Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Coq

Henri Plon (p. 183).
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Coq. Le coq a, dit-on, le pouvoir de mettre en fuite les puissances infernales ; et comme on a remarqué que le démon, qu’on appelle le lion d’enfer, disparaît dès qu’il voit ou entend le coq, on a répandu aussi cette opinion que le chant ou la vue du coq épouvante et fait fuir le lion. C’est du moins le sentiment de Pierre Delancre. « Mais il faut répondre à ces savants, dit M. Salgues[1], que nous avons des lions dans nos ménageries ; qu’on leur a présenté des coqs ; que ces coqs ont chanté, et qu’au lieu d’en avoir peur, les lions n’ont témoigné que le désir de croquer l’oiseau chanteur ; que toutes les fois qu’on a mis un coq dans la cage d’un lion, loin que le coq ait tué le lion, c’est au contraire le lion qui a mangé le coq. » On sait que tout disparaît au sabbat aussitôt que le coq chante. On cite plusieurs exemples d’assemblées de démons et de sorcières que le premier chant du coq a mises en déroute ; on dit même que ce son, qui est pour nous, par une sorte de miracle perpétuel, une horloge vivante, force les démons, dans les airs, à laisser tomber ce qu’ils portent : c’est à peu près la vertu qu’on attribue au son des cloches. Pour empêcher le coq de chanter pendant leurs assemblées nocturnes, les sorciers, instruits par le diable, ont soin de lui frotter la tête et le front d’huile d’olive, ou de lui mettre au cou un collier de sarment.

Beaucoup d’idées superstitieuses se rattachent à cet oiseau, symbole du courage et de la vigilance, vieil emblème des Gaulois. On dit qu’un jour Vitellius rendant la justice à Vienne en Dauphiné, un coq vint se percher sur son épaule ; ses devins décidèrent aussitôt que l’empereur tomberait sûrement sous un Gaulois ; et, en effet, il fut vaincu par un Gaulois de Toulouse.

On devinait les choses futures par le moyen du coq. Voy. Alectryomancie. On dit aussi qu’il se forme dans l’estomac des coqs une pierre qu’on nomme pierre alectorienne, du nom grec de l’animal. Les anciens accordaient à cette pierre la propriété de donner le courage et la force : c’est à sa vertu qu’ils attribuaient la force prodigieuse de Milon de Crotone. On lui supposait encore le don d’enrichir, et quelques-uns la regardaient comme un philtre qui modérait la soif. On pensait autrefois qu’il y avait dans le coq des vertus propres à la sorcellerie. On disait qu’avant d’exécuter ses maléfices, Léonora Galigaï ne mangeait que des crêtes de coq et des rognons de bélier qu’elle avait fait charmer. On voit dans les accusations portées contre elle qu’elle sacrifiait des coqs aux démons[2].

Certains juifs, la veille du chipur ou jour du pardon, chargent de leurs péchés un coq blanc qu’ils étranglent ensuite, qu’ils font rôtir, que personne ne veut manger, et dont ils exposent les entrailles sur le toit de leur maison. On sacrifiait, dans certaines localités superstitieuses, un coq à saint Christophe, pour en obtenir des guérisons. On croyait enfin que les coqs pondaient des œufs, et que, ces œufs étant maudits, il en sortait un serpent ou un basilic. « Cette superstition fut très-répandue en Suisse ; et dans une petite chronique de Bâle, Gross raconte sérieusement qu’au mois d’août 1474 un coq de cette ville, ayant été accusé et convaincu de ce crime, fut condamné à mort. Le bourgeois le brûla publiquement avec son œuf, dans un endroit nommé Kablenberg, à la vue d’une grande multitude de personnes[3]. » Voy. Basilic, Mariage, etc.

  1. Des erreurs et des préjugés, etc., préface.
  2. M. Garinet, Hist, de la magie en France, p. 400.
  3. Dictionnaire d’anecdotes suisses, p. 414.