Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Obesslik

Henri Plon (p. 498-499).
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Obesslik. Du temps des hussites, un brigand nommé Obesslik se rendit à la justice, qui le poursuivait depuis longtemps ; mais il se rendit à condition qu’on épargnât son sang. Il fut donc condamné à mourir de faim et descendu dans le gouffre de Maczocha avec une cruche d’eau et un seul pain. Le pain fut bientôt dévoré, la cruche d’eau bientôt vidée. Alors commença pour lui cette horrible agonie dont on peut se faire une idée après avoir lu l’épisode d’Ugolin dans le Dante. La mort lente s’approchait avec le désespoir, lorsque tout à coup le condamné entendit un sifflement étrange dans l’air et vit, en levant les yeux, un dragon ailé qui plongea à grands coups d’aile dans le précipice. Obesslik, qu’épouvantait l’idée que ce dragon le dévorerait, ramassa le reste de ses forces, se recula dans une crevasse de la paroi, prit une pierre et la jeta vers le dragon, qui fut atteint sous le ventre, seul endroit qui n’était pas protégé par des écailles comme tout le resle de son corps. Un sang noir sortit de la blessure du monstre, qui s’abattit sur une saillie du cratère, où il se reposa quelque temps ; une demi-heure s’écoula ainsi, et, quand il eut repris quelques forces par le repos, il se releva et sortit. Ainsi délivré de son hôte monstrueux, Obesslik pensa ceci :

« Ne pourrais-je pas me sauver par son secours, s’il revenait ?

Le lendemain, à la même heure, le dragon redescendit dans le gouffre et se mit à fouiller la vase avec son bec immense pour y chercher des vipères d’eau dont il se nourrissait. Obesslik se glissa derrière lui et se plaça sur son dos écaillé. Quand le monstre se fut bien repu, il reprit son vol, sans s’apercevoir qu’un homme était sur lui, et sortit du précipice. Il s’éleva bien haut dans l’air, portant toujours son cavalier, qui attendait un moment favorable pour descendre de son étrange coursier. Ses ailes bruissaient dans le vent, et il s’abattit dans une forêt voisine, où il se coucha sous un grand chêne et s’endormit.

Obesslik sauvé reprit son ancien métier de dévaliseur, et plus d’une fois l’effroi se répandit dans la contrée au récit des crimes de celui que l’on croyait mort dans la Maczocha. Les montagnes de Hradi étaient surtout le théâtre de ses sanguinaires exploits. Mais il fut repris et décapité à Olmütz.