Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Anneau

Henri Plon (p. 37).

Anneau. Il y avait autrefois beaucoup d’anneaux enchantés ou chargés d’amulettes. Les magiciens faisaient des anneaux constellés avec lesquels on opérait des merveilles. Voy. Éléazar. — Cette croyance était si répandue chez les païens, que leurs prêtres ne pouvaient porter d’anneaux, a moins qu’ils ne fussent si simples qu’il était évident qu’ils ne contenaient pas d’amulettes[1].

Les anneaux magiques devinrent aussi de quelque usage chez les chrétiens, et même beaucoup de superstitions se rattachèrent au simple anneau d’alliance. On croyait qu’il y avait dans le quatrième doigt, qu’on appela spécialement doigt annulaire ou doigt destiné à l’anneau, un nerf qui répondait directement au cœur ; on recommanda donc de mettre l’anneau d’alliance à ce seul doigt. Le moment où le mari donne l’anneau à sa jeune épouse devant le prêtre, ce moment, dit un vieux livre de secrets, est de la plus haute importance. Si le mari arrête l’anneau à l’entrée du doigt et ne passe pas la seconde jointure, la femme sera maîtresse ; mais s’il enfonce l’anneau jusqu’à l’origine du doigt, il sera chef et souverain. Cette idée est encore en vigueur, et les jeunes mariées ont généralement soin de courber le doigt annulaire au moment où elles reçoivent l’anneau, de manière a l’arrêter avant la seconde jointure.

Les Anglaises, qui observent la même superstition, font le plus grand cas de l’anneau d’alliance, à cause de ses propriétés. Elles croient qu’en mettant un de ces anneaux dans un bonnet de nuit, et plaçant le tout sous leur chevet, elles verront en songe le mari qui leur est destiné.

Les Orientaux révèrent les anneaux et les bagues, et croient aux anneaux enchantés. Leurs contes sont pleins de prodiges opérés par ces anneaux. Ils citent surtout, avec une admiration sans bornes, l’anneau de Salomon, par la force duquel ce prince commandait à toute la nature. Le grand nom de Dieu est gravé sur cette bague, qui est gardée par des dragons, dans le tombeau inconnu de Salomon. Celui qui s’emparerait de cet anneau serait maître du monde et aurait tous les génies à ses ordres. Voy. Sakhar. — À défaut de ce talisman prodigieux, ils achètent à des magiciens des anneaux qui produisent aussi des merveilles.

L’abominable Henri VIII bénissait des anneaux d’or, qui avaient, disait-il, la propriété de guérir de la crampe[2]. Les faiseurs de secrets ont inventé des bagues magiques qui ont plusieurs vertus. Leurs livres parlent de l’anneau des voyageurs. Cet anneau, dont le secret n’est pas bien certain, donnait à celui qui le portait le moyen d’aller sans fatigue de Paris à Orléans, et de revenir d’Orléans à Paris dans la même journée.


  1. Aulu-Gelle, lib. X, cap. xxv.
  2. Misson, Voyage d’Italie, t. III, p. 16, à la marge.