Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Extases

Henri Plon (p. 256-257).
◄  Expiation
Ézéchiel  ►

Extases. L’extase (considérée comme crise matérielle) est un ravissement d’esprit, une suspension des sens causée par une forte contemplation de quelque objet extraordinaire et surnaturel. Les mélancoliques peuvent avoir des extases. Saint Augustin fait mention d’un prêtre qui paraissait mort à volonté et qui resta mort, très-involontairement sans doute, dans une de ses expériences. S’il fit le mort, il le fit bien. Ce prêtre se nommait Prétextât ; il ne sentait rien de ce qu’on lui faisait souffrir pendant son extase.

Les démonomanes appellent l’extase un transport en esprit seulement, parce qu’ils reconnaissent le transport en chair et en os, par l’aide et assistance du diable. Une sorcière se frotta de graisse, puis tomba pâmée sans aucun sentiment ; et trois heures après elle retourna en son corps, disant nouvelles de plusieurs pays qu’elle ne connaissait point, lesquelles nouvelles furent par la suite avérées[1]. Le magnétisme fait tout cela.

Cardan dit avoir connu un homme d’église qui tombait sans vie et sans haleine toutes les fois qu’il le voulait. Cet état durait ordinairement quelques heures ; on le tourmentait, on le frappait, on lui brûlait les chairs sans qu’il éprouvât aucune douleur. Mais il entendait confusément, et comme à une distance très-éloignée, le bruit qu’on faisait autour de lui. Cardan assure encore qu’il tombait lui-même en extase à sa volonté ; qu’il entendait alors les voix sans y rien comprendre, et qu’il ne sentait aucunement les douleurs.

Le père de Prestantius, après avoir mangé un fromage maléficié, crut qu’étant devenu cheval il avait porté de très-pesantes charges, quoique son corps n’eût pas quitté le lit ; et l’on regarda comme une extase produite par sortilège ce qui n’était qu’un cauchemar causé par une indigestion.

« Saint Augustin distingue deux sortes d’extases[2], l’une naturelle et l’autre surnaturelle, et cite comme appartenant à la première l’exemple d’un prêtre nommé Restitut, de l’église de Talama. Toutes les fois qu’on imitait devant lui la voix d’un homme qui se plaint, il perdait l’usage de ses sens et devenait semblable à un mort ; de sorte qu’on pouvait le piquer, le pincer ou même le brûler sans qu’il le sentît. Sa respiration s’arrêtait. Cependant, si on lui parlait sur un ton élevé, il lui semblait, disait-il, entendre des voix lointaines[3]. » Les extases naturelles sont généralement périodiques ou amenées par des causes spéciales. L’extase surnaturelle est à son tour de deux sortes : L’extase chrétienne et l’extase diabolique. De la première on peut voir beaucoup de faits dans la vie des saints. L’autre est souvent exposée dans les procédures de ces malheureux qui ont abandonné la cité de Dieu pour entrer dans la cité du diable. C’était souvent dans des extases que les sorcières assistaient au sabbat. Bodin raconte dans sa Démonomanie qu’en 1571 une sorcière emprisonnée à Bordeaux ayant avoué qu’elle allait au sabbat toutes les semaines, le magistrat Bélot la pria d’y aller devant lui. Elle répondit qu’elle n’en avait pas le pouvoir. Il la mit donc en liberté. Aussitôt elle s’oignit tout le corps d’un onguent dont l’effet fut tel qu’elle tomba comme morte. Le magistrat ne la quitta point. Elle revint à elle au bout de cinq heures et raconta beaucoup de choses toutes actuelles des lieux qu’elle avait parcourus. On fit prendre sur-le-champ des informations, et les déclarations de la sorcière furent trouvées véritables. — Les âmes des somnambules magnétisés font la même chose. Ce qui est la preuve de l’existence des âmes, à part des corps qu’elles occupent. Voy. Elfdal.

  1. Bodin, dans la Démonomanie.
  2. La Cité de Dieu, liv. XIV, ch. xxiv.
  3. Gorres, Mystique, liv. IV, ch. v.