Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Fétiches

Henri Plon (p. 270).

Fétiches, divinités des nègres de Guinée. Ces divinités varient : ce sont des animaux desséchés, des branches d’arbres, des arbres mêmes, des montagnes, ou toute autre chose. Ils en ont de petits qu’ils portent au cou ou au bras, souvent des coquillages. Ils honorent un arbre qu’ils appellent l’arbre des fétiches ; ils placent au pied une table couverte de vin de palmier, de riz et de millet. — Cet arbre est un oracle que l’on consulte dans les occasions importantes ; il ne manque jamais de faire connaître sa réponse par l’organe d’un chien noir, qui est le diable, selon nos démonographes. — Un énorme rocher nommé Tabra, qui s’avance dans la mer en forme de presqu’île, est le grand fétiche du cap Corse. On lui rend des honneurs particuliers, comme au plus puissant des fétiches. — Au Congo, personne ne boit sans faire une oblation à son principal fétiche, qui est souvent une défense d’éléphant.

Nous empruntons ce qui suit à la Revue coloniale:

« Dans les deux Guinées règne partout un affreux fétichisme, avec un cortège de superstitions ridicules, dégradantes et parfois cruelles. La métempsycose, la polygamie, le divorce, les sacrifices humains et même souvent l’anthropophagie sont consacrés par la religion.

» Pour comprendre la force et l’influence des idées et des pratiques superstitieuses de ces peuples, il est bon de faire observer qu’elles font partie intégrante de leur état social, et que les fétichistes, pas plus que les mahométans, n’établissent de distinction entre l’ordre politique et l’ordre religieux. Chez eux les idées et les pratiques religieuses sont l’essence de leur état social. Aussi le culte de leurs fétiches ou génies protecteurs se révèle partout, dans la vie publique comme dans la vie individuelle. Ainsi il y a le fétiche du royaume, celui du village, celui de la famille, celui de l’individu.

» C’est au nom du fétiche que les chefs gouvernent, qu’ils jugent les litiges, qu’ils règlent le commerce et même l’usage des aliments. C’est au nom du fétiche que le maître exerce sur son esclave son droit de vie et de mort, et que la chair humaine devient l’aliment de l’homme. C’est au fétiche supposé irrité qu’on immole des victimes humaines pour l’apaiser.

» Les formes sous lesquelles le fétiche est honoré varient selon les pays. Tantôt c’est sous la figure d’un animal, tel que le lézard, le cheval, l’hyène, le tigre, le vautour et plus souvent le serpent ; tantôt c’est sous la forme d’un arbre ou d’une plante dont l’espèce devient sacrée ; tantôt, enfin, c’est sous l’image d’une statuette de bois à figure humaine. »