Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Boguet

Henri Plon (p. 103-104).
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Boguet (Henri), grand juge de la terre de Saint-Claude au comté de Bourgogne, mort en 1619, auteur d’un livre plein d’une crédulité souvent puérile et d’un zèle outré contre la sorcellerie. Ce livre, publié au commencement du


dix-septième siècle, est intitule Discours des sorciers, avec six avis en fait de sorcellerie et une instruction pour un juge en semblable matière[1]. C’est une compilation des procédures auxquelles, comme juge, l’auteur a généralement présidé. On y trouve l’histoire de Louise Maillât, possédée de cinq démons à l’âge de huit ans ; de Françoise Secrétain, sorcière, qui avait envoyé lesdits démons ; des sorciers Gros-Jacques et Willermoz, dit le Bailla ; de Claude Gaillard, de Rolande Duvernois et de quelques autres. L’auteur détaille les abominations qui se font au sabbat ; il dit que les sorciers peuvent faire tomber la grêle, ce qui n’est pas ; qu’ils ont une poudre avec laquelle ils empoisonnent, ce qui est vrai : qu’ils se graissent les jarrets avec un onguent pour s’envoler au sabbat ; qu’une sorcière tue qui elle veut par son souffle seulement ; qu’elles ont mille indices qui les feront reconnaître : par exemple, que la croix de leur chapelet est cassée, qu’elles ne pleurent pas en présence du juge, qu’elles crachent à terre quand on les force à renoncer au diable, qu’elles ont des marques sous leur chevelure, lesquelles se découvrent si on les rase ; que les sorciers et les magiciens ont le talent de se changer en loups ; que sur le simple soupçon mal lavé d’avoir été au sabbat, même sans autre maléfice, on doit les condamner ; que tous méritent d’être brûlés, et que ceux qui ne croient pas à la sorcellerie sont criminels. C’est un peu trop violent, mais il faut remarquer qu’en ces choses ce n’était pas le clergé qui était sévère ; c’étaient ces juges laïques qui se montraient violents et féroces.

À la suite de ces discours viennent les Six avis, dont voici le sommaire :

1° Les devins doivent être condamnés au feu, comme les sorciers et les hérétiques, et celui qui a été au sabbat est digne de mort. Il faut donc arrêter, sur la plus légère accusation, la personne soupçonnée de sorcellerie, quand même l’accusateur se rétracterait ; et l’on peut admettre en témoignage contre les sorciers toutes sortes de personnes. On brûlera vifs, ajoute-t-il, les sorciers opiniâtres, et, par grâce, on se contentera d’étrangler celui qui confesse.

2° Dans le crime de sorcellerie, on peut condamner sur de simples indices, conjectures et présomptions ; on n’a pas besoin pour de tels crimes de preuves très-exactes.

3° Le crime de sorcellerie est directement contre Dieu (ce qui est vrai dans ce crime, quand il existe réellement, puisque c’est une négation de Dieu et un reniement) : aussi il faut punir sans ménagement ni considération quelconque…

4° Les biens d’un sorcier condamné doivent être confisqués comme ceux des hérétiques ; car sorcellerie est pire encore qu’hérésie, en ce que les sorciers renient Dieu. Aussi on remet quelquefois la peine à l’hérétique repenti ; on ne doit jamais pardonner au sorcier…

5° On juge qu’il y a sorcellerie quand la personne accusée fait métier de deviner, ce qui est l’œuvre du démon ; les blasphèmes et imprécations sont encore des indices. On peut poursuivre enfin sur la clameur publique.

6° Les fascinations, au moyen desquelles les sorciers éblouissent les yeux, faisant paraître les choses ce qu’elles ne sont pas, donnant des monnaies de corne ou de carton pour argent de bon aloi, sont ouvrages du diable ; et les fascinateurs, escamoteurs et autres magiciens doivent être punis de mort.

Le volume de Boguet est terminé par le code des sorciers. Voy. Code.

  1. Un vol. in-8o. Paris, 1603 ; Lyon, 1602, 4 607, 1608, 1610 ; Rouen, 1606. Toutes ces éditions sont très-rares, parce que la famille de Boguet s’efforça d’en supprimer les exemplaires.