Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Alphitomancie

Henri Plon (p. 22).
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Alphitomancie, divination par le pain d’orge. Cette divination importante est très-ancienne. Nos pères, lorsqu’ils voulaient dans plusieurs accusés reconnaître le coupable et obtenir de lui l’aveu de son crime, faisaient manger à chacun des prévenus un rude morceau de pain d’orge. Celui qui l’avalait sans peine était innocent : le criminel se trahissait par une indigestion[1]. C’est même de cet usage, employé dans les épreuves du jugement de Dieu, qu’est venue l’imprécation populaire : « Je veux, si je vous trompe, que ce morceau de pain m’étrangle ! »

Voici comment se pratique cette divination, qui, selon les doctes, il est d’un effet certain que pour découvrir ce qu’un homme a de caché dans le cœur. On prend de la pure fariné d’orge ; on la pétrit avec du lait et du sel ; on n’y met pas de levain ; on enveloppe ce pain compacte dans un papier graissé, on le fait cuire sous la cendre ; ensuite on le frotte de feuilles de verveine et on le fait manger à celui par qui on se croit trompé, et qui ne digère pas si la présomption est fondée.

Il y avait près de Lavinium un bois, sacré où l’on pratiquait l’alphitomancie. Dés prêtres nourrissaient dans une caverne un serpent, selon quelques-uns ; un dragon, selon d’autres. À certains jours on envoyait des jeunes filles lui porter à manger ; elles, avaient les yeux bandés et allaient à la grotte, tenant à la main un gâteau fait par elles avec du miel et de la farine d’orge, « Le diable, dit Delrio, les conduisait leur droit chemin. Celle dont le serpent refusait de manger le gâteau n’était pas sans reproche. »


  1. Delrio, Disquisit. magic., lib. IV, cap. ii, quæst. vii.