Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Nains

Henri Plon (p. 488).
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Nains. Presque tous les esprits de l’espèce des fées sont nains en Irlande.

Aux noces d’un certain roi de Bavière, on vit un nain si petit qu’on l’enferma dans un pâté, armé d’une lance et d’une épée. Il en sortit au milieu du repas, sauta sur la table, la lance en arrêt, et excita l’admiration de tout le monde[1].

La fable dit que les pygmées n’avaient pas deux pieds de haut et qu’ils étaient toujours en guerre avec les grues. Les Grecs, qui reconnaissaient des géants, pour faire le contraste parfait, imaginèrent ces petits hommes, qu’ils appelèrent pygmées. L’idée leur en vint peut-être de certains peuples d’Éthiopie, appelés Péchinies, qui étaient d’une petite taille. Et comme les grues se retiraient tous les hivers dans leur pays, ils s’assemblaient pour leur faire peur et les empêcher de s’arrêter dans leurs champs : voilà le combat des pygmées contre les grues.

 
Nain
Nain
 

Swift fait trouver à son Gulliver des hommes hauts d’un demi-pied dans l’île de Lilliput. Avant lui, Cyrano de Bergerac, dans son Voyage au soleil, avait vu de petits nains pas plus hauts que le pouce.

Les Celtes pensaient que les nains étaient des espèces de créatures formées du corps du géant Ime, c’est-à-dire de la poudre de la terre. Ils n’étaient d’abord que des vers ; mais, par l’ordre des dieux, ils participèrent à la raison et à la figure humaines, habitant toujours cependant entre la terre et les rochers. « On a découvert sur les bords de la rivière Merrimak, à vingt milles de l’île Saint-Louis, dans les États-Unis, des tombeaux en pierre, construits avec une sorte d’art et rangés en ordre symétrique, mais dont aucun n’avait plus de quatre pieds de long. Les squelettes humains n’excèdent pas trois pieds en longueur. Cependant les dents prouvent que c’étaient des individus d’un âge mûr. Les crânes sont hors de proportion avec le reste du corps. Voilà donc les pygmées retrouvés[2]. » Voy. Pygmée.

Laissons passer une anecdote de nain.

On montre dans le château d’Umbres, à une lieue d’Inspruck, le tombeau d’Haymon, géant né dans le Tyrol au quinzième siècle. Il avait seize pieds de haut et assez de force, dit-on, pour porter un bœuf d’une main. À côté du squelette d’Haymon est celui d’un nain qui fut cause de sa mort. Ce nain ayant délié le cordon du soulier du géant, celui-ci se baissa pour le renouer ; le nain profita de ce moment pour lui donner un soufflet. Cette scène se passa devant l’archiduc Ferdinand et sa cour ; on en rit : ce qui fit tant de peine au géant que peu de jours après il en mourut de chagrin.

C’était un luxe, autrefois, d’avoir à la cour des nains ou des fous.


  1. Johnston, Thaumatographia naturalis.
  2. Journal des Débats du 25 janvier 1819.