Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Alectryomancie

Henri Plon (p. 17).
Alès  ►

Alectryomancie ou Alectromancie. Divination par le moyen du coq, usitée chez les anciens.

 
Coq
Coq
 
Voici quelle était leur méthode : — On traçait sur le sable un cercle que l’on divisait en vingt-quatre espaces égaux. On écrivait dans chacun de ces espaces une lettre de l’alphabet ; on mettait sur chaque lettre un grain d’orge ou de blé ; on plaçait ensuite au milieu du cercle un coq dressé à ce manège ; on observait sur quelles lettres il enlevait le grain ; on en suivait l’ordre, et ces lettres rassemblées formaient un mot quu donnait la solution de ce que l’on cherchait à savoir. Des devins, parmi lesquels on cite Jamblique, voulant connaître le successeur de l’empereur Valens, employèrent l’alectryomancie ; le coq tira les lettres Théod… Valens, instruit de cette particularité, fit mourir plusieurs des curieux qui s’en étaient occupés, et se défit même, s’il faut en croire Zonaras, de tous les hommes considérables dont le nom commençait par les lettres fatales. Mais, malgré ses efforts, son sceptre passa à Théodose le Grand. — Cette prédiction a dû être faite après coup[1].

Ammien-Marcellin raconte la chose autrement. Il dit que sous l’empire de Valens on comptait parmi ceux qui s’occupaient de magie beaucoup de gens de qualité et quelques philosophes. Curieux de savoir quel serait le sort de l’empereur régnant, ils s’assemblèrent la nuit dans une des maisons affectées à leurs cérémonies : ils commencèrent par dresser un trépied de racines et de rameaux de laurier, qu’ils consacrèrent par d’horribles imprécations ; sur ce trépied ils placèrent un bassin formé de différents métaux, et ils rangèrent autour, à distances égales, toutes les lettres de l’alphabet. Alors le mystagogue le plus savant de la compagnie s’avança, enveloppé d’un long voile, la tête rasée, tenant à la main des feuilles de verveine, et faisant à grands cris d’effroyables invocations qu’il accompagnait de convulsions. Ensuite, s’arrêtant tout à coup devant le bassin magique, il y resta immobile, tenant un anneau suspendu par un fil. C’était de la dactylomancie. À peine il achevait de prononcer les paroles du sortilège, qu’on vit le trépied s’ébranler, l’anneau se remuer, et frapper tantôt une lettre, tantôt une autre. À mesure que ces lettres étaient ainsi frappées, elles allaient s’arranger d’elles-mêmes, à côté l’une de l’autre, sur une table où elles composèrent des vers héroïques qui étonnèrent toute l’assemblée.

Valens, informé de cette opération, et n’aimant pas qu’on interrogeât les enfers sur sa destinée, punit les grands et les philosophes qui avaient assisté à cet acte de sorcellerie : il étendit même la proscription sur tous les philosophes et tous les magiciens de Rome. Il en péril une multitude ; et les grands, dégoûtés d’un art qui les exposait à des supplices, abandonnèrent la magie à la populace et aux vieilles, qui ne là firent plus servir qu’à de petites intrigues et à des maléfices subalternes. Voy. Coq, Mariage, etc.


  1. M. Junquières, dans le quatrième chant de son poëme intitulé Caquet Bonbec, ou la Poule à ma tante, a fait un spirituel usage de cette divination.