aller voir cette terre où vous attendent, non les jouissances d’une frivole curiosité, mais un grand enseignement, de vives et salutaires émotions, l’occasion si heureuse d’affermir votre foi et de glorifier Dieu.

» Roze des Obdons. »
Riel-les-Eaux, le 11 juin 1853.

Le journal chrétien qui contenait ce récit ajoutait : « Conformément aux désirs et aux recommandations de M. Roze des Ordons, nous avons pris des renseignements. Nous rapportons, pour dégager notre responsabilité, la lettre suivante :

» J’apprends que M. Roze des Ordons vous a transmis la relation d’un fait extraordinaire, dont lui, un notaire et moi avons été témoins, lequel fait se répète depuis environ trente-cinq ans dans la personne de Reine Guétet, ma paroissienne. Tous les faits donnés par M. Roze sont exacts. M. Roze est fabricien de la cathédrale de Sens, honnête père d’une nombreuse famille, et surtout homme de foi, catholique pratiquant. Ce témoignage d’un prêtre qui le connaît depuis dix ans me semble suffisant pour mettre votre responsabilité à couvert.

Bergerot,
curé de Riel-les-Eaux. »
» Agréez, etc.

Reines du sabbat. On voit dans la plupart des relations qui nous remettent sous les yeux ces monstrueuses assemblées que la plus jeune et la plus belle des sorcières présentes était invitée par le démon président à s’asseoir auprès de lui comme reine du sabbat.

Religion. Toutes les erreurs sont filles de la vérité, mais des filles perdues, qui ne savent plus reconnaître leur mère. Toutes les fausses religions ainsi n’ont d’autre source que la vraie religion. Brahma est Abraham prodigieusement travesti. Bacchus, Janus, Saturne, sont des charges grotesques dont le type est Noé ; ses trois fils sont les trois grands dieux Jupiter, Neptune et Pluton. Ce n’est pas ici le lieu de le démontrer ; la thèse a été savamment établie.

Le diable s’est un peu mêlé de la chose ; et comme des lunes, des semaines et des jours on a fait des années et des siècles, pour donner à ces mythologies quelque antiquité granitique, on les a fortifiées dans leur essence, qui est l’erreur.

La religion de Bouddha, par exemple, est une singerie très-singulière du christianisme. Seulement née au deuxième ou au troisième siècle, les savants doublent son âge et la font remonter au voisinage du déluge ; assertion aussi fondée que les généalogies merveilleuses de nos vieux chroniqueurs, qui posent à la tête des Francs quatre-vingts rois successifs avant Pharamond.

Remi (Nicolas), magistrat qui s’occupa beaucoup des sorciers de la Lorraine au commencement du seizième siècle. Son livre De la démonolâtrie contient un grand nombre de faits et de détails singuliers.

Remmon. Voy. Rimmon.

Remords. Voici sur ce sujet, qui a produit bien des spectres, une ballade populaire allemande, dont noüs regrettons de ne pouvoir nommer le traducteur :

« La duchesse d’Orlamunde a deux enfants de son premier mari, qui l’a laissée veuve. Elle s’éprend du comte de Nuremberg ; ce dernier lui

 
Remords
Remords
 
dit qu’il ne peut l’épouser : il y a dans sa maison quatre yeux qui l’en empêchent ; ces yeux funestes sont ceux des enfants de la veuve. Poussée au crime par sa passion, elle charge un de ses gens, nommé dans le conte le chasseur farouche, de tuer les pauvres petits. La mauvaise mère détache de son voile de veuve les épingles que l’assassin doit enfoncer dans la cervelle des enfants, lorsqu’ils seront à jouer. Ainsi armé, il s’avance vers eux ; il les trouve jouant dans la grande salle du château. Aujourd’hui même on a conservé le souvenir des rimes puériles que prononcent les enfants de la duchesse au milieu de leurs jeux ; elles sont encore répétées par les petits garçons dans la haute Lusace. La scène de l’assassinat des enfants est aussi touchante que celle où Shakspeare montre le jeune Arthur priant Hubert de ne pas crever ses petits yeux.

» Le garçon promet au meurtrier son duché s’il veut lui laisser la vie. La petite fille lui offre toutes ses poupées, et enfin son oiseau favori. Il refuse. L’oiseau, devenu le persécuteur du meurtrier, le suit partout, en lui répétant le nom de l’enfant qu’il a égorgée, a Mon Dieu ! mon Dieu ! s’écrie-t-il, où fuirai-je cet oiseau qui me poursuit de tous côtés ? Il ne cesse de me redire le nom de cette enfant ! Ô mon Dieu ! où aller mourir ? »

» Dans son désespoir, il se brise le crâne, et les deux enfants tués, dit la ballade, restent dans leurs cercueils de marbre, sans que la corruption défigure leurs petits corps innocents, dont la pureté défie la mort. »

L’auteur de la ballade allemande n’a pas achevé le récit. Le duc égoïste et la duchesse dénaturée voyaient partout devant eux leurs deux petites victimes. Ils se noyèrent tous deux dans l’Orla, après quelques années d’une vie misérable, croyant éviter les deux spectres…

Rémore, poisson sur lequel on a fait bien des contes. « Les rémores, dit Cyrano de Bergerac, qui était un plaisant, habitent vers l’extrémité du pôle, au plus profond de la mer Glaciale ; et c’est la froideur évaporée de ces poissons, à travers leurs écailles, qui fait geler en ces quartiers-là l’eau de la mer, quoique salée. La rémore contient si éminemment tous les principes de la froidure, que, passant par-dessous un vaisseau, le vaisseau se trouve saisi de froid, en sorte qu’il en demeure tout engourdi jusqu’à ne pouvoir démarrer de sa place. La rémore répand autour d’elle tous les frissons de l’hiver. Sa sueur forme un verglas glissant. C’est un préservatif contre la brûlure… » Rien n’est plus singulier, dit le P. Lebrun, que ce qu’on raconte de la rémore. Aristote, Ælien, Pline, assurent qu’elle arrête tout court un vaisseau voguant à pleines voiles. Mais ce fait est absurde et n’a jamais eu lieu ; cependant plusieurs auteurs l’ont soutenu, et ont donné pour cause de cette merveille une qualité occuhe. Ce poisson, qu’on nomme à présent succet, est grand de deux ou trois pieds. Sa peau est gluante et visqueuse. Il s’attache et se colle aux requins, aux chiens de mer ; il s’attache aussi aux corps inanimés ; de sorte que, s’il s’en trouve un grand nombre collés à un navire, ils peuvent bien l’empêcher de couler légèrement sur les eaux, mais non l’arrêter.

Rémures. Voy. Lémures et Manes.

Renards. Les sintoïstes, secte du Japon, ne reconnaissent d’autres diables que les âmes des méchants qu’ils logent dans le corps des renards, animaux qui font beaucoup de ravages en ce pays. Voy. Lune et Ma.

 
Renard
Renard
 

Réparé, homme qui, avec un soldat nommé Étienne, eut une vision du purgatoire, de l’enfer et du paradis, vers le douzième siècle.

Repas du mort, cérémonie funéraire en usage chez les anciens Hébreux et chez d’autres peuples. Dans l’origine, c’était simplement la coutume de faire un repas sur le tombeau de celui qu’on venait d’inhumer. Plus tard on y laissa des vivres, dans l’opinion que les morts venaient les manger.

Repas du sabbat. D’après les relations des doctes, les festins du sabbat s’ouvrent par cette formule : « Au nom de Belzébuth, notre grand maître, souverain commandeur et seigneur, nos viandes, boire et manger, soient garnis et munis pour nos réfections, plaisirs et voluptés. » Sur quoi tous crient en chœur : Ainsi soit-il. Après le repas, on dit : « De notre réfection salutaire, prise et rendue, notre commandeur, seigneur et maître Belzébuth soit loué, gracié et remercié, à son exaltation et commun bien. Ainsi soit-il[490]. » Voy. Psellus.

Résurrection. Les Parsis ou Guèbres pensent que les gens de bien, après avoir joui des délices de l’autre monde pendant un certain nombre de siècles, rentreront dans leurs corps et reviendront habiter la même terre où ils avaient fait leur séjour pendant leur première vie ; mais cette terre, purifiée et embellie, sera pour eux un nouveau paradis. Les habitants du royaume d’Ardra, sur la côte occidentale d’Afrique, s’imaginent que ceux qui sont tués à la guerre sortent de leurs tombeaux au bout de quelques jours et reprennent une vie nouvelle. Cette opinion est une invention de la politique pour animer le courage des soldats. Les amantas, docteurs et philosophes du pays, croyaient la résurrection universelle, sans pourtant que leur esprit s’élevât plus haut que cette vie animale pour laquelle ils disaient que nous devions ressusciter, et sans attendre ni gloire ni supplice. Ils avaient un soin extraordinaire de mettre en lieu de sûreté les rognures de leurs ongles et de leurs cheveux, et de les cacher dans les fentes ou dans les trous de muraille. Si, par hasard, ces cheveux et ces ongles venaient à tomber à terre avec le temps, et qu’un Indien s’en aperçût, il ne manquait pas de les relever de suite et de les serrer de nouveau. — Savez-vous bien, disaient-ils à ceux qui les questionnaient sur cette singularité, que nous devons revivre dans ce monde, et que les âmes sortiront des tombeaux avec tout ce qu’elles auront de leurs corps ? Pour empêcher donc que les nôtres ne soient en peine de chercher leurs ongles et leurs cheveux (car il y aura ce jour-là bien de la presse et du tumulte), nous les mettons ici ensemble, afin qu’on les trouve plus facilement.

Gaguin, dans sa description de la Moscovie, dit que, dans le nord de la Russie, les peuples meurent le 27 novembre, à cause du grand froid, et ressuscitent le 24 avril : ce qui est, à l’instar des marmottes, une manière commode de passer l’hiver. Voy. Gabinius, Pamilius de Phères, Thespésius, Vampires, etc.

Retz ou Raiz (Gilles de Laval de), maréchal de France qui fut convaincu de forfaits monstrueux au quinzième siècle. Pour d’affreux débordements il s’était vendu au diable, qu’il voulait servir en égorgeant des enfants et se souillant des plus odieuses infamies. Il était dirigé par un escroc italien nommé Prélati, qui se disait magicien et qui disparut après l’avoir volé.

Le diable ne répondit pas aux espérances du maréchal de Retz ; et il fut condamné à mort. Comme le président Pierre de l’Hôpital le pressait de dire par quel motif il avait fait périr tant d’innocents, et brûlé ensuite leurs corps ; le maréchal impatienté lui dit : — Hélas ! monseigneur, vous vous tourmentez, et moi avec ; je vous en ai dit assez pour faire mourir dix mille hommes. Le lendemain, le maréchal en audience publique réitéra ses aveux. Il fut condamné à être brûlé vif, le 25 octobre 1440. L’arrêt fut exécuté dans le pré de la Madeleine, près de Nantes[491].

Retz. Le cardinal de Retz, n’étant encore qu’abbé, avait fait la partie de passer une soirée à Saint-Cloud, dans la maison de l’archevêque de Paris, son oncle, avec madame et mademoiselle de Vendôme, madame de Ghoisy, le vicomte de Turenne, l’évêque de Lisieux, et MM. Brion et Voiture. On s’amusa tant, que la compagnie ne put s’en retourner que très-tard à Paris. La petite pointe du jour commençait à paraître (on était alors dans les plus grands jours d’été) quand on fut au bas de la descente des Bons-Hommes. Justement au pied, le carrosse s’arrêta tout bourt. « Comme j’étais à l’une des portières avec mademoiselle de Vendôme, dit le cardinal dans ses Mémoires, je demandai au cocher pourquoi il s’arrêtait ? Il me répondit, avec une voix tremblante : — Voulez-vous que je passe par-dessus tous les diables qui sont là devant moi ? Je mis la tête hors de la portière, et, comme j’ai toujours eu la vue fort basse, je ne vis rien. Madame de Ghoisy, qui était à l’autre portière avec M. de Turenne, fut la première qui aperçut du carrosse la cause de la frayeur du cocher ; je dis du carrosse, car cinq ou six laquais, qui étaient derrière, criaient : Jesus, Maria ! et tremblaient déjà de peur. M. de Turenne se jeta en bas aux cris de madame de Choisy. Je crus que c’étaient des voleurs : je sautai aussitôt hors du carrosse ; je pris l’épée d’un laquais et j’allai joindre M. de Turenne, que je trouvai regardant fixement quelque chose que je ne voyais point. Je lui demandai ce qu’il regardait, et il me répondit, en me poussant du bras et assez bas : — Je vous le dirai ; mais il ne faut pas épouvanter ces dames, qui, à la vérité, hurlaient plutôt qu’elles ne criaient. Voiture commença un oremus ; madame de Ghoisy poussait des cris aigus ; mademoiselle de Vendôme disait son chapelet ; madame de Vendôme voulait se confesser à M. de Lisieux, qui lui disait : — Ma fille, n’ayez point de peur, vous êtes en la main de Dieu. Le comte de Brion avait entonné bien tristement les litanies de la sainte Vierge. Tout cela se passa, comme on peut se l’imaginer, en même temps et en moins de rien. M. de Turenne, qui avait une petite épée à son côté, l’avait aussi tirée, et, après avoir un peu regardé, comme je l’ai déjà dit, il se tourna vers moi de l’air dont il eût donné une bataille, et me dit ces paroles : — Allons voir ces gens-là ! — Quelles gens ? lui repartis-je ; — et dans la vérité, je croyais que tout le monde avait perdu le sens. Il me répondit : — Effectivement je crois que ce pourraient bien être des diables. Comme nous avions déjà fait cinq ou six pas du côté de la Savonnerie, et que nous étions par conséquent plus proches du spectacle, je commençai à entrevoir quelque chose, et ce qui m’en parut fut une longue procession de fantômes noirs, qui me donna d’abord plus d’émotion qu’elle n’en avait donné à M. de Turenne, mais qui, par la réflexion que je fis que j’avais longtemps cherché des esprits, et qu’apparemment j’en trouverais en ce lieu, me fit faire deux ou trois sauts vers la procession. Les pauvres auguslins déchaussés, que l’on appelle capucins noirs et qui étaient nos prétendus diables, voyant venir à eux deux hommes qui avaient l’épée à la main, eurent encore plus peur. L’un d’eux, se détachant de la troupe, nous cria : — Messieurs, nous sommes de pauvres religieux, qui ne faisons de mal à personne, et qui venons nous rafraîchir un peu dans la rivière pour notre santé. Nous retournâmes au carrosse, M. de Turenne et moi, avec des éclats de rire que l’on peut s’imaginer. »

Rêve. Au bon temps de la loterie royale, les bonnes femmes croyaient que, quand on dormait le petit doigt de la main gauche dans la main droite, on était assuré de voir en rêve une multitude d’ambes, de ternes et de quaternes.

Un homme rêvait qu’il mangeait la lune. Ce rêve le frappe ; il se lève encore à moitié endormi, il court à sa fenêtre ; regardant au ciel, il ne voit plus que la moitié de cet astre… ; il s’écrie : — Mon Dieu ! vous avez bien fait de me réveiller ; car, avec l’appétit que j’avais, la pauvre lune, je l’aurais mangée tout entière. Voy. Songes.

Réveille-matin. Les Flamands appellent cette plante le lait du diable (Duivelsmelk).

Révélations. Un citoyen d’Alexandrie vit, sur le minuit, des statues d’airain se remuer et crier à haute voix que l’on massacrait à Constantinople l’empereur Maurice et ses enfants ; ce qui se trouva vrai. Mais la révélation ne fut publiée qu’après que l’événement fut connu. L’archevêque Angelo-Catto (Philippe de Comines l’atteste) connut la mort de Charles le Téméraire, qu’il annonça au roi Louis XI à la même heure qu’elle était arrivée. — Les prodiges faux sont toujours des singeries de vrais miracles. Pareillement une foule de révélations supposées ont trouvé le moyen de se faire admettre, parce qu’il y a eu des révélations vraies.

Nous ne parlons pas ici de la Révélation qui est un des fondements de notre foi, et sans laquelle rien ne peut s’expliquer dans l’homme.

Revenants. On débite, comme une chose assurée, qu’un revenant se trouve toujours froid quand on le touche. Cardan et Alessandro-Alessandri sont des témoins qui l’affirment. Cajetan en donne la raison, qu’il a apprise de la bouche d’un esprit, lequel, interrogé à ce sujet par une sorcière, lui répondit qu’il fallait que la chose fût ainsi. La réponse est satisfaisante. Elle nous apprend au moins que le diable se sauve quelquefois par le pont aux ânes.

Dom Calmet a rapporté l’histoire d’un revenant du Pérou qui se manifestait en esprit frappeur. Plusieurs autres en ont fait autant ; et de nos jours on en a de fréquents exemples.

Walter-Scott, dans Péveril du Pic, raconte qu’un brasseur de Chesterfield, mort du spleen, dans un domaine voisin qui lui avait appartenu, revenait à la connaissance de tous et se promenait dans une allée solitaire, accompagné du gros dogue qui, lorsqu’il était vivant, était son favori.

Il y a des revenants, quoi qu’en disent ceux qui doutent de tout, des revenants réels. Mais les revenants supposés, ou par la supercherie, ou par un mal entendu, ou par le hasard, ou par la peur, sont mille fois plus nombreux que les revenants véritables.

Un Italien, retournant à Rome après avoir fait enterrer son ami de voyage, s’arrêta le soir dans une hôtellerie où il coucha. Étant seul et bien éveillé, il lui sembla que son ami mort, tout pâle et décharné, lui apparaissait et s’approchait de lui. Il leva la tête pour le regarder et lui demanda en tremblant qui il était. Le mort ne répond rien, se dépouille, se met au lit et se serre contre le vivant, comme pour se réchauffer. L’autre, ne sachant de quel côté se tourner, s’agite et repousse le défunt. Celui-ci, se voyant ainsi rebuté, regarde de travers son ancien compagnon, se lève du lit, se rhabille, chausse ses souliers et sort de la chambre, sans plus apparaître. Le vivant a rapporté qu’ayant touché dans le lit un des pieds du mort, il l’avait trouvé plus froid que la glace. — Cette anecdote peut n’être qu’un conte. En voici une autre qui est plus claire :

Un aubergiste d’Italie qui venait de perdre sa mère, étant monté le soir dans la chambre de la défunte, en sortit hors d’haleine, en criant à tous ceux qui logeaient chez lui que sa mère était revenue et couchée dans son lit ; qu’il l’avait vue, mais qu’il n’avait pas eu le courage de lui parler. Un ecclésiastique qui se trouvait là voulut y monter ; toute la maison se mit de la partie. On entra dans la chambre ; on tira les rideaux du lit, et on aperçut la figure d’une vieille femme, noire et ridée, coiffée d’un bonnet de nuit et qui faisait des grimaces ridicules. On demanda au maître de la maison si c’était bien là sa mère ? — Oui, s’écria-t-il, oui, c’est elle ; ah ! ma pauvre mère ! Les valets la reconnurent de même. Alors le prêtre lui jeta de l’eau bénite sur le visage. L’esprit, se sentant mouillé, sauta à la figure de l’abbé. Tout le monde prit la fuite en poussant des cris. Mais la coiffure tomba et on reconnut que la vieille femme n’était qu’un singe. Cet animal avait vu sa maîtresse se coiffer, il l’avait imitée.

L’auteur de Paris, Versailles et les provinces au dix-huitième siècle raconte une histoire de revenant assez originale. M. Bodry, fils d’un riche négociant de Lyon, fut envoyé, à l’âge de vingt-deux ans, à Paris, avec des lettres de recommandation de ses parents pour leur correspondant, dont il n’était pas personnellement connu. Muni d’une somme assez forte pour pouvoir vivre agréablement quelque temps dans la capitale, il s’associa pour ce voyage un de ses amis, extrêmement gai. Mais, en arrivant, M. Bodry fut attaqué d’une fièvre violente ; son ami, qui resta près de lui la première journée, ne voulait pas le quitter, et se refusait d’autant plus aux instances qu’il lui faisait pour l’engager à se dissiper, que, n’ayant fait ce voyage que par complaisance pour lui, il n’avait aucune connaissance à Paris. M. Bodry l’engagea à se présenter sous son nom chez le correspondant de sa famille, et à lui remettre ses lettres de recommandation, sauf à éclaircir comme il le pourrait l’imbroglio qui résulterait de cette supposition, lorsqu’il se porterait mieux.

Une proposition aussi singulière ne pouvait que plaire au jeune homme ; elle fut acceptée : sous le nom de M. Bodry, il se rend chez le correspondant, lui présente les lettres apportées de Lyon, joue très-bien son rôle et se voit parfaitement accueilli. Cependant, de retour au logis, il trouve son ami dans l’état le plus alarmant ; et, nonobstant tous les secours qu’il lui prodigue, il a le malheur de le perdre dans la nuit. Malgré le trouble que lui occasionnait ce cruel événement, il sentit qu’il n’était pas possible de le taire au correspondant de la maison Bodry ; mais comment avouer une mauvaise plaisanterie dans une si triste circonstance ? N’ayant plus aucun moyen de la justifier, ne serait-ce pas s’exposer volontairement aux soupçons les plus injurieux, sans avoir, pour les écarter, que sa bonne foi, à laquelle on ne voudrait pas croire ?… Cependant il ne pouvait se dispenser de rester pour rendre les derniers devoirs à son ami ; et il était impossible de ne pas inviter le correspondant à cette lugubre cérémonie. Ces différentes réflexions, se mêlant avec le sentiment de la douleur, le tinrent dans la plus grande perplexité ; mais une idée originale vint tout à coup fixer son incertitude.

Pâle, défait par les fatigues, accablé de tristesse, il se présente à dix heures du soir chez le correspondant, qu’il trouve au milieu de sa famille, et qui, frappé de cette visite à une heure indue, ainsi que du changement de sa figure, lui demande ce qu’il a, s’il lui est arrivé quelque malheur… « Hélas ! monsieur, le plus grand de tous, répond le jeune homme d’un ton solennel ; je suis mort ce matin, et je viens vous prier d’assister à mon enterrement qui se fera demain. » Profitant de la stupeur de la société, il s’échappe sans que personne fasse un mouvement pour l’arrêter ; on veut lui répondre ; il a disparu. On décide que le jeune homme est devenu fou, et le correspondant se charge d’aller le lendemain, avec son fils, lui porteries secours qu’exige sa situation. Arrivés en effet à son logement, ils sont troublés d’abord par les préparatifs funéraires ; ils demandent M. Bodry ; on leur répond qu’il est mort la veille et qu’il va être enterré ce matin… À ces mots, frappés de la plus grande terreur, ils ne doutèrent plus que ce ne fût l’âme du défunt qui leur avait apparu et revinrent communiquer leur effroi à toute la famille, qui n’a jamais voulu revenir de cette idée.

On a pu lire ce qui suit dans plusieurs journaux : « Une superstition incroyable a causé récemment un double suicide dans la commune de Bussy-en-Oth, département de l’Aube. Voici les circonstances de ce singulier et déplorable événement (1841) : un jeune homme des environs était allé à la pêche aux grenouilles et en avait mis plusieurs toutes vivantes dans un sac. En s’en revenant, il aperçoit un paysan qui cheminait à petits pas. Ce bonhomme portait une veste dont la poche était entrebâillée. Le pêcheur trouva plaisant de prendre une de ses grenouilles et de la glisser dans la poche de la veste du paysan. Ce dernier, nommé Joachim Jacquemin, rentre chez lui et se couche, après avoir mis sa veste sur son lit. Au milieu de la nuit, il est réveillé par un corps étranger qu’il sent sur sa figure, et qui s’agitait en poussant de petits cris inarticulés. C’était la grenouille qui avait quitté sa retraite,

 
 
et qui, cherchant sans doute une issue pour se sauver, était arrivée jusque sur le visage du dormeur et s’était mise à coasser. Le paysan n’ose remuer, et bientôt sa visiteuse nocturne disparaît. Mais le pauvre homme, dont l’esprit était d’une grande faiblesse, ne doute pas qu’il n’ait eu affaire à un revenant. Sur ces entrefaites, un de ses amis, voulant lui jouer un tour, vient le prévenir qu’un de ses oncles, qui habite Sens, est mort il y a peu de jours, et il l’engage à se rendre sur les lieux pour recueillir l’héritage.

« Jacquemin fait faire des vêtements de deuil pour lui et pour sa femme, et se met en route pour le chef-lieu du département de l’Yonne, distant de son domicile de huit lieues. Il se présente à la maison du défunt ; la première personne qu’il aperçoit en entrant, c’est son oncle, tranquillement assis dans un fauteuil, et qui témoigne à son neveu la surprise qu’il éprouve de le voir. Jacquemin saisit le bras de sa femme et se sauve, en proie à une terreur qu’il ne peut dissimuler, et sans donner à son oncle étonné aucune explication. Cependant la grenouille n’avait pas abandonné la demeure du paysan : elle avait trouvé une retraite dans une fente de plancher, et là elle poussait fréquemment des coassements qui jetaient Jacquemin dans des angoisses épouvantables, surtout depuis qu’il avait vu son oncle. Il était convaincu que c’était l’ombre de ce parent qu’il avait aperçue, et que les cris qu’il entendait étaient poussés par lui, qui revenait chaque nuit pour l’effrayer. Pour conjurer le maléfice, Jacquemin fit faire des conjurations, qui restaient inefficaces ; car les coassements n’en continuaient pas moins. Chaque nuit le malheureux se relevait, prenait sa couverture, qu’il mettait sur sa tête en guise de capuce, et chantait devant un bahut qu’il avait transformé en autel. Les coassements continuaient toujours !… Enfin, n’y pouvant plus tenir, le pauvre Jacquemin fit part à quelques personnes de l’intention où il était de se donner la mort, et les pria naïvement de l’y aider ; il acheta un collier en fer, se le mit au cou, et un de ses amis voulut bien serrer la vis pour l’étrangler ; mais il s’arrêta quand il crut que la douleur aurait fait renoncer Jacquemin à son projet. Le paysan choisit un autre moyen et pria une autre personne de l’étouffer entre deux matelas ; cette personne feignit d’y consentir, et s’arrêta quand elle pensa que Jacquemin avait assez souffert et que ce serait pour lui une leçon. Mais l’esprit de Jacquemin était trop vivement impressionné, et un malheur était imminent. En effet, un jour, on fut étonné de ne pas l’apercevoir ; on fit des recherches dans la maison, et on le trouva pendu dans son grenier. Le lendemain, sa femme, au désespoir de la perte de son mari, se jeta dans une mare où elle trouva aussi la mort. »

Et voilà les suites d’une de ces stupides plaisanteries comme les jeunes étourdis en font tant !

On conte qu’il y avait dans un village du Poitou un fermier nommé Hervias. Le valet de cet homme pensa qu’il lui serait avantageux d’épouser la fille de la maison, qui s’appelait Catherine et qui était riche. Comme il ne possédait rien, et que pour surcroît la main de la jeune fille était promise à un cousin qu’elle aimait, le valet imagina un stratagème. Un mois avant la noce, comme le fermier se trouvait une certaine nuit plongé dans son meilleur sommeil, il en fut tiré en sursaut par un bruit étrange qui se fit auprès de lui. Une main agita les rideaux de son lit ; et il vit au fond de sa chambre un fantôme couvert d’un drap noir sur une longue robe blanche. Le fantôme tenait une torche à demi éteinte à la main droite et une fourche à la gauche. Il traînait des chaînes ; il avait une tête de cheval lumineuse. Hervias poussa un gémissement, son sang se glaça ; et il eut à peine la force de demander au fantôme ce qu’il voulait.

« Tu mourras dans trois jours, répondit brutalement l’esprit, si tu songes encore au mariage projeté entre ta fille et son jeune cousin ; tu dois la marier, dans ta maison, avec le premier homme que tu verras demain à ton lever. Garde le silence ; je viendrai la nuit prochaine savoir ta réponse. » En achevant ces mots, le fantôme disparut.

Hervias passa la nuit sans dormir. Au point du jour, quelqu’un entra pour lui demander des ordres ; c’était le valet. Le fermier fut consterné de la pensée qu’il fallait lui donner sa fille ; mais il ne témoigna rien, se leva ; alla trouver Catherine et finit par lui raconter le tout. Catherine, désolée, ne sut que répondre. Son jeune cousin vint ce jour-là ; elle lui apprit la chose, mais il ne se troubla point. Il proposa à son futur beau-père de passer la nuit dans sa chambre, Hervias y consentit. Le jeune cousin feignit donc de partir le soir pour la ville, et rentra dans la ferme après la chute du jour. Il resta sur une chaise auprès du lit d’Hervias, et tous deux attendirent patiemment le spectre. La fenêtre s’ouvrit vers minuit ; comme la veille, on vit paraître le fantôme dans le même accoutrement, il répéta le même ordre. Hervias tremblait, le jeune cousin, qui ne craignait pas les apparitions, se leva et dit : « Voyons qui nous fait des menaces si précises. » En même temps il sauta sur le spectre qui voulait fuir ; il le saisit, et, sentant entre ses bras un corps solide, il s’écria : « Ce n’est pas un esprit. » Il jeta le fantôme par la fenêtre, qui était élevée de douze pieds. On entendit un cri plaintif. « Le revenant n’osant, plus revenir, dit le jeune cousin, allons voir s’il se porte bien. » Le fermier ranima son courage autant qu’il put, et descendit avec son gendre futur. On trouva que le prétendu démon était le valet de la maison… On n’eut pas besoin de lui donner des soins ; sa chute l’avait assommé, et il mourut au bout de quelques heures : sort fâcheux dans tous les cas.

Dans le château d’Ardivilliers, près de Bre-teuil, en Picardie, au temps de la jeunesse de Louis XV, un esprit faisait un bruit effroyable. C’étaient toute la nuit des flammes qui faisaient paraître le château en feu, c’étaient des hurlements épouvantables. Mais cela n’arrivait qu’en certain temps de l’année, vers la Toussaint. Personne n’osait y demeurer que le fermier, avec qui l’esprit était apprivoisé. Si quelque malheureux passant y couchait une nuit, il était si bien étrillé qu’il en portait longtemps les marques. Les paysans d’alentour voyaient mille fantômes qui ajoutaient à l’effroi. Tantôt quelqu’un avait aperçu en l’air une douzaine d’esprits au-dessus du château ; ils étaient tous de feu et dansaient un branle à la paysanne ; un autre avait trouvé dans une prairie je ne sais combien de présidents et de conseillers en robe rouge, assis et jugeant à mort un gentilhomme du pays, qui avait eu la tête tranchée il y avait bien cent ans. Plusieurs autres avaient vu, ou tout au moins ouï dire, des merveilles du château d’Ardivilliers. Cette farce dura quatre ou cinq ans, et fit grand tort au maître du château, qui était obligé d’affermer sa terre à très-vil prix. Il résolut enfin de faire cesser la lutinerie, persuadé par beaucoup de circonstances qu’il y avait de l’artifice en tout cela. Il se rend à sa terre vers la Toussaint, couche dans son château et fait demeurer dans sa chambre deux gentilshommes de ses amis, bien résolus, au premier bruit ou à la première apparition, de tirer sur les esprits avec de bons pistolets. Les esprits, qui savent tout, surent apparemment ces préparatifs ; pas un ne parut. Ils se contentèrent de traîner des chaînes dans une chambre du haut, au bruit desquelles la femme et les enfants du fermier vinrent au secours de leur seigneur, en se jetant à ses genoux pour l’empêcher de monter dans cette chambre.

« Ah ! monseigneur, lui criaient-ils, qu’est-ce que la force humaine contre des gens de l’autre monde ? Tous ceux qui ont tenté avant vous la même entreprise en sont revenus disloqués. » Ils tirent tant d’histoires au maître du château, que ses amis ne voulurent pas qu’il s’exposât ; mais ils montèrent tous deux à cette grande et vaste chambre où se faisait le bruit, le pistolet dans une main, la chandelle dans l’autre. Ils ne virent d’abord qu’une épaisse fumée, que quelques flammes redoublaient par intervalles. Un instant après, elle s’éclaircit et l’esprit parut confusément au milieu. C’était un grand diable tout noir qui faisait des gambades, et qu’un autre mélange de flammes et de fumée déroba une seconde fois à la vue. Il avait des cornes, une longue queue. Son aspect épouvantable diminua un peu l’audace de l’un des deux champions. « Il y a là quelque chose de surnaturel, dit-il à son compagnon ; retirons-nous. — Non, non, répondit l’autre ; ce n’est que de la fumée de poudre à canon… et l’esprit ne sait son métier qu’à demi de n’avoir pas encore soufflé nos chandelles. » Il avance à ces mots, poursuit le spectre, lui lâche un coup de pistolet, ne le manque pas ; mais au lieu de tomber, le spectre se retourne et le fixe. Il commence alors à s’effrayer à son tour. Il se rassure toutefois, persuadé que ce ne peut être un esprit ; et, voyant que le spectre évite de l’approcher, il se résout à le saisir, pour voir s’il sera palpable ou s’il fondra entre ses mains. L’esprit, trop pressé, sort de la chambre et s’enfuit par un petit escalier. Le gentilhomme descend après lui, ne le perd point de vue, traverse cours et jardins, et fait autant de tours qu’en fait le spectre, tant qu’enfin le fantôme, étant parvenu à une grange qu’il trouve ouverte, se jette dedans et fond contre un mur au moment où le gentilhomme pensait l’arrêter. Celui-ci appelle du monde ; et dans l’endroit où le spectre s’était évanoui, il découvre une trappe qui se fermait d’un verrou après qu’on y était passé. Il descend, trouve le fantôme sur de bons matelas, qui l’empêchaient de se blesser quand il s’y jetait la tête la première. Il l’en fait sortir, et l’on reconnaît sous le masque du diable le malin fermier, qui avoua toutes ses souplesses et en fut quitte pour payer à son maître les redevances de cinq années sur le pied de ce que la terre était affermée avant les apparitions. Le caractère qui le rendait à l’épreuve du pistolet était une peau de buffle ajustée à tout son corps…

Mais retournons aux revenants sérieux. Les peuples du Nord reconnaissaient une espèce de revenants qui, lorsqu’ils s’emparaient d’un édifice ou du droit de le fréquenter, ne se défendaient pas contre les hommes, mais devenaient fort traitables à la menace d’une procédure légale. L’Evrbiggia-Saga nous apprend que la maison d’un respectable propriétaire en Islande se trouva, peu après que l’île fut habitée, exposée à une infestation de cette nature. Vers le commencement de l’hiver, il se manifesta, au sein d’une famille nombreuse, une maladie contagieuse qui, emportant quelques individus de tout âge, sembla menacer tous les autres d’une mort précoce. Le trépas de ces malades eut le singulier résultat de faire rôder leurs ombres autour de la maison, en terrifiant les vivants qui en sortaient. Comme le nombre des morts dans cette famille surpassa bientôt celui des vivants, les esprits résolurent d’entrer dans la maison et de montrer leurs formes vaporeuses et leur affreuse physionomie jusque dans la chambre où se faisait le feu pour l’usage général des habitants, chambre qui pendant l’hiver, en Islande, est la seule où puisse se réunir une famille. Les survivants effrayés se retirèrent à l’autre extrémité de la maison et abandonnèrent la place aux fantômes. Des plaintes furent portées au pontife du dieu Thor, qui jouissait d’une influence considérable dans l’île. Par son conseil, le propriétaire de la maison hantée assembla un jury composé de ses voisins, constitué en forme, comme pour juger en matière civile, et cita individuellement les divers fantômes et ressemblances des membres morts de la famille, pour qu’ils eussent à prouver en vertu de quel droit ils disputaient à lui et à ses serviteurs la paisible possession de sa propriété, et quelle raison ils pouvaient avoir de venir ainsi troubler et déranger les vivants. Les mânes parurent dans l’ordre où ils étaient appelés ; après avoir murmuré quelques regrets d’abandonner leur toit, ils s’évanouirent aux yeux des jurés étonnés.

Un jugement fut donc rendu alors par défaut contre les esprits ; et l’épreuve par jury, dont nous trouvons ici l’origine, obtint un triomphe inconnu à quelques-uns de ces grands écrivains, qui en ont fait le sujet d’une eulogie.

Le singulier fait que nous venons d’exposer est emprunté à la Démonologie de Walter Scott.

Dans la Guinée, on croit que les âmes des trépassés reviennent sur la terre, et qu’elles prennent dans les maisons les choses dont elles ont besoin ; de sorte que, quand on a fait quelque perte, on en accuse les revenants ; opinion très-favorable aux voleurs. Voy. Apparitions, Fantômes, Spectres, Athénagore, etc.

Rhapsodomancie, divination qui se faisait en ouvrant au hasard les ouvrages d’un poète, et prenant l’endroit sur lequel on tombait pour une prédiction de ce qu’on voulait savoir. C’était ordinairement Homère et Virgile que l’on choisissait. D’autres fois on écrivait des sentences ou des vers détachés du poète ; on les remuait dans une urne ; la sentence ou le vers qu’on en tirait déclarait le sort. On jetait encore des dés sur une planche où des vers étaient écrits, et ceux sur lesquelles s’arrêtaient les dés passaient pour contenir la prédiction. Chez les modernes, on

 
 
ouvrait le livre avec une épingle, et on interprétait le vers que l’épingle marquait.

Rhombus, instrument magique des Grecs, espèce de toupie dont on se servait dans les sortilèges. On l’entourait de lanières tressées, à l’aide desquelles on la faisait pirouetter. Les magiciens prétendaient que le mouvement de cette toupie avait la vertu de donner aux hommes les passions et les mouvements qu’ils voulaient leur inspirer ; quand on l’avait fait tourner dans un sens, si l’on voulait corriger l’effet qu’elle avait produit et lui en donner un contraire, le magicien la reprenait et lui faisait décrire un cercle opposé à celui qu’elle avait déjà parcouru. Les amants malheureux la faisait tourner en adressant à Némésis des imprécations contre l’objet de leur amour, s’ils en étaient dédaignés.

Rhône. Ce fleuve est honoré de quelques petits contes. De temps immémorial, quand les glaciers se fondent, on voit le diable descendre le Rhône à la nage, une épée nue d’une main, un globe d’or de l’autre. Alors il est en homme. D’autres fois il le descend travesti en femme sur un radeau grossier. Il s’arrêta un jour devant la ville de Martigny, et cria en patois : Aïgou, haoüssou ! (Fleuve, soulève-toi !) Aussitôt le Rhône obéit en franchissant ses rives, et détruisit une partie de la ville qui est encore en ruines.

On croit, dans l’Oberland (Suisse), que le fracas qu’on entend dans le glacier de la Fourche qui produit le Rhin est l’effet des cris et des gémissements des âmes qui ont mal vécu sur

 
 
la terre et qui sont condamnées là à travailler dans les glaces souterraines, pour alimenter sans relâche le cours violent du fleuve.

Rhotomago, magicien fameux au théâtre des

 
 
ombres chinoises. M. Berbiguier en fait sérieusement une espèce de démon, qui serait le grand maître des sorciers[492].

Rhune, montagne du pays basque, appelée le bosquet du Bouc, parce que les sorciers se sont longtemps réunis là pour faire leur sabbat.

Ribadin (Jeannette), jeune personne de dix-huit ans, dont l’histoire a fait du bruit au seizième siècle. Elle était de la paroisse de Jouin de Cernes, aux environs de Bordeaux. Cueillant un dimanche des herbes dans la campagne, elle fut saisie de convulsions et réprimandée par un de ses parents, qui voulut qu’elle publiât sa faute en pleine assemblée ; il la conduisit à la paroisse après lui avoir donné ses instructions. Un grand concours arriva ; la jeune fille annonça au peuple assemblé qu’elle avait eu grand mal pour avoir travaillé le dimanche ; ce qu’il fallait éviter pour ne pas s’attirer les mêmes maux ; ensuite elle feignit des extases, se roula par terre, et prononça d’un ton prophétique que Dieu ne voulait pas que les femmes portassent des manches froncées, ni les hommes des bonnets rouges. L’affaire parvint aux oreilles de l’archevêque de Bordeaux, qui la fit arrêter avec son complice, reconnut la fraude et fit avouer à la fille que l’argent que les fidèles lui donnaient pour ses prétendues révélations était partagé entre trois suborneurs qui l’avaient engagée à contrefaire la sainte. Le juge ecclésiastique la condamna à faire amende honorable en l’église métropolitaine de Saint-André, la torche au poing, et là demander pardon à Dieu. Cette sentence fut exécutée ; mais elle fut encore renvoyée en la cour, ou, par arrêt donné à la Tournelle, elle fut condamnée, comme criminelle d’imposture, de séduction, d’impiété, d’abus et de scandale public (1587). Ses complices furent condamnés avec elle à la réclusion, comme convaincus de séductions envers cette malheureuse fille. Ce qui fait voir que] les fraudes pieuses n’étaient pas encouragées autrefois, comme le disent les menteurs qui attaquent la religion.

Ribesal, spectre dont le peuple en Silésie place la demeure au sommet du Risemberg. C’est

 
 
lui, dans leur idée, qui couvre subitement cette montagne de nuages et qui excite les tempêtes. C’est le même que Rubezal. Voy. ce mot.

Richard Cœur de lion. On a accusé ce prince orgueilleux de certain commerce avec le diable. Les protestants l’ont maltraité, comme ils font en général de tous les héros du catholicisme ; et Walter Scott l’a sacrifié dans un de ses romans[493].

Richard Sans peur, fils selon les uns, frère selon les autres de Robert le Diable. Quelques romans de chevalerie le présentent comme ayant épousé un démon succube. Voy. aussi Héla.

 
Richard Cœur de lion
Richard Cœur de lion
Richard Cœur de lion.
 

Richelieu. Le maréchal de Richelieu, étant ambassadeur à Vienne, se fit initier dans la société de quelques nécromanciens, qui lui promirent de lui montrer Belzébuth, le prince des démons. Il donna dans cette chimère. Il y eut une assemblée nocturne, des évocations : en sorte que l’affaire éclata. Un jour que le maréchal disait à Louis XV que les Bourbons avaient peur du diable r le roi lui répondit : « C’est qu’ils ne font pas vu comme vous. »

Rickius (Jacques), auteur d’une défense des épreuves par l’eau froide ; publiée en latin[494], à Cologne, 1597.

Rigoux (maître), nom donné quelquefois au démon qui préside le sabbat.

Rimmon, démon d’un ordre inférieur, peu considéré là-bas, quoique premier médecin de l’empereur infernal. Il était adoré à Damas sous le nom de Remmon ou Remnon, qui, selon les uns, est Saturne, et, selon les autres, le soleil. On lui attribuait le pouvoir de guérir la lèpre.

Rivière (Roch le Baillif, sieur de la), médecin empirique et astrologue, né à Falaise, dans le seizième siècle. Il devint premier médecin de Henri IV, fut comblé des faveurs de la cour, et mourut le 5 novembre 1605. On dit que Henri eut la faiblesse de lui faire tirer l’horoscope de son fils, depuis Louis XIII. Il s’en défendit longtemps ; mais enfin, forcé par le roi, dont sa résistance avait excité la curiosité, il lui prédit que ce jeune prince s’attacherait à ses opinions, et que cependant il s’abandonnerait à celles des autres ; qu’il aurait beaucoup à souffrir des huguenots ; qu’il ferait de grandes choses et vivrait âge d’homme. Henri IV fut affligé de cette prédiction, dont il aurait pu deviner aussi une partie. La Rivière a passé, de son temps, pour un grand amateur de philosophie naturelle, et curieux des secrets de cette science. On a de lui : Discours sur la signification de la comète apparue en Occident au signe du Sagittaire, le 10 novembre. Rennes, 1577, in-4o, rare.

Robert. C’est le nom que la petite démoniaque Marie Clauzette donnait au maître des sabbats. C’est aussi le nom du démon évoqué par Flaque.

Robert le Diable, frère aîné selon les uns, père selon d’autres, de Richard Sans peur. On dit

 
 
qu’il était fils d’un démon. Ce fut un effroyable bandit. Après les excès les plus horribles, il se convertit, fit une longue pénitence et mourut ermite. On croit en Normandie que son spectre errant doit expier jusqu’au jugement dernier. Voy., dans les Légendes infernales et dans les Légendes de l’autre monde, la chronique de Robert le Diable, avant et après sa mort.

Robert, sorcier de l’Artois, qui fut condamné, en 1331, au bannissement et à la confiscation de ses biens. Il avait formé le dessein d’envoûter le roi, la reine et le duc de Normandie. Il avait montré à un prêtre une petite figure de cire mystérieusement enveloppée dans un écrin. Cette figure représentait Jean, duc de Normandie, fils du roi[495].

Robert, roi de France. Ce monarque avait épousé Berthe, sa cousine issue de germain. Le pape Grégoire V examina l’affaire dans un concile. Suivant la discipline du temps, le mariage fut déclaré incestueux, et le concile décréta que les époux seraient tenus de se séparer et de faire pénitence. Le roi Robert, hésitant à se soumettre, fut excommunié et son royaume mis en interdit. Un jour qu’il était allé faire sa prière à la porte d’une église, on lui présenta un petit monstre qui avait le cou et la tête d’un canard. Mais c’est un conte des historiens. La reine était accouchée d’un enfant mort. Le roi, frappé, se sépara de Berthe, et l’excommunication fut levée. C’est à cause de cette fable que la reine Berthe, femme de Robert, fut représentée dans quelques-unes de ses statues avec un pied d’oie.

Robin Hood ou Robin des bois. Voy. Puck.

Robinet de Vaulx, faux ermite, affilié à la vauderie et condamné à Arias, avec Labitte, dit l’abbé de peu de sens : quinzième siècle.

Rocaya (Marie de), sorcière fameuse par ses crimes, qui fut condamnée au feu dans le pays basque, à la fin du seizième siècle.

Rodenstein. Voy. Hakelberg.

Roderik ou Rodrigue. Roderik, dernier roi des Goths en Espagne, se rendit fameux par ses crimes et ses débauches, au commencement du

 
 
huitième siècle ; mais il y eut une fin. Il était devenu épris de la fille du comte Julien, l’un des grands seigneurs de l’Espagne ; il la déshonora et la renvoya ensuite de sa cour. Le comte Julien se vengea en ouvrant aux Maures les portes de l’Espagne. Dans une grande bataille qui dura sept jours, Roderik fut tué, et comme on ne put retrouver son corps, on publia qu’il avait été enlevé par le démon, que ses méfaits avaient rendu son maître[496].

Rodriguez (Ignazio). Voy. Inquisition.

Rois de l’enfer. Les rois de l’enfer sont au nombre de sept. On peut les lier depuis trois heures jusqu’à midi, et depuis neuf heures jusqu’au soir. Voy. Monarchie infernale.

Rois de France. Il est rapporté dans quelques chroniques que les premiers rois de France portaient une queue comme les singes ; qu’ils avaient du poil de sanglier tout le long de l’épine du dos, etc.

Roitelet. Une plume de cet oiseau portée en secret fait gagner à tous les jeux. On le croit au moins dans les villages.

Rolande du Vernois. Boguet cite cette femme comme sorcière. Elle fut convaincue, au seizième siècle, tout à la fois d’être possédée, voleuse et ventriloque, et fut pendue et bridée.

Rome, siège et domaine de l’Église, à qui Notre-Seigneur a dit que « les puissances de l’enfer ne prévaudront jamais contre elle ». Satan et ceux qu’il entraîne savent bien que Rome et tous ses monuments appartiennent au Pape ; que Constantin, se sentant amoindri en face du seul pouvoir incontestablement divin, céda Rome et ses États au Saint-Siège et se fit une autre capitale ; que Charlemagne confirma et agrandit cette donation ; que tous ceux qui ont honoré ou défendu l’Église Romaine ont été bénis et ont prospéré ; que, depuis saint Pierre jusqu’à nos jours, par la violence ou par les sophismes, tous ceux qui ont attaqué le Pape, ou dans sa personne, ou dans son pouvoir, ou dans son domaine, ont subi les coups de la justice divine. Mais Satan, le père des hérésies, des schismes et des désertions, ne désarme pas.

Romulus, celui qui éleva la ville de Rome. Romulus était enfant du diable selon quelques-uns, et grand magicien selon tous les démonomanes. Mars, au fait, qui fut son père n’était qu’un démon. Après qu’il eut bien établi son empire, un jour qu’il faisait la revue de son armée, il fut enlevé par un tourbillon, devant la multitude, et Bodin observe que le diable, à qui il devait le jour ; l’emporta dans un autre royaume.

Ronwe, marquis et comte de l’enfer, qui apparaît sous la forme d’un monstre ; il donne à ses adeptes la connaissance des langues et la bienveillance de tout le monde. Dix-neuf cohortes infernales sont sous ses ordres[497].

Rose-croix. Les rose-croix sont maintenant de hauts officiers dans les grades ridicules de la maçonnerie. Autrefois c’étaient les conservateurs des secrets de la cabale.

Naudé a écrit sur les rose-croix un petit livre curieux. Voy. Naudé, Andreæ, etc.

Rose de Jéricho. Voy. Brown.

Rosemberg. Voy. Femmes blanches.

Rosendal. Les Suédois de nos jours donnent ce nom (vallée des roses) au lieu où se fait le sabbat.

Rosier, démon invoqué comme prince des Dominations dans les litanies du sabbat.

Roskolnicks, sectaires russes qui proscrivent le tabac, qu’ils appellent l’arbre du diable.

Rounfl. C’est le nom que les Bretons donnent aux ogres.

Roussalkis, ondines des Russes, chez qui elles peuplent les étangs et les rivières.

Roustem ou Rustam, héros si fameux dans la Perse qu’il y est devenu presque fabuleux. Il vivait au sixième siècle. On lui prête des actions surnaturelles, comme d’avoir tué mille Tartares d’un seul coup, d’avoir vaincu des dragons et des diables blancs, d’avoir pris des villes à lui seul. C’est l’Hercule des Persans[498].

 
Ronwe
Ronwe
Ronwe.
 

Roux. Il y a chez les modernes une antipathie assez générale contre les roux. On expliquait autrefois ainsi l’origine des barbes rousses. Lorsque Moïse surprit les Israélites adorant le veau d’or, il le fit mettre en poudre, mêla cette poudre dans de l’eau et la fit boire au peuple. L’or s’arrêta sur les barbes de ceux qui avaient adoré l’idole et les fit reconnaître ; car toujours depuis ils eurent la barbe dorée[499].

Rubezal, prince des gnomes, fameux chez les habitants des monts Sudètes. Il est extrêmement malin, comme tous les êtres de son espèce, et joue mille tours aux montagnards. On a écrit des volumes sur son compte ; il est même le héros de quelques romans ; Musæus a conté longuement ses prouesses. Et toutefois on n’a pas encore suffisamment éclairci ce qui concerne ce lutin, qui probablement est un personnage de l’ancienne mythologie slave. Il paraît encore, dit-on, dans quelque coin éloigné ; mais chaque année il perd de sa renommée et de sa considération. — C’est le même que Ribenzal.

Rubis. Les anciens attribuaient à cette pierre précieuse la propriété de résister au venin, de préserver de la peste, de bannir la tristesse et de détourner les mauvaises pensées. S’il venait à changer de couleur, il annonçait des malheurs qui devaient arriver ; il reprenait sa teinte aussitôt qu’ils étaient subis.

Rue d’Enfer. Voy. Vauvert.

Ruffaïs, magiciens musulmans qui font leurs prestiges publiquement dans l’Inde, où toute magie paraît avoir les coudées franches. Voici ce qu’on lit à ce sujet, et c’est très-remarquable, dans le Magasin naval et militaire, publié par des Anglais sérieux, 1838, n° 116 :

« Depuis que nous sommes dans l’Inde, j’avais entendu parler très-souvent d’une secte de musulmans qu’on appelle les ruffaïs. Ils prêchent l’islamisme et croient le prouver en s’enfonçant des épées dans les chairs, en se coupant la langue qu’ils font rôtir et qu’ils replacent ensuite, et ils offrent de donner le pouvoir d’opérer ces prodiges à leurs disciples, en ajoutant qu’avec leur foi on peut faire de son corps tout ce que l’on veut, jusqu’à s’arracher les yeux et se couper la tête.

» Le colonel G. avait été témoin de ces expériences, en compagnie d’un grave ecclésiastique, qui, s’en trouvant mal, s’était enfui en disant que c’était là l’œuvre de Satan. Le colonel s’écriait qu’il n’y voyait que magie ; ce qui se ressemble assez. J’eus grand’peine à croire que ces récits fussent autre chose qu’une mystification ; et quand plusieurs témoignages m’eurent ébranlé, j’exprimai le désir de voir de mes propres yeux ce que j’appelais des jongleries. Le jour fixé pour l’épreuve, on dressa une large tente ; on y apporta cinquante lampes, des plats pleins d’arsenic et des plants d’une sorte de cactus qui fournit un suc laiteux, dont une seule goutte produit des ampoules sur la peau. On se procura aussi de vieux pendants d’oreilles, de vieux bracelets, des poignards, des épées, des broches de fer, et quand tout fut prêt, nous entrâmes, cinq officiers et moi, avec une centaine de curieux. Vingt ruffaïs se trouvaient là, battant du tambour. Aussitôt que nous fûmes assis, les ruffaïs chantèrent des paroles tirées de leurs livres saints, accompagnées des tambours qui alors battaient en mesure. Ce vacarme alla crescendo jusqu’à ce que tous se sentissent en une sorte d’extase : leurs corps étaient secoués par des tressaillements continuels. Ils saisirent les instruments qu’on avait apportés ; les uns se percèrent les joues, la langue, la gorge avec des broches et des poignards ; les autres se traversèrent le corps avec des épées ; quelques-uns se coupèrent la langue, la rôtirent et la remirent à sa place où elle se rejoignit complètement ; un d’entre eux avala, sans en rien souffrir, de grandes quantités d’arsenic, pendant qu’un autre dévorait les bracelets et les pendants d’oreilles, comme les enfants dévorent les friandises.

» Tout cela s’opérait à un pied de moi, au milieu des lampes, de manière que je ne pouvais supposer aucune supercherie. Mais ce spectacle me faisait mal, et je ne savais qu’en penser. Le colonel m’assurait que tout ce que je voyais était réel, et que si quelque imposture s’y mêlait, il l’aurait découverte depuis longtemps. Cependant j’hésitais, et comme je disais que j’aurais plus de confiance si ces faits extraordinaires se passaient au grand jour, sans tambours et sans bruit, le lendemain, un peu après midi, je lisais un journal, étendu sur mon lit, lorsque le chef des ruffaïs vint à moi, portant sous son bras toutes sortes d’instruments qu’il jeta à terre. Il prit une lame de poignard, se l’enfonça dans la joue gauche, en planta une autre dans la joue droite, se perça la langue d’une troisième et d’une quatrième la gorge ; puis il plongea dans son corps trois pouces d’une lame de couteau très-affilée ; tout cela sans qu’une goutte de sang sortît. Il allait se couper la langue, je l’en empêchai avec horreur, car il se tailladait le visage, et ses regards, égarés par une sorte de fureur, me faisaient frémir. Il avala trois onces d’arsenic ; puis il retira toutes les lames qui le lardaient, et il ne sortit de son corps aucune goutte de sang… »

L’officier qui a écrit ce compte rendu déclare en finissant qu’il ne sait que croire de tout cela, mais qu’il atteste avoir vu positivement tout ce qu’il expose.

Ruggieri (Cosme), sorcier florentin et courtisan de Catherine de Médicis ; il fut appliqué à la question en 1574, comme prévenu d’avoir attenté par ses charmes aux jours de Charles IX, qu’il voulait envoûter[500].

Rugner, géant Scandinave, dont la lance énorme était faite de pierre à aiguiser. Dans un duel, Thor la lui brisa d’un coup de sa massue, grosse comme un dôme, et en fit sauter les éclats si loin, que c’est de là que viennent toutes les pierres à aiguiser que l’on trouve dans le monde, et qui paraissent évidemment rompues par quelque effort.

Rule (Elspet), Écossais convaincu de sorcellerie en 1708. Les cours de justice devenant alors moins rigoureuses contre ces crimes, il ne fut condamné qu’au bannissement avec une joue brûlée.

Runes, lettres ou caractères magiques que les peuples du Nord croyaient d’une grande vertu dans les enchantements. Il y en avait de nuisibles, que l’on nommait runes amères ; on les employait lorsqu’on voulait faire du mal. Les runes secourables détournaient les accidents ; les runes victorieuses procuraient la victoire à ceux qui en faisaient usage ; les runes médicinales guérissaient des maladies ; on les gravait sur des feuilles d’arbre. Enfin, il y avait des runes pour éviter les naufrages, pour soulager les femmes en travail, pour préserver des empoisonnements. Ces runes différaient par les cérémonies qu’on observait en les écrivant, par la matière sur laquelle on les traçait, par l’endroit où on les exposait, par la façon dont on arrangeait les lignes, soit en cercle, soit en ligne serpentante, soit en triangle, etc. On trouve encore plusieurs de ces caractères tracés sur les rochers des mers du Nord.

Rush, lutin suédois. Voy. Puck.

Ryence, roi fabuleux de la partie septentrionale du pays de Galles ; il était magicien et portait un manteau bordé de vingt-quatre barbes de rois. Il fut tué par le roi Arthus.

Rymer, géant, ennemi des dieux chez les Scandinaves ; il doit à la fin du monde être le pilote du vaisseau Naglefare. Voy. ce mot.


S

Sabaoth. Les archontiques, secte du deuxième siècle, faisaient de Sabaoth un ange douteux qui était pour quelque chose dans les affaires de ce monde. Les mêmes disaient que la femme était l’ouvrage de Satan, galanterie digne des hérétiques.

Sabasius, chef du sabbat, selon certains démonographes. C’était autrefois l’un des surnoms de Bacchus, grand maître des sorciers dans l’antiquité païenne. C’est un gnome chez les caba-listes.

Sabathan, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Sabba, devineresse mise au nombre des sibylles. On croit que c’était celle de Cumes.

Sabbat. C’est l’assemblée des démons, des sorciers et des sorcières dans leurs orgies nocturnes. Nous devons donner ici les relations des démonomanes sur ce sujet. On s’occupe au sabbat, disent-ils, à faire ou à méditer le mal, à donner des craintes et des frayeurs, à préparer les maléfices, à accomplir des mystères abominables. Le sabbat se fait dans un carrefour ou dans quelque lieu désert et sauvage, auprès d’un

 
 


lac, d’un étang, d’un marais, parce qu’on y produit la grêle et qu’on y fabrique des orages. Le lieu qui sert à ce rassemblement reçoit une telle malédiction qu’il n’y peut croître ni herbe ni autre chose. Strozzi dit avoir vu autour d’un châtaignier, dans un champ du territoire de Vicence, un cercle dont la terre était aussi aride que les sables de la Libye, parce que les sorciers y dansaient et y faisaient le sabbat. Les nuits ordinaires de la convocation du sabbat sont celles du mercredi au jeudi et du vendredi au samedi. Quelquefois le sabbat se fait en plein midi, mais c’est fort rare. Les sorciers et les sorcières portent une marque qui leur est imprimée par le diable ; cette marque, par un certain mouvement intérieur qu’elle leur cause, les avertit de l’heure du ralliement. En cas d’urgence, le diable fait paraître un mouton dans une nuée (lequel mou-top n’est vu que des sorciers), pour rassembler son monde en un instant.

Dans les circonstances ordinaires, lorsque l’heure du départ est arrivée, après que les sorciers ont dormi, ou du moins fermé un œil, ce qui est d’obligation, ils se rendent au sabbat montés sur des bâtons ou sur des manches à balai oints de graisse d’enfant ; ou bien des diables subalternes les transportent sous des formes de boucs, de chevaux, d’ânes ou d’autres animaux. Ce voyage se fait toujours en l’air. Quand

 
 
les sorcières s’oignent pour monter sur le manche à balai qui doit les porter au sabbat, elles répètent plusieurs fois ces mots : Emen-hêtan ! emen-hétan ! qui signifient, dit Delancre : Ici et là ! ici et là ! Il y avait cependant en France des sorcières qui allaient au sabbat sans bâton, ni graisse, ni monture, seulement en prononçant quelques paroles. Mais celles d’Italie ont toujours un bouc qui les attend pour les emporter. Elles ont coutume, comme les nôtres, de sortir généralement par la cheminée. Ceux ou celles qui manquent au rendez-vous payent une amende ; le diable aime la discipline.

Les sorcières mènent souvent au sabbat, pour différents usages, des enfants qu’elles dérobent. Si une sorcière promet de présenter au diable, dans le sabbat prochain, le fils ou la fille de quelque gueux du voisinage et qu’elle ne puisse venir à bout de l’attraper, elle est obligée de présenter son propre fils ou quelque autre enfant d’aussi haut prix. Les enfants qui plaisent au diable sont admis parmi ses sujets de cette manière : Maître Léonard, le grand nègre, président des sabbats, et le petit diable, maître Jean Mullin, son lieutenant, donnent d’abord un parrain et une marraine à l’enfant (Voy. Baptême du diable); puis on le fait renoncer Dieu, la Vierge et les saints, et, après qu’il a renié sur le grand livre, Léonard le marque d’une de ses cornes dans l’œil gauche. Il porte cette marque pendant tout son temps d’épreuves, à la suite duquel, s’il s’en est bien tiré, le diable lui administre un autre signe qui a la figure d’un petit lièvre, ou d’une patte de crapaud, ou d’un chat noir.

Durant leur noviciat, on charge les enfants admis de garder les crapauds, avec une gaule blanche, sur le bord du lac, tous les jours de sabbat ; quand ils ont reçu la seconde marque, qui est pour eux un brevet de sorciers, ils sont admis à la danse et au festin. Les sorciers, initiés aux mystères du sabbat, ont coutume de dire : J’ai bu du tabourin, j’ai mangé du cymbale, et je suis fait profès. Ce que Leloyer explique de la sorte : « Par le tabourin, on entend la peau de bouc enflée de laquelle ils tirent le jus et consommé pour boire, et par le cymbale le chaudron ou bassin dont ils usent pour cuire leurs ragoûts. » Les petits qui ne promettent rien de convenable sont condamnés à être fri cassés. Il y a là des sorcières qui les dépècent et les font cuire pour le banquet.

Lorsqu’on est arrivé au sabbat, le premier devoir est d’aller rendre hommage au maître. Il est assis sur un trône ; ordinairement il affecte la figure d’un grand bouc ayant trois cornes, dont celle du milieu jette une lumière qui éclaire l’assemblée ; quelquefois il prend la forme d’un oiseau, ou d’un bœuf, ou d’un tronc d’arbre sans pied, avec une face humaine fort ténébreuse ; ou bien il paraît en oiseau noir ou en homme tantôt noir, tantôt rouge. Mais sa figure favorite est celle d’un bouc. Il porte une couronne noire, les cheveux hérissés, le visage pâle et troublé, les yeux ronds, grands, fort ouverts, enflammés et hideux ; une barbe de chèvre, les mains comme celles d’un homme, excepté que les doigts sont tous égaux, courbés comme les griffes d’un oiseau de proie, et terminés en pointe ; les pieds

 
 
en pattes d’oie, la queue longue comme celle d’un âne ; il a la voix effroyable et monotone, tient une gravité superbe, et porte toujours sous la queue un visage d’homme noir, visage que tous les sorciers baisent en arrivant au sabbat : c’est là ce qu’on appelle l’hommage. Il donne ensuite un pou d’argent à tous ses adeptes ; puis il se lève pour le festin, où le maître des cérémonies place tout le monde, chacun selon son rang, mais toujours un diable à côté d’un sorcier.

Quelques sorcières ont dit que la nappe du sabbat est dorée, et qu’on y sert toutes sortes de bons mets, avec du pain et du vin délicieux. Mais le plus grand nombre de ces femmes ont déclaré, au contraire, qu’on n’y sert que des crapauds, de la chair de pendus, de petits enfants non baptisés et mille autres horreurs, et que le pain du diable est fait de millet noir. On chante pendant le repas des choses abominables ; et après qu’on a mangé, on se lève de table, on adore le maître, puis chacun se divertit. Les uns dansent en rond, ayant chacun un chat pendu au derrière ; d’autres rendent compte des maux qu’ils ont faits, et ceux qui n’en ont pas fait assez sont punis. Des sorcières répondent aux accusations des crapauds qui les servent ; quand ils se plaignent de n’être pas bien nourris par leurs maîtresses, les maîtresses subissent un châtiment.

Les correcteurs du sabbat sont de petits démons sans bras, qui allument un grand feu, y jettent les coupables, et les en retirent quand il le faut.

Ici, on fait honneur à des crapauds, habillés de velours rouge ou noir, portant une sonnette au cou et une autre au pied droit. On les donne comme d’utiles serviteurs aux sorcières qui ont bien mérité des légions infernales. Là, une magicienne dit la messe du diable pour ceux qui veulent l’entendre. Ailleurs se commettent les plus révoltantes et les plus honteuses horreurs. Ceux et celles qui vont baiser le visage inférieur du maître tiennent une chandelle sombre à la main. Il en est qui forment des quadrilles avec des crapauds vêtus de velours et chargés de sonnettes. Ces divertissements durent jusqu’au chant du coq. Aussitôt qu’il se fait entendre, tout est forcé de disparaître. Alors le grand nègre leur donne congé, et chacun s’en retourne chez soi[501].

On conte qu’un charbonnier, ayant été averti que sa femme allait au sabbat, résolut de l’épier. Une nuit qu’il faisait semblant de dormir, elle se leva, se frotta d’une drogue et disparut. Le charbonnier, qui l’avait bien examinée, prit le pot à la graisse, s’en frotta comme elle, et fut aussitôt transporté, par la cheminée, dans la cave d’un comte, homme considéré au pays ; il trouva là sa femme et tout le sabbat rassemblé pour une séance secrète. Le souper descendait là par une poulie. La femme du charbonnier, l’ayant aperçu, fit un signe : au même instant tout s’envola, et il ne resta dans la cave que le pauvre charbonnier, qui, se voyant pris pour un voleur, avoua ce qui s’était passé à son égard et ce qu’il avait vu dans cette cave[502].

 
 

Un paysan se rencontrant de nuit dans un lieu où l’on faisait le sabbat, on lui offrit à boire. Il jeta la liqueur à terre et s’enfuit, emportant le vase, qui était d’une matière et d’une couleur inconnues. Il fut donné à Henri le Vieux, roi d’Angleterre, si l’on en croit le conte[503]. Mais, malgré son prix et sa rareté, le vase est sans doute retourné à son premier maître. Pareillement, un boucher allemand entendit, en passant de nuit par une forêt, le bruit des danses du sabbat ; il eut la hardiesse de s’en approcher, et tout s’évanouit. Il prit des coupes d’argent qu’il porta au magistrat, lequel fit arrêter et pendre toutes les personnes dont les coupes portaient le nom[504]. Un sorcier mena son voisin au sabbat en lui promettant qu’il serait l’homme le plus heureux du monde. Il le transporta fort loin, dans un lieu où se trouvait rassemblée une nombreuse compagnie, au milieu de laquelle était un grand bouc. Le nouvel apprenti sorcier appela Dieu à son secours. Alors vint un tourbillon impétueux : tout disparut ; il demeura seul et fut trois ans à retourner dans son pays[505].

« Le sabbat se fait, disent les cabalistes, quand les sages rassemblent les gnomes pour les engager à épouser les filles des hommes. Le grand Orphée fut le premier qui cônvoqua ces peuples souterrains. À sa première semonce, Sabasius, le plus ancien des gnomes, contracta alliance avec une femme. C’est de ce Sabasius qu’a pris son nom cette assemblée, sur laquelle on a fait mille contes impertinents. Les démonomanes prétendent aussi qu’Orphée fut le fondateur du sabbat, et que les premiers sorciers qui se rassemblèrent de la sorte se nommaient orphéotélestes. La véritable source de ces orgies sinistres a pu prendre naissance dans les bacchanales, où l’on invoquait Bacchus en criant : Saboé ! »

Dans l’affaire de la possession de Louviers, Madeleine Bavent, tourière du couvent de cette ville, confessa des choses singulières sur le sabbat. Elle avoua qu’étant à Rouen, chez une couturière, un magicien l’avait engagée et conduite au sabbat ; qu’elle fut mariée là à Dagon, diable d’enfer ; que Mathurin Picard l’éleva à la dignité de princesse du sabbat, quand elle eut promis d’ensorceler toute sa communauté ; qu’elle composa des maléfices en se servant d’hosties consacrées ; que, dans une maladie qu’elle éprouva, Picard lui fit signer un pacte de grimoire ; qu’elle vit accoucher quatre magiciennes au sabbat ; qu’elle aida à égorger et à manger leurs enfants ; que le jeudi saint on y fit la cène en y mangeant un petit enfant ; que, dans la nuit du vendredi, Picard et Boulé avaient percé une hostie par le milieu, et que l’hostie avait jeté du sang. De plus, elle confessa avoir assisté à l’évocation de l’âme de Picard, faite par Thomas Boulé dans une grange, pour confirmer les maléfices du diocèse d’Évreux. Elle ajouta à ces dépositions, devant le parlement de Rouen, que David, premier directeur du monastère, était magicien ; qu’il avait donné à Picard une cassette pleine de sorcelleries, et qu’il lui avait délégué tous ses pouvoirs diaboliques ; qu’un jour, dans le jardin, s’étant assise sous un mûrier, un horrible chat noir et puant lui avait mis ses pattes sur ses épaules et avait approché sa gueule de sa bouche ; c’était un démon. Elle dit en outre qu’on faisait au sabbat la procession ; que le diable, moitié homme et moitié bouc, assistait à ces cérémonies exécrables, et que sur l’autel il y avait des chandelles allumées qui étaient toutes noires. On trouve généralement le secret de ces horreurs dans les mœurs abominables de la fin du seizième siècle.

Dans le Limbourg, il n’y a pas cent ans, on comptait encore beaucoup de bohémiens et de bandits qui faisaient le sabbat. Leurs initiations avaient lieu dans un carrefour solitaire, où végétait une masure qu’on appelait la Chapelle des boucs. Celui qu’on recevait sorcier était enivré, puis mis à califourchon sur un bouc de bois qu’on agitait au moyen d’un pivot ; on lui disait qu’il voyageait par les airs. Il le croyait d’autant plus qu’on le descendait de sa monture pour le jeter dans une orgie qui était pour lui le sabbat[506].

On sait, dit Malebranche, que cette erreur du sabbat n’a quelquefois aucun fondement ; que le prétendu sabbat des sorciers est quelquefois l’effet d’un délire et d’un déréglement de l’imagination, causé par certaines drogues desquelles se servent les malheureux qui veulent se procurer ce délire. Ce qui entretient la crédulité populaire, ajoute Bergier, ce sont les récits de quelques peureux qui, se trouvant égarés la nuit dans les forêts, ont pris pour le sabbat des feux allumés par les bûcherons et les charbonniers, ou qui, s’étant endormis dans la peur, ont cru entendre et voir le sabbat, dont ils avaient l’imagination frappée. Il n’y a aucune notion du sabbat chez les anciens Pères de l’Église. Il est probable que c’est une imagination qui a pris naissance chez les barbares du Nord ; que ce sont eux qui l’ont apportée dans nos climats, et qu’elle s’y est accréditée par des faits, comme celui de la Chapelle des boucs, au milieu de l’ignorance dont leur irruption fut suivie.

Charles II, duc de Lorraine, voyageant incognito dans ses États, arriva un soir dans une ferme, où il se décida à passer la nuit. Il fut surpris de voir qu’après son souper on préparait un second repas plus délicat que le sien, et servi avec un soin et une propreté admirables. Il demanda au fermier s’il attendait de la compagnie. « Non, monsieur, répondit le paysan ; mais c’est aujourd’hui jeudi, et toutes les semaines, à pareille heure, les démons se rassemblent dans la forêt voisine avec les sorciers des environs pour y faire leur sabbat. Après qu’on a dansé le branle du diable, ils se divisent en quatre bandes. La première vient souper ici ; les autres se rendent dans des fermes peu éloignées. — Et payent-ils ce qu’ils prennent ? demanda Charles. — Loin de payer, répondit le fermier, ils emportent encore ce qui leur convient, et s’ils ne se trouvent pas bien reçus, nous en passons de dures ; mais que voulez-vous qu’on fasse contre des sorciers et des démons ? » Le prince, étonné, voulut approfondir ce mystère ; il dit quelques mots à l’oreille d’un de ses écuyers, et celui-ci partit au grand galop pour la ville de Toul, qui n’était qu’à trois lieues. Vers deux heures du matin, une trentaine de sorciers, de sorcières et de démons entrèrent ; les uns ressemblaient à des ours, les autres avaient des cornes et des griffes. À peine étaient-ils à table que l’écuyer de Charles II reparut, suivi d’une troupe de gens d’armes. Le prince, escorté, entra dans la salle du souper : — Des diables ne mangent pas, dit-il ; ainsi vous voudrez bien permettre que mes gens d’armes se mettent à table à votre place… Les sorciers voulurent répliquer, et les démons proférèrent des menaces. — Vous n’êtes point des démons, leur cria Charles : les habitants de l’enfer agissent plus qu’ils ne parlent, et si vous en sortiez, nous serions déjà tous fascinés par vos prestiges. Voyant ensuite que la bande infernale ne s’évanouissait pas, il ordonna à ses gens de faire main basse Sur les sorciers et leurs patrons. On arrêta pareillement les autres membres du sabbat, et le matin Charles II se vit maître de plus de cent vingt personnes. On les dépouilla, et on trouva des paysans, qui, sous ces accoutrements, se rassemblaient de nuit dans la forêt pour y faire des orgies abominables, et piller ensuite les riches fermiers. Le duc de Lorraine (qui avait généreusement payé son souper avant de quitter la ferme) fit punir ces prétendus sorciers et démons comme des coquins et des misérables. Le voisinage fut délivré pour le moment de ces craintes ; mais la peur du sabbat ne s’affaiblit pas pour cela dans la Lorraine.

Duluc, dans ses Lettres sur l’histoire de la terre et de l’homme, tome IV, lettre 91, rapporte encore ce qui suit : « Il y a environ dix ans, vers 1769, qu’il s’était formé dans la Lorraine allemande et dans l’électorat de Trêves une association de gens de la campagne qui avaient secoué tout principe de religion et de morale. Ils s’étaient persuadé qu’en se mettant à l’abri des lois ils pouvaient satisfaire sans scrupule toutes leurs passions. Pour se soustraire aux poursuites de la justice, ils se comportaient dans leurs villages avec la plus grande circonspection : l’on n’y voyait aucun désordre ; mais ils s’assemblaient la nuit en grandes bandes, allaient à force ouverte dépouiller les habitations écartées, commettaient d’abominables excès, et employaient les menaces les plus terribles pour forcer au silence les victimes de leur brutalité. Un de leurs complices ayant été saisi par hasard pour quelque délit isolé, on découvrit la trame de cette confédération détestable, et l’on compte par centaines les scélérats qu’il a fallu faire périr sur l’échafaud. » Voy. Blokula, Litanies du sabbat, etc.

Sabbathaï Zévi, faux messie des juifs au dix-septième siècle[507].

Sabéisme, culte que l’on rend aux éléments et aux astres, et qui, selon quelques-uns, est l’origine de l’astrologie judiciaire.

Sabellicus (Georges), farceur allemand qui parcourait l’Allemagne au commencement du dix-septième siècle, en se disant chef des nécromanciens, astrologues, magiciens, chiromanciens, pyromanciens, etc. Il gagna ainsi beaucoup d’argent, et fut très-révéré des vieilles femmes et des petits enfants[508].

Sabiénus. Dans la guerre de Sicile entre César et Pompée, Sabiénus, commandant la flotte de César, ayant été pris, fut décapité par ordre de Pompée. Il demeura tout le jour sur le bord de la mer, sa tête ne tenant plus au corps que par un filet. Sur le soir, il pria qu’on fît venir Pompée ou quelqu’un des siens, parce qu’il arrivait des enfers, et qu’il avait des choses importantes à communiquer. Pompée envoya plusieurs de ses amis, auxquels Sabiénus déclara que la cause et le parti qu’ils servaient alors étaient agréables aux dieux des enfers, et que leur chef réussirait ; qu’il avait ordre de le lui annoncer, et que, pour preuve de ce qu’il disait, il allait mourir aussitôt : ce qui eut lieu. Mais on ne voit pas que le parti ait réussi, dans le sens naturel du mot.

Sabim, nom des astrologues turcs.

Sable. Les Madécasses n’entreprennent jamais la guerre sans consulter leurs augures : ceux-ci ont une petite calebasse remplie d’un sable qui ne se trouve qu’en certains lieux ; ils le répandent sur une planche et y marquent plusieurs figures. Ils prétendent connaître par là s’ils vaincront leurs ennemis[509].

Sabnac ou Salmac, grand marquis infernal, démon des fortifications. Il a la forme d’un soldat armé, avec une tête de lion. Il est monté sur un cheval hideux. Il métamorphose les hommes en pierres, et bâtit des tours avec une adresse surprenante. Il a sous ses ordres cinquante légions[510].

Sacaras, anges du sixième ordre chez les Madécasses. Ils sont tous malfaisants.

Saccilaires, anciens charlatans qui se servaient de la magie pour s’approprier l’argent d’autrui.

Sacrifices. L’homme, partout où il a perdu les lumières de la révélation, s’est fait des dieux cruels, altérés de sang, avides de carnage. Hérodote dit que les Scythes immolaient la cinquième partie de leurs prisonniers à Mars Exterminateur. Autrefois les Sibériens se disputaient l’honneur de périr sous le couteau de leurs prêtres. — Tout cela est un mystère, sur lequel on doit lire ce qu’en a écrit Joseph de Maistre.

Il y avait un temple chez les Thraces où l’on n’immolait que des victimes humaines ; les prêtres de ce temple portaient un poignard pendu au cou, pour marquer qu’ils étaient toujours prêts à tuer. Dans le temple de Bacchus, en Arcadie, et dans celui de Minerve, à Lacédémone, on croyait honorer ces divinités en déchirant impitoyablement, à coups de verges, de jeunes filles sur leurs autels. Les Germains et les Cimbres ne sacrifiaient les hommes qu’après leur avoir fait endurer les plus cruels supplices. Il y avait dans le Pégu un temple où l’on renfermait les filles les plus belles et de la plus haute naissance ; elles étaient servies avec respect ; elles jouissaient des honneurs les plus distingués ; mais tous les ans une d’elles était solennellement sacrifiée à l’idole de la nation. C’était ordinairement la plus éclatante qui avait l’honneur d’être choisie ; et le jour de ce sacrifice était un jour de fête pour tout le peuple. Le prêtre dépouillait la victime, l’étranglait, fouillait dans son sein, en arrachait le cœur, et le jetait au nez de l’idole. Les Mexicains immolaient des milliers de victimes humaines au dieu du mal. Presque tous les peuples, hors le peuple de Dieu dans l’ère ancienne et les chrétiens dans la nouvelle, ont exercé sans scrupule de pareilles barbaries.

C’est un usage établi à Benin de sacrifier aux idoles les criminels ; on les réserve dans cette vue. Ils doivent toujours être au nombre de vingt-cinq. Lorsque ce nombre n’est pas complet, les officiers du roi se répandent dans l’obscurité de la nuit et saisissent indistinctement tous ceux qu’ils rencontrent ; mais il ne faut pas qu’ils soient éclairés par le moindre rayon de lumière. Les victimes saisies sont remises entre les mains des prêtres, qui sont maîtres de leur sort. Les riches ont la liberté de se racheter, ainsi que leurs esclaves ; les pauvres sont sacrifiés.

Ce qu’on appelait l’hécatombe était le sacrifice de cent victimes, proprement de cent bœufs, mais qui s’appliqua dans la suite aux sacrifices de cent animaux de même espèce, même de cent lions ou de cent aigles ; c’était le sacrifice impérial. Ce sacrifice se faisait en même temps sur cent autels de gazon par cent sacrificateurs.

On accusait les sorciers de sacrifier au diable, dans leurs orgies, des crapauds, des poules noires et de petits enfants non baptisés : belle assimilation !

Sadey, compère de Flaque. Voy. ce mot.

Sadial ou Sadiel, ange qui, selon les musulmans, gouverne le troisième ciel et qui est chargé d’affermir la terre, laquelle serait dans un mouvement perpétuel, s’il n’avait le pied dessus.

Saignement de nez. Quand on perd par le nez trois gouttes de sang seulement, c’est un présage de mort pour quelqu’un de la famille. Si on en perd quatre, le présage est nul.

Sainokavara, endroit du lac Fakone où les Japonais croient que les âmes des enfants sont retenues comme dans une espèce de limbes.

Sains (Marie de), sorcière et possédée. Voy. Possédées de Flandre.

Saint-André. Ce docteur, qui a écrit contre les superstitions, fut appelé, en 1726, par une femme qui lui fit confidence qu’elle était accouchée d’un lapereau. Le docteur témoigna d’abord sa surprise ; mais, quelques jours après, cette femme prétendit ressentir des tranchées ; elle ne douta pas qu’elle n’eût encore quelque lapin à mettre au monde. Saint-André arrive, et, pour ne rien négliger, il délivre lui-même la malade. Elle accouche en effet d’un petit lapin encore vivant. Les voisines et le docteur de crier miracle. On donne de l’argent à la mère des lapins ; elle prend goût au métier, et se met indiscrètement à accoucher tous les huit jours. La police, étonnée d’une si féconde maternité, croit devoir se mêler de cette affaire. On enferme la dame aux lapins, on la surveille exactement, et l’on s’assure bientôt qu’elle s’est moquée du public, et qu’elle a cru trouver une dupe dans le docteur Saint-André[511].

Il a laissé des lettres sur la magie, un vol. in-12. Son jugement n’est pas exact.

Saint-Aubin, auteur calviniste de l’Histoire des diables de Loudun, dans l’affaire d’Urbain Grandier. Un vol. in-12. Amsterdam, 1716. Ce livre, écrit avec une mauvaise foi insigne, n’est plein que de faussetés.

M. l’abbé Leriche, à la suite de ses belles Études sur les possessions en général et sur celle de Loudun en particulier, a redressé complètement les mille et un mensonges de ce calviniste, « qui n’a donné son livre au public, que èoixante ans après l’événement, lorsque les juges et les témoins étaient morts, qui a supprimé tout ce qui le gênait dans son roman, qui présente comme un innocent opprimé ce Grandier, homme orgueilleux, violent, vindicatif, débauché. Indépendamment du crime de magie bien prouvé, cet homme méritait le feu, « sur la déposition de soixante témoins ».

Saint-Aubin a été copié par Gayot de Pitaval, dans sa lourde collection des Causes célèbres. Les cœurs droits qui recherchent la vérité feront bien de lire le savant ouvrage que nous citons ; et nos biographes, s’ils sont seulement honnêtes, ne poseront plus Grandier en victime.

Saint-Germain (le comte de), charlatan célèbre du dernier siècle, qui se vantait de faire de l’or, de gonfler les diamants et d’opérer beaucoup de choses merveilleuses. Comme on ignorait son origine, il se disait immortel par la vertu de la pierre philosophale ; et le bruit courait qu’il était âgé de deux mille ans. Il avait l’art d’envelopper ses dupes dans le tissu de ses étranges confidences. Contant un jour qu’il avait beaucoup connu Ponce-Pilate à Jérusalem, il décrivait minutieusement la maison de ce gouverneur romain et disait les plats qu’on avait servis sur sa table, un soir qu’il avait soupé chez lui. Le cardinal de Rohan, croyant n’entendre là que des rêveries, s’adressa au valet de chambre du comte de Saint-Germain, vieillard aux cheveux blancs, à la figure honnête : « Mon ami, lui dit-il, j’ai de la peine à croire ce que dit votre maître. Qu’il soit ventriloque, passe ; qu’il fasse de l’or, j’y consens ; mais qu’il ait deux mille ans et qu’il ait vu Ponce-Pilate, c’est trop fort. Étiez-vous là ? — Oh ! non, monseigneur, répondit ingénument le valet de chambre, c’est plus ancien que moi. Il n’y a guère que quatre cents ans que je suis au service de M. le comte… »

Saint-Gille, marchand épicier à Saint-Germain en Laye, qui fut présenté comme ventriloque à l’Académie des sciences, le 22 décembre 1770. Il avait le talent d’articuler des paroles très-distinctes, la bouche bien fermée et les lèvres bien closes, ou la bouche grandement ouverte, en sorte que les spectateurs et auditeurs pouvaient y plonger. Il variait admirablement le timbre, la direction et le ton de sa voix, qui semblait venir tantôt du milieu des airs, tantôt du toit d’une maison opposée, de la voûte d’un temple, du haut d’un arbre, tantôt du sein de la terre, etc.[512].

Saints. D’impudents charlatans ont imaginé

 
Le sorcier. — Page 592
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une abominable superstition dont les saints mêmes sont l’objet. Le tribunal de Saint-Quentin a jugé, en mars 1828, une cause ou cette imposture s’est mise à jour. Des paysannes, dont les enfants dépérissaient, s’adressèrent à un sorcier, nommé Pierre-Louis D…, batteur en grange à Pithon (diocèse de Cambrai). Il leur dit que le mal dont elles gémissaient venait de quelques saints mécontents, que la famille avait irrités, et qui faisaient sentir leur colère sur les enfants ; mais qu’il y avait moyen de les apaiser. Ce moyen, il l’employa en se faisant donner des pièces de six liards (monnaie qui n’est plus qu’un souvenir) et les faisant sauter dans de l’eau, qu’il disait bénite pour son opération. Éclairé par cette cérémonie, le sorcier, car on lui donnait ce nom, révéla les noms des saints dont les bonnes femmes devaient désarmer la vengeance. Nous citons ses expressions. Après quoi, il se fit payer sa consultation. Mais comme les enfants n’éprouvèrent aucun soulagement, sur la rumeur publique, D… fut appelé en justice et condamné à un an de prison.

Sakhar, génie infernal qui, suivant le Talmud, s’empara du trône de Salomon. Après avoir pris Sidon et tué le roi de cette ville, Salomon emmena sa fille Téréda ; comme elle ne cessait de déplorer la mort de son père, il ordonna au diable de lui en faire l’image pour la consoler. Mais cette statue, placée dans la chambre de la princesse, devint l’objet de son culte et de celui de ses femmes. Salomon, informé de cette idolâtrie par son vizir Asaf, brisa la statue, châtia sa femme et se retira dans le désert, où il s’humilia devant Dieu. Ses larmes et son repentir ne le sauvèrent pas de la peine que méritait sa faute. Ce prince était dans l’usage de remettre, avant d’entrer dans le bain, son anneau, dont dépendait sa couronne, à une de ses femmes nommée Amina. Un jour, Sakhar vint à elle sous les traits du roi, et, recevant l’anneau de ses mains, prit, en vertu de ce talisman, possession du trône, et fit dans les lois tous les changements dont sa méchanceté s’avisa. En même temps Salomon, dont la figure n’était plus la même, méconnaissable aux yeux de ses sujets, fut obligé d’errer et de demander l’aumône. Enfin, au bout de quarante jours, espace de temps durant lequel l’idole avait été honorée dans son palais, le diable prit la fuite et jeta l’anneau dans la mer. Un poisson qui venait de l’avaler fut pris et servi devant Salomon, qui retrouva la bague dans ses entrailles. Rentré en possession de son royaume, ce prince saisit Sakhar, lui chargea le cou d’une pierre, et le précipita dans le lac de Tibériade.

Sakhrat. Il y a une montagne que les mahométans croient entourer tout le globe. C’est la montagne de Kaf. Elle a pour fondement la pierre Sakhrat, dont Lokman disait que quiconque en aurait seulement le poids d’un grain ferait des miracles. Cette pierre est faite d’une seule émeraude, et c’est de sa réflexion que le ciel nous paraît azuré. Lorsque Dieu veut exciter un tremblement de terre, il commande à cette pierre de donner le mouvement à quelqu’une de ses racines. La terre se trouve au milieu de cette montagne, comme le doigt au milieu de l’anneau ; sans cet appui, elle serait dans une perpétuelle agitation. Pour y arriver, il faut traverser un très-grand pays ténébreux ; nul homme n’y peut pénétrer s’il n’est conduit par quelque intelligence. C’est là que les dives ou mauvais génies ont été confinés, après avoir été subjugués par les premiers héros de la race des hommes ; c’est là aussi que les péris ou fées font leur demeure ordinaire.

Sakimouni, génie ou dieu, dont les légendes

 
Sakimouni
Sakimouni
 
des Kalmouks racontent qu’il habitait le corps d’un lièvre ; il rencontra un homme qui mourait de faim, il se laissa prendre pour satisfaire l’appétit de ce malheureux. L’esprit de la terre, satisfait de cette belle action, plaça aussitôt l’âme de ce lièvre dans la lune, où les Kalmouks prétendent la découvrir encore[513].

Saladin. Au moyen âge, on croyait très-généralement que les Sarasins, dans leurs guerres, étaient, comme insignes sorciers, assistés par le diable. Walter Scott, dans sa Démonologie, rapporte un exemple que voici ; il est tiré du vieux roman de Richard Cœur de lion.

Le fameux Saladin, y est-il dit, avait envoyé une ambassade au roi Richard, avec un jeune cheval qu’il lui offrait comme un vaillant destrier. Il défiait en même temps Cœur de lion à un combat singulier, en présence des deux armées, dans le but de décider tout d’un coup leurs prétentions à la Palestine et la question théologique de savoir quel était le vrai Dieu, ou le Dieu des chrétiens, ou celui qu’adoraient les Sarasins. Mais ce semblant de défi chevaleresque cachait une perfidie, dans laquelle l’esprit malin jouait un rôle. Un charmeur sarasin avait enfermé deux démons dans les corps d’une jument et de son poulain, leur donnant pour instruction que chaque fois que la jument hennirait, le poulain, qui était d’une taille peu commune, devrait s’agenouiller pour teter sa mère. Le poulain maléficié fut envoyé au roi Richard, dans l’espoir qu’il obéirait au signal accoutumé, et que le Soudan, monté sur la mère, aurait ainsi l’avantage. Mais le monarque anglais fut averti par un songe du piège qu’on lui tendait, et avant le combat le poulain fut exorcisé, avec ordre de rester docile à la voix de son cavalier durant le choc. L’animal endiablé promit soumission en baissant la tête ; et cette promesse n’inspirant pas assez de confiance, on lui boucha encore les oreilles avec de la cire. Ces précautions prises, Richard, armé de toutes pièces, courut à la rencontre de Saladin, qui, se confiant dans son stratagème, l’attendit de pied ferme. La cavale hennit de manière à faire trembler la terre à plusieurs milles à la ronde ; mais le poulain ou démon, que la cire empêchait d’entendre le signal, n’y put obéir. Saladin, désarçonné, n’échappa que difficilement à la mort, et son armée fut taillée en pièces par les chrétiens.

Salamandres. Selon les cabalistes, ce sont des esprits élémentaires, composés des plus subtiles parties du feu, qu’ils habitent. « Les salamandres, habitants enflammés de la région du feu, servent les sages, dit l’abbé de Villars ; mais ils ne cherchent pas leur compagnie : leurs filles et leurs femmes se font voir rarement. De tous les êtres élémentaires, les salamandres sont ceux qui vivent le plus longtemps. » Les historiens disent que Romulus était fils de Mars. Les esprits forts ajoutent : c’est une fable ; les démonomanes disent : il était fils d’un incube. Nous qui connaissons la nature, poursuit le même auteur, nous savons que ce Mars prétendu était un salamandre. Voy. Cabale.

Il y a un animal amphibie, du genre des lézards, qu’on nomme la salamandre. Sa peau est noire, parsemée de taches jaunes, sans écailles et presque toujours enduite d’une matière visqueuse qui en suinte continuellement. La salamandre ressemble, pour la forme, à un lézard. Les anciens croyaient que cet animal vivait dans le feu. « La salamandre loge dans la terre, dit Bergerac, qui est toujours farceur, sous des montagnes de bitume allumé, comme l’Etna, le Vésuve et le cap Rouge. Elle sue de l’huile bouillante et crache de l’eau-forte, quand elle s’échauffe ou qu’elle se bat. Avec le corps de cet animal, on n’a que faire de feu dans une cuisine. Pendu à la crémaillère, il fait bouillir et rôtir tout ce que l’on met devant la cheminée. Ses yeux éclairent la nuit comme de petits soleils ; et, placés dans une chambre obscure, ils y font l’effet d’une lampe perpétuelle… »

Salgues (Jean-Baptiste), auteur d’un livre intitulé Des erreurs et des préjugés répandus dans les diverses classes de la société, 3 vol. in-8o, 3e édit., Paris, 1818. Une quatrième édition a paru depuis ; mais ce livre a maintenant peu de lecteurs.

Salière. Le sel, chez les anciens, était consacré à la sagesse ; aussi n’oubliait-on jamais la salière dans les repas. Si l’on ne songeait pas à la servir, cet oubli était regardé comme un mauvais présage.

Il était aussi regardé comme le symbole de l’amitié ; les amis avaient coutume de s’en servir au commencement des repas, et si quelqu’un en répandait, c’était le signe de quelque brouillerie future. Aujourd’hui c’est encore un mauvais augure pour les personnes superstitieuses, lorsque les salières se renversent sur la table.

Le maréchal de Montrevel, étant à table chez le père du maréchal de Biron, vit renverser une salière sur son habit. Il en fut si effrayé, qu’il s’écria à l’instant : « Je suis un homme mort ! » En effet, il tomba en faiblesse ; on l’emporta chez lui ; la fièvre le prit, et il mourut au bout de quatre jours (1718). Cet événement fortifia la superstition des gens qui sont aussi sots. Voy. Sel.

Salisateurs, devins du moyen âge qui formaient leurs prédictions sur le mouvement du premier membre de leur corps qui venait à se remuer, et en tiraient de bons ou mauvais présages.

Salive. Pline le naturaliste rapporte, comme un ancien usage, celui de porter avec le doigt un peu de salive derrière l’oreille, pour bannir les soucis et les inquiétudes. Mais ce n’est pas là toute la vertu de la salive ; elle tue les aspics et les serpents, les vipères et les autres reptiles venimeux. Albert le Grand dit qu’il faut qu’elle soit d’un homme à jeun et qui ait demeuré longtemps sans boire. Figuier assure qu’il a tué plusieurs serpents d’un petit coup de bâton mouillé de sa salive. M. Salgues ajoute qu’il est possible de tuer les vipères avec un peu de salive, mais qu’il est à propos que le coup de bâton qui l’accompagne soit suffisant. Ce qui est certain, c’est que Redi a voulu vérifier les témoignages d’Aristote, de Galien, de Lucrèce, etc. Il s’est amusé à cracher, à jeun, sur une multitude de vipères que le grand-duc de Toscane avait fait rassembler ; mais, à la grande confusion de l’antiquité, les vipères ne sont pas mortes. Voy. Crachat.

Salomon. Les philosophes, les botanistes, les devins et les astrologues orientaux regardent Salomon ou Soliman comme leur patron. Selon eux, Dieu, lui ayant donné sa sagesse, lui avait communiqué en même temps toutes les connaissances naturelles et surnaturelles ; et entre ces dernières, la science la plus sublime et la plus utile, celle d’évoquer les esprits et les génies, et de leur commander. Salomon avait, disent-ils, un anneau chargé d’un talisman qui lui donnait pouvoir absolu sur tous les êtres intermédiaires entre Dieu ef l’homme. Cet anneau existe encore ; il est renfermé dans le tombeau de Salomon, et quiconque le posséderait deviendrait le maître du monde ; mais on ne sait où trouver le tombeau. Il ne reste que des formules, des pratiques et des figures, par lesquelles on peut acquérir, quoique imparfaitement, une petite partie du pouvoir que Salomon avait sur les esprits. Ces beaux secrets sont conservés dans les livres niais qu’on attribue à ce prince, et surtout dans ses Clavicules, intitulées les Véritables Clavicules de Salomon, in-18, à Memphis, chez Alibeck l’Égyptien. On y trouve des conjurations et des formules magiques. Agrippa, dit-on faussement, faisait grand cas de cet ouvrage. On attribue encore à Salomon un Traité de la pierre philosophale, les Ombres des idées, le Livre des neuf anneaux, le Livre des neuf chandeliers, le Livre des trois figures des esprits, des Sceaux qui chassent les démons, et un Traité de nécromancie, adressé à son fils Roboam. Voy. Conjurations, Sakhar, Bélial, Asrael, Asmodée, Art notoire.

Saludadores, gens qui se mêlent en Espagne de guérir certaines maladies, et qui tous ont, dit-on, de naissance, certaine marque sur le corps, en forme de demi-roue. Ils se disent descendants de sainte Catherine, qui n’eut pas de descendants. Voy. Hommes incombustibles.

Salvation de Rome. Voy. Virgile.

Salverte (Eusèbe), auteur d’un Essai sur la magie, les prodiges, etc., un vol. in-12, Bruxelles, 1821; réimprimé à Paris. C’est un traité philosophique, dans le mauvais sens de ce mot.

Samaël, prince des démons, selon les rabbins. Ce fut lui qui, monté sur le serpent, séduisit Ève. C’est encore, chez plusieurs docteurs juifs, l’ange de la mort, qu’ils représentent tantôt avec une épée, tantôt avec un arc et des flèches. C’est enfin pour quelques-uns le même qu’Asmodée.

Samaritaine (la). C’était une fontaine élevée sur le pont Neuf et chère aux Parisiens. Suivant une opinion répandue parmi eux, le jour où l’on détruirait cette fontaine, les peuplades du Nord entreraient en France pour envahir Paris. On la détruisit en 1813.

Sambethe. Voy. Sibylles.

Sampson (Agnès). Voy. Jacques Ier.

Samuel. Une nécromancienne, la pythonisse d’Endor, fit voir au roi Saül l’ombre du prophète Samuel, qui lui prédit ses désastres. Menassé-ben-Israël, dans son second livre de la Résurrection des morts, dit que la pythonisse ne pouvait pas forcer l’âme de Samuel à rentrer dans son corps, et que le fantôme qu’elle évoqua était un démon revêtu de la forme du prophète. Cependant Samuel dit au roi : Pourquoi troublez-vous mon repos, en me forçant à remonter sur la terre ? Les uns pensent que l’âme du prophète pouvait seule prononcer ces paroles ; d’autres soutiennent que ces mots remonter sur la terre s’appliquent au corps seulement, que le diable avait pu emprunter. Le rabbin Mever-Gabaï, qui est du sentiment des premiers, ajoute que Samuel seul pouvait dire à Saül, devant la sorcière qui le faisait venir : Demain, toi et tes fils, vous viendrez me rejoindre. Cras tu et filii tui mecum erunt. C’est aussi l’avis de la plupart des théologiens[514].

Sanaves. Amulettes que les femmes madécasses portent au cou et aux poignets ; ce sont des morceaux d’un bois odorant, enveloppés dans une toile ; ils préservent de l’atteinte des sorciers.

Sanche, serviteur de Pierre d’Engelbert, qui l’avait envoyé à ses frais au secours d’Alphonse, roi d’Aragon, alors en guerre avec la Castille. Le serviteur revint sain et sauf, quand la guerre fut finie ; mais bientôt il tomba malade et mourut. Quatre mois après sa mort, Pierre, son maître, couché dans sa chambre, vit entrer au clair de la lune un spectre à demi nu, qui s’approcha de la cheminée, découvrit le feu et se chauffa. Pierre lui demanda qui il était. « Je suis, répondit le fantôme d’une voix cassée, Sanche, votre serviteur. — Hé ! que viens-tu faire ici ? — Je vais en Castille, avec quelques autres, expier le mal que nous y avons fait. Moi en particulier, j’ai pillé les ornements d’une église ; je suis condamné pour cela à faire ce voyage. Vous pouvez me soulager par vos bonnes œuvres ; et votre femme, qui me doit huit sous, m’obligera de les donner aux pauvres en mon nom. » Pierre lui demanda alors des nouvelles de quelques-uns de ses amis morts depuis peu ; Sanche le satisfit là-dessus. « Et, où est maintenant le roi Alphonse ? » demanda Pierre. Alors un autre spectre, qu’il n’avait pas vu d’abord, et qu’il aperçut dans l’embrasure de la fenêtre, lui dit : « Sanche ne peut rien vous apprendre touchant le roi d’Aragon ; il n’y a pas assez longtemps qu’il est dans notre bande, pour en savoir des nouvelles ; moi, qui suis mort il y a cinq ans, je puis vous en dire quelque chose. Alphonse, après son trépas, a été quelque temps avec nous ; mais les prières des bénédictins de Gluny l’en ont tiré, et je ne sais où il est à présent. » Alors les deux revenants sortirent. Pierre éveilla sa femme et lui demanda si elle ne devait rien à Sanche. « Je lui dois encore huit sous, » répondit-elle. Pierre ne douta plus, fit des prières et distribua des aumônes pour l’âme du défunt[515].

Sandalphon, l’une des trois intelligences supérieures de la cabale juive.

Sang. Les anciens regardaient le sang de taureau comme un poison ; Plutarque rapporte que Thémistocle s’empoisonna avec ce sang ; Pline conte que les prêtres d’Égine ne manquaient jamais d’en avaler avant de descendre dans la grotte où l’esprit prophétique les attendait. Quoi qu’il en soit, le sang de taureau n’empoisonne pas, à moins qu’il ne soit vicié ; tous les jours on en fait du boudin. Pline assure que le sang de cheval tue aussi l’homme ; mais il se contredit dans un autre passage, lorsqu’il dit que les Sar-mates mêlaient de la farine et du sang de cheval pour en faire des gâteaux fort délicats. Enfin les anciens, qui regardaient le sang de taureau comme un poison pour le corps, l’estimaient comme un remède pour l’âme ; on expiait les crimes en se faisant asperger de sang de taureau. On immolait un taureau, on en recueillait le sang dans un vase dont le fond était percé de petits trous, le criminel se tenait dessous ; après quoi il se retirait purifié.

Parmi les classes populaires en Suède, et surtout parmi les paysans, règne une croyance absurde, à savoir, que le sang d’une personne décapitée, lorsqu’on en boit et surtout lorsqu’on l’avale tout chaud au moment où il jaillit du corps, immédiatement après la décollation, fait vivre très-longtemps, rend robustes les faibles, bien portants les malades, et guérit toutes les maladies, particulièrement l’épilepsie.

Sanger (Rénée), jeune fille née à Munich vers 1680, à cette époque sauvage où la guerre de trente ans avait ramené toutes les perversités des plus mauvais jours. Une vieille femme l’initia

 
 
aux mystères diaboliques dès l’âge de sept ans ; à onze ans, elle reçut d’autres leçons d’une servante, d’une grande dame et de deux officiers. Elle alla aux réunions du sabbat ; là, pour prix de sa formelle apostasie, on lui promit soixante-dix ans de vie et de santé. Mais à l’âge de dix-neuf ans, ses parents, qui ne soupçonnaient rien de son état, la mirent dans un couvent où elle se trouva en clôture ; il lui fallut donc vivre d’hypocrisie et de dissimulation. Elle joua si bien son personnage que, dans son monastère d’Unterzell, elle devint sous-prieure ; mais la contrainte où elle vivait lui pesait trop, quoique en secret elle cultivât la magie. Des contrariétés qui lui vinrent la poussèrent à ensorceler les religieuses ses compagnes. Aussitôt elles furent troublées de maladies, de visions, de tumultes nocturnes, d’oppressions, de mauvais traitements et de singuliers vertiges. On découvrit enfin, par des exorcismes, que ce désordre était l’œuvre de la sous-prieure. On trouva dans sa chambre des boîtes d’onguent, des herbes magiques, un vêtement jaune et d’autres objets singuliers. Reconnue coupable, elle fut remise aux juges séculiers, qui la condamnèrent à la peine de mort. On voit qu’elle se repentit ; mais les maux qu’elle avait causés étaient si grands qu’elle fut exécutée le 21 janvier 1749. Oswald Loschert, abbé d’Oberzëll, et témoin de tous les faits, a écrit l’histoire de cette possession et l’a envoyée à Marie-Thérèse.

Santabarenus. Basile, empereur de Constantinople, ayant perdu son fils Constantin, qu’il aimait uniquement, voulut le voir à quelque prix que ce fût. Il s’adressa à un moine hérétique, nommé Santabarenus, qui, après quelques conjurations, lui montra un spectre semblable à son fils[516].

 
 

Pareillement, un prétendu sorcier a fait voir à un fanatique admirateur de Frédéric II le spectre de ce roi de Prusse, et cela de notre temps, par la fantasmagorie, qui a été certainement connue des anciens.

Saphis, morceaux de papier sur lesquels sont écrits des passages du Koran, et que les Maures vendent aux nègres, comme ayant la propriété de rendre invulnérable celui qui les porte.

Sapondomad, génie sous la protection duquel est la terre, et qui, selon les Guèbres, fait des souhaits pour celui qui la cultive, et des imprécations contre celui qui la néglige.

Sarcueil, démon que nous ne connaissons pas, invoqué dans les litanies du sabbat.

Sare (Marguerite de). Prévenue de sorcellerie à seize ans, elle mourut en prison à Bordeaux, où elle avait été renfermée pour avoir fait un pacte avec le diable[517] vers l’an 1600.

Sarmenius-Lapis, pierre à laquelle on attribuait la vertu de prévenir les avortements.

Sas, divination par le sas ou tamis. Voy. Cosquinomancie.

Satan, démon du premier ordre, du troisième selon Réginald Scott, chef des démons et de l’enfer, selon l’opinion générale ; démon de la discorde, selon les démonomanes, prince révolutionnaire dans l’empire de Belzébuth. Quand les anges se révoltèrent contre Dieu, Satan, alors gouverneur d’une partie du nord dans le ciel, se mit à la tête des rebelles ; il fut vaincu et précipité dans l’abîme. Le nom de Satan en hébreu veut dire ennemi, adversaire. Milton dit que Satan est semblable à une tour par sa taille, et, un peu plus loin, il fixe sa hauteur à quarante mille pieds. Il n’est pas invoqué dans les litanies du sabbat.

On a publié, il y a vingt ans, une Lettre de Satan aux francs-maçons ; elle eût pu être plus piquante. On a vu de nos jours, à Paris, un journal intitulé d’abord Satan, et ensuite le Corsaire-Satan, comme il y en avait un à Bruxelles intitulé Méphistophélès. Ce ne sont pas des esprits bien spirituels qui se mettent ainsi sous le couvert des esprits malins.

Satan, un jour, s’est montré à Faust, sous la forme d’un âne, avec des cornes longues d’une aune et la queue d’un chat[518].

Satanaki. On voit dans Psellus que les manichéens, ou du moins quelques-unes de leurs sectes, rendaient un culte à Satanaki, créateur des animaux et des plantes.

Satamins, démons contradicteurs de la suite de Satan, dans la cabale juive.

Satanalogie. Dans un tableau remarquable des écarts de l’école philosophique allemande, publié à Louvain il y a quelques années, le savant professeur Moeller a consacré un curieux chapitre à la satanalogie. Nous ne pouvons faire mieux que de le reproduire ici :

« La théorie du Christianisme de Schelling serait incomplète s’il avait passé sous silence l’esprit puissant qui, depuis le commencement des choses, a joué un si grand rôle dans le monde. La satanalogie, ou la théorie du démon, ne pouvait manquer de trouver place dans son système. Ce chapitre de sa philosophie actuelle est si remarquable, il renferme des idées sur la nature du démon tellement neuves (mais erronées), il présente sur cette puissance méconnue jusqu’ici des vues et des éclaircissements si extraordinaires, qu’il mérite de fixer toute l’attention des savants. Nous l’exposerons donc à nos lecteurs, espérant qu’ils parviendront à comprendre le vrai sens des idées du philosophe de Berlin.

» Satan, selon lui, était d’abord une puissance, un principe universel : tout le système repose, comme on sait, sur des puissances qui précèdent des réalités. Dieu lui-même débute[519] comme puissance, et il en est de même du démon. Schelling avoue cependant que le mot hébreu husatan, avec l’article défini, signifie un adversaire déterminé, qu’on peut concevoir comme personne individuelle ou comme esprit général.

» Dans le Nouveau Testament, Satan est représenté comme l’adversaire du Christ, qui est venu pour détruire ses œuvres. Cette position du prince des ténèbres prouve sa dignité. S’il n’eût été qu’une simple créature, la lutte, qui ne peut avoir lieu qu’entre des puissances égales, n’aurait pas été possible entre le Christ et Satan. Le Christ n’aurait pas eu un adversaire digne de lui, s’il n’avait eu affaire qu’à une pauvre créature. Les grands préparatifs, les travaux et les souffrances du Sauveur ne pourraient alors se comprendre, dit-il. On a jusqu’ici regardé le diable comme une créature qui, bonne d’abord, devint méchante ; mais, selon Schelling, c’est une erreur. Les bogomiles, secte hérétique du onzième siècle, avaient mieux compris la nature du démon, dont ils faisaient le frère aîné du Christ… Dans le Nouveau Testament, Satan est nommé le prince de ce monde : l’apôtre saint Paul l’appelle même le dieu de ce monde. Il a ses anges, ses ministres à lui ; voilà des dignités auxquelles une simple créature ne peut aspirer. Il est donc évident, pour Schelling, que Satan est un principe ou une puissance ; qu’il est reçu dans l’économie de Dieu, dans l’ensemble des puissances, et que nous lui devons du respect comme à une puissance légitime…

» Il n’est pas permis, dit Schelling, de le méconnaître, de le mépriser, de s’en moquer. Témoin l’apôtre saint Jude, qui, parlant de lui, dit que l’archange Michel, dans la contestation qu’il eut avec le démon touchant le corps de Moïse, n’osa le condamner avec exécration et se contenta de lui dire : « Que le Seigneur te réprime ! » (Epist., vers. 9.) Le même apôtre, continue Schelling, blâme ceux qui méconnaissent la dignité des démons, et dit d’eux : « Ces personnes méprisent la domination et blasphèment la majesté. » (Vers. 8.) L’apôtre nomme ici le démon la domination, s’il faut suivre l’interprétation de Schelling, comme on dit sa seigneurie en parlant d’un seigneur ; car c’est de la majesté du démon qu’il est question, dit-il. Saint Pierre, dans sa seconde épître, se trouve d’accord avec saint Jude ; il parle également, en les blâmant, de ces personnes qui méprisent les puissances. (Vers. 10.) Dans ces puissances, le philosophe allemand voit encore les demons. Schelling nous explique aussi la cause de la lutte de saint Michel contre le démon : « Le corps de Moïse était le principe cosmique et païen, qui existait encore dans le judaïsme : voilà pourquoi le démon prétendit avoir un droit sur ce corps. » Si Satan n’avait été qu’une créature, comment, demande Schelling, aurait-il pu montrer au Christ tous les royaumes du monde, avec leur gloire et lui dire : Je vous donne tout cela, si vous voulez m adorer ?… Satan est donc un principe cosmique…

» Sachant maintenant la haute dignité de Satan, il nous reste à comprendre quelle est son origine. Nous avons assigné, dit Schelling, au Christ une position intermédiaire entre Dieu et la créature. Son antagoniste, le démon, ne pouvait lui être inférieur, puisque le combat devait avoir lieu entre des personnes d’un rang égal. Par conséquent, Satan n’est ni créateur ni créature, mais une puissance intermédiaire, fonctionnant dans l’économie de Dieu. Quelle est cette fonction ? L’Écriture sainte lui donne plusieurs épithètes ; elle le nomme accusateur, calomniateur, celui qui excite des soupçons et des doutes. Le vrai sens de ces dénominations se trouve dans le livre de Job. Dans l’introduction de ce livre, il est dit qu’un jour Satan se présenta hardiment parmi les enfants de Dieu, pour rendre suspectes les intentions de l’ancien émir. Dieu lui permit alors de dépouiller Job de sa fortune. Satan, incapable d’ébranler la fidélité du serviteur de Dieu, apparut une seconde fois devant le Seigneur pour l’accuser. Voilà, dit Schelling, la fonction du démon : d’accuser les hommes devant Dieu, de prévenir Dieu contre eux, d’éveiller des doutes et des soupçons sur leur conduite. Il est, par conséquent, le principe actif qui travaille à la manifestation de ce qui est caché. Sous son influence, l’incertain devient certain, et ce qui est encore indécis parvient à être décidé.

» En vertu de ce principe, le mal qui est caché au fond du cœur de l’homme se manifeste, et Satan contribue ainsi à la gloire de Dieu ; car le mal, pour pouvoir être vaincu et repoussé, doit être mis à nu. C’est à cause de cela qu’il remplit de si importantes fonctions lors de la chute de l’homme. Si l’homme eût soutenu l’épreuve à laquelle il fut soumis, la fonction de Satan aurait été terminée ; mais l’homme succomba, et ce fut au Christ de vaincre le démon. D’après Schelling, Satan était donc d’abord une puissance ayant pour fonction de révéler ce qui était caché au fond des cœurs ; et ce ne fut pas Satan qui corrompit l’homme, mais bien l’homme qui corrompit le démon. — L’homme, dans son état primitif d’innocence, fut, dit-il, un être indécis ; il ne prit une décision que par sa chute. L’être aveugle, le principe de toute existence, même celle de Dieu, était caché et latent au fond de l’homme et devait rester dans cet état pour toujours. (On nous excusera de citer ces erreurs.) Le principe aveugle était renfermé dans des limites qu’il n’aurait jamais dû franchir ; mais Satan, le principe incitatif, vint alors et remua l’homme. Celui-ci éveilla le principe aveugle qui s’empara de lui et l’assujettit. Dès lors Satan devint méchant ; il devint une personne réelle et cosmique qui tend partout des pièges à l’homme.

» Aucune notion, dit encore Schelling, n’est aussi dialectique que celle de Satan, qui varie à chaque époque de son existence. D’abord il n’est pas méchant du tout ; il révèle seulement le mal caché dans l’homme ; mais insensiblement il s’envenime, il s’empire et devient méchant à la fin de la lutte, lorsque sa puissance lui a été enlevée par le Christ. Cependant il continue à exister ; et l’on doit toujours être sur ses gardes pour ne pas retomber sous sa puissance. Mais à la fin, lorsque le Fils aura assujetti toutes choses au Père, lorsque Dieu sera devenu tout en tous, Satan aura terminé sa carrière.

» Schelling explique, dans sa Satanalogie, plusieurs autres passages du Nouveau Testament. — Satan, comme créature, n’aurait jamais eu, dit-il, de puissance sur l’homme ; mais comme principe universel et cosmique, il est le dieu du monde. Tous les hommes sont soumis à son pouvoir ; car chacun de nous sait que toute sa vie, quoiqu’il fasse, est mauvaise devant Dieu. C’est dans ce sens que l’Apôtre dit : — Nous avons à combattre, non contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances de l’air.

» Dans la Genèse, continue-t-il, Satan est représenté comme un serpent. Le symbole est vrai et profond, car le démon s’insinue d’une manière imperceptible et empoisonne notre intérieur. Il est la Proserpine de la mythologie ancienne ; ce nom en effet vient de proserpere, ramper. Ce qui se passa intérieurement dans l’homme est raconté dans la Genèse comme un fait extérieur. — C’est un mythe, si l’on veut, mais c’est un mythe nécessaire, puisque le principe latent sollicite continuellement l’homme pour arriver à une existence réelle. Il rôde autour de l’homme comme un lion affamé, cherchant son repos dans l’homme, là où il trouve l’entrée ouverte ; et chassé d’un lieu, il se rend à un autre. Il est le principe mobile de l’histoire, qui sans lui arriverait bientôt à un état de stagnation et de sommeil. Il dresse toujours des embûches à la conscience de l’homme, car la vie consiste dans la conscience du moi.

» Comparons encore, continue Schelling, notre manière de voir avec d’autres passages des saintes Écritures. Nous lisons dans l’Apocalypse que Satan tomba du ciel sur la terre. Il ne s’agit pas ici d’un bon ange devenu méchant, mais d’un changement des relations du démon avec Dieu. Il perdit par le Christ sa fonction religieuse, et acquit en même temps une existence politique ; son action se révéla sur les champs de bataille arrosés de sang. C’est donc, selon Schelling, dans la politique, que, de nos jours, le démon exerce son empire. Lorsque saint Jean dit : Celui qui commet le péché est du diable, parce que le diable pèche dès le commencement, » on ne doit pas entendre par ces paroles le commencement de son existence, mais de son activité ; car aussi longtemps qu’il resta dans un état latent, comme puissance inactive, il n’était pas encore question de lui. En dehors de cette fonction historique et politique, Satan est encore en rapport avec chaque homme. — Chacun de nous, dit Schelling, naît sous l’influence du principe satanique ; et c’est là le vrai sens du péché originel, qui n’est nié que par une philosophie superficielle… L’avénement du Christ fut le moment de la crise pour Satan. — C’est maintenant, dit saint Jean, que le prince du monde va être chassé dehors. » C’est-à-dire, selon Schelling, il perd son domaine dans la religion pour le regagner dans la politique.

» Schelling ajoute quelques observations sur les anges tant bons que mauvais. Que les anges soient pour lui des puissances, cela va sans dire. « Les mauvais anges, dit-il, sont des puissances négatives ; à chaque royaume et à chaque province de Satan, préside une de ces puissances, dont il est le chef qui les gouverne toutes. Quant à leur naissance, elle est la même que celle de leur chef. Cerne sont pas des êtres créés ; ils doivent, comme lui, leur existence à la volonté de l’homme. La raison de leur existence est cependant posée par la création : ce sont des possibilités opposées à la création réelle. Aussitôt] que la création fut terminée, les possibilités négatives devaient apparaître. Si un état, par exemple, se forme, tous les crimes deviennent possibles. Les bons anges, comme les mauvais, sont des puissances, mais opposées à ceux-ci. » Ici se manifestent, selon Schelling, des relations très-intéressantes et très-remarquables : lorsque les mauvais anges deviennent des réalités, les bons anges deviennent des possibilités ; et la réalité des bons anges réduit les mauvais à de pures possibilités. Les mauvais anges sortirent, par le péché de l’homme, de leur état purement potentiel et devinrent des réalités ; par conséquent les bons anges, les anges positifs, furent renfermés dans la simple potentialité. C’est là le sens de cette expression ; ils restaient dans le ciel, c’est-à-dire dans l’état potentiel. L’homme se sépara, par sa chute, de son bon ange, qui fut mis en dehors de lui et privé de son existence réelle. Les bons anges sont les idées positives, ce qui doit être. L’homme donc, ayant accueilli par sa volonté ce qui ne doit pas être, a chassé le contraire. Toutefois ces idées positives suivirent, comme des envoyés divins, l’homme même dans son plus grand éloignement de Dieu. C’est ainsi qu’on peut dire avec raison que chaque homme se trouve placé entre son bon et son mauvais ange…

» Tout homme et tout peuple a son ange. Aussi longtemps que l’homme ne s’était pas séparé de Dieu, les bons anges n’avaient pas besoin de le suivre. Voilà pourquoi le Christ dit des enfants que leurs anges voient toujours le visage du Père dans le ciel : ce qui veut dire que les enfants sont auprès de Dieu. À l’époque de la crise, vers la fin de la lutte décidée par le Christ, les anges reviennent plus souvent. Ils apparaissent alors plusieurs fois, car les bons anges sont les ministres du Christ. Ils échangent alors la possibilité avec la réalité, tandis que les mauvais anges rentrent de nouveau dans l’état de simple possibilité. Les mauvais anges sont, d’après l’Épître de saint Jude, retenus par des chaînes éternelles dans les profondes ténèbres, jusqu’au grand jour du jugement. »

C’est là de la philosophie allemande (et condamnée) que nous ne donnons qu’à titre de curiosité. On y voit qu’en se perdant parmi les nuages germaniques, Schelling peut altérer les grandes vérités, mais non les nier.

Satyres. Les satyres étaient chez les païens des divinités champêtres qu’on représentait comme de petits hommes velus, avec des cornes et des oreilles de chèvre, la queue, les cuisses et les jambes du même animal.

Pline le naturaliste croit que les satyres étaient une espèce de singes, et il assure que dans une montagne des Indes il se trouve des singes qu’on prendrait de loin pour des hommes : ces sortes de singes ont souvent épouvanté les bergers. Les démonomanes disent que les satyres n’ont jamais été autre chose que des démons qui ont paru sous cette figure sauvage ; les cabalistes n’y voient que des gnomes.

Saint Jérôme rapporte que saint Antoine rencontra dans son désert un satyre qui lui présenta des dattes, et l’assura qu’il était un de ces habitants des bois que les païens avaient honorés sous les noms de satyres et de faunes ; il ajouta qu’il était venu vers lui comme député de toute sa nation, pour le conjurer de prier pour eux le Sauveur, qu’ils savaient bien être venu en ce monde. Les satyres ne seraient ainsi que des sauvages.

Le maréchal de Beaumanoir chassant dans une forêt du Maine, en 1599, ses gens lui amenèrent un homme qu’ils avaient trouvé endormi dans un buisson, et dont la figure était très-singulière : il avait au haut du front deux cornes, faites et placées comme celle d’un bélier ; il était chauve, et avait au bas du menton une barbe rousse par flocons, telle qu’on peint celle des satyres. Il conçut tant de chagrin de se voir promener de foire en foire, qu’il en mourut à Paris, au bout de trois mois. On l’enterra dans le cimetière de Saint-Côme. « Sous le roi Étienne, dit Leloyer, en temps de moissons, sortirent en Angleterre deux jeunes enfants de couleur verte, ou plutôt deux satyres, mâle et femelle, qui, après avoir appris le langage du pays, se dirent être d’une terre d’antipodes, où le soleil ne luisait, et ne voyaient que par une lumière sombre qui précédait le soleil d’orient, ou suivait celui d’occident. Au surplus, étaient chrétiens et avaient des églises. » Enfin, un rabbin s’est imaginé que les satyres et les faunes des anciens étaient en effet des hommes, mais dont la structure était restée imparfaite, parce que Dieu, lorsqu’il les faisait, surpris par le soir du sabbat, avait interrompu son ouvrage.

Saubadine de Subiette, mère de Marie de Naguille, sorcière, que sa fille accusa de l’avoir menée au sabbat plusieurs fois[520].

Sausine, sorcière et prêtresse du sabbat. Elle était très-considérée des chefs de l’empire infernal. C’est la première des femmes de Satan. On

 
 
l’a vue souvent, avec ses yeux troubles, dans les assemblées qui se tenaient au pays de Labour[521].

Saute-Buisson. Voy. Verdelet.

Sauterelles. Pendant que Charles le Chauve assiégeait Angers, des sauterelles grosses comme le pouce, ayant six ailes, vinrent assaillir les Français. Ces ennemis d’un nouveau genre volaient en ordre, rangés en bataille, et se faisaient éclairer par des piqueurs d’une forme élancée. On les exorcisa, suivant l’usage du temps, et, chose qui surprend les niais, le tourbillon, mis en déroute, s’alla précipiter dans la mer[522].

Sauveurs d’Italie, charlatans qui se disent parents de saint Paul et portent imprimée sur leur chair une figure de serpent qu’ils donnent pour naturelle. Ils se vantent de ne pouvoir être blessés par les serpents, ni par les scorpions, et de les manier sans danger.

Savon. Dans l’île de Candie et dans la plupart des îles de Turquie et de la Grèce, on évite d’offrir du savon à quelqu’un. On craindrait par là d’effacer l’amitié.

Savonarole (Jérôme), célèbre dominicain ferrarais du quinzième siècle. Machiavel dit qu’il avait persuadé au peuple de Florence qu’il parlait avec Dieu. Nardin, dans son Histoire de Florence, livre II, dit que les partisans de Savonarole étaient appelés Piagnoni, les pleureurs, et ses ennemis Arrabiati (les enragés) ou les indisciplinables[523]. Nous ne jugerons pas ici cet homme, qui put bien avoir des torts graves.

Sayrims, ministres de Satan dans la cabale.

Scaf ou Schaf, magicien du canton de Berne, au quinzième siècle. Il pouvait, disait-il, se changer en souris pour échapper à ses ennemis, qui le prirent et le tuèrent.

Scandinaves. Alfader est le plus ancien des dieux dans la Théogonie des Scandinaves. L’Edda lui donna douze noms : premièrement, Alfader (père de tout) ; deuxièmement, Héréon (seigneur ou plutôt guerrier); troisièmement, Nikar (le sourcilleux), lorsqu’il est mécontent ; quatrièmement, Nikuder (dieu de la mer) ; cinquièmement, Fiol-ner (savant universel); sixièmement, Orne (le bruyant); septièmement, Bifid (l’agile); huitièmement, Vidrer (le magnifique); neuvièmement, Svidrer (l’exterminateur); dixièmement, Svider (l’incendiaire) ; onzièmement, Oské (celui qui choisit les morts); douzièmement, Falker (l’heureux). Alfader est le nom que l’Edda emploie le plus souvent. Voy. Odin.

Schada-Schivaoun, génies indiens qui régissent le monde. Ils ont des femmes ; mais ce ne sont que des attributs personnifiés. La principale se nomme Houmani : c’est elle qui gouverne le ciel et la région des astres.

Schadukian, province du Ginnistan, que les romans orientaux disent peuplée de dives et de péris.

Schamanes, sorciers de la Sibérie, qui font des conjurations pour retrouver une vache perdue, pour guérir une maladie, et qui invoquent les esprits en faveur d’une entreprise ou d’un voyage. Ils sont très-redoutés. Schéda, le Faust juif aux premiers temps de notre ère. Il se vantait d’avoir appris beaucoup avec le diable.

Schédims, ministres de Samaël dans la cabale.

Scheithan, Satan chez les musulmans, qui ne prononcent jamais son nom sans ajouter : Dieu nous en préserve !

Schenck (Jean-Georges), médecin de Haguenau qui publia, en 1609, une curieuse histoire des monstres : Monstrorum hisloria mirabilis. Francfort ; in-4o.

Schéol. Nom de l’enfer chez les Hébreux.

Schertz (Ferdinand), auteur de la Magia posthuma. Olmutz, 1706. Voy. Vampires.

Schmidt (Hans), jeune forgeron d’Heydingsfeld, envoyé à Ingolstadt pour acheter du fer avec un compagnon nommé Wolf, fut enrôlé par lui dans les bandes du diable. Wolf lui prêta un petit livre de magie et ne le lui expliqua que quand ce jeune homme lui eut juré de le suivre

 
 
dans sa voie. Alors il lui dit qu’il devait tous les matins se lever en sortant du lit le pied gauche et invoquant le nom du diable, puis lire un passage du livre magique. Mais Hans s’effraya bientôt, jeta son livre et voulut se dégager. Dès lors Wolf, devenu son ennemi, le persécuta, cherchant à le tuer. Il s’enfuit de chez son maître, rencontra le démon qu’il avait invoqué, s’égara, fut accablé de peines diverses et ne put être délivré que par les exorcismes.

Schoumnus, fées malfaisantes très-redoutées des Kalmouks ; elles se nourrissent du sang et de la chair des humains, prennent souvent la forme de femmes charmantes ; mais un air sinistre, un regard perfide, dévoilent leur âme infernale. Quatre dents de sanglier sortent ordinairement de leur bouche, qui se prolonge quelquefois en trompe d’éléphant.

Schramm (Michel), jeune Allemand qui faisait ses études à Wurzbourg, et qui, selon l’usage malheureusement trop fréquent, y fit de mauvaises connaissances. Il avait dix-sept ans, lorsqu’un de ses amis qui, comme lui, étudiait le droit le présenta chez un homme qui s’occupait de magie. Tout en buvant, on parla d’une certaine racine qui, introduite dans un doigt, ouvrait les portes et les caisses et attirait l’or. Le magicien ajouta qu’il était facile de se la procurer ; qu’il fallait seulement avoir le courage de supporter la vue du démon, qui du reste n’était pas trop désagréable, et lui signer un petit écrit.

 
 
Cette merveille les tente ; le magicien rédige deux pactes, pique à chacun des deux étudiants un doigt ; il en sort une goutte de sang avec laquelle ils signent leur engagement. Le magicien leur donne à chacun un bâton, les conduit à un carrefour hors de la ville, trace autour d’eux un cercle et appelle le diable, qui paraît sous les traits d’un jeune homme. L’épouvante les saisit, et ils veulent fuir ; mais le magicien les avait liés. Ils présentent en tremblant leurs pactes, au bout de leurs bâtons ; le diable fixe alors la racine magique dans leurs doigts, à l’endroit qui avait


  1. Tacite, Annales, 55.
  2. M. Saiguesy, Des erreurs, t. III, p. 370.
  3. M. Jules Garinet, Hist. de la magie en France, p. 129.
  4. Voyez cette vision dans les Légendes de l’autre monde.
  5. Pomponii Gaurici Neapolitani tractatus de symmetriis, lineamentis et physiognomonia, ejusque speciebus, etc., Argentor., 1630, avec la Chiromancie de Jean Ab Indagine.
  6. Lucœ Gaurici geophonensis episcopi civitatensis tractai us astrologicus, in quo agitur de prœteritis multorum hominum accidentibus per proprias eorum genituras, ad unguem examinatis. Venetiis. In-4°, 1552.
  7. M. de Marchangy, Tristan le voyageur, ou la France au quatorzième siècle, t. I er, ch. {{{1}}}
  8. Cet écrivain, se trompant comme tant d’autres, cite Galilée. Voyez Galilée.
  9. M. Garinet, Histoire de la magie en France, p. 162.
  10. Delanere, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., liv. I, p. 22.
  11. Hexameron de Torquemada, quatrième journée.
  12. Des erreurs et des préjugés, etc., t. II, p. 49 et suivantes.
  13. Le solide trésor du Petit Albert.
  14. Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des esprits, liv. IV, p. 303.
  15. Salgues, Des erreurs et des préjugés.
  16. Le Petit Albert.
  17. Tableau de l’inconstance des démons, sorciers et magiciens, liv. IV, p. 284.
  18. Le Petit Albert, p. 156.
  19. M. l’abbé Blampignon, dans la remarquable vie de Malebranche, qu’il a mise en avant de sa précieuse étude sur ce grand homme, n’a pas cité ce fait.
  20. Bodin, Démonomanie, liv. IV.
  21. Delrio, Disquisitions magiques.
  22. Delancre, De l’inconstance, etc.
  23. Bodin, Démonomanie.
  24. Rapporté par Pierre Delancre.
  25. Cœsarii Heisterb. miracul., lib. V, cap. liii.
  26. Cassiani collat. VII, cap. xxxii.
  27. Guillelmi Parisiensis partis II princip., cap. viii.
  28. Plin., lib. XVI, epist. xxvii.
  29. Voyez cette aventure résumée dans les Légendes des esprits et démons.
  30. M. Ferdinand Denis. Le monde enchante.
  31. Histoire des spectres, etc.
  32. Magnus veniet, et transibit montes et aquas cœli, regnabit in paupertate et in silentio dominabitur, nasceturque ex utero virginis.
  33. Voyez la légende de Sylvain Mareschal dans les Légendes de l’autre monde.
  34. Wierus, in Pseudomonarchia dœmon.
  35. Les voici. En jetant l’eau sur le marc :Aqua boraxit venias carajos; en remuant le marc avec la cuiller :Fixatur et patrîcam explinabit tornare; en répandant le marc sur l’assiette :Hax verlicaline, pax fantas marobum, max destinatus, veida porol. Ces paroles ne signifiant rien, ne s’adressant à personne, pourraient bien être sans utilité.
  36. Wierus, in Pseudomonarchia dæmon.
  37. Delancre, Incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincues, p. 270.
  38. Voyez cette légende dans les Légendes des vertus théologales.
  39. Recueil de dissertations de Lenglet-Dufresnov, t. I, p. 156.
  40. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., tiv. II, p. 416.
  41. Les Russes supposent au nombre trois une vertu particulière. Bog tionbit troitzon est un dicton populaire qui signifie : Dieu aime le nombre trois.
  42. M. Chopin, De l’état actuel de la Russie, ou coup d’œil sur Saint-Pétersbourg, p. 82.
  43. M. Garinet, Histoire de la magie en France.
  44. Il tenait sa belle-mère enfermée dans un cachot ignoré de tous, connu de lui seul ; il s’obstina en mourant à ne pas révéler son affreux secret…
  45. M. François Hugo nous a fait connaître le poëme de Marlowe, dans la Revue française, mai 4858.
  46. Tableau de l’inconstance des démons, p. 403.
  47. Wierus, in Pseudomonarchia daemon.
  48. M. Garinet, Hist. de la magie en France, p. 446.
  49. Bergier, Dictionnaire théologique.
  50. De masticatione mortuorum in tumulis.
  51. Histoire de l’ordre du Saint-Esprit, promotion de 1579.
  52. Voyez sa légende dans les Légendes du calendrier.
  53. M. Marmier, Traditions de la Baltique.
  54. Voyez sa légende dans les Légendes des esprits et démons.
  55. Bergier, Dictionnaire théologique.
  56. Libri très de resurrectione mortuorum. Amsterdam, 4 636, in-8o. Typis sumptibus auctoris.
  57. Spes Israelis, Amsterdam, 4650, in-42.
  58. En hébreu. Amsterdam, 5442 (4652), in-4o.
  59. M. de Marchangy, Tristan le voyageur, ou la France au quatorzième siècle, t. Ier.
  60. Leloyer, Histoire des spectres et des apparitions des esprits, liv. IV, p. 340.
  61. MM. Desaur et de Saint-Geniès, les Aventures de Faust, t. Ier.
  62. Albert le Grand, Admirables secrets, p. 445.
  63. M. le vicomte de la Villemarqué vient de publier sur ce personnage un livre très-remarquable et très-curieux, intitulé Myrdhinn, ou l’enchanteur Merlin, son histoire, ses œuvres, son influence. In-8°. Paris, 1862. Nous ne devions donner ici que les traditions populaires.
  64. Delancre, Incrédulité et mécréance, etc., p. 506.
  65. Voyez, sur le Messie des Juifs, les Légendes de l’Ancien Testament, à la fin.
  66. Gualbert, Vie de Charles le Bon’, ch. xviii, dans la collection des bollandistes, 2 mars.
  67. P. Nicolle, sous le nom de Damvilliers, Lettres des visionnaires ; Baillet, Jugements des savants, Préjugés des titres des livres.
  68. Cambry, Voyage dans le Finistère, 1. 1, p. 242.
  69. M. Ch. Babou a donné sur lui des détails curieux dans le Châtiment des pipeurs et charlatans.
  70. Delancre, Tableau de l’inconstance des démons, liv. VI, p. 423.
  71. Brown, Essai sur les erreurs populaires, liv. VII, ch. xviii, p. 334.
  72. Lenglet-Dufresnoy, Recueil de dissertations, t. 1, p. 462.
  73. Clavicules de Salomon, p. 20.
  74. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., liv. II, p. 66.
  75. Dom Calmet, Dissert, sur les apparitions, p. 445
  76. Mirabilis liber qui prophetias revelationesque, necnon res mirandas, prœteritas, prœsenles et fuluras aperte demonstrat. In-4°. Paris, 1522.
  77. Voyez, dans les Légendes des sept péchés capitaux, la légende de Tachelin.
  78. On contait devant M. Mayran qu’il y avait une boucherie à Troyes où jamais la viande ne se gâtait, quelque chaleur qu’il fit. Il demanda si dans le pays on n’attribuait pas cette conservation à quelque chose de particulier. On lui dit qu’on l’attribuait à la puissance d’un saint révéré dans l’histoire. « Eh bien, dit M. Mayran, je me range du côté du miracle, pour ne pas compromettre ma physique. » Ce saint est saint Loup.
  79. Marmier, Traditions de la mer Baltique.
  80. De la Chaldée et des Chaldéens.
  81. Cæsarii Heisterbach., De tentat., lib. IV; Miracul., cap. lxxxvii.
  82. Voyez ces excentricités dans les Légendes de l’Ancien Testament.
  83. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, etc., t. III, p. 116
  84. Lebrun, Histoire des superstitions, t. I, p. 442
  85. M. de Chateaubriand, Génie du christianisme.
  86. Muret, Des cérémonies funèbres.
  87. De Ch. Perrault, attribués mal à propos à Scarron.
  88. Muret, Des cérémonies funèbres, etc
  89. Stanislas Bell. Voyage en Circassie.
  90. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. II, p. 15.
  91. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. II, p. 170.
  92. Voyage en Australie, par le R. P. Salvado, traduit par M. Charles Auberive.
  93. Leloyer, Histoire et discours des spectres.
  94. Les Acliatiques étaient des fêtes qui se célébraient tous les trois ans en l’honneur d’Apollon. Elles avaient pris leur nom du promontoire d’Actium. Ces fêtes consistaient en jeux et danses ; on y tuait un bœuf qu’on abandonnait aux mouches, dans la persuasion où l’on était que, rassasiées de son sang, elles s’envolaient et ne revenaient plus. Auguste, vainqueur de Marc-Antoine, renouvela les jeux Actiatiques ; on ne les célébra d’abord qu’à Actium, et tous les trois ans ; mais ce prince en transporta la célébration à Rome et en fixa le retour tous les cinq ans.
  95. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., p. 503.
  96. Abrégé des Voyages, par la Harpe.
  97. Remi, Démonologie.
  98. Bodin, Démonomanie, p. 396.
  99. Chilpéric Ier.
  100. C’est l’herbe que les paysans appellent l’herbe à cochon.
  101. Grégoire de Tours, livre IV de l'Histoire des Francs. Cité par M. Garinet, Histoire de la magie en France.
  102. M. Baston, Jean Bockelson. Fragment historique tiré d’un manuscrit contemporain de la prévôté de Varlard.
  103. Wierus, in Pseudomonarchia dæmon.
  104. Wierus, in Pseudomonarchia dæmonum.
  105. Et plus exactement Nebuchadnetzar, nom qui signifie Nebo le dieu prince, et Nebo serait le nom chaldéen de la planète de Mercure (M. Eugène Boré, De la Chaldée et des Chaldéens).
  106. Chevræana, t. I, p. 249.
  107. Voyez sur ces faits de curieux détails dans l’intéressant voyage de M. l’abbé Brasseur de Bourbourg, sur l’isthme de Téhuantépec, l’État de Chiapos et la république de Guatémala.
  108. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. II, p. 66.
  109. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. II, p. 118.
  110. Johnston, Thaumatographia naturalis.
  111. Journal des Débats du 25 janvier 1819.
  112. Nous traduisons le Dieu des armées ; mais Deus sabaoth veut dire le Dieu des phalanges célestes.
  113. Leloyer. Histoire des spectres ou apparitions des esprits, liv. V, p. 544.
  114. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. III, p. 231.
  115. P. Mérimée, Colomba.
  116. Legenda aurea Jacobi de Voragine, leg. lxiv. Voyez sur les nègres les Légendes de l’Ancien Testament, p. 84.
  117. Saint-André, Lettres sur la magie.
  118. D’Herbelot, Bibliothèque orientale, art. Div.
  119. Suétone, Vie de Néron, ch. xxiv.
  120. Traditions populaires du Nord. (Revue britannique, 1837.)
  121. Voyez son aventure dans les Légendes infernales.
  122. Delancre, Incrédulité et mécréance de la divination, du sortilège, etc., tr. VI, p. 318.
  123. Voyez ces légendes dans les Légendes de l’Ancien Testament.
  124. Lettres de Saint-André sur la magie, etc.
  125. Albert le Grand, p. 199.
  126. De Thou rapporte que le fils de Nostradamus se disait héritier du don de son père, et se mêlait de prédire comme lui. Lorsqu’on assiégeait le Poussin, en Dauphiné, interrogé par Saint-Luc sur le sort qui attendait le Poussin, il lui répondit : — « Il périra par le feu. » — Pendant que les soldats pillaient la place, continue l’historien, le fils du prophète y mit lui-même le feu en plusieurs endroits, afin que sa prédiction fût accomplie. Mais Saint-Luc, irrité de cette action, poussa son cheval contre le jeune astrologue qui en fut foulé aux pieds.
  127. Marmier, Traditions des bords de la Baltique.
  128. H. Berthould, La nuit de la Toussaint.
  129. Entre autres choses, il présenta aux Romains, un jour, un certain bouclier (qu’on nomma ancile ou ancilie) et qu’il dit être tombé du ciel pendant une peste qui ravageait l’Italie ; il prétendit qu’à la conservation de ce bouclier étaient attachées les destinées de l’empire romain, important secret qui lui avait été révélé par Egérie et les Muses. De peur qu’on n’enlevât ce bouclier sacré, il en fit faire onze autres, si parfaitement semblables, qu’il était impossible de les distinguer du véritable, et que Numa lui-même fut dans l’impossibilité de le reconnaître. Les douze boucliers étaient échancres des deux côtés. Numa en confia la garde à douze prêtres qu’il institua pour cet effet, et qu’il nomma Saliens ou Agonaux. Mammurius, qui avait fait les onze copies si habilement, ne voulut d’autre récompense de son travail que la gloire de l’avoir convenablement exécuté.
  130. Traditions populaires du Nord. (Revue britannique, 1837.)
  131. Rikius, Discours sommaire des sortilèges, vénéfices, idolâtries, etc.
  132. Tableau de l’inconstance des mauvais anges, etc., liv. V, p. 414.
  133. Chapitre xx du livre V.
  134. Le livre unique, numéro 9.
  135. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, etc., t. I, p. 416.
  136. Des erreurs et des préjugés, t. I, p. 392.
  137. Cicéron rapporte qu’un homme ayant rêvé qu’il mangeait un œuf frais alla consulter l’interprète des songes, qui lui dit que le blanc d’œuf signifiait qu’il aurait bientôt de l’argent, et le jaune, de l’or. Il eut effectivement peu après une succession où il y avait de l’un et de l’autre. Il alla remercier l’interprète, et lui donna une pièce d’argent. L’interprète, en le reconduisant, lui dit : — Et pour le jaune n’y a-t-il rien ? Nihilne de vitello ?
  138. Pline, liv. XXIX, ch. iii.
  139. Thiers, Traité des superstitions, etc.
  140. Voyez sa légende dans les Légendes de l’autre monde.
  141. Apologie pour les grands personnages accusés de magie.
  142. Cambry, Voyage dans le Finistère.
  143. Bodin, Démonomanie, p. 108.
  144. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. II, p. 253.
  145. L’abbé de Villars, dans le Comte de Gabalis.
  146. M. Noël, Dictionnaire de la Fable.
  147. Les trois grimoires, p. 55.
  148. Un jeune homme était bossu ; il se consacrait aux arts et ne rêvait que la gloire. Un savant chirurgien le redressa ; devenu un homme bien fait, il se jeta dans le monde et y fut englouti sans y laisser de nom. M. Eugène Guinot, qui cite ce fait, ajoute :

    « Esope n’aurait peut-être pas composé ses fables, si l’orthopédie avait été inventée de son temps. Le même écrivain cite d’autres victimes de la science. Un homme du monde était bègue, on lui trouvait de l’esprit ; l’hésitation prêtait de l’originalité à ses discours ; il avait le temps de réfléchir en parlant ; il s’arrêtait quelquefois d’une manière heureuse au milieu d’une phrase ; il avait des demi-mots qui faisaient fortune. Un opérateur lui rend le libre exercice de sa langue ; il parle net, et on trouve qu’il n’est plus qu’un sot. Un pauvre aveugle, commodément installé sur le pont Neuf, recevait d’abondantes aumônes. Un savant docteur lui rend la vue. Il retourne à son poste ; mais bientôt un sergent de ville le prend au collet en vertu des ordonnances qui régissent la mendicité. — Je suis en règle, dit le mendiant, voici mon autorisation. — Vous vous moquez, reprit le sergent de ville, cette permission est pour un aveugle, et vous jouissez d’une fort bonne vue. Vous irez en prison. »

  149. Wierus, in Pseudom. dæm.
  150. L’auteur du Monde primitif trouve la clef de ce morceau dans l’agriculture… ; d’autres en cherchent l’explication dans l’astronomie, ce qui n’est pas moins ingénieux ; ceux-ci n’y voient que les opinions religieuses des Phéniciens touchant l’origine du monde, ceux-là y croient voir l’histoire dénaturée des premiers princes du pays, etc.
  151. Voyez son histoire dans les Légendes des esprits et démons.
  152. Wierus, in Pseudom. dæmon.
  153. La Harpe, Hist. des voyages, t. XVIII, p. 396.
  154. Cæsarii Heisterb. Miracul. illustrium, lib. V, cap. xlix.
  155. Wierus, in Pseudomon. dæmon.
  156. Bergier, Dictionnaire théologique. Voyez les différents pactes les plus célèbres, dans les Légendes infernales.
  157. Voyez sur les pactes plusieurs légendes dans les Légendes infernales.
  158. Bergier, Dictionnaire théologique.
  159. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. III, p. 159.
  160. Bodin, Démonomanie.
  161. Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits.
  162. Benjamin Binet, Traité des dieux et démons du paganisme.
  163. Voyez Bergier, Dictionnaire théologique, au mot Papesse Jeanne.
  164. Nynauld, p. 72 de la Lycanthropie.
  165. Wierus, in Pseudomon. dæmon.
  166. Brown, Erreurs populaires, t. II.
  167. Le P. de Ravignan, Conférences de 1843 à NotreDame de Paris.
  168. Leloyer, Histoire des spectres.
  169. Thiers, Traité des superstitions.
  170. Wierus, in Pseudomonarchia dœmon.
  171. Des critiques pensent que le phénix était le symbole de la chasteté et de la tempérance chez les païens ; ils comptaient quatre apparitions de cet oiseau merveilleux, la première sous le roi Sésostris, la seconde sous Âmasis, la troisième sous le troisième des Ptolémées, la quatrième sous Tibère.
  172. Dans la Physiognomonie de Porta, Platon ressemble à un chien de chasse.
  173. Beaucoup d’écrivains se sont exercés dans ces données. M. Alexis Dumesnil, dans ses Mœurs politiques, divise les hommes en deux espèces sociales, l’espèce conservatrice et l’espèce destructive. Le mot n’est pas correct. Pour être conséquent en langage, l’auteur aurait dû dire : l’espèce destructrice. Destructif non plus ne s’applique pas rigoureusement aux êtres animés ; et nous le sommes, nous que M. Dumesnil, détracteur du présent, juge en dernier ressort espèce destructive. Ce sont les anciens qui conservaient, si on veut l’en croire, eux qui n’ont cessé de saccager et de renverser. Il va plus loin ; il prétend qu’on peut reconnaître par la mimique et la physiognomonie les individus destructifs. « L’espèce destructive, dit-il, a sa forme de tête particulière, courte ordinairement et étroite du haut, quelquefois même terminée en pain de sucre, mais toujours remarquable par un très-grand développement du crâne vers les oreilles ; ce qui lui donne l’apparence d’une poire. » Voilà qui passe la plaisanterie ; une tête au contraire qui a la tournure d’un pain de sucre renversé ou d’un navet dénote l’espèce conservatrice…
  174. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. III, p. 47.
  175. Voyez pourtant Raymond Lulle, quant à ce qui concerne l’or.
  176. Traité de chimie philosophique et hermétique, enrichi des opérations les plus curieuses de l’art, sans nom d’auteur. Paris, 1755. in-12. avec approbation signée Audry, docteur en médecine, et privilège du roi.
  177. Naudé, Apol. pour les grands personnages, etc.
  178. Disquisit. mag., lib. I, cap. v, quæst. 3.
  179. Le comte d’Oxenstiern attribue ce trait au pape Urbain VIII, à qui un adepte dédiait un traité d’alchimie. Pensées, t. I, p. 172.
  180. Philosophie magique, v. VI, P. 383.
  181. Il y a dans le village d’Abone, aujourd’hui Abano, une fontaine qui prêtait autrefois la parole aux muets, et qui donnait à ceux qui y buvaient le talent de dire la bonne aventure. Voyez le septième chant de la Pharsale de Lucain.
  182. Geomantia, in-8o, Venise, 1549.
  183. Des erreurs et des préjugés, t. I, p. 315.
  184. M. Mangeart, Souvenirs de la Morèe, 1830.
  185. Voyez, dans les Légendes du Nouveau Testament, les légendes de Pilate.
  186. Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits, liv. III, p. 215.
  187. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. II, p. 143.
  188. Bibliothèque de société, t. III.
  189. Tacite.
  190. Les sept vieilles planètes président aussi aux sept jours de la semaine. Jarchas, brachmane, avec lequel Apollonius de Tyane philosopha secrètement, reçut de lui en présent sept anneaux portant les noms des sept planètes ; il les mettait à ses doigts les jours où elles régnaient, et chacun avait une vertu particulière.
  191. Hermann, Les provinces.
  192. Traité des visions et apparitions, t. II, p. 246.
  193. Voyez l’Histoire naturelle de l’air et des météores, par l’abbé Richard.
  194. Leloyer, Histoire des spectres, etc., liv. III, p. 24 2.
  195. Delanere, Tableau de l’inconst, des démons, etc., liv, IX, p. 237.
  196. M. de Balzac, le Secret des Ruggieri.
  197. Görres, Mystique, liv. VI, ch. xvii.
  198. Extrait de l’Almanach historique de l’an xi.
  199. Voyage en Suisse d’Hélène-Marie Williams.
  200. Pigray, Traité de chirurgie.
  201. Voyez dans les Légendes infernales’, Le cimetière de saint Médard.
  202. La manie universelle est le spectacle le plus hideux et le plus terrible qu’on puisse voir. Le maniaque a les yeux fixes, sanglants, tantôt hors de l’orbite, tantôt enfoncés, le visage rouge, les vaisseaux engorgés, les traits altérés, tout le corps en contraction ; il ne reconnaît plus ni amis, ni parents, ni enfants, ni épouse. Sombre, furieux, rêveur, cherchant la terre nue et l’obscurité, il s’irrite du contact de ses vêtements, qu’il déchire avec les ongles et avec les dents, même de celui de l’air et de la lumière, contre lesquels il s’épuise en sputations et en vociférations. La faim, la soif, le chaud, le froid, deviennent souvent, pour le maniaque, des sensations inconnues, d’autres fois exaltées. (Le docteur Fodéré, Médecine légale.)
  203. Legenda aurea. Jac. de Voragine, leg. lxxxviii.
  204. M. Garinet, Histoire de la magie en France, p. 424.
  205. Cambry, Voyage dvns le Finistère, t. III, p. 46.
  206. Valère-Maxime.
  207. Cornelii gemmœ cosmocriticœ, lib. II, cap. ii.
  208. Valère-Maxime.
  209. Dictionnaire des merveilles de la nature, article Estomac.
  210. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, t. II, p. 94.
  211. Chevrœana, t. I, p. 257.
  212. Voyez les pronostics populaires plus étendus dans les Légendes du Calendrier.
  213. Wierus, in Pseuchm. dœmonum.
  214. Mystique de Görres, liv VIII, ch. iii.
  215. Quarterly Review.
  216. Albert le Grand, p. 187.
  217. Wierus, Pseudom. dœmon.
  218. Cambry, Voyage dans le Finistère, en 1794.
  219. Valère-Maxime.
  220. Les pythagoriciens respectaient tellement les fèves, que non-seulement ils n’en mangeaient point, mais même il ne leur était pas permis de passer dans un champ de fèves, de peur d’écraser quelque parent dont elles pouvaient loger l’âme.
  221. Voyez Purgatoire.
  222. Chevræana, t. I, p. 284.
  223. Delancre, Incrédulité et mécréance, etc., p. 278.
  224. Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits, p. 294.
  225. Delancre, Incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincues, p. 278.
  226. Lemnius.
  227. M. J. Garinet, Histoire de la magie en France.
  228. Rickius, Discours de la lycanthropie, p. 18.
  229. Chateaubriand, Mémoires, t. II.
  230. Wierus, in Pseudom. dæm.
  231. Voyez les Légendes des esprits et démons.
  232. Görres, Mystique, liv. VIII, ch. xxi.
  233. M. Garinet, Histoire de la magie en France. Voyez l’histoire du maréchal de Retz dans les Légendes infernales.
  234. Les Farfadets, t. I, p. 275.
  235. Voyez cependant sur lui un conte singulier, dans les Légendes des croisades. Voyez aussi l’article Saladin.
  236. Defensio compendiosa certisque modis astricla probe ut loquuntur aquæ frigidæ qua in examinatione maleficorum judices hodie utuntur, omnibus scitu perquam necessaria, quatuor distincta capitibus ; auctore Jacobo Rickio, in-12. Colonise Agrippinæ, 1597
  237. M. Garinet, Hist. de la magie en France, p. 87.
  238. Voyez son histoire dans les Légendes infernales.
  239. Wierus, in Pseudomon. dæm.
  240. M. Eugène Flandin, Voyage en Perse.
  241. Jérémie de Pours, la Divine mélodie du saint Psalmiste, p. 829.
  242. M. Garinet, Hist. de la magie en France, p. 451.
  243. M. Jules Garinet, après Delancre, Bodin, Delrio, Maiol, Leloyer, Danæus, Boguet, Monstrelet, Tor-quemada, etc.
  244. Delrio, Disquisitions magiques, et Bodin, p. 30.
  245. Trinum magicum.
  246. Joachim de Cambrai.
  247. Torquemada, dans l’Hexameron.
  248. Voyez, aux Légendes infernales, l’histoire de la Chapelle des boucs, insérée dans le chapitre des sorciers.
  249. Voyez son histoire à la fin des Légendes de l’Ancien Testament.
  250. Salgues, Des erreurs et des préjugés.
  251. Voyage de Madagascar, de 1722.
  252. Wierus, in Pseudom. dæm.
  253. Salgues, Des erreurs et des préjugés, etc., t. III, p. 111.
  254. Le ventriloque de l’abbé de la Chapelle, cité par M. Garinet, Hist. de la magie en France, p. 278.
  255. Voyages de Pallas.
  256. Voyez Bergier. Dictionnaire de théologie, au mot Pythonisse.
  257. Dom Calmet, Dissertations sur les apparitions.
  258. Michel Glycas.
  259. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., p. 95.
  260. M. François Hugo, le Faust anglais.
  261. Pour nous.
  262. Delancre, Tableau de l’inconstance des démons, sorciers et magiciens, liv. II, p. 119.
  263. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., p. 141.
  264. M. Garinet, Hist. de la magie en France, p. 48.
  265. Saint-Foix, t. III, p. 368.