Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Abeilles

Henri Plon (p. 2).
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Abeilles. C’était l’opinion de quelques démonographes que si une sorcière, avant d’être prise, avait mangé la reine d’un essaim d’abeilles, ce cordial lui donnait la force de supporter la torture sans confesser[1] ; mais cette découverte n’a pas fait principe.

Dans certains cantons de la Bretagne, on prétend que les abeilles sont sensibles aux plaisirs comme aux peines de leurs maîtres, et qu’elles ne réussissent point, si on néglige de leur faire part des événements qui intéressent la maison. Ceux qui ont cette croyance ne manquent pas d’attacher à leurs ruches un morceau d’étoffe noire lorsqu’il y a une mort chez eux, et un morceau d’étoffe rouge lorsqu’il y a un mariage ou toute autre fête[2].

Les Circassiens, dans leur religion mêlée de christianisme, de mahométisme et d’idolâtrie, honorent la Mère de Dieu sous le nom de Mérième ou de Melissa. Ils la regardent comme la patronne des abeilles, dont elle sauva la race en conservant dans sa manche une de leurs reines, un jour que le tonnerre menaçait d’exterminer tous les insectes. Les revenus que les Circassiens tirent de leurs ruches expliquent leur reconnaissance pour le bienfait qui les leur a préservées.

Solin a écrit que les abeilles ne peuvent pas vivre en Irlande ; que celles qu’on y amène y meurent tout à coup ; et que si l’on porte de la terre de cette île dans un autre pays et qu’on la répande autour des ruches, les abeilles sont forcées d’abandonner la place, parce que cette terre leur est mortelle. On lit la même chose dans les Origines d’Isidore. « Faut-il examiner, ajoute le père Lebrun dans son Histoire critique des superstitions, d’où peut venir cette malignité de la terre d’Irlande ? Non, car il suffit de dire que c’est une bourde, et qu’on trouve en Irlande beaucoup d’abeilles. »


  1. Wierus, De præstigiis, lib. VI, cap. vii.
  2. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. II, p. 16.