Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Pythagore

Henri Plon (p. 565-566).

Pythagore, fils d’un sculpteur de Samos. Il voyagea pour s’instruire : les prêtres d’Égypte l’initièrent à leurs mystères, les mages de Chaldée lui communiquèrent leurs sciences : les sages de Crète leurs lumières. Il rapporta dans Samos tout ce que les peuples les plus instruits possédaient de sagesse et de connaissances utiles ; mais trouvant sa patrie sous le joug du tyran Polycrate, il passa à Crotone, où il éleva une école de philosophie dans la maison du fameux athlète Milon. C’était vers le règne de ïarquin le Superbe. Il enseignait la morale, l’arithmétique, la géométrie et la musique. On le fait inventeur de la métempsycose. Il paraît que, pour étendre l’empire qu’il exerçait sur les esprits, il ne dédaigna pas d’ajouter le secours des prestiges aux avantages que lui donnaient ses connaissances et ses lumières. Porphyre et Jamblique lui attribuent des prodiges ; il se faisait entendre et obéir des bêtes mêmes. Une ourse faisait de grands ravages dans le pays des Dauniens ; il lui ordonna de se retirer : elle disparut. Il se montra avec une cuisse d’or aux jeux olympiques ; il se fit saluer par le fleuve Nessus ; il arrêta le vol d’un, aigle ; il fit mourir un serpent ; il se fit voir, le même jour et à la même heure, à Crotone et à Métaponte. Il vit un jour, à Tarente, un bœuf qui


broutait un champ de fèves ; il lui dit à l’oreille quelques paroles mystérieuses qui le firent cesser pour toujours de manger des fèves[1]. On n’appelait plus ce bœuf que le bœuf sacré, et, dans sa vieillesse, il ne se nourrissait que de ce que les passants lui donnaient. Enfin, Pythagore prédisait l’avenir et les tremblements de terre avec une adresse merveilleuse ; il apaisait les tempêtes, dissipait la peste, guérissait les maladies d’un seul mot ou par l’attouchement. Il fit un voyage aux enfers, où il vit l’âme (l’Hésiode attachée avec des chaînes à une colonne d’airain, et celle d’Homère pendue à un arbre au milieu d’une légion de serpents, pour toutes les fictions injurieuses à la Divinité dont leurs poèmes sont remplis. Pythagore intéressa les femmes au succès de ses visions, en assurant qu’il avait vu dans les enfers beaucoup de maris très-rigoureusement punis pour avoir maltraité leurs femmes, et que c’était le genre de coupables le moins ménagé dans l’autre vie. Les femmes furent contentes, les maris eurent peur, et tout fut reçu. Il y eut encore une circonstance qui réussit merveilleusement : c’est que Pythagore, au moment de son retour des enfers, et portant encore sur le visage la pâleur et l’effroi qu’avait dû lui causer la vue de tant de supplices, savait parfaitement tout ce qui était arrivé sur la terre pendant son absence.

  1. Les pythagoriciens respectaient tellement les fèves, que non-seulement ils n’en mangeaient point, mais même il ne leur était pas permis de passer dans un champ de fèves, de peur d’écraser quelque parent dont elles pouvaient loger l’âme.