Dictionnaire de la Bible/Tome I.1.a A-ALVAREZ

Dictionnaire de la Bible
Letouzey et Ané (Volume Ip. 1-2-425-426).

DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE
A

A. Voir Aleph.


A et Ω, alpha et oméga, noms de la première et de la dernière lettre de l’alphabet grec. Notre-Seigneur dit trois fois dans l’Apocalypse, i, 8 ; xxi, 6 ; xxii, 13, qu’il est l’alpha et l’oméga, c’est-à-dire, comme il l’explique lui-même, « le commencement et la fin, » i, 8, ou « le premier et le dernier », xxii, 13 ; « celui qui est, celui qui était, celui qui doit venir, le Tout-Puissant, » i, 8. Cette locution est propre à l’Apocalyse, mais la pensée elle-même se trouve dans l’Ancien Testament, où Dieu dit dans Isaïe : « Je suis le premier et le dernier. » Is., xliv, 6 ; cf. xliii, 10. Quand Jésus-Christ s’appelle l’alpha et l’oméga, il proclame donc par là même sa divinité, en s’attribuant les caractères qui sont donnés par les prophètes au Dieu véritable, de qui seul vient toute vie, et à qui seul tout retourne :

Alpha et Ω cognominatus : ipse fons et clausula
Omnium, quæ sunt, fuerunt, quæque post futura sunt,

chante le poète chrétien Prudence, Cathemer., ix, 11-12, t. lix, col. 863. Voir aussi Tertullien, De monog., 5, t. ii, col. 935.
1. — Anneau chrétien antique.
Les premiers chrétiens empruntèrent ce symbole à l’Apocalypse pour faire acte de foi à la divinité de leur Maître, en inscrivant sur les tombeaux et dans leurs églises l’Α et l’Ω des deux côtés de la croix, Α + ω, et en le gravant jusque sur leurs sceaux et les bagues qu’ils portaient aux doigts. Nous reproduisons ici (fig. 1) un des plus remarquables de ces anneaux chrétiens, trouvé dans un antique cimetière de Rome. D’après M. A. Boldetti, Osservazioni sopra i Cimiterj de’santi martiri ed antichi cristiani di Roma, in-fo, Rome, 1720, p. 502, no 32.

F. Vigouroux.



AAGAARD (Niels on Nicolas), érudit danois, luthérien, né à Wiborg en 1612, mort en 1657. Il fut d’abord pasteur à Faxol, puis professeur d’éloquence et bibliothécaire à Soroë. Parmi ses écrits figure une Disputatio de stylo Novi Testamenti, in-4o, Soroë, 1655. Voir J. Worm, Forzœg til et Lexikon over danske, norske, og islandske lœrde Mœnd, t. i, Elseneur, 1771, p. 2-3 ; R. Nyerup et J. C. Kraft, Almindeligt Litteraturlexicon for Danmark, Norge, og Island, in-4o, Copenhague, 1820, p. 2.



AARHUSIUS, théologien protestant, né en 1532, mort le 15 juillet 1586. Son vrai nom était Jacobus Mathiæ. Son surnom d’Aarhusius lui vient d’Aarhuus, lieu de sa naissance, en Danemark, où il fut, en 1564, directeur de l’école de la ville. En 1574, il devint professeur de latin à Copenhague ; en 1575, professeur de grec, et, en 1580, professeur de théologie. Ses ouvrages exégétiques sont les suivants : Disputatio inauguralis de Veteris ac Novi Testamenti consensione ac diversitate, in-4o, Copenhague, 1582 ; Theses de doctrines cœlestis et Sacræ Scripturæ origine et auctoritate, in-8o, Copenhague, 1584 ; Praelectiones in Joelem et Ecclesiasten, editæ ab Andr. Kragio, in-4o, Bâle, 1586 ; Introductio ad Sacram Scripturam discendam et docendam, édita ab Andr. Kragio, in-4o, Bâle, 1589 ; Praelectiones in Hoseam, in-4o, Bâle, 1590. Voir J. Worm, Forsœg til et Lexicon, t. ii, p. 22.



1. AARON (hébreu :’Aharôn, signification inconnue), premier grand prêtre de la loi ancienne. Il était fils d’Amram et de Jochabed, de la tribu de Lévi. Il naquit en Égypte, trois ans avant son frère Moïse, cf. Exod., vii, 7, sous le règne du pharaon qui commença à persécuter les Hébreux. Exod., i, 8-11, 22. La Bible ne nous dit pas le nom de ce roi, mais toutes les données chronologiques tendent à établir que c’était Séti Ier, le père de Ramsès II.

I. Dieu prépare Aaron au pontificat. — Le nom d’Aaron est prononcé pour la première fois dans le récit sacré par Dieu lui-même, parlant à Moïse sur le mont Horeb, du milieu du buisson ardent. Après avoir allégué diverses raisons pour éluder la glorieuse mais redoutable mission qui lui était imposée, le futur libérateur d’Israël avait objecté en dernier lieu la difficulté qu’il éprouvait à parler. Le Seigneur lui répondit que l’éloquence de son frère Aaron suppléerait à ce défaut. « Tu mettras, ajouta-t-il, mes paroles sur ses lèvres ; je serai dans ta bouche et dans la sienne, et je vous montrerai ce que vous avez à faire. C’est lui qui parlera pour toi au peuple ; il sera ta bouche, et toi, tu seras comme son Dieu (hébreu : le’élohîm), » Exod., iv, 10-16. Cf. vii, 1. Moïse n’avait plus qu’à obéir ; il se mit donc en devoir de retourner dans la vallée du Nil. Pendant ce temps, Aaron recevait de Dieu le commandement d’aller au — devant de son frère. Il partit aussitôt, et, l’ayant rencontré en chemin, revint avec lui en Égypte, où ils se livrèrent sans retard à l’accomplissement de la mission que le Seigneur venait de leur confier. Moïse avait alors quatre-vingts ans et Aaron quatre-vingt-trois. Exod., vii, 7.

Ils convoquèrent d’abord les anciens d’Israël pour leur communiquer les instructions de Dieu à Moïse. La docilité avec laquelle on se rendit à cet appel, qui émanait d’Aaron aussi bien que de Moïse, ferait supposer qu’Aaron avait acquis pendant l’absence de son frère, Exod., ii, 15, une grande autorité parmi les Hébreux. Son éloquence, appuyée de miracles dont l’écrivain sacré ne nous dit pas la nature, les convainquit, eux et tout le peuple, que le Seigneur allait mettre fin à leur affliction. Exod., iv, 29-31. Les deux fils d’Amram se rendirent ensuite de la terre de Gessen, où étaient établis les Hébreux, Gen., xlvii, 6, 11, à Tanis, cf. Ps. lxxvii, 12, pour demander au pharaon, de la part de Jéhovah, de laisser les Hébreux aller lui offrir des sacrifices dans le désert. Le pharaon qui régnait alors était Ménephtah Ier ; il occupait le trône depuis peu de temps, car la mort de son père Ramsès II était récente. Exod., ii, 23-25, et iv, 19.

Ménephtah reçut mal les envoyés de Dieu, et leur démarche n’eut d’autre résultat que de l’irriter et de provoquer une aggravation de la corvée : il défendit de fournir dorénavant aux ouvriers hébreux la paille hachée qu’on mélangeait à l’argile pour la fabrication des briques, tout en exigeant la même quantité d’ouvrage journalier. Le peuple d’Israël, ne trouvant bientôt plus de paille, « se répandit dans toute la terre d’Égypte afin, dit le texte hébreu, d’y ramasser, au lieu de paille, tében, des roseaux, qaš, » Exod., v, 12, qui croissaient sur les bords des branches du Nil et des canaux. M. Naville a trouvé dans les murs de Pithom, en 1885, de ces briques renfermant des fragments de roseau. Voir Briques. Cependant les malheureux Israélites ne pouvaient parvenir à remplir leur tâche comme par le passé, et les chefs de chantier, les scribes (hébreu : šoterîm ; Septante : γραμματεῦσιν) furent soumis à la bastonnade, ce châtiment qu’on voit si souvent représenté sur les monuments de l’antique Égypte. De là un mécontentement général et des plaintes amères contre Moïse et Aaron. Moïse alors se plaignit à son tour au Seigneur, qui lui renouvela ses promesses de délivrance et lui confirma sa mission. Exod., v, 22-23 ; vi, 1-11. « Voilà, ajouta-t-il, que je t’ai constitué le Dieu du pharaon, et Aaron ton frère sera ton prophète, » c’est-à-dire ton interprète, pour lui faire connaître les ordres que je te donnerai. Exod., vii, 1-2.

Aaron accompagna donc son frère auprès de Ménephtah, et porta la parole pour Moïse. Dieu, qui avait résolu de l’appeler bientôt à la sublime dignité de souverain pontife, voulut le mettre en évidence et le grandir aux yeux du peuple, afin de préparer d’avance les esprits à la soumission et au respect envers lui. Voilà pourquoi Aaron fut non seulement « la bouche » de Moïse, Exod., iv, 16, mais encore son bras pour exécuter les ordres de Dieu, en produisant lui-même les premières plaies d’Égypte. Voir Plaies. Il commença par changer auparavant en serpent, sous les yeux du pharaon, la verge de Moïse, qui dévora celles des enchanteurs royaux, transformées par eux de la même manière. Exod., vii, 10-12. Puis il produisit la première plaie par le changement des eaux du Nil en sang, Exod., vii, 19-21 ; la seconde, par l’invasion des grenouilles, qui couvrirent tout le pays et remplirent toutes les maisons, Exod., viii, 2-6, et la troisième, par la transformation de la poussière en nuées de moustiques. C’est à la vue de cette plaie que les ḥartumĭm ou sages du pharaon, incapables de l’imiter d’aucune façon, comme ils l’avaient fait pour les deux précédentes, s’écrièrent : « Le doigt de Dieu est ici ! » Exod., viii, 16-19.

Ces prodiges confirmaient d’une manière éclatante les preuves qu’Aaron avait données de sa mission dès le premier jour, Exod., iv, 30, et rélevaient bien haut au-dessus du reste du peuple. Il pouvait donc maintenant s’effacer devant son frère, qui agit seul dans les plaies suivantes, sauf celle des ulcères, Exod., ix, 8-12 ; mais il n’en resta pas moins en réalité et aux yeux de tous l’auxiliaire de Moïse dans son rôle de libérateur. C’est à lui aussi bien qu’à Moïse que Dieu adresse ses derniers ordres en Égypte, Exod., xii, 1 ; Ménephtah les appelle toujours ensemble ; ensemble ils reçoivent ses prières, ses promesses, son regret, Exod., viii, 28 ; IX, 27-28, etc. ; et l’Esprit-Saint résumant d’un mot toute l’œuvre de la délivrance d’Israël, l’attribue à l’un comme à l’autre. Ps. lxxvi, 21. Aussi le peuple d’Israël ne les sépara-t-il jamais dans sa confiance ni dans ses murmures et ses révoltes ; nous en avons un exemple dès la première occasion où Aaron reparaît sur la scène, à la station du désert de Sin, après le passage de la mer Rouge.

Lorsque les Hébreux arrivèrent à cette station, dans la plaine actuelle d’El-Markha, le quinzième jour du second mois depuis la sortie d’Egypte, les provisions qu’ils avaient emportées se trouvèrent épuisées et ils commencèrent à souffrir du manque de vivres. Alors « ils murmurèrent : tous contre Moïse et Aaron ». Exod., xvi, 2. Dieu, de son côté, attesta une fois de plus en cette circonstance l’autorité et la mission d’Aaron, en le chargeant d’apporter au peuple, de concert avec Moïse, la nouvelle de deux bienfaits de sa bonté et de sa providence, à savoir : l’arrivée miraculeuse des cailles le soir même, et le lendemain le miracle plus étonnant encore de la manne, ce prodige qui devait se renouveler tous les jours, sauf le sabbat, pendant quarante ans. Il fit plus encore : il ordonna à Aaron, par l’intermédiaire de Moïse, de recueillir dans un vase la mesure d’un gomor de la manne lorsqu’elle serait tombée, afin qu’il la conservât plus tard dans le tabernacle en mémoire de ce prodige. Exod., xvi. C’était comme un gage des fonctions sacrées que le futur grand prêtre remplirait un jour dans le Saint des saints.

Ce qui se passa quelques jours après à Raphidim, la troisième station à partir de celle du désert de Sin, n’est pas moins digne d’attention au point de vue de la préparation d’Aaron à son ministère. Les Amalécites ayant attaqué les Hébreux, Moïse leur opposa les plus braves de son armée, commandés par Josué, tandis qu’il montait lui-même, accompagné d’Aaron et d’Hur, sur le sommet d’une colline pour y prier pendant la bataille. Or, tant qu’il tenait les mains levées vers le ciel, la victoire demeurait du côté des Israélites ; mais, quand il les abaissait, c’étaient les Amalécites qui l’emportaient. Lorsque, à la fin, la fatigue ne lui permit plus de lever les mains, Aaron et Hur le firent asseoir sur une pierre, et, se tenant à ses côtés, les lui soutinrent jusqu’à la complète défaite des ennemis d’Israël. Exod., xvii, 8-16. Les membres de l’Ordnance Survey ont trouvé en 1868, parmi les ruines de la ville chrétienne de Pharan, construite plus tard en cet endroit, des bas-reliefs représentant cette scène si propre à exciter la piété des fidèles. Elle dut contribuer bien plus puissamment à fortifier celle d’Aaron, qui venait de faire un pas de plus dans son initiation. Après avoir été établi par Dieu, en Égypte, l’intermédiaire entre son représentant d’une part, et le peuple et le pharaon de l’autre, et avoir reçu de lui au désert de Sin la garde de la manne, comme pour préluder à l’exercice de ses fonctions, il vient de voir à Raphidim la nécessité et la puissance de la prière, afin que plus tard, aux jours de son sacerdoce, il sache, en sa qualité d’intercesseur, tenir ses mains levées vers le ciel, pour offrir au Seigneur les supplications de son peuple et attirer sur Israël les bénédictions d’en haut.

Il manquait, dans les desseins de Dieu, quelque chose à cette formation ; elle reçut son dernier complément peu de temps après, au pied du Sinaï, par une chute d’Aaron aussi profonde qu’inattendue. Dieu voulait montrer au pontife de la loi ancienne, comme il le montra plus tard à Pierre, le pontife de la loi nouvelle, qu’il n’était et ne pouvait rien par lui-même, et lui faire sentir par l’expérience de sa faiblesse quelle compassion il devrait avoir pour celle de ses frères. Comme Pierre averti par Jésus-Christ n’en fut que plus coupable dans son renoncement, Aaron fut d’autant plus inexcusable dans la faute que nous allons raconter, que Dieu l’avait prémuni d’avance par le privilège d’une vision merveilleuse. Sur la pente occidentale du Djebel-Mouça, où il s’était rendu avec Moïse et d’autres Israélites désignés comme lui par le Seigneur, il lui avait été donné de voir « le Dieu d’Israël et, sous ses pieds, comme un pavé de saphir et comme le ciel quand il est serein ». Exod., xxiv, 10. Et c’est à la suite de cette faveur divine que Moïse, avant d’achever son ascension en compagnie du seul Josué jusqu’au haut de la montagne, chargea Aaron de régler avec Hur les difficultés qui pourraient surgir en son absence. Exod., xxiv, 9-14.

Or il s’en présenta une que personne n’avait prévue : les Israélites, fatigués d’attendre le retour de Moïse, s’assemblèrent autour d’Aaron et lui dirent : « Fais-nous un dieu qui marche devant nous. » Aaron leur dit : « Ôtez les pendants d’oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles, et apportez-les-moi. » Exod., xxxii, 1-2. Il espérait peut-être, en leur imposant ce sacrifice, les détourner de leur projet criminel. Théodoret, Quæst. lxvi in Exod., t. lxxx, col. 292. Il se trompait. Ces bijoux lui furent apportés ; il les fondit et en forma un veau d’or, devant lequel il dressa un autel. Voir Veau d’or. Il fit ensuite publier par tout le camp que le lendemain serait un jour de fête solennelle du Seigneur. Dès le matin, en effet , on immola des holocaustes et des hosties pacifiques à l’idole.

Quelle fut la nature du péché commis en cette circonstance par les Israélites, dont Aaron fut le complice et le fauteur ? Le veau d’or était indubitablement un souvenir ou du bœuf Apis, adoré à Memphis, ou, plus probablement, de Mnévis, plus connu des enfants d’Israël parce qu’on l’adorait à On du nord ou Héliopolis, ville voisine de la terre de Gessen ; c’est un prêtre d’Héliopolis qui avait donné sa fille en mariage à Joseph. Gen., xii, 45. Mais le peuple voyait-il dans cette image une divinité autre que Jéhovah ? Quelques-uns l’ont pensé. D’autres croient avec plus de raison que la faute des Israélites consista à vouloir adorer Dieu sous cette figure d’animal, ce qui était un grand crime, quoique Aaron rapportât expressément au vrai Dieu l’adoration du veau d’or dans la fête annoncée. Exod., xxxii, 5 ; Ps. cv, 19-20.

Du reste, si Aaron avait pu, dans la conjoncture difficile où il se trouvait, se faire quelque illusion sur la gravité de sa faute, cette illusion dut cesser à l’arrivée de Moïse, qui descendit de la montagne le jour même pu avait lieu cette fête sacrilège dans la plaine d’Er-Rahah. Le législateur d’Israël rapportait du Sinaï les tables de la loi. À la vue de ce peuple en délire, qui dansait en chantant et en poussant des cris de joie selon la coutume orientale , il fut transporté d’une sainte colère et brisa les tables de la loi contre le roc du Soufsaféh. S’avançant ensuite jusqu’au veau d’or, il le saisit, le mit dans le feu et le réduisit en poussière ; puis il jeta cette poussière dans l’eau, probablement dans le ruisseau qui coule encore aujourd’hui dans l’ouadi Schreich, afin que le peuple fût obligé de la boire. Il s’adressa enfin à son frère comme au véritable auteur de tout le mal : « Que vous avait fait ce peuple, lui dit-il, pour que vous l’ayez fait tomber dans un si grand péché ? » Exod., xxxii, 21. C’était le reproche le plus accablant qu’il pût adresser au futur pontife d’Israël. Aaron n’y sut faire qu’une réponse embarrassée, aussi peu capable de le justifier que de conjurer les funestes conséquences de sa faute ; car, en punition du crime que sa faiblesse avait laissé commettre, vingt-trois mille hommes (trois mille seulement selon le texte hébreu et un grand nombre de versions) périrent par le glaive des Lévites, exécuteurs des ordres de Moïse, Exod., xxxii, 28, et lui-même aurait péri comme eux, si son frère n’avait désarmé la colère de Dieu et obtenu son pardon. Deut., ix, 20.

II. Aaron grand prêtre. — Il n’entrait pas dans les desseins de Dieu de rétracter à cause de ce péché le choix qu’il avait fait d’Aaron ; il l’avait appelé lui-même au Sacerdoce, Hebr., v, 4, il lui suffisait de l’avoir instruit par cette humiliante leçon. Lors donc que le moment fut venu, Moïse procéda, conformément aux prescriptions divines sommairement énoncées dans le chapitre xxix de l’Exode, à la consécration d’Aaron comme grand prêtre, et à celle de ses fils Nadab, Abiu, Éléazar et Ithamar comme prêtres. Voir Grand prêtre.

Le Seigneur voulut que cette cérémonie eût lieu avec un appareil et une pompe propres à donner à Israël la plus haute idée du nouveau sacerdoce qui devait présider à ses destinées religieuses. Les Hébreux, réunis dans cette même plaine d’Er-Rahah, théâtre de leur idolâtrie, avaient devant eux, sur le Djebel-Moneidjah, une des ramifications orientales du Sinaï, le tabernacle nouvellement construit. Là, devant la porte du tabernacle et à la vue de tout le peuple, Moïse, prêtre et médiateur, Gal., iii, 19, agissant comme représentant de Dieu, offrit les divers sacrifices et accomplit les nombreuses cérémonies de cette consécration, sacrifices et cérémonies qui furent répétés sept jours consécutifs, durant lesquels Aaron et ses fils demeurèrent complètement séparés du reste d’Israël. Quand, à la fin, le grand prêtre eut inauguré ses fonctions de sacrificateur par l’immolation des victimes, il bénit le peuple, sans doute selon le rite prescrit au livre des Nombres, vi, 24-26, et il entra avec Moïse dans le tabernacle comme pour en prendre possession. À leur sortie, Dieu ratifia solennellement tout ce qui s’était fait : sa gloire apparut sur le tabernacle, et un feu céleste consuma la chair des holocaustes. Lev., viii et ix.

L’institution du sacerdoce aaronique était une des plus importantes de la loi nouvelle que Dieu donnait à son peuple. Elle devait avoir pour la conservation de la religion véritable une influence très grande. Mais c’était en même temps une innovation qui, malgré le soin avec lequel elle avait été préparée en la personne d’Aaron, étonna les tribus d’Israël et suscita des mécontentements qui plus tard se manifestèrent au grand jour. D’après les coutumes patriarcales, c’était l’ainé de la famille qui remplissait les fonctions de prêtre. Le sacerdoce semblait donc revenir de droit à la tribu de Ruben. Jacob mourant lui avait, il est vrai, enlevé les privilèges de la primogéniture ; mais ses descendants ne se résignèrent pas si aisément à être privés d’un si grand honneur. Le peuple, de son côté, avait bien été accoutumé en Egypte à voir une organisation sacerdotale particulière, qui aurait pu le préparer à accepter l’organisation mosaïque ; cependant telle est la force des traditions et des coutumes chez les Orientaux, qu’on n’accepta pas sans quelque peine les ordres divins. Ce ne fut que par des prodiges que Dieu put imposer sa volonté à Israël.

Il lui fallut aussi des exemples terribles pour enseigner aux nouveaux prêtres de quelle manière ils devaient remplir leurs fonctions sacrées, avec quelle exactitude et quel respect ils devaient accomplir les rites prescrits. Le jour même de la consécration d’Aaron, à l’heure du sacrifice de l’encens, Nadab et Abiu, les fils aînés d’Aaron, ayant manqué, dans les cérémonies, aux prescriptions divines, Num., iii, 4 ; xxvi, 61, sur-le-champ une flamme partie probablement de l’autel des parfums les foudroya, et ils furent emportés hors du tabernacle encore revêtus de leurs habits sacerdotaux. Témoin de cette triste scène, Aaron en fut abattu et troublé au point de négliger lui-même une cérémonie importante ; mais sa résignation fut absolue, et la foi du pontife imposa silence aux plaintes du père. Lev., x.

Peu de temps après avoir donné à Aaron cette leçon indirecte de respect pour les saintes cérémonies du culte, Dieu lui donna de sa propre bouche une leçon d’humilité, en lui montrant que, malgré sa dignité de grand prêtre, il restait toujours de beaucoup inférieur à son frère, dont il venait de méconnaître l’incomparable grandeur. C’était à la station d’Haséroth, la seconde après le Sinaï. « Marie et Aaron parlèrent contre Moïse, à cause de sa femme l’Éthiopienne. » Num., xii, 1. Il semblerait, d’après le texte sacré, qui nomme Marie la première et nous la montre seule punie, qu’Aaron pécha seulement par faiblesse. Peut-être se laissa-t-il persuader par sa sœur que sa dignité de pontife devait l’affranchir de la dépendance dans laquelle il était toujours resté vis-à-vis de son frère, dont il était d’ailleurs l’aîné. Il dit donc avec Marie : « Le Seigneur n’a-t-il parlé qu’à Moïse ? Est-ce qu’il ne nous a pas parlé comme à lui ? » Num., xii, 1-2. Le Seigneur appela aussitôt Marie et Aaron à la porte du tabernacle ; là il les reprit sévèrement de leur faute, et les humilia en leur montrant combien son serviteur Moïse était plus grand qu’eux et que tous les prophètes. Quand il se retira, Marie se trouva toute blanche de lèpre. Aaron demanda pardon à Moïse pour lui-même et pour elle, et Marie, grâce à la prière de Moïse, se trouva guérie le septième jour. Num., xii.

Après avoir soutenu la dignité de Moïse contre Aaron, Dieu dut défendre les prérogatives d’Aaron lui-même et du sacerdoce nouveau, qu’il venait d’instituer et de lui confier. La création de ce sacerdoce et l’attribution qui en était faite aux seuls descendants d’Aaron devaient exciter, comme nous l’avons dit, la jalousie des enfants de Ruben. Elle excita même celle des autres Lévites, et mécontenta ainsi du même coup ceux qui jusqu’alors avaient été appelés à exercer les fonctions sacerdotales et ceux des descendants de Lévi relégués au second rang. Il se trouva un homme ambitieux et en même temps assez hardi pour se faire l’interprète de ces mauvais sentiments. C’était Coré, cousin germain de Moïse et d’Aaron. Il souffla l’esprit de révolte à trois Rubénites, Dathan, Abiron et Hon, qui ne pouvaient oublier que dans le passé le sacerdoce appartenait de droit à leur tribu.

Autour de ces chefs se groupèrent deux cent cinquante des principaux d’Israël, et la sédition éclata. Mais Dieu vengea les droits de ses prêtres : les chefs de la révolte furent engloutis vivants dans la terre entr’ouverte sous leurs pieds, et le feu du ciel frappa de mort leurs deux cent cinquante complices tandis qu’ils offraient un encens sacrilège. Voir Corê. Un moment terrifiée par ce châtiment divin, la multitude passa bientôt à la colère et aux murmures contre Moïse et Aaron, qu’elle accusait d’être la cause de la mort de tous ces hommes ; le lendemain, une révolte générale les obligeait de se réfugier dans le tabernacle. « Dès qu’ils y furent entrés, Dieu le couvrit de la nuée, et la gloire du Seigneur apparut ; et le Seigneur dit à Moïse » qu’il allait exterminer le peuple. Num., xvi, 43-45. En effet, un incendie allumé par sa justice commença aussitôt ses ravages, et l’on voyait déjà de toutes parts tomber les rebelles, lorsque, sur l’ordre de Moïse, Aaron prit du feu de l’autel, et, l’encensoir à la main, parcourut le camp au milieu des morts et des vivants, en priant pour que le fléau cessât. Le grand prêtre ne rentra dans le tabernacle que lorsqu’il eut triomphé de la colère divine, et obtenu la vie pour ses ennemis. Num., xvi. Dieu venait ainsi de montrer du même coup la légitimité du sacerdoce d’Aaron et la puissance d’intercession dont il avait investi le grand prêtre suprême, médiateur entre lui et le peuple.

L’autorité pontificale d’Aaron, après cette redoutable intervention du Seigneur, devait paraître suffisamment établie et à l’abri de toute contestation ; Dieu voulut néanmoins lui rendre un nouveau témoignage, mais d’un caractère bien différent. Il ordonna à Moïse de recueillir les verges des chefs des douze tribus, de faire inscrire sur chacune le nom de la tribu qu’elle représentait, et de les déposer toutes dans le tabernacle avec celle de la tribu de Lévi, qui devait porter écrit le nom d’Aaron. « La verge de celui que j’aurai choisi fleurira, » ajouta le Seigneur. Num., xvii, 5. Moïse fit ce qui lui était commandé : le jour suivant, chacun des chefs reprit sa verge telle qu’il l’avait donnée ; mais tous furent témoins que celle d’Aaron avait fleuri et qu’elle était couverte de fruits. Dieu la fit replacer dans le tabernacle en souvenir perpétuel. Num., xvii.

III. Derniers jours d’Aaron. — Nous avons maintenant à franchir un intervalle de trente-sept ans pour retrouver la suite de la vie d’Aaron ; car de l’histoire d’Israël, depuis l’exode jusqu’à l’entrée dans la Terre Promise, Moïse n’a raconté que la première, la deuxième et la quarantième année. Dans le premier mois de cette quarantième année, les Hébreux arrivèrent à Cadès, dans le désert de Sin. Là mourut et fut ensevelie Marie. Pendant le séjour qu’on y fit, l’eau vint à manquer, et aussitôt les murmures du peuple de se faire entendre comme toujours contre ses deux chefs. Num., xx, 2-5. Dieu dit alors à Moïse : « Prends la verge ; toi et Aaron ton frère, convoquez le peuple ; parlez ensemble au rocher devant eux, et le rocher donnera des eaux. » Num., xx, 8. Moïse obéit ; il frappa ensuite la pierre deux fois avec la verge, et l’eau jaillit en si grande quantité qu’elle suffit abondamment au peuple et aux animaux. « Mais Dieu dit à Moïse et à Aaron : Parce que vous n’avez pas cru en moi et que vous ne m’avez pas rendu gloire devant les enfants d’Israël, vous n’introduirez pas ce peuple dans la terre que je lui donnerai. » Num., xx, 12. L’écrivain sacré n’indique pas en quoi consistait la faute dont Dieu se montra si offensé ; mais au Psaume cv, 33, nous lisons dans le texte hébreu que Moïse, en cette occasion, « fut inconsidéré dans ses paroles. » Or il avait dit au peuple devant le rocher : « Pourrons — nous faire sortir de l’eau de cette pierre ? » Num., xx, 10. Ce langage, en effet, exprime un doute : Moïse et Aaron se demandaient peut-être si la promesse de Dieu n’était pas conditionnelle et subordonnée aux bonnes dispositions du peuple, ou même si elle n’était pas seulement une sorte d’ironie à l’adresse de ces incorrigibles murmurateurs.

Quoi qu’il en soit, Aaron ne tarda pas à recevoir le châtiment annoncé. Environ quatre mois plus tard, le cinquième mois de cette même année, les Hébreux étant venus camper au pied du mont Hor, sur la frontière du pays d’Édom, Dieu annonça à Moïse que le dernier jour de son frère était arrivé, et lui ordonna de le conduire sur cette montagne, afin qu’il mourut là. Num., xx, 24-26. Tout le peuple hors de ses tentes regarda monter Moïse avec Aaron et son fils Éléazar. Lorsqu’ils furent parvenus sur le sommet, Moïse procéda à la cérémonie funèbre, dont Dieu avait lui-même réglé les détails. Il dépouilla Aaron de ses vêtements de grand prêtre, et en revêtit Éléazar, qui. allait lui succéder. Alors Aaron mourut, à l’âge de cent vingt-trois ans, et Moïse « descendit avec Éléazar. Or toute la multitude du peuple, apprenant la mort d’Aaron, le pleura pendant trente jours dans toutes les familles ». Num., XX, 29-30.

C’est tout ce que la Bible nous apprend sur la mort du premier pontife d’Israël ; elle ne nous dit rien de sa sépulture, et l’histoire profane, de son côté, ne nous fournit sur ce sujet aucun document. Cependant il existe sur le plus élevé des deux pitons culminants du Djebel-Nébi-Haroun, ou montagne du prophète Aaron, une construction appelée le Tombeau d’Aaron. Voir Hor. Cette montagne, située près de Pétra, entre la mer Morte et la mer Rouge, est identifiée avec le mont Hor par une ancienne tradition généralement adoptée, malgré l’opinion contraire de quelques modernes. Voir Wilton, The Negeb, p. 126 et suiv. Le tombeau est renfermé dans un petit édifice rectangulaire d’environ 10 mètres sur 7 m. 50 dans œuvre, que recouvre un toit en terrasse portant coupole et accessible par un escalier extérieur. Cet édicule est une sorte d’oualy ou sanctuaire pareil à ceux qu’on rencontre si fréquemment sur la tombe des santons musulmans ; il a été bâti avec les débris de la chapelle d’un petit monastère chrétien, encore debout en cet endroit au commencement du XIIIe siècle. Il se compose de deux pièces superposées. Celle de dessus, voûtée et éclairée seulement par la porte, est ornée de quatre colonnes, auxquelles on suspend des ex-voto. On y voit une pierre haute et arrondie, sur laquelle les pèlerins musulmans immolent en sacrifice à Aaron un mouton ou un chevreau. À côté de cette espèce d’autel est un sarcophage ayant l’aspect d’une dalle tombale de marbre commun ou de pierre calcaire d’un blanc-jaunâtre. Ce serait plutôt un simple cénotaphe, car les Arabes affirment que le vrai tombeau d’Aaron est dans la salle inférieure. Un escalier assez difficile conduit à cette seconde chambre, creusée en partie dans le roc, et où règne la plus profonde obscurité. Le tombeau qui se trouve dans cette crypte offre l’apparence d’une masse demi-cylindrique de maçonnerie, recouverte d’un tapis noir et défendue par une grille contre l’indiscrète curiosité des visiteurs. Voir de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, p. 277. Irby et Mangles, qui visitèrent ce monument en 1818, avaient pu arriver jusqu’au tombeau et le toucher, ainsi que les loques qui le dissimulaient en partie ; la grille, renversée avant leur passage, n’avait pas encore été relevée et restaurée. Irby et Mangles, Travels in Egypt, etc., édit. de 1844, p. 133-134. Qu’y a-t-il sous ce mystérieux couvercle ? S’il se soulève un jour en faveur d’un voyageur plus heureux que ses devanciers, lui laissera-t-il voir, à côté des restes qu’il renferme peut-être, quelque signe auquel on puisse reconnaître avec certitude qu’ils sont bien ceux d’Aaron ? Cela paraît fort douteux, et il est bien à craindre qu’il ne faille alors comme aujourd’hui répéter au sujet d’Aaron ce que l’Écriture nous dit de Moïse, après avoir raconté sa mort sur le mont Nébo : « Nul homme n’a connu jusqu’à ce jour le lieu de sa sépulture. » Deut., xxxiv, 6.

Mais si cet oualy ne renferme pas les restes d’Aaron, il n’en est pas moins une sorte d’hommage permanent rendu par les infidèles eux-mêmes à la sainteté de ce pontife. Par leurs pèlerinages et par le culte superstitieux qu’ils lui rendent, ils publient à leur manière que le Seigneur « le fit bien grand et pareil à Moïse ». Eccli., xlv, 7. Aaron fut, en effet, un homme d’une éminente sainteté. Il ne montra pas sans doute le zèle ardent et courageux de son frère ; il eut moins de fermeté que lui et fit preuve en deux circonstances, Exod., xxxii ; Num., xii, d’une coupable faiblesse ; mais il répara ces deux fautes par un prompt repentir. Plein de déférence et de docilité pour son frère, il fut comme lui homme de prière, patient, doux, dévoué à son peuple, et d’une obéissance parfaite aux ordres du Seigneur, qui l’en récompensa par la bénédiction la plus désirée en Israël : une longue vie et une innombrable postérité. De son mariage avec Élisabeth, sœur de Nahasson, chef de la tribu de Juda, Exod., vi, 23 ; Num., 1, 7, il avait eu quatre fils. Les deux aînés, Nadab et Abiu, étaient morts sans laisser d’enfants, Lev., x, 2 ; I Parai., xxiv, 2 ; mais la descendance d’Éléazar et d’Ithamar fut très nombreuse : au temps de Jésus-Christ, on comptait en Palestine vingt mille prêtres, d’après Josèphe, sont. Apion., II, vii, et même beaucoup plus si l’on s’en rapporte aux autres auteurs juifs. Gemara Hierosol., Taanith, fol. 67, dans Carpzov, Apparatus criticus antiquitatum Sacri Codicis, in-4o, Leipzig, 1748, p. 100.

Dieu glorifia bien davantage encore Aaron dans sa postérité en y choisissant le précurseur du Messie, Jean-Baptiste, duquel Jésus déclara « qu’il ne s’était jamais vu entre les hommes un plus grand que lui », Matth., XI, 11, et qui à son tour rendit témoignage au Christ, et dit en le montrant aux Juifs : « Voilà l’Agneau de Dieu, voilà celui qui efface le péché du monde. Joa., 1, 29. Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Joa., in, 30. Ainsi, par une admirable disposition de sa providence, Dieu accordait en quelque sorte une dernière fois à Aaron « de faire briller la lumière devant Israël », Eccli., xlv, 21, et le premier pontife de l’ancienne alliance proclamait par la bouche du plus illustre de ses petits-fils la déchéance du sacerdoce aaronique, en reconnaissant Jésus-Christ pour « le prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech ». Ps. cix, 4. Voir aussi Hebr., vii.

E. Palis.


2.AARON, Lévite, publia à Amsterdam, en 1010, le Pentateuque hébreu, in —12.


3.AARON, de Pesaro (xvie siècle), composa Les générations d’Aaron, Ṭoledoṭ ʾAharôn, table des endroits de l’Écriture Sainte rapportés dans le Talmud de Babylone. Cet ouvrage a été imprimé à Fribourg, 1581 ; à Bâle, 1587 ; à Venise, 1583 et 1591.


4.AARON ABIOB ou ARIOB, publia à Thessalonique, en 1601, un commentaire littéral sur le livre d’Esther. C’est une simple compilation sans vues personnelles, intitulée : Parfum de myrrhe, Šémén hammôr.


5. AARON-ABOU-ALDARI OU AARON ALRABBI, fils de Gerson. On a de lui un commentaire sur le Pentateuque, publié à Constantinople, in-f°, xvie siècle


6. AARON ABRAHAM (xvie siècle), a laissé Lettre des sens (de l’Écriture Sainte), ouvrage composé d’après la méthode cabalistique, in-8o, Constantinople, 1585.


7. AARON-BEN-CHAÏM ou ABEN-CHAÏM, né à Fez vers la fin du xvie siècle, fut par sa science et son influence à la tête des synagogues du Maroc et de l’Égypte. En 1609, il alla à Venise faire imprimer ses œuvres ; il y mourut peu après, avant d’avoir achevé cette publication. Ses principaux ouvrages, très estimés des Juifs, sont : 1° Le cœur d’Aaron, Leb Ἀharôn, composé de deux commentaires : l’un littéral sur le livre de Josué, et l’autre allégorique sur le livre des Juges ; 2° L’offrande d’Aaron, Qurban’Aharôn, commentaire savant, mais diffus, sur le Siphra, commentaire du Lévitique ; 3° Les régies d’Aaron, Middôṭ Ἀharôn, où l’on traite des treize façons dont le rabbin Ismaël interprétait l’Écriture Sainte. Ces œuvres laissent beaucoup à désirer à cause de leur diffusion et de leur subtilité. Elles ont été imprimées à Venise en 1609, in-f°. Très rares.


8. AARON-BEN-DAVID, cohen (prêtre), né à Raguse, en Dalmatie, mort à Venise vers 1656, a laissé un commentaire littéral et allégorique sur le Pentateuque et sur plusieurs autres livres, comme les Prophètes et les Hagiographes. Il est intitulé La barbe d’Aaron, Zeqan Ἀharôn ; il n’a rien de bien remarquable. Ce commentaire fut imprimé à Venise, in-f°, en 1652 et 1657, avec un commentaire de Salomon Ohef, son oncle, sous le titre : Huile du bien.


9. AARON-BEN-ÉLIE. Aaron, fils d’Élie, appelé aussi Aaron le Second (’al)arôn), pour le distinguer d’Aaron-ben—Joseph, surnommé le Premier (hâri’šôn), né à Nicomédie au commencement du xive siècle, alla au Caire, où florissait une nombreuse communauté de Juifs caraïtes. Il y mourut en 1369, après avoir été l’un des plus célèbres rabbins de cette sorte. Ses principaux ouvrages scripturaires sont : 1° L’arbre de vie, ’Es hayim (1346), traité de philosophie religieuse, qui rappelle par le plan, l’esprit et la plupart même des questions, Le guide des égarés, de Maïmonide. Ce que cette œuvre de Maïmonide fut pour le rabbinisme, L’arbre de vie le fut pour le caraïsme. On y trouve des principes d’exégèse destinés à concilier la toi et la raison, à éclairer les Israélites fidèles, souvent perplexes devant les apparentes oppositions de la Bible et de la science. 2° La couronne de la Loi, Kefer ṭôrâh (1362), commentaire littéral, mais parfois un peu diffus, sur le Pentateuque. Avec des vues personnelles, on y trouve le résumé des travaux des deux synagogues, et en particulier d’Ibn-Ezra. Aaron—ben-Élie suit de préférence l’exégèse grammaticale. Pour lui, c’est la base de toute interprétation de l’Écriture. Cependant à la recherche du sens littéral il unit souvent les explications philosophiques et allégoriques. Par le caractère de ses écrits et la nature de son esprit, il a beaucoup de traits de ressemblance avec l’auteur du Guide des égarés, qu’il semble du reste avoir

pris pour modèle ; aussi a-t-il été surnommé le Maïmonide du caraïsme. L’arbre de vie a été publié en 1839, à Constantinople. En 1841, MM. Delitzsch et Steinschneider en ont donné une belle édition, enrichie de précieuses additions. La couronne de la Loi a été publiée par fragments avec traduction latine par Kosegarten, à Iéna (1824). Voir J. G. Schupart, Secta Karseorum, Iéna, 1701, et les ouvrages sur les caraïtes indiqués à Aaron-ben-Joseph.

10. AARON-BEN-JOSEPH, Aaron, fils de Joseph, surnommé le Premier (hâri’šôn, voir Aaron-ben-Élie), né à Constantinople dans la première partie du XIIIe siècle, fut médecin dans cette ville, où il mourut en 1294. Ce rabbin composa des commentaires sur une grande partie de la Bible : sur le Pentateuque, sur les premiers prophètes, c’est-à-dire sur les livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois, sur Isaïe, sur les Psaumes et sur Job. Le plus connu est son commentaire sur le Pentateuque, Séfer hammibhâr, Livre de choix, ainsi apprécié par de Rossi : « (Commentaire) remarquable, exact, excellent en tout ce qui regarde le sens grammatical et littéral. » On y trouve parfois cependant de l’obscurité et de la subtilité. On a également de cet auteur un excellent abrégé de grammaire hébraïque et de critique sacrée, intitulé : Le parfait en beauté, Kelil yôfi, où il traite des variantes, transpositions, singularités, etc., du texte sacré. « Ce petit abrégé, dit Richard Simon, explique beaucoup de choses en peu de mots. » Aaron-ben-Joseph est le plus célèbre des écrivains caraïtes du XIII siècle. On l’estime comme bon théologien juif, et savant interprète de l'Écriture. Il s’attache surtout au sens littéral ; cependant il donne parfois dans l’allégorie et la cabale : il le doit peut-être à Nahmanide, dont il fut, dit-on, le disciple. Le livre de choix a été imprimé en 1835, à Eupatoria, en Crimée. Déjà des extraits avec traduction latine avaient été publiés à Amsterdam, en 1705. La Bibliothèque nationale possède de cet ouvrage deux manuscrits du XIVe siècle. La bibliothèque de Leyde a plusieurs autres ouvrages manuscrits de cet auteur. Sa grammaire fut imprimée à Constantinople, en 1581. Très rare. Voir Notice sur les Caraïtes, par le caraïte Mardochée, publiée et traduite par I. Chr. Wolf, Hambourg, 1714 ; Trigland, Diatribe de secta Karæorum, Delft, 1703 ; J. G. Schupart, Secta Karæorum, Iéna, 1701.

11. AARON-BEN-MOSCHÉH-BEN-ASCHÊR, ou d’ordinaire BEN-ASCHÊR simplement, rabbin du Xe siècle, dont la vie et le rôle sont encore enveloppés d’obscurité. Tout ce qu’on sait sur ce personnage, qui vécut à Tibériade, c’est qu’il fut, avec Ben-Naphtali, de Bagdad, le plus célèbre des naqdanim ou rabbins qui complétèrent, par l’adjonction de quelques signes, l'œuvre des véritables ponctuateurs de la Bible (ba’alê niqqud). Il entreprit une révision du texte sacré accompagné de sa ponctuation. Cette recension, faite avec un soin minutieux, l’emporta sur celle de Naphtali, son émule, et a depuis servi de base pour le texte de nos éditions imprimées. On attribue à Ben-Aschêr le Traité des accents qui se trouve à la fin des Bibles rabbiniques. Raymond Martin lui attribue aussi une grammaire hébraïque, mais Buxtorf pense qu’on doit lire Ben-Esra au lieu de Ben-Aschêr. On croit qu’il a été l’auteur ou le compilateur principal de règles et de fragments massorétiques importants. Wogue, Histoire de la Bible, p. 125. Voir Dikduke hateamim des Ahron-ben-Moscheh-ben-Ascher, herausgegeben von Bær und H. Strack, Leipzig, 1879.

12. AARON-BEN-SCHEMOUEL, publia à Francfort-sur-l’Oder, en 1690, La maison d’Aaron, Bet 'Aharôn, table des endroits de la Bible selon l’ordre des livres et des chapitres, indiquant en quels livres ces endroits de la Bible sont expliqués ; « ouvrage, dit Wolf, Bibliotheca hebraica, très utile aux interprètes et aux prédicateurs. »

13. AARON MOÏSE, de Lemberg, a donné, sous le titre de ’Ohel Moiéh, Tente de Moïse, une grammaire hébraïque estimable, 1765.

AARONITES. Descendants d’Aaron. I Par., xxvii, 17. C’est dans cette famille que se perpétuait le souverain pontificat. Voir Aaron 1.

AASBAÏ (hébreu : 'Ahasbaï, « Je me réfugie en Jéhovah ; » Septante : Ἀσϐίτου), père d'Éliphélet, un des vaillants guerriers de David. II Reg., xxiii, 34. Il est appelé : 6e » hamma’akâti, ce que la Vulgate traduit par « fils de Machati », mais qui signifie plutôt le lieu d’origine, habitant ou originaire de Maacha. Voir Abel-Beth-Maacha. Peut-être descendait-il de l’antique race de Machati, dont il est question Deut., iii, 14.

1. AB, mot hébreu, אב, ʾâb, qui signifie « père ». Il entre dans la composition des noms propres d’hommes et de femmes, où il est placé soit au commencement comme sujet, soit à la fin comme attribut : Ab-i-mélech, « mon père est roi ; » Ab-î-gaïl, « mon père est joyeux ; » El-î-ab, « mon Dieu est père ; » Jo-ab, « Jéhovah est père. » Dans quelques noms propres, 'âb paraît signifier « possesseur », sens qu’il a assez souvent en arabe et en éthiopien. Ainsi Abiathar, hébreu : ʾÉbyâṭâr, signifie « père d’abondance » ou possesseur de richesses.

2. AB, cinquième mois de l’année hébraïque. Il avait trente jours et commençait à la nouvelle lune de juillet. Le nom de ce mois ne se lit pas dans la Bible, mais seulement dans les Targums et les écrits rabbiniques. Les Juifs l’empruntèrent après la captivité aux Chaldéens, qui appelaient ’abu le cinquième mois. Voir Mois.

ABADDON, ange de l’abîme, dans l’Apocalyse, ix, 11. Abaddon est un mot hébreu, אבךרן, qui signifie « perte, ruine, mort », Job, xxxi, 12, et « le lieu où habitent les morts », Job, . xxvi, 6 ; Prov., xv, 11. Saint Jean donne ce nom à l’ange qui préside à l’enfer, à l’un des principaux chefs des démons, si ce n’est à Satan lui-même, et il explique le sens du mot sémitique par le mot grec Apollyon, Ἀπολλύον, que notre Vulgate interprète à son tour par le mot Exterminans, « Exterminateur. » L’auteur de l’Apocalypse veut sans doute faire ressortir par là le contraste qui existe entre Jésus, dont le nom signifie Sauveur, parce qu’il nous sauve de nos péchés, et celui de l’Ange de l’abîme, qui ne cherche qu'à perdre et à faire périr les hommes. On a voulu, mais sans preuves, identifier Abaddon avec le démon Asmodée, dont il est parlé dans le livre de Tobie, iii, 8 ; vi, 14 ; viii, 3. Ces deux esprits mauvais nous sont présentés avec des caractères différents : Asmodée est le démon de l’impureté ; Abaddon est le chef des sauterelles symboliques qui sortent du puits de l’abîme, semblables à des chevaux préparés au combat, ayant des têtes d’homme, des cheveux de femme, des dents de lion et des queues de scorpion. Voir Sauterelles.

ABAILARD. Voir Abélard.

ABAL (Septante : Ἂϐαλ), nom attribué au père de Daniel dans la traduction du livre de ce prophète par les Septante. On y lit, au commencement du chapitre xiv, qui contient l’histoire de Bel : « De la prophétie d’Ambacoum (Habacuc), fils de Jésus, de la tribu de Lévi. Il y avait un prêtre du nom de Daniel, fils d’Abal, commensal du roi de Babylone. » Voir S. de Magistris, Daniel juxta Septuaginta, in-f°, Rome, 1772, p. 89 ; C. Bugati, Daniel secundum editionem Septuaginta interpretum ex tetraplis syriace, in-4o, Milan, 1788, p. 119. Ce passage ne se trouve pas dans la traduction grecque ordinaire, parce que la version de Daniel par Théodotion a été préférée par l'Église grecque à celle des Septante. La forme Abal est d'ailleurs probablement fautive : on ne la rencontre nulle part dans l’Ancien Testament, et saint Jérôme, qui a cité cette addition des Septante dans son Prologue de Daniel, t. xxv, col. 492, écrit, non pas Abal, mais « Abda », nom véritablement hébreu. Voir Abda.

ABANA (hébreu: Ἀbânâh; Septante: Ἀϐανά), fleuve de Damas. On lit Amanah dans le qeri et même dans le ketib d’un certain nombre de manuscrits (cf. B. Kennicott, Vet. Testam. heb., Oxford, 1776, t. i, p. 651, et J. B. de Rossi, Var. Lect. Vet. Test., Parme, 1785, t. ii, p. 230), dans le Targum de Jonathan et dans la version syriaque; variante qui s’explique facilement par la confusion ou la permutation entre le beth, ב, et e mem, ס. Les Septante et la Vulgate portent Abana, et cet accord suffit, selon quelques auteurs, pour donner la préférence à cette leçon.


2. — Le Barada (ancien Abana), a Damas. D'après une photographie.


L’Abana n’est mentionné qu'une fois dans la Sainte Écriture, à propos de Naaman le lépreux, IV Reg., v, 12. Ce général des armées syriennes vient de Damas demander sa guérison au prophète Élisée, qui lui recommande alors d’aller se laver sept fois de suite dans les eaux du Jourdain. Mais l’officier, tout infatué de l’abondance et de la qualité des eaux de son pays, répond avec mécontentement et dédain : « Est-ce que l’Abana et le Pharphar, fleuves de Damas, ne sont pas meilleurs que toutes les eaux d'Israël, pour que je m’y lave et sois purifié? »

Deux rivières importantes arrosent le pays de Damas : le Barada et l’Aouadj; et un regard jeté sur la carte mène facilement à cette conclusion, que ce sont là les deux fleuves (neharôt) cités par Naaman. Or il semble naturel que le plus considérable et le plus familier à un habitant de la ville soit mentionné le premier. De nos jours, dit J. L. Porter, un indigène, s’adressant à un étranger, ne mettra jamais le Nahr el-Aouadj avant le Barada, qui fait la prospérité et la gloire de la grande cité. Five years in Damascus, Londres, 1855, t. i, p. 276. De plus, la leçon Amana nous reporte naturellement au mont Amana, dont parle le Cantique des cantiques, iv, 8, et dont, suivant plusieurs critiques, le nom est donné ou emprunté à la rivière qui y prend sa source. Ct. Polus, Synopsis Crit. sac., in Cant. IV, 8 ; Gesenius, Thesaurus ling. heb., au mot Ἀmanah. Or le même passage distingue nettement l’Amana de l’Hermon, qui donne naissance à l’Aouadj , tandis que l'autre fleuve sort, bien plus au nord, des montagnes de l’Anti-Liban. Il faut donc distinguer aussi l’Aouadj de l’Abana, qui s’identifie facilement avec le Barada; identification confirmée du reste par la version arabe, qui se trouve dans la Polyglotte de Walton, et qu'on fait généralement remonter au Xe ou au XIe siècle : elle traduit l'hébreu Abana par Barda, qu'Etienne de Byzance appelle dès le Ve siècle Bardinès.

Δαμασκός…, περὶ τὸν Βάρδινην ποταμόν.
Damas…, près du fleuve Bardinès.

L'Abana est donc bien, croyons-nous, le Barada (en arabe: le froid, le glacé), le χρυσοῤρδας, « fleuve d'or » des Grecs, ainsi appelé, non parce que ses eaux roulent effectivement des paillettes d'or, mais parce que de tout temps, à l'époque de Strabon et de Pline aussi bien qu'aujourd'hui, elles ont répandu sur leur passage la fertilité et les richesses.

Le Barada forme la branche orientale de cette croix qui, dans l'hydrographie syrienne, a pour tronc l'Oronte au nord, le Jourdain au sud, et pour branche occidentale le Leitani. Cf. Élisée Reclus, Asie antérieure, Paris, 1884, p. 719. Il prend sa source sur une haute crête de l'Anti-Liban, le Djébel-Zebdâni, à une altitude de 1 066 mètres

au-dessus de la Méditerranée. Traversant les montagnes par de profondes coupures où l’on entend mugir ses eaux souvent invisibles entre les parois des rochers, il arrose l’antique Abila, aujourd’hui Soūq-Ouadi-Barada ; puis, au milieu de ruines de la domination romaine, il vient se grossir des eaux de l’Aïn-Fidjéh, une des sources les plus remarquables de la Syrie. Il débouche ensuite dans la plaine de Damas, et, se dirigeant vers l’est, longe le mur septentrional de la ville (fig. 2), et va enfin se perdre, à une vingtaine de kilomètres de Damas, par plusieurs bras différents, dans un grand lac, le Bahr el-Àleibéh, divisé lui-même en deux parties : Bahret esch-Scharqiyéh (lac oriental), et Bahret el Qebliyéh (lac méridional). Jamais rivière ne fut mieux utilisée. Dès la plus haute antiquité, on a dérivé de son lit principal, à divers niveaux, une multitude de canaux, dont sept plus importants. Sans ce fleuve aux eaux limpides et dignes de l’admiration de Naaman, Damas n’existerait pas ; mais avec lui, malgré les calamités et les révolutions, elle est restée l’une des plus populeuses et des plus brillantes cités de l’Orient. Cf. V. Guérin, La Terre Sainte, Paris, 1882, 1. 1, p. 384-387 ; J. L. Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855, 1. 1, p. 255-278.

ABARBANEL (don Isaac-ben-Juda-barbanel ou Abravanel), rabbin portugais, né à Lisbonne en 1437, dans une famille opulente, mort à Venise en 1508. Il reçut une brillante éducation, embrassa la carrière de la politique et devint ministre des finances d’Alphonse V, roi de Portugal, puis de Ferdinand le Catholique, roi de Castille. L'édit de 1492, qui expulsait les Juifs, le força de quitter l’Espagne ; il se rendit à Naples, où il occupa un poste éminent à la cour de Ferdinand Ier et d’Alphonse II, son successeur. L’invasion des Français le fit passer en Sicile ; de là il se rendit à Corfou, et, après avoir séjourné quelque temps dans la Pouille, il s’arrêta enfin à Venise, où il mourut à l'âge de soixante et onze ans. Dans ses pérégrinations, Abarbanel composa de nombreux ouvrages. Voici, d’après Aboab, la liste de ses œuvres scripturaires et le lieu de leur composition : en Portugal, le commentaire du Deutéronome, intitulé Mirkébet hammišnéh, Le second char, Gen., xli, 43 ; en Castille, les commentaires de Josué, des Juges et des Rois ; à Naples, Les sources du salut, Ma’ayenê yesu’ah, Is., xii, 3, commentaire sur Daniel, et le livre appelé Sacrifice de la Pâque, commentaire sur la manière de célébrer la Pâque ; à Corfou, un livre sur Isaïe ; à Venise, un commentaire sur les autres prophètes et sur les quatre premiers livres de la Loi. Abarbanel composa encore deux dissertations sur le Messie : Mašmi’a yešu’ah, Isaïe, lii, 7, Le héraut du salut, et Yešu’of mešiho, Ps. xxviii, 8, Le salut ou secours de son Messie. Ces deux dissertations. avec Les sources du salut, forment les trois traités compris sous le titre de Migdôl yešuot, II Sam., xxii, 51, (Dieu) signalant sa grandeur par des secours. Citons encore Lahaqaf nebi’im, I Sam., xix, 20, La réunion des prophètes, dissertation sur les prophéties de Moïse et des autres prophètes, et La couronne des anciens, Ἁtéret zeqênim, Prov., xvii, 6, commentaire philosophique sur le ש 20 du chapitre XXIII de l’Exode, sur le chapitre xxiv du même livre, et sur le ש 1 du chapitre III de Malachie.

Écrivain distingué, à l’intelligence élevée, au style facile, élégant et abondant, Abarbanel jouit d’une grande autorité près des Juifs, qui lui ont donné les noms de Sage, de Prince. Il s’attache avec bonheur à expliquer le sens littéral, et à montrer en particulier l’enchaînement des idées. Pour mieux interpréter le texte sacré, il a recours à l’histoire : par là, il ouvre une voie nouvelle à l’exégèse biblique. Deux mots caractérisent donc très bien son exégèse : elle était grammaticale et historique. Enfin, par ses savantes Introductions, il a rendu d’importants services à la critique sacrée. Cependant Richard Simon vante un peu trop Abarbanel, lorsqu’il le regarde comme c celui de tous les rabbins dont on peut le plus profiter pour l’intelligence des Livres Saints… », et lorsqu’il porte sur lui ce jugement : « Abarbanel n’a pas moins de netteté et d'éloquence en hébreu que Cicéron en a en latin. » Il reconnaît d’ailleurs qu’il est plus rhéteur qu’exégète, et que parfois il est trop subtil et trop prolixe. On trouve, en effet, dans ses commentaires, des dissertations longues et diffuses sur des questions théologiques qui vont plus ou moins au sujet. Souvent aussi il se répand en attaques violentes contre la religion chrétienne.

Bibliographie. — Les ouvrages d’Abarbanel, en tout on en partie, ont été très souvent publiés, dans le texte original ou dans une traduction latine. Le commentaire sur le Pentateuque a été imprimé à Venise, 1579, in-f°, et réimprimé dans la même ville, 1584, après des suppressions et corrections faites par ordre de l’Inquisition. L'édition de 1710, in-fol., Hanovre, donnée par H. J. Bashuysen, reproduit la première édition de Venise et est plus correcte. Le commentaire sur le Deutéronome avait été imprimé séparément à Sabionetta (Italie), in-fol., 1551. — Éditions particulières : Commentaire sur les premiers prophètes, Naples, 1593 ; et, plus correctement, in-fol., Leipzig, 1681 ;

Hambourg, 1687. Commentaire sur les derniers prophètes, Pesaro (Italie), 1520 ; Amsterdam, 1641, édition plus élégante que la première et augmentée de deux tables. Commentaire sur Daniel, Les sources du salut, in-4°, 1551, sans nom de heu ; Amsterdam, in-4o, 1647 ; selon Wolf, il y aurait eu une édition à Naples, in-4°, 1497. Le sacrifice de la Pâque, Constantinople, 1496 ; Venise, 1545 ; Crémone, 1557 ; Le héraut du salut, Salonique, in-4o, 1526 ; Amsterdam, 1644 ; traduit en latin par H. May, in-4o, Francfort, 1712 ; Les secours du Messie, manuscrit de la Bibliothèque nationale, imprimé en 1828 à Carlsruhe. La couronne des anciens, Sabionetta, in-4°, 1557 ; Amsterdam, 1739. — Voir Joh. Heinrich May, Dissertatio historico-philologica de origine, vita et scriptis I. Abrabanielis , Altdorf, 1708 ; in-4o, Francfort, 1712. Voir aussi Nicéron, Mémoires, t. xli ; Gràtz, Geschichte der Juden, t. viii, p. 334 ; t. ix, p. 6, 46 ; Jost, Geschichte des Judenthums, t. iii, p. 204.

ABARIM, chaîne de montagnes du pays de Moab. Ce nom est toujours accompagné de l’article en hébreu : har hâ'abarim, Num., xxvii, 12 ; Deut., xxxii, 49, harê hâ'abarîm, Num., xxxiii, 47, 48, « la montagne » ou « les montagnes des Abarim » ; τὸ ὄρος τὸ Ἀϐαρίμ,έν τᾦ πέραν τοῦ Ἰορδάνου. La racine 'éber, qui est la même que celle du mot hébreu, peut avoir une double signification : « la région au delà [de l’Euphrate], trans flumen, » ou « les passages » ; aussi la Vulgate, Deut., xxxii, 49, ajoute cette traduction étymologique : « c’est-à-dire, des passages ». Dans ce dernier cas, les montagnes en question seraient ainsi appelées parce qu’on descendait d’Hésébon à la vallée du Jourdain par les gorges qu’elles renferment.

D’après divers endroits de l’Écriture Sainte, nous savons que les monts Abarim se trouvaient « dans la terre de Moab », Deut., xxxii, 49, et avaient pour sommets principaux le Nébo, « en face de Jéricho, » ibid., le Phasga (Pisgâh) et le Phogor (Pe’or), d’où l’on pouvait facilement « contempler la terre promise aux enfants d’Israël ». Num., xxvii, 12. Aussi est-ce là que Dieu transporte Moïse avant sa mort, pour lui faire embrasser d’un coup d’œil le pays de Chanaan, vers lequel le grand législateur a conduit son peuple, mais qu’il ne pourra lui-même fouler de ses pieds. Deut., xxxiv, 1. C’est de là que Balaam vient considérer et bénir les tentes d’Israël, Num., xxiii, 14, 28, fixées au pied de ces montagnes. Num., xxi, 20 ; xxii, 1. C’est là aussi que Jérémie cache le tabernacle, l’arche d’alliance et l’autel des parfums. II Mac, ii, 4. Enfin le même prophète ajoute ce nom à ceux du Liban et de Basan au chap. xxii, 20 ; car il est plus conforme au contexte de lire avec l’hébreu mê'abarîm, « de l'Abarim, » que de traduire comme la Vulgate : « à ceux qui passent ».

Les voyageurs modernes, principalement M. de Saulcy, en déterminant la position du mont Nébo, ont par là même confirmé celle des monts Abarim, qu’Eusèbe et saint Jérôme placent à six milles d’Hésébon. S. Jérôme, Lib. de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 867 et 913. Du reste, les passages de la Sainte Écriture cités plus haut montrent clairement qu’il faut chercher Abarim dans la partie septentrionale de cette région montagneuse qui, bornant la mer Morte à l’est, a dans son ensemble une centaine de kilomètres de longueur, une largeur d’environ 40 kilomètres, avec une élévation générale d'à peu près 1 000 mètres. Descendant brusquement en parois abruptes jusqu’au lac Asphaltite, les rochers sont coupés par les ravins des ouadis, qui « pénètrent dans l’intérieur comme d'étroites rues entre des murs verticaux. La végétation est rare sur les pentes et sur les plateaux de cette région d’El-Belka, plus généralement désignée par les noms des anciens peuples qui l’habitaient, Ammon et Moab. Cependant la nudité de ces monts n’est pas comparable à celle du massif calcaire de la Judée, à l’ouest de la mer Morte : non seulement les fonds bien arrosés sont remplis de fourrés verdoyants, mais des bouquets de chênes, des térébinthes, des lauriers croissent sur les terrasses tournées vers les vents humides de la Méditerranée. » Cf. Elisée Reclus, Asie antérieure, Paris, 1884, p. 708.

La partie septentrionale, qui s'étend depuis le Zerka-Maïn jusqu'à l’ouadi Hesban, et forme les monts Abarim, se distingue des autres par de plus nombreuses déchirures. Dans l’espace de quelques kilomètres, le plateau est coupé par cinq ou six ouadis, qui, commençant par une dépression assez douce, se creusent rapidement, en sorte que l’on n’a plus sous les yeux qu’une série de chaînes parallèles, descendant par échelons vers la mer, et portant sur chacun de leurs flancs les ruines d’une cité antique. H. B. Tristram, The land of Moab, 2e édit., Londres, 1874, p. 318. On a, en effet, retrouvé dans ce pays des ruines de tout âge, restes de l’ancienne religion cananéenne : dolmens, menhirs, cercles de pierres, villes moabites, temples romains, etc. Les explorateurs modernes, surtout de Saulcy, Voyage en Terre Sainte, 2 in-8°, Paris, 1865 ; H. B. Tristram, ouv. cité ; C. R. Conder, Heth and Moab, Londres, 1889, nous ont donné sur cette contrée des détails aussi précis qu’intéressants, et ont ainsi comblé une lacune qu’on déplorait depuis longtemps dans la géographie sacrée. Ils ont constaté de visu et à plusieurs reprises l’exactitude du récit biblique, quand il affirme qu’on peut de ces montagnes apercevoir dans toute son étendue la Terre Promise. Deut., xxxiv, 1-3. Des sommets du Nébo, ou de Siàghah, ou de Maslubiyéh, la vue s'étend merveilleusement, vers l’ouest, d’Hébron à la Galilée, en passant par Bethléhem, Jérusalem, les monts Garizim et Ébal, le Thabor. « Le Jourdain se déroule comme un immense serpent à travers la vallée, et les torrents de la plaine de Jéricho descendent en serpentant pour rejoindre ceux qui s'élancent des collines de Moab. » Voir les détails dans C. R. Conder, Heth and Moab, p. 131-141. Voir NÉBO, Phasga.

ABARON (dans le texte grec original : Αὐαράν), surnom d'Éléazar, quatrième fils de Mathathias et frère de Judas Machabée. I Mac, ii, 5. Voir Éléazar 8.


ABAUZIT Firmin, calviniste français, né à Uzès en 1679, mort à Genève en 1767, où il avait été longtemps bibliothécaire de la ville. Il travailla à la traduction française du Nouveau Testament qui parât à Genève en 1726, et publia plusieurs écrits en faveur de l’arianisme. Ce qui lui a fait un nom dans l’exégèse est son Essai sur l’Apocalypse, travail remarquable, non par sa valeur, mais par ses hardiesses. L’auteur révoque en doute l’authenticité de l’Apocalypse ; il insinue qu’elle n’est pas l'œuvre de l’apôtre saint Jean, qu’elle a été composée sous le règne de Néron, et qu’elle raconte sous forme prophétique la destruction de Jérusalem. Cet ouvrage fut traduit en anglais et réfuté par L. Twells. Il fut aussi combattu en France par Bergier, en 1780, dans son Traité historique et dogmatique de la vraie religion, t. viii. Sur Abauzit, voir Œuvres diverses de M. Firmin Abauzit, in-8°, Genève, 1770 ; Œuvres de feu M. Abauzit, 2 in-8°, Londres (Amsterdam), 1770-1773 (ces deux éditions contiennent l’ Essai sur l’Apocalypse ; la seconde s’ouvre par l’Éloge d’Abauzit, composé par son éditeur Bérenger) ; Miscellanies on historical, theological and critical subjects, translated by E. Harwood, in-8°, Londres, 1774 (la vie de l’auteur est racontée p. i-xxiv ; le recueil se termine, p. 283, par An historical discourse on the Apocalypse) ; Senebier, Histoire littéraire de Genève, t. iii, p. 63-83 ; Lücke, Versuch einer vollständigen Einleitung in die Offenbarung Johannis, p. 555.


ABBA, mot araméen correspondant au mot hébreu ʾab, « père. » Il nous a été conservé dans le Nouveau Testament grec : Ἀϐϐᾶ, Marc, xiv, 36 ; Rom., viii, 15 ; Gal., iv, 6, où cette appellation s’applique toujours à Dieu sous forme d’invocation. En saint Marc, c’est Notre-Seigneur qui s’adresse ainsi à son Père. Saint Paul dit aux fidèles qu’ils peuvent appeler Dieu : « Abba, père, » parce qu’ils sont ses enfants d’adoption. Dans le texte grec, comme dans la Vulgate latine, le mot abba est toujours suivi de la traduction : « père. »


ABBA ARÉKA ou Arikha, surnommé RAB par une abréviation familière à l'époque talmudique (Rab pour R. Abba, c’est-à-dire Rabbi Abba), 175-247, fut disciple de Juda le Saint. Il porta la Mischna rédigée par son maître à Sora, où il fonda une école, qu’il dirigea vingt-huit ans, de 219 à 247, et qu’il imprégna fortement de l’esprit rabbinique. Il fut le premier des amoraïm ou interprètes de la Mischna, et commença ces commentaires oraux qui furent recueillis plus tard sous le nom de Ghemara ou Talmud de Babylone. Il est l’auteur d’un célèbre Midrasch ou commentaire mi-partie halakique et hagadique sur le Lévitique, intitulé Sifrâʾ, Le livre, ou Sifrâʾ debê Rab, Livre de l'école de Rab, ou encore Baraïta šel Ṭôraṭ kôhanim, c’est-à-dire Mischna extérieure sur la loi des prêtres. La loi des prêtres, Ṭôraṭ kôhanim, était le nom donné au Lévitique par les première rabbins. Il composa également un commentaire sur les Nombres et le Deutéronome, appelé Sifrê, Les livres, connu encore sous le nom de Sifrê debê Rab, Les livres de l'école de Rab. Cependant ces Midraschîm sur le Lévitique et sur les Nombres et le Deutéronome ne sont pas entièrement et exclusivement l'œuvre de Rab. Ainsi les textes anonymes appartiennent à deux tannaïm ou « répétiteurs » de la tradition concernant la Bible, Juda-ben-El‘ài et Siméon-ben-Yôḥàï. Mais la compilation et la rédaction sont dues à Rab et à son école. Le Sifrâʾ fut publié à Constantinople, in-f°, 1515, et à Venise, in-f°, 1545. Aaron-ben-Chaïm en a donné un commentaire intitulé Qorban ʾAharôn, in-f°, Venise, 1609. Le Sifrê fut également imprimé à Constantinople, in-f°, 1515, et à Venise, in-f°, 1545. Il a été, ainsi que le Sifrâʾ, l’objet de plusieurs commentaires, comme ceux d’Abraham Lichtstein, de David Pardo, etc. La traduction latine du Sifrâʾ et celle du Sifrê se trouvent dans les tomes xiv et xv du Thesaurus antiquitatum sacrarum d’Ugolini. Sur Rab et ses œuvres, voir : Jul. Fürst, Rab, sein Leben, Wirken, als erster Amora, als Begründer des Talmud’s, etc., dans Kultur und Literaturgeschichte der Juden in Asien, p. 8, 10, 31-39, 46, 52-53, 60-63, 65, 67-72, 91 ; J. H. Weiss, Ṭôledôṭ Rab, dans E. Stern, Kokebê Yisḥâq, fascicule 8-11.


ABBA MARI, fils de Moïse, fils de Joseph, était originaire de Lunel, aussi se nomme-t-il hay-yarhi (yerah signifie « lune » ; les Juifs provençaux avaient coutume de traduire en hébreu les noms de ville). Son nom provençal était Don ou En Astruc, ou Nastruc (forme populaire). Il vécut à la fin du xiiie et au commencement du xive siècle. De 1304 à 1306, il prit la plus grande part à la dispute qui divisa alors les rabbins du midi de la France en deux partis, qu’on peut appeler le parti philosophique et le parti théologique, ou plutôt talmudique. Effrayé de l’abandon où était tombée l’étude du Talmud, et de la préférence accordée à des recherches philosophiques aboutissant le plus souvent, dans l’interprétation de la Bible, à un allégorisme outré ou au rationalisme, Abba Mari vit là un danger sérieux pour la foi de ses coreligionnaires. Aussi voulait-il qu’on n’entreprit pas les études philosophiques avant l’âge de trente ans, âge auquel on est d’ordinaire assez familiarisé avec le Talmud. Dans ses lettres, il s’élève contre ceux qui expliquent les miracles par des faits naturels, et qui regardent comme des allégories philosophiques ou morales les récits et les personnages de la Bible le plus évidemment historiques. Quelques-uns, en effet, voyaient, par exemple, dans Abraham et Sara, la matière et la forme ; dans Jacob et les douze tribus, le ciel et les douze signes du zodiaque. L’édit de 1306, qui expulsait les Juifs de France, mit fin à la querelle. Abba Mari quitta Montpellier, où il s’était fixé ; il se réfugia à Arles, et peu de temps après à Perpignan. Il mourut après 1310, on ne sait précisément en quelle année. Les lettres échangées dans la controverse furent réunies par lui sous le titre de Minḥaṭ qenaôṭ, Offrande du zèle. Num., v, 18. En tête de l’ouvrage se trouve une longue introduction, où il expose en dix-huit chapitres, dans un style diffus, les principes fondamentaux de la foi. Il conclut que ceux qui croient à ces principes ne douteront jamais des récits de l’Écriture, et ne chercheront pas d’interprétation naturaliste aux miracles. À la fin de cet opuscule, il ajouta un petit traité intitulé Livre de la lune, Séfer hayyârêaḥ, où il développe les mêmes idées. On lui attribue aussi un Commentaire sur le livre de Job, dont une copie manuscrite existe à la Bibliothèque nationale. Une main plus moderne que celle du copiste a ajouté le nom d’Abba Mari à la marge, et le donne comme l’auteur de cet ouvrage. L’Offrande du zèle a été publiée par Mard. Lôw Bisseliches, à Presbourg (Hongrie), in-8°, 1838. — Voir, sur Abba Mari, Histoire littéraire de la France, t. xxvii, p. 648-695, et H. Gross, Notice sur Abba Mari, dans la Revue des études juives, avril-juin 1882, p. 192 et suiv.

ABBOTT (George), archevêque anglican de Cantorbéry, né à Guildford, le 29 octobre 1562, mort à Croydon, le 4 août 1633, fut un des traducteurs de la Bible anglaise publiée par le roi Jacques Ier (version autorisée) ; il avait été chargé des quatre Évangiles. On a aussi de lui un commentaire du prophète Jonas en forme de sermons, An exposition upon the prophet Jonah, in-4o, Londres, 1600, ouvrage d’ailleurs sans valeur exégétique. Voir S. L. Lee, Stephens’ Dictionary of national biography, 1885, t. i, p. 5-20 ; W. Russell, Life of G. Abbott, Oxford, 1777.


ABDA, hébreu : ‘Abda’, « serviteur, » sous-entendu : de Dieu ; abréviation de ‘Abde'êl’ ; Septante : Ἀυδῶν.

1. 'ABDA, père d’Adoniram, un des officiers de Salomon. III Reg., iv, 6.

2. ABDA, lévite, fils de Samua, descendant du célèbre chantre Idithun. B revint de la captivité avec Zorobabel. II Esdr., xi, 17. D est appelé Obdia dans I Par., ix, 16.


ABDÉEL (hébreu : ‘Abde’êl, « serviteur de Dieu ; » omis dans les Septante), père de Sélémias, qui reçut de Joachim, roi de Juda, l’ordre d’arrêter Jérémie et Baruch. Jer., xxxvi, 26.


ABDÉMÉLECH (hébreu : ‘Ébed-mėlek, « serviteur du roi ; » Septante : Ἀϐδεμέλεϰ. Nom propre fréquent en arabe sous la forme Abdulmalik), eunuque éthiopien à la cour de Sédécias, dernier roi de Juda. Par son intervention, Jérémie fut tiré de la citerne ou basse fosse de la prison où l’avaient jeté les principaux de Jérusalem. Suivant la promesse que le prophète lui avait faite en retour, il fut préservé de tout mal dans la ruine de la ville. Jer., xxxviii, 7-18 ; xxxix, 16.


ABDÉNAGO (hébreu : ‘Abêd-negô ; Septante : Ἀϐδεναγώ), nom babylonien donné à Azarias, l’un des trois compagnons de Daniel élevés avec le prophète à l’école royale de Babylone. Dan., i, 7 ; ii, 49 ; iii, 12, 16, 97. La forme babylonienne de ce nom a été altérée par les copistes dans le texte hébreu ; il faut lire, comme on l’a depuis longtemps remarqué : ‘ǎbêd Nebô, c’est-à-dire « serviteur du dieu Nabo », une des principales divinités de Babylone. On trouve en assyrien beaucoup de noms propres qui commencent, comme en hébreu, par le mot ‘abad, « serviteur, » suivi du mot de « roi » (cf. en hébreu : Abdémélech, Jer., xxxviii, 7, etc.) ou du nom d’un dieu. Le nom d’Abdénabo lui-même se lit dans une inscription assyro-araméenne, où il désigne un Assyrien. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 1883, p. 429. Voir Azarias 13.

F. Vigouroux.


ABDI, hébreu : ‘Abdi, « mon serviteur, » ou plutôt abréviation de ‘abdiyâh, « serviteur de Dieu ; » Septante : Ἀϐαί.

1. ABDI, lévite de la famille de Mérari et ancêtre d’Éthan. I Par., vi, 41.

2. ABDI, autre lévite de la même famille. Il fut père de Cis, un des lévites qui concoururent à la purification du temple sous Ézéchias. II Par., xxix, 12.

3. ABDI, un des fils d’Élam. Pour obéir à Esdras, il renvoya, au retour de la captivité, une étrangère qu’il avait épousée à Babylone. I Esdr., x, 26.


ABDIAS, hébreu : ‘Obadyâhû, et par contraction ‘Obadyâh, « serviteur, c’est-à-dire adorateur de Yah (Jéhovah), » correspondant à l’arabe Abdallah ; Septante : tantôt Ἀϐδίας, tantôt Ὀϐδιού.

1. ABDIAS, le quatrième des petits prophètes. Excepté son nom, on ne sait rien de certain à son sujet. La prophétie dont il est l’auteur fait cependant présumer qu’il était d’origine juive, habitant le pays de Juda.

I. Analyse de sa prophétie.

Très brève, puisqu’elle n’a que vingt et un versets, cette prophétie est dirigée contre Édom. Voici les trois parties qui la composent :
1o  Ruine d’Édom, qui sera humilié, dépouillé et trahi par ses alliés ; il sera exterminé pour toujours, 1-10. —
2o  Cause de cette ruine : c’est la part prise par lui aux maux qui viennent de tomber sur Jérusalem et sur les « enfants de Juda » ; il s’est joint aux étrangers qui ont jeté le sort sur la ville, il a triomphé insolemment avec eux ; il a surpris les fugitifs, les a tués ou vendus, 11-16. —
3o  Exaltation d’Israël sur le mont Sion : Israël vaincra ses ennemis, recouvrera ses anciennes possessions et ses captifs lointains ; il s’étendra de tous côtés, et « il y aura alors des sauveurs qui monteront sur la montagne de Sion pour juger Ésaü ; et le royaume sera enfin à Jéhovah », 17-21. Telle est cette prophétie.

II. Date de sa prophétie.

Pour en fixer la date, on a d’une part le texte lui-même, de l’autre sa parenté avec Joël et Amos. Le texte rappelle, 11-17, un événement passé (voir les prétérits, 11, 15, 16), qui est la prise de Jérusalem par des ennemis auxquels Édom s’est trouvé mêlé. Quel est au juste cet événement ? C’est ce qu’il faut savoir. Or il n’y a à cet égard que deux opinions sérieuses possibles : — je laisse de côté celles qui ont trait à l'Égyptien Sésac et au roi israélite Joas, qui pillèrent la ville en leur temps, III Reg., xiv, 25-26 ; IV Reg., xiv, 11-16 ; cf. II Par., xxv, 21-24, car il est évident que ce n’est pas de ces deux faits qu’il s’agit : — l’une, qui voit dans cet événement l’invasion des Philistins et des Arabes sous Joram, II Par., xxi, 16-17 ; l’autre, qui l’identifie avec l’invasion de Nabuchodonosor. Les partisans de celle-ci se font un argument surtout des rapports qu’ils constatent entre Abd., 1-7, et Jer., xlix, 7-22 : À l’Idumée. Abdias, disent-ils, a imité Jérémie. Donc il est venu après lui, et c’est bien la guerre chaldéenne qu’il a eue en vue. — Non, ce n’est pas Abdias qui a copié Jérémie ; c’est Jérémie, au contraire, qui s’est inspiré d" Abdias, comme on le prouve par les trois raisons suivantes : 1° Jérémie est un copiste avéré, A. Kueper, Jeremias sacrorum Librorum inlerpres atque vindex, Berlin, 1837, p. x et suiv. ; 2° sa prophétie n’a pas cette unité de conception et de rédaction qui distingue son devancier, et 3° enfin, — observation critique qui a sa valeur, — parmi les termes propres à Jérémie, pas un qui se trouve dans Abdias, tandis que parmi les termes communs à tous deux, pas un qui se trouve ailleurs en Jérémie. Cf. P. Caspari, Der Prophet Obadja, p. 5-13. Mais si Abdias est antérieur à Jérémie, ce n’est donc pas de l’invasion chaldéenne qu’il parle. Du reste, il y a entre celle-ci et le récit assez pâle du petit prophète des différences essentielles. Abdias ne dit rien de la destruction de la ville, de l’incendie du temple, de l’entière dépopulation du pays, qui précédèrent l’exil. Aurait-il gardé ce silence, s’il avait entendu raconter l’expédition de Nabuchodonosor ? Voir J. Knabenbauer, In Prophetas minores, t. i, p. 340 et suiv. L'événement qu’il rappelle est donc bien l’invasion qui eut lieu sous Joram, et dont il a été question plus haut. D’un autre côté, le rapport de notre prophétie à des textes de Joël et d’Amos est constant, tout le monde l’accorde. A. Johannes, Commentar zu der Weissagung des Propheten Obadja, p. 6-8. Il est vrai que plusieurs la font dépendre de ceux-ci, mais à tort, croyons-nous. Il est certain, au contraire, que c’est Joël et Amos qui dépendent d’Abdias : Amos, il n’y a pas de doute, si Joël en dépend ; Joël, on ne saurait le nier, car il l’avoue lui-même en citant notre petit Abdias avec ces mots significatifs : « Comme l’a dit le Seigneur. » Joël, ii, 32 (hébreu, iii, 5) ; cf. Abd., 17. Abdias a donc vécu avant Joël et Amos. D’où il suit enfin que notre prophétie fut écrite entre le règne de Joram, sous lequel l’invasion eut lieu, et l’apparition de Joël et d’Amos ; plus précisément encore, sur la fin de ce règne, vers l’an 865, car l’impression produite par les maux endurés paraît récente et comme toute vive. On peut confirmer cette date et par le style du prophète, style ancien, exempt de chaldaïsmes, style « lapidaire » du reste, car on dirait de cet oracle qu’« il a été taillé dans un roc de Pétra », et par la place qu’il occupe dans le recueil des douze petits prophètes : s’il ne tient pas la première, ce qui devrait être, si l’on avait suivi strictement l’ordre des temps, du moins est-il rangé parmi ceux qui ont paru avant l’exil, ce qui suffit à renverser l’opinion que nous combattons. — Mentionnons, uniquement pour les rejeter, l’opinion de F. Hitzig, ramenant notre prophétie à l’an 302, et celle de A. Kuenen, d’après laquelle notre prophète, qui aurait vécu du temps de Jérémie, « aurait reproduit à peu près sans y rien changer un texte plus ancien : » ce sont des hypothèses, sans aucune preuve qui les appuie.

III. Langue et style d’Abdias. — Le texte de la prophétie est très pur ; elle n’a que peu de variantes, et encore sont-elles assez insignifiantes. W. Schenz, Einleitung in die kanonischen Bücher des alten Testamentes, Ratisbonne, 1887, p. 242 ; J. Knabenbauer, In Prophetas minores, 1. 1, p. 346-355 et passim. — Quant à son style, il est difficile d’en juger, car elle est très courte. Il est « énergique, pressé, presque dur, dit P. Schegg, Die kleinen Propheten, Ratisbonne, 1862, t. ii, p. 365 ; il n’a aucune forme, aucun mot rappelant un âge récent ». Quelques interrogations rompent la monotonie de ce style.

IV. Accomplissement de la prophétie. — Les deux prophéties de ce petit livre se sont réalisées avec le temps. La réalisation de la première, 1-10, a commencé sous Nabuchodonosor. Il fit, cinq ans après la ruine de Jérusalem, une expédition en Egypte, en passant par les pays d’Ammon et de Moab, qu’il soumit. Or il ne put les soumettre sans subjuguer par là même les Édomites, qui se trouvaient sur son chemin. Cf. Jer., xxvil, 3, 6. Peut-être est-ce à ce moment que les Nabatéens, race puissante et ennemie, s'établirent dans Pétra et ses environs. Plus tard, Judas Machabée les défit et les chassa des villes palestiniennes du sud qu’ils avaient prises. I Mach., v, 3, 65. Mais c’est Jean Hyrcan qui détruisit leur nationalité ; il les força à se faire circoncire et à observer le reste de la loi mosaïque. Enfin, dans la guerre de Judée, sous Titus, Simon de Gérasa entra en Idumée par trahison et en fit un désert : « elle offrit, après son passage, l’aspect d’une forêt aux feuilles mangées par les sauterelles. » Quant aux autres qui étaient du parti de Simon, ils partagèrent le sort des Juifs vaincus. Les survivants se perdirent dans les tribus arabes. Et ainsi Édom périt à jamais. Abd., 10. Sa perte fut le châtiment divin de la haine qu’il eut constamment contre Israël. Quoique descendants des deux frères, ces deux peuples ne s’aimèrent jamais. L’histoire est pleine des preuves de la haine d'Édom, haine active, haine cruelle, haine constante. Num., xx, 15 ; xxi, 4 ; Deut, xxv, 17 ; Ex., xvii, 8 et suiv. ; Jud., xi, 17 ; I Reg., xiv, 47 ; II Reg., viii, 13, 14 ; III Reg., xi, 14 ; IV Reg., viii, 20 ; I Par., xx, 10 ; II Par., xxi, 8 ; IV Reg., xiii, 20 ; II Par., xxvin, 16 ; Joël, iii, 19 ; Am., i, 11 ; Ezech., xxv, 12 ; xxxv, 5, 15 ; Ps. cxxxvi, 7. Dieu se devait d’en tirer vengeance. Il fit prédire le châtiment et accomplit sa prédiction.

L’autre prophétie, 17-21, qui est messianique, s’est réalisée doublement, au sens littéral et au sens spirituel ; car elle a ces deux sens, selon les meilleurs interprètes. Au sens littéral, elle s’est accomplie par « les sauveurs », 21, Zorobabel, Esdras, les Machabées, qui rétablirent, après l’exil et le retour des captifs, le peuple juif dans ses anciennes possessions, jugèrent Ésaü et se l’assujettirent. Mais c’est surtout au sens spirituel que cet oracle s’est pleinement vérifié. Il s’entend des temps messianiques, c’est-à-dire de l'Église catholique. Par les « sauveurs », Jésus et les Apôtres qu’il a envoyés, elle s’est étendue à partir de Sion sur toute la terre ; elle a jugé, en se l’incorporant ou en le détruisant, Ésaù, « l’homme terrestre et sanguinaire ; » et lorsque tout sera accompli, alors l’empire sera à Jéhovah : Vehâyetâh layhovdh hammelûkâh, Abd., 21. Voir, pour l’accomplissement de ces deux prophéties, F. Keil, Die zwôlf kleinen Propheten, 1873, p. 269, 270, et T. T. Perowne, Obadyah, p. 20-24, avec leurs références à Josèphe ; et pour le rapport de la deuxième aux autres prophéties messianiques, J. Knabenbauer, op. cit., t. i, p. 354-356, et F. Delitzsch, Messianic prophecies, Edimbourg, 1880, p. 56, 57. — L’exégèse juive, exacte et solide tant qu’elle applique cette prophétie à l'Édom historique, s'égare ensuite peu à peu en l’interprétant : 1° de Rome et des Romains, qui ont anéanti la nation et ses fausses espérances ; 2° des chrétiens, qu’elle regarde comme des oppresseurs : « Une règle d’interprétation des Juifs modernes, dit T. T. Perowne, op. cit., p. 23, c’est que par les Édomites on entend les chrétiens. » Voir un spécimen de ce genre d’exégèse dans Dictionary of the Bible de W. Smith, au mot Obadjah.

V. Auteurs principaux ayant spécialement écrit sur Abdias. — M. del Castillo, Commentarius in Abdiam prophetam, in-4o, Salamanque, 1556 ; L. de Léon, Commentarius in Abdiam prophetam, in-4°, ibid., 1589 ; * J. Leusden, Obadias ebraice et chaldaice una cum Matara magna et parva et cum trium præstantissimorum rabbinorum commentariis explicatus, Utrecht, 1657 ; * J. T. G. Holzapfel, Obadia neu übersetzt und erläutert, in-8o, Rinteln, 1/98 ; * H. Venema, Prælectiones in Obadiam, cum notis J. H. Verschnirii et J. A. Lotze, Utrecht, 1810 ; C. L. Hendewerk, Obadiæ prophetiæ oraculum in Idumœos, in-8o, Kœnigsberg, 1836 ; * C. P. Caspari, Der Prophet Obadjah, in-8°, Leipzig, 1842 ; * C. A. W. Seydel, Vaticinium Obadja secundum textum hebraicum et chaldaicum, in-8o, Leipzig, 1869 ; * T. T. Perowne, Obadiah and Jonah, in-12, Londres, 1883 ; A. Johannes, Commentar zu der Weissagung des Propheten Obadja, in-8°, Wurzbourg, 1885 ; * M. A. Acoluthus, Obadias Armenus, in-4o, Leipzig, 1630 ; * F. Plum, Observationes in textum et versiones maxime græcas Obadiæ et Habacuci, in-8°, Goettingue, 1796 ; * H. A. Grimm, Jonæ et Obadiæ Oracula syriace, in-8°, Duisbourg, 1798 ; * C. F. Schnurrer, Dissertatio philologica in Obadiam, in-4o, Tubingue, 1787, et dans les Dissertationes philol.-criticæ, in-8°, Gotha et Amsterdam, 1790, p. 385 et suiv. ; G. F. Jager, Ueber das Zeitalterdes Obadias, in-i », Tubingue, 1837 ; * F. Delitzsch, Wann weissagte Obadjah ? dans Rudelbach’s und Guericke’s Zeitschrift, 1851, p. 91 et suiv. ; * H. Weiss, De ætate qua Obadja propheta vaticinatus sit, Brunsberg, 1873.

E. Philippe.

2. ABDIAS, intendant d’Achab, roi d’Israël. L’expression vague ʿâšer ʿal-habbâyiṭ, « qui (est) sur la maison, » par laquelle est désignée sa fonction, III Reg., xviii, 3, signifie une sorte de haute surveillance sur les personnes et les choses du palais. Abdias était comme le premier ministre d’Achab, dont il se séparait heureusement par sa fidélité au service du vrai Dieu. Son éminente situation lui avait plus d’une fois fourni le moyen de protéger les serviteurs de Jéhovah, comme au temps où l’impie Jézabel faisait rechercher les prophètes pour les mettre à mort, et par là ruiner le culte du vrai Dieu. Il en avait recueilli cent, qu’il avait fait cacher, en deux groupes de cinquante, dans les excavations naturelles ou artificielles, si nombreuses le long des montagnes de la Samarie, et qui avaient servi de refuge à tant d’autres, dans des circonstances analogues, sous Josué, Jos., x, 17 ; les Juges, Jud., IX, 25, 36, 37 ; Saùl, I Reg., xiii, 6, etc. Or l’heure de la vengeance divine venait de sonner ; Israël était réduit à une extrême détresse par suite d’une sécheresse persistante, qui empêchait la terre de rien produire. Les chevaux et les mulets d’Achab allaient périr, si l’on ne parvenait pas à leur trouver de la nourriture. Abdias, sur l’ordre du roi, se mit à parcourir le pays, tandis que son maître en faisait autant dans une autre direction ; tous deux cherchaient des herbages dans le lit desséché des torrents, près des sources, et partout où ils pensaient trouver encore quelque fraîcheur. C’est pendant ce voyage qu' Abdias rencontra le prophète Élie, qu’il reconnut peut-être à ses vêtements spéciaux, IV Reg., i, 7-8, et qu’il salua aussitôt en se prosternant jusqu'à terre, suivant l’usage des Orientaux. III Reg., xviii, 7. Surpris de cette rencontre, il le fut bien davantage de la mission que lui donna l’homme de Dieu d’aller tout de suite trouver Achab, et de le prévenir de la présence du prophète. Car jusque-là Élie s'était dérobé, et bien qu' Achab l’eût fait chercher partout, il avait été impossible de s’emparer de sa personne, ce qu'Abdias regardait comme un miracle de la puissance de Dieu. Cette pensée éveilla dans l’esprit de l’intendant d’Achab un sentiment de défiance qu’il exposa naïvement au prophète. Car, pensait-il, s’il se chargeait de la commission, le roi, sur les indications qu’il lui fournirait, ferait aussitôt rechercher Élie, qui, par le secours de l’Esprit de Dieu, se transporterait encore hors de ses atteintes, et alors Achab, furieux d’avoir été trompé, se vengerait sur son ministre, et le ferait mettre à mort. III Reg., xviii, 12. Il ne fallut rien moins qu’un serment du prophète pour déterminer le timide Abdias à se charger du message.

C’est tout ce que nos Saints Livres nous apprennent de lui, car il est impossible de l’identifier, comme ont voulu le faire plusieurs Juifs dont parle saint Jérôme, In Abd. prophet., 1, t. xxv, col. 1099, avec le prophète du même nom. Plusieurs rabbins, après Josèphe, Antiq.jud., IX, ii, ont pensé que la Sunamite chez laquelle logea Élie était sa veuve, et qu’Abdias était lui-même le troisième capitaine envoyé par Ochozias contre le prophète et épargné par le feu du ciel, IV Reg., i, 14-15 ; ce n’est là qu’une conjecture sans fondement.
P. Renard.

3. ABDIAS, père de Jesmaïas, qui fut chef de la tribu de Zabulon au temps de David. I Par., xxvil, 19.

4. ABDIAS, lévite de la famille de Mérari, sous le règne de Josias. Il fut employé comme surveillant dans la réparation du temple de Jérusalem. II Par., xxxiv, 12.

5. ABDIAS, écrivain apocryphe. Ce personnage passe pour avoir été le premier évêque de Babylone, consacré par les apôtres saints Simon et Jude. Nous ne le mentionnons ici que pour ce fait qu’on lui attribue un gros ouvrage en dix livres, intitulé Historia certaminis apostolici ou Historiæ apostolicæ, et comprenant un récit des missions et de la mort de chacun des apôtres Pierre, Paul, André, Jacques fils de Zébédée, Jean, Jacques fils d’Alphée, Simon et Jude, Matthieu, Barthélémy, Thomas, Philippe. Cette compilation, mise sous le nom d’Abdias, et soi-disant traduite de l’hébreu en grec par Eutrope, disciple d’Abdias, et du grec en latin par Jules l’Africain, ami d’Origène, au iiie siècle, est en réalité une œuvre latine, où l’on trouve citées, avec la Vulgate hiéronymienne, l’Histoire ecclésiastique de Rufin et la traduction latine des Recognitiones du même Rufin. On la considère comme de la seconde moitié du vie siècle, et peut-être originaire des Gaules. L’intérêt de cette collection tient à ce que l’auteur a puisé dans les Acta anciens des Apôtres (voir Actes apocryphes des apôtres), dont il nous donne une édition catholique expurgée, et que c’est grâce à lui seul que mainte légende apostolique nous a été conservée. On trouvera le texte du pseudo-Abdias dans Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1700, p. 402-742. Sur l’auteur prétendu et sur la collection, on consultera Lipsius, Die apokryphen Apostelgeschickten, Brunswick, 1883, t. i, p. 117-178.

ABDIEL (hébreu : ʿAbdiʾêl, « serviteur de Dieu ; » Septante : Ἀϐδιήλ), fils de Guni, de la tribu de Gad. I Par., v, 15. Chacun de ses fils était chef de maison à l'époque du dénombrement fait sous le règne de Joatham, roi de Juda, et de Jéroboam, roi d’Israël. Ils s'établirent dans les pays de Galaad et de Basan.

ABDON, hébreu : ʿAbdôn, « servile ; » Septante : Ἀϐδών.

1. ABDON, juge d’Israël. Jud., xii, 13-15. C'était un Éphraïmite, fils d’Illel et originaire de Pharathon. Il est probable que, de même qu’Abesan et Ahialon, ses prédécesseurs immédiats, il ne fut juge que des tribus du nord d’Israël, vers l'époque où les Hébreux du sud-ouest secouaient le joug de la domination philistine. Aucun fait saillant ne paraît avoir signalé cette judicature de huit années. La Bible nous apprend seulement qu' « Abdon eut quarante fils, et de ceux-ci trente petits-fils, montant sur soixante-dix poulains d'ânesses ». Ces paroles font sans doute allusion à quelque cérémonie publique où les soixante-dix fils et petits-fils d' Abdon parurent ensemble aux yeux de la foule, montés sur des ânes, selon la coutume orientale. Voir Ane. Le nombre des fils attribués à Abdon n’est pas étonnant, étant donnée la polygamie tolérée chez les Hébreux. Abdon fut enseveli à Pharathon, dans la terre d'Éphraïm. Son tombeau était là, creusé dans la montagne qu’on appelait montagne d’Amalec ou

des Amalécites. Jud., xii, 15. Voir Pharathon. Ewald a supposé, mais sans preuves, que le nom de Badan, juge d’Israël, qu’on lit I Reg., XII, 11, est une altération du nom d’Abdon. E. Duplessy.

2. ABDON, fils de Sésac, de la tribu de Benjamin. I Par., viii, 23-25.

3. ABDON t fils aîné de Jéhiel ou Abigabaon, Benjamite. I Par., viii, 29-30 ; ix, 35.

4. ABDON. Voir ACHOBOR 2.

5. ABDON (Septante : Ἀϐδών, Δαϐϐών), ville de la tribu d’Aser, concédée aux Lévites de la famille de Gerson. Jos., xxi, 30 ; I Par., VI, 74. Certains critiques, étonnés de ne pas la trouver dans l’énumération des autres villes de la même tribu, Jos., xix, 24-31, croient à une faute de copiste, et prétendent qu’il faut, au ɤ. 28, lire ʿAbdôn au lieu d’ʿÉbrôn ou Abran. Reland admet cette correction, Palæstina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. ii, p. 518 ; mais M. de Saulcy avoue que, pour sa part, il n’est pas disposé à reconnaître trop facilement des erreurs de ce genre dans les textes bibliques. Dictionnaire des antiquités bibliques, Migne, 1859, p. 31. S’il est facile, en effet, de confondre, en hébreu, le daleth, ד, et le resch, ר, rien ne prouve cependant d’une manière certaine qu’Abran ne soit pas une ville distincte. La leçon ʿÉbrôn a pour elle plus de vingt manuscrits, le texte massorétique et les plus anciennes versions (voir Abran) ; puis d’ailleurs l’omission d’Abdon dans la liste de Josué n’est pas plus surprenante que celle de villes plus importantes peut-être, telles qu’Accho (Saint— Jean-d’Acre), Achzib (Ez-Zib), etc.

Dans l’Onomasticon d’Eusèbe, ce nom est écrit ΑΡΔΟΜ ; mais il est facile de voir que le B primitif, ayant perdu le trait inférieur, est devenu un P. Saint Jérôme, du reste, a corrigé cette erreur dans sa traduction. Les deux auteurs ne font que mentionner la ville, sans en préciser la position. S. Jérôme, Lib. de situ et nominibus loc. heb., t. xxui, col. 873.

Plus heureux qu’au temps où Reland, loc. cit., s’élevait avec une noble indignation contre les géographes qui, sans raison aucune, plaçaient cette localité non loin de Tyr, à l’orient de Sarepta, nous pouvons aujourd’hui l’identifier d’une manière certaine. Ce que M. de Saulcy, ouv. cité, p. 15, appuyé sur sa propre expérience, attendait de la connaissance exacte des textes sacrés et de la langue actuelle du pays, c’est-à-dire de l’arabe, pour retrouver les noms bibliques, les récents explorateurs de la Palestine l’ont réalisé. Ils ont trouvé entre le village actuel de ʿAbdéh et l’ancien ʿAbdôn une correspondance parfaite, quant au nom d’abord (racine ’âbad, « servir » ), la finale ôn étant simplement remplacée par la terminaison arabe éh ; ensuite quant à la position, l’Écriture mentionnant cette ville entre Messal et Rohob. (Voir la carte de la tribu d’Aser.) Khirbet’Abdéh est situé, à quelque distance au nord-est d’Ez-Zib, sur une colline dont les pentes, d’abord rocheuses et hérissées de broussailles, offrent ensuite une série de terrasses circulaires, actuellement cultivées en blé. La régularité de ces terrasses en retraite les unes sur les autres, les ruines, bien que peu étendues, qui se voient encore sur le plateau supérieur, indiquent assez que la colline a dû être jadis disposée par la main de l’homme pour servir d’assiette à une petite ville. Entourée du reste de plusieurs côtés par des ravins plus ou moins profonds, et surtout, vers le sud, par l’ouadi Qourein, dont les eaux limpides et abondantes avaient dû, dès les temps les plus reculés, attirer différents groupes d’habitants, la belle et avantageuse éminence dont nous parlons n’a pu être négligée par les anciens ; car, d’une défense facile, elle pouvait de plus être aisément approvisionnée d’eau. Le sommet, élevé de 150 mètres au-dessus de la mer, et d’où l’on jouit d’une vue très étendue sur toute la plaine de Saint-Jean-d’Acre, renferme les restes d’une enceinte longue de cinquante pas sur quarante-six de large. Bâtie avec des blocs antiques trouvés sans doute sur place, elle ne paraît pas remonter elle-même au delà du moyen âge, et semble avoir été rapidement construite, à une époque de guerre, dans un but de défense. Ces débris de l’antiquité, mêlés aux constructions plus modernes, ne sont peut-être pas les seuls que l’on trouverait en ce lieu, si l’on y pratiquait des fouilles. Cf. V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. ii, p. 36 et 37.

A. Legendre.

ABED (hébreu : ’Ébed, <s serviteur, » sous-entendu : de Dieu ; Septante : Ὠϐήθ), fils de Jonathan, de la famille d’Adan, revint de Babylone avec Esdras, à la tête de cinquante hommes. I Esdr., viii, 6.

ABEILLE, en hébreu, debôrâh, insecte de l’ordre des hyménoptères. Les abeilles vivent en société et comprennent trois sortes d’individus : les ouvrières ou neutres, les reines ou femelles, et les faux bourdons ou mâles.


3. — Abeilles de Palestine

Les faux bourdons sont plus petits que les reines et plus gros que les ouvrières. Ces dernières ont, comme les reines, un aiguillon caché dans l’extrémité de l’abdomen, et qui leur sert comme d’une arme contre leurs ennemis : en piquant, il verse dans la plaie, où il reste ordinairement, un liquide vénéneux, et produit ainsi une inflammation et une douleur cuisante. Voir Fr. Huber, Nouvelles observations sur les abeilles, 2 in-8°, 1792.

Les mouches à miel sont une des familles d’insectes les plus généralement répandues : on les trouve dans toutes les parties du globe. Elles sont particulièrement abondantes en Palestine, et elles l’étaient probablement encore plus autrefois qu’aujourd’hui, lorsque ce pays était mieux cultivé. Elles y ont toujours vécu, sinon à l’état domestique, du moins à l’état sauvage, transformant en ruches le creux des arbres, les trous des rochers, etc. Cf. Deut., xxxii, 13 ; I Reg., xiv, 25 ; Ps. lxxx, 17 ; Is., vii, 19. Cette abondance des abeilles en Chanaan s’explique facilement par la chaleur du climat, par la profusion et par la variété des fleurs sauvages, dont la plupart sont fortement aromatiques, et par conséquent très propres à la production du miel. C’est donc avec pleine raison que la Terre Promise est si souvent appelée dans les Livres Saints « la terre où coulent le lait et le miel ». Exod., iii, 8, etc.

Les diverses espèces d’abeilles connues sous les noms scientifiques de Bombus, Nomia, Andrena, Osmia (abeille maçonne), Megachile, Anthophora, sont largement représentées en Palestine. La mouche à miel de Syrie n’est pas la même variété que celle de nos contrées, mais ressemble à celle d’Italie ou de Ligurie, Apis ligustica, qui a des couleurs plus brillantes et porte sur l’abdomen des bandes jaunes transversales, d’où le nom qu’on lui donne aussi d’Apis fasciata.

On a élevé artificiellement les abeilles dès l’antiquité, à cause de la valeur de leur miel. Il est certain que du temps de Notre-Seigneur les Juifs s’occupaient de leur éducation. Philon le dit expressément des Esséniens, Fragm., édit. Mangey, t. i, p. 633 ; Eusèbe, Præp. Ev., viii, 11, t. xxi, col. 641, et la Mischna y fait plusieurs fois allusion, Kelim, 16, 7 ; Sabbath, 24, 3 ; Baba Katna, 10, 2 ; Oketsin, 3, 10. On ne sait pas avec la même certitude si les anciens Hébreux cultivaient ces précieux insectes. Plusieurs le pensent, parce qu’ils voient une allusion à la manière de récolter les essaims pour les enfermer dans les ruches dans le passage d’Isaïe, vii, 18 ; cf. v, 26, et Zach., x, 8, où Dieu appelle en sifflant l’abeille d’Assyrie. Les ruches usitées aujourd’hui en Syrie et en Égypte sont de forme cylindrique et faites avec de la terre mélangée de paille.

L’Écriture mentionne l’abeille au sens propre et au sens figuré. Au sens propre, c’est-à-dire comme produisant le miel, dans un épisode de l’histoire de Samson. Jud., xiv, 8. On a objecté contre ce récit que les abeilles évitent les corps morts. Il est vrai que ces insectes fuient les cadavres en putréfaction ; mais ils ne fuient pas un squelette complètement desséché. Hérodote, v, 114, rapporte un cas analogue arrivé à Amathonte, en Chypre. Or l’événement rapporté dans l’histoire de Samson n’eut lieu qu’un certain nombre de jours après la mort du lion, peut-être un temps assez considérable. Dans l’intervalle, le cadavre avait pu être tout à fait desséché, et les abeilles avaient eu le temps d’y faire leur miel. Le cas était extraordinaire, mais il n’est nullement impossible. Les animaux morts sont dévorés en Orient avec une rapidité effrayante. J’ai vu souvent à Alexandrette, en Syrie, les cadavres des chameaux perdus par les nombreuses caravanes qui y arrivent, réduits en quelques heures à l’état de squelette. Le soleil brûlant ne laisse plus bientôt sur les ossements aucune trace de putréfaction, et la mauvaise odeur ne peut par conséquent en éloigner les abeilles. — Ces insectes sont aussi cités au sens propre dans l’Ecclésiastique, à cause de l’excellence de leur miel : « L’abeille est un des plus petits volatiles, et son fruit est des plus doux. » Eccli., xi, 3. Une addition intéressante des Septante dans le livre des Proverbes, vi, 8, place ce petit tableau de l’abeille après celui de la fourmi : « Ou bien encore va voir l’abeille, et apprends comme elle est industrieuse, et comme son industrie est digne de notre respect, car les rois et les infirmes usent pour leur santé du fruit de son labeur. Or elle est glorieuse et désirée de tous, et si chétive qu’elle soit, on l’honore, parce qu’elle apprécie la sagesse. » Voir Miel.

L’abeille est mentionnée plusieurs fois dans l’Écriture comme terme de comparaison. Une armée nombreuse, qui presse ses ennemis, les enveloppe et leur fait de cruelles blessures, est comparée aux abeilles qui poursuivent et attaquent de toutes parts avec fureur ceux qui les ont troublées. Deut., i, 44 ; Ps. cxvii, 12 ; Is., vii, 18 ; cf. Iliade, ii, 87 et suiv. ; Hérodote, v, 10. La comparaison est d’autant plus exacte que les abeilles d’Orient, surtout les abeilles sauvages, sont plus méchantes que celles" de nos contrées, Th. Cowan, Guide de l’apiculteur, trad. Bertrand, in-12, Nyon, 1886, p. 136, et leur piqûre, à cause de l’inflammation prompte et violente qu’elle produit, est plus douloureuse. L’homme est impuissant à résister à la fureur de ces insectes, et l’on sait que des chevaux mêmes et des bœufs ont été tués en quelques minutes par les aiguillons d’essaims d’abeilles en furie.

Le nom hébreu de l’abeille était employé par les Israélites comme nom de femme. Voir Débora.

F. Vigouroux.

1. ABEL (hébreu : Hébel ; Septante : Ἄϐελ), second fils d’Adam et d’Ève. Les rabbins et, à leur suite, les Pères et les commentateurs ont donné à ce nom le sens de « souffle, vanité », cf. Eccle., i, 2, ou de « deuil ». Adam et Ève auraient ainsi appelé leur fils par une sorte de vue prophétique ou par un simple pressentiment de sa mort prématurée. Payne Smith et d’autres modernes rejettent cette explication gratuite, et lui en substituent une autre, qui n’a aucun fondement dans le texte biblique : d’après eux, le second fils d’Adam aurait porté de son vivant un autre nom, dont nous ne trouvons de trace nulle part, et on lui aurait donné ce nouveau nom ou ce surnom d’Abel seulement après qu’il aurait disparu comme un souffle ou une vapeur. Ces explications et d’autres encore, tirées de la même étymologie, manquent de vraisemblance et de solidité, et ont en outre le défaut de faire d’Abel un nom abstrait, et par conséquent une exception unique, un cas isolé au milieu des noms de la famille d’Adam, qui sont tous des appellatifs concrets.

Le déchiffrement des inscriptions assyriennes nous a révélé le vrai sens de ce nom, en nous en fournissant une interprétation philologique aussi simple que satisfaisante. Nous trouvons dans ces inscriptions le mot « Habel » sous la forme hablu, habal, et avec la signification de « fils ». C’est avec le même sens que ce mot entre dans la composition de noms propres célèbres : Assurban-habal (Sardanapale), Tuklat-habal-asar (Téglathphalasar), etc. On ne peut pas dire que c’est là une ressemblance fortuite, telle qu’on en constate parfois entre deux langues étrangères l’une à l’autre. L’assyrien et l’hébreu sont deux langues sœurs ; chacune d’elles a même avec l’autre plus d’affinité qu’avec les autres membres de la famille sémitique. En effet, l’assyrien n’est, sauf de légères différences, que l’ancien chaldéen apporté dans la vallée du Tigre par les émigrants ou les conquérants venus de la vallée de (l’Euphrate ; or c’est dans la Chaldée qu’Abraham et ses ancêtres ont parlé l’hébreu dans sa forme ancienne.

Il fallait donc s’attendre à rencontrer dans ces deux idiomes.de nombreux éléments communs, et à voir tel mot perdu par l’un des deux dialectes et conservé par l’autre. C’est ce qui est arrivé. On trouvera dans M. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5° édit., 1. 1, p. 403 et suiv., une longue liste de ces noms communs aux deux langues ; habal, « fils,» y représente l’hébreu habel, supplanté dans l’usage de cette dernière langue par son synonyme ben. Il est même à remarquer que la parenté, qu’on ne conteste pas entre certains de ces mots assez différents par leur orthographe, est encore plus visible et plus incontestable pour habal et habel, hébel, entre lesquels il y a identité plutôt que ressemblance. On ne saurait donc récuser cette étymologie.

Nous ignorons à quelle époque naquit Abel. Voici tout ce que la Genèse nous apprend de lui. Il fut le frère cadet de Caïn, et il devint pasteur de brebis, tandis que Caïn son frère cultiva la terre. Gen., iv, 2. Or, après bien des jours (hébreu : « à la fin des jours ; » peut-être après la récolte), Caïn offrit au Seigneur des fruits de ses champs ; Abel, de son côté, « lui offrit des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. Et le Seigneur regarda favorablement Abel et ses présents. » Gen., iv, 3-4. Saint Paul nous dit que c’est sa foi qui rendit Abel si généreux dans son offrande, et qu’à cause de cette foi Dieu témoigna qu’il agréait ses présents. Hebr., xi, 4.

De quelle manière Dieu manifesta-t-il sa complaisance pour Abel et l’acceptation de ses dons ? D’après la version de Théodotion, ce fut en les embrasant d’un feu céleste : ἐνεπύρισεν. La plupart des Pères sont de ce sentiment ; d’autres disent que c’est par les bénédictions répandues sur les biens d’Abel que Dieu rendit ce témoignage dont parle saint Paul. Quel qu’ait été le signe de cette acceptation, le Seigneur ne l’accorda pas à Caïn : « il ne regarda pas, c’est-à-dire il n’agréa pas Caïn et ses présents. Caïn en fut vivement irrité. » Gen., iv, 5. La jalousie qu’il éprouva à l'égard d’Abel le lui fit haïr, et il laissa cette haine grandir dans son cœur, au mépris d’une paternelle remontrance de Dieu. Gen., iv, 5-7. Un jour, ayant attiré son frère dans la campagne, il se jeta sur lui et le tua. C’est ainsi que la mort, entrée dans le monde par le péché d’Adam, Rom., v, 12, y fit sa première apparition dans la personne de l’un de ses fils, Abel, victime du péché de l’autre. Le Seigneur demanda aussitôt au meurtrier compte de ce sang innocent, et il le punit de son crime en le maudissant et en le condamnant à une vie triste et errante, afin de faire comprendre aux hommes qu’ils n’ont aucun droit sur la vie de leurs semblables.

L'Écriture ne nous parle pas de la postérité d’Abel ; ce silence ne prouverait pas toutefois qu’il n’ait pas été marié et qu’il soit demeuré vierge, ce qui est affirmé par certains Pères et nié par d’autres ; ou que, ayant été marié, il n’ait pas eu d’enfants. Il aurait pu laisser des filles sans qu’il en ait été fait mention, les femmes restant en dehors des généalogies bibliques, ou même des fils morts soit avant lui, soit au moins avant la naissance de Seth. Mais il n’avait pas laissé d’enfant mâle qui vécût encore lorsque Seth vint au monde, car Eve n’aurait pas dit en ce moment : « Le Seigneur m’a donné une autre postérité à la place d’Abel, que Caïn a tué, » Gen., iv, 25, et le verset suivant ne nous montrerait pas le troisième fils d’Adam comme le père d'Énos et le premier anneau de la chaîne des patriarches. Gen., IV, 26 ; cf. v, 3-9.

Il n’est plus question d’Abel dans tout l’Ancien Testament ; mais il lui est fait une place assez large dans le Nouveau, auquel il semble appartenir plus particulièrement par le caractère figuratif et typique de sa vie et de sa mort. Les Pères l’ont toujours regardé comme une figure de Jésus-Christ, S. Augustin, Opus imperf. cont. Julianum, vi, 27, t. xlv, col. 1575 ; et, en effet, sa vie innocente, sa qualité de pasteur, l’envie fraternelle que sa vertu excite, cf. Matth., xxvii, 18, son sacrifice agréé de Dieu, sa mort soufferte pour la justice, cf. Joa., x, 32, sont autant de traits de ressemblance avec le Sauveur du monde. C’est sans doute parce que ces traits si frappants constituent une sorte de prophétie en action, et peut-être aussi parce que la foi d’Abel, louée par saint Paul, Hebr., xi, 4, lui avait révélé en quelque manière la signification mystérieuse de son sacrifice, que Jésus-Christ le met au rang des prophètes, comme on le conclut de Matth., xxiii, 31-35, et de Luc, xi, 49-51. Voir Maldonat, In Matth., xxiii, 35. Saint Paul confirme la signification figurative de la mort d’Abel par le contraste qu’il signale entre les effets de cette mort et les effets de celle de Jésus-Christ : Le sang d’Abel crie vers Dieu pour demander vengeance, Gen., iv, 10 ; le sang de Jésus crie pour implorer la clémence et le pardon. Hebr., xii, 24.

Figure de Jésus-Christ, Abel est encore le type de l'Église militante, parce qu’il inaugura le martyre par une mort qui fit de lui les prémices de cette Église, et parce qu’en Abel persécuté commença la cité de Dieu, de même qu’avec Caïn persécuteur commença la cité du mal. Voir S. Augustin, Enarr. in Psal. cxlii, 3, t. xxxvii, col. 1846. C’est ce qui ressort du reproche que Jésus-Christ fit un jour aux Juifs d’avoir versé le sang d’Abel par les mains de Caïn, animé du même esprit d’envie qui les excitait eux-mêmes contre le Messie : « Remplissez, leur dit-il, la mesure de vos pères…, afin que vienne sur vous tout le sang innocent qui a été répandu sur la terre, à commencer par le sang du juste Abel, » Matth., xxiii, 32-35 ; c’est-à-dire : consommez par l’effusion de mon sang l'œuvre d’iniquité commencée par l’effusion de celui d’Abel. Il leur montrait ainsi Abel comme le type des martyrs et la première victime de la lutte incessante entre le bien et le mal. Saint Jean est encore plus explicite : « Voici, dit-il, le signe manifeste des enfants de Dieu et des enfants du diable. » Joa., iii, 10. Or ce signe est, d’une part, l’amour de ses frères ; de l’autre, la haine dont Caïn a donné l’exemple, car « il était du malin, et il tua son frère. Et pourquoi l’a-t-il tué ? Parce que ses œuvres étaient mauvaises, et que celles de son frère étaient bonnes », 11-12. Par conséquent, c’est à cause de sa foi et du bien qu’elle lui faisait accomplir, Hebr., xi, 4, qu’Abel fut mis à mort par Caïn. C’est donc à bon droit que les Pères lui ont donné le titre de martyr. Outre saint Augustin, cité plus haut, voir saint Cyprien, Epist. lvi ad Thibaritanos, 5 ; De bono patientiæ, 10, t. iv, col. 353, 629, et saint Chrysostome, Orat. viii cont. Judæos, 8, t. xlviii, col. 939. Abel, dont le nom n’avait jamais été prononcé dans la suite de l’histoire de l’Ancien Testament, ne cesse plus d'être présent à la pensée de l'Église, depuis que Jésus-Christ et les Apôtres ont rappelé le souvenir et révélé le sens de son sacrifice et de sa mort. Les premiers artistes chrétiens représentèrent ce sacrifice sur les sarcophages ; l'Évangile et les Épîtres mettent constamment le nom d’Abel sous les yeux des fidèles ; les prêtres le lisent tous les jours au canon de la messe, où le sacrifice d’Abel est mentionné avec ceux d’Abraham et de Melchisédech ; enfin, dans les prières des agonisants, le premier protecteur invoqué en faveur de l'âme qui va quitter le monde est celui de « saint Abel ».

E. Palis.

2. ABEL, nom de lieu, est différent, dans le texte original, d’Abel, nom propre. Ce dernier est écrit חבל, Hébel, et le premier, au contraire, אבל, ’Abêl, mot qui vient d’une racine signifiant « être humide, verdoyant », et désigne une « prairie, un endroit couvert de gazon ». Abel désigne donc des localités remarquables par leur verdure et leur fertilité, et il entre dans la composition de plusieurs noms de villes, qui sont distinguées les unes des autres par l’addition d’un ou de plusieurs mots. — La Vulgate appelle Abel, Jud., xi, 33, la localité nommée dans le texte original ʿAbêl-Keramîm ; saint Jérôme a rendu le mot keramîm par « qui est planté de vignes ». Voir Abel-Keramim.

ABÉLA. La Vulgate nomme ainsi, II Reg., xx, 14, 15, 18, la ville d’Abel-Beth-Maacha, en faisant, dans les deux premiers passages, deux localités différentes de cette seule ville. La forme Abéla provient de ce que, II Reg. (II Sam.), xx, 14, le nom d’Abel est accompagné, dans le texte original, du hé locatif, âh, qui, en hébreu, marque le mouvement vers un lieu, de sorte qu’il est écrit, en cet endroit, ʿAbêlâh. Voir Abel-Beth-Maacha.

ABÉLARD (Abælardus) Pierre, philosophe et théologien français, né à Pallet (Palatium), en Bretagne, en 1079, mort au monastère de Saint-Marcel, près de Chalon-sur-Saône, en 1142, aussi célèbre par ses aventures et ses malheurs que par ses talents et par ses écrits. Ses œuvres exégétiques sont une Expositio in Hexameron, qui va jusqu'à Genèse, ii, 17, composée pour Héloïse et les religieuses du Paraclet ; Commentariorum super S. Pauli Epistolam ad Romanos libri quinque ; ils expliquent en partie le texte apostolique, mais ils s’occupent encore davantage de la loi, du péché, de la prédestination et de la rédemption, et le prologue peut être considéré comme une sorte de programme d’une théologie biblique ; Expositio super Psalterium, Expositio super Epistolas Pauli, compositions très médiocres. L’importance du rôle d’Abélard au point de vue exégétique ne se mesure point d’ailleurs à celle de ses commentaires, qui sont de peu de valeur, mais à la direction nouvelle qu’il donna à la théologie et à l’interprétation des Écritures. Il est un des pères du rationalisme moderne ; il voulut placer la raison au-dessus de la foi, et il prépara ainsi efficacement, dans ses écrits théologiques, Dialogus inter philosophum Judæum et Christianum, Theologia christiana, etc., l’avènement de ce système, qui rejette aujourd’hui l’inspiration et le surnaturel, et exclut des livres Saints tout élément divin. Voir ses œuvres, dans la Patrologie latine de Migne, t. clxxviii. Parmi les innombrables publications dont Abélard a été l’objet, on peut signaler en particulier : L. Feuerbach, Abælard und Heloise oder der Schrifsteller und der Mensch, in-8o, Leipzig, 1844 ; Ed. Bonnier, Abélard et saint Bernard, la philosophie et l'Église au xiie siècle, in-18, Paris, 1862 ; H. Hayd, Abalard und seine Lehre im Verhältniss zur Kirche und ihrem Dogma, in-4o, Ratisbonne, 1863 ; Prantl, Geschichte der Logik im Abendlande, 2 in-8o, Leipzig, 1861, t. ii, p. 160-204 ; Stockl, Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Mayence, 1864, t. i, p. 218-272 ; Hefele, Conciliengeschichte, Fribourg-en-Brisgau, 1863, t. v, p. 321-326, 399-435 ; H. Reuter, Geschichte der religiösen Aufklärung im Mittelalter, 2 in-8°, Berlin, 1875, t. i, p. 183-259 ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., Paris, 1890, t. i, p. 337-354.

ABEL-BETH-MAACHA (hébreu : ʿAbêl bêṭ Maʿakâh, « prairie de la maison ou de la famille de Maacha »), ville de la tribu de Nephthali, appelée aussi Abeltnaïm, ou « prairie des eaux », dans le second livre des Paralipomènes, xvi, 4. Par abréviation, elle est nommée simplement Abel, II Reg., xx, 18 (Vulgate : Abéla), parce qu’elle avait été désignée sous son nom complet trois versets plus haut. Dans ce dernier passage, II Reg., xx, 15, notre édition latine porte, comme au v. 14 : « In Abela et in Bethmaacha ; » mais il est probable qu’il s’agit d’une seule et unique ville, et que la conjonction et (qui se lit aussi dans le texte hébreu, v. 14, mais non v. 15) doit être retranchée. Cette ville tirait des eaux qui l’arrosaient son nom d’Abelmaïm, et elle devait celui d’Abel-Beth-Maacha soit à la circonstance qu’elle faisait partie du petit royaume de Maacha ou était située dans son voisinage, soit à ce qu’elle avait appartenu à une famille appelée Maacha, soit peut-être enfin à ce qu’elle était située dans la plaine à l’est du Jourdain, au pied du Liban, ma’akâh signifiant « dépression ». — Au troisième livre des Rois, xv, 20. saint Jérôme, traduisant le mot beth, qui signifie « maison », appelle Abel-Beth-Maacha « Abeldomum Maacha » ou « Abel-Maison-de-Maacha ». Il fait de même IV Reg., xv, 29 ; mais, dans ce dernier passage, nos éditions de la Vulgate, plaçant une virgule entre « Abel-Domum » et « Maacha », en font deux villes distinctes au lieu d’une seule ville.

Abel-Beth-Maacha était une cité considérable, puisque l’auteur sacré l’appelle « une mère en Israël ». II Reg., xx, 19. Sa situation à la frontière septentrionale de la Palestine avait dû augmenter l’importance de cette place forte, destinée à servir de défense à tout le pays contre les attaques qui pouvaient venir du nord. Mais elle a été si complètement ruinée, qu’on ne peut affirmer aujourd’hui avec une entière certitude où était son emplacement. Stanley, Sinai and Palestine, in-8o, Londres, 1856, p. 386, suppose qu’il était dans la plaine marécageuse du lac Mérom, à cause du nom d’Abel-Maïm, qui lui est aussi donné. Cependant la plupart des géographes s’accordent maintenant à adopter l’opinion de Robinson, qui a retrouvé l’antique Abel-Beth-Maacha dans le village actuel d’Abil el-Kamh. Ce village, habité par des chrétiens, s'élève sur un Tell, à l’est du Derdarâh, petit affluent du Jourdain, qui coule de Merdj-Ayoùn. Son surnom d’el-Kamh lui vient de l’excellence du blé que produit le voisinage. E. Robinson, Later biblical researches in Palestine, in-8°, Londres, 1856, p. 372. Il est à une heure et demie environ au nordouest de Dan, aujourd’hui Tell el-Kadi, sur la route qui se dirige de Banias vers Sidon.

Abel-Beth-Maacha est mentionnée pour la première fois dans l'Écriture à l’occasion de la révolte de Séba, ce Benjamite qui, après la mort d’Absalom, fomenta une nouvelle insurrection contre David. Poursuivi par les troupes de Joab, Séba se réfugia à Abel-Beth-Maacha, et Joab alla l’y assiéger. Les habitants de la ville, sur le conseil d’une femme, coupèrent la tête au chef des révoltés et firent ainsi lever le siège de la place. II Reg., xx, 14-22. — Quatre-vingts ans plus tard, le roi de Damas, Benadad, contemporain d’Asa, roi de Juda, et de Baasa, roi d’Israël, faisant la guerre à ce dernier, d’accord avec le roi de Juda, s’empara de plusieurs villes du nord de la Palestine, en particulier d’Abel-Beth-Maacha (Abeldomum Maacha), III Reg., xv, 20 ; II Par., xvi, 4 (Abelmaïm). — Deux siècles environ s'écoulèrent depuis cette époque jusqu’au dernier désastre de la ville. Sous le règne de Phacée, roi d’Israël, Téglathphalasar, roi d’Assyrie, s’empara d’Abel-Beth-Maacha, et il en déporta les habitants dans son royaume. IV Reg., xv, 29 (Abel-Domum, Maacha). Les fragments des Annales de Téglathphalasar, qui ont été retrouvés dans les ruines de son palais, mentionnent la prise de la place forte israélite et la déportalion des sujets de Phacée en Assyrie : « Je soumis, dit-il, les villes de Galaad, … d'Abel-Beth-Maacha), qui est la frontière de la terre de Bit-Humri (le royaume d’Israël)… Je transportai ses habitants les plus distingués en Assyrie. » Cuneiform inscriptions of Western Asia, t. iii, pi. XX, n° 2. Ces événements se passaient en 734 ou 733. À partir de cette époque, il n’est plus question d’Abel-Beth-Maacha.

F. Vigouroux.
ABÊL-KERAMÎM (c’est-à-dire « le pré des vignes ; » Septante : Ἐϐελχαρμίμ ; Vulgate : Abel, quæ est vineis consita, Jud., xi, 33), localité à l’est du Jourdain, au delà d’Aroer, située, d’après Eusèbe et saint Jérôme, à sept milles romains ou deux heures et demie de marche de Philadelphie ou Rabbath-Ammon. Du temps d’Eusèbe, elle était encore renommée pour ses vignobles. Elle n’est mentionnée qu’une fois dans l'Écriture, comme le point extrême où Jephté, juge d’Israël, poursuivit les Ammonites, après les avoir battus. M. Tristram croit avoir découvert le site d’Abel-Kerâmîm, et il le décrit de la manière suivante : « Vingt minutes après avoir quitté Dhil tan, notre route nous conduisit dans une vallée si peu profonde, qu’elle mérite à peine ce nom. On y voit encore des vestiges de murs et de terrasses, devenus aujourd’hui île simples monceaux de terre, couverts de gazon et disposés régulièrement le long de la colline, à une distance d’environ cent mètres. Quand nous demandâmes ce que c'était, on ne put nous donner aucune explication ; on nous dit seulement que la vallée s’appelait Khurm-Dhiban, c’est-à-dire les vignes de Dibon. Cet enfoncement de terrain est d’une longueur de quatre à cinq kilomètres. Le nom en a été conservé par des hommes qui n’ont probablement jamais vu de vignes de leur vie, et qui n’ont aucune idée de la destination primitive de ces antiques fossés, comme on pourrait les appeler. [C’est l’Abel-Keràmîm] du livre des Juges… Ici, sur cette route que devait prendre naturellement l’armée des Ammonites battue par Jephté et venant de l’est, après le combat livré à Aroer, le nom antique subsiste, exprimé en une autre langue, mais avec une signification identique. » H. B. Tristram, The land of Moab, p. 130.
F. Vigouroux.

ABÊL-LE-GRAND (hébreu : 'Abêl haggedôlâh). C’est la leçon que portent certains exemplaires hébreux de I Sam. (Reg.), vi, 18 ; mais d’autres portent avec plus de raison 'ében, « la pierre, » au lieu de 'dbêl. Saint Jérôme a traduit par Abetmagnum ou Abel-le-Grand, ayant trouvé dans l’exemplaire qu’il traduisait 'âbêl au lieu de 'ében. Le contexte montre bien qu’il s’agit de la pierre ou du rocher « sur lequel fut posée l’arche s renvoyée par les Philistins à Bethsamès, rocher qui se trouvait près de cette dernière ville, « dans le champ de Josué le Bethsamite. » I Reg., VI, 18. Quelques commentateurs ont pensé que ce rocher avait été appelé Abel-le-Grand, mais cette opinion est peu vraisemblable, et il vaut mieux lire avec de nombreux exemplaires hébreux et les Septante : « la grande pierre » (λίθου τοῦ μεγάλου).

ABELMAÏM, nom donné par le second livre des Paralipomènes, xvi, 4, à la ville frontière du nord de la Palestine, appelée ailleurs Abel-Beth-Maacha. Voir AbelBeth-Maacha.

ABELMAISON-DE-MAACHA. C’est ainsi que notre Vulgate appelle Abel-Beth-Maacha, III Reg., iv, 20, et IV Reg., xv, 29, en traduisant le mot beth, qui signifie « maison ». Voir Abel-Beth-Maacha.

ABELMÉHULA, Abelméüla (hébreu : ʿÂbêl Mehôlâh, « le pré de la danse »), ville de la tribu d’Issachar. Elle est nommée trois fois dans l'Écriture : la première, Jud., vii, 23, comme un des endroits par où s’enfuirent les Madianites vaincus par Gédéon ; la seconde, III Reg., iv, 12, comme une des limites du territoire que Salomon avait placé sous l’administration de Bana, fils d’Ahilud ; la dernière, III Reg., six, 16, comme la patrie du prophète Élisée. Dans ce dernier passage, la Vulgate écrit ce mot : Abelmeüla. — Abelméhula était située, d’après les renseignements que nous donnent Eusèbe et saint Jérôme, dans la vallée du Jourdain, à l’ouest du fleuve, à dix milles romains ou quatre heures de marche au sud de Bethsan. Sur son emplacement s'élève aujourd’hui le village de Màlih, à l’endroit où l’ouadi de ce nom entre dans la vallée du Jourdain.

ÂBÊL-MISRAÏM, nom hébreu de la localité que la Vulgate a appelé : Planctus Ægypti, « deuil de l’Egypte,» en traduisant le sens des mots de l’original. En ponctuant les consonnes radicales אבל, ʿëbël ( au lieu de 'àbêl, comme dans les noms propres précédents), ce mot signifie, en effet, « deuil, lamentation. » Ce nom fut donné par les Chananéens à l’aire d’Atad, à l’ouest du Jourdain, parce que Joseph et ses frères firent en cet endroit, pendant sept jours, le deuil de leur père Jacob. Gen., L, 10-11. Voir Atad.

ABELSATIM (hébreu : ʿÂbêl haššitṭîm, « le pré des acacias » ), Num., xxxiii, 49 ; appelé aussi simplement, par abréviation : Šittîm, Num., xxv, 1 (Vulgate : Settim), Jos., H, 1 ; iii, 1 ; Mich., vi, 5 ( Vulgate : Setim), localité du pays de Moab. Josèphe la nomme Ἀϐίλη, Ant. jud., IV, vu ; V, i, 1 ; il nous apprend qu’elle était à soixante stades (environ trois heures) du Jourdain, et qu’il y avait beaucoup de palmiers. Les palmiers ont aujourd’hui disparu ; mais les acacias, auxquels elle devait son nom, voir Acacia, poussent encore en grand nombre dans la région où devait se trouver Abelsatim. Il était situé dans les plaines de Moab, vis-à-vis de Jéricho, peut-être à l’endroit où l’ouadi Eschtah, au nord d’Hésébon, entre dans la vallée du Jourdain ; mais le site n’est pas sûrement identifié. Voir Ritter, Palâstina, t. ii, p. 481 et suiv. M. Conder le place à Ghôr es-Seiseban, Palestine, 1889, p. 252.

Abelsatim ou Settim est nommé cinq fois dans l'Écriture. — 1° Le peuple campait à Settim, sous la conduite de Moïse, lorsqu’il s’adonna au culte impur de Béelphégor, séduit par les filles de Moab et de Madian. Num., xxv, 1-18. Voir BÉELPHÉGOR. — 2° Les Hébreux campèrent dans les plaines de Moab, avant de franchir le Jourdain pour s’emparer de la Terre Promise, depuis Bethsimoth jusqu'à Abelsatim, et c’est là que s’accomplirent les derniers événements de l’exode, Num., xxxiv-xxxvi ; que Moïse prononça les discours contenus dans le Deutéronome ; qu’il mit Josué à la tête du peuple, et qu’il se sépara des siens pour aller mourir sur le mont Nébo. — 3° C’est aussi de Settim que Josué envoya les espions à Jéricho. Jos., ii, 1 ; — 4° et qu’il partit avec tous les enfants d’Israël pour aller camper sur les bords du Jourdain et traverser ensuite ce fleuve, au moment de prendre possession de la Palestine. Jos., III, 1. — 5° Michée, xi, 5, rappelle les événements racontés dans le livre des Nombres, et, selon l’interprétation la plus probable, fait allusion au crime d’idolâtrie et de fornication commis par Israël à Settim.

F. Vigouroux.

ABEN-BOHEN (hébreu : ʿÊben Bôhan ben Reʿûbên, c’est-à-dire « pierre de Bohan, fils de Ruben »), localité mentionnée dans Josué, xv, 6, et xviii, 18, comme étant sur la frontière septentrionale de Juda et à la limite méridionale de Benjamin. L’origine probable de ce nom est que, le Rubénite Bohan ayant sans doute accompli en cet endroit quelque action d'éclat, une pierre fut érigée en son honneur, ou bien son nom fut donné à un rocher qui se trouvait là, et qui servit plus tard de limite entre les tribus. Il n’est pas rare de rencontrer en Palestine de ces roches isolées, portant des noms particuliers, et regardées comme des monuments commémoratifs : Pierre du Secours (hébreu : ʿEben hâʿazer), I Reg., vii, 12 ; Pierre de Zohéleth, III Reg., 1, 9. Non loin de la pointe septentrionale de la mer Morte, au pied des montagnes de l’occident, on remarque un de ces rocs, qui se nomme aujourd’hui Hadjr-el-Asbah (Hadjr-Lasbah dans M. de Saulcy et sur la carte de Van de Velde). M. Clermont-Ganneau en donne une description détaillée, ainsi que de la contrée où il se trouve, dans Palestine Exploration Fund. Quart. Stat., 1874, p. 80. « Peut-être, à la rigueur, dit M. de Saulcy, pourrait-on être tenté de voir dans Hadjr-Lasbah la pierre de Bohan, qui devait évidemment se trouver dans la même région ; mais comme ces deux dénominations n’ont absolument aucune ressemblance, je suis tout disposé à me prononcer contre cette identification. » Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. ii, p. 169. Cette identification a cependant été proposée par M. Clermont-Ganneau, dans la Revue archéologique, août 1870, p. 116-123, et dans Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1871, p. 105, et 1872, p. 116 ; mais elle a été combattue par M. Tyrwhitt Drake, dans cette dernière Revue, 1874, p. 69 et 190. Inutile de chercher une analogie dans la signification des mots Bôhan (en hébreu, pouce) et Asbah ; car le nom de la pierre, au dire des Arabes, n’est pas asbaʿ (avec aïn final, doigt), mais asbah (avec , c’est-à-dire blanchâtre). Cette dénomination est du reste assez fréquemment employée par les indigènes, qui l’appliquent à plus d’un objet marqué de blanc. Enfin la position de Hadjr-el-Asbah reculerait bien trop vers le sud la frontière de Benjamin.

Nous croyons donc qu’il faut placer un peu plus haut Aben-Bohen. Mentionné entre Beth-Hagla et Beth-Araba à l’est, et la montée d’Adommim à l’ouest, cet endroit était plus élevé que les deux premières localités, d’où l’on y « montait », Jos., xv, 6 ; mais plus bas que la seconde, d’où l’on y « descendait », Jos., xviii, 18. Sa position probable est donc au pied des montagnes qui, au-dessous de Jéricho, s'élèvent de la plaine du Jourdain vers l’occident. Voir la carte de la tribu de Benjamin.

A. Legendre.

ABENDANA Jacob, savant juif d’origine espagnole, né vers 1630, mort en 1696, rabbin à Amsterdam, puis chef de la synagogue de Londres. On a de lui un ouvrage sur le Pentateuque, intitulé Léqet šekêḥâh, c’est-à-dire Spicilège des choses omises dans le commentaire de Salomon-ben-Mélek, connu sous le nom de Miklal yôfi, La perfection en beauté, in-f°, Amsterdam, 1685. Ce n’est guère qu’un recueil de scolies simples, judicieuses, empruntées aux meilleures interprétations littérales des rabbins, surtout à celles de Kimchi. Il a traduit aussi en espagnol la Mischna, avec les commentaires de Maïmonide et de Bartenora. Cette traduction fut mise à profit par Surenhusius pour sa traduction latine de la Mischna. Voir Surenhusius. Après la mort d’Abendana, on publia une traduction de traités choisis, extraits de ses œuvres, Discourses of the Ecclesiastical and Civil Polity of the Jews, in-12, Londres, 1706 ; 2e édit., 1709.

ABENESRA (Abraham-ben-Méïr-Ibn-ʿEzra), appelé communément Aben-Ezra ou Abenesra, etc., connu par les théologiens du moyen âge sous le nom d'Ébénare, et surnommé par ses compatriotes le Sage par excellence, le grand, l’admirable docteur, fut un des plus fameux rabbins du xiie siècle. Né à Tolède en 1092, il se distingua dans toutes les sciences, en philosophie, en astronomie, en médecine, en poésie, dans la connaissance des langues et de la grammaire, en exégèse sacrée. Les mathématiques et l’astronomie surtout lui doivent quelques progrès importants. Les vexations exercées contre les Juifs l’ayant forcé à quitter sa patrie, il s'établit à Cordoue. Bientôt il se mit à voyager pour étendre ses connaissances. On le voit à Narbonne (1139), à Rome (1140), à Salerne, à Mantoue et à Lucques (1145), à Vérone (1146-1147), à Béziers (1155-1156), à Rodez (et non pas Rhodes) (1157), à Londres (1158-1159), à Narbonne (1160), à Rodez ou à Rome (1166-1167). Il visita l’Égypte et les contrées environnantes, probablement la Palestine, soit de 1140 à 1145, soit plutôt de 1147 à 1155. Il partit de Rodez ou de Rome en 1166 ou 1167, pour revoir sa patrie ; mais il mourut en route avant d’avoir pu satisfaire son désir. Ce fut le lundi 1er jour d’adar, 1er de l’année 4927, qui correspond au 23 janvier 1167 de notre ère. Il était âgé de soixante-quinze ans.

Son œuvre la plus remarquable est son commentaire à peu près complet sur les Livres Saints, composé par parties, aux différentes étapes de ses voyages. Seuls les deux livres des Chroniques manquent ; mais en revanche, pressé par le besoin, il donna plusieurs recensions de son commentaire sur le Pentateuque. En même temps, dans un genre tout différent, Abenesra composa à la manière des cabalistes : Le livre des secrets de la Loi, pour expliquer les mystères du Pentateuque ; Le mystère de la forme des lettres, où il est traité des lettres de l’alphabet ; L’énigme concernant les lettres quiescentes, et Le livre du nom, Séfer haššêm, traité sur le tétragramme divin, c’est-à-dire sur le nom de Jéhovah. Parmi ses opuscules grammaticaux, citons : Le livre des balances de la langue sainte, Séfer mo’znê lešon haqqôdeš ; Le livre de la pureté (du langage), Séfer ṣàḥôṭ ; le ṡâfâh-berûrâh, Lèvre pure, Soph., iii, 9, ou essais de grammaire hébraïque, imprimés déjà plusieurs fois ; le Séfer hayyesôd ou Yesôd-dikduk, traité de grammaire longtemps inconnu et retrouvé depuis quelques années ; enfin le Sefaṭ yéṭer, Langage de noblesse, Prov., xvii, 7, opuscule sur les mots rares et difficiles de la Bible.

Ce fut pendant ses incessantes pérégrinations qu’Abenesra publia ses nombreux ouvrages ; ils portent aussi le reflet de sa vie instable. Tour à tour exégète rationnel et cabaliste, libre penseur et croyant rigide, il montre la plus extrême mobilité. Son étonnante fécondité a peu d’originalité ; elle est due surtout à une mémoire prodigieuse, qui lui permit de répandre et de vulgariser en pays latin et saxon les travaux de ses compatriotes andalous les plus célèbres des Xe et XIe siècles. Son esprit facile a su se les assimiler et les exposer clairement. Aussi est-il sans contredit un des plus habiles et des plus savants commentateurs juifs, et peut-être un des premiers interprètes du moyen âge. Dans son commentaire de la Bible, il s’attache au sens grammatical des mots, et explique le texte très littéralement ; on n’y trouve pas les allégories si familières aux rabbins, et les futilités de la cabale, qu’il développe avec plaisir dans d’autres ouvrages spéciaux cités plus haut. Il s’appuie avec discernement sur l’autorité des anciens ; cependant sa fidélité à la tradition rabbinique n’exclut pas chez lui une certaine indépendance de critique, qui va parfois jusqu’au rationalisme. Ainsi le premier il soutint que les Hébreux n’avaient pas traversé miraculeusement la mer Rouge, mais qu’ils profitèrent de la marée basse pour passer à l’extrémité du golfe. En exposant de telles hardiesses et ces nouveautés erronées, il sentait le besoin de voiler sa pensée ; aussi la cache-t-il sous des réticences et des expressions embarrassées. D’ailleurs il vise d’ordinaire à la concision, si bien que parfois la phrase devient obscure et énigmatique. C’est pourquoi il a fallu d’autres commentaires pour expliquer les siens. Toutefois son style est habituellement correct, clair, souple et élégant. Richard Simon va jusqu'à dire que « sa diction approche assez de celle de Salluste ».

Le commentaire sur les Livres Saints a été publié par Bomberg, à Venise, en 1526, et dans la Bible hébraïque de Buxtorf. Les différentes parties en ont été imprimées séparément, et plusieurs avec traduction latine, dans un grand nombre d’endroits et à plusieurs reprises. Voir Fürst, Bibliotheca judaica, art. Ibn-Esra. Ses autres ouvrages ont été souvent publiés ; la Bibliothèque nationale possède plusieurs manuscrits des œuvres de ce fameux rabbin. Voir sur Aben-Esra et ses ouvrages : Basnage, Histoire des Juifs, t. v ; Notice détaillée sur la vie d’Aben-Esra, dans Ersch et Gruber, Allg. Encyklopädie, 1. 1 ; Steinschneider, Abraham Ibn-Esra, 1880, dans la Zeitschrift für Mathematik und Physik, p. 59 et suiv. ; Wilhelm Bächer, Abraham Ibn-Ezra als Grammaliker, Budapest, 1881 ; J. Derenbourg, Revue des études juives, juillet-septembre 1882, p. 137 ; Friedländer, Essays on the writings of A. Ibn-Ezra, Londres, 1877.

ABERLE (Moritz von), théologien catholique allemand, né le 25 avril 1819 à Rottum, près de Biberach, en Souabe, mort le 3 novembre 1875 à Tubingue. Il avait été nommé professeur, en 1845, à l’Obergymnasium de Chingen ; en 1848, il devint directeur du Wilhelmstift, et, en 1850, professeur ordinaire à l’université de Tubingue, où il a enseigné jusqu'à sa mort, et où il s’occupa surtout du Nouveau Testament. À partir de 1851, il fut un des principaux rédacteurs de la Theologische Quartalschrift, organe de la faculté catholique de l’université de Tubingue. Parmi les articles qu’il a publiés, on peut noter : Ueber den Zweck der Apostelgeschichte, 1854, 1855 ; Zweck des Matthäusevangeliums, 1859 ; Zweck des Johannesevangeliums, 1861 ; Ueber den Tag des letzen Abendmahls ; Epochen der neutestamentlichen Geschichtsschreibung ; Prolog des Lukasevangeliums ; Abfassungszeit des I Timotheusbriefe, 1863 ; Beiträge zur neutestamentlichen Einleitung, 1864 ; Ueber den Statthalter Quirinius, 1865 ; Exegetische Studien, 1868 ; Die Begebenheiten beim letzten Abendmahl, 1869 ; Die Berichte der Evangelien über die Auferstehung Jesu, 1870 ; Ueber Gefangennehmung und Verurtheilung Jesu, 1871 ; Letzte Reise Jesu nach Jérusalem ; Die bekannte Zahl in der Apokalypse, 1872. Les idées principales développées dans ces articles sont résumées dans une œuvre posthume : Einleitung in das Neue Testament, von Dr M. von Aberle, herausgegeben von Dr Paul Schanz, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1877.

Aberle était doué d’une mémoire tenace, il avait un esprit ingénieux et une grande érudition ; mais il s'était fait sur l’origine des écrits du Nouveau Testament des opinions personnelles qui n’ont pas été généralement acceptées. D’après lui, l'Évangile de saint Matthieu a été composé pour réfuter un écrit calomnieux publié par le sanhédrin, et répandu dans toute la Palestine pour discréditer le christianisme. Cf. S. Justin, Dial. cum Tryph., 108, t. vi, col. 725. C’est d’une manière analogue qu’il soutient que l'Évangile de saint Marc a été écrit pour les néophytes de Rome, qui, ayant été d’abord prosélytes juifs, étaient poursuivis après leur baptême par les Juifs, qui s’efforçaient de les ramener à eux. Il voit dans l'Évangile et les Actes des Apôtres de saint Luc un écrit apologétique destiné à défendre le christianisme au moment où l’appel de saint Paul au tribunal de César force l’empire romain à prendre un parti au sujet de cette religion, en la tolérant

comme une espèce de judaïsme, ou en la persécutant comme une religion nouvelle. Saint Jean, d’après lui, a écrit contre le sanhédrin de Jabné, qui, après la ruine de Jérusalem, ne négligea rien pour infuser une vie nouvelle au judaïsme et ruiner le christianisme par les armes spirituelles. Ainsi les quatre Évangiles ont été écrits dans un but apologétique. Ce sont là des hypothèses qui ne sauraient être établies et qui ne concordent pas avec les faits. Cf. Himpel, Einiges über die wissenschaftliche Bedeutung und theologisch-kirchliche Stellung des sel. Prof. Dr  Aberle, dans la Theologische Quartalschrift, 1876. p. 177-228 ; K. Wemer, Geschichte der neuzeitlichen christlich-kirchlichen Apologetik, in-8°, Schaffouse, 1867, p. 401, 404.
F. Vigouroux.


ABÉS (hébreu : ʿÉbéṣ, à la panse Abéṣ ; Septante : Ρεϐές), ville de la tribu d’Issachar, mentionnée une seule fois, Jos., xix, 20, entre Césion et Rameth. Le mot ʿabsa signifiant en chaldéen « étain », Gesenius, Thes. ling. heb., p. 18, et plusieurs auteurs après lui, ont supposé qu’on y devait trouver ce métal en abondance ; mais l’étymologie seule ne suffit pas pour établir cette opinion. Certains auteurs modernes, entre autres C. R. Conder, s’appuyant plutôt sur la signification primitive de absa, « blanc, » placent Abès à Khirbet el-Beidha (en arabe, la blanche), à la limite septentrionale de la plaine d’Esdrelon. Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 401. Khirbet el-Beidha est une petite colline oblongue et isolée, située entre le torrent de Cison à l’ouest, et Nazareth à l’est. M. V. Guérin la décrit ainsi sous le nom de Tell-Beidar : « Les flancs inférieurs en sont soutenus par d’assez gros blocs formant terrasse ; elle est elle-même couronnée par une enceinte arabe, en partie debout et bâtie avec des pierres de moyenne dimension, qui avait autrefois renfermé une vingtaine de petites habitations, actuellement renversées. Au milieu des débris de l’une d’entre elles, s’élève un tronçon de colonne qui mesure 58 centimètres de diamètre, et qui provient peut-être d’Oumm-el-’Amed. » On remarque, dans les environs de cette dernière localité, des rochers calcaires d’une grande blancheur, qui ont été jadis, sur beaucoup de points, exploités comme carrière. Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 391.

A. Legendre.


ABÉSALOM (Ἀϐεσσαλώμος, dans le texte grec original ; probablement, en hébreu, ʾAbîšâlôm, « mon père est pacifique »), ambassadeur de Judas Machabée, envoyé vers Lysias, général d’Antiochus Eupator. II Mach., xi, 17.


ABESAN [(hébreu : ʾIbeṣan, signification inconnue ; Septante : Ἀϐαισσάν), juge d’Israël, Jud., xii, 8-10. Il était originaire de l’une des deux villes appelées Bethléhem, et plus probablement de Bethléhem en Zabulon ; en effet, Abesan n’a pas dû gouverner tout Israël, mais seulement la partie la plus septentrionale de la Terre Sainte, tandis que les tribus les plus voisines des Philistins subissaient le joug de ce peuple idolâtre. La judicature d’Abesan dura sept ans et ne fut signalée par aucun événement remarquable. Après sa mort, il fut transporté et inhumé à Bethléhem, sa ville natale. Il avait eu trente fils et trente filles, et avait pourvu à leur établissement. Le nombre de ses enfants s’explique par la polygamie, alors tolérée chez les Hébreux. Abdon, qui fut peu après lui juge d’Israël, eut « gaiement un nombre de fils considérable. Jud., xii, 14.

E. Duplessy.


ABESSALOM (hébreu : ’Abišâlôm, « mon père est pacifique ; » Septante : Ἀϐεσσαλώμ), père de Maacha ou Michaïa, mère d’Abia, roi de Juda, III Reg., xv, 2, 10. Il est appelé Absalom (simple variante du même nom) II Par., xi, 20-21. Ce pourrait bien être le fils de David : Thamar, fille d’Absalom, aurait épousé Uriel de Gabaa, II Par., xiii, 2, et aurait eu Maacha de ce mariage. Voir Uriel 2. Absalom serait alors le grand-père de Maacha. Cependant Abessalom peut être un personnage différent du fils de David, et le même qu’Uriel de Gabaa.


ABGAR, nom ou titre de plusieurs rois de l’Osrhoène. C’est en particulier celui d’un roi contemporain de Notre Seigneur, devenu célèbre par la correspondance avec Jésus-Christ qu’on lui a longtemps attribuée. Ce nom a été fréquemment défiguré par les écrivains grecs et orientaux. Il est certain, par les monnaies de quelques-uns de ces rois qui sont parvenues jusqu’à nous, que la véritable orthographe est Abgar (fig. 4). Pendant environ trois siècles, c’est-à-dire depuis l’an 99 avant l’ère chrétienne jusqu’à l’an 217 de notre ère, d’après la Chronique de Denys (patriarche jacobite de Telmahar, qui vivait au IXe siècle), l’Osrhoène fut gouvernée par des toparques ou petits rois. Assemani, Bibliotheca orientalis, t. i, p. 417 et suiv. L’Osrhoène était bornée à l’est par le Chaboras, au nord par le Taurus. Elle avait pour capitale l’antique ville d’Édesse, dont les traditions locales ont prétendu faire remonter l’origine jusqu’à Nemrod. Sous les premiers Séleucides, elle avait porté le nom grec de Callirrhoé, à cause d’une source consacrée à la déesse Atergatis ; à partir d’Antiochus VII, elle avait pris le nom d’Antiochia. Édesse, sous le gouvernement de ses toparques, devint le premier centre chrétien des régions de l’Euphrate, et mérita ainsi les surnoms d’Édesse la Sainte, d’Édesse la Bénie, que lui donnent les écrivains orientaux.


4. — Abgar, roi d’Osrhoène, contemporain de l’empereur Gordien III (238-244).
Buste de l’empereur Gordien, tourné & droite. Tête imberbe, radiée. [Γ]ΟΡΔIANOC CEB(αστης). — R. Le roi Abgar, portant la tiare, à cheval. ΑΒΓΑΡΟC ΒΑΣΙΛΕΥC.

D’illustres martyrs y scellèrent leur foi de leur sang. On y compta dans la suite plus de trois cents monastères. Prise par les Arabes en 639, elle redevint en 1097, du temps des croisades, une principauté chrétienne ; mais elle retomba, en 1146, sous le joug des musulmans, auxquels elle est encore soumise. Elle est aujourd’hui connue sous le nom d’Orfa.

Un grand nombre de toparques de l’Osrhoène se sont appelés Abgar. Denys de Telmahar en énumère vingt-neuf. Celui qui régnait à Édesse du temps de Notre-Seigneur est le cinquième. Il reçut le surnom d’Uchama ou Ucomo, c’est-à-dire le Noir. D’après la chronologie du patriarche Denys, rectifiée par Gutschmid, Die Königsnamen in den apokryph. Apostelgeschichten, dans le Rheinisches Museum, nouv. série, t. xix, p. 171, Abgar V gouverna l’Osrhoène de l’an 13 à l’an 50 de notre ère. D’après Moïse de Khorène, il descendait du roi parthe Arsace. Voir Bayer, Historia Osrhoena, p. 97. Procope, dans sa Guerre de Perse, II, 2, raconte qu’ayant fait un voyage à Rome, ce prince inspira à Auguste une telle affection, qu’il eut grand’peine à quitter la capitale de l’empire pour retourner en Orient. Tacite, au contraire, représente Abgar sous un jour défavorable, s’il est vrai que, l’an 49, le roi d’Édesse abandonna lâchement sur le champ de bataille le jeune roi parthe Méherdate. Quoi qu’il en soit de ce trait, Abgar Uchama doit sa célébrité à la lettre qu’il écrivit à Jésus-Christ, d’après Eusèbe, et à la réponse supposée qu’il en reçut.

L’évêque de Césarée, après avoir raconté dans son Histoire ecclésiastique, I, 13, t. xx, col. 121, que Thaddée, l’un des soixante-douze disciples, était allé prêcher la foi à Édesse, ajoute que la preuve de ce fait lui est fournie par les archives de cette ville, d’où il a tiré une lettre d’Abgar à Jésus, lettre qu’il rapporte, ainsi que la réponse du Sauveur, en traduisant les deux documents de l’original araméen en grec. Abgar écrit à Jésus qu’ayant appris les guérisons miraculeuses que le Sauveur opère en Judée, il le prie de venir à Édesse pour le guérir d’une maladie dont il est atteint. On croit que cette maladie était la lèpre. Notre-Seigneur lui répond qu’il doit demeurer en Judée pour y être élevé, c’est-à-dire crucifié ; mais qu’après sa mort il lui enverra un de ses disciples, qui le guérira et lui donnera la vie, à lui et à tous ceux qui sont avec lui. Thaddée, le disciple, alla en effet plus tard à Édesse, où il guérit et convertit le roi Abgar.

Le célèbre historien d’Arménie, Moïse de Khorène, rapporte les mêmes faits qu’Eusèbe avec quelques divergences, et aussi avec cette addition importante que l’envoyé d’Abgar lui aurait rapporté de Jérusalem un portrait du Sauveur. Ce portrait se trouvait encore de son temps, c’est-à-dire au ve siècle, à Édesse. Il fut depuis transporté, dit-on, à Constantinople, et de là à Rome, dans l'église Saint-Sylvestre, ou bien à Gênes.

Plusieurs historiens grecs ont reproduit la correspondance d’Abgar avec Jésus-Christ ; la plupart y ont joint, en l’embellissant de plus en plus, l’histoire du portrait ; tous se sont inspirés d’Eusèbe et des traditions courantes en Orient. Depuis ces dernières années, nous possédons sur ce sujet quelques documents auparavant inconnus en Europe. Il existe à la Bibliothèque nationale de Paris, ancien fonds arménien, n° 88, une traduction arménienne de la Doctrine d’Addaï, contenant l’histoire du disciple (Thaddée) envoyé à Édesse, et tout ce qui s’y rattache. On en a publié une double traduction française. L’une, faite par Jean-Raphaël Émine, a été insérée par Victor Langlois dans le tome 1er de sa Collection des historiens anciens d’Arménie, p. 315-331 ; elle a pour titre Léroubna d’Édesse : histoire d’Abgar et de la prédication de Thaddée, traduite pour la première fois sur le manuscrit unique et inédit de la Bibliothèque impériale de Paris (1867). La seconde, œuvre du Dr Alishan, est plus complète : Lettre d’Abgar, ou Histoire de la conversion des Édesséens, par Laboubnia, écrivain contemporain des Apôtres, traduite sur la version arménienne du Ve siècle, in-8°. Elle a été publiée en 1868, à Venise, par les Pères mékhitaristes de Saint-Lazare.

Cette version arménienne a été faite sur le syriaque. L’original a été retrouvé et publié. Le Musée Britannique, à Londres, en possède un manuscrit incomplet, qui a été édité par Cureton, dans ses Ancient Syriac Documents relative to the earliest establishment of Christianity in Edessa and the neighbouring countries, in-4°, Londres, 1864 ; mais il ne contient pas les pièces reproduites par Eusèbe, parce que c’est le commencement qui manque. Cette lacune a pu être heureusement comblée par un manuscrit de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, écrit en beaux caractères estranghelo, au vie siècle. Il a été publié par George Philipps, The Doctrine of Addai, the Apostle, in the original Syriac, with an English translation and notes, in-8°, Londres, 1876.

La comparaison du document syriaque, qui renferme la lettre d’Abgar, avec le texte d’Eusèbe, montre que l’historien de Césarée a reproduit fidèlement en grec, sauf quelques variantes insignifiantes qu’il est facile d’expliquer dans une traduction, l’original araméen qui circulait à Édesse. Mais, quant à la réponse de Notre-Seigneur, il existe entre Eusèbe et les sources orientales une divergence importante. D’après ces dernières, le Sauveur fit au roi d'Édesse, non pas une réponse écrite, comme le dit l’auteur de l’Histoire ecclésiastique, mais seulement une réponse orale, dont le sens est d’ailleurs le même : « Quand Jésus eut reçu la lettre, lisons-nous dans la Doctrine d’Addaï, il dit à Haunan, le conservateur des archives : « Va et dis à ton maître qui t’a envoyé vers moi : Bienheureux, etc. » La traduction arménienne du texte syriaque répète exactement la même chose. Il résulte de là que Notre-Seigneur n’avait pas écrit à Abgar, et qu’Eusèbe, qui a reproduit fidèlement la réponse verbale attribuée au Sauveur, telle qu’elle était conservée dans les archives d'Édesse, s’est trompé en la prenant pour une réponse écrite. Quand les Édesséens nous disent que la réponse de Jésus ne fut qu’orale, on peut les en croire. S’ils avaient cru posséder une lettre de Jésus-Christ lui-même, ils n’auraient pas manqué de s’en vanter.

Relativement à la lettre d’Abgar, qui est la même chez Eusèbe et chez les Orientaux, son authenticité a été admise jusqu'à ces derniers temps par un grand nombre non seulement de catholiques, Baronius, Tillemont, Oudin, les Bollandistes, Welte ; mais aussi de protestants, les centuriateurs de Magdebourg, Cave, Grabe, Rinck. Voir Welte, Ueber König Abgar und die Einführung des Christenthums in Armenien, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, 1842, p. 335-365 ; W. F. Rinck, Von dem Briefe des Kônigs Abgar an Jesum Christum und der Antwort Christi an Abgar, dans la Zeitschrift für die historische Théologie d’Illgen, 1843, p. 3-26. Voir aussi Assemani, Bibliotheca orient., t. i, p. 318-420. Tillemont, dans ses Mémoires, 1701, t. i, p. 617, s’exprime sur ce sujet de la manière suivante : « Nous ne prétendons pas qu’elles (les lettres) soient certainement vraies, car tout homme peut se tromper ; mais nous espérons que les personnes habiles qui, la plupart, sont portées aujourd’hui à les croire fausses, nous pardonneront aisément, si nous ne voulons point abandonner notre règle, de ne point rejeter tout ce qui est suffisamment autorisé dans l’antiquité, à moins que nous n’y soyons contraints par des raisons tout à fait fortes. » — Ces raisons tout à fait fortes existent-elles maintenant ? Oui, nous l’avons vu pour la lettre attribuée à Notre-Seigneur par Eusèbe. Quant à la lettre d’Abgar, presque tous les critiques répondent aussi aujourd’hui affirmativement, en s’appuyant surtout sur les divers détails contenus dans la Doctrine d’Addaï, et qui démontrent que cet écrit ne remonte pas au temps d’Abgar Uchama. Il y est question, en effet, des Actes des Apôtres et des Épîtres de saint Paul, de l’invention de la vraie croix par la princesse Protoniké ou Patroniké, et même du Diatessaron de Tatien, qui n’a vécu qu’au second siècle. Aussi le Dr Lipsius, Die Edessenische Abgar-Sage kritisch untersucht, in-8°, Brunswick, 1880, p. 11, dit-il : « Les souvenirs historiques de l'Église d'Édesse dignes de foi ne remontent pas au delà du temps d’Abgar VIII (176-213). L’histoire de la conversion d’Abgar V et de sa correspondance avec le Christ sont du domaine de la légende. » Le Dr Alishan et M. Philipps n’en adoptent pas moins l’authenticité du fond de la Doctrine d’Addaï, tout en reconnaissant qu’elle a été remaniée et qu’il s’y est glissé un certain nombre d’interpolations. Il est, en tout cas, fort invraisemblable que le christianisme se soit établi à Édesse aussi tardivement que le suppose le Dr Lipsius. Remarquons d’ailleurs que la primitive Église n’a pas admis la correspondance d’Abgar : « Epistola Jesu ad Abgarum apocrypha ; Epistola Abgari ad Jesum apocrypha. » Decretum Gelasii de libris recipiendis, Migne, Pat. lat., t. lix, col. 164.

Quant au portrait de Jésus, que les écrivains grecs racontent avoir été empreint miraculeusement sur un linge dont le Sauveur s'était servi pour s’essuyer la face, Évagre, H. E., IV, 27, t. lxxxvi, col. 2748-2749, nous avons vu qu’Eusèbe n’en parle point dans son récit. La Doctrine d’Addaï le mentionne, mais elle ne lui attribue pas une origine miraculeuse ; elle en fait l'œuvre de Hannan, qui était peintre, et qui avait apporté à Jésus en Palestine la lettre d’Abgar. L’existence d’une image du Sauveur très vénérée à Édesse depuis une haute antiquité est donc incontestable ; quant à son histoire, elle est légendaire.

Voir, outre les ouvrages déjà cités : W. Grimm, Die Sage vom Ursprung der Christusbilder, Berlin, 1843 ; K. C. A. Matthes, Die Edessenische Abgarsage auf ihre Fortbildung untersucht, in-8°, Leipzig, 1882 ; E.Renan, Deux monuments épigraphiques d'Édesse, dans le Journal asiatique, février-mars 1883, p. 246-251 ; Th. Zahn, Tatian’s Diatessaron, in-8°, Erlangen, 1881, p. 350-382 ; R. A. Lipsius, Die apokryphen Apostelgeschichten und Apostellegenden, t. ii, part, ii, 1883, p. 154-200 ; L.-J. Tixeront, Les origines de l'Église d'Édesse et la légende d’Abgar, in-8°, Paris, 1888.
F. Vigouroux.

ABGATHA (hébreu : ʾAbagṭaʾ, « donné par Dieu ; » Septante : Ζαθολθά), un des sept eunuques de la cour d’Assuérus, Esth., i, 10.

ABI (hébreu : ʾAbi, forme abrégée de ʾAbiyâh ; Septante : Ἄϐιου), mère du roi Ézéchias. IV Reg., xviii, 2. Voir Abia 4.

ABIA, hébreu : ʾAbîyâh, ʾAbîyâhou, « Jéhovah est mon père ; » Septante : Ἀϐιά ; nom d’homme et de femme.

1. ABIA, fils de Béchor, un des fils de Benjamin. I Par., vii, 8.

2. ABIA, femme de Hesron, petit-fils de Juda. I Par., ii, 24.

3. ABIA, second fils de Samuel. Le prophète se l’associa avec son frère Joël dans l’administration de la justice. Les deux frères s’en acquittèrent si mal, que le peuple réclama un roi. I Reg., viii, 2 ; 1 Par., vi, 28.

4. ABIA, femme d’Achaz et mère d'Ézéchias, roi de Juda, IV Reg., xviii, 2 ; II Par., xxix, 1. Elle était fille de Zacharie. Voir ce nom. On trouve la forme abrégée, Abi, IV Reg., xviii, 2. Voir Abi.

5. ABIA (hébreu : ʾAbiyâm, dans les Rois ; aussi sous la forme ʾAbiyâhou, II Par., xiii, 20, et ʾAbiyâh, II Par., su, 16), fils de Roboam, roi de Juda, succéda à son père en 960 av. J.-C. (d’après la chronologie reçue ; voir Chronologie), et régna pendant trois ans. I Par., xil, 16 ; xiii, 1-2 ; cf. III Reg., XV, 2. Cette durée de trois années ne doit pas être prise à la lettre, car il est dit qu’Abia monta sur le trône dans la dix-huitième année du règne de Jéroboam, roi d’Israël, III Reg., xv, 1, et ailleurs qu’Asa, son fils, lui succéda dans la vingtième année du même règne de Jéroboam. III Reg., xv, 9. Ce n’est donc que deux ans et quelques mois qu’Abia régna sur Jérusalem et Juda, la Sainte Écriture, selon l’usage des Juifs, comptant pour une troisième année l’année commencée. Abia eut pour mère Maacha ( hébreu : Maʿâkâh), fille d’Abessalom, III Reg., xv, 2 ; cf. II Par., xi, 20, qui est appelée, II Par., xiii, 2, Mîkâyâhou, par une erreur manifeste de transcription. Le mot Abessalom (hébreu : ʾAbišalôm) est sûrement une variante d’Absalom (hébreu : ʾAbšalôm), et le personnage dont il s’agit ici peut être le fils de David, quoique d’après quelques-uns il soit le même qu’Uriel. Voir Abessalom et Uriel 2. Mais cette identification du père de Maacha avec le fils de David soulève une difficulté. Nous savons, en effet, qu’Absalom n’eut qu’une fille, qui s’appelait Thamar, II Reg., xiv, 27, et pas de fils. II Reg., xviii, 18. Donc, ou bien Maacha est la même que Thamar, ce qui est invraisemblable, car il faudrait dire qu’Absalom portait aussi le nom d’Uriel ; ou bien elle est fille de Thamar, qui avait épousé Uriel de Gabaa, II Par., xiii, 2, et petite-fille d’Absalom, dont elle est appelée par extension la fille. Cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, x, 1. Quelques interprètes, comme Thenius, Bertheau, ont cherché une autre explication, et comme la mère d’Asa, fils d’Abia et son successeur au trône, porte le même nom, II Par., xv, 16 ; III Reg., xv, 13, ils ont pensé que la fille d’Uriel était la mère d’Asa et non d’Abia, et que, par quelque inadvertance de copiste, son nom avait été substitué dans le texte à celui de la mère d’Abia. Cette supposition est sans fondement. Il paraît plus naturel de dire que dans les quatre passages où le nom de Maacha est marqué, il s’agit de la même personne, et que si Maacha, mère d’Abia, est aussi appelée mère d’Asa, bien qu’elle ne soit que sa grand’mère, c’est qu’elle avait conservé sous le règne de son petit-fils la dignité et le titre de reine mère, dignité et titre qui lui furent enlevés quand Asa la destitua à cause de son idolâtrie. II Par., xv, 16.

Abia avait vingt-sept frères et soixante sœurs par son père, II Par., xi, 21 ; par sa mère il n’avait que trois frères, Éthaï, Ziza et Salomith, II Par., xi, 20, sur lesquels il avait été investi d’une sorte d’autorité (hébreu : r'ôs, « tête, » par extension, chef, personnage principal ; Septante : ἀρχων), dont l'étendue n’est pas déterminée. II Par., xi, 22. D’après les Septante et la Vulgate, Abia aurait mérité cette dignité par sa sagesse, v, 23 ; mais le texte hébreu rapporte cette sagesse à Roboam, qui, pour éviter les conflits entre ses nombreux enfants, et peut-être surtout pour empêcher que quelques frères jaloux ne se liguassent contre Abia, son préféré, leur donna à chacun la garde d’une des places fortes de son royaume. Le texte insinue que l’unique raison de cette préférence de Roboam pour Abia fut la préférence même qu’il avait pour sa mère Maacha, et ce fut aussi la raison qui le lui fit choisir pour successeur, bien que par sa naissance il n’y eût aucun droit. C’est aussi pour cela qu’entre tous ses frères, Abia demeura à Jérusalem, capitale du royaume, menant une vie luxueuse au milieu d’un grand nombre de femmes et d’enfants. II Par., xi, 21-23. Le texte, il est vrai, semble rapporter cette magnificence domestique au temps qui suivit sa victoire sur Jéroboam ; mais, comme il est impossible qu’il ait eu vingt-deux fils et seize filles dans le court espace de temps qui s'écoula entre cette victoire et sa mort, il faut dire qu’il épousa le plus grand nombre de ses quatorze femmes avant même d’arriver au trône. Si l’auteur des Paralipomènes n’en parle qu’après le récit de la guerre contre Israël, c’est sans doute pour rapprocher sa prospérité domestique de ses succès politiques et militaires. Ce trait montre qu’Abia avait imité Salomon et Roboam dans leurs inclinations sensuelles, et manifeste déjà l’abaissement moral de la royauté en Juda.

Cet excès ne fut pas le seul qui souilla le règne d’Abia. S’il ne se livra pas lui-même à l’idolâtrie, il la laissa pratiquer impunément ; ce qui eût suffi à lui attirer la colère de Dieu, s’il n’avait eu pour ancêtre David, le fidèle serviteur de Jéhovah. C’est à cause de lui, et aussi à cause des antiques promesses faites à ses aïeux, qu’Abia eut une postérité. III Reg., xv, 4. Cette réflexion, qui a paru à plusieurs une interpolation, fait si bien corps avec le texte, qu’elle donne la clef de la conduite de Dieu au milieu des tristes événements qui remplissent non seulement le règne d’Abia, mais aussi toute la période des rois de Juda. À travers les excès de ces souverains indignes, Dieu voit dans le passé David son serviteur, et dans l’avenir le rejeton de David, le Messie, et à cause de l’un et de l’autre il bénit et conserve au lieu de maudire et de briser.

Abia était plus faible que méchant. Quoiqu’il laissât pratiquer l’idolâtrie et qu’il menât lui-même une vie sensuelle, la foi de David son aïeul demeura ferme au fond de son cœur. Elle se révèle au jour du danger, quand la guerre, depuis longtemps menaçante, vient à éclater entre Israël et Juda. Du moment où les dix tribus s'étaient choisi un roi, il s'était établi entre ces deux portions du peuple choisi une inimitié qui ne pouvait manquer d'éclater. Les rois de Juda, fondés sur les promesses divines faites à David, cherchaient tous les moyens de faire rentrer sous leur autorité les tribus séparées ; Israël, au contraire, prétendait garder son autonomie. Durant le règne de Roboam, la haine, en grandissant toujours, était demeurée latente ; elle éclata sous Abia, et voilà les deux royaumes lancés dans une guerre fratricide qui durera longtemps. S’il faut s’en rapporter au texte, Abia entra en campagne avec 400 000 hommes très vaillants ; Jéroboam en avait le double, 800 000 : chiffres certainement excessifs, aussi bien que celui des 500 000 hommes mis hors de combat. II Par., xiii, 3, 17. Ces erreurs résultent de l’altération du texte hébreu, soit par l’inadvertance des transcripteurs, soit par la grande similitude de quelques lettres hébraïques ; car les Hébreux, comme les Grecs, exprimaient les nombres par les lettres de l’alphabet.

Or, avec son armée, quel qu’en ait été le nombre, Abia vint prendre position sur le mont Séméron (hébreu : Ṣemârayîm), dont la position est douteuse (voir Séméron), mais qui était certainement en Éphraïm. II Par., xiii, 4. Suivant un usage commun à cette époque, le roi de Juda, avant d’engager la bataille, harangua son ennemi. Le discours est élevé et si religieux, que la critique moderne a voulu y voir une contradiction avec ce qui est dit, III Reg., xv, 3, de l’impiété d’Abia. En effet, il déclare n’engager le combat que pour soutenir ses droits inaliénables sur le royaume d’Israël. Jéhovah, dit-il, a donné pour toujours (hébreu : par le pacte du sel, c’est-à-dire d’une manière irrévocable, voir Sel) la royauté en Israël à David et à ses fils. Il a confiance en son droit, qui est le droit de Dieu. Aussi bien les dix tribus se sont adonnées à l’idolâtrie, substituant le culte des veaux d’or à celui de Jéhovah ; elles ont chassé les prêtres et les lévites, elles commettent tous les jours l’iniquité ; tandis que lui, roi de Juda, a gardé le principe constitutif de la monarchie chez les Hébreux, qui est d'être une théocratie dans laquelle le roi est le ministre de Dieu. Il le proclame : le Seigneur (hébreu : hâ’élohim, avec l’article) est le chef de l’armée de Juda ; qu’Israël redoute donc de se lever contre sa puissance. II Par., xiii, 4. Comme on le voit, ce passage n’est point inconciliable avec III Reg., xv, 3. Abia y montre seulement que sa doctrine vaut mieux que sa conduite. S’il se vante ici d’avoir fidèlement gardé le culte de Dieu, le passage du troisième livre des Rois ne dit pas qu’il ait lui-même pratiqué l’idolâtrie ; il a pu pécher seulement en la tolérant.

Pendant ce discours, Jéroboam avait tourné la montagne avec quelques bataillons, et l’armée d’Abia allait être enveloppée par ses ennemis. Le roi sentit le danger, fit sonner les trompettes sacerdotales ; les guerriers poussèrent leur cri de guerre, et soudain Dieu jeta l'épouvante dans les rangs d’Israël. Dans cette confusion, Abia n’eut qu'à lancer son armée en bon ordre ; il s’ensuivit un immense carnage : 500 000 Israélites hors de combat, dit le texte. Abia, poursuivant sa marche, s’empara des villes de Béthel, Jésana et Éphron, avec leurs dépendances. C’est alors sans doute qu’Abia, rempli de gratitude, fit le vœu dont il est question vaguement au troisième livre des Rois, xv, 15, et qui avait probablement pour objet de consacrer au Seigneur le butin fait sur Jéroboam. II Par., xiii, 16-19. La mort empêcha Abia d’accomplir lui-même cette pieuse promesse, que son fils Asa se fit un devoir d’exécuter en son nom. III Reg., xv, 15.

C’est tout ce que l'Écriture nous apprend de ce roi, renvoyant pour le reste à des livres perdus : le livre des Annales des rois de Juda (Dibrê hayyâmîm), III Reg., xv, 7, et le livre (Midraš) du prophète Addo, II Par., xiii, 22. L'égyptologie, qui fournit un si précieux document sur Roboam et ses relations avec Sésac, et l’assyriologie, qui en donne de si intéressants pour les règnes de plusieurs rois de Juda, sont restées muettes sur Abia, qui d’ailleurs ne paraît avoir eu aucune relation politique de quelque importance avec les souverains étrangers. Sans sa victoire sur Jéroboam, ce roi serait demeuré bien effacé dans l’histoire de Juda. Cet épisode a révélé en lui un caractère droit, élevé, énergique même, et capable de grandes choses, si son éducation et son temps n’avaient empêché l'épanouissement de ces précieuses qualités.
P. Renard.
6. ABIA (hébreu : 'Abiyâh ; Septante : Ἀϐιά), fils de Jéroboam Ier, roi d’Israël (975-954), n’apparaît dans la Bible que pour justifier la parole du Saint-Esprit : que Dieu se venge sur les enfants des iniquités de leurs pères. Jer., xxxii, 18. Quand Jéroboam eut mis le comble à son apostasie en établissant le culte des veaux d’or, le moment du Seigneur arriva : Abia tomba malade. III Reg., xiv, 1. Quelle était sa maladie ? La Sainte Écriture n’en dit rien, mais il est manifeste qu’elle était surnaturelle dans son origine comme elle le fut dans son dénouement. Elle arrive au moment voulu par Dieu, dure ce que Dieu veut, se termine par la mort à l’heure marquée par Dieu. On employa sûrement, pour la combattre, toutes les ressources qu’offrait la science médicale d’alors ; mais en même temps Jéroboam se souvint que naguère, quand il exerçait à la cour de Salomon la fonction de percepteur des tributs, il avait rencontré un prophète de Silo, nommé Ahia, qui lui avait prédit l’heureux événement de son élévation à la royauté. Superstitieux autant qu’il était impie, il conçut le dessein d’obtenir par ruse, du même voyant, une réponse favorable à la guérison d’Abia. Car, pensait-il, si le prophète savait qu’on vient le consulter pour le fils du roi d’Israël, il se garderait de prédire son retour à la santé. D’après ce singulier calcul, Jéroboam fit travestir sa propre épouse et l’envoya à Silo consulter Ahia, sans dire ni qui elle était, ni pour qui elle venait. La santé du malade devait d’ailleurs, dans le plan de Jéroboam, être achetée par des présents offerts au voyant ; mais comme la prudence exigeait que la messagère, vêtue comme une pauvre, ne présentât que des dons modestes, elle offrit dix pains, un vase de miel et un gâteau commun (hébreu : niqqudîm, de nâqad, qui signifie « marquer de petits points », ce qui donne lieu de penser que ces gâteaux étaient troués, ou marqués d’une sorte de pointillé difficile à spécifier. Les Septante ont traduit par ϰολλυρίς, « gâteau ordinaire »). Les prophètes, conduits en cela par l’inspiration d’en haut, accueillaient volontiers ces solliciteurs, et y répondaient soit en prédisant l’issue de la maladie, soit en indiquant le remède au mal. III Reg., xiii, 6 ; xvii, 17 ; IV Reg., i, 4 ; xx, 7 ; Is., xxxviii, 21. Nous voyons, II Par., xvi, 2, Asa blâmé par l'écrivain sacré, parce qu’il avait cherché le secours des médecins au lieu de recourir à Dieu. Le rationalisme, pour échapper au miracle, a voulu voir dans les indications des voyants des procédés ou moyens purement naturels ; mais aucune explication n’est plausible en dehors de la vertu surnaturelle qui était dans les prophètes, ou dont ils étaient les dispensateurs. La chose est manifeste pour le cas d’Abia. Le prophète, presque aveugle, est éclairé d’en haut sur la qualité de celle qui l’interroge, comme aussi sur la cause de la maladie et son issue. Il prédit de la part de Dieu qu’en punition des crimes de Jéroboam, la famille du roi disparaîtra ignominieusement, et que dès ce jour Abia mourra. Le moment de sa mort est déterminé : il expirera au moment où sa mère mettra le pied sur le seuil du palais de Jéroboam, III Reg., xiv, 17 ; le v. 12 porte : « quand elle entrera dans la ville. » Toutes choses qui s’accomplissent à la lettre et en dehors de toute prévision humaine. C’est à Thersa (grec : Σαριρά) qu’Abia mourut. Cette ville était une des grandes cités d’Israël. Voir Thersa. Abia y reçut la sépulture au milieu des lamentations du peuple, dont il était aimé à cause de son bon naturel. Son âge n’est pas indiqué dans la Bible. III Reg., xiv, 12. Il faut remarquer que tout le passage qui contient cet épisode, III Reg., xiv, 1-20, fait défaut dans le Textus receptus des Septante ; dans le Codex Alexandrinus, il est inséré au chapitre xi du même livre, après le verset 24. Tous les manuscrits du texte hébreu le contiennent à la place qu’il occupe dans la Vulgate. Il n’y a donc aucune raison de mettre en doute son authenticité.
P. Renard.

7. ABIA, un des descendants d'Ëléazar, fils d’Aaron ; il se trouva chef de la huitième des vingt-quatre classes ou familles sacerdotales, lorsque David les établit. I Par., xxiv, 10. Zacharie, père de saint Jean-Baptiste, était de la famille d’Abia. Luc, i, 5.

8. ABIA, un des prêtres qui signèrent avec Néhémie le renouvellement de l’alliance. II Esdr., x, 1, ABIALBON (hébreu : ʾAbîʿalbôn, « mon père est fort ; » Septante : Γαδαϐίηλ), un des trente-sept héros ou vaillants guerriers de l’année de David, II Reg., xxiii, 31. Il est nommé Abiel dans I Par., xi, 32. Voir Abiel 2.

ABIAM (hébreu : ʾAbîyâm), Abia, roi de Juda, fils et successeur de Roboam. Son nom, qui est écrit sous la forme Abia dans les Paralipomènes, est constamment écrit Abiam dans le troisième livre des Rois, xiv, 31 ; xv, 1, 7, 8. Voir Abia 5.

ABIASAPH (hébreu : ʾAbîʾâsâf, « mon père a rassemblé ; » Septante : Ἀϐιάσαρ, Ἀϐισαφ, Ἀϐιάσαφ), Lévite, un des fils de Coré. Exod., vi, 24 ; I Par., vi, 37. Il est appelé Ébiasaph (en hébreu : ʾEbeyâsâf), I Par., vi, 24 ; ix, 19. La généalogie donnée I Par., vi, 23-37, semble en contradiction avec les deux endroits parallèles, Exod., vi, 24, et I Par., vi, 37, et crée une difficulté. Ou bien il y a erreur de transcription ; ou bien Asir et Elcana, qui paraissent en ce passage donnés comme les ascendants d’Abiasaph, doivent être plutôt regardés comme ses frères et fils de Coré comme lui, conformément à Exod., vi, 24.

ABIATHAR (hébreu : ʾEbeyâṭâr), grand prêtre, arrière-petit-fils d’Héli par Phinées et Achitob ; fils du grand prêtre Achimélech, qui fut mis à mort par Saül, pour avoir donné l’hospitalité à David fugitif. Abiathar, voué à la mort avec tous les habitants de Nob, échappa comme par miracle au massacre, I Reg., xxii, 20, et s’enfuit auprès de David, qui s'était abrité à Maspha, dans les montagnes de Moab. Il s’attacha à lui comme un serviteur fidèle, et partagea les privations de sa retraite. Or il avait emporté avec lui l'éphod, I Reg., xxiii, 6, dont il se servait pour consulter Jéhovah dans les circonstances difficiles. C’est ainsi que, par l’ordre du Seigneur, il détermina David à quitter Moab, à repasser le Jourdain, et à tenter, tout près de l’armée de Saül, le coup le plus audacieux : la délivrance de Céila, assiégée par les Philistins. Là encore Abiathar sauva le roi des projets hostiles de Saül ; car, ayant consulté Dieu par l'éphod sur les dispositions des habitants de Céïla, il connut qu’elles étaient mauvaises, ce qui amena David à s’enfuir dans la montagne du désert de Ziph, aujourd’hui Tell-Zif, I Reg., xxiii, 14-15, où Abiathar le suivit encore. Nous retrouvons ce grand prêtre à Jérusalem, lors de la translation solennelle de l’arche à Sion. Il portait le dépôt sacré avec Sadoc, grand prêtre comme lui, et quelques lévites choisis par David. I Par., xv, 11-12. À cette époque, par une exception difficile à expliquer, il y avait deux grands prêtres simultanément en fonction. Cf. II Reg., viii, 17 ; xv, 24, 29, 35 ; xix, 11 ; xx, 25 ; I Par., xv, 11 ; xviii, 16.

Abiathar était encore près de David lorsque celui-ci, poursuivi par Absalom révolté, quitta Jérusalem. Il marchait en avant de l’arche du Seigneur, que transportaient Sadoc et les lévites, II Reg., xv, 24, dirigeant l’ordre de cette pieuse translation. Mais, arrivé au pied de la montagne des Oliviers, il fut forcé d’obéir à David, qui refusait de faire partager ses humiliations à l’arche sacrée, et rentra dans la ville, se privant cette fois de suivre son roi, pour monter une sainte garde près de l’arche du Seigneur. De Jérusalem, il continua à veiller avec Sadoc au salut du fugitif. C’est par eux que David, instruit des projets d’Absalom et de son conseiller Achitophel, passa de nouveau le Jourdain. Abiathar, dont la fidélité ne s'était pas démentie dans l'épreuve, trahit David aux jours de sa prospérité. Il est probable que l’autorité accordée dans la suite à son collègue Sadoc lui porta ombrage. Quand donc Adonias mécontent organisa un plan de révolte pour usurper le trône, il trouva Abiathar prêt à le soutenir. III Reg., i, 7. Sur ces entrefaites, le saint roi mourut ; ce fut Salomon qui eut la mission de punir les coupables ; Adonias fut mis à mort, et Abiathar eût partagé le même sort, si un sentiment de piété filiale, qui fait honneur à Salomon, n’eût arrêté la sentence. Le roi se souvint qu’aux jours de ses malheurs, David avait trouvé en lui un serviteur fidèle. C’en fut assez pour mitiger la peine. Le traître fut seulement déchu du souverain pontificat et relégué à Anathoth, ville sacerdotale, au nord-est de Jérusalem. C'était l’accomplissement de la malédiction prononcée naguère par Dieu sur la maison d’Héli, son aïeul. I Reg., ii, 30-36 ; iii, 10-14. Il n’est plus désormais question de ce personnage. Par sa déchéance, le souverain pontificat fut transféré de la famille d’Ithamar à celle d'Éléazar, I Par., xxiv, 2-3. Cette triste fin contredit tout le reste de la vie d’Abiathar. Jusque-là il s'était montré homme d’un grand caractère, actif, intrépide, dévoué jusqu'à la mort à Dieu et à son roi. La jalousie ou quelque autre passion le perdit à l’heure où il pouvait, dans une sécurité parfaite, partager la gloire et la puissance de David victorieux.

Le verset 17 du chapitre viii, au second livre des Rois, présente relativement à Abiathar une difficulté : « Et Sadoc, fils d’Achitob, et Achimélech, fils d’Abiathar, étaient prêtres. » Car il est indubitable qu'à cette époque les deux grands prêtres étaient Sadoc et Abiathar. Faut-il donc voir dans ce verset une interversion de noms introduite par quelque copiste, en sorte qu’il faudrait lire (et de même aux passages parallèles I Par., xviii, 16 et xxiv, 6) : « Abiathar, fils d' Achimélech ? » Ou bien appelait-on indifféremment le même personnage Abiathar et Achimélech, comme on peut l’inférer d’après saint Marc, ii, 25-26? Ou enfin s’agit-il réellement d’un fils d’Abiathar, qui aurait rempli les fonctions sacerdotales transitoirement en l’absence de son père ? Toutes ces hypothèses sont soutenables, sans qu’aucune d’elles donne le dernier mot de la difficulté.

P. Renard.

ABIB (hébreu : ʾabib), le premier mois de l’année hébraïque, appelé depuis nisan. Ce mot signifie épi, Exod., ix, 31 ; Lev., ii, 14 ; cf. Cant., ii, 13, et il désigne, dans le Pentateuque, Exod., xiii, 4 ; xxiii, 15 ; xxxiv, 18 ; Deut., xvi, 1, le mois où le blé monte en épis. Il était de trente jours, et commençait, d’après les rabbins, a la nouvelle lune de mars. Ce fut en souvenir de la délivrance des Hébreux de la servitude d’Égypte que ce mois fut le premier de l’année. Exod., xii, 2. La fête de Pâques se célébrait le quinze d’abîb. Exod., xii, 6, 18. Voir Mois.

ABICHT Johann Georg, orientaliste et théologien allemand, luthérien, né le 21 mars 1672 à Königsee, dans la principauté de Schwarzbourg-Rudolstadt, mort à Wittemberg le 5 juin 1740. Il fit ses études à Iéna et à Leipzig ; en 1702, il devint professeur de langues orientales dans l’université de cette dernière ville ; puis, en 1707, recteur du Gymnase et pasteur de l'église de la Sainte - Trinité à Dantzig ; enfin, en 1729, surintendant général f premier professeur de théologie et pasteur de l'église de la ville de Wittemberg. Il jouit de la réputation d’un savant très versé dans la connaissance des langues orientales et de l’archéologie hébraïque. Son ouvrage le plus connu est sa Brevis Methodus linguæ sanctæ, in-8°, Leipzig, 1718. Il eut des discussions qui firent grand bruit avec J. Franke sur l’usage grammatical, prosodique et musical des accents hébreux, Accentus Hebræorum, in-8°, Leipzig, 1715. Parmi ses autres nombreuses publications, on remarque ses Annotationes ad vaticinia Habacuc prophetes, in-4°, Wittemberg, 1752. Il fut un des collaborateurs des Acta eruditorum de Leipzig. Ses écrits les plus intéressants ont été insérés dans le Thesaurus novus theologico-philologicas dissertationum exegeticarum ex Musœo Th. Hasœi et Conr. Ikenii, 2 in-f », Leyde, 1732. — Sur Abicht, voir E. Chr. Schroeder, Programma academicum in exequias J. G. Abichti, Wittemberg, 1740 ; J. W. Berger, Oratio funebris in exequiis J. G. Abichti, Wittemberg, 1740 ; M. Rauft, Leben Sächsischer Gottesgelehrten, t. i, p. 1.

F. Vigouroux.

ABIDA (hébreu : ʾAbîdâʿ, « mon père sait ou est savant ; » Septante : Ἀϐειδά), un des fils de Madian, descendant d’Abraham et de Céthura. Gen., xxv, 4 ; I Par., 1, 33.

ABIDAN (hébreu : ʾAbidân, « mon père est juge ; » Septante : Ἀϐιδάν), chef de la tribu de Benjamin, au temps de la sortie d’Égypte. Il fit ses présents, comme les autres princes d’Israël, pour la dédicace de l’autel. Num, i, 11 ; il, 22 ; vii, 60, 65 ; x, 24.

ABIEL, hébreu : ʾAbiel, « mon père est Dieu ou fort ; » Septante : Ἀϐεήλ.

1. ABIEL, père de Cis, de la tribu de Benjamin, et grand-père de Saül, I Reg., ix, 1, et d’Abner, I Reg., xiv, 51. On ne doit pas identifier Abiel avec Jéhiel ou Abigabaon. Celui-ci était son père. Mais Abiel est le même personnage que le premier Ner, I Par., viii, 33 et 30 (Septante) ; I Par., ix, 36, 39. Voici la table généalogique :

Jéhiel ou Abigabaon
|
Abiel ou Ner
| _______________ | |
Cis Ner
| |
Saül Abner

2. ABIEL, le même qu’Abialbon (même signification). Voir Abialbon.

ABIÉZER, hébreu : ʾAbîʿézer, « mon père est un secours. » Dans les Nombres, xxvi, 30, par contraction, Iézer ; hébreu : ʾIézer ; Septante : Ἀϐιέζερ, Ἰεζί.

1. ABIÉZER, fils aîné de Galaad, d’après Num., xxvi, 30, et Jos., xvii, 2, ou fils de la sœur de Galaad, selon le texte actuel des Paralipomènes, I Par., vii, 18. Il fut le chef d’une des plus importantes familles de la tribu de Manassé, qui semble avoir eu d’abord ses possessions à l’est du Jourdain, avant de se fixer à Éphra, où naquit Gédéon, descendant d’Abiézer. Jos., xvii, 2 ; Jud., vi, 11, 24, 34 ; viii, 2, 32.

2. ABIÉZER, d’Anathoth, de la tribu de Benjamin, était un des guerriers renommés de l’armée de David. Pendant le neuvième mois, il commandait les troupes de la garde du roi. II Reg., xxiii, 27 ; I Par., xi, 28 ; xxvii, 12.

ABIGABAON (hébreu : ʾAbî-gibʿôn, « père ou possesseur de Gabaon ; » Septante : πατὴρ Γαϐαών), surnom donné à Jéhiel, possesseur de Gabaon et ancêtre de Saül, I Par., viii, 29. Voir Jéhiel et Abiel 1.

ABIGAÏL, hébreu : ʾAbigayil, « mon père est joyeux ; » Septante : Ἀϐιγαία.

1. ABIGAÏL, femme de Nabal, et plus tard épouse de David, à la suite de l’incident rapporté au premier livre des Rois, xxv, 3-42. Elle habitait avec Nabal à Maon, sur la lisière du désert de Pharan, vivant dans l’abondance, car son mari était fort riche en troupeaux de brebis et de chèvres, qu’il entretenait près de là, dans son domaine de Carmel, au milieu d’un pays montagneux et très fertile en pâturages. Voir Carmel 2. Ils étaient de ces Israélites, devenus rares alors, auxquels la vie agricole ne faisait pas oublier la vie pastorale de leurs ancêtres. Le caractère d’Abigaïl contrastait d’ailleurs étrangement avec celui de son mari. Celui-ci était un homme dur, violent, ami de la bonne chère, et facilement entraîné à l’intempérance. I Reg., xxv, 36. Elle, au contraire, possédait toutes les qualités d’une femme accomplie. À une rare beauté, elle joignait une grande maturité de jugement, une étonnante décision, même dans les situations les plus délicates, enfin une admirable énergie dans l’emploi des moyens. Or chaque année, à l’occasion de la tondaison des brebis, la famille de Nabal, suivant un usage universel, se mettait en fête : on le savait dans le voisinage, et les propriétaires voisins, les amis, n’oubliaient pas que la fête comportait un grand festin auquel ils étaient conviés, ou bien l’envoi de présents offerts par le maître des troupeaux tondus. Cf. II Reg., xiii, 24-27. David, ayant été informé de ce qui se passait chez Nabal, crut l’occasion favorable pour faire valoir ses services rendus, le succès de ses armes contre les Arabes maraudeurs, l’efficace protection exercée sur les troupeaux de Carmel ; et il pensait obtenir facilement une part dans les largesses de Nabal, d’autant plus que le désert de Pharan fournissait si peu pour sa subsistance! Malheureusement Abigaïl était absente quand se présentèrent les envoyés de David. Elle ignorait même la démarche du royal fugitif et la réponse impertinente de son mari, quand un de ses serviteurs vint la prévenir que David, justement irrité, avait juré la ruine de Nabal, et qu’il se préparait à l’heure même à marcher sur lui avec tous ses gens. I Reg., xxv, 14. Prudente autant qu’elle était ferme, Abigaïl trouve à l’instant le remède au mal. Elle fait apporter deux cents pains, emplir de vin deux outres, cuire cinq moutons ; elle y joint cinq boisseaux de farine d’orge, cent ligatures de raisin et deux cents gâteaux de figues : tout cela est destiné à David, dont le ressentiment, pense-t-elle, s’apaisera en face de cette libéralité. C’était, en effet, une offrande considérable. Siba crut se montrer très généreux envers David en lui offrant plus tard une outre de viii, II Reg., xvi, 1 ; Abigaïl en offre deux, et elles étaient sans doute de grande capacité, comme celles qu’on apprêtait avec la peau entière d’un bouc ; cf. Gen., xxi, 14 ; Jos., ix, 4, 13 ; Jud., iv, 19 (voir Outre) ; cf. Fillion, Atlas archéolog. p. 10 et pl. xv. Les cinq boisseaux (seʾyîm) de farine d’orge (hébreu : qâli, « blé grillé, » I Reg., xxv, 18 ; cf. xvii, 17) représentaient une quantité notable, car le seʾȧh était le tiers de l’éphâh, et contenait environ treize litres. Les Septante ont traduit cinq éphah, peut-être parce que les cinq se'îm paraissaient trop peu. Le présent appelé ligatures de raisin (hébreu : simmuqîm) se composait de raisins desséchés, pressés, et mis en masses ou gâteaux. C'étaient un des meilleurs produits de la contrée, car les alentours d’Hébron étaient plantés de vignes produisant un raisin excellent.

Précédée de ses serviteurs et suivie de ce convoi, Abigaïl, à l’insu de Nabal, se dirigea vers la retraite de David, qui était, d’après l’hébreu et la Vulgate, le désert de Pharan ; d’après les Septante, le désert de Maon. I Reg., xxv, 1. Cette divergence peut se résoudre par la proximité de la partie septentrionale du désert de Pharan avec la partie méridionale de celui de Maon, au sud de Juda. Voir Maon, Pharan. Elle rencontra David au pied de la montagne (hébreu : beséṭer hâhâr, « dans la cachette de la montagne »), probablement dans une retraite formée par une dépression de terrain, et, selon la coutume des Orientaux, descendant de sa monture, elle se prosterna deux fois en inclinant la tête jusqu'à terre. Elle se félicita bientôt du parti qu’elle avait pris de venir au-devant de lui ; car David, après s'être répandu en reproches contre Nabal, l'écouta sans l’interrompre. Le discours d’Abigaïl est aussi habile qu'élevé. I Reg., xxv, 24-31. Bien qu’elle n’ait été pour rien dans la réponse insolente de Nabal, elle prend sur elle-même toute la faute, et cependant elle se présente avec confiance, car elle vient envoyée par Jéhovah pour empêcher David de commettre un crime, et lui offrir des présents qu’elle appelle du nom sacré de bénédiction, I Reg., xxv, 27 ( hébreu : berâkâh, qui a le sens de présent offert avec bienveillance, benedicendo ei cui offertur, ou de celui de choses résultant de la bénédiction de Dieu ; Septante : εὐλογίαν ; cf. Gen., xxiii, 11 ; II Cor., ix, 5). Après quoi elle se concilie, sans flatterie, l’esprit du héros irrité, en affirmant de lui, ce qu’elle a sans doute appris de Samuel ou d’un autre prophète, à savoir qu’il est l’élu, le protégé de Jéhovah ; que sa gloire sera grande ; qu’il consommera la ruine de ses ennemis, et enfin qu’il deviendra le chef (hébreu : nâgîd, præstans, eximius, dux) d’Israël. Il faut signaler, dans la péroraison de ce discours, la belle image du v. 29. S’il s’élevait jamais quelqu’un qui cherchât à tuer David : « Que votre vie, dit Abigaïl, par la protection de Dieu, soit liée dans le faisceau des vivants ! » Cette expression : « soit liée dans le faisceau des vivants, » demeure encore aujourd’hui la conclusion de toutes les épitaphes qu’on lit sur les tombeaux des Juifs, en Orient ; avec cette seule différence qu’on l’écrit en abrégé, avec les initiales חבצנמ, ṭ n ṣ b h, comme chez les chrétiens : R. I. P. Voir Fillion, Essais d’exégèse, p. 296. Le faisceau des vivants désigne en général la société des bons : dans la bouche d’Abigaïl, c’est cette société encore sur la terre ; dans les épitaphes, c’est cette société dans le ciel. Il faut aussi remarquer l’image expressive par laquelle Abigaïl représente l’instabilité et la ruine des ennemis de David : « Ils seront comme une pierre tournoyant dans la cavité d’une fronde. » I Reg., xxv, 29.

David, apaisé par ce discours, reconnaît et admire l’action divine qui, par le moyen de cette messagère, l’empêche de répandre le sang. Les présents offerts et acceptés, l’épouse de Nabal revient à Maon, où elle trouve son farouche mari en pleine orgie, et dans un tel état d’ivresse, qu’elle ne peut l’entretenir de ce qu’elle vient de faire. Elle le lui déclare le lendemain ; mais, soit par l’effet de son intempérance, soit par l’impression du danger qu’il a couru, Nabal demeure inerte et insensible ; il est frappé d’apoplexie et meurt dix jours après. C’est alors que David, encore sous le charme des brillantes qualités d’Abigaïl, la fait demander en mariage. Avec une affectation tout orientale, celle-ci répond qu’elle n’a d’autre ambition que 1 de remplir les plus bas offices près de son seigneur. Fort honorée en réalité, elle accepte la proposition, se lève, et, montée sur un âne, elle suit, avec cinq jeunes filles qui l’accompagnent, les messagers chargés de la conduire vers son nouvel époux.

Ce gracieux épisode se passait vers 1055 avant J.-C., d’après la chronologie ordinaire. Il met en relief le caractère sage, doux et ferme d’Abigaïl, et fait de cette femme la véritable héroïne d’un petit drame où l’action de Dieu apparaît toujours dominant les démarches des hommes et conduisant leur cœur. Les interprètes ont vii, dans Abigaïl épousant David après la mort de son premier mari, l’image de l’Église des gentils recevant pour époux Jésus-Christ après la ruine du paganisme ; ou encore l’image de la très sainte Vierge, professant qu’elle ne veut être que la servante du Seigneur, comme Abigaïl professait elle-même ne vouloir être que la très humble servante de David.

P. Renard.

2. ABIGAÏL, sœur de David et de Sarvia. La Bible ne la mentionne que comme un élément généalogique. II Reg., xvii, 25 (hébreu : ’Abigal) ; I Par., ii, 16-17. Elle était fille d’Isaï, d’après I Par., ii, 13, 16 ; de Naas, d’après II Reg., xvii, 25 ; difficulté communément résolue par l’identification de Naas avec Isaï. Quelques interprètes cependant regardent Naas comme un nom de femme, et en font la mère d’Abigaïl. Elle avait par son père huit frères, I Reg., xvi, 5-11, bien que l’auteur des Paralipoménes, I Par., ii, 13-15, n’en mentionne que sept, peut-être parce que le huitième n’eut pas de descendants. Voir Isaï. L’un d’eux était David, qui serait frère utérin d’Abigaïl, si l’on fait de Naas un nom féminin et si l’on refuse d’identifier ce personnage avec Isaï. Abigaïl épousa Jétra, II Reg., xvii, 25 ; I Par., ii, 17 ; voir Jétra, dont elle eut un fils, Amasa, celui qui prit parti pour Absalom contre David, II Reg., xvii, 25, et devint chef de l’armée des révoltés.

P. Renard.

3. abigaïl, femme d’Abisur. I Par., ii, 29. Dans l’hébreu, on lit ’Abihâyil. Voir Abihaïl 2.

ABIHAÏEL. Voir Abihaïl 1.

ABIHAÏL, hébreu : ’Abîhâyîl, « mon père est puissant ; » Septante : Ἀϐιχαίλ.

1. ABIHAÏL (Vulgate : Abihaiel), père de Suriel, qui, au temps de Moïse, était chef de la famille lévitique de Mérari. Num., iii, 35.

2. ABIHAÏL, femme d’Abisur. I Par., ii, 29. (Quelques manuscrits hébreux ont ’Abîhâyil avec un hé au lieu d’un ḥeth ; Septante : Ἀϐιχαία). Dans la Vulgate, on lit Abigaïl. Voir Abigaïl 3.

3. ABIHAÏL, fils de Huri, de la tribu de Gad. I Par., v, 14.

4. ABIHAÏL, fille, ou plutôt petite-fille d’Éliab, frère aîné de David. Elle épousa Roboam, roi de Juda. II Par., xi, 18.

5. ABIHAÏL, père d’Esther et frère de Mardochée. Esth., ii, 15 ; ix, 29.

ABILA, ville capitale de la tétrarchie des Lysanias. Elle est à six heures de marche environ de Damas, à onze heures de Baalbek.


5. — Monnaie d’un Lysanias d’Abilène.
Tête diadémée de Lysanias, tournée a droite. — Ř Pallas debout, tenant la Victoire de la main droite, la main gauche appuyée sur un bouclier. ΛYΣANIOY [τετράρχου] KAI APX1EPEΩΣ. « De Lysanias [tétrarque] et grand prêtre. »

Ptolémée l’appelle Ἀϐίλα Λυσανίου, V, xv, 22. Elle tirait probablement son nom de la fertilité de son sol, si ce nom vient du mot sémitique ʾâbêl, « prairie, plaine verdoyante. » Située sur le versant oriental de l’Anti— Liban, dans un district arrosé par les eaux du Barada (voir Abana), elle était traversée par une des routes qui se dirigeaient de Damas vers la mer Méditerranée. On y arrive aujourd’hui, par le sud, en se rendant de Damas à Baalbek. Après avoir franchi une gorge étroite, on voit s’étaler devant soi un vallon qui s’étend en longueur du sud au nord. Là il est fermé de nouveau par un étroit passage où coule le Barada, dans un lit qui n’a pas plus d’une cinquantaine de mètres de largeur, entre deux murs de rochers à pic, hauts de deux cents à deux cent cinquante mètres, sur une longueur d’environ cent quatre-vingts mètres. Voir le plan, fig. 6.

C’est au milieu de ce vallon qu’a fleuri jadis la capitale de l’Abilène. Elle est devenue aujourd’hui le petit village de Souq-Ouadi-Barada (Foire de l’ouadi Barada). Sa situation est très pittoresque. Il s’élève sur la rive droite de la rivière, au milieu de jardins. Les inscriptions qu’on y a trouvées attestent que c’est là le site de l’ancienne Abila. Dans l’une d’elles, qui a trait à la partie de la voie romaine taillée dans le roc vif, dont on voit encore les restes au nord de Souq, il est dit des empereurs Marc-Aurèle et L. Verus : « Viam fluminis vi abruptam interciso monte restituerunt… impendiis Abilenorum. » Le nom d’Abila ne s’est même pas tout à fait perdu. Au sud—ouest de Souq, sur la montagne, on voit un tombeau qui porte encore le nom de Kabr-Abil. Une fausse interprétation de ce nom en a fait le tombeau d’Abel, fils d’Adam. Abila occupait une plus grande étendue que le village actuel : elle s’étendait plus loin au nord et à l’est sur la rive gauche, comme l’attestent la route antique, un aqueduc, des tombeaux, des ruines de temple, etc. La ville d’Abila n’est point mentionnée dans l'Écriture, mais elle donne son nom à l’Abilène, dont parle saint Luc, iii, 1. Cet évangéliste est d’ailleurs le premier qui ait mentionné le nom de ce pays. Pendant les premiers siècles de l'ère chrétienne, Abila fut le siège d’un évêché dépendant du patriarcat d’Antioche. Un de ses titulaires, appelé Jourdain, assista au concile de Chalcédoine en 451 ; un autre, Alexandre, est nommé sous l’empereur Justin, en 518.

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6. — Abila.

Les Sarrasins prirent et saccagèrent la ville en 634, en mettant à profit une foire annuelle, qui avait réuni en ce lieu, où il y avait un monastère célèbre, un grand nombre de marchands chrétiens, d’où le nom de Souq (ou foire)-Ouadi-Barada, qui lui a été donné depuis. Voir E. Robinson, Later Biblical Researches in Palestine, 1856, p. 478-484 ; J. L. Porter, Five years in Damascus, 2 in-8°, Londres, 1855, t. i, p. 262-273 ; Id., The Rivers of Damascus, dans le Journal of sacred Literature, juillet 1853, new séries, t. IV, p. 248-255 ; Eberset Guthe, Palästina in Bild und Wort, 2 in-fol., Stuttgart, 1883, t. i, p. 456-460 ; Furrer, Die antiken Städte und Ortschaften im Libanongebiete, dans la Zeitschrift des deutschen Palästina-Vereins, année 1885, t. viii, p. 40 ; E. Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes, 2e édit., l. 1, part, ii, Leipzig, 1890, p. 600-604.

Il existait dans la Décapole, à l’est du lac de Tibériade, une autre ville du nom d’Abila, qui a été quelquefois confondue à tort avec celle de l’Anti-Liban. Voir Décapole.

F. Vigouroux.

ABILÈNE (Ἀϐιληνή, Luc, iii, 1), tétrarchie dont Abila était la capitale. Voir Abila. On ne peut déterminer exactement quelle était l'étendue de territoire qu’embrassait cette tétrarchie et ses limites géographiques. Elles varièrent d’ailleurs sous les différents princes qui la gouvernèrent. L’Abilène comprenait sans doute le district du haut Barada, au-dessus d’Abila, et s'étendait peut-être au sud jusqu'à l’Hermon. Elle devait, en tout cas, renfermer à l’ouest le versant oriental de l’extrémité méridionale de l’Anti-Liban, et une partie des riches vallées arrosées par le Barada. C’est un pays fertile, bien boisé, arrosé par de nombreuses sources et abondant en pâturages. Autant le versant occidental de l’Anti-Liban est aride et désolé, autant, en général, le versant opposé est riche et verdoyant. Pour ce qu’on connaît de l’histoire de l’Abilène, voir Lysanias.

F. Vigouroux.
ABIMAËL (hébreu : ʾAbimâʾêl, « mon père est force, » ou « père de Maël » ; Septante : Ἀϐιμαέλ), descendant de Jectan. Gen., x, 28 ; I Par., i, 22. On le considère généralement comme le père d’une des tribus arabes du sud. Bochart croit que cette tribu est celle des Mali ou des Minéens. Le nom d’Abimaël, en arabe, serait Aboumaïl ou Aboumàl, ce que l’on peut interpréter par « père de Mali ou des Malites ». Mali est le nom d’une tribu de la péninsule arabique, mentionnée par Théophraste, Historia plantarum, IX, 4. Cette tribu paraît être la même que celle des Minéens, dont parlent Ëratosthène dans Strabon, xvi, p. 1112, et Denis Périégète (édit. Bernhardy, vers 956-959, p. 288), par l’effet de la permutation de l et de n. Ptolémée, VI, vii, nomme aussi des Manites (Μανίται) dans le voisinage des Minéens. Cf. Bochart, Phaleg, ii, 24, Opera, Liège, 1692, t. i, col. 127-128. Dans les environs de la Mecque, il y avait une localité appelée Mani. Aboulféda, Arabia, édit. Gagnier, p. 3, 42. Cf. Michælis, Spicilegium, t. ii, p. 179 et suiv.
F. Vigouroux.

ABIME. Mot par lequel nous rendons en français le terme latin de la Vulgate abyssus. Abyssus n’est lui-même que le mot grec ἄϐυσσος latinisé, lequel, d’après l'étymologie commune, est composé de l’α privatif et de βυσσός = βυθός, « fond, » et signifie, par conséquent, « sans fond. » Les auteurs profanes, à l’exception de Diogène Lærce, IV, v, 27, ne l’emploient jamais comme substantif, mais toujours comme adjectif. Les Septante et les écrivains du Nouveau Testament s’en sont servis comme d’un substantif, d’où le substantif abyssus de notre Vulgate. Par la traduction latine des Livres Saints, le mot abyssus est devenu familier à tous les Pères et écrivains ecclésiastiques de l'Église latine ; mais il était inconnu aux auteurs classiques et on ne le rencontre jamais dans leurs écrits.

Le mot « abîme » a, dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, deux sens très différents. 1° Dans l’Ancien Testament, il est la traduction du mot hébreu חהרס, ṭehôm, qui désigne les eaux primitives, Gen., i, 2 ; Ps. ciii (hébreu, civ), 6, et la mer, Gen., vii, II ; viii, 2 ; Exod., xv, 5, 8 ; Job, xxviii, 14 ; xxxviii, 16, 30 ; xli, 23 (24) ; Ps. xxxv (xxxvi), 7 ; lxxvi (lxxvii), 17 ; cv (cvi), 9 ; cxxxiv (cxxxv), 6 ; Eccli., i, 2 ; xiii, 18 ; Is., li, 10 ; lxiii, 13 ; Ezech., xxvi, 19 ; xxxi, 15 ; Amos, vii, 4 ; Jonas, n, 6 ; Hab., iii, 4, etc. Par extension, ṭehôm, abyssus, signifie les eaux souterraines, considérées comme une mer invisible, qui alimente les sources et les fleuves, Gen., xlix, 25 ; Deut., xxxiii, 13 ; Ps. xli (xlii), 8 ; Ezech., xxxi, 4. En hébreu, le mot ṭehôm est principalement employé dans des passages poétiques, et correspond, dans le parallélisme synonymique, au mot yâm, « mer, » ou maïm, « eaux. » Job, xxviii, 14 ; Ps. lxxvi (lxxvii), 17, etc. C’est certainement une expression archaïque, qui était tombée en désuétude dans la langue vulgaire ; mais comme dans tous les temps la poésie a aimé les archaïsmes, les poètes hébreux empruntèrent le mot (ehôm à la Genèse. Il a disparu de toutes les autres langues sémitiques connues avant ce siècle : de là la difficulté qu’avaient les lexicographes à en expliquer l’origine. La découverte et le déchiffrement de la langue assyrienne ont éclairci ce terme mystérieux. Il est resté constamment en usage dans cette dernière langue, pour signifier la mer, sous la forme tihamtu (correspondant au ṭehômôṭ hébraïque). Nabuchodonosor dit, par exemple, dans l’inscription de Londres : istu lihâmti ʿaliti adi tihdmti sâpliti, « depuis la mer supérieure jusqu'à la mer inférieure. » Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, pl. 53, col. ii, lig. 15-16. Dans tous les passages de l’Ancien Testament, le mot ṭehôm, « abîme, » a aussi le sens de mer, ou un sens figuré qui en dérive. Dans le livre de la Sagesse, x, 19, où la Vulgate traduit l’ἄϐυσσος du texte original par inferi, le mot grec signifie également mer, et désigne la mer Rouge.

2° Dans le Nouveau Testament, le mot abîme (ἄϐυσσος) n’a jamais la signification de mer et d’amas d’eau ; il a toujours celle de séjour des morts. Les Grecs considéraient le séjour des morts comme un lieu sans fond ταρτάρου ἄϐυσσa χάσματα, dit Euripide, Phœn., 1632) ; Diogène Lærce appelle, IV, v, 27, ἄϐυσσοv le « noir royaume de Pluton ». C’est de là qu’a dû venir le sens que les écrivains du Nouveau Testament ont attribué à ce mot. Saint Paul, Rom., x, 7, s’en sert pour désigner les limbes où les âmes justes attendaient l’arrivée du Messie. Saint Luc, viii, 31, et saint Jean, Apoc., ix, 1, 2, 11 ; xi, 7 ; xvii, 8 ; xx, 1, 3, qui sont, avec saint Paul, les seuls écrivains du Nouveau Testament qui aient employé ce terme, le prennent toujours en mauvaise part, pour signifier le lieu où sont tourmentés les démons, l’enfer. Le substantif ᾃδης ,traduit ordinairement dans la Vulgate par « enfer », est à peu près synonyme d’aâumroî dans le Nouveau Testament ; l’un et l’autre correspondent au mot hébreu שאךל, Šeʾôl, qui désigne, dans la partie hébraïque de l’Ancien Testament, « la demeure des morts. » Voir Šeʾôl, Hadès.

F. Vigouroux.

ABIMÉLECH, hébreu : ʾAbimélek, « mon père est roi ; » Septante : Ἀϐιμέλεχ.

1. ABIMÉLECH est le nom, sinon de tous les rois de Gérare, comme on le croit généralement, du moins de deux princes de ce pays. Le premier était contemporain d’Abraham. Quand le nomade patriarche vint sur ses terres, Sara, sa femme, qui passait pour sa sœur (voir Abraham), fut enlevée par ordre d’Abimélech. Dieu, en songe, le menaça de mort s’il la traitait comme son épouse. Le roi ignorait que Sara était mariée ; il n'était donc pas coupable. Son excuse fut agréée par Dieu, qui d’ailleurs, connaissant sa bonne foi, l’avait empêché par une maladie de commettre le crime. Le Seigneur l’assura que, dès que Sara serait rendue à son mari, les prières d’Abraham obtiendraient la guérison d’Abimélech, tandis que la mort le frapperait, s’il la retenait auprès de lui.

Le roi, se levant de nuit, suivant la Vulgate ; de grand matin, d’après le texte hébraïque, raconta à ses courtisans rassemblés par ses ordres le songe de la nuit. Tous furent remplis d’effroi. Abimélech, faisant venir Abraham, lui reprocha sa dissimulation, qui avait failli attirer sur lui et sur son royaume les vengeances divines, et se plaignit de la défiance qu’il lui avait témoignée. La justification d’Abraham fit cesser heureusement le malentendu. Plus noble et plus généreux que le pharaon dans une circonstance analogue, le roi de Gérare combla de présents Abraham et son épouse, et au lieu de les obliger comme lui à quitter son royaume, il leur laissa la liberté de s'établir à leur gré sur ses terres. À la prière d’Abraham, Dieu, selon sa promesse, guérit Abimélech et ses femmes de la maladie qu’il leur avait infligée à cause de Sara, et qui les avait rendues stériles. Gen., xx.

Dans tout cet épisode, Abimélech apparaît comme un roi connaissant et craignant le vrai Dieu, aimant la justice et ayant le crime en horreur. Son caractère religieux, noble et loyal, se manifeste dans d’autres relations qu’il eut avec Abraham. À l'époque où Agar et Ismaël venaient d'être renvoyés de la maison d’Abraham, il vint avec Phicol, le chef de son armée, proposer au patriarche de contracter alliance. Il a reconnu que Dieu est avec Abraham en toutes ses entreprises, lui dit-il ; il demande en conséquence, sous la foi inviolable du serment, d'être traité, lui et sa postérité, avec la bienveillance qu’il a montrée précédemment envers son hôte. Ses serviteurs s'étaient emparés d’un puits creusé par les soins d’Abraham. Avant de jurer l’alliance, le patriarche se plaint de cette injustice. Abimélech l’ignorait, Abraham n’ayant pas réclamé ; dès la première réclamation, son droit est reconnu. Ce point litigieux réglé, Abraham offre des présents, et l’alliance est conclue. Pour confirmer ses droits sur le puits contesté, Abraham donna encore sept brebis, et Abimélech s’en retourna avec Phicol, qui l’avait accompagné. Gen., xxi, 22-33. Voir Phicol.
E. Mangenot.

2. ABIMÉLECH, autre roi de Gérare du même nom. Il vit pendant une famine Isaac arriver sur ses terres, Gen., xxvi, 1. Serait-ce le roi que connut Abraham ? Non. Quatre-vingts ans séparent les événements, et la différence des caractères dénote des personnages distincts. Tous deux craignent Dieu, il est vrai ; mais les sentiments du second sont moins délicats, il témoigne à Isaac moins de bienveillance et moins de générosité que son prédécesseur à Abraham. La ressemblance des noms ne saurait faire une difficulté. Le nom d’Abimélech à Gérare, comme celui de Pharaon en Égypte, pouvait n'être qu’un titre, selon l’opinion commune, qui s’appuie sur la signification même du mot Abimélech, « mon père est roi. » Cette dénomination est très convenable pour un prince, qui doit être le père de ses sujets en même temps que leur roi. Mais même en admettant qu’Abimélech est un nom propre, il n’y a rien d’extraordinaire à ce que deux rois de la même dynastie portent le même nom ; le fait est au contraire très commun, et les listes royales de divers peuples nous offrent des noms semblables, comme les Ramsès en Égypte, les Salmanasar en Assyrie, etc.

À l’exemple de son père et pour le même motif, Isaac fit passer Rébecca, sa femme, pour sa sœur. Son séjour au pays de Gérare durait depuis quelque temps déjà, quand, d’une fenêtre, Abimélech aperçut Isaac usant envers Rébecca d’une familiarité qu’un frère ne se permet pas à l'égard de sa sœur. Après avoir reproché au patriarche sa dissimulation, qui exposait les habitants de la contrée à se rendre coupables d’un grand crime, il défendit sous peine de mort d’attenter à son honneur et à celui de sa femme.

Isaac, tranquille désormais dans ce royaume, s’y livra à l’agriculture. La bénédiction divine faisant prospérer toutes ses entreprises, il acquit de grands biens. Les habitants en devinrent jaloux, et, cédant au ressentiment, comblèrent de terre les puits qu’Abraham avait creusés dans leur pays. Abimélech enjoignit à Isaac de quitter ses terres ; il redoutait sa puissance. Retiré dans une vallée, Isaac se vit contrarié encore par les pasteurs, à l’occasion de nouveaux puits ouverts par ses serviteurs. Gen., xxvi, 6-22.

Retourné enfin à Bersabée, il y reçut la visite d’Abimélech, accompagné de Phicol, son chef d’armée (voir Phicol), et d’Ochozath, son conseiller. Le roi, regrettant d’avoir renvoyé un homme comblé des faveurs divines, sollicitait de lui une alliance confirmée par un serment. Le patriarche fit un festin, et après que des serments réciproques eurent scellé le pacte, il congédia ses visiteurs. Gen., xxvi, 26-33.

Ces trois événements ressemblent sensiblement aux épisodes qui signalèrent les relations d’Abraham avec le premier Abimélech. Les rationalistes en ont conclu que la Genèse relatait sous des noms divers deux récits des mêmes faits. Les différences toutefois sont trop grandes pour convenir à une unique série de faits diversement racontés. Étant donnés la persistance des mœurs et le retour des mêmes situations, des événements analogues ont. pu facilement survenir dans le même pays, à des époques rapprochées et dans des circonstances différentes.

E. Mangenot.

3. ABIMÉLECH. Fils de Gédéon et d’une concubine ou femme de second rang, dont la Bible ne nous donne pas le nom. Josèphe l’appelle Δρούμας. Ant. jud., V, vii, 1. Abimélech était le soixante-onzième (d’après quelques exégètes, le soixante-dixième) des fils de Gédéon, Jud., viii, 30, 31 ; cf. ix, 5, et était né à Sichem. Lorsqu'à la mort de son père il vit que sa qualité de fils d’une concubine l’empêchait de participer à la succession, son ambition lui fît concevoir un projet aussi cruel qu’audacieux : il rêva de devenir roi d’Israël. Peut-être la modestie de son père, refusant naguère l'établissement de la royauté dans sa descendance, Jud., viii, 22, 23, avait-elle été pour lui l’occasion de ce désir. Depuis la mort de Gédéon, ce désir se transforma en une volonté arrêtée, au service de laquelle l’ambitieux mit les plus sauvages passions. Calomnier tous ses frères, pour les faire tous disparaître et pouvoir régner sans rival, tel fut son plan. Il s’en alla à Sichem, le pays de sa mère, où il comptait trouver des appuis pour l’exécuter. Là, en effet, il rencontra des oncles maternels qui l'écoutèrent, et se firent volontiers ses émissaires pour former un parti. Par leur intermédiaire, la haine des fils de Gédéon fut soufflée au cœur des Sichémites. On répandit le bruit que ces soixante-dix étrangers allaient se partager le pays et le réduire en une insupportable servitude. Ne vaudrait-il pas mieux pour Israël le gouvernement d’un seul homme, choisi dans leurs rangs, connaissant leurs besoins et tout dévoué à leurs intérêts ? Cet homme, ce compatriote (os vestrum et caro vestra, Jud., ix, 2), c’est Abimélech. Le succès était facile. À quelle famille ne plairait-il pas de voir quelqu’un de son sang, de son esprit, de sa religion, au pouvoir suprême ? D’après Stanley, Jewish Church, l. 1, p. 353, le parti d’Abimélech se serait étendu au point de constituer une véritable ligue entre Sichem et les cités voisines, comme Thébès et Arumah, qui plus tard, et sans doute pour les mêmes motifs, suivirent Sichem dans la révolte. L’enthousiasme était tel, qu’on n’hésita pas, pour couvrir les frais du complot, à enlever du trésor du temple une somme de soixante-dix sicles (deux cents francs environ), qui y était en dépôt. Jud., ix, 4. Ce temple était dédié à Baal, le dieu Soleil, divinité que les Sichémites s'étaient choisie, au mépris de Jéhovah. Jud., viii, 33. La Vulgate a reproduit ici, Jud., ix, 4, les deux mots hébreux Baʿal beriṭ, les unissant en un seul nom propre, tandis qu’au chapitre précédent, elle les sépare et en donne la traduction : « le Baal de l’alliance, » Jud., viii, 33, ainsi nommé sans doute parce que, par une sorte de parodie du culte de Jéhovah, les Sichémites contractaient alliance avec lui. Hengstenberg, Beiträge zur Einleitung ins Alte Testament, Berlin, 1839, t. iii, p. 98.

Quant à la provenance de ce trésor, on pense qu’il avait une double origine : il se composait des biens propres du temple et de ceux des particuliers qui, pour plus de sécurité, y déposaient leur argent, cf. II Mac, iii, 10-11, de même qu’on voyait les personnes s’y réfugier. Plus d’une fois, dans l’histoire du peuple juif, le trésor du temple sera employé pour des menées politiques, comme dans cette circonstance, III Reg., xv, 18 ; IV Reg., xviii, 15-16. Il est à noter que le nombre de sicles enlevés et mis à la disposition de l’aventurier est égal à celui de ses frères. On dirait que la tête de chacun d’eux est payée à l’avance avec cet argent. Cette somme, toute minime qu’elle est, suffit à soudoyer quelques vagabonds avides de butin et d’aventures. À leur tête, Abimélech marcha sur Éphra, sous quelque prétexte parvint à réunir ses frères, et, aidé de ses sicaires, il les fit tous mourir. Ce fut une exécution en règle : l’un après l’autre et sur la même pierre, Jud., ix, 5, ils furent massacrés. Le texte dit que les soixante-dix frères périrent, parce que tel était le nombre de ceux qu’Abimélech voulait tuer ; en réalité, soixante-neuf seulement succombèrent : le dernier s'échappa et survécut, pour assister plus tard à la ruine de son persécuteur.

Abimélech, se croyant seul maître, se fit proclamer roi (mélék), comme il l’avait rêvé. C'était la première fois qu’un chef des Hébreux osait prendre ce titre. L’investiture royale conserva d’ailleurs la simplicité de l'époque patriarcale. On se rendit à un chêne ou térébinthe voisin de Sichem.

L’hébreu ʾêlôn mûṣâb, que la Vulgate rend par quercum quæ stabat, est traduit par plusieurs exégètes : « près du chêne du poste de Sichem, » parce que dans Isaïe, xxix, 3, le mot mûsâb désigne un poste militaire. D’autres voient dans mûsâb (participe passif hophal) un objet qui a été et demeure dressé, une sorte de monument, et traduisent : « près du chêne du monument. » Quoi qu’il en soit, c’est là que le meurtrier de ses frères fut acclamé roi par les habitants de Sichem et ceux de la maison de Mello (Bêṭ Millôʾ ; Septante : Οἲϰος Βηθμααλώ). Cette expression est obscure : peut-être désigne-t-elle la tour dont il est question plus loin, y. 46-49, car le mot Millôʾ est dérivé de mâlâʾ, qui est employé dans la Bible dans le sens de château fort, citadelle. Voir Mello. Il est possible qu’après son élection, Abimélech ait reçu l’onction royale, à laquelle Joatham semble faire allusion, v. 8. Avec le titre de roi, Abimélech inaugura un essai d’administration, dont le premier fonctionnaire fut Zébul, gouverneur de Sichem. Il y eut aussi un commencement d’organisation militaire et financière, toutes choses nouvelles en Israël. Pour le nouveau roi, il s’en alla vraisemblablement résider dans l’héritage paternel, à Éphra, d’où nous le verrons plus tard se mettre en marche sur Sichem.

Le plan d’Abimélech était réalisé et son ambition satisfaite, lorsque s'éleva une protestation. Elle venait de Joatham, le fils de Gédéon échappé comme par miracle au massacre. Ce fut pour le tyran une cruelle surprise, quand on lui annonça que, sur l’un des contreforts du Garizim les plus proches de Sichem, Joatham s'était montré vivant ; qu’il avait, sous forme d’apologue, excité les Sichémites à la révolte, comparant Abimélech leur roi à un buisson d’où sortirait bientôt un feu qui dévorerait tous ses sujets ; enfin que le peuple avait écouté ce discours sans protester. Jud., ix, 7-20. Non seulement il ne protestait pas ; il commençait à porter avec peine le joug qu’Abimélech faisait peser sur lui. Cruel envers ses sujets comme il l’avait été envers ses frères, il régnait (l’hébreu porte ici ṡârah, « dominer, » au lieu de mâlak, « régner ») depuis trois ans sur Sichem et une partie de la Palestine, lorsque la révolte éclata. La Bible dit sans restriction que sa domination s'étendait sur Israël, v. 22 ; mais il faut manifestement entendre cette expression dans un sens restreint, puisque Béra, qui était en Palestine, n'était pas soumise à son autorité, v. 21. C’est de Sichem, sa capitale, la ville de son élection, que partit le mouvement insurrectionnel, mouvement dirigé par la main de Dieu, qui, à cette heure de ses justices, permettait à l’esprit mauvais de souffler la discorde et la rébellion jusqu'à amener ceux qui naguère avaient acclamé l’assassin de ses frères à lui reprocher cette exécution comme un crime abominable. Abimélech n'était pas à Sichem quand s’ourdit le complot, mais il devait y venir prochainement, et voici ce qu’on avait résolu. Les Sichémites se porteraient en armes sur les hauteurs voisines et se cacheraient en embuscade dans les retraites de l'Ébal et du Garizim. Ils l’attendraient, se jetteraient sur lui au passage, et Israël serait délivré. Cette poignée d’hommes trouva un chef dans un inconnu nommé Gaal, fils d’Obed, qui, plus violent que les autres, porta à son comble l’exaspération des Sichémites contre Abimélech, v. 26-27. C'était l'époque des vendanges. Il est indubitable que le dévastant les vignes de la Vulgate, Jud., ix, 27, est fautif, et doit se traduire littéralement par « ils vendangeaient les vignes » ; car le verbe baṣâr, que saint Jérôme rend par dévastant, désigne partout ailleurs dans la Bible l’action de vendanger. Lev., xxv, 5, 11 ; Deut., xxiv, 24. De même, l’expression foulant le raisin n’indique point le pillage des vignes, mais l’action d’exprimer le vin en foulant le raisin ; c’est le sens obvie du verbe dârak. Cf. Jer., xxv, 30. Josèphe affirme explicitement que les Sichémites étaient alors occupés à la vendange. Ant.jud., V, vii, 3. C’est d’ailleurs le sens des Septante.

Or, après la vendange, de même qu’après la moisson, les Juifs avaient l’habitude de faire une sorte de fête religieuse, consistant en sacrifices, repas, danses, cantiques de réjouissance et d’actions de grâces. Ce sont ces chants que la Vulgate désigne au v. 27, et qu’on a peine à expliquer, si l’on entend la première partie du verset dans le sens de dévastation. Le mot hébreu hillûlîm, qui désigne ces chants, vient de hâllal, « louer, » et n’est employé qu’une seule fois ailleurs, Lev., xix, 24, où il signifie les offrandes des nouveaux fruits de la quatrième année de la plantation des arbres. Ces chœurs de vendangeurs retentissaient du cri répété mille fois : Hêdâd ! hêdâd ! dont parle Jérémie, xxv, 30. C’est au milieu de ces réjouissances que Gaal arriva, produisant contre Abimélech ses excitations sauvages.

Un seul groupe d’hommes refusait de s’associer à cette révolution : c'était le parti des fonctionnaires et de tous ceux qui devaient leur position au nouveau roi. À leur tête était le gouverneur de la ville, Zébul. C’est lui qui secrètement fit avertir le tyran de ce qui se tramait, lui envoyant en même temps un plan ainsi conçu : Abimélech devait se rapprocher de Sichem, où Gaal et les siens venaient de rentrer, puis se dissimuler dans les montagnes, diviser sa troupe en quatre compagnies, chacune placée en embuscade et prête à se rallier aux autres pour fondre sur Gaal, quand il sortirait de Sichem. Ce plan était habilement dressé ; mais Abimélech, emporté peut-être par sa fureur, ne sut pas assez dissimuler sa marche, si bien que Gaal, sondant du regard l’horizon en franchissant la porte de Sichem, découvrit ses bataillons. En vain Zébul voulut lui donner le change, affirmant que c'était l’ombre des montagnes et non le rideau noir des troupes ennemies ; l’armée d’Abimélech était dépistée, Gaal suivait même de l’œil un détachement qui s’engageait dans un sentier, en face d’un chêne isolé (hébreu : « dans le chemin du Térébinthe des magiciens, » v. 37). Le moment était décisif ; Gaal, s’armant de courage, lança son armée sur celle d’Abimélech, qui, supérieure en nombre, força les Sichémites à reculer et à se renfermer dans leurs murs. Ce n'était pas une victoire ; Abimélech le sentit et se retira à Ruma (hébreu : 'Arûmâh), prêt à profiter de la première occasion. Elle se présenta le lendemain même. Se croyant en sécurité, les Sichémites étaient sortis pour aller à leurs travaux champêtres ; ce fut le moment que choisit Abimélech pour se venger. Divisée en trois troupes et cachée par des plis de terrain, son armée, à un signal donné, se jeta sur les travailleurs et en fit un horrible massacre. Deux des trois bataillons poursuivirent ensuite ceux qui fuyaient dans la campagne, tandis que le troisième vînt assiéger la ville, sous le commandement d’Abimélech, v. 43-44. Le siège dura un jour, et se termina par la prise de la ville, qui par ordre du vainqueur fut rasée, et l’emplacement semé de sel, symbole de perpétuelle stérilité. Deut., xxix, 23 ; Is., xvii, 6. Restait la citadelle : c'était peut-être une dépendance du temple de Raal (le sens du mot ṣerîaḥ n’est pas bien déterminé), lieu très fortifié, dans lequel s'étaient réfugiés les survivants. Contre eux, Abimélech se livra à une vengeance sauvage. Accompagné de ses soldats, il alla sur le mont Selmon, voisin de Sichem, celui dont il est question Ps. lxvii, 15, et tous revinrent chargés de branches d’arbres, qu’ils entassèrent en un immense bûcher autour de la citadelle. Abimélech y fit mettre le feu, et tous ceux qu’elle renfermait périrent asphyxiés ou brûlés. De là le vainqueur marcha sur Thébès (peut-être Toubas, au nord-est de Sichem ; voir Thébès), dont les habitants s'étaient associés à la révolte. Il y avait là, comme à Sichem et dans toutes les villes fortes, une tour qui servait de citadelle aux assiégés. Quand la ville fut prise, les habitants s’y réfugièrent, et de la plate-forme ils se défendaient en désespérés. À cette dernière étape de ses victoires, Abimélech devait trouver le châtiment de ses crimes. Vaillant autant qu’il était cruel, il s'était approché jusqu’au pied de là tour, et il essayait d’y mettre le feu. À ce moment, une femme, saisissant un morceau d’une meule de moulin à bras (hébreu : pélaḥ rékeb ; mot à mot, « le fragment [de meule] courant, » c’est-à-dire le morceau de la meule mobile qui se trouve à la partie supérieure des moulins à bras, lapis vector ; cf. Deut., xxiv, 6 ; II Reg., xi, 21), le lança sur les assiégeants. Le tyran fut atteint et eut le crâne fracassé. Il allait mourir, quand la pensée d’avoir été tué de la main d’une femme vint révolter sa fierté. Appeler son écuyer et lui ordonner de le transpercer de son glaive fut le dernier acte de cet homme extraordinaire, dont la vaillance eût produit de grandes choses, si elle n’avait toujours été au service de son ambition.

4. ABIMÉLECH, nom donné dans le texte hébreu, I Par., xviii, 16, à un fils d’Abiathar, grand prêtre. C’est une erreur de transcription pour Achimélech (ʾAḥîmélek), comme le prouvent plusieurs manuscrits, les versions (Septante, syriaq., chald., Vulg., arab.) et les lieux parallèles, II Reg., viii, 17 ; I Par., xxiv, 3, 6, 31. Voir Achimélech 1.

5. ABIMÉLECH, nom attribué, dans le titre du psaume xxxiii, à un roi philistin, appelé ailleurs Achis, I Reg., xxi, 10-14. Quelques manuscrits hébreux et certaines éditions de la Vulgate portent Achimélech, qui doit se décomposer peut-être en Achis mélech, « le roi Achis. »

ABINA (ou Rabina, abréviation de Rabbi Abina, selon une coutume de l'époque talmudique) fut le disciple de R. Aschi dans l’importante école de Sora, sur les bords de l’Euphrate. Il fut un de ses collaborateurs dans la compilation de la Ghemara ou Talmud de Rabylone. On croit même qu’il l’acheva et fut le dernier des Amôraïm ou interprètes de la Mischna. Il mourut vers l’an 490. Voir Talmud.

ABINADAB, hébreu : ʾAbînâdâb, « mon père est généreux ; » Septante : Ἀμιναδάϐ.

1. ABINADAB, lévite de Cariathiarim, dans la maison duquel l’arche reposa vingt ans. I Reg., vii, 1 ; II Reg., vi, 3, 4 ; I Par., xiii, 7.

2. ABINADAB, second fils d’Isaï et frère de David. Il suivit Saül dans sa campagne contre les Philistins. I Reg., xvi, 8 ; xvii, 13 ; I Par., ii, 13.

3. ABINADAB, un des fils de Saül, tué à la bataille de Gelboé. I Reg., xxxi, 2 ; I Par., viii, 33 ; ix, 39 ; x, 2.

4. ABINADAB, père d’un des douze officiers chargés de la table du roi Salomon, III Reg., iv, 11.

ABINOEM (hébreu : ʾAbînôʿam, « mon père est agréable ; » Septante : Ἀϐινεέμ.), père de Barac, de la tribu de Nephtali. Jud., iv, 6, 12 ; v, 1, 12.

ABIRAM (hébreu : ʾAbîrâm, « mon père est élevé ; » Septante : Ἀϐειρών), fils aîné d’Hiel, de Béthel. Il mourut lorsque son père, voulant rebâtir Jéricho, malgré la malédiction de Josué, en jeta les fondements. III Reg., xvi, 34 ; Jos., vi, 26.

ABIRON (hébreu : ʾAbîrâm ; Septante : Ἀϐειρών), fils d'Éliab, de la tribu de Ruben. Il se joignit à Coré et à Dathan dans la sédition qu’ils excitèrent contre Moïse et Aaron, au sujet de la souveraine sacrificature. La terre s’ouvrit pour engloutir tous les conjurés. Voir Coré, Num., XVI, 1, 12, 24-27 ; Deut., xi, '6 ; Ps. cv, 17 ; Eccli., xlv, 22.

ABISAG (hébreu : ʾAbîšag, signification inconnue ; Septante : Ἀϐισάγ), jeune fille originaire de Sunem ou Sunam (aujourd’hui Solam ou Sulem), petite ville de la tribu d’Issachar, au pied du Petit Hermon. Voir Sunam. La beauté de cette jeune Israélite la fit choisir pour être

la compagne de David dans sa vieillesse. III Reg., i, 3. Ce prince devait alors avoir soixante-dix ans ; les travaux excessifs de sa laborieuse carrière l’avaient épuisé, et malgré tous les expédients ses membres demeuraient glacés. C’est alors que ses serviteurs (ses médecins, d’après Josèphe, Ant. jud., VII, xiv, 3) lui donnèrent un conseil qui aujourd’hui peut nous paraître singulier, mais qu’il faut juger d’après le degré de civilisation, les mœurs et les usages reçus au temps de David. Abisag fut donc trouvée, entre toutes les filles d’Israël, la plus capable d’assister le vieux roi, de le servir, et de lui rendre, en partageant sa couche, la chaleur naturelle qui l’avait abandonné. Cf. Cornélius a Lapide, in hunc locum. La jeune vierge fut amenée à Jérusalem et donnée à David en qualité d'épouse de second rang, condition normale et exempte de tout caractère criminel, étant donnée la tolérance de la loi divine à l'égard de la polygamie à cette époque. Le roi l’accepta comme telle (saint Jérôme, Théodoret, Angelomé et presque tous les exégètes, contre Tostat et quelques autres), et si, en recevant d’elle les services dont il avait besoin, il respecta son intégrité, cette réserve elle-même, toute à la louange de David, insinue qu’il aurait pu légitimement agir d’une autre manière. Abisag demeura près de lui jusqu'à sa mort, et fut ensuite recherchée en mariage par Adonias, le quatrième des fils de David, III Reg., ii, 17-25 ; cette demande cachait une menée politique contre Salomon ; car épouser les femmes d’un roi défunt, c'était affirmer qu’on avait droit à sa succession. Adonias, déjà éconduit une première fois, revenait à ses desseins et voulait trouver en Abisag un moyen dissimulé d’arriver à la royauté. Mais Salomon comprit la fraude, et répondit à Adonias en le faisant mettre à mort,
P. Renard.

ABISAÏ, hébreu : ʾAbîšai (ʾAbšai, I Par., ii, 17, etc., « mon père est un don ; » Septante : Ἀϐεσσά, Ἀϐισαΐ, etc.), fils de Sarvia, sœur de David. Quoique neveu de ce prince, il était presque du même âge ; car son oncle n’avait qu’environ vingt-huit ans quand lui-même nous est présenté pour la première fois par l'écrivain sacré comme un soldat déjà aguerri, I Reg., xxvi, 6. Sa parenté avec David, son dévouement à la personne de son oncle et sa rare bravoure firent de lui un personnage important. L’historien sacré le compte parmi « les vaillants d’Israël » ; s’il n’arriva pas à être un des trois premiers, il fut du moins le chef et le plus renommé des trois seconds ; dans une circonstance, il tua trois cents ennemis. II Reg., xxiii, 18-19 ; I Par., xi, 20-21.

Il s'était attaché de bonne heure à la fortune de David, et nous le voyons auprès de lui dès le temps de la persécution de Saül. C’est à cette époque que remonte le premier trait de courage de ce héros dont l'Écriture nous ait conservé le récit. Saül était venu, à la tête de trois mille hommes, traquer David dans le désert de Ziph. Le proscrit résolut d’aller la nuit jusqu’au roi endormi au milieu de son camp d’Hachila. « Qui vient avec moi ? dit-il à Abisaï et à l’Héthéen Achimélech. — Moi ! » répondit Abisaï, tandis qu’Achimélech gardait le silence. À la faveur des ténèbres et du 'sommeil où tout le monde était plongé, l’oncle et le neveu pénétrèrent dans le camp jusqu'à la tente royale. Abisaï proposa de profiter de l’occasion pour en finir d’un seul coup avec Saül, en le perçant de sa lance ; mais David, qui ne prétendait que prouver une seconde fois, et. I Reg., xxiv, à son persécuteur sa modération et sa loyauté, l’en empêcha, et lui ordonna d’enlever seulement au roi sa coupe et la lance qu’il avait plantée en terre à côté de sa tête. I Reg., xxvi, 1-12. Ce ne fut pas la seule fois que David dut modérer le zèle d’Abisaï contre ses ennemis : s’il ne l’eût arrêté, à l'époque de la révolte d’Absalom, Séméi, partisan du rebelle, aurait payé de sa tête ses injures contre le roi. II Reg., xvi, 9-10 ; xix, 21-22. Ce dévouement, qu’Abisaï poussa trop loin dans ces circonstances, il en donna à David une preuve éclatante dans une autre occasion. Pendant une guerre contre les Philistins, il lui sauva la vie au moment où, fatigué par un long combat, il allait succomber sous les coups formidables du géant Jesbibenob, qui avait à sa lance un fer du poids de plus de huit livres ; Abisaï s'élança sur le Philistin et le tua. II Reg., xxi, 15-17.

Avec cette générosité et cette bravoure, Abisaï possédait d’autres qualités qui le rendaient digne du commandement ; il l’exerça de bonne heure, et presque toujours sous les ordres de Joab, son frère. Ils mirent ensemble en déroute les troupes d’Abner au combat de Gabaon. II Reg., ii, 24. Voir Abner 1. Il souilla malheureusement la gloire qui lui revenait dans cette victoire en se faisant le complice de Joab, lorsque celui-ci assassina Abner pour venger Asaël, leur plus jeune frère, tué par le général d’Isboseth à cette journée de Gabaon. Ce fut Joab qui donna le coup mortel, mais en présence et avec l’assentiment d 'Abisaï, auquel l'Écriture attribue l’attentat aussi bien qu'à son frère. II Reg., iii, 30.

Abisaï joua un rôle considérable dans les diverses guerres qu’entreprit David devenu roi de tout Israël. Nous voyons le frère de Joab paraître en particulier avec honneur dans deux expéditions importantes. Il défit d’abord les Iduméens, auxquels il tua dix-huit mille hommes dans la vallée des Salines, et il établit des garnisons dans le pays pour en assurer la possession au roi d’Israël. I Par., xviii, 12-13. David était sans doute présent à cette bataille, et c’est pourquoi on lui en attribue ailleurs le succès. II Reg., viii, 13. Plus tard, dans une autre guerre dirigée contre les Ammonites ligués avec les Syriens, Joab attaqua ces derniers, et laissa à Abisaï le soin de combattre les premiers. Des deux côtés l’ennemi fut mis en fuite, et chacun des deux frères remporta une victoire complète. II Reg., x, 9-14 ; I Par., xix, 11-15.

La révolte d’Absalom trouva Abisaï toujours fidèle à David. Il reçut le commandement de l’un des trois corps d’armée formés à cette occasion. Conjointement avec Joab et Éthaï, il battit et dispersa l’armée du rebelle, II Reg., xviii, 2 ; mais il ne prit aucune part à sa mort, et n’encourut pas par conséquent comme Joab, qui avait tué ce prince, la disgrâce de David. Au contraire, lorsque Amasa, à qui le roi avait promis la succession de Joab, tarda d’arriver avec les forces destinées à réprimer la sédition de Séba, c’est lui que son oncle mit à la tête des troupes disponibles pour aller étouffer sans retard cette révolte naissante. II Reg., xx, 6. Il fut ainsi investi du commandement suprême. Il y en a cependant qui regardent comme invraisemblable que les soldats de Joab, expressément nommés au ꝟ. 7, aient consenti à marcher sous un autre chef, et que lui-même ait fait partie de cette expédition sous les ordres de son frère. Ils pensent donc que, conformément à la version syriaque et au récit de Josèphe, David confia le commandement, non à Abisaï, mais à Joab. Il est certain du moins qu’Abisaï coopéra à la défaite de Séba. II Reg., xx, 10.

À partir de ce moment, la Bible ne nous apprend plus rien de ce héros. Par son généreux dévouement et son inviolable fidélité, par sa force, sa vaillance et son audace intrépide, Abisaï avait été l’un des plus dignes compagnons et des plus remarquables auxiliaires de David.

E. Palis.


ABISUÉ, hébreu : ʾAbišûʿa, « mon père sauve » ou « est le salut ».

1. ABISUÉ (Septante : Ἀϐεσσουέ), fils de Balé, le fils aîné de Benjamin. I Par., viii, 4.

2. ABISUÉ (Septante : Ἀϐισού, Ἀϐισουέ), fils de Phinées, le grand prêtre ; il succéda à son père et fut le quatrième grand pontife des Hébreux. I Par., vi, 4, 5, 50. Il est mentionné parmi les ancêtres d’Esdras. I Esdr., vii, 5.


ABISUR (hébreu : ʾAbišûr, « mon père est un rempart, une défense ; » Septante : Ἀϐισούρ), second fils de Séméi, de la tribu de Juda ; il épousa Abigaïl (hébreu : Abihâytt). I Par., ii, 28, 29. Voir Abigaïl 3. ABITAL (hébreu. : ʾAbîtâl, « mon père est la rosée ; » Septante : Ἀβιτάλ), sixième femme de David et mère de Saphatias, cinquième fils du roi-prophète. II Reg., iii, 4 ; I Par., iii, 3.

ABITOB (hébreu : ʾAbîtûb, « mon père est bon ; » Septante : Ἀβιτώλ), Benjamite, fils de Saharaïm et de Husim, l’une de ses femmes. I Par., viii, 8, 11. (La Vulgate porte, au verset 11, Mehusim ; mais, dans l’hébreu, mêḥušîm signifie de Ḥusim.)

ABIU (hébreu : ʾAbîhûʾ, « mon père est Jéhovah ; » Septante : Ἀβιούδ), fils d’Aaron et d’Elisabeth, Exod., VI, 23, frère de Nadab, d'Éléazar et d’Ithamar. Il fut admis, sur l’ordre de Dieu, à l’honneur de monter sur le Sinaï avec Moïse, Aaron son père, Nadab son frère, et les soixante-dix notables ou anciens. Exod., xxiv, 1, 9. Il participa avec ses frères aux cérémonies de l’institution du sacerdoce lévitique, et avec eux il assista Aaron dans l’oblation des premiers sacrifices, Lev., viii, ix : toutes choses qui eussent fait de cette fête un jour de joie parfaite, si la fin n’avait été attristée par la mort violente de deux de ces prêtres, Abiu lui-même et son frère Nadab. Par quelle faute encoururent-ils la colère de Dieu ? Après de longues et savantes discussions sur ce sujet, la lumière n’est pas encore faite. Le texte dit seulement qu’Abiu, avec son frère, offrit au Seigneur, dans la cassolette à encens, un feu étranger et prohibé. Lev., x, 1. L’archéologie biblique ne nous fournit aucune donnée pour préciser avec certitude cette expression vague. Suffirait-il, pour l’expliquer, de dire que l’encens jeté sur les charbons ardents avait été préparé d’une manière différente de celle que Dieu avait prescrite ? Exod., xxx, 34-38. Selon cette interprétation, les mots « feu étranger » ne devraient pas s’entendre dans le sens propre. Le feu désignerait un sacrifice, et l'épithète étranger signifierait que ce sacrifice aurait été offert d’une manière irrégulière. Keil, Commentar über die Bücher Moses, in h. l. D’autres cherchent la faute dans l’heure à laquelle cet encens était offert, Dieu ayant déterminé pour l’oblation des parfums deux moments de la journée, le matin et le soir. Exod., xxx, 7-8. Knobel, in h. l. Malheureusement cette supposition ne repose sur aucun fondement. Il faut en dire autant de celle qui voit le délit dans l'état d’impureté ou d’ivresse où se seraient alors trouvés Abiu et Nadab. D’après l’interprétation la plus généralement adoptée et la plus vraisemblable, Abiu et son frère, voulant sans doute rendre grâces à Dieu de leur élévation au sacerdoce, au lieu de prendre du feu sur l’autel des holocaustes, avaient été le chercher dans un foyer profane. À cette explication, qui est celle de tous les anciens commentateurs et de la plupart des modernes, on objecte que l’ordre de se servir d’un feu pris à l’autel des holocaustes n’avait pas encore été formulé, et que, même lorsqu’il le fut, il ne concerna que le sacrifice des parfums, offert dans le grand jour de l’expiation annuelle, où le grand prêtre entrait dans le Saint des saints. Lev., xvi, 12. Cette difficulté est facilement soluble, si l’on remarque que tous les sacrifices de même nature s’offraient d’après les mêmes rites, et que sans doute la mention spéciale exprimée à l’occasion de la grande expiation n’est que l’application d’une loi générale faite à un cas particulier.

Quoi qu’il en soit, Abiu reçut, ainsi que son frère, le châtiment de sa transgression. Un feu sortit « du Seigneur », c’est-à-dire probablement du Saint des saints, et foudroya les coupables, sans consumer ni leurs corps, ni même leurs vêtements ; ils tombèrent à l’endroit même où ils offraient l’encens étranger, sans doute à l’entrée du tabernacle. Lev., x, 2. En présence de cette mort foudroyante, Aaron se tut, révérant dans sa douleur l’inexorable justice de Jéhovah, tandis que Moïse, sur l’ordre de Dieu, expliquait ce terrible châtiment, et justifiait la colère du Dieu trois fois saint. Misaël et Élisaphan, parents d’Abiu et de Nadab, prirent les cadavres dans l'état où la mort les avait frappés, encore vêtus de leurs tuniques de lin, et les jetèrent hors du lieu saint. Il fut permis aux Israélites de pleurer sur eux et de leur faire des funérailles. Pour les prêtres, que leurs fonctions attachaient plus étroitement â la cause de Dieu, il leur fut interdit et de porter le deuil et d’assister à la sépulture des victimes, ce qui aurait paru une sorte de désapprobation de la conduite de Dieu. Abiu et son frère ont été souvent présentés, par les auteurs spirituels, comme des exemples capables d’inspirer aux prêtres de la loi nouvelle un grand respect de leurs fonctions et une crainte salutaire dans l’exercice du culte divin.
P. Renard.

ABIUD, hébreu : ʾAbîhûd, « mon père est honneur ou gloire ; » Septante : Ἀβιούδ.

1. ABIUD, fils de Balé et petit-fils de Benjamin. I Par., viii, 3.

2. ABIUD (Nouveau Testament : Ἀϐιούδ), fils de Zorobabel, dans la généalogie de Notre-Seigneur par saint Matthieu, i, 13.

ABLUTION. Voir Purification.

ABNER, hébreu : ʾAbnêr et ʾAbbînêr, « mon père est la lumière, ou père de la lumière ; » on lit ʾAbînêr I Sam. (I Reg.), xiv, 50, dans le texte original ; partout ailleurs ʾAbnêr ; Septante : Ἀβεννήρ.

1. ABNER, fils de Ner, de la tribu de Benjamin, général en chef de l’armée de Saül. Il est le premier à qui ce titre ait été donné dans la monarchie juive, parce qu’il n’y eut pas d’armée proprement dite chez les Israélites avant Saül. Voir ARMÉE. Ce prince, qui fut un roi soldat, organisa une armée régulière permanente de trois mille hommes, I Reg., xiii, 2 ; elle servit de noyau au reste de ses troupes, et lui permit d’entreprendre désormais des guerres offensives. Il en confia le commandement à son cousin Abner, le plus brave parmi les guerriers qu’il s'était choisis pour lutter avec succès contre les Philistins. I Reg., xiv, 50, 52 ; xvii, 55 ; xxvi, 15. Cependant il resta lui-même le véritable chef de son armée dans toutes les guerres qu’il soutint ou entreprit ; nous ne voyons jamais Abner conduire une expédition en l’absence du roi, comme plus tard Joab le fit plusieurs fois sous David.

Le rôle du général fut donc assez effacé tant que vécut Saül ; l’historien sacré ne raconte de lui, pendant cette période, aucun fait important. Il nous apprend seulement qu’il était, en sa qualité de général en chef, le commensal de Saül avec Jonathas et David, et il nous le montre à côté du roi dans deux circonstances : d’abord le jour du combat de David contre Goliath, dans la vallée du Térébinthe, I Reg., xvii, 55-57 ; ensuite lorsque, au désert de Ziph, il s’endormit aussi profondément que les autres, et ne s’aperçut pas que David, accompagné d’Abisaï, enlevait à Saül sa coupe, avec la lance qu’il avait plantée en terre tout près de sa tête. I Reg., xxvi.

Après la mort de Saül et de son fils Jonathas à la bataille de Gelboé, I Reg., xxxi, 6, Abner exerça effectivement ses fonctions de général et devint le véritable chef, non seulement de l’année, mais encore de l'État. Tandis que David recevait pour la seconde fois l’onction sainte à Hébron et y était proclamé roi par la tribu de Juda, Abner emmenait Isboseth, quatrième fils de Saül, à Mahanaïm, II Reg., ii, 8, selon l’hébreu, ville située au delà du Jourdain, non loin du gué du Jaboc. Voir Mahanaïm. Là, à l’abri des attaques des Philistins, il fit reconnaître la royauté de ce prince d’abord dans tout le pays à l’est du Jourdain, et ensuite, successivement, dans les diverses contrées à l’ouest du fleuve, sauf le territoire de la tribu de Juda. Benjamite comme Saül et son proche parent, puisqu’ils étaient fils de deux frères, Abner fut-il inspiré en cette circonstance par l’esprit de famille et de tribu ? Céda-t-il à l’ambition ? Ou bien pensa-t-il simplement servir la cause de la justice et défendre les droits d’Isboseth ? C’est ce qu’on ne saurait décider avec certitude. Il semble qu’il pouvait de bonne foi proclamer roi Isboseth, quoique le droit de David à la couronne fût établi par le fait de l’onction royale, que Samuel lui avait conférée sur l’ordre de Dieu même, I Reg., xvi, 1-13 ; car cette consécration était restée secrète. On n’avait pu faire, touchant la future royauté de David, que des conjectures fondées sur sa vertu, sa bravoure, sa popularité toujours croissante. Une prophétie de Samuel annonçant à Saül, avant même le choix divin de David, que Dieu lui ôterait la couronne pour la donner à un autre meilleur que lui, I Reg., xv, 28, devait corroborer ces conjectures. Elles étaient devenues pour Jonathas une certitude vers la fin du règne de son père, et cependant il ne connaissait pas l’onction royale de David, ou du moins il ne lui en parla pas. I Reg., xxiv, 21. Abner pouvait donc l’ignorer lui-même au moment de la mort de Saül, bien qu’il paraisse l’avoir connue plus tard, II Reg., III, 9-10, 18, et voir par conséquent dans Isboseth le légitime successeur de son père. La détermination qu’il prit d'établir la royauté de ce prince, et l’habileté qu’il déploya pour l’affermir et l'étendre, retardèrent de sept ans et demi l’union de tous les Israélites sous le sceptre de David. II Reg., ii, 11.

Cette durée du schisme ainsi précisée est assez difficile à concilier avec ce qui est dit, II Reg., ii, 10, qu’Isboseth régna deux ans sur Israël ; les commentateurs donnent de ce passage diverses explications, qui laissent toutes la question indécise. Voir Isboseth. Ils ne trouvent pas moins de difficulté pour suppléer à la sobriété du récit biblique relatif aux événements de cette période, surtout en ce qui regarde David, qui paraît s'être renfermé vis-à-vis du royaume du nord dans une politique d’expectative et de paix armée. Abner l’en fit sortir en quittant Mahanaïm et en franchissant le Jourdain, sans doute dans le dessein d'étendre plus avant vers le sud la puissance d’Isboseth. II Reg., ii, 12. Joab, général de David, accourut d’Hébron et vint à sa rencontre. Les deux armées se trouvèrent en présence à Gabaon, l’El-Djib moderne, à deux lieues au nord-ouest de Jérusalem, près d’une vaste piscine, Jer., xli, 12, représentée vraisemblablement de nos jours par la source d’Ain el-Djib. Elles étaient campées en face l’une de l’autre, des deux côtés de la piscine, lorsque Abner proposa un combat singulier entre quelques hommes des deux camps ; Joab accepta. Plusieurs, s’appuyant sur le verbe « jouer », dont se sert Abner, II Reg., ii, 14, ont pensé qu’il n’avait en vue qu’une sorte de divertissement militaire, pour montrer la bravoure de ses soldats ; sa proposition mériterait certainement, dans ce cas, le blâme que lui infligent beaucoup de commentateurs, quoiqu’il ne faille pas juger trop sévèrement d’après nos idées et nos mœurs les faits de ces temps anciens, et les actes d’hommes qui faisaient métier de se battre. Cependant on croit plus communément, d’après l’ensemble du récit, qu’Abner proposa de substituer un combat de quelques champions à une bataille générale, soit qu’il voulût épargner le sang de ses soldats, soit que, comme certains interprètes l’ont conjecturé, voyant l’infériorité de ses troupes, il eût dessein de sauver ainsi son honneur, en ne se retirant pas sans avoir au moins donné cette preuve de courage.

Si telles furent ses intentions, l'événement ne répondit pas à son attente. Douze hommes de Benjamin et douze de ceux de David s’avancèrent. Usant tous de la même tactique, chaque combattant saisit d’une main son adversaire à la tête, et de l’autre lui enfonça son épée dans les flancs ; ils s’entretuèrent tous en un instant. Le texte hébreu permettrait bien à la rigueur de soutenir que les douze Benjamites furent seuls tués ; mais ce sens n’a été adopté que par de rares interprètes, et l’on admet généralement que les choses se passèrent comme le dit la Vulgate. Les soldats des deux armées se précipitèrent aussitôt en avant, et la mêlée devint générale. Après un rude combat, les soldats d’Abner cédèrent ; lui-même fut entraîné dans la déroute. L’agile Asaël, le plus jeune des frères de Joab, s'élança à sa poursuite. Abner, se sentant serré de près, se retourna par deux fois, et engagea le jeune guerrier à le laisser pour en attaquer d’autres, et à ne pas le contraindre de le tuer. Il montra assurément de la modération en cette circonstance, et l’on a avec juste raison loué sa générosité. Mais il avait encore un autre motif de ne point tuer Asaël, c’est celui qu’il lui déclare lui-même. II Reg., il, 22. Il savait que Joab, dont il connaissait le caractère vindicatif, ne manquerait pas de se constituer « le vengeur du sang » de son frère, Gen., xxxiv, 30 ; Num., xxxv, 19 ; II Reg., xiv, 7, 11, selon une coutume en vigueur en Orient, et qui existait même en Grèce, tempérée par la composition ou rachat, comme l’attestent les plaidoyers de Démosthène contre Panténète, 58-59, et contre Théocrine, 28. Voir, dans l’Iliade, la description du bouclier d’Achille, xviii, 497 et suiv., et le discours d’Ajax, ix, 629 et suiv. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, les Arabes évitent tant qu’ils peuvent de tuer personne dans leurs razzias, de peur de s’attirer d’inévitables représailles. C’est cette crainte surtout qui retenait Abner, et la suite du récit fait voir combien elle était fondée. II Reg., iii, 27. Cependant le jeune homme avançant toujours, il lui enfonça dans le ventre la hampe de sa lance, et, l’ayant étendu mort à ses pieds, il reprit sa course.

Il put enfin, au coucher du soleil, rallier les siens sur un monticule, et faire volte-face à l’ennemi. Élevant alors la voix, il reprocha à Joab cette poursuite sans merci de ceux qui étaient ses frères par la religion et par le sang, et lui représenta qu’il n'était pas prudent de pousser à bout un ennemi et de le réduire au désespoir. « Vive le Seigneur ! lui répondit Joab ; si tu avais parlé ce matin, le peuple aurait cessé de poursuivre son frère. » II Reg., ii, 27. D’après l’hébreu, la réponse de Joab aurait été : « Si tu n’avais pas parlé ce matin, » etc., c’est-à-dire si tu ne nous avais pas provoqués. Joab semble dire que les deux armées se seraient retirées sans combattre, ce qui s’accorderait assez avec la modération de David dans sa lutte contre Isboseth. Joab sonna donc de la trompette et arrêta la poursuite. Il n’avait perdu que dix-neuf hommes, non compris Asaël, tandis que l’on compta trois cent soixante morte du côté d’Abner.

Le récit de ce combat est suivi de ces simples paroles ; « Il y eut donc entre la maison de David et celle de Saül une longue lutte, au cours de laquelle David progressait et se fortifiait sans cesse, tandis que la maison de Saül allait s’affaiblissant de jour en jour. » II Reg., iii, 1. Cette décadence de la maison de Saül se fit sans doute par des moyens politiques plus que par les armes, car la Bible ne mentionne aucune bataille depuis celle de Gabaon. Abner dut se détacher peu à peu d’une cause qui perdait tous les jours du terrain, jusqu'à ce qu’enfin Isboseth lui-même lui fournit l’occasion de s’en séparer tout à fait et de l’abandonner. Il lui reprocha d’avoir épousé (c’est d’une union légitime que les commentateurs croient généralement qu’il s’agit) une femme de second rang de Saûl, Respha, qui avait survécu à ce prince. Voir Respha. D’après les idées de l’Orient, c'était faire acte de prétendant, le roi seul ayant le droit d'épouser les femmes du roi défunt. Grotius, in h. l. ; cf. II Reg., xvi, 21 ; III Reg., ii, 22, et les faits, rapportés par Hérodote, iii, 68, et Manéthon, dans Josèphe, Cont. Apkm., i, xv. Voir Absalom et Adonias. On ne dit pas qu’Abner ait nié le fait, mais il regarda ce reproche comme un outrage qu’un homme de son rang ne devait pas souffrir ; il rappela à Isboseth, en termes durs et humiliants, qu’il lui était redevable de la couronne et de la liberté même, et lui jura qu’il allait le punir de sou ingratitude en travaillant à ruiner sa cause et à faire régner David sur tout Israël. Le faible prince, qui avait peur de lui, se tut ; mais cet humble silence ne désarma pas la colère d’Abner : il se mit incontinent en devoir d’accomplir son serment.

Il envoya secrètement des émissaires à David pour lui demander de faire amitié avec lui, s’engageant de son côté à le soutenir et à lui rallier tout Israël. David ne pouvait qu’accepter une telle proposition ; il y mit cependant une condition : c’est qu’Abner, en venant traiter cette affaire, lui ramènerait Michol, fille de Saül, qui était toujours sa femme légitime, I Reg., xviii, 27, quoique le roi son père l’eût fait épouser à Phaltiel de Gallim, après sa rupture définitive avec David. I Reg., xxv, 44. Rien de plus naturel que ce désir de David de rentrer en possession d’une épouse qui lui avait d’ailleurs témoigné tant d’affection et de dévouement, I Reg., xix, 11-17, et dont il avait si chèrement acheté la main, I Reg., xviii, 20-28 ; mais il est permis de supposer que la politique fut pour quelque chose dans l’empressement qu’il mit à la rappeler : la présence de la fille de Saül devait contribuer à lui rendre favorables beaucoup de partisans d’Isboseth, surtout parmi les Benjamites, et son voyage à Hébron servirait d’ailleurs de prétexte à celui d’Abner. Il la demanda directement à Isboseth, à qui son titre de frère et de roi donnait autorité sur elle ; le secret de ses négociations avec Abner exigeait du reste que celui-ci ne parût pas dans une affaire qui était à l’avantage de David. Il y en a cependant qui pensent qu’Abner n’agit pas secrètement, et qu’il prépara ouvertement et au grand jour l’exécution de la menace faite à Isboseth. Le secret fut du moins gardé à Hébron, car Joab ignora tout jusqu'à la fin. II Reg., iii, 23.

Abner se chargea d’aller prendre Michol à Gallim, et de la conduire à Hébron avec une escorte de vingt hommes. À Bahurim (voir ce mot), il renvoya Phaltiel, qui l’avait suivie jusque-là en pleurant. Arrivé à Hébron, il acheva l'œuvre commencée par ses émissaires en concluant avec David le traité qui faisait le véritable objet de son voyage. II Reg., iii, 19. Il avait eu soin de préparer avant son départ les esprits des anciens d’Israël, et en particulier de ceux de Benjamin ; il leur avait rappelé les souhaits qu’ils formaient eux-mêmes depuis longtemps pour l’avènement de David, III Reg., iii, 17-19 ; la seule chose qui restait à faire était donc de s’entendre définitivement avec le roi sur les conditions de la paix et sur les moyens à prendre pour la réunion des deux royaumes. II Reg., iii, 21.

Quand tout fut réglé, Abner quitta Hébron. Mais en ce même temps Joab y rentrait, de retour d’une expédition heureuse. On lui apprit l’accueil honorable que David avait fait au chef de l’armée d’Isboseth et l’amitié qu’il lui avait témoignée. Il courut aussitôt chez le roi pour lui reprocher d’avoir laissé repartir Abner, qu’il lui représenta comme un fourbe, venu pour reconnaître de près l'état de ses affaires, afin de pouvoir lui nuire plus sûrement ; puis il sortit, et ayant, à l’insu de David, envoyé prier Abner, déjà parvenu à la citerne de Sira (voir ce mot), de revenir sur ses pas, Abner rentra sans défiance à Hébron. Alors Joab, feignant d’avoir à lui parler en secret, l’attira au milieu d’une porte de la ville, et l’assassina sous les yeux et avec la complicité de son frère Abisaï. Il vengeait ainsi la mort de son autre frère Asaël, II Reg., iii, 27, qu’Abner avait tué au combat de Gabaon ; mais Joab ne pouvait ignorer qu’Abner n’avait frappé Asaël qu'à son corps défendant, et qu’il n’y avait donc pas lieu de venger cette mort. Du reste, les paroles qu’il venait d’adresser à David, et son ambition, qui le poussa plus tard à frapper Amasa de la même manière, II Reg., xx, 8-10, donnent lieu de penser que le désir de venger son frère ne fut pas le seul mobile de ce meurtre, et que l’ambition y eut une bonne part. Abner était pour lui un rival redoutable, destiné à prendre la première place dans le nouveau royaume : David ne laisserait pas assurément au second rang celui qui, sous le nom d’Isboseth, avait été plus roi que général, II Reg., iii, 6, et dont il venait de recevoir un royaume sans avoir à répandre une goutte de sang. Le roi tenait d’ailleurs Abner en très haute estime, et le considérait comme le premier entre les vaillants de Saül. I Reg., xxvi, 15 ; cf. II Reg., iii, 38.

David protesta publiquement et à diverses reprises contre cet attentat, afin que chacun sût qu’il n’en était complice d’aucune manière. Il fit faire à Abner des funérailles solennelles, et obligea Joab de porter le deuil de sa victime et de marcher devant son cercueil ; lui-même venait à la suite. Il pleura sur sa tombe avec tout le peuple, célébra dans une courte élégie la vaillance d’Abner, et manifesta son regret de ce que son pouvoir était encore trop peu affermi pour lui permettre de punir le meurtrier : « Qu’à celui qui a fait le mal, ajouta-t-il, le Seigneur rende selon sa malice. » II Reg., iii, 39. C'était une sorte de menace qui ne devait pas rester sans effet. De longues années plus tard, David, se sentant près de sa fin, recommanda à Salomon de ne pas épargner le fils de Sarvia, comme il avait été obligé de le faire lui-même, et bientôt Joab expiait par une mort violente sa complicité dans les menées ambitieuses d’Adonias, en même temps que le meurtre d’Amasa et celui d’Abner. III Reg., ii, 5-6, 32-34.

Les qualités d’Abner justifiaient la douleur que sa mort causa à David, l’estime que le roi avait toujours eue pour lui et les louanges qu’il lui donna en diverses circonstances. Loyal, confiant, généreux, il savait, comme soldat, allier le sang-froid avec le courage, et une grande modération avec le sentiment de sa force et de sa valeur. Comme homme d'État, il fit preuve d’habileté, d’esprit de suite, de persévérance pour étendre peu à peu les frontières du royaume d’Isboseth. Il venait de donner, quand il mourut, une dernière preuve de ses talents diplomatiques dans ses négociations avec David. Mais malheureusement il ternit tant de belles qualités par l’ambition, qui lui fit continuer, sinon commencer un schisme national, afin de régner sous le nom d’Isboseth. S’il put, en effet, regarder d’abord de bonne foi ce prince comme l’héritier légitime du trône de Saül, comment admettre qu’il ignora pendant plus de sept ans les droits de David à la couronne ? Le langage qu’il tint lui-même, à l'époque de sa rupture avec Isboseth, semble écarter cette supposition. II Reg., iii, 9-10, 18. Beaucoup regardent, et avec raison, ce semble, comme impossible que, Saül mort, David n’ait pas divulgué sans retard son élection divine et sa consécration par Samuel, et produit ainsi son titre incontestable à la royauté d’Israël. Voir Hummelauer, Comment. in lib. Samuelis, Paris, 1886, p. 285. D’ailleurs, la futilité du motif pour lequel il abandonna Isboseth, et les ouvertures intéressées qu’il fit aussitôt après à David, montrent assez clairement que, au moins à la fin, ce n'était pas un zèle bien convaincu pour les droits du fils de Saül qui le faisait rester dans son parti. L’ambition l’avait tenu hors du devoir ; ce fut l’ambition 'qui l’y fit rentrer. Mais au moment même où, assuré du succès, il voyait une nouvelle et brillante carrière s’ouvrir devant lui, la jalousie de Joab l’arrêta, et l'épée de cet autre ambitieux fut peut-être l’instrument dont la Providence voulut se servir pour punir l’ambitieux Abner.

E. Palis.

2. ABNER, père de Jasiel, qui fut le chef de la tribu de Benjamin sous le règne de David. I Par., xxvii, 21. Cet Abner n’est probablement pas différent du précédent.

ABNÊT, nom hébreu, אבנט, d’une sorte de ceinture qui faisait partie du costume sacerdotal, et qui n’a pas de nom particulier dans nos langues. Les ceintures ordinaires ne sont jamais désignées par ce mot dans la Bible hébraïque. L’ʾabnêt n'était porté régulièrement que par les prêtres. Cependant Isaïe, xxii, 21, parle d’un personnage important, Sobna, qui avait un ʾabnêt, et dont la ceinture est sans doute ainsi appelée parce qu’elle était remarquable par sa richesse et par sa beauté. (Il n’y aurait pas d’exception, si l’on acceptait la tradition juive, rapportée par Jarchi, in Is., xxii, 21, et qu’on retrouve aussi dans le Chronicon pascale, Pat. gr., t. xcii, col. 301, et d’après laquelle Sobna, dont parle le prophète, était de race sacerdotale. Du reste, à part ce passage d’Isaïe, l’ʾabnêt n’est nommé que dans le Pentateuque, Exod., xxviii, 4, 39, 40 ; xxix, 8 (9) ; xxxix, 29 ; Lev., viii, 7, 13 ; xvi, 4. Les Septante l’ont traduit par ζώνη, et la Vulgate ordinairement par balleus, deux fois par cingulum, Exod., xxxix, 28 (hébreu, 29) ; Is., xxii, 21, et une autre fois par zona, Lev., xvi, 4. Elle ressemblait peut-être aux ceintures de luxe égyptiennes, dont les monuments figurés de la vallée du Nil nous ont conservé la représentation.


7. — Prêtre égyptien portant la ceinture.
(Thèbes. D’après Wilklnson.)

Le texte sacré nous dit qu’elle était brodée et faite avec les matières les plus précieuses : fin liii, hyacinthe, pourpre, écarlate.Exod., xxxix, 28 (29) ; xxviii, 39. Josèphe la décrit d’une ma nière plus précise. Ant. jud., III, vii, 2. Il dit qu’elle était d’une étoffe de lin tissée avec une telle finesse, qu’elle ressemblait à la dépouille d’un serpent, et qu’elle était couverte de fleurs brodées avec des fils bleus, pourpres, écarlates et blancs. Sa largeur était d’environ quatre doigts ; sa longueur suffisante pour faire plusieurs fois le tour du corps de celui qui la portait ; elle pendait par-devant jusqu’aux pieds. Lorsque le prêtre exerçait ses fonctions sacerdotales, il rejetait sur son épaule les bouts de son’abnêt. À ces détails fournis par l’historien juif, Maïmonide ajoute, De vas. sanct., 8, que la ceinture portée par le grand prêtre et par les prêtres ordinaires était de lin blanc, brodé avec de la laine, mais qu’au jour de la fête de l’Expiation, 1’ʾabnêt du pontife était entièrement de lin blanc. Cf. Lev., xvi, 4. Sa longueur était de trente-deux coudées, c’est-à-dire de plus de quinze mètres. Cette longueur paraît bien considérable. Cf., sur cette partie des vêtements sacerdotaux, S. Jérôme, Ep. lxiv ad Fabiolam de veste sacerdotali, 12, t. xxii, col. 614.

Josèphe termine sa description par une remarque qui mérite d’être notée. « Moïse, dit-il, a appelé cette ceinture abanêt (ἀϐανήθ) ; mais nous, nous l’appelons émian (ἐμιάν), ayant appris ce nom des Babyloniens. » Cela semble indiquer que les Juifs, captifs en Chaldée, avaient changé la dénomination antique pour en adopter une nouvelle, peut-être parce qu’ils considéraient cette dernière comme sémitique, tandis qu’ils regardaient la première comme d’origine étrangère. Quoi qu’il en soit, l’origine du mot ’abnêt était demeurée jusqu’ici inconnue. Gesenius, dans le Thesaurus linguæ hebraeæ, p. 221, lui attribuait une origine perse ; d’autres orientalistes, comme J. Fürst, Hebräisches Handwörterbuch, 2e édit., 1863, l. 1, p. 15, supposaient que ’abnêt est un mot égyptien, mais sans pouvoir appuyer leur hypothèse sur aucune preuve. Le déchiffrement des hiéroglyphes a démontré que c’est bien à l’Égypte que Moïse avait emprunté le nom d’ʾabnêt. Un des noms de ceinture en égyptien est, en effet, Modèle:Égyptien ou bnt, benêt ou banal, d’où ʾabnêt (avec l’aleph prosthénque). H. Brugsch, Dictionnaire hiéroglyphique, Supplément, p. 433.

F. Vigouroux.

1. ABOAB, ou plutôt ABOHAB Emmanuel, rabbin espagnol, émigré en Hollande, est l’auteur de la Nomologie, in —4°, Amsterdam, 1629. C’est une apologie de la tradition rabbinique. Nous ne mentionnons ici cet ouvrage que parce qu’il contient des notices sur les auteurs, et en particulier sur les exégètes juifs.

2. ABOAB ou ABOHAB Isaac, un des ancêtres d’Emm. Abohab, né en Castille, fut très lié avec Abarbanel. Comme ce dernier, il quitta l’Espagne à l’époque de l’expulsion des Juifs (1492). Plein d’estime pour les doctrines cabalistes, il les suit pourtant avec modération. On lui doit un commentaire du Commentaire de Nahmanide sur le Pentateuque. Il est plus connu par son livre de morale et d’édification, si célèbre autrefois chez les Juifs : Menôraṭ hammâôr, Le candélabre du luminaire, Exod., xxxv, 14. — Son commentaire a été imprimé à part à Constantinople, in-4°, 1525 ; avec ceux de Raschi et de Nahmanide, Venise, in-f°, 1548 ; Cracovie, in-f°, 1587 ; Wilmersdorf, 1713.

3. ABOAB, ABOHAB ou ABOUAB Isaac (1606-1693), Juif d’origine portugaise, né à Saint-Jean-de-Luz, émigra aux Pays-Bas, puis au Brésil ; enfin revint mourir rabbin à Amsterdam. Parmi ses ouvrages, on remarque une traduction espagnole du Pentateuque avec un commentaire succinct ou paraphrase, Parafrasis commentado sobre al Pentateuco, in-fol., Amsterdam, 1681.

ABOBI (dans le texte grec : Ἀϐούϐού), père de Ptolémée, qui fit assassiner son beau-père Simon Machabée, avec ses deux fils, Mathathias et Juda. I Mach., xvi, 1 1, 15.

ABOMINATION. La Vulgate a traduit par abominatio deux mots hébreux différents, dont la signification réelle est souvent différente de la signification ordinaire du mot « abomination » dans notre langue, et a par conséquent besoin d’être expliquée. Les deux mots hébreux sont, dans le texte original, תזצבה, ṭôʿêbâh, et שקזץ, šiqqûs. Pour ce dernier, voir Abomination de la désolation. L’expression ṭôʿêbâh, du verbe ṭiʿêb, « rendre abominable, détestable, souillé, » désigne en général « une chose détestable, honteuse, horrible », surtout en matière religieuse. Ce terme s’emploie, en effet, particulièrement à propos du culte des faux dieux. Deut., vii, 25, 26 ; XII, 31 ; xiii, 14, etc. etc. Dans le quatrième livre des Rois, xxiii, 13, le faux dieu Moloch est nommé « le ṭôʿêbâh des enfants d’Ammon ». Les idoles ou les fausses divinités sont nommées également ṭôʿêbôṭ, Deut., xxvii, 15 ; Is., xliv, 19 ; Jer., xvi, 18 ; Ezech., vii, 20 ; xi, 21 ; xvi, 36 ; les nations idolâtres sont appelées ʿammê ṭôʿêbôṭ, I Esd., ix, 14. Le mot « abominations » dans l’Exode, viii, 22 (26), désigne les animaux que les Hébreux offraient en sacrifice, et que les Égyptiens, au contraire, vénéraient comme des dieux, en particulier le bœuf.

ABOMINATION DE LA DÉSOLATION, « abominatio desolationis. » La Vulgate a rendu par ces mots les expressions שקציט משממ , šiqqûšîm mešômêm, employées par Daniel, ix, 27, dans sa prophétie messianique des soixante-dix semaines. Ces expressions sont importantes, à cause du passage même où elles se lisent pour la première fois, et aussi parce qu’elles sont répétées par Daniel dans une autre prophétie, xi, 31, et que nous les retrouvons dans le premier livre des Machabées et dans les Évangiles ; mais le sens en est obscur, de là vient qu’elles sont interprétées de manières très différentes. Pour tacher d’en saisir le sens, nous allons les étudier successivement dans les différents endroits où elles ont été employées.

I. Dans Daniel. — Daniel, à la fin de sa prophétie des soixante-dix semaines, annonce les malheurs qui fondront sur son peuple, lorsque aura cessé l’oblation des sacrifices ; il dit qu’alors ʿal kenaf šiqqûšim mešomêm, ix, 27. Non seulement les mots ont une signification vague et peu claire, mais le passage tout entier est difficile, et d’une telle concision, qu’on est obligé de le paraphraser pour le faire comprendre. Les traducteurs grecs ont rendu les mots que nous venons de rapporter par ἐπὶ τὸ ἱερὸν βδέλυγμα τῶν ἔρημώτεων « dans le temple, l’abomination des désolations. » Saint Jérôme a interprété comme les Septante : Erit in templo abominatio desolationis, « l’abomination de la désolation sera dans le temple. »

Le prophète, dans un autre de ses oracles, s’est servi une seconde fois, xi, 31, pour prédire la profanation du temple de Jérusalem par Antiochus Épiphane, des mots haššiqqûṣ mešomêm, avec cette seule différence que le mot šiqqûṣ est ici au singulier et précédé de l’article, tandis qu’il est sans article et au pluriel, ix, 27. Dans cette nouvelle prophétie, le sens général n’offre aucune difficulté. « On souillera, dit-il, le sanctuaire de la force, on fera cesser le sacrifice perpétuel, et l’on y placera haššiqqûṣ mešomêm, xi, 31. » Ces derniers mots sont traduits par les Septante : βδέλυγμα ἤφανισμένον, « abomination désolée », et par la Vulgate : abominationem in desolationem, « l’abomination dans la désolation. »

En complétant cette prophétie et en fixant le temps que doit durer l’oppression, Daniel emploie une troisième fois les termes šiqqûṣ šômêm, avec cette légère variante que le substantif singulier šiqqûṣ n’a point l’article, et que le participe mešômêm, de la forme pohel, est remplacé par le participe du même verbe à la forme kal. Les deux expressions ont donc, dans ces deux derniers passages, le même sens, et l’on ne peut douter qu’elles n’aient aussi un sens analogue dans le premier. Quel est ce sens ? C’est ce que nous devons maintenant rechercher.

Le mot šiqqûṣ, pluriel šiqqûṣim, est assez fréquemment employé dans l’Ancien Testament. C’est un terme de mépris qui signifie étymologiquement « une chose abominable, digne d’aversion et d’exécration », et qui est toujours appliqué aux faux dieux et au culte idolâtrique. Nous lisons dans le troisième livre des Rois, xi, 7 : « Chamos, abomination (šiqqûṣ) de Moab ; Moloch, abomination des enfants d’Ammon ; » IV Reg., xxiii, 13 : « Astarté, abomination des Sidoniens, » etc. Le pluriel šiqqûṣîm désigne les faux dieux en général et les idoles ou les signes matériels qui les représentent, dans un grand nombre d’endroits : Deut., xxix, 16 (17) ; IV Reg., xxiii, 24 ; II Par., xv, 8 ; Is., lxvi, 3 ; Jer., iv, 1 ; vii, 20 ; xiii, 27 ; xvi, 18 ; xxxii, 34 ; Ezech., v, 11 ; vii, 20 ; xi, 18, 21 ; xx, 7, 8, 30 ; xxxvii, 23. — Nahum, iii, 6, parlant au nom de Dieu, dit aux habitants de Ninive : « Je jetterai sur toi les šiqqûṣim. » Zacharie, ix, 7, applique ce mot aux viandes offertes aux idoles, et Osée, ix, 10, à ceux qui leur rendent un culte. Ce sont là tous les passages dans lesquels la Bible hébraïque emploie cette expression. On voit que dans tous il est question des faux dieux et des insignes de leur culte abominable, ou de quelque chose qui s’y rapporte.

La seconde expression employée par Daniel, mešômêm ou šômêm, est diversement interprétée comme la précédente, et il est plus difficile d’en déterminer rigoureusement la signification ; mais elle n’a pas la même importance. Les uns en font un terme abstrait, comme les Septante et la Vulgate, « désolation, dévastation ; » d’autres le considèrent comme un nom d’agent, désignant une personne et non une chose, ce qui paraît plus conforme à la ponctuation massorétique et ce qui donne un sens plus clair et plus simple, « celui qui désole, ravage, le dévastateur, » c’est-à-dire les Romains ou leur chef dans la prophétie messianique, et Antiochus IV Épiphane dans la prophétie concernant la persécution de ce roi syrien. Du reste, quoi qu’il en soit, le sens général de Daniel reste toujours le même.

Le traducteur grec du premier livre des Machabées, i, 57 (52), a emprunté aux Septante, Dan-, xi, 31, et xii, 11, la version de šiqqûṣ mešômêm par βδέλυγμα ἐρημώσεως. Au chapitre vi, 7, nous ne lisons plus que le mot τὸ βδέλυγμα, ce qui montre que ce terme exprime l’idée principale, dans la pensée de l’auteur sacré.

II. Dans le premier livre des Machabées. — L’auteur du premier livre des Machabées, comme nous venons de le voir, a reproduit dans son récit les expressions de Daniel. Ce langage de l'écrivain sacré et les mots qu’il a choisis nous prouvent qu’il a reconnu dans la profanation du temple de Jérusalem par l’impie Antiochus Épiphane l’accomplissement de la prophétie de Daniel, xi, 31 ; xii, 1 1. Nous devons examiner dans quel sens il a entendu le passage du prophète. Il nous dit en premier lieu que, par les ordres d’Antiochus Épiphane, on « bâtit sur l’autel βδέλυγμα ἐρημώσεως », ce que la Vulgate traduit : « Ædificavit rex Antiochus abominandum idolum desolationis super altare Dei. » I Mac, i, 57. Plus loin, vi, 7, nous lisons que « les Juifs fidèles détruisent τὸ βδέλυγμα qui avait été bâti sur l’autel des holocaustes de Jérusalem ». — « Diruerunt, dit la Vulgate, abominationem quam aedificaverat super altare quod erat in Jérusalem. » Que faut-il entendre ici par le βδέλυγμα du texte grec ? Le traducteur latin, qui l’a rendu par abominationem dans le second passage, a été plus précis dans le premier, et l’a expliqué comme signifiant une idole. À sa suite, beaucoup de commentateurs, Nicolas de Lyre et autres, ont entendu le mot βδέλυγμα dans le sens de statue représentant une idole, c’est-à-dire Jupiter Olympien, à qui, d’après II Mac, vi, 2, le temple de Jérusalem avait été consacré. Cependant il est difficile de justifier cette interprétation.

Le contexte démontre qu’il n’est pas question d’une statue ou d’une idole proprement dite, mais d’un « autel » idolâtrique, construit, « bâti » sur l’autel des holocaustes, qui est ainsi souillé et profané. Il est dit expressément, I Mac, i, 57 ; cf. vi, 7, qu’on « bâtit » (ᾠϰοδόμησαν) le βδέλυγμα ou abomination, terme qui ne peut s’appliquer ni à une statue ni à un cippe ou colonne ; et un peu plus loin, I, 62, nous lisons que « le vingt-cinquième jour du mois on sacrifiait sur l’autel qui était sur l’autel des holocaustes » ; ce qui montre bien que sur le grand autel des holocaustes, où l’on offrait au vrai Dieu les sacrifices sanglants, on avait construit un autel plus petit, destiné au culte des faux dieux. Josèphe l’a exactement compris ainsi : Έποικοιδομήσας ϰαὶ τὸ θσιασηρίῳ βωμόν, σύας ἐπ' αὔοῦ κατέσφαξε. « Antiochus, ayant fait bâtir un autel sur l’autel des holocaustes, y immola des pourceaux. » Ant. jud., XII, v, 4. Le second livre des Machabées, vi, 2, ne contredit nullement le premier ; il ne parle d’aucune statue, mais mentionne seulement que le temple de Jérusalem fut nommé du nom de Jupiter Olympien, c’est-à-dire dédié à Jupiter considéré comme le maître des dieux qui habitent l’Olympe.

L’ensemble du récit et la suite des faits montrent que cette profanation du temple du vrai Dieu par l'érection d’un autel sacrilège sur l’emplacement même où les enfants d’Aaron offraient les sacrifices prescrits par la loi, fut considérée comme une grande calamité nationale, en même temps que comme une injure sanglante au Dieu véritable et aux sentiments religieux de la nation juive. Ce ne fut que par une purification solennelle et par une nouvelle dédicace du temple qu’on put réparer un si abominable outrage. I Mac, iv, 41 -59. La profanation de la maison de Dieu par les Romains du temps de Titus ne devait pas exciter plus tard une moindre horreur dans le cœur des Juifs.

III. Dans l'Évangile. — Nous venons de voir que les mots « abomination de la désolation » ne désignent pas une idole, mais un autel idolâtrique, dans les dernières prophéties de Daniel et dans le premier livre des Machabées. Que désignent - ils dans la prophétie de Notre Seigneur ? « Quand vous verrez, dit le Sauveur, l’abomination de la désolation (τὸ βδέλυγμα τῆς ἐρημώσεως) qui a été prédite par le prophète Daniel, présente dans le lieu saint, que celui qui lit entende. » Matth., xxiv, 15 ; cf. Marc, xiii, 14. Ces paroles sont expliquées de diverses manières par les commentateurs. D’après un grand nombre, Jésus-Christ, par l’abomination de la désolation, entend une désolation abominable, horrible, ou une abomination détestable, sans aucune allusion à des actes idolà triques, et prédit par là les excès et les sacrilèges auxquels devaient s’abandonner les Zélotes avant la prise de Jérusalem par l’armée romaine. Josèphe, Bell. jud., IV, iii, 7, 8.

Cette interprétation peut se concilier difficilement avec ce que nous avons dit plus haut. Le mot « abomination », traduisant l’hébreu šiqqûṣ, a un sens suffisamment précis : il signifie toujours les faux dieux, un objet idolâtrique, ou une chose qui se rapporte au culte idolâtrique. L’expression βδέλυγμα, qui en est la traduction et qui vient du verbe (βδελύσσω « avoir mauvaise odeur, » a aussi le même sens dans les Septante. Dans le Nouveau Testament, elle est employée six fois : dans les deux passages que nous venons de rapporter, Matth., xxiv, 15 ; Marc, xiii, 14, et dans Luc, xvi, 15 ; Apoc., xvii, 4, 5 ; xxi, 27. Les meilleurs exégètes reconnaissent que saint Jean dans l’Apocalypse veut exprimer l’idolâtrie par ce terme. Quant au passage de saint Luc, quoiqu’on l’entende ordinairement d’une chose détestable, abominable en général, il n’y a pas de raison de donner au mot « abomination » de ce verset un sens différent de celui qu’il a partout ailleurs, et l’on peut fort bien traduire : « Ce qui est grand aux yeux des hommes est comme un objet idolâtrique (šiqqûṣ) aux yeux de Dieu. »

À plus forte raison doit-on entendre d’un objet ou d’une chose idolâtrique Y abomination dont parle Notre-Seigneur, puisqu’il reproduit, comme il nous en avertit lui-même, le langage du prophète Daniel. C’est pour ce motif qu’un certain nombre d’interprètes pensent que l’abomination idolâtrique dont parle Notre-Seigneur désigne les aigles et les enseignes romaines. Les Juifs les considéraient comme des idoles, et non sans raison ; car, comme le remarque Havercamp dans ses notes sur Tertullien, Apol., I, 16, 1. 1, col. 367 : « Presque toute la religion des soldats romains consistait à rendre un culte à leurs enseignes, à jurer par leurs enseignes et à leur donner le pas sur tous les autres dieux. » Tacite lui-même, Ann., ii, 17, appelle les enseignes militaires « les dieux des légions », propria legionum Numina. Aussi, pour ne pas blesser le sentiment religieux des Juifs, les soldats romains qui tenaient garnison dans la ville de Jérusalem n’y introduisaient-ils point leur étendard. Une fois, Pilate fit porter les enseignes romaines dans la cité pendant la nuit ; mais cet événement produisit une telle émotion parmi les habitants, que le gouverneur dut retirer ses ordres. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 1. Il est donc certain que les Juifs considéraient les enseignes romaines comme une abomination Idolâtrique. Nous savons de plus, par Josèphe, Bell. jud., VI, vi, 1, que lorsque Jérusalem eut été prise par Titus, « pendant que le temple et ses alentours étaient en feu, les soldats apportèrent leurs étendards au temple, et, les ayant plantés vis-à-vis de la porte orientale, ils leur offrirent des sacrifices. » C'étaient bien là les actes idolâtriques prophétisés par Daniel.

Mais ce n'était encore que le commencement de l’accomplissement de sa prédiction. « L’abomination » devait apparaître plus d’une fois encore dans le lieu saint. L’empereur Adrien, en 137, pour insulter les Juifs, fit placer l’image d’un porc sur la porte de Bethléhem (correspondant à la porte actuelle de Jaffa), l’une des principales de la ville devenue Ælia Capitolina, Eusèbe, Chron., ii, t. xxx, col. 559 ; bien plus, il érigea un temple à Jupiter sur l’emplacement même du temple du vrai Dieu, Dion Cassius, Lxrx, 12, et il ordonna de placer sa propre statue à l’endroit même où avait été le Saint des saints. Nicéphore Calliste, iii, 24, t. cxlv, col. 944. Ce fut la consommation de « l’abomination de la désolation ».


8. — Enseignes romaines.
Fragment d’un bas-relief de l’arc de triomphe de Constantin, à Rome. (Dans la partie, à gauche, qui n’est pas reproduite ici, l’empereur Trajan siège sur son tribunal. Les personnages figurés en avant des soldats romains sont Parthamastris, fils de Pacore, roi d’Arménie, et l’un de ses satrapes, qui demande que la couronne royale soit rendue au Jeune prince.)

On objecte contre cette explication de la prophétie de Notre-Seigneur que les actes idolâtriques des Romains et l’introduction des enseignes dans la ville sainte n’eurent lieu qu’après la prise de Jérusalem. Or le Sauveur recommande aux siens de quitter la cité maudite, lorsqu’ils verront l’abomination dans le lieu saint ; ce qu’ils firent, en effet, en se réfugiant à Pella, avant le siège de Titus. Ils avaient donc reconnu les signes annoncés par le divin Maître avant l’investissement final de la ville et avant l’entrée des étendards des légions dans le temple.

Pour répondre à cette difficulté, quelques commentateurs ont fait remarquer que Jésus ne dit point : « Quand vous verrez l’abomination dans le temple, » mais dans « un lieu saint », ἐν τόπῳ ἁγίῳ, sans article ; le lieu est donc indéterminé, il ne désigne pas expressément le temple, ni même la cité sainte, et il peut bien être la Terre Sainte elle-même, de sorte que le signe avant coureur de la ruine de Jérusalem devint manifeste dès que l’armée romaine, avec ses enseignes idolâtriques, campa autour de Jérusalem.

Plusieurs refusent d’admettre cette interprétation, parce que, disent-ils, les enseignes romaines n’apparaissaient pas alors pour la première fois en Palestine ; les Juifs les avaient déjà vues du temps de Pompée. — Sans doute, peut-on répondre, mais l’avertissement de Notre-Seigneur portait sur un événement futur, non sur un fait passé. Il ne dit point qu’on verra alors pour la première fois cette « abomination », mais que lorsqu’on la verra dans l’avenir, à partir du moment où il vient de parler, ce sera le signe de la ruine prochaine.

On peut trouver néanmoins que l’application du mot « lieu saint » à la Palestine est peu naturelle. Aussi n’est-il pas nécessaire d’adopter cette interprétation pour expliquer et justifier la prophétie de Daniel et de Notre-Seigneur. Le passage parallèle de saint Luc, xxi, 20, nous fournit la solution de la difficulté. En rapportant le même discours de Notre-Seigneur que saint Matthieu et saint Marc, cet évangéliste ne lui met pas dans la bouche les mots d' « abomination de la désolation », qui n’auraient pas été intelligibles pour les lecteurs d’origine païenne à qui il s’adressait, et il emploie des termes qui sont parfaitement clairs et précis : « Quand vous verrez Jérusalem investie par une armée, alors sachez que sa désolation (ἡ έρήμωσις) approche. » Luc, xxi, 20. (On peut remarquer, du reste, que si le mot (βδέλυγμα a disparu, le mot έρήμωσις a été conservé.) Il résulte de ce passage que Notre-Seigneur avait donné aux fidèles deux signes de la chute finale de Jérusalem : l’un était la présence de l’abomination dans le lieu saint ; mais l’autre, qui, comme le montrent les faits, devait le précéder et devait être non moins frappant ni moins sensible, c'était l’investissement de Jérusalem par l’armée romaine.

Dès que les chrétiens virent les troupes païennes s’approcher de la ville, ils y virent l’accomplissement du premier signe, et reconnurent que le second ne tarderait pas à se produire. Ils se mirent donc en mesure de suivre l’avis de leur Maître et de s’enfuir de la ville condamnée, pour se réfugier au delà du Jourdain. Eusèbe, H. E., iii, 5, t. xx, col. 221. Une première attaque contre la ville eut lieu en 66. En cette année, Cestius Gallus, procurateur romain, assiégea la ville sainte, pour venger une défaite que les Juifs avaient infligée à ses troupes. Il établit son camp sur le mont Scopus, puis il brûla Bézétha et attaqua le temple lui-même. Ses soldats d'élite, formant la tortue, et ainsi couverts par leurs boucliers, s’approchèrent assez de l'édifice sacré pour essayer d’en brûler les portes. On peut bien dire que les habitants de Jérusalem virent alors l’abomination et les enseignes idolâtriques près du lieu saint, quoique ce ne fût pas dans la maison de Dieu elle-même. Cependant, l’attaque n’ayant pas réussi, Cestius se découragea ; il renonça à son entreprise et se retira avec ses troupes. Josèphe, Bell. jud., II, xix. Mais les chrétiens étaient suffisamment avertis, et ce fut probablement dans l’intervalle qui s'écoula entre ce premier siège et le second par Titus qu’ils abandonnèrent la ville et se mirent en sûreté.

F. Vigouroux.

ABOUAB. Voir Aboab 3.

ABOU’LBÉRÉCAT. Voir Abou-Saïd.

ABOU’L-HASSAN. Voir Juda ha-Lévi.

ABOULPHARAGE. Voir Bar-Hébræus.

ABOU’L-WALID. Voir Ibn-Djanah.

ABOU-SAÎD, fils d’Abou’lhosaïn, Samaritain, habitant probablement l’Égypte, fit, à l’usage des Samaritains de ce pays, une version arabe du Pentateuque, pour remplacer celle du juif Saadias, reconnue inexacte. Cette traduction a été faite sur le texte samaritain, et avec l’aide de la version samaritaine. Le P. Le Long dit qu’ AbouSaïd vivait vers 1070, sans nous indiquer sur quelle autorité il appuie son assertion. Cette date toutefois n’a rien d’invraisemblable, car la version arabe-samaritaine a dû être faite un siècle au moins après celle de Saadias, mort en 942. Elle serait donc du xie ou du xiie siècle. Un manuscrit de cette version, au lieu du nom d’Abou-Saïd, porte celui d’Abou’lbérécat, fils de Saïd, Syrien de Basra. Mais ce dernier paraît être un plagiaire ; sa préface n’est qu’une imitation maladroite de celle d’Abou-Saïd. Voir Silvestre de Sacy, Mémoire sur la version arabe des livres de Moïse à l’usage des Samaritains, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1808, t. xlix, p. 1-199 ; Le Long, Bibliotheca sacra, t. i, p. 188 ; Rossi, notice détaillée à la suite du Saggio delle variante del codice ms. di Pio VI. Il existe six ou sept manuscrits de cette version ; le plus précieux est celui de la Bibliothèque Barberini, à Rome. Abr. Kuenen a publié Specimen e libris orientalibus, exhibens librum Geneseos secundum arabicam Pentateuchi Samaritani versionem ab Abu-Saido conscriptam, in-8°, Liège,1851.


ABRABANEL, ABRAVANEL. Voir Abarbanel.


ABRAHAM (hébreu : ’Abrâhâm), d’abord nommé Abram (’Abrâm), descendait de Sem, dont il était séparé par dix générations. I Par., i, 27. Vraisemblablement le plus jeune des fils de Tharé, quoiqu’il soit nommé le premier, Gen., xi, 26, plutôt par rang d’honneur, en qualité de père des Hébreux, que par droit de primogéniture (voir Tharé, et Vigouroux, Manuel biblique, 7e édit., l. 1, n° 342), il naquit à Ur, ville des Chaldéens, la Mughéir actuelle, située entre Babylone et le golfe Persique. « Le nom d’Abram est réellement assyrien ; il a été retrouvé, comme nom propre, dans les monuments indigènes, sous sa forme assyrienne Abu-ramu, ou, sans la terminaison assyrienne, Ab-ram. » Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. i, 5e édit., p. 403.) Abu-ramu, comme Abram, signifie « père élevé ». Du reste, la communauté de langage, de traditions et de coutumes, ne permet pas de douter que les Chaldéens et les Hébreux n’aient eu les mêmes ancêtres. Cf. Vigouroux, loc. cit., p. 402-430. Aussi les tribus chananéennes de la Palestine surnommèrent-elles Abram l’ Hébreu, c’est-à-dire « celui qui vient d’au delà de l’Euphrate ». Gen., xiv, 13. Ainsi tombent sous les coups de l’histoire les théories aventureuses de Hitzig, Geschichte des Volkes Israël, p. 40-43, qui rangeait les Hébreux au nombre des Aryas ou Hindous, et donnait une origine sanscrite au nom d’Abraham, qu’il comparait à Rama, le dieu indien.

Des révélations divines progressives, d’une importance particulière, faisant époque, marquent le commencement de chacune des quatre périodes qui partagent l’histoire d’Abraham.

I. Première période.

Elle débute par la vocation du patriarche, et s'étend de son départ d’Ur à la délivrance de Lot des mains de Chodorlahomor. Gen., xii-xiv. Déjà marié avec Saraï, mais sans enfants, Abram quitta Ur avec Tharé son père, Lot son neveu, et Saraï sa femme. Leur émigration se fit par ordre formel de Dieu, comme nous l’apprend saint Etienne. Act., vii, 2-3. Les paroles citées par le premier diacre appartiennent, il est vrai, dans la Genèse, xii, 1, au récit de l’apparition divine qui eut lieu à Haran. Saint Étienne toutefois ne s’est pas trompé, et il n’y a pas contradiction entre les deux livres inspirés ; car Dieu lui-même, Gen., xv, 7, rappelle à Abram qu’il l’a fait sortir d’Ur, et les lévites le répètent dans leur prière au Seigneur. II Esdr., ix, 7. Saint Etienne d’ailleurs n’est que l'écho de la croyance des Juifs, mentionnée aussi par Philon, De Abrahamo. D’après Gen., xi, 31, la terre de Chanaan était dès leur premier départ le terme dernier du voyage. Cependant les émigrants s’arrêtèrent à Haran, où Tharé mourut. Après la mort de son père, Act., vii, 4, Abram, âgé de soixante-quinze ans, reçut de nouveau du Seigneur l’ordre de quitter son pays, sa parenté et sa famille, et il partit de Haran, après y avoir séjourné quelque temps. Le but de cette seconde émigration ne lui fut pas d’abord clairement indiqué ; Dieu l’envoie vers une terre qu’il lui désignera plus tard, Gen., xii, 1, et Abram, modèle de foi et d’obéissance, part sans savoir où il aboutira. Heb., xi, 8. Le sacrifice qu’exigeait cette séparation fut récompensé par quatre promesses divines, formant une gradation ascendante : Abram aura une nombreuse postérité, des faveurs insignes d’ordre spirituel et temporel, une grande gloire, et l’honneur d'être pour d’autres une source de bénédictions.

L'événement a fait connaître les motifs de cette double émigration. La notion du vrai Dieu s’obscurcissait parmi les hommes, et la vraie religion était sur le point de disparaître de la surface de la terre. C’est pourquoi le Seigneur résolut de confier le dépôt de la Révélation à un peuple fidèle, dont Abram serait la tige. Il lui ordonna donc de quitter sa patrie, ses parents et la maison paternelle, afin de l’arracher à l’idolâtrie qui régnait à Ur (Vigouroux, loc. cit., p. 383-387) et dans la famille même de Tharé. Josué, xxiv, 2 ; Judith, v, 6-9. « Les traditions populaires des Juifs et des Arabes, qui paraissent en ceci reposer sur des bases antiques, ajoutent que cette émigration était devenue nécessaire par suite des dangers qui menaçaient le pieux Abram au milieu des populations idolâtres et dans la maison même de son père, ardent adorateur des faux dieux. L’historien Josèphe, écho des légendes de la Synagogue, dit que les habitants du pays de Harrân s'étaient soulevés en armes contre lui, et voulaient le punir de son mépris pour leurs divinités. » Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. vi, p. 142-143.

Abram emmenait avec lui Saraï son épouse, Lot son neveu, sa famille et ses troupeaux, et laissait à Haran son frère Nachor. Gen., xxiv, 10. Il dut d’abord franchir l’Euphrate, qui est à deux journées de marche de Haran. « La route de Mésopotamie en Palestine passe par Damas, et la tradition est d’accord avec la géographie pour conduire le patriarche dans cette ville. Elle est à sept journées des rives de l’Euphrate ; mais la caravane d' Abram, encombrée de troupeaux, mit sans doute un temps plus long à y arriver. » Vigouroux, loc. cit., p. 400. Le texte sacré n’a pas mentionné expressément Damas parmi les stations du patriarche. Il y séjourna (Nicolas de Damas, dans Josèphe, Ant. jud., i, vii, 2 ; Justin, xxvi, 2), et des souvenirs locaux plus ou moins authentiques désignaient encore près de cette ville, du temps de Josèphe, l’emplacement de l’habitation d’Abraham.

Abram entra dans la terre de Chanaan par le nord-est, peut-être, comme plus tard Jacob à son retour de Haran, par la vallée du Jaboc. Le pays « était alors occupé tout entier par les tribus chananéennes de la race de Cham, qui avaient fondé des villes et menaient la vie sédentaire, mais laissaient des tribus nomades de Sémites errer en pasteurs dans les campagnes voisines de leurs cités, de même qu’encore aujourd’hui les tribus bédouines errent presque jusqu’aux portes des villes de la Syrie et de la Palestine ». Lenormant, loc. cit., p. 143. Abram ignorait encore que cette contrée devait appartenir un jour à sa postérité. Dieu le lui apprit au lieu où s'éleva plus tard Sichern, au chêne ou térébinthe de More. Abram, consacrant au vrai Dieu le sol où il lui était apparu, y bâtit un autel. Gen., xii, 6-7.

Il ne séjourna pas dans ce lieu, mais alla camper entre Béthel et Haï, où il dressa un nouvel autel à Jéhovah. Il s’avança ensuite progressivement dans la partie méridionale du pays de Chanaan. Une famine l’obligea bientôt à descendre en Égypte, alors comme plus tard véritable grenier d’abondance, et refuge des Sémites et des Chananéens dans les temps de disette. Dans ce voyage survint un événement qui a fourni aux ennemis de la religion l’occasion d’attaquer le caractère moral du saint patriarche. Craignant que les Égyptiens ne le missent à mort pour ravir sa femme, il pria Saraï de dire qu’elle était sa sœur. Gen., xii, 13. Les mœurs dissolues des Égyptiens justifiaient ses craintes ; mais, pour les écarter, lui était-il permis de recourir â la dissimulation, et d’exposer Saraï au déshonneur ? Il est certain d’abord que la parole de Saraï était exactement vraie. L’épouse d’Abram était sa parente par le sang, et, comme lui-même l’affirme à Abimélech, selon l’interprétation la plus naturelle du texte, Gen., xx, 12, sa demi-sœur, la fille du même père, mais non de la même mère que lui. Abram était bien renseigné, et nous l’en croyons plus volontiers que Josèphe, Ant. jud., i, vi, 6, saint Jérôme, Quæst. heb. in Gen., xi, 29, t. xxiii, col. 926, et Aboulfeda, But. anteislamica, édit. Fleischer, p. 20, qui identifient Saraï avec Jescha, fille d’Aran et sœur de Lot, et font d’elle la nièce de son époux. La proximité du sang n'était pas un obstacle à cette union entre frère et sœur, car il est vraisemblable qu’un motif religieux avait poussé le patriarche à prendre sa femme dans sa propre famille. Abram ne conseillait donc à Saraï ni mensonge ni feinte ; des raisons graves lui faisaient dissimuler une partie de la vérité, c’est-à-dire taire que Saraï était sa femme. D’autre part, il n’avait pas à choisir entre sa mort et l’honneur de Saraï ; l’une ne sauvait pas l’autre, et, Abram mort ou vivant, Saraï était prise par le pharaon. En présence de deux maux inévitables, Abram choisit le moindre. Suivant les conseils d’une prudence peut-être trop humaine, il fait ce qui dépend de lui pour prévenir un attentat contre sa vie, et se confie pour l’honneur de Saraï dans la protection de la Providence, dont il connaît les soins à son égard. L'événement prouva que sa confiance n'était pas vaine. Les sujets du pharaon remarquèrent la beauté de Saraï, et annoncèrent au roi l’arrivée de la belle étrangère. Bientôt après elle fut enlevée et introduite dans le harem royal. Abram fut traité avec distinction, et reçut pour prix de sa sœur présumée de riches cadeaux en esclaves et en bestiaux, biens les plus appréciés des nomades. Mais un châtiment céleste, dont la nature n’est pas indiquée, frappa le pharaon et sa maison, et l’arrêta dans son dessein d'épouser Saraï. Ayant su, probablement de sa bouche, qu’elle était l'épouse d' Abram, il fit à ce dernier des reproches, lui rendit sa femme, et l’engagea à quitter le pays. Ses gens les accompagnèrent jusqu'à la limite de l’Égypte pour les protéger. Tous les détails de ce récit sont parfaitement conformes aux mœurs et aux usages des anciens Égyptiens. Cf. Vigouroux, loc. cit., p. 432-453.

En sortant d’Égypte, Abram se dirigea avec Lot, son neveu, vers la partie méridionale de la Palestine, et de stations en stations parvint au lieu de son premier campement, entre Béthel et Haï. La Genèse mentionne ses grandes richesses en troupeaux, et surtout en or et en argent. Les biens qu’il avait avant son voyage en Egypte s'étaient accrus par les présents du pharaon. Lot était aussi très riche en troupeaux et en esclaves. L’extension de leur fortune ne leur permit plus de demeurer ensemble ; leurs serviteurs se prirent de querelle au sujet des pâturages ; il fallut se séparer. Abram, plein de générosité et de condescendance, laissa son neveu libre de choisir la région qu’il voudrait habiter. Lot se décida pour les rives fécondes du bas Jourdain, semblables alors, par leur fraicheur et leur beauté, au paradis terrestre et à la riante Égypte. Arrivé à Sodome, il s'établit au milieu de ses pervers habitants. Abram demeura toujours sous la tente, Heb., xi, 9, dans la terre de Chanaan, entre la Méditerranée et le Jourdain. Gen., xiii, 1-12.

La séparation opérée, il eut une vision dans laquelle le Seigneur renouvela la promesse de lui donner, à lui et à son innombrable postérité, le pays environnant. En signe de ses droits de future propriété, il pouvait le parcourir dans tous les sens. Il vint donc camper dans la vallée de Mambré, près d’Hébron, où il éleva un autel à Jéhovah, et où il conclut alliance avec les Chananéens.

En ce temps-là, Chodorlahomor, roi des Élamites, envahit la Palestine pour punir la révolte de plusieurs rois ses vassaux. Sodome et Gomorrhe furent pillées, et Lot emmené captif. Abram en fut instruit par un fuyard. Avec trois cent dix-huit de ses serviteurs les plus exercés, et ses alliés chananéens, il poursuivit les ennemis qui se retiraient, et les atteignit à l’extrémité septentrionale de la Palestine, à l’endroit où s'éleva plus tard la ville de Dan. Une surprise nocturne lui donna la victoire. Lot fut délivré, tout le butin repris, et les ennemis repoussés jusqu'à Hoba, au nord de Damas.

Au retour, deux grands personnages, le nouveau roi de Sodome et Melchisédech, roi de Salem, vinrent féliciter Abram. La rencontre eut lieu dans la vallée de Savé. Melchisédech, qui était prêtre du Très-Haut, offrit en sacrifice au Seigneur le pain et le vin, et bénit le vainqueur. Au prêtre qui le bénissait, - Abram donna la dîme de tout le butin. Le roi de Sodome lui laissait toutes les dépouilles ; il n’accepta rien pour lui, en dehors de ce qu’avaient consommé ses hommes, mais il réserva la part de ses alliés.

II. Seconde période.

Comme Abram pouvait craindre le retour des rois vaincus, Dieu, dans la vision qui commence la seconde période de son histoire, Gen., xv et xvi, dissipe ses appréhensions, et lui promet sa protection contre tous ses ennemis. Il lui prédit en outre une très grande récompense. Mais les biens temporels paraissent peu de chose au patriarche, privé d’enfant ; ses richesses passeront aux mains de son serviteur Éliézer. Dieu le console et lui annonce une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Abram crut, et sa foi lui fut imputée à justice. Cet acte de foi, loué par saint Paul, Rom., iv, 3 ; Gal., iii, 6, et par saint Jacques, ii, 23, était très méritoire ; la sainteté d' Abram en fut accrue.

La donation du pays de Chanaan est encore renouvelée. Tout en adhérant absolument dans son cœur à cette promesse, Abram en demande une garantie extérieure, et Dieu, condescendant à son désir, détermine lui-même le rite de leur alliance. Suivant l’ordre divin, Abram immola plusieurs animaux qu’il coupa en morceaux, une tourterelle et une colombe qu’il laissa intactes. Les oiseaux de proie venaient fondre sur les cadavres des victimes, mais il les chassait. Sur le soir, un sommeil profond et extatique et un indicible effroi le saisirent. Dieu lui prédit le séjour de sa race en Égypte durant quatre cents ans, sa servitude et son retour à la quatrième génération, quand les Amorrhéens auront mis le comble à leurs iniquités. Le soleil étant couché, Abram vit, au milieu d’une nuée ténébreuse, une fournaise d’où s'échappait beaucoup de fumée. Une flamme très vive en sortit, et passa entre les membres découpés des victimes. Cette vision symbolique était le signe de l’alliance conclue entre Dieu et Abram, et la garantie extérieure de la donation de tout le pays de Chanaan.

Après dix ans de séjour en Chanaan, Saraï, n’espérant plus avoir d’enfant, proposa à son mari de prendre pour femme l'Égyptienne Agar, sa servante. Abram y consentit, dans le désir de réaliser ainsi les promesses divines. Mais bientôt il dut abandonnera la maîtresse l’esclave, que sa fécondité rendait orgueilleuse. Pour échapper aux mauvais traitements de Saraï, Agar s’enfuit. Sur l’ordre d’un ange, elle retourna chez Abram, et lui donna un fils qui fut appelé Ismaël. Abram avait alors quatre-vingt-six ans.

III. Troisième période. Gen., xvii-xxi.

Treize ans après cet événement, Dieu renouvela son alliance et ses promesses. Dans sa quatre-vingt-dix-neuvième année, Abram eut une vision. Le Tout-Puissant rattache à la perfection de vie du patriarche l’exécution des promesses précédentes. Le nom d’ Abram, « père élevé, » est changé en celui d’Abraham, « père de la multitude, » pour rappeler l’immense postérité qui lui a été prédite. L’alliance entre elle et le Seigneur sera éternelle ; la terre de Chanaan lui appartiendra. La circoncision devient le symbole et le sceau de l’alliance de Dieu avec les fils d’Abraham. Quant à la postérité promise, elle descendra non pas d’Agar, mais de Saraï, qui désormais s’appellera Sara. À cette annonce, l’heureux patriarche, toujours prosterné à terre, rit d'étonnement et de joie. Les circonstances exceptionnelles de la promesse provoquaient son étonnement : « Pensez-vous qu’un fils naîtra à un centenaire, et que Sara nonagénaire enfantera ? » Saint Paul, Rom., iv, 19, a reconnu dans ce rire l’acte d’une foi inébranlable, qui produisit dans l'âme d’Abraham une augmentation de grâce. Mais la promesse d’un fils de Sara n’implique-t-elle pas le rejet d’Ismaël ? Abraham semble le craindre, et l’amour paternel lui fait demander la conservation de son premier-né. Dieu répète que le fils de Sara sera l’objet de l’alliance éternelle, et précise la date de sa naissance. Ismaël, souche de douze princes, aura une très nombreuse postérité. La vision terminée, Abraham se circoncit, lui, Ismaël et tous les mâles de sa maison, le même jour. Gen., xvii. Voir Circoncision.

Peu après, le patriarche, assis sur la porte de sa tente, pendant la chaleur du jour, eut, dans la vallée de Mambré, une nouvelle apparition du Seigneur. Trois personnages de forme humaine se tenaient non loin de lui. Afin de remplir les devoirs de l’hospitalité, Abraham court vers eux, les salue et les supplie de s’arrêter dans sa demeure. Tandis que Sara fait cuire des gâteaux sous la cendre, lui-même ordonne à un esclave de préparer un veau très tendre et très bon. Du beurre et du lait complètent le repas. Debout sous l’arbre de Mambré, Abraham sert ses hôtes. Ceux-ci, tout en mangeant, demandent des nouvelles de Sara. La réitération de la promesse d’un fils né d’elle était le but principal de leur visite. Le Seigneur, présent personnellement ou par ses envoyés, redit à Abraham que Sara deviendra mère avant un an.

Le châtiment de Sodome et des villes de la Pentapole était le second but de la démarche divine. Le Seigneur daigna l’annoncer à son fidèle serviteur Abraham, qui avait accompagné ses hôtes. Plein de compassion pour les coupables, Abraham intercède en faveur de Sodome. Entre lui et le Seigneur s’engage un admirable dialogue, qui fait ressortir sa foi en la miséricorde divine, et sa hardiesse autant que la touchante condescendance de Dieu, qui cède progressivement aux demandes répétées du grand patriarche. Suivant les traditions locales, cette scène se passait à l’endroit où fut bâti plus tard Caphar-Bérucha. Le Seigneur s’en alla et Abraham, demeuré seul, retourna à sa demeure. Anxieux de connaître le résultat de l’enquête divine sur Sodome et le sort de cette ville, il revint le lendemain, de grand matin, au lieu où il avait adressé la veille sa prière au Seigneur, et d’où il pouvait voir la Pentapole. Ses regards attristés aperçurent le terrible incendie qui dévorait la contrée. Lot cependant était sain et sauf, en considération de son oncle Abraham. Gen., xviii-xix.

Continuant de mener sa vie errante de nomade pasteur, Abraham, peu après cette catastrophe, passa quelque temps au sud de la Palestine, entre Cadès et Sur, et s'établit à Gérare. Sa vie et l’honneur de Sara y courent le même danger que vingt ans auparavant en Égypte. De nouveau il fait passer Sara pour sa sœur. Celle-ci, malgré son âge avancé, est conduite dans le harem d’Abimélech ; mais, averti en songe, le roi de Gérare rend Sara à son mari, auquel il adresse d’amicaux reproches et fait de riches cadeaux. — Abraham justifie sa conduite par la dépravation morale des habitants : il craignait d'être tué à cause de sa femme. D’ailleurs il n’a pas menti : Sara est vraiment sa sœur, la fille de son père, mais d’une autre mère. Aussi, en vertu d’une convention ancienne, Sara dit partout qu’elle est la sœur d’Abraham. — Abraham pria, et, selon la promesse faite à Abimélech, la prière de ce juste si étroitement uni à Dieu obtint la cessation du châtiment qui avait frappé le roi et toute sa maison. Ce récit, malgré ses ressemblances avec celui du séjour d’Abraham en Egypte, n’en est pas une répétition. Le temps, le lieu et les détails diffèrent et dénotent deux faits distincts. Les mœurs de l'époque expliquent la succession rapprochée et les analogies des deux épisodes. Gen., xx.

Tandis qu’Abraham habitait le pays de Gérare, la promesse des messagers divins s’accomplit. Au temps prédit, Sara mit au monde un fils, qu’Abraham nomma Isaac et circoncit huit jours après sa naissance. Le patriarche avait alors cent ans. Rom., iv, 19. À l'époque du sevrage de l’enfant, il y eut un grand festin. Sara, ayant remarqué sur les lèvres d’Ismaël un sourire moqueur et méprisant pour Isaac, exigea le bannissement d’Agar et de son fils. Cette mesure rigoureuse coûta au cœur paternel d’Abraham, et il fallut l’ordre de Dieu pour qu’il s’y résignât. Tout en approuvant les motifs de Sara, le Seigneur renouvelait les promesses précédentes, relatives à Ismaël. Toujours obéissant, Abraham remit à Agar quelques provisions et la renvoya, elle et son fils. Gen., xxi, 1-21.

Ce renvoi d’Agar et d’Ismaël est une conséquence fâcheuse de la polygamie. La paix et l’union ne peuvent durer longtemps au même foyer entre deux femmes et leurs enfants. Déjà, sous la tente d’Abraham, elles avaient été troublées par l’orgueilleuse conduite de l’esclave devenue mère. La jalousie d’Ismaël envers Isaac, son caractère emporté et indépendant, prédit par l’ange, Gen., xvi, 12, firent craindre à Sara des querelles nouvelles ; elle exigea la séparation. D’ailleurs, depuis la naissance d’Isaac, la position d’Ismaël avait changé : Isaac devant être l’unique héritier, Ismaël n’appartenait plus à la race choisie. L’accomplissement des desseins de Dieu réclamait tôt ou tard son éloignement. Abraham le comprit et, sur l’ordre divin, renvoya son épouse et son fils. Il y a lieu aussi de croire que la signification surnaturelle de cette expulsion (voir Agar) ne lui fut pas complètement cachée. On l’a accusé de dureté dans cette circonstance. Le peu de provisions qu’il remit à Agar les exposait, elle et son fils, à mourir de faim et de soif dans le désert ; l'événement ne le montra que trop. — On peut répondre que si Ismaël fut sur le point de mourir de soif, c’est parce que sa mère s'égara dans le désert. L’expression biblique, Gen., xxi, 14, permet de supposer qu’Abraham l’avait chargée des vivres suffisants pour le voyage. Le père, d’ailleurs, comptait sur l’hospitalité des habitants du pays, et sur une providence particulière de Dieu, qui ne fit pas défaut à Ismaël. Enfin celui-ci, âgé d’environ dix-sept ans, pouvait suffire à ses besoins, et, la première détresse passée, il y suffit réellement. — Abraham garda toujours de la tendresse pour son fils, auquel il donna avant de mourir un apanage. Gen., xxv, 6.

Au même temps où Agar était chassée, le roi Abimélech vint demander à Abraham son alliance. Avant d’y consentir, le patriarche se plaignit d’une violence commise par les serviteurs du roi de Gérare, qui s'étaient emparés d’un puits creusé par ses soins. Abimélech s’excusa ; Abraham lui fit des présents ; le contrat d’alliance fut conclu devant témoins, et tous deux se jurèrent une éternelle fidélité. Puis, pour confirmer ses droits sur le puits en litige, le patriarche donna encore sept brebis. Le théâtre de ces événements fut nommé Bersabée. Après le départ d’Abimélech, Abraham y planta un tamaris et y invoqua Jéhovah. Gen., xxi, 22-34.

IV. Quatrième période. Gen., xxii-xxv, 10.

Il séjournait dans ces contrées depuis vingt-cinq ans, suivant Josèphe, Ant.jud., i, xiii, 2, quand son obéissance et sa foi turent soumises à une très dure épreuve. Dieu lui ordonne d’immoler son fils Isaac au lieu qu’il lui désignera. En réalité, Dieu n’exigera pas l’effusion du sang humain ; il veut seulement tenter son fidèle serviteur, éprouver son obéissance et sa foi, et les faire briller du plus vif éclat. Un commandement si extraordinaire surprit sans doute Abraham ; la raison et l’amour paternel semblaient devoir l’empêcher de l’exécuter. La parole de Dieu l’emporta. Abraham comprit que le souverain maître de la vie a le droit de reprendre ce qu’il a donné, et, éclairé par une lumière et soutenu par une force divines, il obéit sans hésitation, mais non sans de vives angoisses, à l’ordre qu’il avait reçu. Sa foi dans les promesses de Dieu ne diminua pas ; elle ne lui permettait pas de douter que le Seigneur, de quelque manière que ce fût, ne lui rendit le fils de la promesse, et, en l’immolant, il pensait que Dieu était assez puissant pour ressusciter Isaac. Heb., xi, 17-19. Cet acte héroïque accrut sa sainteté. Jac, ii, 21. Se levant de nuit, il sangla son âne, prit deux jeunes serviteurs avec Isaac, coupa le bois du sacrifice, et alla droit au mont Moriah, que le Seigneur lui avait indiqué. Voir Moriah. Après trois jours de marche, les serviteurs eurent ordre d’attendre avec l'âne son prochain retour. Le bois du sacrifice fut mis sur les épaules d’Isaac ; Abraham portait le feu et le glaive. Tout en cheminant, le fils dit à son père : « Il n’y a pas de victime. » Abraham répondit évasivement : « Dieu y pourvoira. » A l’endroit désigné, le père éleva un autel, y disposa le bois, lia son fils et le plaça sur le bûcher. Déjà sa main était armée du glaive pour frapper, quand Dieu, satisfait du sacrifice intérieur, lui commanda par la voix d’un ange de surseoir à l’immolation. Abraham, levant les yeux, vit derrière lui un bélier embarrassé par les cornes dans un buisson épineux ; il le prit et l’immola à la place d’Isaac. Le lieu du sacrifice fut appelé la Montagne de la providence de Jéhovah. Gen., xxii, 1-14.

Dieu alors renouvela pour la dernière fois ses anciennes promesses, et les garantit par un serment solennel. Gen., xxii, 15-18 ; Heb., vi, 13-17. La bénédiction divine procurera à Abraham une nombreuse et heureuse postérité ; par un de ses rejetons, par le Messie, Act., iii, 25-26 ; Gal., iii, 16, il sera pour toutes les nations une source de bénédictions. Ce dut être alors que, selon la parole de Jésus-Christ, Joa., viii, 56, le patriarche tressaillit pour voir les jours du Messie, les vit et en fut dans la joie. Abraham et Isaac rejoignirent leurs serviteurs, et ils retournèrent tous ensemble à Bersabée, où ils continuèrent d’habiter et où ils reçurent des nouvelles de la famille de Nachor. Gen., xxii, 19-24.

Sara mourut à l'âge de cent vingt-sept ans, à Hébron. Abraham lui rendit les derniers devoirs et la pleura. Pour l’enterrer, il acheta aux fils de Heth une grotte, qui devint le tombeau de la famille. Le contrat de vente présente un tableau très remarquable des mœurs et des usages orientaux. Vigouroux, loc. cit., p. 480-486. La négociation fait ressortir qu’Abraham était étranger dans la terre promise à sa race. Le seul bien-fonds qu’il y posséda fut un tombeau. Gen., xxiii.

Chargé de jours et âgé d’environ cent quarante ans, Abraham voulut marier Isaac. Pour ne pas unir le père du peuple élu à une femme chananéenne, il envoya son intendant Éliézer, en Mésopotamie, choisir à Isaac une épouse de sa famille. Le vieux serviteur reçut aussi l’ordre de ne jamais reconduire son jeune maître au pays d’où venait son père. Éliézer ramena Rébecca. Gen., xxiv.

Après la mort de Sara et le mariage d’Isaac, Abraham prit une troisième femme, nommée Cétura, dont il eut encore six fils. Ce tardif mariage n’a été contracté, suivant la juste remarque de dom Calmet, qu’en vue d’avoir des enfants qui répandraient sur terre la vraie religion, et qu’afin de mieux réaliser la promesse divine d’une nombreuse postérité. Gen., xxv, 1-4.

Avant de mourir, Abraham disposa de sa fortune. Tous ses biens passèrent à Isaac, son unique héritier. Les fils des femmes de second ordre reçurent quelque apanage, mais furent envoyés hors de la Palestine, dans la direction de l’est, vers l’Arabie. Avancé en âge et plein de jours, Abraham mourut dans une bonne vieillesse. Il avait vécu cent soixante-quinze ans. Son âme fut réunie à celles de ses pères, et son corps enseveli par Isaac et Ismaël auprès de celui de Sara, dans la caverne de Macpélah.

V. Abraham dans les livres postérieurs de l’Ancien Testament.

Le nom d’Abraham, ses exemples, son alliance avec Dieu, les promesses qu’il a reçues, les épreuves qu’il a subies, les vertus qu’il a pratiquées, remplissent l'Écriture. Les écrivains des deux Testaments, en retraçant au peuple élu ses destinées, en rappelant les voies qui ont préparé la rédemption, remontent presque toujours jusqu'à lui. Jéhovah daigna porter le nom de « Dieu d’Abraham », Exod., iii, 6, 15, 16 ; iv, 5 ; Tobie, vii, 15 ; Esther, xiii, 15 ; xiv, 18 ; Ps. xlvi, 10 ; Act., iii, 13 ; vii, 32, et Jésus-Christ a trouvé dans ce titre une preuve de la résurrection, Matth., xxii, 32 ; Marc, xii, 26 ; Luc, xx, 37. Dieu lui-même fonde les droits des Hébreux sur la terre de Chanaan sur ses apparitions, Exod. vi, 3, et sur ses promesses à Abraham, Exod., vi, 8 ; xxxii, 13 ; xxxiii, 1 ; Deut., xxxiv, 4. Il se souvient de l’alliance contractée avec lui, Lev., xxvi, 42, et Moïse ne cesse de la rappeler à son peuple, Exod., ii, 24 ; Nomb., xxxii, 11 ; Deut., i, 8 ; vi, 10 ; ix, 5, 27 ; xxix, 13 ; xxx, 20. Josué dans ses adieux, xxiv, 3 ; Élie avant d’offrir le sacrifice, III Rois, xviii, 36 ; l’auteur du quatrième livre des Rois, xiii, 23 ; David dans ses psaumes, civ, 6, 9 ; I Par., xvi, 16, et sa dernière prière, I Par., xxix, 18 ; Josaphat lors du jeune solennel qu’il a célébré, II Par., xx, 7 ; Ézéchias, ibid., xxx, 6 ; Néhémie, II Esd., ix, 7 ; les Juifs de Jérusalem dans leur lettre à leurs coreligionnaires d’Egypte, II Mach., i, 2, mentionnent cette alliance. Judith, viii, 22, et Mathathias, I Mach., ii, 52, font allusion aux épreuves du patriarche. L’Ecclésiastique, xliv, 20-23, contient son éloge. Dieu, par la bouche des prophètes, l’appelle son ami, Isaïe, xli, 8, exhorte à la vertu par son exemple, Is., li, 1 et 2, et rappelle aux Juifs les promesses qu’il a faites à son serviteur, Jer., xxxiii, 26 ; Baruch, ii, 34 ; Ezech., xxxiii, 24. Michée, vii, 20, et les enfants dans la fournaise, Dan., III, 35 et 36, l’en font aussi souvenir.

VI. Abraham dans le Nouveau Testament.

Dans l'Évangile, Marie et Zacharie chantent les promesses et l’alliance d’Abraham. Luc, i, 55 et 73. Jésus-Christ est le fils d’Abraham. Matth., i, 1 ; Luc, iii, 34. Les Juifs se flattaient de ce titre. Matth., iii, 9 ; Luc, iii, 8. Jésus l’a donné à une malade, Luc, xiii, 16, et à Zachée, Luc, xix, 9 ; mais il assure que les Juifs qui n’accomplissaient pas les œuvres d’Abraham perdaient tous droits aux privilèges de sa race. Joa., viii, 33-44. Abraham est au ciel, Luc, xiii, 28 ; comme il est le père de tous les croyants, les justes, Juifs, Luc, xvi, 22-30, et Gentils, Matth., viii, 11, reposeront dans son sein. Saint Pierre, saint Etienne, Act., iii, 25 ; vii, 2-8, 17, et saint Paul, Héb., vi, 13, rappellent aux Juifs les promesses faites à leur ancêtre. L’Apôtre des Gentils montre leur accomplissement dans la personne de Jésus-Christ, Gal., iii, 16-18, fils d’Abraham, Heb., ii, 16. Il s’honorait d'être fils d’Abraham, Rom., xi, 1 ; II Cor., xi, 22 ; il donne aux Juifs ce nom, Act., xiii, 26, mais il expose explicitement, Rom., IX, 7-9, et allégoriquement, Gal., iii, 29 ; iv, 22-31, qu’il vaut mieux être fils d’Abraham par les œuvres que par le sang. Les relations d’Abraham avec Melchisédech servent de preuve à saint Paul pour établir la supériorité du sacerdoce de Jésus-Christ sur le sacerdoce lévitique. Heb., vii. Il loue la foi du patriarche, Rom., iv, 1-24 ; Gal., iii, 6-9 ; Heb., xi, 8-19, et saint Jacques, ii, 21-23, fait de même.

VII. Abraham dans l’histoire profane et dans la légende.

Abraham n’est pas resté inconnu à l’histoire profane. Bérose, cité par Josèphe, Antiq. jud., i, vii, 2, parle d’un homme juste, grand et versé dans les choses célestes, qui vivait parmi les Chaldéens à la dixième génération après le déluge, et Josèphe croit, sans aucune vraisemblance du reste, qu’il s’agit d’Abraham. L’historien Nicolas de Damas, dont le témoignage est rapporté par le même auteur, dit qu’Abraham sortit de la Chaldée avec une année, se rendit d’abord à Damas, et y régna quelque temps avant d’entrer dans le pays de Chanaan. Selon Justin, xxxvi, 2, Abraham fut le quatrième roi de Damas. Eusèbe de Césarée, Præpar. Ev., ix, 16-20, t. xxi, col. 705-713, a recueilli sur Abraham les renseignements fournis par Bérose, Hécatée, Nicolas de Damas, Eupolème, Artapan, Melon et Philon l’Ancien, cités par Alexandre Polyhistor et Josèphe. Les livres des Sabéens parlent des croyances monothéistes d’Abraham, et des dissensions qui s'élevèrent à ce sujet entre lui et les habitants de la Chaldée, et qui l’obligèrent d'émigrer après avoir perdu tous ses biens. Les traditions que rapportent ces livres n’ont d’ailleurs aucune valeur historique sérieuse.

La légende a embelli l’histoire du grand patriarche. Les Arabes, qui descendent de lui par Ismaël et le surnomment Kalil-Allah, « l’ami de Dieu, » débitent sur sa vie un grand nombre de fables, puisées en partie dans les écrits des rabbins (d’Herbelot, Bibliothèque orientale, au mot Abraham, p. 12-16 ; F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. vi, 1888, p. 404-406). Josèphe, Ant. jud., i, viii, Philon, De Abrahamo, Nicolas de Damas et Eupolème dans Eusèbe, loc. cit., et quelques écrivains ecclésiastiques parlent de la profonde science d’Abraham dans l’astronomie, la métaphysique et les mathématiques. Suidas, au mot Abraham, veut qu’il ait inventé les lettres et la langue hébraïques, et saint Isidore de Séville, Etym., 1. I, c. iii, n. 5, t. lxxxii, col. 75, les caractères syriaques et chaldaïques. On lui attribue divers ouvrages, entre autres le Ietzirah ou livre de la Création, un traité de l’idolâtrie, et les psaumes lxxxviii et lxxxix, inscrits aux noms d’Héman ou d'Éthan. Les rabbins lui attribuent les prières du matin. Talmud de Jérusalem, Berakhoth, c. iv, n. 1 ; trad. franc, de Schwab, p. 72 ; Talmud de Babylone, ibid., p. 328. Les mages croient qu’il est le même personnage que Zoroastre, et qu’il a composé les livres Zend, Pazend et Vostha, qui contiennent tous leurs points de doctrine. Fabricius, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti, 2e édit., Hambourg, 1722, l. 1, p. 341-428, a réuni tous les documents relatifs à la littérature légendaire sur Abraham.

VIII. Culte rendu à Abraham.

L’Eglise honore la mémoire du père des croyants. À partir du ixe siècle, son nom a été inséré dans les martyrologes ; il se trouve dans ceux d’Adon et d’Usuard, et dans le romain au 9 octobre. Dès le temps du pape Damase, il est fait mention de son sacrifice au canon de la Messe. Il est invoqué dans les prières pour la recommandation de l'âme. Les Coptes célèbrent sa fête le 28 mars ; l'Église syriaque fait mémoire le 20 janvier de son épreuve du feu. L’ordre de Fontevrault et l’Oratoire de France avaient un office en son honneur.

IX. Bibliographie.

S. Ambroise, De Abraham, t. xiv, col. 417-500 ; A. Masson, Histoire du patriarche Abraham, 1688 ; Heidegger, Historia sacra Patriarcharum, 2e édit., Amsterdam, 1688 ; Augusti, Dissertatio de fatis et faclis Abrahami, in-4o, Gotha, 1730 ; Withof, Programma de Abrahamo, amico Dei, Duisbourg, 1743, in-4° ; Hobbing, History of Abraham, Londres, 1746, in-8° ; Gillebank, Scripture history of Abraham, Londres, 1773, in-8° ; Holst, Scenen aus dem Leben Abraham’s, Chemnitz, 1828 ; Engelstaft, Historia populi judaiei biblica usque ad occupationem Palestinæ, Copenhague, 1832 ; Roos, Fusstapfen des Glaubens Abraham, Tubingue, 1837 ; Passavant, Abraham und Abraham’s Kinder, Bäle, 1848 ; Beer, Leben Abraham’s nach Auffassung der jüdischen Sage, Leipzig, 1859 ; Bernstein, Krilische Untersuchung über den Ursprung der Sagen von Abraham, Isaak und Jacob, Berlin, 1871 ; Tomkins, Studies on the times of Abraham, Londres (sans date).

E. Mangenot.
2. ABRAHAM (le sein d') est une locution métaphorique en usage parmi les contemporains de Jésus-Christ, pour designer le lieu dans lequel les âmes saintes, sorties de ce monde, jouissaient du repos et du bonheur. « Si vous ne voulez point plaisanter ou vous tromper puérilement, écrivait saint Augustin à Vincentius Victor, qui prenait cette expression au sens littéral propre, entendez par le sein d’Abraham le lieu de repos éloigné et caché où est Abraham. » De anima et ejus origine, 1. IV, c. xvi, n° 24, t. xliv, col. 538. Dans la langue des rabbins, « être dans le sein d’Abraham, » beḥêqô šél ʾAbraham, signifiait être heureux après la mort. Lightfoot, Horæ hebraicæ et talmudicæ, in Luc, xvi, 22. L’auteur du quatrième livre des Machabées, xiii, 16, joint au nom d’Abraham ceux d’Isaac et de Jacob. Le Sauveur a employé cette image dans la belle parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare, Luc, xvi, 22 et 23, dans laquelle il résout en quelques mots clairs et décisifs le difficile problème de l’inégale répartition des biens et des maux ici-bas.

L’origine de cette métaphore, qui dépeint si gracieusement le repos et la joie des justes dans les limbes, est diversement expliquée. De l’aveu de tous, l’union, l’intimité avec Abraham, la participation à son bonheur, y sont exprimées. Cf. Joa., i, 18. Voulant préciser davantage la nature du bonheur goûté, les anciens commentateurs reconnaissaient dans cette image une allusion à la coutume, signalée dans l’Ancien Testament, II Reg., xii, 3 ; III Reg., iii, 20 ; xvii, 19, qu’ont les parents de faire reposer à côté d’eux leurs enfants, et de les prendre dans leurs bras et sur leurs genoux, après les fatigues d’une longue course, à leur retour à la maison, ou à la suite d’une contrariété. Semblables à des enfants fatigués et affligés, qui trouvent sur le sein paternel un doux repos et une prompte consolation, les justes, souvent pauvres, abandonnés, méprisés, souffrants comme Lazare ici-bas, goûtent après leur mort, dans le sein d’un père, la joie qu’ont méritée leurs souffrances. Abraham est ce père, lui, le père de tous les croyants, Rom., iv, 16 et 17, des hommes justifiés par la foi. Tertullien, Adversus Marc, IV, 34, t. ii, col. 444 ; S. Augustin, loc. cit. ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Joannis Evangelium, i, 10, t. lxxiii, col. 181. Tous ceux qui ont partagé sa foi sont ses fils et auront part à sa récompense. « Anima ; hominùm post mortem ad quietem pervenire non possunt nisi merito fidei ; quia accedentem ad Deum oportet credere. Heb., xi, 6. Primum autem exemplum credendi hominibus in Abraham datur, qui primus se a coetu infidelium segregavit et spéciale signum fidei accepit. Et ideo requies illa quse hominibus post mortem datur, sinus Abrahæ dicitur. » S. Thomas, Sum. th., 3e p., q. 69, a. 4.

Maldonat, Comment. in quatuor Evangelia, Pont-à-Mousson, 1596, p. 529, proposa une nouvelle explication, préférée par plusieurs exégètes modernes. Il rapproche la métaphore des passages scripturaires qui représentent le royaume du ciel comme un festin. Les justes y seront à table avec les hommes pieux de l’Ancien Testament, Abraham, Isaac et Jacob. Matt., viii, 1 1 ; Luc, xiii, 29 ; xiv, 15 ; xxii, 30. Conformément à la coutume des anciens, qui mangeaient à demi couchés et inclinés les uns vers les autres, les convives devaient reposer sur le sein d’Abraham, le président de l'éternel festin, comme saint Jean à la dernière Cène sur celui de Jésus. Joa., xiii, 23. À vrai dire, ce banquet réservé aux serviteurs du Messie paraît distinct du repos goûté dans le sein d’Abraham. Dans l'Évangile, il n’est encore qu’une promesse, il désigne un bonheur futur, tandis que le sein d’Abraham est le théâtre d’une joie déjà accordée. Abraham, il est vrai, deviendra convive du festin messianique, mais c’est après avoir quitté les limbes pour jouir au ciel d’un bonheur plus parfait. Atzberger, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung in Alten und Neuen Testamente, Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 246. La première explication, d’ailleurs, répond mieux à la nature du bonheur goûté dans le sein d’Abraham.

Ce bonheur ressort du contraste établi par la parabole entre la situation du pauvre et la situation du riche. Celui-ci est torturé dans les flammes, celui-là repose tranquillement sur le sein d’Abraham ; le riche expie dans les tourments sa vie sensuelle et sa dureté envers Lazare, et brûle d’une soif dévorante, qui lui fait désirer comme une grande faveur le rafraîchissement que lui donnerait une goutte d’eau déposée sur l’extrémité de sa langue ; le pauvre est consolé des maux qu’il a patiemment supportés sur la terra. Repos, consolation et rafraîchissement, voilà, décrit en trois mots, le bonheur du juste dans le sein d’Abraham, bonheur incomplet, repos imparfait, consistant dans l’immunité de la peine. S. Thomas, loc. cit. Le sein d’Abraham n’est, par suite, qu’un séjour provisoire, où les justes attendent le bonheur parfait, le repos complet dans la vision de Dieu. S. Thomas, ibid., a. 5.

La position de ce lieu d’attente peut être déterminée d’après les détails de la parabole évangélique, — qui nous permet d’entrevoir le monde d’outre-tombe, — rapprochés des enseignements de la théologie rabbinique. Dans la parabole, le sein d’Abraham est distinct de l’enfer, dans lequel le riche est tourmenté. Les rabbins, eux aussi, divisaient le scheôl ou séjour de tous les morts en deux parties : le sein d’Abraham pour les justes, et la géhenne pour les méchants. Leur disposition permettait d’apercevoir de l’une ce qui se passait dans l’autre. Elles n'étaient séparées que par une largeur de main, ou par l’espace qu’occupe une muraille ordinaire. On pourrait croire, à première vue, que Notre-Seigneur corrige sur ce dernier point l’enseignement des rabbins. Cf. Tertullien, Adversus Marc, iv, 34, t. ii, col. 444. Il nous montre, en effet, Abraham et Lazare éloignés du riche, qui élève les yeux pour les voir et la voix pour se faire entendre d’eux. Toutefois, selon l’interprétation des meilleurs commentateurs, ces images ne déterminent pas la distance locale, mais seulement la distance morale qui sépare les deux situations, la différence d'état des personnages mis en scène. Aussi saint Thomas, ibid., a. 5, adoptant le sentiment commun des Pères (Petau, Theol. dogmat., de Incarnat., 1. XIII, c. xviii, n° 5, t. v, p. 372-373 ; Maldonat, loc. cit.), enseigne-t-il que le sein d’Abraham et l’enfer étaient voisins. Malgré leur rapprochement, une distance infranchissable les séparait. Entre eux il y avait un gouffre, un abîme béant et sans pont, barrière qui rendait impossible toute intervention des saints en faveur des damnés. La séparation sera éternelle ; le sort de chacun est fixé irrévocablement ; la condition des uns et des autres est immuable : le juste sera toujours heureux, le méchant toujours malheureux. On a justement remarqué aussi que la réponse douce, calme et ferme d’Abraham à la première demande du riche n’exprime aucun sentiment de compassion pour ce malheureux. Soumis aux décrets de la justice divine, le patriarche fait comprendre à son interlocuteur que ses souffrances sont méritées.

Un abîme semblable n’existe pas entre le sein d’Abraham et la terre, quoi qu’en ait pensé Tertullien, De anima, lvii, t. ii, col. 749. La seconde demande du riche, Luc, xvi, 28 et 29, prouve que l'âme heureuse peut communiquer avec les nommes et leur attester l’existence des mystères d’au delà du tombeau. Abraham, en effet, ne nie pas la possibilité d’un tel commerce ; s’il rejette la requête du riche, c’est que la parole divine suffit aux hommes de foi, et que même la résurrection d’un mort ne convertirait pas les mondains dont la volonté est mauvaise.

L’expression « sein d’Abraham » a passé de l'Évangile dans la théologie et la liturgie catholiques. Sous la plume des saints Pères, elle désigne tantôt le lieu où les âmes des patriarches et des prophètes habitaient avant que Jésus-Christ les en eût retirées pour les introduire au ciel, S. Augustin, Epist. cixxxviii, c. ii, n° 6, t. xxxiii, col. 834 ; De Genesi ad litteram, xii, 63 et 64, t. xxxiv, col. 481-482, etc., et où, selon Tertullien, Adversus Marc., iv, 34, t. ii, col. 444 ; De Anima, vii, t. ii, col. 657 ; lvii, col. 743 ; voir Paradis, et Klee, Manuel de l’histoire des dogmes chrétiens, trad. Mabire, Paris, 1848, t. ii, p. 444, elles devaient demeurer jusqu'à la fin du monde et la résurrection générale ; tantôt le ciel, où elles ont été emmenées au sortir des limbes. S. Ambroise, De obitu Valentiniani, 72, t. xvi, col. 580 ; S. Augustin, Confess., ix, 3, t. xxxii, col. 765 ; Quæst, evang., ii, 38, t. xxxv, col. 1350 ; etc. C’est une des formules servant d'épitaphe sur les tombeaux chrétiens des premiers siècles. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., Paris, 1877, au mot Paradis, p. 577. La liturgie de saint Basile, Renaudot, Liturg. orient. collect., Paris, 1716, t. i, p. 72, et la liturgie romaine, Ordo commendationis animæ, De exequiis ; cf. Office de saint Martin de Tours, demandent que les anges conduisent l'âme du défunt dans le sein d’Abraham, c’est-à-dire au céleste séjour. « L’art chrétien, surtout au xiiie siècle, représentait volontiers le ciel sous cette naïve figure. On la voit sculptée à Saint-Étienne de Bourges, à Moissac, à Vézelay, à Notre-Dame de Reims. » Fillion, Évangile selon saint Luc, Paris, 1882, p. 298. Deux lieux différents, les limbes et le ciel, ont pu, remarque saint Thomas, loc. cit., a. 4, ad 2um, porter le même nom à raison de leur destination commune, tous deux étant des lieux de repos, de rafraîchissement et de paix. L’un a succédé à l’autre ; et depuis l’ascension de Jésus, selon la parole de saint Augustin, Quœst. evang., ii, 38, t. xxxv, col. 1350, « le sein d’Abraham est le lieu de repos des pauvres bienheureux, à qui appartient le royaume des cieux, dans lequel ils sont reçus après cette vie. »

E. Mangenot.

3. ABRAHAM BEDERSI, BEN ISAAC, surnommé Bedersi, c’est-à-dire de Béziers, d’après la transcription juive du nom de cette ville, d’où il était originaire, fut un des poètes juifs les plus célèbres de la Provence, quoique ses nombreuses productions, dénuées d’imagination, ne méritent pas ce renom. Il florissait vers 1240. La date de sa mort doit être placée de 1296 à 1300. Il fit un dictionnaire des synonymes hébreux, sous le titre de Ḥôṭam ṭokniṭ, Ezech., xxviii, 12, Le sceau de la perfection. Ce travail, le premier de ce genre composé dans la littérature hébraïque, est assez riche en développements. Les lexiques de ses prédécesseurs y sont largement mis à contribution. Le Ḥôṭam ṭokniṭ a été édité par Gabriel Pollak, 1863. La bibliothèque de Leyde possède le seul manuscrit connu, encore est-il incomplet.

4. ABRAHAM-BEN-MÉIR-IBN-EZRA. Voir ABEN-ESRA.

5. ABRAHAM CHASAN, BEN JUDA, rabbanite polonais, un des plus judicieux exégètes de ce pays, composa un commentaire succinct sur les prophètes, les hagiographies et les cinq Megilloṭ. Dans cet ouvrage, il sait mettre à profit les commentaires plus anciens, comme ceux de Raschi, d’Aben-Esra, de Kimchi, etc., et il traduit en allemand les mots difficiles de l'Écriture. In-f°, Lublin, 1593, 1612.

6. ABRAHAM DE BALMÈS, BEN MÉIR, grammairien juif du xve siècle, né à Lecce, dans le royaume de Naples, fut médecin du cardinal Gammari, et professeur à l’université de Padoue. Il se fit connaître par une traduction latine des œuvres d’Averroès. On lui doit aussi une grammaire de la langue hébraïque, intitulée MiqnêhʾAbram, Gen., xiii, 7, La possession d’Abram. Cette grammaire, en hébreu et en latin, n'était pas achevée quand il mourut, à Venise, en 1523. Elle fut continuée par R. Kalonymosben-David, et publiée par Bomberg. Abraham montre dans cet ouvrage une grande érudition, et en exposant ses idées personnelles, en discutant les opinions des anciens grammairiens, il fait preuve d’un grand sens critique, mais il pèche par la méthode. Cette grammaire fut imprimée à Venise, par Bomberg, in-4°, 1523 ; la traduction latine à Anvers, in-4o, 1564 ; hébreu et latin, Hanau, 1594.

7. ABRAHAM DE BETH-RABBAN, ainsi nommé du lieu de sa naissance, plus connu sous le nom d’Abraham de Nisibe. (Voyez ce nom.)

8. ABRAHAM DE LONSANO, BEN RAPHAËL, auteur d’une grammaire hébraïque, intitulée QinyanʾAbraham, Possession d’Abraham, in-8°, Zolkiew, 1723.

9. ABRAHAM DE NISIBE ou DE BETH-RABBAN. Écrivain nestorien, qui succéda à Narsai dans l’école de Nisibe (Assemani, Bibliotheca orientalis, t. iii, part, i, p. 71), probablement dès le commencement du vie siècle. Suivant Ébedjésu, ibid., il écrivit un commentaire sur Josué, les Juges, les Rois, l’Ecclésiastique, Isaïe, les douze petits Prophètes, Daniel, le Cantique des cantiques ; mais cet ouvrage ne nous est pas parvenu. Ébedjésu lui attribue encore un livre sur les pauses à observer dans la récitation du psautier, et aussi une collection d’hymnes. Le premier de ces ouvrages nous est également inconnu ; mais on trouve parfois, à la fin des Psautiers nestoriens, l’une des hymnes mentionnées par Ébedjésu, notamment dans le Mss. Add. 7156, fol. 157 b du British Muséum, à Londres, Il ne faut pas confondre cet auteur avec un autre Abraham qui vécut plus tard. Cf. W. Wright, Syriac literature, dans l’Encyclopædia Britannica, 9e édit., t. xxii, p. 836, notes 22 et 24.
R. Graffin.
10. ABRAHAM DE PORTALEONE, BEN DAVID, connu aussi sous le nom d’Abraham Aryéh, abréviation de Miššaʿar ʾaryéh, c’est-à-dire de « Porte du lion » ; ou encore sous le nom d’Abraham Roféh, c’est-à-dire « le Médecin », naquit à Mantoue en 1542. Il alla étudier à Pavie la philosophie et la médecine, et il y obtint, en 1563, le titre de docteur. Sa mort arriva en 1612. Il composa un livre sur les antiquités judaïques, intitulé Šiltê haggiborîm, Les boucliers des forts, Cant., iv, 4, où il traite du temple, de sa structure, des autels, des habits sacerdotaux, du chant, de la musique et des instruments de musique des Hébreux, etc. Wagenseil appelle cet ouvrage « livre excellent, expliquant solidement les antiquités judaïques, livre d’or ». Conrad Iken s’en est beaucoup servi dans son livre des Antiquitates hebraicæ, in-4o, Brême, 1730. Il a été imprimé à Mantoue, in-f°, 1612. La traduction latine a été publiée par B. Ugolini, dans son Thesaurus antiquitatum sacrarum.

11. ABRAHAM ECHELLENSIS. Voir Echellensis.

12. ABRAHAM FARRISSOL, BEN MARDOCHAÏ, originaire d’Avignon, alla se fixer à Mantoue, puis à Ferrare. Célèbre par ses ouvrages de géographie et de cosmographie, il n’a pas la même valeur comme exégète ; il ne fait que suivre les sentiers battus des interprètes juifs de son temps. On a de lui un commentaire très court sur le Pentateuque, Pirḥê šôšannîm, Fleurs des lis ; un commentaire sur l’Ecclésiaste ; un autre sur Job, imprimé dans la Bible rabbinique de Venise, 1518, et publié à Amsterdam dans l’ouvrage de Moïse Francfürter, intitulé Qehilaṭ Môšeh.

13. ABRAHAM GALANTE, rabbin italien, mort à Rome, au commencement du xvi° siècle, donna un commentaire cabalistique sur les Lamentations de Jérémie, Qînaṭ seṭârim, Lamentation mystérieuse, in-4°, Venise, 1589 ; in-4°, Prague, 1621.

14. ABRAHAM HALLÉVI, surnommé Hazzaqên (l’Ancien), disciple de Moïse Corduero, vivait à Jérusalem au XVIe siècle. Il donna un commentaire cabalistique sur les soixante-dix semaines de Daniel, Mešârê qitrin, Celui qui résout les problèmes, Dan., v, 16. « Les futilités contraires au texte, dit Bartolocci, abondent en cet ouvrage. » Publié à Constantinople, in-4°, 1510. 15. ABRAHAM HALLÉVI, BEN ISAAC, publia le Cantique des cantiques avec commentaires : l’un littéral, l’autre allégorique et mystique. Sabionetta, 1558. La Bibliothèque nationale en possède un manuscrit de 1481.

16. ABRAHAM HALLÉVI, BEN MEGAS (Ibn-Mîgâs), rabbin espagnol, auteur du Kebod ʾÉlohim, La gloire de Dieu, Ezech., ix, 3, interprétation spirituelle du Pentateuque, in-4o, Constantinople, 1605.

17. ABRAHAM KALMANKAS, BEN JOSEPH, le plus célèbre des cabalistes allemands du xvi « siècle, fit un commentaire sur la Genèse, Haʾêšél, Le tamaris. Lublin

18. ABRAHAM MAÏMOUNI, né en 1184, mort en 1234, outre des gloses sur la Mischnah, composa, d’après les principes du célèbre Maïmonide, son père, un commentaire arabe sur le Pentateuque dont la bibliothèque bodléienne conserve un manuscrit.

19. ABRAHAM OSTROH, BEN DAVID, auteur d’un commentaire sur le Targum, imprimé dans une édition du Pentateuque avec les trois Targums araméens. In-f°, Hanau, 1614 ; in-f°, Francfort-sur-l’Oder, 1681.

20. ABRAHAM SABBA, juif-espagnol, cabaliste, distingué comme exégète, se retira à Lisbonne à l'époque de l’expulsion des Juifs, en 1492 ; puis de là à Fez, dans le Maroc. Le plus connu de ses écrits est le Ṣerôr hammôr, Bouquet de myrrhe, Cant., i, 13 (12), commentaire sur le Pentateuque, où il n’use que modérément des doctrines de la cabale, et se renferme souvent dans la seule exégèse rationnelle. Il fut publié à Constantinople, in-f°, 1514 ; à Venise, in-f°, 1513, 1546, 1566 ; à Cracovie, 1595.

21. ABRAHAM SEEB OU ZEEB, BEN BENJAMIN, mort en 1698, dans la Lithuanie, auteur d’un commentaire littéral et spirituel sur le Pentateuque, ZéraʿʾAbrâham, La race d’Abraham, Gen., xxj, 12, in-4o, Salzbourg, 1685.

22. ABRAHAM USQUE, né à Lisbonne, fut du nombre des émigrés qui, à l'époque de l’expulsion des juifs (1493-1506), allèrent se fixer à Ferrare. Il y établit une imprimerie et se rendit célèbre par la publication de la Bible des Juifs, ou Bible de Ferrare : Biblia en lengua espanola, traduzida palabra por palabra de la verdad hebrayca, por muy excellentes letrados, con yndustria y diligencia de Abrahà Usque Portugues. Estampada en Ferrara, en 14 de Adar de 5313 (1553), in-f°, goth. Elle était dédiée à dona Gracia Naci. Il parut en même temps une autre édition, qui ne diffère guère que par la dédicace et la suscription. Cette édition, à l’usage des chrétiens espagnols, est dédiée au duc Hercule d’Este ; et les noms d’Abraham Usque et Tob Atias, qu’on lit dans le titre de la Bible des juifs, sont remplacés par ceux de Duarte Pinel et Jéronimo de Vargas. La date est la même ; mais au lieu d'être donnée par les années du monde, selon la coutume des juifs, elle l’est par les années du Christ, sous cette forme : le 1er mars 1553. Un examen très attentif découvre quelques petites divergences d’interprétation. Plusieurs passages sont traduits différemment dans ces deux Bibles, selon la croyance de ceux pour qui elles furent imprimées. Un n’a là cependant qu’un même ouvrage en deux éditions simultanées. D’après Fürst, les savants dont il est parlé dans le livre ne seraient autres qu’Abraham Usque et Duarte Pinel. Mais ces deux noms ne désignent qu’un seul et même personnage, comme l’a démontré M. Grätz, Geschichte der Juden, t. ix, note 6, p. suiv. Abraham Usque fit cette traduction avec le concours de plusieurs savants ; il la signa de son nom dans l'édition juive, et d’un pseudonyme dans l'édition adressée aux chrétiens. Cette version est estimable. Les auteurs, comme il est déclaré dans le prologue, ont eu sous les yeux bon nombre de traductions anciennes et modernes, en castillan ou dans une autre langue ; et ils se sont servis des travaux des plus célèbres rabbins, tels que Kimchi, Raschi, Aben-Esra, etc. La Bible terminée fut soumise à l’examen de l’Inquisition ; aussi jouit-elle d’une grande autorité parmi les chrétiens aussi bien que parmi les Juifs. L'édition chrétienne s'écarte cependant de la Vulgate en beaucoup de points, mais sans gravité. Plusieurs passages sont obscurs, par le trop grand soin qu’on a mis à traduire mot à mot. Enfin le style est rempli d’archaïsmes, ce qui lui donne un certain air d’antiquité à côté de la langue du XVIe siècle. La Bible espagnole à l’usage des juifs a été réimprimée à Amsterdam en 5371 (1611) et en 5390 (1630), in-f°. Une dernière édition, corrigée par Joseph Atias, a été donnée au même lieu en 5421 (1661), in-8o. La double édition de 1553 est très rare et très recherchée.

23. ABRAHAM ZAHALON OU TSAHALON, juif espagnol du xvie siècle, talmudiste, auteur d’un commentaire grammatical et pédagogique sur Esther, Yešaʿ ʾÉlohim, Le salut de Dieu, in-4°, Bagdad, 1595 ; Venise, 1621.

24. ABRAHAM ZANTI (hakkôhen, « le prêtre » ), rabbin de Venise, né en 1670, mort en 1729, médecin, philosophe et poète. On a de lui Kehunnat ʾAbraham, Le sacerdoce d’Abraham, paraphrase poétique des Psaumes en cinq livres, in-4o, Venise, 1719.

E. Levesque.

1. ABRAM, nom porté par Abraham pendant la première partie de sa vie. Voir Abraham 1.

2. ABRAM (Nicolas), naquit en 1589 à Xaronval, petit village des environs de Charmes-sur-Moselle, et entra dans la Compagnie de Jésus en 1606. Il conquit les grades de maître ès arts et de docteur en théologie à l’université de Pont-à-Mousson, et y enseigna d’abord les humanités, puis pendant dix-sept ans l'Écriture Sainte. En 1625, il fut un des collaborateurs de Pierre Fourier dans la mission de Badonviller, qui provoqua la conversion d’un grand nombre de protestants ; il gouverna aussi le noviciat des jésuites de Nancy, et professa quelque temps les sciences sacrées à Dijon. Mais la plus grande partie de sa vie se passa à l’université de Pont-à-Mousson, dont il écrivit l’histoire, et où il mourut, le 7 septembre 1655, enlevé par une fièvre typhoïde, à l'âge de soixante-six ans.

Les ouvrages qu’il publia sur les matières de ses cours donnent une haute idée de son enseignement. Ses travaux exégétiques sont : 1° Nonni Panopolitani Paraphrasis sancti secundum Joannem Evangelii, in-8°, Paris, 1623. Une traduction en beaux vers latins accompagne le texte grec ; l'épisode de la femme adultère, Joa., viii, 3-11, omis ou à peine mentionné par Nonnus, est suppléé en soixante-treize hexamètres grecs de la composition de l'éditeur. 2° Une dissertation sur les quatre fleuves et l’emplacement du paradis terrestre, ajoutée au commentaire des Géorgiques : Commentarii in P. Virgilii Maronis Bucolica et Georgica. Accessit diatriba de quatuor fluviis et loco paradisi ad explicationem versus 290 libri quarti Georgicon, in-8o, Pont-à-Mousson, 1636. 3° Epitome rudirnentorum linguæ hebraicæ versibus latinis breviter et dilucide comprehensa, in- 4°, Paris, 1645. 4° Pharus Veteris Testamenti, sive sacrarum quæstionum libri xv, quibus accesserunt ejusdem auctoris de Veritate et Mendacio libri iv, in-f°, Paris, 1648. C’est le principal ouvrage exégétique du P. Abram, où sont élucidées les difficultés scientifiques, historiques, géographiques et chronologiques de l’Ancien Testament. L’Hexaméron, l’emplacement du paradis terrestre, les bénédictions de Noé à ses fils, la confusion des langues, l’origine des royaumes, l’histoire des Assyriens, d’Abraham, de Pharaon, la durée du séjour des Hébreux en Égypte, la chronologie hébraïque depuis les Juges jusqu'à la construction du temple, la captivité de Babylone, Darius le Mède, Judith, la venue du Messie et les soixante-dix semaines de Daniel, sont successivement étudiés. « Cet ouvrage, dit dom Calmet, Bibliothèque sacrée, IVe partie, art. iv, est bien écrit, savant, solide et fort estimé. L’auteur y traite les questions à fond. » Les textes de l’Écriture et des docteurs, les citations des poètes et des écrivains profanes se pressent sous sa plume, et, tout en concourant à l’explication des Saintes Lettres, révèlent la profonde érudition de l’exégète. La forme rend la lecture du Phare facile et intéressante. Le P. Abram est un humaniste : il veut, à l’exemple de Cicéron, répandre sur des questions ardues les charmes du dialogue, et les quinze traités dont se compose l’ouvrage portent, comme ceux de l’auteur de Brutus, un double titre, tiré et du principal interlocuteur et du sujet ; par exemple : Philoctistes, ou de la Création ; Théophraste, ou du Site et des fleuves du paradis.

Quelques idées particulières du P. Abram méritent d'être signalées. Il admet dans la création une sorte d'évolution. À l’origine du temps, Dieu a créé simultanément la substance de toutes les choses du monde ; seule l'âme humaine a été l’objet d’une création spéciale au sixième jour. Les substances ont produit, par émanation naturelle, les qualités et les perfections dues à leur nature. Cette évolution a eu lieu plus ou moins vite, et sa vitesse était proportionnée à la nature de chaque substance ; de là vient la distinction des jours. Le paradis terrestre était situé en Palestine, et le Jourdain l’arrosait avant de se séparer en quatre branches. L’Amérique était connue d’Aristote, et les Américains sont fils de Cham. La forme dialoguée du Phare continue dans les quatre livres de la Vérité et du Mensonge. Les mensonges réels ou apparents, mentionnés dans la Bible, sont expliqués dans les troisième et quatrième livres. D’après dom Calmet, le collège de Pont-à-Mousson possédait manuscrites des Commentationes in epistolas D. Pauli du P. Abram. Nous ignorons ce qu’est devenu ce commentaire. Voir Bibliotheca scriptorum S. J., Rome, 1676 ; D. Calmet, Bibliothèque lorraine, art. Abram ; Carayon, L’université de Pont-à-Mousson, introd., p. xxxi-liv ; Hurter, Nomenclator litterarius, Insprück, t. i, p. 806-807 ; Eug. Martin, Le P. Abram historien de Pont-à-Mousson et ses deux traducteurs, Nancy, 1888.

E. Mangenot.

ABRAN (hébreu : ʿEbron ; Septante : Ἐλϐών Ἀχράν), ville de la tribu d’Aser, mentionnée une seule fois dans la sainte Écriture, Jos., xix, 28, et citée entre Cabul et Rohob. Eusèbe, Onomasticon, et saint Jérôme, Lib. de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, p. 873, ne font que l’indiquer sous le nom d’Achran. Faut-il, avec certains critiques, voir dans ce mot une faute de copiste, et au lieu de 'Ebron lire 'Abdôn, comme au chapitre xxi, 30, du même livre, et I Par., vi, 74? C’est possible, puisque rien n’est plus facile que de confondre, en hébreu, le daleth, ד, et le resch, ר ; mais ce n’est pas certain. Si nous consultons les manuscrits, nous les trouvons en nombre à peu près égal pour les deux leçons : vingt-cinq portent ʿEbrôn, et dix-neuf ʿAbdôn. Cf. B. Kennicott, Vet. Testam. heb.) Oxford, 1776, 1. 1, p. 470, et J.-B. de Rossi, Var. lect. Vet. Testam., Parme, 1785, t. ii, p. 91. Mais la première leçon a pour elle, outre le texte massorétique et le Targum de Jonathan, l’unanimité des plus anciennes versions syriaque, latine, arabe, qui maintiennent le resch. On ne saurait, en faveur de la seconde, alléguer qu’Abdon, ville lévitique, devait être dans la liste des principales villes d’Aser, Jos., xix, 24-31, puisqu’on n’y rencontre pas d’autres cités non moins importantes, telles qu’Accho, Ahalab et Achazib, Jud., i, 31.

M. de Saulcy avait cru retrouver cette localité dans le village actuel d’Abillih, à peu de distance de la route qui conduit de Saint-Jean-d’Acre à Nazareth, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. i, p. 73, note. Mais plus tard, dans son Dictionnaire des antiquités bibliques, Migne, 1859, p. 31, il se montre « fort tenté d’abandonner cette hypothèse, qui, il faut bien le dire, n’a pas de grandes probabilités en sa faveur ». M. V. Guérin se demande s’il ne serait pas permis de reconnaître Abrân dans le village dé Berouéh, un peu à l’est de Saint-Jean d’Acre, Description de la Palestine, Galilée, 1. 1, p. 432. L’identification, comme on le voit, est encore à l'état de problème, et le parti le plus sage est d’attendre de meilleures découvertes.
A. Legendre.

ABRAVANEL. Voir Abarbanel, col. 15.


ABREK (hébreu : ʾabrek ; les Septante ont omis ce mot, ou plutôt l’ont rendu par ϰήρυξ, « héraut, » comme la version samaritaine). Quand Joseph eut expliqué au pharaon les songes qui prédisaient les sept années d’abondance et de stérilité, celui-ci le combla d’honneurs, le fit monter sur son second char, et l’on cria devant lui : ʾabrek ! Gen., xii, 43. Plusieurs tentatives ont été faites pour trouver une explication satisfaisante de ce mot.

1° Les uns y ont vu le verbe hébreu bârak, « plier les genoux. » C’est ainsi qu’ont traduit : la Vulgate, « ut omnes coram eo genuflecterent ; » Aquila, γονατίζειν ; la traduction grecque dite de Venise, γονυπετεῖν. Ce serait l’impératif 2e pers. du sing., ou l’infinitif absolu mis pour l’impératif. Mais dans cette hypothèse il faut recourir à une sorte d’aphel, forme très irrégulière de l’hiphil, ʾabrek pour habrek ; et l’on aurait d’ailleurs le sens causatif, « faire agenouiller : » ce qui ne s’explique pas dans la bouche du héraut précédant Joseph.

2° On ne réussit pas mieux en recourant à l’assyrien, comme Friedr. Delitzsch. Abarakku signifie « père du roi » : ce serait un titre de premier ministre ou conseiller du roi. Voir Assyrische Wörterbuch, Leipzig, 1888, p. 68-70 ; Nöldeke, Zeitschrift der deutschen morgenländischen Gesellschaft, t. xl, p. 734. Cette explication est fort invraisemblable : on ne comprend pas qu’un nom assyrien ait été employé alors en Égypte, ni que Moïse ait traduit un titre égyptien par un titre étranger. Les auteurs des Targums, il est vrai, ont rendu abrek par « père du roi » ; ces interprètes, éloignés de l’Égypte, ignorant la vraie signification de ce terme, ont tout naturellement cherché à l’expliquer par l’araméen ou l’hébreu, si voisins de l’assyrien, et y ont vu un composé où entrait le mot ʾab, « père. » Cf. version syriaque : « père et chef. »

3° N’est-il pas plus naturel, dit-on, de voir ici un mot égyptien, puisque l’histoire de Joseph a une couleur locale très marquée, et nous est racontée dans un style tout parsemé de mots égyptiens ? Ceux qui pensent que le terme est égyptien ont recours, les uns au copte, les autres à l’ancien égyptien. Keil et Franz Delitzsch rapprochent notre terme du copte abork (a, signe de l’impératif ; bôr, « jeter en bas, » et k, signe de la deuxième personne), d’où abork, « jette-toi à terre, prosterne-toi. » Voir Benfey, Verhältniss der ägyptischen Sprache zum semitischen Sprachstamm, p. 302. Mais abork signifierait « jette », plutôt que « jette-toi », et encore moins « prosterne-toi ». Pour donner ce dernier sens, il faudrait ajouter quelque mot comme « à terre », ou « sur ton ventre », selon l’expression usitée : « Il se mit sur son ventre, » pour « il se prosterna, » Erta-nef su her ḥatef. — Les autres essais d'étymologie par le copte sont encore moins heureux. Pfeiffer, Opera philologica, t. i, p. 94, propose l’explication suivante : afrek, verbe copte composé de rek, « incliner, » et af, marque de la 3e personne du prétérit ; d’où afrek, « s’inclina » (sous-entendu chacun). Cette explication est inadmissible, parce que ce prétérit n’a pas le sens optatif ; de plus, af n’eût jamais été transcrit ab. — Pour Ign. Rossi, Etymologiæ ægyptiacæ, p. 7, abrek serait un composé de ape, « tête, » et rek, « incliner ; » d’où le mot copte aperek, aprek et abrek, « inclinez la tête. » Cet ordre d’incliner la tête ne paraît guère conforme au cérémonial égyptien : on se prosternait jusqu'à terre. Puis, en égyptien, le régime se met après le verbe et non avant. De même, en copte, « incliner la tête » ne se dit pas abreh ou aprek, mais rekdjô. Cf. Novum Testamentum copticum, édit. Wilkins, Oxford, 1716, Joa., viii, 8 ; xrx, 30 ; Peyron, Lexicon linguæ copticæ, et Peyron, Grammatica linguæ copticæ, ch. xii, p. 74.

4° On a pensé être plus heureux en expliquant abrek directement par l’égyptien, et en le considérant comme un composé de ap, « premier, » et de reh, « savant. » Aprek signifierait donc « premier savant », titre analogue pour la forme à celui de « premier prophète ». Ap pourrait encore se traduire par « chef », d’où « chef des savants ». Les savants du pharaon, suten reḥu, n’ont pu interpréter son songe ; Joseph y réussit. N’est-il pas naturel qu’on lui donne le titre de « premier savant », ou « chef des savants » ? La transcription ne souffre pas de difficulté ; le b hébraïque est souvent mis pour le p égyptien, et le k pour le h (heth égyptien, équivalent au khi grec, χ). Voir Harkavy, Les mots égyptiens de la Bible, dans le Journal asiatique, mars-avril 1870, p. 177. Malheureusement l’adjectif, en égyptien, se place après le nom ; « premier savant » se disait donc reḥape ; de plus ap, dans le sens de « chef », n’est pas connu dans les titres, et encore faudrait-il reḥu au pluriel.

5° L’explication la plus satisfaisante donnée jusqu’ici est encore celle de M. H. Brugsch. Abrek est, d’après lui, un mot d’origine sémitique égyptianisé. Il est certain que, à l’époque des rois pasteurs, des mots sémitiques ont pénétré en Égypte. À Thèbes ou à Memphis sans doute, ces mots n’entraient pas dans le langage populaire ; mais à Tanis, lieu de l’épisode raconté par la Genèse, xli, il y avait une population mêlée, où les Sémites étaient nombreux, surtout à l’époque des rois pasteurs. Il n’est pas étonnant que dans cette ville des racines sémitiques aient revêtu des formes égyptiennes, et soient passées dans le langage courant. Bark signifie « être agenouillé » (Chabas) ; de là est venu « adorer » (Brugsch). L’a initial est la marque de l’impératif égyptien. La simple racine du verbe avec a, sans aucun suffixe personnel, ni pour le singulier ni pour le pluriel, est un impératif très usité. Abrek a donc le sens de « agenouillez-vous, prosternez-vous ». N’est-ce pas ce mot, avec une simple modification de voyelle, qu’emploient les Arabes d’Égypte, pour inviter un chameau à se coucher, lorsqu’il doit recevoir sa charge : Abrok ? Chabas, Études sur l’antiquité historique, 2e édit., p. 418-419.

ABRICOTIER, arbre de la famille des Rosacées, qui atteint de trois à six mètres de hauteur. Ses fleurs sont précoces et se développent avant les feuilles ; leurs pétales sont blancs à l’intérieur et rosés à l’extérieur. Les feuilles sont glabres, luisantes, largement ovales et dentelées sur les bords (fig. 9). Le fruit, l’abricot, se compose d’un noyau ovale, autour duquel est la chair ou pulpe, d’une saveur sucrée aromatique, recouverte d’une peau jaune ou rougeâtre, finement veloutée.

Vois l’abricot naissant, sous les yeux d’un beau ciel,
Arrondir son fruit doux et blond comme le miel.

Il n’est pas certain qu’il soit mentionné dans la Bible. Quelques savants croient cependant le reconnaître dans le tappûaḥ du Cantique, ii, 3, 5 ; vii, 8 ; viii, 5 ; des Proverbes, xxv, 11, et de Joël, i, 12. « L’abricot, dit M. Tristram, est commun dans toute la Palestine. C’est peut-être, si l’on en excepte seulement la figue, le fruit le plus abondant du pays. Sur les montagnes et dans les vallées, sur les rives de la Méditerranée et sur les bords du Jourdain, dans le nord de la Judée, sur les hauteurs du Liban, dans les gorges de la Galilée et dans les vallons de Galaad, l’abricotier est florissant et donne des fruits en abondance. L’arbre et les fruits répondent parfaitement à tout ce que l’Écriture nous dit du tappûaḥ, a Je « me suis assis avec délices à son ombre, et son fruit était « doux à ma bouche, » Cant. ii, 3. Près de Damas et sur les rives du Barada, nous avons dressé nos tentes et étendu nos tapis à son ombre, et nous y avons été complètement à l’abri des rayons du soleil. « L’odeur de ton haleine est comme le tappûaḥ. » Cant., vil, 8. Il n’y a guère de fruit plus délicieusement parfumé que l’abricot. Et à quel fruit peut mieux convenir l’épithète de Salomon : « des pommes d’or dans des vases d’argent, » Prov., xxv, 11, qu’à ce fruit doré, lorsqu’il fait fléchir sous son poids, dans son cadre de feuillage brillant mais pâle, les branches qui le portent. » H. B. Tristram, The Land of Israël, in-8°, Londres, 1865, p. 605. Voir Id., Fauna and Flora of Palestina, in-4°, . Londres, 1884, p. 294. Aujourd’hui, en Chypre, on appelle encore l’abricot « la pomme d’or », τὸ χρυσόμελο(ν). W. A. Groser, The Trees and Plants in the Bible, in-12, Londres, 1888, p. 92. [Image à insérer]

Abricotier, feuilles et fruits.

On ne saurait nier que les caractères que l’Écriture attribue au tappûaḥ ne puissent convenir à l’abricotier et à son fruit. Cet arbre, originaire d’Arménie, a dû être introduit de bonne heure en Palestine, comme la vigne, qui vient aussi des mêmes régions. Il serait donc tout naturel que nous trouvions des allusions à son fruit dans l’Écriture. Malheureusement les passages où les auteurs sacrés parlent du tappûaḥ sont trop vagues pour qu’ils permettent de déterminer rigoureusement l’arbre dont ils ont voulu parler. Aussi les avis sont-ils très partagés sur sa nature. L’abricotier a assez peu de partisans ; le citronnier et le cognassier en ont davantage. Voir W. Houghton, The Tree and Fruit represented by the Tapûakh of the Hebrew Scriptures, dans les Proceedings of the Society of Biblical Archæology, novembre 1889, t. xii, p. 42-48 ; voir aussi Citron, Cognassier, Pomme, Tappûah.

F. Vigouroux.


ABRONAS (grec : Ἀϐρωνάς), forme grecque altérée du nom de la rivière Chaboras, affluent de l’Euphrate, en Mésopotamie. Judith, ii, 24. Dans le passage correspondant de la Vulgate, ii, 14, nous lisons « le torrent de Mambré » au lieu d’Abronas. Voir Mambré 3.


ABSALOM, hébreu : ʾAbšalôm, « le père est paix ; » Septante : Ἀϐεσσαλώμ.

1. ABSALOM, le troisième des fils de David. Il était petit-fils de Tholmaï, roi de Gessur, par sa mère Maacha, II Reg., iii, 3 ; I Par., iii, 2. Celle-ci avait encore donné à David une fille, Thamar, dont la grande beauté fournit la première occasion des événements qui se rapportent à l’histoire d’Âbsalom. II Reg., xiii-xviii.

Amnon, fils de David et d’Achinoam la Jesraélite, ayant conçu pour Thamar une passion criminelle, tendit un piège à son innocence et se porta envers elle aux derniers outrages ; puis il la chassa d’une manière ignominieuse, II Reg., xiii, 1-20. Voir Amnon 1 et Thamar 2. L’infortunée jeune fille alla se réfugier chez son frère Absalom, son protecteur naturel. Cf. Gen., xxxiv, 31. Absalom sut maîtriser sa colère et dissimuler la haine que cet attentat lui inspira contre Amnon ; mais il résolut dès ce jour d’en tirer une terrible vengeance. II Reg., xiii, 32.

Deux ans après cet événement, quand tout le monde pouvait croire qu’il avait oublié l’outrage fait à Thamar, il invita David et tous les princes ses frères à une fête qu’il allait donner selon l’usage, cf. I Reg., xxv, 2-8, à l’occasion de la tonte de ses troupeaux. Le roi s’excusa, comme Absalom l’avait sans doute prévu ; il fit même des difficultés pour laisser aller à cette fête Amnon, dont Absalom réclamait instamment la présence. L’insistance de celui-ci, conforme, ainsi que le refus de David, à la politesse orientale, ne pouvait exciter les soupçons : il était naturel que, à défaut du roi, son fils aîné fût appelé à présider le banquet ; et d’ailleurs le politique Absalom dut parler de façon à n’exciter dans l’esprit de son père aucune méfiance sur le dessein qu’il méditait depuis si longtemps, et dont il avait préparé le succès avec une profonde habileté. C’est loin de Jérusalem qu’il avait résolu de l’exécuter, avec le concours de serviteurs venus probablement de Gessur, et qui, n’ayant rien à craindre ni à ménager en Israël, feraient ce que n’auraient pas osé faire des Israélites.

Les invités se rendirent donc à Baalhasor, au delà de Béthel, non loin d'Éphraïm ou Éphron. Absalom leur servit un festin royal, pendant lequel, à un signal donné par lui, ses serviteurs frappèrent Amnon sous les yeux de ses frères. Ceux-ci, épouvantés et tremblant pour eux-mêmes, se précipitèrent hors de la salle, montèrent sur leurs mules et s’enfuirent vers Jérusalem. Absalom prit la direction opposée, passa le Jourdain et alla se réfugier à la cour de son grand-père, au royaume de Gessur, pays correspondant en partie au Ledjah actuel.

David ne chercha pas à l’inquiéter dans sa retraite. Après avoir amèrement pleuré son fils Amnon, il sentit se réveiller peu à peu son ancienne affection pour Absalom. II Reg., xiv, 1. Le peuple, de son côté, commençait à trouver longue l’absence de celui que l’on considérait comme l’héritier du trône depuis la mort d’Amnon ; car on conclut avec raison du silence de l'Écriture au sujet de Daniel ou Chéléab, fils de David et d’Abigaïl, que ce prince, plus âgé qu’Absalom, était mort aussi. Les esprits se retournaient donc vers Absalom, qui avait toujours été chéri du peuple. On aimait à se rappeler qu’il n’y avait point d’homme dans tout Israël qui lui fut comparable par la bonne grâce et la beauté. II Reg., xiv, 25. Ces dons naturels, qu’il relevait encore par l’affabilité de ses manières et le talent de gagner les cœurs, II Reg., xv, 2-6, l’avaient rendu d’autant plus populaire, que l’orgueil des Israélites était flatté de trouver en lui un prince dont la mère était de race royale, avantage qui manquait aux autres fils de David.

Joab imagina un habile stratagème pour donner satisfaction au sentiment public, s’assurer les bonnes grâces du futur roi d’Israël, et offrir du même coup à David l’occasion d’agir selon le secret désir de son cœur en rappelant le coupable. Craignant de ne pas réussir s’il traitait lui-même cette affaire, il fit venir de Thécué, la moderne Tekûa, à deux heures de chemin au sud de Bethléhem, une femme inconnue de David, dont l’intelligence devait assurer le succès de son dessein. Après qu’il lui eut appris sa leçon, elle se présenta devant le roi en donnant toutes les marques de la plus vive douleur. Ses deux fils, disait-elle, s'étaient battus dans les champs, et l’un avait tué l’autre ; et maintenant les vengeurs du mort, cf. Num., xxxv, 19, demandaient le sang du meurtrier. Elle suppliait David de rappeler ce fils, sa seule consolation, et de le défendre contre tous. Le roi promit, et aussitôt elle fit l’application de son histoire à Absalom, dont l’exil, qui durait depuis trois ans, était regardé comme une calamité nationale. David, comprenant alors tout ce qui s'était passé, fit avouer à cette femme qu’elle avait obéi aux suggestions de Joab, dont il connaissait les sentiments envers le prince proscrit. Il se tourna ensuite vers le général, qui était présent ; car, comme le texte le donne à entendre, cette scène se passait dans une audience publique : « Me voilà apaisé, lui dit-il, et il sera fait selon votre désir ; allez donc et rappelez Absalom. » II Reg., xiv, 21. Joab se rendit en personne au pays de Gessur et ramena Absalom à Jérusalem.

David n’entendait pas toutefois accorder encore à son fils une grâce complète ; il ne voulut pas l’admettre en sa présence, et lui ordonna de rester enfermé dans son palais, croyant le tenir plus facilement par là dans le devoir, et lui faire mieux comprendre la gravité de sa faute. Deux ans s'écoulèrent ainsi. C'était plus que l’humeur bouillante du prince n’en pouvait supporter. Par deux fois il envoya prier Joab de venir le trouver, pour aller ensuite parler de sa part au roi, et par deux fois Joab, qui savait David peu disposé encore à accorder la grâce désirée, refusa. Absalom fit enfin mettre le feu par ses serviteurs à un champ d’orge de Joab, voisin du sien, et le contraignit ainsi de venir. « Pourquoi suis-je revenu ici ? lui dit-il alors. Il vaudrait mieux que je fusse encore à Gessur ; je demande à voir le roi. Qu’il me fasse plutôt mourir, s’il se souvient toujours de mon iniquité. » II Reg., xiv, 32. De telles paroles, après un procédé si violent, firent comprendre à Joab qu’il ne fallait pas comprimer plus longtemps cette nature impétueuse. Il alla trouver le roi, et David reçut son fils dans ses bras. II Reg., xiv.

Mais il était trop tard ; la réconciliation ne fut qu’apparente du côté d’Absalom, aigri et irrité contre son père par l'éloignement où il l’avait tenu à la suite d’une proscription de trois ans. L’ambition acheva l'œuvre de la colère. Le premier usage qu’il fit de la liberté que David venait de lui rendre, fut de travailler à le renverser du trône pour y prendre sa place. La crainte d'être supplanté comme héritier du royaume par Salomon, le jeune fils de Bethsabée, fut peut-être aussi un des motifs qui l’engagèrent dans ce dessein. À partir de ce moment, il n’agit plus qu’en ambitieux sans conscience et en fils dénaturé. Sa beauté physique, II Reg., xiv, 25-26, ses qualités naturelles, lui attiraient déjà l’affection du peuple. Ne voulant rien négliger pour accroître sa popularité, il affecta un train royal ; il eut des chars, un cortège de cavalerie, cinquante hommes qui couraient devant lui. De grand matin on le trouvait à la porte du palais ; il s’y faisait, par ses basses prévenances, le flatteur de tous les solliciteurs qui se présentaient, et déclarait toujours leur cause juste. Il ne rougissait pas de calomnier son père, en rejetant sur lui les négligences et les fautes des magistrats, et en gémissant de ce qu’il n’avait établi personne pour recevoir les plaintes de ses sujets, II Reg., xv, 1-6, comme si lui-même n’avait pas dû son pardon à la facilité avec laquelle David avait donné audience à la Thécuenne, et accordé à cette femme la grâce qu’elle sollicitait. Il est possible toutefois que David eût, en effet, apporté quelque négligence dans l’administration de la justice, ce premier des devoirs personnels des souverains orientaux, ou plutôt dans la surveillance de ses juges ; il fallait bien que les accusations d’Absalom eussent quelque fondement pour être ainsi écoutées. Cependant l’ambitieux ne parlait pas encore de régner, mais il disait bien haut que les choses n’iraient pas de la sorte, si on lui confiait le soin de rendre la justice à tous. Ainsi, comme le dit le texte hébreu, « il volait à son père les cœurs des hommes d’Israël. » II Reg., xv, 6. Quand il crut les avoir assez gagnés à son parti, il se mit en mesure de se faire proclamer roi. « Après quarante ans, » il demanda à David la permission d’aller à Hébron, sous prétexte d’y offrir un sacrifice dont il avait fait le vœu pendant qu’il était à Gessur. II Reg., xv, 7.

Ces « quarante ans » ont de tout temps embarrassé les commentateurs. Il y en a qui pensent qu’il faut lire, avec la version syriaque, Josèphe, Théodoret et certains manuscrits latins, « quatre » au lieu de « quarante » ; ce seraient, d’après eux, les quatre ans écoulés depuis le retour d’Absalom du pays de Gessur, ou depuis sa réconciliation complète avec son père. Mais d’autres ne voient pas de raison suffisante d’abandonner le chiffre de l’hébreu, de la Vulgate, etc., plus communément admis, et dont on peut donner une explication satisfaisante. Les quarante ans seraient comptés, selon l’opinion la plus conforme aux données chronologiques, à partir de la première onction royale que David reçut de Samuel, événement d’une importance capitale dans l’histoire du saint roi. I Reg., xvi, 13.

Hébron, par son importance et sa situation à quelques lieues seulement de Jérusalem, paraissait être le point le plus favorable pour l’exécution des projets d’Absalom. Cité sacerdotale, Jos., xxi, 13, et ville de refuge, Jos., xx, 7, elle empruntait une sorte de caractère sacré aux sépulcres d’Abraham et des autres patriarches dont elle conservait le dépôt. Gen., xxv, etc. Elle avait été d’ailleurs la première capitale de David et le berceau de la nouvelle dynastie. Il était donc facile d’attirer de nouveau les regards de ce côté, en réveillant le souvenir de sa gloire passée. En outre, le regret que la translation du siège du gouvernement à Jérusalem avait laissé chez les habitants devait en disposer un grand nombre en faveur d’Absalom, qui, étant né à Hébron, était par conséquent leur concitoyen.

À peine arrivé, Absalom envoya des émissaires par tout le royaume, afin qu’on se tînt prêt à le reconnaître au premier coup de trompette annonçant son avènement. Deux cents hommes des plus marquants, qu’il avait emmenés avec lui de Jérusalem, étaient destinés à leur insu à former comme le noyau de la conspiration. Ils l’avaient suivi de bonne foi et sans connaître ses desseins ; mais il comptait bien les entraîner dans sa révolte ; du moins leur présence écarterait d’abord tout soupçon, et recommanderait sa cause aux yeux du peuple, en même temps que son père serait privé de leur concours.

Le peuple accourut de tous les côtés pour l’immolation des victimes, qui devait durer plusieurs jours, sans que les sujets fidèles de David eussent lieu de s’inquiéter de ces sacrifices et des hommages qu’on rendait au prince qui les offrait au Seigneur. Enfin la conjuration éclata, et tout le monde comprit aussitôt sa puissance formidable. Ce fut probablement alors qu’eut lieu la consécration royale d’Absalom. II Reg., xv, 10, et xix, 10. David dut se rappeler, en apprenant ces nouvelles, les menaces prophétiques de Nathan, II Reg., xii, 10-11 ; car il s'écria : « Fuyons ; nous ne saurions échapper à Absalom. » II Reg., xv, 14. Il mesura d’un coup d’oeil la gravité de la situation, et vit le danger qu’il y avait à rester dans Jérusalem, où son fils s'était fait de nombreux partisans, et où rien n'était prêt pour soutenir un siège qui pouvait commencer dans quelques heures. Il en sortit sur-le-champ avec les gens de sa maison et ceux des habitants qui lui restaient fidèles. Escorté des Kéréthites, des Phéléthites et des six cents forts de Geth, il descendit dans la vallée du Cédron ; puis il gravit, nu-pieds et la tête couverte, la montagne des Oliviers, en pleurant au souvenir de ses fautes, dont l’expiation devenait de plus en plus dure. Pour comble de malheur, on vint lui apprendre que le sage Achitophel avait passé au parti d’Absalom. Il pria Dieu de détruire l’influence redoutable de ses conseils, et presque au même instant sa prière fut exaucée par l’arrivée de Chusaï, son ami, qui venait lui offrir de le suivre. David voulut qu’il allât, au contraire, auprès d’Absalom, afin d’empêcher par ses avis le mal qu’on pouvait craindre de ceux d' Achitophel. II Reg., xv, 34.

Or, pendant que Chusaï rentrait à Jérusalem, Absalom y pénétrait par la route d’Hébron, accompagné d’Achitophel. L'œuvre néfaste de celui-ci commença par une inspiration infernale. Il pensa qu’il fallait d’abord empêcher Absalom de rentrer jamais dans le devoir, en élevant entre David et lui une barrière infranchissable ; il lui conseilla donc d’abuser publiquement des dix épouses de second rang que David avait laissées pour garder le palais, l’assurant que cet outrage fait à son père achèverait de fixer dans son parti les timides et les indécis, cet élément flottant que l’on rencontre au début de toutes les révolutions et qui appartient au plus hardi. Le terrible conseiller se souvenait qu’il était le grand-père de Bethsabée et l’allié d’Urie, et il voulait se venger. Sur la terrasse même où David se trouvait quand il aperçut Bethsabée, II Reg., xi, 2, son fils fit donc dresser une tente pour les dix femmes, et, à la vue de tout le peuple, il entra là en maître. Une démarche de cette nature devait être considérée, d’après les mœurs de l’Orient, comme un acte usurpateur de la souveraineté. Voir Abner et Adonias. Cf. dans Hérodote, iii, 68, l’acte du faux Smerdis, qui épousa toutes les femmes de Gambyse. Mais l’action d’Absalom fut encore plus un outrage exécrable commis contre son père. Dans les desseins de Dieu, c'était l’accomplissement rigoureux de la prophétie de Nathan à David après son double crime, II Reg., xii, 11-12, et Achitophel se faisait l’exécuteur de la vengeance divine, en croyant ne servir que sa rancune ou ses vues politiques. II Reg., xvi, 15-22.

Après ce conseil trop bien écouté, Achitophel en donna un autre ; s’il eût été suivi, c’en était fait de la cause de David, qui aurait perdu certainement la couronne, et peut-être la vie. Achitophel dit à Absalom : « Donnez-moi douze mille hommes choisis, et cette nuit même j’atteins le roi sans peine, grâce à la fatigue qui retarde sa marche ; je disperse ses gens, et je le frappe dans l’isolement où je l’aurai réduit. » II Reg., xvii, 1-3. C'était le seul parti à prendre dans la circonstance. David n'était pas loin encore, et les troupes qui l’accompagnaient formaient une escorte, non une armée, il ne pouvait donc échapper. Lui laisser le temps de se mettre hors d’atteinte et de faire un appel au pays, c'était lui assurer les moyens d’avoir bientôt à sa disposition des forces plus que suffisantes pour battre les troupes d’Absalom. Grâce à l’organisation établie par David, Israël avait, en effet, une armée régulière de 288 000 hommes, répartis en douze corps, un par tribu, dont chacun servait un mois par an. I Par., xxvii, 1. Or, de cette armée une faible partie seulement était autour d’Absalom ; il restait encore dans les villes et les campagnes la plupart de ces soldats, qui étaient demeurés attaché » au roi après l’avoir suivi dans ses guerres, et qui ne manqueraient pas de se rendre à son premier appel. Achitophel savait bien d’ailleurs que si les fautes de David et son administration avaient excité des mécontentements, on l’aimait néanmoins, et on l’estimait pour ses grandes vertus et sa bonté ; ses malheurs allaient donc provoquer un réveil ou un redoublement de sympathie qui amènerait même la défection de beaucoup des partisans d’Absalom. Il n’y avait donc pas une heure à perdre.

Absalom le comprit et approuva l’avis d’Achitophel ; toutefois il voulut avoir aussi celui de Chusaï. Ce dernier avait commencé par ne pas désapprouver le premier conseil donné par Achitophel, afin de dissiper la défiance que sa conduite envers David avait paru d’abord éveiller chez Absalom, II Reg., xvi, 17 ; il fallait bien d’ailleurs laisser passer la justice de Dieu. Mais maintenant il s’agissait de la perte ou du salut de son roi ; il déploya donc toutes les ressources de son éloquence pour faire prévaloir un dessein contraire. II Reg., xvii, 7-13. Il rappela le courage et l’expérience de David et de ses hommes ; l’exaspération dans laquelle une poursuite acharnée les jetterait ; la prudence du roi, qui tiendrait sa personne à l’abri de toute surprise ; la panique qui pourrait suivre le moindre échec infligé aux soldats d’Absalom. Ne valait-il pas mieux que le prince appelât aux armes tous les habitants du royaume, de Dan à Bersabée, et qu’il se mit lui-même à la tête de cette armée innombrable pour écraser la petite troupe de David, et en détruire ensuite les restes dispersés ? Dieu tourna l’esprit d’Absalom et de tous les siens, II Reg., xvii, 14, de telle sorte que cette creuse rhétorique l’emporta sur le conseil si sage d’Achitophel. On attendit. Aussitôt les émissaires que David avait postés à la fontaine de Rogel, vers le fond de la vallée du Cédron, furent avertis, et ils coururent lui porter cette nouvelle, avec le conseil que lui donnait Chusaï de s’éloigner au plus vite, de crainte qu’Absalom ne se ravisât. Avant la pointe du jour, le roi avait passé le Jourdain et se dirigeait vers Mahanaïm, ville forte qui conservait le nom donné par Jacob à l’emplacement sur lequel elle était bâtie. Gen., xxxii, 2.

Chusaï ne s’était pas trompé : les secours arrivèrent nombreux à David pendant ce répit qu’il lui avait obtenu, tandis que la mort d’Achitophel, qui s’était pendu en voyant son avis rejeté, II Reg., xvii, 23, privait Absalom de son plus utile partisan, et allait sans doute jeter la défaveur sur sa cause. David put bientôt former les cadres de son armée ; il y établit des chefs de mille et de cent hommes, et la divisa ensuite en trois corps, commandés par Joab, Abisaï son frère et Éthaï de Geth, et assez forts pour lui donner pleine confiance dans le succès. Aussi, quand les troupes partirent pour aller à l’ennemi, son unique souci fut-il pour la vie d’Absalom, qu’il aimait toujours malgré son indigne conduite, et il recommanda aux trois généraux de l’épargner. Pour lui, il fut contraint par l’amour de son peuple de rester éloigné du champ de bataille. Dieu, qui ne voulait pas qu’Absalom échappât à la mort, en disposa ainsi afin que Joab ne fût pas empêché de le tuer.

Le rebelle avait passé le Jourdain à son tour avec son armée, à la tête de laquelle il avait placé son cousin Amasa. II Reg., xvii, 25. La rencontre eut lieu dans le pays de Galaad, au milieu de bois qui portent dans le texte sacré le nom de forêt d’Éphraïm, peut-être, a-t-on dit, à cause de la défaite des Éphraïmites racontée au livre des Juges, xii, 1-6 ; mais la distance du lieu de cette défaite à Mahanaïm ne favorise guère cette hypothèse. « La bataille s’étendit sur toute la contrée, et il périt beaucoup plus d’hommes dans la forêt qu’il n’en tomba sous les coups de l’ennemi ». II Reg., xviii, 8. Absalom perdit vingt mille de ses soldats, et lui-même, passant sous un chêne (un térébinthe, selon l’hébreu), resta pris par sa chevelure, qui était très longue, II Reg., xiv, 26, dans les branches de l’arbre, pendant que son mulet continuait seul sa course. Personne cependant n’osa toucher au fils du roi ; mais Joab s’indigna contre ceux qui l’avaient épargné, et au mépris des ordres formels de David, qu’on lui rappela en vain, il accourut auprès de l’arbre auquel Absalom était suspendu, pour le tuer de sa propre main, en le perçant de trois lances ou javelots. Puis, comme il palpitait encore, dix jeunes écuyers du général l’achevèrent. II Reg., xviii, 14-15.

L’Écriture ne nous fait pas connaître la raison de la haine que Joab fit paraître en cette occasion contre un prince dont il avait pris autrefois les intérêts avec tant de chaleur. Son ambition en fut sans doute la cause. Absalom avait mis à la tête de son année son cousin Amasa, « à la place de Joab, » dit l’auteur sacré. II Reg., xvii, 25. Ces expressions, rapprochées de II Reg., xix, 13, et xx, 10, supposent qu’Amasa était un rival pour Joab, et un rival avec lequel il fallait compter. Voir Joab. La mort d’Absalom servait du reste l’intérêt de Joab, car elle lui assurerait, pensait-il, la possession de sa charge, qu’il était sûr de perdre, au contraire, si ce prince montait un jour sur le trône.

Aussitôt qu’Absalom eut rendu le dernier soupir, Joab fit arrêter la poursuite des fuyards ; on jeta ensuite le corps du rebelle dans une fosse, au milieu du bois, et l’on y apporta une grande quantité de pierres qui formèrent au-dessus de cette tombe un monceau très élevé. Ce fut peut-être une flétrissure qu’on voulut lui infliger. Cf. Jos., vii, 26, et viii, 29. Ainsi Dieu ne permit pas qu’il fût enseveli dans le sépulcre qu’il s’était fait construire près de Jérusalem, dans la vallée du Roi (la vallée de Josaphat ou du Cédron), et c’est sans doute pour faire remarquer ce châtiment posthume que l’écrivain sacré mentionne en cet endroit l’érection de ce monument. II Reg., xviii, 18.

Il existe encore actuellement dans cette vallée du Cédron, en amont du village de Siloam, entre le tombeau de Josaphat au nord et celui de saint Jacques au sud, un édifice qu’on désigne sous le nom de Tombeau d’Absalom. Nous en donnons ici une reproduction ; (Fig. 10.)


10. — Tombeau d’Absalom. D’après une photographie.

On voit dans la partie supérieure, qui affecte une forme assez originale, un pyramidion circulaire surmonté d’une touffe de palmes, et reposant sur une base cylindrique portée à son tour par un dé en retrait sur la partie inférieure du monument. Celle-ci offre au regard un bizarre assemblage de trois ordres disparates d’architecture superposés : chacune des quatre faces latérales, large de près de sept mètres, est ornée de deux colonnes ioniques et de deux demi-colonnes engagées dans les antes et dans la face du monument ; au-dessus s’étale un entablement dorique complet. Cette masse, qui forme comme le soubassement de l’édifice, est monolithe ; elle a appartenu à la base rocheuse du mont des Oliviers, dont on l’a isolée. C’est ce bloc énorme qui constitue le tombeau, car la chambre sépulcrale a été creusée dans la partie supérieure du rocher. Une petite porte carrée, ménagée dans la façade sud, au-dessus de la corniche s’ouvre sur un escalier de quelques marches, par lequel on y descend. On voit dans cette chambre, aujourd’hui vide, trois arcades sous lesquelles ont dû trouver place autrefois trois sarcophages.

La tradition actuelle, qui identifie cet édifice avec le monument que la Bible dit avoir été élevé par Absalom, n’est appuyée sur aucun document authentique. Bien plus, si nous remontons assez haut dans le passé, jusqu’au commencement de l’ère chrétienne, par exemple, nous rencontrons une autre tradition toute différente ; car, du temps de Josèphe, on désignait sous le nom de monument d’Absalom une simple stèle de marbre blanc, située à deux stades de Jérusalem. Antiq. jud., VII, x, 3. D’un autre côté, les sculptures grecques et égyptiennes du soubassement du prétendu tombeau d’Absalom ne permettent pas de le faire dater de l’époque des rois.

Il ne nous reste donc pas d’autre monument authentique d’Absalom que son histoire, telle qu’elle est racontée au livre II des Rois, et c’est l’histoire d’un prince heureusement doué, habile et prudent autant qu'énergique et résolu, affable, gracieux, ayant l’art de gagner les cœurs par le charme de ses manières séduisantes ; mais en même temps ambitieux, dissimulé, haineux et violent jusqu’au crime. Il fut surtout un mauvais fils. Il brisa le cœur de son père par l’assassinat de son frère aîné ; il chercha plus tard à décrier David et à le perdre dans l’esprit du peuple par ses intrigues et ses calomnies ; il le blessa cruellement dans son honneur domestique, et il ne recula pas même devant l’idée d’un parricide, lorsque Achitophel proposa d’aller frapper David dans sa fuite. Et cependant cet ambitieux, qui ne craignait pas d’acheter la couronne au prix de la vie de son père et de tant de citoyens qui pouvaient être victimes de la guerre civile allumée par lui, n’avait pas même pour excuse l’espoir de fonder une dynastie : ses trois fils étaient morts, II Reg., xviii, 18, et il ne lui restait plus qu’une ou deux filles. II Par., xi, 20. Voir Thamar 3 et Maacha 3. Aussi, sans approuver la dureté du langage de Joab, serait-on du moins tenté d’abord de blâmer et de trouver excessive la douleur de David se désolant de la perte d’un tel fils, et répétant sans cesse, à la nouvelle de sa mort : « Mon fils Absalom ! Absalom mon fils ! qui me donnera de mourir à ta place, mon fils Absalom ! Absalom mon fils ! » II Reg., xviii, 33. Mais on ne peut s’empêcher de le plaindre, quand on songe qu’Absalom, malgré ses défauts et ses crimes, avait de grandes qualités, capables de le faire regretter ; qu’il était devenu son fils aîné et devait être naturellement son héritier, et surtout que David voyait en lui une nouvelle victime de ses propres péchés, et dans la mort de ce fils un nouveau châtiment de la justice divine qui poursuivait le père. Cf. II Reg., xvi, 10-11.

E. Palis.

2. ABSALOM, père de Maacha, femme du roi Roboam, II Par., xi, 21, 22, dont le nom est écrit Abessalom, III Reg., xv, 2, 10. C’est probablement le même qu' Absalom 1, le mot père étant pris ici dans le sens de grand-père. Voir Abessalom.

3. ABSALOM (Septante : Ἀϐεσσάλωμος), 'père d’un Mathathias et d’un Jonathas dont il est question I Mach., xi, 70, et xiii, 11 (Vulgate, dans ce dernier passage : Absolom).

ABSEL (Guillaume van), APSEL ou ABSÉLIUS, prieur de la Chartreuse de Bruges, né à Bréda (ancien Brabant), mort près d’Enghien (Belgique), le 4 août 1471. Il composa de nombreux ouvrages, entre autres : Opus super Genesim, Psalterium et Canticum canticorum ( écrit en 1441) ; Tractatus de Oratione dominica (en vers). Aucune de ses œuvres n’a été imprimée. Voir Fr. Sweert, Athenæ belgicæ, in-f°, Anvers, 1628, p. 196 ; J. Paquot, Mémoires pour servir à l’histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, 18 in-12, Louvain, 1765-1770, t. iv, p. 411.


ABSINTHE, en hébreu la’anâh (dans l’Apocalypse, viii, 14, ἄψινθος), plante du genre armoise, à racine vivace, comprenant diverses espèces. La tige herbacée de l’absinthe commune atteint un mètre environ de hauteur. Ses feuilles sont très découpées et d’un vert argenté. Elle se termine par une grappe peu touffue de petites fleurs jaunes (fig. 11). Elle se plaît dans les terrains montueux et arides. L’odeur est pénétrante et très aromatique, le goût très amer. Les Hébreux désignaient sous le nom commun de la’andh les espèces diverses qui croissent spontanément en Palestine. On en connaît sept. Tristram, The Survey of Western Palestine, Fauna and Flora, in-4°, Londres, 1884, p. 331. Voici les trois principales :

1° L’Artemisia romana, qu’Hasselquist trouva sur le mont Thabor et en grande abondance sur la côte de la Phénicie, depuis Saint-Jean-d’Acre jusqu'à Tyr. C’est l’absinthe commune. — 2° L’Artemisia judaica, qui est plus amère que la précédente, et qu’on trouve en grande quantité en Arabie, en Egypte, en Judée, en particulier dans les environs de Bethléhem. On fait usage en Orient de ses feuilles et de ses graines comme toniques, stomachiques et vermifuges. — 3° L’Artemisia abrotonum, qui croit dans le midi de l’Europe, se rencontre aussi en Palestine, et, en allant à l’est, jusqu’en Chine. Elle devient un arbrisseau dans les pays chauds.


11.— Absinthe.

Ce qui caractérise spécialement toutes les espèces d’absinthe, c’est leur saveur très amère, qui est devenue proverbiale. Il est fait plusieurs fois allusion à cette amertume dans les Écritures, et ce n’est même qu'à cause de cette propriété que l’absinthe y est mentionnée.. Salomon, dans les Proverbes, v, 4, l’oppose à la douceur du miel. Dans Jérémie, ix, 15 ; xxiii, 15 ; Lament., iii, 15, 19, « abreuver d’absinthe » signifie infliger un châtiment sévère. Le prophète Amos, v, 7 ; vi, 13 (12), dit que les juges iniques transforment la justice en absinthe. Le Deutéronome, xxix, 18, compare celui qui abandonne Dieu pour servir les idoles à une racine qui produit le fiel et l’absinthe. (Dans ce passage, la Vulgate, comme les Septante, a rendu le nom hébreu de l’absinthe par sa signification figurée d’  « amertume ».) Une étoile symbolique, Apoc. viii, 11, est appelée absinthe, parce qu’elle tombe du ciel dans un tiers des fleuves et des sources, elle rend les eaux tellement amères, qu’elles causent la mort de ceux qui en boivent. Les commentateurs sont d’ailleurs très divisés sur le véritable sens de ce symbole, qui d’après les uns désigne un hérésiarque, d’après d’autres un chef d’armée qui fait de grands ravages, etc.

F. Vigouroux.

ABSOLOM. I Mach., xiii, 11. Voir Absalon 3.


ABSTINENCE. Dans le langage actuel de l'Église catholique, le mot abstinence s’entend de la privation de certains aliments dont les lois ecclésiastiques interdisent l’usage à certains jours déterminés, par un motif de mortification et de pénitence. Voir Jeûne. Les Hébreux avaient aussi leurs abstinences ; toutefois, généralement parlant, elles n'étaient pas prescrites seulement pour certains jours déterminés, mais d’une manière permanente, et le législateur les avait imposées pour les causes les plus diverses : tempérance, religion, hygiène, séparation plus complète d’avec les peuples voisins, etc.

On peut classer en deux catégories les aliments prohibés dont s’abstenaient les Hébreux : les uns étaient défendus d’une manière absolue, c’est-à-dire pour tous et toujours ; les autres n'étaient défendus que d’une manière relative. — La première catégorie renferme les animaux impurs, le sang, les viandes étouffées (carnes suffocatæ), certaines portions de la graisse des animaux, la chair des animaux morts de maladie ou déchirés par les bêtes, les viandes immolées aux idoles, les aliments souillés ou frappés d’une impureté légale. Voir ces mots. — Les aliments de la seconde catégorie n’étaient pas défendus absolument, mais relativement, c’est-à-dire à certaines personnes ou dans certaines circonstances. Ainsi une certaine abstinence était prescrite soit aux nazaréens, soit aux prêtres, pendant le temps qu’ils servaient dans le temple ; les pains de proposition ne pouvaient être mangés que par les prêtres ; la chair des victimes que par des personnes non atteintes d’ impureté légale, et jamais au delà du second jour ; le pain levé était interdit à tout le monde pendant les huit jours de la fête de Pâques. Voir aux articles spéciaux la nature et l’étendue de ces différentes prohibitions. — D’après plusieurs auteurs, les hommes, avant le déluge, devaient s’abstenir en général de la chair des animaux. Voir ce mot.

L. Many.

ABULENSIS, surnom par lequel les théologiens et les commentateurs désignent souvent Alphonse Tostat, ainsi appelé parce qu’il était originaire d’Avila en Espagne. Voir Tostat.


ABULFARAGE. Voir Bar-Hebræus.


ABYSSINIE. Voir Éthiopie.


ACACE LE BORGNE, disciple d’Eusèbe de Césarée, lui succéda comme évêque sur le siège de cette dernière ville, en Palestine, l’an 340. Il "mourut en 366. D’un caractère inconstant et inquiet, il changea souvent d’opinion, mais n’abandonna une hérésie que pour tomber dans une autre. Il fut le chef de la secte des Acaciens, à laquelle il donna son nom. Les anciens ont loué son érudition et l’élégance de son style. Il avait composé sur l’Ecclésiaste un long commentaire (17 volumina in Ecclesiasten, dit saint Jérôme) et des Questions diverses, Σύμμικτα ζητήματα, qui sont perdus, comme ses autres écrits, dont il ne reste que des fragments insignifiants. Voir S. Jérôme, De viris illustribus, 98, t. xxiii, col. 699 ; Epist. cxix, 6, t. xxil, col. 970 ; Sozomène, Hist. eccl., iv, 23, t. lxvii, col. 1185 ; Hefele, Conciliengeschichte, 2e édit., t. i, p. 677, 712, 714, 721, 734.


ACACIA (hébreu : šittîm), arbre de la famille des Mimosées, tribu des Acaciées. La Vulgate a conservé ordinairement le nom hébreu dans sa traduction, « bois de setim, » ligna setim, Exod., xxv, 5, etc. ; les Septante l’ont traduit par « bois incorruptible », ξύλον ἄσεπτον. L’acacia véritable n’est point celui auquel on donne vulgairement parmi nous le nom d’acacia. Ce dernier est du genre Robinia ou Robinier, qui se distingue par plusieurs caractères importants de l’ acacia vera. Celui dont parle l’Écriture est un acacia proprement dit, qui croît partout dans la péninsule du Sinaï. On le trouve aussi dans la partie méridionale de la vallée du Jourdain. Il est connu sous le nom d’acacia seyal. Ses feuilles, qui sont mangées par les chameaux, se composent de sept à huit paires de folioles oblongues très fines ; ses fleurs, jaunes, à têtes globuleuses, s’épanouissent à l’aisselle des feuilles. Il est armé d’aiguillons géminés très aigus. Ses graines, de forme allongée, sont enfermées dans une longue gousse sèche, s’ouvrant en deux valves, comme celle du haricot (fig. 12). Le seyal produit la véritable gomme arabique. Il est communément de la grosseur d’un prunier, G. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, 2e édit., 1881, p. 138; mais il peut atteindre et il atteignait probablement autrefois des proportions beaucoup plus considérables, H. S. Palmer, Sinai (1878), p. 39, 209, lorsqu’on lui laissait le temps d’atteindre son plein développement. Aujourd’hui les grands seyals sont rares dans la péninsule, parce que les Bédouins coupent les jeunes arbres de bonne heure, sans leur laisser le temps de grandir, afin d’en faire du charbon, qu’ils vont vendre en Égypte. Son bois, quoique fort léger, est très dur et se conserve fort longtemps, ce qui nous explique pourquoi les Septante, dans leur traduction, l’ont désigné sous le nom de bois incorruptible.


12. — Rameau, épines, feuilles, fleurs et fruits de l’acacia seyal.

Il est par conséquent très propre aux travaux de menuiserie. Il brunit avec le temps, et, lorsqu’il est vieux, il est presque aussi noir que de l’ébène. Le nom hébreu de l’acacia seyal, šittîm, singulier šittâh, est une contraction de šintâh, šint, et ce nom a été emprunté probablement à l’égyptien šent. L’acacia était un des arbres les plus communs dans l’ancienne Égypte. On retrouve fréquemment son nom, , šent, dans les textes hiéroglyphiques. Ce mot signifie probablement « épine » ; c’est du moins le sens du mot copte ⲱⲟⲛⲧⲉ, šonte, ce qui nous explique les noms grec et latin donnés à l’acacia d’Égypte (Mimosa nilotica), ἄκανθα, Acanthus, spina ægyptiaca. Encore aujourd’hui les Arabes l’appellent sunt. Théophraste, Hist. plant., iv, 2, 8, dit : « l’acantha (ou acacia d’Égypte) porte ce nom parce qu’il est partout couvert d’épines (ἀκανθώδης), excepté au tronc ; les feuilles mêmes sont épineuses. » Les anciens Égyptiens se servaient du bois d’acacia pour faire des barques, comme le raconte Hérodote, ii, 90, et comme l’attestent les monuments, qui nous apprennent aussi qu’on en faisait des statues et des meubles de toute espèce. Voir Ch. E. Moldenke, Ueber die in altägyptischen Texten erwähnten Baüme und deren Verwerthung, in-8°, Leipzig, 1887, p. 74-81.

Il est digne de remarque que l’acacia seyal n’est mentionné que dans les livres écrits aussitôt après la sortie d’Égypte, c’est-à-dire dans l’Exode et le Deutéronome (sauf le passage à sens douteux d’Isaïe, xii, 19). Cet arbre étant très commun dans le Sinaï et, au contraire, inconnu en Palestine, excepté dans le voisinage du Jourdain, il est tout naturel qu’il n’en soit question que pendant que les Israélites habitent le désert du Sinaï. C’est là une nouvelle preuve de détail, ajoutée à tant d’autres, de l’exactitude minutieuse du récit sacré, et du parfait accord des textes avec ce que nous enseigne la géographie de l’Orient. Quand Salomon construisit le temple de Jérusalem, il se servit de bois de cèdre, qu’il fit venir du Liban, pour la décoration et l’ameublement du lieu sacré ; quand Moïse édifia le tabernacle, il employa le seul bois de construction qu’il eut sous la main, c’est-à-dire l’acacia seyal. Les autres arbres répandus dans la péninsule, qui sont le palmier et le tamaris, ne pouvaient lui servir ni pour la construction de la tente du Seigneur, ni pour la fabrication des meubles sacrés ; ils sont tout à fait impropres à ce genre de travaux ; l’acacia seyal avait, au contraire, comme le lui avait appris l’usage qu’on faisait en Egypte des diverses espèces d’acacias, toutes les qualités que pouvait désirer le libérateur des Hébreux : son bois est excellent pour faire des planches, et il a de plus l’avantage d'être très léger, propriété précieuse dans les circonstances où vivaient les Israélites ; car, menant alors une vie nomade, et ayant à transporter tout ce qui servait au culte lorsqu’ils changeaient de campement, il leur importait beaucoup de tout réduire à un poids minimum.

Moïse, afin d’exécuter tout ce qui était nécessaire au culte du vrai Dieu, s’adressa aux enfants d’Israël et leur demanda d’offrir eux-mêmes au Seigneur les matières premières. Pour la construction du tabernacle et des divers meubles sacrés, il les engage à donner, entre autres objets, du bois de setim, Exod., xxv, 5 ; xxxv, 7, 24, que chacun pouvait prendre dans le désert même. Avec ce bois, on fit l’arche d’alliance, Exod., xxv, 10 ; xxxvii, 1 ; Deut., x, 3 ; la table des pains de proposition, Exod., xxv, 23 ; xxxvii, 10 ; l’autel des holocaustes, Exod., xxvii, 1 ; xxxviii, 1 ; l’autel des parfums, Exod., xxx, 1 ; xxxvii, 25 ; les planches qui devaient former la partie solide du tabernacle, Exod., xxvi, 15 ; xxxvi, 20 ; les colonnes de ce même tabernacle, Exod., xxvi, 32, 37 ; xxxvi, 36, et enfin les traverses de bois nécessaires pour transporter ces divers objets sacrés d’un campement à un autre, Exod., xxv, 13, 28 ; xxvi, 26 ; xxvii, 6 ; xxx, 5 ; xxxvi, 31 ; xxxvii, 4, 15, 28 ; xxxviii, 6. Tous ces travaux en bois d’acacia furent exécutés sous la direction de Béséléel, et recouverts de feuilles d’or. Voir les articles Arche d’alliance, Autel, etc.

Dans tous les passages de l’Exode et du Deutéronome que nous venons de rapporter, le nom de l’acacia seyal est toujours au pluriel dans le texte hébreu, šittîm. Un verset d’Isaïe, xli, 19, nous présente ce mot sous la forme du singulier, šittâh, et c’est l’unique fois où nous le rencontrions au singulier : « Je ferai croître dans le désert (l’Arabah, c’est-à-dire la partie méridionale, inculte et aride de la vallée du Jourdain) le cèdre, le šittâh, le myrte et l’olivier, » dit le prophète. Certains savants pensent que ce mot ne désigne pas l’acacia seyal, parce que, disent-ils, Isaïe annonce que des arbres qui ne viennent que dans un sol fertile et riche prospéreront alors dans le désert, ce qui ne convient pas à l’acacia seyal, qui est, au contraire, un arbre très commun dans le désert du Sinaï. Il paraît cependant difficile de ne pas reconnaître dans le šittâh le šittîm de l’Exode ; et peut-être même est-ce l’usage sacré qu’on avait fait de son bois dans la péninsule du Sinaï qui a porté le prophète à le placer ainsi dans son énumération. On doit remarquer d’ailleurs que les anciens traducteurs ou ont ignoré la signification précise de šittâh, comme de šittîm, ou ont manqué du mot propre pour le traduire ; car nous avons vu que les Septante ont rendu šittîm par une sorte de paraphrase : « bois incorruptible ; » saint Jérôme s’est borné à transcrire simplement le terme hébreu en latin, setim. Dans Isaïe, la version grecque traduit šittâh par « buis », et la version latine par « épine ». Saint Jérôme savait d’ailleurs assez bien de quel arbre il était question, quoiqu’il n’eût pas de nom latin particulier pour le désigner. Il écrit, en effet, dans son commentaire d’Isaïe, xli, 19, t. xxiv, col. 417 : « Expliquons, dit-il, ce qu’est le sella hébraïque, que Théodotion a traduit par épine. C’est une espèce d’arbre qui croît dans le désert et qui ressemble à l’aubépine (spina alba) ; c’est avec son bois que furent faits l’arche et tout ce qui servit au tabernacle. Ce bois est incorruptible et très léger. »

Notre Vulgate, comme on le voit, a donc emprunté à Théodotion la traduction du mot šittâh par « épine » dans Isaïe, et cette traduction, quoique trop vague dans notre langue, rappelle du moins les épines dont est hérissé le seyal. Ce nom d' « épine » avait du reste été adopté par les écrivains grecs et latins comme le nom spécifique de l’acacia. C’est ce que prouve, pour les Grecs, le passage de Théophraste rapporté plus haut. Chez les Latins, spina est aussi le nom que Pline donne à l’acacia d’Égypte, H. N., xiii, 9 (19), édit. Teubner, t. ii, p. 327 : quoiqu’il se serve aussi ailleurs du mot « acacia », xxiv, 12 (67), t. iv, p. 53.

Nous avons dit que l’acacia seyal ne se trouvait pas dans l’intérieur de la Palestine, mais qu’on le rencontrait cependant dans le voisinage du Jourdain, où il croît encore aujourd’hui et où il a été signalé par divers voyageurs, principalement à l’est du fleuve.


13. — Acacia seyal.

Nous avons la preuve qu’il y poussait, du temps de l’exode et du temps des juges, dans quelques noms de lieux qui ont tiré leur dénomination des acacias seyal qu’on y remarquait. Ainsi la localité située au nord-est de la mer Morte, où campèrent les Israélites avant de passer le Jourdain et de commencer la conquête de la Terre Promise, s’appelait Âbêl haš-šittim, ou simplement Šittîm (Vulgate : Settim), Num., xxxiii, 49, etc., c’est-à-dire « pré des acacias », à cause de ses nombreux acacias seyal. M. Tristram en a vu encore de nos jours une grande quantité dans ces parages, à Engaddi et au sud-ouest de la mer Morte, H. B. Tristram, The Land of Israël, in-8°, 1865, p. 524 ; Id., Fauna and Flora of Palestine, in-4°, Londres, 1884, p. 293. — Michée mentionne aussi, vi, 5, un endroit qu’il appelleŠittîm (Vulgate : Settim), et qu’on croit communément être le même que celui dont nous venons de parler. Voir Abelsatim. — Joël, iv, 18 (hébreu), parle d’une vallée de Šittîm, naḥal haš-šittim (Vulgate, iii, 18, « Torrent des épines, » torrentem spinarum). — Enfin les Juges, vii, 23, nous font connaître une ville de la tribu cisjordanienne de Manassé, appelée Bêl haš-šittâh, ou « Maison de l’acacia seyal ». Voir Bethsetta.

On a publié plusieurs monographies sur le bois de setim : Sonntag, De ligno Sittim, Altdorf. 1710 ; Hasæus, De ligna Sittim, dans le Thesaurus antiquitatum d’Ugolini, t. viii ; G. Schweinfurth, Aufzählung und Beschreibung der Acacien-Arten des Nilgebiets, dans Linnæa, ein Journal für die Botanik, t. xxxv, Berlin, 1867-1868, p. 327.

F. Vigouroux.

ACAN (hébreu : ʿAqân ; Septante : ʾIoυϰάμ), fils d'Éser et petit-fils de Séir l’Horréen. Gen., xxxvi, 27. Il est appelé Iacan (hébreu : Ya’aqân), I Par., i, 42.

ACANTHE, Acanthus spinosus. Voir Chardon.


ACCAÏN (hébreu : Haqqaîn, c’est-à-dire Qaïn, avec l’article), ville de la tribu de Juda, mentionnée, Jos., XV, 57, entre Zanoé et Gabaa. Dans Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1881, p. 37, on range parmi « les gains de l’archéologie biblique », dus aux explorateurs modernes, l’identification de cette localité avec le village actuel de Youkin ou Yakin, au sud-est d’Hébron. Le mot Qaïn lui-même rappellerait la famille des Cinéens, dont l’Écriture parle en plusieurs endroits, Gen., xv, 19 ; Jud., i, 16 ; I Reg., xv, 6, et qui habitaient le sud de la Palestine. La situation de Youkin répond aussi parfaitement à la prophétie de Balaam sur cette race. Du haut du Phogor, jetant les yeux vers l’ouest, « il vit le Cinéen, et, reprenant sa parabole, il dit : Tu demeures dans des lieux escarpés ; tu as établi ton nid (jeu de mots entre qên, nid, et Qêni, Cinéen) dans le roc, mais Qaïn sera ravagé. » Num., xxiv, 21, 22. Or le village actuel, perché sur le sommet d’un rocher escarpé, dominant le désert occidental de la mer Morte, est un des points les plus en vue, quand le regard plonge de l’est sur les montagnes de Juda. Dans ce même endroit s'élève une petite mosquée solitaire, consacrée à Neby Louth (Loth). C’est, en effet, dans une grotte attenante à ce sanctuaire, que, d’après une ancienne tradition musulmane, Loth, neveu d’Abraham, se serait arrêté quelque temps après sa fuite de Sodome. Voir Guérin, Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 158.


ACCARON (hébreu, ʾÉqrôn ; Septante, ἡ Ἀϰϰάρων), ville de la Séphéla, paraît avoir été la plus septentrionale des cinq satrapies philistines. Josué, xiii, 3 ; xv, 11, 47. Elle était peu éloignée de la mer. Josué, xv, 11. Dans l’Onomasticon, Eusèbe s’exprime ainsi : « Accaron, de la tribu de Dan, à la gauche des Chananéens, l’une des cinq satrapies des Philistins, qui fut assignée à la tribu de Juda ; mais celle-ci ne put s’en emparer et en exterminer les anciens habitants. C’est maintenant encore un grand village…, entre Azot et Jamnia, vers l’orient. » La véritable situation d’Accaron a été longtemps ignorée. Le D r Robinson a identifié à juste titre l’Aker actuel (entre EmmaûsNicopolis à l’est, et Jamnia ou Jabné à l’ouest) avec l’ancienne Accaron. Aker est un assez grand village de huit cents habitants. Les maisons sont petites, ordinairement composées d’une seule pièce, de deux au plus, et hautes de trois mètres. Pressées confusément les unes contre les autres, elles sont construites, comme celles de la plupart des villages de la plaine des Philistins, avec des briques non cuites et séehées seulement au soleil ; le toit est horizontal, mais légèrement bombé vers le centre, et est formé de branches d’arbres sur lesquelles repose une couche de terre mêlée de paille hachée. Autour du village, sur les pentes de la colline dont il occupe le sommet, on observe des plantations de tabac. Au sud est un jardin entouré d’une haie de cactus, et au milieu duquel s'élance un beau palmier. À l’ouest, un grand puits à noria est bien construit et profond ; il est ombragé par un vieil acacia mimosa. Deux autres puits sont aux trois quarts comblés. Si le village moderne qui, sous le même nom, sauf la désinence, a remplacé la ville antique, est construit en terre et ne renferme aucune ruine apparente de quelque importance, on peut en inférer ou que l’ancienne Accaron était elle-même construite en briques non cuites au feu, et par conséquent on ne doit pas s'étonner si elle a disparu complètement ; ou qu’elle avait été à la vérité bâtie en pierres, mais qu’ayant été renversée depuis longtemps, car à l'époque des croisades il n’en est plus question que comme d’un simple village, les matériaux de construction, si rares dans la plaine de la Séphéla, auront été transportés ailleurs pour servir à d’autres bâtisses.

À quelle époque remonte la fondation d’Accaron ? La Bible ne nous l’apprend pas. Nous savons seulement qu’elle existait déjà lors de l’invasion de la terre de Chanaan par les Israélites, et qu’elle appartenait aux Philistins. Devait-elle sa première origine à ce dernier peuple, ou bien aux Hévéens, qui primitivement habitaient le pays ? C’est ce qu’il serait difficile de décider. Comme ses ruines ont disparu, et que le village établi sur son emplacement ne renferme, à l’exception de deux colonnettes de marbre blanc, qui ont fort bien pu être apportées là d’ailleurs, aucun débris d'édifice qui atteste son ancienne splendeur, on en est réduit à de pures conjectures en ce qui regarde son étendue et son importance. Mais tout porte à croire que c'était la moins considérable des cinq satrapies philistines.

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14. — Vue d’Accaron.

Accaron fut assignée d’abord par Josué, xv, 45, à la tribu de Juda ; bientôt après elle fut concédée à la tribu de Dan. Jos., xix, 43. En réalité, elle ne fut possédée longtemps ni par la tribu de Juda ni par celle de Dan ; car, conquise d’abord par les Hébreux, elle fut ensuite reprise par les Philistins. Josèphe, Ant. jud., V, iii, 1. Cf. I Reg. v, 10 ; xvii, 52 ; IV Reg., i, 2, 16 ; Jer., xxv, 20 ; Amos, i, 8. Sur la fin de la judicature d’Héli, l’arche d’alliance, étant tombée au pouvoir des Philistins, fut transportée par eux à Azot, à Geth et à Accaron, et comme elle causait partout d’effroyables maladies, on la renvoya à Bethsamès, la ville de Juda la plus voisine d’Accaron. I Reg. vi, 12, 16. On peut voir encore, entre deux collines pittoresques, le chemin qu’elle dut suivre pour se diriger à travers les hautes montagnes, vers la cité des Bethsamites, à 15 kilomètres vers le levant. Un passage du quatrième livre des Rois, I, 2, 3, 6, 16, nous apprend que Béelzébub (voir ce mot) avait un oracle à Accaron, et par conséquent un temple, qui attirait, même d’assez loin, soit des adorateurs, soit des visiteurs, qui venaient le consulter, puisque Ochozias, roi d’Israël, blessé d’une chute grave qu’il avait faite à Samarie, en tombant de l'étage supérieur de son palais, s’adressa à cette divinité pour savoir d’elle s’il guérirait.

Les destinées d’Accaron se confondirent nécessairement avec celles des autres cités philistines, et elle dut être

plusieurs fois prise et reprise dans les nombreuses guerres qui eurent lieu entre les Philistins et les Juifs. Voir Philistins. Le nom d’Accaron se lit dans les inscriptions de Sennachérib, d’Asaraddon et d’Assurbanipal. E. Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, 1872, p. 71. Plusieurs prophètes avaient prédit l’humiliation et la ruine de cette ville. Jer., xxv, 17, 20 ; Amos, i, 8 ; Soph., ii, 4 ; Zach., ix, 5, 7. Le livre premier des Machabées, x, 89, nous apprend qu’Alexandre Balas, qui se disait fils d’Antiochus Épiphane, et qui, favorisé par le sénat de Rome, s’était fait proclamer roi de Syrie et avait conclu une alliance avec Jonathas Machabée, lui céda, l’an 147 avant J.-C, la ville d’Accaron et toutes ses dépendances. Du temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, Accaron était encore un grand village habité par des Juifs. À l’époque des croisades, elle est mentionnée par plusieurs écrivains. Depuis le XIVe siècle jusqu’à nos jours, l’histoire d’Accaron est demeurée complètement inconnue, et cet ancien chef-lieu des Philistins était tombé dans une telle obscurité, que, jusqu’au savant voyageur anglais Robinson, qui l’a retrouvé en 1838 dans le village d’Aker, les voyageurs modernes ne savaient pas où le chercher.

V. Guérin.

ACCARONITES (hébreu : ʿĔqrôni), habitants d’Accaron, nommés dans Josué, xiii, 3, comme formant l’une des cinq principautés des Philistins, et I Reg., v, 10, lorsqu’ils se plaignent que les autres Philistins leur ont envoyé l’arche du Dieu d’Israël afin de les faire périr.

ACCENTS HÉBRAÏQUES. Voir Ponctuation hébraïque.

ACCEPTION DE PERSONNES. Voir Personne.


ACCÈS (hébreu : ʿIqqêš, « pervers, tortueux ; » Septante : Ἴσϰα, Ἐϰϰίς, Ἐϰϰῆς), originaire ou habitant de Thécua, père de Hira, l’un des guerriers renommés de l’armée de David. II Reg., xxiii, 26 ; I Par., xi, 28 ; xxvii, 9.


ACCHO (hébreu : ʿAkkô ; Septante : Ἀϰχώ, Jud., 1, 31 ; Πτολεμαΐς, I Mach., v, 15, 22, 55 ; x, 1, 39, 56-60 ; xi, 22, 24 ; xii, 45, 48 ; xiii, 12 ; II Mach., xiii, 24, 25 ; Act., xxi, 7), aujourd’hui’Akka ou Saint-Jean-d’Acre, ville maritime, située à 12 kilomètres au nord-est du Carmel, et à 41 kilomètres sud-sud-ouest de Tyr.

I. Noms. — Gesenius, Thesaurus linguæ heb. et chald., p. 1020, et, à sa suite, plusieurs auteurs rattachent le mot ʿAkkô à la racine ʿâkak, qui, d’après l’arabe, signifie « être brûlé par l’ardeur du soleil ».

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18. — Accho (Saint-Jean-d’Acre).

Les Arabes, en effet, appellent ʿakkat ou ʿakka « le sable brûlant ». Cf. G. W. Freytag, Lexicon arabico-latinum, Halle, 1835, t. iii, p. 199. On peut voir ici une allusion à la côte sablonneuse sur laquelle est bâtie la ville. A. P. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, p. 264. Les monuments égyptiens transcrivent exactement ce nom par ʿAka ou ʿAko, cf. P. Pierret, Vocabulaire hiéroglyphique, Paris, 1876, p. 81, d’après Brugsch, Geog., ii, 40, 44 ; et les inscriptions assyriennes le donnent sous la forme Akku-u, pour Akku. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, Giessen, 1883, p. 173. On le retrouve chez les écrivains grecs : Ἄϰη), Strabon, xvi, 758 ; Diodore de Sicile, xix, 93 ; et chez les auteurs latins : Ace. Corn. Nepos, xiv, 5.

Cependant c’est sous le nom de Ptolémaïde que la ville est désignée dans les livres des Machabées, dans le Nouveau Testament (voir les passages indiqués plus haut), et dans Josèphe, Ant. jud., XIII, ii, 1 ; iv, 1, 9 ; VI, 2 ; xii, 2 ; xiii, 1, 2 ; xvi, 4 ; XIV, xiii, 3 ; Bell, jud., i, xxi, 11. Elle le doit évidemment à l’un des Ptolémées d’Égypte, qui, ayant compris l’importance de cette place au point de vue militaire, s’en empara, et remplaça par 109 ACCHO

son nom propre l’ancienne dénomination. Mais à quelle époque et dans quelle occasion eut lieu ce changement, l’histoire ne le v dit pas. Plusieurs critiques l’attribuent à Ptolémée Soter, sans avoir toutefois de renseignements positifs à ce sujet V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 510. Accho-Ptolémaïde fut aussi appelée Colonia Claudii Cæsaris après avoir reçu de l’empereur Claude le privilège de cité romaine. Pline, H. N., v, 17 ; xxxvi, 65. Ces noms néanmoins ne parvinrent jamais à supplanter auprès des Orientaux l’appellation primitive ; et nous trouvons ici un remarquable exemple de la ténacité avec laquelle un nom sémitique peut survivre à une dénomination étrangère. Pendant que Grecs et Latins continuent à appeler notre ville Ptolémaïde, les Arabes Testent attachés à la désignation originale, que rappelle encore exactement aujourd’hui le mot 'Akka, et qui, à l'époque des croisades, devint, dans la bouche des Européens, Acon, peu à peu défiguré en Acre. Enfin, quand les chevaliers de l’hôpital Saint-Jean se furent établis dans cette place célèbre, le monde chrétien l’appela Saint-Jean d’Acre.

II. Description. — Parmi les auteurs anciens, un de ceux qui ont le mieux décrit notre ville, c’est assurément l’historien Josèphe. Bell, jud., II, x, 2. « Située sur la mer, dit-il, bâtie dans une grande plaine, elle est entourée de montagnes : vers l’est, à la distance de 60 stades (11 kilom.), par les monts de Galilée ; au midi, par le Carmel, éloigné de 120 stades (22 kilom.), et au septentrion, par une montagne très élevée, que les indigènes appellent l'Échelle des Tyriens. À deux stades coule un petit fleuve, qu’on nomme le Bélus. » En suivant des yeux, sur une carte, la côte palestinienne, on aperçoit vers le nord une profonde échancrure, dont la pointe méridionale est le Carmel, et la pointe septentrionale le promontoire où se trouve Saint-Jean-d’Acre. [[File: [Image à insérer]|300px]]
16. — Carte de la céte de SaintJean-d’Acre.

La baie comprise entre ces deux extrémités produit tout de suite l’aspect d’un abri providentiellement ménagé aux vaisseaux. La plage qui l’avoisine et laisse tomber dans la mer les eaux du Cison et du Bélus ressemble, suivant la juste comparaison de Stanley, Sinai and Palestine, p. 264, à l’embouchure de la grande plaine d’Esdrelon.

Une autre plaine d’une longueur d’environ huit lieues, sur deux de largeur, se dirigeant vers le nord, entoure la ville, dont elle prend le nom. D’une merveilleuse fertilité, resserrée entre les monts de Galilée et la Méditerranée, elle est fermée en haut par cette Échelle des Tyriens, appelée aujourd’hui Ras en-Naqoura. Ce promontoire, tombant à pic sur le rivage, semble une barrière naturelle posée entre la baie d’Acre et la plaine de Tyr, c’est-à-dire entre la Palestine et la Phénicie. Saint-Jean-d’Acre est comme une forteresse dans la mer, affectant la forme d’un triangle dont la base regarde le nord, et le sommet le sud. « Saint-Jean-d’Acre, dit M. V. Guérin, ouv. cité, p. 502, avait autrefois deux ports, l’un extérieur (c’est la rade actuelle) et l’autre intérieur. Ce dernier était délimité par une digue qui est en grande partie détruite, et que défendaient plusieurs tours, dont quelques assises inférieures sont seules encore visibles. Ce port est aujourd’hui très ensablé, et sa plus grande profondeur atteint 1 m. 50. Aussi les barques peuvent seules y pénétrer, et les bâtiments tant soit peu considérables sont contraints de mouiller en rade. Celle-ci est d’ailleurs beaucoup moins sûre que celle de Kaïpha. » Cf. V. Guérin, ouv. cité, p. 502-509 ; La Terre Sainte, t. ii, Paris, 1884, p. 150-161 ; Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans Le Tour du monde, t. xli, p. 38-46.

III. Histoire. — Bâtie par les Chananéens sur un promontoire et dans une situation dont on vient de voir l’importance, Accho se trouva, au moment du partage de la Terre Promise, dans le lot de la tribu d’Aser. Cependant elle n’est pas comprise dans rénumération des villes frontières ou principales, Jos., xix, 24-31, et les habitants n’en furent pas expulsés. Jud., i, 31. L’Ancien Testament n’en parle plus avant l'époque des Machabées. Toutefois, d’après une opinion défendue par Reland, Palæstina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. ii, p. 534 et suiv., et adoptée par beaucoup d’auteurs, elle serait mentionnée dans Michée, i, 10. À la fin de ce chapitre, en effet, le prophète fait allusion à dix villes dont les noms prêtent à des jeux de mots. Voir Achazib 2. Annonçant les châtiments que là justice de Dieu fera tomber sur Juda, il engage ses compatriotes à cacher leurs désastres surtout aux Philistins, qui, dans leur haine invétérée, s’en réjouiraient. « Ne les annoncez pas dans Geth, leur dit-il ; ne pleurez pas avec des sanglots, » c’est-à-dire pleurez en silence. La Vulgate a cherché à rendre, par cette dernière pensée, les mots du texte hébreu, dont la consonance, produite à dessein, est remarquable : bâkô ʾal ṭibkû. Elle a vu dans la répétition du même verbe bâkàh, « pleurer, » une figure de langage familière aux auteurs sacrés. Cependant le contexte et le parallélisme, qui demandent, dans le second membre, un nom de ville pour répondre à Geth du premier membre, semblent donner raison à Reland, qui reconnaît dans bâkô une contraction mise pour beʿakkô, et traduit ainsi : « Dans Accho ne pleurez pas, » c’est-à-dire : Si vous devez vous garder d’annoncer vos malheurs dans Geth, ville des Philistins, vous ne devez pas moins dissimuler votre douleur dans Accho, au milieu des Chananéens du nord. La joie de nos ennemis, triomphant de nos infortunes, est, en effet, un surcroît de peine. Le sens est ainsi plus naturel, le parallélisme mieux marqué, et la contraction bâkô aussi facilement explicable que celle de Baʿalâh, Jos., iv, 29, en Bâlâh, Jos., six, 3. La version des Septante favorise cette hypothèse, car elle a rendu les mots bâkô ʾal ṭibkû par καὶ oἱ ἐνακείμ (dans certains manuscrits, oἱ ἐν Ἄκειμ) (μή ἀνοικοδομεῖτε. On peut admettre avec Hitzig que la leçon primitive était ἐν Ἄκει, et que le μ a été ajouté par mégarde, à cause du mot μή qui suit. Pour toutes ces raisons, le P. Knabenbauer, Commentarius in prophetas minores, Paris, 1886, t. i, p. 404, accepte sans hésiter l’opinion de Reland.

Si les textes sacrés ne nous disent rien d’Accho avant la période asmonéenne, les monuments profanes nous en parlent plus d’une fois. Dès la XVIIIe dynastie, elle figure, dans les inscriptions de Thothmès III, parmi les noms géographiques qui appartiennent à la Palestine septentrionale. À l'époque du siège de Tyr par Salmanasar V (727-722), elle est au pouvoir des Tyriens ; car un passage de Ménandre, rapporté par Josèphe, Ant. jud., IX, xiv, 2, nous apprend qu’elle leur fit alors défection et se soumit aux Assyriens. Sennachérib (704-680), dans sa campagne contre Ézéchias, roi de Juda, s’en empara, et la mentionne après Sidon, Sarepta, Hosah et Achazib. Cf. Prisme de Taylor ou Cylindre C de Sennachérib, Cuneiform inscriptions of Western Asia, t. i, pl. 38-39 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 4e édit., Paris, 1885, t. iv, p. 212. Elle est également citée dans une inscription d’Assaraddon (680-667), relative aux campagnes de ce prince contre les Philistins et les Égyptiens. Cf. Vigouroux, ouv. cité, t. iv, p. 258. Enfin, sous le règne d’Artaxerxès II (405-359), elle sert aux Perses de base d’opérations contre l’Egypte : « Ako, dit M. Maspéro, était, sur la côte méridionale de Syrie, le seul port assez grand pour recevoir les flottes de la Perse, assez sûr pour les protéger contre les tempêtes et contre les surprises. Pharnabazos y établit son quartier général. Pendant trois années, vivres, munitions, soldats de terre et de mer, vaisseaux phéniciens et grecs y affluèrent ; … et au commencement de 373 l’expédition était prête à partir. Elle comptait deux cent mille soldats et vingt mille mercenaires, trois cents trières, deux cents galères à trente rames, et beaucoup de vaisseaux de charge ; » Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., Paris, 1886, p. 645.

Ces détails nous montrent quelle était dès ce moment l’importance d’Accho, importance qui devait grandir de plus en plus. Reconnue pour être, par sa situation, la clef de la Syrie, servant de débouché à la route commerciale de Damas à la mer, sa possession devint du plus grand prix au point de vue politique. Aussi les rois se la disputèrent avec acharnement, surtout après le démembrement de l’empire macédonien. Rattachée à ce moment à l’Égypte, comme le reste de la Phénicie, elle prit le nom de Ptolémaïde ; puis, plus tard, conquise par Antiochus le Grand, elle revint à la Syrie. Ptolémée, v, 62. Quand les Machabées se levèrent pour défendre leur patrie et leur foi, Accho Ptolémaïde se posa entre eux et les rois de Syrie tour à tour comme uu objectif important, ou un point dangereux, ou un rendez-vous naturel. L’an 163 avant J.-C, Simon poursuivit les ennemis qu’il avait en Galilée jusque sous les murs de Ptolémaïde, dont il ne put néanmoins s’emparer. I Mach., v, 15-22. Antiochus Eupator (164-162), vaincu par Judas Machabée, fit la paix avec lui, et « l'établit chef et prince depuis Ptolémaïde jusqu’aux Gerréniens ». Mais les habitants de la ville ne voulurent pas accepter le traité conclu, et c’est à grand’peine que Lysias parvint à apaiser leur mécontentement. II Mach., xiii, 24-26. Vers l’an 152, Alexandre Balas, prétendant au trône de Syrie, se rendit maître de la place, I Mach., x, 1 ; mais Démétrius Soter, briguant l’amitié du peuple juif et de Jonathas, « donna la ville et son territoire au sanctuaire qui est à Jérusalem, pour les dépenses nécessaires aux choses saintes. » I Mach., x, 39. Alexandre, vainqueur de son rival, célébra à Ptolémaïde son mariage avec Cléopâtre, fille de Ptolémée Philométor, roi d’Egypte ; et, sur son invitation, Jonathas s’y rendit avec des présents qu’il offrit aux deux monarques. I Mach., x, 56-60. En 145, Démétrius II Nicator, débarrassé de ses deux compétiteurs, Alexandre et Ptolémée, manda dans la même ville Jonathas, qui s’insinua dans la confiance du roi et en reçut beaucoup d’honneurs. I Mach., xi, 22-26. Mais Tryphon, conspirant contre le jeune Antiochus, et craignant de rencontrer dans le héros juif un adversaire redoutable, attira perfidement ce dernier à Ptolémaïde, où il le fit prisonnier, et mit à mort tous ses partisans. I Mach., xii, 45-48.

La ville s'étant plus tard rendue indépendante, Alexandre Jannée (106-79) l’attaqua sans succès, et en leva le siège dès qu’il apprit que Ptolémée Lathyre, roi de Chypre, venait de débarquer à Sycaminos avec une nombreuse armée. Josèphe, Ant. jud., XIII, xii, 2-4. Celui-ci s’en empara ; mais, bientôt après, Cléopâtre, sa mère, reine d’Egypte, la lui enleva. Ant. jud., XIII, xiii, 1, 2. Tigrane, roi d’Arménie, la prit à son tour, lors de son incursion momentanée en Syrie. Ant. jud., XIII, xvi, 4. Enfin Hérode le Grand, dans sa munificence pour certaines cités étrangères, la dota d’un gymnase comme Tripoli et Damas. Bell, jud., i, xxi, 11. Élevée par l’empereur Claude au rang de colonie romaine, Ptolémaïde reçut le titre de Colonia Claudii Cæsaris. Pline, H. N., v, 17. Reland décrit plusieurs de ses monnaies où ce titre de colonie est marqué. Palæstina ex mon. vet. illustrata, Utrecht, 1714, t. ii, p. 538. Deux notamment, la première de Trajan, la seconde d’Adrien, représentent la ville sous la figure d’une femme voilée et tourellée, assise sur un rocher que la mer environne. De la main droite elle tient trois épis, emblème de la fertilité du sol, et à ses pieds est l’image d’un fleuve, évidemment le Bélus (Nahr Na’man). La monnaie que nous reproduisons ici, fig. 17, est un tétradrachme au nom d’Alexandre ; l’original est conservé au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. Pour les monnaies autonomes et impériales d’Accho-Ptolémaïde, voir de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, Paris, 1874, p. 154-169, pl. viii.


17. — Monnaie d’Accho.
Tête imberbe d’Alexandre, à droite. — R°. Zeus ou Jupiter aétophore (porteur d’aigle), assis, a gauche. Sous le bras droit de Jupiter, on lit, en caractères phéniciens, ACV (Accho) et la date 34 (278-277 avant J. C.) de l'ère des Séleucides. Beaucoup de monnaies portant l’effigie d’Alexandre ont été ainsi frappées longtemps après son règne.


Saint Paul, après avoir prêché l'Évangile en Macédoine, en Grèce et en Asie, venant de Milet à Jérusalem, termina au port de Ptolémaïde « sa navigation », son voyage par mer ; puis, « ayant salué ses frères, demeura auprès d’eux pendant un jour. » Act., xxi, 7. Dès les premiers siècles de l'ère chrétienne, la ville devint le siège d’un évêché ; pendant les croisades, elle acquit une très grande importance. Voir V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 512-525 ; E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 92-100.

A. Legendre.

ACCOMMODATICE (Sens). Ce sens n’est pas, à parler strictement, un sens de l'Écriture, directement ou indirectement voulu par le Saint-Esprit ; c’est une signification attribuée plus ou moins arbitrairement aux paroles sacrées, et distincte de leurs sens réels, littéral et spirituel. Elle résulte de l’adaptation du texte à un sujet étranger au contexte.

Cette adaptation se fait de deux manières. Le texte, appliqué à une personne, un objet, une situation différents de ceux qu’avait en vue l’auteur inspiré, garde-t-il son sens premier et naturel, l’accommodation a lieu par extension. L’application est fondée sur quelque ressemblance, sur l’analogie et une sorte d’identité morale des situations. Ainsi un pécheur emploierait pour excuser sa faute les paroles d’Eve : Serpens decepit me, Gen., iii, 13 ; un aveugle exprimerait son malheur comme Tobie, v. 12 : crf Quale gaudium mihi erit, qui in tenebris sedeo et lumen cœli non video ? Par suite de son adaptation à une autre circonstance, le texte perd-il son sens naturel et a-t-il une signification nouvelle, il n’y a plus qu’une simple allusion à l’Ecriture, une coïncidence de sens entre une parole divine et l’expression d’une pensée humaine. La sœur du duc de Montmorency, décapité par ordre de Richelieu, s'écriant, diton, à la vue du tombeau de ce cardinal : Domine, si fuisses hic, frater meus non fuisset mortuus, employait ainsi les paroles des sœurs de Lazare à Jésus. Joa., xi, 21 et 32. C’est aussi par allusion qu’on applique souvent à la contagion des mauvaises compagnies le ꝟ. 20 du psaume xvii : « Vous serez bon avec les bons et mauvais avec les mauvais, » adressé littéralement à Dieu, qui est miséricordieux envers les bons et sévère à l'égard des méchants. Ces deux procédés d’accommodation sont parfois réunis. La parole Mirabilis Deus in sanctis suis, Ps. lxvii, 36, relative aux prodiges accomplis par Dieu dans son sanctuaire, est souvent entendue de la sorte des merveilles de grâce opérées dans les saints.

De soi, l’accommodation qui conserve à l'Écriture son sens premier est plus légitime que la simple allusion, qui souvent, selon le mot de saint François de Sales (voir son Esprit, IIe part., ch. xiii), est une « détorse » du texte sacré. Toutefois le concile de Trente, sess. IV, décret, de editione et usu Sacrorum Librorum, a interdit formellement toute application de la parole divine à des sujets profanes. Au xvie siècle, la Sainte Écriture était employée à des bouffonneries et à des contes, à de vains discours et à des flatteries, à des détractions, à des superstitions, à des enchantements impies et diaboliques, à des divinations et à des sorts ou libelles diffamatoires. Afin de réprimer cette témérité, les Pères du concile prohibèrent ces irrévérences et celles qui leur ressembleraient, et ordonnèrent aux évêques de punir, selon le droit et leur appréciation, les auteurs d’un tel mépris et de telles profanations. L’instruction de Clément VIII aux correcteurs de livres signale comme digne de correction l’emploi de l'Écriture à un usage profane. Les moralistes l’appellent « un sacrilège réel, l’abus d’une chose sacrée », et saint François de Sales, malade, reprit vivement son médecin, qui appliquait à la préparation d’un remède les paroles de Jésus à Pierre : Quod ego facio, tu nescis modo ; scies autem postea. Joa., xiii, 7 : « Vous profanez la Sainte Écriture en l’appliquant à des choses profanes ; un chrétien ne doit employer la parole de Dieu que pour des choses saintes, et avec un grand respect. » Cependant toute accommodation de l'Écriture à un sujet profane n’est pas répréhensible au même degré. Une fine plaisanterie est moins condamnable qu’une grossière bouffonnerie, une habile allusion qu’un lourd jeu de mots. Les casuistes autorisent à citer dans la conversation, par manière de proverbe, une pensée générale, telle que Melior est obedientia quam victimæ, I Reg., xv, 22 ; à rapporter un exemple ou une comparaison bibliques, qui gardent hors du contexte leur sens véritable.

Mais, en règle générale, l’accommodation de l'Écriture n’est permise que dans les sujets de piété et dans un but d'édification. Les auteurs inspirés, en de rares circonstances, I Mach., i, 41, et Tobie, ii, 6, pour Amos, viii, 10 ; I Mach., i, 57, pour Daniel, ix, 27 ; Matth., vii, 23, pour Ps.vi, 9 ; Matth., x, 36, pour Michée, vii, 6 ; Luc, xxiii, 30, pour Osée, x, 8 ; Apoc, xi, 4, pour Zach., iv, 14, ont détourné de leur sens primitif certaines paroles des Livres Saints, et donné à leur pensée l’expression dune autre pensée divine. Les écrivains ecclésiastiques ont suivi leur exemple, et largement usé des applications libres, des adaptations du texte sacré. Elles abondent dans leurs ouvrages, et Théodore de Mopsueste, In Epist. ad Rom., iii, 12, t. lxvi, col. 793, assure que cet emploi de la Sainte Écriture était très fréquent de son temps dans les sermons.

Il s’est perpétué dans la prédication de tous les siècles, et l'Église elle-même l’a consacré dans sa liturgie. L'éloge des patriarches est emprunté à l’Ecclésiastique pour louer les confesseurs pontifes et non pontifes. Acosta, De vera Scripturas tractandi ratione, l. III, c. vi, vii et xi, a recueilli un certain nombre d’exemples de semblables accommodations. Antiennes, psaumes, capitules, leçons et répons du bréviaire ; introïts, graduels, traits, offertoires, communions, parfois mêmes épîtres et évangiles du missel, sont des applications du texte sacré à l’objet des fêtes. Sans déroger au respect dû à la parole divine, cet emploi de l'Écriture excite la piété des lecteurs et des auditeurs. La partie matérielle elle-même des propositions de l'Écriture possède une sorte de vertu divine. Deviennent-elles le véhicule et l’expression de pensées et de sentiments humains, elles produisent encore des effets divins dans les âmes. Les homélies de saint Bernard, composées, pour ainsi dire, de centons extraits des Livres Saints, ont une onction et une saveur de piété particulières.

Toutefois l’accommodation du texte sacré à des sujets religieux a ses règles et n’est légitime que moyennant certaines conditions. Avant tout, il est évident qu’il ne faut jamais présenter le sens accommodatice comme le sens véritable de l'Écriture. Il n’a aucune valeur dogmatique, ne peut établir un point de foi ou de morale obligatoire, ni servir par conséquent à la démonstration d’une thèse. L’employer, c’est énoncer dans les termes qui expriment une pensée du Saint-Esprit une proposition étrangère, dont le Saint-Esprit n’est pas responsable. Cette proposition n’obtient pas par là une force nouvelle. Aussi saint Jérôme, In Matth., l. II, xiii, 33, t. xxvi, col. 91-92, blâme-t-il les écrivains qui voulaient prouver le dogme de la sainte Trinité par la parabole des trois sacs de farine qu’une femme met en pâte, parce qu’ils y voyaient une figure de la pluralité des personnes dans l’unité de la nature. Les Donatistes démontraient par ce texte : Indica mihi ubi pascas, ubi cubes in meridie, Cant., i, 6, qu’eux seuls représentaient en Afrique la véritable Église. Saint Augustin, De unitate Ecclesiæ contra Donatistas, xxiv, 69, t. xliii, col. 441, se moque à bon droit de leur argumentation.

L’application du texte sacré doit toujours être naturelle, fondée sur une analogie au moins lointaine, être d’une justesse frappante et pleinement satisfaisante pour l’esprit. Une adaptation risquée, quoique pieuse, est à tout le moins une faute de goût ; parfois même elle devient un sujet de risée pour des lecteurs ou des auditeurs exigeants. La prudence et une sage réserve feront donc éviter de donner aux paroles saintes une signification contraire au sens littéral, ou trop éloignée de ce sens, ou qui n’aurait avec elles d’autre rapport que le son matériel des mots. Saint François de Sales voulait qu’on commençât par expliquer le sens littéral. « Autrement, disait-il, c’est bâtir le toit d’une maison avant d’en jeter les fondements. L'Écriture Sainte n’est pas une étoffe qu’on puisse tailler à son gré pour s’en faire des parements à sa mode. » Ne serait-ce pas un blasphème d’appliquer au sacré Cœur de Jésus ce verset : Accedet homo ad cor altum, et exaltabitur Deus, Ps. lxiii, 7-8, ou à la sainte Vierge ce passage du psaume x (hébreu), 15 : Quæretur peccatum illius et non invenietur, qui décrivent l’insondable malice des pécheurs et la gloire que Dieu retirera de leur punition ? Entendre des instruments de pénitence ces paroles : Apprehendite disciplinam, nequando irascatur Dominus, Ps. ii, 12, qui exhortent les hommes à recevoir le joug du Messie, s’ils ne veulent irriter le Seigneur, serait excessif. L’abus, dans ces cas où l’allusion n’est que verbale, provient souvent de l’ignorance du vrai sens de l'Écriture, ou du ridicule désir de faire parade de bel esprit dans les citations scripturaires. Les prédicateurs du xviie siècle n’ont pas toujours su éviter ce défaut. Sur l’emploi du sens accommodatice de l'Écriture dans la chaire chrétienne, voir Longhaye, La prédication, grands maîtres et grandes lois, Paris, 1888, 2e part., l. I, ch. ier, iii, p. 295-301. À consulter : Vasquez, In iam partem Sum. theol., disp. xiv ; Serarius, Prolegomena biblica, c. xxi, q. 14 ; Frassen, Disquisitiones biblicæ, iv, 6 ; Acosta, De vera Scripturas tractandi ratione, l. III, c. v-xiii ; H. de Bukentop, Tractatus de sensibus Sacræ Scripturæ, c. xv ; Berthier, Tractatus de locis theologicis, Turin, 1888, pars ia, l. I, c. ii, a. ii, § 1, nos 189-191, p. 166-168, et § 3, no 257, p. 220-221.


ACCOS, hébreu : Haqqôṣ (nom avec l’article), « l'épine ; » Septante : Κώς, I Par., xxiv, 10 ; Ἀκκούς, I Esd., ii, 61 ; Ἀκκώς, II Esd., iii, 4, 21 ; Ἀκώς, II Esd., vii, 63.

1. ACCOS, chef de la famille sacerdotale à qui échut sous David le septième sort. I Par., xxiv, 10. Ses descendants revinrent de la captivité avec Zorobabel. Mais, n’ayant pu retrouver leurs tables généalogiques ni justifier de leur descendance, ils furent exclus du sacerdoce. I Esdr., ii, 61 ; II Esdr., vii, 63. Dans la Vulgate, II Esdr., iii, 21, « Haccus ; » au v. 3, « Accus. »

2. ACCOS (Septante : Ἀκκώς ; Vulgate : Jacob), père de Jean et grand-père d’Eupolème, l’ambassadeur de Judas Machabée à Rome. I Mach., viii, 17.


ACCUB, hébreu : ‘Aqqub, « insidieux ; » Septante : Ἀκούβ, Ἀκούμ.

1. ACCUB, le quatrième fils d'Élioénaï, descendant de Zorobabel. I Par., iii, 24.

2. ACCUB, lévite, un des chefs des gardiens de la porte orientale du temple, du temps de David. I Par., ix, 17, 26. Il était chargé en même temps des chambres et des trésors de la maison du Seigneur. Ses descendants revinrent de la captivité avec Zorobabel. I Esdr., ii, 42, 45 ; II Esdr., vii, 46. Parmi ses descendants, on en voit un du nom d’Accub lire la loi et faire les fonctions de chef des portiers. II Esdr., viii, 7, 9 ; xi, 19 ; xii, 25.

3. ACCUB, un des chefs des Nathinéens, dont les descendants revinrent de Babylone avec Zorobabel. I Esdr., ii, 45. Son nom est omis dans le texte parallèle. II Esdr., vii, 48.

4. ACCUB, lévite qui assista Esdras dans la lecture de la loi au peuple. II Esdr., viii, 7. Voir Accub 2.


ACCUS. Voir Accos 1.


ACCUSA. Voir Bacbiel.


ACCUSATEUR. Ce mot s’emploie dans divers sens :

1° En matière judiciaire, il signifie, dans la Bible comme dans les auteurs profanes, celui qui défère au juge un crime commis par un autre, afin d’attirer sur lui la vengeance publique : ainsi dans beaucoup de passages cités dans la suite de cet article.

2° En dehors de tout jugement, ce mot signifie celui qui dénonce le crime, vrai ou faux, d’un autre, soit pour le faire corriger, soit pour attirer sur lui la colère et la haine. Dans ce sens, ce mot est employé fréquemment par les auteurs sacrés. Voir, par exemple : Gen., xxxvii, 2 ; xxxix, 13-18 ; I Esdr., iv, 6-24 ; Prov., xxx, 10 ; Eccli., xlvi, 22 ; I Mach., vii, 6, 25 ; II Mach., iv, 1, etc.

3° Dans un sens plus élevé et métaphorique, ce mot signifie celui qui porte une accusation contre quelqu’un devant le tribunal de Dieu, Joa., v, 45 ; Rom., viii, 33 ; dans ce sens, Satan est appelé, par antonomase, « l’accusateur, » ὁ κατήγωρ, Ap., xii, 10, nom que les rabbins ont mis, en hébreu, qâtêgôr, pour le donner au démon. Ce mot, ὁ κατήγωρ, correspond à peu près au mot hébraïque haṡṡâṭân, « l’adversaire, » par antonomase, qui est le nom de Satan. Zach., iii, 1, 2 ; Job, i, 6-9, etc. ; Gesenius, Thesaurus, p. 1328.

4° Dans la Bible, le même mot est encore appliqué à la conscience, qui accuse le pécheur, Rom., ii, 15 ; à la loi, qui accuse celui qui la viole, Joa., v, 45.

5° Enfin le juste est dit aussi « accusateur » de lui-même, Prov., xviii, 17, dans ce sens que le juste est prompt à reconnaître, à avouer et à regretter ses torts : ce qui n’est pas toujours vrai du pécheur. Dans cet article, nous ne prenons ce mot que dans le premier sens, c’est-à-dire en matière judiciaire.

L’accusateur est celui qui implore l’autorité du juge pour faire infliger à l’accusé la peine portée par les lois contre le crime qu’il lui impute ; si le plaignant ne requiert pas la vengeance publique, mais seulement la satisfaction d’un intérêt privé, lésé par le délit commis, il s’appelle non pas accusateur, mais demandeur (voir Dette, Jugement). Dans le premier cas, le jugement est dit criminel ; dans le second, civil ; si le plaignant requiert à la fois la vengeance publique et la satisfaction de ses intérêts, il est en même temps accusateur et demandeur, et le jugement est dit mixte.

Les droits romain et canonique distinguent entre l’accusateur et le dénonciateur : l’accusateur s’oblige à prouver le crime imputé, fait la cause sienne, et s’expose aux peines les plus graves, s’il succombe dans ses preuves ; le dénonciateur se contente de déférer le crime au juge, et d’indiquer les témoins et autres moyens de preuve. Les Hébreux ont ignoré cette distinction ; quiconque défère un crime au juge est dit accusateur ou, plus exactement, sâtân, « adversaire, » et s’expose, s’il agit avec malice, aux peines que nous indiquerons plus loin.

L’accusation n'était pas nécessaire pour mettre en mouvement l’action judiciaire ; quand les juges avaient connaissance d’un crime, par la voix publique ou d’une autre manière, ils pouvaient procéder à une information juridique. Juda apprend, par un bruit public, la faute de Thamar, et procède au jugement, Gen., xxxviii, 24 ; Josué apprend, par révélation divine, que les ordres du Seigneur ont été violés ; il fait une enquête, et Achan convaincu subit la peine de mort. Jos., vii, 10-26. Josèphe nous dit que, lorsque un meurtre avait été commis, les juges de la ville, même avant d’avoir reçu aucune indication sur le coupable, devaient procéder à une enquête et provoquer des dénonciations, même par l’appât des récompenses. Ant. jud., l, viii, 16.

L’accusateur n'était pas toujours, comme chez les Romains, une ou plusieurs personnes déterminées ; c'étaient quelquefois la foule, le peuple, une catégorie de personnes : dans le procès de Jérémie, ce sont les prêtres et les prophètes, Jer., xxvi, 11, 16 ; dans le procès de Pierre et de Jean, ce sont les prêtres, les magistrats préposés au temple, et les Sadducéens, qui les trouvent dans le temple, Act., iv, 1-3 ; dans le procès de saint Etienne, ce sont les synagogues des Affranchis, des habitants de Cyrène, d’Alexandrie, etc. Act., vi, 9-13.

Nous voyons par ces exemples que, dans le droit hébraïque, l’accusation n'était pas réservée, comme dans nos législations modernes, à un magistrat spécial ; le droit d’accusation appartenait à tous les Israélites, soit aux intéressés, c’est-à-dire à ceux qui étaient lésés dans leurs biens, leur honneur, etc., par le crime commis, soit même à un citoyen quelconque qui avait vu le crime ; dans ce sens', pour employer une expression du droit romain, tous les crimes, chez les Hébreux, étaient « publics », c’està-dire qu’il était permis à tous les citoyens de les déférer aux juges par la voie de l’accusation. Les crimes « publics », chez les Romains, étaient surtout ceux qui étaient commis ou censés commis contre la république, et c’est pour cela que tous pouvaient accuser les coupables, Voet., ad Pandectas, de publicis judiciis, 1 ; chez les Hébreux, tous les crimes étaient censés commis directement contre Dieu lui-même, et par conséquent contre l'État, dont Jéhovah était le premier chef : voilà pourquoi tous pouvaient se porter comme accusateurs.

L’accusateur, chez les Hébreux, présentait sa requête de vive voix ; tel, au moins, paraît avoir été l’usage. Généralement l’accusateur paraissait devant les juges en même temps que l’accusé ; c’était l’usage romain au temps de Notre Seigneur ; nous l’apprenons par saint Paul. Act., xxv, 16 ; cf. xxiii, 30, 35 ; xxiv, 8. C’était aussi l’usage des Hébreux, comme nous le voyons par les exemples de jugements mentionnés dans la Sainte Écriture ; nous ne trouvons qu’une exception : dans le jugement de Naboth, III Reg., xxi, 8-14, l’accusatrice Jézabel ne paraît pas devant les juges de Jezrahel ; il est probable que sa qualité de reine l’en exemptait ; du reste, comme on le voit dans le texte sacré, l’intervention de Jézabel dans ce jugement, ou plutôt dans cette iniquité, était moins une accusation qu’un odieux complot entre elle et les juges.

Dans le droit romain, suivi en cela par le droit canonique, l’accusateur proprement dit ne peut être témoin, sinon dans les affaires de peu d’importance. La raison en est que, comme nous l’avons dit, l’accusateur fait la cause sienne, s’engage à prouver son attaque, et s’expose, en cas d’insuffisance de preuves, à des peines très graves. Or, de par le droit naturel, nul ne peut être témoin dans sa propre cause. Il n’en était pas ainsi chez les Hébreux ; autant que nous pouvons en juger par les exemples rapportés dans la Sainte Écriture, l’accusateur pouvait être témoin : dans le jugement de Susanne, Dan., xiii, les deux vieillards accusateurs furent témoins, et les deux seuls témoins ; dans le jugement de Salomon, III Reg., iii, 16-28, la femme qui traduit sa voisine devant le tribunal du roi remplit à la fois les deux rôles d’accusatrice et de témoin. La raison de cette différence, c’est que dans la coutume hébraïque l’accusateur ne fait pas la cause sienne, qu’il ne s’engage pas à prouver son attaque, et qu’il n’est puni qu’en cas de calomnie délibérée et clairement prouvée. Il est probable, en conséquence, que lorsque l’accusateur était témoin, il pouvait servir à compléter le nombre de deux ou trois témoins requis par la loi pour rendre une sentence en matière criminelle. Voir Témoin. Toutefois quelques commentateurs pensent que, dans ce cas, il fallait encore nécessairement deux autres témoins, distincts de l’accusateur, et que tel était le sens de la formule mosaïque : « deux ou trois témoins. » Tel est le sentiment de Michælis, Mosaisches Recht, § 299, t. vi, p. 126 ; Saalschütz le réfute sur ce point. Das mosaische Recht, k. 88, p.604. Dans le jugement de Susanne, les vieillards étaient à la fois accusateurs et témoins ; comme ils étaient deux, leur témoignage parut suffisant ; Daniel ne fit pas de reproche aux juges sur ce point. C’est aux juges à apprécier, d’après toutes les circonstances, la valeur du témoignage de l’accusateur, et à en tenir le compte qu’il mérite.

La peine portée contre l’accusateur qui accuse calomnieusement n’est pas spécialement et explicitement exprimée dans la loi de Moïse ; elle se déduit de la peine portée contre les faux témoins, parce qu’en effet l’accusateur pouvait être témoin, et l’était même souvent, et que d’ailleurs la loi pénale qui vise les témoins est conçue en des termes généraux qui s’appliquent aussi bien à l’accusateur. Nous lisons, Deut., xix, 16-21 : « Si un faux témoin s’attaque à un homme, l’accusant d’avoir violé la loi, et que celui-ci le nie, ils se présenteront tous deux devant le Seigneur, en la présence des prêtres et des juges qui seront en charge en ce temps-là, et lorsque, après une très exacte recherche, ils auront reconnu que le faux témoin a avancé une calomnie contre son frère, ils le traiteront comme il avait le dessein de traiter son frère. » On voit que ce texte s’applique aussi bien à l’accusateur qu’au témoin. La coutume, du reste, a ainsi entendu la loi. C’est la peine du talion qui est ici décernée contre les faux témoins. Or les Hébreux infligeaient cette peine aussi bien à l’accusateur qui calomniait qu’au faux témoin. Dans l’affaire de Susanne, les deux vieillards sont punis de mort, Dan., xiii, 61-62, parce qu’ils avaient voulu faire infliger cette peine à leur victime, l’adultère étant puni de mort ; le texte sacré dit même expressément qu’on les mit à mort pour leur faire souffrir le même mal qu’ils voulaient faire souffrir à un autre, et pour exécuter la loi de Moïse : ce qui est une allusion évidente au passage signalé du Deutéronome, et même une citation partielle de ce passage. Dans l’affaire de Naboth, mis à mort à la suite de l’accusation calomnieuse de Jézabel, Dieu lui-même se chargea d’exécuter la peine du talion contre cette femme impie, qui en sa qualité de reine échappait à la justice humaine ; il la menaça d’abord de cette peine, III Reg., xxi, 23, puis il l’exécuta, IV Reg., ix, 30-37.

S. Many.


ACCUSÉ. Ce mot, qui est corrélatif du mot accusateur, se présente naturellement, dans la Bible, avec la plupart des sens correspondants à ceux de ce dernier terme ; ils sont signalés dans l’article précédent. Ici nous ne prenons ce mot accusé que dans son sens judiciaire.

Chez les Hébreux, l’accusé était tout individu traduit devant les juges sous la prévention d’un crime qui lui était imputé, ou par un accusateur ou dénonciateur, ou par un bruit public, ou à la suite d’une enquête judiciaire. C’est exactement le reus des Latins. Les Hébreux ont ignoré toutes les distinctions introduites par nos législations modernes entre l’accusé, l’inculpé, le prévenu, etc., termes qui désignent ou les divers degrés de gravité des fautes imputées, ou les diverses phases de la procédure ; quiconque, chez les Hébreux, paraissait devant les juges sous l’imputation d’un crime contre lequel on implorait la vengeance des lois, était « accusé ». Toutefois cette qualification supposait un jugement criminel, ou au moins un jugement mixte ; dans le cas de jugement civil, il n’y avait pas d’accusé, mais un défendeur.

Dans la procédure criminelle des Hébreux, la personne de l’accusé était entourée de la protection des lois, afin que ses intérêts et ceux de la vérité et de la justice fussent sauvegardés. D’abord il était cité, afin qu’on pût l’entendre. C’était là une règle inviolable et sacrée ; nous ne trouvons dans l’Écriture aucun exemple de jugement proprement dit où l’accusé n’ait été entendu ; même dans les jugements les plus sommaires, l’accusé paraissait, et on pouvait l’entendre. Cette audition de l’accusé avait été commandée par Moïse aux juges qu’il établit sur son peuple : « Entendez-les (non seulement le plaignant, mais celui dont il se plaint), et jugez suivant la justice, qu’il s’agisse de citoyens ou d’étrangers. » Deut., i, 16. Aussi Nicodème pouvait-il dire à ses collègues du sanhédrin : « Est-ce que notre loi juge quelqu’un avant qu’on l’ait entendu, et qu’ainsi l’on ait appris ce qu’il faut faire ? » Joa., vii, 51. Les rabbins font remarquer que Dieu lui-même, malgré sa science infinie, n’a pas voulu se décharger de cette obligation de citer et d’entendre l’accusé. Avant de condamner Adam et Ève, il les cite et les écoute, Gen., iii, 8-13 ; avant de condamner Aaron et Marie, qui accusaient injustement Moïse leur frère, Dieu, qui veut prendre en main la cause de son serviteur, les cite et les interroge. Num., xii, 4-8. Cf. Hottinger, Juris Hebræorum leges, l. lxxx, Tiguri, 1655, p. 104-106.

L’accusé, paraissant devant les juges, avait toute liberté de se détendre. Saint Etienne, accusé devant le sanhédrin de Jérusalem, reçoit du président la parole pour se défendre, et en profite largement, Act., vii, 1-53 ; Susanne, accusée par deux vieillards dont le témoignage paraissait à tous indiscutable, se défend en protestant de son innocence. Dan., xiii, 42-43. Jérémie, accusé par les prêtres et les faux prophètes, se défend aussi devant ses juges, et gagne sa cause. Jer., xxvi, 12-16. Souvent, comme on le voit par ces exemples et par beaucoup d’autres, l’accusé se détendait lui-même ; cependant lorsque, pour quelque motif que ce fut, il ne pouvait pas ou ne voulait pas plaider sa propre cause, il ne manquait jamais d’un parent, d’un ami ou d’un défenseur charitable, qui prenait en main ses intérêts et présentait ses défenses au tribunal : ce qui était d’autant plus facile, que, les jugements étant toujours rendus aux portes de la ville, ou au moins, en dehors de la Judée, dans un lieu très public, tous, même un inconnu, un étranger, pouvaient venir au secours de l’accusé, comme nous le voyons dans le jugement de Susanne, qui fut sauvée au dernier moment par l’intervention inattendue de Daniel, Dan., XIII, 45-63. Cette liberté de la défense est soigneusement enseignée dans la Mischna, traité Sanhédrin, v, 4, édit. Surenhusius, part, iv, p. 232. Tel était aussi l’usage romain, comme nous l’apprenons par l’affirmation très précise de saint Paul. Act., xxiv, 19. Aussi le même Apôtre, accoutumé à ces usages des Juifs et des Romains, se plaignit deux fois d’avoir été frappé de verges, sans qu’on eût discuté sa cause et entendu sa défense. Act., xvi, 37 ; xxii, 25.

L’aveu du crime, fait par l’accusé, n'était jamais suffisant pour le faire condamner. Quelle que soit la force probante de l’aveu judiciaire dans les matières civiles, et même dans les matières criminelles non capitales, néanmoins, dès qu’il s’agit de la vie d’un homme, l’aveu seul de son crime peut n'être pas suffisamment concluant pour entraîner la conviction des juges. Aussi, chez les Romains, le juge ne pouvait condamner à mort sur le seul aveu de l’accusé ; il fallait au moins que le corpus delicti fût bien établi d’ailleurs, L. 1, § Divus Severus, et § Si quis ultro, D., De quæstionibus, XLV1II, xviii : décision très sage, car il peut se faire, comme on le déduit de ces textes, qu’un aveu de ce genre soit donné dans un moment de crainte, d’exaltation, de folie ou de désespoir. Cf. Voet., ad Pandectas, de Confessis, n° 2. C’est ce qu’avaient aussi compris les Hébreux : dans leur procédure criminelle, jamais l’aveu ne suffit pour faire condamner à mort. Achan avoue son crime, mais son aveu n’est que le commencement d’une enquête, qui, en établissant clairement le corpus delicti, ne laisse aucun doute sur la culpabilité de l’accusé, Jos., vii, 10-26 ; Jonathas avoue son délit, mais il était notoire, ayant eu le peuple entier pour témoin. I Reg., xiv, 25-28. Aussi les commentateurs juifs disent-ils que, d’après la Loi, aucun homme ne peut être mis à mort sur son aveu personnel. Voir Maïmonide et Bartenora, dans leurs commentaires sur la Mischna, traité Sanhédrin, vi, 2, édit. Surenhusius, part. iv, p. 234. Nous ne trouvons dans la Bible qu’une exception à cette règle : sur la seule déclaration de cet Amalécite qui prétend avoir tué Saül, David le fait mettre à mort. II Reg., i, 1-16. Quelques auteurs expliquent cette justice sommaire en la présentant comme une exécution militaire, exigée d’ailleurs par la nécessité pressante où se trouvait David de venger l’honneur de la royauté, de mettre en sûreté pour l’avenir la vie des rois d’Israël, et de se mettre lui-même à l’abri de tout soupçon de connivence avec celui qui se déclarait le meurtrier de Saül. Cf. Michælis, Mosaisches Recht, §295, 305, t. vi, p. 113, 163.

Jamais non plus l’accusé ne pouvait être mis à mort ni sur la révélation d’un prophète, ni sur une désignation faite par le sort. « Notre Loi ne condamne personne à mort sur le dire d’un prophète qui déclare qu’un tel a commis ce crime, » dit Maïmonide dans son commentaire sur la Mischna, à l’endroit cité. C'était là, en effet, une voie trop extraordinaire et trop sujette à l’erreur, pour que les juges pussent s’en contenter dans l’administration de la justice, surtout criminelle. Quant au sort, on pouvait, dans certains cas, y avoir recours, voir Sort ; mais c'était seulement pour rechercher le coupable, jamais pour le condamner ; il fallait encore, indépendamment du sort, des preuves décisives pour que le juge fût autorisé à porter la sentence : c’est ce que nous voyons dans les exemples cités plus haut, d’Achan et de Jonathas, qui sont les deux seuls cas de jugements criminels rapportés par l'Écriture où l’on ait eu recours au sort pour découvrir les coupables. Le sort désigne Achan et Jonathas comme coupables, mais leurs crimes furent clairement prouvés d’ailleurs : celui d’Achan, par son aveu et l’enquête qui le suivit ; celui de Jonathas, par son aveu et la notoriété du fait.

L’accusé n'était jamais soumis à la torture : nous n’en voyons aucun exemple ni même aucune trace dans tous les cas de jugements rapportés par l'Écriture ; il n’en est pas question dans la loi de Moïse. Nous trouvons bien, Deut., xxv, 2, mentionnée la flagellation, qui, chez les Grecs et les Romains, était un mode assez ordinaire de torture ; mais par le contexte nous voyons que cette exécution n'était pas du tout une forme de torture destinée à arracher des aveux à l’accusé, mais bien une peine destinée à punir des délits déjà clairement prouvés. La torture apparaît pour la première fois dans la Palestine après la conquête romaine ; Hérode y a recours pour découvrir les coupables. Josèphe, Bell. jud., i, xxx, 2-7. Saint Matthieu, xviii, 34, mentionne certains exécuteurs qui manifestement, d’après le nom qu’il leur donne, βασανισταί (Peschito : menagdoné’ ; Vulgate : tortores), avaient parmi leurs fonctions celle d’appliquer les accusés à la question. L’apôtre saint Paul fut menacé de la torture, laquelle fut même décrétée contre lui, et il n’y échappa qu’en déclarant qu’il était citoyen romain. Act., xxii, 24-29. La torture était donc à cette époque en usage dans la Palestine : c'étaient les vainqueurs qui l’avaient importée dans le pays conquis ; jusque-là le peuple hébreu l’avait complètement ignorée. Dans les intervalles de la procédure, par exemple, avant le prononcé du jugement, ou avant son exécution, l’accusé était gardé à vue. Lev., xxiv, 12 ; Num., xv, 34. Cf. Jer., xx, 2 ; xxix, 26 ; xxxviii, 6. Lorsque l’accusé était pleinement convaincu, la sentence était portée, et l’exécution suivait sans délai. Voir Jugement.

S. Many.

ACELDAMA. Voir Haceldama.

ACHAB, hébreu : ʾAhʾâb, « frère de père ; » par contraction, une fois ʾÉḥâb, Jer., xxiv, 22 ; Septante : Ἀχαάϐ.

1. ACHAB, roi d’Israël, succéda à Amri, son père ; il eut pour capitale Samarie ; son règne dura vingt-deux ans, de 918 à 897, suivant les chiffres peut-être altérés du texte biblique sous sa forme actuelle, III Reg., xvi, 29 ; de 875 à 854, d’après les monuments assyriens. Voir E. Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, Giessen, 1883, p. 458 et suiv.

Achab surpassa en impiété tous ses prédécesseurs. Il épousa Jézabel, fille d’Ethbaal, que la Bible appelle roi de Sidon, et Josèphe, roi de Tyr et de Sidon, Antiq. jud., VIII, xiii. Ce mariage fut pour Achab la source de presque toutes ses fautes et de tous ses malheurs. Esprit inquiet, nature entreprenante et audacieuse, comme la qualifie Josèphe, loc. cit., Jézabel exerça sur le faible monarque une influence néfaste. Fille d’un prêtre de Baal et d’Astarté, qui n’avait pas craint de tremper les mains dans le sang de son frère pour arriver au trône (Ménandre, cité par Josèphe, Cont. Apion., i, xviii), elle sembla avoir hérité de son père le zèle idolâtrique avec la cruauté. Sans égard pour les croyances religieuses du peuple dont elle était devenue la reine, elle s’attacha à faire prévaloir les divinités phéniciennes sur le vrai Dieu d’Israël. Achab, loin de lui résister, eut la faiblesse, pour lui complaire, de bâtir dans Samarie un temple sacrilège, où il vint lui-même se prosterner devant les dieux de Jézabel, Baal et Astarté. Voir I (III) Reg., xvi, 33, où l’hébreu porte ʾAšêrâh. Bientôt après, la persécution religieuse sévit durement contre les adorateurs du vrai Dieu, et pendant que Baal comptait quatre cent cinquante prêtres, et Astarté quatre cents, les prophètes du Seigneur tombaient sous les coups de l’implacable reine, ou n'échappaient à la mort qu’en se réfugiant dans les cavernes. III Reg., xviii, 4, 13, 19. On ne s'étonnera donc pas de lire dans le texte sacré que nul prince d’Israël n’avait encore égalé les iniquités d’Achab.

Le prophète Élie, messager de la colère divine en cette circonstance, alla trouver le roi et lui prédit que la sécheresse sévirait en Israël, et que l’eau ne tomberait pas du ciel qu’il ne revînt lui-même l’annoncer. À trois ans de là, III Reg., xviii, 1, la famine étant extrême, Élie, par l’ordre du Seigneur, se rendit de nouveau près d’Achab, que le fléau avait ébranlé, sans pourtant le convertir au culte du vrai Dieu. Le sacrifice miraculeux du mont Carmel, III Reg., xviii, voir Élie, en convainquant d’imposture les prêtres de Baal, ramena, pour quelque temps du moins, le roi à de meilleurs sentiments. Ce jour-là même, et du consentement d’Achab, la loi de Moïse, qui condamnait à mort les prophètes des faux dieux, Deut., xviii, 20, reçut son application ; les quatre cent cinquante prêtres de Baal furent exécutés. Alors, pour la première fois depuis trois ans, la pluie tomba du ciel, à la parole du prophète Elie, qui ne s’empressa pas moins de disparaître, pour échapper au courroux de Jézabel, irritée de la mort des prêtres de Baal.

Achab semble avoir profité quelque temps des avertissements que Dieu lui avait donnés par l’entremise de son prophète, et sa politique extérieure n’eut qu'à y gagner. Bénadad, roi de Syrie, suivi de trente-deux princes alliés et d’une armée nombreuse, était venu camper jusque sous les murs de Samarie, et tenait la ville assiégée. Une première fois il avait engagé le malheureux prince à se rendre, à des conditions que celui-ci avait eu d’abord la faiblesse d’accepter. Bénadad, appuyé sur le nombre de ses soldats et se croyant sûr de la victoire, ne vit dans les concessions d’Achab qu’un motif d'être plus exigeant. De nouvelles propositions, plus dures que les premières, furent faites à Achab, qui les soumit aux anciens et au peuple de Samarie. Il n’y eut qu’une voix pour les rejeter, et ainsi la lutte fut résolue. C’est alors que le Seigneur intervint. Il rassura le faible monarque, et, pour lui prouver une fois de plus qu’il était le seul vrai Dieu, lui promit la victoire sur ses nombreux ennemis. Achab, en effet, ayant rassemblé ses hommes, comme le Seigneur le lui avait commandé, fit une sortie contre les assiégeants et les mit complètement en déroute. Le même prophète qui lui avait prédit cette victoire s’approcha de nouveau d’Achab, et lui annonça que l’année suivante le roi de Syrie reviendrait l’attaquer.

Au bout d’un an, la parole du prophète recevait son accomplissement : Bénadad inondait de ses troupes la plaine d’Aphec, que l’on croit pouvoir identifier avec El-Fik, situé à l’est du lac de Génésareth, sur la route allant de la Palestine à Damas. Les enfants d’Israël, ayant Achab à leur tête, marchèrent à l’ennemi et vinrent camper en face des Syriens. Or, pendant que ceux-ci couvraient la plaine de leurs nombreux bataillons, les Israélites, qui apparemment s'étaient divisés en deux groupes, ressemblaient, dit la Bible, « à deux petits troupeaux de chèvres. » III Reg., XX, 27. Un homme de Dieu parut encore pour rassurer Achab et lui promettre la victoire de la part du Seigneur. Sept jours durant, les deux armées restèrent en face l’une de l’autre ; enfin, le septième jour, la bataille s’engagea. Cent mille fantassins syriens tombèrent sous les coups des Israélites, et vingt-sept mille, qui étaient restés dans Aphec, périrent sous la chute des murs de la ville. En supposant que ces chiffres nous aient été conservés bien intacts, on ne peut guère expliquer une si sanglante victoire, suivie d’une telle catastrophe, que par l’intervention divine, d’ailleurs promise. Bénadad lui-même tomba entre les mains du vainqueur, qui lui fit grâce de la vie. La paix fut conclue à cette condition que Bénadad rendrait les villes prises par son père au roi d’Israël, et qu’Achab pourrait établir à Damas une garnison, ou, selon une autre interprétation plus vraisemblable, des bazars ou marchés pour ses nationaux. III Reg., xx, 34.

En faisant grâce de la vie au vaincu, le roi d’Israël semble avoir contrevenu à un ordre formel de Dieu, cf. III Reg., xx, 42 ; car un prophète dont la Bible ne nous a pas conservé le nom, mais que Josèphe, Antiq. jud., VIII, xiv, croit être Michée, fils de Jemla, mentionné plus loin, III Reg., xxii, 8, vint blâmer Achab de sa générosité mal entendue pour Bénadad et du traité d’alliance qu’il avait également conclu avec lui. Le prophète, en terminant, signifia au roi qu’il payerait un jour de sa vie la faute qu’il avait commise. Loin de s’humilier devant le Dieu, qui deux fois l’avait délivré, lui et son peuple, de son redoutable voisin, Achab, sans doute enilé de sa victoire, ne montra qu’irritation, et s’en retourna à Samarie mécontent jusqu'à la fureur des avertissements et des menaces du Seigneur. III Reg., xx, 35-43.

La paix avec le roi de Syrie devait durer trois ans. Dans l’intervalle se passa le célèbre épisode de la vigne de Naboth, à Jezrahel, le Zéraïn actuel, où Achab avait un palais. Pour agrandir ses jardins, le roi demanda à Naboth, son voisin, de lui céder sa vigne. Celui-ci s’y refusa, comme c'était son droit. Achab en éprouva un dépit d’enfant, qu’il manifesta en boudant son entourage. Il n'était pas sans savoir apparemment que Jézabel était capable de le consoler de ses chagrins, en mettant à son service une audace qui ne reculait devant rien, pas même devant le crime. À quelques jours de là, en effet, Jézabel avait tout arrangé : Naboth n'était plus. Achab fut prévenu ; il se rendit aussitôt à la vigne de Naboth pour en prendre possession, quand soudain Élie parut de nouveau comme le justicier de Dieu, et prédit à Achab qu’en punition du meurtre de l’innocent, les chiens lécheraient son sang au même lieu où ils avaient léché le sang de Naboth, dévoreraient Jézabel, la principale actrice de ce drame sanglant, et qu’enfin la postérité d’Achab serait un jour détruite. Cette fois Achab reconnut sa faute, en fit pénitence, et Dieu, pour montrer qu’il agrée le repentir même des plus coupables, révéla à son prophète Élie que, le roi s'étant humilié, les malheurs prédits contre sa postérité n’arriveraient pas de son vivant.

C’est à cette époque, selon toute probabilité, qu’il faut placer encore la campagne que fit Achab, comme allié de Bénadad, contre Salmanasar II, roi d’Assyrie. La Bible ne mentionne point ce fait ; mais les inscriptions assyriennes, malgré les divergences chronologiques que nous avons indiquées plus haut et dont nous n’avons pas encore la clef, ne nous permettent guère de douter qu’Achab ait vécu au temps de Salmanasar, et qu’il ait joint ses armes à celles du roi de Syrie contre le puissant monarque des bords du Tigre. Nous possédons, en effet, trois récits de la sixième campagne de Salmanasar ; elle était dirigée contre le roi de Syrie et douze autres rois ses alliés. Layard, Inscriptions in the cuneiform character, pl. 46 et 89-90 ; Western Asiatic inscriptions, t. iii, pl. 8. La plus célèbre de ces inscriptions, gravée sur une stèle trouvée à Kurkh, aux sources du Tigre, et conservée maintenant au British Museum, nous dit que Salmanasar triompha, dans le voisinage de la ville de Qarqar, du roi de Damas, Binidri (= Bénadad, qui est pour Bénadar. Cf. Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, p. 200-201 ; J. Halévy, Notes sur quelques textes araméens du Corpus, n° 27, dans Recherches bibliques), ainsi que de ses alliés, parmi lesquels nous lisons le nom d’Aḥabbu, du pays de Ṣirla, c’est-à-dire Achab d’Israël, selon toute apparence. Voici, du reste, le passage principal du texte ; c’est Salmanasar qui parle : « Je partis de la ville d’Argana et m’approchai de la ville de Qarqar. Je renversai la ville de Qarqar, ville de ma royauté ; je la détruisis et la consumai dans les flammes. Douze cents chars, douze cents bit-hal-lu (?), vingt mille hommes de Binidri de Damas ; sept cents chars, sept cents bit-hal-lu (?), dix mille hommes d’Irḥulina, du pays de Hamat ; deux mille chars, dix mille hommes d’Aḥabbu, du pays de Sirla… ( L'énumération des forces alliées continue, et Salmanasar reprend : ) Il (Binidri) prit ces douze rois à son aide. Pour me faire la guerre et me livrer bataille, ils se dirigèrent contre moi. Par le secours puissant que me prêta Âssur le Seigneur, par les armes puissantes que m’accorda le grand protecteur qui marche devant moi, je combattis. De Qarqar à Gilsau, je causai leur défaite. Je tuai par mes armes quatorze mille de leurs combattants. Comme le Dieu Ramman, je fis surgir contre eux une tempête, je couvris la surface des eaux de leurs… ; je terrassai par mes armes leurs nombreuses années ; de leurs cadavres la plaine fut jonchée. » La description de la défaite se poursuit dans des termes dont la signification précise n’est point toujours facile à déterminer ; mais on ne saurait douter, même en faisant la part de la jactance habituelle des monarques assyriens, que Binidri de Damas et ses douze alliés n’aient subi aux environs de Qarqar un désastre complet.

Cette défaite dut montrer à Achab combien le prophète avait eu raison de blâmer son alliance avec le roi de Syrie. Du reste, la paix conclue avec Bénàdad ne devait pas être de bien longue durée. Trois ans après la bataille d’Aphec, Ramoth, ville du pays de Galaad, qui d’après les traités aurait dû appartenir au roi d’Israël, était encore au pouvoir de Bénadad, soit que celui-ci eût refusé de la rendre, soit plutôt qu’il eût, pour un motif ou pour un autre, envahi de nouveau le territoire de son allié. Achab résolut d’arracher de vive force cette place à son belliqueux voisin.

En ce temps-là, Josaphat, roi de Juda, qui neuf ou dix ans plus tôt avait eu la malencontreuse idée d’unir son fils Joram à Athalie, la trop digne fille de Jézabel, II Par., xxi, 6 ; IV Reg., viii, 26, vint faire visite à Achab. Celui-ci, plein de ses idées de guerre contre Bénadad, entreprit de gagner Josaphat à sa cause. Il le reçut dans Samarie avec de grandes démonstrations de joie, II Par., xviii, 2, et parvint à conclure une alliance avec lui, dans le but de chasser le roi de Syrie de la ville de Ramoth. Inquiet pourtant >ur les conséquences que pourrait bien avoir cette campagne, Josaphat demanda à consulter le Seigneur. Achab, et c’est encore là un trait à noter, si l’on veut se rendre compte du caractère et des infidélités de ce prince, trouva immédiatement autour de lui quatre cents prophètes environ, qu’il ne faut sans doute pas confondre avec les quatre cents prêtres d’Astarté, puisqu’ils se disent inspirés par Jéhovah, III Reg., xxii, 24, mais qui paraissent avoir été à la solde du roi simplement pour exercer la divination et lui prédire des choses exclusivement agréables. Le résultat de la consultation fut tel que le voulait Achab : « Montez à Ramoth, le Seigneur la livrera entre vos mains. »

Josaphat n’accepta point cette décision, dictée par l’intérêt et la servilité ; il réclama un prophète du Seigneur. Achab dut envoyer chercher le fils de Jemla, Michée, qu’il détestait pour sa fidélité à prédire l’exacte vérité, fût-elle désagréable au bon plaisir du roi. Michée vint donc, et après une réponse ironique, conforme aux désirs d’Achab, il annonça résolument la défaite des troupes d’Israël. Achab fit saisir et jeter dans une dure prison le prophète du Seigneur, bien résolu à ne pas tenir compte de ses avertissements. Le pieux Josaphat, malgré la prédiction de Michée, et croyant peut-être qu’il devait faire honneur à une parole déjà donnée, ne sépara point sa cause de celle de l’impie Achab, ce dont le prophète Jéhu le blâma dans la suite. II Par., xii, 2.

Tous les deux allèrent donc présenter la bataille au roi de Syrie sous les murs de Ramoth. Au moment d’engager l’action, Bénadad donna l’ordre aux trente-deux chefs de ses chariots de diriger leur attaque contre la personne même d’Achab. Celui-ci, soit qu’il eût eu connaissance des intentions de son ennemi, soit plutôt qu’il craignit l’effet de la prédiction de Michée, se déguisa pour n'être point reconnu dans le combat. Vaine précaution ! Pendant que Josaphat, revêtu de ses habits royaux et poursuivi quelque temps par erreur comme étant le roi d’Israël, échappait à la mort, Achab était atteint d’une flèche lancée comme au hasard par un soldat sans nom. Grièvement blessé, le prince fit sortir son char de la mêlée, sans toutefois déserter le champ de bataille. Il eut le courage, pour soutenir l’ardeur de ses soldats, de rester debout, la face tournée vers les Syriens, malgré les flots de sang qui inondaient son char. Le soir il expirait, et toute l’armée dut se disperser. On rapporta le corps du roi à Samarie, où il fut enseveli, et quand on lava son chariot dans la piscine de cette même ville, les chiens vinrent lécher son sang. La première prophétie d'Élie, III Reg., xxi, 19, d’après laquelle les chiens devaient lécher le sang d’Achab au lieu même où ils avaient léché le sang de Naboth, par conséquent à Jezrahel, ne se trouvait donc vérifiée qu’en partie ; mais on se rappelle que la pénitence du roi avait lait modifier la sentence du Seigneur, qui en renvoyait le plein accomplissement au temps de son fils, III Reg., xxi, 29, et l’on verra plus tard, en effet, IV Reg., ix, 25-26, Jéhu, en souvenir de cette prophétie, jeter le cadavre de Joram dans le champ même de Naboth. Le reste des actions d’Achab, les palais, les villes qu’il fit construire, tout cela était consigné au livre des Annales des rois d’Israël, livre qui n’est point parvenu jusqu'à nous.

Ainsi disparut, en attendant la pleine vengeance de Dieu sur sa postérité, un des plus mauvais princes qui ait gouverné le peuple d’Israël. Son manque absolu de solides convictions religieuses, sa faiblesse de caractère et ses passions, qui parfois confinent à la puérilité, III Reg., xxi, 4, ont fait de lui une sorte de grand enfant gâté, tombé entre les mains d’une femme hardie, insolente, audacieuse, qui sut l’amener à perpétrer tous les crimes, ou les exécuter elle-même avec son assentiment. Sa plus lourde faute fut assurément d’installer dans sa capitale le culte de Baal et d’Astarté, et de se prêter à la persécution des fidèles serviteurs de la loi mosaïque. Chez un peuple où toute déviation du culte du vrai Dieu devait amener, non seulement à la longue et par la force des choses, mais encore, au besoin, par l’intervention positive de Dieu, un châtiment terrible, le crime d’idolâtrie se doublait nécessairement du crime de lèse-nation. Après trois ans d’une famine que le peuple avait dû supporter en expiation de cette faute, Élie pouvait lui dire en toute assurance : « Ce n’est pas moi, mais toi qui troubles Israël, en abandonnant les commandements du Seigneur. » III Reg., xviii, 18. Ce qui rend ce prince plus inexcusable encore, c’est que jamais Dieu ne lui ménagea ses avertissements. Les prophètes du Seigneur, dont le ministère surnaturel jouait en Israël un rôle si considérable, ne manquèrent jamais de lui dénoncer ses crimes et les châtiments qui devaient suivre, III Reg., xviii, 1 ; xxi, 21 ; de le prévenir des dangers que les attaques de l’extérieur, III Reg., xx, 22, ou les fautes de sa politique, III Reg., xx, 42, faisaient courir à son royaume ; enfin de lui fournir des preuves immédiates de la bonté de Dieu à son égard, sitôt qu’il donnait le plus léger signe de repentir. III Reg., xviii, 41 ; xxi, 29. Mais toutes ces attentions de Dieu furent en pure perte : Achab aima mieux subir la domination d’une femme exécrable, adorer les faux dieux, écouter ses devins ; il périt donc pour l’avoir bien voulu. Après cela, qu’il ait eu un certain goût pour les arts, pour l’embellissement de ses palais et de ses villes, III Reg., xxii, 39 ; qu’au dernier moment il ait même montré quelque force d'âme en face de l’ennemi, c’est justice de le constater avec l'écrivain sacré, III Reg., xxii, 35 ; mais, en vérité, il faudrait autre chose pour racheter ses fautes et ses crimes devant le tribunal de l’histoire.

L. Méchineau.

2. ACHAB, fils de Colias, faux prophète, sorti des rangs des Hébreux déportés à Babylone par Nabuchodonosor. Il n’est lait mention de lui que dans Jérémie, qui, au nom de Dieu, le menace ainsi que ses sectateurs, et lui prédit que s’il continue à prêcher le mensonge et à vivre, comme il le faisait, dans l’adultère, le roi de Babylone le fera périr, et par un supplice si cruel, qu’il fournira aux survivants cette formule de malédiction : « Que Jéhovah te traite comme le roi de Babylone a traité Achab. » Jer., xxix, 21-22. Ce supplice est celui du feu, inusité en Palestine, mais en usage chez les Babyloniens. Daniel en fait expressément mention, iii, 6. Cf. Smith, History of Assurbanipal, p. 137, 138, 157 ; Transactions of the Society of biblical archæology, t. ii, p. 360 et suiv. ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 3e édit., t. iv, p. 439-442. Nous ne saurions dire s’il y a, dans le mot employé pour désigner le supplice d’Achab (qâlâm), une allusion au père de ce faux prophète (Qôlâyâh).

L’identité de l'époque à laquelle vivait Achab et l’autre faux prophète menacé par Jérémie, xxix, 21-22, d’une part, et les deux juges calomniateurs de la chaste Susanne, Dan., xiii, 5, d’autre part ; la similitude de leurs fonctions et celle de leur fin tragique ; enfin et surtout le désir de justifier par une référence l’expression : « ceux dont a parlé le Seigneur, » Dan., xiii, 5, avaient porté plusieurs Juifs dont parle saint Jérôme, In Danielem, in hoc loc. à voir dans les deux vieillards de l’histoire de Susanne les deux faux prophètes Achab et Sédécias. Mais, outre que le supplice est fort différent, ici la lapidation, Dan., xiii, 62 ; cf. Deut., xix, 1819 ; Ezech., xvi, 40, là le supplice du feu, Jer., xxix, 21-22, il y a une différence entre ceux qui prononcent le châtiment : contre les vieillards, c’est le peuple ; contre les faux prophètes, c’est le roi de Babylone. Ces divergences ont fait abandonner universellement l’assimilation.

P. Renard.


ACHAD (hébreu : ʾAkkad ; quelquefois incorrectement : Akkar, à cause de la ressemblance du daleth, ד, et du resch, ר, hébreux ; Septante : Ἀρχάδ ; textes cunéiformes : Agadê, Akkadu), ville située sur la rive gauche et assez près de l’Euphrate, à environ cinquante kilomètres nord-ouest de Babylone, à l’endroit où l’Euphrate et le Tigre, n'étant plus séparés que par une distance de trente kilomètres, étaient autrefois réunis par un canal nommé canal d’Akkad. Cette ville était située sur le quai méridional du canal, tandis que sur l’autre quai s'élevait la ville de Sippar, la Sépharvaïm de la Bible, dont Achad semblait n'être qu’un faubourg.

La Genèse, x, 10, mentionne cette ville comme faisant partie de la tétrapole du Sennaar, gouvernée par Nemrod. Les fouilles ont prouvé qu’elle remonte, en effet, à la plus haute antiquité. Les scribes babyloniens plaçaient vers l’an 3800 av. J.-C. le règne de Sargon d’Akkad ; cette indication est confirmée par les monuments qui portent le nom de ce prince, dont les inscriptions sont tracées en style fort archaïque : le clou ou coin, élément constitutif de l'écriture cunéiforme, n’y apparaît pas encore ; on n’y rencontre que la ligne droite ou brisée, figurant d’une façon plus ou moins grossière l’objet dont on veut peindre le nom. (Fig.18.)


18. — Cylindre de Sargon l’Ancien. Collection de M. de Clercq.

À cette époque, Achad était déjà un centre d'études littéraires, astronomiques et surtout astrologiques. Nous possédons encore, sinon en originaux, du moins en copies, une portion de la bibliothèque rassemblée par Sargon et Naram-Sin, son fils. Voir Records of the past, 2e série, i, p. 37 ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. iv, p. 77-79. Plus tard, Achad perdit son rang de capitale ; mais les plus anciens souverains de Babylone tinrent à honneur de joindre à leur titre celui de roi de la région d’Akkad, Šar mat Akkad ; et le nom d’Akkadien, Akkadu, paraît être demeuré l’appellation ethnographique pour la portion septentrionale de la Babylonie, tandis que celui de Sumir semble avoir été réservé à la partie méridionale. Malgré le déplacement de la royauté, Achad continua à jouer un rôle important jusque sous la domination des Perses. Cette ville est mentionnée dans les inscriptions égyptiennes d’Amenhotep II (xviiie dynastie), qui s’en empara, ainsi que de Ninive. Jusqu'à présent son histoire ne paraît pas, comme celle d’Arach, liée intimement avec les aventures d’Isdoubar, le Nemrod chaldéen. Anounitou, l’Istar ou la Vénus du matin, était la déesse protectrice d’Achad. Pendant longtemps les assyriologues ont donné du nom de cette ville la lecture erronée Âgané ; cette méprise, due à la polyphonie du dernier signe cunéiforme, qu’on peut lire ou , a contribué à prolonger l’ignorance des exégètes relativement à la situation véritable de la ville nemrodienne. Les anciens avaient cru la retrouver dans Nisibe : c'était l’opinion des Targums, de saint Éphrem, de saint Jérôme, d’Aboulfaradje ; mais cette ville est beaucoup trop éloignée du Sennaar. Plusieurs parmi les modernes ont proposé Akkerkouf et Niffar, l’ancienne Nipour ; mais si la situation géographique est plus satisfaisante, les noms eux-mêmes protestent contre cette hypothèse gratuite. Voir Fr. Delitzsch, Wo lag das Paradies ? p. 209 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. i, p. 307-308.


ACHAÏE (Ἀχαΐα). Ce terme géographique a désigné, dans l’antiquité et dans les temps modernes, une étendue de pays très diverse. Pour Homère, Achéen et Grec étaient synonymes ; la Phthiotide fut d’abord appelée Achaïe.


19. — Monnaie de l’Achaïe.
Zeus Homogyrius debout, tourné à gauche. Il tient dans la main droite une Victoire qui lui pose une couronne sur la tête et de la main gauche Il s’appuie sur un long sceptre. ΗΙΠΑΡΧΟΣ [titre du second magistrat de la ligue achéenne. Son nom manque sur la médaille. Ce magistrat n’existait plus à l'époque romaine]. — F. Déméter Panachaïa, assise sur un trône, à gauche. Elle a une couronne dans la main droite et elle s’appuie de la gauche sur un long sceptre, comme Jupiter. ΠΑΛΛANTEΩN AXAIΩN [monnaie] de Pallantion [en Arcadie, ville] de la ligue achéenne.

Plus tard, ce nom fut réservé à la contrée située au nord du Péloponèse, le long du golfe de Corinthe. Après la conquête romaine, on appela Achaïe tous les pays qui avaient fait partie de la ligue achéenne. Pausanias, VII, xii, § 10. L’Achaïe renfermait donc le Péloponèse, la Grèce centrale et les lies adjacentes. C’est à l’Achaïe qu’actuellement la majorité des historiens rattachent la Thessalie, l’Acarnanie et l’Étolie. Cette dernière y fut unie plus tard que les deux antres. Ptolémée, iii, 14. Les limites tracées sur la carte ci-jointe (fig. 90) sont néanmoins conjecturales. Pour l’auteur des Actes des Apôtres et pour saint Paul, l’Achaïe et la Macédoine forment l’ensemble des pays grecs. Act., xix, 21 ; Rom., xv, 26 ; I Thess., i, 7, 8. Dans le partage des provinces fait en l’an 27 avant J.-C. par l’empereur Auguste, l’Achaïe fut attribuée au sénat : elle était par conséquent gouvernée par un ancien préteur ayant le titre de proconsul. Strabon, xvii, 3, 25 ; Dion Cassius, liii, 12. En l’an 15, l’empereur Tibère l’enleva au sénat et en fit une province impériale, Tacite, Ann., i, lxxvi ; mais, en 44, Claude la rendit au sénat. Suétone, Claudius, xxv. L’Achaïe était donc province sénatoriale lorsque saint Paul l’évangélisa, lors de son second voyage de missions, et c’est à juste titre que les Actes des Apôtres, xviii, 12, appellent proconsul d’Achaïe (ἀνθύπατος) Gallio, devant qui l’Apôtre fut traduit par les Juifs. Pour remercier les Grecs de leurs applaudissements, Néron les déclara libres de la domination romaine ; il les rendit, comme les Italiens, indépendants de tout gouverneur. Cet état de choses dura quelques mois seulement. Vespasien rétablit le proconsulat, qui dura jusqu’à Justinien. Ce qui caractérisait la province d’Achaïe, c'était le grand nombre de villes libres, autonomes, qu’elle contenait, parmi lesquelles il faut compter Athènes, Corinthe, Patras, etc. Les autres villes étaient groupées en confédérations, qui conservèrent les noms des κοινά de l’époque antérieure, mais ne furent plus que des associations religieuses qui joignaient au culte de leurs dieux celui des empereurs.

Parmi les villes de l’Achaïe, le Nouveau Testament ne mentionne qu’Athènes, Act. xvii, 16 ; Cenchrée, port de Corinthe, xviii, 18 ; Rom., xvi, 1, et cette dernière ville, qui était le séjour du proconsul. Act., xviii, 1. Déjà, au temps de saint Paul, l’Achaïe comptait de nombreux chrétiens, II Cor., i, 1 ; I Thess., i, 7, 8 ; l’Apôtre loue leur charité, Rom., xv, 26 ; II Cor., IX, 2, sans pourtant vouloir en user pour son propre compte. II Cor., xi, 9.

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20. — Achaïe.

ACHAÏQUE (Ἀχαϊκός, I Cor., xvi, 17 ; Vulgate : Achaicus, ibid., xvi, 15, 17), chrétien de Corinthe, et l’un des premiers convertis de l’Achaïe. Avec Stéphane et Fortunat, il était venu à Éphèse voir saint Paul, pour lui parler des affaires de la communauté chrétienne, et lui apporter une lettre, à laquelle l’Apôtre répondit par sa première épître aux Corinthiens. D’après la suscription du Textus receptus, I Cor., fin, cette réponse fut portée à Corinthe par Achaïque et ses deux compagnons ; quoique cette suscription ne soit pas authentique, on s’accorde à admettre ce renseignement. Il semblerait, d’après la Vulgate, I Cor., xvi, 15, qu’Achaïque était de la famille de Stéphane ; mais les manuscrits grecs, pas plus que le Textus receptus, n’ont dans ce verset les deux noms de Fortunat et d’Achaïque : c’est une addition de la Vulgate.

ACHAN (hébreu : ʿAkân, « affligeant, troublant ? » ), appelé dans les Septante Ἀχάρ, ainsi que dans un passage de l’hébreu, ʿAkâr, et de la Vulgate, Achar, I Par., ii, 7, fils de Charmi, de la tribu de Juda, demeuré célèbre par le châtiment divin dont il fut l’objet après la prise de Jéricho par les Hébreux. Son crime avait été de violer

l’ordre de Josué, qui avait expressément voué à l’anathème, c’est-à-dire à la destruction, la ville avec tout ce qu’elle renfermait d’hommes et de butin. Jos., vi, 17. C'était une sorte de consécration religieuse que cet anéantissement de la première ville conquise en Chanaan, exécuté en reconnaissance des droits souverains de Jéhovah, aussi bien que pour inspirer aux autres villes une terreur salutaire. Dès lors, désobéir à cet ordre devenait un sacrilège digne de la vengeance de Dieu. C’est dans ce crime que tomba Achan, en dérobant après la prise de la ville un manteau d'écarlate, plus deux cents sicles d’argent et une règle d’or de la valeur de cinquante sicles. Jos., vii, 21. Le manteau, ʾaddéreṭ, dont il est question n'était pas un habit vulgaire, comme la tunique de dessous, keṭonêṭ, Lev., xvi, 4, ni comme la large robe, ṡimlâh, Gen., IX, 23, qu’on portait par-dessus ; mais l’ample et luxueux pallium que portaient les rois, fait d'étoffe précieuse, parfois rehaussé de broderies d’or et d’argent, Eccle., ix, 8 ; Ezech., xvi, 10, et qu’on mettait les jours de fête et dans les cérémonies. IV Reg., v, 5. On le nommait aussi, et à cause de cet emploi extraordinaire, ḥǎlîfôṭ, c’est-à-dire vêtement qu’on change, ou qu’on ne garde pas longtemps. Les femmes israélites en confectionnaient de cette sorte, Prov., xxxi, 22 ; mais le plus souvent on les faisait venir de l'étranger, et en particulier de Babylone, dont la réputation en cette matière était universelle. C’est sans doute ce que signifie l’hébreu ʾaddéreṭ Šineʿâr, « manteau de Sennaar » (Babylone était situé dans la plaine de Sennaar), que saint Jérôme a traduit, on ne sait pourquoi, par pallium coccineum. Cf. Fillion, Atl. archéol., pl. ii, fig. 13-15 ; pi. lxxx, fig. 6-8 ; pl. lxxxi, fig. 7-9 ; pl. lxxxii, fig. 3. Les sicles d’argent dérobés avec ce manteau étaient, selon la forme de la monnaie en usage à cette époque, des morceaux de métal pesant chacun un sicle, et peut-être marqués d’une estampille indiquant leur poids. Si le šéqél d’argent du temps des Machabées avait le même poids que celui du temps de Josué, comme on peut le supposer, les deux cents sicles dérobés représenteraient une valeur monétaire de cinq cent soixante-six francs. La règle d’or, appelée dans l’hébreu lešôn zâhâb, « langue d’or, » était peut-être une lame en or massif, employée comme bijou. Sa valeur était de cinquante sicles d’or, environ deux mille francs, le sicle d’or valant douze sicles d’argent. II Reg., xxiv, 24 ; cf. I Par., xxi, 25. Voir Sicle.

Tel était le crime d’Achan. Il avait été commis en secret, et secrètement aussi le coupable avait enfoui tous ces objets au milieu de sa tente, attendant le moment où il pourrait les utiliser sans péril. Mais Dieu révéla lui-même sa prévarication. Sous les murs de la petite ville d’Haï, les troupes de Josué venaient d’essuyer une défaite si ignominieuse et si inattendue, qu’elle ne pouvait être qu’un châtiment du ciel ; et, dans cette pensée, Josué et les anciens d’Israël étaient demeurés jusqu’au soir prosternés devant l’arche sainte, se plaignant à Dieu et demandant l’explication de ce mystère. À la fin du jour, la voix du Seigneur s'était fait entendre, dénonçant le crime sans désigner l’auteur, déclarant que la protection du Seigneur ne serait plus sur Israël tant que le coupable ne serait pas exterminé avec tout ce qui lui appartenait, et indiquant enfin la marche à suivre pour le découvrir : c'était la voie du tirage au sort, d’abord entre les tribus, puis entre les familles, enfin entre les maisons et les individus. Le texte hébreu désigne moins clairement que la Vulgate ce mode d’investigation. Au lieu du mot « sort », Jos., vii, 14, on y lit « Jéhovah », ce qui a donné lieu à différentes explications. Les talmudistes disent que, tous les Israélites ayant défilé l’un après l’autre devant l’arche, le coupable fut retenu comme par une main invisible, et ainsi désigné au peuple. D’autres ont imaginé que, les douze tribus ayant passé devant le rational du grand prêtre, la pierre de smaragde, qui représentait Juda, s’obscurcit tout à coup jusqu'à devenir noire : on aurait recouru à un autre procédé pour découvrir la famille, la maison et l’individu. La plupart des exégètes pensent que ce procédé, aussi bien pour la première investigation que pour les suivantes, fut la consultation mystérieuse par l’urim et le thummim, si fort en usage parmi les Juifs dans les dangers et les difficultés. Voir Urim et Thummim. Il est à remarquer que dans ce passage, Jos., vu, 14-18, notre même terme latin tribus, répété quatre fois, est rendu en hébreu trois fois par le mot šebet, v. 14 et 16, et une fois par celui de mattéh, v. 18, l’auteur se servant de l’un ou de l’autre selon le point de vue du moment ; car šebet désigne plutôt la tribu dans sa cohésion politique, tandis que mattéh vise surtout la multitude des éléments qui la composent. Cf. Jos., xiii, 33 ; xviii, 2-4. Cette remarque, faite au passage, réduit à néant le système des rationalistes, qui prétendent donner au livre de Josué deux auteurs différents, parce que, d’après eux, plusieurs expressions, et entre autres celle de šebet à l’exclusion de mattéh, et réciproquement, seraient des caractéristiques de deux fragments du livre essentiellement distincts. Cf. Nachtigal, dans Heukes Magasin, IV, h, p. 362 et suiv. ; Bertholdt, Einleitung, t. iii, p. 849 et suiv. ; Van Heverden, Disputatio de libro Josue, etc.

Achan découvert confessa humblement sa faute, et l’on trouva, enfouis dans le sol de sa tente, les objets qu’il s'était appropriés. Il n’y avait plus qu'à exécuter sur le coupable la sentence prononcée par Dieu. À quelque distance de là, dans le voisinage de Galgala, s'étendait une large vallée, sur les collines de laquelle pouvait s'étager tout un peuple de spectateurs. Il s’y trouvait aussi, et en grande quantité, des pierres descendues des hauteurs voisines ou roulées par le torrent. Ce fut l’endroit désigné par Josué pour le lieu de l’exécution. Achan y vint, conduit par le peuple, avec ses fils et ses filles, ses troupeaux de bœufs, d'ânes et de brebis. On y apporta aussi sa tente, tous les objets à son usage, enfin le manteau de Sennaar, les sicles d’argent et la règle d’or, qui furent accumulés en une seule masse avec les victimes. Alors Josué donna le signal, en prononçant une courte formule imprécatoire, dans laquelle, par le changement d’une lettre en une autre (n, כ, changé en r,ר, à la fin du nom d’Achan), il tira du nom même du coupable la signification de son châtiment : ʿAkarṭànû yaʿekorkâ Yehovâh. « Tu nous as troublés, Jéhovah te troublera. » Jos., vii, 25. À ces paroles, une grêle de grosses pierres tomba sur le coupable et les autres victimes vouées à la mort, et bientôt, leurs cadavres avec les objets destinés à la destruction ayant été consumés par le feu, il ne resta d’Achan et des siens qu’un monceau de cendres sur lequel les Juifs élevèrent un amas de pierres, pour demeurer le mémorial du crime et du châtiment. La vallée elle-même reçut le nom de cet événement ; elle s’appela « vallée d’Achor », ʿAkôr, « troublant ». Cf. Osée, II, 15 ; Is., lxv, 10. À l'époque où l’auteur du livre de Josué racontait cet épisode, le monument était encore debout. Jos., vii, 26. Le châtiment d’Achan a souvent servi d’exemple aux saints Pères et aux auteurs spirituels pour faire ressortir la gravité du péché de sacrilège.

P. Renard.

ACHAR (hébreu : ʿÊqer, se dit d’une plante déracinée et transplantée ; au figuré, étranger établi dans un pays ; Septante : ἀκόρ), troisième fils de Ram, de la tribu de Juda. IPar., ii, 27.

ACHAT. Voir Échange, Commerce.


ACHAZ (hébreu : ʾAḥâz, « possesseur, » ou plutôt, en sous-entendant Yo ou Yeho, « Jéhovah possède ; » Septante : Ἄχαζ), roi de Juda de 744 à 728 avant J.-C, fils et successeur de Joatham. Il était âgé à son avènement au trône de vingt ans d’après la Vulgate, de vingt-cinq d’après le keri du texte hébreu, les Septante, les versions syriaque et arabe et quelques manuscrits latins, II Par., XXVIII, 1 ; ce qui paraît se concilier mieux avec les vingt-cinq ans qu’avait Ézéchias, fils d’Achaz, quand il succéda à son père, qui en avait régné seize ; autrement il faudrait dire, d’après la Vulgate, qu’Achaz avait eu un fils dès l'âge de onze ans, ce qui est inadmissible. Achaz arriva au pouvoir après les règnes glorieux d’Ozias ou Azarias et de Joatham. Tout était prospère en Juda, à l’intérieur comme dans les relations avec l'étranger : l’organisation militaire achevée, Jérusalem bien fortifiée ; partout, dans les bois, sur les hauteurs, des tours de défense construites, le commerce florissant, le nom de Juda respecté parmi les peuples voisins. II Par., xxvii, 3-6. Malheureusement avec cette prospérité matérielle s'étaient introduits des germes de dissolution : un luxe exagéré, Is., ii, 7-16, et une déplorable immoralité. Is., n-v ; Os., iv, 15. On avait même vii, sous le couvert de la tolérance royale, se manifester un retour au culte des idoles, si fatal pourtant aux Hébreux, mais toujours séduisant pour leurs grossiers instincts. IV Reg., xv, 4 ; Is., ii, 6-8. Tel est le milieu, telles sont les circonstances dans lesquels Achaz avait été élevé. Même avec un bon naturel, il devait se ressentir de ces influences malsaines ; quoi donc d'étonnant si, étant d’un tempérament pervers, il devint la personnification des vices de son époque ? « Il ne fit pas ce qui était agréable au Seigneur son Dieu, » IV Reg., xvi, 2 ; mais plutôt « il marcha dans la voie des rois d’Israël », v. 3, c’est-à-dire dans l’impiété et l’idolâtrie, et tout particulièrement dans l’abominable culte du dieu des Phéniciens, Baal, auquel il éleva des statues. II Par., xxviii, 2. Au milieu des bosquets délicieux qui se trouvaient au midi de Jérusalem, dans la vallée des fils d’Hinnom, déjà trop célèbre par les abominations qu’elle avait vues, Jos., xv, 8 ; IV Reg., xxiii, 10 ; Jer., xix, 2, il offrait de l’encens aux idoles. II Par., xxviii, 3. Un jour même, soit pour conjurer un danger imminent, soit pour tout autre motif, « il consacra, » ou, comme porte l’hébreu, « il fit passer » (héʿĕbîr) son fils par le feu, IV Reg., xvi, 3, expression dont le sens est déterminé par le passage parallèle, II Par., xxviii, 3, vayyabeʿèr, « et il fit brûler. » Faire passer des enfants par le feu en l’honneur de Moloch, « l’abomination des Ammonites, » III Reg., xi, 5, avait lieu, il est vrai, à deux degrés : ou bien par une simple et rapide translation de l’enfant au travers des flammes, Lev., xviii, 21, ou bien en le déposant dans les mains étendues du dieu, dont la statue de métal recelait un brasier ardent dans lequel l’enfant roulait et était consumé ; c’est ce dernier mode qu’on appelait héʿĕbîr bâʿêš. Théodoret, Quæst. in IV Reg. cap. xvi, t. lxxx, col. 779, pense que le péché d' Achaz ne dépassa pas la simple purification ; mais Josèphe ne laisse aucun doute : ἴδιον ὁλοκαύτωσε παῖδα κατὰ τὰ χανανίων ἓθη, Ant.jud., IX, xii ; et son sentiment a été adopté par l’universalité des interprètes. À noter, dans le passage parallèle des Paralipomènes, le pluriel « ses fils » (hébreu : bânâv), ce qui manifestement est mis pour le singulier.

Dieu, pour punir Achaz de son impiété, suscita contre lui deux princes qui déjà sous Joatham avaient commencé les hostilités, IV Reg., xv, 37 : Rasin, roi de Syrie, et Phacée, roi d’Israël. Selon l’ordre naturel des choses, Rasin et Phacée auraient dû toujours demeurer ennemis, tandis qu’au contraire le roi de Juda et celui d’Israël, à cause de la communauté de race et d’intérêts, auraient dû rester toujours amis. Rasin était peut-être jaloux de la prospérité de Juda. Quoi qu’il en soit, ayant résolu de s’unir pour attaquer Achaz, ces deux princes opérèrent d’abord séparément ; car, bien que selon IV Reg., xvi, 5, le siège de Jérusalem par les troupes réunies de Rasin et de Phacée soit mentionné avant les campagnes séparées de l’un et de l’autre, il est manifeste que ce n’est pas là l’ordre chronologique des événements. Le siège de Jérusalem, en effet, fut interrompu par l’invasion de Téglathphalasar en Syrie, ce qui força les assiégeants à quitter brusquement les remparts pour tenir tête chez eux à l’envahisseur, et nous savons que leur résistance n’aboutit qu'à une délaite. Donc il ne put y avoir d’attaque ni de l’un ni de l’autre contre Achaz après cet événement, et les campagnes particulières de Rasin et de Phacée ont dû précéder le siège de Jérusalem. On pourrait à la rigueur soutenir qu’Achaz n’eut pas à se défendre contre une double armée, mais contre une seule, composée des Israélites et des Syriens, dont l’unique opération aurait été rapportée d’une manière fragmentaire en deux épisodes : l’un IV Reg., xvi, 6, cf. II Par., xxviii, 5 ; l’autre II Par., xxviii, 5-6. Il semble plus conforme au texte de dire que les deux rois, ayant formé dès l’origine le projet de ruiner Juda, Is., vii, 6, chacun d’eux se mit séparément à l'œuvre.

Achaz vit d’abord Rasin porter un coup désastreux à son commerce, si prospère depuis qu’Ozias avait conquis l’importante ville maritime d'Élath ou Aïla, au fond du golfe Élanitique. IV Reg., xiv, 22 ; II Par., xxvi, 2 ; cf. III Reg., ix, 26. Le texte ne dit point quelle route suivirent les Syriens pour y arriver ; il est probable qu’ils traversèrent les régions à l’est du Jourdain, et que c’est là qu’Achaz essuya sa première défaite, dans laquelle il laissa aux mains de l’ennemi un immense butin. II Par., xxviii, 5. Si Rasin était venu par la Samarie et Juda, on ne comprendrait pas qu’il eût passé si près de Jérusalem sans l’attaquer. Presque au même temps, Achaz subit un autre échec ; car « Dieu le livra aux mains du roi d’Israël, et il fut frappé d’une grande plaie ». II Par., xxviii, 5-6. Cette plaie, ce fut la perte en un seul jour de cent vingt mille de ses plus vaillants soldats ; ce fut encore de voir enlever de leurs foyers deux cent mille Juifs, « tant femmes que jeunes gens et jeunes filles, » pour être transportés en Samarie, f.8. Il ne lui restait plus qu'à assister à la ruine de sa ville royale, Jérusalem, et à vrai dire il faisait tout pour s’attirer ce suprême châtiment ; car, aveuglé jusqu'à croire que les dieux syriens étaient les auteurs de ses maux, il se disait en voyant les Israélites victorieux : « Ce sont les dieux des rois de Syrie qui les aident ; je les apaiserai par mes sacrifices, et ils m’assisteront. » II Par., xxviii, 23. Mais Jéhovah avait promis que Juda ne périrait pas totalement, Is., i, 9, et il voulut encore épargner Jérusalem.

Rasin, remontant vers le nord, avait franchi le Jourdain et fait sa jonction avec Phacée (Septante : συνεφώνησεν, Is., vu, 2) ; tous deux étaient venus assiéger Jérusalem, projetant en même temps de remplacer Achaz par un personnage appelé dans Isaïe, vii, 6, « le fils de Tabéel, » un Syrien probablement, comme l’indique le nom de son père, et sans doute vassal de Rasin. Voir Tabéel. C’est dans cette extrémité qu’Achaz, affolé de terreur et tremblant avec toute la maison royale « comme les feuilles des forêts sous le souffle du vent », Is., vii, 2, reçut le message divin qu’Isaïe fut chargé de lui transmettre, et dans lequel Jéhovah lui faisait dire de ne pas craindre, parce que, à cause de David et des promesses messianiques, Juda, le royaume théocratique si souvent protégé, ne périrait pas si Achaz mettait sa confiance en lui. Is., vii, 4-9. Achaz était en ce moment hors des murs de Jérusalem, à l’extrémité du canal de la Piscine supérieure, sur le chemin du champ du Foulon, à l’ouest de la ville. Is., vii, 3. Voir Champ du Foulon. Peut-être Achaz, en prévision d’un siège, prenait-il des dispositions pour dériver ces eaux dans Jérusalem et en priver les assiégeants. Cf. Is., xxii, 9-12, où l’on voit des mesures analogues. C’est à cet endroit qu’Isaïe aborda le roi de Juda, Isaïe, grand prophète et grand patriote, déjà bien connu sous Ozias, II Par., xxvi, 22, et ayant déjà eu une grande part dans les affaires publiques. Il venait accompagné de son fils, dont le nom prophétique, Šeâr yâšûb, « le reste reviendra, » préludait devant le roi désespéré au message de consolation. C’est là qu’Achaz entendit avec étonnement le prophète appeler ses deux puissants ennemis « deux débris de tisons fumants », Is., vii, 4, qui seraient bientôt éteints, et notamment Éphraïm, c’est-à-dire Israël, qui avant soixante-cinq ans ne serait plus un peuple. Is., vii, 8. Des expédients humains, le roi en avait trop employé : conformément à la constitution théocratique de Juda, il devait tenir Jéhovah pour son unique et suffisant défenseur ; il n’avait à craindre qu’une chose, l’infidélité envers Dieu ; car, « si vous n'êtes pas fidèles, lui dit Isaïe, vous périrez » (l’hébreu, avec allitération : ʾim lôʾ ṭaʾâminù kî lôʾ ṭêʾâmênû). Is., vii, 9. Mais Achaz est trop endurci dans son impiété ; ne croyant plus aux promesses divines, il a formé un autre projet qui lui paraît plus sûr : demander secours aux Assyriens. En vain le Seigneur insiste : puisque sa divine parole ne rassure point le roi, qu’il fasse l’expérience de sa puissance, qu’il demande un signe manifeste de la protection d’en haut, qu’il le choisisse où il voudra, dans le ciel ou dans le šeʾôl. Is., vii, 11. Achaz dissimule son embarras sous une excuse frivole : il ne demandera pas un signe, dit-il, pour ne pas paraître tenter le Seigneur. Cette réponse, si elle est loyale, suppose que le roi croyait à la possibilité du miracle et admettait la mission divine d’Isaïe. Autrement il aurait dû demander un signe qui, dans sa pensée, aurait tourné par son insuccès à la confusion du prophète. En disant qu’il ne voulait pas tenter Dieu, Is., vii, 12, le roi de Juda n'était pas sincère. En réalité, il refusait le secours divin pour n'être pas obligé de changer de conduite et d’abandonner l’idolâtrie. Il préférait se tirer d’embarras par des moyens humains : flagrant mépris de la théocratie, fondement de son royaume ; péché d’orgueil et d’hypocrisie. Achaz n’ignorait pas qu’en disant : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu, » Deut., vi, 16, Jéhovah avait seulement défendu à l’homme de le mettre en demeure de manifester sa puissance sans motif suffisant. Il méritait donc, et tout son peuple en sa personne, la véhémente apostrophe du prophète : « Vous lassez mon Dieu. » Is., vii, 13. Pourtant ce n’est pas sa résistance qui entravera les desseins de la miséricorde divine ; au contraire, « à cause de cela même, » v 14, à la place du signe que le roi refuse de demander, Dieu en produira lui-même un plus merveilleux : ce sera la naissance du fils de la Vierge (hébreu : ʿalmâh), dont le nom sera Emmanuel. Is., vii, 14. Or, ce signe, Achaz ne le verra pas : d’abord parce que cette ʿalmâh n’est point son épouse, et l’Emmanuel n’est point son fils Ézéchias, comme l’ont prétendu plusieurs rationalistes modernes, reproduisant un subterfuge déjà connu à l'époque de saint Justin, Dial. cum Tryph., 55, 67, 77, t. vi, col. 567-570 ; cf. S. Jérôme, In Is. vii, 14, t. xxiv, col. 109. Pour une autre raison encore, Achaz ne verra pas ce signe, car il ne s’accomplira que longtemps après lui ; mais la « maison de David » en sera témoin dans l’avenir au jour de la naissance du Messie, qui délivrera Israël d’ennemis plus redoutables que Rasin et Phacée. Le signe cependant touche aux événements contemporains par ce lien : avant le temps qui sera nécessaire à cet enfant miraculeux pour arriver au discernement du bien et du mal, ou, ce qui revient au même, pour être capable de supporter la nourriture du beurre et du miel, Achaz aura vu la ruine de ses ennemis. Is., vii, 15-16. Mais parce qu’il a résisté à Dieu, le roi impie attirera sur lui et sur son peuple la malédiction annoncée. Is., vii, 9. Elle sera exécutée par l’Assyrien que Jéhovah « amènera », Is., vii, 17, et sous ses coups l'état de Juda sera si misérable, qu’on n’aura pas vu « de jours semblables depuis la séparation d'Éphraïm », ibid., c’est-à-dire depuis le schisme d’Israël. Achaz a l’humiliation d’entendre même l’annonce de plus grands maux : l’oppression de Juda et sa ruine sous les piqûres des « moucherons d’Égypte » et des « abeilles d’Assur ». Is., vii, 18.

Le roi ne fut pas témoin de la réalisation de cette dernière prédiction, mais la première fut exécutée sous ses yeux ; car, se voyant attaqué de tous côtés, au nord par Rasin et Phacée, au midi par les Iduméens, qui venaient de lui prendre un immense butin, II Par., xxviii, 17, à l’ouest par les Philistins, aux mains desquels étaient tombées les villes de Bethsamès, Aïalon, Gadéroth, Socho, Thamna et Gamzo, II Par., xxviii, 18, Achaz s’abaissa jusqu'à mendier le secours d’un roi païen, celui d’Assyrie, Téglathphalasar, lui disant : « Je suis ton serviteur et ton fils ; viens me sauver des mains du roi de Syrie et du roi d’Israël, ligués contre moi. » IV Reg., xvi, 7. Pour se le rendre favorable, il vida ses trésors, à l’exemple de ses prédécesseurs, Asa, LU Reg., xv, 18, et Joas, IV Reg., xii, 18, et il dépouilla la maison du Seigneur, IV Reg., xvi, 8, précaution à peine utile, car l’ambitieux monarque assyrien ne cherchait qu’une occasion d'étendre sa domination. Achaz eut bientôt la joie de le voir envahir la Syrie, assiéger et ruiner Damas, mettre à mort Rasin et emmener ses sujets captifs, puis se jeter sur Israël et en transférer les habitants en Assyrie. IV Reg, , xv, 29-30 ; xvi, 9. D’après la liste des éponymes, on était en 733 ou 732 lorsque Téglathphalasar commença cette campagne, qu’il ne termina qu’après deux ans. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. iv, p. 117.

Elle venait de finir, et l’Assyrien victorieux se reposait à Damas, lorsque Achaz se rendit près de lui, selon toute vraisemblance pour figurer dans une sorte de réception générale, à laquelle tous les rois tributaires de Téglathphalasar avaient été convoqués. IV Reg., xvi, 10. D’après Josèphe, c’est alors qu’Achaz dépouilla ses trésors et le temple, pour payer ce qu’il avait seulement promis lors de sa demande de secours aux Assyriens. Ant. jud., IX, xiii. C’est ce voyage qui donna lieu à la construction d’un autel de modèle païen dans le temple de Jérusalem. Le texte porte : « l’autel qui était à Damas, » IV Reg., xvi, 10, ce qui signifie un autel syrien, soit qu’il fût propre aux Syriens, soit qu’il fût une imitation des autels assyriens. Cette seconde hypothèse est admissible, car c'était l’habitude des rois d’Assur de faire porter dans leurs expéditions militaires les autels de leurs dieux, et de les établir dans les pays conquis. G. Rawlinson, Ancient Monarchies, t. ii, p. 531. Elle devient même vraisemblable si l’on considère le penchant d' Achaz pour la religion des Assyriens, dont il pratiquait le culte astrologique sur les autels qu’il avait fait construire en l’honneur du soleil sur la terrasse de son palais. IV Reg., xxiii, 12, ; cf. Tacite, Annal. xii, 13. Son cadran solaire, plus tard l’occasion d’un grand miracle, Is., xxxviii, 8, était peut-être aussi une importation assyro-chaldéenne. Il entrait d’ailleurs dans le caractère d’Achaz de flatter ainsi son libérateur. En tout cas, comme les autels assyriens étaient très étroits et insuffisants pour y offrir des holocaustes, si celui que le roi de Juda fit construire leur ressemblait par la forme, il dut avoir de plus grandes proportions, puisque nous voyons qu’on y consuma des victimes. IV Reg., xvi, 12 ; Fillion, Atlas archéol., pl. xcviii, fig. 6 ; pl. cxvi, fig. 2. Au y. 15, cet autel est appelé, par rapport à l’ancien autel des holocaustes, « autel plus grand. » Achaz envoya donc par des exprès le dessin de cet autel au grand prêtre Urie, peut-être le même que celui qui est appelé de ce nom dans Is., viii, 2 ; et à son retour de Damas il le trouva construit et établi dans la cour du temple. Il y monta, y offrit des holocaustes et des sacrifices non sanglants (hébreu : minḥah), et y répandit le sang des victimes pacifiques. IV Reg., xvi, 12-13. Il est à croire, d’après le ꝟ. 15, que ces sacrifices étaient en l’honneur de Jéhovah, ce qui n’empêcha pas Achaz d’en offrir d’autres aux dieux de Damas. II Par., xxviii, 23. D’ailleurs le seul fait de sacrifier au Seigneur sur un autel d’un type païen était une profanation sacrilège du culte divin, d’autant plus que la forme de l’autel des holocaustes avait été déterminée dans les plus grands détails. Exod., xxv, 40 ; xxxviii, 1-7.

Achaz introduisit d’autres changements dans le culte. D’après le texte hébreu, plus clair que celui de la Vulgate, l’autel syrien avait été placé par Urie devant la partie antérieure de la maison de Dieu, au milieu de la cour des prêtres, de manière que l’ancien autel des holocaustes se trouvait entre lui et le temple. IV Reg., xvi, 14. Achaz, pour donner sans doute à l’autel de son choix une place plus honorable, et afin qu’il fût seul a devant le Seigneur », fit reculer vers le nord l’autel des holocaustes, se réservant d’en disposer plus tard. De plus, il établit que sur l’autel syrien seraient offerts les sacrifices les plus solennels de chaque jour : celui du matin et celui du soir, offerts au nom de tout le peuple, ainsi que certains autres sacrifices, comme les holocaustes (hébreu : ʿolâh) du roi et les oblations (hébreu : minḥâh) du roi. IV Reg., xvi, 15. Là ne s’arrêta pas son amour sacrilège de la nouveauté. Il y avait autour du temple des bassins d’airain, sorte de lavoirs mobiles, supportés par des bases de même métal, et au nombre de dix. III Reg., vii, 27-28, 37-39. Bases et bassins furent enlevés par son ordre. Il n'épargna pas davantage la mer d’airain, qu’il ôta de dessus les douze bœufs de même métal qui la soutenaient, III Reg., vii, 23-25, et la plaça sans respect sur le pavé de la cour du temple (Septante : « sur un piédestal de pierre, » ἔδωκεν αὺτὴν ἐπὶ βάσν λιθινην, IV Reg., xvi, 17 ; hébreu : « sur un pavé de pierre, » ʿal marṣêfêt ʿâbânim). Ces changements furent faits « à cause » du roi d’Assyrie, IV Reg., xvi, 18, probablement pour rapprocher le culte juif de celui des dieux d’Assur, soit parce qu’Achaz s'était épris d’admiration pour la civilisation et les usages des Assyriens, soit parce que Téglathphalasar obligea le roi de Juda à agir de la sorte. D’autres pensent pourtant que, les trésors du roi et du temple étant épuisés, ibid., v. 8, Achaz avait enlevé ces ornements pour en faire de l’argent et solder le lourd tribut dû au monarque assyrien, ibid., v. 18. Il est certain du moins que tous n’avaient pas été aliénés, car Jérémie atteste que les Chaldéens trouvèrent à Jérusalem la mer d’airain, les taureaux et les bases ciselées, qu’ils emportèrent à Babylone. Jer., lii, 17-20 Le pieux Ézéchias les avait fait probablement rétablir à leur place. II Par., xxix, 19. Les autres modifications faites par Achaz, IV Reg., xvi, 18, sont fort obscures, à ce point que l’auteur de la Vulgate s’est contenté de transcrire de l’hébreu le mot principal, qu’il ne comprenait pas. Achaz, écrit-il, « changea aussi dans le temple du Seigneur, à cause du roi des Assyriens, le musach du sabbat, qu’il avait bâti dans le temple, et l’entrée extérieure du roi. » L’hébreu mûsak (ainsi porte le keri, au lieu du ketib : mêisak), de la racine sâkak, « couvrir, » signifie un lieu couvert quelconque, et n’est employé qu’une fois dans la Bible. Il désigne probablement un portique situé dans le parvis extérieur, par où le roi entrait au temple, pour se rendre.à la place d’où il assistait aux cérémonies. Les Septante ont traduit « la base du siège des sabbats »,τὴν θεμέλιον τῆς καθέδρας τῶν σάϐϐατων, ayant lu mûsâd, « fondement, base, » pour mûsak. Achaz modifia cette installation, on ne sait de quelle manière. Ces avances ne lui servirent d’ailleurs de rien, car Téglathphalasar trouva bientôt un prétexte pour se jeter sur Juda, ravagea tout le pays, et au lieu d’assurer la liberté à ce peuple dont il s'était posé comme le protecteur, il l’asservit. De ce jour, Juda perdit son indépendance. II Par., xxviii, 20. Dans une inscription cunéiforme trouvée à Nimroud, et actuellement conservée au British Museum, entre beaucoup d’autres princes tributaires de Téglathphalasar, on lit le nom d’« Achaz de Juda », Ya-hu-ḥa-zi Ya-hu-da-ai. (Le nom d' Achaz est précédé de Ya, contraction de Jéhovah, et nous en avons là la forme complète, Achaz étant une abréviation de Joachaz.) Western Asiatic Inscriptions, t. ii, p. 67 ; Menant, Annales d’Assyrie, p. 144 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. iv, p. 118-119.

C’est peut-être à cette époque qu’Achaz, tombant dans un noir désespoir, s’abandonna avec fureur à son penchant pour l’idolâtrie ; qu’il fit briser les vases sacrés, fermer les portes du temple, abolir le culte du vrai Dieu et ériger des autels aux idoles dans tous les carrefours de Jérusalem, II Par., xxviii, 24 : époque lugubre, en souvenir de laquelle les Juifs célèbrent encore chaque année une solennité expiatoire. Telle fut la fin d’Achaz, qui mourut à Jérusalem après seize ans de règne, et y fut enseveli, sans partager néanmoins la sépulture des rois de Juda (dans le texte : Israël pour Juda, II Par., xxviii, 27). La perversité de ce roi, sa faiblesse inqualifiable, sa pusillanimité à l’heure du danger, enfin sa maladresse en politique et son impiété envers Dieu, firent de lui un des plus méchants rois de Juda, et sa mémoire est demeurée justement en exécration parmi les Juifs.

ACHAZIB, hébreu : Akzib ; grec : Ἀχαζί, Κεζιϐ, Ἀχζέϐ , Ἐχοζόϐ; latin : Achzib (Jos., xv, 44), Achazib et Achziba.

1. ACHAZIB, ville maritime de la Palestine, située entre Saint-Jean-d’Acre et Tyr (fig. 21). Elle est mentionnée dans Josué, xix, 29, comme appartenant à la tribu d’Aser ; mais les anciens habitants, Chananéens d’origine, n’en purent être chassés. Jud., i, 31. Le changement du zaïn sémitique en d a amené Akdip, comme Gaza est devenu Cadytis, et M’gozan, Mygdon ; de là les Grecs et les Latins ont fait Ἐχκδίππα, Ecdippa. Ptolémée, V, xv ; Pline, V, xvii. Josèphe l’appelle Ἐχκδίππων et Ἐχκδίπους, et la signale comme une place maritime. Bell. Jud., i, xiii, 4. Ailleurs il la nomme Arcê, Ἄρκη). Ant. Jud., V, i, 22. On la trouve dans les tablettes cunéiformes avec le nom d’Ak-zi-bi. Eb. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 2e édit., Giessen, 1883, p. 170. Dans le Talmud, sous le nom de Kezib ou Guezib, elle est citée comme formant, depuis le retour de la captivité, la limite septentrionale de la Galilée "vers le nord-ouest, sur la route d’Accho à Tyr. Tosiftha, Demoï, ch. 1. Ville forte comme Accho, Talm. de Bab., Eroubin, 64 b, elle possédait une synagogue. Cf. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 233.

Eusèbe et saint Jérôme la placent à neuf milles de Ptolémaïde ou Saint-Jean-d’Acre, Onomasticon, au mot Ἀχζίφ, et on l’identifie généralement avec le village actuel d’Ez-Zib. Situé non loin d’une petite baie qui a dû servir autrefois de port à la ville, il est assis plus au nord sur une colline qui constituait l’acropole de la cité basse. « Ce monticule était jadis entouré d’un mur d’enceinte, dont on distingue encore des traces du côté de l’est. La plupart des maisons actuelles ont été bâties avec des matériaux antiques. Les jardins qui entourent ce village sont bordés soit de cactus, soit de vieux tamaris, et renferment beaucoup d’arbres fruitiers, au-dessus desquels de jolis palmiers dressent çà et là leur tige élancée et leur tête verdoyante. » V. Guérin, Descript. de la Pal., Galilée, t. ii, p. 164.

Sennachérib, dans sa campagne contre Ézéchias, roi de Juda, s’empara de cette ville, et la mentionne entre U-su-u (Hosah, Kh. Ezziyah) et Ak-ku-u (Accho). Prisme de Taylor ou Cylindre C. de Sennachérib ; Cuneiform inscriptions of Western Asia, t. i, pl. 38-39 ; Schrader, ouvr. cit., p. 288.

2. ACHAZIB, ACHZIB, ville de la tribu de Juda, citée entre Céïla et Marésa. Jos., xv, 44. Le texte hébreu la mentionne également dans Michée, i, 14 ; car « cette maison de mensonge », qui d’après la Vulgate sera « pour la déception des rois d’Israël », n’est autre dans l’original que la ville d’Achzib, qui, en tombant plus tard aux mains de l’ennemi, « trompera » la confiance purement humaine de la puissance royale. Par un de ces jeux de mots familiers aux Orientaux, et assez fréquents dans les Livres Saints, le prophète trouve dans le nom même (racine kâzab, « mentir » ) un présage des châtiments qu’il annonce. Dix villes sont mentionnées de la même façon dans cette prophétie ; or, parmi les cinq dernières, dont la situation au sud-ouest de la Palestine est bien connue, comme Lachis (Oumm-el-Lakis), Marésa (Kh. Mérach) et Odollam (Aïd-el-Ma), on remarque également Achzib. Sa position est donc naturellement indiquée, et le nom semble s'être conservé dans celui d’Aïn el-Kezbéh, près de Beit-Nettif. Cette identification est confirmée par le témoignage d’Eusèbe et de saint Jérôme, qui nous disent que, de leur temps, « Chazbi (Achzib) était un endroit désert, près d’Odollam, sur les confins d'Éleuthéropolis. » Lib. de situ et nom. loc. heb., t. xxiii, p. 889.

Ce témoignage nous permet aussi de croire que l’Achzib de Juda est identique à Chezib (Χασϐί, Chazbi) dont parle le texte hébreu dans la Genèse, xxxviii, 5. Là, en effet, où la Vulgate traduit : « Lorsqu’il fut né (Sela, son troisième fils), elle (la fille de Sué, épouse de Juda) cessa d’enfanter ; » l’original porte : « Et il (Juda) était à Kezib lorsqu’elle l’enfanta (Sela) ; » remarque faite par l’historien afin que la famille issue de Sela connût son origine. Comme les autres endroits mentionnés dans ce chapitre sont tous dans la plaine de Juda, nous pouvons à bon droit, avec les interprètes anciens et modernes, identifier Chezib avec Achazib 2.

Enfin, quelques auteurs assimilent Achazib 2 avec Cozêba, dont fait mention le texte hébreu dans I Par., iv, 22. Ceux, en effet, que la Vulgate appelle « les hommes de mensonge » sont les « hommes de Cozêba », rangés parmi les descendants de Sela, fils de Juda, par allusion sans doute à leur lieu d’origine. Cependant Conder distingue Achzib de Chozêba, qu’il place plus à l’est, à Koueiziba, dans Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1875, p. 13, et Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 408.

ACHIA, ACHIAS, hébreu : ʾǍḥîyâh, « mon frère, c’est-à-dire ami est Jéhovah ; » Septante : Ἀχιά Vulgate, dans plusieurs endroits, a traduit la forme hébraïque ʾǍḥîyâh par Ahia. Voir Ahia.

1. ACHIAS, fils d’Achitob, portait l'éphod à l'époque de Saül, I Reg., xiv, 3, c’est-à-dire qu’il était grand prêtre des Israélites. Il était l’arrière-petit-fils d’Héli par son père Achitob et son aïeul Phinées. Il ne paraît en scène qu’une seule fois dans l’histoire de Saül. C'était pendant une expédition contre les Philistins ; le roi d’Israël, avec six cents hommes, campait à Gabaa de Benjamin, lorsque son fils Jonatbas eut l’idée, inspirée peut-être par Dieu, d’attaquer les Philistins en compagnie de son seul écuyer : l'événement donna raison à son audace, et les Philistins s’enfuirent, frappés d’une terreur surnaturelle. I Reg., xiv, 15. À cette nouvelle, Saül appelle Achias et lui dit : « Consultez l’arche du Seigneur ; » car, ajoute la Vulgate, « l’arche de Dieu était ce jour-là avec les enfants d’Israël, » v. 18. L’arche résidait alors à Cariathiarim, I Reg., vii, 1 ; mais on sait qu’elle accompagnait parfois les Hébreux dans leurs expéditions militaires.

[Image à insérer] 21. — Vue d’Achazib d’Aser. D’après une photographie.


Toutefois ce n'était généralement pas à l’aide de l’arche d’alliance que le grand prêtre consultait le Seigneur ; il le faisait au moyen de l’'éphod, et c’est sans doute la raison qui a porté les Septante à traduire ainsi le passage qui nous occupe : « Apporte l’éphod (car il portait l’éphod en ce jour en présence d’Israël). » Quoi qu’il en soit, Saül voulait consulter l’oracle divin, pour savoir ce qu’il devait faire dans cette circonstance imprévue, où Dieu se manifestait visiblement en faveur de l’armée israélite. Mais, comme il parlait encore au prêtre, un tumulte plus fort et toujours croissant se fit entendre dans le camp des Philistins. « Abaisse ta main, » dit Saül à Achias, qui se mettait en devoir de consulter l’oracle. La conduite à tenir devenait, en effet, évidente : il fallait profiter du désordre extrême où se trouvaient les ennemis pour fondre sur eux et changer leur déroute en désastre. C’est ce que firent Saül et les siens. I Reg., xiv, 19-23. Achias n’est plus nommé après cet épisode ; d’ailleurs il dut mourir peu après, puisque, quelques années plus tard, c’est Achimélech, autre fils d’Achitob, et par conséquent frère d' Achias, I Reg., xxil, 9, qui est revêtu du souverain pontificat et donne à manger à David les pains de proposition. I Reg., xxi, 1-6. Quelques interprètes pensent cependant qu’Achimélech n’est pas différent d' Achias, et que ces deux noms, qui ont peut-être la même signification ( Achias = frère ou ami est Jéhovah ; Achimélech = frère ou ami est le roi [d’Israël, Jéhovah]), désignent un seul et même fils d’Achitob. Voir Achimélech 1.

E. Duplessy.

2. ACHIA, fils d’Ahod, descendant de Benjamin par Balé. I Par., viii, 7.

3. ACHIA. D’après les uns, cinquième fils de Jéraméel, fils d’Hesron, de la tribu de Juda. Cependant, comme l’hébreu n’a pas la conjonction et avant ʾĂḥîyah, ce pourrait bien être plutôt le nom de la première femme de Jéraméel. I Par., ii, 25. Le contexte favorise cette interprétation, t. 26.

4. ACHIA, lévite, chargé de garder les trésors du temple sous David, I Par., xxvi, 20. Au lieu de lire 'Afyiyah, les Septante ont lu ʾĂḥêhem, et traduisent par ἀδελφοὶ αύτῶν, « les lévites leurs frères. »

5. ACHIA, fils de Phinées dans la généalogie d’Esdras. IV Esdr., i, 2. Omis dans la généalogie, I Esdr., vii, 2.

ACHIACHARUS (Septante : Ἀχιάχαρος, Ἀχεχαρος ; le nom hébreu devait être ʾĂḥîʾaḥarôn, « frère posthume »). Tobie (Septante), i, 21, 22 ; ii, 10 ; xiv, 10. Fils d’Anaël et neveu de Tobie, à la cour de Sacherdon ou Asarhaddon, roi de Ninive, où il était échanson, garde du sceau, intendant et inspecteur des comptes. Il secourut Tobie dans son malheur. Voir Nabath.


ίACHIM (Nouveau Testament : Ἀχείμ), de la tribu de Juda et de la famille de David, fils de Sadoc et père d'Éliud, Matth., i, 14, dans la généalogie de Notre-Seigneur Jésus-Christ. (En hébreu, son nom devait être Yakîn, « Jéhovah l’affermit ; » les Septante rendent Yakin par Ἀχίμ I Par., xxiv, 17, et par 'Axet’v, Gen., xlvi, 10.)


ACHIMAAS, hébreu : ʾĂḥîmaʿas, « mon frère est en courroux ; » Septante : Ἀχιμάας.

1. ACHIMAAS, père d’Achinoam, épouse de Saül. I Reg., xiv, 50.

2. ACHIMAAS (hébreu : ʾAḥîmaʿas ; Septante : Ἀχιμάας), fils du grand prêtre Sadoc, II Reg., xv, 36 ; I Par., vi, 8, 53, demeura à Jérusalem avec son père, tandis que David, sous le coup de la révolte d’Absalom, s'éloignait de la ville sainte. II Reg., xv, 35-36. Chargé d’apporter au roi fugitif les nouvelles de ce qui se tramait contre lui, il observa avec attention les projets et les démarches d’Absalom et de son conseiller Achitophel ; mais bientôt l’attitude de son père et les sentiments de fidélité manifestés par lui à l'égard de David, II Reg., xv, 24-29, rendirent la position d’Achimaas difficile à Jérusalem. Pour écarter les soupçons qui n’auraient pas manqué de planer sur sa conduite, si on l’avait vu sortir souvent de la ville, il prit le parti de s'établir avec son compagnon Jonathas, fils d’Abiathar, II Reg., xvii, 17, hors des murs, et d’attendre les événements auprès de la fontaine de Rogel. Voir Rogel. C’est là que vint les trouver l’inoffensive servante envoyée par les deux grands prêtres, et chargée de communiquer à Achimaas et à son compagnon, pour qu’ils les transmissent à David, les projets de poursuite immédiate proposés par Achitophel, et les instances des pontifes pressant le roi de passer le Jourdain. Achimaas partit aussitôt avec Jonathas ; mais ils comptaient sans les espions répandus par Absalom dans la campagne, et sans doute chargés spécialement de les surveiller. On les aperçut, et la nouvelle de leur marche vers l’est fut portée immédiatement aux révoltés ; heureusement les deux messagers, en pressant le pas, purent gagner Bahurim avant d’avoir été atteints. Là ils trouvèrent un homme charitable qui, prenant leur sort en pitié, les fit descendre dans une citerne à sec qui se trouvait dans la cour intérieure (hébreu : beḥâṣêrô, dérivé de (ḥâṣar, « entourer, » que saint Jérôme traduit : in vestibule suo), tandis que sa femme étendait sur l’ouverture un voile ( hébreu : mâsâk, « une couverture » ), sur lequel elle répandait, comme pour le faire sécher, de l’orge mondé (hébreu : hârîfôṭ, « grains d’orge ou de froment piles ; » mot qu’on se trouve qu’ici, II Sam., xvii, 19, et Prov., xxvii, 22). Quand vinrent les émissaires d’Absalom, la ménagère, sans quitter son ouvrage, répondit qu’ils avaient fui plus loin, après avoir pris un peu d’eau ( hébreu : « et ils ont passé le petit ruisseau » ). II Reg., xvii, 20. Ils furent sauvés, et bientôt, sortant de leur retraite, ils poursuivirent leur route jusqu’au lieu où était David, qu’ils déterminèrent à passer sur l’heure le Jourdain.

Après cela, Achimaas ne pouvait plus rentrer à Jérusalem, ni même reprendre son poste d’observation près de la fontaine de Rogel. Il se joignit à l’armée de David et assista à la bataille décisive de la forêt d’Ephraïm, II Reg., xviii, 6, dans laquelle Absalom fut tué. Toujours dévoué, et content cette fois d'être le messager d’une heureuse nouvelle, comme il était bon coureur, il s’offrit à Joab pour aller annoncer à David l'éclatante victoire. Joab résistait ; enfin, sur ses instances réitérées, il consentit, et si rapide fut Achimaas, qu’il arriva près du roi avant Chusi, qui avait pourtant une notable avance sur lui. II Reg., xviii, 19-23. Il avait pris le chemin le plus court, d’après la Vulgate (via cotnpendii). D’après l’hébreu, il prit le chemin de la Kikkâr. Voir Kikkah. Poussé par son affection pour David jusqu'à transgresser la loi de Dieu, Achimaas mentit pour ménager la sensibilité paternelle, et lui dissimula la mort d’Absalom : réticence qu’il eût sûrement corrigée, si Chusi, moins circonspect, n’eût dès son arrivée et tout d’un coup déclaré la réalité. La fidélité et le dévouement d’Achimaas ne se démentirent jamais. Plusieurs interprètes pensent que ses mérites lui valurent sous Salomon l’une des douze places de niṣâbîm, ou officiers chargés de percevoir l’impôt, III Reg., iv, 7, 15, et que cet Achimaas est identique à celui du second livre des Rois. Si cette opinion est fondée, Achimaas était ainsi arrivé à l’une des principales charges de l'État, cf. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, t. iii, p. 275 et suiv. ; bien plus, et ce fut peut-être une des causes de son élévation, il aurait épousé l’une des filles de Salomon, Basémath. Ce mariage ne put avoir lieu, en tout cas, que vers le milieu ou la fin du règne de Salomon, car nous savons qu'à cause de sa jeunesse ce prince ne pouvait avoir, lors de son avènement au trône, des filles en âge d'être mariées.

Le caractère d’Achimaas a été apprécié par celui qui était le mieux en position pour le faire exactement, David, des lèvres duquel nous recueillons ce témoignage : « C’est un homme bon. » II Reg., xviii, 27. Sa bonté était si grande, que son roi estimait qu’un tel homme ne pouvait apporter que de bonnes nouvelles, ibid. Quant à son dévouement, il était devenu comme proverbial, si bien qu'à son allure empressée, comme à un signe certain, le guetteur le reconnaissait. Il méritait donc à tous égards la confiance de son prince, et Salomon, en le comblant de faveurs, ne fit que lui rendre une justice qui honore à la fois Achimaas et son bienfaiteur.

3. ACHIMAAS, intendant de Salomon dans la tribu de Nephtali, un des douze officiers chargés de pourvoir à la table du roi. Il épousa Basémath, fille de Salomon. III Reg., iv, 15. Il est peut-être identique avec le précédent. Voir Achimaas 2.


ACHIMAM, nom, dans Num., xiii, 23, d’un géant de la race d'Énac, qui est appelé Ahiman dans Josué et dans les Juges. Voir Ahiman.


ACHIMÉLECH ou AHIMÉLECH, hébreu : ʾĂḥîmélek, « mon frère est roi ; » Septante : Ἀϐιμέλεχ, Ἀχιμέλεχ

1. ACHIMÉLECH, fils d’Achitob, I Reg., xxii, 9, grand prêtre à l'époque de la première persécution de Saül contre David. I Reg., xxi, 1. Le peu de temps qui s'écoula entre les événements rapportés au chap. xiv, le grand prêtre étant Achias, et ceux du chap. xxi, alors que le pontificat était-exercé par Achimélech, a amené plusieurs exégètes à identifier ces deux personnages, d’autant plus que leurs noms ont entre eux une notable analogie (ʾÂḥiyâh, « mon frère ou ami est Jéhovah ; » ʾAḥi-mélék, « mon frère est roi » ), et que tous deux ont pour père Achitob. I Reg., xxii, 9, 11-12 ; xiv, 3. Voir Achias 1. Malgré ces raisons, on pense communément qu’Achimélech était frère d' Achias, et que, celui-ci étant mort sans enfants mâles qui lui succédassent, Achimélech avait été appelé au souverain pontificat, peu de temps avant l'époque où pour la première fois la Bible fait mention de lui. Il résidait à Nobé ou Nob, où était l’arche sainte depuis son retour du pays des Philistins et son séjour transitoire à Bethsamès et à Cariathiarim. Peut-être Saül avait-il installé le tabernacle en ce lieu pour posséder dans sa tribu le centre religieux d’Israël. Voir Nobé. C’est là qu’Achimélech vit un jour venir à lui David abattu, sans armes, sans escorte, ce qui lui causa une profonde surprise. David lui dit qu’il avait été chargé d’une mission par le roi, et lui demanda à manger, parce qu’il avait faim, ainsi que ceux de sa suite. L’embarras d’Achimélech fut grand, car il n’avait à sa disposition que les douze pains de proposition déposés dans le Saint pendant une semaine et tout récemment retirés pour être remplacés, selon la loi, par des pains nouveaux. De là vient qu’en ce jour Achimélech n’avait pas eu besoin de faire de provisions de pain ordinaire, car les douze pains de proposition retirés chaque sabbat de la table recouverte d’or, sur laquelle ils étaient offerts au Seigneur, devaient être mangés, dans le sanctuaire même, par les prêtres. Lev., xxiv, 6-9. Donner de ces pains au fugitif semblait illicite, à cause de la disposition spéciale de la loi, qui ne permettait qu’aux enfants d’Aaron de s’en nourrir. Mais valait-il mieux observer rigoureusement la lettre de la loi, en violant le précepte plus grave encore de la charité, surtout dans une si extrême nécessité? Marc, II, 25. Achimélech, après s'être assuré que David et les siens n’avaient point d’impureté légale, leur donna les pains de proposition. Notre -Seigneur l’a justifié en prenant sa conduite pour base de sa propre justification, en face de ceux qui lui reprochaient de violer le sabbat. Matth., xii, 3-4 ; Marc, ii, 26 ; Luc, vi, 3-4.

Il est vrai qu’en déclarant ainsi son innocence, Jésus soulève une nouvelle difficulté à son sujet, car en saint Marc il l’appelle par son nom, et ce nom est Abiathar au lieu d’Achimélech. Marc, ii, 26. Les hypothèses qu’on a faites pour concilier ce passage avec I Reg., xxi, 1, sont aussi variées qu’ingénieuses : faute de copiste en saint Marc ; double nom du même personnage ; et double personnage dont le second, c’est-à-dire Abiathar, fils d' Achimélech, employé alors au service du temple, aurait pour la circonstance tenu la place de son père absent ou malade, et agi en son nom : voilà ce que les exégètes ont imaginé sans faire complètement la lumière. Nous ne parlons pas de l’hypothèse rationaliste qui suppose une erreur de mémoire de la part de l'évangéliste. Plusieurs manuscrits suppriment la difficulté en omettant le v. 26 de saint Marc. Pour revenir à la conduite d’Achimélech donnant à David les pains sacrés, il faut remarquer qu’il n’en privait pas le sanctuaire, puisque ces pains étaient ceux qu’on venait d’enlever. Il n’y avait de transgression que sur le précepte relatif à la manducation par les prêtres ; or il existait dans l’espèce une raison plus que suffisante pour se dispenser de la loi.

Après avoir mangé, David demanda des armes au grand prêtre. Achimélech sortit de l’enveloppe qui la renfermait (hébreu : baṡṡimlâh, « dans le manteau » ) l'épée de Goliath, qui était placée dans le sanctuaire à côté de l’éphod, et il la donna à David, qui d’ailleurs avait bien sur elle quelque droit, l’ayant lui-même consacrée à Jéhovah. I Reg., xvii, 54. Achimélech consulta aussi le Seigneur en faveur de David, I Reg., xxii, 10, et le fugitif se sauva auprès d’Achis, roi de Geth.

Achimélech devait payer chèrement le service qu’il venait de rendre à David. Tandis qu’il le secourait si charitablement, un traître, Doëg l’Iduméen, observait tout sans mot dire, et il s’empressa d’aller rapporter à Saül ce qui venait de se passer. Le roi, qui était alors à Gabaa, manda près de lui Achimélech avec tous les prêtres de service à Nobé, et leur fit de sanglants reproches, auxquels le grand prêtre répondit avec une élévation et une loyauté qui eussent désarmé Saül, si sa haine contre David ne l’eût rendu sourd à toute raison. Il ne dissimule rien et ne s’excuse de rien : ce qu’il a fait, il le ferait encore ; car David est entre les serviteurs du roi le plus dévoué et le plus fidèle. I Reg., xxil, 14. D’ailleurs pourquoi lui reproche-t-on d’avoir pris part à la révolte du fugitif ? Sans ignorer complètement ses difficultés avec Saül, il ne savait pas, quand David vint à Nobé, quels étaient les rapports de ce dernier avec le roi ; dans leur entrevue, il n’en a pas été question, et s’il a consulté le Seigneur pour lui, c’est ce qu’il avait fait maintes fois sans être accusé par personne. I Reg., xxii, 15. Ces explications étaient tout à fait satisfaisantes, cependant elles ne purent lui sauver la vie. Il tomba sous le fer des satellites, en présence et par l’ordre du roi jaloux, et avec lui tous ses prêtres. Nobé, sa ville sacerdotale, fut détruite, et ses habitants mis à mort. Seul, Abiathar, l’un des fils d’Achimélech, échappa. I Reg., xxii, 16-21. C’est en apprenant cette odieuse vengeance que David composa le psaume li, où sa visite à Achimélech est expressément indiquée. Il est à noter que, se basant sur le titre du psaume xxxiii, dans la Vulgate : De David, quand il changea de visage devant Achimélech gui le renvoyait, plusieurs Pères ont appliqué tout ce psaume à l’entrevue de David avec le grand prêtre à Nobé. Cette application était difficile, car Achimélech ne renvoya pas David. Aussi les commentateurs modernes y ont renoncé : les uns s’en rapportent à l’hébreu, où on lit Abimélech au lieu d’Achimélech ; ils croient avec saint Basile que ce nom est un titre commun à tous les rois philistins, et désigne Achis, roi de Geth, devant lequel, en effet, David contrefit l’insensé, I Reg., xxi, 13-15 ; d’autres conservent la leçon de la Vulgate, et croient. qu’Achimélech est là pour Achis mélek, « le roi Achis. »

Achimélech fut le dernier descendant d’Héli qui mourut dans la dignité de grand prêtre, car son fils Abiathar, qui lui succéda, fut déposé par Salomon, et le pontificat transmis à la famille d'Éléazar. Voir Abiathar. Cette privation du pontificat et la mort d’Achimélech et des prêtres de Nobé, dont un bon nombre étaient de la famille d’Héli, contribuèrent à réaliser l’oracle divin prononcé naguère par un voyant devant Héli lui-même. I Reg., ii, 33. Quant aux victimes du massacre, plusieurs les mettent au rang des martyrs, en considération de l’acte de miséricorde qui fut la cause de leur mort. Bachiarius, Epist. ad Januar., Patr. lat., t. xx, col. 1042 ; Bède, In Samuel, proph. allegor. exposit., iii, 10, t. xci, col. 662.

À l’exemple de Jésus-Christ, les Pères et les théologiens tirent de la conduite d’Achimélech cette conclusion morale, qu’en cas de conflit entre deux préceptes, l’un de l’ordre positif, l’autre de l’ordre naturel, le premier doit céder.

2. ACHIMÉLECH, Héthéen, un des compagnons de David pendant qu’il était persécuté par Saûl. I Reg., xxvi, 6.

3. ACHIMÉLECH. Ce nom se lit, II Reg., viii, 17 ; I Par., xviii, 16 ; xxiv, 3, 6, où l’on s’attendait à trouver plutôt le nom d’Abiathar. On a proposé diverses solutions : 1° Abiathar, fils d’Achimélech, aurait eu un fils du même nom, Achimélech, et ce fils aurait rempli conjointement avec son père, ou parfois à son défaut, les fonctions sacerdotales. 2° Achimélech aurait eu à la fois ces deux noms : Achimélech et Abiathar. Saint Marc l’appelle de ce dernier nom, Marc, ii, 26. 3° L’opinion la plus vraisemblable, d’après la suite du récit, est celle-ci : les noms ont été transposés par les copistes ; Achimélech a été mis par erreur pour Abiathar, et réciproquement. Voir Abiathar.

4. ACHIMÉLECH. Voir Abimélech 5 et Achis.

ACHIMOTH (hébreu : Ăḥimôṭ ; Septante : Ἀχιμώθ), fils d’Elcana, lévite de la famille de Coré. I Par., vi, 25.


ACHINOAM, hébreu : Ăḥinôʿam, « mon frère est gracieux ; » Septante : Ἀχινόομ, I Reg., xiv, 50 ; Ἀχινάαμ, I Reg., xxv, 43.

1. ACHINOAM, fille d’Achimaas et épouse de Saül. I Reg., xiv, 50.

2. ACHINOAM, première femme de David. Elle était de Jezraël, ville de la tribu de Juda. I Reg., xxv, 43. Voir Jezraël 4. David, obligé de fuir la colère de Saül, l'épousa pendant qu’il menait une vie errante dans le désert de Juda, dans le voisinage de la ville de Carmel. Achinoam raccompagna avec Abigaïl à la cour du roi philistin Achis, I Reg., xxvii, 3 ; l’une et l’autre furent emmenées captives par les Amalécites, lorsqu’ils pillèrent Siceleg, pendant que leur mari suivait les Philistins qui allaient combattre Saül dans la plaine d’Esdrelon, et l’une et l’autre furent délivrées par David à son retour. I Reg., xxx, 5, 18. Elles participèrent aussi toutes les deux aux honneurs royaux. Après la mort de Saül, « David monta, dit le texte sacré, avec ses deux femmes Achinoam de Jezraël et Abigaïl, … et ils demeurèrent à Hébron, » II Reg., ii, 2-3, où le nouveau roi passa les sept premières années de son règne. L'Écriture ne nous apprend plus rien sur Achinoam, si ce n’est qu’elle fut la mère d’Amnon, le fils aîné de David. II Reg., iii, 2 ; I Par., iii, 1.


ACHIOR, « mon frère est la lumière. »

1. ACHIOR, ami et parent de Tobie, de la tribu de Nephthali, fut emmené captif à Ninive par Salmanasar. Il vint féliciter Tobie et se réjouir avec lui de la bonté de Dieu à son égard. Job, xi, 20. Les Septante l’appellent Ἀχιάχαρος, et en font un neveu de Tobie, le fils de son frère Anaël. Il aurait été grand échanson à la cour de Sennachérib et d’Assarhaddon. Septante, Tob., i, 21, 22 ; II, 10 ; xiv, 10. Voir Achiacharus et Nabath.

2. ACHIOR, chef des Ammonites. Lorsque le général assyrien Holopherne eut envahi l’Asie Mineure, les provinces et les villes de Syrie se soumirent à l’envi au conquérant, pour essayer de fléchir sa fureur. Judith, iii, 1. Seuls les Israélites se préparèrent à la résistance. Judith, iv, 1-17. À cette nouvelle, la colère d’Holopherne redoubla, et il fit appeler auprès de lui les chefs de Moab et d’Ammon, pour apprendre d’eux à quel peuple il allait avoir affaire. Judith, v, 1-4. Achior était à cette époque le chef suprême des Ammonites. Judith, v, 5. Au lieu d’exciter davantage Holopherne contre les Hébreux, comme on aurait pu s’y attendre de la part d’un fils d’Ammon, il prit à tâche d’inspirer au général assyrien une crainte salutaire, qui le détournerait de faire la guerre à Israël. Dans un discours que la Bible nous a conservé, Judith, v, 5-25, il démontre la grandeur surnaturelle de ce peuple, qui était, aux yeux de ces barbares étrangers, une simple tribu, n’occupant qu’une place imperceptible dans le monde connu. Achior apprend successivement à Holopherne l’origine chaldéenne des Hébreux, la vocation d’Abraham, le séjour en Égypte, le passage de la mer Rouge, le séjour au désert du Sinaï et la conquête de la Palestine ; pendant son récit, il s’attache à démontrer ce fait, que Dieu donnait la victoire aux Israélites lorsqu’ils lui étaient fidèles, et qu’il ne permettait leur défaite que pour les châtier et les convertir. « Si donc, conclut- ii, ce peuple est actuellement coupable devant Dieu, Dieu vous le livrera ; sinon vous ne pourrez, lui résister, et nous deviendrons la risée de toute la terre. » Ces paroles ne firent qu’exciter davantage la colère d’Holopherne et de ses officiers ; Achior, pour avoir dit la vérité, fut regardé comme un traître et châtié comme tel. « Puisque tu as une telle confiance en ce peuple, va le retrouver, » lui dit en substance le général assyrien. Judith, vi, 5-6. Et il le fit saisir et mener vers Béthulie, qu’il se disposait à assiéger. Là les serviteurs d’Holopherne attachent Achior à un arbre, et ils se retirent, le laissant pieds et mains liés à la merci des Hébreux, pour qui les Ammonites étaient des ennemis héréditaires. Bientôt trouvé par les Israélites, Achior est mené à Béthulie, comparaît devant Ozias et Charmi, chefs de la ville, et leur rapporte ce qu’il avait dit à Holopherne et le châtiment qui avait suivi ses courageuses paroles. Judith, vi, 11-13. Dès ce moment, Achior reçoit la récompense de sa bonne action : il est admis au droit de cité, bien que ce privilège ne fût généralement accordé aux descendants d’Ammon qu'à la dixième génération, cf. Deut., xxiii, 3, et un grand festin est donné en son honneur dans la maison du prince de la ville. Judith, vi, 19-20. Quelque temps après, lorsque Judith est revenue du camp d’Holopherne, on appelle Achior pour lui montrer la tête du général ennemi : « Voici, lui dit l’héroïne, voici la tête de celui qui t’a menacé de mort en disant : « Lorsque le peuple d’Israël sera vaincu, j’ordonnerai que tes flancs soient traversés par le glaive. » Judith, xiii, 27-28. À cette vue, Achior est tellement saisi, qu’il tombe la face contre terre ; mais il se relève bientôt pour bénir Judith, pour adorer son Dieu, Judith, xiii, 29-31, et pour renoncer au culte des idoles. Judith, xiv, 6. Une exception à la loi fut faite en sa faveur, cf. Deut. xxiii, 3 : il fut admis à se faire circoncire et se trouva ainsi incorporé au peuple de Dieu. Judith, xiv, 6.

E. Duplessy.


ACHIS (hébreu : ʾAkiš, appelé aussi Abimélech, Ps. xxxiv, 1, hébreu, et Achimélech, Ps. xxxiii, 1, Vulgate), contemporain de David, roi de Geth, ville royale des Philistins. Il avait succédé sur le trône à son père Maoch. I Reg., xxvii, 2. Le nom d’Achis est peut-être un titre commun à tous les seranîm ou rois de cette région. C’est vers ce prince que David se réfugia après avoir reçu à Nob l’hospitalité du grand prêtre Achimélech. I Reg., xxi, 10. Achis ne fit que l’entrevoir ; car, ayant été reconnu par les courtisans comme le vainqueur de leur fameux guerrier Goliath, le fugitif feignit la folie pour échapper à leur vengeance, ce qui amena le roi à le congédier avec mépris. I Reg., xxi, 12-15. Quelques années plus tard, Achis eut l’occasion de revoir David. C'était après les événements du désert de Ziph. Saül, un instant touché de la grandeur d'âme de son rival, l’avait béni ; puis, sa passion reprenant le dessus, il avait recommencé ses poursuites, et David, à bout d’expédients, s'était décidé à passer avec ses six cents hommes chez les Philistins, et à demander un refuge au roi de Geth. I Reg., xxvi. Il n’y a aucune raison de douter que cet Achis ne soit le même que celui du chapitre xxi. La manière différente dont il se conduit à l'égard de David est conforme à la différence d'état du proscrit. Naguère celui-ci venait seul, maintenant il est à la tête d’une petite année ; autrefois sa réputation était surtout celle d’un ennemi des Philistins, aujourd’hui il est surtout célèbre par ses différends avec Saül. À ce dernier titre, Achis l’accepte comme un auxiliaire, et lui permet d’habiter Siceleg, au sud de Juda ; peut-être même lui donne-t-il cette ville et son territoire en toute propriété. I Reg., xxvii, 6. De là David faisait, dans les régions voisines et confinant à Israël, des expéditions et des razzias qu’Achis croyait dirigées contre les sujets de Saül. Les réponses ambiguës de David l’entretenaient dans cette pensée, et de plus en plus il croyait posséder en lui un puissant allié contre Saül. Il arriva cependant que, les Philistins entreprenant eux-mêmes une campagne contre Israël, Achis voulut que David et les siens y prissent part. I Reg., xxix, 2. Mais les autres princes philistins ne furent pasde cet avis, et sur leurs représentations Achis dut congédier l’Hébreu et ses soldats. La bataille fut engagée sans eux, et Dieu, qui n’avait pas permis que le patriotisme de David fût démenti par sa conduite, voulut que les Philistins missent en déroute l’armée de Saûl. Ce fut la fameuse bataille du mont Gelboë, où périrent Saül et ses fils. Il n’est plus question d’Achis dans la Bible, sinon III Reg., ii, 39, pour nous apprendre que des serviteurs fugitifs de Séméi s’étaient réfugiés auprès de lui.

Dans ce dernier passage, Achis est mentionné comme fils de Maacha, tandis que, I Reg., xxvii, 2, son père est nommé Maoch. Mais il ne répugne pas que ces deux noms soient des formes différentes du même mot. Il ne répugne pas davantage que le règne du même personnage occupe l’intervalle de cinquante ans écoulés entre la première fuite de David à Geth et celle des serviteurs de Séméi. Quelques interprètes ont voulu voir dans les deux récits du séjour de David près d’Achis un seul et même fait raconté diversement. Les notables différences entre l’un et l’autre rendent cette interprétation inadmissible. C’est aussi ce qui ressort du titre du Psaume xxxiii, qui rappelle explicitement le trait distinctif du premier séjour : Quand David changea son visage devant Achirnélech. I Reg., xxi, 13.

Dans les passages où il est question de lui, Achis apparaît comme un homme indécis et facile à se laisser influencer. Un autre que lui aurait pu sans doute deviner, sous la folie simulée de David, le fin stratagème d’un homme très sensé, et, plus tard, saisir la vraie disposition de son hôte à travers ses réponses indécises. I Reg., xxvii, 10 ; xxviii, 2. Les autres princes philistins furent plus clairvoyants. Sa simplicité partait d’ailleurs d’un bon naturel, et ses excès de confiance manifestent la loyauté de son cœur.

P. Renard.

ACHISAMECH (hébreu : ʾĂḥisâmâk, « mon frère est un appui ; » Septante : Ἀχισαμάκ), père d’Ooliab, de la tribu de Dan, Exod., xxxi, 6 ; xxxv, 34 ; xxxviii, 23.


ACHITOB, hébreu : ʾĂḥitûb, « mon frère est bon ; » Septante : Ἀχιτώϐ.

1. ACHITOB, fils de Phinées, le fils d’Héli, et père d’Achias et d’Achimélech, lesquels furent grands prêtres sous Saül. I Reg., xiv, 3 ; xxii, 9, 11, 12, 20.

2. ACHITOB, fils d’Amarias et grand-père de Sadoc, souverain pontife du temps de David. II Reg., viii, 17 ; I Par., VI, 7-8. Il était de la maison d’Éléazar et fut grand prêtre lui-même. La Vulgate le qualifie expressément de « pontife de la maison de Dieu », I Par., ix, II ; ἡγουμένον οἴκου τοῦ Θεοῦ, traduisent les Septante, dans le même sens que saint Jérôme. On objecte contre cette interprétation que le texte original ne dit point qu’il fut kôhen ou « prêtre de la maison de Dieu », mais nâgîd, « chef, » mot qui n’a pas un sens aussi précis. De là vient que la Vulgate elle-même rend ce même passage des Paralipomènes, reproduit dans II Esd., xi, 11, par princeps domus Dei. — Il est certain que le terme de nâgîd est plus général que celui de kôhen ou « prêtre » ; mais le sens qu’y attache l’auteur des Paralipomènes ne peut guère être mis en doute, car, II Par., xxxi, 13, il se sert de cette expression de nâgîd pour faire connaître la qualité d’Azarias, qui était certainement souverain pontife des Juifs, sous le règne d’Ézéchias. — Dans le second livre des Rois, vin, 17 ; dans le premier livre des Paralipomènes, vi, 8, 53 ; xviii, 16, et dans le premier livre d’Esdras, vii, 2, Achitob est nommé comme père de Sadoc ; mais en hébreu « père » a souvent le sens de grand-père, et « fils » le sens de petit-fils. Le premier livre des Paralipomènes, ix, 11, et le second livre d’Esdras, XI, 11, qui nous donnent une généalogie plus complète de la lignée sacerdotale de Sadoc, nous apprennent que ce dernier pontife était fils de Meraioth et seulement petit-fils de Sadoc. Les critiques de l’école rationaliste prétendent, il est vrai, que c’est par suite d’une erreur que le nom de Méraioth a été introduit dans ces passages, et ils soutiennent qu’Achitob était véritablement le père de Sadoc ; mais leur opinion ne s’appuie sur aucune raison sérieuse. Les tables généalogiques des familles sacerdotales existaient certainement à l’époque d’Esdras et de Néhémie, et l’auteur des Paralipomènes et du second livre d’Esdras ne les ont pas altérées volontairement en les reproduisant. Il a pu arriver sans doute que dans les nombreuses transcriptions des listes de noms propres, faites par les copistes de la Bible, quelque nom ait été inséré çà et là par erreur, comme un nom a pu être omis dans d’autres cas ; cependant rien ne montre qu’il en soit ainsi dans la généalogie de Sadoc : son père Méraioth n’a pas été nommé partout, parce qu’il était moins connu, cf. un exemple semblable dans I Esd., v, 1, et Zach., i, 1, 7 ; mais il n’en a pas moins existé et il est le fils d’Achitob. Quant à celui-ci, il vécut avant le règne de David ; on ne peut déterminer exactement à quelle époque, à cause de l’incertitude de la chronologie hébraïque dans ces temps reculés. Pour l’Achitob mentionné I Par., vi, 11-12, voir Achitob 3.

F. Vigouroux.

3. ACHITOB, fils d’un autre Amarias, prêtre sous Josaphat et père d’un autre Sadoc. I Par., vi, 11-12 ; cf. II Par., xix, 11.

4. ACHITOB, un des ancêtres de Judith, fils de Melchia, de la tribu de Siméon. Judith, viii, 1.


ACHITOPHEL (hébreu : ʾǍḥîṭôfel, « mon frère est folie (?) » Septante : Ἀχιτόφελ), conseiller de David. Il était de Gilo, probablement la Djala actuelle, dans les montagnes de Juda. L’Écriture dit que c’était « sa ville », II Reg., xv, 12, et c’était sans doute aussi celle de sa famille, puisqu’on y voyait le tombeau de son père, dans lequel il fut lui-même enseveli. Il Reg., xvii, 23. Il avait là une maison, et il devait y faire sa résidence habituelle, autant que le lui permettaient ses fonctions ; du moins il s’y trouvait au moment de la révolte d’Absalom. C’est ce qui explique comment il put se rendre si promptement et sans que David en fût informé auprès du rebelle, lorsque celui-ci l’appela à Hébron. Il Reg., xv, 12, 31. Gilo, en effet, était dans le voisinage d’Hébron.

Telle était l’opinion qu’on avait de la prudence et de la sagesse d’Achitophel, que ses avis étaient accueillis à la cour comme des oracles divins. II Reg., xvi, 23. Aussi la nouvelle qu’il était entré dans la conjuration causa-t-elle à David, parmi tant de sujets d’inquiétude, plus de crainte que tout le reste ; il comprit quel redoutable secours allaient apporter à son fils l’habileté et le crédit d’un tel homme, et il adressa aussitôt à Dieu cette prière : « Rendez insensés, Seigneur, les conseils d’Achitophel ! » II Reg., xv, 31. La trahison de celui dont il avait fait son conseiller et son confident, qu’il admettait à sa table comme son plus intime ami, blessa en même temps profondément le cœur de David, comme nous le voyons dans les psaumes qu’il composa à cette occasion, Ps. XL, 10, et surtout Ps. liv, 13-15 : « Si mon ennemi m’avait outragé… ; mais toi, que je regardais comme un autre moi-même ! » etc.

On s’est demandé à quels motifs il fallait attribuer une trahison dans laquelle on a justement vu le type de celle de Judas, et l’acharnement qu’Achitophel fit paraître dans sa lutte contre son roi, II Reg., xvi, 21 ; xvii, 1-3 ; on a cru les trouver dans la parenté d’Achitophel avec Bethsabée, femme d’Urie. Elle était sa petite-fille, la fille de son fils Éliam, II Reg., xxiii, 34, le même qui est appelé ailleurs Ammiel, par le renversement des syllabes de son nom. I Par., iii, 5. Par son adultère avec Bethsabée et par le meurtre d’Urie, II Reg., xi, David avait porté dans la famille d’Achitophel le deuil et le déshonneur ; le vieux conseiller vit dans la révolte d’Absalom l’occasion la plus favorable pour tirer de ce double crime une vengeance éclatante : il voulut arracher au roi la couronne et même la vie, en travaillant au triomphe de son fils. Plusieurs même, rapprochant ces antécédents des circonstances de son intervention dans le complot, ont pensé qu’il en avait été le promoteur.

Il débuta dans son entreprise par un coup d’abominable mais très habile politique : à peine Absalom était-il rentré à Jérusalem, qu’il lui conseilla de déshonorer son père publiquement, dans la personne des épouses du second rang, restées dans la capitale. Il voulait par là rendre impossible toute réconciliation entre David et Absalom, en même temps qu’il assouvissait sa haine ; mais c’était en réalité les desseins de Dieu qu’il exécutait, il accomplissait sans s’en douter la prophétie de Nathan à David après sa chute. II Reg., xii, 11-12.

À ce conseil, que le jeune prince osa suivre, en succéda un autre qui aurait ruiné la cause de David et aurait perdu le roi lui-même, si on avait voulu l’écouter. Achitophel soutenait qu’il fallait se mettre à la poursuite du roi sur-le-champ et sans lui laisser le moindre répit ; il offrait de conduire en personne l’expédition, se faisant fort de battre et de disperser l’escorte de David, et de le frapper dans cet abandon. Il aurait certainement réussi ; mais Dieu, qui avait résolu la défaite et la mort d’Absalom et le rétablissement de la fortune de David, ne permit pas qu’on prit ce parti, le seul auquel on pût raisonnablement s’arrêter. II Reg., xvii, 14. Absalom en reconnut la sagesse ; il ne voulut toutefois rien faire sans consulter Chusaï. C’était un ami de David, II Reg., xv, 37, qui avait feint, par son ordre, de le trahir pour s’attacher à Absalom. Il avait pour mission de contre - balancer l’influence d’Achitophel et de faire échouer ses plans. Il persuada, en effet, à Absalom et à tous les siens qu’il n’avait point encore assez d’hommes avec lui et qu’il valait mieux attendre l’arrivée de nouvelles troupes, et ce délai sauva David, en lui donnant le temps de s’éloigner et d’aller au delà du Jourdain pour former une armée et préparer sa victoire.

Achitophel fut humilié et irrité du peu de cas que, pour la première fois, on faisait de ses conseils. Il vit en même temps quelles conséquences allait avoir pour lui-même la mine de la cause d’Absalom, inévitablement perdue par ce retard : la fin de son crédit, le déshonneur attaché à son nom, le châtiment que pouvait lui attirer l’infamie de sa trahison et de ses conseils. Le désespoir s’empara de lui. Il sella son âne et s’en retourna à Gilo. Arrivé dans sa maison, il eut soin, par un dernier trait de cette prudence humaine que saint Paul appelle une prudence de mort, Rom., viii, 6, de mettre ordre à ses affaires, et, oubliant la seule nécessaire, celle de son salut, il se pendit. II Reg., xvii, 23.

E. Palis.

ACHOBOR, hébreu : ʿAkbôr, « mulot ou souris ; » Septante : Ἀχοϐώρ.

1. ACHOBOR, père de Balanan, roi d’Idumée. Gen., xxxvi, 38 ; I Par., i, 49.

2. ACHOBOR, fils de Micha et père d’Elnathan. Il fut un des premiers officiers du roi Josias, qui l’envoya consulter la prophétesse Holda, au sujet du livre de la Loi, trouvé par le grand prêtre Helcias : IV Reg., xxii, 12, 14 ; Jer., xxvi, 22 ; xxxvi, 12. Il est nommé Abdon, II Par., xxxiv, 20.


ACHOR (Vallée d’) (en hébreu : ʿÊmeq ʿAkôr ; en grec : Ἐμεκαχώρ), vallée de la Palestine où Achan lut, par ordre de Josué, lapidé avec toute sa famille, pour s’être réservé, contrairement aux prescriptions du Seigneur, une part de butin dans le sac de Jéricho. Jos., vu. C’est même à cet événement que le lieu doit son nom : racine ʿâkar, « troubler. » Josué dit au coupable : « Parce que tu nous as troublés (ʿâkarṭânû), que le Seigneur te trouble (yaʿekorkâ) » ou t’extermine « en ce jour… ; et ce lieu fut appelé et s’appelle encore aujourd’hui la vallée d’Achor, » Jos., vil, 25-26, c’est-à-dire « vallée du tumulte ou des troubles », suivant l’interprétation de saint Jérôme. Liber de situ et nominibus loc. heb., t. xxiii, col. 868.

Cette vallée est indiquée, Jos., xv, 7, comme formant, vers l’est, l’une des limites septentrionales de la tribu de Juda. Or, de ce verset, traduit littéralement de l’hébreu, il semble résulter que l’endroit qui nous occupe doit être cherché au sud de Galgala. « La frontière (de Juda) monte vers Debéra, depuis la vallée d’Achor, vers le septentrion regardant Galgala, qui est vis-à-vis de la montée d’Adommim, laquelle est au midi du torrent. » On est donc, d’après cela, tout naturellement amené à identifier la vallée d’Achor avec l’Oued el-Kelt (Carith), qui serpente précisément au sud de Galgala (Tell-Djeldjoul). Cf. V. Guérin, Descript. de la Pal., Samarie, 1. 1, p. 125-126. Nous préférons, à la suite de beaucoup d’auteurs, cette opinion à celle d’Eusèbe, Onomasticon, et de saint Jérôme, loc. cit., qui placent la vallée d’Achor au nord de Jéricho. Il faudrait alors la reconnaître dans VOued en-Nou’aimeh, et ce serait mettre beaucoup trop haut la limite septentrionale de Juda. Avec l’identification proposée, au contraire, au sud - ouest de Jéricho, le chapitre xv s’explique très facilement. Voir la carte de la tribu de Benjamin. Cette dernière ville et Galgala devaient être moins élevées que la vallée ; car, au v. 24 du chapitre vii, au lieu de : « ils les conduisirent vers… », on lit en hébreu : vayya’âlû, « ils les firent monter. » C. F. Keil, Biblischer Commentar über das Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 60.

La vallée d’Achor était restée dans l’esprit des Hébreux comme un lieu de malédiction ; aussi, pour donner une idée du changement que la rédemption devait apporter au monde, les prophètes disaient qu’elle serait convertie « en parc de troupeaux », Is., lxv, 10, la vie pastorale étant le symbole de la paix et de la tranquillité, et « en porte d’espérance », Osée, ii, 15, après avoir été, pour le peuple qui entrait dans la Terre Promise, une porte d’affliction. Voir Carith.

A. Legendre.


ACHSA (hébreu : ʿAksâh ; Septante : Ἀσκά), fille de Caleb, fils d’Hesron. I Par., ii, 49. Il ne faut pas la confondre avec la fille du célèbre Caleb, nommée Axa dans la Vulgate (hébreu : ’Aksâh). Jos., xv, 16, 17 ; Jud., i, 12, 13. Le Caleb, père d’Achsa, I Par., ii, 49, était fils d’Hesron, et vivait avant Moïse ; le Caleb du livre des Juges et de Josué était fils de Jéphoné et contemporain de Josué.


ACHSAPH (hébreu : ʿAkšâf ; Septante : Ἀζίφ, Jos., xi, 1 ; xii, 20 ; Kεάφ, Jos., xix, 25 ; Vulgate : Achsaph, Jos., xi, 1 ; xii, 20 ; Axaph, Jos., xix, 25), ancienne cité royale chananéenne, qui fit plus tard partie de la tribu d’Aser. Jos., xix, 25. Un de ses rois fut appelé par Jabin, roi d’Asor, à entrer dans la ligue formée contre Josué, et fut vaincu comme les autres princes du nord. Jos., xi, 1 ; xii, 20.

Robinson a cru retrouver cette ville dans les ruines connues sous le nom de Khirbet-Ksâf ou Iksâf, et situées au sud de l’angle formé par le Léontès, quand, descendant du Liban au nord-est, il prend tout à coup la direction de l’ouest. Biblical Researches in Palestine, 2e édit., Londres, 1856, t. iii, p. 55. « Ces ruines, dit M. V. Guérin, consistent en de nombreux amas de matériaux plus ou moins considérables, restes de maisons ou d’édifices renversés, épars ou accumulés au milieu d’un épais fourré de broussailles. De tous côtés, on rencontre des citernes antiques creusées dans le roc. » Description de la Palestine, Galilée, t. ii, p. 269. L’identification proposée paraît également probable au savant explorateur français, et il y a, en effet, une ressemblance assez frappante entre les deux noms ; mais plusieurs resons nous empêchent de l’admettre. C’est d’abord la place qu’occupe Achsaph dans rénumération des villes frontières de la tribu d’Aser, Jos., xix, 25-26 ; celles qui la précèdent et la suivent immédiatement appartiennent à la région sud-ouest des montagnes de Galilée : Halcath (Yerka), Chali (Alia), Béten (El-Banéh), Amaad (Khirbet el-Amoud), Messal (Mouslih). Voir la carte de la tribu d’Aser. Nous trouvons ensuite que le v. 2 du chapitre XI distingue formellement les rois de Madon, de Sémerori et d’Achsaph des « rois du nord, qui habitaient dans les montagnes ». Enfin Josèphe nous dit que la tribu d’Aser occupait la plaine ou partie basse, τὴν κοιλάδα, qui, partant du Carmel, se dirige vers Sidon, Ant.jud., V, i, 22, en sorte que Khirbet-Ksâf semble bien plutôt appartenir par sa position à la tribu de Nephthali. Ajoutons que l’ordre d’après lequel Achsaph est mentionnée dans la liste des noms géographiques de Thoutmès III suffit, aux yeux de M. Maspero, pour exclure le site proposé par Robinson, site qui « nous porterait trop au nord ». G. Maspero, Sur les noms géographiques de la liste de Thoutmès III qu’on peut rapporter à la Galilée, extrait des Transactions of the Victoria Institute, or philosophical Society of Great Britain, 1886, p. 9.

Il faut donc, croyons-nous, placer la ville dont nous parlons au sud-ouest de la tribu d’Aser. Nous ne saurions cependant y voir, avec quelques auteurs, Accho ou Saint-Jean-d’Acre, dont nous aurions ici un autre nom. J. Kitto, Cyclopædia of Biblical Literature, 1862, t. i, p. 48. — Grove, dans Smith’s Diciionary of the Bible, t. i, p. 17, a supposé que c'était Khaïfa, qui semble se retrouver dans le Kεάφ des Septante. Nous aimons mieux cependant, à la suite des explorateurs anglais, identifier Achsaph avec Kefr-Yasif, dont le nom correspond assez exactement à la transcription des traducteurs grecs, Ἀζίφ. Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1876, p. 76.

Situé à quelque distance au nord-est de Saint-Jean-d’Acre, ce village est assis sur une colline dont les pentes inférieures vers l’ouest sont soutenues par un puissant mur d’appui, aux blocs réguliers, la plupart de grand appareil et antiques. Les habitants, au nombre de six cents, appartiennent presque tous à la religion grecque schismatique. On y remarque surtout une sorte de petite tour carrée, bâtie avec des pierres très régulières, et renfermant une chambre voûtée qu'éclaire un œil-de-bœuf au-dessus duquel une croix a été sculptée au dehors. Elle faisait partie autrefois d’un bâtiment plus considérable, qui a été démoli et remplacé par des maisons toutes modernes. On voit aussi au bas de la colline, vers l’est, un beau puits, très profond et d’apparence antique. Il est construit en pierres de taille. Le réservoir et les auges qui l’environnent sont aussi bâtis avec des pierres de même appareil. V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. ii, p. 4.

A. Legendre.

ACHZIB, ville de Juda. Jos., XV, 44. Voir Achazib 2.


ACHZIBA, ville d’Aser. Jos., xix, 29. Elle est appelée Achazib, Jud., i, 31. Voir Achazib 1.


ACKERMANN Léopold, exégète catholique autrichien, né à Vienne le 17 novembre 1771, mort dans la même ville le 9 septembre 1831. Il entra en 1790 dans l’ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin, et prit en religion le nom de Pierre Fourrier. Il enseigna dans son couvent les langues orientales et l’archéologie, et il devint en 1806 professeur d’exégèse de l’Ancien Testament à l’université de Vienne, où il succéda à Jahn et occupa sa chaire avec succès pendant vingt-cinq ans. On a de lui : Introductio in libros Veteris Fœderis usibus academicis accommodata, in-8°, Vienne, 1825 ; c’est la troisième édition corrigée et rectifiée de l’Introductio de Jahn (voir Jahn) ; Archæologia biblica, in-8°, Vienne, 1826, nouvelle édition également corrigée de Jahn (elle a été réimprimée par Migne, dans son Cursus Scripturæ Sacræ, t. ii, 1840, col. 823-1068) ; Prophetæ minores perpetua annotatione illustrati, in-8°, Vienne, 1830, commentaire qui ne renferme pas des choses nouvelles, mais réunit ce qu’il y a de meilleur dans les ouvrages plus anciens, en y joignant des observations philologiques ; l’auteur commente le texte hébreu original, qu’il reproduit ; son travail est court, mais bon. — Voir V. Seback, P. F. Ackermann, biographische Skizze, in-8°, Vienne, 1832.

F. Vigouroux.

ACORE AROMATIQUE. Voir Jonc odorant.

1. ACOSTA Gabriel, chanoine portugais, né à Torrevadras, mort en 1616, fut professeur à Coïmbre. Il composa sur le chapitre xlix « de la Genèse, sur Ruth, les Lamentations de Jérémie, Jonas et Malachie, des commentaires qui furent publiés après sa mort, in-f », Lyon, 1641. Voir Nicolas Antonio, Bibliotheca hispana nova, 2 in-f°, Rome, 1672.

2. ACOSTA Uriel, Portugais, né à Oporto vers la fin du xvi « siècle, mort à Amsterdam en 1647. Il était d’origine juive et reçut une éducation très soignée. Entraîné par ses passions, après avoir été d’abord chrétien, il devint matérialiste et athée ; puis il se fit circoncire, professa la religion de ses ancêtres et alla en Hollande, où les Juifs d’Amsterdam lui firent bon accueil, mais le chassèrent bientôt de la synagogue, parce qu’il n’observait pas la loi mosaïque ; ils le déférèrent même ensuite aux tribunaux comme athée. Pour se défendre, Acosta publia, en 1624, son Examen dos tradiçoens Phariseas conferidas con a ley escripta, dans lequel, renouvelant les erreurs des Sadducéens, il nie l’immortalité de l'âme et l’existence d’une autre vie. Il se réconcilia néanmoins avec ses coreligionnaires, mais pour se faire excommunier de nouveau plus tard. Il termina cette vie agitée par le suicide. Voir H. Jellinek, Uriel Acosta’s Leben und Lehre, Zerbst, 1847 ; Uriel Acostas Selbstbiographie. Lateinisch und Deutsch, Leipzig, 1847 ; J. da Costa, Israël en de volke, Haarb., 1849.

F. Vigouroux.


ACRABATHANE (Ἀκραϐαττίνη), contrée où Judas Machabée remporta une grande victoire sur les Iduméens. I Mach., v, 3. La Vulgate distingue ici « les fils d'Ésaü qui habitaient l’Idumée, et ceux qui étaient dans l’Acrabathane » ; mais le texte grec, suivi par la version syriaque, fait de cette dernière région une partie de la première : ἐπολέμες Ἰούδας πρὸς τοὺς ὑιὸς Ἡσαῦ ἐν τῆ Ἰδουμαία τὴν Ἀκραϐαττίνην, « Judas combattait contre les enfants d'Ésaü, dans l’Idumée, l’Acrabattine. » On sait, en effet, que le pays des Iduméens à ce moment s'étendait, dans la Judée méridionale, au moins jusqu'à Hébron. I Mach., v, 65. Pendant la captivité de Babylone, une émigration considérable de la population édomite s'était abattue sur ces fertiles campagnes, restées sans maîtres. Cf. F. Lenormant et E. Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, Paris, 1888, t. vi, p. 465.

L’Acrabathane devait sans doute son nom à la montée d’Acrabim, dont il est question dans l’article suivant, et se trouvait ainsi au sud-ouest de la mer Morte. Les Iduméens, retranchés dans ces défilés comme dans une forteresse, étaient pour les Juifs des ennemis dangereux qui ne leur laissaient aucun repos. Judas Machabée les y attaqua et leur porta des coups terribles.

Il ne faut pas confondre l’Acrabathane dont nous parlons avec l’Acrabatène, que les historiens anciens mentionnent parmi les toparchies de la Judée, et qui était la cinquième, d’après Pline, v, 14 ; la troisième, selon Josèphe, Bell. jud., III, iii, 5 ; cf. Reland, Palæstina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. i, p. 176, 191-192. Le texte grec cité plus haut place dans l’Idumée le lieu de la victoire du héros juif. Or, d’après nos deux historiens, l’Idumée était une toparchie distincte de l’Acrabatène, la huitième suivant l’un, la neuvième selon l’autre : — on croit, en effet, que l’Orine de Pline indique le pays montagneux où se trouvaient Hébron et les villes méridionales de la Judée, occupées, nous l’avons vii, par les descendants d'Ésaü. — Située plus haut, l’Acrabatène, au rapport d’Eusèbe, Onomasticon, et de saint Jérôme, comprenait la région qui s'étendait entre Néapolis (Naplouse) et Jéricho, ayant pour ville capitale Akrabbim, aujourd’hui ʿAqrabéh, et pour villes principales Édouma (Daouméh), Ianô (Khirbet-Yanoun) et Silo (Khirbet-Siloun). Si l’on doit se garder de confondre deux contrées distinctes, il n’est pas plus juste de dire, avec Boettger, Topographisch-Historisches Lexicon zu den Schriften des Flavius Josephus, Leipzig, 1879, p. 8, que l’Acrabatène « est vraisemblablement ainsi appelée de la montée de ʿAqrabbim, Num., xxxiv, 4, et ailleurs ». Il serait difficile de comprendre que la passe Eṣ-Ṣafah (voir Acrabim) eût donné son nom à une contrée située sur les confins de la Samarie.

ACRABIM (Montée d'), hébreu : Maʿâlêh ʿaqrabbim ; Septante : Ἀνάϐασις Ἀκραϐίν, Num., xxxiv, 4 ; Jud., I, 36 ; προσανάϐασις Ἀκραϐίν, Jos., XV, 3 ; Vulgate : ascensus Scorpionis, la montée du Scorpion » ou « des Scorpions », suivant le texte original. Défilé ou passage indiqué comme frontière méridionale de la Terre Sainte, Num., xxxiv, 4, et de la tribu de Juda, Jos., xv, 3, et comme limite du pays des Amorrhéens, Jud., i, 36. Cet endroit, d’après les mêmes témoignages scripturaires, devait se trouver entre le sud de la mer Morte et le désert de Sin. C’est pour cela que nous ne saurions, comme l’a fait M. de Saulcy, l’identifier avec la longue et raide montée de l’ouadi Ez-Zououeira, au-dessus de Djebel-Ousdoum. Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. ii, p. 77. Le savant explorateur a pu y trouver des scorpions en assez grande quantité ; mais il place trop haut, la limite méridionale de Juda, et s'écarte ainsi de la ligne qui, partant du Ghôr, au sud du lac Asphaltite, passait par Sin et Cadèsbarné, dont l’emplacement, quel qu’il soit, était certainement plus au midi.

Disons tout de suite que les scorpions sont assez nombreux dans ces parages. Armés de palpes-pinces, dont ils se servent pour saisir leur proie, ces animaux venimeux font, à l’aide du crochet terminal de leur queue, des blessures graves. Cependant, l’espèce la plus commune en Syrie ne dépassant guère cinq ou six centimètres, leur piqûre, quoique très douloureuse, est rarement mortelle pour l’homme. Voir Scorpion.

Robinson place, « à défaut de meilleure indication, » la montée d’Acrabim dans cette ligne de collines qui, au sud de la Sebkhah, forment une courbe irrégulière, croisant le Ghôr à peu près comme un segment de cercle dont la corde aurait environ six ou sept milles de longueur, et s'étendant obliquement du nord-ouest au sud-est. Biblical Researches in Palestine, 1856, t. ii, p. 120. La plaine marécageuse du Ghôr est, en effet, fermée de ce côté par une chaîne de collines calcaires, de couleur blanchâtre, composées de craie tendre ou de marne durcie, hautes de vingt à vingt-cinq mètres en moyenne, mais par endroits de quarante à cinquante mètres. Les bords de l’ouadi El-Djeib sont presque à pic, et le fond de la vallée monte insensiblement.

Cependant avec Riehm, Handwörterbuch des Biblischen Altertums, au mot Akrabbim, et Grove, Smith’s Dictionary of the Bible, t. i, p. 42, nous croyons que les textes cités plus haut, aussi bien que la topographie et le sens ordinaire attaché au mot maʿâlêh, favorisent davantage l’identification d’Acrabim avec le défilé d’Eṣ-Ṣafah, au nord de l’ouadi Fiqréh. De ce dernier point, en suivant la route de Pétra à Hébron, on arrive en trente-cinq minutes, par un chemin raboteux, mais en quelques endroits poli et glissant, au pied d’un massif montagneux qu’on peut franchir par trois passes, distantes l’une de l’autre d’une heure environ. La plus orientale est appelée par les Arabes Eṣ-Ṣoufei, et celle de l’ouest El-Yèmen, « la droite, » la plus fréquentée, parce qu’il y a de l’eau à la partie supérieure. Cependant la plus directe et la moins difficile est celle du milieu, nommée Eṣ-Ṣafah. On voit encore, à l’entrée, les restes d’un fortin, destiné autrefois à en garder l’approche. La montée prend environ deux heures, et M. Schubert a trouvé, au sommet, l’altitude de 466 mètres. De ce point, l’on aperçoit le désert, qui s'étend à perte de vue, des deux côtés de l’Arabah, jusqu'à la mer Morte. La contrée est affreusement désolée. Le chemin suit constamment la direction nord-nord-ouest. Cf. Bædeker, Palestine et Syrie, Leipzig, 1882, p. 316 ; Chauvet et Isambert, Orient, Syrie et Palestine, Paris, 1887, p. 59.

Il faut distinguer la montée d’Acrabim de la ville du même nom, capitale de l’Acrabatène (voir Acrabathane), et, suivant Eusèbe, Onomasticon, au mot Ἀκραϐείμ, et saint Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 866, située « à neuf milles à l’est de Naplouse, en descendant vers le Jourdain comme pour aller à Jéricho ». Ce bourg, qui n’est mentionné nulle part dans la Bible, mais est plusieurs fois cité par Josèphe comme cheflieu de la toparchie de ce nom, Bell, jud., Il, xx, 4 ; III, iii, 5 ; IV, ix, 3, se retrouve aujourd’hui dans le village de 'Aqrabéh, à quelque distance au sud-est de Naplouse : on peut en voir la description dans V. Guérin, Description de la Palestine, Samarie, t. ii, p. 3-5.

ACRE, Saint-Jeand’Acre. Voir Accho.


ACRON, forme exceptionnelle du nom de la ville d’Accaron dans la Vulgate, Jos., xix, 43. Voir Accaron.

ACROSTICHE. Voir Alphabétique (poème).


ACTES DES APÔTRES (Πράξεις Ἀποστόλων, Actus Apostolorum).

I. Nom. — Dans les anciens manuscrits, le cinquième livre historique du Nouveau Testament porte le nom de Πράξεις Ἀποστόλων ou de Πράξεις τῶνἈποστόλων. Rarement avec l’article, αἱ Πράξεις. En latin, Actus ou Acta Apostolorum. Ce titre répond très bien au contenu du livre, où se trouve relaté un choix d’actes, par lesquels les Apôtres opérèrent la fondation de l'Église. Les Allemands ont adopté le nom de Apostelgeschichte (Histoire des Apôtres). Cette appellation n’a pas toute l’exactitude désirable, car le livre est loin de donner l’histoire de tous les Apôtres ; même l’histoire de l’apostolat de saint Pierre et de saint Paul y est très incomplète.

II. Authenticité. — Toute l’antiquité ecclésiastique n’a qu’une voix pour attribuer à saint Luc la composition du livre des Actes. Mais, cette persuasion étant inconciliable avec les idées de l'école rationaliste de Tubingue, les adeptes de cette école furent amenés à nier l’authenticité de ce livre, et à en reculer la rédaction au IIe siècle, époque à laquelle, d’après leur système, se fit dans l'Église la fusion entre les pétnniens et les pauliniens. Selon ces docteurs, le livre des Actes est une sorte de roman historique, ayant pour but de faire apparaître Pierre et Paul travaillant de concert et en conformité de vues à la propagation de l'Évangile. C’est contre ces adversaires que nous devons démontrer que les Actes sont vraiment l'œuvre de saint Luc. « Une chose hors de doute, dit M. Renan lui-même, Les Apôtres, introd., p. x, c’est que les Actes ont eu le même auteur que le troisième Évangile, et sont une continuation de cet Évangile. On ne s’arrêtera pas à prouver cette proposition, laquelle n’a jamais été sérieusement contestée. Les préfaces qui sont en tête des deux écrits, la dédicace de l’un et de l’autre à Théophile, la parfaite ressemblance du style et des idées, fournissent à cet égard d’abondantes démonstrations. » Si l’on regarde ce point comme acquis à la critique, et que l’on suppose établie sur des preuves solides l’authenticité de l'Évangile de saint Luc, il faudra du même coup attribuer les Actes à cet écrivain apostolique, disciple et compagnon de saint Paul. Il est démontré dans un autre article que le troisième Évangile est incontestablement l’œuvre de saint Luc. Donc, pour adjuger légitimement les Actes au même auteur, il nous suffirait d’en appeler à cette démonstration. Mais on peut, indépendamment de cet argument interne, fournir des témoignages péremptoires en faveur de l’authenticité de ce livre canonique.

Il est à peine douteux que saint Clément de Rome, I Cor., ii, 1. 1, col. 209, fait allusion à un texte des Actes, XX, 35, lorsqu’il loue les Corinthiens de ce qu’ils « préfèrent donner que recevoir ». — Saint Ignace d’Antioche, en deux endroits de ses lettres authentiques, semble à peu près transcrire les paroles des Actes, lorsqu’il dit, Smyrn., iii, t. v, col. 709 : Mετὰ δὲ τὴν ἀναστασιν συνέφαγεν αὐτοῖς καὶ συνέπιεν. Voyez Act., x, 41 : Οἴτινες συνεφάγομεν καὶ συνεπίομεν αὐτῷ μετὰ τὸ ἀναστῆναι αὐτὸν ἔκ νεκρῶν. Ailleurs, Magnes., v, t. v, col. 665 : Ἕκαστος εἰς τὸν ἴδιον τόπον μέλλει χωρεῖν. Voyez Act., 1, 25 : Πορευθῆναι εἰς τὸν τόπον τὸν ἴδιον. — Il en est de même de saint Polycarpe, Phil., i, t. v, col. 1005 : Ὃν ἤγειρεν ὁ Θεὸς, λίσας τὰς ὠδῖνας τοῦ ἄδου. Voyez Act., ii, 24 : Ὃν ὁ Θεὸς, ἀνέστησε, λύσας τὰς ὠδῖνας τοῦ θανάτου, d’après une autre leçon). — La Διδαχὴ τῶν Ἀποστόλων, récemment découverte par Bryennios, se sert d’une manière analogue de Act., II. 44, 45 ; iv, 32, édit. Bryennios, p. 21, n. 4. — La lettre à Diognète, 3, 4, t. ii, col. 1172, rappelle Act., xvii, 24.

Il suffit de descendre au commencement du iiie siècle pour entendre les voix les plus autorisées des diverses parties de l’Église nommer Luc comme l’auteur du livre des Actes. Saint Irénée, réunissant en sa personne les traditions de l’Asie et de la Gaule, après avoir rapporté plusieurs choses consignées dans les Actes, ajoute, Hær., III, xiv, t. vii, col. 914 : « Omnibus his cum adesset Lucas, diligenter conscripsit ea, uti neque mendax neque elatus deprehendi possit. » — Clément d’Alexandrie, Strom., V, xii, t. ix, col. 124 : « Sicut et Lucas in Actibus Apostolorum commemorat Paulum dicentem : « Viri Athenienses… » Suit le commencement du discours à l’Aréopage, Act., xvii, 22 et suiv. — Tertullien, témoin de l’Église d’Afrique, De jejun., x, t. ii, col. 966 : « Porro, cum in eodem commentario Lucæ et tertia hora orationis demonstretur, sub qua Spiritu sancto initiati pro ebriis habebantur, et sexta, qua Petrus ascendit in superiora. » Voyez Act., ii, 15 et x, 9. — Le témoignage de l’Église romaine est plus ancien encore. Il se trouve dans le canon du IIe siècle découvert par Muratori : « Acta autem omnium Apostolorum sub uno libro scripta sunt. Lucas optime Theophile comprehendit, quia sub prœsentia ejus singula gerebantur. » — Toute la tradition de l’antiquité est, pour ainsi dire, résumée par Eusèbe de Césarée, lorsqu’il place le livre des Actes parmi les ὁμολογούμενα, c’est-à-dire parmi les livres canoniques dont l’autorité est incontestée. Hist. Eccl., iii, 25, t. XX, col. 268. Il l’attribue à saint Luc. Hist. Eccl., iii, 4, t. XX, col. 220. Il est donc indubitable que le livre des Actes était répandu dans l’Église dès le Ier siècle et que dès lors il était regardé partout comme l’œuvre de saint Luc. Sinon, à la fin du IIe siècle, l’Église n’aurait pas été unanime à le lui attribuer.

Ce témoignage concordant de la tradition est abondamment confirmé par les indices que fournit le livre lui-même. 1° L’auteur, racontant les voyages de saint Paul, parle constamment, à partir du chapitre XX, à la première personne du pluriel, et conduit ainsi son récit jusqu’à la captivité de saint Paul à Rome. Il était donc le compagnon de l’Apôtre, et se trouvait notamment avec lui à Rome. Or tel était saint Luc, dont saint Paul dit, dans sa seconde lettre à Timothée, iv, 11, écrite de Rome pendant sa captivité : « Luc seul est avec moi ; » et dont il envoie de la même ville les salutations aux Colossiens et à Philémon. Coloss., iv, 14 ; Philem., 24. Il entre d’ailleurs, sur les dernières années du ministère de saint Paul et sur ses voyages, dans des détails si minutieux, que le témoin oculaire se trahit à chaque instant. Voyez, par exemple, la scène du serpent ramassé et secoué par l’Apôtre dans l’Ile de Malte, Act., xxviii, 2-6 ; la description des péripéties du naufrage, xxvii, 14-44 ; la mention exacte de tous les endroits par où l’on passe pour se rendre de Césarée à Rome. — 2° On a recueilli un grand nombre de tournures et d’expressions singulières, qui se rencontrent à la fois dans les Actes et dans Je troisième Évangile, et que les autres auteurs sacrés n’emploient jamais ou presque jamais. En voici quelques exemples : Luc, I, 1 : Ἐπειδήπερ πολλοὶ ἐπεχείρησαν… ἔδοξε κἀμοὶ παρηκολουθηκότι…, et Act., xv, 24, 25 : Ἐπειδὴ ἠκούσαμεν ὅτι τινὲς…, ἔδοξεν ἡμῖν γενομένοις… — Luc, xv, 13 : μετ' οὐ πολλὰς ἡμέρας, et Act., i, 5 : οὐ μετὰ πολλὰς ταύτας ἡμέρας, et Act., xxvii, 14 : μετ' οὐ πολύ ; Act., xix, 11 : δυνάμεις τε οὐ τὰς τυχούσας. — Luc, I, 20, 80 : ἄρχι ἣς ἡμέρας… ἕως τῆς ἡμέρας, et Act., i, 2 : ἄρχι ἣς ἡμέρας ; i, 22 : ἕως τῆς ἡμέρας ; ii, 29 : ἄρχι ἣς ἡμέρας ταύτης ; vii, 45 : ἕως τῶ ἡμέρων Δαϐίδ. — Main de Dieu au lieu de puissance de Dieu. Luc, i, 66, 71, et Act., xi, 21, et xiii, 11. — Luc, iv, 34 : ὁ ἅγιος τοῦ Θεοῦ, et Act., ii, 27 : οὐδε δώσεις τὸν ὅσιόν σου, et IV, 27 : ἐπι τὸν ἅγιον παῖδά σου ; iv, 30 : τοῦ ἅγίοῦ παῖδός σου. — Luc, XXIII, 5 : ἀρξάμενος ἀπὸ τῆς Γαλιλαίας, et Act., x, 37 : ἀρξάμενον ἀπὸ τῆς Γαλιλαίας, et Luc, xxiv, 27 : ἀρξάμενος ἀπὸ Μωσέως. — Luc, 1, 9 : ἔλαχε τοῦ θυμιάσαι, et Act., i, 17 : ἔλαχε τὸν κλῆρον. — Luc, XXI, 35 : ἐπι πρόσωπον πάσης τῆς γῆς, et Act., xvii, 26 : ἐπι πᾶν τὸ πρόσωπον τῆς γῆς, et Luc, xii, 56 : τὸ πρόσωπον τῆς γῆς καὶ τοῦ οὐρανοῦ. Saint Luc est le seul écrivain du Nouveau Testament qui emploie cette expression. Voir Bacuez, Manuel biblique, t. iv, n° 484. — Signalons, à la suite de cet auteur, « la conformité qu’on remarque entre ces deux livres pour les sentiments, les dispositions d’esprit, les tendances… D’un côté comme de l’autre, on reconnaît l’influence de saint Paul. C’est la même attention à ne rien dire de blessant pour les Gentils, à ménager l’autorité romaine, et même à relever ce qui est à son avantage, Act., iii, 13-15 ; x, 1, 2, 45 ; xiii, 7 ; xxv, 10, 25 ; xxvii, 43. C’est le même respect pour les cérémonies judaïques, Luc, i, 9, 59 ; ii, 21-24, 37, 39, 41, 46 ; iv, 16 ; v, 14 ; vi, 3-4 ; Act, iii, 1 ; v, 12, 42 ; XVI, 3, etc., avec la même conviction que l’Évangile est pour tous les peuples, Luc, ii, 32 ; IX, 52 ; xvii, 16 ; Act., i, 8 ; ix, 15 ; x, 1 et suiv., et le même soin de rattacher les faits aux actes publics de l’empire, » Luc, iii, 1 ; Act., iii, 13 ; xxiv, 27. La tradition qui attribue les Actes à saint Luc, l’auteur du troisième Évangile, est donc pleinement confirmée par les arguments intrinsèques.

Les rationalistes prétendent néanmoins établir par ce genre d’arguments que saint Luc n’est pas l’auteur du livre des Actes. « Luc, disent-ils, n’est pas ce compagnon de Paul qui, à partir du xvie chapitre des Actes, parle à la première personne du pluriel. Cet écrivain était avec Paul à l’époque où celui-ci écrivit ses lettres aux Thessaloniciens et aux Corinthiens ; or, dans ces lettres, Paul ne fait aucune mention de Luc, mais il parle de Timothée et de Silvanus. Donc alors Luc n’était pas avec lui. Même dans les lettres aux Colossiens et à Philémon, Luc, qui était alors auprès de Paul à Rome, n’est nommé qu’en dernier lieu, après plusieurs autres. Il n’était donc pas un des principaux disciples de Paul. D’ailleurs, si Luc avait travaillé avec Paul à Philippes pendant plusieurs années, comme il faut le supposer de l’auteur des Actes, Act., xvi, 12 et suiv., Paul n’aurait pas manqué de le nommerdans sa lettre aux Philippiens, qu’il écrivit lorsque Luc était auprès de lui. Il semble que Luc ne s’adjoignit à Paul que lorsque celui-ci était captif à Rome.»

On le voit, tous ces arguments sont négatifs. Le dernier seul a quelque chose de spécieux. On y répond facilement par l’hypothèse que saint Luc était absent de Rome lorsque saint Paul envoya sa lettre aux Philippiens. Cette hypothèse n’est pas gratuite ; car, si saint Luc avait été alors à Rome, saint Paul l’aurait certainement excepté de la généralité de ce blâme, Phil., ii, 21 : « Tous ne cherchent que leur intérêt, » comme il vient d’en excepter implicitement son fidèle Timothée, ii, 20. Dès lors il est manifeste que ces arguments négatifs, si faibles en euxmêmes, ne sauraient ébranler la tradition constante qui proclame que les Actes sont l'œuvre de saint Luc.

Refusant de reconnaître saint Luc pour l’auteur des Actes, les rationalistes ont imaginé divers systèmes pour expliquer la genèse de ce livre. D’après quelques-uns, les parties où l'écrivain parle à la première personne du pluriel auraient été rédigées par un compagnon des voyages de Paul autre que Luc. Ce compagnon serait Timothée (Schleiermacher, Bleek, etc.), ou Silas (Schwanbeck), ou Titus (Krenkel). Ou bien ce compagnon de Paul aurait écrit tout le livre, ou bien un auteur inconnu aurait transcrit ces mémoires, sans y rien changer, et les aurait ainsi insérés dans un livre composé par lui en vue d’aider à la réconciliation des deux factions qui avaient jusque-là divisé l'Église. Mais de Wette lui-même avoue que l’hypothèse d’auteurs multiples n’explique ni l’uniformité de style qui règne dans tout l’ouvrage, ni la conformité de celui-ci avec le troisième Évangile, ni la manière égale de citer l’Ancien Testament, ni la cohésion étroite de toutes les parties entre elles. De Wette, Lehrbuch der… Einleitung in die kan. Bücher des N. T., § 115 a. Pour ces motifs, de Wette et d’autres admettent pour tout le livre un auteur unique. « Mais cet auteur, disent-ils, ne peut pas être un témoin oculaire des faits qu’il raconte ; car ces faits sont, les uns en contradiction avec les lettres de Paul, les autres incompatibles avec les données de l’histoire ; d’autres supposent chez l'écrivain des renseignements insuffisants. » Ce dernier argument est futile ; quant aux deux autres, nous en donnerons plus loin le développement et la réfutation, lorsque nous parlerons des objections contre la véracité du livre des Actes.

III. Lieu et époque de la composition. — Faute de déterminations précises, on admet comme probable que les Actes des Apôtres ont été composés à Rome, à la fin de la seconde année de la captivité de saint Paul. Le récit, en effet, se termine brusquement à cette époque de la vie de l’Apôtre. Alors saint Luc était encore avec lui. Cette première période de sa captivité était pour l’Apôtre une période pacifique, sans incidents remarquables, ainsi qu’on peut le conclure des derniers versets des Actes. C'était donc aussi pour saint Luc un temps favorable à la rédaction de ses notes sur les travaux apostoliques de son maître. L’an 64 de l'ère vulgaire serait ainsi l'époque de la composition, ou du moins de l’achèvement du livre des Actes.

IV. Intégrité du texte. — Le texte des Actes des Apôtres est parvenu jusqu'à nous sans avoir subi aucune altération importante. Les variantes très nombreuses des manuscrits n’affectent point la substance des récits. Nous en avons pour garants les versions anciennes, la syriaque surtout et la latine, et les nombreuses citations des Pères. Du reste, la critique rationaliste n’a soulevé à ce sujet aucune objection sérieuse.

V. Analyse du texte. — Le livre des Actes se compose de deux parties bien distinctes. Cornely, Introductionis compendium, p. 522-523. — Première partie : Origine et propagation de l'Église parmi les Juifs, i-ix. — Deuxième partie : Origine et propagation de l'Église parmi les Gentils, x-xxviii. Saint Pierre joue le grand rôle dans la première partie ; dans la seconde, c’est l’action de saint Paul qui domine.

Première partie, i, i-ix, 43. — Première section. Fondation de l'Église à Jérusalem, i, 1-n, 47. La fondation de l'Église préparée par la promesse du Saint-Esprit, i, 1-11, et par l'élection d’un nouvel apôtre, i, 12-26. La fondation de l'Église opérée par la descente du Saint-Esprit, ii, 1-13, et par la première prédication de saint Pierre, ii, 14-47. — Seconde section. Propagation et confirmation de l'Église parmi les Juifs de Jérusalem, iii, 1-VII, 59. Un grand miracle opéré par saint Pierre, assisté de saint Jean, devient le signal de nombreuses conversions et d’une persécution violente, iii, 1-iv, 31. La mort tragique d’Ananie et de Saphire sert d’exemple aux fidèles pour les maintenir dans la ferveur, iv, 32-v, 11. De nouveaux accroissements de l'Église provoquent une nouvelle persécution : les Apôtres sont jetés en prison, délivrés par un miracle, défendus par Gamaliel, v, 12-42. Institution des diacres : Etienne, le plus illustre d’entre eux, devient le premier martyr de la foi de Jésus, vi, 1-vn, 59. — Troisième section. Propagation de l'Église dans la Palestine, la Samarie, la Syrie, viii, 1-ix, 43. La persécution, dont saint Etienne fut la victime, disperse les fidèles et propage ainsi la foi dans la Judée et la Samarie, viii, 1-40. Elle est aussi l’occasion de la conversion de saint Paul, IX, 1-30. Pierre visite les Églises fondées en Judée, et y opère deux miracles insignes, ix, 31-43.

Deuxième partie, x, 1-xxviii, 31. — Première section. Les débuts de l'Église parmi les Gentils, x, 1-xii, 25. Pierre, averti par une vision céleste, reçoit dans l'Église le centurion Corneille et sa famille ; ils deviennent les prémices de la gentilité, x, 1-xi, 18. Bientôt s'établit à Antioche une Église composée de païens convertis, si, 19-26. Ceux-ci viennent en aide, par leurs aumônes, aux fidèles de Jérusalem, xi, 27-xii, 25. — Seconde section. Dissentiment entre les fidèles convertis du judaïsme et ceux de la gentilité, XIII, 1 - xv, 34. Premier voyage apostolique de saint Paul, en compagnie de saint Barnabe ; ses fruits abondants pour l’Évangile, xiii, 1-xiv, 27 (28). Après leur retour, quelques judéo-chrétiens d’Antioche troublent l'Église en voulant soumettre les Gentils à la circoncision. Leurs prétentions sont écartées par les Apôtres, assemblés à Jérusalem, xv, 1-34. — Troisième section. Propagation de l'Église parmi les Gentils de la Macédoine, de l’Achaïe et de l’Asie, xv, 36-xxi, 15. Saint Paul, dans son second voyage apostolique, visite les Églises qu’il a fondées, xv, 36-xvi, 5, et, conduit par l’Esprit-Saint en Macédoine, il y établit les Églises de Thessalonique et de Philippes, xvi, 6-xvii, 15. De là il passe en Achaïe, et fonde l'Église de Corinthe, xvii, 16-xviii, 28. Enfin, dans son troisième voyage, il prêche la foi à Éphèse et la répand au loin par toute l’Asie proconsulaire, xix, 1-20, et, en repassant par la Macédoine et l’Achaïe, il retourne à Jérusalem, xix, 21-xxi, 15. — Quatrième section. Captivité de saint Paul, nouveau moyen de propagation de l'Évangile, xxi, 16-xxvin, 31. Saint Paul, fait prisonnier à Jérusalem, est conduit à Césarée, xxi, 16-xxiii, 35. Retenu deux années en captivité, il prêche la foi devant les gouverneurs romains et devant le roi Agrippa, xxiv, 1-xxvi, 32. Envoyé à Rome sur sa demande, il y arrive après avoir subi un naufrage, xxvii, 1-xxviii, 15. Captif à Rome, il y prêche le royaume de Dieu à tous ceux qui viennent à lui, xxviii, 16-31.

Les événements racontés dans les Actes remplissent un espace d’environ trente-cinq ans, depuis le printemps de l’an 29 jusqu’au printemps de l’an 64.

VI. Véracité des Actes des Apôtres. — Elle est attaquée surtout par l'école rationaliste de Tubingue. D’après elle, l’auteur de cet écrit l’a composé dans un but polémique, celui de réconcilier le parti ethnico-chrétien avec le parti des judaïsants. À cette fin, il a arrangé son récit, historique en apparence, de manière que les faits, en partie réels, en partie inventés, fissent apparaître Pierre et Paul comme également favorables aux idées des deux factions, et unis entre eux par les liens d’une concorde fraternelle. Ce n’est pas ici le lieu de démontrer que tout le système des Tubinguiens ne repose sur aucun fondement solide. Il suffit de faire voir comment l’authenticité du livre des Actes conduit à en admettre la véracité.

1° Saint Luc a été parfaitement renseigné sur les faits qu’il raconte. À partir du chapitre xx, il est présent à tous les événements. Compagnon de saint Paul pendant douze années, il a eu toutes les occasions désirables d’apprendre les détails du ministère apostolique de son maître. Quant aux faits du ministère de saint Pierre, dont il s’agit au commencement de l’histoire, il s’en est informé exactement auprès de ceux « qui ont tout vu dès le principe », ainsi qu’il nous en avertit lui-même dans le prologue de son Évangile. Saint Luc connaissait donc parfaitement tous les événements racontés dans ses mémoires.

2° Saint Luc a exposé fidèlement les choses comme il les savait. Il nous est connu, en effet, comme un homme d’une probité irréprochable ; d’ailleurs la candeur et la sincérité se laissent toucher au doigt dans ces pages écrites avec une simplicité où rien ne sent la recherche ni le parti pris. Enfin, quand même l’écrivain eût voulu tromper ses lecteurs, il n’y aurait pas réussi ; car les faits dont est tissue son histoire sont pour la plupart des faits publics, illustres, accomplis devant des témoins nombreux. La fraude, s’il y en avait eu, n’aurait pas tardé à être connue et dénoncée.

VII. Difficultés soulevées contre la véracité du livre.

Pour convaincre saint Luc de fausseté, on a tâché de le mettre en contradiction avec saint Paul.

1° On prétend qu’il y a contradiction entre Act., xvii, 13-15 ; xviii, 5, et I Thess., iii, 1-6. L’Apôtre écrit aux Thessaloniciens que, ne pouvant aller les trouver en personne, il s’est décidé à rester à Athènes, et à leur envoyer Timothée, pour les aider de ses exhortations dans leurs tribulations. Selon le récit des Actes, les Juifs de Thessalonique, ayant excité des troubles contre saint Paul à Bérée, en Macédoine, les fidèles conduisirent l’Apôtre à Athènes, tandis que Silas et Timothée demeurèrent seuls à Bérée. Saint Paul, après un court séjour à Athènes, se rendit à Corinthe, et c’est là seulement que Silas et Timothée, partis de Macédoine, vinrent le rejoindre. Timothée ne se serait donc point trouvé à Athènes avec son maître ; d’où il suivrait que celui-ci n’aurait pas pu l’envoyer de là à Thessalonique.

Nous pouvons répondre d’abord à cette objection d’une manière indirecte. Le récit des Actes et les Épîtres de saint Paul se rencontrent à chaque pas, relativement aux détails les plus minutieux de la carrière évangélique de l’Apôtre. Or, s’il y a quelque chose de remarquable, c’est la concordance parfaite que l’on constate entre l’historien d’un côté et l’autobiographe de l’autre. Nous sommes donc en droit de supposer, à priori, qu’en l’endroit spécial objecté, cette concordance existe comme ailleurs ; et, examen fait, si nous ne parvenions pas à la découvrir, le parti le plus sage serait encore d’avouer notre ignorance. Mais nous ne sommes pas réduit à cette extrémité. Pour faire concorder saint Luc et saint Paul, il suffit de suppléer quelque chose à leurs renseignements incomplets. Voici une hypothèse probable qui concilie tout. Saint Paul, arrivé à Athènes, donne ordre à Silas et à Timothée de venir le rejoindre en cette ville. Act., xvii, 15. Ils y viennent. L’Apôtre, avant de quitter Athènes, envoie Timothée à Thessalonique, et Silas dans une autre ville de Macédoine. Pendant que l’un et l’autre remplissent leur mandat, Paul va à Corinthe, où il est de nouveau rejoint par ses deux disciples, revenus de Macédoine. — Il peut encore se faire que l’Apôtre, révoquant l’ordre qu’il avait donné d’abord, ait enjoint à Timothée d’aller de Bérée à Thessalonique sans venir à Athènes, et à Silas d’attendre à Bérée le retour de Timothée.

2° On veut aussi trouver des contradictions dans les trois récits de la conversion de saint Paul, qui sont tous trois donnés dans les Actes, ix, 7 ; xxii, 9 ; xxvi, 14. Au premier endroit, il est dit que les compagnons de Saul, lorsqu’ils entendirent la voix céleste, demeurèrent debout, frappés de stupeur ; au troisième endroit, tous sont couchés par terre au moment où la voix se fait entendre. Il est rapporté aussi, dans le premier récit, que les compagnons de Saul entendirent la voix sans voir personne ; dans le second, au contraire, que ces hommes virent la lumière, mais n’entendirent pas la voix de celui qui parlait avec Saul.

Notons avant tout que le premier récit est le seul que saint Luc donne en son propre nom ; dans les autres passages, il reproduit le récit donné par saint Paul lui-même. Tout ce qu’on est en droit de lui demander dans ces deux passages, c’est qu’il ait rendu fidèlement les discours de l’Apôtre. Quand même ces discours seraient, en quelques circonstances secondaires, en désaccord avec la narration de l’historien, on pourrait tout au plus en conclure que, à plusieurs années de distance, les souvenirs de l’Apôtre ne lui seraient pas restés tout à fait fidèles touchant quelques menus détails, et que saint Luc n’a pas cru nécessaire de rectifier cette légère méprise. Puisqu’il n’est pas certain que l’Apôtre fût inspiré dans ces deux récits, il ne répugne pas absolument que ses souvenirs l’aient trompé touchant des détails qui n’altèrent pas la substance du fait. Mais il n’est pas même nécessaire de recourir à cette supposition. Rien n’empêche d’admettre que les compagnons de Saul, terrassés d’abord par l’éclat de la lumière, se soient relevés aussitôt et aient écouté debout et dans la stupéfaction la voix du ciel. Saul lui-même, terrassé par la lumière, vit Jésus et entendit seul distinctement sa voix. Mais, après le colloque avec le Sauveur, il se leva aveuglé, ne voyant plus rien, quoiqu’il eût les yeux ouverts. Ainsi s’explique , la première antilogie. Pour avoir raison de la seconde, on peut dire que la voix qui interpella Saul fut entendue par tous les voyageurs (c’était peut-être d’abord un bruit inarticulé), mais non celle qui engagea un dialogue avec le seul chef de la troupe.

3° On signale une erreur historique dans la harangue de Gamaliel, Act., v, 36, lorsque celui-ci mentionne comme un fait passé la révolte de Theudas, chef de quatre cents rebelles. D’après Fl. Josèphe, Antiq. jud., XX, v, 1, Theudas fut puni de mort pour crime de rébellion par le gouverneur C. Fadus, c’est-à-dire quatorze ans après le discours de Gamaliel.

Pour qu’on fût en droit d’accuser d’erreur l’écrivain sacré, il faudrait qu’on démontrât : premièrement, que le Theudas de Gamaliel est le même que celui de Josèphe ; secondement, que, cela étant supposé, l’exactitude historique en ce point est plutôt du côté de Josèphe que du côté de saint Luc. Josèphe écrivit son histoire vingt ans après saint Luc, et il n’avait pas eu, comme celui-ci, des relations avec un des disciples de Gamaliel. Or c’est un principe constant en critique que, lorsque deux historiens également sérieux se contredisent dans les circonstances d’un événement, on préfère la relation de celui des deux qui est contemporain de cet événement, et qui se rapproche davantage des personnes mêlées au fait rapporté. Nous serions donc, dans le cas présent, en plein droit de rejeter la relation de Josèphe, et de nous attacher à celle de saint Luc. Mais il y a plus : les deux relations ne se refusent pas à une conciliation. Vers l’époque dont parle Gamaliel, Josèphe place la révolte d’un certain Mathias. Antiq. jud., XVII, vi, 4. Ce Mathias pourrait bien être le Theudas ou Théodas de saint Luc. Car les noms de Mathias, en hébreu, et de Théodas (abrégé de Théodoros), en grec, ont la même signification : « don de Dieu. » Ils peuvent donc avoir été portés à la fois par un même individu, d’après un usage assez fréquent chez les Juifs.

4° On relève dans le discours de saint Etienne des inexactitudes relativement à l’histoire du peuple d’Israël, Act., vii, 4, 6.

C’est à tort qu’on impute ces inexactitudes, si elles existent, à l’auteur des Actes ; elles sont le fait de l’orateur dont saint Luc rapporte les paroles. Le martyr, quoique rempli du Saint-Esprit, n’était pas nécessairement inspiré dans sa harangue. Il pouvait donc se tromper sur quelques points indifférents à la substance des choses, comme l’ont remarqué le V. Bède et plusieurs commentateurs.

VIII. Commentaires principaux.

Commentaires anciens.
Saint Jean Chrysostome a écrit sur les Actes un commentaire homilétique ; Cassiodore (ve siècle), Complectiones in Acta Apostolorum ; V. Bède, Expositio super Acta Apostolorum, et Liber retractationis in Actus Apostolorum ; Théophylacte (xie siècle), In Acta Apostolorum.

Commentaires modernes.

Catholiques : Érasme, Adnotationes, Bâle, 1516 ; Vatable, Adnotationes, Paris, 1515 ; Gagnæus, Scholia in Actus Apostolorum, Paris, 1552 ; Arias Montanus, Elucidationes in Acta Apostolorum, Anvers, 1575 ; Lorinus, S. J., In Acta Apostolorum commentaria, Lyon, 1605 ; Gaspard Sanchez, S. J., Commentera in Actus Apostolorum, Lyon, 1616 ; Fromond, Actus Apostolorum… illustrati, Louvain, 1654.

Protestants : Van Limborgh, Rotterdam, 1711 ; Pearce, Londres, 1777.

Commentaires récents.

Catholiques : Beelen, Commentarius in Acta Apostolorum, 2e édit., Louvain, 1864 ; Patrizi, In Actus Apostolorum commentarii, Rome, 1867 ; Bisping, Exegetisches Handbuch, Munster, 1871 ; Crampon, Les Actes des Apôtres, 1872 ; Crelier, Les Actes des Apôtres, dans la sainte Bible de Lethielleux, Paris, 1883.

Protestants : J. G. Rosenmüller, Scholia in Novum Testamentum, 1821-1835 ; Baur, Paulus der Apostel, 1867 ; Baumgarten, Apostelgeschichte, Halle, 1852 ; Lekebusch, Die Composition und Entstehung der Apostelgeschichte, Gotha, 1854.

J. Corluy.

ACTES APOCRYPHES DES APÔTRES. Sous les noms divers de πράξεις, actus, acta, περίοδοι ou « voyages », martyria, passiones, etc., on a retrouvé les restes ou les traces de documents prétendant nous raconter les missions apostoliques. Originaires pour la plupart de milieux asiatiques ou phrygiens, à une époque où les communautés chrétiennes de ces régions étaient infestées de gnosticisme et de manichéisme, ils ont été de bonne heure exclus de l’usage catholique ou expurgés. Voir Abdias 6. Le pape saint Léon écrivait, en 447 : « Il faut veiller, et c’est surtout au zèle des prêtres que nous en faisons un devoir, à ce que les livres falsifiés et en désaccord avec la sincère vérité ne soient point lus parmi les catholiques. Mais les Écritures apocryphes, qui, sous le couvert du nom des Apôtres, contiennent le germe de tant d’erreurs, non seulement doivent être interdites, mais complètement supprimées et brûlées. Si, en effet, elles renferment quelques pieux éléments, jamais elles ne sont exemptes de venin, et le charme de leurs fables a cet effet caché de séduire par le merveilleux du récit pour mieux envelopper le lecteur dans les rets de leurs hérésies. » Epist. xv, 15, t. liv, col. 688. Le peu qui nous reste de cette littérature, négligé des hagiologues du xviie et du xviiie siècle, n’a été recueilli et étudié convenablement que de nos jours. Mais on a vu alors que ces pièces apocryphes et fabuleuses constituent une contribution d’une haute valeur à l’histoire des trois premiers siècles. La critique, qui a beaucoup démoli, reconstruit aussi : ce chapitre de l’histoire littéraire chrétienne sera l’une de ses plus ingénieuses et durables reconstructions. On la doit aux publications de J. C. Thilo, C. Tischendorf, W. Wright, auxquels il faut ajouter MM. Malan, Zahn, Usener, Bonnet, Guidi et les Bollandistes, mais très particulièrement aux recherches de M, Lipsius, professeur de théologie à l’université d’Iéna, dont le travail, Die apokryphen Apostelgeschichten und Apostellegenden, ein Beitrag zur altchristlichen Literaturgeschichten, Brunswick, 1883-1890, encore qu’on y trouve trop de traces des idées rationalistes démodées de l’école de Tubingue, ne laisse pas d’être le gros œuvre de cette reconstitution. Le présent article a pour objet d’inventorier les Acta anciens que nous possédons sur les Apôtres, et de résumer aussi brièvement que possible les résultats acquis sur l’origine de ces Acta.

I. Acta S. Johannis.

Des fragments grecs (tous nos Acta anciens ont été originairement grecs) des Acta de l’apôtre saint Jean, publiés par Thilo, Fragmenta Actuum S. Johannis a Leucio Charino conscriptorum, Halle, 1847 ; puis de nouveau par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 266-276. ont été reproduits par M. Th. Zahn dans une monographie de valeur, Acta Joannis, Erlangen, 1882, p. 219-252. De ces Acta primitifs, on possède une sorte d’adaptation ou remaniement attribué à Prochorus, disciple de saint Jean, cf. Act., vi, 5, publié en latin, pour la première fois, par de la Bigne (1575), dans sa Bibliotheca maxima Patrum ; en grec, pour la première fois, par M. Zahn, op. cit., p. 3-165 : ce pseudo-Prochorus est une œuvre catholique des environs de l’an 500, et vraisemblablement d’origine palestinienne. Zahn, p. lx ; Lipsius, l. 1, p. 406. Ajoutons un autre remaniement, celui-ci latin et décoré du nom de Méliton ; nous en parlerons à l’article Méliton. À en juger par les quatre fragments grecs que nous possédons et par le récit de mort ou μετάστασις Ἰωάννου, qui a dû en faire partie, Zahn, p. 238 et suiv., les Acta Johannis anciens étaient une œuvre d’origine gnostique. M. Zahn, p. cxlv, les date des environs de l’an 130 ; M. Lipsius, t. i, p. 515, les attribue à la seconde moitié du iie siècle.

Pour donner un spécimen de cette littérature, je citerai un hymne gnostique, incorporé dans les Acta Johannis, Zahn, p. 220-221 : « Gloire à toi, Père ! — Et nous qui l’entendions, nous répondions : Amen. — Gloire à toi, Verbe ! Gloire à toi, Grâce ! — Amen. — Gloire à toi, Esprit ! Gloire à toi, Saint ! Gloire à ta gloire ! — Amen. — Nous te louons, ô Père ; nous te rendons grâce (εὐχααριστοῦμεν), ô Lumière en qui l’ombre n’habite point ! — Amen. — De celui de qui nous rendons grâce (ἐφ ᾧ ἐὐχααριστοῦμεν), je parle : être sauvé je veux, et sauver je veux. — Amen. — Être délivré je veux, et délivrer je veux. — Amen. — … Manger je veux, et être nourri je veux. — Amen. — … La Grâce est notre chorège (χορεύει) : chanter (αὐλῆσαι) je veux : dansez en chœur (ὀρχήσασθε) tous ! — Amen. » On dirait un hymne orphique. Et ceci, que nous ne possédons qu’en latin :

Lucerna sum tibi, ille qui me vides.
Janua sum tibi, quicumque me puisas.
Qui vides quod ago, taco opéra mea.
Verbo illusi cuncta, et non sum illusus in totum.

De cet hymne d’une si singulière poésie, rapprochez les très belles prières eucharistiques que la Metastasis met dans la bouche de saint Jean présidant à la fraction du pain au moment de mourir. Zahn, p. 243 : « Et ayant demandé du pain, il rendit grâces en disant : Quelle louange, quelle offrande, quelle action de grâces dans cette fraction du pain t’offrirons-nous, sinon toi seul ? Nous glorifions ton nom prononcé par le Père, nous glorifions ton nom prononcé par le Fils, nous glorifions la résurrection, à nous révélée par toi. Nous glorifions, de toi, la semence, la parole, la grâce, l’ineffable pierre précieuse,… le diadème, et le Fils de l’homme pournous annoncé, et la vérité, et la paix, et la gnose, et la liberté, et le don de se réfugier en toi ! Car tu es seul Seigneur, et la racine de l’immortalité, et la source de l’incorruptibilité, et l’assiette des siècles ! »

II. Acta S. Andreæ.

Un important fragment grec nous en est parvenu sous le titre de Acta SS. Andreæ et Mathiæ in civitate Anthropophagorum, publié pour la première fois par Thilo, Acta SS. apostolorum Andreæ et Mathiæ, Halle, 1847, et à nouveau par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 132-166. M. Wright a publié une version syriaque du même morceau dans ses Apocryphal Acts of the Apostles, Londres, 1871, t. ii. Il ne faut pas confondre ces Acta anciens avec l’Epistola encyclica presbyterorum et diaconorum Achaiæ de martyrio S. Andreæ, publiée en dernier lieu, en grec, par Tischendorf, op. cit., p. 105-131, et qui, tout en dépendant partiellement de nos Acta, est une œuvre catholique des environs de la fin du ive siècle. Nos Acta, qui ont eu une grande circulation chez les catholiques, ont été cependant à l’origine une œuvre gnostique, et l’on y relève encore quelques traces de gnosticisme. D’après M. Lipsius, t. i, p. 603, ils seraient de la seconde moitié du iie siècle.

III. Acta S. Thomæ.

Une partie du texte grec de ces Acta avait été publiée par Thilo, Acta Thomæ, Leipzig, 1823, et à nouveau par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 190-234. Le texte complet grec a été reconstitué et publié par M. Max Bonnet, professeur à la faculté des lettres de Montpellier, Acta Thomæ, Leipzig, 1883. Dans l’intervalle, M. Wright en avait publié une version syriaque dans ses Apocryphal Acta of the Apostles, t. il. Les Acta Thomæ sont aujourd’hui le spécimen le plus complet de cette littérature légendaire. Les traces de gnosticisme y sont nombreuses, spécialement dans les développements oratoires sur l’ascétisme et sur la virginité, thèmes chers aux gnostiques : on y a relevé, comme dans les Acta Johannis ci-dessus, plusieurs morceaux en forme d’hymne. D’après M. Lipsius, t. i, p. 346, les Acta S. Thomæ seraient du second quart du iiie siècle.

Voici, comme spécimen, le « cantique de la Sagesse » ou de l’ « Église », dont l’original était probablement syriaque, et, en toute hypothèse, bien singulièrement dans le goût de Bardesanes. Il est chanté dans un festin païen, par une psaltria juive, que saint Thomas a convertie en secret. Bonnet, p. 8-9 ; Lipsius, t. i, p. 301-303 : « La jeune vierge est fille de la Lumière, et sur elle rejaillit et repose la splendeur des rois. Superbe et doux est son regard, resplendissant d’une beauté lumineuse. Ses vêtements ressemblent aux fleurs printanières, et un suave parfum s’en exhale… Sur sa tête trône la Vérité ; à ses pieds, la Joie… Sa langue est comme le vélum d’une porte, qui se soulève pour laisser passer. Sa nuque est comme le degré [suprême] que le Démiurge a posé. Ses deux mains découvrent le chœur des Éons heureux, et ses doigts désignent les portes de la Ville. Sa couche nuptiale est étincelante, et des suavités de baume, de myrrhe et de fleurs jonchées s’en échappent… Autour d’elle, pour la protéger, sont ses fiancés ; ils sont huit, huit choisis par elle. Au nombre de sept sont ses paranymphes, qui marchent devant elle comme un chœur. Douze sont ses serviteurs, qui vont le visage tourné vers la fiancée [?], dont le regard les éclaire. Et avec elle [?] ils seront toute l’éternité, et éternelle sera leur joie. Et ils auront leur place à ces noces où les grands seront convoqués, à ce festin où les Éons sont conviés. Et ils seront revêtus de robes royales… Dans la joie, dans l’allégresse ils seront, et ils glorifieront le Père de l’univers, ce Père dont ils ont reçu la douce Lumière, dont le visage les a éclairés, dont l’ambroisie a été leur nourriture, dont le vin a été leur breuvage, ce vin qui apaise toute soif et tout désir de la chair. »

IV. Acta SS. Petri et Pauli.

Nous possédons deux monuments différents sur les deux apôtres romains. Le premier est intitulé dans les manuscrits : Martyrium SS. Petri et Pauli apostolorum a Lino papa græce conscriptum et orientalibus Ecclesiis destinatum. Ce pseudo-Linus a été publié pour la première fois par le Fèvre d’Étaples, dans son Commentarius in Epistolas Pauli, Paris, 1512 ; puis par de la Bigne, dans sa Bibliotheca maxima Patrum, t. ii, p. 67-73. Voyez aussi Bolland., Acta sanctorum junii, t. v (1709), p. 424-428. Le texte latin est traduit indubitablement du grec ; mais l’original grec est demeuré jusqu’à ce jour inédit, à l’exception d’un fragment signalé par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. xx, et publié par M. Lipsius, Jahrbücher für protestantische Theologie, 1886, p. 86-106. Le second monument est intitulé Marcelli, quem discipulum Petri apostoli ferunt, de mirificis rebus et actibus beatorum Petri et Pauli et de magicis artibus Simonis magi. Ce pseudo-Marcellus a été publié pour la première fois par Florentini dans son édition du Martyrologe hiéronymien, Lucques, 1668, et reproduit par Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1703, t. iii, p. 632-653. Thilo, Acta Pétri et Pauli, Halle, 1837, puis Tischendorf, ouvr. cit., p. 1-39, ont donné l’original grec du pseudo-Marcellus.

Le pseudo-Linus n’est qu’un fragment ou abrégé tardif, du ve-vie siècle (ainsi Lipsius). Mais ce pseudo-Linus a pour source des περιόδοι Πέτρου καὶ Παύλου grecques, dont on a retrouvé des fragments, indépendants du pseudo-Linus, d’abord dans le De excidio urbis Hierosolymitanæ du pseudo-Hégésippe, œuvre de la seconde moitié du ive siècle (368 environ), peut-être même œuvre de saint Ambroise ; ensuite dans les Actes des saints Nérée et Achillée, Bolland., Acta sanctorum maii, t. iii (1680), p. 6 et suiv., lesquels ne sont pas postérieurs au pseudo-Hégésippe ; surtout enfin dans les Actes latins de saint Pierre, découverts récemment dans un palimpseste de Verceil du vie siècle, Actus vercellenses. M. Lipsius voit dans ces περιόδοι une œuvre gnostique de la seconde moitié du iie siècle.

Voici quelques citations des prières que le pseudo-Linus met sur les lèvres de saint Pierre : « Ô croix, qui as réuni l’homme à Dieu, et qui l’as si magnifiquement arraché au domaine de la captivité diabolique ! Ô croix, qui remets perpétuellement sous les yeux de l’humanité la passion du Sauveur du monde et la rédemption de la captivité humaine ! O croix, qui chaque jour partages aux peuples fidèles la chair immaculée de l’Agneau, qui dissipes par le calice salutaire les cruels venins du serpent, et qui éteins les feux de l’épée flamboyante qui fermait aux croyants le seuil du paradis ! … » Lipsius, t. ii, 1, p. 264. « Seigneur, tu es pour moi ami et père, l’auteur de mon salut, mon désir, mon rafraîchissement, mon rassasiement. Tu m’es tout, et tout est pour moi en toi. Tu m’es tout ; et tout ce qui est, tu l’es pour moi. En toi nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes. Et voilà pourquoi nous devons nous tourner vers toi pour tout avoir. Donne-nous, Seigneur, l’objet de tes promesses, ce que l’œil n’a point vii, ce que l’oreille n’a point entendu, ce que le cœur de l’homme n’a jamais senti monter en lui, ce que tu as préparé à qui t’aime… Nous te prions, Seigneur Jésus, nous t’invoquons, nous te glorifions, nous te confessons, nous t’honorons, dans l’infirmité de notre humanité, parce que tu es le seul Seigneur, et qu’il n’y en a point d’autre que toi. À toi l’honneur, à toi la gloire, à toi la puissance, maintenant et dans des siècles de siècles ! Ainsi soit-il. » Ibid. Ces belles prières eucharistiques sont à rapprocher de celles que nous ont fournies les Acta Johannis, et que l’on retrouve dans les Acta Andreæ.

Le pseudo-Marcellus est, au contraire du pseudo-Linus, une œuvre catholique ; elle paraît avoir existé dès le commencement du ive siècle. Mais M. Lipsius, et c’est ici que se retrouve le postulatum de Tubingue, veut qu’elle soit un simple remaniement catholique d’une œuvre ou légende ébionite, dans laquelle, au lieu des trois personnages Pierre, Paul, Simon, il n’y en aurait plus que deux, Pierre et Simon-Paul, le magicien Simon n’étant que le masque de l’Apôtre des Gentils. J’emprunte ces dernières lignes à une recension faite par M. l’abbé Duchesne, Bulletin critique, 1887, p. 161-167, de la publication de M. Lipsius, et où M. Duchesne a montré que des deux légendes, celle qui était ancienne, c’était la légende gnostique, celle du pseudo-Linus. « Commodien, Arnobe, les Constitutions apostoliques, dans leurs plus anciennes rédactions, en dépendent certainement… Et il y a lieu de croire qu’Origène, lui aussi, dépend des actes gnostiques… Il est clair, du reste, que, sur plus d’un point, la légende gnostique a inspiré la légende catholique. » Enfin un passage important des Philosophumena, vi, 20, dont l’ « auteur écrivait à Rome vers l’an 225 », empêche de « faire remonter au delà du iiie siècle les premières rédactions de la légende » prétendue ébionite.

Nous voilà donc en présence de quatre légendes apostoliques, de Jean, d’André, de Thomas, de Pierre et Paul, toutes quatre d’origine gnostique, et toutes quatre (sauf celle de saint Thomas) datant de la seconde moitié du iie siècle. Ces quatre légendes furent de bonne heure réunies en une collection, collection mise sous le nom d’un même auteur, l’auteur présumé des Acta S. Johannis, Leucius. Le patriarche Photius (ixe siècle) en avait encore un exemplaire, qu’il décrit dans son Myriobiblon, Cod. 114, t. ciii, col. 389, sous le titre de Αἰ τῶν Ἀποστόλων ; il appelle l’auteur Leucius Charinus ; ledit exemplaire contenait les Acta de Pierre, Jean, André, Thomas et Paul. C’étaient bien les nôtres, et dans leur intégrité. Photius les condamne fortement, comme une œuvre entachée de docétisme, de dualisme et d’encratisme. Cette même collection existait en latin, et une lettre de Turribius, évêque d’Astorga, écrite vers 447, nous signale ces mêmes Actes d’André, de Jacques et de Thomas, « specialiter illos qui appellantur sancti Joannis, quos sacrilego Leucius ore conscripsit, » comme très répandus parmi les Priscillianistes. S. Leonis epistolæ, xv bis, 5, t. liv, col. 694. Saint Augustin nous témoigne, en plusieurs occasions de ses polémiques contre les manichéens, que cette même collection des Actes de Pierre, Jean, André, Thomas et Paul, était en grande faveur dans la secte, et y circulait toujours sous le nom de Leucius, t. xlii, col. 539. Le décret dit du pape Gélase, et qui est du commencement du vie siècle, les condamne en ces termes : « Libri omnes quos fecit Leucius, discipulus diaboli, apocryphi. » Mansi, Concil., t. viii, p. 150. Il n’est pas prouvé que saint Épiphane ait connu la collection, encore qu’il cite tous ces Acta individuellement ; mais il connaissait le nom de Leucius, et il fait de ce personnage un disciple de l’apôtre saint Jean, lequel aurait avec l’apôtre combattu les ébionites. Hær. li, t. xli, col. 897. Fictif ou non, ce personnage est celui à qui sont attribués les Acta S. Johannis. Il ne paraît pas que les autres Acta aient à l’origine porté le nom de Leucius, ni non plus qu’ils soient sortis d’une même officine, encore que leur théologie appartienne à une même époque et à un même milieu asiatique.

V. Acta S. Pauli et S. Theclæ. — Ils ont été publiés en grec pour la première fois par Grabe, Spicilegium sanctorum Patrum, 1714, 1. 1, p. 95-144 ; puis par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 40-63. M. Wright en a publié une version syriaque, Apocryphal Acts of the Apostles, t. ii, p. 116-145. Ces Acta, soit grecs, soit syriaques, paraissent n’être qu’une édition catholique expurgée des Acta primitifs. Peu de personnages des premiers temps du christianisme ont eu dans l’ancienne Église une renommée comparable à celle de Thècle ; elle est tenue pour la première femme martyre, et mise sur le même rang que saint Etienne dès le iiie siècle (ainsi Cyprien d’Antioche, Méthodius, Eusèbe, saint Épiphane, saint Isidore de Péluse, etc.). Au ive siècle, on montrait son martyrium aux portes de Séleucie d’Isaurie, S. Silviæ aquitanæ peregrinatio, édit. Gammurrini, Rome, 1887, p. 73-74, au même titre que l’on montrait celui de saint Thomas à Édesse, ibid., p. 62. C’est ce personnage, dont l’historicité est surtout établie par le fait de l’existence de son tombeau à Séleucie, qui a servi de thème au développement romanesque des Acta Pauli et Theclæ. De ce roman saint Jérôme écrivait en 392, De viris M. 7, t. xxiii, col. 651 : « Igitur περίοδους Pauli et Theclæ et totam baptizati leonis fabulam inter apocryphas scripturas computamus… Sed et Tertullianus, De Baptismo, 17, vicinus eorum temporum, refert presbyterum quemdam in Asia σπουδαστὴν apostoli Pauli, convictum apud Joannem quod auctor esset libri, et confessum se hoc Pauli amore fecisse, loco excidisse. » Le témoignage de Tertullien atteste l’existence des Acta Pauli et Theclæ à la fin du IIe siècle, et si l’on se tient à la lettre même de l’affirmation de Tertullien, c’est à l’époque de Trajan (98-117) qu’il faudrait rapporter la composition desdits Acta (ainsi M. Zahn). Il est plus probable que nous avons là une œuvre encratite (plutôt que gnostique), voisine de l’origine du montanisme : du troisième quart du IIe siècle environ. — Voir Lipsius, ouvr. cit., t. i, 1, p. 424-467 ; C. Schlau, Die Acten des Paulus und der Thehla, Leipzig, 1877 ; A. Rey, Étude sur les Acta Pauli et Theclæ, Paris, 1890.

VI. Acta S. Matthæi. — Nous possédons en grec un Martyrium S. Matthæi in Ponto, publié pour la première fois par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 167-189. Il débute par une des plus gracieuses fictions de toute cette littérature : l’apparition devant saint Matthieu de l’enfant Jésus sous la figure d’un des saints Innocents, « qui chantent les psaumes dans le paradis. » On y a relevé des traces de gnosticisme. D’après M. Lipsius, ces Acta auraient été composés au commencement du iiie siècle, op. cit., t. ii, 2, p. 121.— Les Bollandistes (le P. Stilting) ont publié le texte latin d’une légende éthiopienne de saint Matthieu, qui est une légende monophysite de beaucoup de valeur pour l’histoire du christianisme en Abyssinie, mais qui est indépendante de nos Acta gnostiques. Voir Acta sanctorum septembris, t. vi (1757), p. 220-224.

VII. Acta S. Philippi. — Des quinze πράξεις ou chapitres dont se composaient anciennement ces Acta, deux (la quinzième et la seconde) ont été publiées par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 75-104 ; huit (la première, et de la troisième à la neuvième) par M. l’abbé Batiffol dans les Analecta Bollandiana de 1890. M. Wright a donné la version syriaque de ces mêmes Acta grecs dans ses Apocryphal Acts of the Apostles, t. ii. Ici encore nous avons affaire à une œuvre gnostique. D’après M. Lipsius, t. ii, 2, p. 15, elle daterait du commencement ou de la première moitié du me siècle. Mais, de plus, nous avons affaire à une légende en partie localisée à Hiérapolis (Phrygie), et dont les attaches archéologiques sont manifestes. Voyez Bulletin critique, t. xi, 1890, p. 478.

VIII. Acta S. Bartholomæi. — Nous en avons, sous le titre de Martyrium S. Bartholomæi, une πράξις, par le pseudo-Abdias, publiée en grec pour la première fois par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 243-260, en latin à peu près littéralement traduite dans les Bollandistes, Acta sanctorum augusti, t. v (1741), p. 34-38. Ce qui nous reste là est très sensiblement entaché de nestorianisme. D’après M. Lipsius, t. ii, 2, p. 71, ce Martyrium ne daterait que de la seconde moitié du Ve siècle, ou de la première moitié du vie ; mais il dépendrait d’un récit purement juif, d’une date fort ancienne.

IX. Acta S. Barnabæ. — Un texte grec en a été publié par le P. Papebroch, Bolland., Acta sanctorum junii, t. ii (1698), p. 431-435, et réédité par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 64-74. Ces Acta sont mis sous le nom de l’évangéliste saint Marc, comme les Acta S. Bartholomæi sont mis sous le nom de Craton, disciple des Apôtres, et ils sont un pastiche catholique des Actes canoniques des Apôtres. Cet apocryphe, sûrement antérieur à la fin du Ve siècle, puisqu’il est oublié déjà de l’auteur grec de l’Inventio reliquiarum S. Barnabæ, lequel est de la fin du Ve siècle ou du commencement du vie, Bolland., ouvr. cit., p. 436-452 ; cet apocryphe, dis-je, serait, d’après M. Lipsius, fondé sur des Acta vraisemblablement gnostiques de la seconde moitié du iiie siècle au plus tôt.

X. Doctrina Addai. — Elle représente ici tous les actes de Thaddée : c’est le récit de la mission de Thaddée ( = Addaï) et d’Aggée à Édesse. Elle a été publiée en syriaque, qui est l’original, par Cureton, Ancient Syriac documents, Londres, 1864, et étudiée par M. Lipsius dans une monographie à part, Die edessenische Abgar-Sage, Brunswick, 1880, et tout récemment par M. l’abbé Tixeront, Les origines de l’Église d’Édesse, Paris, 1888. Voyez l’article Abgar de ce dictionnaire, et aussi Bulletin critique, 1889, p. 41-48. La Doctrina Addai est une œuvre catholique de la fin du iii e siècle ou du commencement du iv e ; mais elle a eu pour source une légende écrite syriaque plus ancienne, connue de l'historien Eusèbe, remontant à la première moiitié du iii e siècle, et que l'on est convenu de désigner sous le nom d’Acta edessena. Des Acta Thaddæi grecs, datant de la première moitié du iv e siècle, mais tributaires de la Doctrina Addai, ont été publiés pour la première fois par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 261-265. D’autres Actes ou légendes apostoliques ont été en circulation dans l’ancienne Église, mais on n’en a recueilli que des traces fort effacées : des Acta SS. Simonis et Judæ, des Acta S. Jacobi Zebedæi, des Acta S. Jacobi Alphæi, des Acta S. Mathiæ, dont il ne reste de vestige que dans la littérature copte. Signalons enfin des Acta S. Timothei, publiés en grec et étudiés par M. Usener, Acta S. Timothei, Bonn, 1877. Ils sont d’un intérêt tout à fait secondaire.

En résumé, nous avons : du IIe siècle, les Acta des saints Pierre et Paul, de saint Jean, de saint André, de sainte Thècle ; du iiie, ceux de saint Thomas, de saint Matthieu, de saint Philippe, et ces Acta divers, à nous venus de milieux asiatiques ou phrygiens très pénétrés de gnosticisme et d’encratisme, nous sont un élément précieux pour l’histoire de la pensée chrétienne populaire à cette époque bien obscure de son développement. Cela soit dit de tout ce qu’il y a de dogmatique et d’éthique dans cette littérature. Quant à tout ce qu’il y a d’historique, d’archéologique, et en un mot de tradition locale ilans ces documents, on ne peut l’indiquer ici qu’in globo : l’analyse de ces éléments réels n’a pas été faite par M. Lipsius, et l’a été seulement pour une faible part par M. von Gutschmid, Die Königsnamen in den apokryphen Apostelgeschichten, dans le Rheinisches Museum, 1864, p. 161-183, 380-401. Le travail reste à faire, et il suffit de mentionner quelques faits, je ne dis pas comme la venue de saint Pierre à Rome (les preuves en sont multiples et indépendantes tant du pseudo-Linus que du pseudo-Marcellus), mais comme le Domine quo vadis, la tradition des missions de saint Thomas dans l’Inde, etc., pour marquer l’intérêt d’une telle recherche.

En outre des publications mentionnées ci-dessus de Thilo, Tischendorf, Wright, Lipsius, Zahn, Usener, Bonnet, Batiffol, on consultera S. C. Malan, The conflicts of the holy Apostles, an apocryphal book of the eastern Church, translated from an Ethiopic manuscript, Londres, 1871 ; J. Guidi, Gli atti apocrifi degli Apostoli nei testi copti, arabi ed eliopici, dans le Giornale della società asiatica italiana, t. ii (1888), p. 1-68 ; O. de Lemm, Koptische apokryphe Apostelacten, dans les Mélanges asiatiques, t. x (1890), de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg ; un excellent exposé de vulgarisation dans G. Salmon, A historical introduction to the study of the books of the New Testament, 4e édit., 1889, ch. xix : Apocryphal Acts of the Apostles, p. 352-386.

ACTON Radulphe, prêtre anglais, qui écrivait vers l’an 1320, a laissé des commentaires sur les Épîtres de saint Paul. Voir J. Leland, De Scriptoribus illustribus britannicis, 2 in-8°, Oxford, 1709.

ADA, hébreu : ʿĂdâh, « ornement ; » Septante : Ἀδά.

1. ADA, la première des deux femmes de Lamech, mère de Jabel et de Jubal. Gen., iv, 19, 20, 23.

2. ADA, fille d’Élon, Héthéen, épouse d’Ésaù et mère d’Éliphaz. Gen., xxxvi, 2, 4, 10, 12, 16. Au chapitre xxvi, 34 de la Genèse, elle est appelée Basemath. Il ne faut pas confondre Ada ou Basemath, fille d’Élon, avec Basemath, fille d’Ismaël, autre femme d’Ésaü.

ADAD, hébreu : Hădad ; Septante : Ἀδάδ.

1. ADAD, fils de Badad et successeur de Husan dans le royaume d’Idumée. Il défit les Madianites sur les terres de Moab. Le nom de sa capitale est Avith (Septante : Γετθαίμ). Gen., xxxvi, 35-36 ; I Par., i, 46, 47.

2. ADAD, autre roi d’Idumée, successeur de Balanan. Il régna dans la ville de Phaü. I Par., i, 50, 51. Il est appelé Adar, Gen., xxxvi, 39. D vient le huitième sur la liste des rois d’Idumée, donnée par Moïse, Gen., xxxvi, 31-39, et est le seul dont la mort n’est pas mentionnée. L’auteur des Paralipomènes, qui reproduit cette liste, ajoute : « et il mourut. » I Par., i, 51. Il semble donc qu’Adad était encore sur le trône quand Moïse dressa cette liste. Ne serait-il pas ce roi d’Idumée, auquel il demanda en vain le passage par ses terres ? Num., xx, 14-21. Voir Idumée.

3. ADAD (hébreu : Hădad ; une foisʾĂdad par erreur, III Reg., xi, 17 ; Septante : Ἄδερ), issu de la race royale d’Édom, est peut-être un descendant du précédent. Lorsque Joab, à la tête des troupes de David, vint en Idumée pour exterminer toute la population mâle, ce prince, alors tout jeune, réussit à s’échapper avec quelques serviteurs de son père. Il s’enfuit dans le pays de Madian, et par le désert de Pharan vint chercher un asile en Égypte. À l’époque de la guerre d’Idumée, vers le milieu du règne de David, Osochor, cinquième roi de la vingt et unième dynastie, ou bien Psinachès, son successeur, régnait à Tanis. Combien de temps Adad séjourna-t-il dans le désert ou en Égypte avant de se présenter à la cour de Tanis ? On l’ignore. Le pharaon qui lui fit un bienveillant accueil fut probablement Psousennès II (Psioukhanou II), ou peut-être Psinachès, son prédécesseur. Il lui donna une maison et des terres pour son entretien, et le prit en telle affection, qu’il lui fit épouser la sœur de la reine Taphnès (voir ce nom), sa femme. Adad en eut un fils, nommé Genubath (voir ce nom), qui fut élevé à la cour de Tanis avec les enfants du roi. À la nouvelle de la mort de David et de Joab, Adad pria le pharaon de le laisser retourner dans son pays. Le récit, dans le texte hébreu et dans la Vulgate, est ici brusquement interrompu, et ne dit pas s’il obtint l’autorisation du souverain. III Reg., xi, 14-22. Le v. 14 cependant donne à entendre qu’il revint en Idumée. Les Septante l’affirment expressément : « Et Ader (Adad) s’en retourna dans son pays. » III Reg., xi, 22. Le texte hébreu a subi certainement quelque altération en cet endroit ; car, après avoir laissé inachevée l’histoire d’Adad, il raconte l’épisode de Razon, pour revenir ensuite à Adad et le faire régner en Syrie (v. 25). Pour mettre plus d’ordre et de suite dans la narration, on a proposé d’appliquer à Razon le v. 25 de cette façon : « Outre le mal que faisait Adad, il (Razon) abhorrait Israël, et il régna sur la Syrie. » Mais qu’ajoute cette remarque au v. 24, où l’on vient de dire qu’il fut établi roi à Damas ? Il est beaucoup plus logique et plus simple de rattacher, avec le Codex Vaticanus (voir Polyglotte de Walton), l’épisode de Razon (v 23, 24 et commencement du v. 25) au v. 14 ; la fin du v. 25 devient ainsi la suite naturelle des v. 21-22, en lisant, comme les Septante, « Édom, » אדם, au lieu de « Aram », ארם, du texte hébreu actuel, c’est-à-dire ד, daleth, au lieu de ר, resch : « Quand Adad eut appris en Egypte la mort de David », il quitta l’Égypte « et il régna en Idumée ».

Cet épisode d’Adad doit-il se placer au commencement ou à la fin du règne de Salomon ? D’après Ewald, Geschichte des Volkes Israël, t. iii, p. 274-281, ce fut dès le début de ce règne que des troubles éclatèrent en Idumée : le puissant roi les apaisa bientôt. Selon Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. VI, p. 253, Adad n’aurait conquis une partie de l’Idumée et constitué un royaume qu’à la fin du règne de Salomon. Que faut-il penser ? D’un côté, il semble bien, comme nous l’avons vu plus haut, qu’Adad revint dans son pays, dès qu’il apprit la nouvelle de la mort de David et de Joab, par conséquent dès le début de Salomon. III Reg. xi, 21. D’un autre côté la révolte d’Adad est donnée par l’écrivain sacré comme un châtiment des fautes de Salomon, v. 14 et contexte : elle doit donc être placée vers la fin de ce règne. On peut très bien tout concilier en disant avec M. Vigouroux, Bible et découvertes, 5e édit., t. iii, p. 423, note 1. « Hadad fut vraisemblablement l’ennemi de Salomon pendant tout son règne, à la manière des tribus bédouines, qui cherchent toujours à piller plutôt qu’à faire des conquêtes ; mais il ne fit de mal sérieux au roi d’Israël que dans les dernières années de ce prince. Jusque-là il avait probablement vécu comme un chef de tribu nomade. »

Tout en créant de sérieuses difficultés à Salomon à la fin de son règne, Adad ne paraît pas même alors s’être emparé de toute l’Idumée, puisque le monarque Israélite pouvait, sans être inquiété, équiper une flotte dans son port d’Asiongaber, à l’extrémité sud de l’Idumée. III Reg., ix, 26. Il fallait, pour faire le commerce avec Ophir, que Salomon fût maître de la partie occidentale de ce pays. La route de Palestine à Asiongaber, qui côtoie cette partie, du nord au sud, devait donc être restée libre et sûre. D’un autre côté, le royaume que se fit Adad ne dut pas être longtemps indépendant : nous voyons, en effet, que du temps de Josaphat il n’y avait pas de roi en Idumée. III Reg., xxii, 48. Sous Joram, l’Idumée, conquise par David, s’affranchit du joug de Juda et se donna un roi. IV Reg., viii, 20-22 ; II Par., xxi, 8. Voir Idumée.

4. ADAD, dieu syrien. Voir Hadad 2.


ADADA (hébreu : ’Ad’âdàh ; Septante : Ἀρουήλ), ville située sur la frontière méridionale de Juda, et mentionnée une seule fois dans la sainte Écriture, Jos., xv, 22, où elle est citée entre Dimona et Cadès. Il n’en est pas question dans l’Onomasticon d’Eusèbe, mais on l’a retrouvée de nos jours dans les ruines qui ont conservé exactement le même nom, ’Ad’adah, à l’est de Bersabée, entre cette ville et la mer Morte. G. Armstrong, Ch. W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, 1889, p. 4.


ADADREMMON (hébreu : Hǎdadrimmôn), ville de la plaine d’Esdrelon, mentionnée une seule fois, dans ce texte du prophète Zacharie : « En ce jour, il y aura un grand deuil dans Jérusalem, tel que fut celui d’Adadremmon dans la plaine de Mageddon. » xii, 11. Les versions et les commentateurs ont donné à ce verset différentes interprétations, qu’il faut examiner avant d’arriver au véritable sens.

Les Septante ont ainsi rendu la dernière partie du texte : ὡς κοπετὸς ῥοῶνος ἐν πεδίῳ ἐκκοπτομένου « comme le deuil du grenadier coupé dans la plaine. » Il n’est pas nécessaire de chercher ici, avec saint Cyrille d’Alexandrie, une allusion au désespoir de l’agriculteur qui voit couper cet arbre, dont il admire la beauté et apprécie l’utilité, Comment. in Zach., t. lxxii, col. 226 ; iii, avec Théodoret, une allusion au bruit des bûcherons qui l’abattent, Explan. in Zach., t. lxxxi, col. 1946 : la méprise des traducteurs grecs est évidente. Ils ont pris des noms propres pour des noms communs : ainsi ils rattachent hadad à la racine arabe hadda, « émettre un son grave, » dont le sens est parfois appliqué au mugissement des vagues se brisant sur le rivage, cf. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 365 ; J. F. Schleusner, Lexicon græcum Vet. Test., Londres, 1829, t. iii, p. 14 ; puis ils font de rimmôn le nom d’un fruit bien connu, « la grenade, » ou de l’arbre qui le produit, et enfin de megiddôn, le participe passé de gâdad, « couper. »

La paraphrase chaldaïque voit ici un double deuil : 1° « celui de la mort d’Achab, fils d’Amri, tué par Hadadrimmon, fils de Tabrimmon, » à Ramoth-Galaad, III Reg., xv, 18, et xxii, 29-38 ; 2° « celui de la mort de Josias, fils d’Amon, que Pharaon le Boiteux (Néchao) tua dans la plaine de Mageddo. » IV Reg., xxiii, 29. La première application est fausse : l’auteur fait, sans preuve, de Hâdadrimmôn le même personnage que Benhadad, roi de Syrie. L’identification fût-elle vraie, ajouterons-nous avec Rosenmüller, que la grammaire et l’histoire nous interdiraient ce sens ; en effet, au lieu de « deuil d’Adadremmon », il eût fallu dire « deuil d’Achab », puisque la plainte avait nécessairement pour objet le roi d’Israël, et non son meurtrier ; et puis on n’a jamais entendu parler d’un deuil public qui ait accompagné la fin de ce roi tristement célèbre par son impiété. Scholia in Vet. Test., Leipzig, 1828, viie partie, t. iv, p. 343. La seconde explication est, comme nous le verrons, la seule vraie ; aussi la version syriaque explique-t-elle bien la pensée en remplaçant Hadadrimmon par « fils d’Amon ».

Enfin, les massorètes eux-mêmes semblent n’avoir pas compris la signification du mot qui nous occupe, et leur ponctuation repose uniquement sur le sens vulgaire de rimmôn, « grenade ; » mais ce fruit n’a aucun rapport avec la divinité dont nous parlerons tout à l’heure.

Parmi les commentateurs, Hitzig voulut d’abord reconnaître dans le deuil d’Adadremmon celui qu’aurait occasionné la mort d’Ochozias, tué par Jéhu IV Reg., ix, 27. Mais la fin de ce roi ne fut jamais, pas plus que celle d’Achab, un deuil national pour les Hébreux. Abandonnant du reste cette hypothèse, Hitzig en inventa plus tard une autre, que nous pouvons encore moins accepter, et qui a cependant rencontré un certain nombre d’adhérents : Movers, Merx, Wellhausen et Reuss. Voici comment ce dernier l’expose : « Selon toute probabilité, Hadadrimmon est le nom d’une divinité adorée par les païens du nord de la Palestine et dans la Syrie (IV Reg., v, 18, et les nombreux noms propres composés avec Hadad), et plus particulièrement celle du soleil printanier, dont tout le monde connaît le mythe tel qu’il a été poétiquement transformé par les Grecs (Adonis). La mort du dieu (dans le sens symbolique et astronomique) était célébrée dans tout l’Orient par une grande fête funèbre, qui a fourni le cadre d’une jolie pièce de Théocrite, Idylle 13, et d’une belle élégie de Bion. Ce nous semble chose assez naturelle que le prophète prédise ici aux Israélites sauvés et repentants un deuil tout aussi grand que celui de la fête funèbre du paganisme, à laquelle ils ont sans doute pris part dans leurs égarements polythéistes, comme cela nous est d’ailleurs explicitement attesté par Ézéchiel, viii, 14. » La Bible, Ancien Testament, IIe partie, Les Prophètes, Paris, 1876, t. i, p. 355.

Ce rapprochement avec la vision d’Ézéchiel semblait donner un certain appui à l’hypothèse ; elle a cependant été avec raison rejetée par Ewald, et surtout par Wolf Baudissin, qui l’a complètement détruite. Real-Encyklopädie für prot. Theol., 2e édit., t. v, p. 493 ; Studien zur semit. Religionsgeschichte, 1876, 1. 1, p. 295 et suiv. Il est vrai que Thammuz ou Adonis avait un culte célèbre en Phénicie et en Syrie : une rivière portait son nom (aujourd’hui le Nahr-Ibrahim, un peu au-dessous de Byblos).Voir Thammuz. Mais est-il donc croyable que le prophète Zacharie ait assimilé la pénitence d’Israël aux lamentations d’un culte idolâtrique et souvent obscène ? Non, personne n’admettra que l’homme de Dieu ait osé comparer la chose la plus sainte, la douleur et la mort du Christ, à ces rites voluptueux auxquels se livraient les femmes phéniciennes dans les fêtes du dieu Soleil. Le nom même d’Adadremmon s’oppose à cette opinion, car il ne convient pas et n’a jamais été donné à Adonis.

Ce nom, qui a reçu des monuments assyriens son explication définitive, se compose de deux mots, dont Schrader expose ainsi le sens : « On savait déjà par les écrivains classiques que Hadad était, chez les Syriens, le dieu du ciel et du soleil. Macrobe, Sat. i, 23. Or les monuments nous montrent que ce dieu Dad, c’est-à-dire Hadad, est identique à l’assyrien Rammânu, Râmânu, le dieu du tonnerre et de la tempête (racine ra’am, ra’amân, « le tonnant, » ʿaîn compensé par le redoublement du mem). Le même idéogramme (AN) IM sert également pour les deux noms ; en sorte que le composé Hadad-Rammân indique que le dieu du ciel Hadad est ici regardé surtout comme le « dieu de la tempête », rappelant ainsi le Ζεῦς βροντήσιος, Ζεῦς βροντῶν, ou le « Jupiter « tonans ». Die Keilinschriften und das alte Test., 2e édit., Giessen, 1883, p. 454. M. de Vogué, dans la Revue archéologique, juin 1868, t. xvii, pl. xv, n° 28, et fig. 24, p. 440, et dans les Mélanges d’archéologie orientale, in-8°, Paris, 1868, pi. vi, n° 28, texte p. 125-126, et fig. 24, texte p. 121, a reproduit un demi-ellipsoïde de calcédoine et un cylindre du Musée britannique, sur lesquels le dieu Hadad est représenté avec ses attributs. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. iii, p. 247 et 249. On croit également reconnaître le dieu Ramman, sur un bas-relief de Nimroud, dans le personnage figuré debout, le front orné d’une double paire de cornes, portant une hache d’une main, tenant de l’autre le faisceau trifide, dont les Grecs armèrent plus tard le bras de Jupiter, et qui représente la foudre. Cf. Vigouroux, ouv. cité, t. iv, p. 337, pi. 148, d’après Layard, Monuments of Nineveh, 1re série, pl. lxv.

Cependant quelques assyriologues donnent du mot qui nous occupe une explication différente. Fried. Delitzsch, Chaldäische Genesis, p. 269, dit que Ramanu ou Ram-manu signifie « exalté ». Wright regarde comme probable la lecture Hadar-Bammon, la première partie, Hadar, se retrouvant dans le nom de Ben-Hadar. Le sens du composé semble être alors : « Glorieux est le seul exalté. » Cf. Trochon, Les petits prophètes, Paris, 1883, p. 479.

Quoi qu’il en soit de la signification, le nom ne fut jamais attribué à Adonis. Il ne peut indiquer ici qu’une localité, ainsi appelée du dieu qu’on y adorait peut-être avant la conquête de Chanaan par les Hébreux, ou ainsi nommée, depuis la chute du royaume d’Israël, par quelques colons syriens ou assyriens, établis en cet endroit. Une pareille appellation n’est pas étonnante dans un pays où l’on rencontre assez fréquemment des noms de lieu rappelant le souvenir de quelque divinité, comme Baalgad, jos., xi, 17, Baalthamar, Jud., xx, 33, etc. Saint Jérôme, dans son Commentaire sur Zacharie, xil, 11, t. xxv, col. 1515, nous parle de cette « ville d’Adadremmon, Ροῶμος dans la version des Septante, qui se trouvait auprès de Jezraël, et de son temps s’appelait Maximianopolis, dans la plaine de Mageddon ». L’ancien nom a subsisté (comme celui de Bethsan, l’ancienne Scythopolis, dans Beisân), et s’est conservé dans Roummanéh, petit village situé à six kilomètres au sud de Ledjoun, l’ancienne Mageddo, et qui, réduit actuellement à une vingtaine de misérables habitations, ne renferme aucune trace d’antiquité, sauf quelques citernes pratiquées dans le roc et un puits. Cette identification, proposée par Van de Velde, « paraît très légitime, dit M. V. Guérin, et s’appuie non seulement sur le rapprochement, ou plutôt sur l’identité de l’hébreu Rimmôn et de l’arabe Roummanéh, mais encore sur le passage du prophète Zacharie, qui nous apprend que Hadad-Rimmon était voisine de Mageddo. » Description de la Palestine, Samarie, t. ii, p. 229.

Si maintenant nous voulons connaître le vrai sens du texte prophétique, nous le trouverons dans cette hypothèse, admise par la grande majorité des commentateurs, qu’il s’agit ici du deuil occasionné par la mort de Josias. IV Reg., xxiii, 29-30 ; II Par., xxxv, 20-25. Comme le roi d’Égypte Néchao marchait vers l’Euphrate pour s’emparer de la forteresse de Carchamis, point stratégique important, Josias vint l’arrêter et l’attaquer auprès de Mageddo, dans cette plaine d’Esdrelon, théâtre de tant de combats illustres dans l’histoire. Malgré les assurances pacifiques du pharaon, le roi de Juda persiste dans son entreprise belliqueuse ; mais ses troupes sont battues, lui-même tombe mortellement blessé par la flèche d’un archer égyptien, et son corps est ramené à Jérusalem. La mort du pieux roi répandit partout le deuil et la consternation. Avec lui le dernier soutien de la religion et du trône de Juda descendait dans les tombes de Sion. Les poètes de l’époque, et surtout Jérémie, le grand chantre de la douleur, composèrent des élégies, et le souvenir de ce cruel événement se conserva longtemps après la captivité. Nous lisons, en effet, dans le deuxième livre des Paralipomènes, xxxv, 25, d’après l’hébreu, que « tous les chanteurs et chanteuses parlent, dans leurs chants funèbres, de Josias jusqu’à ce jour, et c’est devenu une loi en Israël, et l’on trouve ce chant écrit dans les Lamentations », recueil qui malheureusement n’est pas parvenu jusqu’à nous.

Les détails que nous venons de donner suffisent pour répondre à la double objection ainsi formulée par Reuss : « Mais le deuil de Josias s’est fait à Jérusalem et non à Hadadrimmon, et il serait assez extraordinaire qu’un prophète contemporain de Darius, fils d’Hystaspe, ait choisi comme exemple d’un grand deuil un événement qui avait eu lieu tout un siècle auparavant. » Les Prophètes, t. i, p. 355. S’il est vrai, en effet, que le corps du roi fut ramené à Jérusalem, ne peut-on pas dire que les lamentations sur sa mort commencèrent à l’endroit même où il fut mortellement frappé ? ou bien le a deuil d’Adadremmon » ne signifie-t-il pas « deuil au sujet d’Adadremmon », ou de la calamité nationale qui s’y produisit (Baudissin) ? D’un autre côté, Zacharie, prédisant les lamentations causées par la mort du Messie, trouvait un terme frappant de comparaison dans celles qu’avait excitées la mort du pieux roi Josias, événement toujours présent à la mémoire du peuple.

ADAÏA, hébreu : ʿĂdâyâh, « Jéhovah orne. »

1. ADAÏA. Voir Hadaïa.

2. ADAÏA (Septante : Ἀδαΐ), fils d’Éthan et père de Zara, de la descendance de Gerson, premier fils de Lévi. I Par., vi, 41 (26). Ancêtre d’Asaph, célèbre chantre. Au v. 21, il est appelé Addo,

3. ADAÏA (Septante : Ἀδαΐα), de la tribu de Benjamin, et fils de Séméi. I Par., viii, 21.

4. ADAÏA (Septante : Ἀδαΐα ; Vulgate : Adaias, I Par., ix, 12), prêtre, fils de Jéroham, revint de la captivité de Babylone. I Par., ix, 12 ; II Esdr., xi, 12.

5. ADAÎA (Septante : Ἀδαΐας), prêtre, descendant de Bani, épousa une femme étrangère après le retour de la captivité. I Esdr., x, 29.

6. ADAÏA (Septante : Ἀδαΐα ; Vulgate : Adaias), descendant d’un autre Bani ; prit également une femme étrangère. I Esdr., x, 39.

7. ADAÏA (Septante : Ἀδαΐα), descendant de Juda par Phares. II Esdr., xi, 5.

8. ADAÏA (hébreu : ʿĂdâyâhû ; Septante : Ἀδία), père de Maasias, qui fut l’un des quatre chefs choisis par Joïada pour l’aider à rassembler les lévites et le peuple, et à faire reconnaître Joas, roi de Juda. II Par., xxiii, 1-7.

ADALI (hébreu : Ḥadlaï, « en repos ; » Septante : Ἐλδαΐ), de la tribu d’Ëphraïm, et père d’Amasa, un des principaux chefs de cette tribu, qui, à l’instigation du prophète Oded, demandèrent aux Israélites de relâcher leurs frères de Juda, faits prisonniers dans une bataille livrée contre Achaz. II Par., xxviii, 12.


ADALIA (hébreu : ʿĂdalyâ’; Septante : Βαρεά), cinquième fils d’Aman, attaché à la potence avec son père et ses frères sur l’ordre d’Assuérus, Esth., IX, 8.

1. ADAM (hébreu : ʾÂdâm ; Septante : Ἀδάμ.), le premier homme et le père du genre humain.

Première partie : histoire d’Adam

Adam est un nom générique qui s’applique à la femme aussi bien qu’à l’homme, parce qu’il désigne l’être humain en général. Gen., v, 2. Il est employé pour la première fois sans article, comme nom propre, dans Gen., iii, 17. On pense généralement que ce nom, qui signifie « rouge », fut donné au premier homme à cause de la terre rouge, ʾÂdâmâh, dont il avait été formé, Gen., ii, 7 ; il était ainsi pour lui une leçon continuelle d’humilité. Dans la suite, il eut la même signification générale que a homo » en latin, et « homme » en français, tandis que’îi désigna l’homme par opposition à la femme, ʾîššah.

1. Création d’Adam.

L’auteur de la Genèse fait deux fois le récit de cette création : il la raconte d’abord, Gen., i, 26-30, comme faisant partie de la formation de l’univers, qu’elle complète et couronne ; il y revient plus loin, Gen., ii, 7, etc., pour expliquer la manière dont Dieu créa le premier homme, et passer ensuite, ii, 8 ; v, 5, à l’histoire d’Adam comme père et chef de l’humanité. La création d’Adam eut lieu à la fin de l’œuvre divine, au sixième jour, c’est-à-dire, selon l’interprétation qui prévaut aujourd’hui, à la sixième époque du monde, quand, par suite des évolutions cosmiques et géologiques, la température et la composition de l’air, l’ordre des saisons, en un mot toutes les conditions nécessaires à l’existence de l’homme furent dans un point convenable. Alors, selon la manière de parler familière aux Pères, le monde se trouva comme une maison préparée et ornée pour le père de la famille humaine, comme un royaume prêt à recevoir son souverain, celui qui était la fin et le complément de tout l’ouvrage des six jours. Cf. Lactance, Div. Jnst., ii, 9, t. vi, col. 305 ; S. Ambroise, Epist. xliii ad Horontianum, t. xvi, col. 1129 ; S. Jean Chrysostome, Hom. viii in Gen., t. un, col. 71 ; Denys le Petit, De creatione hominis, t. lxvii, col. 351. « Et [Dieu] dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. » Gen., i, 26. C’est la nature humaine qui-, d’après saint Augustin, De Trinitate, i, 7, t. xlii, col. 829, est ici désignée par le mot « homme. », comme l’indique la suite : « Il le créa à l’image de Dieu, et il les créa mâle et femelle, et il les bénit, etc. » Gen., i, 27-28. Dieu s’était contenté d’un simple commandement pour produire toutes les autres créatures : « Que cela soit, » ou : « Que la terre, que les eaux produisent ; » mais, pour créer l’homme, il sembla entrer en délibération avec lui-même, comme devant un ouvrage qui dépassait tous les autres en grandeur et en importance : « Faisons, » dit-il. Tous les Pères ont vu dans ce mot l’indication d’une certaine pluralité des personnes en Dieu, soit que le Père s’adresse au Fils, Bossuet, Élévations sur les mystères, ive sem., 5° élév. ; S. Chrysostome, Hom. viii in Gen., 3, t. liii, col. 71 ; soit qu’il parle en même temps au Fils et au Saint-Esprit, selon le sentiment commun. S. Irénée, Contra hæreses, iv, præf., et 37, t. vii, col. 975 ; S. Grégoire de Nysse, Orat. iia in « faciamus hominem », etc., t. xliv, col. 260. Des exégètes modernes ont voulu voir dans ce verbe un pluriel de majesté, qui exprimerait la plénitude de l’être divin. Quelque haute idée que la raison nous donne de l’homme, la révélation divine pouvait seule nous apprendre qu’il a été créé à l’image de Dieu, c’est-à-dire qu’il est l’image ressemblante de Dieu, selon l’interprétation de saint Augustin, De Trinitate, xiv, 16, t. xiii, col. 1054 ; cf. Sap., ii, 23, selon les Septante, et I Cor., xi, 7. Les mots « à sa ressemblance » ne servent qu’à donner plus de force à l’idée de conformité qu’exprime le mot d’ « image ». Nous voyons, en effet, les mêmes expressions employées pour signifier la ressemblance d’Adam et de son fils Seth, Gen., v, 3, et l’Écriture se sert séparément tantôt de l’une, tantôt de l’autre, pour rendre l’idée énoncée ici. Voir Gen., i, 26-27 ; v, 1 ; ix, 6 ; Eccli., xvii, 1 ; Col., iii, 10. Les Pères cependant distinguent très souvent entre l’image et la ressemblance : ils entendent la première d’une conformité naturelle par l’intelligence, la volonté, la liberté, etc. ; tandis que la ressemblance résulterait des qualités morales, et surtout de la sainteté produite dans l’âme par la grâce habituelle. Du reste, qu’ils admettent ou non une distinction réelle dans le sens de ces deux mots, ils sont unanimes à reconnaître, quelque nom qu’ils lui donnent d’ailleurs, une double image de Dieu dans l’homme : l’image naturelle et l’image surnaturelle. Nous nous occuperons plus loin de cette dernière. Touchant l’image naturelle, ils se sont demandé dans quelle faculté de l’âme Dieu l’avait principalement imprimée. Les réponses à cette question sont très diverses, les uns voyant cette image dans la simplicité de l’âme, les autres dans sa spiritualité ; ceux-ci dans son immortalité, ceux-là dans le libre arbitre, etc. Ces opinions, au fond, se complètent les unes les autres plutôt qu’elles ne se contredisent ; car toutes ces facultés et prérogatives sont comme autant de rayons, et cette image est le centre d’où ces rayons émanent. Quant à l’image même, par laquelle l’homme ressemble à Dieu d’autant plus qu’il est plus élevé au-dessus de la brute, elle est dans la raison, selon la doctrine de saint Augustin, qui paraît la plus communément reçue. Tr. iii in Joa., 4, t. xxxv, col. 1398 ; cf. De Trinitate, xiv, 8, t. xlii, col. 1044. Dieu ajoute : « Et qu’il commande aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, aux bêtes, à toute la terre et à tous les reptiles qui se meuvent sur la terre. » Gen., i, 26. Au lieu du singulier : « qu’il commande », l’hébreu porte le pluriel : « qu’ils commandent. » Cet empire sur les animaux est donc donné à Ève aussi bien qu’à Adam, c’est-à-dire à toute l’humanité. En effet, comme le remarque saint Chrysostome, Adam ne s’enfuit point à leur vue ni à leur approche, quand Dieu les lui amena pour les nommer, et Ève parla sans aucune crainte avec le serpent. Homil. ix in Gen., 4, t. liii, col. 79 ; cf. Bossuet, Élévations sur les mystères, ive sem., 1re élév. Le péché fit perdre à l’homme ce pouvoir ; toutefois Dieu tempéra son châtiment en ne soustrayant à sa domination que les animaux les moins utiles, tandis qu’il laissa soumises à son obéissance un grand nombre d’espèces qui l’aident dans ses travaux, ou lui fournissent de quoi se nourrir et se vêtir. S. Chrysostome, Homil. ix in Gen., 5, t. liii, col. 79.

Avec cet empire sur les animaux, confirmé par une bénédiction spéciale, le Seigneur donna à l’homme le domaine de toutes les plantes et de tous les arbres qui croissent sur la terre, afin qu’ils servissent à sa nourriture. Gen., i, 28-29. Un certain nombre de Pères et de commentateurs concluent de ce passage, rapproché de Gen., ix, 3, que l’usage de la viande fut interdit à l’homme jusqu’après le déluge, Origène, Hom. i in Genes., t. xii, col. 159 ; S. Chrysostome, Hom. xvii in Genes., i, t. lui, col. 245 ; S. Jérôme, Adv. Jovin., i, 18, t. xxiii, col. 23 ; mais cette opinion est loin d’être certaine. Voir Chair des animaux.

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, la Genèse, après avoir parlé de la création du premier homme comme faisant partie de la création universelle, i, 26-30, revient une seconde fois à lui pour décrire la manière dont eut lieu sa formation, et raconter ensuite son histoire. « Le Seigneur, dit-elle, forma donc l’homme du limon de la terre. » Gen., ii, 7. L’hébreu met « poussière » au lieu de « limon ». On voit par ces paroles que le corps de l’homme a été tiré directement de la terre. Ensuite Dieu « souffla sur son visage un souffle de vie, et l’homme devint animé et vivant », Gen., ii, 7, c’est-à-dire que Dieu créa dans le corps de l’homme une âme, un esprit. Moïse a ajouté a sur son visage », parce que c’est là surtout que se manifeste l’intelligence et que la noblesse de ses traits révèle chez l’homme une âme bien supérieure à celle des bêtes. S. Augustin, De Civit. Dei, xii, 23, t. xli, col. 373. La manière dont l’Écriture distingue l’âme du corps est la condamnation du matérialisme.

Le langage de la Genèse semble indiquer deux actions successives dans la création d’Adam : d’abord Dieu lui forme un corps de la poussière de la terre ; ensuite il crée une âme dans ce corps qui a déjà une figure humaine. C’est ainsi que l’a compris saint Chrysostome, Hom. xii in Genes., 5, t. liii, col. 103. Saint Augustin hésite en plusieurs endroits entre la création successive et la création simultanée de l'âme et du corps, mais il penche évidemment vers Ja seconde opinion, De Civit. Dei, xii, 23, t. xli, col. 373 ; et c’est celle qu’enseigne formellement saint Thomas. Summ. th., i, q. 91, a. 4, ad 3um. Il soutient que ni le corps n’a été fait avant l'âme, ni l'âme avant le corps ; mais qu’il y a eu création simultanée de ces deux parties de l'être humain. Ce qui n’est pas contesté, c’est qu’Adam fut créé à l'état adulte : l’empire qu’il reçoit immédiatement sur les animaux, la parole divine : « Croissez et multipliez-vous, » et toute la suite du récit le montrent ; la raison seule le dit assez d’ailleurs. Voir Barthélémy Saint-Hilaire, Journal des savants, 1862, p. 608.

II. Élévation d’Adam à l'état surnaturel. — Nous avons vu que tous les Pères enseignent qu’Adam portait en lui-même, outre l’image de Dieu imprimée dans son âme et dans ses facultés naturelles, une autre image bien supérieure à celle-là, et consistant dans la sainteté produite par l’infusion de la grâce divine. La formation de cette nouvelle image fut comme une seconde création, cf. II Cor., v, 17, plus belle que celle du ciel et de la terre. S. Augustin, Tract. lxxii in Joa., t. xxxv, col. 1823. C’est l'œuvre spéciale de celui que nous appelons pour cela « Esprit créateur » ; elle fit vivre Adam d’une vie surnaturelle, participation de la vie même de Dieu. Voir Ephes., iv, 24 ; Colos., iii, 10 ; cf. Eccle., vii, 30. À quel moment eut lieu l’infusion de cette grâce et de la sainteté qui en résultait ? D’après une opinion, que saint Thomas, in ii, 4, a. 3, déclare avoir été la plus commune de son temps, Dieu n’aurait sanctifié Adam qu’un certain temps après l’avoir créé ; mais selon le même saint Thomas, i, q. 95, a. 1, dont le sentiment est le plus accrédité de nos jours, il « aurait au même instant donné à nos premiers parents la nature et la grâce » dans l’acte même de la création.

Cette ressemblance surnaturelle avec Dieu pouvait être effacée et détruite par le péché, parce qu’elle était absolument gratuite et indépendante de la nature, dont elle ne faisait aucunement partie ; tandis que l’image naturelle de Dieu ne diffère pas de la nature même de l’homme, et par conséquent est indestructible dans la vie présente comme dans la vie future. S. Bernard, Serm. i in Annuntiat., 7, t. clxxxiii, col. 386. C’est pour avoir méconnu cette vérité que Luther et d’autres ont exagéré plus ou moins les effets du péché originel.

III. Adam dans le paradis terrestre. — « Or le Seigneur Dieu avait planté dès le commencement un jardin de délices, » Gen., Il, 8, ce que saint Chrysostome explique en ce sens que, à l’ordre de Dieu, la terre aurait produit les arbres de ce jardin. Homil. xiii in Genes., 3, t. liii, col. 108. Les mots « dès le commencement » désignent, d’après saint Augustin, le troisième jour de la création, la période de la création des végétaux. De Genes, ad litter., viii, 3, t. xxxiv, col. 374. L’hébreu peut se traduire autrement : « Et Jéhovah Élohim planta un jardin dans Éden à l’orient. » Dieu, voulut que ce jardin fût le séjour d’Adam. Après donc qu’il l’eut créé, « il le plaça dans le paradis de délices, afin qu’il le travaillât et qu’il le gardât, » Gen., II, 15, pour « en conserver la beauté, ce qui revient encore à la culture », dit Bossuet, Élévations, ve sem., 1re élév. Ce travail n’avait rien de pénible, puisque ce jardin était un séjour de délices. Il préservait Adam des dangers de l’oisiveté ; il lui rappelait en même temps que Dieu était son maître, et il le tenait ainsi dans une humble dépendance. S. Chrysostome, Homil. xiv in Gen., 2, t. un, col. 113. Dieu affirma encore son droit souverain et son autorité en faisant défense à Adam de toucher au fruit de l’arbre de la science du bien et du mal, Gen., ii, 17 ; mais cette interdiction même fait éclater sa bonté et sa générosité pour l’homme, puisqu’elle s’arrêta à un seul arbre et laissa à sa jouissance tous les autres. Voir Arbre de la science du bien et du mal. Cette défense s’adressait à Ève comme à Adam ; la réponse qu’elle fait au serpent, Gen., iii, 3, prouve qu’elle la connaissait, aussi bien que la sanction attachée par Dieu à son commandement : « Le jour où vous en mangerez, vous mourrez de mort, » c’est-à-dire, d’après le sens de cet hébraïsme, certainement. Gen., ii, 17. Dieu ne parle pas seulement de la mort de l'âme, résultant de la perte de la grâce et de l’amitié divine par le péché, comme le prétendaient les Pélagiens ; il a en vue la mort dans toutes les acceptions du mot, S. Augustin, De Civit. Dei, xiii, 12, t. xli, col. 385, et surtout, probablement, la mort du corps. Gen., iii, 17-19 ; Rom., v, 12, 14, etc. Ce n’est pas à dire qu'à l’instant même de l’infraction, Adam dût être frappé de mort ; mais, par le seul (ait du péché, il était sujet à une mort infaillible. Le vrai sens de la sentence divine a été bien rendu par Symmaque : θνητὸς ἔσῃ, « tu seras mortel. »

Cependant, parmi tous les êtres vivants, Adam était seul de son espèce. Dieu le lui fit sentir en lui amenant les divers animaux, « pour voir quel nom il leur donnerait. » Gen., ii, 19. Ce verset ne s’applique pas aux poissons ; le premier homme et ses descendants imposèrent le nom aux animaux qui vivent dans l’eau à mesure qu’ils les connurent. S. Augustin, De Gen. ad litt., ix, 12, t. xxxiv, col. 209. On peut étendre cette observation à d’autres catégories d'êtres qui n'étaient pas dans le paradis terrestre. Voir Tornielli. Annales sacri, in-f°, p. 68, 1620. Or « le nom qu’Adam donna à chaque animal est bien son vrai nom », Gen., ii, 19, c’est-à-dire celui qui exprime exactement sa nature et ses propriétés. Adam ne put connaître cette nature et ces propriétés qu’en vertu d’une science infuse. S. Chrysostome, Homil. xvi in Genes., 5, t. liii, col. 116. Nul autre maître que Dieu lui-même n’avait pu l’instruire ; nul maître aussi n’avait pu lui enseigner à parler, comme il le fait en formulant, au moins mentalement, les noms des animaux.

Adam nomma tous ces êtres sans en trouver un qui lui fût semblable. Gen., ii, 20. Dieu dit alors : « Il n’est pas bon que l’homme soit [ainsi] seul [de son espèce] ; faisons-lui une aide semblable à lui. » Gen., ii, 18. Saint Augustin affirme avec insistance que c’est en vue de la seule propagation du genre humain que Dieu veut créer cette aide pour l’homme. De Genesi ad litt., IX, 5, t. xxxiv, col. 396. Mais d’autres Pères sont moins exclusifs, et assignent encore à ce concours de la femme plusieurs fins différentes de celle-là. « Le Seigneur Dieu envoya donc un profond sommeil à Adam, et, lorsqu’il fut endormi, il tira une de ses côtes et mit de la chair à sa place. Et le Seigneur Dieu forma, avec la côte qu’il avait tirée d’Adam, une femme, et il la lui amena. » Gen., ii, 21-22. Le récit biblique met en évidence la dignité de la femme : délibération divine avant sa création comme avant celle de l’homme, et pareille solennité dans l’exécution. Le corps d’Adam est comme la terre vivante de laquelle Dieu prend le corps de celle qui va être sa compagne. Ce sommeil du premier homme, pendant lequel le Seigneur accomplit son œuvre, ne fut pas un sommeil ordinaire. S. Augustin, Tract. ix in Joa. 4, t. xxxv, col. 1463. Ce fut une sorte d’extase dans laquelle Adam comprit le sens de ce que Dieu opérait en lui. S. Augustin, t. xxxiv, col. 408 ; S. Épiphane, Hæres., 48, t. xli, col. 861. Dieu lui fit voir combien étroite était l’union du mariage, en prenant une de ses côtes pour en former le corps de son épouse. Il lui montra en même temps par là qu’elle devait être sa compagne et son égale : il ne la tira pas de sa tête parce qu’elle ne devait pas le gouverner, ni de ses pieds parce qu’il ne devait pas la regarder comme sa servante, mais la considérer et l’aimer comme une partie de lui-même. S. Thomas, I, q. 92, a. 3.

Lorsque Adam, au sortir de son sommeil, vit la compagne que Dieu lui présentait, ses regards, qui n’avaient jusqu’alors rencontré que les formes des animaux, se reposèrent enfin sur un être semblable à lui, ayant un visage et des yeux où se reflétait une intelligence semblable à la sienne, et il s'écria : « Voici maintenant l’os de mes os et la chair de ma chair. Celle-ci s’appellera ʾišša (littéralement, hommesse), parce qu’elle a été tirée de ʾis (l’homme). C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et il s’attachera à sa femme, et ils seront deux dans une même chair, » Gen., ii, 23-24 ; « ils seront [même] une seule chair. » Matth., xix, 6. La phrase « et ils seront deux, » etc., est attribuée par Notre-Seigneur Jésus-Christ à Dieu, qui aurait ainsi complété la pensée d’Adam. Matth., xix, 4. Si c’est Adam lui-même qui l’a prononcée, il n’a pu parler ainsi que dans un esprit prophétique, comme le disent saint Augustin, De Genesi, ix, 19, t. xxxiv, col. 408, et d’autres anciens. Il y en a qui veulent que ce soit une réflexion ajoutée par l’historien sacré. Dans tous les cas, c’est une vérité enseignée par Dieu, et ces paroles expriment à la fois l’institution divine du mariage et la promulgation de ses deux lois fondamentales : l’unité et l’indissolubilité. Dieu a pu tolérer ou même permettre qu’on s’en écartât depuis, « mais il n’en fut pas ainsi au commencement. » Matth., xix, 8.

Le premier homme et la première femme « étaient nus, nous dit la Genèse, ii, 25, et ils n’en avaient point honte ». C’était là un des privilèges de l'état heureux dans lequel Dieu les avait créés. Ils avaient reçu de lui, en effet, outre ce qui était essentiel à leur nature, des dons qui, sans appartenir à l’ordre de la grâce, étaient néanmoins tout à fait gratuits et qu’on appelle pour cela préternaturels. On en compte communément quatre : l’intégrité ou absence de la concupiscence ; une science éminente, qui n’était le fruit ni de l’étude ni de l’expérience ; l’immortalité du corps, et l’exemption de la douleur. Ces dons, avec la grâce sanctifiante selon les uns, sans cette grâce selon les autres, constituaient la justice originelle ou rectitude parfaite dans laquelle l’homme fut créé, Eccli., vii, 30, et qu’Adam perdit par sa désobéissance. Voir Polman, Breviarium theologicum, part, i, n° 483, Paris, 1863, p. 87 ; Hurter, Compendium theol. dogm., 6e édit., t. ii, n° 365, Scholion, p. 270.

IV. Chute d’Adam.

Dieu avait imposé à Adam un commandement pour l'éprouver. Le démon, jaloux de sa félicité, voulut le perdre ; mais, au lieu de s’attaquer directement à Adam, il s’adressa d’abord à Ève, persuadé que par elle il ferait plus sûrement tomber Adam. L'événement lui donna raison. Ève, séduite, mangea du fruit défendu et en apporta à Adam, en lui répétant sans doute les mensongères promesses du tentateur ; ces promesses enflèrent Adam de la même présomption qu’elles avaient inspirée à Ève. S. Chrysostome. Homil. xvi in Genes., 4, t. liii, col. 130 ; il mangea donc de ce fruit à son tour.

La désobéissance d’Adam fut une faute d’une gravité exceptionnelle, à cause de l’importance du précepte qui avait pour but de faire reconnaître à la créature la souveraineté du Créateur, et à cause de la sévérité des menaces dont Dieu l’avait accompagné. Adam fut d’autant plus inexcusable, que Dieu, qui pouvait multiplier les commandements, lui en avait imposé un seul, et des plus faciles. Il réunit de plus en un seul acte un grand nombre de péchés : l’orgueil, par lequel il voulut ressembler à Dieu, Gen., iii, 5, 22 ; la gourmandise, une complaisance coupable envers Ève. La punition suivit de près la faute.

Aussitôt qu’Adam eut mangé de ce fruit funeste, « les jeux de l’un et de l’autre furent ouverts, et, comme ils connurent qu’ils étaient nus, ils cousirent ensemble des feuilles de figuier et s’en firent des ceintures. » Gen., iii, 7. Ils s’aperçurent de leur nudité après leur péché, parce qu’ils avaient perdu le vêtement de la grâce, S. Chrysostome, Homil. xvi in Genes., 3, t. liii, col. 131 ; ils tremblent alors et ils se cachent au milieu des arbres, lorsque, à la brise du soir, ils entendent la voix du Seigneur qui marche dans le paradis. Gen., iii, 8.

Mais « Dieu appela Adam et lui dit : Où es-tu ? » Gen., iii, 9. Adam ne pouvait se méprendre sur cette question : c'était un reproche en même temps qu’une parole de commisération et de bonté. « J’ai entendu votre voix dans le paradis, répondit-il, et j’ai eu peur, parce que j'étais nu, et je me suis caché. » Gen., iii, 10. Dieu lui fait voir, Gen., iii, 11, que c’est son péché qui a mis à nu ce que couvrait la grâce. « Étrange nouveauté dans l’homme, de trouver en soi quelque chose de honteux ! Ce n’est pas l’ouvrage de Dieu, mais le sien et celui de son péché. » Bossuet, Élévations, viie sem., 3e élév. Adam, du reste, au lieu de reconnaître cette bonté et de faire l’humble aveu de sa faute, dit à Dieu : « La femme que vous m’avez donnée pour compagne m’a donné de ce fruit, et j’en ai mangé. » Gen., iii, 12. C’était faire retomber indirectement son péché sur Dieu que d’accuser Ève en ces termes. S. Augustin, De Genesi contra Manichæos, ii, 17, t. xxxiv, col. 209. Le Seigneur s’adresse alors à la femme, puis au serpent, et, après avoir infligé un châtiment à l’un et à l’autre, il revient à Adam : « Parce que tu as écouté, lui dit-il, la voix de ta femme (au lieu de la reprendre, et que, par une excessive complaisance), tu as mangé [du fruit] de l’arbre dont je t’avais défendu de manger, la terre sera maudite à cause de ton péché, » Gen., iii, 17, c’est-à-dire qu’elle sera privée de la bénédiction qui lui faisait porter spontanément ses fruits. « Féconde dans son origine et produisant d’elle-même les meilleurs fruits, maintenant, si elle est laissée à son naturel, elle n’est fertile qu’en mauvaises herbes. » Bossuet, Élévations, vie sem., 13e élév. Elle produira des épines et des ronces, et l’homme se nourrira de l’herbe de la terre. Gen., iii, 18. Il ne faut pas conclure de là, dit saint Augustin, De Genesi ad litter., 18, t. xxxiv, col. 290, que les épines n’existaient pas avant le péché de l’homme ; mais la terre du paradis n’en produisait peut-être pas, et d’ailleurs Dieu a pu permettre que, après le péché, elles aient poussé avec plus de facilité et dans d’autres conditions qu’auparavant. D’autre part, au lieu des fruits délicieux du paradis, qui venaient sans peine, Dieu assigne à Adam une nourriture bien différente, qu’il gagnera péniblement, à savoir, l’herbe de la terre ; ce qui comprend, selon la force du mot hébreu, toute sorte de plantes et de légumes. Ces plantes suppléeront à l’insuffisance des fruits des arbres qu’il trouvera dans les champs ou qu’il plantera lui-même.

Dieu prononça ensuite contre Adam la condamnation annoncée, Gen., ii, 17 : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, jusqu'à ce que tu retournes à la terre de laquelle tu as été tiré ; car tu es poussière et tu retourneras en poussière. » Gen., iii, 19. Au lieu du travail agréable et attrayant du paradis, Adam est ainsi soumis à un travail pénible, et cette vie laborieuse ne sera que l’acheminement vers la mort. La sentence de mort ne fut donc pas exécutée sur-le-champ, mais le travail et les peines de la vie auxquels il fut assujetti commencèrent aussitôt en lui leur œuvre de démolition. Adam, qui devait s’attendre à une mort immédiate, témoigna sa joie de vivre et son espérance de se survivre dans les enfants qui lui naîtraient, en appelant sa femme du nom d’Eve, « la vivante, » ou « celle qui donne la vie », parce qu’elle devint la mère de tous les vivants. Gen., iii, 20. Dieu lui donna dans le paradis une dernière marque de sa bonté et comme un gage de sa providence : « Il fit à Adam et à sa femme des tuniques de peau, et il les en revêtit. » Gen., iii, 21. Ce qui veut dire, d’après plusieurs commentateurs, qu’il leur montra comment ils devaient se les procurer, et qu’ils exécutèrent ses ordres. Ces habits sont un triste indice du changement qui s'était fait dans leur condition : ils en eurent désormais besoin pour couvrir leur nudité, et pour se défendre contre les injures de l’air ; la nature pourvoit au vêtement de tous les animaux, mais l’homme doit se procurer lui-même ses habits.

Il fallut enfin quitter ce paradis, qui ne pouvait être que le séjour de l’innocence, et dont Adam ne devait plus manger le fruit de vie. Des chérubins placés à la porte de l'Éden lui en interdirent l’entrée. Voir Chérubins.

V. Adam depuis sa sortie du paradis jusqu'à sa mort.

Combien de temps avait duré le séjour d’Adam dans le paradis ? La Genèse ne le dit pas, mais c’est le sentiment unanime des Pères qu’il avait été fort court. Ce premier commencement de l’homme était, en effet, pour lui une période d'épreuve ; il avait à faire, en usant de son libre arbitre, son choix entre la fidélité à Dieu avec la conservation de son bonheur, et la désobéissance avec ses suites malheureuses. Or il ne fallait pas longtemps à Adam pour connaître son devoir et la félicité qu’il s’assurerait en y restant fidèle, aussi bien que le malheur qu’il s’attirerait en y manquant.

Quant à la vie nouvelle qu’il mena hors du paradis après sa faute, le récit biblique nous en apprend fort peu de chose ; il nous en dit cependant assez pour nous faire comprendre que, soumis aux ordres de Dieu, il consacra son existence à la pénitence qui lui avait été imposée, et qu’il travailla la terre, mangeant ainsi « son pain à la sueur de son front ». Nous voyons, en effet, son fils aîné, Caïn, se livrer à l’agriculture ; il ne faisait sans doute que suivre en cela l’exemple de son père. Abel, le second fils d’Adam, nous est également présenté comme assujetti à la loi du travail, mais sous une autre forme, celle de la vie pastorale. Gen., iv, 2. L’un et l’autre offrent des sacrifices au Seigneur, ce qui nous apprend d’une manière indirecte le culte qu’Adam lui-même lui rendait. Gen., iv, 3-4.

Lorsque Abel eut été tué par Caïn, Dieu donna à ses parents, pour le remplacer, Seth, qui ouvrit la série des patriarches antédiluviens, ancêtres de Noé. Gen., iv, 25-26. Nous ne trouvons dans la Genèse le nom d’aucun autre fils d’Adam. Il en eut cependant d’autres, de même qu’il eut des filles, dont aucune n’est nommée. « Après qu’Adam eut engendré Seth, il vécut huit cents ans, et il eut des fils et des filles. » Gen., v, 4. Il vécut en tout neuf cent trente ans. Gen., v, 5.

Le sentiment commun dans l'Église a toujours été qu’Adam reçut de Dieu le pardon de sa faute, et qu’il ne retomba plus dans l'état de péché. S. Irénée, Heeres., iii, 23, t. vii, col. 900 ; S. Jérôme, Breviarium in Psalmos, Ps. xcviii, t. xxvi, col. 1123 ; S. Augustin, Epist. clxiv ad Evod., 3, t. xxxiii, col. 711. Cf. Sap., x, I. L'Église grecque honore Adam et Ève d’un culte public et célèbre leur fête le 19 décembre.

VI. Adam dans le Nouveau Testament ; l’ancien et le nouvel Adam. — Le nom et le souvenir d’Adam ne se retrouvent que dans quelques rares passages de l’Ancien Testament, par exemple, I Par., i, 1 ; Sap., x, 1 ; Eccli., xvii, 1-11 ; Tobie, viii, 8. Dans le Nouveau, il est seulement nommé dans l’Épître de saint Jude, 14, à propos d’Enoch, et dans l'Évangile de saint Luc, qui le mentionne comme le premier ancêtre de Jésus-Christ, iii, 38. Saint Paul lui fait une place beaucoup plus large. Nous nous bornerons à indiquer les passages dans lesquels il montre l’autorité de l’homme sur la femme, et l’obligation pour celle-ci d’obéir à son mari et de se laisser instruire par l’homme, loin de vouloir l’instruire. Il établit ces vérités en rappelant qu’Adam a été créé le premier, et que la femme a été tirée de lui ; que ce n’est pas l’homme qui a été créé pour la femme, mais qu’au contraire la femme a été créée pour l’homme ; qu’Adam ne fut pas séduit par le serpent, au lieu qu’Ève le fut. I Cor., xi, 8-9 ; I Tim., Il, 11-li. Mais nous devons nous arrêter plus longuement à la doctrine qu’il expose, Rom., v, 12-21, et I Cor., xv, 22, 45. L’Apôtre appelle Jésus-Christ « le nouvel Adam ou le dernier Adam ». I Cor., xv, 45. Notre-Seigneur peut, en effet, être appelé le nouvel Adam, parce qu’il est le chef et le père de la famille spirituelle de tous les élus, comme Adam est le chef de l’humanité et le père de tous les hommes selon la chair ; et il est le dernier Adam, parce qu’après lui il ne viendra plus pour nous un autre chef et un autre père. Chacun d’eux est chef de l’humanité : mais le premier infecte toute sa race du venin de son péché de désobéissance, tandis que le second, par son obéissance, mérite à tous ceux qu’il s’incorpore une vie nouvelle de justice et de sainteté. Le premier Adam est ainsi le type du second : celui-ci transmet la vie comme celui-là a transmis la mort. Rom., v, 12-21. Ce contraste renferme en abrégé toute la foi chrétienne et est le fondement de la religion.

Ces enseignements de saint Paul répondaient trop bien aux idées d’espérance chrétienne, qui sont comme la source commune d’inspiration des premiers artistes chrétiens, pour qu’Adam ne fût pas pour eux un sujet de prédilection. Son image, en effet, paraît souvent dans les catacombes, reproduite de diverses manières, mais ordinairement en compagnie d’Ève et au moment de la chute. Ce souvenir de la faute du premier Adam rappelait naturellement celui du salut apporté par le second. I Cor., xv, 22. Parfois même cette idée consolante est expressément indiquée, soit par la présence d’un personnage représentant le Sauveur, soit par quelque emblème qui le figure. Voir Fr. Büttner, Adam und Eva in der bildenden Kunst bis Michel Angelo, in-8°, Leipzig, 1887.

VII. Traditions sur Adam. — Les traditions de plusieurs anciens peuples sur l’origine et la formation du premier homme ont conservé le souvenir plu., ou moins défiguré du récit mosaïque.

Chez les Sémites de la Chaldée et de l’Assyrie, nous trouvons, sur les tablettes cunéiformes découvertes dans les bibliothèques des rois ninivites, sinon un témoignage précis au sujet de la création de l’homme, du moins une affirmation indirecte de cette création, puisque Éa, le dieu de l’intelligence suprême, y est représenté comme « ayant formé de sa main la race des hommes », et comme « ayant fait l’humanité pour être soumise aux dieux ». Le récit de la cosmogonie chaldéenne, traduit en grec par Bérose, est plus explicite. Bélus se trancha la tête, et du sang qui en coula, pétri avec de la terre, les autres dieux formèrent les hommes, qui pour cette raison sont doués d’intelligence et participent à la pensée divine. Eusèbe, Chron., i, 2, 5, t. xix, col. 111-112 ; Lenormant, op. cit., t. i, p. 23, et Essai de commentaire sur Bérose, p. 12.

Parmi les Chamites, les Phéniciens admettaient, d’après un fragment de Sanchoniathon, un premier homme, Protogonos, et une première femme, Æon (dont le nom semble être la traduction de celui d’Ève, Ḥavah), qui « inventa de manger du fruit de l’arbre ». Ils étaient issus l’un et l’autre du vent Calpios et de son épouse Baau (le Chaos). Un autre fragment parle de « l’autochtone, né de la terre », duquel descendent les hommes. Cf. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. i, p. 20.

Selon les croyances de l’antique Égypte, Noum, Khnoum ou Khnoumis, le démiurge suprême, avait façonné l’homme avec de l’argile. Un bas-relief du temple de Denderah, qui pourrait presque servir d’illustration au texte même de la Genèse, ii, 7, exprime très clairement cette croyance. À gauche, Khnoum, assis et les bras en avant, considère un enfant qu’il vient de fabriquer sur un tour à potier, et qui est debout et tourné à droite. De ce côté, une déesse agenouillée, Héqit, présente à ses narines une croix ansée, symbole de la vie. ( Fig. 22.)

Comme les enfants de Sem et de Cham, ceux de Japhet ont conservé le souvenir de la création de l’homme. Ainsi, chez les Aryens d’Europe, l’homme est, au dire des Grecs, l'œuvre de Prométhée, qui le fabriqua avec quatre éléments, et surtout avec de la terre et de l’eau ; toutefois les uns placent cette formation tout à fait à l’origine, les autres après la destruction d’une première humanité par le déluge de Deucalion. Il est juste d’observer que les légendes les plus anciennes de la Grèce ne font pas de Prométhée l’auteur de l’homme ; il y apparaît seulement comme lui donnant la vie et l’intelligence par la communication du feu dérobé au ciel. Dollinger, Le paganisme et le judaïsme, ve partie, liv. v, § 1 ; Lenormant, op. cit., t. i, p. 24. Les Scandinaves ont consigné dans l’Edda l’histoire de l’immortelle Idhuma et de Bragi, le premier skalde, qui habitaient dans une parfaite innocence le délicieux Midhgard, le milieu du monde. Les traditions aryennes de l’Asie occidentale nous présentent en Perse une mythologie plus compliquée, mais non moins significative. Un premier homme, Gayômaretan, est tué par Angromainiyus ; de son sang répandu sur la terre est produit un arbre à double tronc, ayant la forme d’un homme et d’une femme. Ahura-Mazda sépare ces deux tiges et leur donne le mouvement, la vie et l’intelligence. Ainsi furent formés Meschya et Meschyâna, le premier homme et la première femme. Döllinger, Le paganisme et le judaïsme, ire partie, liv. vi, § 2 ; F. Lenormant, op. cit., 1. 1, p. 25-26. D’après ces traditions, contenues dans le Boundehesch, Yima n’est plus que le premier roi, tandis que dans les légendes plus anciennes, communes à tous les Aryas orientaux avant leur séparation en deux branches, il était le premier homme. Il s’appelait Yima chez les Iraniens, et Yama chez les Indiens, et réunissait tous les attributs d’Adam et de Noé. Lenormant, op. cit., p. 30-31.


22. — Le dieu Khnoum façonnant l’homme sur le tour à potier. D’après Lepsius, Denkmäler, iv, 70.

Dans l’extrême Orient, l’antique et immense empire de Chine est un témoin suffisant des traditions des peuples de la race jaune. Selon un résumé que le père Ko a fait des vieux auteurs de ce pays, Hoangti est l’ancien esprit qui créa l’homme au commencement et forma les deux sexes. Il est dit, dans un autre passage, que « Minhoa pétrit de la terre jaune pour en faire l’homme, et que c’est la vraie origine du genre humain ». Mémoires sur les Chinois, t. i, p. 104. Un lettré chinois a recueilli de nos jours tout ce qu’il a pu trouver dans les pagodes concernant les anciennes divinités. On y voit la création du premier homme par un être suprême, et l’unité du premier couple, ayant pour vêtement une ceinture de feuillage. Études religieuses, mars 1890, p. 448.

Les traditions sur l’origine de l’homme ont encore laissé des débris très reconnaissables dans le nouveau monde et chez bien des peuples sauvages. Nous en mentionnerons seulement quelques-uns. À Brownston (Pensylvanie), une pierre, dont l’enfouissement était d’une date antérieure à Christophe Colomb, portait entre autres figures deux formes humaines, un homme et une femme, celle-ci tenant des fruits à la main. Annales de la littérature et des arts, t. x, p. 280. Dans l’Île de Java, une antique pierre offre un sujet dont on ne peut méconnaître le sens : un homme et une femme se tiennent des deux côtés d’un arbre chargé de fruits, autour duquel s’enroule un serpent. Journal de la Société asiatique de Londres, juin 1832. Au Pérou, le premier homme s’appelle Alpa camasca, « terre animée. » Les Mandans (Amérique du Nord) disent que le Grand Esprit forma deux figures d’argile, qu’il dessécha et anima du souffle de sa bouche, et dont l’une reçut le nom de « premier homme », et l’autre celui de « compagne ». Le grand dieu de Taïti, Tæroa, forma l’homme avec de la terre rouge. — Les Dyaks de Bornéo croient aussi que l’homme a été modelé avec de la terre. — L’argile rouge, comme matière du corps du premier homme, se retrouve encore dans les traditions de la Mélanésie. — En Nouvelle-Zélande, Tiki la pétrit en y mêlant son propre sang. — Chez les Winnebagos, le grand Manitou prit un morceau de son corps et un morceau de terre, et fabriqua ainsi un homme. Voir Andrew Lang, La mythologie, p. 163, 169, Paris, 1886 ; Fr. Lenormant, op. cit., t. i, p. 22.

Ainsi les descendants d’Adam ont emporté sur tous les points du globe, en se dispersant, le souvenir de leur véritable origine, et l'énumération nécessairement incomplète que nous venons de faire des traditions qu’ils ont conservées est une confirmation de la véracité du récit de la Genèse.
E. Palis.
SECONDE PARTIE
LE PREMIER HOMME AU POINT DE VUE SCIENTIFIQUE

On nie aujourd’hui, au nom d’une fausse science, tout ce que l'Écriture nous enseigne sur le premier homme. Nous nous proposons de répondre brièvement à toutes les difficultés qu’on allègue contre les Livres Saints en traitant les trois questions suivantes :

1° Le premier homme lut-il un être intermédiaire entre l’animal et l’homme actuel ? 2° Fut-il un sauvage ? 3° À quelle époque fit-il son apparition?

I. L’origine animale de l’homme. — Pour les partisans du monisme, qui admettent avec toutes ses conséquences la théorie évolutionniste, et rejettent toute idée de création, il n’y a point eu à proprement parler de premier homme. La transformation qui a fini par donner à un ou plusieurs animaux placés dans des conditions favorables les traits qui nous distinguent, a été si insensible, qu’il est impossible non seulement de fixer la date de l’apparition de notre espèce, mais même de dire d’un individu qu’il en fut le premier représentant. Le principal adepte du darwinisme contemporain, Hteekel, nous le dit formellement : ce passage « a eu lieu avec une telle lenteur, qu’on ne peut en aucune façon parler d’un premier homme ».

Le célèbre professeur d’Iéna enseigne cependant que l’espèce qui précéda la nôtre, et à laquelle nous devons l’existence, appartenait à la famille des singes, la première de l’ordre des Quadrumanes. L’homme-singe, qu’on a appelé plus savamment le pithécanthrope ou Vanthropopithèque (de Mortillet), aurait vécu vers la fin de l'époque tertiaire, peut-être même plus tôt, d’après M. de Mortillet, qui lui attribue les silex soi-disant travaillés des couches miocènes de Thenay, près de Pontlevoy. C'était un anthropoïde, frère des anthropoïdes actuels, mais plus rapproché de l’homme par ses caractères anatomiques ou physiologiques ; car personne ne prétend plus aujourd’hui nous faire dériver des singes qui appartiennent à la faune contemporaine, tant est considérable la distance qui nous en sépare (fig. 23).

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23. — Crânes comparés de l’homme et de l’orang.

L’opinion de Darwin, auteur du système transformiste le plus en vogue, ne diffère pas sous ce rapport de celle de son disciple Hæckel. Lui aussi nous fait descendre d’un singe anthropomorphe. C'était, nous dit en résumé le naturaliste anglais, un mammifère velu, pourvu d’une queue et d’oreilles pointues, qui sans doute vivait sur les arbres et habitait l’ancien continent.

Il faut le dire, tous les adversaires de la création de l’homme ne nous font pas descendre du singe. Il semble qu’aux yeux d’un grand nombre ce soit nous faire trop d’honneur encore que de nous attribuer cette origine : c’est à un étage inférieur, tout au plus parmi les marsupiaux ou les didelphes, qu’ils vont chercher nos ancêtres. Du moins reconnaissent-ils que les lois qui président au développement général des êtres s’opposent à ce que nous dérivions d’un quadrumane quelconque. De cet avis sont les professeurs Huxley, d’Angleterre ; Filippi, d’Italie, et Vogt, de Genève, bien que ce dernier ait semblé parfois nous attribuer pour ancêtre le singe actuel, et qu’un jour, peut-être dans un moment d’humeur, il se soit laissé aller à dire qu’il aimait mieux être « un singe perfectionné qu’un Adam dégénéré ».

C’est donc à l’origine animale de l’homme plutôt qu'à son origine proprement simienne que nous avons affaire. Ce point importe assez peu du reste ; car, quelles que soient les divergences de vues qui les séparent relativement à la généalogie humaine, nos adversaires n’en recourent pas moins aux mêmes arguments quand il s’agit de démontrer leur thèse générale : la dérivation de l’homme d’un type inférieur. Nous pouvons donc emprunter ces arguments à Darwin lui-même, le chef du parti.

Ces prétendues preuves sont de trois sortes. Elles consistent : 1° dans la conformation générale du corps de l’homme ; 2° dans le développement de l’embryon humain ; 3° dans la présence chez l’homme d’organes rudimentaires. Exposons-les brièvement.

Première objection. — « Il est notoire, dit Darwin, que l’homme est construit sur le même type général, sur le même modèle que les autres mammifères. Tous les os de son squelette sont comparables aux os correspondants d’un singe, d’une chauve-souris ou d’un phoque. Il en est de même de ses muscles, de ses nerfs, de ses vaisseaux sanguins et de ses viscères internes. Le cerveau, le plus important de tous, suit la même loi… L’homme, a dit Bischoff, est bien plus près des singes anthropomorphes par les caractères anatomiques de son cerveau que ceux-ci ne le sont non seulement des autres mammifères, mais même de certains quadrumanes, des guenons et des macaques. »

L’homme, ajoute Darwin, a les mêmes maladies que ces animaux inférieurs. Il peut en recevoir et leur communiquer la rage, la variole, la morve, etc., « lait qui prouve bien évidemment la grande similitude de leurs tissus et de leur sang. » Les singes sont sujets à un grand nombre d’autres maladies : le catarrhe et la phtisie, par exemple. Ils partagent nos goûts pour le café, le thé, les liqueurs spiritueuses. On en a vu s’enivrer avec de l’eaude-vie, du vin et de la bière forte. « Ces faits prouvent, nous dit-on, combien les nerfs du goût sont semblables chez l’homme et chez les singes, et combien le système nerveux entier est similairement affecté. »

Deuxième objection. — « L’homme se développe d’un ovule qui ne diffère en rien de celui des autres animaux. L’embryon lui-même, à une période précoce, peut à peine être distingué de celui des autres membres du règne des vertébrés. » En preuve de ce qu’il avance, Darwin donne une double figure représentant l’embryon de l’homme et celui du chien, lesquels ne diffèrent guère que par le développement inégal de certaines parties.

Le naturaliste anglais ajoute, — et ses disciples ont insisté plus encore que lui sur cet argument, — que l’embryon humain présente des analogies successives des plus marquées, au fur et à mesure de son développement, avec diverses classes d’animaux, en commençant naturellement par les inférieures.

Troisième objection. — Les organes appelés rudimentaires, ou simplement rudiments, par Darwin sont des organes inutiles et généralement peu développés, dont la présence ne s’explique, d’après lui, que parce que l’homme en a hérité d’ancêtres chez qui, au contraire, ils étaient développés et avaient leur raison d'être. Plusieurs muscles seraient dans ce cas, entre autres ceux qui chez les animaux servent à mouvoir l’oreille externe, et qui chez les orangs et les chimpanzés sont déjà hors d’usage et atrophiés. La troisième paupière ou membrane nictitante, qui permet aux oiseaux de recouvrir rapidement le globe de l'œil, existe également à l'état rudimentaire chez l’homme, ainsi que chez les quadrumanes et la plupart des mammifères. On pourrait en dire autant de l’odorat, qui rend de si grands services à certains animaux, soit en les avertissant du danger (ruminants), soit en leur permettant de découvrir leur proie (carnivores), et qui chez l’homme est presque sans usage. Les poils éparpillés sur le corps de l’homme, le duvet laineux dont le fœtus humain est entièrement recouvert au sixième mois, seraient également un reste du tégument pileux des animaux dont nous dérivons. L’appendice vermiforme du cæcum, espèce de cul-de-sac aujourd’hui sans utilité, nuisible même, puisqu’il est la cause de quelques maladies, serait aussi un vestige et un témoin du même organe, très développé cette fois, qui existe chez certains mammifères herbivores, où il a sa fonction à remplir. Le squelette nous fournit des faits de même nature, soit dans l’os coccyx, qui représente chez nous la queue des mammifères, soit dans une perforation qu’on rencontre accidentellement dans l’humérus humain, surtout chez les races anciennes, et qui existe normalement chez le singe. Pour comprendre ces anomalies, « il suffit, dit Darwin, de supposer qu’un ancêtre reculé a possédé les organes en question à l'état parfait, et que, sous l’influence d’un changement dans les habitudes vitales, ils ont tendu à disparaître par défaut d’usage ou par suite de la sélection naturelle ». La descendance de l’homme, t. I, p. 32.

Réponse. — Nous avons résumé aussi fidèlement que possible, et sans rien leur ôter de leur force, les arguments que Darwin apporte à l’appui de la théorie transformiste appliquée à notre espèce ; nous n’avons point l’intention d’y répondre en détail. L’espace nous manque pour le faire, et ce serait chose assez inutile. Nos lecteurs ont dû se dire, en effet, en parcourant ce rapide exposé, qu’il n’y avait rien là de bien nouveau, que la ressemblance physique de l’homme avec l’animal était chose connue depuis longtemps, et de nature à faire ressortir encore davantage l’infinie supériorité de l'âme humaine, puisque, avec des organes presque semblables, notre espèce s’est élevée à une immense hauteur au-dessus de la bête. Un mot cependant sur chacun des groupes d’arguments invoqués par Darwin.

1° D’abord, le naturaliste exagère à dessein notre ressemblance extérieure avec l’animal. Anatomiquement, l’homme est un mammifère, et rien de plus ; il y a longtemps que nous le savions. « Encore que nous ayons quelque chose au-dessus de l’animal, avait dit Bossuet, nous sommes animaux. » Chaque os de notre squelette a son analogue dans le squelette du singe. Il n’en est pas moins vrai que tous ces os ont leur caractère propre, leur facies, qui permettra à un anatomiste expérimenté de les reconnaître à première vue. Et ce n’est là que le moindre des traits physiques qui nous distinguent. Seul parmi les mammifères, l’homme est organisé pour l’attitude verticale ; seul il est à la fois bimane et bipède. Sa dentition et la nudité de sa peau le distinguent encore du singe, dont les canines sont de véritables défenses, et dont la peau est remarquablement velue, surtout à la partie dorsale, qui chez nous est la plus dépourvue de poils. Comment expliquer, — pour le dire en passant, — le fait de la disparition de ce tégument pileux, qui, suivant les transformistes, eût protégé notre ancêtre contre l’intempérie des saisons ? La doctrine darwiniste prétend expliquer, il est vrai, l’acquisition des variations utiles ; mais on reconnaîtra que celle-ci n’est point du nombre. Cette nudité est si peu un progrès pour l’homme, que sous tous les climats il se croit obligé d’y suppléer par l’usage des vêtements. Logiquement, Darwin aurait dû faire descendre le singe de l’homme plutôt que l’homme du singe.

C’est bien à tort aussi qu’il cherche dans le cerveau un argument à l’appui de sa théorie. Le poids du cerveau, comparé à celui du corps, est trois lois plus considérable chez l’homme que chez le singe. Les circonvolutions sont également plus profondes, et, chose remarquable, les circonvolutions se développent dans un ordre inverse dans les deux cas. Chez nous, elles apparaissent d’abord sur le front, tandis que chez le singe celles du lobe moyen se dessinent en premier lieu. Les darwinistes n’ont pu encore expliquer cette anomalie, qui dénote une origine toute différente. « Il est évident, surtout d’après les principes les plus fondamentaux de la doctrine darwiniste, observe M. de Quatrefages, qu’un être organisé ne peut descendre d’un autre être dont le développement suit une marche inverse de la sienne propre. Par conséquent, l’homme ne peut, d’après ces mêmes principes, compter parmi ses ancêtres un type simien quelconque. » L’espèce humaine, p. 81.

Il est permis après cela de négliger les autres traits caractéristiques de notre espèce. Il faut croire néanmoins qu’ils sont bien accusés, puisque Cuvier et les autres naturalistes, qui dans le classement général des êtres n’ont tenu compte que des caractères extérieurs, ont été entraînés à faire de l’homme non seulement un genre, mais tout au moins une famille, même un ordre à part. Est-il dans la nature un seul autre être duquel on puisse en dire autant ?

Cette simple observation me semble constituer une réponse suffisante à ceux qui, dans notre camp comme dans le camp adverse, prétendent qu’on ne peut, sans manquer à la logique, appliquer le transformisme aux animaux sans l'étendre à l’homme lui-même. Tous les animaux sont reliés d’assez près les uns aux autres, surtout depuis que la paléontologie est venue, en associant les espèces fossiles aux espèces actuelles, combler un grand nombre de lacunes qui existaient jusque-là dans la série générale des êtres. Peu d’espèces constituent à elles seules autant de genres distincts, et celles qui sont dans ce cas s’associent à d’autres genres pour former des familles, et à des familles pour former des ordres. Seul l’homme fait exception à cette règle, et, nous le verrons, la paléontologie n’a fait que confirmer son isolement. Que serait-ce si nous prenions en considération ses facultés intellectuelles ! Alors ce ne serait plus seulement une famille ou un ordre isolé qu’il constituerait, mais bien un règne, puisque la raison, qui le distingue, ne l'élève pas moins au-dessus de l’animal que la sensibilité, qui distingue ce dernier, ne l'élève au-dessus de la plante.

Nous jugeons inutile de relever les considérations de Darwin relatives à l’identité des maladies qui atteignent l’homme et l’animal, et à l’identité des remèdes qui les guérissent. Pour s'étonner de ces traits de ressemblance, il faudrait oublier que tous les êtres organisés ont été créés suivant un même plan général, et obéissent aux mêmes lois physiologiques.

2° L’argument puisé dans le développement embryonnaire nous touche peu. Il est vrai que l’homme débute par un ovule, comme tous les animaux ; si l’on en croyait Hæckel, l’embryon humain, en se développant, serait même tour à tour zoophyte, poisson, batracien, reptile et mammifère ; mais ces prétendus états successifs sont plus que contestables, et, s’ils étaient réels, ils seraient sans portée au point de vue de l’origine de l’homme.

D’abord ils sont contestables. Il ne suffit pas, en effet, que Hæckel les affirme pour que nous en soyons convaincu. Nous savons que la bonne foi n’est pas la qualité dominante du naturaliste d’outre-Rhin. Il est aujourd’hui avéré que, pour rendre plus frappante la ressemblance des embryons de l’homme et de l’animal, il a altéré gravement les dessins qui ont la prétention de les représenter dans l’un de ses livres. Il y a longtemps qu’on en a fait l’observation en Allemagne. À son tour, le docteur Jousset constate « une énorme différence » entre l’embryon humain figuré dans son livre et celui qui est représenté dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. Il ajoute que l’embryon du poulet, qu’il rapproche du précédent, présente un développement et des « bourgeons rudimentaires » qu’il n’a point en réalité, mais qui ont pour résultat d’accentuer sa ressemblance avec l’embryon humain. » Évolution et darwinisme, p. 112. On voit si nous avons nos raisons pour ne pas croire sur parole le professeur d’Iéna !

Au jugement des naturalistes les plus compétents, les similitudes invoquées sont purement illusoires. Qu’il y ait certaines analogies entre les états successifs que revêt l’embryon et les divers groupes de la série animale, nous ne songeons point à le contester, et c’est chose toute naturelle, puisque dans l’un et l’autre cas il y a progrès du simple au composé ; mais de l’analogie à une complète ressemblance il y a loin. « À aucun moment de son existence, enseigne un célèbre anatomiste, Gratiolet, l’homme ne ressemble à une autre espèce… À toutes les époques de la vie fœtale, l’homme est homme en puissance, des caractères définis le distinguent. » Anatomie comparée du système nerveux, p. 251. « Les formes de l’embryon ont un rapport admirable avec les formes futures, dit le même anatomiste ; elles se compliquent, il est vrai, mais suivant un mode spécifique ; à toutes les époques, en un mot, l’homme futur se devine… Une différence fondamentale distingue notamment les formes primitives de l’encéphale de l’homme à l'état d’embryon de celles que présentent les animaux inférieurs arrivés à leur terme définitif ; elle consiste dans ces incurvations particulières à l’axe nerveux du capuchon céphalique de l’embryon… À aucune époque, le cerveau de fœtus humain n’est absolument semblable à celui d’aucun singe, loin de là ; il en diffère d’autant plus qu’on se rapproche davantage du moment où ses premiers plis apparaissent. » Ibid., p. 248, 253.

Bien que ce soient là des faits et non de pures impressions personnelles, on pourrait objecter que Gratiolet s'était laissé influencer par ses préjugés favorables à la fixité de l’espèce et à la supériorité de la nature humaine. On ne fera pas le même reproche à Cari Vogt, un des coryphées de l'évolutionnisme et de la libre pensée ; or Carl Vogt proteste plus énergiquement encore que Gratiolet contre les prétendues similitudes de l’embryon humain et des animaux inférieurs. « On a supposé, dit-il, que les embryons doivent parcourir en abrégé les mêmes phases qu’a parcourues la souche pendant son développement à travers les époques géologiques. Cette loi, que j’avais crue bien fondée pendant longtemps, est absolument fausse par sa base. Une étude attentive de l’embryogénie nous montre, en effet, que les embryons ont leurs harmonies relatives à eux, bien différentes de celles des adultes. » Comme exemple, le professeur de Genève cite la prétendue forme de poisson que revêt transitoirement l’embryon du mammifère, et il remarque qu' « un être pareil n’aurait pu vivre », attendu que l’embryon n’a dans cet état « ni intestins, ni organes locomoteurs, ni cerveau, ni organes des sens propres à exercer leurs fonctions ». Revue scientifique, 16 octobre 1886.

Ceux donc qui ont prétendu que l’embryon humain représente tour à tour les divers groupes de la série animale, en commençant par l’embranchement des zoophytes, ont été le jouet de leur imagination. Sans doute, il y a progrès dans la vie fœtale ; par suite, il y a passage par une série de phases qui ne sont pas sans rappeler l'échelle ascendante qu’on remarque dans la nature ; mais jamais l'être humain ne ressemble identiquement à un autre être. Du reste, si telle était la réalité, on se demande ce que cela prouverait au point de vue de l’origine de l’homme. Quel rapport nécessaire y a-t-il donc entre ces états transitoires et les prétendues phases par lesquelles notre espèce aurait passé antérieurement ? On serait d’autant moins autorisé à conclure des uns aux autres, que, de l’aveu d’un transformiste qui est en même temps un éminent géologue, M. Albert Gaudry, « la paléontologie, qui doit être interrogée tout d’abord en pareille matière, n’est pas loin d’avoir fait la preuve que le mammifère ne descend point du reptile, ni le reptile du poisson. »

3° Les organes rudimentaires nous retiendront moins longtemps. On peut dire de ces organes ce que nous avons dit des prétendues phases embryonnaires : ils n’ont ni l’importance ni la signification qu’on leur attribue. Leur présence chez l’homme s’explique par cette simple considération que tous les êtres organisés sont soumis aux mêmes lois physiologiques.

L’argument qu’on nous oppose a le défaut de trop prouver. Les organes rudimentaires sont si nombreux et de nature si diverse chez l’homme, ils se rapprochent à cet égard de tant d’animaux chez qui ils ont leur complet développement, que, s’ils supposaient une identité d’origine, il faudrait en conclure que l’homme a passé antérieurement par toutes les classes de l’embranchement des vertébrés. Or qui croira, par exemple, qu’il compte des oiseaux parmi ses ancêtres, parce qu’il possède à l'état embryonnaire leur membrane nictitante ? On aboutirait à des conséquences plus étranges encore, si l’on s’obstinait à voir dans ces rudiments un reste d’organes développés et utilisés dans un état antérieur. Les mamelles atrophiées que possèdent les mâles dans la classe des mammifères sont au premier chef des organes rudimentaires, et les plus saillants de tous. Faudra-t-il donc en conclure que les mâles ont jadis été des femelles ? Ces rudiments d’organes sont communs chez les animaux, et jusqu’ici l’idée n'était pas venue d’y voir des vestiges d’un état antérieur. C’est ainsi que l’embryon de la baleine possède des dents qui ne parviennent pas à percer les gencives. Il en est de même des incisives dont est muni le veau à l'état fœtal. Est-ce à dire que la baleine et le bœuf aient passé par des états antérieurs où ils avaient les dents qui leur manquent aujourd’hui ? Les transformistes eux-mêmes oseraient à peine l’affirmer.

La perforation olécranienne de l’humérus alléguée par Darwin n’a point, en tout cas, la signification que lui attribue le naturaliste anglais. De l’aveu d’un anthropologiste peu suspect, M. Georges Hervé, elle ne peut être considérée comme un caractère simien propre à certaines races inférieures. « On la rencontre aussi souvent parmi les races supérieures que parmi les inférieures, et son existence est tout aussi variable chez les animaux, » Dictionnaire des sciences anthropologiques, article Homme. Le même auteur observe ailleurs, Précis d’anthropologie, p. 290, que cette perforation est beaucoup plus rare dans les sépultures mérovingiennes que dans les sépultures modernes. Il est donc faux de dire avec le commun des transformistes qu’elle est d’autant plus fréquente, qu’on se rapproche davantage de l’origine de l’homme. Comme les phases de la vie embryonnaire, les organes rudimentaires prouvent une fois de plus qu’un plan général a présidé à la création. Ils ne prouvent pas autre chose.

On voit que de tous les arguments invoqués par Darwin à l’appui de sa thèse, aucun n’a la portée que leur attribue leur auteur. On ne saurait donc être surpris que l’ouvrage qui en contenait le développement, le traité de la Descendance de l’homme, ait causé un certain désappointement parmi les transformistes. « Nous nous étions imaginé que ce livre était d’une beaucoup plus grande importance, » écrivait peu après son apparition un admirateur du naturaliste anglais. « Nous ne serions pas impartial vis-à-vis de nos lecteurs, si nous ne confessions que ces volumes ne sont sous aucun rapport comparables à n’importe lequel des livres précédents de M. Darwin… En ce qui concerne l’origine de l’homme, ils contiennent moins que nous n’en avions attendu, et les preuves qu’ils apportent à l’appui de cette thèse sont à peine plus fortes que celles que nous connaissions auparavant. » The popular science Review, juillet 1871, p. 292 ; cf. Lecomte, Le darwinisme et l’origine de l’homme, p. 222.

Il y aurait eu pour Darwin un autre moyen de prouver sa thèse : c’eût été de nous montrer dans les couches superficielles du globe le squelette fossile de l’un de ces anthropoïdes qui furent, dans sa théorie, les précurseurs de notre espèce. Le célèbre naturaliste n’a garde de recourir à cet argument. Il sait bien que la paléontologie n’a rien révélé de cette sorte. Il n’ose même poser la question, dans la crainte que la réponse ne soit fatale à son système. N’est-il pas étrange, en effet, qu’aucun des nombreux chaînons qui dans ce système doivent relier l’homme aux animaux inférieurs n’ait pu encore être retrouvé, et que les partisans de l’origine animale de notre espèce soient réduits à faire vivre nos précurseurs plus ou moins simiens sur un continent aujourd’hui submergé ! Que penser d’une théorie qui, obligée pour se soutenir de faire appel à l’inconnu, ne repose que sur des conjectures et des hypothèses aussi gratuites ?

Les transformistes ont pu croire un moment qu’ils avaient mis la main sur un de ces précieux chaînons si ardemment, mais si vainement cherchés. Les restes très incomplets d’un grand singe avaient été découverts en 1856 dans le midi de la France. Le paléontologiste Édouard Lartet trouva à cet anthropoïde, qu’on baptisa du nom de Dryopithèque, des caractères supérieurs à ceux des anthropoïdes actuels. On se hâta d’en conclure qu’on avait enfin découvert l’un des ancêtres de l’homme. Malheureusement pour les théoriciens de l'école transformiste, une nouvelle mâchoire du même animal, plus complète et mieux conservée que la précédente, a été découverte récemment dans les terrains miocènes de Saint-Gaudens. M. Albert Gaudry, auquel elle a été communiquée, et qui l’a minutieusement décrite dans un savant mémoire lu à la Société géologique de France, n’hésite pas à reconnaître que l’animal auquel elle a appartenu était très inférieur aux grands singes actuels. M. Gaudry a d’autant plus de mérite à en faire l’aveu, que dans une publication antérieure il avait émis l’idée que c'était peut-être au Dryopithèque qu’on devait la taille des silex, en apparence travaillés, qu’on a découverts dans les terrains tertiaires. « Aujourd’hui, devenu un peu moins ignorant, ajoute avec une franchise qui l’honore le savant paléontologiste, je ne tiendrais plus le même langage. À en juger par l'état de nos connaissances, il n’y avait en Europe, dans les temps tertiaires, ni un homme ni aucune créature qui se rapprochât de lui. Puisque le Dryopithèque est le plus élevé des grands singes fossiles découverts jusqu'à ce jour, nous devons reconnaître que la paléontologie n’a pas encore fourni d’indice d’enchaînement entre l’homme et les animaux. »

On le voit, l’anneau qui doit relier l’homme à l’animal est toujours à trouver. Les progrès de l’anthropologie, loin de mettre sur la voie de ce précieux chaînon, autorisent de plus en plus à douter de son existence. Quelques-uns des anthropologistes les plus favorables à la thèse darwinienne ne font pas difficulté de le reconnaître. « Il semblait en 1869, dit l’un d’eux, que rien ne serait plus facile que de démontrer la descendance de l’homme du singe ou d’un autre mammifère. Il a fallu beaucoup rabattre de ces espérances, et à l’heure actuelle nous ne voyons même pas la possibilité d'établir la filiation des races les unes des autres. Quant au précurseur de l’homme, il reste plus que jamais à l'état d’hypothèse ; et nous savons actuellement que les hommes des âges préhistoriques ne se rapprochaient pas davantage des singes que les races actuelles. » Léon Laloy, dans l’Anthropologie, août 1890.

La logique demanderait peut-être que l’on renonçât une fois pour toutes à appliquer à notre espèce l’hypothèse darwinienne ; mais alors il faudrait s’incliner devant le fait de la création, et cette concession répugne au rationalisme moderne. Qu’on n’aille pas du moins nous imposer au nom de la science une théorie que la science condamne !

Ce n’est pas seulement la paléontologie qui vient à l’encontre du système évolutionniste appliqué à notre espèce, c’est le principe même du transformisme darwinien. Un ami de Darwin, Wallace, l’a reconnu. À elle seule, dit-il, la sélection naturelle, qui est la base de ce système, est impuissante à expliquer l’origine animale de l’homme. Et il le prouve. La sélection explique sans doute le développement et la conservation des caractères d’une utilité immédiate et personnelle ; mais toutes les variations qu’a éprouvées l’homme, dans l’hypothèse darwinienne, pour passer de l'état simien à l'état actuel, n'étaient pas de cette nature. Quelques-uns étaient inutiles ou même nuisibles. Quel avantage avait, par exemple, l’anthropopithèque qui donna naissance à l’homme à se défaire du tégument pileux qui le recouvrait ? « Le pelage protège l’individu contre le froid et contre la pluie… Il aurait été très utile au sauvage d'être protégé de même. Cela est si vrai, que les populations infimes ont toutes imaginé quelque vêtement pour se couvrir… La sélection naturelle n’a donc pu produire la nudité du corps de l’homme. » Revue scientifique, 23 août 1890 ; cf. de Valroger, La genèse des espèces, p. 108-123.

On en peut dire autant, d’après Wallace, de la main et du larynx, qui présentent chez le sauvage une perfection qui n’est point en rapport avec le parti qu’il en tire, et ne peut dès lors s’expliquer par la sélection naturelle. Même observation au sujet de la transformation de la main postérieure du singe en pied. Cette transformation est loin d'être un progrès. « Il eût été très utile au sauvage de conserver cette main postérieure, dont la disparition est bien difficile à expliquer par la sélection naturelle. »

Pour rendre compte de l’acquisition de caractères de cette nature, Wallace est obligé de recourir à une sélection artificielle, dont l’agent eût été un « être supérieur », sur le compte duquel il ne s’explique pas clairement, mais qui eût « guidé la marche de l’espèce humaine dans une direction définie et pour un but spécial, tout comme l’homme guide celle de beaucoup de formes animales et végétales. » La sélection naturelle, trad. franc., p. 377. C’est reconnaître avec M. de Quatrefages qu’il est impossible d’expliquer l’apparition de notre espèce « sans sortir du domaine exclusivement scientifique, c’est-à-dire en s’en tenant à ce qu’enseignent l’expérience et l’observation ». L’espèce humaine, p. 65. Quand on en est là, le mieux n’est-il pas de revenir à la croyance traditionnelle, basée sur le récit biblique de la création ?

II. État social du premier homme. — La science ne prouve point que l’homme provient d’une forme inférieure. Elle ne prouve pas même, quoi qu’en dise l'école évolutionniste, que les premiers hommes aient été des sauvages. À l’appui de son assertion cette école invoque : 1° la grossièreté de l’outillage primitif ; 2° la conformation plus ou moins simienne des squelettes humains considérés comme les plus anciens. Suivons-la sur ce double terrain.

Grossièreté de l’outillage primitif.

Il est très vrai que l’outillage des premiers habitants de l’Europe occidentale, les seuls dont il soit ici question, était loin d'être à la hauteur du nôtre. Il se réduisait, il n’est plus permis d’en douter, à l’usage exclusif de la pierre, de l’os et du bois. Nul métal n'était alors connu, ni surtout utilisé. Aussi n’en a-t-on jamais découvert une parcelle dans un terrain évidemment quaternaire et vierge de tout remaniement. Au contraire, dans un bon nombre de localités, sur les bords de la Saône notamment, comme aussi dans les grottes de la Charente et du midi de la France, on a trouvé le métal nettement superposé à la pierre. Il faut donc le reconnaître sans hésitation, cette dernière industrie fut certainement, du moins dans nos contrées, antérieure à la première. En d’autres termes, il y a eu chez nous un âge de la pierre.

Ce qui est contestable, c’est que cet âge de la pierre suppose forcément un état de sauvagerie absolue. L’absence des métaux n’est point incompatible avec un certain degré de civilisation. L’ethnographie nous offre plus d’un exemple d’une pareille association. Elle nous montre chez certains peuples, dont l’industrie est des plus rudimentaires, des idées morales et religieuses relativement élevées. Nulle peuplade n’est peut-être plus remarquable à cet égard que les Mincopies, ces sauvages habitants des îles Andaman. Rien de plus rudimentaire que leur industrie, laquelle se réduit, nous dit M. de Quatrefages, Les pygmées, in-12, 1887, à l’usage exclusif du bois, des coquilles recueillies sur la plage, et de la pierre éclatée au feu. Infiniment plus barbares à ce point de vue que ne l'étaient les habitants de nos contrées à l'époque quaternaire, ils ne savent ni tailler la pierre ni allumer le feu, quand une fois il s'éteint. Et cependant ils ont une religion, des principes de moralité et des connaissances traditionnelles qui les élèvent bien au-dessus de la plupart des peuples sauvages ou simplement barbares. Loin de vivre dans un état de promiscuité toute bestiale, comme on l’a prétendu, ils sont monogames et d’une grande sévérité de mœurs. Quant à leurs croyances par rapport à la vie future et à l’origine du monde et de l’homme, elles se rapprochent étonnamment de l’enseignement chrétien à cet égard. On en peut dire autant des Négritos de la presqu'île de Malacca. Eux aussi savent allier à une industrie des plus grossières des connaissances qui empêchent de confondre leur état avec la véritable sauvagerie.

S’il en est ainsi de ces populations prises, ce semble, au dernier degré de l'échelle sociale, à plus forte raison est-il permis de croire que la barbarie de nos prédécesseurs de l'époque quaternaire n'était ni aussi profonde ni aussi abjecte qu’on s’est plu à le dire. Leur industrie était, en effet, bien supérieure à celle des Mincopies. Eux du moins savaient travailler la pierre, et ils la travaillaient avec assez d’habileté pour que nous ayons peine à faire aussi bien qu’eux, même à l’aide de nos instruments en métal. D’un rognon de silex ou d’un bloc de quartz, ils détachaient à volonté une hache, un couteau, une scie, un grattoir, une pointe de lance ou de flèche. Avec un os, ils fabriquaient des harpons, des flèches barbelées, des poinçons, même des aiguilles : ce qui prouve que l’homme usait dès lors de vêtements. Son industrie s'étendait plus loin encore. Au besoin il devenait artiste, et artiste de talent. Il nous a laissé en diverses localités, notamment dans les grottes du Périgord, des preuves manifestes de son habileté comme graveur et comme sculpteur. Il a su représenter avec une grande exactitude la plupart des animaux qui l’entouraient. Quelques-uns de ces portraits révèlent un talent d’imitation dont serait fier un artiste de nos jours (fig. 24). Assurément il n’y a rien là qui dénote une barbarie très profonde.


24. — Renne, grand ours et mammouth gravés sur os ou sur pierre à l'époque quaternaire.

On dira, il est vrai, que ce travail perfectionné date seulement de la fin des temps quaternaires, de l'époque dite magdalénienne, et qu’il ne faut pas le confondre avec l’industrie très rudimentaire de l'époque chelléenne, la première des quatre subdivisions proposées par M. de Mortillet pour la période quaternaire.

À cela nous répondrons que les haches ovales ou en amande de la prétendue époque chelléenne sont déjà très supérieures aux outils en pierre en usage chez certaines peuplades sauvages, telles que les Mincopies. De plus, on ne parviendra pas à nous convaincre que l’homme qui les a fabriquées ait été réduit à ce seul outil, si outil il y a ; car on ignore encore à quel usage elles étaient affectées, et l’ethnographie ne signale rien de pareil dans l’outillage des sauvages de l'époque actuelle. Si elles existent seules ou presque seules dans certains gisements, c’est sans doute qu’elles y étaient l’objet d’une fabrication spéciale ; mais rien n’empêche qu'à la même époque on ait travaillé la pierre d’une autre façon dans une localité voisine. Il faut même de toute nécessité admettre cette contemporanéité au moins de quelques-uns des divers types de l'époque quaternaire, si l’on ne veut être entraîné à cette conséquence impossible à admettre, que l’homme n’a guère eu à la fois qu’un instrument à sa disposition : la hache d’abord, le grattoir ensuite, la flèche en troisième lieu, et enfin le couteau. Comme s’il lui avait fallu traverser trois longues périodes avant de découvrir qu’une lame de silex pouvait être utilisée comme instrument tranchant !

Le mieux est donc de considérer tous les produits de l’industrie humaine à l'époque quaternaire comme à peu près contemporains. Or, envisagé ainsi dans son ensemble, cet outillage laisse bien loin derrière lui celui de la plupart des sauvages de notre temps. Il faut en conclure que l’homme de cette époque leur était moralement et socialement supérieur. Le fait même que cet homme a progressé, qu’il a triomphé dans sa lutte contre les animaux qui l’entouraient, qu’il a développé son outillage et son industrie, prouve à lui seul qu’il n'était point absolument sauvage ; car, M. Renan l’avoue et l’histoire entière l’atteste, on n’a jamais vu un peuple sortir par lui-même de l'état sauvage. On peut dire que l’homme primitif était un barbare, on ne peut, sans manquer à la vérité, le qualifier de sauvage.

Après tout, on ne saurait juger de l'état de l’homme véritablement primitif par celui de l’homme quaternaire de nos contrées. Ce serait, en effet, aller contre toutes les traditions et toutes les vraisemblances, contre les déductions même de la linguistique, de l’ethnographie et des sciences naturelles, que de prétendre que l’humanité a pris naissance en Europe. Il n’est pas douteux qu’elle ne vienne d’Asie. Si donc on veut juger de son état social, de sa nature et de son industrie dans les temps qui suivirent immédiatement son apparition, c’est là qu’il faut aller l’étudier. Or, à notre connaissance, une seule fois on a constaté sur le sol asiatique la superposition nettement marquée de diverses industries : c’est à Hissarlik, sur l’emplacement présumé de l’ancienne Troie. Schliemann, l’auteur de ces fouilles restées célèbres, nous dit y avoir rencontré superposées les ruines de sept Civilisations distinctes. Or, bien loin qu’il y ait progrès de la base au sommet, c’est le contraire qui a lieu, au moins à partir de la seconde couche. Cette découverte, sur laquelle les évolutionnistes affectent de fermer les yeux, est cependant des plus significatives. À elle seule elle nous donne une idée plus vraie de la marche générale de la civilisation que toutes les découvertes qui ont été faites dans notre Occident, non seulement parce qu’elle nous montre plus d’industries superposées, mais aussi parce que, étant plus rapprochée du berceau de l’humanité, elle plonge nécessairement plus loin dans le passé, et nous retrace les mœurs d’un peuple qu’il est bien permis cette fois de considérer comme primitif, à cause de son voisinage du lieu qui vit apparaître notre espèce.

Nature des fossiles humains. — La grossièreté de l’outillage à l’époque quaternaire ne prouve donc point que le premier homme ait été un pur sauvage, encore moins qu’il ait eu l’origine animale que l’école darwinienne se plaît à lui attribuer. — La nature des débris humains fossiles le prouve-t-elle davantage ?

Le nombre des ossements humains qui méritent d’être appelés fossiles, c’est-à-dire qui remontent au moins à l’époque quaternaire, est loin d’être aussi considérable qu’on l’avait prétendu au début des études préhistoriques. Ceux mêmes qui prétendent avec M. de Mortillet que l’homme, ou plutôt son précurseur, est apparu dès l’époque tertiaire, reconnaissent qu’on n’a encore découvert aucun débris humain remontant authentiquement à cette époque : ce qui ne les a pas empêchés de décrire minutieusement et de répartir en espèces distinctes cet ancêtre tertiaire, qu’ils ont décoré du nom d’Anthropopithèque. Pour ceux qui, comme nous, s’en tiennent uniquement aux faits, l’homme quaternaire est donc seul en cause.

On pourrait citer au moins une quarantaine de localités où l’on a découvert des squelettes ou fragments de squelettes humains remontant en apparence à l’époque quaternaire. Malheureusement, la plupart de ces débris humains avaient, aux yeux de nos évolutionnistes, le défaut de trop ressembler à l’homme actuel. Pour ce motif, M. de Mortillet en a éliminé les trois quarts ; il n’en a retenu que neuf, naturellement ceux qui avaient les formes désirées et tendaient à confirmer l’origine animale de notre espèce. Les pièces auxquelles il a réservé cet honneur comprennent six crânes, deux mâchoires et un squelette à peu près entier. Les crânes ont été trouvés à Canstadt (Wurtemberg), à Néanderthal (Prusse rhénane), à Eguisheim (Alsace), à Brux (Bohême), à la Denise (près du Puy-en-Yelay), et dans la tranchée de l’Olmo (Italie) ; les mâchoires, dans les grottes de la Naulette (Belgique) et d’Arcy-sur-Cure (Yonne) ; enfin le squelette, à Laugerie-Basse (Dordogne). Jetons sur chacun de ces précieux débris un rapide coup d’œil au point de vue de l’authenticité et de la forme.

Le crâne de Canstadt, le plus anciennement recueilli, puisque sa découverte remonte à l’an 1700, fut trouvé dans la localité de ce nom, tout près de Stuttgart, associé, nous dit-on, à des os d’éléphant, d’ours et d’hyène. Les évolutionnistes, qui l’ont acclamé à cause de sa forme passablement grossière, sont obligés de reconnaître que des doutes sérieux planent sur son authenticité. « On croit maintenant à Stuttgart, dit un admirateur de M. de Mortillet, M. Ph. Salmon, qu’il n’était pas dans le sein du gisement quaternaire, et qu’il a été trouvé dans les éboulis de la falaise avec de la poterie. » Dictionnaire des sciences anthropologiques, art. Races humaines. Or c’est un dogme, en préhistoire, que la poterie n’était point encore connue à l’époque quaternaire. La conclusion, c’est qu’il faut écarter le crâne de Canstadt, puisqu’il est convenu qu’on ne prend en considération que ceux dont l’authenticité est hors de doute. M. de Mortillet n’était pas loin de le reconnaître, lorsque, contrairement à M. de Quatrefages, il a refusé d’en faire le type de la race primitive, et qu’il a réservé cet honneur au crâne de Néanderthal.

L’origine quaternaire de ce dernier présente-telle beaucoup plus de garanties ? Il est permis d’en douter. Il fut recueilli, en 1856, auprès de Dusseldorf, dans une alluvion argileuse qui, nous dit-on, a fourni quelques débris d’espèces quaternaires. C’est possible, mais il convient d’ajouter qu’on a aussi trouvé de la pierre polie dans la même alluvion ; ce qui tend à la rapporter à l’époque actuelle. De plus, rien ne prouve qu’on n’ait pas affaire à une sépulture ordinaire. Le cadavre auquel appartenait lé crâne en question gisait, régulièrement allongé, à deux pieds seulement de profondeur, comme celui d’une personne inhumée. Or, s’il s’agit d’une inhumation, l’association avec les espèces fossiles ne prouve plus rien. Aujourd’hui encore nous enterrons parfois nos morts dans des terrains riches en fossiles des diverses époques géologiques. Le chercheur futur qui constatera cette association sera-t-il donc autorisé à en déduire la contemporanéité de l’homme et des espèces animales dont les débris accompagnent les siens ?

Nous pourrions donc récuser le crâne de Néanderthal aussi bien que celui de Canstadt. Mais faisons à nos adversaires la concession de reconnaître cette authenticité. Qu’en faudra-t-il conclure ? Il est vrai que le front est étroit, la voûte crânienne surbaissée et très allongée, les os fort épais et les arcades sourcilières remarquablement proéminentes ; mais rien ne prouve que ce crâne ne soit pas pathologique, comme on l’avait cru au début. Si aujourd’hui on le considère comme normal, c’est qu’on a trouvé les mêmes caractères chez divers personnages historiques et chez un certain nombre de nos contemporains dont l’intelligence est au moins égale à la moyenne. Par sa capacité, le crâne de Néanderthal (fig. 25) est supérieur aux crânes des Australiens, et il atteint presque la moyenne des crânes féminins. Il mesure 1 220 centimètres cubes, alors que le plus vaste crâne de singe mesuré jusqu’ici n’atteint que 355 centimètres. On le voit, quel que soit son âge, le crâne de Néanderthal n’a rien de simien, et l’école transformiste n’a qu’à chercher ailleurs le trait d’union qu’elle prétend exister entre l’homme et la bête.

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25. — Crâne de Néanderthal, vu de profil et de face.

Nous passerons rapidement sur les crânes d’Eguisheim, de Brux, de la Denise et de l’Olmo. Ils reproduisent, en les atténuant, les traits des précédents, et leur authenticité est presque toujours discutable. Le premier a été trouvé, il est vrai, dans un lehm ou alluvion argileuse qui semble bien quaternaire. Cependant on a découvert dans ce même lehm, et à une profondeur considérable, trois cadavres, dont l’un au moins avait dû être inhumé. car il portait sur la poitrine on vase recouvert d’une pierre, et près de lui se trouvaient d’autres vases de même nature, ainsi qu’une hache en pierre polie. Inhumation, poterie et pierre polie sont, d’après l’enseignement de l'école, autant d’indices de l'époque actuelle. On prétendra sans doute que la présence de ces objets à une pareille profondeur tient à un remaniement des terres ; mais pourquoi exclure le crâne d’Eguisheim de ce remaniement ?

Même incertitude au sujet du crâne de Brux. Le rapport qui nous l’a fait connaître, et qui date seulement de 1872, dit expressément que, dans l’alluvion où il gisait, on a trouvé une hache en pierre polie. Comme on ne signale d’autre part la présence en cette couche d’aucune espèce quaternaire, il est bien permis de révoquer en doute la date qu’on lui assigne.

Le crâne et les autres ossements humains découverts dès 1844 dans un tuf volcanique, auprès du Puy, sont probablement encore moins anciens que les précédents. Personne ne croit plus aujourd’hui qu’ils sont contemporains du mastodonte, comme on l’avait pensé tout d’abord. Le tuf volcanique dans lequel ils étaient comme enchâssés est évidemment très récent, puisqu’il surmonte des alluvions quaternaires. Ils peuvent même être postérieurs à la formation de ce tuf, et, par suite, aux dernières éruptions volcaniques de la Denise. Deux géologues compétents, Hébert et Lartet, qui ont visité la localité en 1857, ont cru y reconnaître les traces d’une sépulture. Quelle que soit leur nature, ces ossements ne peuvent donc nous donner aucune indication utile sur la question de l’origine de l’homme.

Reste le crâne trouvé, en 1863, dans la tranchée de l’Olmo, près d’Arezzo (Italie). Cette fois l’authenticité n’est pas douteuse, car il a été trouvé à quinze mètres de profondeur, et dans le voisinage d’ossements d’animaux caractéristiques des temps quaternaires. Nous avons d’autant moins de raison de la contester, que, de l’aveu de M. de Mortillet, ce crâne n’a aucun des traits simiens qu’il attribue à l’homme primitif. La forme est allongée, il est vrai ; mais cette forme, la dolichocéphalie, s’allie fort bien avec une intelligence développée. Voir fig. 26.

Les caractères simiens, si ardemment cherchés par nos évolutionnistes, se retrouvent-ils davantage sur la mâchoire découverte en 1865 dans la caverne de la Naulette, près de Dinant (Belgique) ? On l’a cru longtemps. Nous-même, dans une précédente publication, L’âge de la pierre et l’homme primitif, p. 145, n’osant méconnaître ni son antiquité, que démontrait sa situation au milieu d’espèces quaternaires, ni son caractère, que tous les anthropologistes s’accordaient à qualifier de simien, nous en étions réduit à invoquer contre les théories auxquelles elle servait de base l’adage bien connu : Testis unus, testis nullus. Depuis lors, un savant anthropologiste, peu suspect de vouloir altérer les faits en faveur de la cause spiritualiste, le docteur Topinard, a fait de cette mâchoire une étude approfondie, qui contredit presque sur tous les points la description qu’on en avait donnée primitivement. Revue d’anthropologie, juillet 1886 ; cf. La science catholique, avril 1887.


26. — Exemples de brachycéphalle et de dolichocéphalle (crâne court et crâne long).

On avait dit que la mâchoire était dépourvue de menton, qu’elle dénotait un prognathisme ou une saillie des plus accentuées ; que les molaires allaient en croissant d’avant en arrière, comme chez les singes ; enfin, chose plus grave, que l’apophyse géni, éminence osseuse sur laquelle s’insèrent les muscles de la langue, faisait totalement défaut ; d’où l’on concluait que l’être auquel elle appartenait n’était pas encore pourvu du langage articulé. M. Topinard a démontré que tout cela était faux ou gravement exagéré ; que, particulièrement, l’apophyse géni existait réellement, et que si on ne l’avait pas vue plus tôt, c’était tout simplement faute d’avoir enlevé la terre qui la recouvrait. « Ainsi tombe tout un échafaudage datant de vingt ans, » conclut le docteur Topinard. Nous ajouterons : Ainsi deviennent évidentes et la témérité de certains savants qui se hâtent d’affirmer sans preuves les faits favorables à leurs systèmes, et l’excessive docilité du troupeau qui les suit.

Une seconde mâchoire dont l’origine quaternaire ne semble pas moins bien établie est celle que le marquis de Vibraye trouva, en 1859, dans l’assise inférieure de la grotte d’Arcy-sur-Cure (Yonne) ; mais elle ne saurait nous retenir ; car, de l’aveu de M. de Mortillet, les caractères simiens n’y sont guère accusés. Aussi le chef de l'école préhistorique la rattache-t-il, sans nulle autre raison, à la dernière partie de l'époque quaternaire.

La dernière pièce que M. de Mortillet attribue aux temps quaternaires est un squelette découvert, en 1872, dans le gisement de Laugerie-Basse, sur les bords de la Vézère. Cette fois, il a la prudence de n’en rien déduire par rapport à l’homme primitif, et il a raison, car le crâne a été complètement écrasé par la chute d’un rocher, et il est impossible d’en recomposer la forme. Quant à la capacité, un de ses disciples et amis, M. Salmon, admet qu’elle « devait être supérieure à la moyenne de nos jours ».

Nous avons épuisé la liste des ossements humains fossiles reconnus comme tels par le principal représentant de la science préhistorique. Il résulte du rapide examen que nous en avons fait que l’authenticité du plus grand nombre est contestable. S’il en est qui présentent à cet égard toutes les garanties désirables, il se trouve précisément qu’on n’y rencontre plus les traits quelque peu simiens entrevus chez les autres.

Il ne faut pas oublier en outre que les neuf pièces qui précèdent ont été triées arbitrairement parmi plus d’une quarantaine. Tout naturellement on a eu soin de laisser de côté celles dont la conformation, trop semblable à la nôtre, ne s’accordait point avec la doctrine évolutionniste.

Avait-on du moins pour excuse les conditions de gisement ? L’association avec les espèces quaternaires était-elle moins intime, ou les traces de remaniement plus apparentes ? En aucune façon. Envisagées à ce point de vue, les trente ou quarante pièces que M. de Mortillet a délaissées ne présentent pas moins de garanties que les précédentes. Tous les préhistoriens qui n’ont point sur les yeux l’épais bandeau des préjugés évolutionnistes ont pris en considération les uns et les autres. M. de Quatrefages, qui range dans sa race de Cahstadt les neuf pièces admises par M. de Mortillet, a constitué avec celles qu’il rejette cinq autres races, également quaternaires à ses yeux : celles de Cromagnon, de Grenelle, de la Truchère, et les deux de Furfooz (Belgique). M. Hamy, un autre anthropologiste autorisé et peu suspect, auteur d’un Traité de paléontologie humaine, met sur le même pied toutes ces pièces au point de vue de l’antiquité.

Or est-il étonnant que, sur le nombre, il s’en trouve qui présentent des traces au moins apparentes d’une réelle dégradation ? Nous l’avons dit, même à l’époque actuelle et au sein de nos sociétés civilisées, il n’est pas rare de rencontrer le prognathisme et la dolichocéphalie (crâne allongé), l’étroitesse du crâne et la proéminence des arcades sourcilières. À plus forte raison, ces caractères d’infériorité relative devaient-ils se produire aux époques de barbarie qui précédèrent notre civilisation. Il n’est pas douteux que la misère ne dégrade les traits, et que le bien-être et la culture intellectuelle ne les ennoblissent. On a fait la remarque, il y a déjà longtemps, que les Irlandais du nord-ouest, qui avaient spécialement souffert de la persécution protestante, avaient perdu la noblesse de traits de leurs compatriotes moins misérables. Par contre, on a observé bien des fois que l’exercice des facultés intellectuelles développe le cerveau, notamment la région frontale. Il ne serait donc pas étonnant que les crânes actuels l’emportassent pour la forme et la capacité sur les crânes fossiles ; cependant il s’en faut que cette supériorité soit constatée, car s’il est des crânes fossiles ou présumés tels qui n’atteignent pas la moyenne actuelle, il en est aussi, ceux de Cromagnon (Dordogne) (fig. 27), par exemple, qui la dépassent de beaucoup. Nous avons vu ci-dessus un anthropologiste de l'école avancée, M. Léon Laloy, reconnaître que les hommes préhistoriques ne se rapprochaient pas plus du singe que. nos contemporains ; nous trouvons le même aveu sous la plume d’un autre anthropologiste qui n’est pas non plus suspect, M. de Lapouge : « Les crânes d’aujourd’hui, écrivait-il en 1887, n’indiquent pas des êtres plus parfaits que les crânes quaternaires, le type de Néanderthal excepté. » Revue d’anthropologie, septembre 1887.

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27. Crâne de Cromagnon.

En somme, les partisans de l’origine animale de notre espèce doivent en prendre leur parti, et renoncer à invoquer la paléontologie humaine à l’appui de leur système. « L’homme quaternaire, a dit M. de Quatrefages, est toujours l’homme dans l’acception entière du mot. » Tout prouve qu’il était même considérablement au-dessus du sauvage contemporain. Et pourtant, nous l’avons dit, ce n'était pas là véritablement l’homme primitif. De celui-ci, la science préhistorique n’a rien à dire, sinon qu’il habita probablement l’Asie, et que ce pays, civilisé sans doute dès l’origine, ne semble pas avoir jamais passé par un âge de la pierre. Il s’en faut donc que le peu qu’elle nous ait appris aille à rencontre des données bibliques sur l'état social du premier homme.

III. L'âge de l’homme d’après l’archéologie préhistorique. — « L’homme a apparu en Europe avec le commencement du quaternaire, il y a au moins 230 000 à 240000 ans. » Le préhistorique, p. 628. Voilà ce que nous lisons dans un livre écrit par M. de Mortillet, l’un des chefs et des fondateurs de la science préhistorique. On le voit, nous sommes loin de la chronologie biblique. Si élastique que puisse être cette chronologie, si large que l’on soit dans son interprétation, on ne peut évidemment songer à l'étendre dans cette mesure. Aussi M. de Mortillet n’est-il que logique, lorsqu’il se moque de ceux qui continuent à « enseigner religieusement qu’Adam est le premier homme ». Dict. des sciences anthropologiques, art. Antiquité de l’homme. Si notre espèce remonte aussi haut qu’il l’affirme, il faut immédiatement reconnaître que la Bible fait erreur. Le personnage qu’elle nous présente comme le père de l’humanité ne peut être tout au plus que le père du peuple juif, lequel dans son orgueil se serait, comme on l’a dit, substitué au genre humain tout entier.

Il s’en faut heureusement que les évaluations chronologiques de M. de Mortillet s’imposent à notre acceptation. C’est à peine si elles ont été prises au sérieux dans son propre camp. Les adeptes les plus autorisés de la science préhistorique n’hésitent pas à reconnaître qu’il est impossible d’arriver à déterminer avec quelque précision, avec les seules données de la préhistoire, la date de l’apparition de l’homme. Us n’en sont pas moins à peu près d’accord pour affirmer l’insuffisance de la chronologie traditionnelle en face des découvertes récemment faites dans le domaine des sciences naturelles.

Nous sommes d’un avis tout différent. S’il y avait lieu de reculer de quelques milliers d’années la date de la création de l’homme, ce serait selon nous l’histoire qui en ferait une obligation, non la géologie ni l’archéologie préhistorique. La chronologie égyptienne, si incertaine qu’elle soit elle-même pour ses débuts, nous reporte à trois ou quatre mille ans avant J.-C, c’est-à-dire à une date antérieure à celle que la plupart des supputations basées sur la Bible attribuent au déluge. À moins donc de soustraire le peuple égyptien au cataclysme diluvien, comme on l’a proposé, à moins encore de placer avant le déluge les premières dynasties pharaoniques, ce qui ne paraît guère admissible, il faut nécessairement accroître l’intervalle compris entre Noé et Abraham. Quoi qu’on en dise, ni la géologie ni l’archéologie préhistorique n’ont de ces exigences. Montrons-le brièvement.

On sait que les géologues ont partagé l’histoire du globe en quatre grandes époques, de durées très inégales, qu’ils ont appelées, suivant leur ordre : primaire (ou de transition), secondaire, tertiaire et quaternaire. Leur durée, impossible à évaluer en nombre d’années, diminue très rapidement de la première à la dernière. C’est au point que celle-ci, l'époque quaternaire, mérite à peine d’entrer en comparaison avec ses aînées, tellement elle a été courte. Aussi n’est-ce guère qu’en France qu’on lui a donné le rang de grande époque géologique. Plus sages que nous, les Anglais en ont fait une sorte de supplément à la période pliocène, troisième partie de l'époque tertiaire, et l’ont appelée en conséquence post-pliocène. Ce terme indique mieux assurément que notre mot quaternaire sa place réelle dans l’histoire du globe.

À laquelle de ces époques l’homme est-il apparu ? Tout le monde admet que ce n’est ni à l'époque primaire ni à l'époque secondaire ; ce qui est déjà reconnaître la date récente de sa venue, attendu que ces deux époques constituent peut-être ensemble les neuf dixièmes des temps géologiques. Le doute commence à l'époque tertiaire. Des géologues, doués, il est vrai, d’un peu d’imagination, ont prétendu aveir découvert dans les terrains miocènes, qui représentent la partie moyenne de cette époque, des silex taillés artificiellement. Or tout travail suppose un ouvrier ; et quel eût été l’ouvrier, sinon l’homme lui-même ou le précurseur que lui assigne la théorie évolutionniste ?

La découverte de ce genre qui a eu le plus de retentissement a été à coup sûr celle que fit, vers 1865, l’abbé Bourgeois, supérieur du collège de Pontlevoy, dans les terrains tertiaires de Thenay (fig. 28). La conviction de l’abbé Bourgeois entraîna celle d’un certain nombre d’anthropologistes des' plus autorisés, parmi lesquels il faut compter M. de Quatrefages. Cependant de nouvelles recherches et un examen plus attentif des silex et de leur gisement ont fini par démontrer qu’on avait fait erreur. On pense aujourd’hui presque universellement que les silex en question n’ont jamais été taillés que par la nature, et que le craquelage ou fendillement que quelques-uns présentent est le résultat non d’un feu artificiel, mais d’une action chimique qui s’est produite accidentellement au sein des couches calcaires qui les contenaient. Tel a été l’avis à peu près unanime des nombreux géologues et anthropologistes qui visitèrent le gisement de Thenay en 1881, à l’occasion du congrès [[File: [Image à insérer]|300px]]
28. — Silex tertiaires de Thenay (Loir-et-Cher).
scientifique que tint cette année à Blois l’Association française pour l’avancement des sciences.

Cette découverte, aujourd’hui presque universellement abandonnée, est de beaucoup la plus sérieuse de celles qui ont été produites en faveur de l’existence de l’homme ou de son ancêtre plus ou moins simien à l'époque tertiaire. M. de Mortillet, qui persiste à la considérer comme probante, en invoque cependant deux autres à l’appui de sa thèse, celles qu’ont faites MM. Rames et Bibeiro, le premier à Aurillac (fig. 29), le second à Otta, près de Lisbonne (fig. 30). Là encore il s’agit de silex qu’on soupçonne d'être travaillés ; mais cette fois le doute ne porte plus seulement sur la taille du silex, il porte aussi sur leur authenticité, ou même sur l'âge des terrains d’où ils sont censés provenir. Aussi les savants sérieux s’en désintéressent-ils de plus en plus.

On remarquera que pas un ossement de l'être intelligent, — homme ou animal, — qu’on dit avoir taillé ces silex, n’a jamais été rencontré. M. de Mortillet le reconnaît. Cela ne l’empêche pas d’affirmer sa foi à l’Anthropopithèque tertiaire ; car dans sa pensée il ne s’agit pas de l’homme proprement dit, mais d’un anthropoïde quelconque, qui fut son précurseur. Il va même jusqu’à admettre trois espèces d’Anthropopithèques, correspondant aux trois localités où l’on prétend avoir trouvé ses œuvres.

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29. — Silex tertiaires trouvés près d’Aurillac.

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30. — Silex tertiaires trouvés près de Lisbonne.

À ces espèces, hypothétiques au premier chef, il a donné les noms des trois inventeurs : de là les Anthropopithecus Bourgeoisii, Ramesii et Riberoii. Après quoi, fier de sa découverte, que personne assurément ne songera à lui contester, il se compare triomphalement à Leverrier, « découvrant sans instrument, rien que par le calcul, une planète ! »

Force nous est d’ajouter que M. de Quatrefages adopte en partie les vues de M. de Mortillet. Comme lui, il persiste à croire à la taille intentionnelle des silex de Thenay ; mais cette taille, il l’attribue à l’homme lui-même, non à son prétendu précurseur, dont il n’admet pas l’existence. Il se trouve ainsi entraîné à reporter l’apparition de notre espèce à une date excessivement reculée, qu’il est impossible de fixer même approximativement, mais qui est évidemment inconciliable avec les données bibliques.

Il faut dire que si l’autorité de M. de Quatrefages est grande en anthropologie proprement dite, elle est très faible en archéologie préhistorique. Le savant professeur n’a suivi que de loin le progrès des idées en cette matière. Il est de ceux qui se sont laissé influencer par l'éloquence et l’accent de conviction de l’abbé Bourgeois, et, une fois son opinion faite, il n’a pu se résigner à en changer. Son témoignage ne saurait infirmer l’opinion contraire des spécialistes, qui pour la plupart nient formellement aujourd’hui ce qu’ils affirmaient hier, à savoir, l’existence de l’homme ou de son précurseur à l'époque tertiaire, et proclament tout au moins l’insuffisance absolue des preuves apportées jusqu’ici à l’appui de cette thèse. (Pour plus de détails, nous ne pouvons que renvoyer le lecteur à ce que nous avons écrit sur cette question dans la Revue des questions scientifiques, t. v, p. 36 et 361 ; dans La controverse, novembre et décembre 1884, et aussi dans le Dictionnaire apologétique de la foi chrétienne, 1889, art. Anthropopithèque et lertiaire. — Voir aussi le récent travail de M. Adrien Arcelin sur le même sujet dans le Compte rendu du premier congrès scientifique international des catholiques [1888], et aussi dans la Revue des questions scientifiques, janvier 1889.)

L’homme tertiaire étant hors de cause, reste l’homme quaternaire. L’existence de ce dernier n’est pas contestable. Dire que l’homme a vécu à l'époque quaternaire, c’est tout simplement, en effet, reconnaître qu’il a été le contemporain de certaines espèces animales caractéristiques de cette époque, telles que le mammouth (Elephas primigenius) (fig. 31), le rhinocéros à narines cloisonnées (Rh. tichorrhinus) (fig. 32), l’ours des cavernes (Ursus spelæus), le cerf à bois gigantesques (Cervus megaceros) (fig. 33), et même le renne (Cervus tarandus), qu’on ne trouve plus aujourd’hui que dans les régions boréales, mais qui alors habitait nos régions tempérées. Or les restes de ces animaux ont été rencontrés si souvent, soit avec des ossements humains, soit avec les grossiers produits de l’industrie des premiers habitants de nos contrées, qu’on ne peut aujourd’hui émettre un doute sur la contemporanéité des uns et des autres. L’homme fossile, auquel les écrivains orthodoxes ont longtemps fait la guerre, est donc une réalité. L'époque quaternaire étant rangée à tort ou à raison parmi les temps géologiques, tous les débris organiques qui s’y rattachent méritent d'être qualifiés fossiles, et ceux de l’homme ne font point exception à cette loi.

Seulement, hâtons-nous de le dire, admettre que l’homme existe à l’état fossile, en d’autres termes, qu’il a vécu à l'époque quaternaire, ce n’est point, à nos yeux, sortir du cadre de la chronologie traditionnelle. Tout prouve, en effet, que les animaux qui caractérisent l'époque quaternaire ont vécu, au moins par endroits, jusqu'à une date toute récente, voisine de l'ère chrétienne. À défaut de l’histoire, absolument muette sur notre pays si l’on remonte seulement au delà de vingt siècles, l’archéologie sérieusement consultée suffirait pour nous en convaincre. Mais cet examen nous entraînerait trop loin.

Observons seulement en passant que les restes du mammouth ont été rencontrés en Angleterre aussi bien que chez nous dans des formations récentes, par exemple, dans des dépôts tourbeux, qu’il est d’usage de rattacher à l'époque actuelle ; qu’on a trouvé cet animal en Sibérie en un tel état de conservation, que des chiens ont pu se nourrir de sa chair ; que l'éléphant, mammouth ou autre, existait encore dans le nord de l’Afrique et dans la région de Ninive aux époques historiques, et qu’un de nos chroniqueurs, Parthenopex de Blois, dont l’autorité est contestable, il est vrai, va jusqu'à le signaler parmi les bêtes qui hantaient jadis nos forêts. L’ours des cavernes peut lui-même être confondu avec des ours d’une taille extraordinaire, que nous trouvons signalés à ce titre dans des documents du moyen âge. Il n’est pas contestable, en tout cas, qu’on ait rencontré parfois ses débris associés à ceux des espèces actuelles, sinon à ceux de nos animaux domestiques.

En ce qui concerne le renne, nous avons mieux que des données archéologiques ou des probabilités historiques. César nous décrit, en effet, cet animal comme ayant vécu, sans doute de son temps, dans la forêt Hercynienne, c’est-à-dire sur les bords du Rhin. « Il y a là, dit-il, un bœuf ressemblant à un cerf (Bos cervi figura), portant au milieu du front, entre les oreilles, une corne unique, plus haute et plus droite que toutes celles qui nous sont connues, et du sommet de laquelle partent de longs rameaux pareils à des palmes. Le mâle et la femelle se ressemblent ; la grandeur et la forme de leurs cornes sont les mêmes. » vi, 2. Bien que le renne n’y soit pas nommé, cette description s’applique évidemment à lui. C’est, en effet, le seul animal du genre cerf dont la femelle soit comme le mâle armée de bois, le seul qui par la largeur de son front présente réellement l’aspect du bœuf, le seul enfin dont les-cornes se terminent en longs rameaux palmés. Il est vrai que ces cornes ne partent point du milieu du front ; mais on pourrait le croire, si l’on se contentait de voir le renne à distance, à cause de la disposition divergente des bois, et surtout grâce à la présence chez certains individus d’un rameau basilaire, qui se projette en avant. Geoffroy Saint-Hilaire a donc eu raison de dire que la description de César « porte jusque dans ses erreurs mêmes l’empreinte d’une observation directe et profonde ». Nous pourrions, s’il en était besoin, relever dans cet écrivain et dans les ouvrages d’autres auteurs classiques des allusions presque aussi manifestes au même animal, lequel évidemment a existé dans l’Europe centrale jusqu'à l'ère historique. Les débris de son squelette qu’on a trouvés dans certaines stations lacustres de cette région ne font au reste que confirmer ces témoignages.

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31. — Squelette de VEUphas primlgenius.

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32. — Squelette du Rhinocéros tichorrhinus.

Nous négligeons l'élan (Cervus alces) et le grand bœuf (Bos primigenius), dont César mentionne également la présence dans la forêt Hercynienne, parce que si ces deux animaux ont appartenu à la faune quaternaire de nos contrées, ils n’en ont pas moins, de l’aveu de tous, survécu à cette faune dans la même région.

Il ne faut pas croire du reste que la faune quaternaire ait été très différente de la faune actuelle. En réalité, elle comprenait tous les animaux sauvages qui nous entourent, plus quelques espèces qui ont dû émigrer à cause des changements de climats, qui sont tombées sous les coups des chasseurs, ou qui ont succombé dans la lutte pour la vie.

On le voit, s’il faut en juger par les animaux qui la caractérisent, l'époque quaternaire a dû se prolonger jusqu’aux approches de l'ère chrétienne.

Il est vrai qu’elle a d’autres caractères, empruntés à la climatologie. Qui dit époque quaternaire dit époque glaciaire, ces deux époques ayant certainement coïncidé, au moins en partie. Alors, en effet, les glaciers étaient considérablement étendus, et les cours d’eau plus abondants que de nos jours : double phénomène qui pouvait tenir à une même cause, la fusion des glaces occasionnant chaque été d’immenses inondations dont les traces existent encore. Mais, pour retrouver quelque chose de ces phénomènes, il n’est pas nécessaire de remonter aussi haut dans le passé qu’on le pourrait croire. L’histoire nous les laisse entrevoir assez clairement. Nous avons réuni ailleurs, Études critiques d’archéologie préhistorique, p. 216-240, un certain nombre de textes empruntés aux écrivains de l’antiquité, qui prouvent que les hivers étaient, il y a seulement quinze et vingt siècles, notablement plus froids qu’ils ne le sont de nos jours. Qu’il nous suffise d’indiquer ici quelques-uns de ces témoignages.

Hérodote nous dépeint le climat de la Scythie en termes qui conviendraient aujourd’hui à la Laponie et au Groenland. Il nous montre ce pays complètement glacé pendant huit mois de l’année, et la mer Noire gelée au point de supporter les chars les plus lourds. Aristote et d’autres après lui nous disent qu’il faisait si froid, en Gaule, que l'âne ne pouvait y vivre. Les écrivains latins insistent de leur côté sur la rigueur du climat gaulois, qui ne permet, nous disent-ils, ni la culture de l’olivier ni celle de la vigne.

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33. — Squelette du Cervus megaceros.

Ils ne connaissaient guère pourtant que le midi de la Gaule, où l’olivier et la vigne prospèrent aujourd’hui. Virgile nous montre le Danube traversé par des chars, et les habitants de ces contrées misérables se retirant dans des cavernes, vêtus de la peau des bêtes fauves, absolument comme le faisaient, au dire de la préhistoire, nos barbares prédécesseurs de l'époque quaternaire. Ovide, qui a passé plusieurs années de sa vie dans la région du Danube, nous montre ce fleuve entièrement glacé à son embouchure, de façon à livrer passage à de lourds chariots. Il ajoute qu’il a vu le vin gelé dans les outres, et la mer Noire prise elle-même par les glaces au point qu’il a pu marcher sur ses eaux. Et comme il craint d'être accusé d’exagération, il en appelle au témoignage de deux anciens gouverneurs de la Messie, qui ont pu comme lui constater ces faits.

L’Italie elle-même n’avait point alors son climat actuel : du moins les écrivains latins en parlent-ils en termes qui ne lui conviendraient point de nos jours. Ils font mention de neiges amoncelées, de rivières qui charrient des glaçons, du triste hiver qui fend la pierre et enchaîne le cours des fleuves, et cela dans la région la plus chaude de l’Italie, au pied des remparts de Tarente. Un tel tableau s’appliquerait tout au plus aujourd’hui à notre pays.

Même témoignage au sujet de l’abondance des cours d’eau. Ici la géologie joint sa voix à celle de l’histoire pour attester que la plupart des rivières avaient, il y a 1 500 ou 2 000 ans, un débit supérieur, au moins par moments, à leur débit actuel. M. Michel de Rossi l’a prouvé pour le Tibre ; d’autres l’ont établi également pour plusieurs de nos fleuves d’Europe, ou même de l’Asie et de l’Amérique septentrionale.

D’après toutes les apparences, si l’abondance des eaux et l’intensité du froid n'étaient pas telles alors qu’elles durent être à l'époque quaternaire, elles en différaient peut-être assez peu, et nous sommes persuadé qu’un grand nombre de phénomènes attribués par les géologues à cette époque se sont passés en réalité en pleine période historique.

Tout prouve donc, la faune aussi bien que la climatologie, que l'époque quaternaire n’est pas loin de nous. Quant à sa durée, nous l’ignorons entièrement ; mais il y a tout lieu de croire qu’elle ne fut pas considérable. Au reste, nous n’avons pas besoin de la connaître pour la question qui nous occupe ; car, d’après toutes les apparences, l’homme n’a pas vu les commencements de cette époque. Il n’a pas précédé la période glaciaire, et n’a pas même été contemporain de la grande extension des glaciers. Son origine est donc relativement récente.

On nous objectera peut-être les quatre phases industrielles que M. de Mortillet nous donne comme autant de subdivisions de l'époque quaternaire, et dont il a fait ses périodes de Chelles, du Moustier, de Solutré et de la Madeleine (fig. 34) ; mais cette difficulté nous embarrasse peu. Si nous admettons, avec les principaux représentants de la science préhistorique, que l’époque quaternaire coïncide avec l'âge paléolithique ou de la pierre taillée, nous nous refusons absolument à considérer comme nettement successives les sous-périodes qu’il a plu à M. de Mortillet d’établir dans cet âge, sans doute pour l’unique motif d’en prolonger la durée. Les préhistoriens les plus sérieux déclarent inadmissible cette classification, basée uniquement sur les types des outils de pierre. « Les variétés constatées entre ces types, observe judicieusement M. Salomon Reinach, s’expliquent tantôt par la différence des matériaux mis en œuvre, tantôt et surtout par l’inégalité de civilisation, par la diversité des habitudes et des besoins propres aux tribus et aux clans qui les fabriquaient, et qui pouvaient se trouver à des étapes de progrès matériel très éloignées, tout en étant contemporaines dans le temps et voisines dans l’espace. Vouloir tirer de là des indices chronologiques, c’est admettre, a priori et sans preuves, l’uniformité du progrès industriel ; c’est appliquer, par un véritable paralogisme, la méthode géologique à l’histoire des premières civilisations. » Époque des alluvions et des cavernes, p. 95.

S’il y avait chance d’arriver à classer chronologiquement les temps quaternaires, ce serait plutôt, ce semble, en s’appuyant sur la faune. Assez longtemps on a pu croire qu’il y avait eu succession parmi les animaux caractéristiques de cette époque. Il semblait que le grand ours eût disparu avant le mammouth, et celui-ci avant le renne. Mais on a constaté tant d’exceptions à cette prétendue règle, l’ours des cavernes a été si souvent rencontré avec des espèces récentes, le renne a été trouvé parfois si manifestement superposé à l'éléphant, par exemple, dans la caverne de Montgaudier (Charente), qu’il n’est plus guère possible aujourd’hui de formuler un ordre de disparition applicable aux espèces animales de l'époque quaternaire. Pratiquement, le mieux est de considérer comme contemporains tous les animaux et tous les produits industriels se rattachant à cette époque, à moins qu’ils ne soient nettement superposés dans un même gisement qui a échappé à tout remaniement ; or ces cas de superposition sont rares, et si parfois ils ont semblé confirmer la classification de M. de Mortillet, presque aussi souvent ils ont présenté l’ordre inverse.

En formulant ces réserves, nous sommes loin de nous élever contre la dénomination de types chelléen, moustérien, solutréen et magdalénien, proposée par M. de Mortillet. Ces termes, empruntés aux localités où dominent ces diverses formes, ont pour les adeptes de la préhistoire un sens précis, qui dispense d’une description.


34. — Silex caractéristiques des quatre prétendues époques de M. de Mortillet.
A. Chelles. — B. Le Moustier. — C. Solutré. — D. La Madeleine.

Ils ont donc leur raison d'être, et sont employés avec avantage dans le classement des collections d’archéologie préhistorique. Mais on ne saurait leur faire désigner autant d'époques successives, sous peine de tomber dans l’arbitraire et dans l’invraisemblance : dans l’arbitraire, parce que cette classification n’est point justifiée par la stratigraphie ; dans l’invraisemblance, parce qu’il n’est pas rationnel que l’homme n’ait guère eu à chaque époque qu’un instrument à sa disposition.

Si nous n’avons pas à nous préoccuper, au point de vue du temps, des subdivisions établies dans l'époque quaternaire, nous avons du moins à compter avec l’innombrable quantité d’outils en pierre qui constitue le mobilier de l'âge paléolithique, et il est des esprits que ce simple argument ne laisse pas de frapper. Quand on se trouve en présence de collections aussi considérables que celle de Saint-Germain-en-Laye, on est tenté de se dire qu’un si grand nombre d’instruments suppose un grand nombre de générations. Et pourtant il suffit d’un instant de réflexion pour se convaincre que tous les outils de pierre recueillis jusqu’ici dans notre pays n'égalent pas sans doute en nombre les habitants qui l’occupent. Cet argument se retourne, on peut le dire, contre ceux qui l’emploient. Si l’âge de la pierre avait eu la durée qu’ils lui attribuent, il serait inexplicable que les objets en pierre fussent aussi rares qu’ils le sont ; car, il faut se le rappeler, les objets de cette nature ne sont pas comme les instruments en métal, qui s’oxydent et disparaissent : ils subsistent indéfiniment ; même quand ils se brisent, les fragments en sont reconnaissables.

Encore convient-il, si l’on veut avoir véritablement le mobilier de l’âge paléolithique ou quaternaire, d’éliminer un bon nombre d’armes ou d’outils en pierre qui doivent appartenir à l’âge historique. Il s’en faut, en effet, que l’usage de la pierre ait disparu avec l’apparition des métaux. Il s’est prolongé, pour ainsi dire, jusqu’à nos jours, même dans nos pays civilisés ; il serait facile d’en fournir des preuves empruntées à l’histoire et à l’archéologie. Tout instrument de pierre ne remonte donc pas nécessairement à l’âge de la pierre. Pour être autorisé à l’y rattacher, il faut que les conditions de gisement nous y invitent.

Nous n’en reconnaissons pas moins qu’il y eut un temps où la pierre fut utilisée à l’exclusion de tout métal. Nous consentons même, en face d’un certain nombre de faits assez significatifs, à partager cet âge en deux époques : l’époque paléolithique (ou quaternaire) et l’époque néolithique, celle de la pierre taillée et celle de la pierre polie, bien que cette dernière tende de plus en plus à se confondre avec l’âge du bronze. Mais tout cela ne nous reporte pas à une antiquité aussi reculée qu’on le pourrait croire. Diverses considérations historiques et ethnographiques, que nous avons le regret de ne pouvoir exposer, nous permettent d’attribuer l’importation du fer aux Gaulois, qui envahirent nos contrées trois ou quatre siècles avant J.-C. L’industrie néolithique ou de la pierre polie, à laquelle s’associa de bonne heure celle du bronze, nous aurait été apportée par un autre rameau de la même race arienne ou indo-européenne, par les Celtes qui, suivant toute apparence, prirent possession de notre pays six ou dix siècles plus tôt, et s’y sont perpétués jusqu’à nos jours dans les régions les plus difficilement accessibles de l’ouest et du centre. Antérieurement, c’est-à-dire à partir du dixième ou du quatorzième siècle avant J.-C, nous serions en pleine époque paléolithique ou quaternaire, et des populations de ces temps reculés, populations étrangères cette fois à la race arienne, aujourd’hui dominante en Europe, il resterait encore des témoins : au nord, chez les Finnois ; au sud, chez les Basques, qui parlent une langue primitive et accusent une origine toute différente de la nôtre.

Combien de temps dura cette première civilisation ? Nous l’ignorons ; mais le maigre mobilier qu’elle nous a laissé ne nous oblige pas assurément à lui attribuer plus d’une dizaine de siècles. Cela nous conduit à 2000 ou 2500 ans avant J.-C, c’est-à-dire à une date contemporaine du moyen empire égyptien, et de beaucoup postérieure au déluge, à s’en tenir à la chronologie des Septante.

Les préhistoriens partisans des longues chronologies se récrieront contre ces chiffres. Nous les défions d’en établir la fausseté et d’en produire de plus vraisemblables.

Peut-être invoqueront-ils les prétendus chronomètres naturels, si déconsidérés qu’ils soient. Suivons-les un moment sur ce terrain. Les chronomètres en question consistent pour la plupart en des formations de diverses natures, — alluvions, dépôts tourbeux, stalagmites des cavernes, etc., — qui continuent de s’effectuer sous nos yeux, et dans lesquels on a trouvé à diverses hauteurs des produits de l’industrie humaine. Comme quelques-uns de ces produits sont datés soit par leur nature même, soit par leur association avec des pièces de monnaie, il semble qu’on puisse en déduire et la rapidité avec laquelle ces dépôts se sont formés, et, comme conséquence, l’âge des objets préhistoriques qu’ils contiennent. Citons-en un exemple qui a fait grand bruit dans le monde des préhistoriens, il y a quelques années. Le chemin de fer qui longe au nord le lac de Genève a coupé, tout près de Villeneuve, à une profondeur de 7 mètres, un cône formé par des galets et détritus de toute sorte, apportés par le torrent de la Tinière. Lors de l’exécution de cette tranchée, on a trouvé : à 1 m. 20 de profondeur, une pièce de monnaie qu’on a considérée comme romaine ; à 3 mètres, des objets de bronze, et à 5 m. 70, une poterie grossière, du charbon et un crâne humain. On s’est dit : Si la pièce de monnaie ne se trouve qu’à 1 m. 20 de profondeur, bien qu’elle ait 1500 ans d’existence, c’est que le dépôt s’est accru seulement de 8 centimètres par siècle. D’après cette donnée, les objets en bronze remontent à 3700 ans, et le dépôt archéologique inférieur, considéré comme néolithique, à 7500 ans environ. Pour que ce calcul fût exact, il faudrait que le cône de la Tinière se fût formé avec une régularité absolue, de la base au sommet, et aussi que la couche supérieure représentât réellement un espace de 1500 ans. Or ces deux conditions sont loin d’être remplies. D’abord, rien n’est plus irrégulier que le régime d’un torrent. Il y a tout lieu de croire que celui de la Tinière transporta au début des matériaux plus abondants, alors qu’il rencontrait des terres meubles ou des roches désagrégées, au lieu de la roche compacte à laquelle il a dû ensuite s’attaquer. En second lieu, c’est tout à fait arbitrairement qu’on admet que le dépôt supérieur s’est effectué en 1500 ans, même si l’on suppose que la pièce de monnaie date bien de l’époque romaine ; ce qui n’est pas prouvé. On a observé, en effet, que depuis l’an 1245 au moins l’endiguement du torrent a mis le cône à l’abri des inondations. C’est donc en huit siècles au plus que la courbe supérieure s’est formée : ce qui porte à 15 centimètres la part de chaque siècle, et réduit de moitié l’âge du prétendu gisement néolithique trouvé à la base du dépôt.

Des objections analogues peuvent être faites aux calculs qu’on a voulu baser sur d’autres phénomènes du même genre. Il est cependant un de ces chronomètres naturels qui nous paraît reposer sur des données à peu près inattaquables : c’est celui que M. Kerviler a signalé à Saint-Nazaire. Dans les alluvions qui occupaient l’emplacement du nouveau bassin à flot dont la création lui était confiée, cet ingénieur a trouvé à 6 mètres de profondeur une monnaie de Tétricus (268-275) associée à des fragments d’amphore, et au-dessous, de 8 m. 50 à 10m. 50, divers objets en bronze et en pierre, plus un crâne humain de forme dolichocéphale, et considéré comme caractéristique de l’âge néolithique ou de la pierre polie. Partagée entre les seize siècles qui nous séparent de Tétricus, la couche supérieure donne 35 à 37 centimètres par siècle. À ce compte, les objets préhistoriques situés à la base du gisement remonteraient à une époque comprise entre le quatrième et le dixième siècle avant J.-C. Il était à craindre, il est vrai, là comme ailleurs, que la formation des alluvions de Saint-Nazaire ne se fût pas effectuée régulièrement. Heureusement, une seconde découverte est venue confirmer la première, en permettant à M. Kerviler de contrôler ses calculs. L’habile et sagace ingénieur a constaté que les alluvions auxquelles il avait affaire étaient divisées en une infinité de petites couches de 3 à 4 millimètres d’épaisseur, qui représentent évidemment l’apport annuel de la rivière. Ces couches sont séparées les unes des autres par un mince feuillet d’humus, qui doit sans doute son origine aux feuilles et débris herbacés que l’automne apporte chaque année. De fait, cent de ces couches représentent 35 centimètres : ce qui a pour résultat de placer la monnaie de Tétricus à sa date véritable, et conséquemment de reporter le dépôt préhistorique inférieur à la date que lui avait primitivement assignée M. Kerviler.

On pense bien que ce résultat n’a pas été facilement admis par les partisans des longues chronologies. Il n’a cependant rien d’invraisemblable. Rien n’empêche qu’on n’ait fait usage de haches en bronze à l’embouchure de la Loire six siècles avant J.-C. Les haches de même métal qu’on a trouvées récemment soit sur l’acropole d’Athènes, soit dans un tombeau punique de Carthage, ne remontent pas, suivant toute vraisemblance, à une époque beaucoup plus reculée.

Nous jugeons inutile de mentionner les autres chronomètres naturels auxquels on a successivement eu recours. Aussi bien n’ont-ils point, à beaucoup près, la valeur du dernier. Qu’ils le veuillent ou non, les adeptes de la préhistoire doivent reconnaître que les longues évaluations que quelques-uns nous proposent n’ont aucune base scientifique. L’un d’eux, M. Salomon Reinach, n’hésite pas à en faire l’aveu : « Lorsque M. de Mortillet, dit-il, attribue une durée de 222 000 ans, dont 100 000 pour le moustérien, aux quatre phases de la période paléolithique, il abandonne le terrain de la science pour celui de la fantaisie, où la critique doit renoncer à le suivre. » Description raisonnée du musée de Saint-Germain-en -Laye, t. i, p. 78.

En somme, de toutes les chronologies, celle dont la Bible nous fournit les éléments est encore la plus autorisée, et nous avons beau chercher, nous ne voyons rien, absolument rien dans les sciences naturelles qui aille manifestement à l’encontre. Pas plus sur ce point que sur les autres, les traditions enseignées dans le texte sacré n’ont reçu de démenti. L’écrivain au nom peu suspect que nous venons de citer n’est pas loin sans doute de partager notre avis, quand il dit de ces traditions qu’elles « devaient être l’œuvre réfléchie d’une caste sacerdotale qui avait étudié avec beaucoup de perspicacité la physique du globe ; d’où les concordances si frappantes qu’où a signalées entre le texte biblique et les enseignements de la science moderne. » Ibid., p. 77.

Bibliographie. — 1° Auteurs favorables aux idées orthodoxes : abbé Duilhé de Saint-Projet, Apologie scientifique de la foi chrétienne, in-12, 1890, chap. xvii et xx ; le marquis de Nadaillac, Les premiers hommes et les temps préhistoriques, gr. in-8°, 1881, t. ii, p. 306-451 ; l’abbé Lecomte, Le darwinisme, in-12, 1873 ; le R. P. Hâté, L’homme-singe et nos savants, in-12, 1881. Jean d’Estienne, Le transformisme et la discussion libre, dans la Revue des questions scientifiques, avril 1889, l’abbé Thomas, Les temps primitifs et les origines religieuses, 2 vol. in-8°, 1890 ; Mgr  Meignan, Le monde et l’homme primitif, in-8°, 1869, chap. VI ; Dr Jousset, Évolution et transformisme, in-12, 1889, p. 135-182 ; d’Acy, Les crânes de Canstadt, de Néanderthal et de l’Olmo, dans le compte rendu du premier congrès scientifique international des catholiques (1888), t. H ; Pozzy, La terre et le récit biblique de la création, in-8°, 1871, p. 373-449 ; Southall, The récent origin of man, in-8°, 1875 ; de Quatrefages, L’espèce humaine, in-8°, 1878, ch. xi-xiii ; Hommes fossiles et hommes sauvages, in-8°, 1884, § i et ii ; Introduction à l’étude des races humaines, in-8°, 1889, ch. iii et iv ; Marin de Cartanrois, Études sur les origines, in-8°, 1876, p. 545 et suiv. ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iii, ch. iii, p. 266-436, et t. iv, sect. iv et vi, 1 et suiv. ; Hamard, L’âge de la pierre et l’homme primitif, in-12, 1883, 1. Il et m ; Études critiques d’archéologie préhistorique, in-8°, 1880, p. 141-259 ; L’archéologie préhistorique et l’antiquité de l’homme, dans La Controverse et le Contemporain, août, octobre et novembre 1886, juillet et août 1887 ; Dictionnaire apologétique, gr. in-8°, 1889, articles : Antiquité de l’homme et Tertiaire.

Auteurs hostiles ou indépendants : Darwin, La descendance de l’homme, trad. franc., 2 vol. in-8°, 1873 ; Wallace, La sélection naturelle, trad. franc., in-8°, 1872, p. 318-391 ; Hæckel, Anthropogénie ou histoire de l’évolution humaine, trad. franc., in-8° ; Lyell, L’ancienneté de l’homme prouvée par la géologie, trad. franc., in-8°, 1870 ; J Lubbock, L’homme préhistorique, trad. franc., in-8°, 1876 ; Les origines de la civilisation, trad. franc., in-8°, 1873 ; Edward Tylor, La civilisation primitive, trad. franc., 2 vol. in-8° ; Schmidt, Descendance et transformisme, in-8°, 1880, p. 251-277 ; Trémaux, Origine et transformation de l’homme, in-12, 1865, p. 287-487 ; Dreyfus, L’évolution des mondes et des sociétés, in-8°, 1888, p. 203-335 ; Starcke, La famille primitive, in-8°, 1890 ; de Mortillet, Le préhistorique, in-12, 1883 ; du Cleuziou, La création de l’homme et les premiers âges de l’humanité, 1887, gr. in-8°.

P. Hamard.

2. ADAM DE BARKING, bénédictin anglais, florissait vers 1217. Il fit ses études à Oxford, et devint célèbre comme prédicateur et interprète des Saintes Écritures. Il écrivit en vers De serie sex ætatum, et en prose Super quatuor Evangelia, ouvrages restés manuscrits, et célèbres dans leur temps à cause de l’érudition et du talent littéraire de l’auteur. Voir T. A. Archer, dans L. Stephens’ Dictionary ef national biography, 1. 1, p. 76.

3. ADAM DE COURLANDON, chanoine doyen de Laon, mort après 1223, a laissé en trois in-f° manuscrits : Solutions de diverses questions sur l’Écriture Sainte, dédiées à Michel, archevêque de Sens. Gallia christiana, t. ix, p. 561.

4. ADAM DE MARISCO ou DU MARAIS, franciscain anglais, mort vers 1257. Il entra en religion vers 1237, et fut le premier professeur de l’école ouverte par les franciscains à Oxford. Ce fut un des principaux personnages de son époque, non moins célèbre par sa réputation de sagesse que par sa science, qui lui valut le surnom de Doctor illustris. Il composa un commentaire du Cantique des cantiques et une explication des Saintes Écritures, mais ses œuvres n’ont pas été imprimées. Voir Matthieu Paris, à l’an 1253 ; Wood, Antiquitates Univ. Oxonii, 1. 1, p. 72.

5. ADAM DE PERSEIGNE, d’abord chanoine régulier, puis bénédictin, enfin religieux de l’ordre de Citeaux. Il devint abbé du monastère de Perseigne, au diocèse du Mans, vers 1180. Il mourut en 1204, en laissant une grande réputation de sagesse. J. Trithème, abbé de Spanheim, le dit très versé dans les Saintes Écritures ; il lui attribue des commentaires sur l’Écriture Sainte, en déclarant toutefois n’avoir pu les voir. En 1190, Adam, étant venu à Rome, réfuta de vive voix Joachim, abbé du couvent de Flore, de l’ordre de Cîteaux, en Calabre, qui avait composé sur l’Apocalypse un livre célèbre, d’où les Joachimites tirèrent leurs erreurs, condamnées en 1215 par le quatrième concile de Latran. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. 1, p. 360-362.

6. ADAM DE SAINT-VICTOR, ainsi nommé parce qu’il était chanoine régulier de Saint -Victor de Paris, était Breton d’origine.La date de sa naissance n’est point connue ; il mourut vers 1192. Outre ses œuvres poétiques, justement célèbres, on lui attribue : 1° Summa Britonis, seu de difficilibus vocabulis in Biblia contentis ; 2° Expositio super omnes prologos Bibliæ. Le premier ouvrage est un dictionnaire de tous les mots difficiles de la Bible, qui devait servir de manuel aux novices et à ceux qui commencent l’étude de l’Écriture Sainte. Après avoir donné de chaque mot une étymologie digne de la science philologique de son temps, il en explique le sens littéral ou mystique, et en développe toutes les significations. En tête de ce dictionnaire se lit un prologue en vers, et à la fin l’auteur avoue modestement qu’il n’a guère fait que compiler les auteurs ecclésiastiques qui l’ont précédé. Mais c’est une bonne compilation de plus de cent manuscrits, d’où il avait extrait, comme il le dit, « flores auctorum. » L’Expositio super omnes prologos est une suite et un complément naturel du précédent ouvrage. C’est un commentaire historique des prologues de saint Jérôme, également pour l’instruction des novices. En quelques vers, Adam nous fait connaître qu’après avoir éclairci les difficultés du texte (dans la Summa), il entreprend une œuvre difficile qui l’effraye. — Dom Brial, Histoire littéraire de la France, t xv, p. 43, à la suite de Pits, Wadding, Fabricius, etc., conteste à Adam de Saint-Victor la paternité de ces deux ouvrages. Il attribue la Somme philologique à un certain Guillaume le Breton, auteur d’ailleurs à peu près inconnu. Il se trompe, car : 1° le manuscrit 111 de Montpellier est du xiiie siècle, et Guillaume le Breton est mort en 1356. Les annales de Jean de Thoulouse, Victorin, les catalogues de la bibliothèque de Saint -Victor font honneur de la Summa à notre Adam. Ces autorités l’emportent certainement sur quelques manuscrits du xiv « siècle, qui portent le nom de Guillaume le Breton. Il est du reste assez probable, d’après le titre d’un de ces manuscrits, que ce Guillaume a retouché l'œuvre d’Adam, et ajouté quelques mots français au dictionnaire, qui prend le titre de Vocabularium latino-gallicum. Ainsi l'œuvre tout entière a pu passer facilement sous son nom. 2° L’auteur de l’Expositio déclare dans cet ouvrage être l’auteur du dictionnaire ; de plus, les mêmes autorités lui en font également honneur. 3° Enfin, critérium important pour reconnaître l'époque et l’auteur des deux ouvrages en question, ils sont précédés tous les deux d’un prologue en vers, et en vers du xiie siècle. N’est-ce pas une forte présomption en faveur d’Adam de Saint-Victor, versificateur habile et poète fécond du xiie siècle ? Guillaume le Breton n’est que du xive siècle, et du reste il ne s’est point fait connaître par des œuvres poétiques. Quant aux autres ouvrages, comme Adas anglici super Marcum ; ejusdem super Epistolam Pauli ad Hebræos ; Expositio super cantica, aucune raison sérieuse ne permet d’en attribuer la composition à Adam de Saint-Victor. Voir Léon Gautier, Œuvres poétiques d’Adam de Saint-Victor, introduction de la 1re édition, l. 1, p. lv-xciv.

ADAMA (hébreu : ʾAdmâh ; Septante : Ἀδάμα), ville de la Pentapole, détruite en même temps que Sodome et Gomorrhe. Deut., xxix, 23. Située sur les confins du pays de Chanaan, Gen., x, 19, elle avait un roi nommé Sennaab, qui s’allia aux quatre princes voisins pour repousser l’attaque des rois étrangers, Chodorlahomor, Thadal, Amraphel et Arioch. Gen., xiv, 1-2, 8-9. Le combat eut lieu dans la vallée de Siddim ou « vallis Silvestris », Gen., xiv, 3, et les cinq alliés furent défaits.

Adama subit quelque temps après le châtiment des villes coupables. Le récit de la Genèse suffirait à lui seul pour nous l’apprendre ; car après avoir dit, xix, 24, que Dieu fit tomber sur Sodome et Gomorrhe une pluie de soufre et de feu, l’auteur sacré ajoute, au verset suivant : « Et il détruisit ces villes et toute la région d’alentour ; » en hébreu : kol-hakkikkâr, « tout le cercle. » Mais le fait est attesté d’une manière formelle par le Deutéronome, xxix, 23, et par le prophète Osée, xi, 8. D’après les Septante, Isaïe aurait parlé de cette ville dans sa prophétie contre Moab, xv, 9 ; prenant ʾâdâmâh, « terre, » pour un nom propre, ils ont traduit lišʾêrîṭ ʾâdâmâh par τὸ κατάλοιπον Ἀδάμα, ce que la Vulgate a rendu plus justement par « les restes de la terre ».

La situation qu’on peut assigner à Adama dépend nécessairement de l’opinion qu’on adopte pour l’emplacement de la Pentapole ou de la vallée de Siddim. Or les hypothèses émises par les nombreux savants qui ont étudié la question se réduisent aux trois suivantes : la contrée dont nous parlons occupait tout l’espace envahi par la mer Morte, ou bien s'étendait au sud depuis la presqu'île de la Lisân jusqu'à la Sebkhah, et peut-être plus loin vers l’Arabah, ou enfin se trouvait au nord vers Jéricho et au delà. On peut voir dans M. V. Guérin, La Terre Sainte, IIe partie, p. 291-298, un exposé très clair des deux premiers systèmes, et dans Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 238 -241, les arguments en faveur du troisième (reproduits par Trochon, La Sainte Bible, introduction générale, Paris, 1887, t. ii, p. 169-171). Pour le développement de la question, voir Sodome, Gomorrhe, mer Morte.

Devant nous en tenir ici à la seule ville d' Adama, nous essayerons d’en déterminer au moins approximativement la position de la manière suivante. Deux points de repère nous paraissent suffisamment solides. D’abord la première des cinq villes, Sodome, se trouvait certainement auprès du Djébel-Ousdoum, qui en a conservé le nom, et en est, dit M. Clermont-Ganneau, « le représentant incontesté. » Ségor, Gomorrhe et Sodome, dans la Revue critique d’histoire et de littérature, 7 septembre 1885, p. 172. Elle était donc dans la région sud-ouest de la mer Morte. Ensuite la dernière ville, Ségor ou Zoar, devait être située au sud-est du même lac. Des nombreux témoignages qui, depuis l’antiquité jusqu'à l'époque arabe, et même celle des croisades, favorisent cet emplacement, nous ne voulons rappeler que celui de Josèphe, Bell.jud., IV, viii, 4, disant que le lac Asphaltite s'étend de Jéricho au nord à Ségor au sud. Cf. Clermont-Ganneau, loc. cit. Il est certain du reste que Sodome et Ségor n'étaient pas éloignées l’une de l’autre ; car Lot, au jour de la catastrophe, quittant la première « comme l’aurore montait », arriva dans la seconde « comme le soleil sortait sur la terre. » Gen., xix, 15, 23. Voir Ségor.

Les deux points opposés une fois déterminés, nous pouvons ranger au-dessous les trois autres villes, suivant l’ordre d'énumération donné par la Genèse, x, 19, et admis par tous les auteurs. On remarquera d’ailleurs que le nom d’Adama est toujours uni à celui de Seboïm. Gen., x, 19 ; xiv, 2, 8 ; Deut., xxix, 23 ; Os., xi, 8. Si donc nous ne trouvons actuellement, au sud de la mer Morte, aucune localité qui rappelle exactement la ville d’Adama, nous pouvons croire cependant qu’elle se trouvait, comme les autres cités de la Pentapole, dans cette région que l'Écriture appelle si justement un « cercle », kikkâr, et qui comprenait la partie méridionale de la mer Morte, submergée depuis le cataclysme, puis la Sebkhah ou l’extrémité du Ghôr, et peut-être, suivant quelques auteurs, une petite partie de l’Arabah. Cette hypothèse, dit M. ClermontGanneau, loc. cit., « serait bien conforme à la tradition arabe, qui n’est pas à dédaigner, tradition qui place justement dans cette région ce qu’elle appelle « les villes du « peuple de Lot », medâïn qaum Lout.

À l’argumentation qui précède, nous n’ajouterons que l’observation suivante, qui confirme ce que nous venons de dire. Elle est tirée de la manière dont la Genèse, x, 19, détermine les limites du pays de Chanaan. Le verset doit, en effet, se traduire ainsi d’après l’hébreu : « Et les confins du Chananéen furent de Sidon en allant vers Gérare (c’est-à-dire dans la direction de Gérare, du nord au sud) jusqu'à Gaza ; en allant vers Sodome, et Gomorrhe, et Adama, et Seboïm (c’est-à-dire dans la direction de ces villes, du nord au sud-est), jusqu'à Lésa. » Nous ne croyons pas nécessaire de dire avec Keil que, dans la dernière partie du verset, le point de départ est non plus Sidon, mais Gaxa, en sorte que la ligne méridionale irait ainsi de l’ouest à l’est ; rien dans le contexte n’exige ce changement. Mais nous croyons pouvoir conclure de tout ce passage que les quatre villes qui y sont mentionnées formaient la frontière sud - est du pays de Chanaan. Si, en effet, l’auteur sacré avait voulu indiquer la limite orientale, ce qu’il faudrait supposer dans l’opinion de ceux qui placent la Pentapole au nord de la mer Morte, il n’aurait pas commencé rénumération par Sodome, qui devait se trouver ainsi la plus méridionale.

Conder, Handbook to the Bible, p. 241, dit qu’Adama est peut-être la même que la ville d’Adom, citée dans Jos., iii, 16, et la place ainsi au sud du Jaboc, à l’endroit appelé aujourd’hui Dâmiéh. Les raisons que nous venons d’exposer ne nous permettent pas d’adopter cette opinion. Voir Adom.

4. ADAMI (hébreu : ʾĂdâmi ; Septante : Ἀρμέ), ville frontière de la tribu de Nephthali. Jos., xix, 33. Le texte hébreu unit ce nom au suivant, han-Néqeb, en sorte que la signification du composé serait « Adami-la-caverne » (néqeb, avec l’article, « caverne », comme en syriaque, Gesenius, Thesaurus linguæ heb. et chald., p. 909), ou, suivant certains auteurs, « Adami-du-défilé » (néqeb, d’après l’arabe naqb, « chemin, trou entre des montagnes » ), C. F. Keil, Biblischer Commentar über das Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 159 ; Riehm, Handwörterbuch des bibl. Altertums, 1881, t. i, p. 25 ; enfin, d’après quelques autres, Adami indiquerait le nom propre de la ville, et han-Néqeb le lieu où elle était située. E. F. C. Rosenmüller, Scholia in Vetus Testam., Josue, XIe part., t. i, Leipzig, 1833, p. 379. Le Targum de Jonathan suit l’hébreu, et la Vulgate a traduit comme s’il y avait : ʾĂdâmi hî' néqeb ; Adami quæ est Neceb, « Adami, appelée aussi Néceb. »

Cependant certains témoignages favorisent la distinction des deux noms. Les Septante, lisant « Adami ve-Neqeb », nous ont donné Ἀρμέ καὶ Ναϐόκ Na6ôx, (Codex Alexandrinus : Ἀρμαὶ καὶ Νακέϐ). Nous retrouvons, dans le premier mot, la confusion entre le daleth, ד, et le resch, ר ; les traducteurs grecs ont lu ארמי, ʾarmé, ou ארמי, ʾarmai ; le second, Ναϐόκ, offre une transposition semblable à celle de Τανάχ pour Ταχάν. Num., xxvi, 35. Eusèbe, après la version syriaque, distingue également deux villes, Ἀδαμι, Onomasticon, édit. de Lagarde, Gœttingue, 1870, p. 224, et Νεκέμ, ibid., p. 283, pour Neceb d’après saint Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 913. Le Talmud, Gemara Hieros., cod. Megilla, fol. 70, col. i, expliquant les noms anciens par les noms plus récents, rend Adami par Damîn, et han-Néqeb par Ṣiadaṭa. Cf. Reland, Palæstina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. ii, p. 545, 717, 817 ; A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 225. Enfin, la liste géographique de Thotmès III cite deux villes qu’on peut à bon droit rapporter à celles dont nous parlons : Adimim, que M. Maspero n’hésite pas à identifier avec notre Adami, et Nekabou, qui présente « un rapprochement très vraisemblable avec la Nekeb de Nephthali, … et les autres noms ne contredisent pas cette hypothèse ». G. Maspero, Sur les noms géographiques de la liste de Thoutmos III, qu’on peut rapporter à la Galilée (extrait des Transactions of the Victoria Institute, or philosophical Society of Great Britain, 1886, p. 6, 11).

Quoi qu’il en soit, Adami peut se retrouver dans deux localités actuelles, qui, par leur nom, la rappellent exactement : Khirbet Admah, située sur la rive droite du Jourdain, un peu au-dessous de l’embouchure du Yarmouk, ou Dâmiéh (suivant la carte de l’Exploration Fund, Daméh selon Robinson et V. Guérin), à quelque distance au sud-ouest du lac de Tibériade. Le choix est difficile à faire ; cependant la dernière position nous semble plus conforme au nom lui-même, et à l'énumération de Jos., xix, 33, où l’auteur sacré, allant du nord vers le sud, met Adami avant Jebnaël (aujourd’hui Yemma) ; enfin elle rapproche davantage notre ville de celle qui lui est unie dans le texte. Beaucoup d’auteurs, en effet, identifient Nékeb avec la Ṣiadaṭa du Talmud, et cette dernière avec Khirbet Seiyadéh, tout près de la pointe sud-ouest du lac de Tibériade. Voir Néceb.

Khirbet Dâmiéh ou Daméh se trouve au nord-ouest de ce dernier village, sur le sommet d’une colline rocheuse, et renferme des ruines assez étendues. « Une trentaine de maisons, encore à moitié debout, sont d’origine musulmane ; mais elles ont été bâties avec des matériaux anciens, la plupart basaltiques. Sur les pentes orientales de la colline, le sol est jonché d’un amas considérable de débris de toute nature, restes confus de maisons renversées. Plus bas, trois sources se réunissent pour aboutir, par différents conduits, à un bassin long de dix-sept pas sur onze de large. Près de ce bassin gisent à terre plusieurs fûts de colonnes mutilés, qui ornaient jadis un édifice entièrement rasé… La dénomination de Daméh semble antique, et les ruines auxquelles elle est attachée attestent l’existence dans cet endroit d’une ancienne ville ou bourgade de quelque importance. » V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 265.

2. ADAMI Cornélius, théologien hollandais, ministre protestant à Damm, mort au commencement du xviiie siècle. On a de lui divers ouvrages écrits avec érudition et critique : Observationes theologico-philologicæ, in-4o, Groningue, 1710 ; Exercitationes exegeticæ, in-4o, Groningue, 1712. Le premier ouvrage a surtout pour but d’expliquer divers passages des Écritures par les mœurs et les coutumes des diverses nations ; il s’occupe spécialement du livre d’Esther, de l'Évangile de saint Matthieu et des Actes des Apôtres (mages se rendant à Jérusalem, superstitions et usages des Athéniens, etc.). Le second ouvrage traite de l’oppression et de la multiplication des Israélites en Égypte, de l’histoire de Moïse, du passage de l'Épître aux Romains, i, 18, 32 ; etc.

ADAMNAN (Saint), né à Drummond, en Irlande, en 625, fut abbé du monastère fondé par saint Columba dans l’Ile d’Hy ou d’Iona, près de la côte d’Ecosse. Il mourut en 705. On a de lui une description fort curieuse de la Terre Sainte, telle qu’elle était vers le milieu du VIIe siècle. Il l’avait rédigée d’après les récits d’un évêque gallo-franc, nommé Arculfe. Celui-ci, en revenant par mer de la Palestine, avait été jeté par les vents sur la côte d’Irlande, d’où, attiré par la réputation du célèbre monastère, il était venu le visiter. Le P. Gretser publia de cette description une édition in-4o, Ingolstadt, 1619, Adamnani Scotohiberni, abbatis celeberrimi, de Situ Terræ Sanctæ et quorumdam aliorum locorum, ut Alexandriæ et Constantinopoleos, libri tres. Mabillon en fit une édition plus complète, qu’il inséra dans les Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, t. iv, Adamnani, abbatis hiiensis, libri tres, de Locis Sanctis, ex relatione Arculfi, episcopi galli. Il en existe aussi des éditions récentes. Cf. Montalembert, Moines d’Occident, t. iii, p. 10-11. Voir Arculfe.

1. ADAMS Richard, ministre presbytérien, né vers 1626, mort le 7 février 1698, publia le commentaire des Épîtres aux Philippiens et aux Colossiens dans les Annotations upon the Holy Bible, de Matthew Poole, 1683-1685, ouvrage basé sur la Synopsis Criticorum du même Poole, 1683-1685.

2. ADAMS Thomas, théologien anglican, 1612-1670, célèbre en son temps comme prosateur et prédicateur, publia en 1663 un gros commentaire in-folio : The Second Epistle of St Peter ; nouvelle édition, Londres, 1839, et dans ses Works, 3 in-8o, Londres, 1862.

ADAN, Israélite dont les descendants revinrent de la captivité de Babylone avec Zorobabel. I Esdr., viii, 6. Voir Adin.

1. ADAR, ADDAR (hébreu : Ḥăṣar-ʾAddâr ; Septante : ἔπαυλις Ἀράδ ; Vulgate : villa nomine Adar, Num., xxxiv, 4 ; ʾAddar, Σάραδα, Jos., xv, 3), ville frontière de la tribu de Juda, à l’extrémité méridionale de la Palestine. Le mot ḥăṣar, qui, dans le premier passage, précède le nom, est l'état construit de ḥăṣer, et signifie proprement « lieu entouré de clôtures ». Cf. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 512. Il indiquait, chez les tribus pastorales de la Bible, la même chose que les douars chez les Arabes d’Afrique. Voir Haséroth. Ce même mot entre dans la composition de plusieurs autres noms de lieu : Asergadda (hébreu : Ḥăṣar-Gaddâh), Jos., xv, 27 ; Hasersusa (Ḥăṣar-Sûsàh), Jos., xix, 5 ; Hasersual (Ḥăṣar-Šû'âl), Jos., XV, 28 ; et l’on a remarqué que presque toutes les localités dont la dénomination comprend cet élément se trouvent dans le désert ou sur les confins du désert. Adar ou Haseraddar était dans le même cas. Quant à la transcription des Septante, elle est facile à expliquer par la confusion entre le daleth, ד, et le resch, ר, adar = arad ; en outre, le Σ de Σάραϐα n’est, croyons-nous, que la dernière lettre de la préposition εἰς qui précède, lettre répétée par erreur de copiste.

Adar est citée entre Cadesbarné et Asémona, Num., xxxiv, 4 ; Josué, plus précis encore, la place entre deux localités intermédiaires, Esron et Carcaa, xv, 3. Eusèbe ne fait qu’indiquer sa situation « dans la tribu de Juda, auprès du désert », Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 219 ; de même saint Jérôme, Liber de situ et nominibus loc. heb., t. xxiii, col. 870. L’emplacement certain n’ayant pas été retrouvé, la détermination approximative dépend nécessairement de l’opinion qu’on adopte pour le site de Cadesbarné. Si l’on doit réellement, comme le prétendent plusieurs auteurs modernes, identifier cette dernière ville avec Aïn Qadis (voir Cadès), il faut alors chercher Adar au nord-ouest, à partir de ce point jusqu'à l’embouchure du « Torrent d’Égypte » ou Ouadi el-Arîsch, limite de la Terre Sainte au sud-ouest. Num., xxxiv, 5 ; Jos., xv, 4. Si Esron, suivant la supposition de Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 257, se trouvait auprès du Djebel Hadhiréh, Adar serait un peu plus au nord, et directement à l’ouest, entre ce point et la Méditerranée.

A. Legendre.

2. ADAR, douzième mois de l'année juive. Il était de vingt-neuf jours, et correspondait à la dernière partie de notre mois de février et au commencement de mars. Le nom de ce mois est babylonien et n’apparaît dans la Bible qu’après la captivité. Il a été conservé dans la Vulgate, I Esd., vi, 15 ; Esther, iii, 7, 13 ; viii, 12 ; ix, 1, 15, 17, 19, 21 ; x, 13 ; xiii, 6 ; xvi, 20 ; I Mach., vii, 43, 49 ; II Mach., xv, 37. À partir de l'époque des Machabées, les Juifs célébrèrent ous les ans, le 13 Adar, l’anniversaire de la victoire remportée par Judas sur Nicanor. I Mach., vii, 49 ; II Mach., xv, 37. — Outre le mois d’Adar, les Juifs avaient un treizième mois, appelé Ve-adar, ou Adar additionnel ; i se plaçait entre Adar et Nisan, tous les trois ans environ, pour faire concorder l’année lunaire, qui est trop courte de onze jours, avec l’année solaire. Ve-adar comptait vingt-neuf jours. Il n’est jamais mentionné dans l'Écriture. Voir Mois.

4. ADAR, dieu chaldéen. Voir Adramélech 1.

ADARÉZER (hébreu : Hâdar'ézér, II Reg., x, 16, 19 ; I Par., xviii, xix, passim, et Hâdad'ézér, II Reg., viii, passim, « dont le secours est Hâdad » [dieu des Syriens] ; Septante : Ἀδρααζάρ), roi de Soba, contrée syrienne dont la situation n’est pas exactement déterminée. Voir Soba. Ambitieux et avide de conquêtes, ce prince se préparait à attaquer les rois ses voisins ; profitant même de l’abaissement de la puissance assyrienne, voir G. Smith, Ancient History from the monuments, Assyria, p. 34, il rêvait de porter ses armes jusqu'à l’Euphrate, quand David fondit sur lui, comme il venait de fondre sur les Philistins et les Moabites, lui prit dix-sept cents cavaliers (sept mille d’après I Par., xviii, 4), vingt mille hommes de pied, mille chars, et coupa les nerfs des jarrets à tous les chevaux des chars, se réservant seulement cent attelages. H Reg., viii, 4 ; cf. I Par., xviii, 4. Cette défaite alarma les voisins d’Adarézer, et particulièrement les habitants du principal royaume araméen, celui de Damas, qui envoyèrent des troupes au secours du vaincu. Mais David avait Jéhovah pour lui : il tua vingt-deux mille de ces nouveaux ennemis, et occupa militairement toute la Syrie, lui imposant un lourd tribut. II Reg., viii, 5-6. Par la piété de David, Jérusalem, ou plutôt le sanctuaire, s’enrichit des armes (hébreu : šiletê hazzâhâb, « boucliers d’or, » I Par., xviii, 7 ; Septante : τοὺς κλοιοὺς τοὺς χρυσοῦς, « colliers d’or ; » Vulgate : pharetras aureas, « carquois d’or » ) que portaient les principaux officiers d’Adarézer. II Reg., viii, 7. D’après les Septante, ces boucliers d’or, souvenir de la défaite d’Adarézer, auraient été transportés en Égypte par le roi Sésac : Kαὶ ἔλαϐεν αὐτὰ Σουσακὶμ βασιλεὺς Αἰγύπτου, ἐν τῷ ἀναϐῆναι αὐτὸν εἰς Ἱερουσαλὴμ ἐν ἡμέραις Ροϐοὰμ υἱοῦ Σαλομῶντος. II Reg., viii, 7. Ce passage est manifestement une interpolation et aussi une erreur, puisque les boucliers emportés par Sésac avaient été faits sur l’ordre de Salomon pour sa garde royale. III Reg., x, 16 ; cf. xiv, 25-28. D’ailleurs David, en consacrant ces armes d’or à Jéhovah, les avait fait entrer dans le trésor qu’il avait formé en vue de la construction du temple. II Reg., viii, 11 ; cf. I Par., xviii, 11. Salomon s’en était servi pour la décoration de l'édifice sacré. I Par., xxii, 14-16. Une grande quantité d’airain enlevé aussi par David des villes royales de Beté et de Béroth (appelée dans Josèphe Mάχον, Ant. jud., VII, vi), appartenant à Adarézer, fut de même porté au sanctuaire, et y servit plus tard à la fabrication de la mer d’airain, des colonnes et des vases de même métal au service du temple. I Par., xviii, 8. La défaite d’Adarézer fut un sujet de joie pour ceux de ses voisins qu’inquiétaient à juste titre ses projets ambitieux, et en particulier pour le roi d'Émath, qui envoya ses félicitations à David vainqueur. II Reg., viii, 9, 10.

L’expédition de David contre Adarézer racontée dans II Reg., x, 6-19, et dans I Par., xix, 6-19, est-elle la même que la précédente, avec quelques variantes et de nouveaux détails ? Beaucoup l’affirment : Clair, Les livres des Rois, p. 50 ; Fillion, La Sainte Bible commentée, t. ii, p. 365, et donnent pour raison que la guerre dont il est parlé II Reg., viii, et I Par., xviii, se termine par une victoire de David si complète sur les Syriens, qu’une reprise d’hostilités de leur part était impossible. Mais il est plus naturel de s’en tenir à la division du texte et d’admettre une double guerre. Tandis que l’assimilation de ces deux récits fait surgir de nombreuses difficultés, à cause de la divergence des nombres et des circonstances, la double expédition les écarte toutes. Les monuments assyriens nous apprennent d’ailleurs qu’il était bien rare qu’un peuple battu et dépouillé de ses richesses, spécialement en Syrie, ne secouât le joug bientôt après.

On peut vraisemblablement supposer qu’après sa première défaite, Adarézer, sans perdre de temps, reforma son armée et fut bientôt prêt à secourir les Ammonites, lorsque ceux-ci, se voyant sur le point d'être châtiés de l’affront qu’ils avaient fait à David, achetèrent l’appui des rois syriens, et en particulier du roi de Soba, le plus puissant d’entre eux. II Reg., x, 4-6. Ce fut dans la plaine de Madaba qu’eut lieu le rendez - vous des alliés et leur rencontre avec l’armée des Hébreux. II Reg., x, 8-13 ; cf. I Par., xix, 7. Ils s'étaient divisés en deux corps de troupes, le premier composé des Ammonites, le second formé des Syriens de Rohob, d’Istob ou Tob, de Maacha, et enfin des puissants contingents d’Adarézer, II Reg., x, 6-8, disposés de manière à attaquer simultanément les Hébreux de front et par derrière. Mais Joab, que David avait mis à la tête de son armée, comprit le piège, et, opposant aux Ammonites un corps de troupes commandé par son frère Abisaï, il se lança lui-même avec ses bataillons sur les Syriens, moins ardents pour le combat, puisqu’ils n’y étaient qu'à titre de mercenaires. Tous et avec eux Adarézer furent battus, et ils n'échappèrent à un écrasement total que grâce à une fuite rapide. Les Syriens de Rohob, d’Istob et de Maacha se résignèrent à leur défaite. Pour Adarézer, le fier roi de Soba, naguère vainqueur du puissant roi d’Assyrie, il ne put dévorer cet affront ; mais, décidé à reprendre l’offensive, il envoya à la hâte ses officiers faire des levées en masse dans les régions au delà de l’Euphrate, alors soumises à sa puissance. II Reg., x, 16. Ainsi formée et sous le commandement de Sobach (appelé aussi Sophach, I Par., XIX, 18), cette nouvelle armée se porta à la rencontre des Hébreux, que David cette fois commandait en personne, et le texte dit qu’il avait mis sur pied « tout Israël ». II Reg., x, 17. Ce fut à Hélam qu’eut lieu la bataille décisive. Les Syriens d’Adarézer y furent taillés en pièces, laissant sur le champ de bataille quarante mille cavaliers, et aux mains des vainqueurs sept cents chars de guerre, II Reg., x, 18 (d’après I Par., xix, 18, quarante mille fantassins et sept mille chars) ; Sobach fut tué, et les Syriens tributaires d’Adarézer firent leur soumission à David. Josèphe dit que cette dernière défaite d’Adarézer arriva pendant l’hiver. Ant. jud., VII, vii.

P. Renard.

ADARSA, I Mach., vii, 40 ; ADAZER, I Mach., vii, 45 (Septante : Ἀδασά), ville de Judée où Judas Machabée remporta sur Nicanor une brillante victoire. On lit Ἀδασά dans Josèphe, une première fois au pluriel neutre, ἐν Ἀδασοῖς, Ant. jud., XII, x, 5 ; une seconde fois au féminin singulier, Ἀδασάν, Bell. jud., 1, 1, 6. La Vulgate donne deux noms différents, mais le contexte indique bien qu’il s’agit d’une même localité. Dans l’Onomasticon, édit. de Lagarde, Gœttingue, 1870, p. 220, Eusèbe mentionne un village nommé Adasa, près de Gophna ; mais il le place en même temps dans la tribu de Juda. Saint Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 871, s’étonne à bon droit de cette dernière assertion ; car Gophna (aujourd’hui Djifnéh), capitale de l’ancienne Gophnitique, appartenait plutôt à la tribu d’Éphraïm, ou au moins formait la limite des deux tribus d’Ephraïm et de Benjamin. Voir la carte de la tribu de Benjamin. L’erreur d’Eusèbe vient probablement de ce qu’il a confondu le lieu dont nous parlons avec Hadassa (hébreu : Ḥădâšâh, « la nouvelle » ), mentionnée par Josué, xv, 37, parmi les villes de la Séphéla, en Juda, et appelée par les Septante de ce même nom Ἀδασά.

Adarsa ou Adazer est aujourd’hui identifiée avec Khirbet’Adaséh ou’Adasa, endroit situé au nord de Jérusalem, sur la route de Naplouse et un peu à l’est d’El-Djib (ancienne Gabaon). Cette situation est confirmée non seulement par l’identité des noms, mais encore par sa conformité avec les données de la Bible et des historiens. D’après I Mach., vii, 45, cette ville était à une journée de marche de Gazara (Gazer), et, d’après Josèphe, Ant. jud., XII, x, 5, à trente stades de Bélhoron. Or, dit M. V. Guérin, « cette distance de trente stades répond assez bien, à une légère différence près, à celle qui sépare le Khirbet ’Adasa de Beit-A’our el-Fouka (Béthoron supérieure), où Nicanor avait dû certainement établir son camp, de préférence à Béthoron inférieure, aujourd’hui Beit-Aʿour et-Thala. » Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 6. D’un autre côté, Khirbet’Adasa est, en droite ligne, à vingt-sept kilomètres à l’est de Tell el-Djézer, où M. Clermont-Ganneau a reconnu le site de Gazer ou Gazara. La Palestine inconnue, Paris, 1876, p. 15-22. Voir Gazer. Cet espace, que parcoururent les Juifs poursuivant leurs ennemis vaincus, paraît suffisant pour « la journée de chemin » dont parle le récit sacré. I Mach., vii, 45. Il est évident, en effet, que la poursuite dut être ralentie par quelques combats isolés ; ce qui ressort du reste des versets 45 et 46, où nous voyons les habitants des villages, avertis par la trompette et les signaux, charger les fuyards, les cerner, et ceux-ci se retourner pour tenter une défense inutile, puisqu’ils ont jeté leurs armes, I Mach., vii, 44, jusqu’à ce qu’enfin le dernier Syrien soit tombé : voir le texte grec, dont le récit est plus clair et plus énergique.

Khirbet’Adasa, dont le nom et la situation répondent si bien aux données de la Bible et de Josèphe, se trouve à deux heures de marche au moins au sud de Djifnéh (ancienne Gophna), ce qui ne s’accorde guère avec l’assertion d’Eusèbe. Le plateau renferme quelques ruines, peu considérables, il est vrai, mais qui suffisent pour attribuer à ce site une certaine importance dans les siècles passés : on y voit des restes de tombes et de pressoirs creusés dans le roc, des citernes, des débris de colonnes, depierres taillées, et quelques fragments de poterie. Cf. Palestine Exploration Fund, Quart. Stat., 1882, p. 166-168. Adarsa, nous l’avons dit, est célèbre par la victoire que Judas Machabée remporta sur Nicanor, le 13 du mois d’adar 161 avant J.-C. Le général syrien, quittant Jérusalem, était venu camper à Béthoron pour y rejoindre un corps auxiliaire. Les deux Béthoron, surtout celle qui porte le nom de Supérieure, ont toujours été reconnues pour des points stratégiques très importants. Judas vint se poster à Adarsa avec trois mille hommes suivant la Vulgate et les Septante, avec mille hommes seulement suivant Josèphe. En habile tacticien, il avait admirablement choisi son emplacement ; car il commandait de là les trois routes principales, qui du nord, du nord-ouest et de l’ouest, se rendent à Jérusalem. Il fermait en même temps à l’ennemi toute voie de retour vers la ville sainte. Après une prière courte, mais dans laquelle sa foi s’inspire des grands souvenirs du passé, cf. IV Reg., xix, 35, il engage le combat. Nicanor vaincu tombe le premier au milieu de ses soldats, qui à cette vue jettent leurs armes et s’enfuient dans la direction du sud-ouest. Les Juifs, aidés par les gens de la contrée, les poursuivent jusqu’à Gazara, n’en laissent pas échapper un seul, et rapportent les dépouilles à Jérusalem. I Mach., vii, 39-47 ; II Mach., xv, 1 -35. La tradition a peut-être gardé le souvenir de cette bataille sanglante, car la vallée que domine le plateau de Khirbet’Adasah s’appelle encore Ouadi ed-Demm, « vallée du sang ». En souvenir de cette victoire, qui rendit à la terre de Juda quelques jours de tranquillité, on institua une fête. I Mach., vii, 49 ; II Mach., xv, 36, 37. Cette fête se célébrait encore au temps de Josèphe, et l’on en trouve la mention dans les chroniques rabbiniques. Cf. J. Derenbourg, Essai sur l’histoire et la géographie de la Palestine, Paris, 1867, p. 63.

A. Legendre.


ADAZER, ville de Palestine.I Mach., vii, 45. Voir Adarsa.


ADBÉEL (hébreu : ʾAdbe’êl ; Septante : Nαϐδεήλ), troisième fils d’Ismaël, chef d’une des douze tribus ismaélites. Gen., xxv, 13 ; I Par., i, 29.

ADDAI. Voir Actes apocryphes des Apôtres, col. 164.

1. ADDAR (hébreu : ʾAddâr, « magnifique ; » Septante : Ἀδίρ), fils de Balé, fils de Benjamin. I Par., viii, 3. Il est nommé Héred, Num., xxvi, 40.

2. ADDAR, ville de Juda. Jos., xv, 3. Voir Adar 1.

ADDAX. Voir Antilope.

ADDI (Nouveau Testament : Ἀδδί), fils de Cosan et père de Melchi, dans la généalogie de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Luc, iii, 28.


ADDINGTON Stephen, ministre dissident à Londres, né en 1729, mort en 1796. Il a publié : A Dissertation on the religious knowledge of the ancient Jews and Patriarchs, containing an Inquiry into the evidence of their belief and expectation of a future state, in-4°, Londres, 1757 ; The Life of St Paul, in-8 « , Londres, 1784. Le premier ouvrage fut composé en partie à l’occasion de la Divine Legation of Moses, de Warburton, qui produisit une si grande sensation en Angleterre, Voir Warburton. Addington s’attache en conséquence à réfuter l’évêque de Glocester. Sa Vie de saint Paul contient quelques points bien traités.

ADDO, hébreu : ʿIddô et ʿIddô’, « opportun. »

1. ADDO (hébreu : ’Iddô ; Septante : ’Aî8î)-Voir Adaïa 2. 2. ADDO (hébreu : 'Iddô' ; Septante : Σαδδώ), père d’Ahinadab, à qui Salomon confia l’intendance de la contrée de Manaïm (hébreu : Mafyânaïm). III Reg., iv, 14.

3. ADDO (hébreu : Yé'dôî ; Keri : Yé'dô ; Septante : Ἰωήλ, Ἀδδώ), prophète du royaume de Juda au temps de Roboam et d’Abia. Il écrivit sur ces deux règnes. II Par., xii, 15 ; xiii, 22. Il fit contre Jéroboam, fils de Nabat, des prophéties où il touchait quelques points de la vie de Salomon. II Par., ix, 29. Ces ouvrages sont perdus, mais ont servi à l’auteur du deuxième livre des Paralipomènes.

4. ADDO (hébreu : 'Iddô' ; Zach., 'Iddô ; Septante : Ἀδδώ), père de Barachie et grand-père du prophète Zacharie. Zach., i, 1, 7. Dans I Esdr., v, 1, et vi, 14, Zacharie est dit fils pour petit-fils d’Addo. D’après II Esdr., xii, 4, il revint de Babylone avec Zorobabel et était prêtre.

ADDON, ville de la Chaldée. II Esdr., vii, 61. Voir Adon.


ADDUS, ville de Palestine. IMach., xiii, 13. Voir Adiada.


ADELKIND Corneille, Juif d’une famille originaire d’Allemagne et fixée à Venise, fut chargé par deux célèbres imprimeurs de cette ville, Dan. Bomberg et Ant. Justiniani, de donner ses soins à plusieurs éditions de la Bible hébraïque, que chacun d’eux voulait publier. On lui doit ainsi la 3e et la 5e édition de la Bible hébraïque, in-4% imprimée chez Dan. Bomberg, en 1528 et en 1544. Il prépara la 1re édition in-4°, 1551-1552, de la Bible hébraïque imprimée chez Ant. Justiniani. Celui-ci en fit paraître en même temps une édition en petit format, 4 in-18, 1552, et en donna une 3e édition, in-4o, en 1563. Ces Bibles n’ont que le texte hébreu. Adelkind s’occupa également d’une Bible enrichie de targums et de commentaires des rabbins les plus célèbres. C’est la seconde et la meilleure édition de la Bible hébraïque rabbinique, en 4 in-f°, imprimée chez Dan. Bomberg, en 1549. Elle a conservé la préface de R. Jacob-ben-Chaïm, qui avait été chargé de la première édition, en 1526. Le Long, dom Calmet, etc., appellent notre éditeur Adil ; mais le nom complet, tel qu’il se trouve en caractères hébraïques sur les Bibles mentionnées, doit se lire Adelkind. Voir Bibliotheca sacra de J. Le Long, continuée par Masch, part, i, p. 20, 29, 102.


ADÉODAT, guerrier mentionné dans l’histoire de David. II Reg., xxi, 19, et I Par., xx, 5. La Vulgate, en ces deux endroits, a traduit les noms propres qu’on lit dans le texte hébreu, au lieu de les reproduire dans leur forme originale. 1° Le vrai nom du héros de David était Elchanan (hébreu : 'Elhânân). Saint Jérôme en a formé Adeodatus, en expliquant le mot hébreu, comme signifiant « Dieu a donné ». Plus loin, II Reg., xxiii, 24, il a conservé un nom semblable sous sa véritable forme Elchanan. — 2° Le père d’Elchanan s’appelait Jaïr ; c’est par suite d’une traduction analogue à la première que la Vulgate dit : « Adeodatus, filius Saltus, » en traduisant la signification de Jaïr : « bois. » — Saint Jérôme a expliqué, dans ses Quæst. hebr., t. xxiii, col. 1361, pourquoi, contrairement à son habitude, il n’a pas conservé dans ces passages les noms hébreux sous leur forme primitive : c’est parce que le second livre des Rois dit qu’Elchanan (Adéodat) tua le géant Goliath ; or nous savons par I Reg., xvii, 49-51, que ce fut David qui terrassa Goliath ; d’où il conclut que David et Elchanan sont un seul et même personnage, ce qu’il cherche à prouver par la signification du nom d’Adéodat et par quelques autres considérations. Mais le saint docteur ne prend pas garde que David tua Goliath sous le règne de Saül, tandis que l’exploit raconté II Reg., xxi, 19, eut lieu sous le règne de David. La solution de la diffi-culté que présente le texte des Rois est la suivante : ce texte a été altéré. Nous en trouvons une première preuve dans la variante que présentent certains manuscrits hébreux, où on lit : 'Elhânân ben-ya’arê 'ôrgîm, « Elchanan (ou Adéodat), fils des bois de tisserands, » Ces mots offrent un sens si peu naturel, qu’on les a corrigés en lisant : 'Elhânân ben Yâ'îr, et en supprimant le mot 'ôrgîm, « tisserands, » qui se lit à la fin du verset, et qu’on a supposé avec beaucoup de vraisemblance avoir été répété un peu plus haut par distraction. L’exemplaire sur lequel a traduit saint Jérôme portait d’ailleurs cette faute, puisqu’il a traduit : « Adeodatus… polymitarius. » Une seconde preuve de l’altération du texte des Rois, c’est la leçon différente de I Par., xx, 5, qui résout simplement toutes les difficultés. La Vulgate porte : « Adéodat, fils du Bois (Saltus), Bethléhémite, frappa le frère de Goliath. » On voit que le mot « tisserand », polymitarius, a disparu, et que le géant vaincu par Elchanan n’est pas Goliath, mais son frère. Autant il est peu probable, comme on a essayé de le dire pour résoudre la difficulté, qu’il ait existé à si peu d’intervalle deux géants philistins portant le même nom, autant, au contraire, il est naturel que, si Goliath a eu un frère, ce frère ait été lui aussi un géant. Mais saint Jérôme, qui a traduit fidèlement cette partie du texte des Paralipomènes, n’a pas rendu exactement une autre partie importante de ce passage. Pour le mettre d’accord avec celui des Rois, il a dit qu' Adéodat était Bethléhémite. L’auteur des Paralipomènes ne dit point cela, il écrit : « Elchanan frappa Lachmi, frère de Goliath. » Les mots ʾeṭ-Laḥmî, que devait avoir primitivement le texte des Rois, ont été changés par un copiste dans ce livre en bêṭ hallaḥmî, « Bethléhémite. »

E. Duplessy.

ADER Guillaume, médecin de Toulouse, mort en 1630. Il publia : Enarrationes de ægrotis et morbis in Evangelio, in-4°, Toulouse, 1620. Il montre que les maladies guéries par Jésus-Christ, n’ayant pu l'être par des moyens naturels, l’ont été nécessairement d’une manière miraculeuse.

E. Levesque.

ADÈS, lieu où habitent les morts. Voir Hadës.


ADFORMANTES, nom donné dans la grammaire hébraïque aux flexions qui s’ajoutent à la fin du verbe hébreu pour marquer la distinction des personnes et des temps. Voir Verbe hébreu.


ADIADA (Ἀδιδά), ville de la Séphéla, fortifiée par Simon Machabée. I Mach., xii, 38. C’est la même ville que celle qui, I Mach., xiii, 13, est appelée Addus, car le texte grec porte Ἀδιδά dans les deux endroits. Nous admettons également son identité avec l’Hadid (hébreu : Ḥâdîd, Ἀδιδ), mentionnée dans le livre d’Esdras, ii, 33, et dans celui de Néhémie, vii, 37 ; xi, 34. Esdras, en effet, nous apprend que sept cent vingt-cinq hommes de Lod, Hadid et Ono, revinrent de la captivité, sous la conduite de Zorobabel. Il est vrai que les Septante ne font ici qu’un seul mot de Lod et de Hadid, comme s’ils ne représentaient qu’une seule localité : Ὑιοὶ Λοδαδὶ καὶ Ὠνώ, I Esdr., II, 33 ; Ὑιοὶ Λοδαδὶδ καὶ Ὠνώ, II Esdr., vii, 37 ; mais il y a là une confusion évidente, car dans le second passage de Néhémie ces deux noms sont séparés par d’autres ; d’où il résulte clairement qu’ils désignaient deux villes différentes : Ἀδώδ, Σεϐωεὶμ Nαϐαλὰτ, Λύδδα, « Hadid, Seboïm, et Neballat, Lod. » II Esdr., xi, 34. On peut donc justement identifier l’Ἀδώδ et 1’Ἀδίδ des traducteurs grecs avec l’Ἀδιδά des Machabées. Du reste le rapprochement de Hadid et de Lod, et les données historiques tirées des Livres Saints eux-mêmes, confirment notre assertion, et nous permettent de retrouver sans difficulté l’emplacement de notre ville.

Lod est incontestablement l’ancienne Lydda des Actes des Apôtres, ix, 32, l’ancienne Diospolis, aujourd’hui Loudd, au sud-est de Jaffa ; de même qu’Ouo est actuellement Kefr 'Ana, à l’est de Jaffa et au nord de Loudd. Or, dans l’Onomasticon, édit. P. de Lagarde, Gœttingue, 1870, p. 220, au mot Ἀδιαθαίμ, Eusèbe place un village nommé Adatha à l’est de Diospolis, καὶ ἄλλη Ἀδαθὰ καὶ περὶ Διόσπολιν ἐν ἀνατολαῖς, ce que saint Jérôme reproduit exactement, sauf le changement d' Adatha en Aditha. Lib. de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 871. C’est donc dans le voisinage de Lydda que nous devons chercher l’emplacement actuel de la ville appelée Ḥâdid par Esdras et Néhémie ; Adida, Addus et Adiada par les Machabées ; Adatha par Eusèbe, et Aditha par saint Jérôme. Effectivement, à quatre kilomètres au plus à l’est de Loudd, se trouve une localité qui a conservé presque intacts les noms précédents : c’est Haditéh. Ce village couronne une haute colline dont les pentes sont assez raides : ainsi porte-t-il bien la dénomination de Ḥâdid, « pointu, » suivant l'étymologie donnée par Gesenius, Thesaurus linguæ heb. et chald., p. 446 ; et sa position répond exactement à la description de Josèphe, qui nous le montre « placé sur une éminence et dominant la plaine de Judée ». Ant. jud., XIII, vi, 4. « Les maisons sont grossièrement bâties, et quelques-unes sont à moitié renversées… [De l’ancienne localité] il ne subsiste plus actuellement qu’une quinzaine de citernes, un petit birket de forme oblongue, ainsi que plusieurs tombeaux et caveaux pratiqués dans le roc. Quelques pierres de taille, d’apparence antique, sont également éparses çà et là. » V. Guérin, Description de la Palestine, Samarie, t. ii, p. 65.

Quelques auteurs, entre autres Grove, Smith’s Dictionary of the Bible, Londres, 1861, 1. 1, p. 735, au mot Ḥâdid, repoussent pour Adiada ou Adida l’identification que nous venons d'établir, sous prétexte que la Séphéla, où, d’après I Mach., XII, 38, se trouvait la ville, ne s'étendait pas si haut vers le nord. Mais beaucoup de critiques, après Eusèbe et saint Jérôme, donnent comme ligne de démarcation entre la plaine de Saron et la plaine de Séphéla « les environs de Joppé (Jaffa) et de Lydda » : « Saron omnis circa Joppen Lyddamque appellatur regio, » S. Jérôme, Comment. in Isaiam, t. xxiv, col. 365 ; « Saron est la contrée qui s'étend de Césarée à Joppé, » Eusèbe, Onomasticon, p. 296. Voir Séphéla et Saron. En plaçant donc Adida à Haditéh, à une faible distance de Lydda, nous ne nous éloignons pas de cette ligne de séparation, qui d’ailleurs, remarquons-le, n’avait pas une rigueur mathématique, et nous ne voyons rien qui nous empêche de dire, comme l’auteur sacré : « Adida dans la Séphéla. » I Mach., xii, 38. Du reste, la situation que nous venons d’assigner à la ville est parfaitement d’accord avec les événements historiques qui s’y rattachent.

Habitée par les Benjamites à leur retour de la captivité, II Esdr., xi, 34, Hadid fut, au temps des Machabées, fortifiée par Simon, qui, après avoir occupé les villes maritimes, Ascalon et Joppé, mit ses soins à augmenter la résistance de cette place. I Mach., xii, 38. C'était donc un point stratégique important pour défendre la plaine, garantir en même temps l’entrée des montagnes de la Judée et la route de Jérusalem. C’est ce que confirme le second passage des Machabées, xiii, 13, où nous voyons le même héros juif venir camper à Addus pour barrer le passage à Tryphon, qui, partant de Ptolémaïde (Accho), à la tête d’une puissante armée, et traînant à sa suite Jonathas prisonnier, se proposait d’envahir et de dévaster la terre de Juda. Tryphon avait dû suivre le littoral, et il s’apprêtait à prendre la route bien connue de Jaffa à Jérusalem, lorsqu’il rencontra Simon ; c’est alors que, ne pouvant pénétrer de ce côté dans les montagnes de Judée, il fit un long détour et tâcha d’arriver à la ville sainte par l’Idumée, « par la voie qui mène à Ador, » à l’ouest d’Hébron. I Mach., XIH, 20 ; Ant. jud., XIII, vi, 4. Simon avait donc admirablement choisi son poste de défense. — Arétas, roi des Arabes, appelé au royaume de Cœlé- Syrie, et se mettant en marche pour gagner sa nouvelle capitale, passa par la Judée. Alexandre Jannée essaya aussi de lui barrer la route ; mais il fut battu près d’Adida. et un traité étant intervenu entre le vainqueur et le vaincu, Arétas s'éloigna. Ant. jud., XIII, xv, 2. — Enfin Vespasien, faisant le siège de Jérusalem, et voulant l’enfermer de tous côtés comme dans un cercle de fer, établit des forts et des avant-postes à Jéricho et à Adida, imposant aux deux villes une garnison composée de Romains et de troupes auxiliaires. Bell. jud., IV, ix, 1. Adida avait donc dans l’ouest la même importance que Jéricho dans l’est.

Hadid est mentionnée dans la Mischna, Erakhin, rx, 6 ; Talm. de Bab., même traité, 32 a, comme une ville fortifiée par Josué. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 85. Faut-il la voir aussi dans l’Hatita des listes géographiques de Karnak (n° 76)? Mariette le croit, cf. Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 4e série, t. ii, 1874, p. 255 ; et, en effet, il y a correspondance exacte entre les deux mots. Cependant, si l’on examine l’ordre d'énumération dans lequel les noms sont rangés, on hésite à admettre cette identification ; car on est en droit de se demander pourquoi les auteurs de ces listes, partant de Jaffa (Jopou), et suivant, dans la direction du sud-est, une ligne assez bien marquée, n’ont pas mentionné Hatita auprès de Lod (Louten) et Ono (Aounâou), qu’ils unissent, aux n os 64 et 65, absolument comme les livres d’Esdras et de Néhémie. On est donc tenté de placer cette ville plus au sud, et de l’identifier ainsi avec Adithaïm. Voir Adithaïm.

ADIAS, descendant de Bani. I Esdr., x, 39. Voir Adaïa 6.


ADIEL, hébreu : ʿĂdiʾêl, « Dieu a orné. »

1. ADIEL (Septante : Ἰεδιήλ), chef d’une des familles de la tribu de Siméon sous Ézéchias. I Par., iv, 36.

2. ADIEL (Septante : Ἀδιήλ), prêtre, père ou ancêtre de Maasai. I Par., ix, 12. Il semble être le même que Azrëel, père d’Amasaï. II Esdr., xi, 13. Il habita Jérusalem après le retour de la captivité de Babylone.

3. ADIEL (Septante : Ὀδιήλ), père d’Azmoth, qui fut trésorier du roi sous le règne de David. I Par., xxvii, 25.

ADIN (hébreu : ʿĂdin, « délicat, tendre ; » Septante : Ἀδδίν, Ἀδίν, Ἠδίν), chef de famille dont les descendants revinrent de Babylone au nombre de quatre cent cinquante-quatre, I Esdr., ii, 15, ou de six cent cinquante-cinq, II Esdr., vii, 20. C’est peut-être le même dont il est question II Esdr., x, 16. Il est nommé Adan, I Esdr., viii, 6, dans la Vulgate.


ADINA (hébreu : ʿĂdinâʾ, « flexible, pliant ; » Septante : Ἀδίνά), fils de Siza et chef des Rubénites, un des braves capitaines de David. I Par., xi, 42.


ADINO L’HESNITE, nom d’un des plus vaillants guerriers de David dans II Sam., xxiii, 8, texte hébreu. La Vulgate n’a pas ce nom propre dans le passage correspondant. Voir Jesbaam.


ADITHAÏM (hébreu : ʿĂdiṭaïm), ville de la tribu de Juda, située dans la plaine (Šefêlâh), et mentionnée entre Saraïm et Gédéra. Jos., xv, 36. Elle n’est citée qu’en cet endroit de l'Écriture, et les Septante l’omettent complètement. Faut-il, à la suite de certains auteurs, l’identifier avec Adiada et Hadid ? Nous ne le croyons pas, pour les raisons suivantes. Placer Adithaïm à Haditéh, ce serait faire remonter beaucoup trop au nord la tribu de Juda. En effet, la frontière nord-ouest de cette tribu, d’après les passages parallèles de Jos., xv, 10-11 ; xix, 40-46, comprenait une ligne qui s'étendait depuis Estaol (aujourd’hui Achou’a), Saraa (Sara’a), Bethsamès (ʿAîn-Chems), Thamnatha (Khirbet Tibnéh), jusqu'à Accaron (ʿAker) et Jebnéel [Yebnéh), en sorte qu’Accaron marque la limite septentrionale de Juda et la limite méridionale de Dan. Aussi ne comprenons-nous pas que les savants auteurs de la nouvelle carte anglaise, Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 10, aient placé Adithaîm en pleine tribu de Dan. Notre sentiment d’ailleurs s’appuie sur le témoignage formel d’Eusèbe, qui, dans l’Onomasticon, édit. P. de Lagarde, Gœttingue, 1870, p. 220, au mot Ἀδιαθαΐν, distingue de l’Adatha dont nous avons fixé la position auprès de Diospolis « un village, Adiathaîm, de la tribu de Juda, et situé auprès de Gaza », Ἀδιαθαΐν (dans d’autres manuscrits, Ἀδιαθαΐμ (i), φυλῆς Ἰούδα λέγεται δέ τις κώμη περὶ τὴν Γάζαν καὶ ἄλλη Ἀδαθά καὶ περὶ Δίοσπολιν. Saint Jérôme dit exactement la même chose, en donnant à cette localité le nom d’Adia, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 871.

L’emplacement de cette ville n’a pas été retrouvé jusqu’ici. Nous avons dit, à l’article Adiada, que nous serions tenté de l’identifier avec l’Hatita des listes géographiques de Karnak (n° 76). En examinant la place qu’occupe Adithaîm dans l’énumération de Josué, xv, 33-36, et celle d’Hatita dans les listes égyptiennes, peut-être pourrait-on déterminer approximativement la position de cet endroit. (Les noms palestiniens gravés sur les pylônes de Karnak sont énumérés et étudiés dans Mariette, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 12-44 ; voir aussi Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1876, spécialement p. 142-143.) Malheureusement, les villes qui précèdent et qui suivent celle dont nous parions n’offrent pas toutes pour elles-mêmes une identification certaine. Néanmoins, en combinant ces éléments, nous dirions volontiers qu’Adithaîm devait se trouver dans un espace compris entre Na’anéh (Naoun, n° 75 des listes) au nord, Souâfir (Ichapil ou Isphar, n » 78, Saphir) au sud, Tell Zacharia ou Khirbet Sâiréh (Saraïm) à l’est, et Katrah (Gédéra) à l’ouest.

A. Legendre.

ADJURATION, action d’adjurer. Adjurer se présente dans la Bible avec trois sens distincts.

1. Faire jurer, c’est-à-dire exiger de quelqu’un le serment ; c’est le sens naturel du mot hébraïque hišbîâʿ, qui est la forme hiphil du radical šâbaʿ. L’adjuration, chez les Hébreux, consistait donc à exiger le serment de quelqu’un. Cette adjuration avait lieu surtout dans les jugements. Le juge adjurait le témoin ou l’accusé de dire la vérité ; nous en avons des exemples Lev., v, 1 ; Num., v, 18-22 ; III Reg., viii, 31 ; Prov., xxix, 24 ; Matth., xxvi, 63, etc. D’après tous ces exemples combinés, nous voyons que, sauf le cas de Num., v, 18-22, il n’y avait pas de formule consacrée pour faire l’adjuration ; le juge se contentait de dire à l’accusé ou au témoin, en ces termes ou en termes équivalents : Je vous adjure, par le Dieu vivant, de dire la vérité sur ce point, … ce que vous savez sur ce point, …si tel ou tel fait est vrai, … etc. En vertu de cette adjuration, la réponse du témoin était censée faite sous le serment, soit que ce témoin prononçât lui-même quelque formule de serment (quoique le texte sacré n’en parle point), comme le pensent quelques auteurs, Saalschütz, Das Mosaische Recht, k. 89, Berlin, 1853, p. 611-612 ; soit, comme d’autres le disent, qu’il ne prononçât lui-même aucune formule spéciale, ou se contentât de dire Amen, σὺ εἳπας, etc. Michælis, Mosaisches Recht, § 302 ; Rosenmüller, In Lev. v, 1. Dans le cas où l’adjuration était accompagnée de quelque formule de malédiction ou d’imprécation, l’accusé disait : Amen, amen. Num., v, 18-22. Quand le juge, malgré son adjuration, n’obtient aucune réponse, l’accusé ou le témoin qui refuse ainsi de déclarer ce qu’il sait commet un péché, « hait son âme, » comme il est dit Prov., xxix, 24, et « porte son iniquité, » comme il est dit Lev., v, 1 ; il ne peut expier sa faute que par un aveu repentant et par l’un de ces sacrifices pour les péchés d’omission ou d’ignorance dont parle le Lévitique, v, 14-18 ; vil, 1-10. — On trouve dans quelques textes une formule spéciale d’interrogation : « Rends gloire à Dieu. »

Jos., vii, 19 ; Joa., ne, 24 ; cf. III Esdr., a, 8. Quelques auteurs la donnent comme une formule d’adjuration proprement dite ; ce point est fort douteux. Voir Masius, In Jos., vii, 19, dans Migne, Cursus completus Scripturæ Sacræ, t. vii, col. 1157.

Dans les passages cités, le juge qui adjure impose un serment assertoire, c’est-à-dire un serment destiné à appuyer une affirmation ; dans d’autres passages, le supérieur ou le maître qui adjure impose un serment promissoire, en vertu duquel la personne adjurée doit s’engager par serment à faire ce qui est demandé. Dans le texte de Gen., xxiv, 2-9, 37, Abraham adjure Éliézer de ne pas choisir pour son fils Isaac une femme chananéenne, mais une femme de ses parentes, dans la famille qu’il lui indique. Le texte sacré expose les détails de cette adjuration ; ici le serviteur d’Abraham ne se contente pas de répondre en un mot ; il fait un serment proprement dit, suivant les formules et les cérémonies usitées dans ce temps-là. Voir Serment. C’est ce que nous voyons encore Gen., xlvii, 29-31 ; l, 5, où Jacob adjure son fils Joseph de ne pas laisser son corps après sa mort en Égypte, mais de le transporter dans le tombeau de ses ancêtres. Jacob ne se contente pas d’une réponse affirmative ; il exige un serment, que Joseph prête, en effet, de la manière accoutumée. Voir un autre exemple dans Josué, ii, 12, 17, 20.

2. Obliger quelqu’un, au nom et par l’autorité de Dieu, à faire quelque chose. Tel est le second sens du mot adjurer, hišbîâʿ; il ne s’agit plus d’exiger de quelqu’un un serment assertoire ou promissoire, mais seulement de lui commander de faire quelque chose. Or, pour rendre cette injonction plus efficace et en faire comme un devoir sacré, le supérieur qui commande interpose le nom et l’autorité de Dieu, afin que la personne qui est adjurée soit engagée non seulement par l’obéissance, mais encore par la vertu de la religion à accomplir ce qui est commandé. C’est l’adjuration impérative. S. Thomas, 2a 2æ, q. 90, a. 1. Mais il est évident qu’elle suppose dans celui qui adjure : 1° qu’il a l’autorité et le droit de commander ; 2° que, dans l’acte particulier qu’il impose, il ne dépasse pas les limites de cette autorité ; à défaut de l’une ou de l’autre de ces deux conditions, l’adjuration serait illicite et sacrilège. Nous avons des exemples de l’adjuration impérative dans I Esdr., x, 5 ; I Thessal., v, 27. Quand le sujet adjuré de la part de Dieu est le démon, comme, par exemple, Act., xix, 13, l’adjuration revêt un caractère spécial et prend le nom d’exorcisme. Voir ce mot.

3. Prier fortement, instamment (nous disons conjurer) quelqu’un de faire quelque chose. Ce troisième sens, comme déjà le second, a perdu de la force primitive de l’hiphil hišbîâʿ. Nous le voyons Cant., ii, 7 ; iii, 5 ; v, 8, 9 ; viii, 4 ; Marc, v, 7 ; probablement Jer., v, 7 (où la Vulgate a traduit par jurare), et aussi dans la Vulgate, Tob., viii, 23 ; ix, 5. C’est l’adjuration déprécative. Tantôt elle se fait par Dieu ou par une créature avec un rapport explicite ou implicite à Dieu, et alors elle revêt une plus grande autorité et devient un acte de religion ; tantôt, comme dans les passages indiqués du Cantique des cantiques, elle se fait par des créatures sans aucun rapport avec Dieu ; dans ce cas, elle n’est plus qu’une formule spéciale de prière, qui ne diffère de la prière ordinaire que par son caractère de sollicitation pressante.

S. Many.


ADLER Jacques-George-Christian, savant orientaliste, né en 1755 à Amis, dans le Danemark, et mort en 1805. Après avoir étudié à Rome les langues orientales, il revint professer le syriaque, puis la théologie, à l’université de Copenhague, et se fit connaître par plusieurs ouvrages d’érudition. Ses œuvres scripturaires, assez estimées, sont : 1° Codicis sacri recte scribendi leges ad recte testimandoa codices manuscriptos antiquos, in-4o, Hambourg, 1779 ; 2° Novi Testamenti versiones syriacæ, Simplex, Philoxeniana et Hierosolymitana, denuo examinatæ, in-4°, Copenhague, 1139. Cf. Schmidt, Predigt zum Andenken des Herrn Probst Adler in Altona, in-8°, 1805.

E. Levesque.

ADLI (hébreu : ʿAdlâï, abréviation pour ʿAdalyâh, « Jéhovah est juste (?) » ; Septante : Ἀδλί), père de Saphat, qui fut chargé des troupeaux de bœufs du roi David, qui paissaient dans la plaine. I Par., xxvii, 29.

ADMATHA (hébreu : ʾAdmâṭâʾ, « terrestre ? » ), un des sept principaux officiers de la cour d’Assuérus. Esth., 1, 14.

ADMINISTRATION. La manière dont la Palestine a été administrée et gouvernée a été différente aux diverses époques de son histoire. Voir Moïse, Juges, Rois, Machabées, Hérode.

ADOM (hébreu : ʾÂdâm), ville auprès de laquelle les eaux du Jourdain s’arrêtèrent, « se dressant comme une montagne, » quand les Hébreux passèrent miraculeusement le fleuve. Jos., iii, 16. Elle n’est citée qu’en ce seul endroit de l’Écriture. Ce mot, dont la Vulgate nous a probablement conservé la vraie prononciation (comparez Adommim), signifie « rouge », suivant certains auteurs (racine âdam, « être rouge ; » cf. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 24), ou bien emprunte son étymologie à la « terre argileuse », ʾădâmâh, qui se trouvait dans ces parages, entre Soccoth et Sarthan. III Reg., vii, 46. Il est à remarquer du reste que les localités de ce nom sont toutes dans la vallée du Jourdain, depuisla Pentapole jusqu’au lac de Tibériade : Adama, Adom, Èdéma, Adami.

L’emplacement d’Adom est d’autant plus difficile à déterminer, que la situation des endroits qui, comme Sarthan et Soccoth, pourraient servir de point de repère, est elle-même problématique, et que la traduction du passage où ces villes sont nommées offre dans les différentes versions, comparées avec le texte original, un sens un peu différent. L’hébreu doit, en effet, se traduire ainsi : « Et les eaux qui descendaient s’arrêtèrent en un monceau, très loin, auprès d’Adam, ville qui est à côté de Ṣarṭan. » Plusieurs auteurs, à la suite de Van de Velde et de Knobel, identifient ce dernier point avec le Djebel Ṣarṭabéh, montagne située à une certaine distance au nord de Jéricho, et qui, dominant de 608 mètres la vallée du Jourdain, la rétrécit en projetant ses contreforts du côté du fleuve. Si la supposition est juste, on peut très bien placer Adom à Tell Damiéh, à peu près en face, de l’autre côté du Jourdain, et un peu au-dessous du torrent de Jaboc (Ouadi Zerka). Outre la correspondance assez exacte entre les deux noms, la distance qui sépare ce point de la mer Morte est suffisante pour expliquer le récit biblique. Cependant, il faut l’avouer, la ressemblance onomastique entre Ṣarṭan et Sartabéh est peut-être plus apparente que réelle : cf. Clermont-Ganneau, Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1874, p. 173 ; et puis la position de Sarthan au Djebel Sartabéh n’est pas conforme à celle que lui donnent d’autres passages de l’Écriture, qui la placent près de Bethsan, au-dessous de Jezraël. III Reg., iv, 12. Voir Sarthan.

La paraphrase chaldaïque et la version syriaque suivent l’hébreu, et placent les deux villes dont nous venons de parler l’une auprès de l’autre. Les Septante, omettant le nom d’Adom, offrent une curieuse variante : « Et les eaux s’arrêtèrent., très, très loin, jusqu’à la région de Cariathiarim, » μακρὰν σφοδρα σφοδρῶς, ἕῶς μέρους Καριαθιαρίμ. Ils ont dû lire alors : meʾôd, meʾôd, « beaucoup, beaucoup, » au lieu de mêʾâdâm, « à partir d’Adom. » Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, Appendix, p. 524, note 2, retrouve Adom dans αριμ de Καριαθιαρίμ, avec la permutation si fréquente entre le daleth, ד, et le resch, ר. Nous aimons mieux y voir la défiguration du mot Ṣarṭan. Cette hypothèse, qui peut s’expliquer avec les caractères phéniciens, semble confirmée par le manuscrit alexandrin, qui porte ici Σιαράμ. C’est pour cela que M. Tyrwhitt Drake, Palestine Expl. Fund, Quart. Statement, 1875, p. 31, et les auteurs de la carte anglaise Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 10, placent Sarthan à Tell es-Sârem, un peu au-dessous de Beisan, l’ancienne Bethsan. Cet emplacement, plus conforme aux données de la Bible sur la même ville, correspond mieux aussi à la pensée exprimée par les versions grecque et latine, qui supposent nécessairement une certaine distance entre les deux endroits mentionnés dans Josué, iii, 16. La Vulgate, en effet, suivant le qeri, plus de vingt-cinq manuscrits signalés par Kennicott et de Rossi, et les plus importantes versions, traduit : « Depuis la ville qui est appelée Adom jusqu’au lieu nommé Sarthan. » Nos deux versions ont ainsi luʿad, « jusqu’à, » au lieu de ʿir, « ville. »

En somme, nous pouvons, jusqu’à meilleure découverte, retenir Tell Dâmiéh comme emplacement d’Adom. À une assez faible distance de cette colline, au sommet de laquelle on distingue quelques débris de constructions antiques, se trouvent les restes d’un pont, dont une partie a été emportée par le courant, et dont il ne subsiste plus que cinq arches dégradées, sur la rive gauche. À ce point, le Jourdain, qui n’a guère plus de quarante mètres de large, peut, à certaines époques, être traversé à gué.

ADOMMIM (Montée d’) (hébreu : maʿâlêh ʾAdummîm ; Septante : πρόσϐασις Ἀδαμμίν ; Vulgate : ascensio Adommim, Jos., xv, 1 ; ἀνάϐασις Αἰθαμίν, ascensus Adommim, Jos., xviii, 18), endroit mentionné deux fois seulement dans l’Écriture, comme limite entre la tribu de Juda au sud, et celle de Benjamin au nord. Jos., xv, 7 ; xviii, 18. Il se trouvait sur la route qui montait de Galgala ou de la vallée du Jourdain vers Jérusalem, et était situé au sud d’un torrent. Ibid. Ces détails nous permettent de le reconnaître facilement dans le Ṭalʿat ed-Dumm, sur le chemin de la ville sainte à Jéricho. Cette montée, que les Arabes appellent aujourd’hui ʿaqabet er-Riha, « montée de Jéricho, » suivait jusqu’à ces dernières années une voie antique, aux pavés disjoints, et qui par intervalle s’élevait en escalier. Elle vient d’être modifiée et remplacée par une route carrossable, qui va de Jérusalem à Jéricho. Elle longe précisément, dans les contours qu’elle décrit de Jéricho à Adommim, les bords méridionaux de l’Oued el-Kelt, qui, à mesure qu’on s’élève, s’enfonce de plus en plus profondément entre deux murailles presque verticales de rochers gigantesques. Voir la carte de la tribu de Benjamin.

Cet endroit s’appelait encore, au temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, Μαληδομνεί, Maledomim, abréviation évidente des mots hébreux maʿâlêh ʾAdummîm. Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 219, au mot Ἀδωμμείμ. Saint Jérôme, développant le passage d’Eusèbe, nous donne les détails suivants : « Adommim, … lieu appelé jusqu’à présent Maledomim ; en grec, ἀνάϐασις Πύῤῥων ; en latin, Ascensus Ruforum sive Rubentium, « montée des « Rouges, » à cause du sang qui y est fréquemment versé par les voleurs… Il y a là un poste militaire destiné à protéger les voyageurs. Ce lieu sanglant est mentionné par le Seigneur dans la parabole de l’homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho. » Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 870. L’étymologie proposée par le saint docteur semble, suivant M. V. Guérin, confirmée par le nom de Qala’at ed-Demm, « château du sang, » donné à un petit fort dont on voit les restes sur une colline, à moitié route. Ce fortin, décrit par le savant explorateur, Description de la Palestine, Samarie, t. i, p. 156, occupe très probablement l’emplacement du poste militaire, le σφούριον d’Eusèbe, le castellum militum de saint Jérôme, qui s’élevait dans le village d’Adommim. Cependant plusieurs auteurs expliquent ce nom avec plus de vraisemblance par une raison purement géologique : il viendrait, d’après eux, de quelques roches d’un rouge assez vif, qui tranche sur le ton jaunâtre ou blanchâtre de tout le terrain environnant. De Saulcy, Voyage en Terre Sainte, t. i, p. 198 ; Riehm, Handwörterbuch des Biblischen Altertums, 1884, p. 30. On trouve dans le même endroit un grand caravansérail destiné à héberger les voyageurs, et appelé Khan el-Hatrour ; c’est là qu’une fort ancienne tradition place « l’hôtellerie » où, d’après la parabole de Notre-Seigneur, le bon Samaritain fit soigner un homme dépouillé par des voleurs, et laissé par eux à demi mort. Luc, x, 30-35.

ADON, localité de la Chaldée d’où venaient quelques-uns des Juifs qui étaient retournés en Judée avec Zorobabel, et qui furent hors d’état de prouver leur origine israélite par les tables généalogiques. I Esdr., ii, 59 ; II Esdr., vii, 61. Dans le premier passage, le texte massorétique porte ʾAddân ; dans le second, ʾAddôn. Les Septante transcrivent Ἡδάν et Ἡρών. La Vulgate écrit Addon, II Esdr., vii, 61. — Le mot Adon ne diffère que par la ponctuation, dans l’original hébreu, du nom d’Éden, qui est celui d’une ville mentionnée par les prophètes. Is., xxxvii, 12 ; Ezech., xxvii, 23 ; cf. Amos, i, 5 ; IV Reg., xix, 12. Voir Éden 2. — Quelques commentateurs ont pris à tort Adon ou Addon pour un nom d’homme.

ADONAÏ (hébreu : אדלי, ʾĂdônâi), un des noms de Dieu dans la Bible hébraïque. Il signifie « mon Seigneur », mon maître. D’après la prononciation massorétique, que nous trouvons aussi dans la Vulgate, Exod., vi, 3 ; Judith, xvi, 16, ce mot a la forme plurielle (le singulier est ʾĂdôni) : c’est un pluriel de majesté, les Hébreux, par respect pour la Divinité, mettant son nom au pluriel, comme ils le faisaient dans ʾÉlohîm, forme plurielle fréquemment employée pour désigner Dieu au singulier. Adonaï n’est employé qu’au vocatif en s’adressant à Dieu, dans la Genèse, xv, 2, 8 ; xviii, 3, 27, 30, 32 ; xix, 18 : ce qui prouve qu’il a été simplement d’abord un titre donné à Dieu, plutôt qu’un nom propre ; mais, dans la suite, on en fit un véritable nom de Dieu, comme nous le voyons dans les prophètes. Is., vi, 1, etc. Les Juifs, considérant le nom de Jéhovah comme ineffable, s’abstiennent de le prononcer toutes les fois qu’ils le rencontrent dans le texte hébreu, et lisent à la place Adonaï. De là vient qu’ils ont donné au tétragramme divin יהוה, IHVH, les voyelles du mot Adonaï (voir Jéhovah) ; de là vient aussi que les Septante et la Vulgate portent Κύριος et Dominus, « Seigneur, » là où l’original porte Jéhovah, parce qu’ils ont lu Adonaï, selon l’usage juif, et traduit la signification de ce mot en grec et en latin. Dans le passage célèbre de l’Exode, vi, 3, saint Jérôme n’a pas employé le mot Dominus, mais il a mis Adonaï, conformément à la coutume des Juifs, quoique le texte original porte Jéhovah : « Nomen meum Adonaï non indicavi eis. » Ce n’est pas le nom d’Adonaï, mais celui de Jéhovah, que Dieu n’avait pas expliqué aux patriarches comme il l’expliqua à Moïse dans l’Exode, iii, 14. Le langage de Dieu n’est donc pleinement intelligible dans ce passage qu’en recourant au texte hébreu. Il faut également consulter l’original en plusieurs antres endroits, pour savoir quel est le nom divin dont s’est servi l’auteur inspiré, parce que les traducteurs n’ont pas rendu les appellations bibliques d’une manière qui permette de les distinguer les unes des autres. C’est ainsi qu’on peut savoir seulement par l’hébreu si le terme original, rendu par Dominus, « le Seigneur, » est Adonaï ou Jéhovah ; la Vulgate, en effet, n’a que le mot Dominus pour ces deux dénominations divines. Voir Abdias, 1, où Dominus Deus correspond à « Adonaï Jéhovah », et Hab., in, 19, où Deus Dominus traduit « Jéhovah Adonaï ». Sur l’importance exégétique et critique des noms de Dieu dans l’Écriture, voir Dieu.

F. Vigouroux.


ADONIAS, Hébreu : ʾĂdôniyâh, ʾĂdôniyâhû, « Jéhovah est mon Seigneur ; » Septante : Ἀδωνίας.

1. ADONIAS (Septante : Ἀδωνίας, Ὀρνία, Ἀδωνία), quatrième fils de David par Haggith, naquit à Hébron pendant le séjour qu’y fit David, et qui dura sept ans et demi, I Par., iii, 2 ; II Reg., iii, 4 ; de 1055 à 1048, selon la chronologie ordinairement reçue. Adonias avait donc quarante ans environ lors du coup de main qu’il tenta, vers la fin du règne de son père, pour s’emparer du trône. III Reg., i, 5-53. Il se croyait dans son droit, car l’aîné des fils de David, Amon, et le troisième, Absalom, étaient morts ; probablement aussi le second, Chéléab, II Reg., iii, 3, appelé Daniel, I Par., iii, 1, dont il n’est rien dit dans l’histoire des rois. Cependant ses prétentions n’étaient pas incontestables ; car, s’il est vrai que chez les Juifs la succession au trône était réglée par l’hérédité, Deut., xvii, 20, il n’est pas moins certain qu’elle n’était pas toujours déterminée par la primogéniture. Quelquefois le roi, sentant sa fin approcher, choisissait lui-même, parmi ses fils, son successeur, II Par., xi, 22 ; et s’il est dit de Josaphat qu’il choisit l’un plutôt que l’autre parce qu’il était l’aîné, II Par., xxi, 3, cette remarque suppose que le roi avait la liberté et le droit de désigner entre tous ses enfants celui qui devait lui succéder. Ce droit, David pouvait en user légitimement, et préférer à Adonias un de ses fils plus jeunes. Du reste, ce n’était pas David qui avait désigné Salomon pour roi, mais Dieu lui-même, véritable roi d’Israël, II Reg., vii, 12-16, et le prophète Nathan, au nom de Dieu, avait béni sa naissance, en déclarant qu’il était et qu’il s’appellerait Yedideyâh, « aimé de Jéhovah. » II Sam. (II Reg.), xii, 25.

Adonias n’avait donc rien à prétendre ; il devait bien plutôt respecter comme un ordre de Dieu l’élection de son frère, de même que David pouvait, sans blesser la justice, jurer à Bethsabée que Salomon et non un autre serait son successeur. III Reg., i, 17. Adonias avait sans doute conscience du droit de son frère, car nous le voyons plus tard invoquer, non pas sa primogéniture, mais la faveur du peuple. III Reg., ii, 15. Malheureusement l’ambition fit taire en lui le sentiment du devoir, et dès lors, regardant Salomon comme un rival, il mit tout en œuvre pour le supplanter. Profitant de l’affaiblissement où il voyait son vieux père, il affichait des allures et un train de vie qui disaient assez ses prétentions au trône : il avait des chars, et cinquante coureurs le précédaient quand il sortait. Il imitait en cela son frère Absalom, II Reg., xv, 1, dont le sévère châtiment aurait dû, au contraire, le maintenir dans le rang qui lui convenait. Comme Absalom, il se créa aussi un parti ; car pour arriver au trône il lui fallait un acte public, une acclamation du peuple, et des partisans prêts à le soutenir par la force. Il recruta les principaux éléments de ce parti dans le petit groupe de mécontents qui s’était formé parmi les courtisans du vieux roi : Joab, neveu de David, autrefois généralissime des troupes royales, puis disgracié et destitué à cause de ses dispositions hostiles, cf. II Reg., ii, 13-22 ; iii, 22-39 ; Abiathar, le grand prêtre, naguère si fidèle à son roi, qu’une basse jalousie à l’égard de Sadoc jetait dans le parti de la révolte, cf. I Reg., xxii, 20-23 ; II Reg., xv, 24, et avec eux ses frères et plusieurs officiers royaux, qui voyaient sans doute leur intérêt dans l’avènement d’Adonias. III Reg., i, 9. Pour arriver à leurs fins, les partisans du prétendant préparèrent avec lui un plan qui était bien conçu, et qui n’échoua que grâce à la sagesse du prophète Nathan. Ils résolurent de s’appuyer, non pas sur un mouvement populaire directement provoqué contre Salomon, mais sur cet instinct aveugle qui porte les multitudes à acclamer quiconque a eu l’audace de se poser en roi. Les chefs du mouvement furent secrètement convoqués dans un lieu appelé Zohéleth, et là ils formèrent une assemblée ayant l’apparence d’une représentation nationale : le grand prêtre représentant l’élément religieux, les frères d’Adonias l’élément politique, Joab et les officiers l’élément militaire ; enfin un sacrifice de béliers, de veaux et d’autres victimes, donna à la manifestation un caractère sacré, qui ne pouvait manquer d’impressionner le peuple. (On pourrait cependant douter que ce fut un vrai sacrifice, et n’y voir qu’un banquet, si le sens naturel de l’hébreu vayyizebaḥ, « sacrifier, » n'était pas clairement déterminé.)

Malheureusement pour Adonias, cette réunion n’avait pu se préparer sans que le bruit en vînt jusqu’aux partisans du vieux roi. Le prophète Nathan observait tout. Ferme autant qu’il était habile, il laissa sans mot dire les conjurés se rendre au lieu désigné. Alors il parla, non pas à David, dont la volonté était trop affaiblie par l'âge, mais à une femme intéressée dans cette affaire, Bethsabée, mère de Salomon. Bethsabée, sur le conseil de Nathan, alla trouver David, lui raconta ce qui se passait, lui rappela son serment en faveur de Salomon ; puis, comme elle achevait, et avant que le roi eût pu répondre, le prophète lui-même entra en scène, fit le même récit, plaida la même cause, lança l’interrogation décisive : « Tout cela se ferait-il par ordre royal ? » À cette apostrophe, David comprit toute la gravité de la situation, et prit aussitôt les mesures qui devaient déjouer l’intrigue sans verser une goutte de sang. Le festin s’achevait, après le sacrifice, à l’assemblée de Zohéleth ; les convives excités allaient en venir à l’acte suprême, la proclamation d’Adonias comme roi d’Israël, quand un bruit confus de voix et d’instruments se fit entendre. Au milieu de ce tumulte, le vieux Joab reconnut les accents de la trompette guerrière qui autrefois sonnait ses victoires. Tous furent saisis d'étonnement et d’inquiétude ; cependant personne ne se rendait encore exactement compte de ce qui se passait, lorsque Jonathas, lui aussi traitre au roi après tant de bons services, II Reg., xv, 36 ; xvii, 17, entra, le visage bouleversé. Il raconta que David venait d’envoyer Sadoc, Nathan, Banaïas, avec la garde royale, composée de Céréthiens et de Phélétiens, à la fontaine de Gihon, cf. II Par., xxxii, 30 ; xxxiii, 14, voir Gihon ; qu’ils emmenaient avec eux Salomon monté sur la mule du roi, marque du plus grand honneur, cf. Gen., xli, 43 ; IV Reg., x, 16 ; Esth., vi, 8 ; qu’enfin, arrivés au lieu désigné, Sadoc et Nathan avaient sacré le rival d’Adonias comme roi d’Israël, et qu'à cette vue tout le peuple, qui avait suivi le cortège depuis Sion, avait acclamé l’oint du Seigneur en criant : « Vive le roi Salomon ! » Au moment où il parlait, la cité, ajoutait-il, éclatait en transports, tandis que le cortège conduisait Salomon prendre possession du trône de son père. À ces paroles, une frayeur mortelle s’empara des conjurés : ils s’enfuirent. Pour Adonias, il mit tout son espoir dans la sauvegarde qu’assurait aux criminels le sanctuaire de Jéhovah, et, courant à Sion, il pénétra jusqu'à l’autel des holocaustes, et saisit un des quatre coins ou cornes en bois revêtues de bronze, qu’on teignait du sang des victimes dans les sacrifices. Exod., xxvii, 2 ; xxix, 12. Digne de mort par son crime de lèse-majesté, Adonias dut la vie à la grandeur d'âme du nouveau roi, qui le laissa vivre en paix, lui promettant une sécurité parfaite, s’il se conduisait sagement. III Reg., i, 52.

Adonias promit tout, mais il ne tint pas ses promesses. Le vaincu emportait dans son cœur une insatiable ambition ; elle le conduisit à tramer contre Salomon de nouveaux complots. Il forma cette fois le dessein d’obtenir par ruse ce qu’il n’avait pu conquérir par force. En Orient, prendre les femmes du roi défunt, c'était affirmer son droit au trône. Cf. II Reg., xii, 8 ; xvi, 20-23. C’est ainsi que nous voyons en Perse le faux Smerdis prendre les femmes de Cambyse, dont il prétendait être le frère et le successeur, et de même Darius prendre celles du faux Smerdis, après l’avoir vaincu. Hérodote, iii, 68, 88. Dans ce dessein, Adonias, après la mort de David, son père, jeta les yeux sur Abisag la Sunamite, qui avait rang d'épouse parmi les femmes du vieux roi. Voir Abisag. Insidieusement il obtint de Bethsabée qu’elle parlât en sa faveur à Salomon, et demandât pour lui la Sunamite. Si celui-ci eût été moins clairvoyant, c’en était peut-être fait de sa couronne ; mais, plus prudent que sa mère, il vit le piège, et jura par deux fois que celui qui avait abusé à ce point de sa clémence subirait la mort. Sur l’heure, il envoya le chef de sa garde, Banaïas, exécuter la sentence, et ainsi périt misérablement Adonias.

Les rationalistes ont blâmé la conduite de Salomon, en disant que le châtiment était excessif et injuste. Il ne l'était point, si on le juge d’après le milieu et le temps dans lesquels il s’accomplit ; la raison d'État et l’intérêt public exigeaient cette sévérité. Adonias ne succomba pas uniquement à cause de sa naissance, comme tant d’autres frères de rois massacrés en Orient, au commencement d’un nouveau règne, sans qu’on ait aucune faute à leur reprocher ; il était coupable d’un double crime qui méritait la mort. Salomon, en ordonnant son exécution, ne fit que défendre sa couronne et même sa vie ; personne ne peut raisonnablement lui en faire un reproche. On ne peut davantage s’arrêter à l’objection qu’a faite M. Reuss, prétendant qu’Adonias a été excusé et justifié par l’auteur du troisième livre des Rois, i, 6 : « Son père [David] ne le reprit jamais [de son faste]. » Il est manifeste que l’intention de l’auteur n’est point de donner le silence de David pour une approbation, mais plutôt pour un signe de sénilité.

On loue avec raison le talent littéraire de l’auteur sacré, qui a décrit d’une manière très dramatique les deux scènes de l’assemblée de Zohéleth et de la démarche de Bethsabée. Quant au héros de cet épisode, il demeure comme un type d’orgueil insolent dans le succès, de bassesse et de lâcheté dans le danger, d’hypocrisie et de mensonge dans toutes ses démarches. Israël put bénir son Dieu de lui avoir épargné l'épreuve d’un tel règne en préférant Salomon à Adonias.

2. ADONIAS, lévite, député par le roi Josaphat pour instruire le peuple et le retirer de l’idolâtrie. II Par., xvii, 8.

3. ADONIAS, un des chefs du peuple qui, au temps de Néhémie, signèrent le renouvellement de l’alliance avec le Seigneur. II Esdr., x, 16.

ADONIBÉZECH (hébreu : ʾĂdôni-bézéq, « maître de Bézec ; » Septante : Ἀδωνιϐεζέκ), roi chananéen dont l’autorité s'étendait sur la ville de Bézec, située à l’ouest du Jourdain et, selon plusieurs, différente de la ville du même nom où Saül fit le dénombrement de ses forces. I Reg., xi, 8. Voir Bézec. Le nom d’Adonibézech est peut-être un simple titre commun à tous les souverains de cette localité. Au moment où les Hébreux pénétrèrent dans le pays de Chanaan, Adonibézech était à l’apogée de sa puissance. Vainqueur de tous les chefs de tribus du voisinage, il avait abusé de ses succès au point de leur faire couper les extrémités (hébreu : behônôṭ, « les pouces ; » Septante : τὰ ἄκρα) des mains et des pieds : châtiment plus humiliant que la mort pour des guerriers dont la vie était de manier le glaive et de marcher à l’ennemi. De ces princes ainsi mutilés, Adonibézech faisait des esclaves, auxquels il n'épargnait aucun mauvais traitement, jusqu'à les obliger à venir prendre leur nourriture sous sa table, où il leur jetait ses restes. Jud., i, 7 ; cf. Matth., xv, 27. Sa puissance toutefois ne fut pas capable de résister à l’attaque des deux tribus réunies de Juda et de Siméon, Jud., i, 3, qui le mirent en fuite, l’assiégèrent dans sa capitale, le firent captif et lui infligèrent le même châtiment qu’il avait fait subir aux rois naguère vaincus par lui. Jud., 1, 6. Ainsi mutilé, il assista à la prise de Jérusalem, puis fut amené à la suite du vainqueur dans la ville prise, où il mourut en confessant avec humilité que son châtiment était une juste vengeance de Dieu, Jud., i, 7, sans qu’il soit démontré par là, comme le soutient Serarius, qu’il eût la connaissance du vrai Dieu. On pourrait penser que le chiffre de soixante-dix, qui désigne le nombre de rois vaincus par Adonibézech, Jud., i, 7, est un chiffre rond pour signifier un grand nombre ; car, en additionnant les rois que Josué combattit en Chanaan, on ne peut guère en trouver plus de trente ; mais ce nombre pourtant devient acceptable, si l’on fait rentrer dans ces melâkîm les chefs des tribus nomades, très nombreuses dans le pays de Chanaan et à l’est du Jourdain.

ADONICAM (hébreu : ʾĂdônîqâm, « le Seigneur assiste, » ou « le maître de l’ennemi ; » Septante : ASuvixàpi), chef de famille dont les enfants revinrent de la captivité avec Zorobabel, au nombre de six cent soixante-six, I Esdr., ii, 13, ou six cent soixante-sept. II Esdr., vil, 18 ; cf. I Esdr., viii, 13.


ADONIRAM (hébreu : ʾĂdônirâm, « mon seigneur est élevé ; » Septante : Ἀδωνιράμ), intendant des tributs sous les règnes de David, II Reg., xx, 24, de Salomon, III Reg., iv, 6 ; v, 14, et au commencement du règne de Roboam. III Reg., xii, 18 ; II Par., x, 18. Il dirigea les trente mille hommes que Salomon envoya au Liban pour couper les bois et extraire les pierres nécessaires à ses constructions. Roboam le députa pour apaiser les dix tribus, irritées par ses dures réponses ; mais le peuple le lapida. Il est appelé par contraction ʾAdôrâm, II Reg., xx, 24 ; III Reg., xii, 18. Dans les Paralipomènes, on lit Hadôrâm, II Par., x, 18. Vulgate : Aduram.


ADONIS, dieu syrien. Ezech., viii, 14. Voir Thammuz.


ADONISÉDECH (hébreu : ʾĂdônî-ṣédeq, « mon Seigneur est justice ; » Septante : Ἀδωνιϐεζέκ), Amorrhéen, roi de Jérusalem au moment où les Israélites, sous la conduite de Josué, envahirent la Palestine pour en faire la conquête. Jos., x, 1. La prise de Jéricho, celle de Haï, la défection des Gabaonites qui venaient de faire leur soumission au conquérant, toutes ces nouvelles effrayèrent Adonisédech, dont la ville se trouvait menacée de très près à cause du voisinage de Gabaon. Il s’empressa de conclure une alliance avec d’autres rois chananéens : Oham, roi d’Hébron ; Pharan, roi de Jérimoth ; Japhia, roi de Lachis, et Dabir, roi d’Églon. Les cinq rois confédérés vinrent mettre le siège devant Gabaon, autant pour la châtier que pour effrayer les autres villes qui seraient tentées de suivre son exemple.

Josué était à Galgala ; c’est là que les Gabaonites se hâtèrent de lui apprendre leur situation critique, en le priant de venir à leur secours. Si les habitants de Gabaon avaient réussi à faire alliance avec Josué, ce n’avait été qu’au moyen d’un audacieux subterfuge. Jos., ix. Néanmoins le général hébreu ne voulut pas manquer à la foi jurée. En une nuit, x, 9, il monte de Galgala à Gabaon, franchissant ainsi une distance qu’on peut évaluer à 23 kilomètres. Rassuré par une promesse divine, x, 8, il attaque bravement les rois confédérés, les met en fuite et les poursuit jusqu’à Béthoron, Azéca et Macéda. Pendant que ses soldats frappaient les ennemis, une pluie de pierre » tombait du ciel et, en épargnant les Israélites, faisait parmi les Amorrhéens de nombreuses victimes. En même temps la prolongation miraculeuse du jour permettait à Josué de compléter sa victoire.


35. — Guerrier vaincu, foulé aux pieds par son vainqueur. Bas-relief assyrien de Nimroud.

Les cinq rois vaincus, pour échapper aux Hébreux, s’étaient réfugiés dans une caverne à Macéda : on se contenta, sur l’ordre de Josué, d’obstruer à l’aide de grosses pierres l’entrée de ce refuge souterrain et d’y placer des gardes pour les empêcher de s’échapper, pendant qu’on continuait à poursuivre les fuyards. Ce ne fut qu’après la destruction presque totale des soldats amorrhéens, et une fois l’armée revenue à son camp de Macéda, que Josué donna l’ordre d’ouvrir la caverne et de lui amener les princes qui s’y étaient cachés. Lorsqu’ils furent devant lui, il les fit fouler aux pieds des chefs d’Israël (fig. 35), selon un usage oriental d’un terrible symbolisme : « C’est ainsi, dit-il aux Hébreux, que le Seigneur en agira avec tous les ennemis que vous aurez à combattre. Courage donc, et ne craignez rien ! » x, 25. Enfin les rois captifs furent mis à mort, et leurs cadavres suspendus à cinq gibets. Le soir venu, ils furent descendus à terre et jetés dans la caverne, dont on ferma : de nouveau l’entrée avec de grandes pierres, x, 27. Ainsi s’était pleinement accomplie la parole du Seigneur à Josué : « Ne crains pas ces rois, car je les ai livrés entre tes mains, et aucun d’eux ne pourra te résister. » Jos., x, 8.

E. Duplessy.


ADOPTION. L’adoption peut être faite ou par l’homme ou par Dieu. Nous étudierons successivement l’une et l’autre.

I. De l’adoption faite par l’homme.

Il y a une adoption très large, qui est de droit naturel, et qui consiste en ce qu’un homme accueille ou recueille un étranger et le traite plus ou moins comme son fils, sans que celui-ci du reste acquière aucun droit ni sur le nom ni sur la tune de celui qui l’adopte ainsi. Cette espèce d’adoption, qui est une des formes dont la bonté et la charité peuvent s’exercer, a existé dans tous les temps et chez tous les peuples. Dans le sens juridique, l’adoption est un acte qui, moyennant certaines conditions déterminées par la loi, établit entre l’adoptant et l’adopté les rapports civils de filiation, en sorte que l’adopté acquiert, en tout ou en partie, les droits d’un enfant légitime. Nous trouvons l’adoption juridique chez plusieurs peuples anciens, par exemple, les Indiens, les Grecs, les Romains. P. Viollet, Précis de l’histoire du droit français, Paris, 1886, p. 401, 402. Pour les Romains, voir en particulier Code de Just., VIII, xlviii ; Instit., i, xi ; Dig., i, vii. Quand l’adoption procure à l’adopté tous les droits d’un enfant légitime, en sorte qu’il entre dans la famille de l’adoptant, et que là il occupe le rang et acquiert les privilèges d’un enfant né en mariage, elle est dite parfaite : telle était l’adoption romaine, surtout avant la réforme profonde opérée sur ce point par Justinien. Plus l’adoption s’éloigne de ce type, plus elle est imparfaite, et tend à se confondre avec l’adoption de bienveillance dont nous avons parlé. Toutefois l’adoption juridique ne se conçoit guère sans un droit de l’adopté sur la succession de l’adoptant ; car ce droit étant essentiel et, pour ainsi dire, sacré pour tout enfant légitime, si l’adopté n’en jouit pas, son adoption sera plutôt la simple adoption de bienveillance. Même en droit français, où l’adoption s’éloigne pourtant si notablement de l’adoption romaine parfaite, elle confère à l’adopté un droit strict sur la succession de l’adoptant.

Les Hébreux avaient-ils cette adoption juridique, produisant au moins, en faveur de l’adopté, le droit de succession sur les biens du père adoptif ? Nous ne le croyons pas. La loi de Moïse garde le plus profond silence sur ce point, la langue hébraïque n’a pas de nom pour signifier cet acte ; le mot grec υἱοθεσία, qui signifie « adoption », ne se trouve pas une seule fois dans la traduction des Septante ; en dehors des Épitres de saint Paul, ce mot ne se rencontre pas non plus une seule fois dans les écrits du Nouveau Testament. Quand saint Jean veut nous dire que nous sommes les enfants (évidemment adoptifs) de Dieu, il dit simplement que nous sommes appelés et que nous sommes les enfants de Dieu. I Joa., iii, 1. Cela prouve que dans la Palestine, où les écrivains du Nouveau Testament avaient reçu leur éducation, on n’était pas accoutumé à l’idée d’adoption, dont peut-être même on ne connaissait pas le nom. Que si saint Paul, comme nous le dirons tout à l’heure, a employé plusieurs fois le mot grec υἱοθεσία, c’est qu’étant né en Cilicie, il avait reçu une éducation en partie grecque, et avait pu ainsi se familiariser avec les idées et la langue des Grecs, qui connaissaient et pratiquaient l’adoption. Les Hébreux ne connaissaient donc pas l’adoption juridique ; du reste elle aurait pu troubler l’ordre de succession établi par Moïse avec tant de précision, dans le but de garder toujours les biens dans la même tribu et, autant que possible, dans la même famille. D’après Num., xxvii, 8-11, l’héritage du défunt passe à ses fils ; s’il n’a pas de fils, à ses filles ; s’il n’en a pas non plus, à ses frères ; à leur défaut, à ses oncles, et enfin à ses plus proches parents. Or, si les Juifs avaient adopté, ils auraient pu librement et facilement bouleverser ce bel ordre, et peut-être faire passer les biens dans une autre tribu. C. B. Michaelis, De ritualibus Scripturæ Sacræ ex Alcorano illustrandis, § xi.

Mais d’où vient que les Hébreux n’ont pas connu l’adoption ? La réponse est facile : c’est que le besoin ne s’en est pas fait sentir. Quel est le but de l’adoption ? Son but principal, c’est de suppléer le mariage, c’est-à-dire de donner des enfants à ceux qui n’en ont pas, afin qu’ils aient, eux aussi, un soutien dans leur vieillesse et un successeur de leur nom et de leur fortune. Les Hébreux n’ont pas eu besoin de ce supplément : ils avaient la polygamie ; si un premier mariage était infécond, un second venait combler le vide. C’est ce que nous voyons plusieurs fois dans la Sainte Écriture : Sara, étant stérile, prie Abraham de prendre sa servante Agar ; c’était un second mariage, de condition inférieure, de second ordre, mais légitime, Gen., xvi, 2 ; Rachel, n’ayant pas d’enfants, donne à Jacob sa servante Bala. Gen., xxx, 4 ; cf. 9. Aussi voyons-nous que dans les pays de polygamie l’adoption est peu ou point connue ; les Arabes, comme leurs voisins de Palestine, étaient polygames ; ils ne connaissaient point l’adoption. Le Koran ne fait aucune mention de l’adoption juridique ; il fait seulement allusion à une certaine adoption de bienveillance, qui produit un lien bien faible entre l’adoptant et l’adopté, puisque Mahomet défend de donner à l’adopté le nom de l’adoptant, et qu’il permet à celui-ci d’épouser la femme répudiée de son fils adoptif. Il n’est question du reste, pour l’adopté, d’aucun droit de succession sur les biens de l’adoptant. Koran, ch. xxxiii, 4-5, 37. On lit cependant dans l’Écriture quelques textes ou faits qui semblent se rapporter plus ou moins à l’adoption. Nous devons maintenant les expliquer :

1° Nous trouvons trois fois dans l’Ancien Testament, dans la Vulgate, le mot « adopter » : « Elle [la fille du pharaon] l’adopta (adoptavit) [Moïse enfant] comme fils. » Exod., ii, 10. « Son père et sa mère [d’Esther] étant morts, Mardochée l’adopta (adoptavit) pour fille. » Esther, ii, 7. « [Esther] que Mardochée avait adoptée (adoptaverat) pour fille. » Esther, ii, 15. Mais le mot adoptare n’est pas dans le texte original ; ainsi que nous l’avons déjà dit, la langue hébraïque n’a pas de mot pour désigner l’adoption ; dans le premier texte, il y a : Vayekî lâh lebên, « et il fut pour elle comme un enfant ; » dans le second, on lit : Leqâḥàh Mordekaï lô lebaṫ, « Mardochée la prit pour lui comme fille ; » dans le troisième :’Úėr lâqan lô lebaṭ, « [Esther] que Mardochée prit pour lui comme fille. » Or ces expressions vagues et générales peuvent très bien s’entendre de cette simple adoption de bienveillance dont nous avons parlé, laquelle ne produisait aucun droit pour l’adopté.

2° Nous lisons, Gen., xlviii, 5, ces paroles dites par Jacob à son fils Joseph : « Vos deux fils, Éphraïm et Manassé, que vous avez eus en Egypte, avant que je vinsse ici avec vous, seront à moi, et ils seront mis au nombre de mes enfants, comme Ruben et Siméon. » Ainsi Jacob accepte comme siens les deux enfants de Joseph, et leur assigne à chacun une part d’héritage, comme à Ruben et à Siméon : ce qui fut, en effet, exécuté ; car, dans le partage de la Terre Promise, sous Josué, Jos., xvi, xvii, une seule part fut assignée à chacun des frères de Joseph, tandis que Joseph eut deux parts dans la personne de ses deux fils, Éphraïm et Manassé. Or n’est-ce pas là la véritable adoption avec un droit de succession sur les biens de l’adoptant ? — Non, ce n’est pas l’adoption ; c’est l’exercice d’un pouvoir, qu’avait le père de famille, de transporter, pour une cause très grave, le droit d’aînesse de son fils ainé sur un autre enfant. Ce droit ou cet usage est clairement supposé par le texte du Deutéronome, xxi, 15-17, qui le confirme. Ruben était le fils ainé de Jacob ; mais il s’était uni à Bala, épouse secondaire de son père, Gen., xxxv, 22. Irrité contre lui, Jacob lui refuse sa bénédiction et la transporte sur Joseph, Gen., xlix, 4, 22-26, qui fut ainsi constitué premier-né légal de la famille, et obtint par là même le droit à deux parts d’héritage, droit propre des fils aînés. Telle est l’explication que donne de ce passage célèbre l’auteur des Paralipomènes. I Par., v, 1-2.

3° La loi juive du lévirat (voir ce mot) a des rapports avec l’adoption. D’après cette loi, quand un Juif meurt sans enfants, le frère puîné doit épouser la veuve du défunt, afin de donner ainsi un héritier à son frère ; en effet, l’enfant premier-né prend le nom du défunt et recueille ses biens. On le voit, ce sont les effets de l’adoption. Aussi saint Augustin, Quæst. in Heptat., v, 46, t. xxxiv, col. 767, et après lui d’autres saints docteurs ou théologiens donnent le nom d’adoption à cette disposition de la loi mosaïque. Mais il est évident qu’il n’y a là de l’adoption que le nom.

L’adoption imite la paternité ; elle suppose par conséquent dans l’adoptant la vie et un acte libre de bonté paternelle ; dans le cas du lévirat, il n’y a ni l’un ni l’autre ; celui qu’on donne comme adoptant est mort, et, par suite, absolument étranger à l’introduction d’un membre dans sa famille. Il est vrai que les Romains ont eu pendant quelque temps l’adoption par testament, Ortolan, Instit. de Justinien, De adoptionibus, n° 134, et notre droit français reconnaît aussi, au moins dans un cas, l’adoption testamentaire, Code civil, art. 366 ; mais encore celle-ci suppose-t-elle un acte libre de la part du testateur ; il n’y a rien de semblable dans le cas du lévirat ; la loi seule ordonne et agit. La prescription mosaïque n’est donc pas une adoption, mais la substitution faite par la loi, pour des raisons graves, d’un père fictif au père naturel.

II. De l’adoption faite par Dieu. — De même que l’homme peut avoir à la fois, au moins dans certaines législations, des enfants naturels et des enfants adoptifs, ainsi Dieu qui a un Fils naturel, Jésus-Christ, a voulu avoir aussi des fils adoptifs ; c’est à ce genre d’adoption que saint Paul, le premier des écrivains sacrés, a appliqué le mot υἱοθεσία. Mais Dieu peut adopter ou tout un peuple ou des individus : de là deux sens distincts dans ce mot.

1° Nous trouvons le premier sens, adoption d’un peuple, dans le passage de saint Paul, Rom., IX, 4, où il dit : « Les Israélites, à qui appartiennent l’adoption des enfants (ἡ υἱοθεσία), et sa gloire* et son alliance, et sa loi, » etc. Évidemment le mot υἱοθεσία s’entend ici de l’adoption faite par Dieu, non pas des Juifs individuellement, mais du peuple juif dans son ensemble" ; de même que l’alliance et la loi, dont saint Paul parle dans la même phrase, regardent non les individus, mais le peuple, ainsi l’adoption s’applique à tout le peuple juif. Saint Paul veut dire par là que Dieu a traité le peuple juif comme son fils, le délivrant de la servitude d’Égypte, lui donnant un riche héritage, le comblant de bienfaits, le couvrant de sa protection, le défendant contre ses ennemis, en un mot se montrant pour lui comme le meilleur des pères. C’est dans le même sens que le peuple juif est quelquefois appelé « fils de Dieu », par exemple : « J’ai appelé d’Égypte mon fils, » Osée, xi, 1, et même « fils aîné de Dieu. » Exod., W, 22-23.

2° Nous trouvons le second sens, adoption individuelle, dans les quatre autres passages où saint Paul emploie ce mot υἱοθεσία : « Vous avez reçu l’esprit de l’adoption des enfants (πνεῦμα υἱοθεσίας), par lequel nous crions : Abba, Père. » Rom., viii, 15. « Pour nous faire recevoir l’adoption des enfants. » Gal., iv, 5. « [Dieu] qui nous a prédestinés pour nous rendre ses enfants adoptifs. » Eph., I, 5. « Nous gémissons en nous-mêmes, attendant l’adoption. » Rom., viii, 23.

En quoi consiste cette υἱοθεσία, cette adoption divine dont parle saint Paul ? Elle n’est pas la filiation divine naturelle, qui n’appartient qu’au Fils unique de Dieu ; mais elle n’est pas non plus semblable à l’adoption humaine, qui n’est au fond qu’une dénomination légale et extérieure, et ne fait rien passer de la substance du père dans celle du fils ; elle tient le milieu entre les deux, se rapprochant plutôt de la filiation naturelle. Plusieurs textes de la Sainte Écriture vont mettre dans tout son jour cette vérité consolante.

Dans l’ordre de la filiation naturelle humaine, un enfant naît de son père ; par là même, il est son fils ; par cette naissance, il reçoit de son père la nature humaine ; il entre dans la famille de son père et devient son héritier. Nous allons retrouver, à la lumière de la Sainte Écriture, tous ces éléments dans notre filiation divine adoptive.

1. Les justes sont engendrés, sont nés de Dieu. L’homme n’aurait osé le dire ni même le penser, si Dieu ne l’avait dit Les textes sont nombreux qui mentionnent cette nouvelle naissance, cette nouvelle génération. « Ils sont nés de Dieu, » dit saint Jean, i, 13. « Par un effet de sa bonté, Dieu nous a engendrés par la parole de la vérité. » Jac, i, 18. Cf. Joa., iii, 5 ; I Joa., iii, 9 ; v., 9 ; Tit., iii, 5 ; I Pet., 1, 3, 23. C’est cette naissance divine qui nous est donnée par le baptême, qui est pour cela appelé « le bain de la régénération, » Tit., iii, 5, et, si l’on peut parler ainsi, le sacrement de la renaissance : « Si un homme ne renaît de l’eau et de l’Esprit-Saint, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » Joa., iii, 5.

2. Si nous sommes nés de Dieu, nous sommes fils de Dieu. La conséquence est rigoureuse. Beaucoup de textes du Nouveau Testament appellent les justes « fils de Dieu » ; sans doute quelques-uns doivent se prendre dans le sens large, c’est-à-dire dans le sens d’une certaine ressemblance avec Dieu. Matth., v, 45. Cf. v, 9. Mais un grand nombre ne peuvent s’expliquer que dans le sens précis d’une filiation adoptive strictement dite, soit parce qu’ils insistent avec énergie sur cette filiation, soit parce qu’ils donnent comme raison de cette filiation la nouvelle naissance et la nouvelle vie que les justes reçoivent de Dieu. « Voyez, dit saint Jean, quel amour le Père nous a témoigné, de vouloir que nous soyons appelés, et que nous soyons, en effet, enfants de Dieu… Mes bien-aimés, nous sommes déjà enfants de Dieu. » I Joa., iii, 1-2. Cf. Rom., vin, 14-17 ; Gal., iii, 26 ; iv, 4-6 ; Rom., v, 2 ; viii, 21 ; Joa., i, 12.

3. L’enfant, né de son père, et devenu ainsi son fils, reçoit de lui, par là même, la nature humaine. Saint Pierre nous dit : « Dieu, par Jésus-Christ, nous a communiqué les grandes et précieuses grâces qu’il nous avait promises, pour vous rendre par ces mêmes grâces participants de la nature divine. » II Pet., i, 4. En quoi consiste cette participation de la nature divine, qui est le fruit de notre nouvelle naissance ? Par le seul fait de cette régénération, nous recevons en nous le Saint-Esprit ; il est communiqué et donné à l'âme juste. Rom., v, 5. Cf. I Joa., IV, 13 ; II Cor., i, 22. Il habite par conséquent dans l'âme juste. Rom., viii, 9, 11. Sans doute il n’habite pas en nous à l’exclusion du Père et du Fils, à cause de la circumincession (περιχώρησις) des trois divines personnes, qui sont consubstantielles et inséparables ; aussi Jésus a-t-il pu dire de l'âme du juste : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. » Joa., xiv, 23. Toutefois cette œuvre de justification étant un « don » excellent et un témoignage très précieux de l’amour divin, est attribuée par l'Écriture et les Pères au Saint-Esprit, qui est par excellence le Don de Dieu et l’Amour substantiel et personnel du Père et du Fils. Mais que fait le Saint-Esprit dans notre âme ? Par son action toute-puissante, il imprime en elle cette qualité permanente qu’on appelle grâce sanctifiante ; elle est inhérente à l'âme, la pénètre tout entière, lui donne des puissances et des facultés nouvelles, et la rend ainsi semblable à Dieu.

4. Nés de Dieu, nous entrons dans sa famille, comme le fils entre naturellement dans la famille de son père ; il n’est pas pour nous un étranger, ni même simplement le Créateur, c’est notre Père ; ce mot est répété plus de quinze fois dans le Nouveau Testament, et avec ce sens précis. Par la même raison, nous devenons les frères de Jésus-Christ, quoiqu’il soit Fils naturel de Dieu, et non simplement fils adoptif. Dans la plupart des législations, c’est un effet de l’adoption de rendre les adoptés frères des fils naturels de l’adoptant D. I, vii, 23. C’est ce que Dieu a voulu aussi dans l’ordre surnaturel : nous sommes frères de Jésus-Christ, au même titre que nous sommes enfants de Dieu. Rom., viii, 29.

5. Enfin, si nous sommes fils de Dieu, nous sommes ses héritiers : c’est qu’en effet, comme nous l’avons observé dans la première partie de cet article, toute véritable adoption entraîne en faveur de l’adopté le droit à la succession du père adoptif. Or saint Paul nous apprend qu’il en est de même pour l’adoption divine : « Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ. » Rom., viii, 17. Cf. Gal., m, 29 ; iv, 7 ; Tit., iii, 7 ; I Pet., iii, 22 ; Jac, ii, 5. Aussi, dans la Sainte Écriture, la gloire du ciel, consistant dans la vision intuitive, l’amour et la possession de Dieu, nous est souvent proposée comme un héritage : « Béni soit Dieu, Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui, selon la grandeur de sa miséricorde, nous a, par la résurrection de Jésus-Christ, régénérés, pour nous donner la vive espérance de cet héritage, où rien ne peut ni se détruire, ni se corrompre, ni se flétrir, » etc. I Pet., i, 3-4. Cf. Eph., i, -18 ; v, 5 ; Col., iii, 24 ; Heb., I, t 14 ; ix, 15. Sans doute les mots hæres, hæreditare, hæreditas (en grec, κληρονομoς, κληρονομέω, κληρονομία ; en hébreu, radical nâḥal) ne signifient pas toujours un héritage proprement dit, c’est-à-dire le mode spécial d’acquisition par succession ou testament ; mais signifient quelquefois, en général, la prise de possession d’un bien, quel que soit d’ailleurs le mode d’acquisition ; mais cette distinction est ici sans importance, puisqu’il nous suffit de faire remarquer qu’en vertu de sa naissance divine, le juste acquiert un certain droit sur les biens divins préparés dans le ciel ; or ce droit, qui constitue précisément l’héritier, est prouvé par la plupart des textes cités ; cela est tellement vrai, que saint Paul, dans un des quatre textes où il emploie le mot υἱοθεσία, identifie notre adoption divine avec notre héritage céleste : « Nous gémissons en nous-mêmes, attendant l’adoption divine, la délivrance de nos corps. » Rom., viii, 23.

Ce que nous venons de dire de ce privilège admirable de l’adoption divine, ou de la filiation divine adoptive, conféré à tous les justes, ne peut s’appliquer à Jésus-Christ, qui, étant Dieu et homme, est purement et simplement Fils naturel de Dieu, et non pas Fils adoptif. Comme la filiation ne peut convenir qu'à une personne, et qu’en Jésus-Christ il n’y a qu’une personne, celle du Verbe, il ne peut y avoir en lui qu’une seule filiation, la filiation naturelle, en vertu de laquelle Jésus-Christ est Fils naturel de Dieu. S. Thom., iii, q. 23, a. 4. Ainsi, d’un seul mot, se trouve réfutée l’erreur ou plutôt l’hérésie des Adoptianistes, Félix, évêque d’Urgel, et Élipand, archevêque de Tolède, qui, dans la seconde moitié du viiie siècle, enseignaient que Jésus-Christ, comme homme, peut être dit Fils adoptif de Dieu. Cette erreur, qui n'était qu’un rejeton du nestorianisme, fut condamnée au concile de Francfort (794).

S. Many.

ADOR, ville de Palestine. I Mach., xi : i, 20. Voir Aduram 1.

ADORAM. Hébreu : Hădôrâm.

1. ADORAM (Septante : Ὀδοῥῤά), cinquième fils de Jectan. Il s'établit aux extrémités méridionales de l’Arabie. Ses descendants sont les Adramites des géographes classiques. I Par., i, 21. Il est nommé Aduram dans la Vulgate. Gen., x, 27.

2. ADORAM (Septante : Ἀδουράμ), fils de Thoü, roi d’Hémath, vint de la part de son père féliciter David de la victoire qu’il avait remportée sur Adarézer, roi de Soba, et lui offrir en présent des vases d’or, d’argent et d’airain. I Par., xviii, 10 ; II Reg., viii, 10. Dans ce dernier endroit, il est nommé Joram.

ADORATION (Vulgate : adorare ; Septante et Nouveau Testament : προσκυνεῖν ; hébreu : hišṭaḥavâh, hithpalel du radical šaḥâh) désigne dans la Bible un témoignage particulier de vénération, que les Hébreux rendaient à la divinité et aux grands personnages. Il consiste en ce que l’adorateur se jette à deux genoux et se prosterne jusqu'à terre devant la personne qu’il vénère, lui baisant les pieds ou touchant le sol de son front devant elle. C’est le sens naturel du verbe hišṭaḥavâh, qui signifie proprement « se prosterner jusqu'à toucher du front la terre » ; aussi on le voit souvent suivi des mots appayîm ʾarṣâh, « la face contre terre, » ou autres équivalents. Gen., xix, 1 ; xiii, 6 ; xlviii, 12, etc. Gesenius, Thesaurus, p. 1387. Telle était chez les Hébreux la démonstration la plus éclatante de vénération, qu’ils distinguaient soigneusement des autres marques de respect ; ils avaient d’autres mots pour signifier la simple génuflexion (kâraʾ, bârak, traduits ordinairement dans les Septante : le premier, par κλίνειν ἐπὶ τὰ γόνατα ; le second, par πίπτειν ἐπὶ τὰ γόνατα) ou l’inclination modérée du corps (qâdad, traduit habituellement dans les Septante par κύπτω) ; le terme hišṭaḥavâh était réservé pour signifier la prosternation complète.

Cette marque de vénération était du reste en usage, comme elle l’est encore aujourd’hui, dans les pays orientaux.

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36. — Eol d’Egypte adorant la déesse Isis.

Le Musée britannique possède une peinture murale, contemporaine de la XVIIIe dynastie égyptienne, qui représente des personnages offrant des présents à un roi ; les plus rapprochés de lui sont prosternés devant lui, le front courbé jusqu’au sol ; ceux qui viennent ensuite sont à genoux, attendant probablement le moment de se prosterner ; enfin il y en a qui sont encore debout, jusqu'à ce que leur tour vienne de s’approcher. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1889, t. ii, p. 146. Nous reproduisons ici (fig. 36) un roi d’Égypte qui adore prosterné la déesse Isis. Les Perses distinguaient soigneusement entre la salutation et l’adoration. Alexandre, ayant vaincu les Perses, voulut, dit Justin, XII, vii, « non pas être salué, mais être adoré, » suivant l’usage des rois persans ; cet usage, dit Quinte-Curce, consistait en ce que les sujets se prosternaient à terre, et frappaient du front le sol devant leur souverain. Quint. Curt., VI, vi. Une coutume semblable existait en Assyrie. ( Fig. 37.) C’est l’hommage que l’orgueilleux Aman, premier ministre du roi Xercès (l’Assuérus de la Bible), voulut qu’on lui rendit : « Et tous les serviteurs du roi, qui étaient à la porte du palais (à Suse), fléchissaient le genou devant Aman, et l’adoraient. Il n’y avait que Mardochée qui ne fléchit pas les genoux devant lui, et ne l’adorât pas. » Esth., iii, 2. Ici le texte hébraïque présente les deux mots signalés : kâra', « fléchir le genou, » et hišṭaḥavâh, « adorer. »

Les Hébreux rendaient cette adoration à Jéhovah, comme on le voit Gen., xxiv, 2C, 48 ; Exod., xx, 5, etc. Gesenius, Thesaurus, p. 1387. Dans ce cas, le verbe hébraïque hišṭaḥavâh est quelquefois seul, sans régime, le nom de Jéhovah restant sous-entendu. C’est aussi de cette manière que Notre-Seigneur, au jardin des Oliviers, adora son Père : « Il se prosterna contre terre, » Marc, xiv, 35 ; « il tomba la face contre terre. » Matth., xxvi, 39. Les Hébreux rendaient aussi l’adoration ou l’hommage du profond respect par la prostration aux grands personnages, comme les rois et les princes : ainsi Miphiboseth, fils de Jonathas, adora David, II Reg., ix, 6, 8 ; Joab et Absalom adorèrent le même prince, II Reg., xiv, 22, 33, etc. Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur fut souvent l’objet de cette marque de vénération : les mages l’adorèrent prosternés devant lui, Matth., ii, 11 ; l’aveugle- né, guéri par lui, et apprenant de lui qui il était, « tombe à terre et l’adore, » Joa., ix, 38 ; les saintes femmes, après sa résurrection, « se jettent à ses pieds, les baisent, et l’adorent, » Matth., xxviii, 9, etc. Dans les Actes des Apôtres, Pierre, envoyé par Dieu au centurion romain Corneille, reçoit de lui cette marque de vénération : « se prosternant à ses pieds, il l’adora. » Act., x, 25. Pierre refusa cet honneur, disant qu’il n'était qu’un homme. Act., x, 26. Corneille ne l’ignorait pas, mais il avait voulu se conformer aux mœurs hébraïques. Dans des cas particuliers, les Hébreux rendaient le même hommage à des hommes ordinaires, qu’ils voulaient honorer d’une manière toute spéciale : ainsi Abraham « adore jusqu'à terre » les trois visiteurs, qu’il ne connut que plus tard, Gen., xviii, 2 ; il adore les enfants de Heth, Gen., xxiii, 7, 12. Moïse adore Jéthro, son beau-père, Exod., xviii, 7 ; David adore jusqu'à trois fois son sauveur Jonathas, fils de Saül, I Reg., xx, 41 ; Jacob se prosterne à terre devant son frère Ésaü et l’adore, et cela jusqu'à sept fois, Gen., xxxiii, 3 ; le nombre des adorations était la mesure de l’honneur qu’on entendait rendre. Nous trouvons aussi le mot adorare, hišṭaḥavâh, appliqué à un objet matériel, à cause de ses rapports intimes avec le culte de Dieu. Ainsi, Ps. xcviii (héb. xcix), 5 : « Adorez l’escabeau de ses pieds [de Jéhovah], parce qu’il est saint. » D’après la meilleure interprétation, cet escabeau des pieds de Dieu, c’est l’arche d’alliance, sur laquelle Jéhovah était censé reposer ; car c’est de dessus le propitiatoire qui recouvrait l’arche qu’il rendait ses oracles.

Quelquefois les Hébreux ont rendu l’adoration à de fausses divinités ; les auteurs sacrés, pour désigner ce culte, ont employé le même mot hišṭaḥavâh, Deut., xxix, 25 (26), etc. ; aussi, lorsque, Exod., xxxiv, 14, Jéhovah défend à son peuple d’adorer des dieux étrangers, il sa sert de la même expression. Cependant à partir d’Isaïe, et surtout après la captivité, les auteurs sacrés emploient pour désigner l’adoration des idoles un autre mot, le verbe sâgad, qui est un verbe araméen, segèd, transporté dans la langue hébraïque, et qui désigne également l’adoration, c’est-à-dire la prosternation complète.


37. — Tributaires des rois d’Assyrie adorant le roi Salmanasar II. Obélisque de basalte du British Museum.


On le voit pour la première fois dans Isaïe, xliv, 15, 17, etc. ; il est ensuite employé habituellement par les auteurs sacrés. Dans la Bible, ce mot est exclusivement employé pour signifier l’adoration des idoles ; mais, dans la langue araméenne, il signifie indifféremment l’adoration du vrai Dieu ou celle des idoles. Aussi dans le Nouveau Testament, le mot προσκυνεῖν, « adorer, » est-il toujours traduit dans la Peschito, ou version syriaque, par le verbe segéd. Les auteurs de la version des Septante et de la Vulgate ont traduit partout le mot hébreu hišṭaḥavâh par προσκυνεῖν et adorare. En effet, ces deux mots signifient aussi, dans ces langues, la prosternation complète : le mot adorare vient de ad, « vers, » et de os, « bouche ; » le mot προσκυνεῖν, de προς, « vers, » et de κυνεῖν, « baiser ; » cela vient de ce que les Grecs et les Romains, dans l’acte de l’adoration, portaient la main droite à la bouche, tout en se prosternant devant celui qui était l’objet de l’adoration ; d’après d’autres auteurs, cela viendrait de ce que, quand la prosternation était complète, l’adorateur baisait ou était censé baiser la terre devant celui qu’il adorait.

Tel est le sens à la fois étymologique et historique des mots adorer, adoration. Signalons brièvement quelques sens dérivés qui se rencontrent dans la Sainte Écriture : 1° Le verbe adorer, hišṭaḥavâh, signifie quelquefois, dans la Bible, l’adoration du vrai Dieu, sans aucune prosternation du corps. Ainsi, III Reg., i, 47, « David adora Dieu dans son lit ; » ce qui est dit aussi de Jacob, au moment de sa mort, d’après quelques interprètes. Rosenmüller, In Gen. xlvii, 31. — 2° Dans la Vulgate, le mot adorer, adorare, signifie quelquefois « prier » ; par exemple, Ps. lxxi (héb. lxxii), 15 : « Ils prieront sans cesse pour lui, » adorabunt de ipso semper, comme on le voit par le verbe hébraïque pâlal (à l’hithpahel) et le grec προσκυνεῖν que la Vulgate a traduits par adorare, et qui signifient prier. Le mot adorare, dans les auteurs profanes, a quelquefois le sens de « prier ». Voir Forcellini, Totius latinitatis lexicon, v° adorare. Remarquons l’analogie entre adorare et orare, « prier ; » du reste, dans le culte de Dieu, l’adoration est ordinairement le prélude de la prière. — 3° Le mot adorare signifie quelquefois « offrir à Dieu des sacrifices », par exemple, Joa., iv, 20 : « Jérusalem est le lieu où il faut adorer, προσκυνεῖν ; évidemment il ne s’agit pas ici de cette adoration ou prosternation du corps, qu’on pouvait faire en tout lieu devant Jéhovah ; mais de l’acte principal dans du culte de Dieu, qui est le sacrifice, qu’on ne pouvait offrir que dans le temple de Jérusalem.
S. Many.


38. — Le dieu chaldéen Šamšou.


ADRAMÉLECH, hébreu : ʾAdrammélék ; Septante : Ἀδραμέλεχ ; textes cunéiformes : Adar-malik ou Adrumalku.

1. ADRAMÉLECH, idole dont les Sépharvaïtes, IV Reg., xvii, 29-41, introduisirent et perpétuèrent le culte dans la Samarie, où les avait transplantés Sargon, roi d’Assyrie, après la destruction du royaume d’Israël et la prise de sa capitale. Les anciens et les rabbins disent qu’on représentait cette idole sous la forme d’un mulet, mais sans ombre de raison. Ce qui est certain, c’est qu’on lui offrait des enfants en holocauste. Ces sacrifices semblent se rapporter à une divinité solaire, car ils rappellent ceux que l’on offrait en Chanaan, en Phénicie et à Carthage, à Baal-Moloch. Voir Moloch.

Dès la plus haute antiquité, en effet, et déjà au temps de Sargon d’Achad, c’est-à-dire vers l’an 3800 avant J.-C., suivant les chroniques babyloniennes, la ville de Sippar, la Sépharvaïm biblique, patrie de ces néo-Samaritains, adorait le soleil ; l’un des deux quartiers de cette ville lui était même particulièrement consacré, tandis que l’autre l'était à la déesse Anounitou : Sippar ša Šamaš Sippar ša Anunitu, « la Sippar du soleil et la Sippar d’Anounitou. » Western Asiatic Inscriptions, t. ii, pl. 65, 1. 18, 196. Dans l’idiome sémitique de la Mésopotamie, le soleil se nommait šamšu, ce qui rappelle l’hébreu šéméš ; mais bien des indices semblent suggérer comme autre appellation du même dieu celle d’Adar ou Adru : c’est celle qu’on trouve, par exemple, dans le nom du Noé chaldéen Ṃasis-Adra. Voir A. H. Sayce, Lectures on the religion of the ancient Babylonians, p. 263, 152. Quant au mot mélek, qu’y ajoute la Bible, c’est une épithète empruntée au verbe malaku, « être prince, » laquelle est donnée à plusieurs divinités par les textes cunéiformes. Western Asiatic Inscriptions, t. iv, pl. 56, 1. 36 6. On a exhumé des ruines mêmes de Sippar une belle tablette de pierre, avec l’image de l’idole Šamšou (fig. 38). Sur une sorte d’autel ou de support, on voit un grand disque, sans doute en métal doré, et par derrière, dans un naos ou chapelle, le dieu est représenté sous la forme humaine, haut d’environ quinze pieds, si les proportions sont bien gardées, et assis sur un trône. Comme signe d’ancienneté, la barbe lui tombe jusqu'à la ceinture ; comme signe de force et de puissance, quatre paires de cornes s’enroulent autour de sa tiare ; deux personnages, un roi et un officier, font devant le naos le geste de l’adoration, tandis qu’un prêtre les introduit, puis écarte le disque qui cachait l’idole ; ' celle-ci étend vers les visiteurs un symbole divin, peut-être un signe de vie, analogue à la croix ansée ou au sceau des dieux égyptiens. Ce dieu avait pour épouse Aa, vraisemblablement Anounitou ou l’Anamélék de la Bible ; il en résultait une dualité de personnages solaires analogue à celle de Moloch-Baal en Phénicie, de Seket-Bast en Égypte ; le premier élément personnifiant la force du soleil, le second sa douceur. Voir Anamélech.

Au lieu de cette identification, appuyée sur la place que les Sépharvaïtes réservaient effectivement à Šamaš dans leur culte national, d’autres ont préféré voir Adar ou Adramélech, avec Eb. Schrader, dans le kirub ou dieu-taureau à tête humaine, Riehm, Handwörterbuch des biblischen Altertums, 1. 1, p. 29 ; dans Sakkut, Eb. Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. ii, p. 142 ; dans le dieu nommé par les Grecs Samdan ou Parsondas, et que les textes cunéiformes désignent par les idéogrammes Bar ou Nin-eb, desquels nous ignorons au reste la prononciation véritable ; ainsi, mais seulement dans son premier volume, F. Lenormant, Les origines de l’histoire, p. 161 et suiv. Sayce, Lectures on the origin and growth of the religion of the Ancient Babylonians, p. 7, 151 et 152, y voit de préférence la déesse Aa, suivant en cela Lehmann, De inscriptionibus cuneatis quæ pertinent ad Samas-sum-ukin, p. 47. Ajoutons enfin que les inscriptions cunéiformes elles-mêmes paraissent à certains endroits confondre à la fois le prétendu Adar-Samdan ou Uras avec Nin-eb, Ramman ou Mermer avec Nébo, avec le soleil à son midi. Western Asiatic Inscriptions, t. ii, pl. lvii, 1. 51, 76 ; ibid., 1.31 ; pl. lx, 1. 37, etc. Mais ces identifications factices ne reposent généralement que sur des épithètes ou des attributs communs ; d’ailleurs ces dieux n’ont généralement aussi à Sippar qu’une place fort effacée : on ne voit donc pas pourquoi les Sépharvaïtes auraient introduit leur culte en Samarie, au détriment de Samas et d’Anounit, qui étaient les grands dieux tutélaires de leur cité. Enfin même leurs partisans avouent ordinairement qu’il faut leur reconnaître le caractère de divinités solaires, de telle sorte que le dissentiment devient plus apparent que réel. Cf. J. Seldenus, De diis syris, 1668, i, p. 328 ; ii, p. 308 et suiv., pour les anciens ; parmi les modernes : F. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. i, p. 524-526 ; t. ii, p. 7 ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. v, p. 251 ; Transactions of the Society of Biblical Archæology, t. viii, part, ii, p. 164, et pour la tablette de Sippar, Western Asiatic Inscriptions, t. v, pl. 60.

E. Pannier.

2. ADRAMÉLECH, fils et meurtrier de Sennachérib, roi d’Assyrie. IV Reg., xix, 37 ; Is., xxxvli, 38. Lui et Sarasar, son frère, tuèrent leur père dans le temple du dieu Nesroch, mais ne purent s’emparer du trône. Ils furent même contraints de chercher un refuge en Arménie. Les textes assyriens ne nous ont pas encore livré le récit de ce parricide ; mais ils nous apprennent que cette période fut très agitée, et que Sargon, père de Sennachérib, périt lui-même assassiné ; son prédécesseur Salmanasar avait eu probablement aussi le même sort. Ils nous apprennent encore que l’Arménie était à cette époque en guerre avec l’Assyrie, qu’elle avait eu grandement à souffrir des armes de Sargon, qu’elle tenait en échec celles de Sennachérib, et que par conséquent les meurtriers de ce prince durent s’y réfugier de préférence, sûrs d’un favorable accueil. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne, t. iv, p. 292.

Les textes cunéiformes babyloniens sont plus explicites : l’Assyrie ne dit jamais, naturellement, que ce qui peut être à son honneur ; mais les Babyloniens étant alors les ennemis des Assyriens, c’est à ceux-ci qu’il faut demander la confirmation du récit biblique. Et, en effet, nous lisons dans le recueil historique connu sous le nom de Chronique babylonienne : arḥi Tebiṭi umi xx' Sin-aḥi-irba šar Aššur apalšu iduk, « le vingt du mois de Thebet, Sennachérib roi d’Assyrie, son fils le tua. » Th. G. Pinches, The Babylonian Chronicle, p. 8, lignes 34-35.

D’après les récits arméniens, les deux princes, poursuivis et vaincus par Asaraddon, leur frère, furent bien reçus par le roi Argistis (?), qui leur donna des terres à gouverner. Bérose avait une narration analogue, comme on le voit par ses abréviateurs ; mais les noms y sont fort altérés : Adramélech est devenu Ardumusanus. La véritable prononciation assyrienne était Adru-malku ou, sans désinence, Adar-malik, ce qui veut dire « le dieu Adar commande ». Ce nom était fréquemment porté en Assyrie ; on le retrouve quatre ou cinq fois dans le Canon des limu, sorte de table chronologique des éponymes de Ninive. Pour les récits de Bérose et les Arméniens, voir F. Didot, Fragmenta hist. græc., Bérose, t. ii, p. 504 et suiv. ; ibid., Mar apas Catina, t. v, part, ii, p. 34 ; pour les textes assyriens, Delitzsch, Assyrische Lesestücke, 1878, Eponymencanon, p. 88, c. n et suiv. ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. iv, p. 291, 321 ; Th. G. Pinches, The Babylonian Chronicle, p. 3, 8, 24 ; A. H. Sayce, Dynastic tablets of the Babylonians dans les Records of the past, nouvelle série, t. i, p. 28.

E. Pannier.

ADRIATIQUE (Mer), Ἀδρίας, Act., xxvii, 27. Dans son trajet de Cauda (Gaudos) à Mélita (Malte), le vaisseau sur lequel était embarqué saint Paul navigua sur l’Adrias ou mer Adriatique. Quelques exégètes ont cru que la Mélita dont il est question ici était une lie de ce nom dans le golfe de Venise, et que l’Adrias était la mer Adriatique, au sens actuel du terme. À l’article Malte, on prouvera que l’île appelée Mélita par les Actes, xxviii, 1, est Malte, située au sud-est de la Sicile. Dans ce cas, comment saint Luc a-t-il pu appeler « Adrias » la mer qui s'étend entre la Crète et la Sicile ? On donna d’abord le nom de mer d’Adrias à la mer qui baignait Adrias, ville située aux embouchures du Pô. Par extension, ce terme désigna plus tard le golfe de Venise, puis toute la mer jusqu’au détroit d’Otrante. Mais, aux premiers siècles du christianisme, on appelait Adrias la mer bordée par la Sicile, l’Italie, la Grèce et l’Afrique. Ptolémée dit que la Crète était baignée à l’ouest par l’Adrias. D’autres écrivains anciens disent que Malte divisait la mer Adriatique de la mer Tyrrhénienne, et l’isthme de Corinthe, la mer Egée de l’Adriatique. Saint Luc a donc employé, pour désigner la Méditerranée centrale, le terme en usage chez les géographes de son temps.

E. Jacquier.


ADRICHOMIUS (Christian Adrichem, dit), né à Delft, dans la Hollande, en 1533, ordonné prêtre en 1561, fut contraint par les guerres de religion de quitter sa patrie et de se retirer dans le Brabant, puis à Cologne, où il mourut en 1585. À Anvers, il publia sous le nom de Christianus Crucius une Vita Jesu Christi ex quatuor Evangelistis breviter contexta, in-12, 1578. Son ouvrage principal ne fut imprimé en entier qu’après sa mort. Il est intitulé Theatrum Terræ Sanctæ et Biblicarum historiarum cum tabulis geographicis, et divisé en trois parties. La première est une géographie de la Terre Sainte ; la seconde, une description de Jérusalem ; la troisième est une chronique qui va depuis le commencement du monde jusqu'à la mort de saint Jean l'Évangéliste, placée par l’auteur en 109. La seconde partie avait été déjà imprimée séparément par l’auteur en 1584, dans le format in-8° ; elle fut réimprimée dans le même format en 1588 et 1593. Le Theatrum fut en son temps considéré comme un ouvrage de très grande valeur ; aussi en fit-on de nombreuses éditions. Il parut pour la première fois à Cologne, in-f°, 1590, et depuis en 1593, 1600, 1628, 1682. Malgré les nombreuses et importantes découvertes faites à Jérusalem et en Palestine, il est encore estimé pour les utiles renseignements qu’on y trouve.

ADRIEN, auteur grec du Ve siècle ou du commencement du vi 8 au plus tard. Il est certainement antérieur à Cassiodore, puisque celui-ci le cite au chap. x de son ouvrage De Institutione divinarum litterarum, t. lxx, col. 1122. Usher le place en 433. Il composa une Introduction à l'Écriture Sainte, Εἰσαγωγὴ τῆς Γραφῆς, mentionnée par Photius au codex II de sa Bibliothèque, t. ciii, col. 45. L’original grec fut publié avec les notes de David Hœschel, in-4°, Augsbourg, 1602 ; il a été réimprimé par Jean Pearson, au tome ix des Critici sacri, Londres, 1660 ; par Migne dans la Patrologie grecque, t. xcviii, col. 1273-1311. Il fut traduit en latin par Louis Lollino dans ses Opuscula, Bellune, 1650. On a pensé que notre Adrien était ce moine grec auquel saint Nil adressa une de ses lettres, t. lxxix, col. 225 ; si cette hypothèse est fondée, il serait du Ve siècle.


ADRUMÈTE (Ἀδραμυττηνός, Ἀτραμυττηνός, Adrumetina, Act., xxvii, 2), ville et port de mer de Mysie. Saint Paul fut envoyé de Césarée à Rome sur un navire d’Adrumète.

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39. — Monnaie d’Adrumète. Tête de Neptune, tournée à droite, avec son trident. HADR (d’Adrumète). — S). Tête d’Astarté ou Vénus, à gauche.

Grotius, Hammond, ont cru qu’il était question ici d’Adrumète d’Afrique. Il est certain que l’Adrumète des Actes des Apôtres est la ville d’Adramyttium, port d’Asie Mineure, province de Mysie, située au fond du golfe de ce nom, sur le Kaïkos, en face de l'île de Lesbos. Cette ville avait dans l’antiquité un commerce très actif, et ses navires faisaient le trafic entre Pergame, Éphèse et Milet, d’un côté, et Assos, Troas et l’Hellespont, de l’autre. Dans le retour à son port d’embarquement, le navire d’Adrumète, sur lequel montait saint Paul, devait toucher à tous les ports de la province d’Asie. Act., xxvii, 2. On espérait, ce qui arriva en effet, trouver dans un de ces ports un navire faisant voile pour l’Italie. Au temps de saint Paul, Adrumète était une ville importante, où se tenaient les assises (forum ou conventus juridicus). Il est probable que l’Apôtre a visité cette ville en allant, dans son deuxième voyage de mission, de la Galatie à Troas par la Mysie. Act., xvi, 6, 7. De l’ancienne Adrumète, il ne reste aucun vestige ; elle est remplacée par un village de six cents habitants, plus éloigné de la côte, appelé Aiimmiti ou Édremid, Ydremid.

E. Jacquier.


ADULLAM, ville de Juda. Jos., 17, 35. Elle est appelée Odollam partout ailleurs dans la Vulgate. Voir Odollam.

ADULTÈRE. Ce mot a différents sens dans la Sainte Écriture ; voici les principaux : 1° Crime contre la foi du mariage. Prov., vi, 32 ; Sap., iii, 16 ; Eccli., xxiii, 33 ; Os., iv, 2, 14, etc. ; par extension, ce mot a été quelquefois employé pour signifier tout péché contre le sixième commandement. — 2° Idolâtrie. Jer., xiii, 26-27 ; Is., lvii, 3 ; Jer., ix, 2 ; xxui, 14 ; Ezech., xvi, 36-40 ; xxiii, 37, 43-45 ; Os., ii, 2 ; vii, 4 ; Jer., iii, 1-9 ; v, 7. L’alliance du peuple fidèle avec Dieu est comparée à un mariage ; en conséquence, celui qui rejette Dieu pour se livrer à des idoles est appelé du même nom que celui qui viole la toi conjugale. — 3° Toute altération, toute corruption. II Cor., il, 17. — 4° Le fait d’une famille, d’une race, d’un peuple, qui dégénèrent de leurs ancêtres. Dans Matth., xii, 39, les Juifs sont appelés nation « adultère » parce qu’ils ont dégénéré de la foi et de la piété de leur père Abraham. Dans ce dernier sens, le mot adultère correspond à notre mot français « abâtardi ». — Dans cet article, nous ne prenons le mot « adultère » que dans le sens de crime contre la foi conjugale.

I. Adultère sous la loi ancienne. — 1° Notion. En général, l’adultère est la violation de la foi conjugale. En conséquence, la notion de l’adultère peut et doit varier, suivant que dans un pays la polygamie est prohibée ou permise. Si la polygamie est prohibée, comme aujourd’hui, depuis J.-C, dans tous les pays chrétiens, le mariage se définit ainsi : Union d’un seul homme avec une seule femme, dans le but de donner des enfants à la société, etc. ; dans ce cas, la femme doit une fidélité complète à son mari, à qui elle s’est donnée exclusivement ; et, d’autre part, le mari doit aussi une fidélité parfaite à sa femme, à qui il s’est donné tout entier. Si, au contraire, la polygamie est permise, la femme doit à son mari une fidélité parfaite, car elle appartient à lui seul, et si elle a des relations coupables avec un autre homme, elle commet un adultère ; mais la fidélité que doit le mari à sa femme n’est pas aussi stricte : le mari ne se donne pas à elle tout entier ; il se réserve le droit de prendre d’autres femmes ; par conséquent, s’il a des relations coupables avec une autre femme que la sienne, il commet sans doute un crime, parce qu’il manque d’une certaine manière à la fidélité conjugale ; mais il ne commet pas l’adultère proprement dit, car il ne viole pas le droit strict et absolu de sa femme. Telle était la situation sous la loi ancienne, au moins depuis le déluge. Aussi la loi de Moïse, quand elle frappe le crime dont nous parlons, ne le frappe que dans la femme mariée et son complice. C’est ce qui résulte des termes mêmes de la loi. Lev., xx, 10 ; Deut., xxii, 22. Cf. Jahn, Archæologia biblica, § 158 ; Michælis, Mosaisches Recht, §259.

Prohibition. L’adultère est prohibé en beaucoup d’endroits de l’Ancien Testament. Exod., xx, 14 ; Lev., xviii, 20 ; xx, 10 ; Deut., v, 18 ; xxii, 22 ; Prov., v, 20 ; vi, 24-35 ; vii, 5-27, etc. Cette prohibition remontait aux premières origines du monde ; aussi voyons-nous, sous la loi de nature, les droits sacrés du mariage respectés même parmi les nations idolâtres. Gen., xii, 11-19. Cf. Gen., xx, 2 et suiv. ; xxvi, 7-11. Nous lisons dans le livre de Job, xxxi, 9-12, l’horreur extrême qu'éprouvait pour ce crime le saint patriarche.

Pénalité. Dieu lui-même donne l’exemple de la sévérité dans la punition de l’adultère. Il fait expier ce crime avec rigueur à David, et frappe de mort l’enfant qu’il a eu de Bethsabée. II Reg., xii, 1-18. Cf. Gen., xii, 17 ; xx, 3, 7, 9, 18 ; Sap., iii, 16 ; iv, 3. La peine portée par la loi mosaïque contre l’adultère était la peine de mort ; de cette peine étaient frappés soit la femme adultère, soit son complice. Les textes du Lévitique, xx, 10, et du Deutéronome, xxii, 22, ne laissent aucun doute sur ce point. Cf. Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 23. Chez un certain nombre de peuples, l’adultère a été on est encore un crime capital, comme il l’était chez les Hébreux. Dans l’empire romain, la célèbre loi Julia de adulteriis, portée par Auguste, ne punissait pas ce crime de la peine de mort, Pauli Sent. lib. II, t. xxvi, de adulteriis ; mais Constantin porta cette peine, L., Quamvis, 30, C, ad Leg. Juliam de adult. D’après Voet, in Pand. ad Leg. Juliam de adult., n° 10, et de Transactionibus, n° 18, la peine de mort avait existé contre l’adultère avant Constantin, qui n’avait fait que la confirmer. Justinien supprima cette peine pour la femme coupable, Auth. Sed hodie, C, ad L. Juliam de adult., sub L. 30, mais la maintint contre le complice. La peine de mort est restée longtemps en usage dans plusieurs États chrétiens. Chez les Arabes, la peine de mort n’est pas expressément portée contre l’adultère par le Koran, chap. iv, 19 ; xxiv, 1-10 ; dans les premiers temps du mahométisme, la peine fut une prison perpétuelle. Mais bientôt la tradition antique, venue des Israélites, reprit le dessus, et la peine de mort par la lapidation fut portée, pourvu toutefois que le crime fût prouvé par quatre témoins. G. Sale, Observations sur le mahométisme, sect. vi ; Kasimirski, Le Koran, traduction française, note au v. 19, ch. iv. La peine de mort fut également en usage chez les Lydiens, les Goths, les Lombards, les Bourguignons. Cf. Zepper, Legum Mosaicarum forensium explanatio, 1714, I, x, note ; Selden, Uxor hebraica, 1673, III, xi, xii. Chez les Indiens, la peine de mort était portée contre l’adultère dans un très grand nombre de cas. Voir Lois de Manou, viii, art. 359, 371, 372, etc., dans Pauthier, Les livres sacrés de l’Orient, Paris, 1841, p. 417-418. De nos jours, cette peine existe encore chez plusieurs peuples, par exemple, en Afrique, chez les peuples voisins de l’Abyssinie, Voyage dans l’intérieur de l’Afrique, par Damberger, Paris, an IX, t. ii, p. 89 ; chez les Hottentots, Voyage au Japon par le cap de Bonne-Espérance, par Thunberg, Paris, an iv, t. 1, p. 405. Il n’y a donc rien d'étonnant que Moïse ait porté la même peine contre la femme adultère et son complice, et même, comme nous le dirons bientôt, il n’a pas eu à porter, mais seulement à confirmer cette peine. — Sur l'épreuve à laquelle était soumise la femme soupçonnée d’adultère, voir Eaux de jalousie.

Extension de cette peine. La peine de mort était portée non seulement contre le crime d’adultère proprement dit, mais encore contre deux autres fautes que la loi de Moïse assimile à ce crime, parce que, en effet, elles pouvaient en avoir les funestes conséquences. La première était la faute commise par une fiancée avec un autre homme que son fiancé, Deut., xxii, 23-27 ; on en voit facilement la raison : c’est que les fiançailles chez les Juifs imposaient les obligations du mariage. Cf. Josèphe, Ant. jud., IV, iii. La seconde était la faute d’une veuve qui, en vertu de la loi du lévirat, était destinée au frère ou plus proche parent de son mari défunt. Si cette veuve avait commerce avec un autre homme que le parent qui devait l'épouser un jour, ce crime était réputé adultère ; car la loi du lévirat créait, pour ainsi dire, entre elle et son parent des fiançailles légales. Gen., xxxviii, 24.

Genre de cette peine. Comment s’exécutait la peine de mort portée contre l’adultère ? Était-ce par la strangulation ou la lapidation ? Nous n’insisterions pas sur ce point, si quelques auteurs, soutenant que le coupable était mis à mort par la strangulation, n’en prenaient occasion de dire que l’histoire de la femme adultère, racontée par saint Jean, viii, 3-11, est apocryphe, parce que l’auteur suppose que le genre de mort dans ce cas était la lapidation. La Mischna, traité Sanhédrin, c. x, n° 1, enseigne que la femme adultère et son complice devaient périr par la strangulation ; la raison qu’en donnent les rabbins, c’est que, lorsque la loi de Moïse ne spécifie pas le genre de mort, mais se contente de dire : Tel criminel sera puni de mort, il faut choisir le genre de mort le plus doux, c’est-à-dire la strangulation. Or les deux textes qui frappent de mort l’adultère, Lev., xx, 10 ; Deut., xxii, 22, se contentent de dire : « Que les deux meurent, que l’un et l’autre meurent ; » donc le genre de mort est la strangulation. Cette opinion est soutenue par un grand nombre de rabbins, en particulier Maïmonide, Halach. Melakim, c. ix, § 7. '

À ces raisons nous opposons les courtes observations qui suivent : 1° D’abord la règle posée par les rabbins n’est pas exacte. En effet, dans la Loi de Moïse, Exod., xxxi, 14-15 ; xxxv, 2, il est dit simplement que le profanateur du jour du sabbat « sera puni de mort ». Or nous voyons, Num., xv, 32-36, qu’un profanateur du jour du sabbat fut, en effet, mis à mort, mais non par la strangulation, comme voudrait la Mischna ; mais bien par la lapidation, comme le texte le dit en toutes lettres, et cela par l’ordre de Dieu, infaillible interprète de sa loi. — 2° La strangulation n’est pas connue dans la loi de Moïse ; il n’en est nulle part question dans la Bible. On ne peut en découvrir aucun vestige dans l’historien Josèphe. Voir Peine. — 3° Deut., xxii, 23-27, la faute commise par une fiancée avec un étranger était punie de la lapidation, comme le porte expressément ce texte. Comment voudrait-on que le véritable adultère fût puni d’une peine moindre, c’est-à-dire de la strangulation ? Ce serait, à une ligne de distance, une contradiction manifeste dans les lois de Moïse. — 4° Le passage d'Ézéchiel, xvi, 38-40, suppose assez clairement que le supplice de l’adultère n'était pas la strangulation, mais la lapidation. Cf. Ezech., xxiii, 45-47. Aussi saint Jérôme, qui était si bien au courant des mœurs judaïques, assigne la lapidation comme étant la peine de l’adultère : « Afin qu’elle [Marie] ne fût pas lapidée comme adultère, » In Matth., i, 18, t. xxvi, col. 24. Bien plus, quelques rabbins, convaincus par le passage d'Ézéchiel, cité plus haut, abandonnent l’opinion de leurs compatriotes et de la Mischna, et soutiennent le sentiment de saint Jérôme, par exemple, Kimchi et Sixt. Amana. Voir Mischna, édit. de Surenhusius, P. lv, p. 255. Cf. C. B. Michælis, De pœnis capitalibus in Sacr. Script, commemoralis, § 12 ; J. D. Michælis, Mosaisches Recht, § 262.

Origine et désuétude de cette peine. Moïse n’a pas porté le premier la peine de mort contre l’adultère. Nous la trouvons bien avant lui ; elle existait déjà du temps de Jacob, puisque c’est son fils Juda qui condamna à mort Thamar, coupable de ce crime. Gen., xxxviii, 24. Il est même probable qu'à cette époque la peine de la lapidation contre l’adultère était déjà en vigueur, et c’est ce qui explique pourquoi Moïse, portant la peine de mort contre ce crime dans les deux textes cités, ne spécifie pas le genre de mort : il était connu. Le fait de Thamar condamnée au feu, Gen., xxxviii, 24, n’est pas une objection ; car souvent la combustion du cadavre suivait la lapidation, comme nous le voyons dans le fait d’Achan, qui fut condamné au feu, et qui, en exécution de la sentence, fut d’abord lapidé, puis brûlé. Jos., vii, 15, 25. D’après Lightfoot, Horæ hebraicæ, in Matth., i, 19, la peine de mort contre l’adultère était presque tombée en désuétude du temps de Notre-Seigneur, par suite soit du relâchement prodigieux des mœurs, soit de la grande facilité qu’avaient les maris de se débarrasser de leurs femmes coupables par le libellus repudii. On peut voir dans Buxtorf, Synagoga judaica, c. XXXIV, que les Juifs du temps de cet auteur, c’est-à-dire du xviie siècle, avaient remplacé la pénalité mosaïque contre l’adultère par quelques actes de pénitence et d’humiliation.

Punition de l’adultère dans la femme esclave. Le texte qui concerne cette espèce se trouve Lev. xix, 20-22 : « Si un homme a des relations coupables avec une femme et abuse de celle qui est esclave et mariée, et qui n’a point été rachetée ni mise en liberté, ils seront battus tous deux, mais ne mourront pas, parce que ce n'était pas une femme libre. » Il s’agit ici d’une esclave, comme le porte expressément le texte ; de plus, cette esclave est fiancée ou mariée, c’est le sens des mots hébraïques néḥéréféṭ leʾît, que la Vulgate a traduits par ceux-ci : etiam nubilis. Cf. Corn. Lap., D. Calmet, et Rosenmüller, In Lev., xix, 20 ; Michælis, Mosaisches Recht, § 264. Le maître de cette esclave, ou l’avait prise pour lui comme femme de second rang, ou l’avait donnée comme telle à son fils, ou l’avait donnée in contubernio à un autre esclave. Cette esclave était donc mariée ou au moins fiancée, et par conséquent sa faute revêtait le caractère d’un adultère. Toutefois son crime n’est pas puni de mort, ni pour elle ni pour son complice. Quelle en est la raison ? Pourquoi cette exception aux textes de Lev., xx, 10, et Deut., xxii, 22? La raison, c’est que « cette femme n’est pas libre », comme dit le texte. La femme esclave, mariée ou fiancée, n’a pas la même indépendance qu’une épouse ou fiancée proprement dite. Voilà pourquoi ce crime est puni, mais non de la peine de mort, qui est remplacée par la flagellation.

II. Adultère sous la loi évangélique. — 1° Notion. L’introduction de la polygamie dans les mœurs juives avait modifié la notion de l’adultère, ainsi que nous l’avons expliqué au commencement de cet article ; la suppression de la polygamie par la loi évangélique rendit au mot adultère le sens qu’il avait eu à l’origine du monde. Jésus-Christ rétablit le mariage dans la pureté de sa première institution ; il redevint l’union indissoluble d’un seul homme avec une seule femme. D’après cette nouvelle législation, de même que la femme appartient à son mari seul, ainsi le mari appartient à sa femme seule. I Cor., vii, 4. Dès lors, le mari et la femme se doivent mutuellement une fidélité inviolable. Ainsi se trouve rétablie sous ce rapport, entre l’homme et la femme, l'égalité des droits, que la loi mosaïque avait un instant brisée, par suite de la nécessité des temps. Remarquons pourtant que l’infidélité de la femme a toujours été regardée comme plus odieuse et plus grave que celle du mari, parce qu’elle jette des doutes sur la légitimité de la descendance, et qu’elle introduit dans une famille des enfants qui ne lui appartiennent pas, imposant ainsi au père un fardeau qui ne lui incombe point, et violant les droits des héritiers naturels.

Prohibition. — La doctrine du Nouveau Testament sur ce sujet se réduit à ces quatre points : 1° Jésus-Christ et les Apôtres renouvellent d’abord les prohibitions de l’ancienne loi. Matth., xix, 18 ; Marc, x, 19 ; Luc, xviii, 20 ; Rom., xiii, 9. — 2° Jésus-Christ et les Apôtres rangent les adultères à côté des voleurs, des homicides, des idolâtres, etc., et les menacent des jugements de Dieu, de l’exclusion du ciel et des peines de l’enfer. Matth., xv, 19 ; Marc, vii, 21 ; I Cor., vi, 9 ; Heb., xiii, 4 ; Jac, iv, 4. — 3° Quand l’adultère pouvait ouvrir la porte au divorce, les époux qui avaient cessé de se plaire pouvaient être tentés de recourir à ce crime pour obtenir par là une séparation désirée ; ainsi ces crimes se multipliaient, comme moyen d’arriver au divorce. Jésus-Christ supprime cet expédient, déclarant que l’infidélité conjugale ne pourra plus dissoudre le lien du mariage. Matth. v, 32 ; xix, 9 ; Marc, x, 11-12 ; Luc, xvi, 18 ; I Cor., vii, 10-11. — 4° Enfin, pour couper le mal dans sa racine, Jésus-Christ condamne l’adultère non seulement en lui-même, mais jusque dans les désirs et les pensées qui peuvent y conduire. Matth., v, 27-28.

Pénalité. Jésus-Christ, en prohibant ce crime, n'établit pas contre lui de peines temporelles, comme l’avait fait Moïse ; il se contente, ainsi que les Apôtres, d’inculquer fortement la loi, et de faire craindre davantage les peines de l’enfer, dont sont menacés ceux qui commettent ce crime. Il laisse à son Église le soin d'établir, suivant les différentes circonstances de temps et de lieu, des pénalités spéciales. Cf. Decr. Grat., d. 81, et c. xxxii, q. 5, 6, 7, 8 ; Décret. Greg. V, xvi.

S. Many.

1. ADURAM (hébreu : ʾĂdôraïm ; Septante : Ἀδωραί, ville de la tribu de Juda, mentionnée parmi les places qui furent fortifiées par Roboam. II Par., xi, 9. Elle est appelée Ἄδωρα, ( Vulgate : Ador) dans le premier livre des Machabées, xiii, 20 ; et Josèphe la cite tantôt sous la dénomination de Ἀδωραΐμ, Ant. jud., VIII, x, 1, tantôt sous celle de Ἄδωρα, Ant. jud., XIII, vi, 4 ; IX, 1 ; ou de Ἀδωρεoς, Bell. jud., i, viii, 4 ; ou même, dans certaines éditions, sous celle de Δῶρα, Ant. jud., XIV, v, 3. Ce dernier nom se rapproche tout à fait de la forme arabe ou de la désignation actuelle, Doura. C’est, en effet, avec une petite ville de ce nom, située à une faible distance, à l’ouest d’Hébron, qu’on identifie Aduram. « Quelques tronçons de colonnes antiques, dit M. V. Guérin, et un assez grand nombre de pierres de taille provenant d’anciennes constructions et encastrées dans des bâtisses arabes attestent que Doura a remplacé une ville judaïque, dont les matériaux ont servi à la bâtir… À l’ouest-sud-ouest de la ville, sur une éminence, s'élève un oualy célèbre, qui renferme un sarcophage de dimensions colossales, où, d’après la tradition [d’ailleurs inacceptable], reposerait la dépouille mortelle de Noé. Ce tombeau est recouvert de tapis, que l’on renouvelle de temps en temps, et il est le but et l’objet d’un pèlerinage assez fréquenté. Le cheikh qui me le montrait ajoutait que la tradition qui y rattache le nom de ce patriarche est immémoriale dans le pays… Plusieurs tombeaux taillés dans le roc, et qui datent peut-être d’une époque très reculée, ont été creusés sur les flancs de la montagne dont Doura occupe le plateau. » Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 354.

Tryphon, marchant sur la Judée à la tête d’une armée imposante, et arrêté par Simon à Addus ou Adiada (voir Adiada), fit un détour pour gagner Jérusalem par Ador ou Adora, c’est-à-dire par l’Idumée, I Mach., xiii, 20 ; on sait, en effet, que, dans les derniers temps de l’histoire juive, on comprenait sous cette désignation toute la partie méridionale et même la partie centrale de l’ancienne tribu de Juda ; et Josèphe, racontant le même fait, appelle Adora πόλιν τῆς Ἰδουμαίας, « ville de l’Idumée. » Ant. jud., XIII, vi, 4. Soumise par Hyrcan en même temps que plusieurs autres villes de l’Idumée, entre autres Marissa, à laquelle elle est toujours unie dans l’historien juif, Ant. jud., XIII, ix, 1, elle fut rebâtie plus tard par ordre de Gabinius. Bell. jud., i, viii, 4, Ant. jud., XIV, v, 3. Depuis cette époque, elle n’est plus signalée par aucun écrivain ancien. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 214-215.
A. Legendre.

2. ADURAM, fils de Jectan. Gen., x, 27. Voir Adoram I.

3. ADURAM, intendant des tributs. II Reg., xx, 24 ; III Reg., xii, 18 ; II Par., x, 18. Voir Adoniram.

Æ. Chercher à l’E les noms propres qui dans la Vulgate latine commencent par un Æ.

AEN (hébreu : 'Ain), ville du sud de la Palestine, ainsi appelée Jos., xv, 32, et I Par., iv, 32. Elle porte ailleurs dans la Vulgate le nom d’Ain. Voir Aïn 2

AFFINITÉ. L’affinité ou alliance est un lien de parenté qui unit l’un des époux aux consanguins de l’autre. Par le mariage, les deux époux deviennent une même chair, Gen., ii, 24 ; Matth., xix, 5-6 ; en conséquence, tous les consanguins du mari deviennent les alliés de la femme, et réciproquement ; de plys, et pour la même raison, les consanguins d’un époux deviennent les alliés de l’autre dans la même ligne et au même degré ; ainsi, en ligne directe, le père et la mère du mari deviennent le beau-père et la belle-mère de la femme ; et, en ligne collatérale, le frère et la sœur du mari deviennent le beau-frère et la belle-sœur de la femme, etc. ; l’affinité n’est donc autre chose qu’une consanguinité communiquée. Puisque l’affinité est une consanguinité communiquée, il est naturel qu’elle en produise aussi, proportion gardée, les effets ; le principal de ses effets, c’est l’interdiction de certains mariages ; de même donc que la consanguinité empêche le mariage entre consanguins jusqu'à un certain degré, voir Consanguinité, ainsi l’affinité empêche le mariage entre alliés. C’est cet effet que nous allons examiner.

I. Affinité dans la loi de Moïse. — 1° Degrés d’affinité qui empêchent le mariage. Les empêchements de mariage causés par l’affinité sont exprimés dans deux passages du Lévitique, xviii, 8, 14-16, 18 ; xx, 11-12, 14, 19-21. Quelques auteurs, Rosenmüller, In Lev., xviii, 6, et d’autres qu’il cite, ont prétendu que ces textes du Lévitique ne visent pas les mariages incestueux avec les personnes y désignées, mais seulement les actes coupables avec ces mêmes personnes. Cette opinion n’a pas besoin d'être réfutée. Les mots hébraïques gillâh ʿérvaṭ ʾiššâh, que les Septante ont traduits littéralement par ceux-ci : ἀσχημοσύνην γυναικὸς ἀποκαλύπτειν, regardent aussi bien les relations matrimoniales que les actes coupables, comme on le voit, soit par le sens naturel des mots, soit par l’application qu’en fait l’auteur sacré. Lev., xviii, 17-19. Aussi l’opinion universelle des commentateurs catholiques et des rabbins, et l’opinion commune des auteurs protestants, tels que Michælis, Mosaisches Recht, § 102, t. III, p. 225-226, est que les passages cités du Lévitique expriment des empêchements de mariage. C’est aussi ce qu’a déclaré, quoique incidemment, le concile de Trente : « Si quelqu’un dit qu’il n’y a pas d’autres degrés de consanguinité et d’affinité pouvant empêcher le mariage, que ceux qui sont exprimés dans le Lévitique, … qu’il soit anathème, » Sess. xxiv, can. 3. Or voici, d’après le Lévitique, quels sont les degrés d’affinité qui empêchent le mariage. En ligne directe : 1° le mariage est défendu entre un homme et la femme de son père, noverca, « belle-mère, » soit que le père ait plusieurs femmes, comme cela était permis aux Hébreux, soit qu’après la mort de sa première femme il en ait pris une seconde, Lev., xviii, 8 ; xx, 11 ; 2° le mariage est défendu entre un homme et la fille de sa femme que celle-ci aurait eue d’un premier mari, « bellefille, » privigna, Lev., xviii, 17 ; xx, 14 ; 3° entre un homme et la petite-fille de sa femme, proprivigna, Lev., xviii, 17 ; xx, 14 ; 4° entre un homme et la mère de sa femme, « belle-mère, » socrus, Lev., xx, 14 ; cf. Deut., xxvii, 23 ; 5° entre un homme et la femme de son fils, « bru, » nurus, Lev., xviii, 15 ; xx, 12. En ligne collatérale : 6° le mariage est défendu entre un homme et la femme de son oncle paternel, uxor patrui, Lev., xviii, 14 ; xx, 20 ; 7° entre un homme et la femme de son frère, Lev., xviii, 16 ; xx, 21, sauf le cas du lévirat. Voir ce mot. Ainsi une femme ne peut épouser successivement deux frères ; si cependant ceux-ci ne sont que demi-frères, du côté de la mère seulement, Michælis pense qu’alors la femme peut les épouser successivement tous les deux, Mosaisches Recht, § 116, t. II, p. 307 ; 8° enfin le mariage est défendu entre un homme et la sœur de sa femme, Lev., xviii, 18, mais seulement pendant la vie de la première femme, comme le porte expressément le texte cité ; en sorte qu’un Juif, alors même que la polygamie était permise, ne pouvait épouser simultanément deux sœurs (ce qui pourtant paraît avoir été permis avant Moïse, comme nous le voyons par l’exemple de Jacob, qui épousa simultanément deux sœurs, Lia et Rachel, Gen., xxix), mais seulement successivement. Cette restriction montre que la cause de cette prohibition n’est pas l’affinité, qui, une lois contractée, demeure, mais une autre raison que signale l’auteur sacré, Lev., xviii, 18 : « Vous ne prendrez pas la sœur de votre femme, qui serait ainsi sa rivale. » Deux femmes du même mari sont toujours rivales ; c’est une des funestes conséquences de la polygamie ; mais si le législateur hébreu a toléré ce mal pour deux étrangères, il n’a pas voulu le tolérer pour deux sœurs, à cause de l’affection naturelle qu’elles doivent se porter. Les rabbins font remarquer avec soin que, si un Juif pouvait épouser successivement les deux sœurs, ce mot < successivement » signifie après la mort de la première, et non pas après la répudiation de la première, car le texte sacré dit expressément que le mariage est défendu avec la seconde, du vivant de la première ; autrement le désir d'épouser la seconde aurait pu provoquer la répudiation de la première. Hottinger, Juris Hebræorum Leges, 1. ccvi, p. 299.

Tels sont les huit cas dans lesquels le mariage est défendu entre alliés par la loi mosaïque. Il est un neuvième cas, sur lesquels les auteurs se sont partagés. Nous venons de dire, sous le n° 6, que le mariage est défendu avec la femme de l’oncle paternel, uxor patrui ; est-il aussi défendu avec la femme de l’oncle maternel, uxor avunculi ? C’est ce que disent, avec saint Augustin, Quæst. in Hept., iii, 76, t. xxxiv, col. 710, un grand nombre de commentateurs qui l’ont vu dans la Vulgate, Lev., xx, 20 : « Vous ne prendrez pas la femme de votre oncle paternel ou maternel, patrui vel avunculi. » Mais ces mots, vel avunculi, ne sont pas dans le texte hébraïque ; celui-ci porte simplement dôdâh, « femme du frère du père. » Gesenius, Thésaurus, p. 324. On ne voit pas davantage ces mots dans le Pentateuque samaritain, ni dans la paraphrase chaldaïque, ni dans les versions syriaque et arabe ; aussi saint Jérôme, qui a maintenu dans la Vulgate les mots indiqués, vel avunculi, a bien soin d’avertir qu’ils ne sont pas dans le texte hébraïque. Div. Biblioth., in Lev. xx, t. xxviii, col. 326. Nous croyons donc que la loi de Moïse ne défend pas ce mariage ; l’auteur de la Vulgate a ajouté ou maintenu ces deux mots : vel avunculi, parce qu’il a cru que, la femme de l’oncle maternel se trouvant au même degré de parenté que celle de l’oncle paternel, l’analogie l’obligeait à regarder comme défendu le mariage avec la première aussi bien que le mariage avec la seconde. Mais ici l’argument a pari n’a aucune force, soit parce que nous ne devons pas étendre au delà du sens naturel des mots les lois prohibitives, et surtout pénales, odia restringenda ; soit parce que la similitude de parenté n’est pas une raison pour étendre les empêchements de mariage, comme nous le voyons dans le même chapitre du Lévitique, qui défend à une femme d'épouser deux frères (sauf le cas du lévirat), tandis qu’il permet à un homme d'épouser successivement les deux sœurs. Du reste, au fond, dans notre cas la parité n’est qu’apparente ; comme nous le dirons tout à l’heure, la raison principale pour laquelle Moïse a défendu le mariage entre alliés, et en particulier avec la femme de l’oncle paternel, c’est la fréquence des rapports que les alliés peuvent avoir ensemble, et spécialement le neveu avec son oncle paternel, et par suite avec sa femme ; ces rapports quotidiens créent un danger qu’il a fallu écarter, en prohibant le mariage entre le neveu et la veuve de son oncle paternel. Or il n’en est pas de même avec l’oncle maternel et sa femme ; ceux-ci appartiennent à une famille toute différente, qui n’a presque pas de rapports avec celle du neveu ; le danger n’existant pas, la précaution était inutile. Voilà pourquoi les auteurs qui paraissent avoir étudié le plus à fond le droit matrimonial mosaïque n’hésitent pas à déclarer que, de par la loi de Moïse, le mariage dont nous parlons n’est pas défendu. C’est l’opinion universelle des rabbins, particulièrement de Maimonide, traité Isurê-Bia, c. Il (lequel même, appliquant jusqu’au bout le principe odia restringenda, n’entend pas le mot dôd, « frère du père, » de ses frères utérins, mais seulement de ses frères germains) ; c’est aussi l’opinion de Saalschütz, Das Mosaische Recht, k. 105, p. 782 ; de Hottinger, Juris Hebræorum Leges, 1. ce ; de Selden, Uxor hebraica, Francfort-sur-1'Oder, 1673, p. 5 ; de Michælis, soit dans son Mosaisches Recht, § 117, t. ii, p. 312-313, soit dans une dissertation spéciale ayant pour titre Abhandlung von den Ehegesetzen Mosis, welche die Heiraten in die nahe Freundschaft untersagen, 2e édit., Gœttingue, 1768, § 103.

Nous ne faisons que mentionner le cas suivant, qui a fait difficulté pour quelques auteurs : Pierre et Jeanne se marient, ayant d’un premier mariage, l’un un fils, l’autre une fille ; ce fils et cette fille peuvent-ils, d’après la loi de Moïse, se marier ? Non, disent ces auteurs, au moins quand la nouvelle union des parents a donné des enfants à la famille. Tel est le sens qu’ils donnent au texte du Lévitique, xviii, il. Nous prêterons l’interprétation commune, qui entend ce passage de la prohibition du mariage avec une demi-sœur ; c’est dans ce sens que la Vulgate a compris et traduit le texte original. Cf. Michælis, Mosaisches Recht, § 115, t. ii, p. 296-301.

Quelques observations sont ici nécessaires pour l’intelligence du texte sacré sur les empêchements d’affinité. 1° Les défenses matrimoniales sont adressées constamment à l’homme, par exemple : « Vous n'épouserez pas la femme de votre père, » Lev., xviii, 8 ; mais il est évident que la réciproque est vraie, c’est-à-dire que la femme du père ne doit pas non plus épouser le fils que ce père aurait eu d’une première femme ; si le législateur s’adresse toujours à l’homme, c’est que celui-ci prend l’initiative du mariage. 2° Ce qui donne naissance à l’affinité, ce n’est pas, comme en droit canonique, l’acte qui consomme le mariage ; ce sont les fiançailles, qui d’ailleurs, chez les Hébreux, équivalent à peu près au matrimonium ratum de l'Église catholique. Hottinger, Juris Hebræorum Leges, 1. cxci-ccvi, p. 286-300. Du reste, sous ce rapport, le droit canonique diffère peu du droit mosaïque ; car, s’il veut que l’affinité ne prenne naissance que de l’acte conjugal, il reconnaît un autre empêchement analogue, celui d’honnêteté publique, qui naît du matrimonium ratum et même des fiançailles. 3° Dès que l’affinité a pris naissance, elle ne cesse pas, même par la mort ou le divorce des époux qui, par leurs fiançailles, lui ont donné naissance. Ainsi en est-il dans les droits romain et canonique. 4° Chez les Hébreux, le mariage légitime seul (en comprenant sous ce nom les fiançailles) donnait naissance à l’affinité ; les relations illicites ne produisaient pas cet empêchement. Nous tirons cette conclusion du texte sacré, qui, dans tous les cas d’affinité que nous avons reproduits, emploie toujours des expressions qui signifient une union légitime : « Vous n'épouserez pas la femme de votre père, de votre fils, etc. » En cela le droit mosaïque diffère du droit canonique, qui reconnaît aussi une affinité naissant de relations coupables ; le droit romain a varié sur ce point. Voet., Ad Pandectas, de Ritu Nuptiarum, n° 35. 5° L’interprétation que nous avons donnée du texte sacré sur les empêchements d’affinité est celle de tous les commentateurs catholiques et protestants ; c’est celle aussi que donnent les Talmudistes, sauf en un point : nous avons dit que le mariage est défendu, d’après la loi de Moïse, à un homme avec la mère de sa femme, socrus, « bellemère ; » ils disent que, d’après la même loi de Moïse, le mariage est défendu à cet homme, non seulement avec la mère, mais avec les deux aïeules paternelle et maternelle de sa femme. Nous préférons l’interprétation commune ; ces deux empêchements ne sont pas expressément désignés par Moïse ; or, d’après le principe d’herméneutique déjà posé, nous ne devons admettre d’empêchements de mariage que ceux que Moïse a expressément signalés, d’autant plus qu’il s’agit de matières pénales. Michælis, Mosaisches Recht, § 117, t. ii, p. 308. Nous ne parlons pas des interprétations particulières et isolées des Karaïtes, qu’on peut voir dans Selden, Uxor hebraica, I, m-vi, p. 6-30.

2° Sanction de ces empêchements ou pénalités. La violation de la loi prohibant les mariages entre alliés en ligne directe est punie de la peine de mort. C’est la sanction expresse que porte le législateur contre le mariage d’un homme avec la femme de son père, noverca, Lev., xx, 11 ; avec la fille de sa femme, privigna, Lev., xx, 14 ; avec la femme de son fils, nurus, Lev., xx, 12 ; avec la mère de sa femme, socrus, Lev., xx, 14. Deux de ces mariages, c’est-à-dire celui d’un homme avec la femme de son père, ou la mère de sa femme, sont, aux yeux de la loi, des crimes si odieux, qu’une malédiction solennelle et publique est prononcée par tout le peuple contre ceux qui s’en rendent coupables. Deut., xxvii, 20, 23. Il n’y a pas, dans la loi de Moïse, de sanction expresse contre le mariage d’un homme avec la petite-fille de sa femme, proprivigna ; on peut expliquer cette lacune en disant que, du temps de Moïse, ce cas était chimérique, et qu’en conséquence le législateur a laissé aux magistrats futurs le soin d'établir une pénalité, si la simple prohibition ne suffisait pas. C’est l’opinion de Michælis, Mosaisches Recht, § 265, t. v, p. 270.

Quant aux mariages entre alliés en ligne collatérale, ils ne sont pas défendus sous des peines si rigoureuses. Voici la sanction contre le mariage d’un homme avec la femme de son oncle paternel : « Si quelqu’un épouse la femme du frère de son père, il viole le respect dû à ses proches, tous deux porteront la peine de leur péché : ils mourront sans enfants. » Lev., xx, 20. Que signifie cette pénalité? Il y a en hébreu : ʿǎririm yâmuṭû ; les Septante traduisent : ἄτεκνοι ἀποθανοῦνται, et la Vulgate : absque liberis morientur. Cela ne veut pas dire, quoi qu’en aient pensé quelques auteurs, que la femme, dès qu’il sera constaté qu’elle sera devenue mère, sera mise à mort avec son enfant, ni que Dieu se chargera, au besoin par miracle, de rendre ce mariage infécond, ni que les coupables, une fois découverts, seront mis à mort, ce qui les empêchera d’user de leur mariage ; ces interprétations ne sont fondées sur aucune preuve sérieuse. D’après l’explication la plus naturelle, la formule hébraïque signifie simplement que les enfants nés de ce mariage, ou bien seront regardés civilement comme illégitimes, ou bien seront considérés comme les fils, non du père naturel, mais de l’oncle décédé. Telle est l’opinion de saint Augustin, Quæst. in Hept., in Lev., xx, 20, t. xxxiv, c. 710, suivie par la plupart des docteurs catholiques et des auteurs protestants, Rosenmüller, In Lev., xx, 20 ; Michælis, Mosaisches Recht, § 116, t. ii, p. 304 ; § 265, t. v, p. 269, et In Lev., xx, 20. Le mot ʿǎririm, ἄτεκνοι, s’explique très bien dans ce sens ; il est en effet quelquefois employé, dans la Bible, pour signifier le malheur d’un homme qui a des enfants, mais dont l’héritage n’est pas recueilli par eux. Jer., xxii, 30. Chez les Hébreux, si désireux de se survivre dans des enfants qui perpétueraient leur nom et recueilleraient leur fortune, c'était un châtiment très grand que d'être légalement privé de toute postérité, et de voir ainsi leur nom tombé dans l’oubli et leurs biens passer dans une autre famille. Quant aux deux formes différentes sous lesquelles se présente l’explication que nous avons donnée, il nous semble qu’on doit préférer la première, d’après laquelle les enfants nés du mariage en question sont purement et simplement illégitimes, et ne sont pas inscrits dans les listes généalogiques de leur famille, soit parce que cette inscription au nom du frère du père n’est mentionnée nulle part dans l'Écriture, soit parce que, d’après une règle générale formulée par le Talmud de Babylone, traité Qidouschin, c. iii, tous les enfants nés de mariages incestueux sont illégitimes. Cf. Selden, Uxor hebraica, I, vii, p. 34. Toutefois Michælis préfère le second système, d’après lequel les enfants seraient inscrits au nom du frère du père, Mosaisches Recht, et In Lev., aux endroits cités. La sanction contre le mariage d’un homme avec la femme de son frère (sauf le cas du lévirat) est absolument semblable : « ils seront sans enfants. » Lev., xx, 21. Quant au mariage avec deux soeurs simultanément, Moïse ne le frappe d’aucune peine ; il a pensé probablement que les coupables seraient assez punis par ces rivalités et ces querelles que la loi avait voulu écarter en défendant ce mariage. Il y a donc une très grande différence entre les deux catégories de mariages entre alliés que proscrit Moïse : les premiers, entre alliés en ligue directe, sont punis de mort ; les autres, entre alliés en ligne collatérale, sont frappés d’une peine beaucoup moins sévère. Il paraîtrait même que, dans la loi de Moïse, ces derniers empêchements de mariage n’auraient pas été dirimants, mais seulement prohibants ; le législateur n’ordonne nulle part la séparation des époux ; il ne la suppose même pas, il se contente de dire que les enfants qui naîtront de ces mariages ne seront pas regardés comme appartenant aux époux coupables. Michælis, Mosaisches Recht, § 112, t. ii, p. 275.

Raisons et importance des empêchements d’affinité. Les raisons qu’a eues Moïse d'établir ces empêchements provenant de l’affinité se ramènent à ces deux : 1° Le respect et la réserve que la nature inspire à l’homme à l'égard de ses parents très rapprochés. Or ce respect et cette réserve, l’homme les éprouve non seulement pour ses parents proprement dits, consanguinei, mais encore pour les personnes unies à ses parents par les liens du mariage, parce que par le mariage les deux époux deviennent une même chair, ainsi qu’il est dit Gen., ii, 24 ; Matth., xix, 5-6. C’est cette raison que signale Moïse lui-même, quand il établit ses empêchements d’affinité ; car il s’exprime ainsi : « Vous n’approcherez pas de la femme de votre père, car sa chair est celle de votre père ; … vous n’approcherez pas de votre bru, car elle est la femme de votre fils, » etc. Lev., xviii, 8, 15, etc. Il est évident que cette réserve respectueuse s’impose surtout entre alliés en ligne directe, et beaucoup moins en ligne collatérale ; c’est pourquoi Moïse défend sous des peines si graves le mariage aux premiers alliés, tandis qu’il est moins sévère pour les autres. — 2° La seconde cause de la prohibition, ce sont les rapports fréquents entre les parents ou alliés très rapprochés. En effet, ces parents ou alliés, surtout en ligne directe et au premier degré de la ligne collatérale, vivent ensemble ; ordinairement ils habitent la même maison, surtout chez les Orientaux ; les rapports entre eux sont même inévitables ; On ne pourrait sans scandale éloigner quelqu’un de la famille. Si donc le mariage entre parents ou alliés était permis, il y aurait lieu, sous prétexte de mariage futur, à des désordres qui introduiraient la corruption dans les familles. Cette raison est exposée par Maïmonide, Morê Nebochim, p. iii, c. 49, trad. Buxtorf, p. 502-503 ; elle lui paraît tellement forte, qu’il y insiste longuement, et dit qu’elle est la principale qui a inspiré Moïse ; c’est aussi la raison que donne saint Thomas de la prohibition générale des mariages entre parents ou alliés rapprochés. Supp. iiie partie, q. liv, a. 3 ; q. lv, a. 6. Tous les auteurs sont d’accord sur ce point. Ces deux raisons combinées nous font comprendre la gravité des prohibitions mosaïques. Parlant en bloc des mariages qu’il défend, Moïse les appelle « abominations » ; il déclare que les Chananéens ont commis ces crimes, et qu'à cause de cela Dieu les chassera de la terre qu’ils habitent pour la donner aux enfants de Jacob ; il recommande fortement à ceux-ci de ne pas se souiller des mêmes fautes, dans la crainte que la terre qu’ils doivent habiter ne les rejette aussi de son sein, comme elle va faire pour les Chananéens. Lev., xx, 22-23 ; cf. xviii, 24-30. Moïse a des termes encore plus sévères pour certains mariages prohibés : il appelle le mariage d’un homme avec la mère de sa femme, ou avec la fille de sa femme, du nom de zimmâh ; il donne au mariage d’un homme avec sa bru le nom de ṭébél ; ces deux mots signifient des crimes énormes. Gesenius, Thesaurus, p. 419, 212 ; Michælis, Mosaisches Recht, § 102, t. ii, p-. 229, et § 265, t. v, p. 265. De là nous devons conclure que s’il s’agit des mariages entre alliés en ligne directe, ils sont contraires au droit naturel. Lui sont-ils tellement contraires, qu’ils soient radicalement nuls ? C’est une question très controversée parmi les auteurs, quoiqu’on la résolve plus communément dans le sens négatif ; mais au moins nous devons dire que, de droit naturel, ces mariages sont illicites ; c’est pour cela que Moïse les qualifie si sévèrement, les punit de la peine de mort, et les défend non seulement aux Juifs, mais encore aux étrangers qui vivent parmi eux. Lev., xviii, 26. Grotius fait remonter la prohibition, non pas précisément au droit naturel, mais à une révélation primitive, qui s’impose à l’humanité tout entière. De Jure belli ac pacis, II, v, § 13.

Nous ne pouvons être aussi sévères pour les mariages entre alliés en ligne collatérale ; ceux que nous avons signalés comme défendus par Moïse ne sont pas contraires au droit naturel ; nous en avons une preuve dans la loi mosaïque elle-même, qui, dans le cas du lévirat, permet, bien plus, commande à un homme d'épouser la veuve de son frère, de son oncle paternel, ou d’un autre parent rapproché. Toutefois, dans les cas ordinaires, ces mariages offrent des inconvénients ; les deux raisons que nous avons données plus haut s’appliquent, proportion gardée, à ces mariages, et c’est pourquoi Moïse les défend.

La sévérité des prescriptions mosaïques contre les mariages entre alliés, surtout en ligne directe, s’explique encore par le relâchement général où étaient tombés sous ce rapport les peuples païens. Moïse signale spécialement, comme coupables de ces mariages incestueux, les Égyptiens et les Chananéens, dont l’exemple aurait été plus funeste aux Juifs. Il aurait pu ajouter la plupart des autres peuples, surtout orientaux ; les prescriptions mosaïques, qui sont aussi, dans le sens expliqué, des prescriptions de la loi naturelle, étaient ignorées de presque tous les peuples, non seulement en pratique, mais même en théorie, Selden, De Jure naturali, V, xi, à ce point que Maïmonide disait qu’au point de vue de l’affinité, un seul mariage était défendu aux Noachides, celui d’un homme avec la femme de son père, De legibus Hebræorum, IX, v, trad. Leydecker, p. 142 ; cf. I Cor., v, 1 ; et encore ce dernier précepte était-il quelquefois violé chez certains peuples, par exemple chez les Perses, où un homme épousait sans difficulté la femme de son père. Selden, loc. cit. Dans des temps moins anciens, nous voyons Séleucus, roi de Syrie, donner sa propre femme Stratonice à son fils Antiochus, qu’il avait eu d’une autre union. Valère Maxime, V, vii.

Il y a pourtant deux peuples où nous trouvons en vigueur la plupart des prescriptions mosaïques sur l’affinité. Les Arabes les observaient, comme nous le voyons par le Koran, iv, 26-27, qui résume les antiques traditions de ce peuple, probablement empruntées aux Hébreux. Les mariages entre alliés en ligne directe furent également défendus par le droit romain. Inst., i, x, de Nuptiis, § 6-7 ; cf. Cicéron, Pro Cluentio, 5, 6, et Virgile : « Thalamos ausum incestare novercæ. » Sous les empereurs chrétiens, il fut même défendu à un homme d'épouser sa belle-sœur, ou deux sœurs successivement. L. 5, C. De Incestis et inut. nupt., V, v. Justinien frappe les mariages incestueux des peines pécuniaires les plus graves, Nov., xii, c. 1, et même, pour certaines provinces, l’Osrhoène et la Mésopotamie, de la peine de mort. Nov., cliv, c. 1.

Nous avons donné jusqu’ici l’interprétation de la loi de Moïse sur l’affinité par rapport au mariage. Il faut distinguer soigneusement la loi des additions rabbiniques. En effet, dans le but d’assurer l’observation de la loi et de la protéger contre le relâchement ou les empiétements de la coutume, les Anciens, les Sages, ont établi autour de la loi un mur, une « haie », c’est l’expression talmudique, gàdèr, c’est-à-dire une série de nombreuses prohibitions qui garantissent les premières ; ainsi, par exemple, la loi défend à un homme d'épouser sa bru, Lev., xviii, 15 ; pour mieux assurer l’observation de ce précepte mosaïque, les anciens ont défendu à un homme d'épouser la bru de son fils, et même de son petit-fils. Les femmes qu’il est ainsi défendu d'épouser, en vertu, non de la loi, mais des traditions rabbiniques, sont appelées mulieres secundariæ, parce qu’elles viennent en second lieu, après celles que la loi elle-même défend d'épouser ; on peut en voir l'énumération dans Maïmonide, Tract. de Connubiis, I, vi, trad. L. de Compiègne, Paris, 1673, p. 3, reproduit dans Surenhusius, Mischna, traité Qidouschin, I, i, part, iii, p. 360.

II. Affinité dans le Nouveau Testament. — La loi mosaïque n’oblige pas l'Église par elle-même, comme il fut déclaré au concile de Jérusalem. Act., xv, 28-29. Elle ne l’oblige qu’indirectement, c’est-à-dire par celles de ses prescriptions qui seraient d’ailleurs de droit naturel ; et encore, dans ce cas, l’obligation vient du droit naturel, et non de la loi mosaïque ; l'Église, du reste, a pu renouveler de sa propre autorité quelques-unes des prescriptions de la loi mosaïque, qui dans ce cas obligent tous les chrétiens, mais seulement en vertu de l’autorité de l’Église. Dès lors nous pouvons tirer les conclusions suivantes : 1° les empêchements d’affinité que nous avons exposés n’obligent pas l'Église par eux-mêmes ; 2° les empêchements d’affinité en ligne directe, étant très probablement de droit naturel comme prohibants, sinon comme dirimants, obligent l'Église ; 3° l'Église est seule juge de savoir si et jusqu'à quel point ces empêchements sont de droit naturel ; 4° en dehors des empêchements de droit naturel, nous ne devons admettre que ceux qui ont été expressément établis par l'Église.

Dans le Nouveau Testament, nous trouvons deux faits qui se rapportent à l’affinité. 1° Mariage d’Hérode Antipas avec la femme de son frère. Matth., xiv, 3-4 ; Marc, vi, 17-18 ; Luc, iii, 19. Ce mariage était illicite à deux points de vue : 1. C'était un mariage adultérin : Hérodiade avait pour mari Hérode Philippe, frère d' Antipas ; lorsque Antipas épousa cette femme, Philippe vivait encore ; quelques auteurs ont nié ce fait, comme Tertullien, Adv. Marcionem, iv, 34, t. ii, col. 443 ; saint Jean Chrysostome, Hom. xlviii in Matth., t. lviii, col. 490 ; Théophylacte (avec quelque hésitation), In Matth. xiv, t. cxxiii, col. 295 ; mais on ne peut guère le révoquer en doute à cause du témoignage exprès de Josèphe, qui dit qu’Hérodiade se sépara de son mari « encore vivant », Ant. jud., XVIII, v, 4, témoignage cité, reproduit et accepté par Eusèbe, H. È., i, xi, t. XX, col. 114 ; par Origène, qui signale et rejette l’opinion contraire, Tom. x in Matth., 21, t. xiii, col. 891 ; par saint Jérôme, In Matth., xiv, 3-4, t. xxvi, col. 97 ; par saint Basile de Séleucie, Orat. xviii, t. lxxxv, col. 227 ; par Euthymius Zigabène, In Matth. xiv, t. cxxix, col. 426, etc. Aussi la plupart des commentateurs, soit catholiques, soit protestants, regardent comme adultérin le mariage d’Antipas avec Hérodiade. — 2. De plus, ce mariage était incestueux et violait les lois de l’affinité. Hérodiade était la femme de Philippe, frère d’Antipas. Or, nous l’avons vii, d’après la loi mosaïque, un homme ne pouvait épouser la femme de son frère que dans le cas du lévirat, c’est-à-dire quand ce frère était mort, et sans enfants. Philippe n'était pas mort, et, de plus, il avait eu d' Hérodiade une fille appelée Salomé, Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 4, celle-là même qui dansa devant Hérode. Matth., xiv, 6. Aussi les auteurs qui pensent que Philippe était mort lorsque Hérodiade épousa Antipas, disent que ce mariage était néanmoins coupable, comme contraire à la loi de Moïse, puisque Philippe n'était pas mort sans enfants ; dans toutes les hypothèses, ce mariage était donc incestueux. On ne peut pas objecter, pour justifier Antipas, que, n'étant pas Juif, il n'était pas soumis à la loi de Moïse ; car, quoi qu’il en soit de la question de savoir si les Hérode étaient prosélytes, au moins de la porte, question très débattue (cf. Selden, De jure naturæ, V, xxi-xxii, p. 679-691), toutefois Antipas était soumis aux lois de Moïse, au moins sur les empêchements de mariage provenant de la parenté, puisque, comme nous l’avons dit, d’après Lev., xviii, 26, Dieu voulut que non seulement les Juifs, mais encore les étrangers qui vivaient parmi eux, fussent soumis à ces lois. — 3. Quelques auteurs ajoutent un troisième grief contre ce mariage : Hérodiade, disent-ils, était la nièce d’Antipas ; car elle était fille d’Aristobule, et celui-ci et Antipas étaient frères, comme étant tous deux fils d’Hérode le Grand. Or il était défendu aux Juifs d'épouser leur nièce. Nous ne pensons pas que le mariage d’Antipas avec Hérodiade fût illicite à ce point de vue ; en effet, s’il était défendu aux Juifs d'épouser leur nièce, c'était en vertu, non pas précisément de la loi mosaïque, mais des traditions rabbiniques (voir Consanguinité), lesquelles peut-être n'étaient as encore établies à cette époque comme elles le furent plus tard, et dans tous les cas n’atteignaient probablement pas les étrangers. C’est donc surtout comme adultérin et comme violant les lois mosaïques sur l’affinité, que le mariage d’Antipas fut accusé et condamné par saint Jean-Baptiste avec cette constance et cette fermeté qui lui valurent la palme du martyre.

Inceste à Corinthe. I Cor., v, 1. « C’est un bruit constant, dit saint Paul aux Corinthiens, qu’il s’est commis un crime parmi vous, et un tel crime, qu’on n’entend pas dire qu’il s’en commette de semblable parmi les païens, jusque-là qu’un de vous ait la femme de son père. » D’après le sens naturel des mots, il s’agit ici non pas d’un crime transitoire, quoi qu’en disent quelques commentateurs, par exemple Krause, In I Cor., v, 1 ; mais d’un mariage, que le coupable a prétendu faire ; c’est ce que signifient les mots ἔχεῖν γυναῖκα « avoir, posséder une femme » d’une manière permanente. Dans la Sainte Écriture, cette expression « avoir une femme » s’entend du mari, et par conséquent d’un mariage, au moins prétendu ou putatif ; rappelons-nous les mots de Jean-Baptiste à Hérode : « Il ne vous est pas permis d’avoir, ἔχεῖν, la femme de votre frère, » qui s’entendent du mariage, comme on le voit par Marc, vi, 17-18. La même expression « avoir une femme », et l’expression corrélative « avoir un homme », ont le même sens, c’est-à-dire s’entendent du mariage. Matth., xxii, 28 ; Marc, xii, 23 ; Luc, xx, 28, 33 ; Joa., iv, 17-18 ; I Cor., vii, 12-13 ; Gal., iv, 27, etc. Telle est l’interprétation commune, surtout parmi les auteurs modernes, auxquels est venu se joindre Cornely, Comm. in I Cor., Paris, 1890, p. 119-120. Le mariage que le chrétien de Corinthe avait attenté était avec la femme de son père, c’est-à-dire avec sa belle-mère. Les Hébreux n’avaient pas de mot particulier pour désigner la belle-mère dans ce sens précis ; ils disaient « femme du père » ; c’est l’expression que nous trouvons Lev., xviii, 8, 11 ; xx, 11 ; Deut., xxii, 30 (xxiii, 1) ; xxvii, 20, etc. Saint Paul l’emploie également pour mieux rappeler la loi du Lévitique. Or saint Paul déclare, ou plutôt suppose, que ce mariage est gravement illicite ; il éclate en indignation contre le coupable, et même contre les Corinthiens, qui le toléraient dans leurs assemblées ; puis il livre le criminel à Satan, c’est-à-dire qu’il l’excommunie, afin de le ramener, par la rigueur de cette peine, à une salutaire pénitence. I Cor., v, 1-5. De ce fait, nous pouvons conclure que saint Paul déclare défendu aux chrétiens le mariage avec la belle-mère. S’il était certain que le père du coupable fût mort, quand son fils a contracté ce mariage incestueux, ainsi que le soutiennent plusieurs auteurs, par exemple, Michælis, Einleitung in das N. T., Briefe an die Corinther, II, notre conclusion n’aurait pas besoin de preuve. Mais, d’après II Cor., vil, 12, l’opinion de la survivance du père est plus probable, et par conséquent le mariage du fils fut aussi un adultère : ce qui suffisait pour attirer toutes les sévérités de saint Paul. Toutefois, même dans ce cas, nous pouvons maintenir notre conclusion : en effet, l’Apôtre présente le mariage en question surtout comme incestueux ; il ajoute qu’un tel mariage est inouï même chez les païens, ce qui malheureusement n'était pas vrai des mariages adultérins ; c’est donc surtout comme incestueux que saint Paul présente, condamne et punit ce mariage ; il le regardait donc, même sous ce rapport, comme défendu aux chrétiens.

En dehors de ce cas, nous ne trouvons pas d’autre empêchement de mariage, provenant de l’affinité, porté dans le Nouveau Testament pour les chrétiens ; mais l'Église légiféra bientôt sur cette matière, et établit non seulement les empêchements du Lévitique, mais plusieurs autres : Conciles d’Elvire, c. 61 ; d’Ancyre, c 25 ; de Néocésarée, c. 2 ; Decr. Grat., c. xxxv, q. ii et iii ; Decr. Greg., De consang. et affin.

S. Many.

AFFIXES, nom par lequel on désigne dans la maire hébraïque les préfixes et les suffixes. Voir ces deux mots.

AFFRANCHI. Λιϐερτίνος, ἀπελεύθερος ; Vulgate : libertus, libertinus, Act., vi, 9 ; I Cor., vil, 22. Il est parlé deux fois des affranchis dans le Nouveau Testament. Dans les Actes, il est question d’une synagogue des affranchis, qui est désignée dans le texte par le mot latin grécisé λιϐερτίνος. Dans la seconde Épître aux Corinthiens, empruntant une comparaison au droit romain, saint Paul dit que les esclaves sont devenus des « affranchis du Seigneur ». Dans ce second passage, le mot grec employé est ἀπελεύθερος, et le mot latin libertus. Ces deux termes, libertinus et libertus, désignent le même individu considéré à deux points de vue différents. C’est à tort, en effet, que certains auteurs ont supposé que le mot libertus s’appliquait à l’affranchi lui-même, et le mot libertinus au fils de l’affranchi. Il n’en est rien. Libertinus est l’affranchi par opposition à l’ingenuus, homme de naissance libre ; le libertus est l’affranchi dans ses rapports avec son patron. On dit Marcus homo libertinus, et Marcus Marci libertus. Parmi les Juifs qui avaient été esclaves après les guerres de Pompée, et qui avaient ensuite été rendus à la liberté, un certain nombre avait probablement fondé une synagogue particulière à Jérusalem. Quelques-uns d’entre eux devaient être fort riches, ce qui n’a pas lieu de nous étonner, car les affranchis opulents n'étaient pas rares. Ces affranchis sont mentionnés par Philon, Legatio ad Caium, xxiii, et par Tacite, Ann., ii, 85. La plupart d’entre eux, après leur affranchissement, s'étaient d’abord fixés à Rome ; puis ils avaient été chassés d’Italie, et quelques-uns relégués en Sardaigne, par un sénatusconsulte, sous le règne de Tibère. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 5 ; Suétone, Tibère, xxxvi ; Tacite, Ann., ii, 85. Cf. Philon, Legat. ad Caium, xxiv. Quant à la pensée que quelques commentateurs ont eue de faire du mot libertinus le nom des habitants de la ville d’Afrique Libertum, elle ne repose sur aucun fondement. — Dans le passage de l'Épître aux Corinthiens où saint Paul appelle les esclaves « affranchis de Dieu », il veut rappeler que Jésus-Christ a affranchi tous les hommes ; qu’il n’y a plus dans l’Église ni esclaves ni hommes libres, mais des frères tous égaux. Cf. Gal., iii, 28 ; v, 13. Il veut rappeler aussi que les chrétiens ont à l'égard de Jésus-Christ à remplir les devoirs des affranchis envers leur patron, devoirs que la loi romaine exprimait par ces deux mots : obsequium et officium. Les affranchis portaient le nom gentilice, c’est-à-dire le nom de famille de leur patron. C’est ainsi que l’on trouve plusieurs fois dans le Nouveau Testament des Cornelii. Act., x, 1, 3, 17, 22, etc. C'étaient des affranchis ou des fils d’affranchis qui avaient été esclaves de membres de cette gens illustre.

Bibliographie. — H. Lemonnier, Étude historique sur la condition privée des affranchis aux trois premiers siècles de l’empire romain, in-8°, Paris, 1887 ; Walter, Rômische Geschichte, 1. 1, § 105-106 ; M. Voigt, Ueber die Clientel und Libertinität, dans les Berichte der königl. sächs. Gesellschaft der Wissenschaften, Histor.-Philol. Classe, 1878, p. 147-220 ; Mispoulet, Les institutions politiques des Romains, Paris, 1883, t. ii, p. 161 et suiv. ; Th. Mommsen, Das römische Gastrecht und die römische Clientel, dans Sybel, Historische Zeischrift, 1. 1, p. 319-390 ; Id., Libertini servi, dans Eph. Epigr., iv, p. 246 ; Leist, Das römische Patronatrecht, Erlangen, 1879 ; Bouché-Leclercq, Manuel des institutions romaines, in-8°, Paris, 1886, p. 352.

AFRICAIN JULES. Voir Jules l’Africain.

AFRICUS, nom du vent du sud dans la Vulgate. Ps. lxxvii, 26. Par suite, ce mot désigne aussi le midi comme point cardinal. Jos., xviii, 14 ; Is., xxi, 1 ; Ezech., XX, 46 ; Act., xxvii, 12. Dans ce dernier passage, Africus signifie exactement sud-ouest. Le vent du midi s’appelle en latin Africus, parce qu’en Italie il vient d’Afrique. Voir Vent.


AFRIQUE, une des parties du monde, dont la Vulgate emploie deux fois le nom : Isaïe, lxvi, 19, et Nahum, iii, 9. Dans le premier passage, le texte massorétique porte Fûl ou Pûl ; dans le second, Fût ou Pût. Quels pays indiquent ces deux mots ? La traduction de saint Jérôme est-elle exacte ? C’est ce qu’il faut rechercher, après une question préliminaire de critique textuelle.

Le nom de Pûl ne se trouve qu’en ce seul endroit de l'Écriture, Is., lxvi, 19 ; aussi un grand nombre d’auteurs, croyant à une faute de copiste, lisent Pût, comme dans Nahum, iii, 9. Le texte massorétique a pour lui l’unanimité des manuscrits (Kennicott et de Rossi ne relèvent aucune variante) et l’accord des plus anciennes versions, paraphrase chaldaïque (Pûlâè), versions syriaque et arabe (Pûl), à l’exception toutefois des Septante. Ces derniers, en effet, portent généralement Φούδ, ce qui suppose la lecture primitive Phout. 1] est cependant juste de remarquer avec Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ p. 1094, que le grec ΦΟΥΛ a pu très facilement, par erreur de copiste, se changer en ΦΟΥΔ. Mais les raisons suivantes, tirées du contexte et des endroits parallèles, n’en favorisent pas moins la leçon des traducteurs grecs. C’est d’abord l’association de Pût et de Lùd, qu’on trouve en trois autres passages des Livres Saints, Jer., x.lvi, 9 ; Ezech., xxvii, 10 ; xxx, 5 ; d’où l’on conclut qu’il faut également lire ici Pût ve-Lûd. Ensuite la place qu’occupe le mot en question dans le texte d’Isaïe, auprès de ceux de Loud, Thubal et Javan, nous reporte naturellement à la table ethnographique de la Genèse, x, 6, reproduite 1 Par., i, 8, où Pût est mentionné parmi les descendants de Cham. Il s’agit donc, dans la nomenclature du prophète, de peuples importants et bien connus, quoique éloignés des Hébreux. Or jusqu'à présent aucune nation se rapportant certainement à Pûl n’a pu être indiquée, tandis que les descendants de Pût sont assez bien connus. Enfin leur désignation comme auxiliaires de l’Égypte, et archers semblables aux Lydiens, paraît, suivant Riehm, donner raison au texte des Septante. Cf. Riehm, Handwörterbuch des Bibl. Altertums, 1884, t. ii, p. 1208.

Parmi ceux qui admettent la leçon Pûl, Bochart, Phaleg, t. iv, p. 26, et J. D. Michælis, Spicileg., t. i, p. 256 ; t. ii, p. 114, identifient ce nom avec celui de l’Île de Phila ; , en Égypte (copte : Pelak, Pilak) : opinion difficile à soutenir au point de vue philologique, la racine étant lak : copte lak’, fastigium, extremitas, cf. Am. Peyron, Lexicon ling. copt., Turin, 1835, p. 80 ; hiéroglyphes : Aa-lek, P-āā-rk, (Pi)lak, Pierret, Vocabulaire hiéroglyphique, Paris, 1876, p. 9, 147, 318, d’après Brugsch. Knobel, Völkertafel, p. 94, voit ici l’Apulie ou l’Italie inférieure, que les Juifs du moyen âge appelaient Pûl ; mais du moyen âge à l'époque d’Isaïe, il y a trop loin pour que la conclusion soit valable. Enfin quelques-uns vont jusqu'à chercher ce peuple dans les Foulah, Poul ou Peuls, qui habitent aujourd’hui en grande partie l’immense bassin du Niger et le bassin du Sénégal, c’est-à-dire toute la moitié occidentale du Soudan. G. F. Re, Dizionario di erudizione biblica, au mot Africa ; Archivio di Letteratura bïb.ed orient., Turin, 1883, p. 255. Cette opinion repose uniquement sur la ressemblance de nom. D’ailleurs, si l’on accepte le sentiment très vraisemblable de H. Barth, qui assigne aux Foulah pour patrie originelle les oasis du sud du Maroc, on retrouve dans cette nation les Leucæthiopiens de Pline, habitant au sud des Gétules de la Mauritanie, entre les Liby-Égyptiens au nord et la Nigritie au sud. Cf. H. Barth, Sammlung und Bearbeitung centralafrikanischer Vokabularien, Gotha, 1862-1864, p. cxi-clxviu et 1-296. Nous avons ainsi une branche de cette race chamitique, qui a peuplé tout le nord de l’Afrique, ce qui nous ramène à l’opinion suivante. Beaucoup de commentateurs lisent Pût au lieu de Pûl. Or le mot Pût est traduit en grec tantôt par Φούδ, Gen., x, 6 ; I Par., i, 8 ; ïs., um, 19, tantôt par Λίϐυες, Jer., xxvi, 9 ; Ezech., xxvii, 10 ; xxx, 5 ; xxxviii, 5 ; Nah., iii, 9 ; et dans la Vulgate tantôt par Phuth, Phut, Gen. et Par., tantôt par Libyes, Jer., Ezech., loc. cit. ; tantôt enfin par Africa ; ïs. et Nah., loc. cit. Il indique donc bien, dans la pensée des traducteurs, un peuple du continent africain. Josèphe, Ant.jud., i, VI, 2, attribuant l’origine des Libyens à Phutes, d’où leur nom de Φούτους, confirme son opinion en faisant remarquer « qu’il y a encore, dans la région des Maures, un fleuve du même nom ». Pline le mentionne sous le nom de Fut, v, 1, 13, et Ptolémée sous celui de Φθούδ, TV, i, 3. Saint Jérôme fait la même remarque, et nous donne ainsi la raison de sa traduction, In Is. lxvi, 19, t. xxiv, col. 667. Du reste, l’Afrique, ainsi nommée par Ennius avant la deuxième guerre punique, ne fut d’abord pour les Romains que la contrée libyenne voisine de l’Italie, le Tell tunisien, appelé maintenant encore Friga. Pour les Grecs, cette terre était la Libye aux bornes ignorées, qui s'étendait au loin vers les régions du sud et du couchant. C’est peu à peu que ce nom est devenu celui du continent, de même que l’Ile-de-France a donné sa dénomination à l’ensemble des Gaules. Elisée Reclus, Afrique sept., 1884, pp. 1, 2.

Pût, dans Isaïe, indique donc bien, comme dans la Genèse, le troisième fils de Cham, ou un peuple africain. Mais il semble, dit M. F. Lenormant, que ce nom « ait un sens géographiquement aussi étendu que Kousch. Il désigne tout le vaste ensemble des populations de race éthiopico-berbère répandues au sud de l’Éthiopie kouschite et à l’ouest du bassin du Nil. Ces populations forment deux groupes principaux : d’abord les peuples du Pount des Égyptiens, c’est-à-dire les Somâlis et leurs congénères et voisins de la côte orientale d’Afrique, à cheval, comme les Kouschites, leurs proches parents, sur les deux rives du golfe d’Aden ; puis la grande famille des peuples libyens et berbères, occupant tout le nord du continent africain, depuis le voisinage de l’Égypte jusqu'à l’océan Atlantique… Entre ces deux groupes de populations, auxquelles s’applique en commun le nom biblique de Pout, la parenté ethnographique et linguistique est très grande ». F. Lenormant, Hist. anc. de l’Orient, 9e édit., 1881, 1. 1, p. 272. Voir Phut.

Avec ces données, il est facile de comprendre les deux textes d’Isaïe et de Nahum. Isaïe, lxvi, 19, parle de la propagation de l'Évangile, et des miracles qui en accompagneront la prédication. « Je leur donnerai un signal, dit le Seigneur, et j’enverrai ceux d’entre eux qui auront été sauvés vers les nations, dans les' mers (hébreu : Ṭaršiš), dans l’Afrique (Pûl ou Pût), dans la Lydie (Lûd), …dans l’Italie (selon la Vulgate ; hébreu : Tûbal, « les Tibaréniens » ), dans la Grèce (Yâvân), et les îles lointaines, vers ceux qui n’ont pas entendu parler de moi… »


40. — L’Afrique dans les prophètes.

Le prophète nous montre ainsi les merveilles de la foi se répandant non seulement chez les peuples les plus éloignés et connus des Hébreux, mais chez toutes les races d’après l’ethnographie biblique : Japheth avec Thubal et Javan, Cham avec Phout, Sem avec Lud. Après avoir mentionné l’extrémité occidentale du continent européen, l’auteur sacré passe à l’extrémité septentrionale du continent africain et à l’extrémité occidentale du continent asiatique.

Nahum, iii, 8-9, s’adressant à Ninive et prédisant sa ruine, lui dit : « Vaux-tu mieux que No-Amon (Thèbes)? Assise entre les bras du Nil, entourée par les eaux, la mer lui formait un rempart… ; l’Éthiopie (Kûš) et l’Égypte (Miṣraïm) étaient sa force, sans fin ; l’Afrique (Pût) et les Libyens (Lûbim) étaient parmi ses auxiliaires, et cependant elle aussi a été emmenée captive. » Comme on le voit, l'énumération des troupes est faite avec ordre : du midi au nord et de l’orient à l’occident, si avec Ebers, Brugsch et beaucoup d’autres, on reconnaît ici le Pount égyptien ; ou simplement du midi au nord, avec un détour vers l’ouest, si l’on n’entend que l’Afrique septentrionale.

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AGABUS — AGAPES

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    1. AGABUS##

AGABUS (*Ara60c) r prophète chrétien du 1° siècle. Ce nom propre est-il dérivé de hâgâb, « sauterelle » (Drusius), ou de’âgab, « il aima s (Grotius, suivi par Witsius et Wolf) ? La réponse est douteuse. Agabus était originaire de la Judée ; il en est question deux fois dans les Actes des Apôtres, xi, 28, et xxi, 10. On a cru, parce que saint Luc en parle la seconde fois comme s’il n’en avait encore rien dit, qu’il y avait eu deux prophètes de ce nom ; mais le nom, la fonction, le pays d’origine, l’époque, sont trop identiques pour qu’on ne conclue pas à un seul personnage.

Au temps où saint Paul et saint Barnabe évangélisaient Antioche, des prophètes vinrent de Jérusalem à Antioche. L’un d’eux, nommé Agabus, éclairé par l’Esprit-Saint, prédit par un acte symbolique qu’une grande famine allait désoler toute la terre. L’événement, disent les Actes, xi, 28, se réalisa sous le règne de Claude. Il y eut, en effet, à cette époque des famines en diverses contrées : une en Grèce, Eusèbe, Chron., i, 79, et deux à Rome, Suétone, Claudius, xviii ; Dion Cassius, LX, xi ; Tacite, Annales, XII, xun. Il est probable cependant que la famine prédite par Agabus est celle qui désola la Judée en 44-48. Le texte grec dit, il est vrai, que le iléau devait s’étendre à toute la terre, ècp’SXtjv tïiv oïxounÉvrjv ; mais on sait que cette expression est employée à diverses reprises par les Saints Livres dans un sens restreint, pour désigner la Judée ou la contrée dont il est question dans le récit. Le verset suivant des Actes indique assez clairement que la famine sévit en Judée seulement, puisque les disciples d’Antioche envoyèrent à cette occasion des secours aux frères de Judée. L’auraient-ils pu faire, s’ils avaient été eux-mêmes en proie au même fléau ? Josèphe raconte qu’une terrible famine sévit en Judée, Antiq.)ud., XX, ii, 6 ; v, 2, lorsque Cuspius Fadus et Tibère Alexandre étaient procurateurs, fin de 44 à 48 ; elle dura trois à quatre ans, et fit de nombreuses victimes. Pour venir en aide à la population, qui mourait de faim, Hélène, reine d’Adiabène, qui était alors à Jérusalem, fit venir du blé de Chypre et d’Egypte.

Agabus retourna en Judée, puisque seize ans après on le retrouve à Césarée, venant de ce pays. De Ptolémaïde, saint Paul était venu à Césarée, où il descendit chez Philippe l’évangéliste, l’un des sept : « Et, disent les Actes des Apôtres, xxi, 10, comme nous y demeurions quelques jours, il arriva de Judée un prophète nommé Agabus. Étant venu nous voir, il prit la ceinture de Paul, et, se liant les pieds et les mains, il dit : « Voici ce que dit l’Ksprit-Saint : Les Juifs lieront ainsi à Jérusalem l’homme à qui « appartient cette ceinture, et le livreront entre les mains « des Gentils. » L’événement justiûa la prophétie. On remarquera qu’ici encore, comme au chapitre XI, le prophète Agabus annonce l’avenir par une action symbolique, tout en l’accompagnant d’une explication. Cette conduite rappelle celle des prophètes de l’Ancien Testament, III Reg., xxii, 11 ; Is., xx, 1, etc. ; Jer., xiii, 1, etc. ; Ezech., iv, 1, etc. Les Grecs croyaient qu’Agabus était l’un des soixante-dix disciples, et qu’il avait été martyrisé à Antioche. Ils avaient fixé sa fête au 8 mars, tandis que les Latins la célébraient, depuis le IXe siècle, le 13 février : Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des cinq premiers siècles, 1 1, p. 206. E. Jacquier.

1. AGAG (hébreu : ’Agâg, signification inconnue ; Septante : ’AyÔY), nom peut-être générique des rois d’Amalec, Num., xiiv, 7, et sous lequel est plus particulièrement connu celui de ces rois qui fut vaincu par Saül dans la guerre sainte entreprise par l’ordre de Samuel. I Reg., xv, 1-8. D’après la volonté formelle de Dieu, cette guerre avait pour objet l’extermination des Amalécites, ennemis jurés d’Israël. Dès lors Agag, vaincu et tait prisonnier, devait être mis à mort avec les autres captifs et tout ce qui avait vie, tandis que le butin devait être détruit. Saül désobéit à cet ordre divin : il passa les captifs au fil de l’épée, détruisit du butin et des troupeaux ce qu’il y avait de moins bon,

garda le reste, et laissa la vie à Agag. Le prophète Samuel, l’ayant appris, en fut très irrité, et, après avoir prononcé au nom de Dieu la réprobation de Saûl, il fit amener Agag en sa présence. Ceci se passait à Galgala. I Reg., xv, 26-28. Le captif vint tout tremblant, et il disait : « Faut-il qu’une mort amère me sépare ainsi de tout ! » ^. 32. C’est du moins la traduction de la Vulgate et des Septante, qui s’éloignent notablement du sens de l’hébreu, d’après lequel Agag, se confiant dans la décision prise par Saûl à son sujet, s’approchait joyeusement (hébreu : mtx’adannôt ) de Samuel, en disant : « Assurément l’amertume de la mort est passée. » Quoi qu’il en soit, le prophète, s’armant du glaive de la colère divine, prononça sur Agag la loi du talion, Exod., xxi, 23-25 : « Comme votre épée a ravi les enfants à tant de mères, ainsi, parmi les femmes, que votre mère soit sans enfants ! » I Reg., xv, 33 ; et il le frappa à mort « devant Jéhovah », c’est-à-dire en rendant par là hommage à l’ordre de Jéhovah. Cette expression a donné aux rationalistes l’occasion d’attaquer ce récit, sous prétexte qu’elle signifie un vrai sacrifice, d’où l’imputation faite aux Hébreux d’avoir offert à Dieu des sacrifices humains. Max Dunker, Geschichte des Alterthums, Berlin, 1863, t. i, p. 277-278. Il est facile de constater que cette accusation ne repose sur aucun fondement, car Agag subit la mort, comme tous les autres captifs, en vertu d’une mesure politique ordonnée par Dieu, savoir : l’extermination totale du peuple amalécite, toujours menaçant pour Israël, et d’ailleurs chargé de crimes abominables, qui méritaient ce châtiment. Il suffit d’étudier la législation rituelle des Hébreux sur les victimes à employer dans les sacrifices, pour se convaincre qu’il ne pouvait venir à la pensée de Samuel d’offrir à Dieu en sacrifice un Amalécite, un gôï ou païen, un homme souillé de tous les crimes, par conséquent une victime impure au premier chef. On peut penser avec quelques exégètes catholiques que, par les mots « devant Jéhovah », il faut entendre « devant l’autel élevé au Seigneur à Galgala », sans voir dans cette immolation un vrai sacrifice. Le sens d’un simple hommage rendu à Dieu paraît d’ailleurs plus fondé.

P. Renard.

2. AGAG. Nem d’une province de la Médie. Esth., iii, . 1, 10 ; ix, 24. Voir Agagite.

    1. AGAGITE##

AGAGITE (hébreu : ’Âgâgî), Esth., viii, 3 ; ix, 6 ; cf. m, 1, 10 ; rx, 24. Les Septante transcrivent : Bojyaïo ; et MaxeSûv. Qualification ethnique donnée à Aman, l’ennemi des Juifs. La plupart des commentateurs, à la suite de Josèphe, Ant. jud., XI, vi, 5 ; cf. Targum Esther, in loc, ont cru que le mot « Agagite » signifiait qu’Aman était de la race du roi Agag, et par conséquent Amalécite ; mais les inscriptions cunéiformes nous ont révélé l’existence d’un pays d’Agag, d’où Aman devait être originaire. « On a longtemps cru, dit M. Oppert, Commentaire philologique et historique du livre d’Esther, 1864, p. 13, qu’Aman, fils d’Amadathi, était Amalécite… Et puisque déjà dans l’antiquité les noms d’Esaû, d’Amalec, étaient pris comme les désignations des païens d’Europe, les Septante traduisent l’hébreu’Âgâgî par MaxeSûv, « le Macédonien. » Néanmoins le nom d’Aman, ainsi que celui de son père, trahit une origine médoperse. Nous savons maintenant, par les inscriptions de Khorsabad, que le pays d’Agag composait réellement une partie de la Médie. » Voir Aman, Bugée, Macédonien.

    1. AGAPES##

AGAPES (du grec àrâinj, c amour, charité » ) désigna les repas communs que faisaient les chrétiens : à l’origine, en union avec la célébration de l’Eucharistie ; plus tard, en certaines circonstances seulement, suivant des usages qui ont varié avec les temps et avec les pays. Ces repas servaient à la fois à exprimer et à entretenir la charité chrétienne ; de là leur nom. Qu’ils remontent à l’époque des Apôtres, et qu’ils aient alors accompagné la célébration de l’Eucharistie, c’est ce qui ressort des instructions que

donne saint Paul. I Cor., xi, 20-29. Le repas qui faisait partie de « la Cène du Seigneur », Kupioxôv fietitvov, était devenu, dans l'Église de Corinthe, l’occasion d’abus graves, une cause de divisions, au lieu d'être un principe d’union et de charité. L’Apôtre réprouve les abus, mais ne sup. prime pas le repas, y. 33, tout en faisant bien ressortir que le rite religieux où se donnent le corps et le sang de Notre -Seigneur est l’objet principal de la réunion. Grâce à ces instructions si précises, qui furent écrites par saint Paul à l’occasion des désordres de Corinthe, nous pouvons comprendre les allusions et les indications rapides qui nous montrent le même usage dès l’origine dans l’Eglise de Jérusalem, Act., ii, 46, ou en d’autres Églises, à Philippes, par exemple, lors du passage de saint Paul, Act., xx, 7, 11, où la réunion a lieu le dimanche.

De plus, nous voyons qu’aux temps apostoliques le nom d’agapes était déjà donné à ces repas ; qu’il était devenu familier aux communautés chrétiennes, au point que saint Jude dans son Épitre, t- 12, signalait aux fidèles certains hérétiques comme « des récifs dans vos agapes » ', ol Iv Taï ; àycmït ; ifiùv aittXriSeç. (Dans laVulgate : hi sunt in epulis suis maculée ; au lieu de ûiuôv, elle suit la leçon aÙTûv de certains manuscrits, leçon moins bien garantie, et elle ne rend pas exactement le sens du mot rare <jitiXâSe< :  : l’allusion est perdue.) On trouve une allusion du même genre dans II Petr., ii, 13, si l’on s’en tient au texte d’anciens manuscrits (B, etc.), qu’a suivi ici le traducteur latin. Saint Pierre parle aussi d’hérétiques dangereux, qui se mêlent aux assemblées chrétiennes : bi Talc àyàntau ; a’jtûv auveutoxo’jgievoi ùgiîv, « dans leurs agapes, prenant repas avec vous. » ( La Vulgate traduit : in conviviis suis luxuriantes [?] vobiscum ; mais elle a bien lu Iv tbîç àyduiaic, et non Iv Taïç àitâtai !  ; que porte le texte grec reçu.)

Au sortir de l'âge apostolique, au début du u" siècle, dans les Églises d’Asie, la célébration de l’Eucharistie reste encore si bien liée avec l’agape, que celle-ci sert à la désigner ; on le voit dans la lettre de saint Ignace, Ad Smyrn., 8, t. v, col. 713 : « Il n’est permis, sans l'évêque, dit-il, ni de baptiser, ni de faire l’agape. » Il n’est pas douteux qu’il parle de l’Eucharistie, surtout quand, au n° 7, il dit en parlant de ceux qui s’en abstiennent : « Il leur importait de faire l’agape, pour qu’ils eussent part à la résurrection. »

Vers la même époque, la fameuse lettre de Pline, Epist., 1. x, n. 97, édit. Didot, 1881, p. 713-714, nous montre aussi que les fidèles de Bithynie célébraient ces repas communs ; de plus, elle nous permet, je crois, de saisir une des causes qui amenèrent à séparer l’Eucharistie du repas. Le légat impérial rapporte que les chrétiens se réunissaient auparavant, à jour fixe, une première fois de très bonne heure, itato die ante lucem, dans un but uniquement religieux, pour dire un chant au Christ, comme s’il eût été Dieu, carmenque Christo, quasi Deo, dicere secum invicem ; puis de nouveau, le soir sans doute, pour faire un repas ; mais il constate que, pour obéir à son édit, les chrétiens ont renoncé à ce repas. Quod ipsum facere desisse post edictum meum quo secundutn mandata tua hetserias esse vetueram. Soit que la réunion du matin, ne tombant pas sous les interdictions relatives aux hétairies, restât permise, ou soit qu’elle pût plus facilement échapper à la surveillance, on y transporta le rite essentiellement religieux, l’Eucharistie, dont le repas n'était que l’accompagnement accessoire. Au milieu du il* siècle, la première apologie de saint Justin, n° » 65-67, t. vi, col. 428 « t suiv., suppose que la séparation est achevée ; elle décrit le service religieux du dimanche, dans lequel l’Eucharistie occupe la place principale., et il n’est plus question du repas.

Au delà de cette époque, l’histoire des agapes ne fournit rien qui puisse éclairer les choses de la Bible. U nous suffit d’avoir constaté que les agapes ne furent pas, chez les premiers chrétiens, une simple imitation des repas communs, très fréquents chez les païens ; mais qu’on se proposa surtout au début de représenter aussi complè tement que possible la Cène du Seigneur où le repas avait précédé le rite religieux nouveau, l’Eucharistie ( Ê(t816vt< « >v àuTûv, Matth., XXVI, 26 ; Marc, xiv, 22 ; ietol to 8e17rvrj<iai, Luc, xxil, 20 ; I Cor., xi, 25). Le rite accessoire, même séparé de l’Eucharistie, demeura pour les chrétiens un moyen de pratiquer la charité mutuelle, tant qu’on fut fidèle à l’idée première de l’institution. Nec sacrificia eorum (paganorum) vertimus in agapes…, agapes nostrse pauperes pascunt sive frugibus, sive carnibus, disait saint Augustin contre ceux qui déjà cherchaient à rattacher l’usage chrétien aux cérémonies païennes. Contra Faust., xx, 20, cꝟ. 4, t. XLn, col. 370-383. Mais il est bon de remarquer que ces repas communs étaient fréquents chez les païens : aux funérailles, accompagnées de festins religieux où l’on mangeait les mets sacrificiels dans le lieu consacré à l’idole, Iv ècStiàeuo, I Cor., viii, 10 ; dans les réunions de certaines confréries ou hétairies, dont quelques-unes n’avaient d’autre but que de s’assembler à certains jours pour manger en commun. Ils étaient aussi connus chez les Juifs, puisqu’il y avait des repas funèbres dans les temps anciens, d’après Jérémie, xvi, 5, 7 ; cf. Osée, ix, 14, et plus tard Josèphe, Bell, jud., II, i, 1 ; Antiq. jud., XVIII, viii, 4 ; et que les restes des victimes ou des offrandes étaient consommés en commun dans le temple, cf. Deut., xiv, 23, 26, surtout à certaines fêtes. Ces coutumes juives et païennes expliquent comment fut accepté facilement et comment se répandit un usage qui était dans les mœurs de l'époque, et qui nous paraîtrait aujourd’hui très extraordinaire. Voir Bingham, Works, t. v, p. 289 ; Augusti, Handbuch der christlichen Archàologie, t. i, Abth. i, 2, Leipzig, 1836-1837 ; Drescher, De veterum Christianorum agapis, in-8°, Giessen, 1824.

J. Thomas.

AGAR (hébreu : Hâgâr) était une esclave égyptienne au service de Saraï. Peut-être avait-elle été donnée à Abram par le pharaon qui avait enlevé son épouse. Gen., xii, 16. Le choix dont elle fut l’objet permet de supposer qu’elle avait de grandes qualités, et qu’elle partageait la foi de ses maîtres, S. Chrysostome, Hom. xxxviii in Genesim, 1, t. mi, col. 351. Saraï, désespérant de devenir mère et dans le dessein d’avoir une postérité, offrit à son mari son esclave comme femme. Elle la substituait à ellemême auprès de lui. Ayant conçu, l’esclave dédaigna l'épouse stérile. Celle-ci rendit Abram responsable de la conduite superbe et outrageante d’Agar. Pour échapper à ses reproches, Abram réduisit l’esclave à sa condition première. La domination de la maîtresse se fit durement sentir, et Agar, ne se résignant pas à son nouveau sort, prit la fuite. Assise auprès d’une source du désert d’Arabie, elle fut visitée par un ange. Il lui ordonna de retourner chez sa maltresse et de s’humilier sous sa main. Le fils qu’elle portait dans son sein sera, ajouta-t-il, belliqueux, et sa nombreuse postérité s'établira à l’orient des autres descendants d' Abram. Agar appela le lieu de la vision « le puits du Vivant qui me voit ». De retour chez Abram, elle donna naissance à un fils qui fut nommé lsmaël. Gen., xvi.

Après la naissance d’Isaac, Agar dut quitter une seconde fois la maison de son époux. Sara, ayant vu lsmaël se railler d’Isaac, obligea le patriarche à chasser l’esclave et son fils. Dieu ayant donné son consentement à cette mesure rigoureuse, tout en renouvelant la promesse d’une nombreuse postérité pour l’expulsé, Abraham plaça du pain et de l’eau sur l'épaule d’Agar, lui remit lsmaël et la renvoya. Voir Abraham 1. Elle erra dans le désert de Bersabée. La provision d’eau épuisée, l’infortunée mère laissa son fils sous un arbrisseau, et s'éloigna pour ne pas assister à son agonie. Die s’assit à la distance d’une portée de trait, lui tournant le dos, et éclata en sanglots. La vaix d’Ismaël, qui pleurait et priait, fat entendue du ciel. Un ange, appelant Agar, la consola et lui ordonna de ne pas abandonner son fils, souche d’une nombreuse descendance. Alors Dieu ouvrit ses yeux aveuglés par la douleur : un puits était là ; elle y emplit son outre et fit boire l’en

fant.’Il grandit ; sa mère demeura constamment avec lui, et lui donna pour épouse une Égyptienne, Gen., xxi, 9-21. Les Ismaélites, renommés par leur habileté commerciale et animés de la prudence terrestre, sont appelés par Baruch, III, 23, fils d’Agar.

L’entrée d’Agar dans la famille d’Abraham et son bannissement avaient un caractère figuratif, qui a été signalé par saint Paul. Gal., iv, 23-31. La femme esclave, qui enfante dans l’esclavage, représentait la synagogue, dont les fils sont esclaves de la loi, d’une loi de servitude. Parce qu’ils persécutaient les fils de la femme libre, les fils de la promesse, les enfants de l’Église, ils ont été exclus de la famille et du peuple de Dieu et n’ont pas partagé avec les chrétiens l’héritage des bénédictions promises, comme Agar et Ismaël furent chassés de la maison d’Abraham et n’héritèrent pas de ses biens.

Les Arabes, issus d’Ismaël, ont gardé dans leurs traditions le souvenir d’Agar, leur aïeule. Les données bibliques y sont altérées. Agar devient la femme principale d’Abraham ; elle habite la Mecque, et la fontaine qui lui fut montrée par l’ange est le fameux puits Zemzem, renfermé dans l’enceinte de la Kaaba. Abraham dut sacrifier Ismaël par ordre de Dieu. Voir d’Herbelot, Bibliothèque orientale, in-f°, Paris, 1697, aux mots : Abraham, p. 15 ; Hagiar, p. 420 ; Zemzem, p. 927. E. Mangenot.

    1. AGARAI##

AGARAI (hébreu : Hagri, « fugitif ( ?) ; » Septante : ’Ayopt’), père de Mibahar, qui fut un des guerriers renommés de l’armée de David, I Par., xi, 38. Dans le passage parallèle, II Reg., xxiii, 36, on lit Bonni de Gadi au lieu de Mibahar filius Agarai. « Hagri » a la forme d’un nom de race. Voir Agarien.

    1. AGARÉENS##

AGARÉENS, AGARÉNIENS (hébreu : Hagrîm, Ps. lxxxii ( hébreu : lxxxiii), 7 ; Hagrî’îm, I Par., v, 19, 20 ; au singulier, Hagrî, I Par., xxvii, 31 ; Septante : ’Ayapaîoe, I Par., v, 20 ; ’Ayctpvivo ! , Ps. lxxxii, 7 ; I Par., v, 19 ; ’AyaptTru, I Par., xxvii, 31), peuplade arabe contre laquelle luttèrent les tribus transjordaniques de Ruben, de Gad et la demi-tribu de Manassé. Plusieurs auteurs la rattachent à Agar, servante d’Abraham et mère d’Ismaël. Leur supposition s’appuie sur le nom lui-même, et sur la confédération de cette peuplade avec Jétur (Ituréens) et Naphis, tous deux fils d’Ismaël, Gen., xxv, 15, confédération mentionnée I Par., v, 19 (d’après l’hébreu). Cependant les Agaréniens sont distingués des Ismaélites dans le psaume lxxxii, 7-9. Gesenius, admettant leur émigration vers le golfe Persique, applique au nom le sens de fugitifs d’après l’étymologie, hébreu : hâgar ; arabe : hadjar, « il a fui. » Thésaurus lingux heb., p. 365. On les assimile généralement aux Agréens, ’Aypaïot, dont parlent Strabon, xvi, 767 ; Ptolëmée, v, 19 ; Pline, vi, 32, et qui, comme les Nabatéens et les Chaulotéens, devaient se trouver sur la route principale de la mer Rouge à l’Euphrate.

Les Agaréens, d’après I Par., v, 10, habitaient à l’orient du pays de Galaad. Le rang qu’ils occupent dans l’énumération des différents peuples ennemis d’Israël, Ps. lxxxii, 7-9, correspond assez bien à ce renseignement, le seul précis que nous possédions ; ils sont, en effet, cités entre les Moabites et les Ammonites. Plusieurs auteurs ont cru retrouver le nom et la demeure de cette tribu dans le Hedjar ou Hedjer actuel, pays qui, plus souvent appelé El-Hasa, est compris entre la chaîne des plateaux du Nedjed et la côte occidentale du golfe Persique, et s’étend des lies Bahreïn au sud jusqu’à Koveït au nord. Parmi les habitants de cette région se trouvent les Benow-Hadjâr, et on mentionne une ancienne ville de ce nom, maintenant en ruines, à deux ou trois journées de Hofhouf, capitale actuelle du pays de Hasa. Mais, dans cette hypothèse, il faut admettre que les Agaréens sont venus prendre possession de cette contrée après avoir été chassés de leur séjour primitif par les tribus transjordaniques d’Israël

Ce peuple n’est cité dans l’Écriture que pour ses démêlés avec les Hébreux : une seule exception est à faire à propos de Jaziz, membre de cette tribu, qu’on voit parmi les surveillants des troupeaux de David. I Par., xxvii, 31. Du temps de Saûl, les Rubénites combattirent contre les Agaréens, et, après les avoir vaincus, « s’établirent dans leurs tentes, sur toute la plage orientale de Galaad. » I Par., v, 10. Plus tard, « les fils de Ruben, de Gad et la demi-tribu de Manassé, tout ce qu’il y avait d’hommes torts portant le bouclier et l’épée, et bandant l’arc et sachant combattre, au nombre de quarante-quatre mille sept Cent soixante guerriers, combattirent contre les Agaréens, et (d’après l’hébreu et les Septante) contre Jétur, et Naphis, et Nodab. Et ils furent victorieux contre eux, et les Agaréens et tous ceux qui étaient avec eux furent livrés entre leurs mains… Et ils prirent tout ce qu’ils possédaient, cinquante mille chameaux, et deux cent cinquante mille brebis, et deux mille ânes. » I Par., v, 18-21. Ce butin montre assez quelles étaient les richesses et l’importance de ces tribus pastorales. La conquête, du reste, fut complète, puisque les vainqueurs, ajoute le texte, « s’établirent à la place [des vaincus] jusqu’à la transmigration. » I Par., v, 22. À une époque incertaine, peut-être sous le roi Josaphat, II Par., xx, les Moabites et les Ammonites, encouragés par les Assyriens, furent l’âme d’un soulèvement général des peuples voisins contre Juda, et les Agaréniens entrèrent

dans la coalition. Ps. lxxxii, 7.
A. Legendre.
    1. AGATE##

AGATE, pierre précieuse, estimée dans l’antiquité comme de nos jours (fig. 41). Elle est nommée deux fois, dans laVulgate, achates, Exod., xxviii, 19 ; xxxix, 12 (Septante : àiirr^), où elle est la traduction du mot hébreu ^nw, Sebô, qui désigne la seconde

pierre de la troisième série des pierres précieuses placées sur le rational du grand prêtre. Voir Rational. L’étymologie du mot Sebô est douteuse (cf. assyrien : Subû, « pierre précieuse » ), et ne nous donne aucune lumière sur la nature de l’objet qu’il sert à dénommer. Il est possible que Sebô ait quelque rapport avec le pays de Saba, N3tꝟ. 8ebâ", d’où les caravanes apportaient sur les marchés de Phénicie, entre autres objets, des pierres précieuses. La traduction des versions anciennes par « agate » n’a d’ailleurs rien d’inacceptable, et elle est, en effet, généralement admise. Suivant Théophraste, De lapid., 58, et Pline, xxxvii, 54 (10), le nom grec et latin de l’agate vient d’un fleuve de Sicile appelé’AxâTti, aujourd’hui

Drillo, dans le Val di

Noto, sur les bords

duquel auraient été

trouvés les premiers

minéraux de cette es pèce. L’agate est une

variété du quartz à

structure concrétion née.Elle se compose or dinairement de zones

concentriques, consti tuées par une matière

siliceuse, qui s’est dé posée par couches suc cessives dans une ca vité naturelle (fig. 42). Elle est d’une texture très fine, à cassure conchoïde et susceptible d’un beau poli. Généralement translucide, elle offre une grande variété de couleurs et prend différents noms suivant sa nuance : quand les bandes sont peu nombreuses et de couleurs

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41. — Cylindre

assyrien en agate.

Bibliothèque nat.

42. — Agate.

tranchées, on l’appelle onyx et l’on s’en sert pour faire des camées ; on l’appelle calcédoine, si elle est gris de perle ou bleuâtre, très translucide ; cornaline, si elle est rouge sang ou brun jaunâtre ; sardoine, si elle est rouge brun foncé ; chrysoprase, si elle est vert pomme ; saphirine, si elle est bleu de ciel uniforme ; plasma, si elle est vert pré (cette dernière couleur ne se trouve que dans des gemmes antiques), etc. Le principal gisement de l’agate est le terrain de grès rouge. Les pierres précieuses dont fut orné le rational avaient été certainement apportées d’Egypte. On trouvait des agates dans les environs de Thèbes. Pline, xxxvii, 54. F. Vigouroux.

ÂGÉ (hébreu : 'Âgé', a fugitif ; » Septante : "Aéra), père de Semma, qui fut l’un des guerriers renommés de l’armée de David. II Reg., xxiii, 11.

    1. AGELLI Antonio ou AGELLIUS##

AGELLI Antonio ou AGELLIUS, selon la forme latinisée de son nom, né en 1532, à Sorrente, au royaume de Naples, entra dans la congrégation des théatins. Jeune encore, il fut envoyé à Rome, où il se fit bientôt remarquer par son érudition, et surtout par sa profonde connaissance de la Sainte Écriture et des langues bibliques. Nommé inspecteur de l’imprimerie vaticane, il en dirigea très heureusement les travaux ; c’est là qu’il entreprit une édition du Nouveau Testament grec, enrichie de diverses leçons. Il travailla à l'édition sixtine des Septante, et recueillit en même temps les fragments de VJtala. Enfin il fit partie de toutes les commissions qui, de Grégoire X11I à Clément VIII, turent chargées de reviser la Vulgate. En 1593, sa nomination à l'évéché d’Acerno l’enleva à ses chères études, au grand regret du monde savant. (Lettre de Pierre Morin à Cajetan, 1595). Après quelques années de sage administration, il se démit de son évêché, et quatre ans après, 1608, il mourut à l'âge de soixanteseize ans. Les œuvres scripturaires d’Agellius, écrites en bon latin, sont : 1° Commentarius in Threnos, collectus ex auctoribus grxcis et in eosdem explicatio et catena grascorum Patrum ex ejusdem versione, in-4°, Rome, 1598 ; 2° Commentarius in Psalmos et Cantica, in-f°, Rome, 1606 ; Cologne, 1607 ; Paris, 1611 ; 3° Commentarius in Proverbia Salomonis, Vérone, 1649 (parmi les œuvres du théatin Aloysio Novarini) ; 4° Commentarius in prophetam Habacuc, in-8°, Anvers, 1697. Il composa également en latin d’autres ouvrages restés manuscrits à Rome : un commentaire sur Isaïe, depuis le chap. xx jusqu'à la fin ; une explication de Daniel ; des notes sur les douze petits prophètes ; des notes sur les Épitres, en grec et en latin ; des notes sur les trois premiers chapitres de l’Apocalypse ; des extraits des rabbins sur Job ; un petit traité des poids et des mesures. Son œuvre principale est son commentaire sur les Psaumes, œuvre vraiment remarquable, et peut-être le meilleur commentaire du xvii" siècle, loué sans restriction, non seulement par des catholiques, mais aussi par des protestants et des rationalistes, et en particulier par Rosenmùller, qui s’en sert très souvent, et qui vante son érudition et sa perspicacité. Voici la méthode suivie par Agellius dans son commentaire : dans les passages difficiles ou différents de l’original, il remonte du latin au grec, et du grec à l’hébreu. Par là il arrive souvent à d’heureuses solutions. L’explication suit chaque verset du psaume ; elle est claire, abondante, parsemée d’extraits bien choisis dans les meilleures interprétations des Pères. Ils sont empruntés surtout à des commentaires moins connus en Occident, comme ceux de saint Athanase, Origène, Didyme, saint Jean Chrysostome, Théodoret, etc. Le seul reproche général qu’on peut lui faire, reproche que méritent du reste presque tous les commentateurs, c’est de mélanger dans la même note le sens littéral et le sens spirituel, au lieu de traiter ce dernier à part à la fin du psaume. Cette juxtaposition dans chaque note, des deux sortes d’explications jette quelque trouble, et empêche de suivre aussi facilement et aussi nettement l’en chaînement des idées dans le sens littéral. Voir Hurter, Nomenclator litterarius, t. i, p. 368 ; Le Long, Bibliotheca sacra, t. ii, art. Agellius ; Richard Simon, Lettres antiques, lett. 26, édit. de 1730 ; Ugheli, Italia sacra, t. vu. E. Levesque.

    1. AGENOUILLER##

AGENOUILLER (s'). Voir Adoration, Prosternement.

AGES DU MONDE. Voir Chronologie.

    1. AGGÉE##

AGGÉE (hébreu : Ifaggaï ; Septante : 'AyYaîoî) » te dixième des petits prophètes.

I. Traditions sur Aggée. — Aggée, disent les traditions, serait né en exil en Chaldée, et serait venu en Judée avec Zorobabal. De concert avec celui-ci, il aurait aidé par ses exhortations et par ses prophéties à rétablir le temple. Il aurait fait partie de la grande synagogue. Il serait mort enfin très âgé, et aurait été enseveli parmi les prêtres avec les honneurs qui leur sont rendus. De tout cela, il n’y a de certain que ce que rapporte l'Écriture, savoir : qu’il vécut après la captivité de Babylone, qu’il contribua efficacement à rebâtir le temple, I Esdr., v, 12 ; VI, 14, et qu’il écrivit le petit livre qui porte son nom. — Une méprise sur le sens d' Aggée, i, 13 ( « nuntius Domini, » male’ak [angélus] Yehôvâh), fit croire autrefois à plusieurs qu’il était un ange sous forme humaine. De même, c’est en interprétant mal Aggée, ii, 4 (héb., 3), que H. Kwald, Die Propheten des Altsn Bundes, Gœttingue, 1868, p. 178, a voulu le ranger parmi ceux qui avaient vu le premier temple : c’est un sens qui n’est pas nécessaire.

II. Mission d' Aggée. — Voici quelle fut la mission de ce prophète. Les soixante-dix ans de captivité prédits par Jérémie étaient passés. Cyrus, suscité de Dieu, avait porté son édit de retour. Très peu en profitèrent, relativement parlant. À peine arrivés, ils relevèrent au milieu des ruines et des décombres l’autel des holocaustes. Puis ils se mirent en devoir de rebâtir le temple. Ils en posèrent bientôt les fondements. Après quoi il y eut un arrêt. « Les peuples des pays d’alentour, » les Samaritains surtout, leur firent opposition. Sous le coup de leurs menaces et de leurs intrigues à la cour persane, la jeune colonie « sentit ses bras tomber ». Ainsi contrariés, et déçus dans leur espoir d’une restauration qu’ils avaient rêvée splendide et glorieuse, les Juifs se laissèrent aller au découragement et ils ne firent rien pendant les dernières années de Cyrus et les règnes d’Assuérus et d' Artaxerxès, rois de Perse. Voir Assuérus et Artaxerxès. Un décret fut même arraché à celui-ci, qui interdisait formellement la reconstruction commencée. I Esdr., iv, 17-22. Les choses en étaient là, lorsque la seconde année de Darius, fils d’Hystaspe (520) Dieu suscita l’esprit de deux prophètes, Aggée et Zacharie. Ces deux grands hommes, « magni spiritus prophetæ » dit saint Jérôme, Comm. in Aggseum, Prol., t. xxv, col. 1388, éveillèrent de leur torpeur les Judéens négligents. On reprit sous la direction de Zorobabel, satrape de Juda pour les Perses, et de Jésus, fils de Josédec, grand prêtre, l'œuvre interrompue. Les ennemis voisins auraient voulu encore y faire obstacle. Ils écrivirent en ce sens à Darius. Mais Darius, revenant à la politique première de Cyrus, "leur fit défense de molester les travailleurs. La reconstruction marcha dès lors à grands pas, et elle était achevée quatre ans après, grâce surtout aux prophètes. I Esdr., vi, 14. On fit la dédicace du nouveau temple le 4 du mois d’adar de l’an 516. I Esdr., vi, 14-15. Voir B. NeteIer, Die Bûcher Esdras, Munster, 1877, p. 9 et suiv. — On voit par là quelle fut en somme la mission d’Aggée. Il fut envoyé de Dieu pour rebâtir le temple et relever les espérances messianiques qui tombaient. C'était une mission du premier ordre. On n’ignore pas, en effet, l’idée qui pour Israël s’attachait au temple : c'était le signe et le symbole de l’alliance passée entre lui et Dieu, le centre du culte et de la religion. Le temple rebâti, c'était à peu d’intervalle et les murs de la ville reconstruits, et la ville

elle-même habitée de nouveau ; et, celle-ci repeuplée, c'était Israël vivant de sa vie propre, vie sociale indépendante, et par conséquent pouvant au temps marqué donner naissance au Christ, selon les promesses faites à Abraham et à David. Or Aggée remplit cette mission pour sa part en secouant les Juifs de leur torpeur, en les animant au travail, malgré le réveil d’anciennes hostilités, I Esdr., v, 1-17, et en faisant des prophéties qui annonçaient au nouveau temple une gloire prochaine, la venue du Messie comprise dans la conversion des Gentils, et assuraient au trône humilié de David une perpétuité que son état présent ne permettait pas de prévoir. Tel est le sens de la vocation et de la mission d' Aggée. Voir J. Knabenbauer, In Prophetas minores, t. ii, p. 170-173. Cf. F. Keil, Die zwôlf kleinen Propheten, Leipzig, 1873, p. 492, 493 ; P. Schegg, Geschichte der letzten Propheten, Ratisbonne, 1854, t. ii, p. 153-160.

III. Analyse de la prophétie d'Aggée. — Nous avons de lui, dans le petit livre qu’il a laissé, quatre prophéties datées, dont voici le sujet : — 1° Il engage Zorobabel, Josué le grand prêtre et le peuple à reprendre les travaux du temple. Qu’ils ne disent pas que le temps n’est pas venu ; il est venu, au contraire. Si la moisson a été médiocre, si la famine s’est fait sentir, si la sécheresse a lrappé le pays, c’est qu’ils ont négligé la reconstruction de la maison de Dieu. Qu’ils s’y mettent enfin, et Dieu sera avec eux. Aggée est écouté par la jeune colonie, qui reprend l'œuvre abandonnée. La prophétie est datée du premier jour du sixième mois de. la seconde année de Darius ; on peut y voir un exorde, i, 3 ; un corps de sujet, i, 4-11, et une note historique sur l’effet produit, i, 12- ii, 1°. — 2° Il console Zorobabel, Josué et le peuple, et affermit leur âme ; ils s’attristent de voir la médiocrité du nouveau temple : par rapport à l’ancien, « il est comme s’il n'était pas, » Qu’ils se consolent. Le Dieu des armées n’en sera pas moins fidèle à l’alliance, et il fera luire sous peu les temps messianiques où ce temple recevra par les adorations des Gentils une gloire supérieure à sa gloire passée. La prophétie, qui comprend un exorde, ii, l'-â, et la prédiction même, ii, 4-10, eut lieu le vingt et unième jour du septième mois, en pleine fête des Tabernacles. — 3° Il montre, par deux décisions tirées de la loi rituelle, comment Dieu a dû, malgré les sacrifices qu’ils lui offrent, punir et châtier les Juils. Us ont négligé les travaux du temple, c’est pourquoi il y a eu parmi eux disette de blé, de vin et d’huile ; ils les ont repris : désormais Dieu les bénira. Prophétie, ii, 11-20, prononcée le vingt-quatrième jour du neuvième mois. — 4° Enfin autre prophétie faite le même jour. Aggée s’adresse à Zorobabel, l'élu de Dieu. Il lui prédit que le Dieu des armées le protégera et le mettra comme un anneau à son doigt, le jour où il bouleversera le ciel et la terre et renversera les empires avec ce qui fait leur force et leur gloire, 21-24.

IV. Authenticité de la prophétie. — Il n’est pas douteux qu’Aggée lui-même ne soit l’auteur inspiré des quatre prophéties dont il s’agit. Qu’il les ait écrites et rédigées, c’est ce que prouvent et la tradition tant juive que chrétienne, sans exception, et le livre même : par son contenu, en effet, il ne répugne aucunement à cette attribution ; au contraire, il semble l’exiger ; car le style, les pensées qu’on y remarque conviennent au temps et à la condition du prophète. Qu’il les ait écrites par inspiration, saint Paul, sans parler des deux auteurs de l’Ecclésiastique, xlix, 13, cf. Agg., ii, 24, et d’Esdras, I Esdr., v, 1 ; vi, 14, le dit suffisamment ; il cite, Heb., xii, 27, comme manifestement inspiré un verset célèbre de notre petit écrit, Agg., ii, 7 : « Encore une fois. » Toute la tradition, du reste, est constante à cet égard. — Le texte primitif n’a pas été altéré. S’il est divergent dans les manuscrits, ces divergences sont rares, dix ou douze en tout, et encore sont-elles de celles qui viennent de copistes. J. Knabenbauer, ouvr. eit., p. 177, 181, 182, 185, 190 ; de Rossi, Variée, lectiones, Vet. Test., t iii, p. 210 ; Supplementa, p. 92. Quant aux

versions, elles ne diffèrent pas essentiellement du texte, et en établissent-ainsi l’intégrité dogmatique. La Vulgate est très fidèle : très peu d’additions et d’omissions ; une traduction précisant parfois un sens plus large dans l’original ; exemple : bâ'û hémdaf, « venient desiderium », ii, 7 (Vulgate : « veniet desideratus, » ii, 8). Moins littérale est la version grecque : on y voit plus d’additions, ii, 10-15, plus d’omissions dont une, II, 6 (5), très considérable ; plus de traductions inexactes ou forcées, plusieurs mauvaises leçons, comme 1, 13, bemale'âkê, èv àyyéXoiç, au lieu de bemale'âkûf, « in legatione, » etc. Assez fidèle est la version syriaque ; notons seulement deux mois que ses auteurs ont lu autrement que ne porte l’hébreu actuel : l.iêréb, « glaive, » au lieu de hôrêb, « sécheresse, » i, 11, et héby'û ou idby'û, « pour qu’ils apportent, » au lieu de ûbâ'û, « et ils viendront, » ii, (7). Le Targum, qui est, comme on sait, de Jonathan-ben-Uziel, rend moins le texte qu’il ne le paraphrase, selon son habitude. En somme, l’examen des versions fait voir que leurs auteurs avaient sous les yeux un texte hébreu identique à celui que nous avons. Voir à ce sujet L. Reinke, Der Prophet Haggai, p. 23 et suiv. L’hébreu pur, sans chaldaïsmes, — quelques-uns en signalent cependant quelques traces, — est la langue de ce petit livre. Le style en est simple et grave. Il ne dépasse pas cependant le niveau d’une bonne prose : on dirait celui d’un homme qui fait effort pour parler une langue qu’il sait, mais qui tend à tomber. Quelques interrogations, i, 4, 9 ; ii, 4(3), 13(12), 14(13), 20 (19), brisent la monotonie des phrases. Avec les pensées, le style s'élève et devient rythmique, i, 6, 9-11 ; ii, 5-7 (6-8) ; 22, 23 (21, 22). Une de ses particularités est de condenser en un mot final toute l’idée qui précède, i, 2°, 12 b ; ii, &, « ne craignez pas, » (5°), 'al fîrâ'û ; âO*, « à partir de ce jour, je bénirai, » ( 19 b), min hayyôm hazzéh 'abdrêk. Expressions favorites d’Aggée : i, 5, 7, 11, 16, 19, « appliquez vos cœurs ; » ii, 5, 8, 9, 10, 12, 24, « dit le Dieu des armées ; » i, 12, 14 ; ii, 3, 5, « Zorobabel, Jésus, et le reste du peuple. » Répétition des mots : « esprit, » i, 14 ; « prends courage, » ii, 5, dans le même verset. — Ajoutons que le livre n’est pas exactement divisé : le premier oracle doit finir ii, 1, certainement, ou du moins ii, 1*, après les mots « le sixième mois ». Le reste fait partie du second oracle : le texte hébreu et la critique l’exigent ainsi. Cf. J. Knabenbauer, ouvr. cit., p. 183.

V. Psaumes attribués à Aggée. — On attribue en outre à Aggée, comme à Zacharie du reste, les psaumes cxi et cxlv, qui portent ces noms dans le titre. Mais c’est à tort ; car ni l’hébreu, ni les autres versions, ni la tradition, ne justifient cette attribution. La présence de ces noms a plutôt ici un sens liturgique ; elle indiquerait, selon plusieurs, que c’est par ces prophètes que les psaumes dont il s’agit ont été appliqués au service religieux après l’exil. Suivant le pseudc-Épiphane, De Vitis prophetarum, t. xi.ni, col. 411, c’est Aggée qui aurait le premier chanté Alléluia dans le second temple. D’où l’inscription : « Alléluia. Du retour d’Aggée et de Zacharie. » Cette explication convient également pour les Septante, où les psaumes cxxxvii, CXLV-CXLVIH ont ces mêmes noms, et pour la Peschito, qui les porte dans les psaumes cxxv, cxxvï, clxv-cxlviii. On a dit aussi qu’Aggée avait écrit une partie du livre actuel d’Esdras, I Esdr., iii, 2-vi, 22 ; ce n’est pas probable, parce que cette partie n’est pas de son style.

VI. Prophéties messianiques d’Aggée. — Il y a deux prophéties messianiques dans le livre d’Aggée : — 1° Dans la première, Agg., ii, 1M0, le prophète prédit au nouveau temple une gloire supérieure à celle de l’ancien. En voici la traduction d’après l’hébreu, ii, 7-8 :

Ainsi parle le Dieu des armées,

Encore une fois, et c’est dans peu, et j'ébranlerai le ciel, la terre, la mer et les continents ; J'ébranlerai tous les peuples, Et elles viendront, les richesses de tous les peuples, Et je remplirai de gloire cette maison,

Dit le Dieu des armées ; '

Car l’argent, c’est à moi, et l’or, c’est a moi,
Dit le Dieu des armées ;
Plus grande sera la dernière gloire de cette maison que la première,
Dit le Dieu des armées ;
Et en ce lieu je donnerai la paix,
Dit le Dieu des armées.

On s’accorde à tenir la prophétie pour messianique. On se divise quand il s’agit de l’interpréter et de l’appliquer. Nous l’entendons dans son sens le plus large. Selon nous, il faut y voir : 1° une commotion universelle du ciel et de la terre ; 2° puis un ébranlement général de toutes les nations venant successivement au temple et à l'Église dont il est la figure, avec des présents, et 3° enfin une grande manifestation de la gloire promise à ce temple par l’effusion des grâces et des dons surnaturels, dont le mot « paix messianique » est le résumé. Autrement, c’est la prédiction de l’origine, du progrès et de la consommation du royaume de Dieu au milieu des bouleversements de la nature et du monde moral, à partir du premier siècle chrétien jusqu'à la fin du monde, et au delà dans l'éternité. Que cette prédiction ait cette largeur de sens, c’est ce que prouvent le contexte, les textes parallèles et l’histoire : le contexte, car les termes employés sont très étendus, et ce n’est cas la mention du temple nouveau, — puisqu’il figure l'Église universelle et immortelle, — qui peut les restreindre ; les textes parallèles, car les trois idées exprimées ici, — idées messianiques du reste, — se trouvent déjà ailleurs, Joël, ii, 30, 31 ; Is., xxiv, 19-23 ; li, 16 ; lxv, 17 ; lxvi, 22 ; ii, 12 et suiv. ; xix, 21 ; Mich., v, 10 ; Is., lx, 5-7, 11 ; ii, 2 et suiv. ; xiv, 1 ; xlix, 17 et suiv. ; lx, 4-16 ; Mich., iv, 1 ; Is., ix, 6 (cf. Gen., xlix, 10) ; Ps. lxxi ; Is., ix, 7 ; Mich., v, 1, etc. ; l’histoire : elle témoigne, en effet, que l'Église s’est ainsi établie. Préparée dès le temps d’Aggée, car on peut considérer les quatre siècles qui suivirent comme un prélude, elle s’est fondée et développée dans les miracles et les commotions physiques et politiques, commotions qui finiront au dernier jour, quand le ciel et la terre passeront pour faire place à de nouveaux cieux et à une terre nouvelle. II Petr., iii, 10, 13. D’autre part, les peuples se sont ébranlés peu à peu et sont entrés en foule dans l'Église. Ils y entrent encore, y apportant des adorations et des présents. Elle-même enfin a été glorifiée d’abord dans le temple nouveau, où Jésus-Christ a parlé, enseigné, opéré des miracles ; puis dans le monde entier, par les biens de la grâce et les espérances célestes qu’elle y répand. Telle est l’extension que nous donnons à cette prophétie. Il serait trop long d’exposer les autres opinions sur cet objet. On les trouvera dans L. Reinke, ouvr. cit., p. 77 et suiv., et dans J. Knabenbauer, ouvr. cit., t. ii, p. 190, 199.

Voici quelques explications du texte : 1° dans Agg., il, 7°, les versions anciennes diffèrent. À nous en tenir à l’hébreu, nous pensons qu’il faut traduire : « Encore une fois, [le temps] est court, » et cette traduction se justifie par la grammaire et en partie par les Septante. — 2° Agg., ii, 8° : Et veniet desideratus cunctis gentibus, « et le désiré de toutes les nations viendra. » Ainsi traduit la Vulgate, que suit une certaine tradition. L’hébreu actuel se traduit autrement. Il porte ûbâʾû ḥémdaṭ kol haggôïm ; mot à mot ; et venient desiderium omnium gentium, « et viendront le désir de toutes les nations, » Desiderium, « le désir, » s’entend au sens collectif de ce que désirent tous les peuples ; je veux dire les richesses, les choses précieuses. Telle est l’opinion du P. Knabenbauer. Et il l’appuie sur les Septante, le chaldéen et le syriaque, sur le contexte, ii, 8, sur un endroit parallèle, Is., lx, 5, et surtout sur le mot ḥémdaṭ, sujet singulier du pluriel bâʾ-û, « ils viendront. » Nous souscrivons à cette opinion. Le seul inconvénient qu’elle offre est la suppression d’un argument messianique communément donné. Mais, outre que la prophétie ne cesse pas pour cela de se rapporter au temps du Messie, quoique non à sa per sonne, du moins directement, la vérité doit toujours prévaloir sur l’intérêt de l’apologétique. — 3° Agg., ii, 10° L’hébreu peut être rendu comme dans la Vulgate ; il peut aussi se traduire par « major erit gloria domus istius novissima quam prima ». Le temple, en ce cas, serait pris en général, comme un ensemble, et ce qui serait mis en comparaison, ce ne sont pas alors les deux temples, mais les deux gloires, celle de l’origine et celle de la fin d’un seul et même temple. On a l’avantage, dans ce dernier sens, d'écarter la discussion si vieille de l’identité matérielle existant entre le temple de Zorobabel et le temple d’Hérode. Cf. Pusey, The minor Prophets, 1875, p. 497. Voir, sur toute cette prophétie : J. Knabenbauer, ouvr. cit., t. ii, p. 183-199 ; L. Reinke, ouvr. cit., p. 68 et suiv. ; J. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, t. i, p. 515-524 ; F. Keil, Die zwölf kleinen Propheten, 2e édit., p. 501-514 [très substantiel].

2° La seconde prophétie messianique, Agg., ii, 21-24, concerne Zorobabel, à qui Dieu promet son appui et sa faveur. Plusieurs attribuent à cet oracle un sens littéral et un sens spirituel. Au sens littéral, il s’entendrait, selon eux, de ce prince devenu parmi les troubles de son temps l'élu de Dieu, comme l’anneau de sa main, Eccli., xlix, 14. Au sens spirituel, il se rapporterait au Messie, dont Zorobabel fut par plus d’un trait la figure. Mais d’autres ne pensent pas ainsi. Il n’y aurait, disent-ils, en cet oracle qu’une seule espèce de sens, le sens littéral, qui se rapporterait en somme aux chefs du peuple de Dieu, et notamment au Messie. Je le crois volontiers, car : 1° l’unité étroite des versets qui le composent, 2° la largeur de sens qui en caractérise les mots, et 3° l’histoire connue s’opposent à ce qu’on l’explique du seul Zorobabel, et exigent, au contraire, qu’on l’interprète de la race de David, et spécialement du Messie. Réalisé partiellement en Zorobabel et dans tous les princes de sa lignée, cet oracle a atteint son suprême accomplissement en Jésus, fils de David par Zorobabel, Matth., i, 12 ; Luc, iii, 27. Les empires sont tombés successivement pour lui ouvrir la voie ; ils tombent encore. Dans toutes ces ruines, il fonde lui-même son royaume, le royaume de David son père, qui doit durer éternellement. Dan., ii, 44 ; Heb., xii, 28. Il est ainsi sous la protection de Dieu, qui en a fait, par l’union hypostatique, comme l’anneau de sa main, et cela « parce que je l’ai choisi », dit le Dieu des armées, ki bekâ bâḥarṭi. Cf. F. Keil, Die zwölf kleinen Propheten, p. 521 et suiv. ; J. Knabenbauer, ouvr. cit., t. ii, p. 208 et suiv.

VII. Auteurs principaux ayant spécialement écrit sur Aggée. — J. Elkius, Comment. super Hagg. prophet., in-4°, Salignac, 1538 (texte hébreu, version grecque, Vulgate) ; G. Wicelius, Enarratio in Haggæum, in-8°, Mayence, 1541 ; * J. Mercier, Scholia et versio ad prophet. Haggæum, Paris, 1551 ; J. J. Grynæus, Commentatio in Haggæum, in-8o, Genève, 1581 ; "Tarnov, In Haggæum comment., Rostock, 1624 ; *H. Varenius, Exercitationes dux in Haggæum, Rostock, 1648, et Trifolium propheticum, seu Très prophetæ explicati, ibid., 1662 ; * H. Reinbeck, Exercitationes in prophet. Hagg., in-4o, Brunswick, 1692 ; * D. Pfeffinger, Notæ in prophet. Haggæum, in-4o, Strasbourg, 1703 ; *F. Woken, Adnotationes exegeticæ in prophetiam Haggæi. Adduntur vindiciæ historicæ, Leipzig, 1719 ; *N. Heplen, Vaticinia Haggæi vertit, illustravit, Lund, 1799 ; *J. G. Scheibel, Observationes criticæ et exegeticæ ad vaticinia Hagg., cum prolegomenis, in-4°, Breslau, 1822 ; *A. Kohler, Die Weissagung Haggai’s, Erlangen, 1860 ; L. Reinke, Der prophet Haggai, in-8°, Munster, 1868 ; *W. Pressel, Commentar zu die Schriften des prophet. Haggai, Sacharya und Maleachi, Gotha, 1870 ; * T. T. Perowne, Haggai and Zechariah, in- 12, Cambridge, 1888.

E. Philippe.

AGGI (hébreu : Haggi, « joyeux, en fête ; » Septante : Ἀγγίς), second fils de Gad et petit-fils de Jacob, Num., xxvi, 15. Son nom est écrit Haggi dans la Vulgate, Gen., XL vi, 16. Ce nom paraît être une abréviation de Haggîyah, « Jéhovah est ma joie de fête. » Cf. I Par., iii, 15.

AGGITE (hébreu : Haḥaggi ; Septante : ὁ Αγγί), famille dont Aggi, fils de Gad, fut le père. Num., XX VI, 15.

AGGITH. Voir Haggith.


AGIER Pierre-Jean, magistrat, né à Paris en 1748, député suppléant de la capitale aux états généraux pour le tiers état, nommé en 1802 vice-président du tribunal d’appel, exerça cette fonction avec grande équité et droiture jusqu'à sa mort, en 1823. En même temps que certains ouvrages de jurisprudence, il composa plusieurs écrits relatifs à l'Écriture Sainte, publiés à un petit nombre d’exemplaires, et à peu près oubliés aujourd’hui : 1° Psaumes nouvellement traduits sur l’hébreu, et mis dans leur ordre naturel, avec des explications et des notes critiques, et auxquels on a joint les Cantiques évangéliques et ceux des Laudes, selon le Bréviaire de Paris, également avec des explications et des notes, 3 in-8°, Paris, 1809. Les Psaumes sont divisés en trois parties : ceux qui contiennent des prophéties relatives à la venue de Jésus-Christ, ceux dont les prophéties concernent l'Église, et les psaumes moraux. 2° Psalmi ad hebraicam veritatem translati et in ordinem naturalem digesti ; accesserunt Cantica tum evangelica, tum reliqua, in Laudibus, juxta Breviarium parisiense decantata, in-16, Paris, 1818. C’est l’abrégé du précédent.Prophéties concernant Jésus-Christ et l’Église, éparses dans les Livres Saints, avec des explications et des notes, in-8°, Paris, 1819. 4° Les Prophètes nouvellement traduits de l’hébreu, avec des explications et des notes critiques, 9 vol. in-8°, Paris, 1820-1822. 5° Commentaires sur l’Apocalypse, par l’auteur de l’explication des Psaumes et des prophéties, 2 in-8°, Paris, 1823. Dans ces ouvrages, Agier soutient le Millénarisme, et l’ardent janséniste s’y manifeste presque à chaque page. Directement ou par des allusions malignes, il attaque le pape, les évêques et surtout les jésuites. La préface de ses Prophéties éparses contient contre eux une seule phrase, mais une phrase curieuse de deux pages et demie. Ces ouvrages n'étaient pas sans valeur à l'époque où ils parurent ; toutefois ils ne méritent pas maintenant d'être tirés de l’oubli où ils sont tombés.

E. Levesque.

AGNEAU. Voir Brebis.


AGNEAU DE DIEU, nom symbolique donné à Notre Seigneur Jésus-Christ. Isaïe, lui, 7, compare le Messie souffrant à un agneau à cause de sa résignation. Dans le Nouveau Testament, le Sauveur est appelé « agneau de Dieu », parce qu’il est la victime, chargée de nos péchés, qui s’offre à Dieu pour les expier. Joa., i, 29, 36 ; Apoc. v, 6, etc. L’agneau pascal, dont le sang servit à marquer les portes des maisons où habitaient les Israélites en Égypte, au moment de la dixième plaie, Exod., xii, 7, et mit ainsi les enfants de Jacob à l’abri des coups de l’ange exterminateur, v. 13, était la figure de cet agneau divin qui devait s’immoler à la dernière Pâque pour nous sauver de la mort éternelle : « Agnus redemit oves, chante l'Église dans la prose de la fête de Pâques, Christus innocens Patri reconciliavit peccatores. » Saint Jean, dans son Évangile, xix, 36, nous montre expressément dans le rite de l’immolation de l’agneau pascal chez les Juifs, Exod., xil, 46 ; Num., ix, 12, une prophétie figurative d’une des circonstances de la passion de Notre-Seigneur : « On ne lui brisa point les jambes. » Joa., xrx, 33. Le quatrième évangéliste, qui avait appris de saint Jean-Baptiste à voir en Jésus « l’agneau de Dieu chargé des péchés des hommes », Joa., i, 29, 36, se plut toujours à considérer son maître sous cet emblème, qui est devenu justement, dès les premiers temps du christianisme, un des emblèmes du Sauveur les plus chers aux chrétiens (fig. 43), et, dans son Apocalypse, il lui donne souvent le nom d' « Agneau », v, 8 ; xiv, 4 ; xxi, 14, etc. ; il le représente immolé dans le ciel, v, 6 ; assis sur un trône, VII, 17 ; XXII, 1, 3 ; adoré par les vingt-quatre vieillards, v, 8, et par tous les élus, vii, 9-10, qui chantent, avec les esprits célestes, « le cantique de l’Agneau, » xv, 3, un hymne de louanges à sa gloire. Les élus sont victorieux par sa force, xii, 11 ; xvii, 14 ; et ils seront sauvés parce qu’ils ont lavé leurs vêtements dans le sang de l’Agneau vii, 14 ; il habite avec eux la céleste Sion, et ils le suivent partout où il va, xiv, 1-4, prenant part au festin nuptial de ses noces avec l’Église, son épouse, xix, 7, 9 ; xxi, 9.

Il est le temple du ciel ; il en est la lumière, xxi, 22, 24, et l’on ne peut y entrer qu’autant que l’on est inscrit « dans le livre de vie de l’Agneau », xxi, 27 ; cf. xxiii, 14.

L'Église, à la suite de saint Jean, nous montre en Notre-Seigneur « le véritable Agneau », dont les victimes offertes en sacrifice dans l’ancienne loi n'étaient que la figure : Hic est verus Agnus, qui abstulit peccata mundi (Préface de Pâques), et, dans les Offices de l’Avent et du ; Carême, elle applique avec les Pères au divin Rédempteur les passages des prophètes où elle retrouve le nom de l’agneau : Emitte agnum, Domine, dominatorem terræ : « Envoyez, ô Seigneur, l’agneau qui doit devenir le maître de la terre. » Is., xvi, 1. Et ego quasi agnus mansuetus, qui portatur ad victimam : « Je suis comme un agneau plein de mansuétude que l’on porte [au boucher] pour le faire égorger. » Jer., xi, 19. Dans ce dernier passage, Jérémie parle de lui-même, mais il est une figure de Notre-Seigneur dans les persécutions qu’il endure de la part de son peuple. Quant aux paroles d’Isaïe, elles se lisent dans sa prophétie contre les Moabites, et font allusion, dans le sens littéral, au tribut considérable que le roi de Moab avait autrefois payé en brebis au roi d’Israël. IV Reg., iii, 4 ; elles doivent se traduire : « Envoyez [en tribut] vos agneaux, [ô roi de Moab], au maître de la terre [du peuple de Dieu]. » Le mot : Domine, « Seigneur, » n’est pas dans le texte original. L’application de ce verset à Jésus-Christ n’est donc pas faite dans le sens primitif, mais elle n’en est pas moins très heureuse, et elle nous présente sous cette belle image de l’agneau, l’un des animaux les plus doux et les plus faibles, Notre -Seigneur devenant malgré sa douceur, Matth., xii, 20, et sa faiblesse apparente, le maître du monde. Les victoires des Hébreux sur leurs ennemis n'étaient que la figure des victoires plus grandes que devait remporter le Messie, et les peuples qui leur pavaient tribut étaient le type des peuples qui devaient accepter un jour le joug du Christ.

F. Vigouroux.

AGNEAU PASCAL, agneau mâle, sans tache, d’un an, que les Israélites devaient manger avec des rites particuliers dans la célébration de la fête de Pâques. Exod., xii, 3-11 ; Num., ix, 10-12 ; Deut., xvi, 2-6. Voir Pâques.

AGONIE DE NOTRE-SEIGNEUR. Après la prière qui termina le discours de la Cène, Jésus alla avec ses Apôtres dans un jardin appelé Gethsémani (voir Gethséhani), et aussi jardin des Oliviers, situé au pied de la montagne qui porte le même nom, au nord-est de Jérusalem, dont il est séparé par le torrent de Cédron. C’est dans ce jardin qu’eut lieu l’agonie de Notre-Seigneur, et c’est là que commença la passion proprement dite du Sauveur.

Jésus n’y entra qu’avec les trois Apôtres Pierre, Jacques et Jean. Les huit autres, à qui le Sauveur avait dit : « Asseyez-vous ici, tandis que j’irai là-bas pour prier, » Matth., xxvi, 36, se tinrent probablement à l’entrée du jardin. Dès que Jésus fut seul avec ses Apôtres privilégiés, il se mit à dire : « Mon âme est triste jusqu'à la mort. » Matth., xxvi, 38. C’est une tristesse parvenue à son degré suprême. « Il y avait assez de douleur, dit Bossuet, Sermon du vendredi saint, pour lui donner le coup de la mort. Il serait donc mort par le seul effet de cette douleur, si une puissance divine ne l’eût soutenu pour le réserver à d’autres supplices. »

Les commentateurs se sont demandé comment on peut concilier la tristesse de Notre-Seigneur avec la vision intuitive ou béatifique dont il jouissait en vertu de l’union de la nature divine avec la nature humaine, ou union hypostatique. Les uns, comme saint Ambroise et dom Calmet, admettent que la tristesse de Jésus au jardin des Oliviers était sans aucun mélange de joie. D’après eux, Dieu, par sa puissance, a pu séparer l’effet de la cause ; c’est-à-dire qu’en conservant à la très sainte âme du Sauveur la vision intuitive, il a pu empêcher qu’elle n’y produisit la joie, qui en est l’effet naturel. Les autres répondent que la joie et la tristesse se trouvent tout à la fois dans l'âme de Jésus au jardin des Oliviers. La contradiction, qui paraît manifeste, n’existe en aucune façon ; nous savons que deux causes différentes peuvent produire dans la même personne une grande tristesse ou une grande joie. C’est le sentiment de saint Thomas. « La joie de la béatitude, dit- ii, n’est pas directement opposée à la douleur de la. passion, par la raison que ces deux sentiments ne portent pas sur le même objet. Or rien n’empêche que les contraires ne se trouvent dans le même sujet, pourvu que ce ne soit pas sous le même rapport. » Sum. theol., iii, 46, 8, ad 1.

Après avoir fait connaître à ses Apôtres sa tristesse mortelle, Jésus leur dit : « Tenez-vous ici, et veillez avec moi. » Matth., xxvi, 38. En parlant ainsi, il désignait un rocher assez bas, sur lequel plusieurs personnes pouvaient s’asseoir et se coucher commodément. Après cette recommandation, il s'éloigna d’eux à la distance d’un jet de pierre. Luc, xxii, 41. Or, à cette distance du rocher, à soixante mètres, en s’avançant vers le nord, on trouve précisément une grotte dans laquelle Notre-Seigneur se serait retiré pour son agonie. Les trois Apôtres ne tardèrent pas à s’endormir sur le rocher.

Jésus seul va épancher son cœur devant son Père céleste. Il se met à genoux, se prosterne la face contre terre, Matth., xxvi, 39 ; Luc, xxii, 41 ; Marc, xiv, 35, et dit : « Mon Père, s’il est possible, que ce calice s'éloigne de moi ; cependant non pas comme je le veux, mais comme vous le voulez. » Matth., xxvi, 39. Dans ces paroles, Jésus parle en Fils de Dieu, puisqu’il s’adresse à son Père, et en même temps il nous donne l’exemple de la résignation la plus complète. C’est de sa nature humaine que s'échappe ce désir conditionnel. Fillion, Évangile selon saint Matthieu, p. 515. Le calice que Jésus devait boire jusqu'à la lie désigne sa passion et sa mort. C’est la première cause de sa tristesse, mais ce n’est pas la cause unique, ni même la principale. Les péchés des hommes, voilà la vraie raison de son immense douleur. Jésus va souffrir comme le représentant du genre humain coupable. Une autre cause de sa douleur, c’est l’ingratitude des hommes rendant inutiles toutes ses douleurs, et ne s’en servant que pour s’attirer une condamnation plus terrible. « Cependant non pas comme je le veux, mais comme vous le voulez. » Matth., xxvi, 39. Le Sauveur marque ainsi la distinction des deux natures : comme homme, il voudrait échapper aux souffrances ; mais en tant qu’il est un avec son Père et le Saint-Esprit, il accepte le calice.

Après avoir triomphé de ses terreurs par sa soumission à la volonté de son Père, il revient auprès des trois Apôtres et les trouve endormis. Matth., xxvi, 40. C’est la tristesse, nous dit saint Luc, qui avait alourdi leurs paupières. Luc, xxii, 45. S’adressant à Pierre, Jésus dit : « Ainsi vous n’avez pu veiller une heure avec moi ? » Matth., xxvi, 40. Ces derniers mots, bien qu’il ne faille pas en presser la signification, déterminent le temps qu’a duré la première partie de l’agonie du Sauveur. « Veillez et priez, ajoute-t-il, afin que vous n’entriez pas en tentation. L’esprit sans doute est prompt, mais la chair est faible. » Matth., XXVI, 41. Il exhorte les Apôtres à veiller et à prier afin qu’ils ne succombent pas à la tentation, c’est-à-dire à la grande épreuve qu’il leur avait prédite et qui s’approchait. Le danger le plus immédiat pour les Apôtres était celui d’abandonner le Messie. Les consolations les plus légitimes font défaut à Jésus. Sans secours du côté des siens, il retourne vers son Père. Il s’en alla une seconde fois et pria, disant : « Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté soit faite. » Matth., xxvi, 42. Sa prière exprime la soumission la plus complète.

Après cette seconde prière, il vient de nouveau vers ses disciples ; mais il les trouve endormis. Nous ne savons ce que Jésus leur dit ; toutefois on est certain qu’il leur parla, puisque saint Marc, xiv, 40, nous apprend que les Apôtres ne savaient que lui répondre. Jésus s'éloigna d’eux pour la troisième fois et pria, disant les mêmes paroles. Matth., xxvi, 44. Et alors un ange du ciel lui apparut, le fortifiant, et, étant tombé en agonie, il priait plus longuement ; et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui découlaient jusqu'à terre. Luc, xxii, 43, 44. La consolation apportée par l’ange au Messie consista dans une effusion de mâle courage, pour qu’il ne pliât pas sous son fardeau. L’ange fortifia Jésus en vue de son agonie ; c’est après l’apparition de l’ange que l’agonie atteignit son maximum d’intensité. Le mot agonie signifie lutte dernière. La lutte soutenue par Jésus est la lutte suprême. Cette lutte s’engage entre Dieu offensé et le médiateur des hommes, qui n’emploie d’autre arme que la prière.

On a dit que le Sauveur souffrit alors toutes les douleurs de l’enfer, sauf le désespoir. Ce qu’il y a de sûr, c’est que l'émotion de son âme bouleversa son être physique. Le sang, vivement agité, finit par pénétrer à travers les vaisseaux conducteurs, et s'échappa avec la sueur abondante qui ruisselait de tout son corps. Les exégètes regardent généralement cette sueur de sang comme un fait miraculeux. Voir Sueur he sang. Jésus, dans sa prière, se soumet pleinement à son Père ; il se relève plus fort que la douleur : sa victoire est complète. Il vient alors à ses disciples, et il les trouve encore endormis. Luc, xxii, 45. « Dormez maintenant et reposez-vous, » leur dit-il. Mat th., xxvi, 45. La plupart des commentateurs remarquent que ces paroles sont pleines de pitié et de tendresse. Jésus est assez fort pour se passer de tout secours humain ; il permet donc à ses Apôtres de se reposer un peu. Il s’écoula après ces paroles un temps plus ou moins considérable ; et au moment ou Judas arriva avec ses sicaires, le divin Maître réveilla les trois Apôtres en leur disant : « C’est assez ; l’heure est venue où le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs. Levez-vous. Allons ! voici que s’approche celui qui me livrera. » Matth., xxvi, 45, 46 ; Luc, xxii, 46 ; Marc, xiv, 41, 42. Et Jésus s’avança d’un pas ferme au-devant du traître qui allait le livrer et des ennemis qui venaient s’emparer de lui. En même temps, il se dirigeait vers les autres Apôtres, qui étaient à l’entrée du jardin, afin de les protéger contre l’ennemi qui arrivait. Il pouvait être onze heures du soir.

G. Martin.

AGORA, ἀγορά, mot assez fréquemment employé dans le texte grec du Nouveau Testament, et traduit dans la Vulgate latine tantôt par forum, tantôt par platea. Il désigne : 1° en général, une place publique, ou une rue grande et large, Matth., xi, 16 ; xx, 3 ; xxiii, 7 ; Marc, vi, 56 ; xii, 38 ; Luc, vii, 32 ; xi, 43 ; xx, 46 ; 2° plus spécialement, un marché, un lieu de réunion où l’on vend et l’on achète, où l’on tient des assemblées et où l’on rend la justice. Act., xvi, 19 ; xvii, 17. 3° D’après plusieurs commentateurs, ἀγορά aurait une troisième signification dans saint Marc, vii, 4, où il est dit que les Pharisiens ne mangent point, ἀπὸ ἀγορᾶϛ, ἐὰν μὴ βαπτίζονται, a foro nisi baptizentur. Ce passage est généralement traduit en ce sens que les Pharisiens, lorsqu’ils reviennent du marché, ne mangent qu’après s’être lavés, pour se purifier des souillures qu’ils peuvent avoir contractées en se mêlant à la foule ; mais quelques interprètes pensent que le mot agora signifie dans cet endroit les choses achetées au marché, non le lieu même où se tient le marché. C’est l’opinion de Paulus, de Kuinoel, d’Olshausen, de Lange. Voir Lange-Schaff, Commentary on the Holy Scripture, the Gospel according to Mark, 6e édit., in-8°, Édimbourg (sans date), p. 64. Le sentiment contraire, qui est celui des anciens, est beaucoup mieux établi. Voir H. Alford, The Greek Testament, 2e édit., Londres, 1854, 1. 1, p. 327 ; C. F. A. Fritzsche, Evangelium Marci, in-8°, Leipzig, 1830, p. 264-266. — Sur Agora d’Athènes, voir Athènes.

F. Vigouroux.

44. — Agrafe (πορπή).


AGRAFE, crochet qui sert à attacher un vêtement, et qui peut être en matière plus ou moins précieuse et plus ou moins orné. D’après l’interprétation assez vraisemblable de Kimchi, l’ornement appelé ḥâḥ, que les femmes israélites offrent dans le désert du Sinaï pour la fabrication des vases sacrés, Exod., xxxv, 22, serait une agrafe de métal. Voir Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ, p. 497. Nous en ignorons d’ailleurs la forme. La Vulgate traduit armillas, « bracelets ». — Le mot meḥaberôṭ, I Par., xxji, 3 (Vulgate : juncturas), paraît désigner des fibulæ, attaches ou crampons de fer. Gesenius, Thesaurus, p. 443 ; F. Keil, The books of the Chronicles, trad. Harper, p. 243.

Qérés, Exod., xxvi, 6, 11, 33 ; xxxv, 11 ; xxxvi, 13, 18 ; xxxix, 33 (hébreu), que la Vulgate a traduit en plusieurs endroits par fibula, Exod., xxvi, 11 ; xxxvi, 18, signifie aussi une espèce d’agrafe. — Enfin πορπή, fibula, dans I Mach., x, 89 ; xi, 58 ; xiv, 44, est le nom d’une sorte d’agrafe ou boucle d’or qui ne pouvait être portée que par de grands personnages. Cf. Pline, H. N., xxxiii, 12. Une boucle de ce genre, trouvée à Herculanum (fig.44), peut nous donner une idée de ce qu’était cette espèce d’ornement.

1. AGRICOLA Conrad, auteur de la première Concordance complète de la Bible allemande. Voir Concordances de la Bible. Concordances allemandes.

2. AGRICOLA François, théologien catholique, né à Lunen, près d’Aldenhoven, dans le duché de Juliers (Prusse rhénane), fut curé de Roding, puis de Sittard, où il mourut en 1621. Il montra un zèle ardent pour la défense de la foi catholique et l’extirpation de l’hérésie : ses nombreuses œuvres théologiques, polémiques, scripturaires, en font foi. Ces dernières sont : 1° Commentarium de Verbo Dei scripto et non scripto, sive de Sancta Scriptura, etc., in-8°, Liège, 1597 ; 2° De assidua lectione Sanctæ Scripturæ ejusque interpretibus orthodoxis, in- 12, Liège, 1600. Cf. Hurter, Nomenclator litterarius, t. i, p. 585 ; Valère André, Bibliotheca belgica, 2e édit., 1643, p. 220 ; J. Fr. Foppens, Bibliotheca belgica, t. i, p. 280.

3. AGRICOLA Jean, théologien protestant, appelé aussi Islebius, d’Eisleben, où il naquit le 20 avril 1492, avait pour véritable nom Schnitter, « moissonneur. » Suivant l’usage du temps de latiniser son nom, il prit celui d’Agricola. Longtemps ami de Luther et de Mélanchton, il rompit avec eux en se faisant le chef des Antinomiens, qui soutenaient l’inutilité de la loi évangélique pour le salut. Abandonnant bientôt cette erreur, il quitta Wittemberg et alla à Berlin, en 1540, pour remplir l’office de prédicateur protestant à la cour ; il y mourut le 22 septembre 1566. Outre ses ouvrages de controverse, on a de lui, écrits dans un style clair, élégant : 1° Commentarius in Evangelium Lucas, in-8°, Augsbourg, 1515 ; Nuremberg, 1525 ; Haguenau, 1526 ; 2° Commentarius in Epistolam Pauli ad Colossenses, in-8°, Wittemberg, 1527 ; 3° Commentarius in Epistolam Pauli ad Tilum, in-8° ; Haguenau, 1530 ; 4° Historia passionis et mortis Christi, in-f°, Strasbourg, 1543. Cf. Unger, Dissertatio de J. Agricola, in-4°, Leipzig, 1732 ; Kordes, J. Agricola’s Schriften möglichst vollständig verzeichnet, in-8°, Altona, 1817 ; G. Kawerau, Johann Agricola von Eisleben, in-8°, Berlin, 1881.

4. AGRICOLA Miche], né en Finlande, étudia la théologie à l’université de Wittemberg. Lié avec Luther, qui le recommanda à Gustave Ier, il devint ministre luthérien à Abo, en 1539. De là on l’envoya prêcher le christianisme en Laponie. Nommé en 1554 évêque d’Abo par Gustave Ier, il mourut en 1557. On lui doit la première traduction en finnois du Nouveau Testament et du Psautier, imprimée à Stockholm, 1548 ; rare.

AGRICULTURE CHEZ LES HÉBREUX. — I. Origines de l’agriculture. — La culture de la terre fut, avec l’élève des troupeaux, l’occupation principale des Hébreux en Palestine. L’origine de ces deux arts nourriciers de l’homme remonte à l’origine même de l’humanité. Même avant la chute, Adam, placé dans le jardin de l’Éden, devait le cultiver, le garder, Gen., ii, 15, et se nourrir de ses fruits. Gen., ii, 16 ; cf. i, 29. S’il n’avait point péché, le travail ne lui aurait coûté ni fatigue ni peine. En punition de sa désobéissance à Dieu, il fut condamné à manger son pain à la sueur de son front, Gen., iii, 19, c’est-à-dire qu’il ne put faire produire à la terre


Travaux agricoles en Égypte.
VIe dynastie. Tombeau de Saulet el-Meitin. Lepsius, Abth. II, pl. 106.

la nourriture qui lui était indispensable pour vivre qu’à la condition de la cultiver avec beaucoup de labeur et d’efforts. Le texte sacré ne nous dit rien sur la manière dont le premier homme exécuta l’arrêt divin porté ainsi contre lui ; mais il nous apprend que les deux fils d’Adam, Abel et Gain, instruits sans doute par leur père, furent, le premier, « pasteur de troupeaux, » et le second, « agriculteur. » Gen., iv, 2. Le mot agriculteur, agri cultor, est la traduction littérale de l’expression hébraïque’ôbêd’adâmâh, s cultivant la terre. »

Le travail des champs fut particulièrement dur pour les premiers cultivateurs. Tout dut d’abord être fait à la main. Les animaux domestiques ne purent être employés ^ans doute que plus tard au labour et au transport. Jabel, un descendant de Caïn, , qui est appelé « le père des troupeaux », Gen., iv, 20, fut peut-être celui qui assujettit ces précieux auxiliaires de l’homme à son service, et qui apprit à ses frères à les utiliser comme bêtes de somme et comme instruments de culture. Il fallut, au commencement, que Caïn et ses enfants se contentassent de leurs bras et des instruments grossiers qu’ils inventèrent probablement de bonne heure pour fouir et remuer la terre, pour arracher les ronces et les épines, pour récolter ensuite le fruit de leur labeur. Les instruments en métal, d’un usage plus commode et plus durable, furent inventés avant le déluge par Tubalcaïn, Gen., iv, 22, et ce fut là un nouveau progrès pour l’agriculture. Nous ignorons du reste en quoi elle consistait proprement à cette époque, ce que l’on cultivait, et de quelle manière on cultivait. Nous savons seulement qu’après le déluge Noé s’adonna spécialement à l’agriculture, qu’il planta la vigne et qu’il fit du vin. Gen., ix, 20-21.

II. L’agriculture au temps des patriarches. — Les patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, ayant vécu en nomades, s’occupèrent surtout d’élever des troupeaux, et leur richesse consista principalement en brebis, chèvres, bœufs, ânes et chameaux. Gen., xil, 16 ; xiii, 5-7 ; xxvii, 9 ; xxx, 43 ; xxxii, 7 ; xxxiii, 9 ; xxxvi, 7 ; xlvi, 34, etc. Ils cultivèrent cependant aussi le blé, du moins en certaines circonstances, lorsqu’un séjour assez long dans le même endroit leur permit d’attendre la récolte. C’est ainsi qu’Isaac sema à Gérare du blé qui lui produisit cent pour un. Gen., XXVI, 12. Un des songes de Joseph, voyant les gerbes liées par ses frères adorer sa propre gerbe, Gen., xxxvii, 7, est une allusion à la moisson. Pendant leur séjour en Egypte, les Israélites furent surtout pasteurs, ’Gen., xlvi, 32, 34 ; Exod., x, 26 ; mais ils ne purent négliger complètement l’agriculture proprement dite dans la terre fertile de Gessen, où ils habitaient, et ils durent s’initier aux pratiques agricoles des Égyptiens, qui étaient très avancés dans l’art dç faire produire la terre.

Les textes et plus encore les monuments figurés de la vallée du Nil nous fournissent de nombreux renseignements sur la manière dont les Égyptiens cultivaient le pays. Les salles funéraires, dans les tombeaux, reproduisent fréquemment les diverses opérations agricoles, labourage, semailles, moisson, battage du blé, mise du grain dans les greniers, cultures diverses, etc. (fig. 45). Le Pentateuque y fait aussi plusieurs fois allusion. Gen., xli, 17-32, 47 ; Ëxod., ix, 31-32 ; Num., xi, 5 ; Deut., xi, 10, etc.

A l’école des Égyptiens, les Israélites avaient fait sans doute des progrès dans l’art de cultiver la terre. Ils durent le pratiquer à l’occasion dans le désert du Sinaï, comme l’avaient fait les patriarches, Gen., xxvi, 12, quand ils séjournèrent assez longtemps au même endroit, cf. Num., xx, 5 ; mais ce fut surtout dans la Terre Promise, lorsqu’ils jouirent en paix du sol que Dieu leur avait donné, « de cette terre excellente, arrosée par des ruisseaux, des fontaines, où les sources jaillissent dans les vallées et sur les collines, de cette terre de froment et d’orge, de vignes et de figuiers, de grenadiers et d’oliviers, de cette terre d’huile et de miel, » Deut., yiii, 7-9 ; cf. IV Reg., xviii, 32 ; ce fut alors que les Hébreux s’adonnèrent entièrement aux

travaux des champs, qui, avec les troupeaux, furent longtemps leur seule ressource. Les Chananéens leur avaient préparé la voie et donné déjà l’exemple.

Du temps des patriarches, l’agriculture proprement dite parait avoir été peu pratiquée par les habitants du pays. C’est ce que l’on est en droit de conclure de divers passages de la Genèse, où l’on voit qu’il s’élève des disputes entre les pasteurs des Chananéens et ceux des Hébreux au sujet des puits, mais jamais au sujet des récoltes. Gen., xxvi, 12, 14-15, 20. Les richesses du roi de Gérare consistent aussi principalement en troupeaux, cf. Gen., xx, 14, de même que celles des habitants de Sichem. Gen., xxxiv, 28. Seule la vallée inférieure du Jourdain, qui est d’une extrême fertilité, était cultivée comme l’Egypte. Gen., xiii, 10. — À l’époque de l’exode, l’agriculture avait fait des progrès en Palestine. L’épisode des espions rapportant au désert du Sinaï une grappe de raisin d’une grosseur extraordinaire montre avec quel soin on cultivait la vigne dans les environs d’Hébron. Num., xiii, 23-24. Le tableau que Moïse fait de la Terre Promise dans le Deutéronome, viii, 8, et que nous avons rapporté, prouve quelle extension y avait prise la culture des céréales et des arbres fruitiers. Le livre de Josué, v, 12, nous apprend que les Hébreux, après avoir franchi le Jourdain, trouvèrent dans la terre de Chanaan tout ce qui était nécessaire pour les nourrir.

III. Lois agraires établies par Moïse ; leur importance religieuse. — Moïse ne négligea rien dans la loi pour encourager et favoriser l’agriculture. Elle devint comme le pivot et le fondement de la société qu’il établit, et ce fut là une des causes de la supériorité de la législation mosaïque sur les autres législations profanes. L’agriculture est l’occupation primitive et naturelle de l’homme. Elle lui est inr dispensable pour lui donner le pain de chaque jour, et en même temps elle est saine pour le corps et pour l’âme. La vie pastorale, qui par ses exigences obligeait les Hébreux de vivre ensemble, avait été pendant la période patriarcale le moyen dont Dieu s’était servi, en Chanaan et en Egypte, pour conserver la race d’Abraham pure de tout mélange avec les idolâtres qui l’entouraient et, pour ainsi dire, l’enveloppaient. Après la conquête de la Palestine, la famille Israélite, devenue une nation, fut mise par la pratique de la vie agricole à l’abri de la démoralisation et de la perversion intellectuelle et morale qui seraient résultées sans cela de rapports trop fréquents avec les peuples voisins. L’agriculture éteignit chez les Israélites le goût de la vie nomade, qui a presque toujours pour conséquence l’amour de la rapine et du pillage, comme le prouve l’histoire ancienne et moderne des tribus bédouines ; elle favorisa de plus l’augmentation des familles, le père ayant besoin de bras nombreux pour les travaux des champs ; elle développa aussi et nourrit le patriotisme, en attachant chaque enfant de Jacob au sol dont il avait la propriété. Elle fit plus et mieux encore : par la manière dont elle fut conçue et organisée, elle entretint dans Israël l’esprit religieux, ce qui était le point le plus important de tous. La Terre Promise était un don de Dieu à son peuple : le Seigneur lui enseigna à la cultiver, Is., xxxvii, 26 ; il la lui confia, mais il en garda la propriété ; il n’en laissa aux Hébreux que l’usufruit, ou plutôt il fit d’eux ses fermiers et ses colons, comme il le dit en propres termes dans le Lévitique, xxv, 23 : « Cette terre… est à moi ; vous êtes mes fermiers. » Par conséquent, le cultivateur israélite, en travaillant dans son champ, ne put oublier Dieu, de même que le fermier ne peut oublier son propriétaire, auquel il doit payer son bail et ses redevances ; le fermage pour Israël consista à offrir au Seigneur les prémices de se » récoltes, à payer la dune, etc. Voir Prémices, DIhe.

Mais ce n’est pas seulement parce que le sol appartient à Dieu que l’enfant de Jacob doit penser à son Maître, c’est aussi et surtout parce que sa récolte est entre les mains du Seigneur. Moïse inculque profondément à son peuple cette vérité, que la fécondité de ses champs dépend de sa fidélité à la loi. S’il l’observe, la terre lui prodiguera

ses fruits, parce que Dieu ouvrira le trésor de ses pluies et de sa rosée ; mais, s’il ne l’observe pas, il sera maudit dans son champ et dans ses greniers, maudit dans ses bœufs et dans ses brebis ; le ciel sera pour lui sec comme l’airain, et la terre dure et stérile comme le fer ; il n’aura point d’autre pluie que la cendre et la poussière ; les vers et les sauterelles dévoreront tout ce que produiront ses champs. Deut., xxviii, 11-42. Ces promesses et ces menaces furent toujours présentes à la mémoire d’Israël, voir III Reg., viii, 35-36, etc., et l’amour des biens de la terre et l’intérêt propre firent ainsi de l’agriculture un des moyens les plus puissants de conserver la vraie religion.

Tous les Hébreux furent d’ailleurs personnellement intéressés à avoir de bonnes récoltes, car tous eurent des terres à cultiver. Moïse promulgua, en effet, une loi agraire, fondée sur la division du sol en parties égales pour chaque famille. Afin d’opérer le partage conformément à cette loi, un recensement général eut lieu immédiatement avant l’entrée dans la Terre Promise. Il donna un chiffre rond de six cent mille copartageants. D’après les calculs divers qui ont été faits, chacun reçut en moyenne de six à dix hectares de terrain ; toutefois, comme les limites réelles du pays conquis par les Israélites sont fort mal connues, nous sommes hors d'état de nous rendre compte avec certitude de la superficie moyenne de terre qui fut répartie à chaque tribu et à chaque membre des douze tribus.

Un autre point important de la législation mosaïque, destiné à faire de l’agriculture la grande occupation nationale et le moyen d’attacher tous les Hébreux au sol qui les nourrissait, c’est que, par l’ordre de Dieu, la propriété fut inaliénable. Lev., xxv, 10, 13 ; cꝟ. 8-16, 23-35. Comme des besoins urgents pouvaient contraindre le propriétaire à céder son champ afin de se procurer des ressources indispensables, il ne lui était pas interdit de le vendre ; mais cette vente n'était que temporaire, et le champ revenait à son propriétaire à l’année jubilaire. Voir Jubilaire (Année), Propriété. Afin de restreindre d’ailleurs les ventes dans la mesure du possible, le législateur prévenait l’accroissement et l’accumulation des dettes en interdisant l’intérêt, Lev., xxv, 37, etc., et en annulant ces dettes tous les sept ans, à l’année sabbatique ( voir ce mot). Deut., xv, 2-3. Plus tard, les prophètes s'élevaient contre les riches qui « ajoutaient champ à champ ». Is., v, 8. On sait combien sévèrement Dieu punit, en la personne de Jézabel et d’Achab, la violation des lois de la propriété, faite au préjudice de Naboth. III Reg., xxi ; IV Reg., ix, 21, 25-26, 35. Les bornes qui séparaient et distinguaient les champs durent rester telles qu’elles avaient été primitivement placées. Deut., xix, 14. Voir Bornes.

Grâce à la législation mosaïque, l’agriculture fut ainsi l’occupation presque exclusive des Israélites jusqu'à la captivité de Babylone. Au retour de la captivité, elle demeura encore l’occupation principale, quoique beaucoup d’entre eux s’adonnassent à partir de cette époque au négoce et à l’industrie. Cf. Eccli., vii, 16.

IV. Produits agricoles. — Les principales espèces de grains cultivées en Palestine étaient le froment et l’orge, Deut., viii, 8 ; II Sam. (II Reg.), xvii, 28 ; cf. Ezech., iv, 9, etc., auxquels il faut joindre le millet. Ezech., iv, 9. L’avoine n’est jamais mentionnée dans l'Écriture, non plus que le seigle, qui aujourd’hui encore est à peine connu en Syrie. Les terres les plus fertiles produisaient soixante et même cent pour un, mais la moyenne paraît avoir été de trente pour un. Gen., xxvi, 12 ; Matth., xiii, 8.

Parmi les légumes qu’on recueillait dans la Terre Sainte, on remarque les lentilles, II Sam. (II Reg.), xxiii, 11, etc., « t les fèves, H Sam. (II Reg.), xvii, 28 ; parmi les plantes aromatiques, la nigelle et le cumin, Is., xxviii, 25 ; parmi les plantes potagères, les concombres et les citrouilles. Cf. Is., i, 8. Les oignons, les poireaux, les aulx, les melons, ne sont jamais nommés parmi les productions de la terre de Chanaan ; mais on ne saurait douter qu’ils

ne fussent cultivés, quoique les écrivains bibliques n’aient pas eu occasion d’en parler. Le lin devait être un objet assez important de culture, Job., ii, 6, à cause de l’usage qu’on en faisait pour tisser les vêtements, Prov., xxxi, 13. Le cotonnier n’est pas très rare aujourd’hui en Syrie, mais on ignore depuis quelle époque il y est connu.

La vigne était une des principales richesses de la Palestine, et on la cultivait avec le plus grand soin, cf. Is., v, 2 ; Matth., xxi, 33, ainsi que l’olivier, qui donnait de l’huile en abondance, Deut., viii, 8 ; I Par., xxvii, 28 ; Jud., ix, 8-9 ; III Reg., v, 11, et le figuier, qui est encore aujourd’hui très commun dans certaines parties du pays, où il Jorme des vergers fort étendus. Deut., viii, 8 ; 1Il Reg., iv, 25 ; Zach., iii, 10 ; Luc, xiii, 6-9. Dans les endroits propices, on plantait aussi le grenadier, Deut., viii, 8, dont le fruit est fort apprécié dans les pays chauds ; le sycomore, Amos, vii, 14, qui produit une grande partie de l’année des figues dont les gens pauvres faisaient leur nourriture ; le palmier, l’un des arbres les plus estimés de l’Orient, mais qui ne pouvait prospérer et produire ses dattes que dans certaines parties de la Terre Sainte, cf. Jud., iv, 5 ; Deut., xxxiv, 3, etc ; l’amandier, cf. Jer., i, 11-12 (texte hébreu) ; le baumier. Ezech., xxvii, 17, etc. L’oranger, qui fait aujourd’hui l’orgueil et la richesse de Jaffa, n’avait pas été encore acclimaté dans l’antiquité en Palestine. Voir Selah Merrill, Fruit Culture in Palestine (United States' Consular Reports, n° 45), Washington, 1884, p. 51 et suiv. ; 0. Ankel, Grundzûge der Landesnatur des Westjordanlandes, in-8°, Francfortsur-le-Main, 1887, p. 1Il et suiv.

Tout en faisant produire à la terre des récoltes variées, on ne négligeait pas l'élève des troupeaux, cette précieuse ressource de l’agriculteur, qui trouve là un moyen de se nourrir et de se vêtir. I Par., xxvii, 29-31, etc. Les Israélites, comme les Orientaux de nos jours, mangeaient peu de viande, mais ils faisaient une grande consommation de lait et de beurre ; la toison de leurs brebis servait à leurs femmes pour tisser les étoffes et fabriquer des vêtements, Prov., xxxi, 13, 19 ; les bœufs et les ânes étaient leurs auxiliaires dans les travaux de la campagne. L’excédent de leur récolte en blé, en olives, en raisins, en toisons, etc., leur fournissait le moyen d’acheter par échange, soit auprès de leurs compatriotes, soit auprès des caravanes qui traversaient leur pays, soit enfin auprès de leurs voisins, les Phéniciens ou les Philistins, les objets de nécessité ou de luxe qu’ils désiraient se procurer. Ezech., xxvii, 17 ; cf. Prov., xxxi, 22, 24 ; I Esdr., m, 7, etc. Voir Commerce, Industrie.

V. Mode de culture. — Les Israélites cultivaient en général leurs terres avec beaucoup de soin, et les rendaient très productives. Elles étaient pour la plupart très fertiles, comme elles le sont encore aujourd’hui là où la négligence et l’incurie n’ont pas produit leur résultat funeste. Voir Cl. R. Conder, The fertility of ancient Palestine, dans le Survey of Western Palestine, Spécial Papers, part, ii, p. 195 et suiv.

On remuait la terre avec la houe, Is., vii, 25, et quand le terrain le permettait, lorsqu’il était uni ou à pente douce, le bœuf et l'âne étaient aussi communément employés, en Palestine comme en Egypte (fig. 46-48), pour les travaux des champs. Cf. Deut., xxii, 10 ; Is., xxx, 24, etc. On préparait avec la houe ou avec la charrue le terrain qu’on voulait ensemencer. La quantité de terre labourée en un jour par une paire de bœufs s’appelait sémed. I Sam., xiv, 14. On faisait travailler quelquefois plusieurs paires de bœufs dans le même champ. I (III) Reg., xix, 19. Voir Labourage. La herse complétait l'œuvre de la charrue, Is., xxviii, 24 ; Job, xxxix, 10, brisait les mottes et rendait le sol uni pour recevoir la semence. Voir Herse. La manière d’ensemencer variait selon la nature de la semence. Voir Semailles. La loi interdisait de semer dans le même champ deux espèces différentes de plantes. Lev., six, 19. On trempait dans l’eau certaines semences,

Lev., xi, 38, avant de les confier à la terre. Un

des Proverbes, xxiv, 30-31, fait indirectement allusion

à l’usage de sarcler les champs, et Isale nous apprend

chimiques de restituer à la terre par des engrais choisis les substances qu’elle avait perdues, et qui lui sont indispensables pour qu’elle soit fertile.

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46. — La culture en Egypte.

Trois hommes travaillant la terre avec la boue, à droite. Une paire de bœufs labourant avec la charme, à gauche.

D’après une peinture des tombeaux de Benl-Hassan, xii° dynastie. Lepslus, Abth. ii, pl. 127.

qu’on épierrait les vignes. Is., v, 2. Jérémie parle de défrichage, iv, 3. Cf. Osée, x, 12 ; Prov., xiii, 23. Pour augmenter la fertilité naturelle du sol, on l’en Les travaux agricoles étaient exécutés ou dirigés par le maître ou chef de famille. Personne ne dédaignait de cultiver son champ. Gédéon battait son blé quand Dieu

47. — Battage et vannage du blé en Egypte. Bœufs battant le blé dans une aire, à gauche ; à droite sont deux vanneuses. D’après une peinture des tombeaux de Saqqara.

Lepslus, Abth. ii, pl. 47.

graissait avec du fumier, cf. IV Reg., rx, 37 ; Jer., ix, 22 ; xrv, 4, ou avec les cendres de la paille et des autres débris de la récolte, qu’on brûlait sur place. Is., v, 24 ; cf. XL vii, 14 ;

l’appela à être juge d’Israël. Jud., vi, 11. Saûl, après son élévation à la royauté, ramenait encore ses bœufs de ses terres, I Sam. (I Reg.), xi, 5 ; le prophète Elisée était

48. — Battage dn blé en Egypte. Anes battant le blé dans une aire. Tombeaux de Saqqara. Lepslus, Abth. ii, pl. 47.

Joël, ii, 5. L’année sabbatique, qui consistait à laisser une année les terres en friche, avait pour but principal de faire reposer le sol, afin qu’il ne s'épuisât point en produisant toujours sans interruption. Ce repos était nécessaire, à une époque surtout où l’on ignorait les moyens

occupé à labourer quand Élie lui imposa son manteau. III Reg., xrx, 19. Il est écrit du roi Ozias qu’il s’occupa beaucoup d’agriculture. II Par., xxvi, 10. On se faisait aider, surtout au temps de la moisson, où il fallait un plusgrand nombre d’hommes, par des mercenaires. Rulh, 285

AGRICULTURE CHEZ LES HÉBREUX — AGRIPPA

ii, 4 ; IV Reg., iv, 18. On faisait de même pour les travaux de la vigne. Matth., xx, 1-7. Quand les ouvriers étaient nombreux, il y avait un chef ou surveillant qui était placé à leur tête. Ruth, ii, 5 ; I Par., xrvu, 26-31. Comme la plus grande partie de la Palestine est montagneuse, on construisait sur le flanc des collines et sur les pentes des murs formant terrasse, de manière à faciliter la culture et à retenir la terre végétale, pour qu’elle ne fût pas emportée à l’époque des pluies. On entretenait ces terrasses avec soin, et c’est la négligence qu’on a apportée depuis à les conserver qui a rendu une si grande partie du pays stérile. Çà et là, on en voit encore des restes. Dans les plaines, on arrosait les terres, lorsqu’il était possible d’y amener les eaux au moyen de petits canaux. C’est à quoi lait allusion le texte des Proverbes, xxi, 1, « divisiones aquarum ; » le mot rendu dans la Vulgate par « divisions des eaux » est en hébreu péleg, qui signifie « canal ». (Ce mot péleg se lit aussi Ps. i, 3.) Cf. Mischna, Moed qaton, I, 1 ; Surenhusius, Mischna sive totius Hebrœorum juris systema, Amsterdam, 1698, t. ii, p. 403.

Afin de protéger les récoltes contre les bêtes fauves et les maraudeurs, on entourait souvent les champs de haies, Is., v, 2-5 ; Matth., xxi, 33 ; cf. Ps. lxviii, 41 ; Ezech., xxxviii, 20, etc., et l’on y élevait, surtout dans les vignes, des tours de garde où il y avait des gardiens pour les surveiller, Is., 1, 8 ; Jer., iv, 17 ; Job, xxvii, 18, etc., usage qui subsiste encore, dans les environs de Bethléhem, par exemple. Voir Tours de garde. Quand il n’y avait pas de haie ou de mur, on entourait quelquefois la partie de la propriété où était semé le blé ou l’orge d’une bordure de kussémef (probablement la vesce), comme nous l’apprend Isaïe, xxviii, 25, afin de défendre ainsi contre les déprédations des passants ce qui devait fournir la récolte principale. La loi autorisait d’ailleurs les passants qui avaient faim à cueillir quelques épis avec la main. Deut., xxm, 25 ; Matth., xil, 1.

VI. Fléaux de l’agriculture. — Les fléaux les plus fréquents et les plus redoutables pour les cultivateurs étaient la sécheresse et les sauterelles. La sécheresse est mortelle pour les récoltes dans les pays chauds, la terre ne pouvant produire qu’autant qu’elle a l’humidité nécessaire. La presque totalité de la Palestine n’ayant pas d’autre arrosage que celui du ciel, quand la pluie fait défaut, on ne peut compter sur aucune récolte, et la famine en est la conséquence. Malheureusement le cas n’est pas très rare ; les Livres Saints en mentionnent un certain nombre d’exemples, à partir de l’époque patriarcale. Gen., xii, 10 ; xxvi, 1 ; xlii, 5 ; xmi, 1, etc. L’insuffisance de la pluie était naturellement plus ou moins nuisible aux récoltes, selon que cette insuffisance était plus ou moins grande. Si la pluie arrivait à contretemps, elle était également désastreuse. — Les sauterelles étaient aussi un ennemi redoutable pour les récoltes. Lorsqu’elles étaient nombreuses, elles ravageaient et dévoraient tout. III Reg., vin, 37 ; Joël, i, 4-7. Voir Sauterelles.

A. ces deux fléaux destructeurs, il faut en ajouter un troisième, qui était moins grave et moins général, mais qui faisait néanmoins encore beaucoup de mal : le vent brûlant de l’est, ventus urens, appelé en hébreu qâdîm (connu en Egypte sous le nom de khamsin). Lorsqu’il soufflait avec violence et d’une manière un peu prolongée, il desséchait les épis et les empêchait de porter leur fruit, en produisant une sorte de brûlure, qui lui a fait donner le nom d’uredo dans quelques passages de la Vulgate. Gen., XLI, 6, 23.

Contre tous ces fléaux, l’homme est impuissant. Dieu s’en servit miraculeusement, dans l’ancienne Loi, comme nous l’avons vu plus haut, pour tenir son peuple dans l’obéissance ; il le châtia par la lamine, quand ses ordres furent violés et méconnus ; il le récompensa, au contraire, par d’abondantes récoltes, lorsque ses prescriptions furent exactement observées et son culte fidèlement pratiqué. Is.,

xxx, 23 ; Jer., iii, 3 ; y, 24 ; xiv, i ; Ps. Lxvii, 10 ; cxlvi, 8 ; Zach., x, 1, etc.

VII. L’agriculture dans les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. — L’agriculture, tenant une si grande place dans la vie des Hébreux, en occupe aussi naturellement une considérable dans l’Écriture Sainte. Elle nous a fourni les renseignements qui précèdent, soit directement par des informations historiques, soit indirectement par voie d’allusion et de comparaison. Les auteurs sacrés n’ont jamais parlé ex professo de l’agriculture, mais leurs écrits sont pleins d’indications sur ce sujet. Ceux qui ont rédigé les livres historiques nous ont instruits sur ce point par le récit même des faits ; les écrivains didactiques et les prophètes en ont tiré, comme d’un trésor inépuisable, une multitude d’images et de métaphores. Osée, x, 11 - 13, etc. La culture de la vigne a fourni à Isaïe le sujet d’une de ses plus belles allégories, Is., v, 1-7 ; cf. Jer., ii, 21 ; Ezech., xvii, 6, etc. ; Notre -Seigneur a emprunté aux travaux agricoles une grande partie de ses paraboles, Matth., xiii, 3-41 ; Luc, viii, 5-15, etc. ; saint Paul s’est servi du mystère de la germination de la semence dans le sein de la terre pour enseigner aux Corinthiens le dogme de la résurrection des corps, I Cor., xv, 36-37, et de la comparaison de l’olivier sauvage et de l’olivier franc pour expliquer aux Romains la vocation des Gentils à la foi, Rom., xi, 17 ; il nous apprend que nous sommes, « Dei agriculture, » un champ que Dieu lui-même cultive ; par ses ministres, il plante et arrose la foi dans nos âmes, et lui-même y fait croître et porter des fruits. I Cor., iii, 6-7, 9. Il faudrait citer une partie notable des Psaumes, des Proverbes, de l’Ecclésiastique et des livres prophétiques, rien que pour faire connaître les figures principales que leur ont fournies la vie, les travaux et les productions agricoles. Mentionnons seulement la peinture que l’Ecclésiastique nous fait de la Sagesse, comparée a un arbre qui jette de profondes racines, xxiv, 13, 16, et qui est belle comme les plus beaux arbres, embaumée comme les parfums les plus odorants, féconde comme la vigne la plus fertile, xxiv, 17-23. La vie pastorale, inséparable de la vie agricole proprement dite, n’a pas donné moins d’images aux écrivains sacrés. Ps. xxii, 1-4 ; Ezech., xxxiv, Joa., x, etc.

VIII. Bibliographie. — Bl. Ugolini, Commentarius de re rustica Hebrxorum, dans son Thésaurus antiquitatum sacrarum, t. xxix, 1765, col. 1-520 ; Chr. B. Michælis, Dissertatio philologica de antiquitatibus œco~ nomix patriarcalis, dans la même collection, t. xxiv, col. ccxxih-ccclxxiv ; H. Chr. Paulse, Zuverlâssige Nachrichten von dem Ackerbau der Morgenlânder, mit Kupfern, in-4°, Helmstadt, 1748 ; Mt. Norberg, De agricultura orientali, dans ses Selecta opuscula academica, édit. J. Norrmann, 3 in-8°, Lund, 1817-1819, t. iii, p. 474 et suiv. ; P. S. Girard, Mémoire sur l’agriculture de l’Egypte, dans la Description de l’Egypte, État moderne, t. ii, I™ part., in-f°, Paris, 1812, p. 491-711 ; J. Jahn, Biblische Archàologie, 5 in-8°, Vienne, t. i, 2e édit., 1817, § 63-88, p. 339-431 ; J. L. A. Reynier, De l’économie politique et rurale des Arabes et des Juifs, in-8°, Genève et Paris, 1820 ; P. Schegg, Biblische Archàologie, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1886, p. 62-104.

F. Vigouroux.

    1. AGRIPPA##

AGRIPPA (’Arpîmcoç). Nom qui a été assez commun chez les Grecs et les Romains, et qui a été porté par deux membres de la famille d’Uérode. La signification en est inconnue.

1. AGRIPPA I". Il fit mourir saint Jacques le Majeur et emprisonner saint Pierre. U n’est désigné dans les Actes que sous le nom d’Hérode. Act., xii, 1, 6, 11, 19-23. Voir Hérode 6.

2. AGRIPPA II. Hérode Agrippa ii, surnommé le Jeune par Josèphe, Ant. jud., XX, v, 2, arrièrepetit-fils d’Hérode le Grand, était fils d’Hérode Agrippa 1° et

de Cypros, petite-nièce d’Hérode. II est nommé simplement Agrippa dans les Actes, xxv, 13 ; xxvi, 32. À la mort de son père, en 44, il était âgé de dixsept ans, et résidait à Rome, où il était né. L’empereur Claude lui promit la succession de son père ; mais, sur les observations de ses conseillers, il revint sur ses promesses, et envoya un procurateur en Judée, Cuspius Fadus. En 50, Agrippa II fut nommé roi de Cbalcis, petite principauté du Liban, à la place de son oncle décédé, Hérode, frère d’Agrippa I". Comme son oncle, il fut gardien du temple et de ses trésors, il eut le droit de nommer les grands prêtres. En 52, en échange de la principauté de Chalcis, Claude lui donna, avec le titre de roi, la tétrarchie de Philippe (Batanée, Trachonite, Iturée, Auranite et Gaulanite) et "Abylène de Lysanias. Josèphe, Ant.jud., XX, vii, 1. Néron y ajouta Tibériade et Tarichée, avec les cercles environnants, puis Julias en Pérée et quatorze bourgs autour de cette ville. Ibid., XX, viii, 4. Les médailles d’Agrippa II sont nombreuses (flg. 49). Voir Eckhel, Doct. num. veter., t. iii, p. 493-496 ; Frd. W. Madden, Coins of the Jews, p. 139-169.

Agrippa II prit part à deux expéditions des Romains contre les Parthes et en Arménie. En mai 66, les Juifs,

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49. — Monnaie d’Agrippa II.

Tête d’Agrippa, & gauche. BÀCIAEQfC] ArPIIÏÏIOY. — r). Une ancre. L. I (An 10, probablement de l'ère de Cbalcis,

  • 8 de notre ère).

poussés à bout par la cruauté et les vexations du procurateur Florus, se révoltèrent. Agrippa vint à Jérusalem et essaya de calmer les esprits ; mais lorsqu’il conseilla de se soumettre à Florus jusqu'à l’arrivée d’un nouveau procurateur, des murmures éclatèrent, et il fut obligé de quitter précipitamment la ville. La lutte engagée, il se rangea du côté des Romains, et joignit ses troupes aux leurs. Après la prise de Jérusalem, le royaume d’Agrippa fut augmenté, Photius, Bibl., cod. 33, t. ciii, col. 65 ; mais les renseignements sur ce point, ainsi que sur la vie subséquente de ce prince, sont rares et incertains. On dit qu’il mourut en l’an 100 après J.-C, à l'âge de soixante-treize ans. Est-ce à Rome, où il se serait retiré avec sa sœur Bérénice ? Quoiqu’on l’ait dit, c’est peu probable. Les historiens Tacite, Suétone, Dion Cassius, ainsi - que le docteur juif Justus de Tibériade, parlent à diverses reprises d’Agrippa II et de sa sœur Bérénice, comme résidant à Tibériade. Agrippa paraît même avoir été à cette époque en excellentes relations avec les rabbins. On possède d’Agrippa II des pièces de monnaie de l’an 95. Eckhel, loc. cit., p. 493.

Agrippa II aimait les lettres et les arts, et connaissait bien les livres sacrés de sa nation, puisque saint Paul en appelle à son témoignage sur leur contenu, Act., xxvi, 3, 26, 27 ; il s’intéressait aux problèmes de casuistique rabbinique, et l’on a conservé de lui diverses questions, qu’il avait posées aux docteurs de son temps. Tanchouma, édit. d’Amsterdam, 1733 ; ꝟ. 7 a ; Soucca, ꝟ. 27 a. Il est vrai que « ces passages, dit J. Derenbourg, Essai sur l’histoire et la géographie de la Palestine, d’après les Talmuds, 1™ part., p. 254, trahissent une grande légèreté de mœurs, unie à une puérile préoccupation d’observer avec rigueur certaines minuties de la loi ». Comme tous les Hérode, Agrippa II fut un grand constructeur ; il bâtit de nombreux monuments à Tibériade et à Béryte ; il s’entourait de pompe et de magnificence. Act., xxv, 25. Il fut l’ami des Romains et des procurateurs qui se succédèrent

en Judée durant son règne, en particulier de Festus, auprès duquel il paraît avoir été en grande faveur, Act., xxv, 13, 14 ; mais il fut détesté des Juifs et surtout de la caste sacerdotale. Seuls les Pharisiens avaient quelque sympathie pour lui. On lui reprochait d’avoir transformé les nominations de grands prêtres en source de revenus, d’avoir permis aux procurateurs de puiser dans le trésor du temple, d’empiéter sur les droits des prêtres, d’avoir fait élever un palais qui dominait le temple, d’entretenir avec sa sœur Bérénice des rapports incestueux. Surtout on ne lui pardonnait pas sa complaisance pour les Romains ; on l’accusait aussi, sinon de favoriser les chrétiens, du moins de ne prendre aucune mesure répressive contre eux. Le grand prêtre Hanan ayant, à la faveur d’un changement de procurateur, fait condamner et lapider saint Jacques le Mineur, Agrippa le destitua, quoique Hanan ne fût en fonction que depuis trois mois.

Il est bien difficile cependant de savoir exactement ce qu’il pensait au sujet de la personne et de l’enseignement de Jésus-Christ. Sa conduite et ses réponses, lors de la célèbre entrevue que le procurateur Festus lui ménagea avec saint Paul, sont assez ambiguës pour permettre toute sorte de conjectures. A-t-il agi par simple curiosité d’esprit, ou désirait-il connaître la vérité? Ses paroles, Act., xxvi, 82, sont-elles ironiques, comme l’ont cru surtout quelques interprètes modernes ? Ou était-il de bonne foi, et fut-il réellement ébranlé par l’argumentation et l’interrogation de l’Apôtre ? Les commentateurs catholiques, en général, seraient de cet avis. En fait, la réponse du roi est assez équivoque ou plutôt difficile à interpréter. On ne sait quel sens exact attribuer à la locution iv ôXCyu, in modico. Act., xxvi, 28. Cependant on ne peut nier qu’Agrippa n’ait été convaincu par la défense de l’Apôtre, puisqu’il affirme au procurateur que saint Paul pourrait être renvoyé, s’il n’en avait appelé à César. C'était, après l’audience, l’opinion des trois interlocuteurs, Agrippa, Bérénice et Festus : « Cet homme n’a rien fait qui mérite la mort ou les chaînes. » Quoi qu’il en soit, Agrippa ne changea rien, après cette entrevue avec saint Paul, dans sa ligne de conduite. Josèphe, Antiq. jud., XVIII, v, 4 ; XIX, ix, 2 ; XX, ix, 4 ; Bell, jud., II, xiii, 1 ; xvi, 3 ; xvii, 1, etc. ; Dion Cassius, lx, 8 ; Tacite, Hist., ii, 81 ; v, 1-13 ; Ann., xii, 23 ; xiii, 7. E. Jacquier.

AGUR (hébreu : 'Âgûr, « collectionneur » ), fils de Yâqéh. Ce nom se lit en tête du premier des trois appendices qui terminent le livre des Proverbes de Salomon, xxx, 1. La plupart des anciens commentateurs juifs et catholiques ont considéré le nom d’Agur comme symbolique, et c’est en suivant cette opinion que saint Jérôme a traduit dans la Vulgate : Verba Congregantis, filii Vomentis. Il rend les noms propres par des noms communs, parce qu’il suppose que le nom d’Agur, Congredans, « collectionneur, » a été pris par Salomon comme celui de Kôhélef ou Ecclésiaste, Eccle., i, 1, et que le nom de Yâqéh, Vomens, « vomissant, » est celui de David. Il faut convenir que ces interprétations sont peu naturelles, et qu’il est plus simple d’admettre qu’il a existé réellement un Israélite, renommé pour sa sagesse, auteur des maximes réunies dans Proverbes, xxx, 1-33, et appelé Agur, fils de Yâqéh. D’après la suite du texte, tel qu’on le lit d’après les Massorètes, il semble avoir eu pour disciples ou pour amis deux autres personnages, Ithiel et Ukal. Notre Vulgate n’a point vu là des noms propres, et elle a traduit : Visio, quant locutus est vir, cum quo est Deus, et qui Deo secum morante confortatus… Un certain nombre de commentateurs modernes sont d’accord avec notre version latine pour couper les mots autrement que ne le fait le texte massorétique, mais ils expliquent ainsi le sens : « Je me suis fatigué, ô Dieu, et je suis sans force, » ou « je me suis retiré. » Enfin plusieurs, tels que Bunsen, Bibehærk, t. i, p. clxxviii, croient que le mot matoâ', que saint Jérôme a rendu par « vision », et qui, d’après certains modernes, signifie ici <t poème », désigne le pays ou la tribu à laquelle appartenait Agur, du nom de Massa, un des fils d’Ismaël. Gen., xxv, 14. Dans ce dernier cas, Agur aurait été Ismaélite, non Israélite. Toutes ces hypothèses peuvent être soutenues, mais aucune ne peut être prouvée. Voir 0. Zockler, TheProverbs ofSolomon, trad. Aiken, p. 247-248 ; F. Delitzsch, Commentary on the Proverbs of Solomon, trad. Easton, 2 in-8°, Edimbourg, 1874-1875, t. ii, p. 260-272. F. Vigouroux.

    1. AHALAB##

AHALAB (hébreu : 'Ahlâb ; Septante : AaWqi), ville de la tribu d’Aser, dont les Chananéens ne furent pas expulsés. Jud., i, 31. Omise comme Accho (Saint-Jeand’Acre) dans la liste des villes appartenant à la même tribu, Jos., xix, 25-30, elle n’est mentionnée qu’en ce seul endroit de l'Écriture. C’est, d’après quelques auteurs, la Gischala de Josèphe, Vita, 10 ; Bell, jud., II, xx, 6 ; IV, ii, 1, et la Gouch-Halab des rabbins, si renommée pour l’abondance de ses huiles. Nous lisons, en effet, dans le Talmud de Babylone : « On avait une fois besoin d’huile à Laodicée ; on envoya à Jérusalem et à Tyr pour en acheter ; mais on ne trouva la quantité voulue qu'à GouchHalab. Voilà pourquoi il est dit dans la Bible, à propos de la tribu d’Ascher : Il trempe ses pieds dans l’huile. » Menalwth, 85 b ; Siphré, Deutéronome, 345 ( édit. Friedmann, p. 148 a). De ce passage, M. Neubauer conclut que Gouch-Halab se trouvait dans les possessions d’Aser, et qu’on peut l’identifier avec la ville biblique d’Ahalab. La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 230. En effet, la dernière partie du mot composé, Ifalab, a la même étymologie et le même sens que hdlab, « être gras, » allusion à la fertilité du territoire. Cf. Gesenius, The-' saurus linguse heb., p. 474. Cette épithète ayant disparu dans la suite des temps, la première partie, ou le nom proprement dit, Gouch, « motte de terre, » est restée seule, et se retrouve aujourd’hui reproduite exactement dans l’arabe El-Djich. C’est donc avec une certaine vraisemblance qu’on place au village de ce nom Ahalab, devenue Gouch-Halab et Fi^x^a, malgré la pointe que projette ainsi la tribu d’Aser sur le territoire deNephthali. Voir la carte de la tribu d’Aser.

El-Djich se trouve, au nord-ouest de Safed et non loin du Djebel Djarmouk, sur les pentes méridionales d’une colline qui s'élève par étages successifs et par terrasses, que soutiennent de gros blocs offrant pour la plupart une apparence antique. Au-dessus et un peu avant d’atteindre le plateau supérieur, on distingue les vestiges d’un mur d’enceinte construit en pierres de taille très régulières. Ce sont là les traces de la muraille qui environnait jadis l’acropole de l’ancienne Gischala. Le plateau qu’elle couvrait est à 809 mètres au - dessus delà mer ; il est actuellement planté de vignes, de figuiers et d’oliviers, et divisé en plusieurs enclos. Les flancs inférieurs de la colline sont percés de nombreuses grottes sépulcrales, qui sont presque toutes détruites en partie ou bouchées. Les morts y étaient déposés dans des fours à cercueil, dans des auges funéraires creusées dans l'épaisseur du roc évidé, ou dans des sarcophages mobiles, dont les cuves et les couvercles mutilés ont été disséminés par les habitants. On remarque également une plate-forme en partie naturelle et en partie artificielle, sur laquelle gisent les débris d’une ancienne synagogue. Cf. V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. ii, p. 95-96.

Cette ville eut une certaine importance aux derniers temps de l’histoire juive, et Josèphe nous a rapporté les principaux faits qui la concernent. Incendiée et rasée par les peuples voisins, les Gadaréniens, les Tyriens, etc., Gischala fut relevée de ses ruines par Jean, fils de Lévi, qui la rendit plus importante qu’auparavant, et l’entoura de remparts, afin d’assurer à l’avenir sa sécurité. Vita Jos., 10 ; Bell, jud., II, XX, 6. Plus tard, le même Jean chercha à soulever la population contre les Romains. Vespasien envoya alors Titus, av « e ? une troupe de mille


cavaliers, pour s’emparer de la ville. Le chef de la sédition réussit à s'échapper pendant la nuit, et prit la route de Jérusalem. Les habitants s’empressèrent aussitôt d’ouvrir leurs portes aux Romains. Bell, jud., IV, ii, 1-5. C’est à tort qu’une tradition, rapportée par saint Jérôme, nous représente les parents de saint Paul, et l’Apôtre luimême, comme originaires de Gischala, transportés ensuite par les Romains à Tarse, en Cilicie. S. Jérôme, Comment, in Ep. ad Philem., v, 23, t. xxvi, col. 617 ; Liber de viris illustribus, t. xxiii, col. 615. Gischala faisant partie de la Galilée, comme nous l’apprend Josèphe, né pouvait appartenir à la tribu de Benjamin, ni être « un bourg de Judée », toc. cit. ; à moins de supposer, ce qui est fort improbable, que la Judée possédait une seconde ville du même

nom.
A. Legendre.
    1. AHARA##

AHARA (hébreu : 'Ahrah pour 'Ahar’ah, « après le frère [?] ; » Septante : 'Aapi), troisième fils de Benjamin, I Par., viii, 1. Il est nommé Ahiram (hébreu : 'Àhîrâm, « mon frère est élevé ; » Septante : 'Ior/.piv), chef de la famille des Ahiramites, dans les Nombres, xxvi, 38. Il semble être le même que Échi, Gen., xlvi, 21 ; mais il n’occupe pas dans ce passage le rang qu’il devrait avoir comme troisième fils de Benjamin. Les Septante, Gen., xlvi, 21, font Échi fils de Bala et seulement petit-fils de Benjamin.

    1. AHARÉHEL##

AHARÉHEL (hébreu : 'Âharhêl, « derrière le rempart [?] ; » Septante : àSsXtpôî 'Prjxâë), fils d’Arum, de la famille de Cos et de la tribu de Juda. I Par., iv, 8.

    1. AHASTHARI##

AHASTHARI (hébreu : hâ'- ÂhaS(ârî, nom d’origine persane, avec l’article, « le muletier ; » Septante :-rôv "Aatrdnp), un descendant immédiat d’Assur, de la tribu de Juda, par Naara, sa seconde femme. I Par., iv, 6. C’est peut-être ici le nom d’une famille.

    1. AHAVA##

AHAVA (hébreu : 'Ahâvâ' ; Septante : 'Aoul ; S 'Eu ! ), rivière, I Esdr., viii, 21, 31, et pays qu’elle arrose, I Esdr., vm, 15. C’est là que se rassemblèrent les Juifs qui retournèrent avec Esdras en Palestine. Ahava n’a pu être encore identifié avec certitude. Leclerc et Mannert ont supposé que c'était Adiaba ; Hâvernick, que c'était Abéh ou Avéh ; Rosenmuller, que c'était le grand Zab. D’autres, comme M. Schrader, Riehm’s Handwôrterbuch des biblischen Altertums, t. i, p. 39, croient que l’Ahava coulait en Babylonie. Cette opinion paraît de prime abord la plus vraisemblable ; car les Juifs ayant été déportés à Babylone et dans le voisinage, il est naturel que ce soit sur un point de ce pays qu’ils se réunissent pour se mettre en route, et non au nord de la Chaldée. Dans ce cas, l’Ahava aurait été un canal dérivé de l’Euphrate ou du Tigre. Cependant, comme le chemin le plus commode pour aller' en Palestine est celui du nord, un certain nombre de critiques pensent aujourd’hui qu’Ahava n’est pas différent de Hit, célèbre gué de l’Euphrate, qui est en droite ligne à l’est de Damas. Le nom talmudique de Hit, « Ihi » ou « Ihi Dagira », « le puits de bitume, » rappelle le nom d’Ahava. Voir G. Rawlinson, Herodotus, t. i, p. 316, note.

AHAZ (hébreu : 'Ahàz, « possesseur, » ou plutôt abréviation de 'Âhazyâh, « Jéhovah possède ; » Septante : A^ôî), Benjamite, fils de Micha, de la postérité de Saûl par Jonathas. Il fut père de Joada ou Jara. I Par., viii, 35-36 ; a, 41-42.

    1. AHAZI##

AHAZI (hébreu : 'Ahzaï, abréviation de 'Ahazyâh, « Jéhovah possède ou soutient ; » omis dans les Septante), prêtre, ancêtre de Maasaï ou Amassai. II Esdr., xi, 13° Nommé Jezra, I Par., ix, 12.

AHER (hébreu : 'Ahêt ; « autre, suivant ; » Septante :

I. - 12

291

AHER

AHIAM

292’Aôp), de la tribu de Benjamin, père des Ilasim. I Par., vu, 12.

AHI, hébreu : ’Âfyi, « mon frère, » ou plutôt abréviation de’Âfyiyâh, « Yah, c’est-à-dire Jéhovah, est mon frère, c’est-à-dire ami. »

1. AHI (Septante : A-^fp), fils de Somer, de la tribu d’Aser. I Par., vii, 34.

2. AHI, fils d’Abdiel, de la tribu de Gad, à l’époque de Joathan, roi de Juda. I Par., v, 15. Les Septante et la Vulgate n’ont pas reconnu un nom propre dans ce mot, et l’ont traduit par àBeXpoO et par fratres.

    1. AHIA ou AHIAS##

AHIA ou AHIAS, hébreu : ’Afyiyâh, ’Ahiyâhû, « Jéhovah est mon frère, c’est-à-dire ami ; » Septante :

  • A-/tâ. Le même nom a été transcrit en plusieurs endroits

de la Vulgate sous la forme Achia> Voir Achia.

1. AHIA, un des guerriers renommés de l’armée de David. Il était de la ville de Pheloni. I Par., xi, 36.

2. AHIA, fils de Sisa et secrétaire du roi Salomon. m Reg-, iv, 3.

3. AHIA, père de Baasa, roi d’Israël. Il était de la tribu d’Issachar. III Reg., xv, 27, 33 ; xxi, 22 ; IV Reg., ix, 9.

5. AHIA, surnommé le Silonite, parce qu’il était originaire de Silo en Éphraïm, III Reg., xiv, 2, prophète suscité de Dieu pour notifier ses royales destinées à Jéroboam, son compatriote, qui remplissait alors à la cour de Salomon la fonction de surveillant général des corvées (hébreu : mâs) imposées par le roi à la maison de Joseph, pour l’exécution de plusieurs grands travaux. III Reg., xi, 28. Ahia l’aborda un jour qu’il était sorti sans suite, et le conduisant à l’écart (Septante : knim^ati ocOtov ! /. rîjî ôSoO, mots ajoutés à l’hébreu) dans un champ, il se dépouilla du manteau neuf qu’il portait (hébreu : Umlah, pièce d’étoffe rectangulaire, dans laquelle les anciens s’enveloppaient, comme aujourd’hui les Arabes dans leur kaïk), et le coupa sous les yeux de Jéroboam en douze parts, ajoutant ces paroles prophétiques : « Prenez dix parts pour vous, car voici ce que dit le Seigneur Dieu d’Israël : « Je « déchirerai et diviserai le royaume de Salomon, et je vous « en donnerai dix tribus. » III Reg., xi, 31. Il ajouta la raison de ce châtiment à l’égard du fils de David : il devait être ainsi puni de son idolâtrie. III Reg., xi, 29-33. Cette action symbolique, conforme au génie oriental et usitée dans le ministère prophétique, Is., viii, 1-4 ; Jer., xiii, 1-11 ; xix, 1-10 ; xxvii, 2-11 ; Ezech., iii, l-3 ; iv, l, et les paroles qui l’accompagnaient furent réalisées lorsque, dix tribus s’étant révoltées sous Roboam, Jéroboam, revenu d’Egypte, où Salomon l’avait exilé, accepta de se mettre à leur tête, et de constituer avec elles un royaume indépendant. III Reg., xii, 1-33. Le manteau neuf d’Ahia représentait bien le royaume de Salomon, qu’aucune division n’avait encore atteint, et les dix morceaux mis à part figuraient, selon l’interprétation du prophète lui-même, les dix tribus sur lesquelles il devait régner. Il faut s’écarter du sens naturel du texte pour y voir avec Rupert les neuf dynasties des rois d’Israël, et la ruine de leur royaume par les Assyriens. Rupert, In III Reg., 1. V, c. iv, t. clxyii, col. 1237.

Sa mission accomplie, Ahia, alors très âgé, s’était retiré à Silo, où il vivait sans bruit, retenu à l’écart du monde et des affaires par une cécité complète, III Reg., xiv, 4, aidant de son expérience et de ses conseils ceux qui venaient le consulter, et quelquefois leur déclarant, dans une lumière surnaturelle, la volonté du Seigneur. C’est là qu’un jour vint le trouver une femme vêtue simplement, et accompagnée de quelques serviteurs portant de modestes présents : dix pains, un gâteau et un vase de miel.

III Reg., xiv, 3 ; voir Abia 6. Celle qui se dissimulait sous ces apparences était la reine, dont le fils, Abia, était dangereusement malade. Elle venait consulter le prophète. Jéroboam, son époux, dans la crainte que ses prévarications n’attirassent une réponse défavorable, avait voulu qu’elle cachât son rang : singulière et inutile précaution, car Ahia était aveugle, et, de plus, s’il pouvait lire dans la lumière de Dieu les destinées de l’enfant, ne pouvait-il pas aussi bien découvrir la reine. sous ces vêtements d’emprunt ? C’est ce qui arriva ; car le prophète, dès qu’il entendit le bruit des pas de celle qui venait à lui, s’écria : « Entrez, femme de Jéroboam ; pourquoi feignez - vous d’être une autre ? » III Reg., xiv, 6. À cette apostrophe succéda une déclaration sévère des châtiments réservés à Jéroboam, dont l’ingratitude, les crimes, l’idolâtrie surtout, avaient attiré la colère de Jéhovah. Tous les descendants mâles de la maison de Jéroboam seront frappés, qu’ils soient détenus ou libres (hébreu : ’âçûr ve’àzvb ; littéralement : « détenus à la maison ou libres, » probablement dans le sens de non mariés et de mariés, c’est-à-dire de jeunes gens qui sont encore dans la maison paternelle et d’hommes qui n’y sont plus, pour signifier l’universalité du châtiment) ; Jéhovah les balayera comme on balaye les ordures, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de cette maison royale. III Reg., xiv, 7-10. Le châtiment atteindra même les sujets : il y aura d’innombrables morts subites, et ceux qui seront frappés dans les rues demeureront sans sépulture ou seront dévorés par les chiens, tandis que dans la campagne les cadavres des morts seront mangés par les oiseaux du ciel. III Reg., xiv, 11. Quant au fils de Jéroboam, il mourra à l’instant même où sa mère entrera à Thersa, et seul de toute sa maison il recevra les honneurs de la sépulture. III Reg., xiv, 12-13. Celui qui sera l’instrument de la vengeance divine n’est pas désigné autrement que par sa qualité de roi d’Israël. Les événements montreront que ce sera Baasa, assassin et successeur de Nadab, fils de Jéroboam. III Reg., xv, 27-28.

Les exégètes rationalistes ont trouvé un prétexte d’attaquer Ahia et sa prophétie dans le passage où il est dit qu’une seule tribu restera à Roboam, III Reg., xi, 32, 36, alors qu’il est manifeste que le royaume de Juda comprit toujours les deux tribus de Juda et de Benjamin. III Reg., xii, 21. Cette manière de parler, reproduite plus loin,

IV Reg., xvii, 18, se justifie facilement, si l’on considère que le territoire de Benjamin était si restreint, qu’on pouvait le confondre avec celui de Juda, et n’en pas faire une mention spéciale. De plus, une partie de Benjamin appartenait en fait au royaume d’Israël, comme les villes de Béthel, Jéricho, Galgala, avec leur territoire. III Reg., xii, 29 ; xvi, 34. Aussi voyons-nous Asaph le psalmiste associer le nom de Benjamin à celui des tribus d’Éphraïm et de Manassé. Ps. lxxix, 3.

Il est question, II Par, , ix, 29, d’un livre des « Prophéties (nebû’af) d’Ahia de Silo », dont on ne saurait exactement déterminer le contenu. C’était sans doute une partie du grand travail historique sur la période des Rois, auquel avaient travaillé à leur tour beaucoup d’autres prophètes. I Par., xxvii, 24 ; xxix, 29 ; II Par., ix, 29 ; xii, 15 ; xiii, 22 ; xx, 34 ; xxiv, 27 ; xxvi, 22 ; xxxiii, 19. Pierre Natal a inscrit le prophète Ahia dans son catalogue des saints, Catal., x, 51, à la date du 12 novembre, bien qu’il ne soit fait mention de lui ni dans les martyrologes des Latins, ni dans les ménologes des Grecs. P. Renard.

1. AHIALON (hébreu : ’Êlôn, « chêne ; » Septante : AiX<i|A), de la tribu de Zabulon, fut juge d’Israël pendant dix ans. On le compte pour le onzième. Il fut enseveli à Aialon de Zabulon, sa patrie ou sa résidence, qui probablement lui doit son nom. Jud., xii, 11, 12. Voir Aïai.on 2.

2. AHIALON, ville. Voir Aîalon.

    1. AHIAM##

AHIAM (hébreu : ’Âhïâm ; Septante : ’Au.vâv, ’A-/^),

iils de Sarar ou Sachar, et l’un des guerriers renommés de l’armée de David. I Par., xi, 34 (35). Son nom est écrit Aiam, II Reg., xxiii, 33.

    1. AHICAM##

AHICAM (hébreu : 'Âhîqam, « mon frère se lève ; » Septante : 'Airain), fils de Saphan, fut l’un des principaux personnages du royaume de Juda, sous les règnes de Josias, de Joachaz et de Joakim. Lorsque Saphan, son père, eut apporté à Josias le livre de la Loi, retrouvé dans le temple par le grand prêtre Helcias, IV Reg., xxil, 8-11, le roi, effrayé de l’opposition qui existait entre les préceptes de Moïse et la conduite du peuple, voulut connaître les intentions du Seigneur. IV Reg., xxii, 13-13. À cet effet, il envoya à la prophétesse Holda, qui se trouvait alors à Jérusalem, une députation composée du grand prêtre, de Saphan et de son fils ahicam, d’Achobor et d’Asaïas, officiers du roi. Les messagers de Josias s’acquittèrent religieusement de leur mission, et rapportèrent à leur maître les paroles de (a prophétesse. IV Reg., xxii, 15-xxin, 1. Ce fut alors que le pieux roi, pour essayer d'épargner à son peuple les châtiments prédits par Holda, fit les grandes œuvres de piété racontées en détail par l'écrivain sacré. IV Reg., xxiii, 1-25 ; II Par., xxxiv, 28-xxxv, 19. Nous retrouvons Ahicam sous le règne de Joakim, fils et second successeur de Josias. Jérémie ayant prédit publiquement la ruine du temple et de Jérusalem, Jer., xxvi, 1-7, le peuple irrité se saisit de lui, et les princes de Juda se transportèrent au temple pour le juger, y. 8-10 ; mais quelques-uns des anciens du peuple prirent la défense du prophète incriminé, et réussirent à le justifier aux yeux de la foule, ꝟ. 17-19. Jérémie, après avoir consigné ces faits dans son livre, remplit un pieux devoir en désignant Ahicam, fils de Saphan, comme celui qui l’avait le mieux défendu en cette circonstance critique. Jer., xxvl, 24. Dans la suite de ses écrits, le prophète aime encore à rappeler le souvenir de son sauveur ; plus de douze fois, en nommant Godolias, il ajoute que c'était le fils d’Ahicam. Jer., xxxix, 14 ; xl, 5, 7, 9, 11, 14, 16, etc. E. Duplessy.

    1. AHIEZER##

AHIEZER, hébreu : 'Àhiïézér, « mon frère est un secours ; » Septante : 'A-/tsi ; ep.

1. AHIÉZER, fils d’Ammisaddaï et chef de la tribu de Dan. À la sortie d’Egypte, lorsque Moïse fit le recensement du peuple, il se trouvait à la tête de 62700 hommes de sa tribu. On le voit offrir divers présents au tabernacle du Seigneur. Num., i, 12 ; ii, 25 ; vii, 66, 71 ; x, 25.

2. AHIÉZER, Benjamite, fils de Samaa et de Gabaath. Ce vaillant guerrier, habile à tirer de l’arc et à manier la fronde, fut le premier des braves qui se joignirent à David pendant la persécution de Saùl. I Par., xii, 3.

    1. AHILUD##

AHILUD (hébreu : 'Àfyîlûd, abréviation pour 'Âkîyelûd, « frère de celui qui est né, sous-entendu : avant lui ; » Septante : 'Axi>o’j8, 'A^ti-oûfl, 'Ax'^sz, 'A^tn-â), père de Josaphat, l’annaliste du roi sous David et Salomon, et de Bana, un des douze intendants de Salomon. II Reg., rai, 16 ; xx, 24 ; III Reg., iv, 3, 12 ; I Par., xviii, 15.

AHIMAM. I Par., ix, 17. Voir Ahiman 2.

    1. AHIM AN##

AHIM AN, hébreu : 'Ahîrnân, « mon frère est un don (?) » Septante : 'Axi|i<xv.

1. AHIMAN, géant de la race d'Énac, habitait Hébron avec ses frères Sésaï et Tholmaï, à l'époque où les espions d’Israël, envoyés par Moïse, explorèrent le pays de Chanaan. Il fut chassé de cette ville lorsque Caleb s’en empara. Jos., xv, 14 ; Jud., i, 10. La Vulgate l’appelle Achimam, Nom., xiii, 23. Voir Énac.

2. AHIMAN (Vulgate : Ahimam), Lévite, portier du temple après la captivité de Babylone. I Par., ix, 17.

AHIMÉLECH. I Par., xviii, 16 ; xxiv, 3, 6, 31. Voir Achimélech 3 et Abiathar.

AHIN (hébreu : 'Aftydn, « fraternel ; » Septante : Atn) ; fils de Sémida, de la tribu de Manassé. I Par., vii, 19.

    1. AHINADAB##

AHINADAB (hébreu : 'Àhînâdâb, « mon frère est noble ou libéral ; » Septante : 'A^ivaBië), un des douze intendants du roi Salomon. Son district était celui de Manaïm, à l’est du Jourdain. III Reg., iv, 14.

AHIO, hébreu : 'Abyô, « fraternel, » ou synonyme de Ahia ; Septante : â8e>?i>ç aÙToO, oï àBe^çoi auToû.

1. AHIO, fils d’Abinadab. Il fut chargé avec son frère Oza de conduire l’arche du Seigneur, lorsque David la fit transporter de la maison d’Abinadab à Jérusalem.

II Reg., vi, 3, 4. Au passage parallèle, I Par., xiii, 7, la Vulgate a rendu le nom propre par fratres ejus.

2. AHIO, fils d’Abigabaon ou Jéhiel et de Maacha, de la tribu de Benjamin. I Par., viii, 31 ; ix, 37.

3. AHIO, fils de Baria, de la tribu de Benjamin. I Par., vin, 14, 16.

    1. AHION##

AHION, III Reg ; , xv, 20 ; II Par., xvi, 4 ; AÏON, IV Reg., xv, 29 (hébreu : 'Iyôn ; Septante : 'A « iv, II Par., xvi, 4 ; 'Aiv, III Reg., xv, 20 ; IV Reg., xv, 29), ville du nord de la Palestine, appartenant à la tribu de Nephthali. Ce nom, qui signifie « ruines », est identique, non pour le sens, mais pour la forme, à celui de L Ayoun, « sources, » que porte une vallée fertile et bien arrosée, Merdj 'Ayoan, « plaine des sources, » située entre le Nahr Hasbâni et le Léontès. Aussi est-ce dans cette région que plusieurs critiques, entre autres Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 375, placent Ahjon, dont la vallée aurait conservé le nom après la destruction de la ville. On trouve, en effet, vers le nord une colline appelée Tell Dibbin, dont la position commande en même temps la plaine et la route qui conduit de Sidon à Hasbeya et à Damas. Cet emplacement convient parfaitement à la cité biblique, qui, toujours mentionnée avant Dan (Tell el-Qadi) et Abel-BethMaacha (Abil el-Kamh),

III Reg., xv, 20 ; IV Reg., xv, 29, semble avoir été l’une des plus septentrionales de la tribu de Nephthali, et par là même l’une des premières à subir le choc des armées dont les invasions se dirigeaient du nord vers le sud. Le Tell Dibbin contenait autrefois des édifices dont les débris ont formé les épais murs de soutènement sur lesquels s’appuient aujourd’hui les pentes ménagées avec soin. À la place des habitations détruites, croissent, dans des enclos séparés, des vignes et des figuiers. Deux sources jaillissent au bas de la colline : l’une d’elles était recueillie autrefois dans un grand bassin, maintenant aux trois quarts détruit, et dont il ne subsiste plus que les assises inférieures en pierres régulières. Cf. V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. ii, p. 280. Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 415, et les auteurs de la carte anglaise, Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 6, placent, avec le signe dubitatif, Ahion à Khiâm, à une très faible distance de Tell Dibbin, du côté de l’est.

Bénadad, roi de Syrie, marchant contre le roi d’Israël Baasa pour secourir Asa, roi de Juda, s’empara d' Ahion. III Reg., xv, 20 ; II Par., xvi, 4. Plus tard, vers 734 ou 733 av. J.-C, sous le règne de Phacée, roi d’Israël, Téglathphalasar, roi d’Assyrie, s’en rendit maître, et en déporta les habitants dans son royaume. IV Reg., xv, 29. Â partir de cette époque, il n’est plus question de cette ville.

A. Legendre.
    1. AHIRA##

AHIRA (hébreu : 'Attira', « mon frère est méchant [?] ; » Septante : 'Aytpl), fils d'Énan et chef de la tribu de Nephthali. À la sortie d’Egypte, il était à la tête 295

AHIUD — AlALON

296

de 53400 hommes capables de porter les armes. Il fut le douzième à faire son offrande au tabernacle. Num., i, 15 ; h, 29 ; vii, 78, 83 ; x, 27.

    1. AHIRAM##

AHIRAM, fils de Benjamin. Num., xxvi, 38. Voir Ah ARA.

    1. AHISAHAR##

AHISAHAR (hébreu : 'Âffisâftar, « mon frère est matinal ; » Septante : 'Aximip), fils de Balan, de la tribu de Benjamin. I Par., vii, 10.

    1. AHISAR##

AHISAR (hébreu : 'ÂYiéâr, « mon frère chante, » ou pour 'Afyiyâsâr, « mon frère est droit ; » Septante :

et dans la liste des Paralipomènes, I Par., iv, 24. Sa descendance avait peut-être disparu, ou avait pu se fondra dans les autres familles de Siméon.

2. AHOD (hébreu : 'Êfyûd, « union ; » Septante : 'AwS), Benjamite de Gabaa. I Par., viii, 6. Il ne faut pas le confondre avec le juge Aod, ni avec Aod de I Par., vil, 10. L’orthographe n’est pas la même ('Êfyûd et non Êhûd).

AHOË (hébreu : 'Afyôahi, « fraternité [?] » Septante : 'A^iâ), sixième fils de Balé et petit-fils de Benjamin. I Par., viii, 4. Voir Échi et Ahara.

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50. — Aïalon (Yalo).

'A^KTctp), intendant de la maison de Salomon, III Reg., iv, 6.

    1. AHIUD##

AHIUD, hébreu : 'Àhihûd pour 'Àfyîyehûd, « mon frère est honoré. »

. AHIUD (Septante : 'Axîwp), fils de Salomi, de la tribu d’Aser, fut choisi pour assister Josué et Eléazar dans le partage de la Terre Promise. Num., xxxiv, 27.

2. AHIUD (Septante : 'Iax’X™)> nls de Naaman, de la tribu de Benjamin. I Par., viii, 7.

    1. AHOBBAM##

AHOBBAM (hébreu : 'Ahbdn, « mon frère est prudent, » ou pour 'Ahvân, « fraternel ; » Septante : 'A/aêip), fils d’Abisur et d'Àbihaîl, de la tribu de Juda. II Par., 1, 29.

1. AHOD (hébreu : 'Ôhad, e. uni ; » Septante : *Ac'.S), un des six fils de Siméon. Il descendit en Egypte avec Jacob, son aïeul. Gen., xlvi, 10 ; Exod., vi, 15. Son nom manque dans la liste des familles de Siméon, dressée la quarantième année de la sortie d’Egypte, Num., xxvi, 12,

    1. AHOHITE##

AHOHITE (hébreu : 'Àfiôhî ; Septante : à 'Acoittic, 6 'Ax^xi)- Ce nom signifie descendant d’Ahoë, petit-fils de Benjamin, voir I Par., viii, 4, ou bien il désigne le lieu d’origine ou d’habitation. Voir Ahoë. II Reg., xxiii, 9, 28 ; I Par., xi^ 12, 29 ; xxvii, 4.

    1. AHUMAÏ##

AHUMAÏ (hébreu : 'Al.iùmaï, « frère de l’eau, c’està-dire habitant près de l’eau ['?] » Septante : 'Ax'| « ")> fil » de Jahath, de la tribu de Juda. I Par., iv, 2.

AÏ, ville chananéenne. Voir Haï.

AÏA, hébreu : 'Ayâh, « faucon. »

1. AÏA (Septante : 'AiV, 'A18), fils de Sébéon et descendant de Séir l’Horréen. Gen., xxxvi, 24 ; 1 Par., 1, 40.

2. AÏA (Septante : 'lui, 'AïS), père de Respha, qui fat concubine de Saûl. II Reg., iii, 7 ; xxi, 8, 10, 11.

1. AlALON (hébreu : 'Ayyâlôn ; Septante : AiotXû » et AiXciii), aujourd’hui Yalo (fig. 50), ville de Palestine.

tire probablement son nom des cerfs on des gazelles qui y abondaient autrefois. Aïalon est un peu au nord de la route de Jaffa à Jérusalem, non loin d’Amouas (Nicopolis) et de Bethsamès, sur l’ancienne limite du pays des Philistins et des possessions israélites. Le village de Yalo est situé sur une colline oblongue, d’un kilomètre de pourtour au plus, et dont le plateau était environné autrefois d’un mur d’enceinte. De cette muraille, il subsiste encore ça et là quelques pans en gros blocs mal équarris. Au sommet de la colline, on remarque les débris d’un petit château en belles pierres de taille. Il était plus élevé il y a quelques années ; mais, au dire des habitants, toute la partie supérieure en a été renversée par un tremblement de terre. Le village actuel renferme cinq cents âmes. Les maisons sont très grossièrement bâties ; elles sont presque toutes précédées d’un silo creusé dans le tuf, et destiné à contenir du blé, de l’orge et de la paille. Près du village s'étendent des jardins fertiles, où les figuiers surtout abondent. Les flancs des deux collines voisines ont été excavés, soit pour y pratiquer des cavernes ou des tombeaux, soit pour en extraire des blocs de construction. Quelques-unes de ces excavations servent maintenant d'étables pour les troupeaux.

Yalo a été identifié très justement par le D r Robinson avec la ville d’Aïalon. Elle paraît avoir été située sur les limites des tribus de Juda, de Benjamin et de Dan, et fut primitivement assignée à cette dernière, comme nous l’apprend le livre de Josué, xix, 40-42. Les Danites ne purent d’abord en expulser les Amorrhéens, qui ne furent rendus tributaires que plus tard, quand la maison de Joseph fut devenue plus puissante. Jud., i, 31-35. — La vallée qui est au nord de Yalo est la célèbre vallée d’Aïalon, immortalisée par cette parole fameuse de Josué, qui, craignant que le jour ne lui manquât pour achever la complète destruction des troupes des cinq rois amorrhéens, s'écria, en les poursuivant, à la descente de Béthoron : « Soleil, arrête-toi sur Gabaon, et toi, lune, sur la vallée d’Aïalon. » Jos., x, 12. Sous Saûl, Aïalon fut témoin d’une défaite des Philistins par ce prince, qui les poursuivit depuis Machmas jusqu'à cette, ville. I Reg., xiv, 31. Plus tard elle fut fortifiée par Roboam, qui l’enferma, ainsi que d’autres places, dans une enceinte murée, et y mit un gouverneur avec des provisions de vivres, de vin et d’huile. II Par., xi, 10-11. Sous le règne d’Achaz, elle tomba au pouvoir des Philistins, II Par., xxviii, 18, et c’est la dernière fois qu’elle est mentionnée dans les Livres Saints. V. Guérin.

2. AÏALON (hébreu : 'Ayyâlôn ; Septante : A’tXwji ; omis par la Vulgate), ville de la tribu de Zabulon, où fut enseveli un des juges, Ahialon, Jud., xii, 12 (le nom de lieu et le nom de personne ne diffèrent que par les pointsvoyelles). L'Écriture, qui ne la mentionne qu’en cet endroit, la distingue d’Aïalon, ville de Dan, par cette formule : « dans la terre de Zabulon. » Eusèbe en parle sous le nom de AlaXtv, Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 225, et saint Jérôme sous celui d’Aialim. Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxlii, col. 875. Van de Velde suppose qu’elle peut être identifiée avec Djaloun, endroit situé à environ quatre heures à l’est d’Akka ou Saint -Jeand’Acre. Memoir to accompany the map of the Holy Land, 1858, p. 283. Là, en effet, « sur les pentes septentrionales et inférieures de la montagne, sont les ruines d’un village détruit, sur l’emplacement duquel ont poussé d'énormes touffes de lentisques, des caroubiers, des chênes et plusieurs magnifiques térébinthes tombant de vétusté. Les arasements de deux constructions rectangulaires en pierres de taille de moyenne dimension sont seuls reconnaissables ; de nombreux débris de poterie jonchent partout le sol. » V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 435. Si l’hypothèse est juste, Aïalon se trouvait ainsi sur la frontière des deux tribus d’Aser et de Zabulon. A. Legexdre.

3. AlALON (Vallée d'), vallée mentionnée dans le récit de la victoire de Josué sur les rois chananéens du « .d. Jos., x. 12. Voir Aïalon 1.

AÏAM, un des trente héros de David. II Reg., xxiii, 33. Voir Ahiam.

    1. AÎATH##

AÎATH, ville mentionnée sous cette forme seulement dans Isaïe, x, 28. La plupart l’identifient avec Haï. Voir Haï.

'ÀÏÊFÎM, 'ÀYÊFÎM, nom de lieu, d’après la plupart des commentateurs modernes. II Sam. ( II Reg.), xvi, 14. Les Septante, et, à leur suite, la Vulgate, ont pris ce mot hébreu pour un nom commun : IxXeXvnévoi, lassus, « fatigué ; » mais le contexte indique qu’il s’agit d’une localité puisqu’il est dit que David, fuyant de Jérusalem, lors de.la révolte d’Absalom, avec ceux qui lui étaient restés fidèles, « vint » en ce lieu, et que tous se reposèrent « là ». Si l’on traduit par « fatigués », signification que 'âyêfim peut réellement avoir, le texte n’indique point le lieu où « l’on vient ». — On ne rencontre d’ailleurs nulle autre part le mot 'Âyêfïm comme nom de localité, et il est impossible de déterminer sa situation autrement qu’en le plaçant dans le voisinage de Galgala ou de Jéricho, à l’ouest du Jourdain. Cf. II Reg., xvii, 16. Quelques commentateurs ont proposé de l’identifier avec Bahurim. Cette identification est fausse, car lorsque Jonathas et Achimaas vont annoncer à David ce qui s’est passé à Jérusalem depuis sa fuite, ils ne font que passer à Bahurim et vont chercher le roi plus loin. Il Reg., xvii, 17-21. 'Àyêfim était donc au delà de Bahurim. — Nous ne devons pas, au surplus, être trop surpris si nous ne connaissons pas son emplacement exact. Plusieurs autres localités bibliques sont dans le même cas que 'Àyêfim : nous ignorons absolument où elles étaient situées.

1. AIGLE, hébreu néSer, oiseau de proie dont le nom revient fréquemment sous la plume des écrivains sacrés.

  • 1. — Aigle royal (Aquila ChrysætcsX

Le nom hébreu signifie étymologiquement : « celui qui déchire la chair avec le bec ; » c’est du moins le sens de la racine. « û, nasara, d’où il dérive, et qui, en arabe,

se dit des oiseaux de proie. En assyrien, na&âr signifie aussi « dilacérer les chairs ». L’aigle constitue un genre d’Oiseaux de proie, de l’ordre des rapaces, de la famille des diurnes. Il est caractérisé par un bec fort, droit à sa

base, et courbé seulement vers sa pointe. L’aigle proprement dit a le corps emplumé jusqu'à la racine des doigts. Il a les ailes aussi longues que la queue.

On a observé en Palestine quatre espèces principales d’aigles : l’aigle royal ou commun, Aquila Chrysætos ; l’aigle moucheté, Aquila nxvia, très commun dans les

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52. — Aigle moucheté (Aquila nsevla).

rochers des parties montagneuses ; l’aigle impérial, Aquila Heliaca, et le circaète ou aigle Jean-le-Blanc, Circætos gallicus, qui fait sa proie des nombreux reptiles du pays, et se trouve partout. — L’aigle royal (fig. 51) a environ un mètre « 3. — Algie Impérial (Aquila Beliaca).

de long ; la femelle est plus grande : elle atteint un mètre vingt de l’extrémité du bec à celle de la queue, et a environ deux mètres cinquante d’envergure. L'œil de l’aigle royal est vif et perçant ; son bec est acéré, recourbé dans toute sa longueur, plus crochu à l’extrémité, et assez semblable à de la corne bleuâtre ; ses serres sont vigoureuses, à ongles pointus, dont celui de derrière, qui est le plus grand, a jusqu'à treize centimètres de longueur ; son plumage est

fauve, son attitude fière, son vol rapide. — L’aigle moucheté (fig. 52) est d’un tiers plus petit ; il n’attaque que les animaux les plus faibles. — L’aigle impérial (fig. 53) a des ailes, plus longues et un corps plus trapu que l’aigle royal. — Le circaète est long de soixante-cinq à quatre-vingts centimètres ; il a un mètre quatre-vingt-dix d’envergure. Le

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84. — Le circaète (Olreælos galllcus).

dessous du corps est blanc ; le reste est brun cendré. Vu de face, il ressemble à la buse ; quand il vole, on le prendrait pour un héron (fig. 54). Le mot hébreu néSer s’applique indifféremment dans l'Écriture aux diverses espèces dont nous venons de parler. Dans quelques passages, il désigne même le vautour. Voir Vautour.

G5. — Aire de l’aigle.

Les mœurs de l’aigle sont intéressantes à étudier, à cause des allusions qu’y fait la Sainte Écriture. Le nid de l’aigle porte le nom d’aire (fig. 55). On croit que la même aire lui sert de demeure pendant toute sa vie. Elle est placée ordinairement au midi, entre deux rochers à pic, sur le rebord d’un précipice, dans les lieux du plus difficile accès. Le nid est construit avec des branches d’un mètre quatre »

vingts à deux mètres de longueur, entrelacées de rameaux et recouvertes de plusieurs couches de joncs, de bruyères et de peaux d’animaux. Il est abrité par quelque saillie de rocher. La mère pond deux ou trois œufs, quelquefois quatre. Elle les couve pendant trente jours. Comme les aiglons sont très voraces, dès qu’ils sont éclos, les parents font pour eux la chasse et leur apportent d’abondantes provisions de gibier. Les petits quittent le nid, pour n’y plus revenir, au bout de trois ou quatre mois.

Si l’aigle est le roi des airs, il en est aussi le tyran. Son Odorat est faible, mais sa vue perçante lui permet d’apercevoir sa proie de fort loin. Ses yeux, très grands, sont enfoncés dans une cavité profonde, que la partie supérieure de l’orbite recouvre comme un toit avancé. Ils sont pourvus d’une sorte de seconde paupière transparente, qui se relève et s’abaisse à volonté, de sorte que l’aigle peut fixer le soleil sans en être aveuglé. Dès qu’il a découvert une proie, il replie ses ailes, il se laisse tomber sur elle, les serres ouvertes, et il la saisit avec une telle force, qu’il la rend incapable de tout mouvement. Il la pose alors à terre, avant de l’emporter, comme s’il voulait se rendre compte du poids. Il l’enlève ensuite sans peine, si c’est une oie, une grue, ou même un lièvre, un agneau, un chevreau. Si c’est un faon ou un veau, une brebis ou un cerf, la charge est trop lourde ; il se contente alors de déchirer les chairs et d’en prendre une provision dans son aire. Il dévore ordinairement sa proie sans la tuer. Le circaète fait particulièrement la chasse aux volailles, aux perdrix, aux jeunes lapins, aux petits oiseaux, aux insectes, et surtout aux serpents et aux divers reptiles qui abondent en Palestine et sont sa principale nourriture.

L’aigle, en général, est vorace et glouton, mais il peut néanmoins supporter un jeûne prolongé, et demeurer une vingtaine de jours sans prendre de nourriture. Son jabot est susceptible d’une dilatation considérable, et peut emmagasiner par conséquent une très grande quantité de viande ; son gésier, au contraire, est fort petit, et il ne peut recevoir que par petites doses les aliments dont il doit faire la digestion. Il commence sa chasse régulièrement le matin au lever du soleil, accompagné presque toujours par la femelle. Quand il a réussi à s’approvisionner, il revient vers le milieu du jour dans son aire, s’il n’en est pas trop éloigné, et là, immobile, les plumes pendantes, il se repaît de sa proie. Après le repas il cherche à boire, et même, s’il le peut, dans la saison chaude, à se plonger dans l’eau. Il recommence ensuite sa chasse jusqu’au soir, et alors il se retire dans l’endroit où il veut passer la nuit.

Les écrivains sacrés font souvent allusion à ces habitudes de l’aigle. Ils rappellent dans leurs comparaisons la puissance et la rapidité de son vol, Exod., xix, 4 ; Deut., xxviir, 49 ; II Reg., i, 23 ; Prov., xxiii, 5 ; xxx, 19 ; Is., XL, 31 ; Jer., iv, 13 ; xlviii, 40 ; xlix, 22 ; Lament., iv, 19 ; Osée, viii, 1 (hébreu) ; Abdias, 4 ; Hab., i, 8 ; son ardeur à chercher sa proie, Job, IX, 26 ; Prov., xxx, 17 ; la manière dont il apprend à voler à ses aiglons, Deut., xxxii, 11, image de la sollicitude de Dieu envers son peuple ; l'élévation de son aire, Job, xxxix, 27, dont la hauteur rappelle la fierté et l’arrogance des enfants d'Ésaù. Jer., xlix, 16 ; Abd., 4. Les cheveux de Nabuchodonosor, qui, atteint de la lycanthropie et vivant comme les bêtes, les laisse pousser longs et incultes, sont comparés aux plumes de l’aigle. Dan., iv, 30. La similitude du Deutéronome, xxxii, 11, qui nous représente Dieu prenant soin de l'éducation de son peuple, comme l’aigle qui « excite ses petits à voler, et voltige au-dessus d’eux », est particulièrement touchante, et en même temps fort juste. Cf. Exod., xix, 4. Une description de sir Humphry Davy peut servir de commentaire à ce passage : « Je vis une fois un spectacle fort intéressant au-dessus d’un des rochers du-Ben-Nevis, OÙ j'étais en chasse. Deux aigles enseignaient à leur progéniture, deux jeunes aiglons, la manœuvre du vol. Ils commencèrent par s'élever du sommet de la montagne,

en se dirigeant du côté du soleil. C'était vers midi. Ils firent d’abord de petits cercles, et les jeunes oiseaux les imitèrent ; les parents se reposèrent ensuite sur leurs ailes, en attendant que leurs petits eussent terminé leur premier vol ; ils firent ensuite un second cercle plus grand ; ils s'élevaient toujours dans la direction du soleil, an élargissant la circonférence de leur vol de manière à tracer une spirale graduellement ascendante. Les aiglons les suivirent encore, lentement ; ils paraissaient mieux voler à mesure qu’ils montaient. Les aigles et leurs petits continuèrent cet exercice, s'élevant toujours, jusqu'à ce qu’ils ne parurent plus que comme des points dans l’air, et que les aiglons d’abord, leurs parents ensuite, échappèrent complètement à nos regards. »

56. — Divinité assyrienne à tête et à ailes d’aigle. Bas-relief du Musée assyrien du Louvre,

Quand l’aigle recherche sa proie, il fait entendre quelquefois un cri rauque, qui remplit de terreur les autres oiseaux. La Vulgate a vu une allusion à ce cri dans Osée, vin, 1 : « Que dans ta bouche soit une trompette comme l’aigle, » c’est-à-dire un cri comme celui de l’aigle. On traduit communément l’hébreu en coupant autrement la phrase : « Crie comme si tu sonnais de la trompette. L’ennemi vient comme un aigle contre la maison de Jéhovah. » La comparaison est tirée de l’impétuosité avec laquelle l’aigle fond sur sa proie. — Le Psalmiste dit que la jeunesse de celui que Dieu bénit n sera renouvelée » comme celle de l’aigle ». Ps. en (hébreu, ciii), 5 ; cf. Is., XL, 31, dans le texte hébreu. Le sens de ce passage est assez obscur. Comme l’aigle vit longtemps et peut dépasser un siècle, il courait chez les anciens des fables d’après lesquelles l’aigle pouvait renouveler ses forces dans sa vieillesse. Un poète, même inspiré, pouvait assurément rappeler ces croyances populaires. Cependant les commentateurs modernes expliquent généralement les paroles du psaume cil en disant, les uns : « Ta jeunesse sera renouvelée de telle sorte que tu auras la force de l’aigle ; » les autres : « Tu rajeuniras comme l’aigle, qui est plein d’une activité nouvelle, après l'époque de la mue. »

Chez les prophètes de la captivité, l’aigle joue un rôle nouveau : il entre comme élément important dans les visions dont Dieu les favorise. Les Juifs captifs à Babylone y virent les œuvres de l’art chaldéen, dans lesquelles

l’aigle occupait une place considérable, soit qu’il fût peint ou sculpté comme oiseau de proie, soit surtout qu’il figurât dans les représentations symboliques chères aux Orientaux, dans les bas-reliefs où l’on voit des génies et des divinités à tête et à ailes d’aigle (fig. 56), des taureaux et des lions avec une tête humaine et des ailes d’aigle, etc. Ces images des arts plastiques des Babyloniens entrent alors dans les livres sacrés. Ezéchiel nous montre ses chérubins ayant des ailes d’aigle, i, 10 ; x, 14 ; voir Chérubins ; il nous décrit aussi, xvii, 3, 7, deux grands aigles qui figurent le roi de Babylone, Nabuchodonosor, et le roi d’Egypte. Daniel voit à son tour, vii, 4, un lion à ailes d’aigle (Vulgate : une lionne) qui représente également le roi de Babylone. La similitude entre un aigle, le roi des airs, et un roi de la terre est toute naturelle, et on la trouve dans toutes les langues, en particulier dans Jérémie, parlant de Nabuchodonosor, xlviii, 40 ; xux, 22 ; mais chez les

dont il nourrit ses aiglons. Les aiglons ne sucent pas le sang, mais le poète se sert d’une expression métaphorique pour dire que l’aigle nourrit ses petits de la chair des animaux encore saignants qu’il a pris à la chasse. Le dernier vers : « Partout où sont des cadavres, il y est, » dépeint un spectacle qui n’est pas rare en Orient, et j’en ai été témoin au-dessus du lac de Tibériade, où une multitude d’oiseaux de proie dévorait un mulet qui venait de succomber à la fatigue. Aussi cette locution devint-elle une sorte de proverbe chez les Juifs ; Notre-Seigneur l’a cité comme tel dans l'Évangile. Matth., xxiv, 28 ; Luc, xvii, 37. Il fournit cependant matière à une difficulté. Beaucoup de commentateurs ont pensé que, dans ces passages, il ne s’agissait pas de l’aigle proprement dit, lequel, assuret-on, ne se nourrit pas de cadavres ; mais du vautour, qui en fait sa pâture. Le mot hébreu néêer, qu’on lit dans Job, et le mot grec àerôç, qu’on lit dans les Évangiles, « 7. — Oiseau* de proie dévorant les morts sur le champ de bataille. Bas-relief assyrien.

prophètes qui ont vécu en Ch aidée, cet oiseau n’est plus seulement un terme de comparaison, il devient un emblème.

Saint Jean, dans son Apocalypse, s’appropria, en les modifiant selon les besoins, les images d'Ézéchiel et de Daniel. Un des quatre animaux qu’il voit dans ses visions, et qui est devenu son symbole comme évangéliste, est semblable à l’aigle. Apoc, iv, 7. Quand le quatrième ange a sonné de la trompette, un aigle crie dans le ciel : « Malheur, malheur, malheur aux habitants de la terre ! » Apoc, vin, 13. Enfin des ailes d’aigle sont données à la femme qui enfante, afin qu’elle puisse s’envoler dans le désert, et échapper au danger qui la poursuit. Apoc, xii, 14.

En dehors de ces visions et de ces images, l’aigle est mentionné au sens propre dans le Lévitique, xi, 13, et dans le Deutéronome, xiv, 12, où il est énuméré parmi les animaux impurs, qu’il est défendu de manger. Le livre de Job renferme une belle description de l’aigle, xxxix, 27-30. Dieu demande à Job :

Est-ce à ta voix que l’aigle prend son vol,

Et qu’il construit son nid dans les hauteurs ?

Il habite dans les rochers, il y établit sa demeure,

Sur la pointe des rochers, dans des lieux inaccessibles.

De là il guette sa proie,

De loin son œil la découvre,

Ses petits sucent le sang ;

Partout où sont des cadavres, il y est.

Ces quelques vers relèvent tous les traits les plus caractéristiques de l’aigle : la puissance de son vol, la hauteur de son aire, au milieu des rochers les plus abruptes, la pénétration de son regard et son ardeur à saisir sa proie,

s’appliquent, ajoutent - ils, au vautour aussi bien qu'à l’aigle ; les Latins eux-mêmes rangeaient certains vautours parmi les aigles, Pline, H. N., x, 3 ; par conséquent, dès lors qu’on ne distinguait pas les espèces, rien n’empêchait qu’on attribuât au genre entier ce qui ne convient réellement qu'à une partie du genre. Cette explication est admissible ; toutefois les vautours ne sont pas les seuls oiseaux qui mangent des corps morts, les aigles s’en nourrissent aussi, surtout quand les cadavres ne sont pas encore corrompus ; ils ne chassent même que lorsqu’ils ne trouvent pas de proie déjà morte. Les bas-reliefs assyriens représentent, volant au-dessus des champs de bataille, des aigles qui se repaissent de la chair des soldats tués dans le combat (fig. 57). Voir W. Houghton, The Birds of the Assyrian monuments, dans les Transactions of the Society of Biblical Archseology, t. viii, 1885, plate II, vis-à-vis de la page 46. Cf. Layard, The Monuments of Nineveh, série i, pi. 14, 18, 20, 22, 26, 61 ; série ii, pi. 46. S’il est douteux qu’il soit question du vautour dans le proverbe cité par Notre-Seigneur, il est plus probable qu’il s’agit de cet oiseau de proie dans un passage de Michée, i, 16, où il est dit : « Deviens chauve comme le néser. » Le prophète fait ici allusion à la coutume qu’avaient les Juifs de se raser la tête en signe de deuil. Sa comparaison est plus exacte, si l’on traduit néier par vautour, au lieu de le rendre par aigle. Beaucoup de commentateurs ont pensé que l'écrivain sacré voulait parler de la mue de l’aigle, à l'époque du printemps ; mais cet oiseau ne devient pas chauve, tandis que le vautour (vultur fulvus) a la télé et le cou chauves, c’està-dire sans plumes. Voir Vautour.

305

AIGLE — AIGUILLE

306

D’après un certain nombre de commentateurs, la loi énumère parmi les animaux impurs, outre l’aigle en général, deux espèces particulières de ces oiseaux de proie : le pérés, qu’Us traduisent par orfraie (Septante : ypty ; Vulgate : gryps, « griffon » ), et le’oznîyâh, qu’ils traduisent par aigle de mer ( Septante : akiaUzot ;  ; Vulgate : halixetus). Lev., xi, 13 ; Deut., xiv, 12. L’identification du pérés et du’oznîyâh est douteuse. Pour le premier, voir Griffon. Quant au second, c’est, d’après quelques-uns, le circaète, dont nous avons parlé plus haut. D’après d’autres, c’est le balbusard ou le pygargue. Voir Aigle se MER.

Dans la symbolique chrétienne, l’aigle est devenu, comme nous l’avons déjà remarqué, l’emblème de l’évangéliste saint Jean, et l’aigle à deux têtes, celui du prophète Elisée, pour rappeler qu’il avait reçu le double esprit de Dieu. IV Reg., ii, 9. F. Vigouroux.

2. AIGLE DE MER, oiseau de proie qui, d’après la traduction des Septante, àXiaîsToç, et d’après la Vulgate,

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58. — Le pygargue ou aigle de mer.

i

haliseetus, correspond à l’hébreu’oznîyâh, un des animaux impurs que la loi de Moïse interdit aux Hébreux de manger. Lev., xi, 13 ; Deut., xiv, 12. Tous les exégètes n’admettent pas l’exactitude de la traduction du mot’oznîyâh faite par les Septante et par saint Jérôme, et plusieurs identifient cet oiseau avec le circaète (circælus gallicus) ou le balbusard. Mais les traducteurs grecs et la Vulgate latine ont pour eux la tradition ancienne des Juifs, et leur interprétation est très soutenable.

L’aigle de mer, appelé aussi aigle pêcheur, à cause de ses habitudes de pêche, et pygargue, c’est-à-dire qui a la croupe blanche, est un oiseau de proie à bec très fort et très recourbé (fig. 58) ; son vol est plus lent et plus lourd que celui de l’aigle proprement dit. Il ne s’éloigne guère des bords de la mer ou des cours d’eau, parce qu’il fait sa nourriture des oiseaux aquatiques et des poissons. Le pygargue ordinaire a environ un mètre de long et deux mètres soixante d’envergure. Il fait une guerre acharnée à tout ce qui Vit dans l’eau et sur l’eau. Il poursuit les poissons jusque sous les ondes, et plonge en les poursuivant. Il enlève les oiseaux dans leur nid ; il s’en prend même aux renards et aux phoques, et son attaque est si violente, qu’il lui arrive parfois de ne pouvoir dégager ses serres, tant elles ont pénétré profondément dans le

corps de sa victime, lorsque celle-ci est trop lourde pour qu’il puisse l’enlever dans les airs.

On trouve le pygargue dans toute l’Europe et dans la plus grande partie de l’Asie. En chasse toute la journée sur les côtes ou les bords des fleuves, il passe la nuit dans les forêts, sur les rochers, ou dans de petites îles. Son aire est composée à sa base de morceaux de bois de un mètre trente à un mètre soixante de longueur, et de la grosseur du bras ; au-dessus sont des branches plus minces, formant un nid, tapissé de rameaux fins et de duvet. Les petits, au nombre de deux, trois ou quatre, sont nourris chaque jour de poissons, de lapins, d’écureuils, et même d’agneaux. — La loi mosaïque traite le’oznîyâh comme tous les autres oiseaux de proie en le rangeant parmi les animaux impurs. F. Vigouroux.

    1. AIGUILLE##

AIGUILLE, Vulgate : acus. Le mot latin acus désignait soit une « épingle » pour attacher, soit une « aiguille » pour coudre ; il est employé dans les deux sens par Cicéron, Pro Milone, 24 ; Celsus, viii, 16 ; Ovide, Métam., vi, 23. 1° Saint Jérôme s’en est servi dans le sens d’épingle pour les cheveux, dans la traduction d’Isaïe, iii, 22, où le prophète énumère les objets de toilette des femmes juives de

S9. — Épingle à cheveux égyptienne. Bronze. Musée de Ghizén.

son époque (fig. 59). Le mot rendu par acus dans la Vulgate est, en hébreu, hârîtîm. Comme le singulier héret signifie un style, c’est-à-dire l’instrument pointu et aigu dont se servaient les anciens pour graver des lettres sur la pierre ou sur le bois, Is., viii, 1, instrument dont la ressemblance avec une épingle est frappante, on peut soutenir l’exactitude de la traduction de saint Jérôme, comme l’a fait Bochart, Hieroz., 1. 1, p. 334. Le plus grand nombre des commentateurs modernes interprètent cependant hârîtîm dans le sens de « bourse » où l’on mettait l’argent, parce que ce mot a incontestablement ce sens dans II (IV) Reg., v, 23 (ligavit duo talenta argenti in duobus saccis, traduit saint Jérôme). Voir Rosenmùller, Jesajse vaticinia, 3e édit., Leipzig, 1829, t. i, p. 127-128 ; Gesenius, Thésaurus linguse hebrseæ, p. 519.

2° Acus est employé dans le sens d’  « aiguille » dans le Nouveau Testament, dans la célèbre comparaison de Jésus-Christ : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille (foramen acus) qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux. » Matth., xrx, 24 ; Marc, x, 25 ; Luc, xviii, 25. Le texte original, dans ces trois passages, porte : 81à TpumîixaTo ; pifiSo ; , Matth., XIX, 25 ; Sti [xrjç] xpy(taXtô « [tî] ?] potpîSoi ; , Marc, x, 25 ; Luc, xviii, 25. Les aiguilles des anciens devaient ressembler à peu près aux

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60. — Aiguilles égyptiennes en bronze.

nôtres. Nous en donnons ici deux qui ont été trouvées en Egypte (fig. 60). Elles sont reproduites d’après Wilkinson, Popular account of the ancient Egyptians, t. ii, p. 345. Leur longueur est de six à sept centimètres. On a contesté l’exactitude de la traduction du proverbe rapporté par le divin Maître. On a soutenu que xôiatjXoç (qu’on devrait lire xô(tiXo ?, dtaprès quelques-uns) veut dire s câble, grosse corde », et non pas chameau, et surtout que « trou de l’aiguille » désigne, non pas le trou de ce petit instrument à coudre, mais une petite porte latérale, placée à côté des grandes portes des villes, qu’on appelait « trou de l’aiguille », et par laquelle pouveient entrer les

piétons, mais où il était impossible on au moins très difficile aux chameaux de passer. Ces interprétations sont inadmissibles. Le proverbe est exprimé sans doute avec l’emphase de l’hyperbole orientale, mais l’exagération s’explique plus naturellement qu’ailleurs dans un proverbe. Ce qui confirme incontestablement la version ordinaire, c’est qu’on lit unesentence analogue dans le Talmud, Berach., 55 b, avec cette seule différence que le chameau est remplacé par un éléphant. Dans le Koran, ch. viii, 38, nous trouvons aussi le proverbe évangélique : « Ils n’entreront pas dans le paradis tant qu’un chameau ne passera pas par le trou d’une aiguille. » Cf. Matth., xxiii, 21, l’expression également hyperbolique : « avaler un chameau. » Notre-Seigneur indique par ces paroles la difficulté très grande qu'éprouvent les riches à se détacher des biens de ce monde. Cf. Matth., xix, 21-23.

L’aiguille n’est pas nommée expressément dans l’Ancien Testament ; mais, d’après plusieurs commentateurs, il en est question indirectement, parce que, d’après eux, le participe présent rôqêm, Exod., xxvi, 36 ; XXVii, 16 ; xxviii, 39 ; xxxvi, 37 ; xxxviii, 18, signifie un ouvrier qui brode à l’aiguille, et le substantif riqmâh, Jud., v, 30 ; Ps. xlv (Vulg. xliv), 15 ; Ezech., xvi, 10, 13, 18 ; xxvi, 16 ; xxvii, 16, une broderie faite à l’aiguille. Il est certain que la broderie à l’aiguille était connue des Égyptiens, et devait l'être aussi par conséquent des Hébreux. Les Septante ont ainsi compris les passages cités, car ils traduisent : tîj itoixiXta xoO pacpiSEVToû, Exod., xxvii, 16 ; xxxviii, 23. Cf.'Gesenius, Thésaurus linguse hebrmm, p. 1310. Cette explication paraît préférable à celle de Josèphe, qui dit que la variété des couleurs dans les rideaux du tabernacle était produite au moyen d’un métier à tisser. Ant. jud., III, vi, 4. Voir Broderie. L’Ancien Testament parle aussi de la couture, ce qui suppose également l’usage des aiguilles. Voir Couture.

F. Vigouroux.

AIGUILLON désigne : I. Le long et solide bâton muni d’une pointe à son extrémité, dont on se sert en certains pays, plutôt que du fouet, pour conduire et exciter les bœufs surtout en labourant. La Palestine était autrefois

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61. — Aiguillon égyptien. D’après Wililnson.

et est encore aujourd’hui un de ces pays. Les voyageurs modernes l’ont d’autant plus facilement remarqué, qu’il y a disproportion étrange, d’une part, entre l’attelage de très petite taille, la charrue rudimentaire, et d’autre part, entre le grand aiguillon dont la main du laboureur est armée. En 1697, un voyageur attentif, sir H. Maundrell, Voyage cPAlep à Jérusalem, édit. fr., Utrecht, 1705, p. 186-187, notait ainsi l’observation qu’il avait faite, en allant de Jérusalem à Naplouse, dans sa première journée de marche (15 avril) : « La campagne étoit remplie de gens qui labouroient la terre pour semer du coton. Nous observâmes qu’en labourant ils se servoient d’aiguillons d’une grandeur extraordinaire. J’en mesurai plusieurs, qui avoient environ huit pieds de long et six pouces de tour au gros bout. Ils étoient armez au petit bout d’une pointe pour faire aller leurs bœufs, et à l’autre d’une petite bêche ou ratissoire de fer, forte et massive pour ôter de la chaîne la claye qui l’empêche de travailler. Ne pourroit-on pas conjecturer de cela que ce fut avec un instrument pareil que Samgar fit le prodigieux massacre dont il est fait mention au livre des Juges, chap. iii, y. 31 ? Au moins

je suis persuadé que ceux qui verroient ces sortes i’instruments, les jugeront plus propres à faire une exécution de cette nature qu’une épée. L’on s’en sert toujours en ce païs là aussi bien que dans la Syrie. Je crois que c’est parce qu’il n’y a qu’une personne à conduire les bœufs et à prendre soin de la charuë, de sorte qu’il est nécessaire qu’elle ait un instrument pareil pour servir à deux usages. »

Reste à savoir si l’usage de tels aiguillons est ancien en

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62. — Aiguillon actuellement employé en Palestine.

Palestine, et s’il peut en effet expliquer le texte difficile des Juges. Pour résoudre la question, examinons d’abord les passages les plus clairs pour déterminer ensuite plus facilement le sens des passages obscurs. Or 1° que l’usage soit ancien en Palestine, c’est ce que montre Eccli., xxxviii, 25, qui déjà nous reporte au me siècle avant notre ère. La vue du fellah actuel, labourant, armé de son aiguillon, est le vivant commentaire de ce passage, si malmené dans nos traductions. Le Siracide explique que, pour acquérir la sagesse, il faut des loisirs que ne laissent pas les travaux manuels. Son énumération commence par le laboureur. « Comment pourra-t-il devenir sage celui qui tient la charrue et qui, fier de son bâton à pointe, excite les bœufs ? » u <ro91<r8TJ<reTai 6 xpatwv àporpov, xai xaux^Evo ; èv 86pati xévrpou, p6° c IXâuMiov (dans la Vulgate, ꝟ. 25 b -26, la coupure actuelle du verset rend la phrase inintelligible ; il faudrait lire avec interrogation : « Quâ sapientiâ replebitur qui tenet aratrum et qui gloriatur in jaculo stimulo boves agitât…? » Elle a suivi la leçon de quelques manuscrits grecs, tels que le Codex Alexandrinus : h SApceri xévTpu). Nous sommes ramenés au même usage par la phrase à tournure proverbiale : « Il t’est dur de regimber contie l’aiguillon, » npb ; xe’vtpa XaxtiÇeev. Act., xxvi, 14 (Act., ix, 5, ce même membre de phrase se lit dans le texle grée irdinaire et dans notre Vulgate ; mais il ne se trouve pas dans les anciens manuscrits, et peut n'être qu’une addition introduite pour conformer le texte au passage parallèle du chap. xxvi).

2° Les anciennes versions s’accordent à traduire par aiguillon l’hébreu dorbôn, dans Eccle., XII, 11, où les paroles des sages sont comparées à des aiguillons (pluriel, dorbônôt), sans doute parce qu’elles doivent s’enfoncer dans l’espri^ des hommes et les stimuler (Septante : tlç ti po’jxevTpot ; Vulgate : sicut stimuli ; l'étymologie de la racine drb, d’après l’arabe et l'éthiopien, confirme la signification de pointe, objet aigu). Dans I Sam., xlil, 21, le seul autre passage où se trouve l’expression dorbân (avec terminaison différente : an au lieu de on), nous devons donc traduire de même, comme l’a fait saint Jérôme. L’auteur peint la triste situation des Hébreux tellement asservis aux Philistins, qu’on ne leur permet aucun travail sur le fer ; ils doivent recourir à leurs oppresseurs pour réparer leurs instruments agricoles, même « pour appointer l’aiguillon » (avec l’article, haddorbân ; Vulgate : usque ad stimulum corrigendum. Les Septante, qui ont méconnu le sens général de toute la phrase, ont traduit par Splratvov, conduits sans doute par l’analogie de son : dorbân — 8pÉratv-ov).

3° Si les Philistins faisaient peser sur les Hébreux une telle contrainte, c’est qu’ils craignaient sans doute que l’aiguillon ne devînt une arme redoutable entre leurs mains. L’exploit de Samgar, arrivé quelque temps auparavant et brièvement raconté, Jud., iii, 31, expliquerait cette crainte. « Ensuite fut Samgar, fils d’Anath, et il frappa les Philistins, six cents hommes, avec un aiguillon à boeuf, be-malmad hab-bâqâr. » La Vulgate rend toute la locution par un seul mot : vomere, « avec un soc de charrue ; » l’expression hébraïque malmad ne se rencontrant pas ailleurs dans

la Bible, le traducteur latin s’en est tenu, en l’abrégeant, à la version des Septante : èv râ iporpvitoSi xûv poûv. La leçon -Au Codex Alexandrinus et de quelques autres manuscrits suppose une manière différente de lire l’hébreu qui mérite d’être notée : èirâTjÇe… [Èv tû àporpiicoSt] Èxtô «  (iôctXmv [poûv] ; c’est une leçon mixte ; les mots que nous avons placés entre crochets représentent la leçon ordinaire (B, N, etc…), et èxtôc [16<r/(i>v est une autre traduction de l’hébreu, qu’avait suivie l’ancienne version latine telle que l’explique saint Augustin, Qusest. in Heptat., vii, 25, t. xxxiv, col. 801. Au lieu du mot rare bemalmad, ce traducteur grec lisait la préposition milbad et traduisait : « Il frappa les Philistins, six cents hommes, outre les jeunes bœufs. » Cette leçon, dans laquelle s’évanouit la fameuse arme de Samgar, ne paraît être qu’une tentative pour éviter un mot rare et obscur, mais qui doit être maintenu ; car, sans parler des Septante et de la Vulgate qui témoignent contre milbad, le Targum a lu malmad et y a vu un aiguillon ; de même, la version syriaque qui le traduit par le même mot dont elle s’est servie pour dorbân dans I Sam., xm, 21. L’étymologie de malmad justifie cette traduction, le verbe lob, lâmad, étant pris à certaines formes dans le sens de « dresser » une génisse ou un jeune bœuf. Cf. Osée, x, 11 ; Jer., xxxi, 17 (18). Le substantif malmad est donc ce qui sert à dresser, c’est-à-dire en Palestine pour les bœufs, V aiguillon ; aussi le Targum d’Eccle., xii, 11, paraphrase - 1 - il ainsi dorbôn : « comme l’aiguillon qui instruit le bœuf. » D’après une phrase de la Mischna, Kélim, IX, 6, cf. Gesenius, Thésaurus linguæ hebrsese, p. 349, les interprètes et les lexicographes juifs ont bien établi le rapport qui existe entre les deux mots malmad et dorbân ; le premier désigne tout l’instrument d’après sa fonction, et le second plus spécialement la pointe dont il est armé. L’expression malmad doit donc être maintenue dans Jud., iii, 31, avec le sens d’aiguillon, et l’usage palestinien d’aiguillons énormes et redoutables peut, comme l’a bien vu Maundrell, servir de justification et de commentaire à ce passage.

II. Aiguillon désigne encore dans la Bible le dard d’un animal ; les sauterelles de l’Apocalypse, ix, 10, sont armées d’aiguillons (xévxpa ; Vulgate : aculei) à la queue, comme le scorpion. C’est un aiguillon du même genre que saint Paul, d’après les Septante, attribue à la mort. I Cor., XV, 55 ; 7to-j dou OâvatE tô xsvtpov ; Vulgate : ubi est, mors, stimulus tuus ; mais dans Osée, xiii, 14, qui est ici cité,

xfvTpov ne rend pas l’hébreu ïpisp, qâtobkâ, que la Vulgate traduit : morsus tuus, « ta morsure, » mais qui signifie proprement « fléau, maladie contagieuse ». Les traducteurs grecs et latins n’ont pas fait une version littérale, ils se sont contentés d’exprimer le sens d’une manière générale.

III. Enfin, aiguillon se lit aussi dans la Vulgate, II Cor., xii, 7, où saint Paul dit : datus est mihi stimulus carnis mese. D’après l’interprétation courante de ce passage, stimulus carnis mese, « l’aiguillon de ma chair, » serait pris au figuré pour signifier l’excitation de la concupiscence ; mais dans le grec ni le mot traduit par stimulus, ni surtout la tournure de la phrase : èSôBt) ijloi (txôXo’J/ tîj dôpxi, ne justifient cette interprétation. Elle n’a du reste été connue ni des anciens commentateurs grecs, ni même des latins avant saint Grégoire le Grand. Le mot grec ar.hoty ne se lit, dans le Nouveau Testament, que dans ce passage ; mais on le trouve usité chez les auteurs profanes, et il est plusieurs fois employé par les Septante dans la version de l’Ancien Testament, Num., xxxiii, 55 ; Osée, ii, 6 ; Ezech., xxviii, 24 ; Eccli., xliii, 19 (21), avec le sens d’  « épine ». Voir surtout Num., xxxiii, 55, où les Chananéens épargnés doivent être pour les Israélites, hébreu : « comme des épines dans les yeux ; » Septante : (TXÔXoiteç èv Totç ôçOiX^oï ? ; Vulgate : clavi in oculis. Sous l’image d’une épine enfoncée en sa chair, l’Apôtre désigne ou les persécutions dont il était victime, comme le

pense saint Jean Chrysostome, In II Cor., t. iii, col. 577, ou une maladie, comme le croit saint Jérôme, Comim. in Gal., t. xxvi, col. 381 ; Epis t. xxii, t. xxii, col. 4l7, maladie dont les crises étaient pour lui un sujet d’humiliation, et même une occasion d’épreuve pour les nouveaux convertis. Gal., iv, 13 (14). Mais l’allusion est trop voilée et trop rapide pour qu’il soit possible de dire, malgré les efforts des interprètes, de quelle maladie il s’agit. J. Thomas.

AIL, hébreu, Sûm ; Septante, tô oxôpSi ; Vulgate, allia. L’ail ordinaire, altium sativum, a été cultivé de tout temps. C’est une plante herbacée,

bulbeuse, de la tribu des Hyacin thinées, de la famille des Liliacées (fig. 63). Elle a une tige d’envi ron trente centimètres, garnie de

feuilles linéaires et planes, et se terminant par des fleure d’un blanc sale, à étamincs saillantes. Le

bulbe radical, qui est la seule

partie comestible, est formé de

tuniques minces, blanches ou rou geàtres, accompagnées en dessous

d’autres petits bulbes, de forme

presque ovoïdes. C’est ce qu’on

appelle les « gousses d’ail ». L’ail croit spontanément en Egypte et

dans le midi de l’Europe. Il est

très estimé et l’on en fait une

grande consommation, surtout

comme assaisonnement, dans tous

les pays chauds. Son nom hébreu,

sûm, paraît tiré de l’odeur de l’ail. On croit que son nom latin et

français se rattache à la racine

celtique ail, signifiant chaud, acre, brûlant, également par allusion

aux propriétés de la plante. On

sait, en effet, qu’elle a une odeur forte et caractéristique, et un goût acre et piquant. L’âcreté de l’ail

d’Egypte est moins grande que

celle de l’ail de nos contrées. C’est un excitant énergique, et il stimule l’appétit. L’espèce la plus commune

en Orient, et en particulier en Palestine, est celle que nous appelons échalotte, allium Ascalonicum, parce qu’elle fut apportée d’Ascalon en Europe par les croisés (fig. 61). Par sa saveur, elle tient le milieu entre l’ail ordinaire et l’oignon.

L’ail n’est mentionné qu’une fois dans l’Écriture. Parmi les productions de l’Egypte que les Israélites regrettent dans le désert du Sinaï, les aulx sont nommés, Num., xi, 5, avec les concombres, les melons, les porreaux et les oignons. Ils occupent la dernière place dans cette énumération. Fatigué de n’avoir d’autre nourriture que la manne, le peuple murmure ; il voudrait manger de la viande ; il voudrait aussi du poisson, comme il en avait abondamment dans la vallée du Nil, et ces aliments rafraîchissants, les concombres, les melons, qui ne sont pas moins appréciés dans les climats chauds que les porreaux, les oignons et les aulx. Nous savons par les auteurs profanes que ces derniers, quoique peu nourrissants, servaient d’aliment aux anciens Egyptiens. Hérodote, II, cxxv, les mentionne parmi les provisions fournies aux ouvriers qui élevèrent la pyramide de Chéops. Les soldats, les matelots grecs et romains, et les gens de la campagne, en Italie et en Afrique, en faisaient une grande consommation. Cf. Virgile, Ed., ii, 11 ; Pline, H. N., xix, 32. Il en est toujours de même en Orient. Nous avons vu les indigènes manger, en Egypte et en Syrie, des aulx coupés en petits morceaux qui nageaient dans le vinaigre. C’est peut-être le plat que Booz donnait à ses moissonneurs.

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63. — Ail.

(Allium sativum.) Ruth, ii, 14. Ce qui est certain, c’est qu’il sert encore aujourd’hui, en Palestine, de nourriture aux ouvriers qui travaillent dans les champs. — Dans les contrées où souffle le simoun, on lui attribue une vertu particulière. « Les habitants, dit Elphinstone, mangent de l’ail et s’en servent pour se frotter les lèvres et le nez, quand ils sortent en été en plein air, afin de n’avoir pas à souffrir du simoun. » An Account of the kingdom of Canbul, Londres, 1815, p. 140.


64. — Échalotte. (Allium ascalonicum.)

F. Vigouroux.

AILA, nom donné à la ville d'Élath, IV Reg., xvi, 6. Voir Élath.

    1. AILATH##

AILATH, ville située à la pointe septentrionale du golfe Élanitique, qui lui doit son nom. 1Il Reg., ix, 96 ; II Par., viii, 17 ; xxvi, 2. Ce nom est écrit ailleurs Élath. Voir Élath.

AILE, hébreu : kânâf ; Vulgate : ala, penna. Ce mot désigne souvent dans l'Écriture, comme dans notre langue, la partie du corps des oiseaux qui leur sert à voler, Gen., i, 21 ; Deut., iv, 17 ; Job, xxxix, 13 ; Zach., v, 9, etc. ; mais aile a aussi dans plusieurs passages un sens particulier. Les Hébreux donnaient métaphoriquement le nom d’aile à tout ce qui avait avec elle quelque trait de ressemblance :


65. — Image divine égyptienne.

1° au bord d’un vêtement, I Sam., xxiv, 5, 12 ; Num., xv, 38 ; Deut., xxii, 12 ; Jer., ii, 34 ; Agg., ii, 12 ; au bord d’une couverture de lit, iJDeut., xxiii, 1 (Vulgate, xxii, 30) ; xxvii, 20 ; cf. Ezech., xvi, 8 ; Ruth, iii, 9 ;

2° à l’extrémité de la terre, Job, xxxvii, 3 ; xxxviii, 13 ; Is., xi, 12 ; xxiv, 16 ; Ezech., vii, 2 ;

3° à une partie d’une armée ou à une armée qui s'étend comme des ailes, Is., viii, 8 ; xviii, 1 ; ce qui a fait penser à quelques interprètes que « l’aile de l’abomination » dont parle Daniel, ix, 27, et dont l’explication est si difficile, signifie les armées romaines qui désolèrent la Judée ; voir Abomination de la désolation ;


66. — Image divine assyrienne.

4° au pinacle du Temple de Jérusalem, πτερύγων τοῦ ἱεροῦ, pinnaculum Tempi, Matth., iv, 5, expression dont la signification est douteuse et controversée ; voir Pinacle.


67. — Image divine phénicienne.

5° Les poètes hébreux donnent des ailes au vent, Ps. xvii (hébreu, xviii), 11 ; ciii (civ), 3, pour peindre sa vitesse. Cf. Ps. cxxxviii (cxxxix), 9 ; Osée, iv, 19. L’emploi du mot « ailes » dans la prophétie d’Isaïe sur l’Egypte et l’Ethiopie, xviii, 1, est obscur : les uns y voient les voiles des barques qui voguent rapidement sur le Nil ; d’autres, les ombres des montagnes ; d’autres encore, une espèce de mouche ou d’insecte ailé. Malachie, iv, 2, compare à des ailes les rayons vivifiants du soleil de justice (le Messie).


68. — Porte du temple de Séti Ier, à Abydos.

6° Le sens le plus intéressant du mot « ailes » dans l'Écriture est celui de « protection, de tutelle ». Les écrivains

sacrés aiment à comparer Dieu, par une similitude semblable à celle qu’emploie Notre-Seigneur lui-même, Matth., xxiii, 37 ; Luc, xiii, 34, à un oiseau étendant ses ailes pour y mettre à l’abri ses petits, qui courent s’y cacher et s’y réfugier. Ruth, ii, 12 ; Ps. xvi (xvii), 8 ; xxxv (xxxvi), 8 ; lvi (Lvn), 2 ; lx (lxi), 5 ; lxii (lxiii), 8 ; xc (xci), 4 ; Mal., iv, 2 (m, 20). D est curieux de remarquer que les Égyptiens (fig. 65), les Assyriens (fig.66 ; cf. fig. 37, col. 235) et les Phéniciens (fig. 67), représentaient la divinité avec

forts et les plus puissants de la création, les ailes figurent l’aigle, le roi des airs, associé au taureau, roi des animaux domestiques, au lion, roi des bêtes sauvages, et à l’homme, qui commande à toutes les créatures. Voir Chérubin. — Dans les visions de Daniel, vil, 4, le lion à ailes d’aigle rappelle les lions ailés androcéphales, si communs dans la sculpture chaldéoassyrienne (fig. 69), et est une image très juste du roi de Babylone, fort comme un lion, cf. Jer., iv, 7 ; xijx, 19 ; l, 17, 44, et rapide comme un aigle

Lion ailé. Sculpture assyrienne. British Muséum.

des ailes éployées qui devaient avoir un sens symbolique, entre autres celui de protection, comme on l’admet pour le disque solaire ailé des Égyptiens, qu’on plaçait au-dessus des portes des temples afin de montrer qu’on y était sous la garde et la protection divine (fig. 68).

7° Enfin le mot « aile » est employé avec une signification symbolique spéciale dans les visions des prophètes et dans l’Apocalypse. Is., vi, 2 ; Ezech., i, 6, 8, 9, 11, 23, 24, 25 ; m, 13 ; x, 5, 8, 12, 16, 19, 21 ; xi, 22 ; Dan., vii, 4, 6 ; Zach., v, 9 ; Apoc, iv, 8 ; ix, 9 ; xii, 14. Les Séraphins d’Isaïe, vi, 2, ont six ailes, dont le prophète lui-même nous explique l’usage : « avec deux ils couvraient leur face, » afin de ne point voir la majesté de Dieu ; « avec deux ils couvraient leur corps, » afin qu’il ne pût pas être vu, comme le dit le Targum de Jonathan, cet avec deux ils volaient. » Voir Séraphin. — Dans les Chérubins d’Ézéchiel, qui réunissent les formes symboliques des animaux les plus

qui fond sur sa proie les ailes éployées. Jer., xlix, 22 ; Lam., IV, 19 ; Ezech., xvii, 3-7, 12 ; cf. Hab., i, 8. Le léopard à quatre ailes d’oiseau, Dan., vii, 6, figure Alexandre le Grand et la rapidité des conquêtes macédoniennes. — Zacharie nous montre, v, 9, une femme placée dans un épha ou amphore soulevée dans les airs par deux autres femmes qui ont des ailes de cigogne (Vulgate : de milan). Les ailes qui leur sont données nous expliquent comment elles peuvent voler ; leurs ailes sont celles de la cigogne, parce que cet oiseau les a grandes et fortes, et que les femmes de la vision ont un poids très lourd à porter. — Les six ailes des quatre animaux mystérieux dans l’Apocalypse, iv, 8, rappellent celles des Séraphins d’Isaïe et celles des Chérubins d’Ézéchiel. Les ailes des sauterelles symboliques, ix, 9, leur sont naturellement attribuées comme aux sauterelles réelles ; Joël, ii, 5, avait déjà comparé, comme le fait ici saint Jean, le bruit que tont les armées de ces.

insectes à celui des chars de guerre. La femme qui sym= bolise l'Église, xii, 14, a deux ailes d’un grand aigle pour échapper à son persécuteur et s’enfuir dans le désert où elle est à l’abri de sa rage. — L’art chrétien, s’inspirant de ces visions des prophètes, représente les anges avec deux ailes, pour exprimer la rapidité avec laquelle ces messagers célestes exécutent les ordres de Dieu. C’est sans doute une raison esthétique qui ne leur fait donner que deux ailes, quoique les Séraphins et les Chérubins en eussent davantage. F. Vigouroux.

1. AÏN, hébreu : yj, 'ayin, mot qui signifie « source ». Il entre dans la composition d’un certain nombre de noms de lieux tirant leur dénomination des eaux qui y prenaient naissance. Rarement le mot « Ain » est employé tout court, comme Jos., xrx, 7 ; xxi, 16 (et xv, 32, où la "Vulgate écrit Aen, au lieu d’Ain), pour désigner une ville de Siméon ; comme Num., xxxiv, 11 (Vulgate : fontem Daphnim, le mot « Daplinim » est ajouté au texte original), pour désigner une localité de la Palestine septentrionale (une source du Jourdain ou une autre source célèbre, d’après divers commentateurs) ; comme probablement ^Ennon, Aïvwv, Joa., iii, 23, qui semble être un adjectif, rwy, 'ênôn, dérivé de 'ayin, et signifier « un lieu abondant en sources ». Ordinairement le mot 'ayin est suivi d’un autre qui le complète et le précise. Comme l’orthographe de notre Vulgate a altéré la forme primitive, nous donnons ici l'énumération des noms géographiques qui commencent par 'ayin, en les faisant suivre de la transcription adoptée par notre Bible latine : 1° 'En Gedî ("-ayin devient 'en, parce qu’il est à l'état construit), dans le désert de Juda ; Engaddi. — 2° 'Ên-gannîm, ville de Juda ; JEngannim. — 3° 'Ên-gannîm, ville d’Issachar ; Engannim. — 4° 'En Dôr, ville de Manassé ; Endor. — 5° 'En ffaddâh, ville d’Issachar ; Enhadda. — 6° 'En Hâsôr, ville de Nephthali ; Enhasor. — 7° 'En Bîârôd, près du mont Gelboé (peut-être un simple nom de source, non de localité) ; fontem Harad. — 8° 'En MiSpât, la même ville que Cadès ; fontem Misphat. — 9° 'En 'Êglaïm, ville au nord de la mer Morte ; Engallim. — 10° 'En SéméS, sur la limite des tribus de Juda et de Benjamin ; Fons Solis, Ensemes. Voir aussi Enaim. — Outre ces noms de lieux, quelques sources ont aussi un nom propre dans l’Ancien Testament : il "'ÊnRôgel, près de Jérusalem ; Fons Rogel. — 2° 'En Tannîm, également près de Jérusalem ; Fons. Draconis.— B"'Ên fapûah, fontaine de la ville de Taphua ; Fons Taphuse, etc. — Voir, à leur place respective, selon l’orthographe de la Vulgate, chacun de ces noms propres.

2. AlH (hébreu : 'Ayin ; Septante : "Hv, I Par., iv, 32 ; Vulgate : Aen, Jos., xv, 32 ; 1 Par., iv, 32 ; Ain, Jos., xrx, 7 ; xxi, 16), ville méridionale de la tribu de Juda, Jos., xv, 32 ; attribuée plus tard à celle de Siméon, Jos., xix, 7 ; I Par., iv, 32 ; et donnée aux enfants d’Aaron, Jos., xxi, 16 (dans la liste des villes lévitiques, I Par., vi, 59, on trouve Asan au lieu de 'Ayin). Le texte original du second livre d’Esdras, XI, 29, joint Ain à Rimmon, qui, dans tous les autres passages (excepté Jos., xxi, 16), suit immédiatement, deux fois même sans le vav conjonctif, Jos., xix, 7 ; I Par., iv, 32 ; il en forme ainsi un mot composé, 'Ên-Rimmôn. Les Septante ont fait de même dans d’autres endroits en traduisant : 'Epw|i<J8, Jos., xv, 32 ; 'Eps|jL|jLwv, Jos., xix, 7, contraction évidente de 'Ên-Rimmôn. D’ailleurs ce mot 'Ain, à l'état construit 'En, est souvent uni à d’autres noms, et indique quelque fontaine remarquable, située dans le lieu ainsi déterminé ou dans le voisinage, par exemple, Engaddi, Jos., xv, 62 ; Engannim, Jos., xix, 21 ; Endor, Jos., xvii, 11, etc. Cette union des deux mots a fait supposer à certains auteurs que les deux localités étaient si rapprochées l’une de l’autre, qu’elles ont fini, dans la suite des temps, par n’en plus former qu’une seule. Quoi qu’il en soit, nous pouvons approximativement déterminer la position d’Ain d’après ceÛe de Rimmon, qu’on identifie généra lement avec Khirbet Oumm er-Roumâmin, à trois heures au nord de Bersabée, sur la route de Beit-Djibrin (Eleuthéropolis).

C’est donc dans les environs de l’ancienne Rimmon qu’il faut chercher Aïn. Or, suivant quelques critiques, l’emplacement en serait marqué par un puits antique, très fréquenté des Bédouins, et situé à une demi-heure au sud de la ville actuelle. Robinson avait d’abord cru la retrouver bien plus à l’est, dans les ruines de Ghuwein (Rhoueîn ech-Charkiéh ou Rhoueîn er-Rharbiéh), dont le nom est un diminutif correspondant à l’hébreu 'Ain. Biblical Researches in Palestine, i" édit., 1841, t. ii, p. 625, note 2. Mais plus tard, 2e édit., 1856, t. ii, p. 204, note 1, il identifie ces ruines avec Anim de Juda, Jos., XV, 50, tout en reconnaissant que le nom arabe correspond mieux à l’hébreu 'Ain ; et, en effet, la première lettre aïn, étant remplacée par le ghaïn (r grasseyé), comme dans Gaza (hébreu : 'Azza ; arabe : Ghazzëh ou Rkazzéh), les autres sont semblables. M. Victor Guérin avoue qu’il est permis de choisir, pour l’identification de Rhoueîn, entre ces trois villes : Aroër, Aïn et Ajiim, bien que sa préférence se porte sur la première. Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 193. Il nous est difficile cependant de voir comme lui une corruption de l’hébreu 'Arô'êr dans la dénomination arabe de Rhoueîn. Nous croyons en somme que, si cette dernière localité ne marque pas l’emplacement certain d’Aïh, il faut le chercher non loin de là, dans certaines limites indiquées d’un côté par Rimmon ( Khirbet Oumm er-Roumâmin), et les villes sacerdotales de Jéther (Khirbet 'Attir) et Esthemo (Semou’a). Jos., xxi, 14.

Voir Anim.
A. Legendre.

3. AlN (hébreu : lâ'âyin, avec la préposition et l’article ; Septante : Irfk rowiç, « aux sources ; » Vulgate : contra fontem Daphnim), endroit mentionné par Moïse, Num., xxxiv, 11, comme formant une des limites orientales de la Terre Sainte. Plusieurs anciens manuscrits de la Vulgate omettent le mot Daphnim, qui n’est sans doute qu’une glose empruntée aux commentaires de saint Jérôme. Le saint docteur, en effet, identifiant Rebla, Num., xxxiv, 11, avec Antioche de Syrie, en conclut que « la fontaine » indiquée ici est celle de Daphné, dans le célèbre bois sacré qui était aux portes de la grande cité. Comment, in Ezech., t. xxv, col. 478. Ce qui était donné comme une simple explication aura été plus tard interpolé dans le texte par quelque copiste. Cf. C. Vercellone, Varias lectiones Vulgatse latinæ, Rome, 1860, 1. 1, p. 475. D’ailleurs l’identification proposée par saint Jérôme est absolument inadmissible, car les frontières de la Terre Sainte ne se sont jamais étendues si loin.

L’emplacement d’Ain est d’autant plus difficile à fixer, que les noms qui précèdent, ꝟ. 9, 10, présentent euxmêmes une assez grande obscurité. Cet endroit semble appelé dans le texte à déterminer la position de Rébla, qui se trouvait « à l’orient ». Mais s’agit-il bien ici de la ville identifiée avec une localité du même nom, Ribléh, située sur la rive orientale de l’Oronte, à une certaine distance au-dessus de Homs ? Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 542-546 ; J. L. Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855, t. ii, p. 335-336. S’il en était ainsi, Ain serait, suivant plusieurs auteurs, Ain el-Asi, une des principales sources de l’Oronte, à quatre ou cinq lieues au sud - ouest de Ribléh. Cette hypothèse, il faut le dire, soulève plusieurs objections. Et d’abord, la situation de Ribléh ne parait guère s’accorder avec l’ensemble des limites décrites Num., xxxiv, 9-11 : c’est porter bien haut le territoire des neuf tribus et demie qui se partagèrent l’occident de la Terre Promise. Num., xxxiv, 13. Et puis, quoique l’auteur sacré trace à grands traits cette délimitation orientale, il y a une fameuse lacune de ce point au lac de Cénéreth ou de Génésareth, qui vient immédiatement après. Enfin la distance d’Ain el-Asi à Ribléh, et la direction, qui est plutôt

celle du nord-est que celle de l’est, ajoutent bien quelque chose à la difficulté. Aussi certains critiques, frappés de voir l’article devant Biblah, hâribldh, croient ici à une leçon défectueuse, et prétendent qu’on peut lire : Har Belah ; ce qui semble confirmé par la version des Septante : àwb £eii<pajiàp BnjXi, pour à « b SsTupâii, « de Sepham, Sp Bï]Xdi, « à la montagne de Bel. » Cette montagne serait alors le Har-Baal-Hermon, dont parle le livre des Juges, iii, 3, c’est - à - dire le pic de l’Hermon, qui mieux que tout autre point formait une marque naturelle de frontière. Cf. Trochon, La Sainte Bible, les Nombres et le Deutéronome, i"> part., Paris, 1887, p. 194. Dans ce cas, Aïn indiquerait une des sources du Jourdain.

A. Legendre.

AÎNESSE (DROIT D'). Le mot « aîné » ou « premierné » s’entend, dans l'Écriture, dans deux sens différents. Tantôt il signifie le premier enfant d’une femme, sans qu’on se demande d’ailleurs si le père de cet enfant en a eu d’autres avant lui ; ce « premier-né » est l’objet de prescriptions particulières, qui concernent surtout sa consécration à Dieu et son rachat ; tantôt ce mot signifie le premier enfant mâle qui naît à un homme, quand même ce ne serait pas le premier enfant de sa femme, qu’il peut avoir épousée en secondes noces ; que s’il a plusieurs femmes, comme cela était permis chez les Hébreux, c’est le premier enfant qui lui naît, quand même ce serait de sa seconde ou troisième femme. C’est ce « premier-né » seul qui jouit du droit d’aînesse, et qui fait l’objet du présent article. Pour tout ce qui concerne le premier-né dans l’autre sens de ce mot, voir Premier-né. L’existence du droit d’aînesse chez les Hébreux est constatée par l’histoire de Jacob et d'Ésaû. Gen., xxv, 31-34 ; xxvii, 36. Ce droit est appelé mispat habbekôrâh, « droit de la primogéniture, » Deut., xxi, 17, ou simplement, par ellipse, bekôrâh, « primogéniture, aînesse. » Gen., xxv, 31, 34 (Septante : xà npcotoToxia ; Vulgate : primogenita).

I. En quoi consistait le droit d’aînesse. — Le droit d’aînesse comprenait plusieurs privilèges ou droits spéciaux : 1° Le droit d’avoir deux parts dans l’héritage paternel. Un texte célèbre du Deutéronome contient en abrégé tout ce que nous avons à dire sur ce point : « Si un homme, ayant deux femmes, aime l’une d’elles et dédaigne l’autre, et que, ces deux femmes ayant eu des enfants de lui, le fils de celle qu’il dédaigne soit le premierné, lorsqu’il voudra partager son héritage entre ses enfants, il ne pourra pas déclarer premier-né le fils de celle qu’il aime ; mais il devra reconnaître comme tel celui qui l’est réellement, et il lui donnera une double part dans tous les biens qui se trouveront chez lui, parce qu’il est le premier fruit de sa force, et qu’ainsi le droit d’aînesse lui appartient. » Deut., xxi, 15-17. Tel est le texte unique, dans la Bible, qui parle explicitement de la double part appartenant à l’aîné ; mais, on le voit, Moïse ne crée pas ce droit ; il le suppose, au contraire, en pleine vigueur. Toute la tradition juive est unanime sur ce point. Mischna, traité Békôrôf, viii, 9, édit. Surenhusius, part, v, p. 185 ; voir les commentaires de Bartenora et de Maimonide sur ce passage, ibidem. Cette double part est appelée pî éenayîm, littéralement « part de deux ». Les rabbins ont soin de nous dire comment on la déterminait ; on divisait l’héritage en autant de parts, plus une, qu’il y avait d’enfants aptes à succéder ; chaque enfant avait une part, et l’alné en avait deux. D’après le texte cité du Deutéronome, la double part était prise a sur les biens qui se trouvaient chez le père au moment de sa mort » ; les rabbins ont interprété strictement ces paroles : ainsi l’aîné n’avait pas de droit spécial sur les biens maternels, ni sur les biens qui pouvaient accroître la succession du père après la mort de celui-ci et avant la division, par exemple, les biens du grand-père ; il n’avait sur ces biens qu’une seule part, comme ses frères ; quant aux créances recouvrées après la mort du père, il y a controverse entre les interprètes sur la question de savoir si le droit spécial de l’alné s’exer çait sur elles. Bartenora, à l’endroit cité de la Mischna ; Selden, De successionibus ad leges Hebrœorum, Francfort-sur-1'Oder, 1673, p. 25-26. D’autre part, s’il s’agissait d’immeubles, on faisait en sorte que les deux parts, de l’aîné fussent, non pas séparées, mais continues, afin qu’elles eussent plus de valeur. Selden, loc.çit. La « double part » est restée célèbre dans tout l’Ancien et même dans le Nouveau Testament ; elle fut même employée dans un sens métaphorique, pour signifier « une part abondante ». Ainsi Elisée demande à Élie une double part, pi Senayîm, de son esprit. IV Reg., ii, 9. Saint Paul veut qu’on accorde aux ministres bien méritants une double part des honoraires, SnrXîjç Ti(ir|c. I Tim., v, 17.

2° La dignité sacerdotale. Avant la loi de Moïse, qui réserva à la tribu de Lévi les fonctions sacerdotales, ces fonctions, en règle générale, appartenaient aux aînés des familles ; c'était là une de leurs prérogatives. Quelques auteurs ont nié ce fait, comme Vitringa, Observationes sacrée, Iéna, 1723, II, n ; Leclerc, In Gen., xxv, 31, Amsterdam, 1710, p. 198-199 ; Spencer, De legibus Hebrseorum rilualibus, la Haye, 1686, 1, vi, p. 115-117 ; Goerée, La république des Hébreux, Amsterdam, 1713, traduction de Basnage, t. iii, p. 1-6. Rosenmûller semble avoir varié sur ce point : In Gen., xlix, 3, et In Exod., xiii, 2, il est favorable à l’opinion affirmative ; au contraire, In Gen., xxv, 31, et In Exod., xix, 22, il est plutôt favorable à l’opinion contraire. Nous regardons comme beaucoup plus probable l’opinion qui reconnaît aux aînés la prérogative dont il s’agit. Sans doute aucun texte scripturaire, clair et formel, ne la prouve directement. Mais : 1° elle est fondée sur deux textes de l’Exode, combinés avec l’interprétation qu’en donnent les plus antiques versions. Dans Exod., xix, 22, 24, et par conséquent avant la loi mosaïque, il est question de prêtres, kôhanim, tout à fait distincts de la masse du peuple. Qui sont ces prêtres ? Le texte sacré nous le dit un peu plus loin, Exod., xxiv, 5 : « Et il [Moïse] envoya des jeunes gens, ne’arîm, d’entre les enfants d’Israël, et ils offrirent des holocaustes, et ils immolèrent des victimes pacifiques. » Voilà bien les prêtres exerçant les fonctions de sacrificateurs. Or les plus antiques versions ou paraphrases traduisent « jeunes gens » par « premiers-nés d’Israël ». Ainsi traduisent le Targum d’Onkelos, du I er siècle, le Targum du pseudoJonathan, le Targum de Jérusalem, la version arabe de Saadia, la traduction persane du Pentateuque. — 2° Cette opinion est fondée sur la tradition juive, qui sur ce point est unanime et constante. La Mischna est formelle : dans le traité Zebarim, xiv, 4, édit. Surenhusius, part, v, p. 58, elle enseigne « qu’avant que le tabernacle fût construit, l’oblation des sacrifices était faite par les premiers-nés ; mais qu’après la construction du tabernacle, les fonctions du culte furent réservées aux lévites. » C’est encore ce qu’on lit dans le Bereschit Rabba, ꝟ. 71 a. Aussi les commentateurs juifs n’hésitent pas dans leur enseignement sur ce point. Raschi (ou Jarchi), In Exod., jxiv, 5 ; Aben-Ezra, au même endroit ; Bêchai, In Gen., xlix, 3 ; Bartenora et Maimonide dans leurs commentaires sur la Mischna, à l’endroit cité du traité Zebarîm, soutiennent, sans aucune mention de controverse, la dignité sacerdotale des premiers-nés, et présentent leur sentiment comme une tradition constante dans leur nation. Au xvir= siècle, le rabbin Manassès a résumé de nouveau cette tradition dans son Conciliator, Amsterdam, 1633, In Exod., q. 29. — 3° À la tradition juive se joint la tradition chrétienne. Un nouvel argument a confirmé dans leur opinion les interprètes chrétiens. Saint Paul, Heb., XII, 16, appelle Ésaû un profane, pl61)Xoç, pour avoir vendu son droit d’aînesse. Ce mot signifie violateur ou profanateur d’une chose sacrée. Or le droit d’aînesse ne pouvait être sacré que parce qu’il renfermait la prérogative du sacerdoce ; sans cela Esaû aurait été un prodigue, un imprudent, mais pas un sacrilège. Saint Jérôme reconnaît cette prérogative aux premiers-nés des Hébreux, et donne son interprétation comme reposant sur la tradition juive, Epist. lxxiii ad Eyangelium, t. xxii, col. 680 ;

Quœst. Hebraicæ in Gen., xxvii, 15, t. xxiii, col. 980, et aussi dans l’opuscule De benedictionibus Jacob patriarches, qui a été sinon écrit par saint Jérôme, au moins extrait littéralement de ses écrits, t. xxiii, col. 1309. Saint Jérôme a été suivi par la foule des commentateurs chrétiens et des auteurs qui ont écrit sur l'état de la religion chez les Juifs : Bertramus, De republica Hebrœorum, Leyde, 1641, p. 28-29 ; Menochius, De rep. Heb., Paris, 1648, II, v, 1 ; V, IX, 5 ; Buddeus, Historia Veteris Testament^, Halle, 1744, t. i, p. 246, 3Il et suiv. ; Jahn, Archœologia biblica, § 164 ; Selden, De successionibus ad leges Hebrœorum, Franclbrt-sur-1'Oder, 1673, p. 22-23, 100-101 ; Cajetanus, In Exod., xix, 22, et In Heb., xii, 16 ; Cornélius a Lapide, In Gen., xxv, 31 ; In Exod., xxiv, 5, et In Hebr., xii, 16 ; Delrio, quoique avec un peu d’hésitation, In Gen., xxv, 31 ; Ugolini, Sacerdotium hebraicum, i, dans son Thésaurus antiquitatum sacrarum, Venise, 1752, t. xiii, p. 136-141 ; Saubert, De sacerdotibus Hebrœorum, l, i, dans Ugolini, Thésaurus, t. xii, p. 1-2 ; Krumbholtz, Sacerdotium hebraicum, i, dans Ugolini, Thésaurus, p. 83 ; Heidegger, Historia Patriarcharum, Zurich, 1729, 1. 1, Exerc. i, p. 16 ; S. Thomas, 1*2°, q. 103, art. i, ad 3. Ces auteurs ont été précédés ou suivis par beaucoup d’autres ; voir Critici sacri, Amsterdam, 1698, 1. 1, In Exod., xix, 22, et xxiv, 5, et t. vii, In Hebr., XII, 16. On le voit, la tradition juive et la tradition chrétienne sont, sur le point qui nous occupe, assez unanimes et assez fondées pour que nous puissions négliger les quelques contradicteurs que nous avons signalés, sans toutefois prétendre que le sentiment que nous soutenons soit tout à fait certain. Du reste nous affirmons seulement la régie générale, et nous admettons volontiers que, soit par une intervention particulière de la Providence, soit par une disposition spéciale de l’autorité publique, il y ait eu avant la loi d’autres prêtres que les premiers-nés, comme, par exemple, Abel et Moïse, qu’on reconnaît assez généralement avoir exercé les fonctions du sacerdoce. Signalons en passant les opinions de plusieurs rationalistes contemporains, qui prétendent non seulement que les premiers-nés n'étaient pas prêtres à l’exclusion des autres, mais que même, chez les Israélites, jusqu'à la fin des Juges, chacun état prêtre comme et quand il voulait, en sorte qu’il n’y avait sous ce rapport aucune distinction chez eux entre les « laïques » et les prêtres ou lévites. Wellhausen, Prolegomena zur Geschichte Isræls, p. 149-150 ; Kuenen, The Religion of Israël, passim ; Rob. Smith, The Old Testament in the Jeivish Church, p. 435 et suiv. Comme cette erreur repose sur la non authenticité du Pentateuque, ce n’est pas le lieu de la réfuter ici. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 3e édit., t. iii, p. 157-166.

3° Une certaine autorité quasi-paternelle sur les frères puînés. Tant que le père de famille était en vie, cette autorité du premier-né n’avait que peu d’exercice ; elle consistait dans une espèce de surveillance sur ses frères, dans une certaine direction imprimée à leur conduite sous l’autorité du père. C’est ce que nous voyons en action dans la famille de Jacob, où Ruben, le premierné, dirige ses frères, leur donne des conseils, les réprimande, prend le premier la parole, assume les responsabilités, etc. Gen., xxxvil, 21-22, 30 ; xlii, 22, 37. L’alné a du reste partout la première place, par exemple, à table, Gen., xliii, 33, et dans les généalogies, 1 Par., ii, 1, etc. À la mort du père, l’aîné a droit, de sa part, à une bénédiction spéciale, qui lui est exclusivement propre, et qui assure et confirme ses privilèges. Dès que le père est mort, c’est le premierné qui devient le chef de la famille, et ses frères sont soumis à son autorité, ceux surtout qui continuent à habiter dans la maison paternelle. Voilà pourquoi, dans les tables généalogiques du premier livre des Paralipomènes, le premier-né est souvent appelé le chef, ro'è, princeps, de la maison ; et l’auteur de ce livre signale comme un fait extraordinaire qu’un père ait établi « chef » un de ses enfants qui n'était pas le premier-né. I Par., xxvi, 10.

Cf. Michælis, Mosaisches Recht, § 84, t. ii, p. 110. Cette soumission des frères à leur aîné est exprimée d’une manière frappante par ces paroles d’Isaac à celui qu’il croyait son premier-né, et qu’il bénissait comme tel : « Sois le maître (gebir) de tes frères, et que les enfants de ta mère s’abaissent profondément devant toi. » Gen., xxvii, 29. Cf. xxv, 23. Voilà pourquoi Jacob, sur son lit de mort, disait à Ruben, qu’il déclarait déchu de son droit d’aînesse : « Ruben, toi, mon premier-né, et le premier fruit de ma force, tu étais le premier par la dignité, le premier par la puissance, » etc. Rosenmûller, In Gen., xlix, 3. Cf. Menochius, De republica Hebrœorum, V, ix, 5, p. 480 ; Heidegger, Historia Patriarcharum, t. i, Exerc. i, p. 15-16 ; Jahn, Archœologia biblica, % 164, dans Migne, Cursus completus Scripturæ Sacræ, t. ii, col. 926

Les trois privilèges que nous venons de signaler étaient généraux, c’est-à-dire appartenaient à tous les aînés ; dans certains cas, ils avaient des privilèges spéciaux très importants. Ainsi le roi avait pour successeur son fils aîné, II Par., xxi, 3 ; Cf. Schickard, Jus regium Hebrœorum, Leipzig, 1674, p. 444-445, à moins qu’une circonstance exceptionnelle ne donnât lieu à une disposition différente, comme il est arrivé à Salomon, qui succéda à David, quoiqu’il ne fût pas son fils aîné, III Reg., i ; c'était le fils aîné du grand prêtre qui le remplaçait dans ses fonctions, Boldich, Pontifex rnaximus Hebrœorum, dans Ugolini, Thésaurus, t. xil, p. 127. Il en était de même de toutes les autres fonctions ou dignités ; après la mort du père, c'était le fils aîné qui en était revêtu. Maimonide, Halach. Melakim, I, vii, traduction de Leydekker, Rotterdam, 1699, p. 9. Signalons le privilège par excellence chez les Hébreux : c'était l’aîné qui, dans la race royale de David, descendant de Juda, succédait à son père dans la promesse d'être ancêtre du Messie ; cf. Heidegger, Historia Patriarcharum, t. ii, Exerc. xii, p. 233. Voilà pourquoi les Hébreux ont employé le mot « premier-né », pour signifier une dignité éminente, ou simplement le superlatif. Jésus-Christ est appelé « le premier-né de toutes les créatures », parce que, par sa divinité, il est supérieur à toutes, Col., i, 15 ; une maladie terrible est appelée le « premierné de la mort », Job, xviii, 13. Cf. Is., xiv, 30 ; Gesenius, Thésaurus, p. 207.

II. Raisons, translation, charges et autres particularités du droit d’aînesse. — 1° Raisons. Il y en a deux principales ; la première nous est donnée par le texte sacré, Deut., xxi, 17 : « Parce qu’il est le premier fruit de sa force [de la force du père], à lui revient le droit d’aînesse. » C’est la même expression que nous avons vue, Gen., xlix, 3 : « Ruben, toi, le premier fruit de ma force. » Le premierné est donc la première manifestation et comme les prémices de la force virile du père ; et c’est pourquoi, chez ce peuple surtout, et à une époque où les prémices de chaque chose revêtaient un caractère joyeux et sacré, le père aimait beaucoup plus tendrement son aîné que ses autres enfants, le regardait comme un autre lui-même, et voulait se survivre en lui le plus complètement possible après sa mort. Une seconde raison, c’est le maintien des grandes familles dans leur dignité et leur opulence ; les patriarches israélites eurent bientôt remarqué que la division à l’infini et l'émietlement des propriétés sont l’amoindrissement progressif, et bientôt la ruine des familles ; pour écarter ce malheur, ils établirent le droit d’aînesse restreint que nous avons exposé, et que Moïse n’eut qu'à maintenir dans son code. Tout le monde sait qu’en Angleterre et dans plusieurs autres nations, la principale cause de la conservation des grandes familles, c’est le droit d’aînesse absolu ; les propriétés se transmettent intactes, indivisibles, et ainsi assurent aux chefs de famille une puissance qui ne peut que s’accroître. P. Viollet, Précis de l’histoire du droit français, Paris, 1886, p. 225, 723. Quelques auteurs ajoutent une troisième raison : les aînés étaient les types de JésusChrist, qui est le « premier-né » par excellence. Ps. lxxxvhi (héb. lxxxix), 28 ; Heb., i, 6. Jésus-Christ a toutes les prérogatives que nous avons signalées ; il a le sacerdoce, 321

    1. AINESSE##

AINESSE (DROIT D') — AIR

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et même le sacerdoce suprême, Heb., v, 5-10 ; vii, - 1-27 ; vm, 1 -3 ; x, 12, 14, etc. ; il a l’héritage des nations, Ps. ii, 8 ; de toutes choses, Heb., i, 2 ; surtout de la gloire céleste, Rom., viii, 17-18 ; il a l’autorité, même royale, Ps. ii, 6 ; Joa., xviii, 37, etc. C’est pourquoi les aînés, figures de JésusChrist, ont réuni sur leur tête tous ces privilèges an degré qui leur était possible. Heidegger, Hist. Patriarch., 1. 1, Exerc. i, n° 31, p. 17, 18 ; Zepper, Leges mosaicse forenses, Herborn, 1714, p. 32. Quoi qu’il en soit de cette raison mystique, il est certain que les auteurs sacrés, en représentant Jésus-Christ comme le premier-né par excellence, parlaient un langage très bien approprié à leurs lecteurs, et très apte à leur faire comprendre la dignité suprême de celui qu’ils leur annonçaient.

2° Translation. Avant la loi de Moïse, le père de famille avait le pouvoir, pour des raisons graves, de transporter le droit d’atnesse de son premier-né à un autre fils. Isaac transféra ce droit d'Ésaù à Jacob, son frère jumeau. Sans doute il le fit d’abord par erreur, mais lorsqu’il eut reconnu sa méprise, et qu’il aurait pu la rétracter, il ne le fit pas, malgré les vives instances d'Ésaû, et confirma ainsi, le voulant et le sachant, ce qu’il avait fait inconsciemment. Jacob, à cause du crime qu’avait commis Ruben, son premier-né, Gen., xxxv, 22, lui enleva son droit d’aînesse et le transporta en partie à Joseph, Gen., xlix, 3-4, 22, 26 ; en effet, celui-ci, lors du partage de la Terre Promise, qui était l’héritage d’Isaac et de Jacob, reçut dans la personne de ses descendants deux parts, attribuées à ses deux fils, Éphraïm et Manassé. Cf. I Par., v, 1-2. Remarquons, à cette occasion, une singularité : en transférant ce droit d’aînesse, Jacob le dédoubla ; il donna la double part à Joseph, comme nous venons de le dire, et la prééminence avec la promesse du Messie à Juda. Gen., xlix, 8-12. Les rabbins ajoutent qu’il donna le sacerdoce à Lévi ; mais ce point n’est pas prouvé ; ce n’est que plus tard que la tribu de Lévi fut exclusivement appliquée aux fonctions du culte. Ce pouvoir de transférer le droit d’aînesse, qu’avaient les pères de famille avant la loi, fut supprimé par Moïse. Deut., XXI, 17. On en comprend la raison. Si l’exercice de ce droit paternel était dans certains cas, comme ceux d’Isaac et de Jacob, très légitime, et même voulu de Dieu, on ne peut nier cependant que ce pouvoir ne fut l’occasion de beaucoup de troubles dans la famille ; l’aîné pouvait craindre constamment que le fils d’une autre femme ne lui fût préféré, et que celle-ci ne mit tout en œuvre auprès du père pour obtenir une translation tant désirée. Voilà pourquoi Moïse supprima ce droit. Michælis, Mosaisches Recht, § 79, t. ii, p. 86.

3° Charges. L’ainé avait des privilèges, il avait aussi des charges ; ainsi lorsqu’il y avait lieu à l’exercice des droits du goël (voir ce mot), par exemple, si l’un des enfants de la famille était tué, c'était l’aîné surtout qui avait l’obligation de venger son sang sur le meurtrier. Leydekker, De Republica Hebi’seorum, VI, ix, Amsterdam, 1704, p. 398. De même, comme les filles, d’après la loi de Moïse, n’avaient aucune part dans la succession de leur père, si l’une d’elles, pour quelque cause que ce fût, n'était pas mariée, elle était à la charge de ses frères ; mais c'était surtout l’aîné qui en avait le soin et la responsabilité ; sa double part ne lui était attribuée qu’afin qu’il pût plus facilement faire face à toutes les charges de la famille. Michælis, Mosaisches Recht, § 78, t. ii, p. 77 ; Saalschûtz, Dos Mosaische Recht, k. 109, p. 821.

4° Diverses particularités. Quand l’aîné mourait avant son père, ses droits d’aînesse n'étaient pas pour cela perdus ; ils passaient, non pas à un de ses frères, mais à ses enfants, qui sous ce rapport le représentaient. Selden, De successionibus, p. 24. Que s’il mourait avant d'être marié, son droit d’aînesse disparaissait avec lui ; .c'était probablement le cas de I Par., xsn, 10. Cf. Cornélius a Lapide, in hune loc. Les filles ne succédant pas au père, il ne pouvait être question pour elles de droit d’aînesse. Nous trouvons dans l’histoire d'Ésaû, Gen., xxv, 29-34, un

exemple bien connu de cession dn droit d’aînesse par contrat privé ; tous les interprètes font remarquer que ce contrat fut illicite de la part d'Ësaû ; mais plusieurs ajoutent qu’il était par lui-même invalide, et que, si le droit d’aînesse d'Ésaû fut réellement transféré à Jacob, c’est bien moins en vertu de ce contrat que par suite d’une disposition libre de la volonté divine. Gen., xxv, 22-23. Cf. Heidegger, Historia Patriarcharum, t. ii, Exerc. xii, p. 233.

S. Many. AINSWORTH Henri, théologien anglais, mort en Hollande vers 1623. Il est connu par un ouvrage plein d'érudition, Annotations on the five books of Moses, the Psalms and the Song of Solomon. La meilleure édition est celle de Londres, in-f », 1639. Outre les notes, on y trouve une traduction littérale de tous les livres mentionnés dans le titre ; elle a le défaut d'être trop servile. Le commentaire a de la valeur, à cause de la connaissance profonde que l’auteur avait des Écritures et de la littérature juive. Il a été résumé dans la Synopsis Criticorum de Matthew Poole. Voir Poole.

AÏON. C’est ainsi que la Vulgate écrit, rV Reg., xv, 29, le nom de la ville de Nephthali qui est écrit ailleurs Ahion. Voir Ahion.

AIR, fluide invisible, transparent, composé d’azote et d’oxygène, qui forme autour de la terre une couche appelée atmosphère. — 1° Il n’y a pas de mot, dans la Bible hébraïque, qui corresponde exactement au mot « air ». La Vulgate s’est servie plusieurs fois du mot aer, « air, » dans l’Ancien Testament. Num., xi, 31, elle dit que les cailles miraculeusement envoyées aux Israélites dans le désert du Sinaï « volaient dans l’air à deux coudées de hauteur ». Les mots « volaient dans l’air » sont ajoutés par saint Jérôme, qui interprète ainsi le texte, tandis que d’autres commentateurs pensent plus naturellement que les cailles tombées dans le camp étaient, d’après l’original, si abondantes, qu’en certains endroits elles atteignaient deux coudées de hauteur. Voir Keil, Pentateuch., trad. Martin, t. iii, p. 73. — Deut., xxviii, 22, un des fléaux énumérés par Moïse est appelé : aer corruptus. En hébreu, on lit : Siddâfôn, mot qui désigne « .la rouille » des blés, produite par le vent brûlant de l’est. Gen., xii, 23. Saint Jérôme lui-même a rendu ailleurs, II Par., vi, 28, Hddâfôn par serugo, « rouille. » — 1Il Reg., viii, 37, dans le passage parallèle à II Par., vi, 28, oer corruptus répond de nouveau à Siddâfôn. (Le mot œrugo, qui se lit dans le même verset, traduit l’original Ifâsil, espèce de sauterelle, appelée par les Septante : Ppoû^o ;  ; bruchus, comme a traduit saint Jérôme, I Par., vi, 28.) — Il n’est pas non plus question d’air en hébreu, Job, xxxvii, 21, là où notre version latine porte : aer cogetur in nubes ; il faut lire : « On ne voit point la lumière [du soleil] ; elle est cachée par les nuages (ëehâqîm). » Ce même mot êehàqim, qui signifie « nuages » et « ciel », est aussi rendu par aer, Ps. xvii (xviii), 12, où on lit nubes aeris, « nuées de l’air, » au lieu de « nuées du ciel ».

2° Le mot grec à-np, d’où viennent le mot latin aer et notre mot français « air », est employé plusieurs fois dans le Nouveau Testament et dans deux livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament qui ont été composés en grec, le second livre des Machabées et la Sagesse. — Il a le sens d’air que nous respirons dans Sap., vii, 3 : « En naissant, dit le Sage, j’ai reçu l’air qui est commun à tous. » — Dans la plupart des autres passages, « air » désigne l’atmosphère, la région de l’air ( par opposition à la région du ciel, plus élevée et plus pure, appelée par les Grecs ilWjp. Homère, Iliade, xiv, 288). I Thess., iv, 16 (17) ; Act., xxii, 23 ; Apoc, ix, 2 ; xvi, 17 ; Sap., v, 11-12 ; LI Mach., v, 2. — Le livre de la Sagesse se sert du mot « air » dans quelques autres sens particuliers. Il signifie, comme quelquefois en français, a souffle, vent léger, » Sap., ii, 3 ; xiii, 2 ; c ne pas voir l’air, » Sap., xvii, 9,

L — 13 t

signifie « ne pas voir la lumière ». — Saint Paul se sert de deux locutions proverbiales : « parler en l’air, » I Cor., xrv, 9, c’est-à-dire parler en vain, inutilement ; « battre F air, s I Cor., ix, 26, agir sans obtenir aucun résultat, sans porter coup, par allusion à l’athlète dont le coup se perdait en l’air sans atteindre son adversaire. — Enfin le même Apôtre, dans l'Épltre aux Éphésiens, ii, 2, appelle le démon « le prince du pouvoir (ou des puissances) de l’air », des esprits mauvais qui habitent dans l’air, qui sont en grand nombre dans l’air. Cf. S. Ignace, Ep. ad Ephes., 13, t. v, col. 748. Quelques commentateurs ont voulu donner sans raison au mot aer de ce dernier passage le sens de « ténèbres ». F. Vicouroux.

AIRAIN. On traduit souvent par ce mot Vœs de la Vulgate, qui correspond au ^aXxô? des Septante, et qui est la traduction de l’hébreu nehôSef. Le mot latin, comme le mot grec, a le double sens de cuivre et de bronze. Dans l'Écriture, il peut avoir aussi les deux sens de cuivre et de bronze ; mais il a le plus souvent celui de cuivre ; il ne signifie jamais l’airain proprement dit. Ce métal, en effet, est un composé artificiel de cuivre et de zinc, qu’on croit n'être connu que depuis le xiue siècle de notre ère. Le nehôSef biblique primitif est certainement un métal simple, et non composé, comme le prouvent plusieurs passages des Livres Saints où nous lisons qu’on le trouvait à l'état naturel : « Des -montagnes [de la terre de Chanaan] tu tireras le nehôSet (le cuivre), » dit Moïse à son peuple. Deut., vin, 9. Il y avait, en effet, des mines de cuivre en Palestine. Eusèbe, H. E., VIII, xiii, t. xx, col. 776. Cf. Deut., xxxiii, 25 ; Job, xxviii, 2. Dans les plus

anciens livres de la Bible, nehôSef doit donc incontestablement se traduire par « cuivre », et le serpent dit d’airain, Num., xxi, 4-9, était un serpent en cuivre. Nous savons d’ailleurs qu’il y avait des mines de cuivre dans le désert du Sinaï, où fut fabriqué le serpent d’airain, et qu’elles avaient été longtemps exploitées par les Égyptiens. Cf. F. Vigouroux, Les inscriptions et les mines du Sinaï, dans les Mélanges bibliques, 2e édit., 1889, p. 257 etsuiv. Voir Serpent d’airain. — Dans les livres de l'Écriture moins anciens que le Pentateuque, nehôSet peut signifier le bronze, c’est-à-dire un alliage de cuivre et d'étain, qui a été connu des anciens, comme le prouvent les nombreux objets, armes et instruments-en bronze de toute espèce, qu’on a trouvés dans les tombeaux et dans les ruines des cités antiques. Voir Bronze, Cuivre.

Quoique le mot « airain » soit impropre, l’usage oblige de l’employer comme terme noble dans un grand nombre de comparaisons scripturaires où les mots cuivre et bronze ne seraient point acceptés. Le nehôSet est souvent employé comme une image de la force, Ps. cvi (cvn), 16 ; Jer., i, 18 ; xv, 20 ; Mich., IV, 13, parce que la plupart des armes anciennes étaient en bronze, et dans tous ces passages, comme dans les suivants, on ne peut traduire le mot hébreu en français que par airain, par exemple, dans ce passage d’Isaie, XLvm ', 4 : « Ton front est d’airain, » c’est-à-dire tu es dur, insensible, obstiné, par allusion à la dureté du cuivre ou du bronze. Nous retrouvons une allusion analogue dans le Lévitique, xxvi, 19 : « Je rendrai votre ciel comme du fer, et votre terre comme de l’airain ; » et Deut., xxvhi, 23 :

70. — Égyptiens portant des épis & l’aire. Musée du LouVre. « Que le ciel qui est au-dessus de toi soit comme de l’airain, et la terre que tu foules, comme du fer. » De même dans Job, vi, 12 : « Ma chair est-elle d’airain ? » c’est-à-dire aussi dure, invulnérable. — Comme le cuivre était un métal de moindre valeur que l’or et l’argent, Jérémie, vi, 28, et Ézéchiel, xxii, 18, appellent métaphoriquement des hommes bas et vils des hommes de nefyôêef. Zacharie, vi, 1, parle de il montagnes d’airain », pour dire des montagnes fortes et imprenables. Daniel, ii, 39, appelle l’empire grécomacédonien « un empire de nehôéet » avec d’autant plus de justesse, que les Grecs.étaient presque exclusivement armés d’armes de bronze, et qu’on les surnommait "A^ouoi x^xoxkuveç, parce qu’ils étaient « cuirassés de bronze ». — Dans le Nouveau Testament, les mots ^aixôç et ses désignent' une monnaie de bronze. Marc, vi, 8 ; xii, 41 ; Luc, xxi, 2 (grec : Xexuâ) ; Joa., ii, 15 (grec :-m ^éppia). Voir Monnaie.' Le mot nelfôsef est déjà employé dans Ézéchiel, xvi, 36, dans un sens analogue. — Saint Paul, I Cor., xiii, 1, parle du bruit que produit le bronze sur lequel on frappe, x « *"ô ; ilXùv, ses sonans, sans penser du reste à aucun instrument de musique particulier. F. Vigouroux.

    1. AIRAY Henri##

AIRAY Henri, ministre puritain, né en 1559, dans le Westmoreland, en Angleterre, mort prévôt du Queen’s Collège, à Oxford, en 1616. On a de lui des Lectures upon the whole Epistle of St Paul to the Philippians, in-4o,

Londres, 1618, quidonnentune idée exacte du style ordinaire des commentateurs puritains.

1. AIRE à

battre le blé, hébreu : gôren ; Septante : âXuç, SXtav ; Vulgate : oreo.Ruth, iii, 2 ; Jud., vi, 37, etc. Surface unie et dure, où l’on bat le froment et les grains en général, qui, pour cette raison, sont appelés « les fruits de l’aire », ou simplement l’aire, Deut., xxv, 4 ; Is., xxi, 10 ; Job, xxix, 12, etc., et souvent mis en opposition avec « les fruits du pressoir », c’est-à-dire avec le vin et l’huile produits par les raisins et les olives foulés dans le pressoir. Deut., xvi, 13 ; Joël, ii, 24 ; Num., xviii, 27, 30 ; IVReg., vi, 27 ; Osée, ix, 2, etc. Le gôren est proprement un « lieu aplani », parce qu’on aplanissait autant que possible, en battant la terre, l’espace qu’on choisissait pour y construire une aire. Elle avait une forme circulaire, dont le diamètre était probablement, comme aujourd’hui, de quinze à trente mètres, et elle était située en plein air, de préférence sur un endroit élevé, exposé à tous les vents, de manière qu’on put vanner plus aisément le grain battu. Cf. II Reg., xxiv, 16. Il y avait quelquefois plusieurs aires les unes à côté des autres ; elles étaient d’ordinaire permanentes, et quelques-unes étaient très connues. Gen., L, 10, 11 ; II Reg., xxiv, 16, 18. On s’en servait quelquefois comme lieu de réunion, parce qu’elles formaient comme une petite place publique, et aussi sans doute à cause du vent frais qui y soufflait. III Reg., xxii, 10 ; II Par., xviii, 9. Les gerbes ou les épis non liés étaient portés directement à l’aire, soit par des hommes (fig. 70), soit au moyen de chars, Amos, ii, 13, ou d'ânes (fig. 71) et de chameaux, comme on le fait communément aujourd’hui. Il y avait quatre procédés différents pour battre le blé. 1° Les épis étaient éparpillés sur le sol de l’aire et foulés par les bœufs, Deut., xxv, 4 ; Osée, x, 11 ; Mich., iv, 13, comme chez les Égyptiens (fig. 71 et 72). Cette manière de

battre le blé existe encore en Palestine ; seulement on se sert quelquefois aussi de mulets et de chevaux, quoiqu’on emploie toujours plus communément les bœufs. Le D r Robinson décrit de la manière suivante ce qu’il a vu dans les environs de Jéricho : < D n’y a pas moins de cinq aires ici,

aujourd’hui en Egypte, "Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, t. ii, p. 190, au plostellum punicum, ainsi nommé chez les Romains parce qu’il était, d’origine carthaginoise. Varron, De re rustica, I, lii, 1. Cet instrument, qu’on voit encore maintenant en Syrie

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71. — Bœnfs battant le blé qui vient d'être apporté par un âne.

dit-il, toutes foulées par des bœufs et des vaches, attachés cinq de front et conduits en cercle sur l’aire, ou plutôt dans toutes les directions. Le traîneau n’est pas ici en usage, quoique nous l’ayons rencontré plus tard dans le nord de la Palestine. Par ce procédé, la paille est broyée et devient propre à la nourriture des animaux. On la remue de temps en temps avec une grande fourche en bois, à deux pointes, afin de séparer le grain, qui est ensuite ramassé et vanné. » Researches in Palestine, t. ii,

p. 277. Ces bœufs attachés de front et la paille remuée avec la fourche se voient sur les monuments égyptiens que nous avons reproduits flg. 71 et 72. La loi mosaïque défendait de museler le bœuf qui foulait le grain. Deut., xxv, 4. Cette prescription, qui rappelle les usages de l’Egypte, où les

72.

Machine à battre le blé. Vue du traîneau.

bœufs qui battaient le blé n'étaient point muselés (fig. 71 et 72), est encore observée aujourd’hui par les musulmans, mais non pas ordinairement par les chrétiens.

2* On se servait aussi pour battre le grain d’une sorte de traîneau appelé môrag, II Sam., xxiv, 22 ; I Par., xxi, 23 ; Js., xli, 15, semblable sans doute au nôreg usité encore

aussi bien qu’en Egypte, se compose d’une sorte de châssis de bois, semblable à celui d’un traîneau (cf. le nom de 'âgâlâh, « chariot, » donné au môrag par Isaïe, xxviii, 27, 28), auquel sont adaptés deux ou trois cylindres de bois

armés de dents de fer (fig. 73 et 74). Il est attelé de deux bœufs. Au-dessus du traîneau est un siège sur lequel s’assied le conducteur, afin d’augmenter le poids de la machine(fig.75). Celle-ci, au moyen des cylindres tournants, fait sortir les grains de l'épi, presse et broie la paille. Cf. IVReg., xiii, 7. Voir Aboda sara, t. 246 ; Menachoth, ꝟ. 22c ; Raschi et Kimchi, In Is., xxxviii, 27 ; Rich, Dictionnaire des antiquités romaines, 1801, p. 493 ; S. Jérôme, In Is., xxv, 10 ; xxviii, 27, t, xxiv, col. 292 et 327. 3° Un autre instrument à battre le blé, correspondant au rptooXoi ou TpigoXot des Grecs et au tribulum des Latins, était aussi employé en Palestine, et l’est encore aujourd’hui

Bœuf » battant le blé. À droite, un Égyptien le remue avec une fourche : 1 à gauche, deux vanneurs.

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74. — Machine à battre le blé. Vue latérale.

en Syrie. C’est peut-être l’instrument appelé hârûs, II Sam., xii, 31 ; I Par., xx, 3 ; Amos, i, 3, quoique plusieurs lexicographes confondent le hârûs avec le môrag. Gesenius, Thésaurus lingux hebrsese, p. 817. Le tribulum consistait en un ou deux gros plateaux de bois rectangulaire, relevés à la partie antérieure, et dont le dessous est percé de trous garnis de pierres aiguës ou de pointes de fer (fig. 76 et 77), formant une sorte de herse. Pour la rendre plus lourde, on la charge de grosses pierres, ou bien l’homme qui la dirige 327

AIRE — AIRE D’ORNAN

328

monte dessus. Elle est traînée par des bœufs sur les gerbes, afin d’en détacher le grain. ([Tribulum] fite tabula lapidibus aut ferro asperata, quo imposito auriga aut pondère grandi, dit Vairon, De re rustica, i, 52, trahitur jumentis jurictis, ut discutiate spica grana ; aut ex assibus dentatio cum orbiculis, quod vocant plosteUum punicum. In eo quis

Nôreg égyptienne.

sedeat atque agitet, quae trahant jumenta.) Cf. Virgile, Georg., i, 163-164. Ces deux espèces de machines à battre furent quelquefois employées chez les Hébreux pour faire périr des ennemis par un affreux supplice. II Reg., xrx, 31 ; IV Reg., xii, 7 ; Amos, i, 3 ; Is., xv, 10 ; xxj, 15. 4° Le dernier procédé pour battre les grains, le plus

Vi>

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76. — Tribulum, partie supérieurs.

primitif de tous, mais qui n’en est pas moins encore usité, même dans certaines parties de la France, consistait à se servir d’un fléau ou bâton. On n’en faisait guère usage que pour de petites quantités d'épis, telles qu’en avait glané Ruth il 17, ou pour des récoltes de peu d’importance,

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THbutum, partie Intérieure.

telles que le cumin, Is., xxvra, 27. Voir dans Ugolini, Thésaurus, t. xxix, les Antiquitates triturée ; Schottgen, Triturx et fulhmise antiquitates, 2e édit., Leipzig, 1753, p. 19 et suiv. ; Bochart, Hierozoicon, 1. 1, p. 310 ; Paulsen, Ackerbau der Morgenlânder, p. 1 10 et suiv. ; Niebuhr, Descriptio Arabise, p. 158, pi. 15 ; Russell, Historia natur. Alepp., t. i, p. 98.

Trois noms de lieux mentionnés dans la Bible tiraient . leur nom d’une aire : 1° l’Aire d’Atad ; 2° l’Aire de Nachon, appelée dans les Paralipomènes Aire de Chidon, et 3° l’Aire d’Oman. Voir ces mots. — Les < aires des salines », areas salinarum, dont parle la Vulgate, I Mach., xi, 35, ne sont pas des aires proprement dites ; mais, d’après le texte grec, « des marais salants, » tî ; toO 4>ô « K|iva « , c’est-à-dire le produit des marais salants, le sel, dont on offrait une certaine quantité comme tribut an roi de Syrie.

F. Vigouroux.

2. AIRE D’ATAD, nom du lien où Joseph et sesTrèrespleurèrent pendant sept jours leur père Jacob, au delà du Jourdain, lorsqu’ils conduisaient à Hébron le corps du saint patriarche. Gen., l, 10. Voir Atad.

3. AIRE DE CHIDON, hébreu : Gôren Kîdôn ; Septante : ôXm-v avec omission du nom propre ; le Codex Alexandrinus porte XeiSwv, ainsi que Josèphe, Ant. jud., VII, rv, 32 ; Vulgate : Area Chidon. Nom de lieu où l’arche d’alliance fut sur le point de tomber, sous le règne de David, lorsqu’on la transportait de Cariathiarim à Jérusalem, et où Oza fut frappé de mort pour l’avoir touchéeafin de la soutenir. I Par., xiii, 9. D’après le contexte, cette aire était située sur la route de Cariathiarim à Jérusalem, dans le voisinage de la maison d’Obédédom, où l’arche fut déposée après la mort d’Oza ; mais il est impossible d’en déterminer le site avec précision. D’après une tradition juive, Chidon, dont le sens est « javelot », aurait tiré son nom de ce qui est rapporté dans le livre de Josué, viii, 1$1-$29. C’est là, d’après cette tradition, rapportée par saint Jérôme, Queest. heb. in I Par., xiii, 9, t. xxiii, col. 1382, que le successeur de Moïse, sur l’ordre de Dieu, leva son javelot (Vulgate : bouclier) vers Haï, et donna ainsi aux Israélites cachés en embuscade le signal d’entrer dans cette ville. La topographie rend inacceptable cette croyance, parce que Haï est beaucoup trop au nord de la route de Cariathiarim à Jérusalem. Dans II Reg., vi, 6, au lieu de Chidon, le texte porte Nachon. Voir l’article suivant. Après la mort d’Oza, cet endroit fut appelé Pérés-be’uzzâh, Percussio Ozæ, « le lieu où avait été frappé Oza. » H Reg., viii, 8.

4. AIRE DE NACHON, hébreu : Gôrên Nâkôn ; Septante : "A).(o ; Na^wp ; Vulgate : Area Nachon. II Reg., vi, 6. Au lieu de Nachon, on lit, I Par., xiii, 9, Chidon. Voir l’article précédent. Nachon signifie « préparé, ferme, stable ». On ne saurait dire si l’aire était connue sous deux noms différents, ou si l’une des deux dénominations est altérée dans l'état actuel du texte. Cette dernière hypothèse est la plus vraisemblable. Voir Gesenius, Thésaurus linguse hebrsese, p. 683. En tout cas, la leçon Nâkôn est très ancienne, puisque Aquila prend nakôn pour un adjectif et traduit : émç âXtovoç ktoipK, « à l’aire préparée, » ce qui est aussi la traduction du Targum de Jonathan. La Peschito, dans les Paralipomènes, porte la leçon inexpliquée ^aot, Ramîn, laquelle a été reproduite par la version arabe uù » I), Ramin, au lieu de Kîdôn.

Une variante grecque, conservée dans les Hexaples d’Origène, t. xvi, col. 42, identifie l’aire de Nachon avec l’aire d’Oman le Jébuséen : eue ttjç akta 'Epvà toO 'Isëousatovi. On peut admettre comme probable que l’aire de Nachon ou Chidon était près de Jérusalem ; le récit de I Par., xiii, , 11-13, ne permet pas de douter que la maison d’Obédédomne fût voisine du lieu où avait été frappé Oza ; or l’histoirede la translation de l’arche de la maison d’Obédédom dansla cité de David suppose que cette maison était fort peu éloignée de la ville, puisqu’il est dit que « tout Israël serassembla à Jérusalem », I Par., xv, 3, afin d’assister à cette fête. Toutefois, pour aller de Cariathiarim à Jérusalem, on ne devait pas passer par le mont Moriah, où était située l’aire d’Oman, et la topographie rend ainsi cette variante' de la version grecque peu vraisemblable. — Quant au nom de Nachon (ou de Chidon), il n’est pas possible de savoir si c’est un nom de lieu ou un nom d’homme. Les deux : hypothèses sont admissibles. L’aire d’Oman tirait son nom' de son propriétaire ; il pouvait en être de même pour celle de Nachon, comme l’ont supposé quelques interprètes.Voir Polus, Synopsis, in II Sam., vi, 6. F. Vigouroux.

5. AIRE D’ORNAN, hébreu : Gôrên 'Âravenâh, II Sam., xxrv, 16 et suiv. ; Gôrên 'Oman, I Par., xxi, 15 et suiv. ; II' Par., iii, 1 ; Septante : S.u>i 'Opvâ ; Vulgate : Area Areuna, II Reg., xxiv, 16, 18 ; Area Oman, I Par., xxi » 15, 18, 28 ; II Par., iii, 1. Aire située sur le mont Moriah,

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