Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Femmes blanches

Henri Plon (p. 267-268).
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Femmes blanches. Quelques-uns donnent le nom de femmes blanches aux sylphides, aux


nymphes et à des fées qui se montraient en Allemagne, protégeant les enfants et s’intéressant à quelques fa milles. D’autres entendent par là certains fantômes qui causent plus de peur que de mal. Il y a une sorte de spectres peu dangereux, dit Delrio, qui apparaissent en femmes toutes blanches dans les bois et les prairies ; quelquefois même on les voit dans les écuries, tenant des chandelles de cire allumées dont elles laissent tomber des gouttes sur le toupet et le crin des chevaux, qu’elles peignent et qu’elles tressent ensuite fort proprement ; ces femmes blanches, ajoute le même auteur, sont aussi nommées sibylles et fées. En Bretagne, des femmes blanches, qu’on appelle lavandières ou chanteuses de nuit, lavent leur linge en chantant, au clair de la lune, dans les fontaines écartées ; elles réclament l’aide des passants pour tordre leur linge et cassent le bras à qui les aide de mauvaise grâce.

Érasme parle d’une femme blanche célèbre en Allemagne et dont voici le conte : — « La chose qui est presque la plus remarquable dans notre Allemagne, dit-il, est la femme blanche, qui se fait voir quand la mort est prête à frapper à la porte de quelque prince, et non-seulement en Allemagne, mais aussi en Bohême. En effet, ce spectre s’est montré à la mort de la plupart des grands de Neuhaus et de Rosemberg, et il se montre encore aujourd’hui. Guillaume Slavata, chancelier de ce royaume, déclare que cette femme ne peut être retirée du purgatoire tant que le château de Neuhaus sera debout. Elle y apparaît non-seulement quand quelqu’un doit mourir, mais aussi quand il se doit faire un mariage ou qu’il doit naître un enfant ; avec cette différence que quand elle apparaît avec des vêtements noirs, c’est signe de mort ; et, au contraire, un témoignage de joie quand on la voit tout en blanc. Gerlanius témoigne aussi avoir ouï dire au baron d’Ungenaden, ambassadeur de l’empereur à la Porte, que cette femme blanche apparaît toujours en habit noir lorsqu’elle prédit en Bohême la mort de quelqu’un de la famille de Rosemberg. Le seigneur Guillaume de Rosemberg s’étant allié aux quatre maisons souveraines de Brunswick, de Brandebourg, de Bade et de Pernstein, l’une après l’autre, et ayant fait pour cela de grands frais, surtout aux noces de la princesse de Brandebourg, la femme blanche s’est rendue familière à ces quatre maisons et à quelques autres qui leur sont alliées. À l’égard de ses manières d’agir, elle passe quelquefois très-vite de chambre en chambre, ayant à sa ceinture un grand trousseau de clefs dont elle ouvre et ferme les portes aussi bien de jour que de nuit. S’il arrive que quelqu’un la salue, pourvu qu’on la laisse faire, elle prend un ton de voix de femme veuve, une gravité de personne noble, et, après avoir fait une honnête révérence de la tête, elle s’en va. Elle n’adresse jamais de mauvaises paroles à personne ; au contraire, elle regarde tout le monde avec modestie et avec pudeur. Il est vrai que souvent elle s’est fâchée, et que même elle a jeté des pierres à ceux à qui elle a entendu tenir des discours inconvenants tant contre Dieu que contre son service ; elle se montre bonne envers les pauvres et se tourmente fort quand on ne les aide pas à sa fantaisie. Elle en donna des marques lorsque, après que les Suédois eurent pris le château, ils oublièrent de donner aux pauvres le repas de bouillie qu’elle a institué de son vivant. Elle mena si grand charivari que les soldats qui y faisaient la garde ne savaient où se cacher. Les généraux mêmes ne furent pas exempts de ses importunités, jusqu’à ce qu’enfin un d’eux rappelât aux autres qu’il fallait faire de la bouillie et la distribuer aux pauvres ; ce qui ayant été accompli, tout fut tranquille. » Voy. Fées.