Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Grimoire

Henri Plon (p. 311-312).
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Grimoire. Tout le monde sait qu’on fait venir le diable en lisant le Grimoire ; mais il faut avoir soin, dès qu’il paraît, de lui jeter quelque chose à la tête, une savate, une souris, un chiffon, autrement on risque d’avoir le cou tordu. Le terrible petit volume connu sous le nom de Grimoire, autrefois tenu secret, était brûlé très-justement dès qu’il était saisi. Nous donnerons ici quelques notes sur les trois Grimoires les plus

Grémoire (sic) du pape Honorius, avec un recueil des plus rares secrets ; sous la rubrique de Rome, 1670, in-16, orné de figures et de cercles. Les cinquante premières pages ne contiennent que des conjurations. Voy. Conjurations et Évocations. — Dans le Recueil des plus rares secrets, on trouve celui qui force trois demoiselles à venir danser le soir dans une chambre. Il faut que tout soit lavé dans cette chambre ; qu’on n’y remarque rien d’accroché ni de pendu ; qu’on mette sur la table une nappe blanche, trois pains de froment, trois sièges, trois verres d’eau ; on récite ensuite une certaine formule de conjuration[1], et les trois personnes qu’on veut voir viennent, se mettent à table et dansent ; mais au coup de minuit tout disparaît. On trouve dans le même livre beaucoup de bêtises de ce genre que nous rapportons en leur lieu.

Grimorium verum, vel probatissimœ Salomonis claviculœ rabbini Hebraici, in quibus tum naturalia, tum supernaturalia sécréta, licet abditissima, inpromptu apparent, modo operator pernecessaria et contenta facial ; sciât tamen opportet dœmonum potentiel duntaxat peragantur : traduit de l’hébreu, par Plaingière, avec un recueil de secrets curieux. A. Memphis, chez Alibeck l’Égyptien, 1517, in-16 {sic omnia) ; et sur le revers du titre : Les véritables clavicules de Salomon, à Memphis, chez Alibeck l’Égyptien, 1517.

Le grand Grimoire avec la grande clavicule de Salomon, et la magie noire ou les forces infernales du grand Agrippa, pour découvrir les trésors cachés et se faire obéir à tous les esprits ; suivis de tous les arts magiques, in-18, sans date ni nom de lieu. Ces deux grimoires contiennent, comme l’autre, des secrets que nous donnons ici aux divers articles qu’ils concernent.

Voici une anecdote sur le Grimoire : — Un petit seigneur de village venait d’emprunter à son berger le livre du Grimoire avec lequel celui-ci se vantait de forcer le diable à paraître. Le seigneur, curieux de voir le diable, se retira dans sa chambre et se mit à lire les paroles qui obligent l’esprit de ténèbres à se montrer.

Au moment où il prononçait avec agitation ces syllabes niaises qu’il croyait puissantes, la porte, qui était mal fermée, s’ouvre brusquement : le diable paraît, armé de ses longues cornes et tout couvert de poils noirs… Le curieux seigneur perd connaissance et tombe mourant de peur sur le carreau, en faisant le signe de la croix. Il resta longtemps sans que personne vînt le relever. Enfin il rouvrit les yeux et se retrouva avec surprise dans sa chambre. Il visita les meubles pour voir s’il n’y avait rien de dégradé : un grand miroir qui était sur une chaise se trouvait brisé ; c’était l’œuvre du diable. Malheureusement pour la beauté du conte, on vint dire un instant après à ce pauvre seigneur que son bouc s’était échappé et qu’on l’avait repris devant la porte de cette même pièce où il avait si bien représenté le diable. Il avait vu dans le miroir un bouc semblable à lui et avait brisé la glace en voulant combattre son ombre[2].

  1. Voici les paroles de cette conjuration :« Besticirum ! consolation, viens à moi. Vertu créon, créon, créon… Je ne mens pas ; je suis maître du parchemin ; par ta louange, prince de la montagne, fais taire mes ennemis et donne-moi ce que tu sais. »
  2. Histoire des fantômes et des démons, p. 214.