Dictionnaire de la Bible/Tome I.1.a A-ALVAREZ

et collaborateurs
Dictionnaire de la Bible
Letouzey et Ané (Volume Ip. 65-277).

DICTIONNAIRE

DE LA BIBLE

A

A. Voir Aleph.


A et Ω, alpha et oméga, noms de la première et de la dernière lettre de l’alphabet grec. Notre-Seigneur dit trois fois dans l’Apocalypse, i, 8 ; xxi, 6 ; xxii, 13, qu’il est l’alpha et l’oméga, c’est-à-dire, comme il l’explique lui-même, « le commencement et la fin, » i, 8, ou « le premier et le dernier », xxii, 13 ; « celui qui est, celui qui était, celui qui doit venir, le Tout-Puissant, » i, 8. Cette locution est propre à l’Apocalyse, mais la pensée elle-même se trouve dans l’Ancien Testament, où Dieu dit dans Isaïe:« Je suis le premier et le dernier. » Is., xliv, 6; cf. xliii, 10. Quand Jésus-Christ s’appelle l’alpha et l’oméga, il proclame donc par là même sa divinité, en s’attribuant les caractères qui sont donnés par les prophètes au Dieu véritable, de qui seul vient toute vie, et à qui seul tout retourne :

Alpha et Q cognominatus : ipse fons et clausula
Omnium, quœ sunt, fuerunt, quœque post futura sunt,

chante le poète chrétien Prudence, Cathemer., ix, 11-12, t. lix, col. 863. Voir aussi Tertullien, De monog., 5, t. H, col. 935. Les premiers chrétiens empruntèrent ce symbole à l’Apocalypse pour faire acte de foi à la divinité de leur Maître, en inscrivant sur les tombeaux et dans leurs églises l’A et l’Ω des deux côtés de la croix, A + ω, et en le gravant jusque sur leurs sceaux et les bagues qu’ils portaient aux doigts. Nous reproduisons ici (fig. 1) un des plus remarquables de ces anneaux chrétiens, trouvé dans un antique cimetière de Rome. D’après M. A. Boldetti, Osservazioni sopra i Cimiterj de’santi martiri ed antichi cristiani di Roma, in-f°, Rome, 1720, p. 502, n° 32.

[Image à insérer] 1. — Anneau chrétien antique.

F. Vigouroux.



AAGAARD (Niels on Nicolas), érudit danois, luthérien, né à Wiborg en 1612, mort en 1657. Il fat d’abord pasteur à Faxol, puis professeur d’éloquence et bibliothécaire à Soroë. Parmi ses écrits figure une Disputatio de stylo Novi Testamenti, in-4°, Soroë, 1655. Voir J. Worm, Forzœg til et Lexikon over danske, norske, og islandske iœrde Mœnd, t, i, Elseneur, 1771, p. 2-3 ; R. Nyerup et J. C. Kraft, Almindeligt Litteraturlexicon for Danmark, Norge, og Island, in-4o, Copenhague, 1820, p. 2.



AARHUSIUS, théologien protestant, né en 1532, mort le 15 juillet 1586. Son vrai nom était Jacobus Mathiae. Son surnom d’Aarhusius lui vient d’Aarhuus, lieu de sa naissance, en Danemark, où il fut, en 1564, directeur de l’école de la ville. En 1574, il devint professeur de latin à Copenhague ; en 1575, professeur de grec, et, en 1580, professeur de théologie. Ses ouvrages exégétiques sont les suivants : Disputatio inauguralis de Veteris ac Novi Testamenti consensione ac diversitate, in-4o, Copenhague, 1582 ; Theses de doctrines cœlestis et Sacrée Scripturm origine et auctoritate, in-8o, Copenhague, 1584 ; Praelectiones in Joelem et Ecclesiaslen, editae ab Andr. Kragio, in-4o, Bâle, 1586 ; Introductio ad Sacram Scripturam discendam et docendam, édita ab Andr. Kragio, in-4o, Bàle, 1589 ; Praelectiones in Hoseam, in —4°, Bâle, 1590. Voir J. Worm, Forsœg til et Lexicon, t. ii, p. 22.



1. AARON (hébreu :’Aharôn, signification inconnue), premier grand prêtre de la loi ancienne. Il était fils d’Amram et’de Jochabed, de la tribu de Lévi. Il naquit en Egypte, trois ans avant son frère Moïse, cf. Exod., vii, 7, sous le règne du pharaon qui commença à persécuter les Hébreux. Exod., i, 8-11, 22. La Bible ne nous dit pas le nom de ce roi, mais toutes les données chronologiques tendent à établir que c’était Séti Ier, le père de Ramsès II.

I. Dieu prépare Aaron au pontificat.

Le nom d’Aaron est prononcé pour la première fois dans le récit sacré par Dieu lui-même, parlant à Moïse sur le mont Horeb, du milieu du buisson ardent. Après avoir allégué diverses raisons pour éluder la glorieuse mais redoutable mission qui lui était imposée, le futur libérateur d’Israël avait objecté en dernier lieu la difficulté qu’il éprouvait à parler. Le Seigneur lui répondit que l’éloquence de son frère Aaron suppléerait à ce défaut. « Tu mettras, ajouta-t-il, mes paroles sur ses lèvres ; je serai dans ta bouche et dans la sienne, et je vous montrerai ce que vous avez à faire. C’est lui qui parlera pour toi au peuple ; il sera ta bouche, et toi, tu seras comme son Dieu (hébreu : le’élohîm), » Exod., iv, 10-16. Cf. vii, 1. Moïse n’avait plus qu’à obéir ; il se mit donc en devoir de retourner dans la vallée du Nil. Pendant ce temps, Aaron recevait de Dieu le commandement d’aller au — devant de son frère. Il partit aussitôt, et, l’ayant rencontré en chemin, revint avec lui en Egypte, où ils se livrèrent sans retard à l’accomplisse

AARON

ment de la mission que le Seigneur venait de leur confier. Moïse avait alors quatre-vingts ans et Aaron quatre-vingt-trois. Exod., vu, 7.

Ils convoquèrent d’abord les anciens d’Israël pour leur communiquer les instructions de Dieu à Moïse. La docilité avec laquelle on se rendit à cet appel, qui émanait d’Aaron aussi bien que de Moïse, ferait supposer qu’ Aaron avait acquis pendant l’absence de son frère, Exod., n, 15, une grande autorité parmi les Hébreux. Son éloquence, appuyée de miracles dont l’écrivain sacré ne nous dit pas la nature, lés convainquit, eux et tout le peuple, que le Seigneur allait mettre fin à leur affliction. Exod., iv, 29-31. Les deux fils d’Amram se rendirent ensuite de la terre de Gessen, où étaient établis les Hébreux, Gen., xlvii, 6, 11, à Tanis, cf. Ps. lxxvii, 12, pour demander au pharaon, de la part de Jéhovah, de laisser les Hébreux aller lui offrir des sacrifices dans le désert. Le pharaon qui régnait alors était Ménephtah I er ; il occupait le trône depuis peu de temps, car la mort de son père Ramsès II était récente. Exod., n,23-25, et iv, 19.

Ménephtah reçut mal les envoyés de Dieu , et leur démarche n’eut d’autre résultat que de l’irriter et de provoquer une aggravation de la corvée : il défendit de fournir dorénavant aux ouvriers hébreux la paille hachée qu’on mélangeait à l’argile pour la fabrication des briques, tout en exigeant la même quantité d’ouvrage journalier. Le peuple d’Israël, ne trouvant bientôt plus de paille, « se répandit dans toute la terre d’Egypte afin, dit le texte hébreu, d’y ramasser, au lieu de paille, fében, des roseaux, qaë , » Exod., v, 12, qui croissaient sur les bords des branches du Nil et des canaux. M. Naville a trouvé dans les murs de Pithom, en 1885, de ces briques renfermant des fragments de roseau. Voir Briques. Cependant les malheureux Israélites ne pouvaient parvenir à ■remplir leur tâche comme par le passé, et les chefs de chantier, les scribes (hébreu : Soterîm ; Septante : Ypan- (taTcOoiv) furent soumis à la bastonnade, ce châtiment qu’on voit si souvent représenté sur les monuments de l’antique Egypte. De là un mécontentement général et des plaintes amères contre Moïse et Aaron. Moïse alors se plaignit à son tour au Seigneur, qui lui renouvela ses promesses de délivrance et lui confirma sa mission. Exod., v, 22-23 ; vi, 1-11. « Voilà, ajouta-t-il, que je t’ai constitué le Dieu du pharaon, et Aaron ton frère sera ton prophète, » c’est-à-dire ton interprète, pour lui faire connaître les ordres que je te donnerai. Exod., vu, 1-2.

Aaron accompagna donc son frère auprès de Ménephtah, et porta la parole pour Moïse. Dieu, qui avait résolu de l’appeler bientôt à la sublime dignité de souverain pontife, voulut le mettre en évidence et le grandir aux yeux du peuple, afin de préparer d’avance les esprits à la soumission et au respect envers lui. Voilà pourquoi Aaron fut non seulement « la bouche » de Moïse, Exod., iv, 16, mais • encore son bras pour exécuter les ordres de Dieu, en produisant lui-même les premières plaies d’Egypte. Voir Plme.s. Il commença par changer auparavant en serpent, sous les yeux du pharaon, la verge de Moïse, qui dévora celles des enchanteurs royaux, transformées par eux de la même manière. Exod., vu, 10-12. Puis il produisit la première plaie par le changement des eaux du Nil en sang, Exod., vu, 19-21 ; la seconde, par l’invasion des grenouilles, qui couvrirent tout le pays et remplirent toutes les maisons, Exod., vin, 2-6, et la troisième, par la transformation de la poussière en nuées de moustiques. C’est à la vue de cette plaie que les Itartumim ou sages du pharaon, incapables de l’imiter d’aucune façon, comme ils l’avaient fait pour les deux précédentes, s’écrièrent : « Le doigt de Dieu est ici ! » Exod., vin, 16-19.

Ces prodiges confirmaient d’une manière éclatante les preuves qu’Aaron avait données de sa mission dès le premier jour, Exod., iv, 30, et rélevaient bien haut au-dessus du reste du peuple. Il pouvait donc maintenant s’effacer devant son frère, qui agit seul dans les plaies suivantes, sauf

celle des ulcères, Exod., rx, 8-12 ; mais il n’en resta pas moins en réalité et aux yeux de tous l’auxiliaire de Moïse dans son rôle de libérateur. C’est à lui aussi bien qu’à Moïse que Dieu adresse ses derniers ordres en Egypte , Exod., xu , 1 ; Ménephtah les appelle toujours ensemble ’ r ensemble ils reçoivent ses prières, ses promesses, son regret, Exod., vm, 28 ; IX, 27-28, etc. ; et l’Esprit-SainV résumant d’un mot toute l’œuvre de la délivrance d’Israël, l’attribue à l’un comme à l’autre. Ps. lxxvi, 21. Aussi le peuple d’Israël ne les sépara-t-il jamais dans sa confiance ni dans ses murmures et ses révoltes ; nous en avons un exemple dès la première occasion où Aaron reparait surla scène, à la station du désert de Sin, après le passage de la mer Rouge.

Lorsque les Hébreux arrivèrent à cette station , dans la plaine actuelle d’El-Markha, le quinzième jour du second mois depuis la sortie d’Egypte, les provisions qu’ils avaient emportées se trouvèrent épuisées et ils commencèrent à souffrir du manque de vivres. Alors « ils murmurèrent : tous contre Moïse et Aaron ». Exod., xvi, 2. Dieu, de son côté, attesta une fois de plus en cette circonstance l’autorité et la mission d’Aaron, en le chargeant d’apporter au peuple, de concert avec Moïse, la nouvelle de deux bienfaits de sa bonté et de sa providence , à savoir : l’arrivée miraculeuse des cailles le soir même , et le lendemain le miracle plus étonnant encore de la manne, ce prodige qui devait se renouveler tous les jours, sauf le sabbat, pendant quarante ans. Il fit plus encore : il ordonna à Aaron, par l’intermédiaire de Moïse, de recueillir dans un vase la mesure d’un gomor de la manne lorsqu’elle serait tombée, afin qu’il la conservât plus tard dans le tabernacle en mémoire de ce prodige. Exod., xvi. C’était comme un gage des fonctions sacrées que le futur grand prêtre remplirait un jour dans le Saint des saints.

Ce qui se passa quelques jours après à Raphidim, la troisième station à partir de celle du désert de Sin, n’est pas moins digne d’attention au point de vue de la préparation d’Aaron à son ministère. Les Amalécites ayant attaqué les Hébreux, Moïse leur opposa les plus braves de son armée, commandés par Josué, tandis qu’il montait lui-même, accompagné d’Aaron et d’Hur, sur le sommet d’une colline pour y prier pendant la bataille. Or, tant qu’il tenait les mains levées vers le ciel, la victoire demeurait du côté des Israélites ; mais, quand il les abaissait, c’étaient les Amalécites qui l’emportaient. Lorsque, à la fin, la fatigue ne lui permit plus de lever les mains, Aaron et Hur le firent asseoir sur une pierre, et, se tenant à ses côtés, les lui soutinrent jusqu’à la complète défaite des ennemis d’Israël. Exod., xvn, 8-16. Les membres de ÏOrdnance Survey ont trouvé en 1868, parmi les ruines de la ville chrétienne de Pharan, construite plus tard en cet endroit, des bas -reliefs représentant cette scène si propre à exciter la piété des fidèles. Elle dut contribuer bien plus puissamment à fortifier celle d’Aaron, qui venait de faire un pas de plus dans son initiation. Après avoir été établi par Dieu, en Egypte, l’intermédiaire entre son représentant d’une part, et le peuple et le pharaon de l’autre, et avoir reçu de lui au désert de Sin la garde de la manne, comme pour préluder à l’exercice de ses fonctions, il vient de voir à Raphidim la nécessité et la puissance de la prière, afin que plus tard, aux jours de son sacerdoce, il sache, en sa qualité d’intercesseur, tenir ses mains levées vers le ciel, pour offrir au Seigneur les supplications de son peuple et attirer sur Israël les bénédictions d’en haut.

Il manquait, dans les desseins de Dieu, quelque chose à cette formation ; elle reçut son dernier complément peu de temps après, au pied du Sinaï, par une chute d’Aaron aussi profonde qu’inattendue. Dieu voulait montrer au pontife de la loi ancienne , comme il le montra plus tard à Pierre, le pontife de la loi nouvelle, qu’il n’était et ne pouvait rien par lui-même , et lui faire sentir par l’expérience de sa faiblesse quelle compassion il devrait avoirAARON

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pour celle de ses frères. Comme Pierre averti par Jésus-Christ n’en fut que plus coupable dans son renoncement, Aaron fut d’autant plus inexcusable dans la faute que nous allons raconter, que Dieu l’avait prémuni d’avance par le privilège d’une vision merveilleuse. Sur la pente occidentale du Djebel -Mouça, où il s’était rendu avec Moïse et d’autres Israélites désignés comme lui par le Seigneur, il lui avait été donné de voir « le Dieu d’Israël et , sous ses pieds , comme un pavé de saphir et comme le ciel quand il est serein ». Exod., xxiv, 10. Et c’est à la suite de cette faveur divine que Moïse, avant d’achever son ascension en compagnie du seul Josué jusqu’au haut de la montagne, chargea Aaron de régler avec Hur les difficultés qui pourraient surgir en son absence. Exod., xxrv, 9-14.

Or il s’en présenta une que personne n’avait prévue : les Israélites, fatigués d’attendre le retour de Moïse, s’assemblèrent autour d’ Aaron et lui dirent : « Fais-nous un dieu qui marche devant nous. » Aaron leur dit : « Otez les pendants d’oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles, et apportez-les-moi. » Exod., xxxn, 1-2. Il espérait peut-être , en leur imposant ce sacrifice, les détourner de leur projet criminel. Théodoret, Qusest. lxvi in Exod., t. lxxx, col. 292. Il se trompait. Ces bijoux lui furent apportés ; il les fondit et en forma un veau d’or, devant lequel il dressa un autel. Voir Veau d’or. Il fit ensuite publier par tout le camp que le lendemain serait un jour de fête solennelle du Seigneur. Dès le matin , en effet , on immola des holocaustes et des hosties pacifiques à l’idole.

Quelle fut la nature du péché commis en cette circonstance par les Israélites, dont Aaron fut le complice et le fauteur ? Le veau d’or était indubitablement un souvenir ou du bœuf Apis , adoré à Memphis , ou , plus probablement, de Mnévis, plus connu des enfants d’Israël parce qu’on l’adorait à On du nord ou Héliopolis, ville voisine de la terre de Gessen ; c’est un prêtre d’Héliopolis qui avait donné sa fille en mariage à Joseph. Gen., xu, 45. Mais le peuple voyait -il dans cette image une divinité autre que Jéhovah ? Quelques-uns l’ont pensé. D’autres croient avec plus de raison que la faute des Israélites consista à vouloir adorer Dieu sous cette figure d’animal, ce qui était un grand crime , quoique Aaron rapportât expressément au vrai Dieu l’adoration du veau d’or dans la fête annoncée. Exod., xxxn, 5 ; Ps. cv, 19-20.

Du reste, si Aaron avait pu, dans la conjoncture difficile où il se trouvait , se faire quelque illusion sur la gravité de sa faute, cette illusion dut cesser à l’arrivée de Moïse , qui descendit de la montagne le jour même pu avait lieu cette fête sacrilège dans la plaine d’Er-Rahah. Le législateur d’Israël rapportait du Sinaï les tables de la loi. A la vue de ce peuple en délire, qui dansait en chantant et en poussant des cris de joie selon la coutume orientale , il fut transporté d’une sainte colère et brisa les tables de la loi contre le roc du Soufsaféh. S’avançant ensuite jusqu’au veau d’or, il le saisit, le mit dans le feu et le réduisit en poussière ; puis il jeta cette poussière dans l’eau, probablement dans le ruisseau qui coule encore aujourd’hui dans l’ouadi Schreich, afin que le peuple fût obligé de la boire. Il s’adressa enfin à son frère comme au véritable auteur de tout le mal : « Que vous avait fait ce peuple, lui dit-il, pour que vous l’ayez fait tomber dans un si grand péché ? » Exod., xxxn, 21. C’était le reproche le plus accablant qu’il pût adresser au futur pontife d’Israël. Aaron n’y sut faire qu’une réponse embarrassée, aussi peu capable de le justifier que de conjurer les funestes conséquences de sa faute ; car, en punition du crime que sa faiblesse avait laissé commettre, vingt-trois mille hommes ( trois mille seulement selon le texte hébreu et un grand nombre de versions ) périrent par le glaive des Lévites, exécuteurs des ordres de Moïse, Exod., xxxii, 28, et lui-même aurait péri comme eux, si son frère n’avait désarmé la colère de Dieu et obtenu son pardon. Deut., ix, 20.

II. Aaron grand prêtre. — Il n’entrait pas dans les

desseins de Dieu de rétracter à causé de ce péché I* choix qu’il avait fait d’Aaron ; il l’avait appelé lui-même au Sacerdoce, Hebr., v, 4, il lui suffisait de l’avoir instruit par cette humiliante leçon. Lors donc que le moment fut venu, Moïse procéda, conformément aux prescriptions divines sommairement énoncées dans le chapitre xxix de l’Exode , à la consécration d’Aaron comme grand prêtre, et à celle de ses fils Nadab, Abiu, Éléazar et Ithamar comme prêtres. Voir Grand prêtre.

Le Seigneur voulut que cette cérémonie eût lieu avec un appareil et une pompe propres à donner à Israël la plus haute idée du nouveau sacerdoce qui devait présider à ses destinées religieuses. Les Hébreux, réunis dans cette même plaine d’Er-Rahah, théâtre de leur idolâtrie, avaient devant eux, sur le Djebel -Moneidjah, une dès< ramifications orientales du Sinaï, le tabernacle nouvelle* ment construit. Là, devant la porte du tabernacle et à la vue de tout le peuple, Moïse, prêtre et médiateur, Gai., m, 19, agissant comme représentant de Dieu, offrit les divers sacrifices et accomplit les nombreuses cérémonies de cette consécration , sacrifices et cérémonies qui furent répétés sept jours consécutifs, durant lesquels Aaron et’ ses fils demeurèrent complètement séparés du reste d’Israël. Quand, à la fin, le grand prêtre eut inauguré ses fonctions de sacrificateur par l’immolation des victimes, il bénit le peuple , sans doute selon le rite prescrit au livre des Nombres, vi, 24-26, et il entra avec Moïse dans le tabernacle comme pour en prendre possession. A leur sortie, Dieu ratifia solennellement tout ce qui s’était fait : sa gloire apparut sur le tabernacle, et un feu céleste consuma la chair des holocaustes. Lev., vm et ix.

L’institution du sacerdoce aaronique était une des plus importantes de la loi nouvelle que Dieu donnait à son peuple. Elle devait avoir pour la conservation de la religion véritable une influence très grande. Mais c’était en même temps une innovation qui, malgré le soin avec lequel elle avait été préparée en la personne d’Aaron , étonna les tribus d’Israël et suscita des mécontentements qui plus tard se manifestèrent au grand jour. D’après les coutumes patriarcales, c’était l’ainé de la famille qui remplissait les fonctions de prêtre. Le sacerdoce semblait donc revenir de) droit à la tribu de Ruben. Jacob mourant lui avait, il est vrai, enlevé les privilèges de la primogéniture ; mais set descendants ne se résignèrent pas si aisément à être privés d’un si grand honneur. Le peuple, de son côté, avait bien été accoutumé en Egypte à voir une organisation sacerdotale particulière, qui aurait pu le préparer à accepter l’organisation mosaïque ; cependant telle est la force des traditions et des coutumes chez les Orientaux, qu’on n’accepta pas sans quelque peine les ordres divins. Ce ne fut que par des prodiges que Dieu put imposer sa volonté à Israël.

Il lui fallut aussi des exemples terribles pour enseigner/ aux nouveaux prêtres de quelle manière ils devaient remplir leurs fonctions sacrées, avec quelle exactitude et quel respect ils devaient accomplir les rites prescrits. Le jour même de la consécration d’Aaron, k l’heure du sacrifice de l’encens , Nadab et Abiu , les fils aînés d’Aaron, ayant manqué, dans les cérémonies, aux prescriptions divines, Num., m, 4 ; xxvi, 61, sur-le-champ une flamme partie probablement de l’autel des parfums les foudroya, et ils furent emportés hors du tabernacle encore revêtus de leurs habits sacerdotaux. Témoin de cette triste scène, Aaron en fut abattu et troublé au point de négliger lui-même une cérémonie importante ; mais sa résignation fut absolue, et la foi du pontife imposa silence aux plaintes du père. Lev., x.

Peu de temps après avoir donné à Aaron cette leçon indirecte de respect pour les saintes cérémonies du culte,. Dieu lui donna de sa propre bouche une leçon d’humilité, en lui montrant que , malgré sa dignité de grand prêtre , il restait toujours de beaucoup inférieur à son frère , dont il venait de méconnaître l’incomparable grandeur. C’était à la station d’Haséroth, la seconde après le Sinaï. « Marie et Aaron parlèrent contre Moïse, à cause de sa femme l’Éthiopienne. » Num., xii, 1. Il semblerait, d’après le texte sacré, qui nomme Marie la première et nous la montre seule punie, qu’Aaron pécha seulement par faiblesse. Peut-être se laissa-t-il persuader par sa sœur que sa dignité de pontife devait l’affranchir de la dépendance dans laquelle il était toujours resté vis-à-vis de son frère, dont il était d’ailleurs l’aîné. Il dit donc avec Marie : « Le Seigneur n’a-t-il parlé qu’à Moïse ? Est- ce qu’il ne nous a pas parlé comme à lui ? » Num., xii, 1-2. Le Seigneur appela aussitôt Marie et Aaron à la porte du tabernacle ; là il les reprit sévèrement de leur faute, et les humilia en leur montrant combien son serviteur Moïse était plus grand qu’eux et que tous les prophètes. Quand il se retira, Marie se trouva toute blanche de lèpre. Aaron demanda pardon à Moïse pour lui-même et pour elle, et Marie, grâce à la prière de Moïse, se trouva guérie le septième jour. Num., xii.

Après avoir soutenu la dignité de Moïse contre Aaron, Dieu dut défendre les prérogatives d’Aaron lui-même et du sacerdoce nouveau, qu’il venait d’instituer et de lui confier. La création de ce sacerdoce et l’attribution qui en était faite aux seuls descendants d’Aaron devaient exciter, comme nous l’avons dit, la jalousie des enfants de Ruben. Elle excita même celle des autres Lévites, et mécontenta ainsi du même coup ceux qui jusqu’alors avaient été appelés à exercer les fonctions sacerdotales et ceux des descendants de Lévi relégués au second rang. Il se trouva un homme ambitieux et en même temps assez hardi pour se faire l’interprète de ces mauvais sentiments. C’était Coré, cousin germain de Moïse et d’Aaron. Il souffla l’esprit de révolte à trois Rubénites, Dathan, Abiron et Hon, qui ne pouvaient oublier que dans le passé le sacerdoce appartenait de droit à leur tribu.

Autour de ces chefs se groupèrent deux cent cinquante des principaux d’Israël, et la sédition éclata. Mais Dieu vengea les droits de ses prêtres : les chefs de la révolte furent engloutis vivants dans la terre entr’ouverte sous leurs pieds, et le feu du ciel frappa de mort leurs deux cent cinquante complices tandis qu’ils offraient un encens sacrilège. Voir Corê. Un moment terrifiée par ce châtiment divin, la multitude passa bientôt à la colère et aux murmures contre Moïse et Aaron, qu’elle accusait d’être la cause de la mort de tous ces hommes ; le lendemain, une révolte générale les obligeait de se réfugier dans le tabernacle. « Dès qu’ils y furent entrés, Dieu le couvrit de la nuée, et la gloire du Seigneur apparut ; et le Seigneur dit à Moïse » qu’il allait exterminer le peuple. Num., xvi, 43-45. En effet, un incendie allumé par sa justice commença aussitôt ses ravages, et l’on voyait déjà de toutes parts tomber les rebelles, lorsque, sur l’ordre de Moïse, Aaron prit du feu de l’autel, et, l’encensoir à la main, parcourut le camp au milieu des morts et des vivants, en priant pour que le fléau cessât. Le grand prêtre ne rentra dans le tabernacle que lorsqu’il eut triomphé de la colère divine, et obtenu la vie pour ses ennemis. Num., xvi. Dieu venait ainsi de montrer du même coup la légitimité du sacerdoce d’Aaron et la puissance d’intercession dont il avait investi le grand prêtre suprême, médiateur entre lui et le peuple.

L’autorité pontificale d’Aaron, après cette redoutable intervention du Seigneur, devait paraître suffisamment établie et à l’abri de toute contestation ; Dieu voulut néanmoins lui rendre un nouveau témoignage, mais d’un caractère bien différent. Il ordonna à Moïse de recueillir les verges des chefs des douze tribus, de faire inscrire sur chacune le nom de la tribu qu’elle représentait, et de les déposer toutes dans le tabernacle avec celle de la tribu de Lévi, qui devait porter écrit le nom d’Aaron. « La verge de celui que j’aurai choisi fleurira, » ajouta le Seigneur. Num., xvii, 5. Moïse fit ce qui lui était commandé : le jour suivant, chacun des chefs reprit sa verge telle qu’il

l’avait donnée ; mais tous furent témoins que celle d’Aaron avait fleuri et qu’elle était couverte de fruits. Dieu la fit replacer dans le tabernacle en souvenir perpétuel. Num., xvii.

III. Derniers jours d’Aaron.

Nous avons maintenant à franchir un intervalle de trente-sept ans pour retrouver la suite de la vie d’Aaron ; car de l’histoire d’Israël, depuis l’exode jusqu’à l’entrée dans la Terre Promise, Moïse n’a raconté que la première, la deuxième et la quarantième année. Dans le premier mois de cette quarantième année, les Hébreux arrivèrent à Cadès, dans le désert de Sin. La mourut et fut ensevelie Marie. Pendant le séjour qu’on y fit, l’eau vint à manquer, et aussitôt les murmures du peuple de se faire entendre comme toujours contre ses deux chefs. Num., xx, 2-5. Dieu dit alors à Moïse : « Prends la verge ; toi et Aaron ton frère, convoquez le peuple ; parlez ensemble au rocher devant eux, et le rocher donnera des eaux. » Num., xx, 8. Moïse obéit ; il frappa ensuite la pierre deux fois avec la verge, et l’eau jaillit en si grande quantité qu’elle suffit abondamment au peuple et aux animaux. « Mais Dieu dit à Moïse et à Aaron : Parce que vous n’avez pas cru en moi et que vous ne m’avez pas rendu gloire devant les enfants d’Israël, vous n’introduirez pas ce peuple dans la terre que je lui donnerai. » Num., xx, 12. L’écrivain sacré n’indique pas en quoi consistait la faute dont Dieu se montra si offensé ; mais au Psaume cv, 33, nous lisons dans le texte hébreu que Moïse, en cette occasion, « fut inconsidéré dans ses paroles. » Or il avait dit au peuple devant le rocher : « Pourrons — nous faire sortir de l’eau de cette pierre ? » Num., xx, 10. Ce langage, en effet, exprime un doute : Moïse et Aaron se demandaient peut-être si la promesse de Dieu n’était pas conditionnelle et subordonnée aux bonnes dispositions du peuple, ou même si elle n’était pas seulement une sorte d’ironie à l’adresse de ces incorrigibles murmurateurs.

Quoi qu’il en soit, Aaron ne tarda pas à recevoir le châtiment annoncé. Environ quatre mois plus tard, le cinquième mois de cette même année, les Hébreux étant venus camper au pied du mont Hor, sur la frontière du pays d’Édom, Dieu annonça à Moïse que le dernier jour de son frère était arrivé, et lui ordonna de le conduire sur cette montagne, afin qu’il mourut là. Num., xx, 24-26. Tout le peuple hors de ses tentes regarda monter Moïse avec Aaron et son fils Éléazar. Lorsqu’ils furent parvenus sur le sommet, Moïse procéda à la cérémonie funèbre, dont Dieu avait lui-même réglé les détails. Il dépouilla Aaron de ses vêtements de grand prêtre, et en revêtit Éléazar, qui. allait lui succéder. Alors Aaron mourut, à l’âge de cent vingt-trois ans, et Moïse « descendit avec Éléazar. Or toute la multitude du peuple, apprenant la mort d’Aaron, le pleura pendant trente jours dans toutes les familles ». Num., XX, 29-30.

C’est tout ce que la Bible nous apprend sur la mort du premier pontife d’Israël ; elle ne nous dit rien de sa sépulture, et l’histoire profane, de son côté, ne nous fournit sur ce sujet aucun document. Cependant il existe sur le plus élevé des deux pitons culminants du Djebel-Nébi-Haroun, ou montagne du prophète Aaron, une construction appelée le Tombeau d’Aaron. Voir Hor. Cette montagne, située près de Pétra, entre la mer Morte et la mer Rouge, est identifiée avec le mont Hor par une ancienne tradition généralement adoptée, malgré l’opinion contraire de quelques modernes. Voir Wilton, The Negeb, p. 126 et suiv. Le tombeau est renfermé dans un petit édifice rectangulaire d’environ 10 mètres sur 7 m. 50 dans œuvre, que recouvre un toit en terrasse portant coupole et accessible par un escalier extérieur. Cet édicule est une sorte d’oualy ou sanctuaire pareil à ceux qu’on rencontre si fréquemment sur la tombe des santons musulmans ; il a été bâti avec les débris de la chapelle d’un petit monastère chrétien, encore debout en cet endroit au commencement du XIIIe siècle. Il se compose de deux pièces superposées. Celle de dessus, voûtée et éclairée seulement par la porte, est ornée de quatre colonnes, auxquelles on suspend des ex-voto. On y voit une pierre haute et arrondie, sur laquelle les pèlerins musulmans immolent en sacrifice à Aaron un mouton ou un chevreau. A côté de cette espèce d’autel est un sarcophage ayant l’aspect d’une dalle tombale de marbre commun ou de pierre calcaire d’un blanc-jaunâtre. Ce serait plutôt un simple cénotaphe, car les Arabes affirment que le vrai tombeau d’Aaron est dans la salle inférieure. Un escalier assez difficile conduit à cette seconde chambre, creusée en partie dans le roc, et où règne la plus profonde obscurité. Le tombeau qui se trouve dans cette crypte offre l’apparence d’une masse demi-cylindrique de maçonnerie, recouverte d’un tapis noir et défendue par une grille contre l’indiscrète curiosité des visiteurs. Voir de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, p. 277. Irby et Mangles, qui visitèrent ce monument en 1818, avaient pu arriver jusqu’au tombeau et le toucher, ainsi que les loques qui le dissimulaient en partie ; la grille, renversée avant leur passage, n’avait pas encore été relevée et restaurée. Irby et Mangles, Travels in Egypt, etc., édit. de 184i, p. 133-134. Qu’y a-t-il sous ce mystérieux couvertie ? S’il se soulève un jour en faveur d’un voyageur plus heureux que ses devanciers, lui laissera —t— il voir, à côté des restes qu’il renferme peut-être, quelque signe auquel on puisse reconnaître avec certitude qu’ils sont bien ceux d’Aaron ? Cela paraît fort douteux, et il est bien à craindre qu’il ne faille alors comme aujourd’hui répéter au sujet d’Aaron ce que l’Écriture nous dit de Moïse, après avoir raconté sa mort sur le mont Nébo : « Nul homme n’a connu jusqu’à ce jour le lieu de sa sépulture. » Deut., xxxiv, 6.

Mais si cet oualy ne renferme pas les restes d’Aaron, il n’en est pas moins une sorte d’hommage permanent rendu par les infidèles eux-mêmes à la sainteté de ce pontife. Par leurs pèlerinages et par le culte superstitieux qu’ils lui rendent, ils publient à leur manière que le Seigneur « le fit bien grand et pareil à Moïse ». Eccli., xtv, 7. Aaron fut, en effet, un homme d’une éminente sainteté. Il ne montra pas sans doute le zèle ardent et courageux de son frère ; il eut moins de fermeté que lui et fit preuve en deux circonstances, Exod., xxxn ; Num., xii, d’une coupable faiblesse ; mais il répara ces deux fautes par un prompt repentir. Plein de déférence et de docilité pour son frère, il fut comme lui homme de prière, patient, doux, dévoué à son peuple, et d’une obéissance parfaite aux ordres du Seigneur, qui l’en récompensa par la bénédiction la plus désirée en Israël : une longue vie et une innombrable postérité. De son mariage avec Elisabeth, sœur de Nahasson, chef de la tribu de Juda, Exod., vi, 23 ; Num., 1, 7, il avait eu quatre fils. Les deux aînés, Nadab et Abiu, étaient morts sans laisser d’enfants, Lev., x, 2 ; I Parai., xxiv, 2 ; mais la descendance d’Éléazar et d’Ithamar fut très nombreuse : au temps de Jésus-Christ, on comptait en Palestine vingt mille prêtres, d’après Josèphe, sont. Apion., II, vu, et même beaucoup plus si l’on s’en rapporte aux autres auteurs juifs. Gemara Hierosol., Taanith, fol. 67, dans Carpzov, Apparatus critions antiquitatum Sacri Codicis, in-4o, Leipzig, 1748, p. 100.

Dieu glorifia bien davantage encore Aaron dans sa postérité en y choisissant le précurseur du Messie, Jean-Baptiste, duquel Jésus déclara « qu’il ne s’était jamais vu entre les hommes un plus grand que lui », Matth., XI, 11, et qui à son tour rendit témoignage au Christ, et dit en le montrant aux Juifs : « Voilà l’Agneau de Dieu, voilà celui qui efface le péché du monde. Joa., 1, 29. Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Joa., in, 30. Ainsi, par une admirable disposition de sa providence, Dieu accordait en quelque sorte une dernière fois à Aaron « de faire briller la lumière devant Israël », Eccli., XLV, 21, et le premier pontife de l’ancienne alliance proclamait par la bouche du plus illustre de ses petits —fils la déchéance du sacerdoce aaronique, en reconnaissant Jésus —Christ pour « le prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech ». Ps. cix, 4. Voir aussi Hebr., vu. £. Palis.

2.AARON, Lévite, publia à Amsterdam, en 1010, le Pentateuque hébreu, in —12.


3.AARON, de Pesaro (xvi e siècle), composa Les générations d’Aaron, soledvf’Aharôn, table des endroits de l’Écriture Sainte rapportés dans le Talmud de Babylone. Cet ouvrage a été imprimé à Fribourg, 1581 ; à Bàle, 1587 ; à Venise, 1583 et 1591.


4.AARON ABIOB ou ARIOB, publia à Thessalonique, en 1601, un commentaire littéral sur le livre d’Esther. C’est une simple compilation sans vues personnelles, intitulée : Parfum de myrrhe, Sémén hammôr.


5. AARON-ABOU-ALDARI OU AARON ALRABBI, fils de Gerson. On a de lui un commentaire sur le Pentateuque, publié à Constantinople, in-f°, xvi e siècle.


6. AARON ABRAHAM (xvi « siècle), a laissé Lettre des sens (de l’Écriture Sainte), ouvrage composé d’après la méthode cabalistique, in-8o, Constantinople, 1585.


7. AARON-BEN-CHAÏM ou ABEN-CHAÏM, né à Fez vers la fin du xvi e siècle, fut par sa science et son influence à la tête des synagogues du Maroc et de l’Egypte. En 1609, il alla à Venise faire imprimer ses œuvres ; il y mourut peu après, avant d’avoir achevé cette publication. Ses principaux ouvrages, très estimés des Juifs, sont : 1° Le cœur d’Aaron, Leb’Aharôn, composé de deux commentaires : l’un littéral sur le livre de Josué, et l’autre allégorique sur le livre des Juges ; 2° L’offrande d’Aaron, Qurban’Aharôn, commentaire savant, mais diffus, sur le Siphra, commentaire du Lévitique ; 3° Les régies d’Aaron, Middôf’Aharôn, où l’on traite des treize façons dont le rabbin Ismaël interprétait l’Écriture Sainte. Ces œuvres laissent beaucoup à désirer à cause de leur diffusion et de leur subtilité. Elles ont été imprimées à Venise en 1609, in-f°. Très rares.


8. AARON-BEN-DAVID, cohen (prêtre), né à Raguse, en Dalmatie, mort à Venise vers 1656, a laissé un commentaire littéral et allégorique sur le Pentateuque et sur plusieurs autres livres, comme les Prophètes et les Hagiographes. Il est intitulé La barbe d’Aaron, Zeqan’Aharôn ; il n’a rien de bien remarquable. Ce commentaire fut imprimé à Venise, in-f°, en 1652 et 1657, avec un commentaire de Salomon Olief, son oncle, sous le titre : Huile du bien.


9. AARON-BEN-ÉLIE. Aaron, fils d’Élie, appelé aussi Aaron le Second (’al)arôn), pour le distinguer d’Aaronben— Joseph, surnommé le Premier (hâri’Sôn), né à Nicomédie au commencement du xiv c’siècle, alla au Casse, où florissait une nombreuse communauté de Juifs caraïtes. Il y mourut en 1369, après avoir été l’un des plus célèbres rabbins de cette sorte. Ses principaux ouvrages scripturaires sont : 1° L’arbre de vie,’Es hayim (1346), traité de philosophie religieuse, qui rappelle par le plan, l’esprit et la plupart même des questions, Le guide des égarés, de Maimonide. Ce que cette œuvre de Maimonide fut pour le rabbinisme, L’arbre de vie le fut pour le caraïsme. On y trouve des principes d’exégèse destinés à concilier la toi et la raison, à éclairer les Israélites fidèles, souvent perplexes devant les apparentes oppositions de la Bible et de la science. 2" La couronne de la Loi, Kefer fôrâh (1362), commentaire littéral, mais parfois un peu diffus, sur le Pentateuque. Avec des vues personnelles, on y trouve le résumé des travaux des deux synagogues, et en particulier d’son-Ezra. Aaron —ben-Élie suit de préférence l’exégèse grammaticale. Pour lui, c’est la base de toute interprétation de l’Écriture. Cependant à la recherche du sens littéral il unit souvent les explications philosophiques et allégoriques. Par le caractère de ses écrits et la nature de son esprit, il a beaucoup de traits de ressemblance avec l’auteur du Guide des égares, qu’il semble du reste avoir 41

AARON-BEN-ÉLIE — ABAL

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pris pour modèle; aussi a-t-il été surnommé le Maimo- nide du caraïsme. L'arbre de vie a été publié en 1839, à Constantinople. En 1841, MM. Delitzsch et Steinschneider en ont donné une belle édition, enrichie de précieuses additions. La couronne de la Loi a été publiée par frag- ments avec traduction latine par Kosegarten, à Iéna (1824). Voir J. G. Schupart, Secta Karseorum, Iéna, 1701, et les ouvrages sur les caraïtes indiqués à Aaron -ben- Joseph.

10. AARON- BEN -JOSEPH. Aaron, fils de Joseph, sur- nommé le Premier (hâri'Sôn, voir Aaron-ben-Élie) , né à Constantinople dans la première partie du XIII e siècle, fut médecin dans cette ville, où il mourut en 1294. Ce rabbin composa des commentaires sur une grande partie de la Bible : sur le Pentateuque , sur les premiers pro- phètes, c'est-à-dire sur les livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois, sur Isaïe, sur les Psaumes et sur Job. Le plus connu est son commentaire sur le Penta- teuque , Séfer hammibhâr, Livre de choix, ainsi apprécié par de Rossi : « (Commentaire) remarquable, exact, excel- lent en tout ce qui regarde le sens grammatical et littéral. » On y trouve parfois cependant de l'obscurité et de la subtilité. On a également de cet auteur un excellent abrégé de grammaire hébraïque et de critique sacrée, intitulé : Le parfait en beauté, Kelil yôfi, où il traite des variantes, transpositions, singularités, etc., du texte sacré. « Ce petit abrégé, dit Richard Simon, explique beaucoup de choses en peu de mots. » Aaron -ben- Joseph est le plus célèbre des écrivains caraïtes du un 1 siècle. On l'estime comme bon théologien juif, et savant inter- prète de l'Écriture. Il s'attache surtout au sens littéral; cependant il donne parfois dans l'allégorie et la cabale : il le doit peut-être à Nahmanide, dont il fut, dit-on, le disciple. Le livre de choix a été imprimé en 1835, à Eupatoria, en Crimée. Déjà des extraits avec traduction latine avaient été publiés à Amsterdam, en 1705. La Biblio- thèque nationale possède de cet ouvrage deux manuscrits du XIV e siècle. La bibliothèque de Leyde a plusieurs autres ouvrages manuscrits de cet auteur. Sa grammaire fut im- primée à Constantinople, en 1581. Très rare. Voir Notice sur les Caraïtes , par le caraïte Mardochée , publiée et traduite par I. Chr. Wolf, Hambourg, 1714; Trigland, Diatribe de secta Karseorum, Delft, 1703; J. G. Schupart, Secta Karseorum, Iéna, 1701.

11. AARON-BEN-MOSCHÉH-BEN-ASCHÊR, ou d'ordi- naire BEN-ASCHÊR simplement, rabbin du X e siècle, dont la vie et le rôle sont encore enveloppés d'obscurité. Tout ce qu'on sait sur ce personnage, qui vécut à Tibériade, c'est qu'il fut, avec Ben-Naphtali, de Bagdad, le plus cé- lèbre des naqdanim ou rabbins qui complétèrent, par l'ad- jonction de quelques signes, l'œuvre des véritables ponc- tuateurs de la Bible (ba'alê niqqud). Il entreprit une revision du texte sacré accompagné de sa ponctuation. Cette recension, faite avec un soin minutieux, l'emporta sur celle de Naphtali, son émule, et a depuis servi de base pour le texte de nos éditions imprimées. On attribue à Ben-Aschêr le Traité des accents qui se trouve à la fin des Bibles rabbiniques. Raymond Martin lui attribue aussi une grammaire hébraïque, mais Buxtorf pense qu'on doit lire Ben-Esra au lieu de Ben-Aschêr. On croit qu'il a été l'au- teur ou le compilateur principal de règles et de fragments massorétiques importants. Wogue, Histoire de la Bible, p. 125. Voir Dikduke hateamim des Ahron-ben-Moscheh- ben-Ascher, herausgegeben von Baer und H. Strack, Leipzig, 1879.

12. AARON- BEN -8CHEMOUEL, publia à Francfort- sur-1'Oder, en 1690, La maison d'Aaron, Bet 'Aharôn, table des endroits de la Bible selon l'ordre des livres et des chapitres, indiquant en quels livres ces endroits de la Bible sont expliqués; « ouvrage, dit Wolf, Bibliotheca hebraica, très utile aux interprètes et aux prédicateurs. »

13. AARON MOlSE, de Lemberg, a donné, sous le titre de 'Ohel Moiéh, Tente de Moïse, une grammaire hé- braïque estimable, 1765. E. Levesque.

AARONITES. Descendants d'Aaron. I Par., xxvii, 17. C'est dans cette famille que se perpétuait le souverain pontificat. Voir Aaron 1.

AASBAÏ (hébreu : 'Ahasbaï, « Je me réfugie en Té- hovah; » Septante: 'Ah6£tou), père d'Éliphélet, un des vaillants guerriers de David. II Reg., xxm, 34. Il est ap- pelé : 6e» hamma'akâti , ce que la Vulgate traduit par « fils de Machati », mais qui signifie plutôt le lieu d'origine, habitant ou originaire d e Maacha . Voir Abel-Beth-M aacha. Peut-être descendait -il de l'antique race de Machati, dont il est question Deut., m, 14.

1. AB, mot hébreu, as, 'âb, qui signifie « père ». D entre dans la composition des noms propres d'hommes et de femmes, où il est placé soit au commencement comme sujet, soit à la fin comme attribut : A6-i-mélech, « mon père est roi; » AW-gaïl, « mon père est joyeux; » El-l-ob, « mon Dieu est père; » Jo-a6, « Jéhovah est père. » Dans quelques noms propres , 'âb parait signifier « possesseur », sens qu'il a assez souvent en arabe et en éthiopien. Ainsi Abiathar, hébreu : 'Ébyâtâr, signifie « père d'abondance » ou possesseur de richesses.

2. AB, cinquième mois de l'année hébraïque. II avait trente jours et commençait à la nouvelle lune de juillet. Le nom de ce mois ne se lit pas dans la Bible, mais seu- lement dans les Targums et les écrits rabbiniques. Les Juifs l'empruntèrent après la captivité aux Chaldéens, qui appelaient 'abu le cinquième mois. Voir Mois.

ABADDON, ange de l'abîme, dans l'Apocalyse, ix, 11. Abaddon est un mot hébreu, pi2N, qui signifie « perte, ruine , mort » , Job , xxxi , 12 , et « le lieu où habitent les morts », Job,. xxvi, 6; Prov., xv, 11. Saint Jean donne ce nom à l'ange qui préside à l'enfer, à l'un des principaux chefs des démons, si ce n'est à Satan lui-même, et il explique le sens du mot sémitique par le mot grec Apol- lyon, 'AtioXXûwv , que notre Vulgate interprète à son tour par le mot Exterminans, « Exterminateur. » L'auteur de l'Apocalypse veut sans doute faire ressortir par là le con- traste qui existe entre Jésus, dont le nom signifie Sau- veur, parce qu'il nous sauve de nos péchés, et celui de l'Ange de l'abîme , qui ne cherche qu'à perdre et à faire périr les hommes. On a voulu , mais sans preuves , iden- tifier Abaddon avec le démon Asmodée, dont il est parlé dans le livre de Tobie, m, 8; vi, 14; vin, 3. Ces deux esprits mauvais nous sont présentés avec des caractères différents : Asmodée est le démon de l'impureté ; Abaddon est le chef des sauterelles symboliques qui sortent du puits de l'abîme, semblables à des chevaux préparés au combat, ayant des têtes d'homme, des cheveux de femme, des dents de lion et des queues de scorpion. Voir Sauterelles.

ABAILARD. Voir Abélard.

ABAL (Septante : "A6aX), nom attribué au père de Daniel dans la traduction du livre de ce prophète par les Septante. On y Ut, au commencement du chapitre xiv, qui contient l'histoire de Bel : « De la prophétie d'Ambacoum (Habacuc), fils de Jésus, de la tribu de Lévi. Il y avait un prêtre du nom de Daniel, fils d'Abal, commensal du roi de Babylone. » Voir S. de Magistris, Daniel juxta Septuaginta, in-f°, Rome, 1772, p. 89; C. Bugati, Da- niel secundum editionem Septuaginta interpretum ex telraplis syriace, in-4o, Milan, 1788, p. 119. Ce passage ne se trouve pas dans la traduction grecque ordinaire, parce que la version de Daniel par Théodotion a été pré- férée par l'Église grecque à celle des Septante. La forme -13

ABAL — ABANA

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Aba) est d'ailleurs probablement fautive : on ne la ren- contre nulle part dans l'Ancien Testament, et saint Jé- rôme, qui a cité cette addition des Septante dans son Prologue de Daniel, t. xxv, col. 492, écrit, non pas Abal, mais « Abda » , nom véritablement hébreu. Voir Abda.

ABANA (hébreu: 'Abânâh; Septante: 'A6av<£), fleuve ■de Damas. On lit Amanah dans le qeri et même dans le hefib d'un certain nombre de manuscrits (cf. B. Kenni- ^ott, Vet. Testant, heb., Oxford, 1776, t. I, p. 651, et J. B. de Rossi, Var. Lect. Vet. Test., Parme, 1785, t. n, p. 230), dans le Targum de Jonathan et dans la version

étranger, ne mettra jamais le Nahr él-Aouadj avant le Barada, qui fait la prospérité et la gloire de la grande cité. F ive years in Damascus, Londres, 1855, t. i, p. 276. De plus, la leçon Amana nous reporte naturellement au mont Amana , dont parle le Cantique des cantiques, iv, 8, et dont, suivant plusieurs critiques, le nom est donné ou emprunté à la rivière qui y prend sa source. Ct. Polus, Synopsis Crit. sac., in Cant. IV, 8"; Gesenius, Thésaurus ling. heb., au mot 'Amanah. Or le même passage dis- tingue nettement l' Amana de l'Hermon, qui donne nais- sance à l'Aouadj , tandis que l'autre fleuve sort, bien plus au nord, des montagnes de l'Anti-Liban.Il faut donc distin-

2. — Le Barada (ancien Abana), a Damas. D'après une photographie.

■syriaque; variante qui s'explique facilement par la con- fusion ou la permutation entre le beth, a, et e mem, c. Les Septante et la Vulgate portent Abana, et cet accord suffit, selon quelques auteurs, pour donner la préférence à cette leçon.

L'Àbana n'est mentionné qu'une fois dans la Sainte Écriture, à propos de Naaman le lépreux, IV Reg., v, 12. Ce général des armées syriennes vient de Damas demander sa guérison au prophète Elisée, qui lui recommande alors d'aller se laver sept fois de suite dans les eaux du Jour- dain. Mais l'officier, tout infatué de l'abondance et de la qualité des eaux de son pays, répond avec mécontente- ment et dédain : « Est-ce que l' Abana et le Pharphar, Heuves de Damas, ne sont pas meilleurs que toutes les «aux d'Israël, pour que je m'y lave et sois purifié? »

Deux rivières importantes arrosent le pays de Damas : le Barada et l'Aouadj; et un i égard jeté sur la carte mène facilement à cette conclusion, que ce sont là les deux fleuves (neharôt) cités par Naaman. Or il semble naturel que le plus considérable et le plus familier à un habitant de la ville soit mentionné le premier. De nos jours, dit J. L. Porter, un indigène, s'adressant à un

guer aussi l'Aouadj de l'Abana, qui s'identifie facilement avec le Barada; identification confirmée du reste par la version arabe, qui se trouve dans la Polyglotte de Walton, et qu'on fait généralement remonter au x e ou au xi e siècle : elle traduit l'hébreu Abana par Barda, qu'Etienne de Byzance appelle dès le v« siècle Bardinès.

Aa[ia<xx6;..., itspt tov Bip8'.vï)v norapiov. Damas..., près du fleuve Bardinès.

L'Abana est donc bien, croyons-nous, le Barada (en arabe: le froid, le glacé), le ^pvaoppiaç, « fleuve d'or» des Grecs, ainsi appelé, non parce que ses eaux roulent effectivement des paillettes d'or, mais parce que de tout temps, à l'époque de Strabon et de Pline aussi bien qu'au- jourd'hui, elles ont répandu sur leur passage la fertilité et les richesses.

Le Barada forme la branche orientale de cette croix qui, dans l'hydrographie syrienne, a pour tronc l'Oronte au nord, le Jourdain au sud, et pour branche occidentale le Léitani. Cf. Elisée Reclus, Asie antérieure, Paris, 1884,' p. 719. Il prend sa source sur une haute crête de l' Anti- Liban, le Djébel-Zebdâni, à une altitude de 1 066 mètres i5

ABANA — ABARIM

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au-dessus de la Méditerranée. Traversant les montagnes par de profondes coupures où l'on entend mugir ses eaux souvent invisibles entre les parois des rochers, il arrose l'antique Abila, aujourd'hui Soùq-Ouadi-Barada; puis, au milieu de ruines de la domination romaine, il vient se grossir des eaux de YAïn-Fidjéh, une des sources les plus remarquables de la Syrie. Il débouche ensuite dans la plaine de Damas, et, se dirigeant vers l'est, longe le mur septentrional de la ville (fig. 2), et va enfin se perdre, à une vingtaine de kilomètres de Damas, par plusieurs bras différents, dans un grand lac, le Bahr el-Àleibéh, divisé lui-même en deux parties : Bahret esch-Scharqiyéh (lac oriental), et Bahret eUQebliyéh (lac méridional). Jamais rivière ne fut mieux utilisée. Dès la plus haute antiquité, on a dérivé de son lit principal, à divers niveaux, une multitude de canaux , dont sept plus importants. Sans ce fleuve aux eaux limpides et dignes de l'admiration de Naaman , Damas n'existerait pas ; mais avec lui , malgré les calamités et les révolutions, elle est restée l'une des plus populeuses et des plus brillantes cités de l'Orient. Cf. V. Guérin, La Terre Sainte, Paris, 1882, 1. 1, p. 384-387 ; J. L. Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855, 1. 1, p. 255-278. A. Legendre.

ABARBANEL (don Isaac-ben-Juda- Abarbanel ou Abravanel), rabbin portugais, né à Lisbonne en 1437, dans une famille opulente, mort à Venise en 1508. Il reçut une brillante éducation, embrassa la carrière de la politique et devint ministre des finances d'Alphonse V, roi de Portugal, puis de Ferdinand le Catholique, roi de Castille. L'édit de 1492, qui expulsait les Juifs, le força de quitter l'Espagne; il se rendit à Naples, où il occupa un poste éminent à la cour de Ferdinand I er et d'Alphonse II , son successeur. L'invasion des Français le fit passer en Sicile; de là il se rendit à Corfou, et, après avoir séjourné quelque temps dans la Pouille, il s'arrêta enfin à Venise, où il mourut à l'âge de soixante et onze ans.

Dans ses pérégrinations, Abarbanel composa de nombreux ouvrages. Voici , d'après Aboab , la liste de ses œuvres scripturaires et le lieu de leur composition : en Portugal, le commentaire du Deutéronome, intitulé Mirkébet hammiSnéh, Le second char, Gen., xli, 43; en Castille, les commentaires de Josué, des Juges et des Rois; à Naples, Les sources du salut, Ma'ayenê yesu'ah, Is., xii, 3, commentaire sur Daniel, et le livre appelé Sacrifice de la Pâque, commentaire sur la manière de célébrer la Pâque; à Corfou, un livre sur Isaïe; à Venise, un commentaire sur les autres prophètes et sur les quatre premiers livres de la Loi. Abarbanel composa encore deux dissertations sur le Messie : MaSmi'a yeSu'ah, Isaïe, lu, 7, Le héraut du salut, et Ye&u'of tnesiho, Ps. xxvm, 8, Le salut ou secours de son Messie. Ces deux dissertations . avec Les .sources du salut, forment les trois traités compris sous le titre de Migdôl yesuof, II Sam., xxii, 51, (Dieu ) signalant sa grandeur par des secours. Citons encore Lahaqaf nebi'im, I Sam., xix, 20, La réunion des prophètes, dissertation sur les prophéties de Moïse et des autres prophètes, et La couronne des anciens, 'Atéret zeqênim, Prov., xvii, 6, commentaire philosophique sur le t- 20 du chapitre xxm de l'Exode, sur le chapitre xxiv du même livre, et sur le j>. 1 du chapitre m de Malachie.

Écrivain distingué, à l'intelligence élevée, au style facile, élégant et abondant , Abarbanel jouit d'une grande autorité près des Juifs, qui lui ont donné les noms de Sage, de Prince. Il s'attache avec bonheur à expliquer le sens littéral, et à montrer en particulier l'enchaînement des idées. Pour mieux interpréter le texte sacré, il a recours à l'histoire : par là , il ouvre une voie nouvelle à l'exégèse biblique. Deux mots caractérisent donc très bien son exégèse : elle était grammaticale et historique. Enfin, par ses savantes Introductions, il a rendu d'importants services à la critique sacrée. Cependant Richard Simon vante un peu trop Abarbanel, lorsqu'il le regarde comme c celui de

tous les rabbins dont on peut le plus profiter pour l'intelligence des Livres Saints... », et lorsqu'il porte sur lui ce jugement : « Abarbanel n'a pas moins de netteté et d'éloquence en hébreu que Cicéron en a en latin. » Il reconnaît d'ailleurs qu'il est plus rhéteur qu'exégète, et que parfois il est trop subtil et trop prolixe. On trouve, en effet, dans ses commentaires, des dissertations longues et diffuses sur des questions théologiques qui vont plus ou moins au sujet. Souvent aussi il se répand en attaques violentes contre la religion chrétienne.

Bibliographie. — Les ouvrages d'Abarbanel, en tout on en partie , ont été très souvent publiés , dans le texte original ou dans une traduction latine. Le commentaire sur le Pentateuque a été imprimé à Venise, 1579, in-f°, et réimprimé dans la même ville, 1584, après des suppressions et corrections faites par ordre de l'Inquisition. L'édition de 1710, in-f», Hanovre, donnée par H. J. Bashuysen , reproduit la première édition de Venise et est plus correcte. Le commentaire sur le Deutéronome avait été imprimé séparément à Sabionetta (Italie), in-f°, 1551. — Éditions particulières : Commentaire sur les premiers prophètes, Naples, 1593; et, plus correctement, in-f°, Leipzig, 1681 ; Hambourg, 1687. Commentaire sur les derniers prophètes, Pesaro (Italie), 1520; Amsterdam, 1641, édition plus élégante que la première et augmentée de deux tables. Commentaire sur Daniel, Les sources du salut, in -4°, 1551, sans nom de heu; Amsterdam, in-4o, 1647; selon Wolf, il y aurait eu une édition à Naples, in -4°, 1497. Le sacrifice de la Pâque, Constantinople , 1496; Venise, 1545; Crémone, 1557; Le héraut du salut, Salonique, in-4o, 1526; Amsterdam, 1644; traduit en latin par H. May, in-4o, Francfort, 1712 ; Les secours du Messie, manuscrit de la Bibliothèque nationale, imprimé en 1828 à Carlsruhe. La couronne des anciens, Sabionetta, in -4°, 1557; Amsterdam, 1739. — Voir Joh. Heinrich May, Bissertatio historico-philologica de origine, vita et scriptis I. Abrabanielis, Altorf, 1708; in-4o, Francfort, 1712. Voir aussi Nicéron, Mémoires, t. xli; Gràtz, Geschichte der Juden, t. vin, p. 334; t. ix, p. 6, 46; Jost, Geschichte des Judenthums, t. m, p. 204. E. Levesque.

ABARIM, chaîne de montagnes du pays de Moab. Ce nom est toujours accompagné de l'article en hébreu : har hâ'abarim, Num., xxvn, 12; Deut. , xxxii, 49, harê hâ'abarîm, Num., xxxm, 47, 48, « la montagne » ou « les montagnes des Abarim »; tô o'po; tô 'A6apJ|i, èv t£ itepov io-j 'IopSivou. La racine 'éber, qui est la même que celle du mot hébreu, peut avoir une double signification : « la région au delà [de l'Euphrate], trans flumen, » ou « les passages » ; aussi la Vulgate, Deut., xxxn, 49, ajoute cette traduction étymologique : « c'est - à - dire , des passages ». Dans ce dernier cas, les montagnes en question seraient ainsi appelées parce qu'on descendait d'Hésébon à la vallée du Jourdain par les gorges qu'elles renferment.

D'après divers endroits de l'Ecriture Sainte, nous savons que les monts Abarim se trouvaient « dans la terre de Moab », Deut., xxxn, 49, et avaient pour sommets principaux le Nébo, « en face de Jéricho, » ibid., le Phasga (Pisgâh) et le Phogor (Pe'or), d'où l'on pouvait facilement « contempler la terre promise aux enfants d'Israël ». Num., xxvn, 12. Aussi est-ce là que Dieu transporte Moïseavant sa mort, pour lui faire embrasser d'un coup d'oeil le pays de Chanaan, vers lequel le grand législateur a conduit son peuple , mais qu'il ne pourra lui-même fouler de ses pieds. Deut., xxxiv, 1. C'est de là que Balaam vient considérer et bénir les tentes d'Israël, Num., xxm, 14, 28, fixées au pied de ces montagnes. Num., xxi, 20; xxii, 1. C'est là aussi que Jérémie cache le tabernacle , l'arche d'alliance et l'autel des parfums. II Mac, n, 4. Enfin le même prophète ajoute ce nom à ceux du Liban et de Basan au chap. xxn, 20; car il est plus conforme au contexte de lire avec l'hébreu mê'abarîm, « de l' Abarim, ► que de traduire comme la Vulgate : « à ceux qui passent ». 17

ABARIM — ABBA MARI

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Les voyageurs modernes, principalement M. de Saulcy, en déterminant la position du mont Nébo, ont par là même confirmé celle des monts Abarim, qu'Eusèbe et saint Jé- rôme placent à six milles d'Hésëbon. S. Jérôme, Lib. de situ et nominibus locorum heb., t. xxui, col. 867 et 913. Du reste, les passages de la Sainte Écriture cités plus haut montrent clairement qu'il faut chercher Abarim dans la partie septentrionale de cette région montagneuse qui , bornant la mer Morte à l'est , a dans son ensemble une centaine de kilomètres de longueur, une largeur d'en- viron 40 kilomètres, avec une élévation générale d'à peu près 1 000 mètres. Descendant brusquement en parois abruptes jusqu'au lac Asphaltite, les rochers sont coupés par les ravins des ouadis, qui « pénétrent dans l'intérieur comme d'étroites rues entre des murs verticaux. La végé- tation est rare sur les pentes et sur les plateaux de cette région d'El - Belka , plus généralement désignée par les noms des anciens peuples qui l'habitaient, Ammon et Moab. Cependant la nudité de ces monts n'est pas com- parable à celle du massif calcaire de la Judée , à l'ouest de la mer Morte : non seulement les fonds bien arrosés sont remplis de fourrés verdoyants, mais des bouquets de chênes, des térébinthes, des lauriers croissent sur les terrasses tournées vers les vents humides de la Méditer- ranée. » Cf. Elisée Reclus, Asie antérieure, Paris,1884, p. 708.

La partie septentrionale, qui s'étend depuis le Zerka- Maïn jusqu'à l'ouadi Hesban, et forme les monts Abarim, se distingue des autres par de plus nombreuses déchi- rures. Dans l'espace de quelques kilomètres, le plateau est coupé par cinq ou six ouadis, qui, commençant par une dépression assez douce, se creusent rapidement, en sorte que l'on n'a plus sous les yeux qu'une série de chaînes parallèles, descendant par échelons vers la mer, et por- tant sur chacun de leurs flancs les ruines d'une cité an- tique. H. B. Tristram, The land of Moab, 2« édit. , Londres, 1874, p. 318. On a, en effet, retrouvé dans ce pays des ruines de tout âge , restes de l'ancienne religion chananéenue : dolmens, menhirs, cercles de pierres, villes moabites, temples romains, etc.

Les explorateurs modernes, surtout de Saulcy, Voyage en Terre Sainte, 2 in -8», Paris, 1865; H. B. Tristram, ouv. cité; C. R. Conder, Heth and Moab, Londres, 1889, nous ont donné sur cette contrée des détails aussi précis qu'intéressants , et ont ainsi comblé une lacune qu'on déplorait depuis longtemps dans la géographie sacrée. Us ont constaté de visu et à plusieurs reprises l'exactitude du récit biblique, quand il affirme qu'on peut de ces montagnes apercevoir dans toute son étendue la Terre Promise. Deut., xxxiv, 1-3. Des sommets du Nébo, ou de Siàghah, ou de Maslubiyéh, la vue s'étend merveil- leusement, vers l'ouest, d'Hébron à la Galilée, en passant par Bethléhem, Jérusalem, les monts Garizim et Ébal, le Thabor. « Le Jourdain se déroule comme un immense serpent à travers la vallée , et les torrents de la plaine de Jéricho descendent en serpentant pour rejoindre ceux qui s'élancent des collines de Moab. » Voir les détails dans C. R. Conder, Heth and Moab, p. 131-141. Voir NÉBO, Phasga. A. Legendre.

ABARON (dans le texte grec original : AOapàv), sur- nom d'Éléazar, quatrième fils de Mathathias et frère de Judas Machabée. I Mac, h, 5. Voir Éléazar 8.

ABAUZIT Firmin , calviniste français , né à TJzès en 1679, mort à Genève en 1767, où il avait été longtemps bibliothécaire de la ville. Il travailla à la traduction fran- çaise du Nouveau Testament qui parât à Genève en 1726, et publia plusieurs écrits en faveur de l'arianisme. Ce qui lui a fait un nom dans l'exégèse est son Essai sur l'Apo- calypse, travail remarquable, non par sa valeur, mais par ses hardiesses. L'auteur révoque en doute l'authenticité de l'Apocalypse; il insinue qu'elle n'est pas l'œuvre de

l'apôtre saint Jean , qu'elle a été composée sous le règne de Néron, et qu'elle raconte sous forme prophétique la des- truction de Jérusalem. Cet ouvrage fut traduit en anglais et réfuté par L. Twells. Il fut aussi comjbattu en France par Bergier, en 1780, dans son Traité historique et dogmatique de la vraie religion, t. vin. Sur Abauzit, voir Œuvres diverses de M. Firmin Abauzit, in -8°, Genève, 1770; Œuvres de feu M. Abauzit, 2 in-8», Londres (Amster- dam), 1770-1773 (ces deux éditions contiennent l'Essai sur l'Apocalypse; la seconde s'ouvre par V Éloge d'A bauzit, composé par son éditeur Bérenger ) ; Miscellanies on his- torical, theological and critical subjects , translated by E. Harwood, in-8°, Londres, 1774 (la vie de l'auteur est racontée p. i-xxiv; le recueil se termine, p. 283, par An historical discourse on the Apocalypse); Senebier, Histoire littéraire de Genève, t. m, p. 63-83; Lùcke, Versuch einer vollstàndigen Einleitung in die Offenba- rung Johannis, p. 555.

ABBA, mot araméen correspondant au mot hébreu 'ab, « père. » Il nous a été conservé dans le Nouveau Testament grec: 'AëëS, Marc, xiv, 36; Rom., vm, 15; Gai., iv, 6, où cette appellation s'applique toujours à Dieu sous forme d'invocation. En saint Marc, c'est Notre -Sei- gneur qui s'adresse ainsi à son Père. Saint Paul dit aux fidèles qu'ils peuvent appeler Dieu : « Abba , père , » parce qu'ils sont ses enfants d'adoption. Dans le texte grec, comme dans la Vulgate latine, le mot abba est toujours suivi de la traduction : « père. »

ABBA ARÉKA ou Arikha , surnommé RAB par une abréviation familière à l'époque talmudique (Rab pour R. Abba, c'est-à-dire Rabbi Abba), 175-247, fut disciple de Juda le Saint. Il porta la Mischna rédigée par son maître à Sora, où il fonda une école, qu'il dirigea vingt-huit ans, de 219 à 247, et qu'il imprégna fortement de l'esprit rab- binique. Il fut le premier des amoraïm ou interprètes de la Mischna, et commença ces commentaires oraux qui furent recueillis plus tard sous le nom de Ghemara ou Talmud de Babylone. Il est l'auteur d'un célèbre Midrasch ou commentaire mi -partie halakique et hagadique sur le Lévitique, intitulé Sifrâ', Le livre, ou Sifrâ' debê Rab, Livre de l'école de Rab, ou encore Baraïta Sel (ôraf kôhanitn, c'est-à-dire Mischna extérieure sur la loi des prêtres. La loi des prêtres, Tarai kôhanim, était le nom donné au Lévitique par les première rabbins. Il composa également un commentaire sur les Nombres et le Deuté- ronome, appelé Sifrê, Les livres, connu encore sous le nom de Sifrê debê Rab, Les livres de l'école de Rab. Ce- pendant ces Midraschîm sur le Lévitique et sur les Nombres et le Deutéronome ne sont pas entièrement et exclusive- ment l'œuvre de Rab. Ainsi les textes anonymes appar- tiennent à deux tannaïm ou « répétiteurs » de la tradition concernant la Bible, Juda-ben-El'ài et Siméon-ben-Yôljàï. Mais la compilation et la rédaction sont dues à Rab et à son école. Le Sifrâ' fut publié à Constantinople , in-f», 1515, et à Venise, in-f°, 1545. Aaron-ben-Chaïm en a donné un commentaire intitulé Qorban 'Aharôn , in-f°, Venise, 1609. Le Sifrê fut également imprimé à Constantinople, in-f°, 1515, et à Venise, in-f°, 1545. Il a été, ainsi que le Sifrâ', l'objet de plusieurs commentaires , comme ceux d'Abraham Lichtstein , de David Pardo, etc. La traduction latine du Sifrâ' et celle du Sifrê se trouvent dans les tomes xiv et xv du Thésaurus antiquitatum sacrarum d'Ugolini. Sur Rab et ses œuvres, voir : Jul. Fûrst, Rab, sein Leben, Wirken, als erster Amora, als Begrûnder des Talmud's, etc., dans Kultur- und Literaturgeschichte der Juden in Asien, p. 8, 10, 31-39, 46, 52-53, 60-63, 65, 67-72, 91 ; J. H. Weiss, fôledôt Rab, dans E. Stern, Kokebê Yishâq, fascicule 8-11. E. LevesQUE.

ABBA MARI, fils de Moïse, fils de Joseph, était ori- ginaire de Lunel, aussi se nomme- t-il hay-yarhi (y en» A 19

ABBA MARI — ABDIAS

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signifie « lune »; les Juifs provençaux avaient coutume de traduire en hébreu les noms de ville). Son nom provençal était Don ou En Astruc, ou Nastruc (forme populaire). D vécut à la fin du xin e et au commencement du xiv" siècle. De 1304 à 1306, il prit la plus grande part à la dispute qui divisa alors les rabbins du midi de la France en deux partis , qu'on peut appeler le parti philosophique et le parti théologique , ou plutôt talmudique. Effrayé de l'abandon où était tombée l'étude du Talmud, et de la pré- férence accordée à des recherches philosophiques abou- tissant le plus souvent, dans l'interprétation de la Bible, à un allégorisme outré ou au rationalisme, Abba Mari vit là un danger sérieux pour la foi de ses coreligionnaires. Aussi voulait-il qu'on n'entreprit pas les études philoso- phiques avant l'âge de trente ans , âge auquel on est d'or- dinaire assez familiarisé avec le Talmud. Dans ses lettres, il s'élève contre ceux qui expliquent les miracles par des faits naturels , et qui regardent comme des allégories phi- losophiques ou morales les récits et les personnages de la Bible le plus évidemment historiques. Quelques-uns, en effet, voyaient, par exemple, dans Abraham et Sara, la matière et la forme; dans Jacob et les douze tribus, le ciel et les douze signes du zodiaque. L'édit de 1306, qui expul- sait les Juifs de France, mit fin à la querelle. Abba Mari quitta Montpellier, où il s'était fixé ; il se réfugia à Arles , et peu de temps après à Perpignan. Il mourut après 1310, on ne sait précisément en quelle année. Les lettres échan- gées dans la controverse furent réunies par lui sous le titre de Minhaf qenaôt, Offrande du zèle. Num., v, 18. En tête de l'ouvrage se trouve une longue introduction , où il expose en dix -huit chapitres, dans un style diffus, les principes fondamentaux de la foi. Il conclut que ceux qui croient à ces principes ne douteront jamais des récits de l'Écriture, et ne chercheront pas d'interprétation natu- raliste aux miracles. A la fin de cet opuscule, il ajouta un petit traité intitulé Livre de la lune, Séfer hayyârêah, où il développe les mêmes idées. On lui attribue aussi un Commentaire sur le livre de Job, dont une copie manus- crite existe à la Bibliothèque nationale. Une main plus mo- derne que celle du copiste a ajouté le nom d'Abba Mari à la marge , et le donne comme l'auteur de cet ouvrage. L'Offrande du zèle a été publiée par Mard. Lôw Bisse- liches, à Presbourg (Hongrie), in -8°, 1838. — Voir, sur Abba Mari, Histoire littéraire de la France, t. xxvii, p. 648-695, et H. Gross, Notice sur Abba Mari, dans la Revue des études juives, avril-juin 1882, p. 192 et suiv.

E. Levesqhe. ABBOTT (George), archevêque anglican de Cantor- béry, né à Guildford, le 29 octobre 1562, mort àCroydon, le 4 août 1633, fut un des traducteurs de la Bible anglaise publiée par le roi Jacques ï" (version autorisée); il avait été chargé des quatre Évangiles. On a aussi de lui un commentaire du prophète Jonas en forme de sermons , An exposition upon tke prophet Jonah, in-4o, Londres, 1600, ouvrage d'ailleurs sans valeur exégétique. Voir S. L. Lee, Stephens' Dictionary of national biography, 1885, t. ï, p. 5-20; W. Russell, Life of G. Abbott, Oxford, 1777.

ABDA, hébreu: l Abda', « serviteur, » sous -entendu: de Dieu; abréviation de 'Abde'êl; Septante : 'Au8ûv.

i. ABDA, père d'Adoniram, un des officiers de Salo- mon. III Reg., rv, 6.

2. ABDA, lévite, fils de Samua, descendant du célèbre chantre Idithun. B revint de la captivité avec Zorobabel. II Esdr., xi, 17. D est appelé Obdia dans I Par., IX, 16.

ABDÉEL (hébreu : 'Abde'êl, « serviteur de Dieu; » omis dans les Septante), père de Sélémias, qui reçut de Joachim, roi de Juda, l'ordre d'arrêter Jérémie et Baruch. Jer., xzxvi, 26.

ABDÉMÉLECH (hébreu : 'Ébed-mélek, « serviteur du roi ; » Septante : 'ÀSSetilXsx- Nom propre fréquent en arabe sous la forme Abdulmalik) , eunuque éthiopien à la cour de Sédécias, dernier roi de Juda. Par son inter- vention, Jérémie fut tiré de la citerne ou basse fosse de la prison où l'avaient jeté les principaux de Jérusalem. Sui- vant la promesse que le prophète lui avait faite en retour, il fut préservé de tout mal dans la ruine de la ville. Jer., xxxvm, 7-18; xxxix, 16.

ABDÉNAGO (hébreu : l Abêd-negô; Septante : 'A68evayw), nom babylonien donné à Azarias, l'un des trois compagnons de Daniel élevés avec le prophète à l'école royale de Babylone. Dan., ï, 7 ; n, 49; m, 12, 16, 97. La forme babylonienne de ce nom a été altérée par les copistes dans le texte hébreu ; il faut lire , comme on l'a depuis longtemps remarqué : 'âbêd Nebô , c'est-à-dire « serviteur du dieu Nabo » , une des principales divinités de Babylone. On trouve en assyrien beaucoup de noms propres qui commencent, comme en hébreu, par le mot 'abad, « serviteur, » suivi du mot de « roi » (cf. en hébreu : Abdémélech, Jer., xxxvm , 7, etc.) ou "du nom d'un dien. Le nom d'Abdénabo lui-même se lit dans une inscrip- tion assyro - araméenne , où il désigne un Assyrien. Cf.. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 1883, p. 429. Voir Azarias 13. F. Vigohroux.

ABDI, hébreu : 'Abdï, « mon serviteur, » ou plutôt abréviation de 'abdiyâh, « serviteur de Dieu; » Septante: 'Aëa.î.

1. ABDI, lévite de la famille de Mérari et ancêtre d'Éthan. I Par., vi, 41.

2. ABDI, autre lévite de la même famille. Il fut père de Cis, un des lévites qui concoururent à la purification du temple sous Ézéchias. II Par., xxix, 12.

3. ABDI, un des fils d'Élam. Pour obéir à Esdras, il renvoya, au retour de la captivité, une étrangère qu'il avait épousée à Babylone. I Esdr., x, 26.

ABDIAS, hébreu: 'Obadyâhû, et par contraction 'Obadyâh, « serviteur, c'est-à-dire adorateur de Yah (Jéhovah), » correspondant à l'arabe Abdallah; Sep- tante : tantôt 'AëSéaç, tantôt '068ioû.

1. ABDIAS, le quatrième des petits prophètes. Excepté son nom, on ne sait rien de certain à son sujet. La pro- phétie dont il est l'auteur fait cependant présumer qu'il était d'origine juive, habitant le pays de Juda.

I. Analyse de sa prophétie. — Très brève, puisqu'elle n'a que vingt et un versets, cette prophétie est dirigée contre Édom. Voici les trois parties qui la composent : 1° Ruine d'Édom, qui sera humilié, dépouillé et trahi par ses alliés ; il sera exterminé pour toujours ,1-10. — 2° Cause de cette ruine : c'est la part prise par lui aux maux qui viennent de tomber sur Jérusalem et sur les « enfants de Juda » ; il s'est joint aux étrangers qui ont jeté le sort sur la ville , il a triomphé insolemment avec eux ; il a surpris les fugitifs , les a tués ou vendus , 11-16. — 3° Exaltation d'Israël sur le mont Sion : Israël vaincra ses ennemis, recouvrera ses anciennes possessions et ses captifs loin- tains; il s'étendra de tous côtés, et « il y aura alors des sauveurs qui monteront sur la montagne de Sion pour juger Ésaù; et le royaume sera enfin à Jéhovah», 17-21. Telle est cette prophétie.

II. Date de sa prophétie. — Pour en fixer la date , on a d'une part le texte lui-même, de l'autre sa parenté avec Joël et Amos. Le texte rappelle , 1 1 - 17, un événement passé (voir les prétérits, 11, 15, 16), qui est la prise de Jérusalem par des ennemis auxquels Êdom s'est trouvé mêlé. Quel est au juste cet événement? C'est ce qu'il faut 21

ABDIAS

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savoir. Or il n'y a à cet égard que deux opinions sérieuses possibles : — je laisse de côté celles qui ont trait à l'Égyp- tien Sésac et au roi israélite Joas, qui pillèrent la ville en leur temps, III Reg., xiv, 25-26; IV Reg., xrv, 11-16; cf. II Par., xxv, 21-24, car il est évident que ce n'est pas de ces deux faits qu'il s'agit : — l'une, qui voit dans cet ■événement l'invasion des Philistins et des Arabes sous Joram, II Par., xxi, 16-17; l'autre, qui l'identifie avec l'invasion de Nabuchodonosor. Les partisans de celle-ci se font un argument surtout des rapports qu'ils constatent entre Abd., 1-7, et Jer., xlix,7-22: A l'Idumée. Abdias, disent-ils, a imité Jérémie. Donc il est venu après lui, et c'est bien la guerre chaldéenne qu'il a eue en vue. — Non, ce n'est pas Abdias qui a copié Jérémie ; c'est Jérémie , au contraire, qui s'est inspiré d" Abdias, comme on le prouve par les trois raisons suivantes : 1° Jérémie est un copiste avéré, A. Kueper, Jeremias sacrorum Librorum inler- pres atque vindex, Berlin, 1837, p. x et suiv. ; 2° sa prophétie n'a pas cette unité de conception et de rédaction qui distingue son devancier , et 3° enfin, — observation cri- tique qui a sa valeur, — parmi les termes propres à Jérémie, pas un qui se trouve dans Abdias, tandis que parmi les termes communs à tous deux, pas un qui se trouve ailleurs en Jérémie. Cf. P. Caspari, Der Prophet Obadja, p. 5-13. Mais si Abdias est antérieur à Jérémie, ce n'est donc pas de l'invasion chaldéenne qu'il parle. Du reste, il y a entre celle-ci et le récit assez pâle du petit prophète des diffé- rences essentielles. Abdias ne dit rien de la destruction de la ville, de l'incendie du temple, de l'entière dépopu- lation du pays, qui précédèrent l'exil. Aurait -il gardé ce silence , s'il avait entendu raconter l'expédition de Nabu- chodonosor? Voir J. Knabenbauer, In Prophetas mino- res, t. i, p. 340 et suiv. L'événement qu'il rappelle est donc bien l'invasion qui eut lieu sous Joram, et dont il a été question plus haut. D'un autre côté, le rapport de notre prophétie à des textes de Joël et d'Amos est constant , tout le monde l'accorde. A. Johannes, Commentar zu der Weissagung des Propheten Obadja, p. 6-8. Il est vrai que plusieurs la font dépendre de ceux-ci, mais à tort, croyons-nous. Il est certain, au contraire, que c'est Joël et Amos qui dépendent d' Abdias : Amos, il n'y a pas de doute, si Joël en dépend ; Joël , on ne saurait le nier, car il l'avoue lui-même en citant notre petit Abdias avec ces mots si- gnificatifs : « Gomme l'a dit le Seigneur. » Joël , n , 32 (hébreu, m, 5); cf. Abd., 17. Abdias a donc vécu avant Joël et Amos. D'où il suit enfin que notre prophétie fut écrite entre le règne de Joram, sous lequel l'invasion eut lieu , et l'apparition de Joël et d'Amos ; plus précisément encore, sur la fin de ce règne, vers l'an 865, car l'im- pression produite par les maux endurés parait récente et comme toute vive. On peut confirmer cette date et par le style du prophète, style ancien, exempt de chaldaïsmes, style « lapidaire » du reste, car on dirait de cet oracle qu' « il a été taillé dans un roc de Pétra », et par la place qu'il occupe dans le recueil des douze petits prophètes : s'il ne tient pas la première, ce qui devrait être, si l'on avait suivi strictement l'ordre des temps, du moins est-il rangé parmi ceux qui ont paru avant l'exil, ce qui suffit à renverser l'opinion que nous combattons. — Mentionnons, uniquement pour les rejeter, l'opinion de F. Hitzig , rame- nant notre prophétie à l'an 302, et celle de A. Kuenen, d'après laquelle notre prophète, qui aurait vécu du temps de Jérémie, « aurait reproduit à peu près sans y rien changer un texte plus ancien : » ce sont des hypothèses , sans aucune preuve qui les appuie.

III. Langue et style d' Abdias. — Le texte de la prophétie est très pur; elle n'a que peu de variantes, et encore sont- elles assez insignifiantes. W. Schenz, Einleitung in die kanonischen Bûcher des alten Testamentes, Ratisbonne, 1887, p. 242; J. Knabenbauer, In Prophetas minores, 1. 1, p. 346-355 etpassim. — Quant à son style, il est difficile d'en juger, car elle est très courte. Il est « énergique , pressé, presque dur, dit P. Schegg, Die kleinen Prophe-

ten, Ratisbonne, 1862, t. n, p. 365; il n'a aucune forme, aucun mot rappelant un âge récent ». Quelques interro- gations rompent la monotonie de ce style.

IV. Accomplissement de la prophétie. — Les deux pro- phéties de ce petit livre se sont réalisées avec le temps. La réalisation de la première, 1-10, a commencé sous Nabuchodonosor. Il fit, cinq ans après la ruine de Jéru- salem , une expédition en Egypte , en passant par les pays d'Ammon et de Moab , qu'il soumit. Or il ne put les sou- mettre sans subjuguer par là même les Édomites , qui se trouvaient sur son chemin. Cf. Jer., xxvil, 3, 6. Peut-être est-ce à ce moment que les Nabatéens, race puissante et ennemie, s'établirent dans Pétra et ses environs. Plus tard , Judas Machabée les défit et les chassa des villes pa- lestiniennes du sud qu'ils avaient prises. I Mach., v, 3, 65. Mais c'est Jean Hyrcan qui détruisit leur nationalité ; il les força à se faire circoncire et à observer le reste de la loi mosaïque. Enfin, dans la guerre de Judée , sous Titus , Simon de Gérasa entra en Idumée par trahison et en fit un désert : « elle offrit, après son passage, l'aspect d'une forêt aux feuilles mangées par les sauterelles. » Quant aux autres qui étaient du parti de Simon, ils partagèrent le sort des Juifs vaincus. Les survivants se perdirent dans les tribus arabes. Et ainsi Édom périt à jamais. Abd., 10. Sa perte fut le châtiment divin de la haine qu'il eut con- stamment contre Israël. Quoique descendants des deux frères, ces deux peuples ne s'aimèrent jamais. L'histoire est pleine des preuves de la hairte d'Édom, haine active, haine cruelle, haine constante. Num., xx, 15; xxi, 4; Deut, xxv, 17; Ex.,xvn, 8 et suiv.; Jud.,xi,17; I Reg., xrv, 47; II Reg., vm, 13, 14; III Reg., xi, 14; IV Reg., vm, 20; I Par., xx, 10; II Par., xxi, 8; IV Reg., xm, 20; II Par., xxvin, 16; Joël, m, 19; Am., i, 11; Ezech., xxv, 12; xxxv, 5, 15; Ps. cxxxvi, 7. Dieu se devait d'en tirer ven- geance. Il fit prédire le châtiment et accomplit sa prédic- tion.

L'autre prophétie, 17-21, qui est messianique, s'est réalisée doublement, au sens littéral et au sens spirituel; car elle a ces deux sens, selon les meilleurs interprètes. Au sens littéral, elle s'est accomplie par « les sauveurs » , 21, Zorobabel, Esdras, les Machabées, qui rétablirent, après l'exil et le retour des captifs, le peuple juif dans ses anciennes possessions, jugèrent Ésaû et se l'assujettirent. Mais c'est surtout au sens spirituel que cet oracle s'est pleinement vérifié. Il s'entend des temps messianiques, c'est-à-dire de l'Église catholique. Par les « sauveurs », Jésus et les Apôtres qu'il a envoyés, elle s'est étendue à partir de Sion sur toute la terre; elle a jugé, en se l'incorporant ou en le détruisant , Ésaù , « l'homme terrestre et sangui- naire ; » et lorsque tout sera accompli, alors l'empire sera à Jéhovah : Vehâyetâh layhovdh hammelûkâh, Abd., 21. Voir, pour l'accomplissement de ces deux prophéties, F. Keil, Die zwôlf kleinen Propheten, 1873, p. 269, 270, et T. T. Perowne, Obadyah, p. 20-24, avec leurs réfé- rences à Josèphe ; et pour le rapport de la deuxième aux autres prophéties messianiques, J. Knabenbauer, op. cit., t. i, p. 354-356, et F. Delitzsch, Messianic prophecies, Edimbourg, 1880, p. 56, 57. — L'exégèse juive, exacte et solide tant qu'elle applique cette prophétie à l'Édom his- torique, s'égare ensuite peu à peu en l'interprétant : 1» de Rome et des Romains, qui ont anéanti la nation et ses fausses espérances; 2° des chrétiens, qu'elle regarde comme des oppresseurs : « Une règle d'interprétation des Juifs modernes, dit T. T. Perowne, op. cit., p. 23, c'est que par les Édomites on entend les chrétiens. » Voir un spé- cimen de ce genre d'exégèse dans Dictionary of the Bible de W. Smith, au mot Obadjah.

V. Auteurs principaux ayant spécialement écrit sur Abdias. — M. del Castillo, Commenlarius in Abdiam prophetam, in-4o, Salamanque, 1556; L. de Léon, Corn- mentarius in Abdiam prophetam, in-4», ibid., 1589;

  • J. Leusden , Obadias ebraice et chaldaice una cum Ma-

tara magna et parva et cum trium prœstantmimorum 23

ABDIAS — ABDON

24

rabbinorum commentante explicatus, Utrecht, 1657;

  • J. T. G. Holzapfel, Obadia neu ùberselzt und erlâutert,

in-8o, Rinteln, 1/98; * H. Venema, Prselectiones in Oba- diam, cum notis J. H. Verschnirii et J. A. Lotze, Utrecht, 1810; C. L. Hendewerk, Obadiee prophétie oraculum in Idumœos, in-8o, Kœnigsberg, 1836; * C. P. Caspari, Der Prophet Obadjah, in -8», Leipzig, 1842; * C. A. W. Seydel, Vaticinium Obadja secundum textum hebraicum et chaldaicum, in-8o, Leipzig, 1869; *T. T. Perowne, Obadiah and Jonah, in-12, Londres, 1883; A. Johannes, Commentar zu der Weissagung des Propheten Obadja, in -8», Wurzbourg, 1885; * M. A. Acoluthus, Obadias Ar- menus, in-4o, Leipzig, 1630 ; * F. Plum, Observationes in textum et versiones maxime grsecas Obadiœ et Habacuci, in-8<>, Goettingue, 1796; *H. A. Grimm, Jonse et Obadise Oracula syriace, in-8», Duisbourg, 1798; * C. F. Schnurrer, Dissertatio philologica in Obadiam, in-4o, Tubingue, 1787, et dans les Dissertationes philol.-criticœ , in -8°, Gotha et Amsterdam , 1790, p. 385 et suiv.; G. F. Jager, Veber das Zeitalterdes Obadias, in-i», Tubingue, 1837; *F. Delitzsch, Wann weissagte Obadjah ? dans Rudelbach's und Gue- ricke's Zeitschrift, 1851, p. 91 et suiv.; * H. Weiss, De eetate qua Obadja propheta vaticinatus sit , Bruns- berg, 1873. E. Philippe.

2. ABDIAS, intendant d'Achab, roi d'Israël. L'expres- sion vague 'âier 'al-habbâyif, « qui (est) sur la maison, » par laquelle est désignée sa fonction, III Reg., xvm, 3, signifie une sorte de haute surveillance sur les personnes et les choses du palais. Abdias était comme le premier ministre d'Achab, dont il se séparait heureusement par sa fidélité au service du vrai Dieu. Son éminente situation lui avait plus d'une fois fourni le moyen de protéger les serviteurs de Jéhovah, comme au temps où l'impie Jézabel faisait rechercher les prophètes pour les mettre à mort , et par là ruiner le culte du vrai Dieu. Il en avait recueilli cent, qu'il avait fait cacher, en deux groupes de cinquante, dans les excavations naturelles ou artificielles, si nom- breuses le long des montagnes de la Samarie, et qui avaient servi de refuge à tant d'autres, dans des circonstances analogues, sous Josué, Jos., x, 17; les Juges, Jud., IX, 25, 36, 37 ; Saùl, I Reg., xm, 6, etc. Or l'heure de la vengeance divine venait de sonner; Israël était réduit à une extrême détresse par suite d'une sécheresse persistante , qui em- pêchait la terre de rien produire. Les chevaux et les mulets d'Achab allaient périr, si l'on ne parvenait pas à leur trouver de la nourriture. Abdias, sur l'ordre du roi, se mit à par- courir le pays, tandis que son maitre en faisait autant dans une autre direction ; tous deux cherchaient des her- bages dans le lit desséché des torrents , près des sources, et partout où ils pensaient trouver encore quelque fraî- cheur. C'est pendant ce voyage qu' Abdias rencontra le prophète Élie, qu'il reconnut peut-être à ses vêtements spéciaux, IV Reg., i, 7-8, et qu'il salua aussitôt en se prosternant jusqu'à terre, suivant l'usage des Orientaux. III Reg., xviii , 7. Surpris de cette rencontre , il le fut bien davantage de la mission que lui donna l'homme de Dieu d'aller tout de suite trouver Achab, et de le prévenir de la présence du prophète. Car jusque-là Élie s'était dérobé, et bien qu' Achab l'eût fait chercher partout, il avait été impossible de s'emparer de sa personne, ce qu' Abdias regardait comme un miracle de la puissance de Dieu. Cette pensée éveilla dans l'esprit de l'intendant d'Achab un sentiment de défiance qu'il exposa naïvement au pro- phète. Car, pensait-il, s'il se chargeait de la commission, le roi, sur les indications qu'il lui fournirait, ferait aus- sitôt rechercher Élie, qui, par le secours de l'Esprit de Dieu, se transporterait encore hors de ses atteintes, et alors Achab, furieux d'avoir été trompé, se vengerait sur son ministre, et le ferait mettre à mort. III Reg., xvm, 12. 11 ne fallut rien moins qu'un serment du prophète pour déterminer le timide Abdias à se charger du message. C'est tout ce que nos Saints Livres nous apprennent de

lui, car il est impossible de l'identifier, comme ont voulu le faire plusieurs Juifs dont parle saint Jérôme , In Abd. prophet., 1, t. xxv, col. 1099, avec le prophète du même nom. Plusieurs rabbins, après Josèphe, Antiq.jud., IX, H, ont pensé que la Sunamite chez laquelle logea Élie était sa veuve, et qu'Abdias était lui-même le troisième capi- taine envoyé par Ochozias contre le prophète et épargné par le feu du ciel, IV Reg., i, 14-15; ce n'est là qu'une conjecture sans fondement. P. Renard.

3. ABDIAS, père de Jesmaïas, qui fut chef de la tribu de Zabulon au temps de David. I Par., xxvil , 19.

4. ABDIAS , lévite de la famille de Mérari, sous le règne de Josias. Il fut employé comme surveillant dans la répa- ration du temple de Jérusalem. II Par., xxxiv, 12.

5. ABDIAS, écrivain apocryphe. Ce personnage passe pour avoir été le premier évêque de Babylone, consacré par les apôtres saints Simon et Jude. Nous ne le men- tionnons ici que pour ce fait qu'on lui attribue un gros ouvrage en dix livres, intitulé Historia certaminis apo- stolici ou Historiœ apostolicœ, et comprenant un récit des missions et de la mort de chacun des apôtres Pierre, Paul , André , Jacques fils de Zébédée , Jean , Jacques fils d'Alphée, Simon et Jude, Matthieu, Barthélémy, Thomas, Philippe. Cette compilation, mise sous le nom d' Abdias, et soi-disant traduite de l'hébreu en grec par Eutrope, disciple d'Abdias, et du grec en latin par Jules l'Africain, ami d'Origène , au m e siècle, est en réalité une œuvre la- tine , où l'on trouve citées , avec la Vulgate hiéronymienne , l'Histoire ecclésiastique de Rufin et la traduction latine des Recognitiones du même Rufin. On la considère comme de la seconde moitié du vi« siècle, et peut-être originaire des Gaules. L'intérêt de cette collection tient à ce que l'auteur a puisé dans les Acta anciens des Apôtres (voir Actes apocryphes des apôtres ) , dont il nous donne une édition catholique expurgée, et que c'est grâce à lui seul que mainte légende apostolique nous a été conservée. On trouvera le texte du pseudo-Abdias dans Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1700, p. 402-742. Sur l'auteur prétendu et sur la collection, on consultera Lipsius, Die apokryphen Apostelgeschickten , Brunswick, 1883, t. i, p. 117-178. P. Batiffol.

ABDIEL (hébreu: 'Abdi'êl, « serviteur de Dieu; » Septante : 'AgSt^X) , fils de Guni, de la tribu de Gad. I Par., v, 15. Chacun de ses fils était chef de maison à l'époque du dénombrement fait sous le règne de Joatham, roi de Juda, et de Jéroboam , roi d'Israël. Ils s'établirent dans les pays de Galaad et de Basan.

ABDON, hébreu: 'Abdôn, « servile; » Septante: 'A68civ.

1. ABDON, juge d'Israël. Jud., xii, 13-15. C'était un Éphraïmite, fils d'Illel et originaire de Pharathon. Il est probable que, de même qu'Abesan et Ahialon , ses prédé- cesseurs immédiats, il ne fut juge que des tribus du nord d'Israël, vers l'époque où les Hébreux du sud -ouest secouaient le joug de la domination philistine. Aucun fait saillant ne parait avoir signalé cette judicature de huit années. La Bible nous apprend seulement qu' « Abdon eut quarante fils, et de ceux-ci trente petits -fils, montant sur soixante-dix poulains d'ânesses ». Ces paroles font sans doute allusion à quelque cérémonie publique où les soixante- dix fils et petits -fils d' Abdon parurent ensemble aux yeux de la foule, montés sur des ânes, selon la cou- tume orientale. Voir Ane. Le nombre des fils attribués à Abdon n'est pas étonnant, étant donnée la polygamie tolérée chez les Hébreux. Abdon fut enseveli à Pharathon, dans la terre d'Éphraïm. Son tombeau était là, creusé dans la montagne qu'on appelait montagne d'Amalec ou. 25

ABDON

ABEILLE

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des Amalécites. Jud., xii, 15. Voir Pharathon. Ewald a supposé, mais sans preuves, que le nom de Badan, juge d'Israël, qu'on lit I Reg., XII, 11, est une altération du nom d'Abdon. E. Duplessy.

2. ABDON, fils de Sésac, de la tribu de Benjamin. JPar., vin, 23-25.

3. ABDON t fils aîné de Jéhiel ou Abigabaon , Benja- mite. I Par., vin, 29-30; ix, 35.

4. ABDON. Voir ÀCBOBOR 2.

5. ABDON (Septante : 'Agjwv, Aaê6<iv), ville de la tribu d'Aser, concédée aux Lévites de la famille de Gerson. Jos., xxi, 30; I Par., VI, 74. Certains critiques, étonnés de ne pas la trouver dans l'énumération des autres villes de la même tribu, Jos., xix, 24-31, croient à une faute de copiste, et prétendent qu'il faut, au f. 28, lire 'Abdôn au lieu d"Ébrôn oujlfcron.Reland admet cette correction, Palsestina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. it, p. 518; mais M. de Saulcy avoue que, pour sa part, il n'est pas disposé à reconnaître trop facilement des erreurs de ce genre dans les textes bibliques. Diction- naire des antiquités bibliques, Migne, 1859, p. 31. S'il est facile, en effet, de confondre, en hébreu, le daleth, -t, et le resch, -i, rien ne prouve cependant d'une manière certaine qu'Abran ne soit pas une ville distincte. La leçon 'Ébrôn a pour elle plus de vingt manuscrits, le texte mas- sorétique et les plus anciennes versions ( voir Abran ) ; puis d'ailleurs l'omission d'Abdon dans la liste de Josué n'est pas plus surprenante que celle de villes plus impor- tantes peut-être, telles qu'Accho (Saint- Jean-d'Acre), Achzib (Ez-Zib), etc.

Dans VOnomasticon d'Eusèbe, ce nom est écrit APAOM; mais il est facile de voir que le B primitif, ayant perdu le trait inférieur, est devenu un P. Saint Jérôme , du reste , a corrigé cette erreur dans sa traduction. Les deux auteurs ne font que mentionner la ville , sans en préciser la posi- tion. S. Jérôme, Lib. de situ et nominibus loc. heb., t. xxui, col. 873.

Plus heureux qu'au temps où Reland , loc. cit., sîélevait avec une noble indignation contre les géographes qui, sans raison aucune, plaçaient cette localité non loin de Tyr, à l'orient de Sarepta, nous pouvons aujourd'hui l'identifier d'une manière certaine. Ce que M. de Saulcy, ouv. cité, p. 15, appuyé sur sa propre expérience, attendait de la connaissance exacte des textes sacrés et de la langue ac- tuelle du pays, c'est-à-dire de l'arabe, pour retrouver les noms bibliques, les récents explorateurs de la Palestine l'ont réalisé. Ils ont trouvé entre le village actuel de 'Abdéh et 1 ancien 'Abdôn une correspondance parfaite, quant au nom d'abord (racine 'âbad, « servir ») , la finale on étant simplement remplacée par la terminaison arabe éh; en- suite quant à la position , l'Écriture mentionnant cette ville entre Messal et Rohob. (Voir la carte de la tribu d'Aser.) Khirbet 'Abdéh est situé, à quelque distance au nord- est d'Ez - Zib , sur une colline dont les pentes, d'abord ro- cheuses et hérissées de broussailles, offrent ensuite une série de terrasses circulaires, actuellement cultivées en blé. La régularité de ces terrasses en retraite les unes sur les autres, les ruines, bien que peu étendues, qui se voient encore sur le plateau supérieur, indiquent assez que la colline a dû être jadis disposée par la main de l'homme pour servir d'assiette à une petite ville. Entourée du reste de plusieurs côtés par des ravins plus ou moins profonds, et surtout, vers le sud, par l'ouadi Qourein, dont les eaux limpides et abondantes avaient dû, dès les temps les plus reculés, attirer différents groupes d'habitants, la belle et avantageuse éminence dont nous parlons n'a pu être né- gligée par les anciens ; car, d'une défense facile, elle pou- vait de plus être aisément approvisionnée d'eau. Le som- met, élevé de 150 mètres au-dessus de la mer, et d'où l'on

jouit d'une vue très étendue sur toute la plaine de Saint- Jean -d'Acre, renferme les restes d'une enceinte longue de cinquante pas sur' quarante -six de large. Bâtie avec des blocs antiques trouvés sans doute sur place, elle ne parait pas remonter elle-même au delà du moyen âge, et semble avoir été rapidement construite, à une époque de guerre , dans un but de défense. Ces débris de l'anti- quité, mêlés aux constructions plus modernes, ne sont peut-être pas les seuls que l'on trouverait en ce lieu, si l'on y pratiquait des fouilles. Cf. V. Guérin , Description de la Palestine, Galilée, t. n, p. 36 et 37.

A. Legendre. ABED (hébreu: 'Ébed, <s serviteur, » sous-entendu: de Dieu; Septante: 'Q6ri8), fils de Jonathan, de la famille d'Adan, revint de Babylone avec Esdras, à la tête de cin- quante hommes. I Esdr., vin, 6.

ABEILLE, en hébreu, debôrâh, insecte de l'ordre des hyménoptères. Les abeilles vivent en société et com- prennent trois sortes d'individus : les ouvrières ou neutres,

3. — Abeilles de Palestine

les reines ou femelles, et les faux bourdons ou mâles. Les faux bourdons sont plus petits que les reines et plus gros que les ouvrières. Ces dernières ont, comme les reines, un aiguillon caché dans l'extrémité de l'abdomen, et qui leur sert comme d'une arme contre leurs ennemis : en piquant, il verse dans la plaie, où il reste ordinaire- ment, un liquide vénéneux, et produit ainsi une inflam- mation et une douleur cuisante. Voir Fr. Huber, Nouvelles observations sur les abeilles, 2 in-8°, 1792.

Les mouches à miel sont une des familles d'insectes les plus généralement répandues : on les trouve dans toutes les parties du globe. Elles sont particulièrement abon- dantes en Palestine, et elles l'étaient probablement encore plus autrefois qu'aujourd'hui, lorsque ce pays était mieux cultivé. Elles y ont toujours vécu, sinon à l'état domes- tique, du moins à l'état sauvage, transformant en ruches le creux des arbres, les trous des rochers, etc. Cf. Deut., xxxii, 13; I Reg., xiv, 25; Ps. lxxx, 17; Is., vu, 19. Cette abondance des abeilles en Chanaan s'explique facilement par la chaleur du climat, par la profusion et par la va- riété des fleurs sauvages, dont la plupart sont fortement aromatiques , et par conséquent très propres à la produc- tion du miel. C'est donc avec pleine raison que la Terre Promise est si souvent appelée dans les Livres Saints « la terre où coulent le lait et le miel ». Exod., m, 8, etc.

Les diverses espèces d'abeilles connues sous les noms scientifiques de Bombus, Nomia, A ndrena, Osmia (abeille 27

ABEILLE — ABEL

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maçonne), Megachile, Anthophora, sont largement représentées en Palestine. La mouche à miel de Syrie n’est pas la même variété que celle de nos contrées , mais ressemble à celle d’Italie ou de Ligurie, Apis ligustica, qui a des couleurs plus brillantes et porte sur l’abdomen des bandes jaunes transversales , d’où le nom qu’on lui donne aussi d’Apis fasciata.

On a élevé artificiellement les abeilles dès l’antiquité, à cause de la valeur de leur miel. Il est certain que du temps de Notre -Seigneur les Juifs s’occupaient de leur éducation. Philon le dit expressément des Esséniens, Fragm., édit. Mangey, t. i, p. 633 ; Eusèbe, Prsep. Ev., vm, 11, t. xxi, col. 641, et la Mischna y fait plusieurs fois allusion, Kelitn, 16, 7 ; Sabbath, 24, 3 ; Baba Katna, 10, 2 ; Oketsin, 3, 10. On ne sait pas avec la même certitude si les anciens Hébreux cultivaient ces précieux insectes. Plusieurs le pensent, parce qu’ils voient une allusion à la manière de récolter les essaims pour les enfermer dans les ruches dans le passage d’Isaïe, vu, 18 ; cf. v, 26, et Zach., x, 8, où Dieu appelle en sifflant l’abeille d’Assyrie. Les ruches usitées aujourd’hui en Syrie et en Egypte sont de forme cylindrique et faites avec de la terre mélangée de paille.

L’Écriture mentionne l’abeille au sens propre et au sens figuré. Au sens propre, c’est-à-dire comme produisant le miel, dans un épisode de l’histoire de Samson. Jud., xiv, 8. On a objecté contre ce récit que les abeilles évitent les corps morts. Il est vrai que ces insectes fuient les cadavres en putréfaction ; mais ils ne fuient pas un squelette complètement desséché. Hérodote, v, 114, rapporte un cas analogue arrivé à Amathonte, en Chypre. Or l’événement rapporté dans l’histoire de Samson n’eut lieu qu’un certain nombre de jours après la mort du lion, peut-être un temps assez considérable. Dans l’intervalle, le cadavre avait pu être tout à fait desséché, et les abeilles avaient eu le temps d’y faire leur miel. Le cas était extraordinaire, mais il n’est nullement impossible. Les animaux morts sont dévorés en Orient avec une rapidité effrayante. J’ai vu souvent à Alexandrette , en Syrie, les cadavres des chameaux perdus par les nombreuses caravanes qui . y arrivent, réduits en quelques heures à l’état de squelette. Le soleil brûlant ne laisse plus bientôt sur les ossements aucune trace de putréfaction, et la mauvaise odeur ne peut par conséquent en éloigner les abeilles. — Ces insectes sont aussi cités au sens propre dans l’Ecclésiastique, à cause de l’excellence de leur miel : « L’abeille est un des plus petits volatiles, et son fruit est des plus doux. » Eccli., xi, 3. Une addition intéressante des Septante dans le livre des Proverbes, vi, 8, place ce petit tableau de l’abeille après celui de la fourmi : « Ou bien encore va voir l’abeille, et apprends comme elle est industrieuse, et comme son industrie est digne de notre respect, car les rois et les infirmes usent pour leur santé du fruit de son labeur. Or elle est glorieuse et désirée de tous , et si chétive qu’elle soit, on l’honore, parce qu’elle apprécie la sagesse. » Voir Miel.

L’abeille est mentionnée plusieurs fois dans l’Écriture comme terme de comparaison. Une armée nombreuse, qui presse ses ennemis, les enveloppe et leur fait de cruelles blessures, est comparée aux abeilles qui poursuivent et attaquent de toutes parts avec fureur ceux qui les ont troublées. Deut., i, 44 ; Ps. cxvii, 12 ; Is., vu, 18 ; cf. Iliade, h, 87 et suiv. ; Hérodote, v, 10. La comparaison est d’autant plus exacte que les abeilles d’Orient , surtout les abeilles sauvages, sont plus méchantes que celles" de nos contrées, Th. Cowan, Guide de l’apiculteur, trad. Bertrand, in-12, Nyon, 1886, p. 136, et leur piqûre, à cause de l’inflammation prompte et violente qu’elle produit, est plus douloureuse. L’homme est impuissant à résister i la fureur de ces insectes, et l’on sait que des chevaux mêmes et des bœufs <Jht été tués en quelques minutes par les aiguillons d’essaims d’abeilles en furie.

Le nom hébreu de l’abeille était employé par les Israélites comme nom de femme. Voir Débora.

F. Vigourotjx.

1. ABEL (hébreu : Hébel ; Septante : "AêeX), second fils d’Adam et d’Eve. Les rabbins et, à leur suite, les Pères et les commentateurs ont donné à ce nom le sens de « souffle, vanité », cf. Eccle., i, 2, ou de « deuil ». Adam et Eve auraient ainsi appelé leur fils par une sorte de vue prophétique ou par un simple pressentiment de sa mort prématurée. Payne Smith et d’autres modernes rejettent cette explication gratuite, et lui en substituent une autre, qui n’a aucun fondement dans le texte biblique : d’après eux, le second fils d’Adam aurait porté de son vivant un autre nom, dont nous ne trouvons de trace nulle part, et on lui aurait donné ce nouveau nom ou ce surnom d’Abel seulement après qu’il aurait disparu comme un souffle ou une vapeur. Ces explications et d’autres encore , tirées de la même étymologie, manquent de vraisemblance et de solidité, et ont en outre le défaut de faire d’Abel un nom abstrait, et par conséquent une exception unique, un cas isolé au milieu des noms de la famille d’Adam, qui sont tous des appellatifs concrets.

Le déchiffrement des inscriptions assyriennes nous a révélé le vrai sens de ce nom, en nous en fournissant une interprétation philologique aussi simple que satisfaisante. Nous trouvons dans ces inscriptions le mot « Habel » sous la forme hablu, habal, et avec la signification de « fils ». C’est avec le même sens que ce mot entre dans la composition de noms propres célèbres : Assur- ban -habal (Sardanapale), Tuklat-habal-asar (Téglathphalasar), etc. On ne peut pas dire que c’est là une ressemblance fortuite, telle qu’on en constate parfois entre deux langues étrangères l’une à l’autre. L’assyrien et l’hébreu sont deux langues sœurs ; chacune d’elles a même avec l’autre plus d’affinité qu’avec les autres membres de la famille sémitique. En effet, l’assyrien n’est, sauf de légères différences, que l’ancien chaldéen apporté dans la vallée du Tigre par les émigrants ou les conquérants venus de la vallée de ( l’Euphrate ; or c’est dans la Chaldée qu’Abraham et ses ancêtres ont parlé l’hébreu dans sa forme ancienne.

Il fallait donc s’attendre à rencontrer dans ces deux idiomes.de nombreux éléments communs, et à voir tel mot perdu par l’un des deux dialectes et conservé par l’autre. C’est ce qui est arrivé. On trouvera dans M. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 5° édit., 1. 1, p. 403 et suiv., une longue liste de ces noms communs aux deux langues ; habal, « fils, » y représente l’hébreu habel, supplanté dans l’usage de cette dernière langue par son synonyme ben. Il est même à remarquer que la parenté , qu’on ne conteste pas entre certains de ces mots assez différents par leur orthographe, est encore plus visible et plus incontestable pour habal et habel, hébel, entre lesquels il y a identité plutôt que ressemblance. On ne saurait donc récuser cette étymologie.

Nous ignorons à quelle époque naquit Abel. Voici tout ce que la Genèse nous apprend de lui. Il fut le frère cadet de Caïn, et il devint pasteur de brebis, tandis que Caïn son frère cultiva la terre. Gen., iv, 2. Or, après bien des jours (hébreu : « à la fin des jours ; » peut-être après la récolte), Caïn offrit au Seigneur des fruits de ses champs ; Abel, de son côté, « lui offrit des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. Et le Seigneur regarda favorablement Abel et ses présents. » Gen., iv, 3-4. Saint Paul nous dit que c’est sa foi qui rendit Abel si généreux dans son offrande, et qu’à cause de cette foi Dieu témoigna qu’il agréait ses présents. Hebr., xi, 4.

De quelle manière Dieu manifesta-t-il sa complaisance pour Abel et l’acceptation de ses dons ? D’après la version de Théodotion, ce fut en les embrasant d’un feu céleste : ëveicûptttv. La plupart des Pères sont de ce sentiment ; d’autres disent que c’est par les bénédictions répandues sur les biens d’Abel que Dieu rendit ce témoignage dont parle saint Paul. Quel qu’ait été le signe de cette accep29

ABEL — ABELARD

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talion , le Seigneur ne l'accorda pas à Caïn : * il ne re- garda pas, c'est-à-dire il n'agréa pas Caïu et ses présents. Caïn en fut vivement irrité. » Gen., iv, 5. La jalousie qu'il éprouva à l'égard d'Abel le lui fit haïr, et il laissa cette haine grandir dans son cœur, au mépris d'une paternelle remontrance de Dieu. Gen., iv, 5-7. Un jour, ayant attiré son frère dans la campagne, il se jeta sur lui et le tua. Cest ainsi que la mort, entrée dans le monde par le péché d'Adam, Rom., v, 12, y flt sa première apparition dans la personne de l'un de ses fils, Abel, victime du péché de l'autre. Le Seigneur demanda aussitôt au meur- trier compte de ce sang innocent, et il le punit de son crime en le maudissant et en le condamnant à une vie triste et errante, afin de faire comprendre aux hommes qu'ils n'ont aucun droit sur la vie de leurs semblables.

L'Écriture ne nous parle pas de la postérité d'Abel ; ce silence ne prouverait pas toutefois qu'il n'ait pas été marié et qu'il soit demeuré vierge , ce qui est affirmé par cer- tains Pères et nié par d'autres ; ou que , ayant été marié, il n'ait pas eu d'enfants. Il aurait pu laisser des filles sans qu'il en ait été fait mention, les femmes restant en dehors des généalogies bibliques, ou même des fils morts soit avant lui, soit au moins avant la naissance de Seth. Mais il n'avait pas laissé d'enfant mâle qui vécût encore lorsque Seth vint au monde, car Eve n'aurait pas dit en ce moment: « Le Seigneur m'a donné une autre postérité à la place d'Abel, que Caïn a tué, » Gen., iv, 25, et le verset sui- vant ne nous montrerait pas le troisième fils d'Adam comme le père d'Énos et le premier anneau de la chaîne des patriarches. Gen., IV, 26; cf. v, 3-9.

Il n'est plus question d'Abel dans tout l'Ancien Testa- ment; mais il lui est fait une place assez large dans le Nouveau, auquel il semble appartenir plus particulière- ment par le caractère figuratif et typique de sa vie et de sa mort. Les Pères l'ont toujours regardé comme une figure de Jésus -Christ, S. Augustin, Opus imperf. cont. Julianum, vi, 27, t. xlv, col. 1575; et, en effet, sa vie innocente, sa qualité de pasteur, l'envie fraternelle que sa vertu excite, cf. Matth., xxvn, 18, son sacrifice agréé de Dieu, sa mort soufferte pour la justice, cf. Joa., x, 32, sont autant de traits de ressemblance avec le Sauveur du monde. C'est sans doute parce que ces traits si frappants constituent une sorte de prophétie en action, et peut-être aussi parce que la foi d'Abel , louée par saint Paul , Hebr., xi , 4 , lui avait révélé en quelque manière la signification mystérieuse de son sacrifice, que Jésus -Christ le met au rang des prophètes, comme on le conclut de Matth., xxm, 31-35, et de Luc, xi, 49-51. Voir Maldonat, In Matth., xxm, 35. Saint Paul confirme la signification figurative de la mort d'Abel par le contraste qu'il signale entre les effets de cette mort et les effets de celle de Jésus -Christ : Le sang d'Abel crie vers Dieu pour demander vengeance, Gen., iv, 10; le sang de Jésus crie pour implorer la clémence et le pardon. Hebr., xn, 24.

Figure de Jésus - Christ, Abel est encore le type de l'Église militante, parce qu'il inaugura le martyre par une mort qui fit de lui les prémices de cette Église, et parce qu'en Abel persécuté commença la cité de Dieu, de même qu'avec Caïn persécuteur commença la cité du mal. Voir S. Augustin, Enarr. in Psal. cxlii, 3, t. xxxvii, col. 1846. C'est ce qui ressort du reproche que Jésus -Christ fit un jour aux Juifs d'avoir versé le sang d'Abel par les mains de Caïn, animé du même esprit d'envie qui les excitait eux-mêmes contre le Messie : « Remplissez, leur dit-il, la mesure de vos pères..., afin que vienne sur vous tout le sang innocent qui a été répandu sur la terre , à com- mencer par le sang du juste Abel, » Matth., xxin, 32-35; c'est-à-dire : consommez par l'effusion de mon sang l'œuvre d'iniquité commencée par l'effusion de celui d'Abel. Il leur montrait ainsi Abel comme le type des martyrs et la première victime de la lutte incessante entre le bien et le mal. Saint Jean est encore plus explicite : a Voici, dit -il, le signe manifeste des enfants de Dieu et des enfants du

diable. » Joa., ni, 10. Or ce signe est, d'une part, l'amour de ses frères; de l'autre, la haine dont Caïn a donné l'exemple, car « il était du malin, et il tua son frère. Et pourquoi l'a-t-il tué? Parce que ses œuvres étaient mau- vaises, et que celles de son frère étaient bonnes», 11-12. Par conséquent, c'est à cause de sa foi et du bien qu'elle lui faisait accomplir, Hebr., xi, 4, qu'Abel fut mis à mort par Caïn. C'est donc à bon droit que les Pères lui ont donné le titre de martyr. Outre saint Augustin , cité plus haut, voir saint Cyprien, Epist. lvi ad Thibaritanos , 5; De bono patientùe, 10, t. iv, col. 353, 629, et saint Chry- sostome, Orat. vm cont. Judœos, 8, t. xlviii, col. 939. Abel , dont le nom n'avait jamais été prononcé dans la suite de l'histoire de l'Ancien Testament, ne cesse plus d'être présent à la pensée de l'Église , depuis que Jésus- Christ et les Apôtres ont rappelé le souvenir et révélé le sens de son sacrifice et de sa mort. Les premiers artistes chrétiens représentèrent ce sacrifice sur les sarcophages; l'Évangile et les Épltres mettent constamment le nom d'Abel sous les yeux des fidèles ; les prêtres le lisent tous les jours au canon de la messe , où le sacrifice d'Abel est mentionné avec ceux d'Abraham et de Melchisédech ; enfin, dans les prières des agonisants, le premier protecteur invoqué en faveur de l'âme qui va quitter le monde est celui de « saint Abel ». E. Palis.

2. ABEL, nom de lieu, est différent, dans le texte ori- ginal, d'Abel , nom propre. Ce dernier est écrit ban, Hébel, et le premier, au contraire, bas, 'Abêl, mot qui vient d'une racine signifiant « être humide, verdoyant » , et désigne une « prairie, un endroit couvert de gazon ». Abel désigne donc des localités remarquables par leur verdure et leur fertilité, et il entre dans la composition de plusieurs noms de villes , qui sont distinguées les unes des autres par l'addition d'un ou de plusieurs mots. — La Vulgate appelle Abel, Jud., xi, 33, la localité nommée dans le texte ori- ginal 'Abêl-Keramîm; saint Jérôme a rendu le mot kera- mxm par « qui est planté de vignes ». Voir Abel-KeramIm.

ABÉLA. La Vulgate nomme ainsi, II Reg., xx, 14, 15, 18, la ville d'Abel -Beth-Maacha, en faisant, dans les deux premiers passages , deux localités différentes de cette seule ville. La forme Abéla provient de ce que, II Reg. (Il Sam.), xx, 14, le nom d'Abel est accompagné, dans le texte original, du hé locatif, âh, qui, en hébreu, marque le mouvement vers un lieu, de sorte qu'il est écrit, en cet endroit, 'Abêlâh. Voir Abel-Beth-Maacha.

ABÉLARD (Abaelardus) Pierre, philosophe et théo- logien français, né à Pallet (Palatium), en Bretagne, en 1079, mort au monastère de Saint-Marcel , près de Chalon- sur-Saône, en 1142, aussi célèbre par ses aventures et ses malheurs que par ses talents et par ses écrits. Ses œuvres exégétiques sont une Expositio in Hexameron, qui va jusqu'à Genèse, n, 17, composée pour Héloïse et les religieuses du Paraclet; Commentariorum super S. Pauli Epistolam ad Romanos libri quinque; ils expliquent en partie le texte apostolique, mais ils s'occupent encore da- vantage de la loi, du péché, de la prédestination et de la rédemption , et le prologue peut être considéré comme une sorte de programme d'une théologie biblique ; Expositio super Psalterium, Expositio super Epistolas Pauli, com- positions très médiocres. L'importance du rôle d'Abélard au point de vue exégétique ne se mesure point d'ailleurs à celle de ses commentaires , qui sont de peu de valeur,, mais à la direction nouvelle qu'il donna à la théologie et à l'interprétation des Écritures. Il est un des pères du ra- tionalisme moderne; il voulut placer la raison au-dessus de la foi, et il prépara ainsi efficacement, dans ses écrits théologiques, Dialogus inter philosophum Judaeum et . Chi-istianum, Theologia christiana, etc., l'avènement de ce système, qui rejette aujourd'hui l'inspiration et le sur- naturel, et exclut des livres Saints tout élément divin. 31

ABÉLÀRD — ABELMAÏM

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Voir ses œuvres, dans la Patrologie latine de Migne, t. clxxviii. Parmi les innombrables publications dont Abélard a été l'objet, on peut signaler en particulier : L. Feuerbach, Abaelard und Heloise oder der Schrifsteller und derMensch, in-8o, Leipzig, 1844; Ed. Bonnier, Abélard et saint Bernard, la philosophie et l'Église au xn e siècle, in-18, Paris, 1862; H. Hayd, Abàlard und seine Lehre in Verhaltniss zur Kirche und ihrem Dogma , in-4o, Ratisbonne, 1863; Prantl, Geschichte der Logik im Abend- lande, 2 in-8o, Leipzig, 1861, t. u, p. 160-204; Stockl, Geschichte der Philosophie des Mittelalters , Mayence, 1864, t. i, p. 218-272; Hefele, Conciliengeschichle, Fri- bourg-en-Brisgau, 1863, t. v, p. 321-326, 399-435; H. Reuter, Geschichte der religiôsen Aufkl&rung im Mittelalter, 2 in-8», Berlin, 1875, t. i, p. 183-259; F. Vi- gouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4« édit., Paris, 1890, t. i, p. 337-354.

ABEL - BETH - MAACHA ( hébreu : 'Abêl bêf Ma'akâh, « prairie de la maison ou de la famille de Maa- cha » ) , ville de la tribu de Nephlhali, appelée aussi Abel- tnàim, ou « prairie des eaux », dans le second livre des Paralipomènes, xvi, 4. Par abréviation, elle est nommée simplement Abel, II Reg., xx, 18 ( Vulgate : Abéla), parce qu'elle avait été désignée sous son nom complet trois ver- sets plus haut. Dans ce dernier passage, II Reg., xx, 15, notre édition latine porte, comme au )!'. 14 : « In Abela et in Bethmaacha ; » mais il est probable qu'il s'agit d'une seule et unique ville, et que la conjonction et (qui se lit aussi dans le texte hébreu, ^. 14, mais non y. 15) doit être retranchée. Cette ville tirait des eaux qui l'arrosaient son nom d'Abelmaïm, et elle devait celui d'Abel-Beth-Maacha soit à la circonstance qu'elle faisait partie du petit royaume de Maacha ou était située dans son voisinage, soit à ce qu'elle avait appartenu à une famille appelée Maacha, soit peut-être enfin à ce qu'elle était située dans la plaine à l'est du Jourdain, au pied du Liban, ma'akâh signi- fiant « dépression ». — Au troisième livre des Rois, xv, 20. saint Jérôme, traduisant le mot beth, qui signifie « mai- son », appelle Abel-Beth-Maacha « Abeldomum Maacha » ou « Abel-Maison-de-Maacha». Il fait de même IV Reg., xv, 29 ; mais, dans ce dernier passage, nos éditions de la Vulgate , plaçant une virgule entre « Abel-Domum » et « Maacha », en font deux villes distinctes au lieu d'une seule ville.

Abel-Beth-Maacha était une cité considérable, puisque l'auteur sacré l'appelle « une mère en Israël ». Il Reg., xx, 19. Sa situation à la» frontière septentrionale de la Palestine avait dû augmenter l'importance de cette place forte, des- tinée à servir de défense à tout le pays contre les attaques qui pouvaient venir du nord. Mais elle a été si complète- ment ruinée, qu'on ne peut affirmer aujourd'hui avec une entière certitude où était son emplacement. Stanley, Sinai and Palestine, in-8o, Londres, 1856, p. 386, suppose qu'il était dans la plaine marécageuse du lac Mérom, à cause du nom d'Abel-Maïm, qui lui est aussi donné. Ce- pendant la plupart des géographes s'accordent maintenant à adopter l'opinion de Robinson , qui a retrouvé l'antique Abel-Beth-Maacha dans le village actuel d'Abil el-Kamh. Ce village , habité par des chrétiens , s'élève sur un Tell , à l'est du Derdarâh, petit affluent du Jourdain, qui coule de Merdj-Ayoùn. Son surnom d'el-Kamh lui vient de l'excellence du blé que produit le voisinage. E. Robinson, Later biblical researches in Palestine, in -8°, Londres, 1856, p. 372. Il est à une heure et demie environ au nord- ouest de Dan, aujourd'hui Tell el-Kadi, sur la route qui se dirige de Banias vers Sidon.

Abel-Beth-Maacha est mentionnée pour la première fois dans l'Écriture à l'occasion de la révolte de Séba , ce Benjamite qui, après la mort d'Absalom, fomenta une nouvelle insurrection contre David. Poursuivi par les troupes de Joab, Séba se réfugia à Abel-Beth-Maacha, et Joab alla l'y assiéger. Les habitants de la ville, sur le conseil d'une femme, coupèrent la tête au chef des ré-

voltés et firent ainsi lever le siège de la place. II Reg., xx, '.4-22. — Quatre-vingts ans plus tard , le roi de Damas, Benadad, contemporain d'Asa, roi de Juda, et de Baasa, roi d'Israël , faisant la guerre à ce dernier, d'accord avec le roi de Juda, s'empara de plusieurs villes du nord de la Palestine, en particulier d'Abel-Beth-Maacha (Abeldo- mum Maacha), III Reg., xv, 20; II Par., xvi, 4 (Abel- maïm). — Deux siècles environ s'écoulèrent depuis cette époque jusqu'au dernier désastre de la ville. Sous le règne de Phacée, roi d'Israël, Téglathphalasar , roi d'Assyrie, s'empara d'Abel-Beth-Maacha, et il en déporta les habi- tants dans son royaume. IV Reg., xv, 29 (Abel-Domum, Maacha). Les fragments des Annales de Téglathphalasar, qui ont été retrouvés dans les ruines de son palais , men- tionnent la prise de la place forte israélite et la déporta- lion des sujets de Phacée en Assyrie : « Je soumis, dit-il, les villes de Galaad,... d' Abel -(Beth -Maacha), qui est la frontière de la terre de Bit-Humri (le royaume d'Israël)... Je transportai ses habitants les plus distingués en Assyrie. » Cuneiform inscriptions of Western Asia, t. m, pi. XX, n° 2. Ces événements se passaient en 734 ou 733. A partir de cette époque, il n'est plus question d'Abel-Beth-Maacha.

F. Vigouroux. ABÊL - KERAMÎM ( c'est-à-dire « le pré des vignes ; » Septante : 'Eêri^wV; Vulgate : Abel, quse est vineis consita, Jud., xi, 33), localité à l'est du Jourdain, au delà d'Aroer , située , d'après Eusèbe et saint Jérôme , à sept milles romains ou deux heures et demie de marche de Philadelphie ou Rabbath-Ammon. Du temps d'Eusèbe, elle était encore renommée pour ses vignobles. Elle n'est mentionnée qu'une fois dans l'Écriture, comme le point extrême où Jephté, juge d'Israël, poursuivit les Ammor nites, après les avoir battus. M. Tristram croit avoir dé- couvert le site d'Abel-Kerâmlm, et il le décrit de la ma- nière suivante : « Vingt minutes après avoir quitté Dhi- I tan , notre route nous conduisit dans une vallée si peu profonde, qu'elle mérite à peine ce nom. On y voit encore des vestiges de murs et de terrasses, devenus aujourd'hui île simples monceaux de terre, couverts de gazon et dis- posés régulièrement le long de la colline, à une distance d'environ cent mètres. Quand nous demandâmes ce que c'était , on ne put nous donner aucune explication ; on nous dit seulement que la vallée s'appelait Khurm-Dhiban, c'est-à-dire les vignes de Dibon. Cet enfoncement de ter- rain est d'une longueur de quatre à cinq kilomètres. Le nom en a été conservé par des hommes qui n'ont proba- blement jamais vu de vignes de leur vie, et qui n'ont au- cune idée de la destination primitive de ces antiques fossés, comme on pourrait les appeler. [C'est l'Abel-Keràmlm] du livre des Juges... Ici, sur cette route que devait prendre naturellement l'armée des Ammonites battue par Jephté et venant de l'est, après le combat livré à Aroer, le nom antique subsiste, exprimé en une autre langue, mais avec une signification identique. » H. B. Tristram, The land of Moab, p. 130. F. Vigouroux.

ABÊL - LE - GRAND (hébreu: 'Abêl haggedôlâh). C'est la leçon que portent certains exemplaires hébreux de I Sam. (Reg.), vi, 18; mais d'autres portent avec plus de raison 'ében, « la pierre , » au lieu de 'dbêl. Saint Jé- rôme a traduit par Abetmagnum ou Abel-le-Grand, ayant trouvé dans l'exemplaire qu'il traduisait 'âbêl au lieu de 'ében. Le contexte montre bien qu'il s'agit de la pierre ou du rocher « sur lequel fut posée l'arche s renvoyée par les Philistins à Bethsamès, rocher qui se trouvait près de cette dernière ville, « dans le champ de Josué le Bethsa- mite. » I Reg., VI , 18. Quelques commentateurs ont pensé que ce rocher avait été appelé Abel-le-Grand, mais cette opinion est peu vraisemblable, et il vaut mieux lire avec de nombreux exemplaires hébreux et les Septante : < la grande pierre» (XîOou toû fieyâXov).

ABELMAÏM, nom donné par le second livre des 33

ABELMAÏM — ABENESRA.

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Paralipomènes , xvi, 4, à la ville frontière du nord de la Palestine, appelée ailleurs Abel-Beth-Maacha. Voir Abel- Beth-Maacha.

ABELMAISON - DE - MAACHA. C'est ainsi que notre Vulgate appelle Abel-Beth-Maacha, III Reg., iv, 20, et IV Reg., xv, 29, en traduisant le mot beth, qui signifie « maison ». Voir Abel-Beth-Maacha.

ABELMÉHULA, AbelméOla (hébreu: 'Âbêl Mehôlâh, « le pré de la danse » ) , ville de la tribu d'Issachar. Elle est nommée trois fois dans l'Écriture : la première, Jud., vu, 23, comme un des endroits par où s'enfuirent les Madianites vaincus par Gédéon ; la seconde, III Reg., iv, 12, comme une des limites du territoire que Salomon avait placé sous l'administration de Bana, fils d'Ahilud ; la der- nière, III Reg., six, 16, comme la patrie du prophète Elisée. Dans ce dernier passage, la Vulgate écrit ce mot : Abelmeûla. — Abelméhula était située, d'après les rensei- gnements que nous donnent Eusèbe et saint Jérôme, dans la vallée du Jourdain, à l'ouest du fleuve, à dix milles romains ou quatre heures de marche au sud de Bethsan. Sur son emplacement s'élève aujourd'hui le village de Màlih, à l'endroit où l'ouadi de ce nom entre dans la vallée du Jourdain.

ÂBÊL- MISRAÏM, nom hébreu de la localité que la Vulgate a appelé : Planclus Mgypti, « deuil de l'Egypte , » en traduisant le sens des mots de l'original. En ponctuant les consonnes radicales Sax , 'ëbël ( au lieu de 'àbêl, comme dans les noms propres précédents ) , ce mot signifie , en effet, « deuil, lamentation. » Ce nom fut donné par les Chananéens à l'aire d'Atad, à l'ouest du Jourdain, parce que Joseph et ses frères firent en cet endroit, pendant sept ■ours, le deuil de leur père Jacob. Gen., L, 10-11. Voir Atad.

ABELSATIM (hébreu : 'Âbêl hassitlîm, « le pré des acacias »), Num., xxxm, 49; appelé aussi simplement, par abréviation : Sittîm, Num., xxv, 1 (Vulgate : Settim), Jos., H , 1 ; m, 1 ; Mich., vi , 5 ( Vulgate : Setim), localité du pays de Moab. Josèphe la nomme 'AêtXri , Ant. jud., IV, vu ; V, i, 1 ; il nous apprend qu'elle était à soixante stades (environ trois heures) du Jourdain, et qu'il y avait beau- coup de palmiers. Les palmiers ont aujourd'hui disparu; mais les acacias , auxquels elle devait son nom , voir Acacia , poussent encore en grand nombre dans la région où devait se trouver Abelsatim. Il était situé dans les plaines de Moab, vis-à-vis de Jéricho, peut-être à l'en- droit où l'ouadi Eschtah, au nord d'Hésébon, entre dans la vallée du Jourdain ; mais le site n'est pas sûrement iden- tifié. Voir Ritter, Palâstina, t. n, p. 481 et suiv. M. Conder le place à Ghôr es-Seiseban, Palestine, 1889, p. 252.

Abelsatim ou Settim est nommé cinq fois dans l'Écri- ture. — 1° Le peuple campait à Settim, sous la conduite de Moïse , lorsqu'il s'adonna au culte impur de Béelphégor, séduit par les filles de Moab et de Madian. Num. , xxv, 1-18. Voir BéelphÉGOB. — 2° Les Hébreux campèrent dans les plaines de Moab , avant de franchir le Jourdain pour s'emparer de la Terre Promise, depuis Bethsimoth jusqu'à Abelsatim, et c'est là que s'accomplirent les der- niers événements de l'exode, Num., xxxiv-xxxvi; que Moïse prononça les discours contenus dans le Deutéro- nome ; qu'il mit Josué à la tête du peuple, et qu'il se sépara des siens pour aller mourir sur le mont Nébo. — 3° C'est aussi de Settim que Josué envoya les espions à Jéricho. Jos., il, 1; — 4° et qu'il partit avec tous les enfants d'Is- raël pour aller camper sur les bords du Jourdain et tra- verser ensuite ce fleuve, au moment de prendre possession de la Palestine. Jos., III, 1. — 5° Michée, xi, 5, rappelle les événements racontés dans le livre des Nombres, et, selon l'interprétation la plus probable, fait allusion au crime d'idolâtrie et de fornication commis par Israël à Settim.

F. Vigocroux. DICT. DE LA BIBLE.

ABEN-BOHEN (hébreu : 'Êben Bôhan ben Re'ûbên, c'est-à-dire « pierre de Bohan, fils de Ruben a), localité mentionnée dans Josué, xv, 6, et xvm, 18, comme étant sur la frontière septentrionale de Juda et à la limite mé- ridionale de Benjamin. L'origine probable de ce nom est que , le Rubénite Bohan ayant sans doute accompli en cet endroit quelque action d'éclat, une pierre fut érigée en son honneur, ou bien son nom fut donné à un rocher qui se trouvait là, et qui servit plus tard de limite entre les tribus. Il n'est pas rare de rencontrer en Palestine de ces roches isolées , portant des noms particuliers , et re- gardées comme des monuments commémoratifs : Pierre du Secours (hébreu: 'Eben hâ'azer), I Reg., vu, 12; Pierre de Zohéleth , III Reg. , 1 , 9. Non loin de la pointe septentrionale de la mer Morte, au pied des mon- tagnes de l'occident, on remarque un de ces rocs, qui se nomme aujourd'hui Hadjr el- Asbah (Hadjr-Lasbah dans M. de Saulcy et sur la carte de Van de Velde ). M. Clermont-Ganneau en donne une description détaillée, ainsi que de la contrée où il se trouve, dans Palestine Exploration Fund, Quart. Stat., 1874, p. 80. « Peut-être, à la rigueur, dit M. de Saulcy, pourrait- on être tenté de voir dans Hadjr-Lasbah la pierre de Bohan, qui devait évidemment se trouver dans la même région ; mais comme ces deux dénominations n'ont absolument aucune ressem- blance, je suis tout disposé à me prononcer contre cette identification. » Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. H, p. 169. Cette identification a cependant été pro- posée par M. Clermont-Ganneau, dans la Revue archéolo- gique, août 1870, p. 116-123, et dans Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1871, p. 105, et 1872, p. 116; mais elle a été combattue par M. Tyrwhitt Drake, dans cette dernière Revue, 1874, p. 69 et 190. Inutile de chercher une ana- logie dans la signification des mots Bôhan ( en hébreu , pouce) et Asbah; car le nom de la pierre, au dire des Arabes, n'est pas arf>a' (avec aïn final, doigt), mais asbah (avec hé, c'est-à-dire blanchâtre)/ Cette dénomination est du reste assez fréquemment employée par les indigènes, qui l'appliquent à plus d'un objet marqué de blanc. Enfin la position de Hadjr-el-Asbah reculerait bien trop vers le sud la frontière de Benjamin.

Nous croyons donc qu'il faut placer un peu plus haut Aben-Bohen. Mentionné entre Beth-Haglaet Beth-Araba à l'est, et la montée d'Adommim à l'ouest, cet endroit était plus élevé que les deux premières localités, d'où l'on y « montait » , Jos., xv, 6; mais plus bas que la seconde, d'où l'on y « descendait », Jos., xvm, 18. Sa position probable est donc au pied des montagnes qui, au-dessous de Jéricho, s'élèvent de la plaine du Jourdain vers l'occi- dent. Voir la carte de la tribu de Benjamin.

A. Legendre.

ABENDANA Jacob, savant juif d'origine espagnole, né vers 1630, mort en 1696, rabbin à Amsterdam, puis chef de la synagogue de Londres. On a de lui un ouvrage sur le Pentateuque, intitulé Léqet Sekêhâh, c'est-à-dire Spicilège des choses omises dans le commentaire de Salomon- ben -Mélek, connu sous le nom de Miklal yôfi, La perfection en beauté, in-f°, Amsterdam, 1685. Ce n'est guère qu'un recueil de scolies simples, judicieuses, empruntées aux meilleures interprétations littérales des rabbins, surtout à celles de Kimchi. Il a traduit aussi en espagnol la Mischna, avec les commentaires de Maimo- nide et de Bartenora. Cette traduction fut mise à profit par Surenhusius pour sa traduction latine de la Mischna. Voir Surenhusius. Après la mort d'Abendana, on publia une traduction de traités choisis, extraits de ses œuvres, Discourses of the Ecclesiastical and Civil Polity of the Jews, in-12, Londres, 1706; 2« édit., 1709.

ABENESRA (Abraham-ben-Méïr-Ibn-'Ezra), appelé communément Aben-Ezra ou Abenesra, etc., connu par les théologiens du moyen âge sous le nom d'Ébénare, et surnommé par ses compatriotes le Sage par excellence,

L -3-i 35

ABÈNESRA — ABERLE

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le grand, V admirable docteur, fut un des plus fameux rabbins du xn* siècle. Né à Tolède en 1092, il se distingua dans toutes les sciences , en philosophie , en astronomie , en médecine, en poésie, dans la connaissance des langues et de la grammaire, en exégèse sacrée. Les mathématiques et l'astronomie surtout lui doivent quelques progrès im- portants. Les vexations exercées contre les Juifs l'ayant forcé à quitter sa patrie, il s'établit à Cordoue. Bientôt il se mit à voyager pour étendre ses connaissances. On le voit à Narbonne (1139), à Rome ( 1 140} , à Salerne, à Mantoue et à Lucques (11^5), à "Vérone (1146-1147), à Béziers (1155-1156), à Rodez (et non pas Rhodes) (1157), à Londres (1158-1159), à Narbonne (1160), à Rodez ou à Rome (1166-1167). Il visita l'Egypte et les contrées environnantes, probablement la Palestine, soit de 1140 à 1145, soit plutôt de 1 147 à 1 155. Il partit de Rodez ou de Rome en 1166 ou 1167, pour revoir sa patrie; mais il mourut en route avant d'avoir pu satisfaire son désir. Ce fut le lundi 1 er jour d'adar, 1 er de l'année 4927, qui correspond au 23 janvier 1167 de notre ère. Il était âgé de soixante -quinze ans.

Son œuvre la plus remarquable est son commentaire à peu près complet sur les Livres Saints, composé par parties, aux différentes étapes de ses voyages. Seuls les deux livres des Chroniques manquent ; mais en revanche, pressé par le besoin, il donna plusieurs recensions de son commentaire sur le Pentateuque. En même temps, dans un genre tout différent, Abenesra composa à la manière des cabalistes : Le livre des secrets de la Loi, pour expli- quer les mystères du Pentateuque; Le mystère de la forme des lettres, où il est traité des lettres de l'alphabet; L énigme concernant les lettres quiescentes, et Le livre dru nom , Se fer haSSêm , traité sur le tétragramme divin , c'est-à-dire sur le nom de Jéhovah. Parmi ses opuscules grammaticaux, citons : Le livre des balances de la langue sainte, Séfer mo'znê leSon haqqôdeS; Le livre de la pureté (du langage), Séfer sàhôp ; le Sâfâh-berûrâh, Lèvre pure, Soph., m, 9, ou essais de grammaire hé- braïque, imprimés déjà plusieurs fois; le Séfer hayyesôd au Yesôd-dikduh, traité de grammaire longtemps in- connu et retrouvé depuis quelques années ; enfin le Sefap yéfer, Langage de noblesse, Prov., xvn, 7, opuscule sur les mots rares et difficiles de la Bible.

Ce fut pendant ses incessantes pérégrinations qu'Aben- esra publia ses nombreux ouvrages ; ils portent aussi le reflet de sa vie instable. Tour à tour exégète rationnel et cabaliste, libre penseur et croyant rigide, il montre la plus extrême mobilité. Son étonnante fécondité a peu d'origi- nalité; elle est due surtout à une mémoire prodigieuse, qui lui permit de répandre et de vulgariser en pays latin et saxon les travaux de ses compatriotes andalous les plus célèbres des X e et XI e siècles. Son esprit facile a su se les assimiler et les exposer clairement. Aussi est-il sans contre- dit un des plus habiles et des plus savants commentateurs juifs, et peut-être un des premiers interprètes du moyen âge. Dans son commentaire de la Bible, il s'attache au sens grammatical des mots, et explique le texte très littérale- ment ; on n'y trouve pas les allégories si familières aux rabbins, et les futilités de la cabale, qu'il développe avec plaisir dans d'autres ouvrages spéciaux cités plus haut. Il s'appuie avec discernement sur l'autorité des anciens ; cependant sa fidélité à la tradition rabbinique n'exclut pas chez lui une certaine indépendance de critique, qui va parfois jusqu'au rationalisme. Ainsi le premier il soutint que les Hébreux n'avaient pas traversé miraculeusement la mer Rouge, mais qu'ils profitèrent de la marée basse pour passer à l'extrémité du golfe. En exposant de telles hardiesses et ces nouveautés erronées , il sentait le besoin de voiler sa pensée ; aussi la cache-t-il sous des réticences et des expressions embarrassées. D'ailleurs il vise d'ordi- naire à la concision , si bien que parfois la phrase devient obscure et énigmatique. C'est pourquoi il a fallu d'autres commentaires pour expliquer les siens. Toutefois son style

est habituellement correct, clair, souple et élégant. Richard Simon va jusqu'à dire que « sa diction approche assez de celle de Salluste ».

Le commentaire sur les Livres Saints a été publié par Bomberg, à Venise, en 1526, et dans la Bible hébraïque de Buxtorf. Les différentes parties en ont été imprimées sépa- rément, et plusieurs avec traduction latine, dans un grand nombre d'endroits et à plusieurs reprises. Voir Fûrst, Bibliolheca judaica , art. Ibn-Esra. Ses autres ouvrages ont été souvent publiés; la Bibliothèque nationale possède plusieurs manuscrits des œuvres de ce fameux rabbin. Voir sur Aben-Esra et ses ouvrages : Basnage, Histoire des Juifs, t. v; Notice détaillée sur la vie d'Aben-Esra, dans Ersch et Gruber, Allg. Encyklopâdie, 1. 1; Steinschneider, Abra- ham Ibn-Esra, 1880, dans la Zeitschrift fur Mathema- tik und Physik, p. 59 et suiv. ; Wilhelm Bâcher, Abra- ham Ibn-Ezra au Grammaliker, Budapest, 1881 ; J. De- renbourg, Revue des études juives, juillet-septembre 1882, p. 137; Friedlânder, Essays on the writings of A. Ibn- Ezra, Londres, 1877. E. Levesque.

ABERLE (Moritz von ), théologien catholique allemand, né le 25 avril 1819 à Rottum, près de Biberach, en Souabe, mort le 3 novembre 1875 à Tubingue. Il avait été nommé professeur, en 1845, à Y Obergymnasium de Chingen; en 1848, il devint directeur du Wilhelmstift, et, en 1850, pro- fesseur ordinaire à l'université de Tubingue, où il a en- seigné jusqu'à sa mort, et où il s'occupa surtout du Nou- veau Testament. A partir de 1851, il fut un des principaux rédacteurs de la Theologische Quartalschrift , organe de la faculté catholique de l'université de Tubingue. Parmi les articles qu'il a publiés, on peut noter : Ueber den Zweck der Apostelgeschichte , 1854, 1855; Zweck des Matthâusevangeliums , 1859 ; Zweck des Johannesevan- geliums, 1861; Ueber den Tag des letzen Abendmahls ; Epochen der neutestamentlichen Geschichtsschreibung ; Prolog des Lukasevangeliums ; Abfassungszeit des I Ti- motheusbriefe , 1863; Beitrâge zur neutestamentlichen Einleitung, 1864 ; Ueber den Slatthalter Quirinius, 1865 ; Exegetische Studien, 1868; Die Begébenheiten beim letzten Abendmahl, 1869; Die Berichte der Evangelien ûber die Auferstehung Jesu, 1870; Ueber Gefangen- nehmung und Verurtheilung Jesu, 1871 ; Letzte Reise Jesu nach Jérusalem ; Die bekannte Zahl in der Apokalypse, 1872. Les idées principales développées dans ces articles sont résumées dans une œuvre posthume : Einleitung in dos Neue Testament, von D r M. von Aberle, herausgegeben von D r Paul Schanz, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1877.

Aberle était doué d'une mémoire tenace , il avait un esprit ingénieux et une grande érudition; mais il s'était fait sur l'origine des écrits du Nouveau Testament des opi- nions personnelles qui n'ont pas été généralement accep- tées. D'après lui, l'Évangile de saint Matthieu a été composé pour réfuter un écrit calomnieux publié par le sanhédrin, et répandu dans toute la Palestine pour discréditer le christianisme. Cf. S. Justin, Dial. cum Tryph., 108, t. vi, col. 725. C'est d'une manière analogue qu'il soutient que l'Évangile de saint Marc a été écrit pour les néophytes de Rome , qui , ayant été d'abord prosélytes juifs , étaient poursuivis après leur baptême par les Juifs, qui s'effor- çaient de les ramener à eux. Il voit dans l'Évangile et les Actes des Apôtres de saint Luc un écrit apologétique des- tiné à défendre le christianisme au moment où l'appel de saint Paul au tribunal de César force l'empire romain à prendre un parti au sujet de cette religion, en la tolérant comme une espèce de judaïsme, ou en la persécutant comme une religion nouvelle. Saint Jean, d'après lui, a écrit contre le sanhédrin de Jabné, qui, après la ruine dé Jérusalem, ne négligea rien pour infuser une vie nouvelle au judaïsme et ruiner le christianisme par les armes spi- rituelles. Ainsi les quatre Évangiles ont été écrits dans un but apologétique. Ce sont là des hypothèses qui ne sau- raient être établies et qui ne concordent pas avec les 37

ABERLE — ABGAR

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faits. Cf. Himpel, Einiges ûber die ivissenschaftliche Bedeutung ur^d theologiscli - kirchliche Stellung des sel. Prof. D' Aberle, dans la Theologische Quartalschrift , 1876. p. 177-228; K. Wemer, Geschichte der neuzeitli- chen christlich-kirchlichen Apologetih, in-8°, Schaffouse, 1867, p. 401 , 404. F. Vigouroux.

ABÉS (hébreu: 'Ébés, à la panse Abés; Septante: PeSéc), ville de la tribu d'Issachar, mentionnée une seule fois, Jos., xix, 20, entre Césion et Rameth. Le mot 'absa signifiant en chaldéen « étain », Gesenius, Thés. ling. heb., p. 18 , et plusieurs auteurs après lui , ont supposé qu'on y devait trouver ce métal en abondance; mais l'étymologie seule ne suffit pas pour établir cette opinion. Certains au- teurs modernes, entre autres C. R. Conder, s'appuyant plu- tôt sur la signification primitive de absa, « blanc, » placent Abès à Khirbet el-Beidha (en arabe, la blanche), à la limite septentrionale de la plaine d'Esdrelon. Conder, Handbook to th-e Bible, Londres, 1887, p. 401. Khirbet el-Beidha est une petite colline oblongue et isolée, située entre le torrent de Cison à l'ouest, et Nazareth à l'est. M. V. Guérin la décrit ainsi sous le nom de Tell-Beidar: « Les flancs inférieurs en sont soutenus par d'assez gros blocs formant terrasse; elle est elle-même couronnée par une enceinte arabe, en partie debout et bâtie avec des pierres de moyenne dimension, qui avait autrefois renfermé une vingtaine de petites habitations, actuellement renversées. Au milieu des débris de l'une d'entre elles, s'élève un tronçon de colonne qui mesure 58 centimètres de dia- mètre, et qui provient peut-être d'Oumm-el-'Amed. » On remarque, dans les environs de cette dernière localité, des rochers calcaires d'une grande blancheur, qui ont été jadis, sur beaucoup de points, exploités comme carrière. Description de la Palestine, Galilée, t. i , p. 39i.

A. Legendre.

ABÉSALOM ('A6e<T<TaX<Ju,o;, dans le texte grec ori- ginal; probablement, en hébreu, 'Abîsâlôm, « mon père est pacifique » ) , ambassadeur de Judas Machabée, envoyé vers Lysias, général d'Antiochus Eupator. II Mach., xi, 17.

ABESAN [(hébreu : 'Ibesan, signification inconnue; Septante : 'A6ato<K<v), juge d'Israël, Jud., xii, 8-10. Il était originaire de l'une des deux villes appelées Bethlé- hem, et plus probablement de Bethléhem en Zabulon; en effet, Abesan n'a pas dû gouverner tout Israël , mais seule- ment la partie la plus septentrionale de la Terre Sainte, tandis que les tribus les plus voisines des Philistins subis- saient le joug de ce peuple idolâtre. La judicature d'Abesan dura sept ans et ne fut signalée par aucun événement re- marquable. Après sa mort, il fut transporté et inhumé à Bethléhem, sa ville natale. 11 avait eu trente fils et trente filles, et avait pourvu à leur établissement. Le nombre de ses enfants s'explique par la polygamie , alors tolérée chez les Hébreux. Abdon, qui fut peu après lui juge d'Israël, eut «gaiement un nombre de fils considérable. Jud., xn, 14.

E. Duplessy.

ABESSALOM (hébreu: 'AbiSâlôm, « mon père est pacifique; » Septante: 'A6e<x<Ta>û|A)> père de Maacha ou Michaïa, mère d'Abia, roi de Juda, III Reg., xv, 2, 10. Il est appelé Absalom (simple variante du même nom) II Par., xi, 20-21. Ce pourrait bien être le fils de David: Thamar, fille d' Absalom, aurait épousé Uriel dé Gabaa, JI Par., XIII, 2, et aurait eu Maacha de ce mariage. Voir Uriel 2. Absalom serait alors le grand -père de Maacha. Cependant Abessalom peut être un personnage différent du fils de David , et le même qu'Uriel de Gabaa.

ABGAR ( nom ou titre de plusieurs rois de l'Osrhoène. C'est en particulier celui d'un roi contemporain de Notre- Seigneur, devenu célèbre par la correspondance avec Jésus- Christ qu'on lui a longtemps attribuée. Ce nom a été fré- quemment défiguré par les écrivains grecs et orientaux. 11 -est certain, parles monnaies de quelques-uns de ces rois

qui sont parvenues jusqu'à nous, que la véritable ortho- graphe est Abgar (fig. 4). Pendant environ trois siècles, c'est- à-dire depuis l'an 99 avant l'ère chrétienne jusqu'à l'an 217 de notre ère, d'après la Chronique de Denys (patriarche jacobite de Telmahar, qui vivait au IX e siècle), l'Osrhoène fut gouvernée par des toparques ou petits rois. Assemani , Bi- bliotheca orientalis, t. i, p. 417 et suiv. L'Osrhoène était bornée à l'est par le Chaboras, au nord par le Taurus. Elle avait pour capitale l'antique ville d'Édesse, dont les traditions locales ont prétendu faire remonter l'origine jusqu'à Nemrod. Sous les premiers Séleucides, elle avait porté le nom grec de Callirrhoé, à cause d'une source consacrée à la déesse Atergatis ; à partir d'Antiochus VII , elle avait pris le nom d'Antiochia. Édesse, sous le gou- vernement de ses toparques, devint le premier centre chrétien des régions de l'Euphrate, et mérita ainsi les sur- noms d'Édesse la Sainte, d'Édesse la Bénie, que lui donnent

4. — Abgar, roi d'Osrhoène, contemporain de l'empereur Gordien III (238-244).

Busto de l'empereur Gordien, tourné & droite. Tête Imberbe, radiée. [HOPAIANOC CEB(aimi;). - ^. Le roi Abgar, portant la tiare, & cheval. ABrAPOC BACIAEÏC.

les écrivains orientaux. D'illustres martyrs y scellèrent leur foi de leur sang. On y compta dans la suite plus de trois cents monastères. Prise par les Arabes en 639, elle rede- vint en 1097, du temps des croisades, une principauté chrétienne ; mais elle retomba, en 1146, sous le joug des musulmans, auxquels elle est encore soumise. Elle est aujourd'hui connue sous le nom d'Orfa.

Un grand nombre de toparques de l'Osrhoène se sont appelés Abgar. Denys deTelmahar en énumère vingt-neuf. Celui qui régnait à Édesse du temps de Notre-Seigneur est le cinquième. Il reçut le surnom d'Uchama ou Ucomo, c'est-à-dire le Noir. D'après la chronologie du patriarche Denys, rectifiée par Gutschmid, Die Kônigsnamen in den apokryph. Apostelgeschichten , dans le Rheinisches Mu- séum, nouv. série , t. xix , p. 171 , Abgar V gouverna l'Os- rhoène de l'an 13 à l'an 50 de notre ère. D'après Moïse de Khorène , il descendait du roi parthe Arsace. Voir Bayer , Historia Osrhoena, p. 97. Procope, dans sa Guerre de Perse, II, 2, raconte qu'ayant fait un voyage à Rome, ce prince inspira à Auguste une telle affection, qu'il eut grand'peine à quitter la capitale de l'empire pour retourner en Orient. Tacite, au contraire, représente Abgar sous un jour défavorable, s'il est vrai que, l'an 49, le roi d'Édesse abandonna lâchement sur le champ de bataille le jeune roi parthe Méherdate. Quoi qu'il en soit de ce trait, Abgar Uchama doit sa célébrité à lalettre qu'il écrivit à Jésus-Christ, d'après Eusèbe , et à la réponse supposée qu'il en reçut.

L'évêque de Cés'arée, après avoir raconté dans son His- toire ecclésiastique, I, 13, t. xx, col. 121, que Thaddée, l'un des soixante-douze disciples, était allé prêcher la foi à Édesse, ajoute que la preuve de ce fait lui est fournie par les archives de cette ville, d'où il a tiré une lettre d'Abgar à Jésus, lettre qu'il rapporte, ainsi que la réponse du Sauveur, en traduisant les deux documents de l'ori- ginal araméen en grec. Abgar écrit à Jésus qu'ayant appris les guérisons miraculeuses que le Sauveur opère en Judée, il le prie de venir à Édesse pour le guérir d'une maladie dont il est atteint. On croit que cette maladie était la 39

ABGAR

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lèpre. Notre-Seigneur lui répond qu'il doit demeurer en Judée pour y être élevé, c'est-à-dire crucifié ; mais qu'après sa mort il lui enverra un de ses disciples, qui le guérira et lui donnera la vie, à lui et à tous ceux qui sont avec lui. Thaddée, le disciple, alla en effet plus tard à Édesse, où , il guérit et convertit le roi Abgar.

Le célèbre historien d'Arménie, Moïse de Khorène, rap- porte les mêmes faits qu'Eusèbe avec quelques diver- gences, et aussi avec cette addition importante que l'en- voyé d' Abgar lui aurait rapporté de Jérusalem un portrait du Sauveur. Ce portrait se trouvait encore de son temps , c'est-à-dire au v* siècle, à Édesse. Il fut depuis transporté, dit-on, à Constantinople, et de là à Rome, dans l'église Saint -Sylvestre, ou bien à Gênes.

Plusieurs historiens grecs ont reproduit la correspon- dance d' Abgar avec Jésus-Christ; la plupart y ont joint, en l'embellissant de plus en plus, l'histoire du portrait; tous se sont inspirés d'Eusèbe et des traditions courantes en Orient. Depuis ces dernières années, nous possédons sur ce sujet quelques documents auparavant inconnus en Europe. Il existe à la Bibliothèque nationale de Paris, an- cien fonds arménien, n» 88, une traduction arménienne de la Doctrine d'Addaî, contenant l'histoire du disciple (Thaddée) envoyé à Édesse, et tout ce qui s'y rattache. On en a publié une double traduction française. L'une, faite par Jean -Raphaël Émine, a été insérée par Victor Langlois dans le tome 1 er de sa Collection des historiens anciens d'Arménie, p. 315-331 ; elle a pour titre Léroubna d'Édesse : histoire d' Abgar et de la prédication de Thad- dée, traduite pour la première fois sur le manuscrit unique et inédit de la Bibliothèque impériale de Paris (•1867). La seconde, œuvre du D r Alishan, est plus com- plète : Lettre d' Abgar, ou Histoire de la conversion des Édesséens, par Laboubnia, écrivain contemporain des Apôtres, traduite sur la version arménienne du V e siècle, in -8°. Elle a été publiée en 1868, à Venise, par les Pères mékhitaristes de Saint- Lazare.

Cette version arménienne a été faite sur le syriaque. L'original a été retrouvé et publié. Le Musée Britannique, à Londres, en possède un manuscrit incomplet, qui a été édité par Cureton, dans ses Ancient Syriac Documents relative to the earliest establishment of Chrislianity in Edessa and the neighbouHng countries, in -4", Londres, 1864; mais il ne contient pas les pièces reproduites par Eusèbe, parce que c'est le commencement qui manque. Cette la- cune a pu être heureusement comblée par un manuscrit de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, écrit en beaux caractères estranghelo, au vi 8 siècle. Il a été publié par George Philipps , The Doctrine of Addai , the Apostle, in the original Syriac, with an English trans- lation and notes, in -8°, Londres, 1876.

La comparaison du document syriaque, qui renferme la lettre d' Abgar, avec le texte d'Eusèbe, montre que l'his- torien de Césarée a reproduit fidèlement en grec, sauf quelques variantes insignifiantes qu'il est facile d'expli- quer dans une traduction, l'original araméen qui circulait à Édesse. Mais, quant à la réponse de Notre-Seigneur, il existe entre Eusèbe et les sources orientales une diver- gence importante. D'après ces dernières, le Sauveur fit au roi d'Édesse, non pas une réponse écrite, comme le dit l'auteur de l'Histoire ecclésiastique , mais seulement une réponse orale, dont le sens est d'ailleurs le même : « Quand Jésus eut reçu la lettre, lisons -nous dans la Doctrine d'Addaî, il dit à Haunan, le conservateur des archives : « Va et dis à ton maître qui t'a envoyé vers moi : Bien- i heureux, etc. » La traduction arménienne du texte syriaque répète exactement la .même chose. Il résulte de là que Notre-Seigneur n'avait pas écrit à Abgar, et qu'Eu- sèbe, qui a reproduit fidèlement la réponse verbale attri- buée au Sauveur, telle qu'elle était conservée dans les ar- chives d'Édesse, s'est trompé en la prenant pour une réponse écrite. Quand les Édesséens nous disent que la réponse de Jésus ne fut qu'orale, on peut les en croire.

S'ils avaient cru posséder une lettre de Jésus -Christ lui- même , ils n'auraient pas manqué de s'en vanter.

Relativement à la lettre d'Abgar, qui est la même chez Eusèbe et chez les Orientaux, son authenticité a été ad- mise jusqu'à ces derniers temps par un grand nombre non seulement de catholiques, Baronius, Tiilemont, Oudin, les Bollandistes, Welte; mais aussi de protestants, les centu- riateurs de Magdebourg, Cave, Grabe, Rinck. Voir Welte, Veber Kônig Abgar und die Einfûhrung des Christen- thums in Arménien, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, 1842, p. 335-365; W. F. Rinck, Von dem Briefe des Kônigs Abgar an Jesum Christum und der Antwort Christi an Abgar, dans la Zeitschrift fur die historische Théologie d'Illgen, 1843, p. 3-26. Voir aussi Assemani, Bibliotheca orient., t. i, p. 318-420. Tille- mont, dans ses Mémoires, 1701, t. I, p. 617, s'exprime sur ce sujet de la manière suivante : « Nous ne préten- dons pas qu'elles (les lettres) soient certainement vraies, car tout homme peut se tromper ; mais nous espérons que les personnes habiles qui, la plupart, sont portées aujour- d'hui à les croire fausses, nous pardonneront aisément, si nous ne voulons point abandonner notre règle, de ne point rejeter tout ce qui est suffisamment autorisé dans l'anti- quité, à moins que nous n'y soyons contraints par des raisons tout à fait fortes. » — Ces raisons tout à fait fortes existent -elles maintenant? Oui, nous l'avons vu pour la lettre attribuée à Notre-Seigneur par Eusèbe. Quant à la lettre d'Abgar, presque tous les critiques répondent aussi aujourd'hui affirmativement, en s'appuyant surtout sur les divers détails contenus dans la Doctrine d'Addaî, et qui démontrent que cet écrit ne remonte pas au temps. d'Abgar Uchama. Il y est question, en effet, des Actes des Apôtres et des Épîtres de saint Paul, de l'invention de la vraie croix par la princesse Protoniké ou Patroniké, et même du Diatessaron de Tatien , qui n'a vécu qu'au se- cond siècle. Aussi le D r Lipsius, Die Edessenische Abgar- Sage kritisch untersucht , in -8°, Brunswick, 1880, p. 11, dit- il: « Les souvenirs historiques de l'Église d'Édesse dignes de foi ne remontent pas au delà du temps d'Ab- gar VIII (176-213). L'histoire de la conversion d'Abgar V et de sa correspondance avec le Christ sont du domaine de la légende. » Le D r Alishan et M. Philipps n'en adoptent pas moins l'authenticité du fond de la Doctrine d'Addaî, tout en reconnaissant qu'elle été remaniée et qu'il s'y est glissé un certain nombre d'interpolations. Il est, en tout cas, fort invraisemblable que le christianisme se soit établi à Édesse aussi tardivement que le suppose le D r Lipsius. Remarquons d'ailleurs que la primitive Église n'a pas admis la correspondance d'Abgar : « Epistola Jesu ad Abgarum apocrypha; Epistola Abgari ad Jesum apo- crypha. » Decretum Gelasii de libris recipiendis, Migne, Pat. lai., t. lix, col. 164.

Quant au portrait de Jésus, que les écrivains grecs racontent avoir été empreint miraculeusement sur un linge dont le Sauveur s'était servi pour s'essuyer la face t Évagre, H. E., IV, 27, t. lxxxvi, col. 2748-2749, nous avons vu qu'Eusèbe n'en parle point dans son récit. La Doc- trine d'Addaî le mentionne, mais elle ne lui attribue pas une origine miraculeuse ; elle en fait l'œuvre de Hannan, qui était peintre, et qui avait apporté à Jésus en Palestine la lettre d'Abgar. L'existence d'une image du Sauveur très vénérée à Édesse depuis une haute antiquité est donc incontestable ; quant à son histoire , elle est lé- gendaire.

Voir, outre les ouvrages déjà cités : W. Grimm , Die Sage vom Ursprung der ChristusbUder , Berlin, 1843; K. C. A. Matthes , Die Edessenische Abgarsage auf ihre Fortbildung untersucht, in-8°, Leipzig, 1882; E.Renan, Deux monuments épigraphiques d'Édesse, dans le Jour- nal asiatique, février- mars 1883, p. 246-251; Th. Zahn, Tatian's Diatessaron, in -8°, Erlangen, 1881, p. 350-382; R. A. Lipsius, Die apokryphen Apostelgeschichten und Apostellegenden, t. il, part, u, 1883, p. 154-200; L.-J. 41

ABGAR — ABIA

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Tixeront , Les origines de l'Église d'Édesse et la légende d'Abgar, in-8°, Paris, 1888. F. Vigocrocx.

ABGATHA (hébreu : 'Abagfa'j « donné par Dieu; » Septante : ZaOoXOoî ) , un des sept eunuques de la cour d'Assuérus, Esth., I, 10.

ABI (hébreu: 'Abi, forme abrégée de 'Abiyâk; Septante:

"A6iou), mère du roi Ézéchias. IV Reg., xvm, 2. 

Voir Abia 4.

ABIA, hébreu : 'Abiyâh, 'Abïyâhou, « Jéhovah est mon père ; » Septante : 'A6id ; nom d'homme et de femme.

1. ABIA, fils de Béchor, un des fils de Benjamin.

I Par., vu, 8.

2. ABIA, femme de Hesron, petit-fils de Juda. I Par., il, 24.

3. ABIA, second fils de Samuel. Le prophète se l'associa avec son frère Joël dans l'administration de la justice. Les deux frères s'en acquittèrent si mal, que le peuple réclama un roi. I Reg., vin, 2; 1 Par., vi, 28.

4. ABIA, femme d'Achaz et mère d'Ézéchias, roi de Juda, IV Reg., xvm, 2; II Par., xxix, 1. Elle était fille de Zacharie. Voir ce nom. On trouve la forme abrégée, Abi, IV Reg., xvm, 2. Voir Abi.

5. ABIA (hébreu: 'Abiyâm, dans les Rois; aussi sous la forme 'Abiyâhou, II Par., xm, 20, et 'Abiyâh, II Par., su, 16) , fils de Roboam, roi de Juda, succéda à son père •en 960 av. J.-C. (d'après la chronologie reçue; voir Chronologie), et régna pendant trois ans. I Par., xil, 16; xm, 1-2; cf. III Reg., XV, 2. Cette durée de trois années ne doit pas être prise à la lettre, car il est dit qu'Abia monta sur le trône dans la dix-huitième année du règne de Jéroboam, roi d'Israël, III Reg., xv, 1, et ailleurs qu'Asa, son fils, lui succéda dans la vingtième année du même règne de Jéroboam. III Reg., xv, 9. Ce n'est donc que deux ans et quelques mois qu'Abia régna sur Jérusalem et Juda, la Sainte Écriture, selon l'usage des Juifs, comptant pour une troisième année l'année commencée. Abia «ut pour mère Maacha ( hébreu : Ma'âkâh ) , fille d'Abessaèom, III Reg., xv, 2; cf. II Par., xi, 20, qui est appelée,

II Par., xm, 2, Mîkâyâhou , par une erreur manifeste de transcription. Le mot Abessalom (hébreu: 'AbiXalôm) «st sûrement une variante d'Absalom (hébreu : 'AbSalôm), «t le personnage dont il s'agit ici peut être le fils de David, quoique d'après quelques-uns il soit le même qu'Uriel. Voir Abessalom et Uriel 2. Mais cette identification du père de Maacha avec le fils de David soulève une difficulté. Nous savons, en effet, qu'Absalom n'eut qu'une fille, qui s'appelait Thamar, II Reg., xiv, 27 , «t pas de fils. II Reg., xvm, 18. Donc, ou bien Maacha «st la même que Thamar, ce qui est invraisemblable , car il faudrait dire qu'Absalom portait aussi le nom d'Uriel ; ou bien elle est fille de Thamar, qui avait épousé Uriel de Gabaa, II Par., xm, 2, et petite -fille d'Absalom, dont «lie est appelée par extension la fille. Cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, x, 1. Quelques interprètes, comme Thenius,

Bertheau, ont cherché une autre explication, et comme la mère d'Asa, fils d'Abia et son successeur au trône, porte le même nom, II Par., xv, 16; III Reg., xv, 13, ils ont pensé que la fille d'Uriel était la mère d'Asa et non d'Abia, et que, par quelque inadvertance de copiste , son nom avait été substitué dans le texte à celui de la mère •d'Abia. Cette supposition est sans fondement. Il parait plus naturel de dire que dans les quatre passages où le nom de Maacha est marqué, il s'agit de la même personne, et <jue si Maacha, mère d'Abia, est aussi appelée mère d'Asa, iien qu'elle ne soit que sa grand'mère, c'est qu'elle avait

conservé sous le règne de son petit -fils la dignité et le titre de reine mère, dignité et titre qui lui furent enlevés quand Asa la destitua à cause de son idolâtrie. II Par., xv, 16.

Abia avait vingt-sept frères et soixante sœurs par son père, II Par., xi, 21; par sa mère il n'avait que trois frères, Éthaï, Ziza et Salomith, II Par., xi, 20, sur lesquels il avait été investi d'une sorte d'autorité (hébreu : r'ôs, « tête, » par extension, chef, personnage principal ; Septante : àp-/<>>v), dont l'étendue n'est pas déterminée. II Par., xi, 22. D'après les Septante et la Vulgate, Abia aurait mérité cette dignité par sa sagesse, f. 23; mais le texte hébreu rapporte cette sagesse à Roboam, qui, pour éviter les conflits entre ses nombreux enfants, et peut-être surtout pour empêcher que quelques frères jaloux ne se liguassent contre Abia, son préféré, leur donna à chacun la garde d'une des places fortes de son royaume. Le texte insinue que l'unique raison de cette préférence de Roboam pour Abia fut la préférence même qu'il avait pour sa mère Maacha , et ce fut aussi la raison qui le lui fit choisir pour successeur, bien que par sa naissance il n'y eût aucun droit. C'est aussi pour cela qu'entre tous ses frères, Abia demeura à Jérusalem, capitale du royaume, menant une vie luxueuse au milieu d'un grand nombre de femmes et d'enfants. II Par., xi, 21-23. Le texte, il est vrai, semble rapporter cette magnificence domestique au temps qui suivit sa victoire sur Jéroboam; mais, comme il est impossible qu'il ait eu vingt- deux fils et seize filles dans le court espace de temps qui s'écoula entre cette victoire et sa mort, il faut dire qu'il épousa le plus grand nombre de ses quatorze femmes avant même d'arriver au trône. Si l'auteur des Paralipomènes n'en parle qu'après le récit de la guerre contre Israël , c'est sans doute pour rapprocher sa prospérité domestique de ses succès politiques et militaires. Ce trait montre qu'Abia avait imité Salomon et Roboam dans leurs inclinations sensuelles, et manifeste déjà l'abaissement moral de la royauté en Juda.

Cet excès ne fut pas le seul qui souilla le règne d'Abia. S'il ne se livra pas lui-même à l'idolâtrie, il la laissa pratiquer impunément; ce qui eût suffi à lui attirer la colère de Dieu , s'il n'avait eu pour ancêtre David , le fidèle serviteur de Jéhovah. C'est à cause de lui , et aussi à cause des antiques promesses faites à ses aïeux, qu'Abia eut une postérité. III Reg., xv, 4. Cette réflexion, qui a paru à plusieurs une interpolation , fait si bien corps avec le texte, qu'elle donne la clef de la conduite de Dieu au milieu des tristes événements qui remplissent non seulement le règne d'Abia, mais aussi toute la période des rois de Juda. A travers les excès de ces souverains indignes, Dieu voit dans le passé David son serviteur, et dans l'avenir le rejeton de David, le Messie, et à cause de l'un et de l'autre il bénit et conserve au lieu de maudire et de briser.

Abia était plus faible que méchant. Quoiqu'il laissât pratiquer l'idolâtrie et qu'il menât lui-même une vie sensuelle, la foi de David son aïeul demeura ferme au fond de son cœur. Elle se révèle au jour du danger, quand la guerre, depuis longtemps menaçante, vient à éclater entre Israël et Juda. Du moment où les dix tribus s'étaient choisi un roi, il s'était établi entre ces deux portions du peuple choisi une inimitié qui ne pouvait manquer d'éclater. Les rois de Juda, fondés sur les promesses divines faites à David, cherchaient tous les moyens de faire rentrer sous leu*" autorité les tribus séparées; Israël, au contraire, prétendait garder son autonomie. Durant le règne de Roboam, la haine, en grandissant toujours, était demeurée latente; elle éclata sous Abia, et voilà les deux royaumes lancés dans une guerre fratricide qui durera longtemps. S'il faut s'en rapporter au texte, Abia entra en campagne avee 400 000 hommes très vaillants ; Jéroboam en avait le double, 800000 : chiffres certainement excessifs, aussi bien que celui des 500000 hommes mis hors de combat. II Par., xm, 3, 17. Ces erreurs résultent de l'altération du texte hébreu, soit par l'inadvertance des transcripteurs, soit par 43

ABIA

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la grande similitude de quelques lettres hébraïques; car les Hébreux, comme les Grecs, exprimaient les nombres par les lettres de l'alphabet.

Or, avec son armée, quel qu'en ait été le nombre, Abia vint prendre position sur le mont Séméron ( hébreu : Çemârayîm), dont la position est douteuse (voir Sémé- ron), mais qui était certainement en Éphraïm. II Par., xiii, 4. Suivant un usage commun à cette époque, le roi de Juda, avant d'engager la bataille, harangua son ennemi. Le discours est élevé et si religieux, que la critique mo- derne a voulu y voir une contradiction avec ce qui est dit , III Reg., xv, 3, de l'impiété d'Abia. En effet, il déclare n'engager le combat que pour soutenir ses droits inalié- nables sur le royaume d'Israël. Jéhovah, dit -il, a donné pour toujours (hébreu : par le pacte du sel, c'est-à-dire d'une manière irrévocable, voir Sel) la royauté en Israël à David et à ses fils. Il a confiance en son droit, qui est le droit de Dieu. Aussi bien les dix tribus se sont adon- nées à l'idolâtrie, substituant le culte des veaux d'or à celui de Jéhovah; elles ont chassé les prêtres et les lévites, elles commettent tous les jours l'iniquité ; tandis que lui , roi de Juda , a gardé le principe constitutif de la monarchie chez les Hébreux, qui est d'être une théocratie dans la- quelle le roi est le ministre deJDieu. Ll le proclame : le Sei- gneur (hébreu : kâ'élokim, avec l'article) est le chef de l'armée de Juda ; qu'Israël redoute donc de se lever contre sa puissance. II Par., xm, 4. Comme on le voit, ce pas- sage n'est point inconciliable avec III Reg., xv, 3. Abia y montre seulement que sa doctrine vaut mieux que sa conduite. S'il se vante ici d'avoir fidèlement gardé le culte de Dieu , le passage du troisième livre des Rois ne dit pas qu'il ait lui-même pratiqué l'idolâtrie ; il a pu pécher seu- lement en la tolérant.

Pendant ce discours, Jéroboam avait tourné la montagne avec quelques bataillons, et l'armée d'Abia allait être enve- loppée par ses ennemis. Le roi sentit le danger, fit sonner les trompettes sacerdotales; les guerriers poussèrent leur cri de guerre, et soudain Dieu jeta l'épouvante dans les rangs d'Israël. Dans cette confusion, Abia n'eut qu'à lancer son armée en bon ordre ; il s'ensuivit un immense car- nage : 500000 Israélites hors de combat, dit le texte. Abia, poursuivant sa marche, s'empara des villes de Béthel, Jésana et Éphron, avec leurs dépendances. C'est alors sans doute qu'Abia, rempli de gratitude, fit le voeu dont il est question vaguement au troisième livre des Rois, xv, 15, et qui avait probablement pour objet de con- sacrer au Seigneur le butin fait sur Jéroboam. II Par., xiii, 16-19. La mort empêcha Abia d'accomplir lui-même cette pieuse promesse, que son fils Asa se fit un devoir d'exécuter en son nom. III Reg., xv, 15.

C'est tout ce que l'Écriture nous apprend de ce roi, ren- voyant pour le reste à des livres perdus : le livre des Annales des rois de Juda (Dibrê hayyâmîm), III Reg., xv, 7, et le livre (MidraS) duprophète Addo, II Par., xm, 22. L'égyp- tologie, qui fournit un si précieux document sur Roboam et ses relations avec Sésac, et l'assyriolpgie, qui en donne de si intéressants pour les règnes de plusieurs rois de Juda, sont restées muettes sur Abia, qui d'ailleurs ne parait avoir eu aucune relation politique de quelque importance avec les souverains étrangers. Sans sa victoire sur Jéroboam, ce roi serait demeuré bien effacé dans l'histoire de Juda. Cet épisode a révélé en lui un caractère droit, élevé, énergique même, et capable de grandes choses, si son éducation et son temps n'avaient empêché l'épanouisse- ment de ces précieuses qualités. P. Renard.

6. ABIA (hébreu : 'Abiyâh; Septante : 'Agiï), fils de Jéroboam I«, roi d'Israël (975-9â4), n'apparaît dans la Bible .que pour justifier la parole du Saint-Esprit : que Dieu se venge sur les enfants des iniquités de leurs pères. Jer., xxxii, 18. Quand Jéroboam eut mis le comble à son apostasie en établissant le culte des veaux d'or, le mo- ment du Seigneur arriva : Abia tomba malade. III Reg.,

xiv, 1. Quelle était sa maladie? La Sainte Écriture n'en dit rien, mais il est manifeste qu'elle était surnaturelle dans son origine comme elle le fut dans son dénouement. Elle arrive au moment voulu par Dieu, dure ce que Dieu veut, se termine par la mort à l'heure marquée par Dieu. On employa sûrement, pour la combattre, toutes les res- sources qu'offrait la science médicale d'alors; mais en même temps Jéroboam se souvint que naguère, quand il exerçait à la cour de Salomon la fonction de percepteur des tributs, il avait rencontré un prophète de Silo, nommé Ahia, qui lui avait prédit l'heureux événement de son élévation à la royauté. Superstitieux autant qu'il était impie, il conçut le dessein d'obtenir par ruse, du même voyant, une réponse favorable à la guérison d'Abia. Car, pensait-il, si le prophète savait qu'on vient le consulter pour le fils du roi d'Israël, il se garderait de prédire son retour à la santé. D'après ce singulier calcul, Jéroboam fit travestir sa propre épouse et l'envoya à Silo consulter Ahia, sans dire ni qui elle était, ni pour qui elle venait. La santé du malade devait d'ailleurs, dans le plan de Jé- roboam, être achetée par des présents offerts au voyant; mais comme la prudence exigeait que la messagère, vêtue comme une pauvre , ne présentât que des dons modestes , elle offrit dix pains, un vase de miel et un gâteau commun (hébreu : niqqudim, de nâqad, qui signifie « marquer de- petits points », ce qui donne lieu de penser que ces gâ- teaux étaient troués, ou marqués d'une sorte de pointillé difficile à spécifier. Les Septante ont traduit par xo).)iuptç, « gâteau ordinaire »). Les prophètes, conduits en cela par l'inspiration d'en haut, accueillaient volontiers ces solli- citeurs, et y répondaient soit en prédisant l'issue de la maladie, soit en indiquant le remède au mal. III Reg.,. xm, 6; xvu, 17; IV Reg., i, 4; xx, 7; Is., xxxvm, 2L Nous voyons, II Par., xvi, 2, Asa blâmé par l'écrivain sacré, parce qu'il avait cherché le secours des médecins au lieu de recourir à Dieu. Le rationalisme, pour échapper au miracle , a voulu voir dans les indications des voyants des procédés ou moyens purement naturels; mais au- cune explication n'est plausible en dehors de la vertu sur- naturelle qui était dans les prophètes, ou dont ils étaient les dispensateurs. La chose est manifeste pour le cas d'Abia. Le prophète, presque aveugle, est éclairé d'en haut sur la qualité de celle qui l'interroge, comme aussi sur la cause de la maladie et son issue. Il prédit de la part de Dieu qu'en punition des crimes de Jéroboam, la famille du roi disparaîtra ignominieusement , et que dès ce jour Abia mourra. Le moment de sa mort est déterminé : il expirera au moment où sa mère mettra le pied sur le seuil du palais de Jéroboam, III Reg., xiv, 17; le f. 12 porte: « quand elle entrera dans la ville. » Toutes choses qui s'accomplissent à la lettre et en dehors de toute prévision humaine. C'est à Thersa (grec : Saptpi) qu'Abia mourut. Cette ville était une des grandes cités d'Israël. Voir Thersa. Abia y reçut la sépulture au milieu des la- mentations du peuple, dont il était aimé à cause de son bon naturel. Son âge n*est pas indiqué dans la Bible. III Reg., xiv, 12. Il faut remarquer que tout le passage qui contient cet épisode, III Reg., xiv, 1-20, fait défaut dans le Textus receptus des Septante; dans le Codex Alexandrinus , il est inséré au chapitre xi du même livre, après le verset 24. Tous les manuscrits du texte hébreu le contiennent à la place qu'il occupe dans la Vulgate. Il n'y a donc aucune raison de mettre en doute son authen- ticité. P. Renard.

7. ABIA, un des descendants d'Ëléazar, fils d'Aaron; il se trouva chef de la huitième des vingt-quatre classes ou familles sacerdotales, lorsque David les établit. I Par., xxiv, 10. Zacharie, père de saint Jean -Baptiste, était de la famille d'Abia. Luc, i, 5.

8- ABIA, un des prêtres qui signèrent avec Néhémie le renouvellement de l'alliance. II Esdr., x, 1, 45

ABIA.LBON — ABIDA

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ABIALBON (hébreu : 'Abî'albôn, « mon père est fort; » Septante: ra8a6w)>), un des trente-sept héros ou vaillants guerriers de l'année de David, II Reg., xxm, 31. Il est nommé Abiel dans I Par., xi, 32. Voir Abiel 2.

ABIAM ( hébreu : 'Abîyâm ), Abia, roi de Juda, fils et successeur de Roboam. Son nom, qui est écrit sous la forme Abia dans les Paralipomènes, est constamment écrit Abiam dans le troisième livre des Rois, xiv, 31; xv, 1, 7, 8. Voir Abia 5.

ABIASAPH (hébreu : 'AM'âsâf, « mon père a ras- semblé ;» Septante : 'A6ii<i!j<p, 'A6i<râ<p, 'Aëii<ra<p), Lévite, un des fils de Coré. Exod., vi, 24; I Par., vi, 37. 11 est appelé Ébiasaph (en hébreu : 'Ebeyâsâf) , I Par., vi, 24; ix, 19. La généalogie donnée 1 Par., vi, 23-37, semble en contradiction avec les deux endroits parallèles, Exod., vi, 24, et I Par., VI, 37, et crée une difficulté. Ou bien il y a erreur de transcription ; ou bien Asir et Elcana , qui paraissent en ce passage donnés comme les ascendants d'Abiasaph , doivent être plutôt regardés comme ses frères et fils de Coré comme lui, conformément à Exod., vi, 24.

ABIATHAR (hébreu : 'Ébeyâ(âr), grand prêtre, arrière- petit-fils d'Héli par Phinées et Achitob ; fils du grand prêtre Achimélech, qui fut mis à mort par Saùl, pour avoir donné l'hospitalité à David fugitif. Abiathar, voué à la mort avec tous les habitants de Nob, échappa comme par miracle au massacre, I Reg., xxii, 20, et s'enfuit auprès de David , qui s'était abrité à Maspha , dans les montagnes de Moab. Il s'attacha à lui comme un serviteur fidèle , et partagea les privations de sa retraite. Or il avait emporté avec lui l'éphod, I Reg., xxm, 6, dont il se servait pour consulter Jéhovah dans les circonstances difficiles. C'est ainsi que, par l'ordre du Seigneur, il détermina David à quitter Moab, à repasser le Jourdain, et à tenter, tout près de l'armée de Saûl, le coup le plus audacieux : la délivrance de Céila, assiégée par les Philistins. I à encore Abiathar sauva le roi des projets hostiles de Saùl; car, ayant consulté Dieu par l'éphod sur les dispositions des habitants de Céïla, il connut qu'elles étaient mauvaises, ce qui amena David à s'enfuir dans la montagne du dé- sert de Ziph, aujourd'hui Tell-Zif, I Reg., xxm, 14-15, où Abiathar le suivit encore. Nous retrouvons ce grand prêtre à Jérusalem, lors de la translation solennelle de l'arche à Sion. Il portait le dépôt sacré avec Sadoc, grand prêtre comme lui, et quelques lévites choisis par David. I Par., xv, 11-12. A cette époque, par une exception difficile à expliquer, il y avait deux grands prêtres simultanément en fonction. Cf. II Reg., vm, 17; xv, 24, 29, 35; xix, 11 ; xx, 25; I Par., xv, 11; xvm, 16.

Abiathar était encore près de David lorsque celui-ci, pour- suivi par Absalom révolté, quitta Jérusalem. Il marchait en avant de l'arche du Seigneur, que transportaient Sadoc et les lévites, II Reg., xv, 24, dirigeant l'ordre de cette pieuse translation. Mais, arrivé au pied de la montagne des Oliviers , il fut forcé d'obéir à David , qui refusait de faire partager ses humiliations à l'arche sacrée , et rentra dans la ville , se privant cette fois de suivre son roi, pour monter une sainte garde près de l'arche du Seigneur. De Jé- rusalem, il continua à veiller avec Sadoc au salut du fugitif. C'est par eux que David, instruit des projets d'Absalom et de son conseiller Achitophel, passa de nouveau le Jourdain. Abiathar, dont la fidélité ne s'était pas démentie dans l'épreuve, trahit David aux jours de sa prospérité. Il est probable que l'autorité accordée dans la suite à son collègue Sadoc lui porta ombrage. Quand donc Adonias mécontent organisa un plan de révolte pour usurper le trône, il trouva Abiathar prêt à le soutenir. III Reg., i, 7. Sur ces entrefaites, le saint roi mourut; ce fut Salomon qui eut la mission de punir les coupables ; Adonias fut mis à mort, et Abiathar eût partagé le même sort, si un sen- timent de piété filiale, qui fait honneur à Salomon, n'eût

arrêté la sentence. Le roi se souvint qu'aux jours de ses malheurs, David avait trouvé en lui un serviteur fidèle. C'en fut assez pour mitiger la peine. Le traître fut seule- ment déchu du souverain pontificat et relégué à Anathoth, ville sacerdotale, au nord -est de Jérusalem. C'était l'ac- complissement de la malédiction prononcée naguère par Dieu sur la maison d'Héli, son aïeul. I Reg., n, 30-36; m , 10-14. Il n'est plus désormais question de ce person- nage. Par sa déchéance , le souverain pontificat fut trans- féré de la famille d'Ithamar à celle d'Éléazar, I Par., xxrv, 2-3. Cette triste fin contredit tout le reste de la vie d'Abiathar. Jusque-là il s'était montré homme d'un grand caractère, actif, intrépide, dévoué jusqu'à la mort à Dieu et à son roi. La jalousie ou quelque autre passion le perdit à l'heure où il pouvait, dans une sécurité parfaite, par- tager la gloire et la puissance de David victorieux.

Le verset 17 du chapitre vm , au second livre des Rois, présente relativement à Abiathar une difficulté : « Et Sadoc, fils d'Achitob, et Achimélech, fils d'Abiathar, étaient prêtres. » Car il est indubitable qu'à cette époque les deux grands prêtres étaient Sadoc et Abiathar. Faut -il donc voir dans ce verset une interversion de noms introduite par quelque copiste, en sorte qu'il faudrait lire (et de même aux passages parallèles I Par., xvm, 16 et xxiv, 6) : « Abia- thar, fils d' Achimélech? » Ou bien appelait-on indifférem- ment le même personnage Abiathar et Achimélech, comme on peut l'inférer d'après saint Marc, H, 25-26? Ou enfin s'agit- il réellement d'un fils d'Abiathar, qui aurait rempli les fonctions sacerdotales transitoirement en l'absence de son père ? Toutes ces hypothèses sont soutenables , sans qu'aucune d'elles donne le dernier mot de la difficulté.

P. Renard.

ABIB (hébreu : 'ablb), le premier mois de l'année hé- braïque, appelé depuis nisan. Ce mot signifie épi, Exod., ix, 31; Lev., H, 14; cf. Cant., H, 13, et il désigne, dans le Pentateuque, Exod., xm, 4; xxm, 15; xxxiv, 18; Dent., xvi, 1, le mois où le blé monte en épis. Il était de trente jours, et commençait, d'après les rabbins, a la nouvelle lune de mars. Ce fut en souvenir de la délivrance des Hébreux de la servitude d'Egypte que ce mois fut le pre- mier de l'année. Exod., xn, 2. La fête de Pâques se célé- brait le quinze d"abîb. Exod., xn, 6, 18. Voir Mois.

ABICHT Johann Georg, orientaliste et théologien alle- mand, luthérien, né le 21 mars 1672 à Konigsee, dans la principauté de Sehwarzbourg-Rudolstadt, mort à Wittem- berg le 5 juin 1740. Il fit ses études à Iéna et à Leipzig ; en 1702, il devint professeur de langues orientales dans l'université de cette dernière ville ; puis , en 1707, recteur du Gymnase et pasteur de l'église de la Sainte - Trinité à Dantzig; enfin, en 1729, surintendant général f premier professeur de théologie et pasteur de l'église de la ville de Wittemberg. Il jouit de la réputation d'un savant très versé dans la connaissance des langues orientales et de l'archéo- logie hébraïque. Son ouvrage le plus connu est sa Breeis Methodus Ungux sanclse, in-8°, Leipzig, 1718. Il eut des discussions qui firent grand bruit avec J. Franlte sur l'usage grammatical, prosodique et musical des accents hébreux, Accentus Hebrœorum, in -8°, Leipzig, 1715. Parmi ses autres nombreuses publications, on remarque ses Annotationes ad vaticinia Habacuc prophètes, i«-4», Wittemberg, 1752. Il fut un des collaborateurs des Acta eruditorum de Leipzig. Ses écrits les plus intéressants ont été insérés dans le Tliesaurus novus theologico-plrilolo- gicas dissertationum exegeticarum ex Musœo Th. Ilasœi et Conr. Ikenii, 2 in-f», Leyde, 1732. — Sur Abicht, voir E. Chr. Schroeder, Programma academicum in exequias J. G. Abichli, Wittemberg, 1740; J. W. Berger, Oratio funebris in exequiis J. G. Abichti, Wittemberg, 1740; M. Rauft, Leben Sâchsischer Gottesgelehrten , t. I, p. 1.

F. Vigouroux.

ABIDA (hébreu : 'Abîdâ' , « mon père sait ou est savant; » Septante : 'A6îi3i) , un des fils de Madian, des47

ABIDA — ABIGAÏL

48

cendant d'Abraham et de Céthura. Gen., xxv, 4 ; I Par., 1,33.

ABIDAN (hébreu: 'Abidân, « mon père est juge ; » Septante : 'AëtSâv), chef de la tribu de Benjamin, au temps de la sortie d'Egypte. Il fit ses présents, comme les autres princes d'Israël, pour la dédicace de l'autel. Num, i, 11 ; il, 22; vu, 60, 65; x, 24.

ABIEL, hébreu : 'Abiel, « mon père est Dieu ou fort; » Septante: 'Aêif[.

1. ABIEL, père de Cis, de la tribu de Benjamin, et grand-père de Saûl, I Reg., ix, 1, et d'Abner, I Reg., xiv, 51. On ne doit pas identifier Abiel avec Jéhiel ou Abi- gabaon. Celui-ci était son père. Mais Abiel est le même personnage que le premier Ner, I Par., vm, 33 et 30 (Sep- tante); I Par., ix, 36, 39. Voici la table généalogique :

Jéhiel ou Abigabaon

Abiel ou Ner

Cis Suùl

Ner Abner

2. ABIEL, le même qu'Abialbon (même signification). Voir Abialbon.

ABIÉZER, hébreu : 'Abî'ézer, « mon père est un secours. » Dans les Nombres, xxvi, 30, par contraction, Iézer; hébreu: 'Iézer; Septante : 'A6iéÇep, 'IeÇi.

1. ABIÉZER, fils aîné de Galaad, d'après Num., xxvi, 30, et Jos., xvii, 2, ou fils de la sœur de Galaad, selon le texte actuel des Paralipomènes , I Par., vu, 18. Il fut le chef d'une des plus importantes familles de la tribu de Manassé, qui semble avoir eu d'abord ses possessions à l'est du Jourdain, avant de se fixer à Éphra, où naquit Gédéon, descendant d'Abiézer. Jos., xvn, 2; Jud., vi, 11, 24, 34; vm, 2, 32.

2. ABIÉZER, d'Anathoth, de la tribu de Benjamin, était un des guerriers renommés de l'armée de David. Pendant le neuvième mois, il commandait les troupes de la garde du roi. II Reg., xxm, 27; I Par., xi, 28; xxvii, 12.

ABIGABAON (hébreu: 'Abî-gib'ôn, « père ou pos- sesseur de Gabaon ; » Septante : mxTÎjp Taêaûv ), surnom donné à Jéhiel, possesseur de Gabaon et ancêtre de Saûl , I Par., vm , 29. Voir Jéhiel et Abiel 1.

ABIGAÏL, hébreu : 'Abigayil, « mon père est joyeux ; » Septante : 'Aêiyaîa.

1. ABIQAlL, femme de Nabal, et plus tard épouse de David , à la suite de l'incident rapporté au premier livre des Rois, xxv, 3-42. Elle habitait avec Nabal à Maon, sur la lisière du désert de Pharan, vivant dans l'abondance, car son mari était fort riche en troupeaux de brebis et de chèvres, qu'il entretenait près de là, dans son domaine de Carmel, au milieu d'un pays montagneux et très fertile en pâturages. Voir Carmel 2. Ils étaient de ces Israélites, devenus rares alors, auxquels la vie agricole ne faisait pas oublier la vie pastorale de leurs ancêtres. Le carac- tère d'Abigaïl contrastait d'ailleurs étrangement avec celui de son mari. Celui-ci était un homme dur, violent, ami de la bonne chère, et facilement entraîné à l'intempé- rance. I Reg., xxv, 36. Elle, au contraire, possédait toutes les qualités d'une femme accomplie. A une rare beauté, elle joignait une grande maturité de jugement, une éton- nante décision, même dans les situations les plus déli-

cates , enfin une admirable énergie dans l'emploi des moyens. Or chaque année, à l'occasion de la tondaison des brebis, la famille de Nabal, suivant un usage uni- versel, se mettait en fête : on le savait dans le voisinage, et les propriétaires voisins , les amis , n'oubliaient pas que la fête comportait un grand festin auquel ils étaient conviés , ou bien l'envoi de présents offerts par le maître des troupeaux tohdus. Cf. H Reg., xm, 24-27. David, ayant été informé de ce qui se passait chez Nabal, crut l'occasion favorable pour faire valoir ses services rendus, le succès de ses armes contre les Arabes maraudeurs , l'efficace protection exercée sur les troupeaux de Carmel ; et il pensait obtenir facilement une part dans les largesses de Nabal, d'autant plus que le désert de Pharan fournissait si peu pour sa subsistance! Malheureusement Abigaïl était absente quand se présentèrent les envoyés de David. Elle ignorait même la démarche du royal fugitif et la réponse impertinente de son mari , quand un de ses serviteurs vint la prévenir que David , justement irrité , avait juré la ruine de Nabal, et qu'il se préparait à l'heure même à marcher sur lui avec tous ses gens. I Reg., xxv, 14. Prudente autant qu'elle était ferme, Abigaïl trouve à l'ins- tant le remède au mal. Elle fait apporter deux cents pains, emplir de vin deux outres , cuire cinq moutons ; elle y joint cinq boisseaux de farine d'orge , cent ligatures de raisin et deux cents gâteaux de figues : tout cela est des- tiné à David, dont le ressentiment, pense-t-elle, s'apaisera en face de cette libéralité. C'était, en effet, une offrande considérable. Siba crut se montrer très généreux envers David en lui offrant plus tard une outre de vin, II Reg., xvi, 1; Abigaïl en offre deux, et elles étaient sans doute de grande capacité , comme celles qu'on apprêtait avec la peau entière d'un bouc; cf. Gen., xxi, 14; Jos., ix, 4, 13; Jud., iv, 19 (voir Outre); cf. Fillion, Atlas archéolog,, p. 10 et pi. xv. Les cinq boisseaux (se'yîm) de farine d'orge (hébreu : qâli, « blé grillé, » I Reg., xxv, 18; cf. xvii, 17) représentaient une quantité notable, carie se'dh était le tiers de Véphâh, et contenait environ treize litres. Les Septante ont traduit cinq éphah, peut-être parce que les cinq se'îm paraissaient trop peu. Le présent ap- pelé ligatures de raisin (hébreu : simmuqîm) se compo- sait de raisins desséchés, pressés, et mis en masses ou gâ- teaux. C'étaient un des meilleure produits de la contrée, car les alentours d'Hébron étaient plantés de vignes pro- duisant un raisin excellent.

Précédée de ses serviteurs et suivie de ce convoi, Abi- gaïl, à l'insu de Nabal, se dirigea vers la retraite de David, qui était, d'après l'hébreu et la Vulgate, le désert de Pha- ran ; d'après les Septante, le désert de Maon. I Reg., xxv, 1. Cette divergence peut se résoudre par la proximité de la partie septentrionale du désert de Pharan avec la partie méridionale de celui de Maon , au sud de Juda. Voir Maon , Pharan. Elle rencontra David au pied de la montagne (hébreu: beséfer hâhâr, « dans la cachette de la mon- tagne»), probablement dans une retraite formée par une dépression de terrain, et, selon la coutume des Orientaux, descendant de sa monture, elle se prosterna deux fois en inclinant la tête jusqu'à terre. Elle se félicita bientôt du parti qu'elle avait pris de venir au-devant de lui; car David , après s'être répandu en reproches contre Nabal , I'écouta sans l'interrompre. Le discours d'Abigaïl est aussi habile qu'élevé. I Reg., xxv, 24-31. Bien qu'elle n'ait été pour rien dans la réponse insolente de Nabal, elle prend sur elle-même toute la faute, et cependant elle se pré- sente avec confiance , car elle vient envoyée par Jéhovah pour empêcher David de commettre un crime, et lui offrir des présents qu'elle appelle du nom sacré de bénédiction, I Reg., xxv, 27 ( hébreu : berâkâh, qui a le sens de présent offert avec bienveillance, benedicendo ei cui offertur, ou de celui de choses résultant de la bénédiction de Dieu ; Sep- tante : rjloyfcxv; cf. Gen., xxm,ll ; II Cor., IX, 5). Après quoi elle se concilie, sans flatterie, l'esprit du héros irrité, en affirmant de lui, ce qu'elle a sans doute appris de Samuel 49

ABIGAÏL

ou d'un autre prophète, à savoir qu'il est l'élu, le pro- tégé de Jéhovah; que sa gloire sera grande; qu'il con- sommera la ruine de ses ennemis, et enfin qu'il devien- dra le chef (hébreu : nâgid, prœstans , eximius, dux) d'Israël. Il faut signaler, dans la péroraison de ce discours, la belle image du ^.29. S'il s'élevait jamais quelqu'un qui cherchât à tuer David : « Que votre vie, dit Abigaïl, par la protection de Dieu, soit liée dans le faisceau des vivants ! » Cette expression : « soit liée dans le faisceau des vivants, » demeure encore aujourd'hui la conclusion de toutes les épitaphes qu'on lit sur les tombeaux des Juifs, en Orient; avec cette seule différence qu'on l'écrit en abrégé, avec les initiales n. i. s. a. n., f. n. s. b. h., comme chez les chrétiens : R. I. P. Voir Fillion , Essais d'exé- gèse, p. 296. Le faisceau des vivants désigne en général la société des bons : dans la bouche d'Abigaïl , c'est cette société encore sur la terre ; dans les épitaphes, c'est cette société dans le ciel. Il faut aussi remarquer l'image expres- sive par laquelle Abigaïl représente l'instabilité et la ruine des ennemis de David : « Ils seront comme une pierre tour- noyant dans la cavité d'une fronde. » I Reg., xxv, 29.

David, apaisé par ce discours, reconnaît et admire l'ac- tion divine qui, par le moyen de cette messagère, l'em- pêche de répandre le sang. Les présents offerts et accep- tés , l'épouse de Nabal revient à Maon, où elle trouve son farouche mari en pleine orgie, et dans un tel état d'ivresse, qu'elle ne peut l'entretenir de ce qu'elle vient de faire. Elle le lui déclare le lendemain; mais, soit par l'effet de son intempérance, soit par l'impression du danger qu'il a couru, Nabal demeure inerte et insensible ; il est frappé d'apoplexie et meurt dix jours après. C'est alors que David, encore sous le charme des brillantes qualités d'Abigaïl, la fait demander en mariage. Avec une affectation tout orientale, celle-ci répond qu'elle n'a d'autre ambition que 1 de remplir les plus bas offices près de son seigneur. Fort honorée en réalité, elle accepte la proposition, se lève, et , montée sur un âne , elle suit , avec cinq jeunes filles qui l'accompagnent, les messagers chargés de la conduire vers son nouvel époux.

Ce gracieux épisode se passait vers 1055 avant J.-C, d'après la chronologie ordinaire. Il met en relief le carac- tère sage , doux et ferme d'Abigaïl , et fait de cette femme la véritable héroïne d'un petit drame où l'action de Dieu apparaît toujours dominant les démarches des hommes et conduisant leur cœur. Les interprètes ont vu, dans Abigaïl épousant David après la mort de son premier mari, l'image de l'Église des gentils recevant pour époux Jésus-Christ après la ruine du paganisme ; ou encore l'image de la très sainte Vierge, professant qu'elle ne veut être que la ser- vante du Seigneur, comme Abigaïl professait elle-même ne vouloir être que la très humble servante de David.

P. Renard.

2. ABlGAlL, sœur de David et de Sarvia. La Bible ne la mentionne que comme un élément généalogique. II Reg., xvii, 25 (hébreu: 'Abigal); I Par., n, 16-17. Elle était fille d'Isaï, d'après I Par., u, 13, 16; de Naas, d'après II Reg., xvii, 25; difficulté communément résolue par l'identification de Naas avec Isaï. Quelques interprètes ce- pendant regardent Naas comme un nom de femme, et en font la mère d'Abigaïl. Elle avait par son père huit frères, I Reg., xvi, 5-11, bien que l'auteur des Paralipoménes ,

I Par., u, 13-15, n'en mentionne que sept, peut-être parce que le huitième n'eut pas de descendants. Voir Isaï. L'un d'eux était David, qui serait frère utérin d'Abi- gaïl , si l'on fait de Naas un nom féminin et si l'on refuse d'identifier ce personnage avec Isaï. Abigaïl épousa Jétra,

II Reg., xvii, 25; I Par., n, 17; voir Jétra, dont elle eut un fils, Amasa, celui qui prit parti pour Absalom contre David, II Reg., xvii, 25, et devint chef de l'armée des révoltés. P. Renard.

3. abigaïl, femme d'Abisur. I Par., u, 29. Dans l'hé- ireu , on lit 'Abiluiyil. Voir Abihaïl 9.

ABILA ABIHAÏEL. Voir Abihaïl 1.

50

ABIHAÏL, hébreu : 'Abîhâyîl, « mon père est puis- sant; n Septante: 'Aêr/aiX

1. ABIHAÏL (Vulgate : Abihaïel), père de Suriel, qui, au temps de Moïse , était chef de la famille lévitique de Mérari. Num., m, 35.

2. ABIHaIl, femme d'Abisur. I Par., n, 29. (Quelques manuscrits hébreux ont 'Abîhâyil avec un hé au lieu d'un heth; Septante : 'Aerçaîa). Dans la Vulgate, on lit Abigaïl. Voir Abigaïl 3.

3. ABIHAlL, fils de Huri, de la tribu de Gad. I Par., v, 14.

4. ABIHAÏL , fille, ou plutôt petite-fille d'Éliab, frère aine de David. Elle épousa Roboam, roi de Juda. II Par., xi, 18.

5. ABIHAÏL, père d'Esther et frère de Mardochée. Esth., n, 15; ix, 29.

ABILA , ville capitale de la tétrarchie des Lysanias. Elle est à six heures de marche environ de Damas, â onze

5. — Monnaie d'un Lysanias d'Abilène.

Tête diadémée de Lysanias, tournée a droite. — fy Fallas debout, tenant la Victoire de la main droite, la main gauche appuyée sur un bouclier. AYEANlOY [TExpdpxou] KAI APX1EPEIJS. « De Lysanias [tétrarque] et grand prêtre. »

heures de Baalbek. Ptolémée l'appelle 'A6îXa Awxavîou, V, xv, 22. Elle tirait probablement son nom de la ferti- lité de son sol, si ce nom vient du mot sémitique 'âbêl, « prairie, plaine verdoyante. » Située sur le versant oriental de l'Anti- Liban, dans un district arrosé par les eaux du Barada (voir Abana) , elle était traversée par une des routes qui se dirigeaient de Damas vers la mer Méditerranée. On y arrive aujourd'hui, par le sud, en se rendant de Damas à Baalbek. Après avoir franchi une gorge étroite , on voit s'étaler devant soi un vallon qui s'étend en longueur du sud au nord. Là il est fermé de nouveau par un étroit passage où coule le Barada, dans un lit qui n'a pas plus d'une cinquantaine de mètres de largeur, entre deux murs de rochers â pic, hauts de deux cents à deux cent cinquante mètres, sur une longueur d'environ cent quatre-vingts mètres. Voir le plan, fig. 6.

C'est au milieu de ce vallon qu'a fleuri jadis la capitale de l'Abilène. Elle est devenue aujourd'hui le petit village de Souq-Ouadi-Barada (Foire de l'ouadi Barada). Sa situa- tion est très pittoresque. Il s'élève sur la rive droite de la rivière, au milieu de jardins. Les inscriptions qu'on y a trouvées attestent que c'est là le site de l'ancienne Abila. Dans l'une d'elles, qui a trait à la partie de la voie romaine taillée dans le roc vif, dont on voit encore les restes au nord de Souq, il est dit des empereurs Marc-Aurèle et L. Verus : « Viam fluminis vi abruptam interciso monte restituerunt... impendiis Abilenorum.il Le nom d' Abila ne s'est même pas tout à fait perdu. Au sud -ouest de Souq, sur la montagne , on voit un tombeau qui porte encore le nom de Kabr-Abil. Une fausse interprétation de ce nom en a fait le tombeau d'Abel, fils d'Adam. Abila occupait une plus grande étendue que le village actuel : elle s'éten- dait plus loin au nord et à l'est sur la rive gauche, comme l'attestent la route antique, un aqueduc, des tombeaux, des ruines de temple, etc. 51

ABILA — ABÎME

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La ville d'Abila n'est point mentionnée dans l'Écriture, mais elle donne son nom à l'Abilène, dont parle saint Luc, m, 1. Cet évangéliste est d'ailleurs le premier qui ait mentionné le nom de ce pays. Pendant les premiers siècles de l'ère chrétienne, Abila fut le siège d'un évêché dépendant du patriarcat d'Antioche. Un de ses titulaires, appelé Jourdain, assista au concile de Chalcédoine en 451 ; un autre , Alexandre , est nommé sous l'empereur Justin ,

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6. — Abila.

en 518. Les Sarrasins prirent et saccagèrent la ville en 634, i-n mettant à profit une foire annuelle, qui avait réuni en ce lieu, où il y avait un monastère célèbre, un grand nombre de marchands chrétiens, d'où le nom de Souq ( ou foire)-Ouadi-Barada, qui lui a été donné depuis. Voir E. Robinson, Later Biblical Researches in Palestine, •1856, p. 478-484; J. L. Porter, Five years in Damascus, 2 in-8», Londres, ia55, t. i, p. 262-273; Id., The Rivers of Damascus, dans le Journal of sacred Literature, juillet 1853, new séries, t. IV, p. 248-255; Ebers- et Guthe, Palàstina in Bild und Wort, 2in-f t ', Stuttgart, 1883, t. i, p. 456-460; Furrer, Die antiken Stâdte und Ortschaften im Libanongebiete , dans la Zeitschrift des deutschen Palàstina - Vereins , année 1885, t. vin, p. 40; E. Schûrer, Geschichte des jïidischen Volkes, 2 e édit., 1. 1, part, h, Leipzig, 1890, p. 600-604.

Il existait dans la Décapole, à l'est du lac de Tibériade, une autre ville du nom d'Abila, qui a été quelquefois con- fondue i tort avec celle de l'Anti- Liban. Voir Décapole.

F. Vigouroux.

ABILÈNE ('A6i)u)v^, Luc, m, 1), tétrarchie dont Abila était la capitale. Voir Abila. On ne peut déterminer exac- tement quelle était l'étendue de territoire qu'embrassait cette tétrarchie et ses limites géographiques. Elles varièrent d'ailleurs sous les différents princes qui la gouvernèrent. L'Abilène comprenait sans doute le district du haut Ba- rada, au-dessus d'Abila, et s'étendait peut-être au sud jusqu'à l'Uermon. Elle devait, en tout cas, renfermer à l'ouest le versant oriental de l'extrémité méridionale de

l'Anti -Liban, et une partie des riches vallées arrosées par le Barada. C'est un pays fertile, bien boisé, arrosé par de nombreuses sources et abondant en pâturages. Autant le versant occidental de l'Anti -Liban est aride et désolé, autant, en général, le versant opposé est riche et ver- doyant. Pour ce qu'on connaît de l'histoire de l'Abilène, voir Lysanias. F. Vigouroux.

ABIMAËL (hébreu : 'Abimâ'êl, « mon père est force, » ou « père de Maël » ; Septante : 'AëipiaéX ), descendant de Jectan. Gen., x, 28; I Par., i, 22. On le considère géné- ralement comme le père d'une des tribus arabes du sud. Bochart croit que cette tribu est celle des Mali ou des Minéens. Le nom d'Abimaël , en arabe , serait Aboumaïl ou Aboumàl , ce que l'on peut interpréter par « père de Mali ou des Malites ». Mali est le nom d'une tribu de la péninsule arabique, mentionnée par Théophraste, Historia plantarum, IX, 4. Cette tribu parait être la même que celle des Minéens, dont parlent Ëratosthène dans Strabon, xvi, p. 1112, et Denis Périégète (édit. Bernhardy, vers 956-959, p. 288), par l'effet de la permutation de l et de n. Ptolémée, VI, vu, nomme aussi des Manites ( Mctvfatt) dans le voisinage des Minéens. Cf. Bochart, Phaleg , n, 24, Opéra, Liège, 1692, t. i, col. 127-128. Dans les environs de la Mecque, il y avait une localité appelée Mani. Aboul- féda, Arabia, édit. Gagnier, p. 3, 42. Cf. Michaelis, Spi- cilegium, t. n, p. 179 et suiv. F. Vigouroux.

ABIME. Mot par lequel nous rendons en français le terme latin de la Vulgate abyssus. Abyssus n'est lui-même que le mot grec c<6v<t<to; latinisé, lequel, d'après l'éty- mologie commune , est composé de l'a privatif et de 0v<too< = puôôî, « fond, » et signifie, par conséquent, « sans fond. » Les auteurs profanes, à l'exception de Diogène Laerce, IV, v, 27, ne l'emploient jamais comme substantif, mais toujours comme adjectif. Les Septante et les écri- vains du Nouveau Testament s'en sont servis comme d'un substantif, d'où le substantif abyssus de notre Vulgate. Par la traduction latine des Livres Saints, le mot abyssus est devenu familier à tous les Pères et écrivains ecclésias- tiques de l'Église latine; mais il était inconnu aux auteurs classiques et on ne le rencontre jamais dans leurs écrits.

Le mot « abîme » a , dans l'Ancien et dans le Nouveau Testament, deux sens très différents. 1° Dans l'Ancien Testament, il est la traduction du mot hébreu mnn, (etiôm, qui désigne les eaux primitives, Gen., i, 2; Ps. cm (hébreu, civ), 6, et la mer, Gen., vu, II; vm, 2; Exod., xv, 5, 8; Job, xxvm, 14; xxxvm, 16, 30; xli, 23 (24); Ps. xxxv (xxxvi), 7; lxxvi (lxxvii), 17; cv (cvi), 9; cxxxiv (cxxxv), 6; Eccli., i, 2; xm, 18; Is., li, 10; lxiii, 13; Ezech., xxvi, 19; xxxi, 15; Amos, vu, 4; Jonas, n, 6; Hab., m, 4, etc. Par extension, (ehôm, abyssus, signifie les eaux souterraines, considérées comme une mer invisible, qui alimente les sources et les fleuves, Gen., xlix, 25; Deut., xxxm, 13; Ps. xli (xlii), 8; Ezech., xxxi, 4. En hébreu, le mot (ehôm est principalement employé dans des passages poétiques, et correspond, dans le parallélisme synonymique, au mot yâm, « mer, » ou rnaïm, « eaux. » Job, xxvm, 14; Ps. lxxvi (lxxvii), 17, etc. C'est certainement une expression archaïque, qui était tombée en désuétude dans la langue vulgaire; mais comme dans tous les temps la poésie a aimé les archaïsmes , les poètes hébreux empruntèrent le mot (ehôm à la Genèse. Il a disparu de toutes les autres langues sémitiques connues avant ce siècle : de là la difficulté qu'avaient les lexico- graphes à en expliquer l'origine. La découverte et le déchif- frement de la langue assyrienne ont éclairci ce terme mys- térieux. 11 est resté constamment en usage dans cette der- nière langue, pour signifier la mer, sous la forme tihamtu (correspondant au (ehômôf hébraïque). Nabuchodonosor dit, par exemple, dans l'inscription de Londres : istu lihâmti 'aliti adi tihdmti sâpliti, « depuis la mer supérieure jusqu'à la mer inférieure. » Cuneiform Inscriptions of Western 53

ABlME — ABIMÉLECH

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Ami, t. I, pi. 53, col. H, lig. 15-16. Dans tous les pas- sages de l'Ancien Testament, le mot (ehôm, « abîme, » a aussi le sens de mer, ou un sens figuré qui en dérive. Dans le livre de la Sagesse, x, 19, où la Vulgate traduit i"àëu<T<roc du texte original par inferi, le mot grec signifie également mer, et désigne la mer Rouge.

2° Dans le Nouveau Testament, le mot abîme (a6u(7(ro;) n'a jamais la signification de mer et d'amas d'eau ; il a toujours celle de séjour des morts. Les Grecs considéraient le séjour des morts comme un lieu sans fond (raptôpou S6u<7(7a "/âffiiOTO , dit Euripide, Phœn., 1632); Dipgène Laerce appelle , IV, v, 27, Hêvaaov le « noir royaume de Pluton ». C'est de là qu'a dû venir le sens que les écri- vains du Nouveau Testament ont attribué à ce mot. Saint Paul, Rom., x, 7, s'en sert pour désigner les limbes où les âmes justes attendaient l'arrivée du Messie. Saint Luc, . vin, 31, et saint Jean, Apoc, ix, 1, 2, 11; xi, 7; xvn, 8; xx, 1,3, qui sont, avec saint Paul, les seuls écrivains du Nouveau Testament qui aient employé ce terme , le pren- nent toujours eu mauvaise part, pour signifier le lieu où sont tourmentés les démons, l'enfer. Le substantif âSri;, traduit ordinairement dans la Vulgate par « enfer » , est à peu près synonyme d'aâumroî dans le Nouveau Testa- ment ; l'un et l'autre correspondent au mot hébreu Vmw , Se'ôl, qui désigne, dans la partie hébraïque de l'Ancien Testament, « la demeure des morts. » Voir Se'ôl, Rades.

F. Vigouroux.

ABIMÉLECH, hébreu: 'AUmélek, « mon père est roi; » Septante: 'A6i(iiXex-

1. ABIMÉLECH est le nom, sinon de tous les rois de Gérare, comme on le croit généralement, du moins de deux princes de ce pays. Le premier était contemporain d'Abraham. Quand le nomade patriarche vint sur ses terres, Sara , sa femme , qui passait pour sa sœur ( voir Abraham ) , fut enlevée par ordre d'Abimélech. Dieu, en songe, le menaça de mort s'il la traitait comme son épouse. Le roi ignorait que Sara était mariée ; il n'était donc pas coupable. Son excuse fut agréée par Dieu, qui d'ailleurs, connais- sant sa bonne foi, l'avait empêché par une maladie de commettre le crime. Le Seigneur l'assura que, dès que Sara serait rendue à son mari , les prières d'Abraham obtiendraient la guérison d'Abimélech, tandis que la mort le frapperait, s'il la retenait auprès de lui.

Le roi, se levant de nuit, suivant la Vulgate; de grand matin, d'après le texte hébraïque, raconta à ses courti- sans rassemblés par ses ordres le songe de la nuit. Tous furent remplis d'effroi. Abimélech, faisant venir Abraham, lui reprocha sa dissimulation , qui avait failli attirer sur lui et sur son royaume les vengeances divines, et se plaignit de la défiance qu'il lui avait témoignée. La justification d'Abraham fit cesser heureusement le malentendu. Plus noble et plus généreux que le pharaon dans une circon- stance analogue, le roi de Gérare combla de présents Abraham et son épouse, et au lieu de les obliger comme lui à quitter son royaume, il leur laissa la liberté de s'é- tablir à leur gré sur ses terres. A la prière d'Abraham, Dieu, selon sa promesse, guérit Abimélech et ses femmes de la maladie qu'il leur avait infligée à cause de Sara, et qui les avait rendues stériles. Gen., xx.

Dans tout cet épisode, Abimélech apparaît comme un roi connaissant et craignant le vrai Dieu, aimant la justice et ayant le crime en horreur. Son caractère religieux, noble et loyal, se manifeste dans d'autres relations qu'il eut avec Abraham. A l'époque où Agar et Ismaël venaient d'être renvoyés de la maison d'Abraham, il vint avec Phicol, le chef de son armée, proposer au patriarche de contracter alliance. Il a reconnu que Dieu est avec Abra- ham en toutes ses entreprises, lui dit -il; il demande en conséquence, sous la foi inviolable du serment, d'être traité, lui et sa postérité, avec la bienveillance qu'il a mon- trée précédemment envers son hôte. Ses serviteurs s'étaient emparés d'un puits creusé par les soins d'Abraham. Avant

de jurer l'alliance, le patriarche se plaint de cette injus- tice. Abimélech l'ignorait, Abraham n'ayant pas réclamé ; dès la première réclamation, son droit est reconnu. Ce point litigieux réglé, Abraham offre des présents, et l'al- liance est conclue. Pour confirmer ses droits sur le puits contesté , Abraham donna encore sept brebis, et Abimélech s'en retourna avec Phicol, qui l'avait accompagné. Gen., xxi, 22-33. Voir Phicol. E. Mangenot.

2. ABIMÉLECH , autre roi de Gérare du même nom. Il vit pendant une famine Isaac arriver sur ses terres, Gen., xxvi, 1. Serait-ce le roi que connut Abraham? Non. Quatre- vingts ans séparent lés événements, et la différence des caractères dénote des personnages distincts. Tous deux craignent Dieu, il est vrai; mais les sentiments du second sont moins délicats, il témoigne à Isaac moins de bien- veillance et moins de générosité que son prédécesseur à Abraham. La ressemblance des noms ne saurait faire une difficulté. Le nom d'Abimélech à Gérare, comme celui de Pharaon en Egypte, pouvait n'être qu'un titre, selon l'opinion commune, qui s'appuie sur la signification même du mot Abimélech , « mon père est roi. » Cette dénomi- nation est très convenable pour un prince, qui doit être le père de ses sujets en même temps que leur roi. Mais même en admettant qu'Abimélech est un nom propre, il n'y a rien d'extraordinaire à ce que deux rois de la même dynastie portent le même nom ; le fait est au contraire très commun , et les listes royales de divers peuples nous offrent des noms semblables, comme les Ramsès en Egypte, les Salmanasar en Assyrie, etc.

A l'exemple de son père et pour le même motif, Isaac fit passer Rébecca, sa femme, pour sa sœur. Son séjour au pays de Gérare durait depuis quelque temps déjà , quand, d'une fenêtre, Abimélech aperçut Isaac usant en- vers Rébecca d'une familiarité qu'un frère ne se permet pas à l'égard de sa sœur. Après avoir reproché au pa- triarche sa dissimulation , qui exposait les habitants de la contrée à se rendre coupables d'un grand crime, il défendit sous peine de mort d'attenter à son honneur et à celui de sa femme.

Isaac, tranquille désormais dans ce royaume, s'y livra à l'agriculture. La bénédiction divine faisant prospérer toutes ses entreprises, il acquit de grands biens. Les habi- tants en devinrent jaloux, et, cédant au ressentiment, comblèrent de terre les puits qu'Abraham avait creusés dans leur pays. Abimélech enjoignit à Isaac de quitter ses terres; il redoutait sa puissance. Retiré dans une vallée, Isaac se vit contrarié encore par les pasteurs, à l'occasion de nouveaux puits ouverts par ses serviteurs. Gen., xxvi, 6-22.

Retourné enfin à Bersabée, il y reçut la visite d'Abi- mélech, accompagné de Phicol, son chef d'armée (voir Phicol), et d'Ochozath, son conseiller. Le roi, regrettant d'avoir renvoyé un homme comblé des faveurs divines t sollicitait de lui une alliance confirmée par un serment. Le patriarche fit un festin , et après que des serments réci- proques eurent scellé le pacte, il congédia ses visiteurs. Gen., xxvi, 26-33.

Ces trois événements ressemblent sensiblement aux épi- sodes qui signalèrent les relations d'Abraham avec le pre- mier Abimélech. Les rationalistes en ont conclu que la Genèse relatait sous des noms divers deux récits des mêmes faits. Les différences toutefois sont trop grandes pour con- venir à une unique série de faits diversement racontés. Étant donnés la persistance des mœurs et le retour des mêmes situations, des événements analogues ont. pu faci- lement survenir dans le même pays, à des époques rap- prochées et dans des circonstances différentes.

E. Mangenot.

3. ABIMÉLECH. Fils de Gédéon et d'une concubine ou femme de second rang, dont la Bible ne nous donne pas le nom. Josèphe l'appelle Apoû[ia;. Ant. jud., V, vil, 1. Abimélech était le soixante-onzième (d'après quelques 55

ABIMÉLECH

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exégètes, le soixante -dixième) des fils de Gédéon, Jud., vin, 30, 31; cf. ix, 5, et était né à Sichem. Lorsqu'à la mort de son père il vit que sa qualité de fils d'une concu- bine l'empêchait de participer à la succession , son ambi- tion lui fît concevoir un projet aussi cruel qu'audacieux : il rêva de devenir roi d'Israël. Peut-être la modestie de son père , refusant naguère l'établissement de la royauté dans sa descendance, Jud., vm, 22, 23, avait-elle été pour lui l'occasion de ce désir. Depuis la mort de Gédéon, ce désir se transforma en une volonté arrêtée , au service de laquelle l'ambitieux mit les plus sauvages passions. Calom- nier tous ses frères, pour les faire tous disparaître et pou- voir régner sans rival, tel fut son plan. Il s'en alla à Sichem, le pays de sa mère, où il comptait trouver des appuis pour l'exécuter. Là, en effet, il rencontra des oncles maternels qui l'écoutèrent, et se firent volontiers ses émissaires pour former un parti. Par leur intermédiaire, la haine des fils de Gédéon fut soufflée au cœur des Sichémites. On ré- pandit le bruit que ces soixante-dix étrangers allaient se partager le pays et le réduire en une insupportable servi- tude. Ne vaudrait -il pas mieux pour Israël le gouverne- ment d'un seul homme, choisi dans leurs rangs, connais- sant leurs besoins et tout dévoué à leurs intérêts? Cet homme, ce compatriote (os vestrum et caro vestra, Jud.. ix, 2), c'est Abimélech. Le succès était facile. A quelle famille ne plairait-il pas de voir quelqu'un de son sang, de son esprit, de sa religion, au pouvoir suprême? D'après Stanley, Jewish Church, 1. 1, p. 353, le parti d' Abimélech se serait étendu au point de constituer une véritable ligue entre Sichem et les cités voisines, comme Thébès et Aru- mah, qui plus tard, et sans doute pour les mêmes motifs, suivirent Sichem dans la révolte. L'enthousiasme était tel, qu'on n'hésita pas, pour couvrir les frais du complot, à en- lever du trésor du temple une somme de soixante-dix sicles {deux cents francs environ), qui y était en dépôt. Jud., IX , 4. Ce temple était dédié à Baal, le dieu Soleil, divinité que les Sichémites s'étaient choisie, au mépris de Jéhovah. Jud., vm, 33. La Vulgate a reproduit ici, Jud., ix, 4, les deux mots hébreux Ba'al berif, les unissant en un seul nom propre, tandis qu'au chapitre précédent, elle les sépare et en donne la traduction: « le Baal de l'alliance, » Jud., vm, 33, ainsi nommé sans doute parce que, par une sorte de parodie du culte de Jéhovah, les Sichémites contractaient alliance avec lui. Hengstenberg, Beitrâge zur Einleitung ins Aile Testament, Berlin, 1839, t. ni, p. 98.

Quant à la provenance de ce trésor, on pense qu'il avait une double origine : il se composait des biens propres du temple et de ceux des particuliers qui, pour plus de sé- curité, y déposaient leur argent, cf. II Mac, m, 10-11, de même qu'on voyait les personnes s'y réfugier. Plus d'une fois, dans l'histoire du peuple juif, le trésor du temple sera employé pour des menées politiques, comme dans cette circonstance, III Reg., xv, 18; IV Reg., xviii, 15-16. H est à noter que le nombre de sicles enlevés et mis à la disposition de l'aventurier est égal à celui de ses frères. On dirait que la tête de chacun d'eux est payée à l'avance avec cet argent. Celte somme , toute mi- nime qu'elle est, suffit à soudoyer quelques vagabonds avides de butin et d'aventures. A leur tète, Abimélech marcha sur Éphra , sous quelque prétexte parvint à réunir ses frères, et, aidé de ses sicaires, il les fit tous mourir. Ce fut une exécution en règle : l'un après l'autre et sur la même pierre, Jud., ix, 5, ils furent massacrés. Le texte dit que les soixante-dix frères périrent, parce que tel était le nombre de ceux qu'Abimélech voulait tuer; en réalité, soixante -neuf seulement succombèrent: le dernier s'é- chappa et survécut, pour assister plus tard à la ruine de son persécuteur.

Abimélech, se croyant seul maître, se fit proclamer roi (mélék), comme il l'avait rêvé. C'était la première fois qu'un chef des Hébreux osait prendre ce titre. L'investiture royale conserva d'ailleurs la simplicité de l'époque patriarcale. On se rendit à un chêne ou térébinthe voisin de Sichem.

L'hébreu 'êlôn mûsâb, que la Vulgate rend par quercum quai stabat, est traduit par plusieurs exégètes: « près du chêne du poste de Sichem, » parce que dans Isaïe, xxix, 3, le mot mûsâb désigne un poste militaire. D'autres voient dans mûsâb (participe passif hophal) un objet qui a été et demeure dressé, une sorte de monument, et traduisent : « près du chêne du monument. » Quoi qu'il en soit, c'est là que le meurtrier de ses frères fut acclamé roi par les habitants de Sichem et ceux de la maison de Mello (Bêt Mille"; Septante: Otxoç Br)6|iaaX«i). Cette expression est obscure: peut-être désigne-t-elle la tour dont il est ques- tion plus loin, y. 46-49, car le mot Millô' est dérivé de mâlâ', qui est employé dans la Bible dans le sens de château fort, citadelle. Voir Mello. 11 est possible qu'a- près son élection, Abimélech ait reçu l'onction royale, à laquelle Joatham semble faire allusion, f. 8. Avec le titre de roi, Abimélech inaugura un essai d'administration, dont le premier fonctionnaire fut Zébul, gouverneur de Sichem. Il y eut aussi un commencement d'organisation militaire et financière, toutes choses nouvelles en Israël. Pour le nouveau roi, il s'en alla vraisemblablement ré- sider dans l'héritage paternel , à Éphra , d'où nous le ver- rons plus tard se mettre en marche sur Sichem.

Le plan d'Abimélech était réalisé et son ambition satis- faite, lorsque s'éleva une protestation. Elle venait de Joatham, le fils de Gédéon échappé comme par miracle au massacre. Ce fut pour le tyran une cruelle surprise, quand on lui annonça que, sur l'un des contreforts du Garizim les plus proches de Sichem, Joatham s'était mon- tré vivant; qu'il avait, sous forme d'apologue, excité les Sichémites à la révolte, comparant Abimélech leur roi à un buisson d'où sortirait bientôt un feu qui dévorerait tous ses sujets; enfin que le peuple avait écouté ce dis- cours sans protester. Jud., ix, 7-20. Non seulement il ne protestait pas ; il commençait à porter avec peine le joug qu'Abimélech faisait peser sur lui. Cruel envers ses sujets comme il l'avait été envers ses frères, il régnait (l'hébreu porte ici sârah, « dominer, » au lieu de mâlak, « régner ») depuis trois ans sur Sichem et une partie de la Palestine, lorsque la révolte éclata. La Bible dit sans restriction que sa domination s'étendait sur Israël, jh 22; mais il faut manifestement entendre cette expression dans un sens restreint, puisque Béra, qui était en Palestine, n'était pas soumise à son autorité, jt. 21. C'est de Sichem, sa capi- tale, la ville de son élection, que partit le mouvement insurrectionnel , mouvement dirigé par la main de Dieu , qui, à cette heure de ses justices, permettait à l'esprit mauvais de souffler la discorde et la rébellion jusqu'à amener ceux qui naguère avaient acclamé l'assassin de ses frères à lui reprocher cette exécution comme un crime abominable. Abimélech n'était pas à Sichem quand s'ourdit le complot , mais il devait y venir prochainement, et voici ce qu'on avait résolu. Les Sichémites se porteraient en armes sur les hauteurs voisines et se cacheraient en em- buscade dans les retraites de l'Ébal et du Garizim. Ils l'at- tendraient, se jetteraient sur lui au passage, et Israël serait délivré. Cette poignée d'hommes trouva un chef dans un inconnu nommé Gaal , fils d'Obed , qui , plus violent que les autres, porta à son comble l'exaspération des Sichémites contre Abimélech, y . 26-27. C'était l'époque des vendanges. Il est indubitable que le dévastant les vignes de la Vulgate, Jud., ix, 27, est fautif, et doit se traduire littéralement par « ils vendangeaient les vignes » ; car le verbe basâr, que saint Jérôme rend par dévastant, désigne partout ailleurs dans la Bible l'action de vendanger. Lev., xxv, 5, 11 ; Deut., xxiv, 24. De même, l'expression foulant le raisin n'indique point le pillage des vignes, mais l'action d'exprimer le vin en foulant le raisin ; c'est le sens obvie du verbe dârak. Cf. Jer., xxv, 30. Josèphe affirme explicitement que les Sichémites étaient alors occupés à la vendange. Ant.jud., V, vu, 3. C'est d'ailleurs le sens des Septante.

Or, après la vendange, de même qu'après la moisson, les Juifs avaient l'habitude de faire une sorte de fête religieuse, 57

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consistant en sacrifices, repas, danses, cantiques de réjouis- sance et d'actions jde grâces. Ce sont ces chants que la Vul- gate désigne au y. 27, et qu'on a peine à expliquer, si l'on entend la première partie du verset dans le sens de dévastation. Le mot hébreu hillûlîm, qui désigne ces chants, vient de hâllal, « louer, » et n'est employé qu'une seule fois ailleurs, Lev., xix, 24, où il signifie les offrandes des nouveaux fruits de la quatrième année de la plantation des arbres. Ces chœurs de vendangeurs retentissaient du cri répété mille fois : Hêdâd ! hêdâd ! dont parle Jérémie, xxv, 30. C'est au milieu de ces réjouissances que Gaal arriva, produisant contre Abimélech ses excitations sauvages.

Un seul groupe d'hommes refusait de s'associer à cette révolution : c'était le parti des fonctionnaires et de tous ceux qui devaient leur position au nouveau roi. A leur tète était le gouverneur de la ville, Zébul. C'est lui qui secrètement fit avertir le tyran de ce qui se tramait, lui envoyant en même temps un plan ainsi conçu : Abimélech devait se rapprocher de Sichem, où Gaal et les siens ve- naient de rentrer, puis se dissimuler dans les montagnes, diviser sa troupe en quatre compagnies, chacune placée en embuscade et prête à se rallier aux autres pour fondre sur Gaal, quand il sortirait de Sichem. Ce plan était habi- lement dressé; mais Abimélech, emporté peut-être par sa fureur, ne sut pas assez dissimuler sa marche, si bien que Gaal , sondant du regard l'horizon en franchissant la porte de Sichem, découvrit ses bataillons. En vain Zébul voulut lui donner le change, affirmant que c'était l'ombre des montagnes et non le rideau noir des troupes ennemies ; l'armée d' Abimélech était dépistée, Gaal suivait même de l'oeil un détachement qui s'engageait dans un sentier, en face d'un chêne isolé (hébreu : « dans le chemin du Té- rébinthe des magiciens, » y. 37). Le moment était dé- cisif; Gaal, s'armant de courage, lança son armée sur celle d'Abimélech , qui , supérieure en nombre , força les Sichémites à reculer et à se renfermer dans leurs murs. Ce n'était pas une victoire ; Abimélech le sentit et se retira à Ruma (hébreu : 'Arûmâh), prêt à profiter de la pre- mière occasion. Elle se présenta le lendemain même. Se croyant en sécurité , les Sichémites étaient sortis pour aller à leurs travaux champêtres; ce fut le moment que choisit Abimélech pour se venger. Divisée en trois troupes et cachée par des plis de terrain, son armée, à un signal donné, se jeta sur les travailleurs et en fit un horrible massacre. Deux des trois bataillons poursuivirent ensuite ceux qui fuyaient dans la campagne, tandis que le troisième vînt assiéger la ville , sous le commandement d'Abimé- lech, jlr. 43-41. Le siège dura un jour, et se termina par la prise de la ville, qui par ordre du vainqueur fut rasée, et l'emplacement semé de sel, symbole de perpétuelle stéri- lité. Deut., xxix, 23; Is., xvii, 6. Restait la citadelle : c'était peut-être une dépendance du temple de Raal (le sens du mot serîah n'est pas bien déterminé), lieu très fortifié, dans lequel s'étaient réfugiés les survivants. Contre eux, Abimélech se livra à une vengeance sauvage. Accompagné de ses soldats , il alla sur le mont Selmon , voisin de Si- chem, celui dont il est question Ps. lxvii, 15, et tous re- vinrent chargés de branches d'arbres, qu'ils entassèrent en un immense bûcher autour de la citadelle. Abimélech y fit mettre le feu, et tous ceux qu'elle renfermait périrent asphyxiés ou brûlés. De là le vainqueur marcha surThébès (peut-être Toubas, au nord-est de Sichem; voir Thébès), dont les habitants s'étaient associés à la révolte. Il y avait là, comme à Sichem et dans toutes les villes fortes , une tour qui servait de citadelle aux assiégés. Quand la ville fut prise, les habitants s'y réfugièrent, et de la plate-forme ils se dé- fendaient en désespérés. A cette dernière étape de ses vic- toires, Abimélech devait trouver le châtiment de ses crimes. Vadlant autant qu'il était cruel, il s'était approché jusqu'au pied de là tour, et il essayait d'y mettre le feu. A ce mo- ment, une femme, saisissant un morceau d'une meule de moulin à bras (hébreu : pélah rékeb; mot à mot, « le fragment [de meule] courant, » c'est-à-dire le morceau

de la meule mobile qui se trouve à la partie supérieure des moulins à bras, lapis vector; cf. Deut., xxiv, 6; II Reg., xi , 21 ) , le lança sur les assiégeants. Le tyran fut atteint et eut le crâne fracassé. Il allait mourir, quand la pensée d'avoir été tué de la main d'une femme vint révolter sa fierté. Appeler son écuyer et lui ordonner de le trans- percer de son glaive fut le dernier acte de cet homme extra- ordinaire , dont la vaillance eût produit de grandes choses , si elle n'avait toujours été au service de son ambition.

P. Renard.

4. ABIMÉLECH , nom donné dans le texte hébreu, I Par., xvm, 16, à un fils d'Abiathar, grand prêtre. C'est une erreur de transcription pour Achimélech ('Ahlmélek), comme le prouvent plusieurs manuscrits, lesversions (Sep- tante, syriaq., chald., Vulg., arab.) et les lieux parallèles, II Reg., vin, 17; I Par., xxiv, 3, 6, 31. Voir Achimélech 1.

5. ABIMÉLECH, nom attribué, dans le titre du psaume xxxiii, à un roi philistin, appelé ailleurs Achis, I Reg., xxi, 10-14. Quelques manuscrits hébreux et certaines éditions de la Vulgate portent Achimélech, qui doit se décomposer peut-être en Achis mélech, « le roi Achis. »

ABINA (ou Rabina, abréviation de Rabbi Abina, selon une coutume de l'époque talmudique) fut le disciple de R. Aschi dans l'importante école de Sora, sur les bords de l'Euphrate. Il fut un de ses collaborateurs dans la com- pilation de la Ghemara ou Talmud de Rabylone. On croit même qu'il l'acheva et fut le dernier des Amôraïm ou inter- prètes de la Mischna. Il mourut vers l'an 490. Voir Talmud.

ABINADAB, hébreu : 'Abînâdâb , « mon père est généreux; » Septante: 'Atuva&iê.

1. ABINADAB, lévite de Cariathiarim , dans la maison duquel l'arche reposa vingt ans. I Reg., vu, 1; II Reg., vi, 3, 4; I Par., xin, 7.

2. ABINADAB, second fils d'Isaï et frère de David. Il suivit Saul dans sa campagne contre les Philistins. I Reg., xvi, 8; xvii, 13; I Par., h, 13.

3. ABINADAB, un des fils de Saùl , tué à la bataille de Gelboé. I Reg., xxxi, 2; I Par., vin, 33; ix, 39; x, 2.

4. ABINADAB, père d'un des douze officiers chargés de la table du roi Salomon, III Reg., iv, 11.

ABINOEM (hébreu : 'Abinô'am, « mon père est agréable; » Septante: 'ASiveéy.) , père de Barac, delà tribu de Nephtali. Jud., iv, 6, 12; v, 1 , 12.

ABIRAM (hébreu : 'Abîràm, « mon père est élevé; » Septante : 'Aêsipiiv ) , fils aîné d'Hiel, de Béthel. Il mourut lorsque son père, voulant rebâtir Jéricho, malgré la ma- lédiction de Josué, en jeta les fondements. III Reg., xvi, 34; Jos., vi, 26.

ABIRON (hébreu : 'Abîrâm; Septante : 'Aësipâv), fils d'Éliab, de la tribu de Ruben. Il se joignit à Coré et à Dathan dans la sédition qu'ils excitèrent contre Moïse et Aaron , au sujet de la souveraine sacrificature. La terre s'ouvrit pour engloutir tous les conjurés. Voir Coré, Num., XVI, 1, 12, 24-27; Deut., xi,'6; Ps. cv, 17; Eccli., xlv, 22.

ABISAG (hébreu: 'AbUag, signification inconnue; Septante : 'A6i<riiy ) , jeune fille originaire de Sunem ou Sunam (aujourd'hui Solam ou Sulem), petite ville de la tribu d'Issachar, au pied du Petit Hermon. Voir Sunam. La beauté de cette jeune Israélite la fit choisir pour être la compagne de David dans sa vieillesse. III Reg., I, 3. Ce prince devait alors avoir soixante -dix ans; les travaux 59

ABISAG — ABISUR

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excessifs de sa laborieuse carrière l'avaient épuisé , et malgré tous les expédients ses membres demeuraient gla- cés. C'est alors que ses serviteurs (ses médecins, d'après Josèphe, Ant. jud., VII, xiv, 3) lui donnèrent un conseil qui aujourd'hui peut nous paraître singulier, mais qu'il faut juger d'après le degré de civilisation, les mœurs et les usages reçus au temps de David. Abisag fut donc trouvée, entre toutes les filles d'Israël, la plus capable d'assister le vieux roi, de le servir, et de lui rendre, en partageant sa couche, la'chaleur naturelle qui l'avait aban- donné. Cf. Cornélius a Lapide , in hune locum. La jeune vierge fut amenée à Jérusalem et donnée à David en qua- lité d'épouse de second rang, condition normale et exempte de tout caractère criminel, étant donnée la tolérance de la loi divine à l'égard de la polygamie à cette époque. Le roi l'accepta comme telle ( saint Jérôme, Théodoret, Angelomé et presque tous les exégètes, contre Tostat et quelques autres), et si, en recevant d'elle les services dont il avait besoin, il respecta son intégrité, cette réserve elle-même, toute à la louange de David , insinue qu'il aurait pu légi- timement agir d'une autre manière. Abisag demeura près de lui jusqu'à sa mort, et fut ensuite recherchée en ma- riage par Adonias, le quatrième des fils de David, III Reg., il, 17-25; cette demande cachait une menée politique contre Salomon ; car épouser les femmes d'un roi défunt , c'était affirmer qu'on avait droit à sa succession. Adonias, déjà éconduit une première fois, revenait à ses desseins et voulait trouver en Abisag un moyen dissimulé d'arriver à la royauté. Mais Salomon comprit la fraude, et répondit à Adonias en le faisant mettre à mort, P. Renard.

ABISAÏ, hébreu: 'Abîèaï ( 'Abiaï, I Par., n, 17, etc., « mon père est un don ; » Septante : 'Aéeroi, 'Agirai, etc.), fils de Sarvia, sœur de David. Quoique neveu de ce prince, il était presque du même âge ; car son oncle n'avait qu'en- viron vingt-huit ans quand lui-même nous est présenté pour la première fois par l'écrivain sacré comme un soldat déjà aguerri, I Reg., xxvi, 6. Sa parenté avec David, son dévouement à la personne de son oncle et sa rare bra- voure firent de lui un personnage important. L'historien sacré le compte parmi « les vaillants d'Israël » ; s'il n'arriva pas à être un des trois premiers, il fut du moins le chef et le plus renommé des trois seconds; dans une circons- tance, il tua trois cents ennemis. II Reg., xxm, 18-19; I Par., xi, 20-21.

Il s'était attaché de bonne heure à la fortune de David, et nous le voyons auprès de lui dès le temps de la persécution de Saûl. C'est à cette époque que remonte le premier trait de courage de ce héros dont l'Écriture nous ait conservé le récit. Saûl était venu, à la tête de trois mille hommes, traquer David dans le désert de Ziph. Le proscrit résolut d'aller la nuit jusqu'au roi endormi au milieu de son camp d'Hachila. « Qui vient avec moi? dit -il à Abisaï et à l'Héthéen Achimélech. — Moi! » répondit Abisaï, tandis qu'Achiméiech gardait le silence. A la faveur des ténèbres et du 'sommeil où tout le monde était plongé, l'oncle et le neveu pénétrèrent dans le camp jusqu'à la tente royale. Abisaï proposa de profiter de l'occasion pour en finir d'un seul coup avec Saûl , en le perçant de sa lance ; mais David, qui ne prétendait que prouver une seconde fois, et. I Reg., xxiv, à son persécuteur sa modération et sa loyauté, l'en empêcha, et lui ordonna d'enlever seulement au roi sa coupe et la lance qu'il avait plantée en terre à côté de sa tête. I Reg., xxvi, 1-12. Ce ne fut pas la seule fois que David dut modérer le zèle d' Abisaï contre ses ennemis : s'il ne l'eût arrêté, à l'époque de la révolte d'Absalom , Séméi , partisan du rebelle, aurait payé de sa tête ses injures contre le roi. II Reg., xvi , 9-10; xix, 21-22. Ce dévouement, qu'Attisai poussa trop loin dans ces cir- constances , il en donna à David une preuve éclatante dans une autre occasion. Pendant une guerre contre les Phi- listins , il lui sauva la vie au moment où , fatigué par un long combat, il allait succomber sous les coups formi-

dables du géant Jesbibenob, qui avait à sa lance un fer du poids de plus de huit livres ; Abisaï s'élança sur le Philistin et le tua. II Reg., xxi, 15-17.

Avec cette générosité et cette bravoure, Abisaï possédait d'autres qualités qui le rendaient digne du commande- ment ; il l'exerça de bonne heure, et presque toujours sous les ordres de Joab , son frère. Ils mirent ensemble en dé- route les troupes d'Abner au combat de Gabaon. II Reg., il, 24. Voir AbnerI. Il souilla malheureusement la gloire qui lui revenait dans cette victoire en se faisant le com- plice de Joab, lorsque celui-ci assassina Abner pour venger Asaël , leur plus jeune frère, tué par le général d'Isboseth à cette journée de Gabaon. Ce fut Joab qui donna le coup mortel, mais en présence et avec l'assentiment d 'Abisaï, auquel l'Écriture attribue l'attentat aussi bien qu'à son frère. II Reg., m, 30.

Abisaï joua un rôle considérable dans les diverses guerres qu'entreprit David devenu roi de tout Israël. Nous voyons le frère de Joab paraître en particulier avec honneur dans deux expéditions importantes. Il défit d'abord les Idu- méens, auxquels il tua dix -huit mille hommes dans la vallée des Salines, et il établit des garnisons dans le pays pour en assurer la possession au roi d'Israël. I Par., xviii, 12-13. David était sans doute présent à cette bataille, et c'est pourquoi on lui en attribue ailleurs le succès. II Reg., vin, 13. Plus tard, dans une autre guerre dirigée contre les Ammonites ligués avec les Syriens, Joab attaqua ces derniers, et laissa à Abisaï le soin de combattre les pre- miers. Des deux côtés l'ennemi fut mis en fuite, et chacun des deux frères remporta une victoire complète. II Reg., x, 9-14; IPar., xix, 11-15.

La révolte d'Absalom trouva Abisaï toujours fidèle à David. Il reçut le commandement de l'un des trois corps d'armée formés à cette occasion. Conjointement avec Joab et Éthaï, il battit et dispersa l'armée du rebelle, II Reg., xviii, 2; mais il ne prit aucune part à sa mort, et n'en- courut pas par conséquent comme Joab , qui avait tué ce prince , la disgrâce de David. Au contraire, lorsque Amasa, à qui le roi avait promis la succession de Joab, tarda d'ar- river avec les forces destinées à réprimer la sédition de Séba, c'est lui que son oncle mit à la tête des troupes dis- ponibles pour aller étouffer sans retard cette révolte nais- sante. II Reg., xx, 6. Il fut ainsi investi du commandement suprême. Il y en a cependant qui regardent comme invrai- semblable que les soldats de Joab, expressément nommés au f. 7, aient consenti à marcher sous un autre chef, et que lui-même ait fait partie de cette expédition sous les ordres de son frère. Ils pensent donc que, conformément à la version syriaque et au récit de Josèphe , David confia le commandement, non à Abisaï , mais à Joab. Il est cer- tain du moins qu' Abisaï coopéra à la défaite de Séba. II Reg., xx, 10.

A partir de ce moment, la Bible ne nous apprend plus rien de ce héros. Par son généreux dévouement et son inviolable fidélité, par sa force, sa vaillance et son audace intrépide, Abisaï avait été l'un des plus dignes compagnons et des plus remarquables auxiliaires de David.

E. Palis.

ABISUÉ, hébreu : 'Abîhï'a, « mon père sauve » ou « est le salut ».

t. ABISUÉ (Septante : 'ASsoaovl), fils de Balé, le fils aîné de Benjamin. I Par., vm, 4.

2. ABISUÉ (Septante : 'Aêtcro-j, 'Aëtaoué), fils de Phi- nées , le grand prêtre ; il succéda à son père et fut le qua- trième grand pontife des Hébreux. I Par., vi, 4, 5, 50. Il est mentionné parmi les ancêtres d'Esdras. I Esdr., vu , 5.

ABISUR (hébreu : 'AbUûr, « mon père est un rem- part, une défense; » Septante : 'A6t<Toûp), second fils de Séméi, de la tribu de Juda; il épousa Abigaïl (hébreu: •Abihâytt). I Par., n, 28, 29. Voir Abigaïl 3. 61

ABITAL — ABNER

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ABITAL (hébreu.: 'Abîtâl, « mon père est la rosée; » Septante : 'A6ixdtX), sixième femme de David et mère de Saphatias, cinquième fils du roi-prophète. II Reg., in, 4; I Par., m, 3.

ABITOB (hébreu : 'AWtûb, « mon père est bon; » Sep- tante : 'AêitûX ) , Benjamite, fils de Saharaim et de Husim, lune de ses femmes. I Par., vin, 8, 11. (La Vulgate porte, au verset 11, Mehusim; mais, dans l'hébreu, mêfyusïm signifie de JJusim.)

ABIU ( hébreu : 'A bihû ', « mon père est Jéhovah ; » Sep- tante : 'ABtoûS), fils d'Aaron et d'Elisabeth, Exod., VI, 23, frère de Nadab, d'Éléazar et d'Ithamar. Il fut admis, sur l'ordre de Dieu, à l'honneur de monter sur le Sinaï avec Moïse, Aaron son père, Nadab son frère, et les soixante- dix notables ou anciens. Exod., xxiv, 1, 9. Il participa avec ses frères aux cérémonies de l'institution du sacerdoce lévitique , et avec eux il assista Aaron dans l'oblation des premiers sacrifices, Lev.,vm, ix: toutes choses qui eussent fait de cette fête un jour de joie parfaite , si la fin n'avait été attristée par la mort violente de deux de ces prêtres , Abiu lui-même et son frère Nadab. Par quelle faute en- coururent-ils la colère de Dieu? Après de longues et sa- vantes discussions sur ce sujet, la lumière n'est pas encore faite. Le texte dit seulement qu'Abiu, avec son frère, offrit au Seigneur, dans la cassolette à encens, un feu étranger et prohibé. Lev., x, 1. L'archéologie biblique ne nous fournit aucune donnée pour préciser avec certitude cette expression vague. Suffirait -il, pour l'expliquer, de dire que l'encens jeté sur les charbons ardents avait été pré- paré d'une manière différente de celle que Dieu avait pres- crite? Exod., xxx, 34-38. Selon cette interprétation, les mots « feu étranger » ne devraient pas s'entendre dans le sens propre. Le feu désignerait un sacrifice, et l'épithète étranger signifierait que ce sacrifice aurait été offert d'une manière irrégulière. Keil , Commentât ùber die Bûcher Moses, in h. I. D'autres cherchent la faute dans l'heure à laquelle cet encens était offert, Dieu ayant déterminé pour l'oblation des parfums deux moments de la journée , le matin et le soir. Exod., xxx, 7-8. Knobel, in h. I. Malheureusement cette supposition ne repose sur aucun fondement. Il faut en dire autant de celle qui voit le délit dans l'état d'impureté ou d'ivresse où se seraient alors trouvés Abiu et Nadab. D'après l'interprétation la plus généralement adoptée et la plus vraisemblable, Abiu et son frère, voulant sans doute rendre grâces à Dieu de leur élévation au sacerdoce, au lieu de prendre du feu sur l'autel des holocaustes, avaient été le chercher dans un foyer profane. A cette explication, qui est celle de tous les anciens commentateurs et de la plupart des modernes, on objecte que l'ordre de se servir d'un feu pris à l'autel des holocaustes n'avait pas encore été formulé, et que, même lorsqu'il le fut , il ne concerna que le sacrifice des parfums, offert dans le grand jour de l'expiation annuelle, où le grand prêtre entrait dans le Saint des saints. Lev., xvi, 12. Cette difficulté est facilement soluble , si l'on re- marque que tous les sacrifices de même nature s'offraient d'après les mêmes rites, et que sans doute la mention spéciale exprimée à l'occasion de la grande expiation n'est que l'application d'une loi générale faite à un cas parti- culier.

Quoi qu'il en soit, Abiu reçut, ainsi que son frère, le châtiment de sa transgression. Un feu sortit « du Sei- gneur», c'est-à-dire probablement du Saint des saints, et foudroya les coupables, sans consumer ni leurs corps, ni même leurs vêtements ; ils tombèrent à l'endroit même où ils offraient l'encens étranger, sans doute à l'entrée du tabernacle. Lev., x, 2. En présence de cette mort fou- droyante, Aaron se tut, révérant dans sa douleur l'inexo- rable justice de Jéhovah, tandis que Moïse, sur l'ordre de Dieu, expliquait ce terrible châtiment, et justifiait la colère du Dieu trois fois saint. Misaël et Ëlisaphan, parents

d'Abiu et de Nadab, prirent les cadavres dans l'état où la mort les avait frappés , encore vêtus de leurs tuniques de lin , et les jetèrent hors du lieu saint. 11 fut permis aux Israélites de pleurer sur eux et de leur faire des funérailles. Pour les prêtres, que leurs fonctions attachaient plus étroi- tement â la cause de Dieu, il leur fut interdit et de porter le deuil et d'assister à la sépulture des victimes, ce qui aurait paru une sorte de désapprobation de la conduite de Dieu. Abiu et son frère ont été souvent présentés, parles auteurs spirituels, comme des exemples capables d'inspirer aux prêtres de la loi nouvelle un grand respect de leurs fonctions et une crainte salutaire dans l'exercice du culte divin. P. Renard.

ABIUD, hébreu : 'Abîhûd, « mon père est honneur ou gloire; » Septante: 'A6toû6.

1. ABIUD, fils de Balé et petit -fils de Benjamin. I Par., vin, 3.

2. ABIUD (Nouveau Testament: 'A6io0£), fils de Zoro- babel, dans la généalogie de Notre -Seigneur par saint Matthieu, i, 13.

ABLUTION. Voir Purification.

ABNER, hébreu : 'Abnêr et 'Abînêr, « mon père est la lumière, ou père de la lumière; » on lit 'Abînêr I Sam. (I Reg.), xiv, 50, dans le texte original; partout ailleurs 'Abnêr; Septante : 'Aâswrçp.

1. ABNER, fils de Ner, de la tribu de Benjamin, gé- néral en chef de l'armée de Saùl. 11 est le premier à qui ce titre ait été donné dans la monarchie juive, parce qu'il n'y eut pas d'armée proprement dite chez les Israélites avant Saùl. Voir ARMÉE. Ce prince, qui fut un roi soldat, organisa une armée régulière permanente de trois mille hommes, I Reg., xiii, 2; elle servit de noyau au reste de ses troupes, et lui permit d'entreprendre désormais des guerres offen- sives. Il en confia le commandement à son cousin Abner, le plus brave parmi les guerriers qu'il s'était choisis pour lutter avec succès contre les Philistins. I Reg., xiv, 50, 52; xvii, 55; xxvi, 15. Cependant il resta lui-même le véritable chef de son armée dans toutes les guerres qu'il soutint ou entreprit ; nous ne voyons jamais Abner conduire une expédition en l'absence du roi, comme plus tard Joab le fit plusieurs fois sous David.

Le rôle du général fut donc assez effacé tant que vécut Saùl ; l'historien sacré ne raconte de lui, pendant cette période , aucun fait important. Il nous apprend seulement qu'il était , en sa qualité de général en chef, le commensal de Saùl avec Jonathas et David, et il nous le montre à côté du roi dans deux circonstances : d'abord le jour du combat de David contre Goliath, dans la vallée du Térébinthe, I Reg., xvu, 55-57; ensuite lorsque, au désert de Ziph, il s'endormit aussi profondément que les autres, et ne s'aperçut pas que David , accompagné d'Abisaï , enlevait à Saùl sa coupe, avec la lance qu'il avait plantée en terre tout près de sa tête. I Reg., xxvi.

Après la mort de Saùl et de son fils Jonathas à la ba- taille de Gelboé, I Reg., xxxi, 6, Abner exerça effective- ment ses fonctions de général et devint le véritable chef, non seulement de l'année, mais encore de l'État. Tandis que David recevait pour la seconde fois l'onction sainte à Hébron et y était proclamé roi par la tribu de Juda , Abner emmenait Isboseth , quatrième fils de Saùl , à Ma- hanaïm, II Reg., H, 8, selon l'hébreu, ville située au delà du Jourdain, non loin du gué du Jaboc. Voir Mahanaïji. Là, à l'abri des attaques des Philistins, il fit reconnaître la royauté de ce prince d'abord dans tout le pays à l'est du Jourdain, et ensuite, successivement, dans les diverses contrées à l'ouest du fleuve, sauf le territoire de la tribu de Juda. 63

ABNER

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Benjamite comme Saûl et son proche parent, puisqu'ils étaient fils de deux frères, Abner fut-il inspiré en cette circonstance par l'esprit de famille et de tribu? Céda-t-il à l'ambition? Ou bien pensa-t-il simplement servir la cause de la justice et défendre les droits d'Isboseth ? C'est ce qu'on ne saurait décider avec certitude. Il semble qu'il pouvait de bonne foi proclamer roi Isboseth, quoique le droit de David à la couronne fût établi par le fait de l'onction royale, que Samuel lui avait conférée sur l'ordre de Dieu même, I Reg., xvi, 1-13; car cette consécration était restée secrète. On n'avait pu faire , touchant la future royauté de David , que des conjectures fondées sur sa vertu, sa bravoure, sa popularité toujours croissante. Une prophétie de Samuel annonçant à Saûl, avant même le choix divin de David , que Dieu lui ôterait la couronne pour la donner à un autre meilleur que lui, I Reg., xv, 28, devait corroborer ces conjectures. Elles étaient devenues pour Jonathas une certitude vers la fin du règne de son père, et cependant il ne connaissait pas l'onction royale de David, ou du moins il ne lui en parla pas. I Reg., xxiv, 21. Abner pouvait donc l'ignorer lui-même au mo- ment de la mort de Saûl, bien qu'il paraisse l'avoir connue plus tard, II Reg., III, 9-10, 18, et voir par conséquent dans Isboseth le légitime successeur de son père. La dé- termination qu'il prit d'établir la royauté de ce prince, et l'habileté qu'il déploya pour l'affermir et l'étendre, retar- dèrent de sept ans et demi l'union de tous les Israélites sous le sceptre de David. II Reg., h, 11.

Cette durée du schisme ainsi précisée est assez difficile à concilier avec ce qui est dit, II Reg., n, 10, qu'Isboseth régna deux ans sur Israël; les commentateurs donnent de ce passage diverses explications, qui laissent toutes la question indécise. Voir Isboseth. Ils ne trouvent pas moins de difficulté pour suppléer à la sobriété du récit biblique relatif aux événements de cette période, surtout en ce qui regarde David, qui parait s'être renfermé vis-à-vis du royaume du nord dans une politique d'expectative et de paix armée. Abner l'en fit sortir en quittant Mahanaïm et en franchissant le Jourdain, sans doute dans le dessein d'étendre plus avant vers le sud la puissance d'Isboseth. II Reg., n, 12. Joab, général de David, accourut dHébron et vint à sa rencontre. Les deux armées se trouvèrent en présence à Gabaon, l'El-Djib moderne, à deux lieues au nord -ouest de Jérusalem, près d'une vaste piscine, Jer., xli , 12 , représentée vraisemblablement de nos jours par la source d'Ain el-Djib. Elles étaient campées en face l'une de l'autre, des deux côtés de la piscine, lorsque Abner proposa un combat singulier entre quelques hommes des deux camps; Joab accepta. Plusieurs, s'appuyant sur le verbe « jouer » , dont se sert Abner, II Reg., H, 14, ont pensé qu'il n'avait en vue qu'une sorte de divertissement militaire, pour montrer la bravoure de ses soldats; sa proposition mériterait certainement, dans ce cas, le blâme que lui infligent beaucoup de commentateurs, quoiqu'il ne faille pas juger trop sévèrement d'après nos idées et nos mœurs les faits de ces temps anciens, et les actes d'hommes qui faisaient métier de se battre. Cependant on croit plus communément, d'après l'ensemble du récit, qu' Abner proposa de substituer un combat de quelques champions à une bataille générale, soit qu'il voulût épar- gner le sang de ses soldats, soit que, comme certains in- terprètes l'ont conjecturé, voyant l'infériorité de ses troupes, il eût dessein de sauver ainsi son honneur, en ne se reti- rant pas sans avoir au moins donné cette preuve de courage.

Si telles furent ses intentions, l'événement ne répondit pas à son attente. Douze hommes de Benjamin et douze de ceux de David s'avancèrent. Usant tous de la même tactique , chaque combattant saisit d'une main son adver- saire à la tète , et de l'autre lui enfonça son épée dans les flancs ; ils s'entretuèrent tous en un instant. Le texte hébreu permettrait bien à la rigueur de soutenir que les douze Benjamites furent seuls tués; mais ce sens n'a été

adopté que par de rares interprètes, et l'on admet géné- ralement que les choses se passèrent comme le dit la Vul- gate. Les soldats des deux armées se précipitèrent aussitôt en avant, et la mêlée devint générale. Après un rude combat, les soldats d'Abner cédèrent; lui-même fut entraîné dans la déroute. L'agile Asaël, le plus jeune des frères de Joab, s'élança à sa poursuite. Abner, se sentant serré de près, se retourna par deux fois, et engagea le jeune guerrier à le laisser pour en attaquer d'autres, et à ne pas le con- traindre de le tuer. Il montra assurément de la modération en cette circonstance, et l'on a avec juste raison loué sa générosité. Mais il avait encore un autre motif de ne point tuer Asaël, c'est celui qu'il lui déclare lui-même. II Reg., il, 22. Il savait que Joab, dont il connaissait le caractère vindicatif, ne manquerait pas de se constituer « le vengeur du sang» de son frère, Gen., xxxiv, 30; Num., xxxv, 19; II Reg., xiv, 7, 11, selon une coutume en vigueur en Orient, et qui existait même en Grèce, tempérée par la compo- sition ou rachat, comme l'attestent les plaidoyers de Dé- mosthène contre Panténète, 58-59, et contre Théocriue, 28. Voir, dans Y Iliade, la description du bouclier d'Achille, xvm, 497 et suiv., et le discours d'Ajax, ix, 629 et suiv. C'est pourquoi , aujourd'hui encore , les Arabes évitent tant qu'ils peuvent de tuer personne dans leurs razzias, de peur de s'attirer d'inévitables représailles. C'est cette crainte surtout qui retenait Abner, et la suite du récit fait voir combien elle était fondée. II Reg., m, 27. Cependant le jeune homme avançant toujours, il lui enfonça dans le ventre la hampe de sa lance, et, l'ayant étendu mort à ses pieds, il reprit sa course.

Il put enfin, au coucher du soleil, rallier les siens sui un monticule, et faire volte-face à l'ennemi. Élevant alors la voix, il reprocha à Joab cette poursuite sans merci de ceux qui étaient ses frères par la religion et par le sang, et lui représenta qu'il n'était pas prudent de pousser à bout un ennemi et de le réduire au désespoir. « Vive le Sei- gneur! lui répondit Joab; si tu avais parlé ce matin, le peuple aurait cessé de poursuivre son frère. » II Reg., Il, 27. D'après l'hébreu, la réponse de Joab aurait été: «Si tu n'avais pas parlé ce matin, » etc., c'est-à-dire si tu ne nous avais pas provoqués. Joab semble dire que les deux armées se seraient retirées sans combattre, ce qui s'accorderait assez avec la modération de David dans sa lutte contre Isboseth. Joab sonna donc de la trompette et arrêta la poursuite. Il n'avait perdu que dix-neuf hommes, non com- pris Asaël , tandis que l'on compta trois cent soixante morte du côté d'Abner.

Le récit de ce combat est suivi de ces simples paroles ; « Il y eut donc entre la maison de David et celle de Saûl une longue lutte, au cours de laquelle David progressait et se fortifiait sans cesse, tandis que la maison de Saûl allait s'affaiblissant de jour en jour. » II Reg., m, 1. Cette décadence de la maison de Saûl se fit sans doute par des moyens politiques plus que par les armes, car la Bible ne mentionne aucune bataille depuis celle de Gabaon. Abner dut se détacher peu à peu d'une cause qui perdait tous les jours du terrain, jusqu'à ce qu'enfin Isboseth lui-même lui fournit l'occasion de s'en séparer tout à fait et de l'aban- donner. Il lui reprocha d'avoir épousé (c'est d'une union légitime que les commentateurs croient généralement qu'il s'agit) une femme de second rang de Saûl, Respha, qui avait survécu à ce prince. Voir Respha. D'après les idées de l'Orient, c'était faire acte de prétendant, le roi seul ayant le droit d'épouser les femmes du roi défunt. Grotius, in h. t.; cf. II Reg., xvi, 21 ; III Reg. , n, 22, et les faits, rapportés par Hérodote, m, 68, et Manéthon, dans Jo- sèphe, Cont. Apkm., I, xv. Voir Absalom et Adonias. On ne dit pas qu'Abner ait nié le fait , mais il regarda ce reproche comme un outrage qu'un homme de son rang ne devait pas souffrir; il rappela à Isboseth, en termes durs et humiliants , qu'il lui était redevable de la couronne et de la liberté même, et lui jura qu'il allait le punir de sou ingratitude en travaillant à ruiner sa cause et à faire 65

ABNER — ABNËT

6G

régner David sur tout Israël. Le faible prince, qui avait peur de lui, se tut; mais cet humble silence ne désarma pas la colère d'Abner : il se mit incontinent en devoir d'ac- complir son serment.

Il envoya secrètement des émissaires à David pour lui demander de faire amitié avec lui, s'engageant de son côté à le soutenir et à lui rallier tout Israël. David ne pouvait qu'accepter une telle proposition ; il y mit cependant une condition : c'est qu'Abner, en venant traiter cette affaire , lui ramènerait Michol , fille de Saûl , qui était toujours sa femme légitime , I Reg., xvm, 27, quoique le roi son père l'eût fait épouser à Phaltiel de Gallim, après sa rupture défi- nitive avec David. I Reg., xxv, 44. Rien de plus naturel que ce désir de David de rentrer en possession d'une épouse qui lui avait d'ailleurs témoigné tant d'affection et de dé- vouement, I Reg., xix, 11-17, et dont il avait si chèrement aeheté la main, I Reg., xvm, 20-28; mais il est permis de supposer que la politique fut pour quelque chose dans l'empressement qu'il mit à la rappeler : la présence de la fille de Saûl devait contribuer à lui rendre favorables beaucoup de partisans d'Isboseth, surtout parmi les Benja- mites , et son voyage à Hébron servirait d'ailleurs de pré- texte à celui d'Abner. Il la demanda directement à Isboseth, à qui son titre de frère et de roi donnait autorité sur elle; le secret de ses négociations avec Abner exigeait du reste que celui -^i ne parût pas dans une affaire qui était à l'avantage de David. Il y en a cependant qui pensent qu'Abner n'agit pas secrètement, et qu'il prépara ouver- tement et au grand jour l'exécution de la menace faite à Isboseth. Le secret fut du moins gardé à Hébron, car Joab ignora tout jusqu'à la fin. II Reg., m, 23.

Abner se chargea d'aller prendre Michol à Gallim, et de la conduire à Hébron avec une escorte de vingt hommes. A Bahurim (voir ce mot), il renvoya Phaltiel, qui l'avait suivie jusque-là en pleurant. Arrivé à Hébron, il acheva l'œuvre commencée par ses émissaires en concluant avec David le traité qui faisait le véritable objet de son voyage. II Reg., m, 19. Il avait eu soin de préparer avant son départ les esprits des anciens d'Israël, et en particulier de ceux de Benjamin ; il leur avait rappelé les souhaits qu'ils formaient eux-mêmes depuis longtemps pour l'avènement de David, III Reg., m, 17-19; la seule chose qui restait à faire était donc de s'entendre définitivement avec le roi sur les conditions de la paix et sur les moyens à prendre pour la réunion des deux royaumes. II Reg., m, 21.

Quand tout fut réglé, Abner quitta Hébron. Mais en ce même temps Joab y rentrait, de retour d'une expédition heureuse. On lui apprit l'accueil honorable que David avait fait au chef de l'armée d'Isboseth et l'amitié qu'il lui avait témoignée. Il courut aussitôt chez le roi pour lui reprocher d'avoir laissé repartir Abner, qu'il lui représenta comme un fourbe, venu pour reconnaître de près l'état de ses affaires, afin de pouvoir lui nuire plus sûrement; puis il sortit, et ayant, à l'insu de David, envoyé prier Abner, déjà parvenu à la citerne de Sira (voir ce mot), de revenir sur ses pas, Abner rentra sans défiance à Hébron. Alors Joab, feignant d'avoir à lui parler en secret, l'attira au milieu d'une porte de la ville, et l'assassina sous les yeux et avec la complicité de son frère Abisaï. Il vengeait ainsi la mort de son autre frère Asaël, II Reg., m, 27, qu'Abner avait tué au combat de Gabaon; mais Joab ne pouvait ignorer qu'Abner n'avait frappé Asaël qu'à son corps dé- fendant, et qu'il n'y avait donc pas lieu de venger cette mort. Du reste, les paroles qu'il venait d'adresser à David, et son ambition, qui le poussa plus tard à frapper Amasa de la même manière, II Reg., xx, 8-10, donnent lieu de penser que le désir de venger son frère ne fut pas le seul mobile de ce meurtre, et que l'ambition y eut une bonne part. Abner était pour lui un rival redoutable, destiné à prendre la première place dans le nouveau royaume : David ne laisserait pas assurément au second rang celui qui, sous le nom d'Isboseth, avait été plus roi que général, Û Reg., in, 6, et dont il venait de recevoir un royaume OICT. DE LA BIBLE.

sans avoir à répandre une goutte de sang. Le roi tenait d'ailleurs Abner en très haute estime, et le considérait comme le premier entre les vaillants de Saûl. I Reg., xxvi, 15; cf. II Reg., m, 38.

David protesta publiquement et à diverses reprises contre cet attentat, afin que chacun sût qu'il n'en était complice d'aucune manière. Il fit faire à Abnei des funérailles so- lennelles, et obligea Joab de porter le deuil de sa victime et de marcher devant son cercueil ; lui - même venait à la suite. Il pleura sur sa tombe avec tout le peuple, célébra dans une courte élégie la vaillance d'Abner, et manifesta son regret de ce que son pouvoir était encore trop peu affermi pour lui permettre de punir le meurtrier : « Qu'à celui qui a fait le mal, ajouta-t-il, le Seigneur rende selon sa malice. » II Reg., m , 39. C'était une sorte de menace qui ne devait pas rester sans effet. De longues années plus tard, David, se sentant près de sa fin, recommanda à Sa- lomon de ne pas épargner le fils de Sarvia, comme il avait été obligé de le faire lui-même, et bientôt Joab expiait par une mort violente sa complicité dans les menées ambi- tieuses d'Adonias , en même temps que le meurtre d'Amasa et celui d'Abner. III Reg., h, 5-6, 32-34.

Les qualités d'Abner justifiaient la douleur que sa mort causa à David, l'estime que le roi avait toujours eue pour lui et les louanges qu'il lui donna en diverses circons- tances. Loyal, confiant, généreux, il savait, comme soldat, allier le sang-froid avec le courage, et une grande mo- dération avec le sentiment de sa force et de sa valeur. Comme homme d'État, il fit preuve d'habileté, d'esprit de suite, de persévérance pour étendre peu à peu les fron- tières du royaume d'Isboseth. Il venait de donner, quand il mourut , une dernière preuve de ses talents diplomatiques dans ses négociations avec David. Mais malheureusement il ternit tant de belles qualités par l'ambition , qui lui fit continuer, sinon commencer un schisme national, afin de régner sous le nom d'Isboseth. S'il put, en effet, re- garder d'abord de bonne foi ce prince comme l'héritier légitime du trône de Saûl, comment admettre qu'il ignora pendant plus de sept ans les droits de David à la cou- ronne? Le langage qu'il tint lui-même, à l'époque de sa rupture avec Isboseth, semble écarter cette supposition. II Reg., m, 9-10, 18. Beaucoup regardent, et avec raison, ce semble, comme impossible que, Saûl mort, David n'ait pas divulgué sans retard son élection divine et sa consé- cration par Samuel, et produit ainsi son titre incontes- table à la royauté d'Israël. Voir Hummelauer, Comment, in lib. Samuelis, Paris, 188G, p. 285. D'ailleurs, la futi- lité du motif pour lequel il abandonna Isboseth, et les ouvertures intéressées qu'il fit aussitôt après à David, montrent assez clairement que, au moins à la fin, ce n'était pas un zèle bien convaincu pour les droits du fils de Saûl qui le faisait rester dans son parti. L'ambition l'avait tenu hors du devoir ; ce fut l'ambition 'qui l'y fit rentrer. Mais au moment même où , assuré du succès, il voyait une nouvelle et brillante carrière s'ouvrir devant lui, la jalousie de Joab l'arrêta, et l'épée de cet autre am- bitieux fut peut-être l'instrument dont la Providence voulut se servir pour punir l'ambitieux Abner. E. Palis.

2. ABNER, père de Jasiel, qui fut le chef de la tribu de Benjamin sous le règne de David. I Par., xxvii, 21. Cet Abner n'est probablement pas différent du précédent.

ABNÊT, nom hébreu , tsjsn , d'une sorte de ceinture qui faisait partie du costume sacerdotal, et qui n'a pas de nom particulier dans nos langues. Les ceintures ordinaires ne sont jamais désignées par ce mot dans la Bible hé- braïque. L' 'abnêt n'était porté régulièrement que par les prêtres. Cependant Isaîe , xxii , 21 , parle d'un personnage important, Sobna, qui avait un 'abnêt, et dont la ceinture est sans doute ainsi appelée parce qu'elle était remarquable par sa richesse et par sa beauté. (Il n'y aurait pas d'ex- ception, si l'on acceptait la tradition juive, rapportée par

1. — 5

67

ABNÊT - ABOMINATION DE LA DÉSOLATION

68

— Prêtre égyptien portant

la ceinture.

(Thèbes. D’après Wilklnson.)

Jarchi, in Is., xxn, 21, et qu’on retrouve aussi dans "le Chronicon pascale, Pat. gr., t. xcn, col. 301, et d’après laquelle Sobna, dont parle le prophète, était de race sacerdotale. ) Du reste , à part ce passage d’Isaïe, Y ’abnêt n’est nommé que dans le Pentateuque, Exod., xxvm, 4, 39, 40 ; xxix, 8 (9) ; xxxix, 29 ; Lev., vm, 7, 13 ; xvi, 4. Les Septante l’ont traduit par Çwvk), et la Vulgate ordinairement par balleus, deux fois par cingulum, Exod., xxxix, 28 (hébreu, 29) ; Is., xxii, 21, et une autre fois par zona, Lev., xvi, 4. Elle ressemblait

peut-être aux ceintures de

luxe égyptiennes, dont les

monuments figurés de la

vallée du Nil nous ont con-

servé la représentation.

(Fig. 7.)

Le texte sacré nous dit

qu’elle était brodée et faite

avec les matières les plus

précieuses : fin lin , hyacin-

the, pourpre,écarlate.Exod.,

xxxix, 28 (29) ; xxvm, 39.

Josèphe la décrit d’une ma-

nière plus précise. Ant.

jud., III, vu, 2. Il dit qu’elle était d’une étoffe de lin tis-

sée avec une telle finesse,

qu’elle ressemblait à la dé-

pouille d’un serpent , et

qu’elle était couverte de

fleurs brodées avec des fils

bleus, pourpres, écarlates

et blancs. Sa largeur était

d’environ quatre doigts ; sa longueur suffisante pour faire plusieurs fois le tour du corps de celui qui la portait ; elle pendait par devant jusqu’aux pieds. Lorsque le prêtre exerçait ses fonctions sacerdotales , il rejetait sur son épaule les bouts de son ’abnêt. A ces détails fournis par l’historien juif, Maimonide ajoute, De vas. sanct., 8, que la ceinture portée par le grand prêtre et par les prêtres ordinaires était de lin blanc , brodé avec de la laine , mais qu’au jour de la fête de l’Expiation , 1’ 'abnêt du pontife était entièrement de lin blanc. Cf. Lev., xvi, 4. Sa longueur était de trente-deux coudées, c’est-à-dire de plus de quinze mètres. Cette longueur paraît bien considérable. Cf., sur cette partie des vêtements sacerdotaux , S. Jérôme, Ep. lxiv ad Fabiolam de veste sacerdotali, 12, t. xxii, col. 614.

Josèphe termine sa description par une remarque qui mérite d’être notée. « Moïse, dit-il, a appelé cette ceinture abanêt (à6aMr)8) ; mais nous, nous l’appelons émian (è|iiâv), ayant appris ce nom des Babyloniens. » Cela semble indiquer que les Juifs, captifs en Chaldée, avaient changé la dénomination antique pour en adopter une nouvelle, peut-être parce qu’ils considéraient cette dernière comme sémitique, tandis qu’ils regardaient la première comme d’origine étrangère. Quoi qu’il en soit, l’origine du mot ’abnêt était demeurée jusqu’ici inconnue. Gesenius , dans le Thésaurus lingu& hebrxœ, p. 221, lui attribuait une origine perse ; d’autres orientalistes, comme J. Fûrst, Hebràisches Handwôrterbuch, 2« édit., 1863, 1. 1, p. 15, supposaient que ’abnêt est un mot égyptien , mais sans pouvoir appuyer leur hypothèse sur aucune preuve. Le déchiffrement des hiéroglyphes a démontré que c’est bien à l’Egypte que Moïse avait emprunté le nom d’ 'abnêt. Un des noms de

ceinture en égyptien est, en effet, I • ff* , J^Q ou

bnt, benêt ou banal, d’où ’abnêt (avec Valeph prosthénque). H. Brugsch, Dictionnaire hiéroglyphique, Supplément, p. 433. F. Vigouroux.

1. ABOAB, ou plutôt ABOHAB Emmanuel, rabbin - espagnol, émigré en Hollande, est l’auteur de la Notnologie,

in -4°, Amsterdam, 1629. C’est une apologie de la tradition rabbinique. Nous ne mentionnons ici cet ouvrage que parce qu’il contient des notices sur les auteurs, et en particulier sur les exégètes juifs.

• 2. ABOAB ou ABOHAB Isaac, un des ancêtres d’Emm. Abohab, né en Castille, fut très lié avec Abarbanel. Comme ce dernier, il quitta l’Espagne à l’époque de l’expulsion des Juifs (1492). Plein d’estime pour les doctrines cabalistes, il les suit pourtant avec modération. On lui doit un commentaire du Commentaire de Nahmanide sur le Pentateuque. Il est plus connu par son livre de morale et d’édification, si célèbre autrefois chez les Juifs : Menôrat hamnxâôr, Le candélabre du luminaire, Exod., xxxv, 14.

— Son commentaire a été imprimé à part à Constantinople, in-4°, 1525 ; avec ceux de Raschi et de Nahmanide, Venise, in-f», 1548 ; Cracovie, in-f°, 1587 ; AVilinersdorf, 1713.

3. ABOAB, ABOHAB Ou ABOUAB Isaac (1606-1693), Juif d’origine portugaise, né à Saint-Jean-de-Luz, émigra aux Pays-Bas, puis au Brésil ; enfin revint mourir rabbin à Amsterdam. Parmi ses ouvrages, on remarque une traduction espagnole du Pentateuque avec un commentaire succinct ou paraphrase, Parafrasis commentado sobre al Pentateuco, in-f", Amsterdam, 1681.

ABOBI (dans le texte grec : ’Ago-j6ou), père de Ptolémée , qui fit assassiner son beau-père Simon Machabée, avec ses deux fils, Mathathias et Juda. I Mach., xvi, 1 1, 15.

ABOMINATION. La Vulgate a traduit par abominatio deux mots hébreux différents, dont la signification réelle est souvent différente de la signification ordinaire du mot « abomination » dans notre langue , et a par conséquent besoin d’être expliquée. Les deux mots hébreux sont, dans le texte original, royin , fô’êbâh, et yipw, siqqûs. Pour ce dernier, voir Abomination de la désolation. L’expression fô’êbâh, du verbe fi’êb, « rendre abominable, détestable, souillé, » désigne en général « une chose détestable, honteuse, horrible », surtout en matière religieuse. Ce terme s’emploie, en effet, particulièrement à propos du culte des faux dieux. Deut., vu, 25, 26 ; XII, 31 ; xm, 14, etc. etc. Dans le quatrième livre des Rois, xxiii, 13, le faux dieu Moloch est nommé « le (ô’ébâh des enfants d’Ammon d. Les idoles ou les fausses divinités sont nommées également fô’êbôf, Deut., xxvn, 15 ; Is., xliv, 19 ; Jer., xvi, 18 ; Ezech., vu, 20 ; xi, 21 ; xvi, 36 ; les nations idolâtres sont appelées ’ammê (ô’êbôf, I Esd., ix, 14. Le mot « abominations » dans l’Exode, vm, 22 (26), désigne les animaux que les Hébreux offraient en sacrifice , et que les Égyptiens, au contraire, vénéraient comme des dieux, en particulier le bœuf.

ABOMINATION DE LA DÉSOLATION ,« abominatio desolationis. » La Vulgate a rendu par ces mots les expressions hébraïques odh ?d D’ïpw, siqqûsîm meéôniêm, employées par Daniel, ix, 27, dans sa prophétie messianique des soixante-dix semaines. Ces expressions sont importantes, à cause du passage même où elles se lisent pour la première fois, et aussi parce qu’elles sont répétées par Daniel dans une autre prophétie, xi, 31, et que nous les retrouvons dans le premier livre des Machabées et dans les Évangiles ; mais le sens en est obscur, de là vient qu’elles sont interprétées de manières très différentes. Pour tacher d’en saisir le sens , nous allons les étudier successivement dans les différents endroits où elles ont été employées.

I. Dans Daniel. — Daniel, à la fin de sa prophétie des soixante-dix semaines, annonce les malheurs qui fondront sur son peuple, lorsque aura cessé l’oblation des sacrifices ; il dit qu’alors ’al kenaf Siqqûsim meSomêm, ix, 27. Non seulement les mots ont une signification vague et peu ABOMINATION DE LA DÉSOLATION

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claire, mais le passage font entier est difficile, et d'une telle concision, qu'on est obligé de le paraphraser pour le faire comprendre. Les traducteurs grecs ont rendu les mots que nous venons de rapporter par im to Sspôv pSéXuTi*a tûv IpmucAffewv, K dàitè I e temple, l'abomination des déso- lations. » Saint Jérôme a interprété comme les Septante : Erit in templo abominatio desolationis , « l'abomination de la désolation sera dans le temple. »

Le prophète, dans un autre de ses oracles, s'est servi une seconde fois , xi , -31 , pour prédire la profanation du temple de Jérusalem par Ântiochus Épiphane, des mots haSsiqqûs meiomêm, avec cette seule différence que le mot Siqqûs est ici au singulier et précédé de l'article, tandis qu'il est sans article et au pluriel, ix, 27. Dans cette nouvelle prophétie, le sens général n'offre aucune diffi- culté. « On souillera, dit -il, le sanctuaire de la force, on fera cesser le sacrifice perpétuel, et l'on y placera haS- Siqqûs meSomêm, xi, 31. » Ces derniers mots sont tra- duits par les Septante : p8éXuT[ia Tjipavtffuivov , « abomi- jiation désolée », et par la Vulgate : abominationem in desolalionem , « l'abomination dans la désolation. »

En complétant cette prophétie et en fixant le temps que doit durer l'oppression, Daniel emploie une troisième fois les termes Uqqûs Sômêtn, avec cette légère variante que le substantif singulier SUjqûs n'a point l'article, et que le participe meSomêm, de la forme pohél, est rem- placé par le participe du même verbe à la forme kal. Les deux expressions ont donc, dans ces deux derniers pas- sages , le même sens, et l'on ne peut douter qu'elles n'aient aussi un sens analogue dans le premier. Quel est ce sens? C'est ce que nous devons maintenant rechercher.

Le mot Uqqûs, pluriel Siqqûsim, est assez fréquem- ment employé dans l'Ancien Testament. C'est un terme de mépris qui signifie étymologiquement « une chose abc- minable, digne d'aversion et d'exécration », et qui est toujours appliqué aux faux dieux et au culte idolâtrique. Nous lisons dans le troisième livre des Rois, xi, 7 : « Chamos, abomination (Siqqûs) de Moab; Moloch, abo- mination des enfants d'Ammon; » IV Reg. , xxm, 13 : « Astarté, abomination des Sidoniens, » etc. Le pluriel Siqqûsîm désigne les faux dieux en général et les idoles ou les signes matériels qui les représentent, dans un grand nombre d'endroits : Deut., xxix, 16 (17) ; IV Reg., xxm, 24; II Par., xv, 8; Is., lxvi, 3; Jer., iv, 1; vu, 20; xm, 27; xvi, 18; xxxn, 34; Ezech., v, 11; vu, 20; xi, 18, 21; xx, 7, 8, 30; xxxvn, 23. — Nahum, m, 6, parlant au nom de Dieu , dit aux habitants de Ninive : « Je jetterai sur toi les Siqqûsim. » Zacharie, ix, 7, applique ce mot aux viandes offertes aux idoles, et Osée, ix, 10, à ceux qui leur rendent un culte. Ce sont là tous les passages dans lesquels la Bible hébraïque emploie cette expression. On voit que dans tous il est question des faux dieux et des insignes de leur culte abominable, ou de quelque chose qui s'y rap- porte.

La seconde expression employée par Daniel, meSomêrn ou Somêm, est diversement interprétée comme la précé- dente, et il est plus difficile d'en déterminer rigoureuse- ment la signification; mais elle n'a pas la même impor- tance. Les uns en font un terme abstrait, comme les Sep- tante et la Vulgate , « désolation , dévastation ; » d'autres le considèrent comme un nom d'agent , désignant une per- sonne et non une chose, ce qui parait plus conforme à la ponctuation massorétique et ce qui donne un sens plus clair et plus simple, « celui qui désole, ravage, le dévas- tateur, » c'est-à-dire les Romains ou leur chef dans la prophétie messianique, et Antiochus IV Épiphane dans la prophétie concernant la persécution de ce roi syrien. Du reste, quoi qu'il en soit, le sens général de Daniel reste toujours le même.

Le traducteur grec du premier livre des Machabées, i, 57 (52), a emprunté aux Septante, Dan-, xi, 31, et xii, 11, la version de Uqqûs me&ômêm par (JSIXuy ixa içrruuÎMjtwç. Au chapitre vi, 7, nous ne lisons plus que le

mot to pî£X«Tixa , ce qui montre que ce terme exprime l'idée principale, dans la pensée de l'auteur sacré.

H. Dans le premier livre des Machabées. — L'auteur du premier livre des Machabées, comme nous venons de le voir, a reproduit dans son récit les expressions de Daniel. Ce langage de l'écrivain sacré et les mots qu'il a choisis nous prouvent qu'il a reconnu dans la profanation du temple de Jérusalem par l'impie Antiochus Épiphane l'accomplissement de la prophétie de Daniel, xi, 31 ; xii, 1 1 . Nous devons examiner dans quel sens il a entendu le pas- sage du prophète. Il nous dit en premier lieu que, par les ordres d' Antiochus Épiphane, on « bâtit sur l'autel {JSÎXuyiia IpTIliwiTswç » , ce que la Vulgate traduit : « vEdificavit rex Antiochus abominandum idolum desolationis super altare Dei. » I Mac, i, 57. Plus loin, vi, 7, nous lisons que « les Juifs fidèles détruisent to pSéXuyiia qui avait été bâti sur l'autel des holocaustes de Jérusalem ». — « Diruerunt, dit la Vulgate, abominationem quam aedificaverat super altare quod erat in Jérusalem. » Que faut-il entendre ici par le pSéXuyjia du texte grec? Le traducteur latin, qui l'a rendu par abominationem dans le second passage, a été plus précis dans le premier, et l'a expliqué comme signifiant une idole. A sa suite, beaucoup de commenta- teurs, Nicolas de Lyre et autres, ont entendu le mot p6i- Xuy(i.a dans le sens de statue représentant une idole, c'est- à-dire Jupiter Olympien, à qui, d'après II Mac, vi, 2, le temple de Jérusalem avait été consacré. Cependant il est difficile de justifier cette interprétation.

Le contexte démontre qu'il n'est pas question d'une statue ou d'une idole proprement dite, mais d'un « autel » ido- lâtrique, construit, « bâti » sur l'autel des holocaustes, qui est ainsi souillé et profané. Il est dit expressément, I Mac, i, 57; cf. vi, 7, qu'on « bâtit » (<î>xo86ti.r]<rav) le fl8IXiyy|ia ou abomination, terme qui ne peut s'appliquer ni à une statue ni à un cippe ou colonne ; et un peu plus loin, I, 62, nous lisons que « le vingt-cinquième jour du mois on sacrifiait sur Y autel qui était sur l'autel des holo- caustes » ; ce qui montre bien que sur le grand autel des holocaustes, où l'on offrait au vrai Dieu les sacrifices san- glants, on avait construit un autel plus petit, destiné au culte des faux dieux. Josèphe l'a exactement compris ainsi : 'Enotxo8o)i.^(rac xa'i tô SumaiJTrjpia) f3<i)|iôv, (rûaç lit' aùroO xotTCTçalje. « Antiochus, ayant fait bâtir un autel sur l'autel des holocaustes, y immola des pourceaux. » Ant. jud., XII, v, 4. Le second livre des Machabées, vi, 2, ne con- tredit nullement le premier; il ne parle d'aucune statue, mais mentionne seulement que le temple de Jérusalem fut nommé du nom de Jupiter Olympien, c'est-à-dire dédié à Jupiter considéré comme le maître des dieux qui ha- bitent l'Olympe.

L'ensemble du récit et la suite des faits montrent que cette profanation du temple du vrai Dieu par l'érection d'un autel sacrilège sur l'emplacement même où les en- fants d'Aaron offraient les sacrifices prescrits par la loi, fut considérée comme une grande calamité nationale, en même temps que comme une injure sanglante au Dieu véritable et aux sentiments religieux de la nation juive. Ce ne fut que par une purification solennelle et par une nouvelle dédicace du temple qu'on put réparer un si abo- minable outrage. I Mac, iv, 41 -59. La profanation de la maison de Dieu par les Romains du temps de Titus ne devait pas exciter plus tard une moindre horreur dans le cœur des Juifs.

III. Dons l'Évangile. — Nous venons de voir que les mots « abomination de la désolation » ne désignent pas une idole, mais un autel idolâtrique, dans les dernières prophéties de Daniel et dans le premier livre des Macha- bées. Que désignent - ils dans la prophétie de Notre- Seigneur? « Quand vous verrez, dit le Sauveur, l'abomi- nation de la désolation (tô pSlXuYH» xr^ èpr|tuâoeu>;) qui a été prédite par le prophète Daniel, présente dans le lieu saint , que celui qui lit entende. » Matth. , xxiv, 15 ; cf. Marc, xm, 14. Ces paroles sont expliquées de diverses ma71

ABOMINATION DE LA DÉSOLATION

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nières par les commentateurs. D'après un grand nombre , Jésus -Christ, par l'abomination de la désolation, entend une désolation abominable, horrible, ou une abomination détestable, sans aucune allusion à des actes idolà triques, et prédit par là les excès et les sacrilèges auxquels de- vaient s'abandonner les Zélotes avant la prise de Jéru- salem par l'armée romaine. Josèphe, Bell, jud., IV, m, 7,8.

Cette interprétation peut se concilier difficilement avec ce que nous avons dit plus haut. Le mot « abomination » , traduisant l'hébreu Siqqûç, a un sens suffisamment pré- cis : il signifie toujours les faux dieux , un objet idolâ- trique, ou une chose qui se rapporte au culte idolàtrique. L'expression p8éXrrtia, qui en est la traduction et qui vient du verbe {JSeXûoTTw, « avoir mauvaise odeur, » a aussi le même sens dans les Septante. Dans le Nouveau Testament, elle est employée six fois : dans les deux passages que nous venons de rapporter, Matth., xxiv, 15; Marc, xm, 14, et dans Luc, xvi, 15; Apoc., xvii, 4, 5; xxi, 27. Les meilleurs exégètes reconnaissent que saint Jean dans l'Apocalypse veut exprimer l'idolâtrie par ce terme. Quant au passage de saint Luc, quoiqu'on l'entende ordinairement d'une chose détestable, abominable en général, il n'y a pas de raison de donner au mot « abomination » de ce verset un sens différent de celui qu'il a partout ailleurs, et l'on peut fort bien traduire : « Ce qui est grand aux yeux des hommes est comme un objet idolàtrique (Siqqû?) aux yeux de Dieu. »

A plus forte raison doit-on entendre d'un objet ou d'une chose idolàtrique Y abomination dont parle Notre-Seigneur, puisqu'il reproduit, comme il nous en avertit lui-même, le langage du prophète Daniel. C'est pour ce motif qu'un certain nombre d'interprètes pensent que l'abomination idolàtrique dont parle Notre-Seigneur désigne les aigles et les enseignes romaines. Les Juifs les considéraient comme des idoles, et non sans raison; car, comme le remarque Havercamp dans ses notes sur Tertullien, Apol., l, 16, 1. 1, col. 367: « Presque toute la religion des soldats romains consistait à rendre un culte à leurs enseignes, à jurer par leurs enseignes et à leur donner le pas sur tous les autres dieux. » Tacite lui-même, Ann., n, 17, appelle les enseignes militaires « les dieux des légions » , propria legionum Numina. Aussi, pour ne pas blesser le senti- ment religieux des Juifs, les soldats romains qui tenaient garnison dans la ville de Jérusalem n'y introduisaient-ils point leur étendard. Une fois, Pilate fit porter les enseignes romaines dans la cité pendant la nuit; mais cet événe- ment produisit une telle émotion parmi les habitants, que le gouverneur dut retirer ses ordres. Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 1. Il est donc certain que les Juifs considé- raient les enseignes romaines comme une abomination idolàtrique. Nous savons de plus, par Josèphe, Bell, jud., VI , vi , 1 , que lorsque Jérusalem eut été prise par Titus, « pendant que le temple et ses alentours étaient en feu, les soldats apportèrent leurs étendards au temple, et, les ayant plantés vis-à-vis de la porte orientale, ils leur offrirent des sacrifices. » C'étaient bien là les actes idolâtriques pro- phétisés par Daniel.

Mais ce n'était encore que le commencement de l'ac- complissement de sa prédiction. « L'abomination » devait apparaître plus d'une fois encore dans le lieu saint. L'em- pereur Adrien, en 137, pour insulter les Juifs, fit placer l'image d'un porc sur la porte de Bethléhem (correspon- dant à la porte actuelle de Jaffa), l'une des principales de la ville devenue iElia Capitolina, Eusèbe, Chron., n, t. xxx, col. 559; bien plus, il érigea un temple à Jupiter sur l'emplacement même du temple du vrai Dieu, Dion Cassius, Lxrx, 12, et il ordonna de placer sa propre statue à l'endroit même où avait été le Saint des saints. Nicéphore Calliste, m, 24, t. cxlv, col. 944. Ce fut la consommation de « l'abomination de la désolation ».

On objecte contre cette explication de la prophétie de Notre-Seigneur que les actes idolâtriques des Romains

et l'introduction des enseignes dans la ville sainte n'eu- rent lieu qu'après la prise de Jérusalem. Or le Sauveur recommande aux siens de quitter la cité maudite, lors-

8. — Enseignes romaines.

Fragment d'un bas -relief de l'are de triomphe de Constantin, a Borne. ( Dans la partie, à gauche, qui n'est pas reproduite Ici, l'empereur Trajan siège sur son tribunal. Les personnages figurés en avant des soldats romains sont Parthamashis, fils de Pa- oore, roi d'Arménie, et l'un de ses satrapes, qui demande que la couronne royale sott rendue an Jeune prince.)

qu'ils verront l'abomination dans le lieu saint; ce qu'ils firent, en effet, en se réfugiant à Pella, avant le siège de Titus. Us avaient donc reconnu les signes annoncés 73

ABOMINATION DE LA DESOLATION — ABRAHAM

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par le divin Maître avant l'investissement final de la ville et avant l'entrée des étendards des légions dans le temple.

Pour répondre à cette difficulté, quelques commenta- teurs ont fait remarquer que Jésus ne dit point : « Quand vous verrez l'abomination dans le temple, » mais dans « un lieu saint », èv x&itm àyim, sans article; le lieu est donc indéterminé, il ne désigne pas expressément le temple, ni même la cité sainte, et il peut bien être la Terre Sainte elle-même, de sorte que le signe avant - coureur de la ruine de Jérusalem devint manifeste dès que l'armée romaine, avec ses enseignes idolàtriques , campa autour de Jérusalem.

Plusieurs refusent d'admettre cette interprétation, parce que, disent-ils, les enseignes romaines n'apparaissaient pas alors pour la première fois en Palestine ; les Juifs les avaient déjà vues du temps de Pompée. — Sans doute, peut-on répondre, mais l'avertissement de Notre-Seigneur portait sur un événement futur, non sur un fait passé. 11 ne dit point qu'on verra alors pour la première fois cette « abomination », mais que lorsqu'on la verra dans l'avenir, à partir du moment où il vient de parler, ce sera le signe de la ruine prochaine.

On peut trouver néanmoins que l'application du mot « lieu saint » à la Palestine est peu naturelle. Aussi n'est- il pas nécessaire d'adopter cette interprétation pour expli- quer et justifier la prophétie de Daniel et de Notre-Sei- gneur. Le passage parallèle de saint Luc, xxi, 20, nous fournit la solution de la difficulté. En rapportant le même discours de Notre-Seigneur que saint Matthieu et saint Marc , cet évangéliste ne lui met pas dans la bouche les mots d' « abomination de la désolation », quij n'auraient pas été intelligibles pour les lecteurs d'origine païenne à qui il s'adressait, et il emploie des termes qui sont parfaitement clairs et précis : « Quand vous verrez Jérusa- lem investie par une armée , alors sachez que sa désolation <t) èpiînwffiç) approche. » Luc, xxi, 20. (On peut remar- quer, du reste, que si le mot (JSlivyna a disparu, le mot ipry.a>aii a été conservé.) 11 résulte de ce passage que Notre-Seigneur avait donné aux fidèles deux signes de la chute finale de Jérusalem : l'un était la présence de l'abo- mination dans le lieu saint ; mais l'autre , qui , comme le montrent les faits, devait le précéder et devait être non moins frappant ni moins sensible , c'était l'investissement de Jérusalem par l'armée romaine.

Dès que les chrétiens virent les troupes païennes s'ap- procher de la ville, ils y virent l'accomplissement du pre- mier signe, et reconnurent que le second ne tarderait pas à se produire. Ils se mirent donc en mesure de suivre l'avis de leur Maître et de s'enfuir de la ville condamnée, pour se réfugier au delà du Jourdain. Eusèbe, H. E., m, 5, t. xx, col. 221. Une première attaque contre la ville eut lieu en 66. En cette année, Cestius Gallus, pro- curateur romain, assiégea la ville sainte, pour venger une défaite que les Juifs avaient infligée à ses troupes. Il établit son camp sur le mont Scopus , puis il brûla Bézétha et attaqua le temple lui-même. Ses soldats d'élite, formant la tortue , et ainsi couverts par leurs boucliers , s'appro- chèrent assez de l'édifice sacré pour essayer d'en brûler les portes. On peut bien dire que les habitants de Jéru- salem virent alors l'abomination et les enseignes idolà- triques près du lieu saint, quoique ce ne fût pas dans la maison de Dieu elle-même. Cependant, l'attaque n'ayant pas réussi, Cestius se découragea ; il renonça à son entre- prise et se retira avec ses troupes. Josèphe, Bell, jud., II , xix. Mais les chrétiens étaient suffisamment avertis , et ce fut probablement dans l'intervalle qui s'écoula entre ce premier siège et le second par Titus qu'ils abandon- nèrent la ville et se mirent en sûreté.

F. Vigoukoux.

ABOUAB. Voir Aboab 3.

ABOU'LBÉRÉCAT. Voir Abou-Saïd.

ABOU L - HASSAN. Voir Juda ha - Lévi. ABOULPHARAGE. Voir Bar-Hébmus. ABOU'L- WALID. Voir Ibn-Djanah.

ABOU-SAÎD, fils d'Abou'lhosaîn, Samaritain, habi- tant probablement l'Egypte, fit, à l'usage des Samaritains de ce pays, une version arabe du Pentateuque, pour rem- placer celle du juif Saadias, reconnue inexacte. Cette tra- duction a été faite sur le texte samaritain, et avec l'aide de la version samaritaine. Le P. Le Long dit qu' Abou- Saïd vivait vers 1070, sans nous indiquer sur quelle au- torité il appuie son assertion. Cette date toutefois n'a rien d'invraisemblable, car la version arabe -samaritaine a dû être faite un siècle au moins après celle de Saadias , mort en 942. Elle serait donc du xi« ou du XII e siècle. Un manus- crit de cette version, au lieu du nom d'Abou-Saïd, porte celui d'Abou'lbérécat, fils de Saïd, Syrien de Basra. Mais ce dernier parait être un plagiaire ; sa préface n'est qu'une imitation maladroite de celle d'Abou-Saïd. Voir Silvestre de Sacy, Mémoire sur la version arabe des livres de Moïse à l'usage des Samaritains, dans les Mémoires de l'Aca- démie des inscriptions et belles - lettres , 1808, t. xlix, p. 1-199; Le Long, Bibliotheca sacra, t. i, p. 188; Rossi, notice détaillée à la suite du Saggio délie variante del codice ms. di Pio VI. 11 existe six ou sept manuscrits de cette version; le plus précieux est celui de la Bibliothèque Barberini, à Rome. Abr. Kuenen a publié Spécimen e libris orientalibus , exhibens librum Geneseos secun- dum arabicam Pentateuclù Samaritani versionem ab Abu-Saido conscriptam , in-8°, Liège, 1851.

E. Levesque.

ABRABANEL, ABRAVANEL. Voir Abarbanel.

ABRAHAM (hébreu: 'Abraham), d'abord nommé Abram {'Abrâtn), descendait de Sem, dont il était séparé par dix générations. I Par., i, 27. Vraisemblablement le plus jeune des fils de Tharé, quoiqu'il soit nommé le premier, Gen., XI, 26, plutôt par rang d'honneur, en qualité de père des Hébreux, que par droit de primogéniture (voir Tharé, et Vigoureux, Manuel biblique, 7« édit. , 1. 1, n° 342 ) , il naquit à Ur, ville des Chaldéens, la Mughéir actuelle, située entre Babylone et le golfe Persique. « Le nom d'Abram est réellement assyrien ; il a été retrouvé, comme nom propre, dans les monuments indigènes, sous sa forme assyrienne Abu-ramu, ou, sans la terminaison assyrienne, Ab-ram. ■» Vigouroux,£a Bible et les découvertes mo- dernes, t. I, 5" édit., p. 403.) Abu-ramu, comme Abram, signifie « père élevé ». Du reste, la communauté de lan- gage, de traditions et de coutumes, ne permet pas de douter que les Chaldéens et les Hébreux n'aient eu les mêmes ancêtres. Cf. Vigouroux, loc. cit., p. 402-430. Aussi les tribus chananéennes de la Palestine surnom- mèrent-elles Abram l'Hébreu, c'est-à-dire « celui qui vient d'au delà de l'Euphrate ». Gen., xiv, 13. Ainsi tombent sous les coups de l'histoire les théories aventureuses de Hitzig, Geschichte des Volkes Israël, p. 40-43, qui ran- geait les Hébreux au nombre des Aryas ou Hindous, et donnait une origine sanscrite au nom d'Abraham, qu'il comparait à Rama, le dieu indien.

Des révélations divines progressives, d'une importance particulière, faisant époque, marquent le commencement de chacune des quatre périodes qui partagent l'histoire d'Abraham.

I. Première période. — Elle débute par la vocation du patriarche, et s'étend de son départ d'Ur à la délivrance de Lot des mains de Chodorlahomor. Gen., xn-xiv. Déjà marié avec Saraï, mais sans enfants, Abram quitta Ur avec Tharé son père , Lot son neveu , et Saraï sa femme. Leur émigration se fit par ordre formel de Dieu, comme nous l'apprend saint Etienne. Act.,vu,2-3. Les paroles citées par le premier diacre appartiennent, il est vrai, dans la 75

ABRAHAM

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Genèse, xii, 1 , au récit de l'apparition divine qui eut lieu à Haran. Saint Etienne toutefois ne s'est pas trompé, et il n'y a pas contradiction entre les deux livres inspirés ; car Dieu lui-même, Gen., xv, 7, rappelle à Abram qu'il l'a fait sortir d'Ur, et les lévites le répètent dans leur prière au Seigneur. II Ësdr., ix, 7. Saint Etienne d'ailleurs n'est que l'écho de la croyance des Juifs, mentionnée aussi par Philon, Le Abrahamo. D'après Gen., xi, 31, la terre de Chanaan était dès leur premier départ le terme dernier du voyage. Cependant les émigrants s'arrêtèrent à Haran, où Tharé mourut. Après la mort de son père, Act., vu, 4, Abram, âgé de soixante-quinze ans, reçut de nouveau du Seigneur l'ordre de quitter son pays, sa parenté et sa famille, et il partit de Haran, après y avoir séjourné quelque temps. Le but de cette seconde émigration ne lui fut pas d'abord clairement indiqué ; Dieu l'envoie vers une terre qu'il lui désignera plus tard, Gen., xii, 1, et Abram, modèle de foi et d'obéissance, part sans savoir où il aboutira. Heb., xi, 8. Le sacrifice qu'exigeait cette séparation fut récompensé par quatre promesses divines, formant une gradation ascendante : Abram aura une nom- breuse postérité, des faveurs insignes d'ordre spirituel et temporel, une grande gloire, et l'honneur d'être pour d'autres une source de bénédictions..

L'événement a fait connaître les motifs de cette double émigration. La notion du vrai Dieu s'obscurcissait parmi les nommes, et la vraie religion était sur le point de dis- paraître de la surface de la terre. C'est pourquoi le Sei- gneur résolut de confier le dépôt de la Révélation à un peuple fidèle, dont Abram serait la tige. Il lui ordonna donc de quitter sa patrie, ses parents et la maison pater- nelle, afin de l'arracher à l'idolâtrie qui régnait à Ur (Vigouroux, loc. cit., p. 383-387) et dans la famille même de Tharé. Josué, xxiv, 2; Judith, v, 6-9. « Les traditions populaires des Juifs et des Arabes, qui paraissent en ceci reposer sur des bases antiques, ajoutent que cette émigra- tion était devenue nécessaire par suite des dangers qui menaçaient le pieux Abram au milieu des populations idolâtres et dans la maison même de son père, ardent adorateur des faux dieux. L'historien Josèphe, écho des légendes de la Synagogue, dit que les habitants du pays de Harrân s'étaient soulevés en armes contre lui, et voulaient le punir de son mépris pour leurs divinités. » Lenor- mant, Histoire ancienne de l'Orient, 9» édit. , t. vi, p. 142-143.

Abram emmenait avec lui Saraï son épouse, Lot son neveu, sa famille et ses troupeaux, et laissait à Haran son frère Nachor. Gen., xxiv, 10. Il dut d'abord franchir l'Euphrate, qui est à deux journées de marche de Haran. « La route de Mésopotamie en Palestine passe par Damas, et la tra- dition est d'accord avec la géographie pour conduire le patriarche dans cette ville. Elle est à sept journées des rives de l'Euphrate; mais la caravane d' Abram, encombrée de troupeaux, mit sans doute un temps plus long à y arriver. » Vigouroux, loc. cit., p. 400. Le texte sacré n'a pas men- tionné expressément Damas parmi les stations du pa- triarche. Il y séjourna (Nicolas de Damas, dans Josèphe, Ant. jud., I, vu, 2; Justin, xxvi, 2), et des souvenirs locaux plus ou moins authentiques désignaient encore près de cette ville, du temps de Josèphe, l'emplacement de l'ha- bitation d'Abraham.

Abram entra dans la terre de Chanaan par le nord-est, peut-être, comme plus tard Jacob à son retour de Haran, par la vallée du Jaboc. Le pays « était alors occupé tout entier par les tribus chananéennes de la race de Cham, qui avaient fondé des villes et menaient la vie sédentaire, mais laissaient des tribus nomades de Sémites errer en pasteurs dans les campagnes voisines de leurs cités, de même qu'encore aujourd'hui les tribus bédouines errent presque jusqu'aux portes des villes de la Syrie et de la Pa- lestine ». Lenormant, loc. cit., p. 143. Abram ignorait encore que cette contrée devait appartenir un jour à sa dostérité. Dieu le lui apprit au lieu où s'éleva plus tard

Sichern, au chêne ou térébinthe de More. Abram , consa- crant au vrai Dieu le sol où il lui était apparu, y bâtit un autel. Gen., xii, 6-7.

Il ne séjourna pas dans ce lieu, mais alla camper entre Béthel et Haï, où il dressa un nouvel autel à Jéhovah. Il s'avança ensuite progressivement dans la partie méridio- nale du pays de Chanaan. Une famine l'obligea bientôt à descendre en Egypte, alors comme plus tard véritable grenier d'abondance, et refuge des Sémites et des Chana- néens dans les temps de disette. Dans ce voyage survint un événement qui a fourni aux ennemis de la religion l'occasion d'attaquer le caractère moral du saint patriarche. Craignant que les Égyptiens ne le missent à mort pour ravir sa femme , il pria Saraï de dire qu'elle était sa sœur. Gen., xii, 13. Les mœurs dissolues des Égyptiens justi- fiaient ses craintes; mais, pour les écarter, lui était-il permis de recourir â la dissimulation , et d'exposer Saraï au déshonneur? Il est certain d'abord que la parole de Saraï était exactement vraie. L'épouse d' Abram était sa parente par le sang, et, comme lui-même l'affirme à Abimélech, selon l'interprétation la plus naturelle du texte, Gen., xx, 12, sa demi -sœur, la fille du même père, mais non de la même mère que lui. Abram était bien renseigné, et nous l'en croyons plus volontiers que Josèphe, Ant. jud., I, vi, 6, saint Jérôme, Qusest. heb. in Gen., xi, 29, t. xxm, col. 926, et Aboulfeda, But. an- teislamica, édit. Fleischer, p. 20, qui identifient Saraï avec Jescha, fille d'Aran et sœur de Lot, et font d'elle la nièce de son époux. La proximité du sang n'était pas un obstacle à cette union entre frère et sœur, car il est vraisemblable qu'un motif religieux avait poussé le patriarche à prendre sa femme dans sa propre famille. Abram ne conseillait donc à Saraï ni mensonge ni feinte; des raisons graves lui faisaient dissimuler une partie de la vérité, c'est-à-dire taire que Saraï était sa femme. D'autre part , il n'avait pas à choisir entre sa mort et l'honneur de Saraï; l'une ne sauvait pas l'autre, et, Abram mort ou vivant, Saraï était prise par le pharaon. En présence de deux maux inévi- tables, Abram choisit le moindre. Suivant les conseils d'une prudence peut-être trop humaine, il fait ce qui dé- pend de lui pour prévenir un attentat contre sa vie, et se confie pour l'honneur de Saraï dans la protection de la Pro- vidence, dont il connaît les soins à son égard. L'événe- ment prouva que sa confiance n'était pas vaine. Les sujets du pharaon remarquèrent la beauté de Saraï, et annon- cèrent au roi l'arrivée de la belle étrangère. Bientôt après elle fut enlevée et introduite dans le harem royal. Abram fut traité avec distinction, et reçut pour prix de sa sœur présumée de riches cadeaux en esclaves et en bestiaux, biens les plus appréciés des nomades. Mais un châtiment céleste, dont la nature n'est pas indiquée, frappa le pha- raon et sa maison , et l'arrêta dans son dessein d'épouser Saraï. Ayant su, probablement de sa bouche, qu'elle était l'épouse d' Abram, il fit à ce dernier des reproches, lui rendit sa femme, et l'engagea à quitter le pays. Ses gens les accompagnèrent jusqu'à la limite de l'Egypte pour les protéger. Tous les détails de ce récit sont parfaitement conformes aux mœurs et aux usages des anciens Égyptiens. Cf. Vigouroux, loc. cit., p. 432-453.

En sortant d'Egypte, Abram se dirigea avec Lot, son neveu, vers la partie méridionale de la Palestine, et de stations en stations parvint au lieu de son premier cam- pement, entre Béthel et Haï. La Genèse mentionne ses grandes richesses en troupeaux, et surtout en or et en argent. Les biens qu'il avait avant son voyage en Egypte s'étaient accrus par les présents du pharaon. Lot était aussi très riche en troupeaux et en esclaves. L'extension de leur fortune ne leur permit plus de demeurer ensemble; leurs serviteurs se prirent de querelle au sujet des pâtu- rages; il fallut se séparer. Abram, plein de générosité et de condescendance, laissa son neveu libre de choisir la région qu'il voudrait habiter. Lot se décida pour les rives fécondes du bas Jourdain, semblables alors, par leur frai77

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cheur et leur beauté, an paradis terrestre et à la riante Egypte. Arrivé à Sodome, il s'établit au milieu de ses per- vers habitants. Abram demeura toujours sous la tente, Heb., xi, 9, dans la terre de Chanaan, entre la Méditer- ranée et le Jourdain. Gen., xin, 1-12.

La séparation opérée, il eut une vision dans laquelle le Seigneur renouvela la promesse de lui donner, à lui et à son innombrable postérité , le pays environnant. En signe de ses droits de future propriété, il pouvait le parcourir dans tous les sens. Il vint donc camper dans la vallée de Mambré , près d'Hébron, où il éleva un autel à Jéhovah , et où il conclut alliance avec les Chananéens.

En ce temps-là, Chodorlahomor, roi des Élamites, en- vahit la Palestine pour punir la révolte de plusieurs rois ses vassaux. Sodome et Gomorrhe furent pillées, et Lot emmené captif. Abram en fut instruit par un fuyard. Avec trois cent dix -huit de ses serviteurs les plus exercés, et ses alliés chananéens, il poursuivit les ennemis qui se retiraient, et les atteignit à l'extrémité septentrionale de la Palestine, à l'endroit où s'éleva plus tard la ville de Dan. Une surprise nocturne lui donna la victoire. Lot fut délivré, tout le butin repris, et les ennemis repoussés jusqu'à Hoba, au nord de Damas.

Au retour, deux grands personnages , le nouveau roi de Sodome et Melchisédech , roi de Salem , vinrent féliciter Abram. La rencontre eut lieu dans la vallée de Savé. Mel- chisédech, qui était prêtre du Très-Haut, offrit en sacri- fice au Seigneur le pain et le vin, et bénit le vainqueur. Au prêtre qui le bénissait,- Abram donna la dlme de tout le butin. Le roi de Sodome lui laissait toutes les dépouilles; il n'accepta rien pour lui , en dehors de ce qu'avaient con- sommé ses hommes , mais il réserva la part de ses alliés. II. Seconde période. — Comme Abram pouvait craindre le retour des rois vaincus, Dieu, dans la vision qui commence la seconde période de son histoire, Gen., xv et xvi, dis- sipe ses appréhensions , et lui promet sa protection contre tous ses ennemis. 11 lui prédit en outre une très grande ré- compense. Mais les biens temporels paraissent peu de chose au patriarche , privé d'enfant ; ses richesses passeront aux mains de son serviteur Éliézer. Dieu le console et lui an- nonce une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Abram crut, et sa foi lui fut imputée à justice. Cet acte defoi, loué par saint Paul, Rom., iv, 3; Gai., m, 6, et par saint Jacques, n, 23, était très méritoire; la sain- teté d' Abram en fut accrue.

La donation du pays de Chanaan est encore renouvelée. Tout en adhérant absolument dans son cœur à cette pro- messe, Abram en demande une garantie extérieure, et Dieu, condescendant à son désir, détermine lui-même le rite de leur alliance. Suivant l'ordre divin, Abram immola plusieurs animaux qu'il coupa en morceaux, une tourterelle et une colombe qu'il laissa intactes. Les oiseaux de proie venaient fondre sur les cadavres des victimes, mais il les chassait. Sur le soir, un sommeil profond et extatique et un indicible effroi le saisirent. Dieu lui prédit le séjour de sa race en Egypte durant quatre cents ans, sa servitude et son retour à la quatrième génération, quand les Amorrhéens auront mis le comble à leurs iniquités. Le soleil étant couché, Abram vit, au milieu d'une nuée ténébreuse, une fournaise d'où s'échappait beaucoup de fumée. Une flamme très vive en sortit, et passa entre les membres découpés des victimes. Cette vision symbolique était le signe de l'alliance conclue entre Dieu et Abram, et la garantie extérieure de la donation de tout le pays de Chanaan.

Après dix ans de séjour en Chanaan, Saraï, n'espérant plus avoir d'enfant, proposa à son mari de prendre pour femme l'Égyptienne Agar, sa servante. Abram y consentit, dans le désir de réaliser ainsi les promesses divines. Mais bientôt il dut abandonnera la maltresse l'esclave, que sa fécondité rendait orgueilleuse. Pour échapper aux mauvais traitements de Saraï, Agar s'enfuit. Sur l'ordre d'un ange, elle retourna chez Abram, et lui donna un fils qui fut

appelé Ismaël. Abram avait alors quatre-vingt-six ans.

III. Troisième période. Gen., xvn-xxi. — Treize ans après cet événement, Dieu renouvela son alliance et ses promesses. Dans sa quatre-vingt-dix-neuvième année, Abram eut une vision. Le Tout-Puissant rattache à la per- fection de vie du patriarche l'exécution des promesses précédentes. Le nom d' Abram, « père élevé, » est changé en celui d'Abraham, « père de la multitude, » pour rappeler l'immense postérité qui lui a été prédite. L'alliance entre elle et le Seigneur sera éternelle ; la terre de Chanaan lui appartiendra. La circoncision devient le symbole et le sceau de l'alliance de Dieu avec les fils d'Abraham. Quant à la postérité promise, elle descendra non pas d'Agar, mais de Saraï, qui désormais s'appellera Sara. A cette annonce, l'heureux patriarche, toujours prosterné à terre, rit d'éton- nement et de joie. Les circonstances exceptionnelles de la promesse provoquaient son étonnement : « Pensez -vous qu'un fils naîtra à un centenaire, et que Sara nonagé- naire enfantera? » Saint Paul, Rom., iv, 19, a reconnu dans ce rire l'acte d'une foi inébranlable, qui produisit dans l'âme d'Abraham une augmentation de grâce. Mais la promesse d'un fils de Sara n'implique-t-elle pas le rejet d'ismaël? Abraham semble le craindre, et l'amour pa- ternel lui fait demander la conservation de son premier- né. Dieu répète que le fils de Sara sera l'objet de l'alliance éternelle , et précise la date de sa naissance. Ismaël , souche de douze princes, aura une très nombreuse pos- térité. La vision terminée , Abraham se circoncit , lui , Ismaël et tous les mâles de sa maison, le même jour. Gen., xvn. Voir Circoncision.

Peu après , le patriarche, assis sur la porte de sa tente, pendant la chaleur du jour, eut , dans la vallée de Mam- bré, une nouvelle apparition du Seigneur. Trois person- nages de forme humaine se tenaient non loin de lui. Afin de remplir les devoirs de l'hospitalité, Abraham court vers eux , les salue et les supplie de s'arrêter dans sa demeure. Tandis que Sara fait cuire des gâteaux sous la cendre, lui-même ordonne à un esclave de préparer un veau très tendre et très bon. Du beurre et du lait complètent le repas. Debout sous l'arbre de Mambré, Abraham sert ses hôtes. Ceux-ci, tout en mangeant, demandent des nou- velles de Sara. La réitération de la promesse d'un fils né d'elle était le but principal de leur visite. Le Seigneur, présent personnellement ou par ses envoyés , redit à Abra- ham que Sara deviendra mère avant un an.

Le châtiment de Sodome et des villes de la Pentapole était le second but de la démarche divine. Le Seigneur daigna l'annoncer à son fidèle serviteur Abraham, qui avait accompagné ses hôtes. Plein de compassion pour les coupables , Abraham intercède en faveur de Sodome. Entre lui et le Seigneur s'engage un admirable dialogue, qui fait ressortir sa foi en la miséricorde divine, et sa hardiesse autant que la touchante condescendance de Dieu, qui cède progressivement aux demandes répétées du grand pa- triarche. Suivant les traditions locales, cette scène se pas- sait à l'endroit où fut bâti plus tard Caphar-Bérucha. Le Seigneur s'en alla et Abraham, demeuré seul, retourna à sa demeure. Anxieux de connaître le résultat de l'enquête divine sur Sodome et le sort de cette ville, il revint le lendemain, de grand matin, au lieu où il avait adressé la veille sa prière au Seigneur, et d'où il pouvait voir la Pen- tapole. Ses regards attristés aperçurent le terrible incendie qui dévorait la contrée. Lot cependant était sain et sauf, en considération de son oncle Abraham. Gen., xviii-xix.

Continuant de mener sa vie errante de nomade pasteur, Abraham, peu après cette catastrophe, passa quelque temps au sud de la Palestine, entre Cadès et Sur, et s'établit à Gérare. Sa vie et l'honneur de Sara y courent le même danger que vingt ans auparavant en Egypte. De nouveau il fait passer Sara pour sa sœur. Celle-ci, malgré son âge avancé, est conduite dans le harem d'Abimélech; mais, averti en songe, le roi de Gérare rend Sara à son mari, auquel il adresse d'amicaux reproches et fait de riches ca79

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deaux. — Abraham justifie sa conduite par la dépravation morale des habitants : il craignait d'être tué à cause de sa iemme. D'ailleurs il n'a pas menti : Sara est vraiment sa sœur, la fille de son père , mais d'une autre mère. Aussi , en vertu d'une convention ancienne, Sara dit partout qu'elle est la sœur d'Abraham. — Abraham pria, et, selon la

'. promesse faite à Abimélech, la prière de ce juste si étroi- tement uni à Dieu obtint la cessation du châtiment qui avait frappé le roi et toute sa maison. Ce récit, malgré ses ressemblances avec celui du séjour d'Abraham en Egypte, n'en est pas une répétition. Le temps, le lieu et les détails diffèrent et dénotent deux faits distincts. Les mœurs de l'époque expliquent la succession rapprochée et les ana- logies des deux épisodes. Gen., xx.

Tandis qu'Abraham habitait le pays de Gérare, la pro- messe des messagers divins s'accomplit. Au temps prédit , Sara mit au monde un fils, qu'Abraham nomma Isaac et circoncit huit jours après sa naissance. Le patriarche avait alors cent ans. Rom., iv, 19. A l'époque du sevrage de l'enfant, il y eut un grand festin. Sara, ayant remarqué sur les lèvres d'Ismaël un sourire moqueur et méprisant pour Isaac, exigea le bannissement d'Agar et de son fils. Cette mesure rigoureuse coûta au cœur paternel d'Abra- ham, et il fallut l'ordre de Dieu pour qu'il s'y résignât. Tout en approuvant les motifs de Sara, le Seigneur re- nouvelait les promesses précédentes, relatives à Ismaël. Toujours obéissant, Abraham remii à Agar quelques pro- visions et la renvoya, elle et son fils. Gen., xxi, 1-21.

Ce renvoi d'Agar et d'Ismaël est une conséquence fâ- cheuse de la polygamie. La paix et l'union ne peuvent durer longtemps au même foyer entre deux femmes et leurs enfants. Déjà, sous la tente d'Abraham, elles avaient été troublées par l'orgueilleuse conduite de l'esclave de- venue mère. La jalousie d'Ismaël envers Isaac, son carac- tère emporté et indépendant, prédit par l'ange, Gen., xvi, 12, firent craindre à Sarades querelles nouvelles; elle exigea la séparation. D'ailleurs, depuis la naissance d'Isaac, la position d'Ismaël avait changé: Isaac devant être l'unique héritier, Ismaël n'appartenait plus à la race choisie. L'accomplissement des desseins de Dieu réclamait tôt ou tard son éloignement. Abraham le comprit et, sur l'ordre divin, renvoya son épouse et son fils. Il y a lieu aussi de croire que la signification surnaturelle de cette expulsion (voir Agar) ne lui fut pas complètement cachée. On l'a accusé de dureté dans cette circonstance. Le peu de provisions qu'il remit à Agar les exposait, elle et son fils, à mourir de faim et de soif dans le désert; l'événe- ment ne le montra que trop. — On peut répondre que si Ismaël fut sur le point de mourir de soif, c'est parce que sa mère s'égara dans le désert. L'expression biblique, Gen., XXI, 14, permet de supposer qu'Abraham l'avait chargée des vivres suffisants pour le voyage. Le père, d'ailleurs, comp- tait sur l'hospitalité des habitants du pays, et sur une pro- vidence particulière de Dieu, qui ne fit pas défaut à Ismaël. Enfin celui-ci, âgé d'environ dix-sept ans, pouvait suffire à ses besoins, et, la première détresse passée, il y suffit réellement. — Abraham garda toujours de la tendresse

' pour son fils, auquel il donna avant de mourir un apanage. Gen., xxv, 6.

Au même temps où Agar était chassée, le roi Abimélech vint demander à Abraham son alliance. Avant d'y consen- tir, le patriarche se plaignit d'une violence commise par les serviteurs du roi de Gérare , qui s'étaient emparés d'un puits creusé par ses soins. Abimélech s'excusa ; Abraham lui fit des présents ; le contrat d'alliance fut conclu devant témoins, et tous deux se jurèrent une éternelle fidélité. Puis, pour confirmer ses droits sur le puits en litige, le patriarche donna encore sept brebis. Le théâtre de ces événements fut nommé Bersabée. Après le départ d'Abi- mélech, Abraham y planta un tamaris et y invoqua Jého- vah. Gen., xxi, 22-34.

IV. Quatrième période. Gen., xxn-xxv, 10. — Il sé- journait dans ces contrées depuis vingt- cinq ans, suivant

Josèphe, Ant.jud., I, xm, 2, quand son ohéissance et sa foi turent soumises à une très dure épreuve. Dieu lui or- donne d'immoler son fils Isaac au lieu qu'il lui désignera. En réalité, Dieu n'exigera pas l'effusion du sang humain ; il veut seulement tenter son fidèle serviteur, éprouver son obéissance et sa foi , et les faire briller du plus vif éclat. Un commandement si extraordinaire surprit sans doute Abraham; la raison et l'amour paternel semblaient devoir l'empêcher de l'exécuter. Là parole de Dieu l'em- porta. Abraham comprit que le souverain maître de la vie a le droit de reprendre ce qu'il a donné, et, éclairé par une lumière et soutenu par une force divines, il obéit sans hésitation, mais non sans de vives angoisses, à l'ordre qu'il avait reçu. Sa foi dans les promesses de Dieu ne diminua pas ; elle ne lui permettait pas de douter que le Seigneur, de quelque manière que ce fût, ne lui rendit le fils de ia promesse, et, en l'immolant, il pen- sait que Dieu était assez puissant pour ressusciter Isaac. Heb. , XI, 17-19. Cet acte héroïque accrut sa sainteté. Jac, H, 21. Se levant de nuit, il sangla son âne, prit deux jeunes serviteurs avec Isaac, coupa le bois du sacri- fice, et alla droit au mont Moriah, que le Seigneur lui avait indiqué. Voir Moriah. Après trois jours de marche, les serviteurs eurent ordre d'attendre avec l'âne son pro- chain retour. Le bois du sacrifice fut mis sur les épaules d'Isaac ; Abraham portait le feu et le glaive. Tout en che- minant, le fils dit à son père : « Il n'y a pas de victime. » Abraham répondit évasivement : « Dieu y pourvoira. » A l'endroit désigné, le père éleva un autel, y disposa le bois, lia son fils et le plaça sur le bûcher. Déjà sa main était armée du glaive pour frapper, quand Dieu , satisfait du sacrifice intérieur, lui commanda par la voix d'un ange de surseoir à l'immolation. Abraham, levant les yeux, vit derrière lui un bélier embarrassé par les cornes dans un buisson épineux ; il le prit et l'immola à la place d'Isaac. Le lieu du sacrifice fut appelé la Montagne de la providence de Jéhovah. Gen., xxn, 1-14.

Dieu alors renouvela pour la dernière fois ses anciennes promesses, et les garantit par un serment solennel. Gen., xxil, 15-18; Heb., VI, 13-17. La bénédiction divine pro- curera à Abraham une nombreuse et heureuse postérité ; par un de ses rejetons, par le Messie, Act., m, 25-26; Gai., m, 16, il sera pour toutes les nations une source de bénédictions. Ce dut être alors que, selon la parole de Jésus -Chris,t, Joa., vin, 56, le patriarche tressaillit pour voir les jours du Messie, les vit et en fut dans la joie. Abraham et Isaac rejoignirent leurs serviteurs , et ils re- tournèrent tous ensemble à Bersabée, où ils continuèrent d'habiter et où ils reçurent des nouvelles de la famille de Nachor. Gen., xxii, 19-24.

Sara mourut à l'âge de cent vingt -sept ans, à Hébron. Abraham lui rendit les derniers devoirs et la pleura. Pour l'enterrer, il acheta aux fils de Heth une grotte, qui devint le tombeau de la famille. Le contrat de vente présente un tableau très remarquable des mœurs et des usages orientaux. Vigouroux, loc. cit., p. 480-486. La négocia- tion fait ressortir qu'Abraham était étranger dans la terre promise à sa race. Le seul bien -fonds qu'il y posséda fut un tombeau. Gen., xxm.

Chargé de jours et âgé d'environ cent quarante ans, Abraham voulut marier Isaac. Pour ne pas unir le père du peuple élu à une femme chananéenne , il envoya son intendant Éliézer, en Mésopotamie, choisir à Isaac une épouse de sa famille. Le vieux serviteur reçut aussi l'ordre de ne jamais reconduire son jeune maître au pays d'où venait son père. Éliézer ramena Rébecca. Gen., xxiv.

Après la mort de Sara et le mariage d'Isaac , Abraham prit une troisième femme, nommée Cétura, dont il eut encore six fils. Ce tardif mariage n'a été contracté, suivant la juste remarque de dom Calmet, qu'en vue d'avoir des enfants qui répandraient sur terre la vraie religion, et qu'afin de mieux réaliser la promesse divine d'une nom- breuse postérité. Gen., xxv, 1-4. 81

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Avant de mourir, Abraham disposa de sa fortune. Tous ses biens passèrent à Isaac , son unique héritier. Les fils des femmes de second ordre reçurent quelque apanage , mais furent envoyés hors de la Palestine, dans la direction de l'est, vers l'Arabie. Avancé en âge et plein de jours, Abraham mourut dans une bonne vieillesse. Il avait vécu cent soixante -quinze ans. Son âme fut réunie à celles de ses pères, et son corps enseveli par Isaac et Ismaël auprès de celui de Sara, dans la caverne de Macpélah.

V. Abraham dans les livres postérieurs de l'Ancien Tes- tament. — Le nom d'Abraham , ses exemples , son alliance avec Dieu, les promesses qu'il a reçues, les épreuves qu'il a subies, les vertus qu'il a pratiquées, remplissent l'Écri- ture. Les écrivains des deux Testaments, en retraçant au peuple élu ses destinées, en rappelant les voies qui ont préparé la rédemption, remontent presque toujours jus- qu'à lui. Jéhovah daigna porter le nom de « Dieu d'Abra- ham », Exod., m, 6, 15, 16; iv, 5; Tobie, vu, 15; Esther, xiii, 15; xiv, 18; Ps. xlvi, 10; Act., m, 13; vu, 32, et Jésus- Christ a trouvé dans ce titre une preuve de la résurrec- tion, Matth., xxii, 32; Marc, xii, 26; Luc, xx, 37. Dieu lui-même fonde les droits des Hébreux sur la terre de Chanaan sur ses apparitions, Exod. vi, 3, et sur ses pro- messes à Abraham, Exod., vi, 8; xxxii, 13; xxxm, 1 ; Deut., xxxiv, 4. Il se souvient de l'alliance contractée avec lui, Lev., xxvi, 42, et Moïse ne cesse de la rappeler à son peuple, Exod., H, 24; Nomb.,xxxn, 11; Deut., I, 8; vi, 10;ix, 5, 27; xxix, 13; xxx, 20. Josué dans ses adieux, xxiv, 3; Élie avant d'offrir le sacrifice, 111 Rois, xvm, 36; l'auteur du quatrième livre des Rois, xiii, 23; David dans ses psaumes, civ, 6, 9; I Par., xvi, 16, et sa dernière prière, I Par., xxix, 18; Josaphat lors du jeune solennel qu'il a célébré , II Par. , xx, 7; Ézéchias, ibid., xxx, 6; Néhémie, 11 Esd., ix, 7; les Juifs de Jérusalem dans leur lettre à leurs coreligionnaires d'Egypte, II Mach., i, 2, mentionnent cette alliance. Judith, Tin, 22, et Mathathias, I Mach., n, 52, font allusion aux épreuves du patriarche. L'Ecclésiastique, xliv, 20-23, con- tient son éloge. Dieu, par la bouche des prophètes, l'appelle son ami, Isaïe, xli, 8, exhorte à la vertu par son exemple, ls., Li , 1 et 2, et rappelle aux Juifs les promesses qu'il a faites à son serviteur, Jer., xxxm, 26 ; Baruch, il, 34 ; Ezech., xxxm, 2i. Michée, vu, 20, et les enfants dans la fournaise, Dan., III, 35 et 36, l'en font aussi souvenir.

VI. Abraham dans le Nouveau Testament. — Dans l'Évangile, Marie et Zacharie chantent les promesses et l'alliance d'Abraham. Luc, i, 55 et 73. Jésus-Christ est le fils d'Abraham. Matth., î, 1; Luc, ni, 34. Les Juifs se flattaient de ce titre. Matth., m, 9; Luc, m, 8. Jésus l'a donné à une malade, Luc, xm, 16, et à Zachée, Luc, xix, 9; mais il assure que les Juifs qui n'accomplissaient pas les <Euvres d'Abraham perdaient tous droits aux privilèges de sa race. Joa., vin, 33-44. Abraham est au ciel, Luc, xm, 28; comme il est le père de tous les croyants, les justes, Juifs, Luc, xvi, 22-30, et Gentils, Matth., vin, 11, reposeront dans son sein. Saint Pierre, saint Etienne, Act., m, 25; vu, 2-8, 17, et saint Paul, Héb., vi, 13, rappellent aux Juifs les promesses faites à leur ancêtre. L'Apôtre des Gentils montre leur accomplissement dans la personne de Jésus-Christ, Gai., m, 16-18, fils d'Abraham, Heb., n, 16. Il s'honorait d'être fils d'Abraham, Rom., xi, 1; 11 Cor., xi, 22; il donne aux Juifs ce nom, Act., xm, 26, mais il -expose explicitement, Rom., IX, 7-9, et allégoriquement, -Gai., m, 29; iv, 22-31, qu'il vaut mieux être fils d'Abra- ham par les œuvres que par le sang. Les relations d'Abra- ham avec Melchisédech servent de preuve à saint Paul pour établir la supériorité du sacerdoce de Jésus-Christ ■sur le sacerdoce lévitique. Heb., vu. Il loue la foi du pa- triarche, Rom., iv, 1-24; Gsd., m, 6-9; Heb., xi, 8-19, et saint Jacques, n, 21-23, fait de même.

VII. Abraham dans l'histoire profane et dans la lé- gende. — Abraham n'est pas resté inconnu à l'histoire profane. Bérose, cité par Josèphe, Antiq. jud., I, vu, 2, parle d'un homme juste, grand et versé dans les choses

célestes, qui vivait parmi les ChaldéenS à la dixième géné- ration après le déluge, et Josèphe croit, sans aucune vrai- semblance du reste, qu'il s'agit d'Abraham. L'historien Nicolas de Damas, dont le témoignage est rapporté par le même auteur, dit qu'Abraham sortit de la Chaldée avec une année, se rendit d'abord à Damas, et y régna quelque temps avant d'entrer dans le pays de Chanaan. Selon Jus- tin, xxxvi, 2, Abraham fut le quatrième roi de Damas. Eusèbe de Césarée, Prsepar. Ev., ix, 16-20, t. xxi, col. 705-713, a recueilli sur Abraham les renseignements four- nis par Bérose, Hécatée, Nicolas de Damas, Eupolème, Artapan, Melon et Philon l'Ancien, cités par Alexandre Polyhistor et Josèphe. Les livres des Sabéens parlent des croyances monothéistes d'Abraham, et des dissensions qui s'élevèrent à ce sujet entre lui et les habitants de la Chal- dée, et qui l'obligèrent d'émigrer après avoir perdu tous ses biens. Les traditions que rapportent ces livres n'ont d'ailleurs aucune valeur historique sérieuse.

La légende a embelli l'histoire du grand patriarche. Les Arabes, qui descendent de lui par Ismaël et le surnomment Kalil-AUah, « l'ami de Dieu, » débitent sur sa vie un grand nombre de fables , puisées en partie dans les écrits des rabbins ( d'Herbelot, Bibliothèque orientale, au mot Abra- ham, p. 12-16; F. Lenormant, Histoire ancienne de l'Orient, 9 e édit., t. vi, 1888, p. 404-406). Josèphe, Ant. jud., I, vin, Philon, De Abrahamo, Nicolas de Damas et Eupolème dans Eusèbe, loc. cit., et quelques écrivains ecclé- siastiques parlent de la protonde science d'Abraham dans l'astronomie, la métaphysique et les mathématiques. Suidas, au mot Abraham , veut qu'il ait inventé les lettres et la langue hébraïques, et saint Isidore de Séville, Etym., 1. I, c. m, n. 5, t. lxxxii, col. 75, les caractères syriaques et chaldaïques. On lui attribue divers ouvrages, entre autres le Ietzirah ou livre de la Création , un traité de l'idolâtrie, et les psaumes lxxxviii et lxxxix, inscrits aux noms d'Hé- man ou d'Éthan. Les rabbins lui attribuent les prières du matin. Talmud de Jérusalem, Berakhoth, c. iv, n. 1 ; trad. franc, de Schwab, p. 72 ;• Talmud de Sabylone, ibid., p. 328. Les mages croient qu'il est le même personnage que Zoroastre, et qu'il a composé les livres Zend, Pazend et Vostha, qui contiennent tous leurs points de doctrine. Fabricius, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti, 2 e édit., Hambourg, 1722, 1. 1, p. 341-428, a réuni tous les documents relatifs à la littérature légendaire sur Abraham.

VIII. Culte rendu à Abraham. — L'Eglise honore la mémoire du père des croyants. A partir du ix« siècle, son nom a été inséré dans les martyrologes; il se trouve dans ceux d'Adon et d'Usuard, et dans le romain au 9 octobre. Dès le temps du pape Damase , il est fait mention de son sacrifice au canon de la Messe. Il est invoqué dans les prières pour la recommandation de l'âme. Les Coptes célè- brent sa fête le 28 mars ; l'Église syriaque fait mémoire le 20 janvier de son épreuve du feu. L'ordre de Fontevrault et l'Oratoire de France avaient un office en son honneur.

IX. Bibliographie. — S. Ambroise, De Abraham, t. xiv, col. 417-500; A. Masson, Histoire du patriarche Abraham, 1688; Heidegger, Hisloria sacra Patriarcha- rum, 2 e édit., Amsterdam, 1688; Augusti, Dissertatio de fatis et faclis Abrahami, in-4o, Gotha, 1730; Withof, Programma de Abrahamo , amico Dei , Duisbourg , 1743, in-4"; Hobbing, History of Abraham, Londres, 1746, in -8°; Gillebank, Scripture history of Abraham, Londres, 1773, in -8°; Holst, Scenen aus dem Leben Abraham's, Chemnitz, 1828; Engelstaft, Historia populi judaiei biblica usque ad occupationem Palestinse, Co- penhague, 1832; Roos, Fusstapfen des Glaubens Abra- ham, Tubingue, 1837; Passavant, Abraham und Abra- ham's Kinder, Bâle, 1848; Béer, Leben Abraham's nach Auffassung der jùdischen Sage, Leipzig, 1859; Bern- stein, Krilische Untersuchung ûber den Ursprung der Sagen von Abraham, Isaak und Jacob, Berlin, 1871; Tomkins, Studies on the limes of Abmham, Londres (sans date). E. Mangenot. 83

ABRAHAM (LE SEIN D')

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2. ABRAHAM (le sein d') est une locution métapho- rique en usage parmi les contemporains de Jésus -Christ, pour designer le lieu dans lequel les âmes saintes, sorties de ce monde, jouissaient du repos et du bonheur. « Si vous ne voulez point plaisanter ou vous tromper puérilement, écrivait saint Augustin à Vincentius Victor, qui prenait cette expression au sens littéral propre, entendez par le sein d'Abraham le lieu de repos éloigné et caché où est Abraham. » De anima et ejus origine, 1. IV, c. XVI, n° 24, t. xliv, col. 538. Dans la langue des rabbins, « être dans le sein d'Abraham, » behêqô sél 'Abraham, signifiait être heureux après la mort. Lightfoot, Horse hebraiese et tal- mudicm, in Luc, xvi, 22. L'auteur du quatrième livre des Machabées, xm, 16, joint au nom d'Abraham ceux d'Isaac et de Jacob. Le Sauveur a employé cette image dans la belle parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare, Luc, xvi, 22 et 23, dans laquelle il résout en quelques mots clairs et décisifs le difficile problème de l'inégale réparti- tion des biens et des maux ici-bas.

L'origine de cette métaphore , qui dépeint si gracieuse- ment le repos et la joie des justes dans les limbes, est di- versement expliquée. De l'aveu de tous, l'union, l'intimité avec Abraham, la participation à son bonheur, y sont expri- mées. Cf. Joa., i, 18. Voulant préciser davantage la nature du bonheur goûté , les anciens commentateurs reconnais- saient dans cette image une allusion à la coutume, signalée dans l'Ancien Testament, II Reg., xn, 3; III Reg., m, 20; xvii, 19, qu'ont les parents de faire reposer à côté d'eux leurs enfants, et de les prendre dans leurs bras et sur leurs genoux, après les fatigues d'une longue course, à leur retour à la maison , ou à la suite d'une contrariété. Sem- blables à des enfants fatigués et affligés, qui trouvent sur le sein paternel un doux repos et une prompte consolation, les justes , souvent pauvres , abandonnés , méprisés , souf- frants comme Lazare ici-bas, goûtent après leur mort, dans le sein d'un père , la joie qu'ont méritée leurs souf- frances. Abraham est ce père, lui, le père de tous les croyants, Rom., iv, 16 et 17, des hommes justifiés par la foi. Tertullien, Adversus Marc, IV, 34, t. n, col. 444; S. Augustin , loc. cit. ; S. Cyrille d'Alexandrie, In Joannis Evangelium, i, 10, t. lxxiii, col. 181. Tous ceux qui ont partagé sa foi sont ses fils et auront part à sa récompense. « Anima; hominùm post mortem ad quietem pervenire non possunt nisi merito fidei ; quia accedentem ad Deum oportet credere. Heb., xi, 6. Primum autem exemplum credendi hominibus in Abraham datur, qui primus se a coetu infi- delium segregavit et spéciale signum fidei accepit. Et ideo requies illa quse hominibus post mortem datur, sinus Abrahse dicitur. » S. Thomas, Sum. th., 3* p., q. 69, a. 4.

Maldonat, Comment, in quatuor Evangelia, Pont- à-Mousson, 1596, p. 529, proposa une nouvelle explica- tion, préférée par plusieurs exégètes modernes. Il rap- proche la métaphore des passages scripturaires qui repré- sentent le royaume du ciel comme un festin. Les justes y seront à table avec les hommes pieux de l'Ancien Testa- ment, Abraham, Isaac et Jacob. Matt., vin, 1 1; Luc, xm, 29 ; xiv, 15; xxn, 30. Conformément à la coutume des anciens, qui mangeaient à demi couchés et inclinés les uns vers les autres, les convives devaient reposer sur le sein d'Abra- ham, le président de l'éternel festin, comme saint Jean à la dernière Cène sur celui de Jésus. Joa., xm , 23. A vrai dire, ce banquet réservé aux serviteurs du Messie parait distinct du repos goûté dans le sein d'Abraham. Dans l'Évangile, il n'est encore qu'une promesse, il désigne un bonheur futur, tandis que le sein d'Abraham est le théâtre d'une joie déjà accordée. Abraham , il est vrai, deviendra convive du festin messianique , mais c'est après avoir quitté les limbes pour jouir au ciel d'un bonheur plus parfait. Atzberger, Die christliehe Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung in Alten und Neuen Testamente, Fri- bourg-en-Brisgau, 1890, p. 246. La première explication, d'ailleurs, répond mieux à la nature du bonheur goûté dans le sein d'Abraham.

Ce bonheur ressort du contraste établi par la parabole entre la situation du pauvre et la situation du riche. Celui- ci est torturé dans les flammes, celui-là repose tranquille- ment sur le sein d'Abraham ; le riche expie dans les tour- ments sa vie sensuelle et sa dureté envers Lazare, et brûle d'une soif dévorante, qui lui fait désirer comme une grande faveur le rafraîchissement que lui donnerait une goutte d'eau déposée sur l'extrémité de sa langue; le pauvre est consolé des maux qu'il a patiemment supportés sur la terra. Repos, consolation et rafraîchissement, voilà, décrit en trois mots, le bonheur du juste dans le sein d'Abraham, bonheur incomplet, repos imparfait, consistant dans l'im- munité de la peine. S. Thomas, loc. cit. Le sein d'Abra- ham n'est, par suite, qu'un séjour provisoire, où les justes attendent le bonheur parfait, le repos complet dans la vision de Dieu. S. Thomas, ibid., a. 5.

La position de ce lieu d'attente peut être déterminée d'après les détails de la parabole évangélique, — qui nous permet d'entrevoir le monde d'outre-tombe, — rapprochés des enseignements de la théologie rabbinique. Dans la para- bole , le sein d'Abraham est distinct de l'enfer, dans lequel le riche est tourmenté. Les rabbins, eux aussi, divisaient le scheôl ou séjour de tous les morts en deux parties : le sein d'Abraham pour les justes, et la géhenne pour les méchants. Leur disposition permettait d'apercevoir de l'une ce qui se passait dans l'autre. Elles n'étaient séparées que par une largeur de main, ou par l'espace qu'occupe une muraille ordinaire. On pourrait croire, à première vue, que Notre-Seigneur corrige sur ce dernier point l'enseignement des rabbins. Cf. Tertullien, Adversus Marc, îv, 34, t. H, col. 444. Il nous montre , en effet , Abraham et Lazare éloignés du riche , qui élève les yeux pour les voir et la voix pour se faire entendre d'eux. Toutefois, selon l'in- terprétation des meilleurs commentateurs, ces images ne déterminent pas la distance locale , mais seulement la distance morale qui sépare les deux situations, la diffé- rence d'état des personnages mis en scène. Aussi saint Thomas, ibid., a. 5, adoptant le sentiment commun des Pères ( Petau, Theol. dogmat.,de Incarnat., 1. XIII, c. xvin, n» 5, t. v, p. 372-373; Maldonat, loc. cit.), enseigne-t-il que le sein d'Abraham et l'enfer étaient voisins. Malgré leur rapprochement, une distance infranchissable les sé- parait. Entre eux il y avait un gouffre , un abîme béant et sans pont, barrière qui rendait impossible toute interven- tion des saints en faveur des damnés. La séparation sera éternelle; le sort de chacun est fixé irrévocablement; la condition des uns et des autres est immuable : le juste sera toujours heureux, le méchant toujours malheureux. On a justement remarqué aussi que la réponse douce , calme et ferme d'Abraham à la première demande du riche n'exprime aucun sentiment de compassion pour ce mal- heureux. Soumis aux décrets de la justice divine , le pa- triarche fait comprendre à son interlocuteur que ses souf- frances sont méritées.

Un abime semblable n'existe pas entre le sein d'Abra- ham et la terre, quoi qu'en ait pensé Tertullien, De anima, lvii, t. n, col. 749. La seconde demande du riche, Luc, xvi, 28 et 29, prouve que l'âme heureuse peut communi- quer avec les nommes et leur attester l'existence des mys- tères d'au delà du tombeau. Abraham, en effet, ne nie pas la possibilité d'un tel commerce; s'il rejette la requête du riche, c'est que la parole divine suffit aux hommes de foi, et que même la résurrection d'un mort ne convertirait pas les mondains dont la volonté est mauvaise.

L'expression « sein d'Abraham » a passé de l'Évangile dans la théologie et la liturgie catholiques. Sous la plume des saints Pères, elle désigne tantôt le lieu où les âmes des patriarches et des prophètes habitaient avant que Jésus- Christ les en eût retirées pour les introduire au ciel, S. Au- gustin, Epist. cixxxviii, c. H, n° 6, t. xxxm, col. 834; De Gencsi ad litteram, xii, 63 et 64 , t. xxxiv, col. 481-482, etc., et où, selon Tertullien, Adversus Mare., iv, 34, t. h, col. 444; De Anima, vu, t. n, col. 657; lvii, col. 743; voir 85

ABRAHAM (LE SEIN D') — ABRAHAM HALLÉVI

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Paradis, et Klee, Manuel de l'histoire des dogmes chré- tiens, trad. Mabire, Paris, 1848, t. n, p. 444, elles devaient demeurer jusqu'à la fin du monde et la résurrection géné- rale; tantôt le ciel, où elles ont été emmenées au sortir des limbes. S. Ambroise, De obitu Valentiniani , 72, t. xvi, col. 580; S. Augustin, Confess., ix, 3, t. xxxii, col. 765; Qwest, evang., n, 38, t. xxxv, col. 1350; etc. C'est une des formules servant d'épitaphe sur les tombeaux chrétiens des premiers siècles. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, SS'édit., Paris, 1877, au mot Paradis, p. 577. Laliturgiede saint Basile, Renaudot, Liturg. orient, collect., Paris, 1716, t. I, p. 72, et la liturgie romaine, Ordo com- mendationis animse, De exequiis; cf. Office de saint Martin de Tours , demandent que les anges conduisent l'âme du défunt dans le sein d'Abraham, c'est-à-dire au céleste séjour. « L'art chrétien, surtout au xm e siècle, représen- tait volontiers le ciel sous cette naïve figure. On la voit sculptée à Saint-Étienne de Bourges, à_ Moissac, à Vézelay, à Notre-Dame de Reims. » Fillion, Évangile selon saint Luc, Paris, 1882, p. 298. Deux lieux différents, les limbes et le ciel, ont pu, remarque saint Thomas, loc. cit., a. 4, ad 2°™, porter le même nom à raison de leur destination commune, tous deux étant des lieux de repos, de rafraî- chissement et de paix. L'un a succédé à l'autre ; et depuis l'ascension de Jésus, selon la parole de saint Augustin, Quœst. evang., n, 38, t. xxxv, col. 1350, « le sein d'Abraham est le lieu de repos des pauvres bienheureux, à qui appar- tient le royaume des cieux, dans lequel ils sont reçus après cette vie. » E.Mangenot.

3. ABRAHAM BEDERSI, BEN I8AAC, surnommé Be- dersi , c'est-à-dire de Béziers, d'après la transcription juive du nom de cette ville , d'où il était originaire , fut un des poètes juifs les plus célèbres de la Provence, quoique ses nombreuses productions , dénuées d'imagination , ne mé- ritent pas ce renom. Il ilorissait vers 1240. La date de sa mort doit être placée de 1296 à 1300. Il fit un dictionnaire des synonymes hébreux , sous le titre de IJôtam (okni( , Ezech., xxviii, 12, Le sceau de la perfection. Ce travail, le premier de ce genre composé dans la littérature hé- braïque, est assez riche en développements. Les lexiques de ses prédécesseurs y sont largement mis à contribution. Le Ifôtam foknît a été édité par Gabriel Pollak, 1863. La bibliothèque de Leyde possède le seul manuscrit connu, encore est-il incomplet.

4. ABRAHAM-BEN-MÉIR-IBN-EZRA. Voir ABEN-ESRA.

5. ABRAHAM CHASAN, BEN JUDA, rabbanite polo- nais, un des plus judicieux exégètes de ce pays, composa un commentaire succinct sur les prophètes, les hagio- graphies et les cinq Megillo{. Dans cet ouvrage, il sait mettre à profit les commentaires plus anciens, comme ceux de Raschi, d'Aben-Esra, de Kimchi, etc., et il traduit en allemand les mots difficiles de l'Écriture. In-f°, Lublin, 1593, 1612.

6. ABRAHAM DE BALMÈS, BEN MÉIR, grammairien juif du xv* siècle, né à Lecce, dans le royaume de Naples, fut médecin du cardinal Gammari , et professeur à l'uni- versité de Padoue. Il se fit connaître par une traduction latine des œuvres d'Averroès. On lui doit aussi une gram- maire de la langue hébraïque, intitulée Miqnëh 'Abram, Gen., xiii, 7, La possession d' Abram. Cette grammaire, en hébreu et en latin, n'était pas achevée quand il mourut, à Venise, en 1523. Elle fut continuée par R. Kalonymos- ben-David, et publiée par Bomberg. Abraham montre dans cet ouvrage une grande érudition, et en exposant ses idées personnelles, en discutant les opinions des anciens grammairiens, il fait preuve d'un grand sens critique, mais il pèche par la méthode. Cette grammaire fut im- primée à Venise, par Bomberg, in -4°, 1523; la traduction latine à Anvers, in-4o, 1564; hébreu et latin, Hanau, 1594.

7. ABRAHAM DE BETH-RABBAN, ainsi nommé du lieu de sa naissance, plus connu sous le nom d'Abraham de Nisibe. (Voyez ce nom.)

8. ABRAHAM DE LONSANO, BEN RAPHAËL, auteur d'une grammaire hébraïque, intitulée Qinyan 'Abraham, Possession d'Abraham, in -8°, Zolkiew, 1723.

9. ABRAHAM DE NISIBE ou DE BETH-RABBAN. Écri- vain nestorien , qui succéda à Narsai dans l'école de Ni- sibe ( Assemani, Èibliotheca orientalis, t. m, part, i, p. 71), probablement dès le commencement du vie siècle. Suivant Ébedjésu , ibid., il écrivit un commentaire sur Josué , les Juges, les Rois, l'Ecclésiastique, Isaïe, lès douze petits Prophètes, Daniel, le Cantique des cantiques; mais cet ouvrage ne nous est pas parvenu. Ébedjésu lui attribue encore un livre sur les pauses à observer dans la récitation du psautier, et aussi une collection d'hymnes. Le premier de ces ouvrages nous est également inconnu ; mais on trouve parfois, à la fin des Psautiers nestoriens, l'une des hymnes mentionnées par Ébedjésu, notamment dans le Mss. Add. 7156, fol. 157 6 du British Muséum, à Londres, Il ne faut pas confondre cet auteur avec un autre Abra- ham qui vécut plus tard. Cf. W. Wright, Syriac litera- ture, dans YEncyclopsedia Britannica, 9 e édit., t. xxii, p. 836, notes 22 et 24. R. Graffin.

10. ABRAHAM DE PORTALEONE, BEN DAVID, connu aussi sous le nom d'Abraham Aryéh, abréviation de MiSSa'ar 'aryéh, c'est-à-dire de « Porte du lion »; ou encore sous le nom d'Abraham Roféh, c'est-à-dire « le Médecin », naquit à Mantoue en 1542. Il alla étudier à Pavie la philosophie et la médecine, et il y obtint, en 1563, le titre de docteur. Sa mort arriva en 1612. Il com- posa un livre sur les antiquités judaïques, intitulé ëiltê haggiborim, Les boucliers des forts, Cant., iv, 4, où il traite du temple , de sa structure , des autels , des habits sacerdotaux , du chant , de la musique et des instruments de musique des Hébreux, etc. Wagenseil appelle cet ou- vrage « livre excellent, expliquant solidement les antiquités judaïques, livre d'or ». Conrad Iken s'en est beaucoup servi dans son livre des Antiquitates hebraicœ, in-4o, Brème, 1730. Il a été imprimé à Mantoue, in-f°, 1612. La traduction latine a été publiée par B. Ugolini, dans son Thésaurus antiquitatum sacrawm. E. Levesque.

11. ABRAHAM ECHELLEN8I8. Voir EcHELLENSIS.

12. ABRAHAM FARRISSOL, BEN MARDOCHAl, origi- naire d'Avignon , alla se fixer à Mantoue , puis à Ferrare. Célèbre par ses ouvrages de géographie et de cosmogra- phie , il n'a pas la même valeur comme exégète ; il ne fait que suivre les sentiers battus des interprètes juifs de son temps. On a de lui un commentaire très court sur le Pen- tateuque, Pirhê SôSannîm, Fleurs des lis; un commen- taire sur l'Ecclésiaste; un autre sur Job, imprimé dans la Bible rabbinique de Venise, 1518, et publié à Amster- dam dans l'ouvrage de Moïse Francfùrter, intitulé Qehiiat MdSeh.

13. ABRAHAM GALANTE, rabbin italien, mort à Rome, au commencement du xvi° siècle, donna un commentaire cabalistique sur les Lamentations de Jérémie, Qînaf se(ârim r Lamentation mystérieuse, in-4", Venise, 1589; in-4», Prague, 1621.

14. ABRAHAM HALLÉVI, surnommé Hazzaqên ( l'An- cien), disciple de Moïse Corduero, vivait à Jérusalem au XVI e siècle. Il donna un commentaire cabalistique sur les soixante -dix semaines de Daniel, Mesarê qitrin, Celui qui résout les problèmes, Dan., v, 16. « Les futilités con- traires au texte, dit Bartolocci, abondent en cet ouvrage. » Publié à Constantinople, in -4°, 1510. 87

ABRAHAM HALLÉVI — ABRAM

15. ABRAHAM HALLÉVI, BEN ISAAC, publia le Can- tique des cantiques avec commentaires : l'un littéral, l'autre allégorique et mystique. Sabionetta, 1558. La Bibliothèque nationale en possède un manuscrit de 1481.

16. ABRAHAM HALLÉVI, BEN MEGAS (Ibn-Mlgàs), rabbin espagnol, auteur du Kebod 'Élohim, La gloire de Dieu, Ezech., ix, 3, interprétation spirituelle du Pentateuque, in-4o, Constantinople, 1605.

17. ABRAHAM KALMANKAS, BEN JOSEPH, le plus célèbre des cabalistes allemands du xvi« siècle, fit un commentaire sur la Genèse, Ha'êëél, Le tamaris. Lublin

18. ABRAHAM MaTmOUNI, né en 1184, mort en 1234, outre des gloses sur la Mischnah, composa, d'après les principes du célèbre Maimonide, son père, un corn* mentaire arabe sur le Pentateuque dont la bibliothèque bodléienne conserve un manuscrit.

19. ABRAHAM OSTROH, BEN DAVID, auteur d'un commentaire sur le Targum, imprimé dans une édition du Pentateuque avec les trois Targums aramëens. ln-f°, Hanau, 1614; in-f°, Francfort-sur-l'Oder, 1681.

20. ABRAHAM SABBA, juif-espagnol, cabaliste, dis- tingué comme exégète, se retira à Lisbonne à l'époque de l'expulsion des Juifs, en 1492; puis de là à Fez, dans le Maroc. Le plus connu de ses écrits est le Çerôr ham- môr, Bouquet de myrrhe, Cant., i, 13 (12), commentaire sur le Pentateuque, où il n'use que modérément des doc- trines de la cabale, et se renferme souvent dans la seule exégèse rationnelle. 11 fut publié à Constantinople, in-f°, 1514; à Venise, in-f», 1513, 1546, 1566; à Cracovie, 1595.

21. ABRAHAM SEEB OU ZEEB, BEN BENJAMIN,

mort en 1698, dans la Lithuanie, auteur d'un commentaire littéral et spirituel sur le Pentateuque, Zéra' 'Abrâhdm, La race d'Abraham, Gen. , xxj, 12, in-4o, Salzbourg, 1685.

22. ABRAHAM USQUE, né à Lisbonne, fut du nom- bre des émigrés qui, à l'époque de l'expulsion des juifs (1493-1506), allèrent se fixer à Ferrare. Il y établit une imprimerie et se rendit célèbre par la publication de la Bible des Juifs, ou Bible de Ferrare : Biblia en lengua espanola, traduzida palabra por palabra de la verdad hebrayca, por muy excellentes letrados, con yndustria y diligencia de Abrahà Usque Portugues. Estampada en Ferrara, en 14 de Adar de 5313 (1553), in-f°, goth. Elle était dédiée à dona Gracia Naci. Il parut en même temps une autre édition, qui ne diffère guère que par la dédi- cace et la suscription. Cette édition, à l'usage des chré- tiens espagnols, est dédiée au duc Hercule d'Esté; et les noms d'Abraham Usque et Tob Atias, qu'on lit dans le titre de la Bible des juifs, sont remplacés par ceux de DuartePinel et Jéronimode Vargas. La date est la même; mais au lieu d'être donnée par les années du monde, selon la coutume des juifs, elle l'est parles années du Christ, sous cette forme : le 1« mars 1553. Un examen très attentif découvre quelques petites divergences d'interprétation. Plusieurs passages sont traduits différemment dans ces deux Bibles, selon la croyance de ceux pour qui elles furent imprimées. Un n'a là cependant qu'un même ouvrage en deux éditions simultanées. D'après Fùrst, les savants dont il est parlé dans le litre ne seraient autres qu'Abraham Usque et Duarte Pinel. Mais ces deux noms ne désignent qu'un seul et même personnage, comme l'a démontré M. Grâtz, Geschichte der Juden, t. ix, note 6, p. uuv. Abraham Usque fit cette traduction avec le concours de plusieurs savants; il la signa de son nom dans l'édition juive, et d'un pseudonyme dans l'édition adressée aux chrétiens. Cette version est estimable. Les auteurs, comme jl est déclaré dans le prologue, ont eu sous les yeux bon

nombre de traductions anciennes et modernes, en cas- tillan ou dans une autre langue; et ils se sont servis des travaux des plus célèbres rabbins, tels que Kimchi, Raschi, Aben-Esra, etc. La Bible terminée fut soumise à l'exa- men de l'Inquisition ; aussi jouit-elle d'une grande autorité parmi les chrétiens aussi bien que parmi les Juifs. L'édi- tion chrétienne s'écarte cependant de la Vulgate en beau- coup de points, mais sans gravité. Plusieurs passages sont obscurs, par le trop grand soin qu'on a mis à traduire mot à mot. Enfin le style est rempli d'archaïsmes, ce qui lui donne un certain air d'antiquité à côté de la langue du xvi« siècle. La Bible espagnole à l'usage des juifs a été réimprimée à Amsterdam en 5371 (1611) et en 5390 (1630), in-f°. Une dernière édition, corrigée par Joseph Atias, a été donnée au même lieu en 5421 (1661), in-8o. La double édition de 1553 est très rare et très recherchée.

23. ABRAHAM ZAHALON OU TSAHALON, juif espa- gnol du xvi« siècle, talmudiste, auteur d'un commentaire grammatical et pédagogique sur Esther, Ye8a % 'Élohim, Le salut de Dieu, in-4», Bagdad, 1595; Venise, 1621.

24. ABRAHAM ZANTI (hakkôhen , « le prêtre »), rabbin de Venise, né en 1670, mort en 1729, médecin, philosophe et poète. On a de lui Kehunnat 'Abraham, Le sacerdoce d'Abraham, paraphrase poétique des Psaumes en cinq livres, in-4o, Venise, 1719. E. LeveSQUE.

1. ABRAM, nom porté par Abraham pendant la pre- mière partie de sa vie. Voir Abraham 1.

2. ABRAM (Nicolas), naquit en 1589 à Xaronval, petit village des environs de Charmes-sur-Moselle, et entra dans la Compagnie de Jésus en 1606. Il conquit les grades de maître es arts et de docteur en théologie à l'université de Pont -à- Mousson, et y enseigna d'abord les humani- tés, puis pendant dix -sept ans l'Écriture Sainte. En 1625, il fut un des collaborateurs de Pierre Fourier dans la mission de Badonviller, qui provoqua la conversion d'un grand nombre de protestants ; il gouverna aussi le noviciat des jésuites de Nancy, et professa quelque temps les sciences sacrées à Dijon. Mais la plus grande partie de sa vie se passa à l'université de Pont-à- Mousson, dont il écrivit l'histoire, et où il mourut, le 7 septembre 1655, enlevé par une fièvre typhoïde, à l'âge de soixante-six ans.

Les ouvrages qu'il publia sur les matières de ses cours donnent une haute idée de son enseignement. Ses travaux exégétiques sont : 1° Nonni Panopolitani Paraphrasis sancti secundum Joannem Evangelii, in -8°, Paris, 1623. Une traduction en beaux vers latins accompagne le texte grec; l'épisode de la femme adultère, Joa., vin, 3-11, omis ou à peine mentionné par Nonnus, est suppléé en soixante-treize hexamètres grecs de la composition de l'édi- teur. 2" Une dissertation sur les quatre fleuves et l'empla- cement du paradis terrestre , ajoutée au commentaire des Géorgiques : Commentarii in P. Virgilii Maronis Buco- lica et Georgica. Accessit diatriba de quatuor fluviis et loco paradisi ad explicationem versus 290 libri quarti Georgicon, in-8o, Pont- à -Mousson, lt>36. 3° Epitome rudirnentorum lingux hebraicx versibus latinis breviter et dilucide comprehensa, in- 4°, Paris, 1645. 4° Pharus Veteris Testamenti, sive sacrarum quœstionum libri xv, quibus accesserunt ejusdem auctoris de Veritate et Men- dacio libri îv, in-f°, Paris, 1648. C'est le principal ouvrage exégétique du P. Airain, où sont élucidées les difficultés scientifiques, historiques, géographiques et chronolo- giques de l'Ancien Testament. L'IIexaméron, l'emplace- ment du paradis terrestre, les bénédictions de Noé à ses fils, la confusion des langues, l'origine des royaumes, l'histoire des Assyriens , d'Abraham , de Pharaon, la durée du séjour des Hébreux en Egypte, la chronologie hébraïque depuis les Juges jusqu'à la construction du temple, la cap- tivité de Babylone, Darius le Mède, Judith, la venue du ABRAM — ABREK

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Messie et les soixante-dix semaines de Daniel, sont succes- sivement étudiés. « Cet ouvrage, dit dom Calmet, Biblio- thèque sacrée, IV e partie, art. iv, est bien écrit, savant, solide et fort estimé. L'auteur y traite les questions à fond. » Les textes de l'Ecriture et des docteurs, les citations des poètes et des écrivains profanes se pressent sous sa plume, et, tout en concourant à l'explication des Saintes Lettres, révèlent la profonde érudition de l'exégète. La forme rend la lecture du Phare facile et intéressante. Le P. Abram est un huma- niste : il veut, à l'exemple de Cicéron, répandre sur des ques- tions ardues les charmes du dialogue, et les quinze traités dont se compose l'ouvrage portent, comme ceux de l'auteur de Brutus, un double titre, tiré et du principal interlocuteur et du sujet ; par exemple : Philoctistes, ou de la Création ; Théophraste, ou du Site et des fleuves du paradis.

Quelques idées particulières du P. Abram méritent d'être signalées. 11 admet dans la création une sorte d'évolution. A l'origine du temps, Dieu a créé simultanément la sub- stance de toutes les choses du monde ; seule l'âme hu- maine a été l'objet d'une création spéciale au sixième jour. Les substances ont produit, par émanation naturelle, les qualités et les perfections dues à leur nature. Cette évolu- tion a eu lieu plus ou moins vite, et sa vitesse était pro- portionnée à la nature de chaque substance ; de là vient la distinction des jours. Le paradis terrestre était situé en Palestine , et le Jourdain l'arrosait avant de se séparer en quatre branches. L'Amérique était connue d'Aristote, et les Américains sont fils de Cham. La forme dialoguée du Phare continue dans les quatre livres de la Vérité et du Mensonge. Les mensonges réels ou apparents, men- tionnés dans la Bible, sont expliqués dans les troisième et quatrième livres. D'après dom Calmet, le collège de Pont-à-Mousson possédait manuscrites des Commenla- tiones in epistolas D. Pauli du P. Abram. Nous ignorons ce qu'est devenu ce commentaire. Voir Bibliotheca scri- ptorum S. J. , Rome , 1676 ; D. Calmet , Bibliothèque lorraine, art. Abram; Carayon, L'université de Pont- à-Mousson, introd., p. xxxi-liv; Hurter, Nomenclator litterarius, Insprûck, t. I, p. 806-807; Eug. Martin, Le P. Abram historien de Pont-à-Mousson et ses deux tra- ducteurs, Nancy, 1888. E. Mangenot.

ABRAN (hébreu: 'Ebron; Septante: 'EX6cJv, 'Axpâv), ville de la tribu d'Aser, mentionnée une seule fois dans la sainte Écriture, Jos., xix, 28, et citée entre Cabul et Rohob. Eusèbe, Onomasticon , et saint Jérôme, Lib. de situ et nominibus locorutn heb., t. xxiii, p. 873, ne font que l'indiquer sous le nom d'Achran. Faut- il, avec cer- tains critiques , voir dans ce mot une faute de copiste , et au lieu de 'Ebron lire 'Abdôn, comme au chapitre xxi, 30, du même livre, et I Par., vi, 74? C'est possible, puisque rien n'est plus facile que de confondre, en hébreu, le daleth, i, et le resch, i ; mais ce n'est pas certain. Si nous consultons les manuscrits, nous les trouvons en nombre à peu près égal pour les deux leçons : vingt-cinq portent 'Ebrôn, et dix-neuf 'Abdôn. Cf. B. Kennicott, Vet. Testam. heb.) Oxford, 1776, 1. 1, p. 470, et J.-B. de Rossi, Var. lect. Vet. Testam., Parme, 1785, t. n, p. 9i. Mais la première leçon a pour elle, outre le texte massorétique et le Targum de Jonathan , l'unanimité des plus anciennes versions sy- riaque, latine, arabe, qui maintiennent le resch. On ne saurait, en faveur de la seconde, alléguer qu'Abdon, ville lévitique, devait être dans la liste des principales villes d'Aser, Jos., xix, 24-31, puisqu'on n'y rencontre pas d'autres cités non moins importantes , telles qu'Accho , Ahalab et Achazib, Jud., i, 31.

M. de Saulcy avait cru retrouver cette localité dans le village actuel d"Abillih, à peu de distance de la route qui conduit de Saint-Jean-d'Acre à Nazareth, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. i, p. 73, note. Mais plus tard, dans son Dictionnaire des antiquités bibliques, Migne, 1859, p. 31, il se montre « fort tenté d'abandonner cette hypothèse, qui, il faut bien le dire,

n'a pas de grandes probabilités en sa faveur ». M. V. Guérin se demande s'il ne serait pas permis de reconnaître Abrân dans le village dé Berouéh, un peu à l'est de Saint-Jean- d'Acre, Description de la Palestine, Galilée, 1. 1, p. 432. L'identification, comme on le voit, est encore à l'état de problème, et le parti le plus sage est d'attendre de meil- leures découvertes. A. Legendre.

ABRAVANEL. Voir Abarbanel, col. 15.

ABREK (hébreu: 'abrek; les Septante ont omis ce mot, ou plutôt l'ont rendu par x^pul, « héraut, » comme la version samaritaine). Quand Joseph eut expliqué au pharaon les songes qui prédisaient les sept années d'abon- dance et de stérilité, celui-ci le combla d'honneurs, le fit monter sur son second char, et l'on cria devant lui : 'abrek! Gen., xu, 43. Plusieurs tentatives ont été faites pour trouver une explication satisfaisante de ce mot.

1» Les uns y ont vu le verbe hébreu bârak, « plier les genoux. » C'est ainsi qu'ont traduit : la Vulgate , « ut om- nes coram eo genuflecterent; » Aquila, yovaTi'Çsiv ; la tra- duction grecque dite de Venise , Yowiceteîv. Ce serait l'im- pératif 2 e pers. du sing., ou l'infinitif absolu mis pour l'impératif. Mais dans cette hypothèse il faut recourir à une sorte d'aphel, forme très irrégulière de Yhiphil, 'abrek pour habrek ; et l'on aurait d'ailleurs le sens cau- satif, « faire agenouiller : » ce qui ne s'explique pas dans la bouche du héraut précédant Joseph.

2 J On ne réussit pas mieux en recourant â l'assyrien , comme Friedr. Delitzsch. Abarakku signifie « père du roi » : ce serait un titre de premier ministre ou conseiller du roi. Voir Assyrische Wôrterbuch , Leipzig, 1888, p. 68-70; Nôldeke, Zeitschrift der deutschen morgenlândischen Gesellschaft , t. xl, p. 734. Cette explication est fort in- vraisemblable : on ne comprend pas qu'un nom assyrien ait été employé alors en Egypte, ni que Moïse ait traduit un titre égyptien par un titre étranger. Les auteurs des Targums, il est vrai, ont rendu abrek par « père du roi »; ces interprètes, éloignés de l'Egypte, ignorant la vraie si- gnification de ce terme, ont tout naturellement cherché à l'expliquer par l'araméen ou l'hébreu, si voisins de l'as- syrien, et y ont vu un composé où entrait le mot 'ab, « père. » Cf. version syriaque : « père et chef. »

3° N'est -il pas plus naturel, dit -on, de voir ici un mol égyptien, puisque l'histoire de Joseph a une couleur locale très marquée, et nous est racontée dans un style tout par- semé de mots égyptiens? Ceux qui pensent que le terme est égyptien ont recours, les uns au copte, les autres à l'ancien égyptien. Keil et Franz Delitzsch rapprochent notre terme du copte abork {a, signe de l'impératif; bôr, « jeter en bas, » et A', signe de la deuxième personne), d'où abork, « jette-toi à terre , prosterne-toi. » Voir Benfey, Verhaltniss der âgyptischen Sprache zum semitischen Sprachstamm, p. 302. Mais abork signifierait « jette », plutôt que « jette-toi », et encore moins « prosterne-toi ». Pour donner ce dernier sens, il faudrait ajouter quelque mot comme « à terre », ou « sur ton ventre », selon l'expression usitée : « Il se mit sur son ventre, » pour « il se prosterna, » Erta-nef su her hatef. — Les autres es- sais d'étymologie par le copte sont encore moins heu- reux. Pfeiffer, Opéra philologka, t. i, p. 94, propose l'explication suivante : afrek, verbe copte composé de rek, « incliner, » et af, marque de la 3 e personne du pré- térit ; d'où afrek, « s'inclina » (sous-entendu chacun). Cette explication est inadmissible, parce que ce prétérit n'a pas le sens optatif; de plus, af n'eût jamais été trans- crit ab. — Pour Ign. Rossi, Etymologise segyptiacm, p. 7, abrek serait un composé de ape, « tête, » et rek, « in- cliner; » d'où le mot copte aperek, aprek et abrek, « in- clinez la tête. » Cet ordre d'incliner la tête ne paraît guère conforme au cérémonial égyptien : on se proster- nait jusqu'à terre. Puis, en égyptien, le régime se met après le verbe et non avant. De même, en copte, « incliner la 91

ABREK — ABSALOM

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tête j ne se dit pas dbreh ou aprek, mais rekdjô. Cf. Novum Testamentum copticum, édit. Wilkins, Oxford, 1716, Joa., vin, 8 ; xrx, 30 ; Peyron, Lexicon lingux copticse, et Peyron, Grammatica lingux copticse, ch. xn, p. 74. 4° On a pensé être plus heureux en expliquant abrek directement par l’égyptien , et en le considérant comme un composé de ap, « premier, » et de reh, « savant. » Aprek signifierait donc « premier savant », titre analogue pour la forme à celui de « premier prophète ». Ap pourrait encore se traduire par « chef», d’où « chef des savants ». Les savants du pharaon, suten rehu, n’ont pu interpréter son songe ; Joseph y réussit. N’est-il pas naturel qu’on lui donne le titre de « premier savant », ou « chef des savants » ? La transcription ne souffre pas de difficulté ; le 6 hébraïque est souvent mis pour le p égyptien , et le k pour le h (heth égyptien, équivalent au khi grec, •/). Voir Harkavy, Les mots égyptiens de la Bible, dans le Journal asiatique, mars -avril 1870, p. 177. Malheureusement l’adjectif, en égyptien, se place après le nom ; « premier savant » se disait donc rehape ; de plus ap, dans le sens de « chef » , n’est pas connu dans les titres , et encore faudrait-il rehu au pluriel.

5° L’explication la plus satisfaisante donnée jusqu’ici est encore celle de M. H. Brugsch. Abrek est, d’après lui, un mot d’origine sémitique égyptianisé. Il est certain que, à l’époque des rois pasteurs, des mots sémitiques ont pénétré en Egypte. A Thèbes ou à Memphis sans doute, ces mots n’entraient pas dans le langage populaire ; mais à Tanis, lieu de l’épisode raconté par la Genèse, xli, il y avait une population mêlée, où les Sémites étaient nombreux, surtout à l’époque des rois pasteurs. Il n’est pas étonnant que dans cette ville des racines sémitiques aient revêtu des formes égyptiennes, et soient passées dans le langage courant. Bark signifie « être agenouillé » (Chabas) ; de là est venu « adorer » (Brugsch). Va initial est la marque de l’impératif égyptien. La simple racine du verbe avec a, sans aucun suffixe personnel, ni pour le singulier ni pour le pluriel, est un impératif très usité. Abrek a donc le sens de « agenouillez -vous, prosternez -vous ». N’est-ce pas ce mot, avec une simple modification de voyelle, qu’emploient les Arabes d’Egypte, pour inviter un chameau à se coucher, lorsqu’il doit recevoir sa charge : Abrok ? Chabas, Études sur l’antiquité historique, 2 e édit., p. 418-419.

E. Levesque.

ABRICOTIER, arbre de la famille des Rosacées, qui atteint de trois à six mètres de hauteur. Ses fleurs sont précoces et se développent avant les feuilles ; leurs pétales sont blancs à l’intérieur et rosés à l’extérieur. Les feuilles sont glabres, luisantes, largement ovales et dentelées sur les bords (fig. 9). Le fruit, l’abricot, se compose d’un noyau ovale , autour duquel est la chair ou pulpe , d’une saveur sucrée aromatique, recouverte d’une peau jaune ou rougeâtre, finement veloutée.

Vois l’abricot naissant, sous les yeux d’un beau ciel, Arrondir son fruit doux et blond comme le miel.

(André Chénieh, Idylle m.)

Il n’est pas certain qu’il soit mentionné dans la Bible. Quelques savants croient cependant le reconnaître dans le (appûah du Cantique, n, 3, 5 ; vu, 8 ; vm, 5 ; des Proverbes, xxv, 11, et de Joël, i, 12. « L’abricot, dit M. Tristram, est commun dans toute la Palestine. C’est peut-être , si l’on en excepte seulement la figue , le fruit le plus abondant du pays. Sur les montagnes et dans les vallées, sur les rives de la Méditerranée et sur les bords du Jourdain, dans le nord de la Judée, sur les hauteurs du Liban, dans les gorges de la Galilée et dans les vallons de Galaad, l’abricotier est florissant et donne des fruits en abondance. L’arbre et les fruits répondent parfaitement à tout ce que l’Écriture nous dit du tappûah, a Je « me suis assis avec délices à son ombre , et son fruit était < doux à ma bouche, b Cant, n, 3. Près de Damas et sur les rives du Barada, nous avons dressé nos tentes et

étendu nos tapis à son ombre, et nous y avons été complètement à l’abri des rayons du soleil. « L’odeur de ton « haleine est comme le (appûah. » Cant., vil, 8. Il n’y a guère de fruit plus délicieusement parfumé que l’abricot. Et à quel fruit peut mieux convenir l’épithète de Salomon : « des pommes d’or dans des vases d’argent , » Prov., xxv, 11, qu’à ce fruit doré, lorsqu’il fait fléchir sous son poids, dans son cadre de feuillage brillant mais pâle, les branches qui le portent. » H. B. Tristram, The Land of Israël, in-8°, Londres, 1865, p. 605. Voir Id., Fauna and Flora of Palestina, in -4»,. Londres, 1884, p. 294. Aujourd’hui, en Chypre, on appelle encore l’abricot « la pomme d’or », to xpu"ô|ie)i.o(v). W. A. Groser, The Trees and Plants in the Bible, in-12, Londres, 1888, p. 92.

On ne saurait nier que les caractères que l’Écriture attribue au tappûah ne puissent convenir à l’abricotier et

Abricotier, teuilles et fruits.

à son fruit. Cet arbre, originaire d’Arménie, a dû être introduit de bonne heure en Palestine , comme la vigne , qui vient aussi des mêmes régions. Il serait donc tout naturel que nous trouvions des allusions à son fruit dans l’Écriture. Malheureusement les passages où les auteurs sacrés parlent du tappûah sont trop vagues pour qu’ils permettent de déterminer rigoureusement l’arbre dont ils ont voulu parler. Aussi les avis sont-ils très partagés sur sa nature. L’abricotier a assez peu de partisans ; le citronnier et le cognassier en ont davantage. Voir W. Houghton, The Tree and Fruit represented by the Tapûakh of the Hébrew Scriptures, dans les Proceedings of the Society of Biblical Archseology, novembre 1889, t. xn, p. 42-48 ; voir aussi Citron, Cognassier, Pomme, Tappûah.

F. Vigouroux.

ABRONAS (grec : ’A6p<ovâç), forme grecque altérée du nom de la rivière Chaboras, affluent de l’Euphrate, en Mésopotamie. Judith, n, 24. Dans le passage correspondant de la Vulgate, n, 14, nous lisons « le torrent de Mambré » au lieu d’Abronas. Voir Mambré 3.

ABSALOM, hébreu : ’AbSalôm, « le père est paix ; » Septante : ’A6eo-cra>.(i|i.

1. ABSALOM, le troisième des fils de David. Il était petit-fils de Tholmaï, roi de Gessur, par sa mère Maacha, II Reg., m, 3 ; I Par., ni, 2. Celle-ci avait encore donné à David une fille , Thamar, dont la grande beauté fournit la première occasion des événements qui se rapportent à l’histoire d’Âbsalom. II Reg., xiii-xvhi.

Amnon, fils de David et d’Achinoam la Jesraélite, ayant conçu pour Thamar une passion criminelle, tendit un piège à son innocence et se porta envers elle aux derniers outrages ; puis il la chassa d’une manière ignominieuse, 93

ABSALOM

M

II Reg., xm, 1-20. Voir .Amnon 1 et Thamar 2. L'infor- tunée jeune fille alla se réfugier chez son frère Absalom, son protecteur naturel. Cf. Gen., xxxrv, 31. Absalom sut maîtriser sa colère et dissimuler la haine que cet attentat lui inspira contre Amnon ; mais il résolut dès ce jour d'en tirer une terrible vengeance. II Reg., xm, 32.

Deux ans après cet événement, quand tout le monde pouvait croire qu'il avait oublié l'outrage fait à Thamar, il invita David et tous les princes ses frères à une fête qu'il allait. donner selon l'usage, cf. I Reg., xxv, 2-8, à l'occasion de la tonte de ses troupeaux. Le roi s'excusa, comme Absalom l'avait sans doute prévu ; il fit même des difficultés pour laisser aller à cette fête Amnon, dont Absalom réclamait instamment la présence. L'insistance de celui-ci, conforme, ainsi que le refus de David, à la po- litesse orientale , ne pouvait exciter les soupçons : il était naturel que, à défaut du roi, son fils aîné fût appelé à présider le banquet ; et d'ailleurs le politique Absalom dut parler de façon à n'exciter dans l'esprit de son père au- cune méfiance sur le dessein qu'il méditait depuis si long- temps, et dont il avait préparé le succès avec une profonde habileté. C'est loin de Jérusalem qu'il avait résolu de l'exécuter, avec le concours de serviteurs venus probable- ment de Gessur, et qui , n'ayant rien à craindre ni à mé- nager en Israël, feraient ce que n'auraient pas osé faire des Israélites.

Les invités se rendirent donc à Baalhasor, an delà de Béthel, non loin d'Éphraïm ou Éphron. Absalom leur servit un festin royal , pendant lequel , à un signal donné par lui, ses serviteurs frappèrent Amnon sous les yeux de ses frères. Ceux-ci, épouvantés et tremblant pour eux- mêmes, se précipitèrent hors de la salle, montèrent sur leurs mules et s'enfuirent vers Jérusalem. Absalom prit la direction opposée , passa le Jourdain et alla se réfugier à la cour de son grand-père, au royaume de Gessur, pays correspondant en partie au Ledjah actuel.

David ne chercha pas à l'inquiéter dans sa retraite. Après avoir amèrement pleuré son fils Amnon, il sentit se réveiller peu à peu son ancienne affection pour Absalom. II Reg., xiv, 1. Le peuple, de son côté, commençait à trouver longue l'absence de celui que l'on considérait comme l'hé- ritier du trône depuis la mort d' Amnon ; car on conclut avec raison du silence de l'Écriture au sujet de Daniel ou Chéléab, fils de David et d'Abigaïl, que ce prince, plus âgé qu' Absalom, était mort aussi. Les esprits se retournaient donc vers Absalom, qui avait toujours été chéri du peuple. On aimait à se rappeler qu'il n'y avait point d'homme dans tout Israël qui lui fut comparable par la bonne grâce et la beauté. II Reg., xiv, 25. Ces dons naturels, qu'il rele- vait encore par l'affabilité de ses manières et le talent de gagner les cœurs, II Reg., xv, 2-6, l'avaient rendu d'au- tant plus populaire, que l'orgueil des Israélites était flatté de trouver en lui un prince dont la mère était de race royale , avantage qui manquait aux autres fils de David.

Joab imagina un habile stratagème pour donner satis- faction au sentiment public , s'assurer les bonnes grâces du futur roi d'Israël, et offrir du même coup à David l'oc- casion d'agir selon le secret désir de son cœur en rappe- lant le coupable. Craignant de ne pas réussir s'il traitait lui-même cette affaire, il fit venir de Thécué, la moderne Tekûa, à deux heures de chemin au sud de Bethléhem, une femme inconnue de David , dont l'intelligence devait assurer le succès de son dessein. Après qu'il lui eut appris sa leçon, elle se présenta devant le roi en donnant toutes les marques de la plus vive douleur. Ses deux fils, disait- elle, s'étaient battus dans les champs, et l'un avait tué l'autre; et maintenant les vengeurs du mort, cf. Num., xxxv, 19, demandaient le sang du meurtrier. Elle sup- pliait David de rappeler ce fils, sa seule consolation, et de le défendre contre tous. Le roi promit, et aussitôt elle fit l'application de son histoire à Absalom, dont l'exil, qui -durait depuis trois ans, était regardé comme une calamité -nationale. David, comprenant alors tout ce qui s'était

passé, fit avouer à cette femme qu'elle avait obéi aux sug- gestions de Joab, dont il connaissait les sentiments envers le prince proscrit. Il se tourna ensuite vers le général, qui était présent; car, comme le texte le donne à entendre, cette scène se passait dans une audience publique : c Me voilà apaisé, lui dit -il, et il sera fait selon votre désir; allez donc et rappelez Absalom. » II Reg., xrv, 21. Joab se rendit en personne au pays de Gessur et ramena Ab- salom à Jérusalem.

David n'entendait pas toutefois accorder encore à son fils une grâce complète; il ne voulut pas l'admettre en sa présence, et lui ordonna de rester enfermé dans son pa- lais, croyant le tenir plus facilement par là dans le devoir, et lui faire mieux comprendre la gravité de sa faute. Deux ans s'écoulèrent ainsi. C'était plus que l'humeur bouillante du prince n'en pouvait supporter. Par deux fois il envoya prier Joab de venir le trouver, pour aller ensuite parler de sa part au roi , et par deux fois Joab, qui savait David peu disposé encore à accorder la grâce désirée, refusa. Absalom fit enfin mettre le feu par ses serviteurs à un champ d'orge de Joab, voisin du sien, et le contraignit - ainsi de venir. « Pourquoi suis- je revenu ici? lui dit-ill alors. Il vaudrait mieux que je fusse encore à Gessur; je demande à voir le roi. Qu'il me fasse plutôt mourir, s'il 1 se souvient toujours de mon iniquité. » II Reg., xiv, 32. De telles paroles , après un procédé si violent, firent com- prendre à Joab qu'il ne fallait pas comprimer plus long- temps cette nature impétueuse. Il alla trouver le roi, et David reçut son fils dans ses bras. II Reg., xiv.

Mais il était trop tard ; la réconciliation ne fut qu'appa- rente du côté d' Absalom, aigri et irrité contre son père par l'éloignement où il l'avait tenu à la suite d'une proscrip- tion de trois ans. L'ambition acheva l'œuvre de la colère. Le premier usage qu'il fit de la liberté que David venait de lui rendre, fut de travailler à le renverser du trône pour y prendre sa place. La crainte d'être supplanté comme héritier du royaume par Salomon , le jeune fils de Beth- sabée, fut peut-être aussi un des motifs qui l'engagèrent dans ce dessein. A partir de ce moment, il n'agit plus qu'en ambitieux sans conscience et en fils dénaturé. Sa beauté physique, II Reg., xiv, 25-26, ses qualités natu- relles, lui attiraient déjà l'affection du peuple. Ne vou- lant rien négliger pour accroître sa popularité, il affecta un train royal; il eut des chars, un cortège de cavalerie, cinquante hommes qui couraient devant lui. De grand matin on le trouvait à la porte du palais; il s'y faisait, par ses basses prévenances, le flatteur de tous les solli- citeurs qui se présentaient, et déclarait toujours leur cause juste. Il ne rougissait pas de calomnier son père, en rejetant sur lui les négligences et les fautes des magis- trats, et en gémissant de ce qu'il n'avait établi personne pour recevoir les plaintes de ses sujets, II Reg., xv, 1-6, comme si lui-même n'avait pas dû son pardon à la facilité avec laquelle David avait donné audience à la Thécuenne, et accordé à eette femme la grâce qu'elle sollicitait. Il est possible toutefois que David eût, en effet, apporté quelque négligence dans l'administration de la justice, ce premier des devoirs personnels des souverains orientaux, ou plutôt dans la surveillance de ses juges ; il fallait bien que les accusations d'Absalom eussent quelque fondement pour être ainsi écoutées. Cependant l'ambitieux ne parlait pas encore de régner, mais il disait bien haut que les choses n'iraient pas de la sorte, si on lui confiait le soin de rendre la justice à tous. Ainsi, comme le dit le texte hébreu, « il volait à son père les cœurs des hommes d'Israël. » II Reg., xv, 6. Quand il crut les avoir assez gagnés à son parti , il se mit en mesure de se faire proclamer roi. « Après qua- rante ans, » il demanda à David la permission d'aller à Hébron , sous prétexte d'y offrir un sacrifice dont il avait fait le vœu pendant qu'il était à Gessur. II Reg., xv, 7.

Ces i quarante ans » ont de tout temps embarrassé les commentateurs. Il y en a qui pensent qu'il faut lire, avec la version syriaque, Josèphe, Théodoret et certains ma95

ABSALOM

96

nuscrits latins, « quatre » au lieu de « quarante »; ce se- raient, d'après eux, les quatre ans écoulés depuis le retour d'Absalom du pays de Gessur, ou depuis sa réconciliation complète avec son père. Mais d'autres ne voient pas de raison suffisante d'abandonner le chiure de l'hébreu , de la Vulgate, etc., plus communément admis, et dont on peut donner une explication satisfaisante. Les quarante ans seraient comptés, selon l'opinion la plus conforme aux données chronologiques , à partir de la première onc- tion royale que David reçut de Samuel , événement d'une importance capitale dans l'histoire du saint roi. I Reg., xvi, 13.

Hébron, par son importance et sa situation à quelques lieues seulement de Jérusalem , paraissait être le point le plus favorable pour l'exécution des projets d'Absalom. Cité sacerdotale, Jos., xxi, 13, et ville de refuge, Jos., xx, 7, elle empruntait une sorte de caractère sacré aux sépulcres d'Abraham et des autres patriarches dont elle conservait le dépôt. Gen., xxv, etc. Elle avait été d'ailleurs la pre- mière capitale de David et le berceau de la nouvelle dynastie. Il était donc facile d'attirer de nouveau les regards de ce côté , en réveillant le souvenir de sa gloire passée. En outre, le regret que la translation du siège du gouver- nement à Jérusalem avait laissé chez les habitants devait en disposer un grand nombre en faveur d'Absalom , qui , étant né à Hébron, était par conséquent leur concitoyen.

A peine arrivé, Absalom envoya des émissaires par tout le royaume, afin qu'on se tint prêt à le reconnaître au premier coup de trompette annonçant son avènement. Deux cents hommes des plus marquants , qu'il avait em- menés avec lui de Jérusalem , étaient destinés à leur insu à former comme le noyau de la conspiration. Ils l'avaient suivi de bonne foi et sans connaître ses desseins ; mais il comptait bien les entraîner dans sa révolte ; du moins leur présence écarterait d'abord tout soupçon , et recomman- derait sa cause aux yeux du peuple , en même temps que son père serait privé de leur concours.

Le peuple accourut de tous les côtés pour l'immolation des victimes, qui devait durer plusieurs jours, sans que les sujets fidèles de David eussent lieu de s'inquiéter de ces sacrifices et des hommages qu'on rendait au prince qui les offrait au Seigneur. Enfin la conjuration éclata, et tout le monde comprit aussitôt sa puissance formidable. Ce fut probablement alors qu'eut lieu la consécration royale dlAbsalom. II Reg., xv, 10, et xix, 10. David dut se rappeler, en apprenant ces nouvelles , les menaces prophétiques de Nathan, II Reg., xii, 10-11; car il s'écria: «Fuyons; nous ne saurions échapper à Absalom. » II Reg., xv, 14. Il mesura d'un coup d'oeil la gravité de la situation, et vit le danger qu'il y avait à rester dans Jérusalem, où son fils s'était fait de nombreux partisans , et où rien n'était prêt pour soutenir un siège qui pouvait commencer dans quelques heures. Il en sortit sur-le-champ avec les gens de sa maison et ceux des habitants qui lui restaient fidèles. Escorté des Kéréthites, des Phéléthites et des six cents forts de Geth , il descendit dans la vallée du Cédron ; puis il gravit, nu -pieds et la tête couverte, la montagne des Oliviers, en pleurant au souvenir de ses fautes, dont l'ex- piation devenait de plus en plus dure. Pour comble de malheur, on vint lui apprendre que le sage Achitophel avait passé au parti d'Absalom. Il pria Dieu de détruire l'influence redoutable de ses conseils, et presque au même instant sa prière fut exaucée par l'arrivée de Chusaï, son ami , qui venait lui offrir de le suivre. David voulut qu'il allât, au contraire, auprès d'Absalom, afin d'empêcher par ses avis le mal qu'on pouvait craindre de ceux d' Achitophel. II Reg., xv, 34.

Or, pendant que Chusaï rentrait à Jérusalem, Absalom y pénétrait par la route d'Hébron, accompagné d'Achi- tophel. L'œuvre néfaste de celui-ci commença par une inspiration infernale. H pensa qu'il fallait d'abord empêcher Absalom de rentrer jamais dans le devoir, en élevant entre David et lui une barrière infranchissable; il lui conseilla

donc d'abuser publiquement des dix épouses de second rang que David avait laissées pour garder le palais, l'as- surant que cet outrage fait à son père achèverait de fixer dans son parti les timides et les indécis, cet élément flot- tant que l'on rencontre au début de toutes les révolutions et qui appartient au plus hardi. Le terrible conseiller se sou- venait qu'il était le grand -père de Bethsabée et l'allié d'Urie, et il voulait se venger. Sur la terrasse même où David se trouvait quand il aperçut Bethsabée, II Reg., xi, 2, son fils fit donc dresser une tente pour les dix femmes, et, à la vue de tout le peuple, il entra là en maître. Une démarche de cette nature devait être considérée, d'après les mœurs de l'Orient , comme un acte usurpateur de la souveraineté. Voir Abner et AdoniaS. Cf. dans Hé- rodote, m, 68, l'acte du faux Smerdis, qui épousa toutes les femmes de Gambyse. Mais l'action d'Absalom fut encore plus un outrage exécrable commis contre son père. Dans les desseins de Dieu , c'était l'accomplissement rigoureux de la prophétie de Nathan à David après son double crime, II Reg., xii, 11-12, et Achitophel se faisait l'exécuteur de la vengeance divine, en croyant ne servir que sa rancune ou ses vues politiques. II Reg., xvi, 15-22.

Après ce conseil trop bien écouté, Achitophel en donna un autre; s'il eût été suivi, c'en était fait de la cause de David, qui aurait perdu certainement la couronne, et peut- être la vie. Achitophel dit à Absalom : « Donnez-moi douze mille hommes choisis , et cette nuit même j'atteins le roi sans peine, grâce à la fatigue qui retarde sa marche ; je dis- perse ses gens, et je le frappe dans l'isolement où je l'aurai réduit. » II Reg., xvn, 1-3. C'était le seul parti à prendre dans la circonstance. David n'était pas loin encore, et les troupes qui l'accompagnaient formaient une escorte, non une armée, il ne pouvait donc échapper. Lui laisser le temps de se mettre hors d'atteinte et de faire un appel au pays, c'était lui assurer les moyens d'avoir bientôt à sa disposition des forces plus que suffisantes pour battre les troupes d'Absalom. Grâce à l'organisation établie par David , Israël avait , en effet , une armée régulière de 288000 hommes, répartis en douze corps, un par tribu, dont chacun servait un mois par an. I Par., xxvn, 1. Or, de cette armée une faible partie seulement était autour d'Absalom ; il restait encore dans les villes et les campagnes la plupart de ces soldats, qui étaient demeurés attaché» au roi après l'avoir suivi dans ses guerres, et qui ne man- queraient pas de se rendre à son premier appel. Achi- tophel savait bien d'ailleurs que si les fautes de David et son administration avaient excité des mécontentements, on l'aimait néanmoins, et on l'estimait pour ses grandes vertus et sa bonté; ses malheurs allaient donc provoquer un réveil ou un redoublement de sympathie qui amène- rait même la défection de beaucoup des partisans d'Ab- salom. Il n'y avait donc pas une heure à perdre.

Absalom le comprit et approuva l'avis d'Achitophel; tou- tefois il voulut avoir aussi celui de Chusaï. Ce dernier avait commencé par ne pas désapprouver le premier conseil donné par Achitophel , afin de dissiper la défiance que sa conduite envers David avait paru d'abord éveiller chez Absalom, II Reg., xvi, 17; il fallait bien d'ailleurs laisser passer la justice de Dieu. Mais maintenant il s'agissait de la perte ou du salut de son roi ; il déploya donc toutes les ressources de son éloquence pour faire prévaloir un dessein contraire. II Reg., xvn, 7-13. Il rappela le courage et l'expérience de David et de ses hommes; l'exaspéra- tion dans laquelle une poursuite acharnée les jetterait; la prudence du roi, qui tiendrait sa personne à l'abri de toute surprise ; la panique qui pourrait suivre le moindre échec infligé aux soldats d'Absalom. Ne valait- il pas mieux que le prince appelât aux armes tous les habitants du royaume, de Dan à Bersabée, et qu'il se mit lui-même à la tête de cette armée innombrable pour écraser la petite troupe de David, et en détruire ensuite les restes dispersés? Dieu tourna l'esprit d'Absalom et de tous les siens, II Reg., xvii, 14, de telle sorte que cette creuse 97

ABSALOM

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rhétorique l'emporta sur le conseil si sage d'Achitophel. On attendit. Aussitôt les émissaires que David avait postés à la fontaine de Rogel, vers le fond de la vallée du Cédron, furent avertis, et ils coururent lui porter cette nouvelle, avec le conseil que lui donnait Chusaï de s'éloigner au plus vite , de crainte qu'Absalom ne se ravisât. Avant la pointe du jour, le roi avait passé le Jourdain et se dirigeait vers Mahanaîm, ville forte qui conservait le nom donné par Jacob à l'emplacement sur lequel elle était bâtie. Gen., xxxn, 2.

Chusaï ne s'était pas trompé : les secours arrivèrent nom- breux à David pendant ce répit qu'il lui avait obtenu, tandis que la mort d'Achitophel , qui s'était pendu en voyant son avis rejeté, II Reg., xvn, 23, privait Absalom de son plus utile partisan , et allait sans doute jeter la défaveur sur sa cause. David put bientôt former les cadres de son armée; il y établit des chefs de mille et de cent hommes, et la divisa ensuite en trois corps, commandés par Joab, Abisaï son frère et Éthaï de Geth , et assez forts pour lui donner pleine confiance dans le succès. Aussi, quand les troupes partirent pour aller à l'ennemi, son unique souci fut-il pour la vie d'Absalom , qu'il aimait toujours malgré son indigne conduite , et il recommanda aux trois généraux de l'épar- gner. Pour lui, il fut contraint par l'amour de son peuple de rester éloigné du champ de bataille. Dieu, qui ne vou- lait pas qu'Absalom échappât à la mort, en disposa ainsi afln que Joab ne fût pas empêché de le tuer.

Le rebelle avait passé le Jourdain à son tour avec son armée, à la tête de laquelle il avait placé son cousin Amasa. II Reg., xvn, 25. La rencontre eut lieu dans le pays de Galaad , au milieu de bois qui portent dans le texte sacré le nom de forêt d'Éphraïm , peut-être , a-t-on dit , à cause de la défaite des Éphraïmites racontée au livre des Juges, XII , 1 -6 ; mais la distance du lieu de cette défaite à Ma- hanaîm ne favorise guère cette hypothèse. « La bataille s'étendit sur toute la contrée, et il périt beaucoup plus d'hommes dans la forêt qu'il n'en tomba sous les coups de l'ennemi ». II Reg., xvm, 8. Absalom perdit vingt mille de ses soldats, et lui-même, passant sous un chêne (un térébinthe, selon l'hébreu), resta pris par sa chevelure, qui était très longue, II Reg., xiv, 26, dans les branches de l'arbre, pendant que son mulet continuait seul sa course. Personne cependant n'osa toucher au fils du roi ; mais Joab s'indigna contre ceux qui l'avaient épargné, et au mépris des ordres formels de David, qu'on lui rappela •en vain, il accourut auprès de l'arbre auquel Absalom était suspendu, pour le tuer de sa propre main, en le perçant de trois lances ou javelots. Puis, comme il palpitait encore, dix jeunes écuyers du général l'achevèrent. II Reg., xvm, 14-15.

L'Écriture ne nous fait pas connaître la raison de la haine que Joab fit paraître en cette occasion contre un prince dont il avait pris autrefois les intérêts avec tant de chaleur. Son ambition en fut sans doute la cause. Absalom avait mis à la tête de son année son cousin Amasa, « à la place de Joab, » dit l'auteur sacré. II Reg., xvn, 25. Ces expres- sions, rapprochées de II Reg., xix, 13, et xx, 10, sup- posent qu' Amasa était un rival pour Joab, et un rival avec lequel il fallait compter. Voir Joab. La mort d'Absalom servait du reste l'intérêt de Joab, car elle lui assurerait, pensait-il, la possession de sa charge, qu'il était sûr de perdre, au contraire, si ce prince montait un jour sur le trône.

Aussitôt qu'Absalom eut rendu le dernier soupir, Joab fit arrêter la poursuite des fuyards ; on jeta ensuite le corps du rebelle dans une fosse, au milieu du bois, et l'on y apporta une grande quantité de pierres qui formèrent au- dessus de cette tombe un monceau très élevé. Ce fut peut- être une flétrissure qu'on voulut lui infliger. Cf. Jos., vil, 26, et vni, 29. Ainsi Dieu ne permit pas qu'il fût enseveli dans le sépulcre qu'il s'était fait construire près de Jérusalem , dans la vallée du Roi (la vallée de Josaphat ou du Cédron), et c'est sans doute pour faire remarquer ce châtiment pos- MCT. DE LA BIBLE.

thume que l'écrivain sacré mentionne en cet endroit l'é- rection de ce monument. II Reg., xvin, 18.

Il existe encore actuellement dans cette vallée du Cédron, en amont du village de Siloam , entre le tombeau de Josa- phat au nord et celui de saint Jacques au sud , un édifice qu'on désigne sous le nom de Tombeau d'Absalom. Nous en donnons ici une reproduction; (Fig. 10.) On voit dans la partie supérieure , qui affecte une forme assez originale, un pyramidion circulaire surmonté d'une touffe de palmes, et reposant sur une base cylindrique portée à son tour par un dé en retrait sur la partie inférieure du monument. Celle-ci offre au regard un bizarre assemblage de trois

10. — Tombeau d'Absalom. D'après une photographie.

ordres disparates d'architecture superposés : chacune des quatre faces latérales , large de près de sept mètres , est ornée de deux colonnes ioniques et de deux demi-colonnes engagées dans les antes et dans la face du monument ; au-dessus s'étale un entablement dorique complet. Cette masse, qui forme comme le soubassement de l'édifice, est monolithe ; elle a appartenu à la base rocheuse du mont des Oliviers, dont on l'a isolée. C'est ce bloc énorme qui constitue !e tombeau, car la chambre sépulcrale a été creusée dans la partie supérieure du rocher. Une petite porte carrée, ménagée dans la façade sud, au-dessus de la corniche^ s'ouvre sur un escalier de quelques marches, par lequel on y descend. On voit dans cette chambre, au- jourd'hui vide, trois arcades sous lesquelles ont dû trouver place autrefois trois sarcophages.

La tradition actuelle, qui identifie cet édifice avec le monument que la Bible dit avoir été élevé par Absalom , n'est appuyée sur aucun document authentique. Bien plus, si nous remontons assez haut dans le passé, jusqu'au com- mencement de l'ère chrétienne, par exemple, nous ren- controns une autre tradition toute différente ; car, du temps de Josèphe , on désignait sous le nom de monument d'Ab- salom une simple stèle de marbre blanc, située à deux stades de Jérusalem. Antiq. jud., VII, x, 3. D'un autre côté, les sculptures grecques et égyptiennes du soubasse- ment du prétendu tombeau d'Absalom ne permettent pas de le faire dater de l'époque des rois.

Il ne nous reste donc pas d'autre monument authentique

I. — 6 99

ABSALOM — ABSTINENCE

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d'Absalom que son histoire, telle qu'elle est racontée au livre II des Rois, et c'est l'histoire d'un prince heureuse- ment doué, habile et prudent autant qu'énergique et ré- solu, affable, gracieux, ayant l'art de gagner les cœurs par le charme de ses manières séduisantes ; mais en même temps ambitieux, dissimulé, haineux et violent jusqu'au crime. Il fut surtout un mauvais fils. Il brisa le cœur de son père par l'assassinat de son frère aîné ; il chercha plus tard à décrier David et à le perdre dans l'esprit du peuple par ses intrigues et ses calomnies; il le blessa cruellement dans son honneur domestique , et il ne recula pas même devant l'idée d'un parricide, lorsque Achitophel proposa d'aller frapper David dans sa fuite. Et cependant cet am- bitieux, qui ne craignait pas d'acheter la couronne au prix de la vie de son père et de tant de citoyens qui pouvaient être victimes de la guerre civile allumée par lui, n'avait pas même pour excuse l'espoir de fonder une dynastie : ses trois fils étaient morts, II Reg., xvm, 18, et il ne lui restait plus qu'une ou deux filles. II Par., xi, 20. Voir Thamar 3 et Maacha 3. Aussi , sans approuver la dureté du langage de Joab, serait-on du moins tenté d'abord de blâmer et de trouver excessive la douleur de David se désolant de la perte d'un tel fils, et répétant sans cesse, à la nouvelle de sa mort : « Mon fils Absalom 1 Absalom mon fils ! qui me donnera de mourir à ta place, mon fils Absalom! Absalom mon fils ! » II Reg., xvm, 33. Mais on ne peut s'empêcher de le plaindre, quand on songe qu' Absalom, malgré ses défauts et ses crimes, avait de grandes qua- lités, capables de le faire regretter; qu'il était devenu son fils aîné et devait être naturellement son héritier, et sur- tout que David voyait en lui une nouvelle victime de ses propres péchés, et dans la mort de ce fils un nouveau châtiment de la justice divine qui poursuivait le père. Cf. II Reg., xvi, 10-11. E. Palis.

2. ABSALOM i père de Maacha, femme du roi Roboam, II Par., xi, 21, 22, dont le nom est écrit Abessalom, III Reg., XV, 2, 10. C'est probablement le même qu' Absalom 1, le mot père étant pris ici dans le sens de grand-père. Voir Abessalom.

3. ABSALOM (Septante : 'A6E(r<râXb>u.oc),'père d'un Ma- thathias et d'un Jonathas dont il est question I Mach., xi, 70, et xiii, 11 (Vulgate, dans ce dernier passage : Absolom).

ABSEL (Guillaume van), APSEL ou ABSÉLIUS,

prieur de la Chartreuse de Bruges, né à Bréda (ancien Brabant), mort près d'Enghien (Belgique), le 4 août 1471. Il composa de nombreux ouvrages , entre autres : Opus super Genesim, Psalterium et Canticum canticorum ( écrit en 1441 ) ; Tractatus de Oratione dominica ( en vers). Aucune de ses œuvres n'a été imprimée. Voir Fr. Sweert, Athenx belgicss, in-f°, Anvers, 1628, p. 196; J. Paquot, Mémoires pour servir à l'histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, 18 in-12, Louvain, 1765-1770, t. iv, p. 411.

ABSINTHE, en hébreu la'anâlt (dans l'Apocalypse, yni, 14, ôtyiv6oç), plante du genre armoise, à racine vi- vace, comprenant diverses espèces. La tige herbacée de l'absinthe commune atteint un mètre environ de hauteur. Ses feuilles sont très découpées et d'un vert argenté. Elle se termine par une grappe peu touffue de petites fleurs jaunes (fig. 11). Elle se plaît dans les terrains montueux et arides. L'odeur est pénétrante et très aromatique, le goût très amer. Les Hébreux désignaient sous le nom commun de la'andh les espèces diverses qui croissent spontanément en Palestine. On en connaît sept. Tristram, The Survey of Western Palestine, Fauna and Flora, in -4», Londres, 1884, p. 331. Voici les trois principales:

1° L'Artemisia romana, qu'Hasselquist trouva sur le mont Thabor et en grande abondance sur la côte de la Phénicie, depuis Saint-Jean-d'Acre jusqu'à Tyr. C'est

l'absinthe commune. — 2* L'Artemisia judaica, qui est plus amère que la précédente, et qu'on trouve en grande quantité en Arabie, en Egypte, en Judée, en particulier dans les environs de Bethléhem. On fait usage en Orient de ses feuilles et de ses graines comme toniques , stoma- chiques et vermifuges. — 3° L'Artemisia abrotonum, qui croit dans le midi de l'Europe , se rencontre aussi en Pa- lestine, et, en allant à l'est, jusqu'en Chine. Elle devient un arbrisseau dans les pays chauds.

Ce qui caractérise spécialement toutes les espèces d'ab- sinthe, c'est leur saveur très amère, qui est devenue proverbiale. Il est fait plusieurs fois allusion à cette amer- tume dans les Écri- tures, et ce n'est même qu'à cause de cette propriété que l'absinthe y est men- tionnée.. Salomon , dans les Proverbes, v, 4, l'oppose à la douceur du miel. Dans Jérémie, ix, 15; xxiii, 15; Lament., m, 15, 19, « abreuver d'absinthe » signifie infliger un châti- ment sévère. Le pro- phète Amos, v, 7; vi, 13 (12), dit que les juges iniques trans- forment la justice en absinthe. Le Deuté- ronome, xxix, 18, compare celui qui abandonneDieu pour servir les idoles à une racine qui pro- duit le fiel et l'absin- the. (Dans ce pas- sage , la Vulgate , comme les Septante, a rendu le nom hébreu de l'absinthe par sa signification figurée d' « amertume ».) Une étoile symbolique, Apoc, vin, 11, est appelée absinthe, parce qu'elle tombe du ciel dans un tiers des fleuves et des sources, elle rend les eaux tellement amères, qu'elles causent la mort de ceux qui en boivent. Les commentateurs sont d'ailleurs très divisés sur le véritable sens de ce symbole, qui d'après les uns désigne un hérésiarque, d'après d'au- tres un chef d'armée qui fait de grands ravages, etc.

F. Vigouroux.

ABSOLOM. I Mach., xm, 11. Voir Absalon 3.

ABSTINENCE. Dans le langage actuel de l'Église catholique, le mot abstinence s'entend de la privation de certains aliments dont les lois ecclésiastiques interdisent l'usage à certains jours déterminés, par un motif de mor- tification et de pénitence. Voir Jeune. Les Hébreux avaient aussi leurs abstinences; toutefois, généralement parlant, elles n'étaient pas prescrites seulement pour certains jours déterminés, mais d'une manière permanente, et le législa- teur les avait imposées pour les causes les plus diverses : tempérance, religion, hygiène, séparation plus complète d'avec les peuples voisins , etc.

On peut classer en deux catégories les aliments pro- hibés dont s'abstenaient les Hébreux : les uns étaient dé- fendus d'une manière absolue, c'est-à-dire pour tous et toujours; les autres n'étaient défendus que d'une manière relative. — La première catégorie renferme les ani? maux impurs, le sang, les viandes étouffées (carnes suffocatœ), certaines portions de la graisse des animaux, la chair des animaux morts de maladie ou déchirés par les bêtes, les viandes immolées aux idoles, les aliments

Absinthe. 101

ABSTINENCE — ACACIA

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souillés ou frappés d'une impureté légale. Voir ces mots. . — Les aliments de la seconde catégorie n'étaient pas dé- fendus absolument, mais relativement, c'est-à-dire à cer- taines personnes ou dans certaines circonstances. Ainsi une certaine abstinence était prescrite soit aux nazaréens, soit aux prêtres, pendant le temps qu'ils servaient dans le temple; les pains de proposition ne pouvaient être mangés que par les prêtres; la chair. des victimes que par des personnes non atteintes A' impureté légale, et jamais au delà du second jour; le pain levé était interdit à tout le monde pendant les huit jours de la fête de Pâques. Voir aux articles spéciaux la nature et l'étendue de ces différentes prohibitions. — D'après plusieurs auteurs, les hommes, avant le déluge, devaient s'abstenir en général de la chair des animaux. Voir ce mot. L. Many.

ABULENSIS, surnom par lequel les théologiens et les commentateurs désignent souvent Alphonse Tostat, ainsi appelé parce qu'il était originaire d'Avila en Espagne. Voir Tostat.

ABULFARAGE. Voir Bar-HebRjE»8.

ABYSSINIE. Voir Ethiopie.

ACACE LE BORGNE, disciple d'Eusèbe de Césarée, lui succéda comme évêque sur le siège de cette dernière ville, en Palestine, l'an 340. Il "mourut en 366. D'un ca- ractère inconstant et inquiet, il changea souvent d'opi- nion , mais n'abandonna une hérésie que pour tomber dans une autre. Il fut le chef delà secte des Acaciens, à laquelle il donna son nom. Les anciens ont loué son éru- dition et l'élégance de son style. Il avait composé sur l'Ecclésiaste un long commentaire ( 17 volumina in Eccle- siasten, dit saint Jérôme) et des Questions diverses, S-j(x- |itxT<x Çv)Tiq[i.(xTa, qui sont perdus, comme ses autres écrits, dont il ne reste que des fragments insignifiants. Voir S. Jé- rôme, De viris illustritms, 98, t. xxm, col. 699; Epist. exix, 6, t. xxil, col. 970; Sozomène, Hist. eccl., iv, 23, t. lxvii, col. 1185; Hefele, Conciliengeschichte, 2« édit., t. I, p. 677, 712, 714, 721,734.

ACACIA (hébreu : Httîm), arbre de la famille des Mimosées, tribu des Acaciées. La Vulgate a conservé or- dinairement le nom hébreu dans sa traduction, « bois de setim, » ligna setirn, Exod., xxv, 5, etc.; les Septante l'ont traduit par « bois incorruptible », ÇûXov ««irrov. L'acacia véritable n'est point celui auquel on donne vulgairement parmi nous le nom d'acacia. Ce dernier est du genre Ro- binia ou Robinier, qui se distingue par plusieurs carac- tères importants de Vacacia vera. Celui dont parle l'Écri- ture est un acacia proprement dit, qui croit partout dans la péninsule du Sinaï. On le trouve aussi dans la partie méridionale de la vallée du Jourdain. Il est connu sous le nom d'acacia seyal. Ses feuilles, qui sont mangées par les chameaux , se composent de sept à huit paires de fo- lioles oblongues très fines; ses fleurs, jaunes, à têtes glo- buleuses, s'épanouissent à l'aisselle des feuilles. Il est armé d'aiguillons géminés très aigus. Ses graines , de forme allongée, sont enfermées dans une longue gousse sèche, s'ouvrant en deux valves, comme celle du haricot (fig. 12). Le seyal produit la véritable gomme arabique. Il est com- munément de la grosseur d'un prunier, G. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, 2 e édit., 1881, p. 138; mais il peut at- teindre et il atteignait probablement autrefois des propor- tions beaucoup plus considérables, H. S. Palmer, Sinai (1878), p. 39, 209, lorsqu'on lui laissait le temps d'at- teindre son plein développement. Aujourd'hui les grands seyals sont rares dans la péninsule, parce que les Bédouins coupent les jeunes arbres de bonne heure , sans leur laisser le temps de grandir, afin d'en faire du charbon, qu'ils vont vendre en Egypte. Son bois, quoique fort léger, est très dur et se conserve fort longtemps, ce qui nous

explique pourquoi les Septante, dans leur traduction, l'ont désigné sous le nom de bois incorruptible. D est par con- séquent très propre aux travaux de menuiserie. Il brunit avec le temps, et, lorsqu'il est vieux, il est presque aussi noir que de l'ébène. Le nom hébreu de l'acacia seyal,

12. — Rameau , épines , feuilles , fleurs et fruit» de l'acacia seyal.

Httim, singulier Sittâh, est une contraction de Hntâh, Hnt, et ce nom a été emprunté probablement à l'égyptien sent.

L'acacia était un des arbres les plus communs dans l'ancienne Egypte. On retrouve fréquemment son nom,

X I , Sent, dans les textes hiéroglyphiques. Ce mut

signifie probablement « épine »; c'est du moins le sens du mot copte ojont€ , Honte, ce qui nous explique les noms grec et latin donnés à l'acacia d'Egypte (Mimosa nilO' tica), axavOa, Acanthus, spina œgyptiaca. Encore aujour- d'hui les Arabes l'appellent sunt. Théophraste, Hist. plant., iv, 2, 8, dit : « Vacantha (ou acacia d'Egypte) porte ce nom parce qu'il est partout couvert d'épines ( àxavOioîïjç ) , excepté au tronc; les feuilles mêmes sont épineuses. » Les anciens Égyptiens se servaient du bois d'acacia pour faire des barques , comme le raconte Hérodote, u, 90, et comme l'attestent les monuments, qui nous apprennent aussi qu'on en faisait des statues et des meubles de toute espèce. Voir Ch. E. Moldenke, Ueber die in altâgyptiscken Texten erwâhnten Baume und deren Verwerthung, in-8°, Leipzig, 1887, p. 74-81.

Il est digne de remarque que l'acacia seyal n'est men- tionné que dans les livres écrits aussitôt après la sortie d'Egypte, c'est-à-dire dans l'Exode et le Deutéronome (sauf le passage à sens douteux d'Isaïe, xu, 19). Cet arbre étant très commun dans le Sinaï et, au contraire, inconnu en Palestine, excepté dans le voisinage du Jourdain, il est tout naturel qu'il n'en soit question que pendant que les Israélites habitent le désert du Sinaï. C'est là une nouvelle preuve de détail, ajoutée à tant d'autres, de l'exactitude minutieuse du récit sacré, et du parfait accord des textes avec ce que nous enseigne la géographie de l'Orient. Quand Salomon construisit le temple de Jérusalem, il se servit 103

ACACIA

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de bois de cèdre, qu'il fit venir du Liban, pour la déco- ration et l'ameublement du lieu sacré ; quand Moïse édifia le tabernacle, il employa le seul bois de construction qu'il eut sous la main, c'est-à-dire l'acacia seyal. Les autres arbres répandus dans la péninsule, qui sont le palmier et le tamaris , ne pouvaient lui servir ni pour la construction de la tente du Seigneur, ni pour la fabrication des meubles sacrés ; ils sont tout à fait impropres à ce genre de tra- vaux ; l'acacia seyal avait, au contraire, comme le lui avait appris l'usage qu'on faisait en Egypte des diverses espèces d'acacias, toutes les qualités que pouvait désirer le libé- rateur des Hébreux : son bois est excellent pour faire des planches, et il a de plus l'avantage d'être très léger, pro- priété précieuse dans les circonstances où vivaient les Is- raélites; car, menant alors une vie nomade, et ayant à transporter tout ce qui servait au culte lorsqu'ils chan- geaient de campement, il leur importait beaucoup de tout réduire à un poids minimum.

Moïse, afin d'exécuter tout ce qui était nécessaire au culte du vrai Dieu , s'adressa aux enfants d'Israël et leur demanda d'offrir eux-mêmes au Seigneur les matières pre- mières. Pour la construction du tabernacle et des divers meubles sacrés, il les engage à donner, entre autres objets, du bois de setirn, Exod., xxv, 5; xxxv, 7, 24, que chacun pouvait prendre dans le désert même. Avec ce bois, on fit l'arche d'alliance, Exod., xxv, 10; xxxvn, 1; Deut., x, 3; la table des pains de proposition, Exod., xxv, 23; xxxvn, 10; l'autel des holocaustes, Exod., xxvn, 1; xxxvm, 1; l'autel des parfums, Exod., xxx, 1; xxxvn, 25; les planches qui devaient former la partie solide du tabernacle, Exod., xxvr, 15; xxxvr, 20; les colonnes de ce même tabernacle, Exod., xxvi, 32, 37; xxxvi, 36, et enfin les traverses de bois nécessaires pour transporter ces divers objets sacrés d'un campement à un autre, Exod., xxv, 13, 28; xxvi, 26; xxvn, 6; xxx, 5; xxxvi, 31 ; xxxvn, 4, 15, 28; xxxvm, 6. Tous ces travaux en bois d'acacia furent exécutés sous la direction de Béséléel , et recouverts de feuilles d'or. Voir les articles Arche d'alliance, Autel, etc.

Dans tous les passages de l'Exode et du Deutéronome que nous venons de rapporter, le nom de l'acacia seyal est toujours au pluriel dans le texte hébreu, sittîm. Un verset d'Isaïe, xli, 19, nous présente ce mot sous la forme du singulier, Sittâh, et c'est l'unique fois où nous le ren- contrions au singulier : « Je ferai croître dans le désert (l'Arabah, c'est-à-dire la partie méridionale, inculte et aride de la vallée du Jourdain) le cèdre, le Sittâh, le myrte et l'olivier, » dit le prophète. Certains savants pensent que ce mot ne désigne pas l'acacia seyal, parce que, disent-ils, Isaïe annonce que des arbres qui ne viennent que dans un sol fertile et riche prospéreront alors dans le désert, ce qui ne convient pas à l'acacia seyal, qui est, au contraire, un arbre très commun dans le désert du Sinaï. 11 parait cependant difficil» de ne pas reconnaître dans le Sittâh le Sittvrn de l'Exode; et peut-être même est-ce l'usage sacré qu'on avait fait de son bois dans la péninsule du Sinaï qui a porté le prophète à le placer ainsi dans son énumération. On doit remarquer d'ailleurs que les anciens traducteurs ou ont ignoré la signification précise de Sittâh, comme de Sittîm, ou ont manqué du mot propre pour le traduire ; car nous avons vu que les Septante ont rendu Sittîm par une sorte de paraphrase : « bois incor- ruptible; » saint Jérôme s'est borné à transcrire simple- ment le terme hébreu en latin , setim. Dans Isaïe , la version grecqtlé' traduit Sittâh par « buis », et la version latine par « épine ». Saint Jérôme savait d'ailleurs assez bien de quel arbre il était question , quoiqu'il n'eût pas de nom latin particulier pour le désigner. Il écrit, en effet, dans son commentaire d'Isaïe, xli, 19, t. xxiv, col. 417 : « Expli- quons, dit-il, ce qu'est le sella hébraïque, que Théodo- tion a traduit par épine. C'est une espèce d'arbre qui croit dans le désert et qui ressemble à l'aubépine {spina alba); c'est avec son bois que furent faits l'arche et tout ce qui servit au tabernacle. Ce bois est incorruptible et très léger. »

Notre Vulgate, comme on le voit, a donc emprunté à Théo- dotion la traduction du mot sittâh par « épine » dans Isaïe, et cette traduction, quoique trop vague dans notre langue , rappelle du moins les épines dont est hérissé le seyal. Ce nom d' « épine » avait du reste été adopté par les écrivains grecs et latins comme le nom spécifique de l'acacia. C'est ce que prouve, pour les Grecs, le passage de Théophraste rapporté plus haut. Chez les Latins , spina est aussi le nom que Pline donne à l'acacia d'Egypte, H. N., xiii, 9 (19), édit. Teubner, t. Il, p. 327: quoiqu'il se serve aussi ailleurs du mot « acacia », xxrv, 12 (67), t. rv, p. 53.

Nous avons dit que l'acacia seyal ne se trouvait pas dans l'intérieur de la Palestine, mais qu'on le rencontrait ce- pendant dans le voisinage du Jourdain, où il croit encore

13. — Acacia seyal.

aujourd'hui et où il a été signalé par divers voyageurs, principalement à l'est du fleuve. Nous avons la preuve qu'il y poussait, du temps de l'exode et du temps des juges, dans quelques noms de lieux qui ont tiré leur dénomi- nation des acacias seyal qu'on y remarquait. Ainsi la loca- lité située au nord-est de la mer Morte, où campèrent les Israélites avant de passer le Jourdain et de commencer la conquête de la Terre Promise , s'appelait 'Âbêl haS-Sittim, ou simplement Sittîm (Vulgate : Settim), Num., xxxm, 49, etc., c'est-à-dire « pré des acacias », à cause de ses nombreux acacias seyal. M. Tristram en a vu encore de nos jours une grande quantité dans ces parages, à Engaddi et au sud -ouest de la mer Morte, H. B. Tristram, The Land of Israël, in-8°, 1865, p. 524; Id., Fauna and Flora of Palestine, in -4°, Londres, 1884, p. 293. — Michée men- tionne aussi, vi, 5, un endroit qu'il appelle Sittîm (Vul- gate : Setim ) , et qu'on croit communément être le même que celui dont nous venons de parler. Voir Abelsatim. — Joël, iv, 18 (hébreu), parle d'une vallée de Sittîm, nahal haS- sittîm (Vulgate, ni, 18, « Torrent des épines, » tor- rentem spinarum). — Enfin les Juges, vu, 23, nous font connaître une ville de la tribu cisjordanienne de Manassé, appelée Bê( has-sitlâh, ou « Maison de l'acacia seyal ». Voir Bethsetta.

On a publié plusieurs monographies sur le bois de setim : Sonntag, De ligna Sittim, Altdorf, 1710; Hasaeus, De ligna Sittîm, dans le Thésaurus antiquitatum d'Ugolini, t. vin ; G. Schweinfurth, Aufzâhlung und Beschreibung der Aca- cien-Arten des Nilgebiets, dans Linnxa, ein Journal fur die Botanik, t. xxxv, Berlin, 1867-1868, p. 327.

F. Vigouroux. 105

ACAN - ACCARON

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ACAN (hébreu : 'Aqàn; Septante : 'Iovxâii), fils d'Éser et petit-fils de Séir l'Horréen. Gen., xxxvi, 27. Il est ap- pelé Iacan (hébreu : Ya'aqân), I Par., i, 42.

ACANTHE, Acanthus spinosus. Voir Chardon.

ACCAÏN (hébreu: Haqqaîn, c'est-à-dire Qo?n,avec l'article), ville de la tribu de Juda, mentionnée, Jos., XV, 57, entre Zanoé et Gabaa. Dans Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1881, p. 37, on range parmi « les gains de l'archéologie biblique », dus aux explorateurs mo- dernes, l'identification de cette localité avec le village actuel de Youkin ou Yakin , au sud - est d'Hébron. Le mot Qaïn lui-même rappellerait la famille des Cinéens, dont l'Écriture parle en plusieurs endroits, Gen., xv, 19; Jud., i, 16; I Reg., xv, 6, et qui habitaient le sud de la Palestine. La situation de Youkin répond aussi parfaite- ment à la prophétie de Balaam sur cette race. Du haut du Phogor, jetant les yeux vers l'ouest, « il vit le Cinéen, et , reprenant sa parabole , il dit : Tu demeures dans des lieux escarpés; tu as établi ton nid (jeu de mots entre qên, nid, et Qêni , Cinéen) dans le roc, mais Qaïn sera ravagé. » Num., xxiv, 21, 22. Or le village actuel, perché sur le sommet d'un rocher escarpé, dominant le désert occidental de la mer Morte, est un des points les plus en vue, quand le regard plonge de l'est sur les mon- tagnes de Juda. Dans ce même endroit s'élève une petite mosquée solitaire, consacrée à Neby Louth (Loth). C'est, en effet, dans une grotte attenante à ce sanctuaire, que, d'après une ancienne tradition musulmane, Loth, neveu d'Abraham, se serait arrêté quelque temps après sa fuite de Sodome. Voir Guérin , Description de la Palestine , Judée, t. m, p. 158. A. Legendre.

ACCARON (hébreu, 'Éqrôn; Septante, VAxxâpwv), ville de la Séphéla , paraît avoir été la plus septentrionale des cinq satrapies philistines. Josué, xm, 3; xv, 11, 47. Elle était peu éloignée de la mer. Josué, xv, 11. Dans VOnomasticon, Eusèbe s'exprime ainsi : « Accaron, de la tribu de Dan , à la gauche des Chananéens, l'une des cinq satrapies des Philistins, qui fut assignée à la tribu de Juda ; mais celle-ci ne put s'en emparer et en exterminer les anciens habitants. C'est maintenant encore un grand vil- lage..., entre Azot et Jamnia, vers l'orient. » La véritable situation d'Accaron a été longtemps ignorée. Le D r Ro- binson a identifié à juste titre l'Aker actuel (entre Emmaûs- Nicopolis à l'est , et Jamnia ou Jabné à l'ouest ) avec l'an- cienne Accaron. Aker est un assez grand village de huit cents habitants. Les maisons sont petites, ordinairement composées d'une seule pièce , de deux au plus, et hautes de trois mètres. Pressées confusément les unes contre les autres , elles sont construites, comme celles de la plupart des villages de la plaine des Philistins, avec des briques non cuites et séehées seulement au soleil ; le toit est horizontal , mais légèrement bombé vers le centre, et est formé de branches d'arbres sur lesquelles repose une couche de terre mêlée de paille hachée. Autour du vil- lage, sur les pentes de la colline dont il occupe le sommet, on observe des plantations de tabac. Au sud est un jardin entouré d'une haie de cactus, et au milieu duquel s'élance un beau palmier. A l'ouest, un grand puits à noria est bien construit et profond; il est ombragé par un vieil acacia mimosa. Deux autres puits sont aux trois quarts comblés. Si le village moderne qui, sous le même nom, sauf la désinence, a remplacé la ville antique, est con- struit en terre et ne renferme aucune ruine apparente de quelque importance, on peut en inférer ou que l'ancienne Accaron était elle-même construite en briques non cuites au feu, et par conséquent on ne doit pas s'étonner si elle a disparu complètement; ou qu'elle avait été à la vérité bâtie en pierres , mais qu'ayant été renversée depuis long- temps, car à l'époque des croisades il n'en est plus ques- tion que comme d'un simple village, les matériaux de

construction, si rares dans la plaine de la Séphéla, auront été transportés ailleurs pour servir à d'autres bâtisses.

A quelle époque remonte la fondation d'Accaron? La Bible ne nous l'apprend pas. Nous savons seulement qu'elle existait déjà lors de l'invasion de la terre de Cha- naan par les Israélites , et qu'elle appartenait aux Philis- tins. Devait-elle sa première origine à ce dernier peuple, ou bien aux Hévéens, qui primitivement habitaient le pays ? C'est ce qu'il serait difficile de décider. Comme ses ruines ont disparu, et que le village établi sur son em- placement ne renferme, à l'exception de deux colonnettes de marbre blanc, qui ont fort bien pu être apportées là d'ailleurs, aucun débris d'édifice qui atteste son ancienne splendeur, on en est réduit à de pures conjectures en ce qui regarde son étendue et son importance. Mais tout

14. — Vue d'Accaron.

porte à croire que c'était la moins considérable des cinq satrapies philistines.

Accaron fut assignée d'abord par Josué, xv, 45, à la tribu de Juda ; bientôt après elle fut concédée à la tribu de Dan. Jos., xix, 43. En réalité, elle ne fut possédée longtemps ni par la tribu de Juda ni par celle de Dan; car, conquise d'abord par les Hébreux, elle fut ensuite reprise par les Philistins. Josèphe, Ant. jud., V, m, 1. Cf. I Reg. v, 10; xvn, 52; IV Reg., I, 2, 16; Jer., xxv, 20; Amos, i, 8. Sur la fin de la judicature d'Héli , l'arche d'alliance , étant tombée au pouvoir des Philistins, fut transportée par eux à Azot, à Geth et à Accaron, et comme elle causait par- tout d'effroyables maladies, on la renvoya à Bethsamès, la ville de Juda la plus voisine d'Accaron. I Reg. vi, 12, 16. On peut voir encore , entre deux collines pittoresques , le chemin qu'elle dut suivre pour se diriger à travers les hautes montagnes, vers la cité des Bethsamites, à 15 kilo- mètres vers le levant. Un passage du quatrième livre des Rois, I, 2, 3, 6, 16, nous apprend que Béelzébub (voir ce mot) avait un oracle à Accaron, et par conséquent un temple, qui attirait, même d'assez loin, soit des adora- teurs, soit des visiteurs, qui venaient le consulter, puis- que Ochozias, roi d'Israël, blessé d'une chute grave qu'il avait faite à Samarie , en tombant de l'étage supérieur de son palais, s'adressa à cette divinité pour savoir d'elle s'il guérirait.

Les destinées d'Accaron se confondirent nécessairement avec celles des autres cités philistines, et elle dut être plu107

ACGARON — ACCHO

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sieurs fois prise et reprise dans les nombreuses guerres qui eurent lieu entre les Philistins et les Juifs. Voir Philistins. Le nom d’Accaron se lit dans les inscriptions de Sennachérib, d’Asaraddon et d’Assurbanipal. E. Schrader, Die Keilinschriftenund dos allé Testament, 1872, p. 71. Plusieurs prophètes avaient prédit l’humiliation et la ruiné de cette ville. Jer., xxv, 17, 20 ; Amos, i, 8 ; Soph., h, 4 ; Zach., rx, 5, 7. Le livre premier des Machabées, x, 89, nous apprend qu’Alexandre Balas, qui se disait fils d’Antiochus Épiphane, et qui, favorisé par le sénat de Rome, s’était fait proclamer roi de Syrie et avait conclu une alliance avec Jonathas Machabée , lui céda , l’an 147 avant J.-C, la ville d’Accaron et toutes ses dépendances. Du

Thécua, père de Hira, l’un des guerriers renommés de l’armée de David. II Reg., xxin, 26 ; I Par., xi, 28 ; xxvn, 9.

ACCHO (hébreu : ’Akkô ; Septante : ’Ax X <i, Jud., 1,31 ; UnXtiLaU, I Mach., v, 15, 22, 55 ; x, 1,39, 56-60 ; xi, 22, 24 ; xii, 45, 48 ; xm, 12 ; II Mach., xin, 24, 25 ; Act., xxi, 7), aujourd’hui ’Akka ou Saint-Jean-d’Acre, ville maritime, située à 12 kilomètres au nord -est du Carmel, et à 41 kilomètres sud -sud -ouest de Tyr.

I. Noms. — Gesenius, Thésaurus linguse heb. et chald., p. 1020, et, à sa suite, plusieurs auteurs rattachent le mot ’Akkô à la racine ’âkak, qui, d’après l’arabe, signifie

18. — Aecho (Saint-Jean-d’Acre).

temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, Accaron était encore un grand village habité par des Juifs. A l’époque des croisades, elle est mentionnée par plusieurs écrivains. Depuis le xrv> siècle jusqu’à nos jours, l’histoire d’Accaron est demeurée complètement inconnue, et cet ancien chef-lieu des Philistins était tombé dans une telle obscurité, que, jusqu’au savant voyageur anglais Rôbinson, qui l’a retrouvé en 1838 dans le village d’Aker, les voyageurs modernes ne savaient pas où le chercher. V. Gdérin.

ACCARONITES (hébreu : ’Ëqrôni), habitants d’Accaron, nommés dans Josué, xm, 3, comme formant l’une des cinq principautés des Philistins, et I Reg., v, 10, lorsqu’ils se plaignent que les autres Philistins leur ont envoyé l’arche du Dieu d’Israël afin de les faire périr.

ACCENTS HÉBRAÏQUES. Voir Ponctuation hébraïque.

ACCEPTION DE PERSONNES. Voir Personne.

ACCES (hébreu : ’IqqêS, « pervers, tortueux ; » Septante :

"loxa, ’Exxic, ’Exxîj ;), originaire ou habitant de 

« être brûlé par l’ardeur du soleil ». Les Arabes, en effet, appellent ’akkat ou ’akka « le sable brûlant ». Cf. G. W. Freytag, Lexicon arabieo-latinum, Halle, 1835, t. m, p. 199. On peut voir ici une allusion à la côte sablonneuse sur laquelle est bâtie la ville. A. P. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, p. 264. Les monuments égyptiens transcrivent exactement ce nom par ’Aka ou ’Ako, cf. P. Pierret, Vocabulaire hiéroglyphique, Paris, 1876, p. 81, d’après Brugsch, Geog., n, 40, 44 ; et les inscriptions assyriennes le donnent sous la forme Akku-u, pour Akku. E. Schrader, Die Keilinschriften und dos Alte Testament, Giessen, 1883, p. 173. On le retrouve chez les écrivains grecs : "Axt) , Strabon, xvi, 758 ; Diodore de Sicile, xix, 93 ; et chez les auteurs latins : Ace. Corn. Nepos, xiv, 5.

Cependant c’est sous le nom de Ptoléraaide que la ville est désignée dans les livres des Machabées , dans le Nouveau Testament (voir les passages indiqués plus haut), et dans Josèphe, Ant. jud., XIII, n, 1 ; rv, 1, 9 ; VI, 2 ; xii, 2 ; xiii, 1, 2 ; xvi, 4 ; XIV, xm, 3 ; Bell, jud., I, xxi, 11. Elle le doit évidemment à l’un des Ptolémées d’Egypte, qui, ayant compris l’importance de cette place au point de vue militaire, s’en empara, et remplaça par 409

ACCHO

HO

son nom propre l'ancienne dénomination. Mais à quelle époque et dans quelle occasion eut lieu ce changement, l'histoire ne le v dit pas. Plusieurs critiques l'attribuent à Ptolémée Soter, sans avoir toutefois de renseignements positifs à ce sujet V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 510. Accho-Ptolémaïde fut aussi appelée Colonia Claudii Cœsaris après avoir reçu de l'empereur Claude le privilège de cité romaine. Pline, H. N., v, 17; xxxvi , 65. Ces noms néanmoins ne parvinrent jamais à supplanter auprès des Orientaux l'appellation primitive; et nous trouvons ici un remarquable exemple de la téna- cité avec laquelle un nom sémitique peut survivre à une dénomination étrangère. Pendant que Grecs et Latins continuent à appeler notre ville Ptolémaïde, les Arabes Testent attachés à la désignation originale, que rappelle encore exactement aujourd'hui le mot 'Akka, et qui, à l'époque des croisades, devint, dans la bouche des Euro- péens, Acon, peu à peu défiguré en Acre. Enfin, quand les chevaliers de l'hôpital Saint-Jean se furent établis dans cette place célèbre, le monde chrétien l'appela Saint-Jean- d'Acre.

II. Description. — Parmi les auteurs anciens, un de ceux qui ont le mieux décrit notre ville, c'est assurément l'historien Josèphe. Bell, jud., II, x, 2. « Située sur la mer, dit-il, bâtie dans une grande plaine, elle est en- tourée de montagnes: vers l'est, à la dislance de 60 stades (11 kilom.), par les monts de Galilée; au midi, par le Carmel, éloigné de 120 stades (22 kilom.), et au septen- trion, par une montagne très élevée, que les indigènes appellent l'Échelle des Tyriens. A deux stades coule un petit fleuve, qu'on nomme le Bélus. » En suivant des yeux, sur une carte, la côte palestinienne, on aperçoit

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16. — Carte de la céte de Saint- Jean -d'Aore.

vers le nord une profonde échancrure, dont la pointe méridionale est le Carmel , et la pointe septentrionale le promontoire où se trouve Saint -Jean -d'Acre. La baie comprise entre ces deux extrémités produit tout de suite l'aspect d'un abri providentiellement ménagé aux vais- seaux. La plage qui l'avoisine et laisse tomber dans la mer les eaux du Cison et du Bélus ressemble, suivant la juste comparaison de Stanley, Sinai and Palestine, p. 264, à l'embouchure de la grande plaine d'Esdrelon.

Dne autre plaine d'une longueur d'environ huit lieues, sur deux de largeur, se dirigeant vers le nord, entoure la ville, dont elle prend le nom. D'une merveilleuse fer- tilité, resserrée entre les monts de Galilée et la Méditer- ranée, elle est fermée en haut par cette Échelle des Tyriens, appelée aujourd'hui Ras en-Naqoura. Ce pro- montoire, tombant à pic sur le rivage, semble une bar- rière naturelle posée entre la baie d'Acre et la plaine de Tyr, c'est-à-dire entre la Palestine et la Phénicie. Saint- Jean -d'Acre est comme une forteresse dans la mer, affec- tant la forme d'un triangle dont la base regarde le nord, et le sommet le sud. « Saint-Jean-d'Acre, dit M. V. Guérin, ouv. cité, p. 502, avait autrefois deux ports, l'un extérieur (c'est la rade actuelle) et l'autre intérieur. Ce dernier était délimité par une digue qui est en grande partie dé- truite, et que défendaient plusieurs tours, dont quelques assises inférieures sont seules encore visibles, a Ce port est aujourd'hui très ensablé , et sa plus grande profondeur atteint 1 m. 50. Aussi les barques peuvent seules y péné- trer, et les bâtiments tant soit peu considérables sont contraints de mouiller en rade. Celle - ci est d'ailleurs beaucoup moins sûre que celle de Kaïpha. » Cf. V. Gué- rin, ouv. cité, p. 502-509; La Terre Sainte, t. h, Paris, 1884, p. 150-161 ; Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, dans Le Tour du monde, t. xli, p. 38-46.

III. Histoire. — Bâtie par les Chananéens sur un pro- montoire et dans une situation dont on vient de voir l'im- portance, Accho se trouva, au moment du partage de la Terre Promise , dans le lot de la tribu d'Aser. Cependant elle n'est pas comprise dans rénumération des villes fron- tières ou principales, Jos., xix, 24-31, et les habitants n'en furent pas expulsés. Jud., i, 31. L'Ancien Testament n'en parle plus avant l'époque des Machabées. Toutefois , d'après une opinion défendue par Reland , Paltestina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. n, p. 534 et suiv., et adoptée par beaucoup d'auteurs, elle serait mentionnée dans Michée, i, 10. A la fin de ce cha- pitre, en effet, le prophète fait allusion à dix villes dont les noms prêtent à des jeux de mots. Voir Achazib 2 . An- nonçant les châtiments que là justice de Dieu fera tomber sur Juda , il engage ses compatriotes à cacher leurs dé- sastres surtout aux Philistins , qui , dans leur haine invé- térée , s'en réjouiraient. « Ne les annoncez pas dans Geth, leur dit-il ; ne pleurez pas avec des sanglots, » c'est-à-dire pleurez en silence. La Vulgate a cherché à rendre, par cette dernière pensée, les mots du texte hébreu, dont la consonance, produite à dessein, est remarquable : bâhô 'al tibkû. Elle a vu dans la répétition du même verbe bâkàh, « pleurer, » une figure de langage familière aux auteurs sacrés. Cependant le contexte et le parallélisme, qui demandent , dans le second membre, un nom de ville pour répondre à Geth du premier membre, semblent donner raison à Reland, qui reconnaît dans bâkô une contraction mise pour be'akkô, et traduit ainsi : « Dans Accho ne pleurez pas, » c'est-à-dire : Si vous devez vous garder d'annoncer vos malheurs dans Geth, ville des Philistins, vous ne devez pas moins dissimuler votre douleur dans Accho, au milieu des Chananéens du nord. La joie de nos ennemis, triom- phant de nos infortunes, est, en effet, un surcroît de peine. Le sens est ainsi plus naturel, le parallélisme mieux mar- qué, et la contraction bâkô aussi facilement explicable que celle de Ba'alâh, Jos., rv, 29, en Bâlâh, Jos., six, 3. La version des Septante favorise cette hypothèse, car elle a rendu les mots bâkô al tibkû par xa o 'Evaxe!|i (dans certains manuscrits, oi èv 'Axeift) (ni àvotxoSoiieî-rs. On peut admettre avec Hitzig que la leçon primitive était èv "Axei, et que le (i a été ajouté par mégarde, à cause du mot (iiî qui suit. Pour toutes ces raisons, le P. Knaben bauer, Commentarius in prophetas minores, Paris, 1886, t. i, p. 404, accepte sans hésiter l'opinion de Reland.

Si les textes sacrés ne nous disent rien d' Accho avant la période asmonéenne, les monuments profanes nous en parlent plus d'une fois. Dès la xvm e dynastie, elle figure, m

ACCHO — ACCOMMODATICE (SENS)

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dans les inscriptions de Thothmès III, parmi les noms géo- graphiques qui appartiennent à la Palestine septentrio- nale. A l'époque du siège de Tyr par Salmanasar V (727-722), elle est au pouvoir des Tyriens; car un pas- sage de Ménandre, rapporté par Josèphe, Ant. jud., IX, xiv, 2, nous apprend qu'elle leur fit alors défection et se soumit aux Assyriens. Sennachérib (704-680), dans sa campagne contre Ézéchias, roi de Juda, s'en empara, et la mentionne après Sidon, Sarepta, Hosah et Achazib. Cf. Prisme de Taylor ou Cylindre C de Sennachérib, Cuneiform inscriptions of Western Asia, 1. 1, pi. 38-39; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 4= édit., Paris, 1885, t. iv, p. 212. Elle est également citée dans une inscription d'Assaraddon (680-667), relative aux campagnes de ce prince contre les Philistins et les Égyp- tiens. Cf. Vigouroux, ouv. cité, t. rv, p. 258. Enfin, sous le règne "d'Artaxerxès II (405-359), elle sert aux Perses de base d'opérations contre l'Egypte : « Ako, dit M. Mas- péro, était, sur la côte méridionale de Syrie, le seul port assez grand pour recevoir les flottes de la Perse, assez sûr pour les protéger contre les tempêtes et contre les sur- prises. Pharnabazos y établit son quartier général. Pen- dant trois années, vivres, munitions, soldats de terre et de mer, vaisseaux phéniciens et grecs y affluèrent;... et au commencement de 373 l'expédition était prête à partir. Elle comptait deux cent mille soldats et vingt mille mer- cenaires, trois cents trières, deux cents galères à trente rames, et beaucoup de vaisseaux de charge; » Histoire ancienne des peuples de l'Orient, ¥ édit., Paris, 1886, p. 645.

Ces détails nous montrent quelle était dès ce moment l'importance d'Accho, importance qui devait grandir de plus en plus. Reconnue pour être, par sa situation, la clef de la Syrie, servant de débouché à la route commerciale de Damas à la mer, sa possession devint du plus grand prix au point de vue politique. Aussi les rois se la dispu- tèrent avec acharnement, surtout après le démembrement de l'empire macédonien. Rattachée à ce moment à l'E- gypte, comme le reste de la Phénicie, elle prit le nom de Ptolémaïde; puis, plus tard, conquise par Antiochus le Grand, elle revint à la Syrie. Ptolémée, v, 62. Quand les Machabées se levèrent pour défendre leur patrie et leur foi, Accho- Ptolémaïde se posa entre eux et les rois de Syrie tour à tour comme uu objectif important, ou un point dangereux, ou un rendez-vous naturel. L'an 163 avant J.-C, Simon poursuivit les ennemis qu'il avait en Galilée jusque sous les murs de Ptolémaïde, dont il ne put néanmoins s'emparer. I Mach., v, 15-22. Antiochus Eupator (164-162), vaincu par Judas Machabée, fit la paix avec lui, et « l'éta- blit chef et prince depuis Ptolémaïde jusqu'aux Gerré- niens ». Mais les habitants de la ville ne voulurent pas accepter le traité conclu , et c'est à grand'peine que Lysias parvint à apaiser leur mécontentement. II Mach., xm, 24-26. Vers l'an 152, Alexandre Balas, prétendant au trône de Syrie, se rendit maître de la place, I Mach., x, 1; mais Démétrius Soter, briguant l'amitié du peuple juif et de Jonathas , « donna la ville et son territoire au sanctuaire qui est à Jérusalem, pour les dépenses nécessaires aux choses saintes. » I Mach., x, 39. Alexandre, vainqueur de son rival, célébra à Ptolémaïde son mariage avec Cléo- pâtre, fille de Ptolémée Philométor, roi d'Egypte; et, sur son invitation, Jonathas s'y rendit avec des présents qu'il offrit aux deux monarques. I Mach., x, 56-60. En 145, Démétrius II Nicator, débarrassé de ses deux compéti- teurs, Alexandre et Ptolémée, manda dîns la même ville Jonathas, qui s'insinua dans la confiance du roi et en reçut beaucoup d'honneurs. I Mach., xi, 22-26. MaisTryphon, conspirant contre le jeune Antiochus, et craignant de rencontrer dans le héros juif un adversaire redoutable, attira perfidement ce dernier à Ptolémaïde, où il le fit prisonnier, et mit à mort tous ses partisans. I Mach., XII, 45-48.

La ville s'étant plus tard rendue indépendante, Alexandre

Jannée (106-79) l'attaqua sans succès, et en leva le siège dès qu'il apprit que Ptolémée Lathyre, roi de Chypre, venait de débarquer à Sycaminos avec une nombreuse armée. Josèphe, Ant. jud., XIII, xii, 2-4. Celui-ci s'en empara; mais, bientôt après, Cléopâtre, sa mère, reine d'Egypte, la lui enleva. Ant. jud., XIII, xm, 1, 2. Tigrane, roi d'Arménie, la prit à son tour, lors de son incursion mo- mentanée en Syrie. Ant. jud., XIII, xvi, 4. Enfin Hérode le Grand, dans sa munificence pour certaines cités étran- gères, la dota d'un gymnase comme Tripoli et Damas. Bell, jud., I, xxi, 11. Élevée par l'empereur Claude au rang de colonie romaine, Ptolémaïde reçut le titre de Colonia Claudii Cxsaris. Pline, H. N., v, 17. Reland dé- crit plusieurs de ses monnaies où ce titre de colonie est marqué. Palsestina ex mon. vet. illustrata, Utrecht, 1714, t. il, p. 538. Deux notamment, la première de Trajan, la seconde d'Adrien , représentent la ville sous la figure d'une femme voilée et tourellée , assise sur un rocher que la mer environne. De la main droite elle tient trois épis, emblème de la fertilité du sol , et à ses pieds est l'image d'un fleuve, évidemment le Bélus (Nahr Na'man). La

17. — Monnaie d'Accho.

Tête imberbe d'Alexandre, à droite. — H). Zeus ou Jupiter aéto- phore (porteur d'aigle), assis, a gauche. Sous le bras droit de Jupiter, on lit, en caractères phéniciens, ACV (Accho) et la date 34 (278-277 avant J. C.) de l'ère des Séleucides. Beau- coup de monnaies portant l'effigie d'Alexandre ont été ainsi frappées longtemps après son règne.

monnaie que nous reproduisons ici, fig. 17, est un tétra- drachme au nom d'Alexandre; l'original est conservé au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. Pour les monnaies autonomes et impériales d'Accho-Ptolé- maïde, voir de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, Paris, 1874, p. 154-169, pi. vin. —Saint Paul, après avoir prêché l'Évangile en Macédoine, en Grèce et en Asie, ve- nant de Milet à Jérusalem, termina au port de Ptolémaïde « sa navigation », son voyage par mer ; puis, « ayant salué ses frères, demeura auprès d'eux pendant un jour. » Act., xxi, 7. Dès les premiers siècles de l'ère chrétienne, la ville devint le siège d'un évêché; pendant les croisades, elle acquit une très grande importance. Voir V. Guérin ,. Description de la Palestine, Galilée, 1. 1, p. 512-525; E. Ro- binson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856,. t. m, p. 92-100. A. Legendre.

ACCOMMODATICE (Sens). Ce sens n'est pas, à parler strictement, un sens de l'Écriture, directement ou indi- rectement voulu par le Saint-Esprit; c'est une signification attribuée plus ou moins arbitrairement aux paroles sacrées, et distincte de leurs sens réels, littéral et spirituel. Elle résulte de l'adaptation du texte à un sujet étranger au contexte.

Cette adaptation se fait de deux manières. Le texte, ap- pliqué à une personne, un objet, une situation différents- de ceux qu'avait en vue l'auteur inspiré, garde-t-il son sens premier et naturel, l'accommodation a lieu par exten- sion. L'application est fondée sur quelque ressemblance, sur l'analogie et une sorte d'identité morale des situations. Ainsi un pécheur emploierait pour excuser sa faute le» paroles d'Eve : Serpens decepit me, Gen., m, 13; un aveugle exprimerait son malheur comme Tobie, v, 12 r 113

ACCOMMODATICE (SENS)

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Quale gaudium mihi erit, qui in tenebris sedeo et lumen cœli non video ? Par suite de son adaptation à une autre circonstance, le texte perd -il son sens naturel et a- 1- il une signification nouvelle, il n'y a plus qu'une simple allusion à l'Ecriture, une coïncidence de sens entre une parole divine et l'expression d'une pensée humaine. La sœur du duc de Montmorency, décapité par ordre de Ri- chelieu, s'écriant, dit- on, à la vue du tombeau de ce cardinal : Domine, si fuisses hic, f rater meus non fuisset mortuus, employait ainsi les paroles des sœurs de Lazare à Jésus. Joa., xi, 21 et 32. C'est aussi par allusion qu'on applique souvent à la contagion des mauvaises compa- gnies le f. 20 du psaume xvn : « Vous serez bon avec les bons et mauvais avec les mauvais, » adressé littérale- ment à Dieu, qui est miséricordieux envers les bons et sévère à l'égard des méchants. Ces deux procédés d'ac- commodation sont parfois réunis. La parole Mirabilis Deus in sanctis suis , Ps. lxvii , 36 , relative aux prodiges accomplis par Dieu dans son sanctuaire, est souvent en- tendue de la sorte des merveilles de grâce opérées dans les saints.

De soi, l'accommodation qui conserve à l'Écriture son sens premier est plus légitime que la simple allusion, qui souvent, selon le mot de saint François de Sales ( voir son Esprit, II e part., ch. XHi), est une « détorse » du texte sacré. Toutefois le concile de Trente, sess. IV, décret, de editione et usu Sacrorum Librorum, a interdit formelle- ment toute application de la parole divine à des sujets profanes. Au xvi e siècle, la Sainte Écriture était employée à des bouffonneries et à des contes, à de vains discours et à des flatteries , à des détractions , à des superstitions , à des enchantements impies et diaboliques, à des divina- tions et à des sorts ou libelles diffamatoires. Afin de ré- primer cette témérité , les Pères du concile prohibèrent ces irrévérences et celles qui leur ressembleraient , et or- donnèrent aux évêques de punir, selon le droit et leur appréciation, les auteurs d'un tel mépris et de telles pro- fanations. L'instruction de Clément VIII aux correcteurs de livres signale comme digne de correction l'emploi de l'Écriture à un usage profane. Les moralistes l'appellent « un sacrilège réel , l'abus d'une chose sacrée », et saint François de Sales , malade, reprit vivement son médecin, qui appliquait à la préparation d'un remède les paroles de Jésus à Pierre : Quod ego facio, tu nescis modo; scies autem postea. Joa. , xm, 7 : « Vous profanez la Sainte Écriture en l'appliquant à des choses profanes ; un chré- tien ne doit employer la parole de Dieu que pour des choses saintes, et avec un grand respect. » Cependant toute accommodation de l'Écriture à un sujet profane n'est pas répréhensible au même degré. Une fine plaisan- terie est moins condamnable qu'une grossière bouffon- nerie, une habile allusion qu'un lourd jeu de mots. Les casuistes autorisent à citer dans la conversation , par ma- nière de proverbe, une pensée générale, telle que Melior est obedientia quant victimes, I Reg., xv, 22; à rapporter un exemple ou une comparaison bibliques, qui gardent hors du contexte leur sens véritable.

Mais , en règle générale , l'accommodation de l'Écriture n'est permise que dans les sujets de piété et dans un but d'édification. Les auteurs inspirés, en de rares circon- stances, I Mach., i, 41, et Tobie, n, 6, pour Amos, vm, 10;

I Mach., I, 57, pour Daniel, ix, 27; Matth., vu, 23, pour Ps.'vi, 9; Matth., x, 36, pour Michée, vu, 6; Luc, xxm, 30, pour Osée, x, 8; Apoc, xi, 4, pour Zach., iv, 14, ont dé- tourné de leur sens primitif certaines paroles des Livres Saints, et donné à leur pensée l'expression dune autre pensée divine. Les écrivains ecclésiastiques ont suivi leur exemple, et largement usé des applications libres, des adaptations du texte sacré. Elles abondent dans leurs ou- vrages, et Théodore de Mopsueste, In Epist. ad Rom., m, 12, t. lxvi, col. 793, assure que cet emploi de la Sainte Écriture était très fréquent de son temps dans les sermons.

II s'est perpétué dans la prédication de tons les siècles, et .

l'Église elle-même l'a consacré dans sa liturgie. L'éloge des patriarches est emprunté à l'Ecclésiastique pour louer les contesseurs pontifes et non pontifes. Acosta, De vera Scripturas tractandi ratione, 1. III, c. vi, vil et xi, a re- cueilli un certain nombre d'exemples de semblables ac- commodations. Antiennes, psaumes, capitules, leçons et répons du bréviaire; introïts, graduels, traits, offertoires, communions, parfois même épitres et évangiles du missel, sont des applications du texte sacré à l'objet des fêtes. Sans déroger au respect du à la parole divine, cet em- ploi de l'Écriture excite la piété des lecteurs et des au- diteurs. La partie matérielle elle-même des propositions de l'Écriture possède une sorte de vertu divine. Devien- nent-elles le véhicule et l'expression de pensées et de sentiments humains, elles produisent encore des effets divins dans les âmes. Les homélies de saint Bernard, com- posées, pour ainsi dire, de centons extraits des Livres Saints, ont une onction et une saveur de piété particu- lières.

Toutefois l'accommodation du texte sacré à des sujets religieux a ses règles et n'est légitime que moyennant cer- taines conditions. Avant tout , il est évident qu'il ne faut jamais présenter le sens accommodatice comme le sens véritable de l'Écriture. Il n'a aucune valeur dogmatique, ne peut établir un point de foi ou de morale obligatoire, ni servir par conséquent à la démonstration d'une thèse. L'employer, c'est énoncer dans les termes qui expriment une pensée du Saint-Esprit une proposition étrangère, dont le Saint-Esprit n'est pas responsable. Cette proposi- tion n'obtient pas par là une force nouvelle. Aussi saint Jérôme, In Matth., 1. II, xm, 33, t. xxvi, col. 91-92, blâme- t-il les écrivains qui voulaient prouver le dogme de la sainte Trinité par la parabole des trois sacs de farine qu'une femme met en pâte, parce qu'ils y voyaient une figure de la pluralité des personnes dans l'unité de la na- ture. Les Donatistes démontraient par ce texte : Indica mihi ubi pascas, ubi cubes in meridie, Cant., i, 6, qu'eux seuls représentaient en Afrique la véritable Église. Saint Augustin , De unitate Ecçlesise contra Donatistas, xxiv, 69, t. xliii , col. 441 , se moque à bon droit de leur argu- mentation.

L'application du texte sacré doit toujours être naturelle, fondée sur une analogie au moins lointaine, être d'une justesse frappante et pleinement satisfaisante pour l'esprit. Une adaptation risquée, quoique pieuse, est à tout le moins une faute de goût; parfois même elle devient un sujet de risée pour des lecteurs ou des auditeurs exigeants. La prudence et une sage réserve feront donc éviter de donner aux paroles saintes une signification contraire au sens lit- téral, ou trop éloignée de ce sens, ou qui n'aurait avec elles d'autre rapport que le son matériel des mots. Saint François de Sales voulait qu'on commençât par expliquer le sens littéral. « Autrement, disait-il, c'est bâtir le toit d'une maison avant d'en jeter les fondements. L'Écriture Sainte n'est pas une étoffe qu'on puisse tailler à son gré pour s'en faire des parements à sa mode. » Ne serait-ce pas un blasphème d'appliquer au sacré Cœur de Jésus ce verset : Accedet homo ad cor altum, et exaltabitur Deus, Ps. lxiii, 7-8, ou à la sainte Vierge ce passage du psaume x (hébreu), 15 : Quseretur peccatum illius et non inve- nietur, qui décrivent l'insondable malice des pécheurs et la gloire que Dieu retirera de leur punition? Entendre des instruments de pénitence ces paroles : Apprehenditt disci- plinam, nequando irascatur Dominus, Ps. Il, 12, qui exhortent les hommes à recevoir le joug du Messie, s'ils ne veulent irriter le Seigneur, serait excessif. L'abus, dans, ces cas où l'allusion n'est que verbale, provient souvent de l'ignorance du vrai sens de l'Écriture, ou du ridicule désir de faire parade de bel esprit dans les citations scriptu- raires. Les prédicateurs du xvn« siècle n'ont pas toujours su éviter ce défaut. Sur l'emploi du sens accommodatice de l'Écriture dans la chaire chrétienne, voir Longhaye, La prédication, grands maîtres et grandes lois, Paris, 115

ACCOMMODATICE (SENS) — ACCUSATEUR

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1888, 2» part., I. I, ch. i", in, p. 295-301. A consulter: Vasquez, In 1"" partent Sum. theol., disp. xiv; Serarius, Prolegomena biblica, c. xxi, q. 14; Frassen, Disquisi- tiones biblicse, iv, 6; Acosta, De vera Scripturas tra- ctandi ratione, 1. III, c. v-xin ; H. de Bukentop, Tractatus de sensibus Sacrée Scripturse, c. xv; Berthier, Tracta- tus de locis theologicis, Turin, 1888, pars i", 1. I, c. H, a. il, § 1, n»> 189-191, p. 166-168, et § 3, n» 257, p. 220-221. E. Mamgenot.

ACCOS, hébreu : Haqqôs (nom avec l'article), « l'épine; » Septante: K<iç, I Par., xxrv, 10; 'AxxoOç,

I Esd., u, 61; 'Axxcic, II Esd., m, 4, 21 ; 'Axûç, U Esd., vu, 63.

1. ACCOS, chef de la famille sacerdotale à qui échut sous David le septième sort. I Par., xxiv, 10. Ses descen- dants revinrent de la captivité avec Zorobabel. Mais, n'ayant pu retrouver leurs tables généalogiques ni justifier de leur descendance, ils furent exclus du sacerdoce. I Esdr., u, 61 ;

II Esdr., vu, 63. Dans la Vulgate, II Esdr., m, 21, « Haccus; » au y. 3, « Accus. »

2. ACCOS (Septante: 'Axxi!>;; Vulgate: Jacob), père de Jean et grand-père d'Eupolème, l'ambassadeur de Judas Machabée à Rome. I Mach., vin, 17.

ACCUB, hébreu :

  • Axo06, 'Axoûn,.

'Aqqub, « insidieux; » Septante :

1. ACCUB, le quatrième fils d'Élioénaï, descendant de Zorobabel. I Par., m, 24.

2. ACCUB , lévite, un des chefs des gardiens de la porte orientale du temple, du temps de David. I Par., ix, 17, 26. Il était chargé en même temps des chambres et des trésors de la maison du Seigneur. Ses descendants re- vinrent de la captivité avec Zorobabel. I Esdr., u, 42, 45; II Esdr., vu, 46. Parmi ses descendants, on en voit un du nom d'Accub lire la loi et faire les fonctions de chef des portiers. II Esdr., vm, 7, 9; xi, 19; xn, 25.

3. ACCUB, un des chefs des Nathinéens, dont les des- cendants revinrent de Babylone avec Zorobabel. I Esdr., u, 45. Son nom est omis dans le texte parallèle. II Esdr., vu, 48.

4. ACCUB , lévite qui assista Esdras dans la lecture de la loi au peuple. II Esdr., vm, 7. Voir Accub 2.

ACCUS. Voir Accos 1.

ACCUSA. Voir Bacbiel.

ACCUSATEUR. Ce mot s'emploie dans divers sens: 1° En matière judiciaire, il signifie, dans la Bible comme dans les auteurs profanes, celui qui défère au juge un crime commis par un autre, afin d'attirer sur lui la ven- geance publique : ainsi dans beaucoup de passages cités dans la suite de cet article. 2° En dehors de tout juge- ment, ce mot signifie celui qui dénonce le crime, vrai ou faux, d'un autre, soit pour le faire corriger, soit pour attirer sur lui la colère et la haine. Dans ce sens, ce mot est employé fréquemment par les auteurs sacrés. Voir, par exemple: Gen., xxxvn, 2; xxxix, 13-18; I Esdr., iv, 6-24; Prov., xxx, 10; Eccli., xlvi, 22; I Mach., vu, 6, 25; II Mach., iv, 1, etc. 3° Dans un sens plus élevé et méta- phorique, ce mot signifie celui qui porte une accusation contre quelqu'un devant le tribunal de Dieu, Joa., v, 45; Rom., vm, 33; dans ce sens, Satan est appelé, par anto- nomase, « l'accusateur, » & xocnrçywp, Ap., xn, 10, nom que les rabbins ont mis, en hébreu , qâtêgôr, pour le donner an démon. Ce mot, & xotTTjiop, correspond à peu près au

mot hébraïque haUdtàn, « l'adversaire, » par antonomase, qui est le nom de Satan. Zach., in, 1, 2; Job, I, 6-9, etc.; Gesenius, Thésaurus, p. 1328. 4" Dans la Bible, le même mot est encore appliqué à la conscience, qui accuse le pé- cheur, Rom., il, 15; à la loi, qui accuse celui qui la viole, Joa., v, 45. 5» Enfin le juste est dit aussi « accusateur » de lui-même, Prov., xvni, 17, dans ce sens que le juste est prompt à reconnaître, à avouer et à regretter ses torts : ce qui n'est pas toujours vrai du pécheur. Dans cet article, nous ne prenons ce mot que dans le premier sens, c'est- à-dire en matière judiciaire.

L'accusateur est celui qui implore l'autorité du juge pour faire infliger à l'accusé la peine portée par les lois contre le crime qu'il lui impute ; si le plaignant ne requiert pas la vengeance publique, mais seulement la satisfaction d'un intérêt privé, lésé par le délit commis, il s'appelle non pas accusateur, mais demandeur (voir Dette, Juge- ment). Dans le premier cas, le jugement est dit criminel ; dans le second , civil ; si le plaignant requiert à la fois la vengeance publique et la satisfaction de ses intérêts, il est en même temps accusateur et demandeur, et le juge- ment est dit mixte.

Les droits romain et canonique distinguent entre l'ac- cusateur et le dénonciateur : l'accusateur s'oblige àprouver le crime imputé, fait la cause sienne, et s'expose aux peines les plus graves, s'il succombe dans ses preuves; le dénon- ciateur se contente de déférer le crime au juge, et d'in- diquer les témoins et autres moyens de preuve. Les Hé- breux ont ignoré cette distinction; quiconque défère un crime au juge est dit accusateur ou, plus exactement, sâtân, « adversaire, » et s'expose, s'il agit avec malice, aux peines que nous indiquerons plus loin.

L'accusation n'était pas nécessaire pour mettre en mouvement l'action judiciaire; quand les juges avaient connaissance d'un crime, par la voix publique ou d'une autre manière, ils pouvaient procéder à une information juridique. Juda apprend, par un bruit public, la faute de Thamar, et procède au jugement, Gen., xxxvni, 24; Josué apprend, par révélation divine, que les ordres du Sei- gneur ont été violés ; il fait une enquête , et Achan con- vaincu subit la peine de mort. Jos., vu, 10-26. Josèphe nous dit que , lorsque un meurtre avait été commis , les juges de la ville, même avant d'avoir reçu aucune indica- tion sur le coupable , devaient procéder à une enquête et provoquer des dénonciations, même par l'appât des récom- penses. Ant. jud.,l, vm, 16.

L'accusateur n'était pas toujours , comme chez les Ro- mains, une ou plusieurs peisonnes déterminées; c'étaient quelquefois la foule, le peuple, une catégorie de per- sonnes : dans le procès de Jérémie, ce sont les prêtres et les prophètes, Jer., xxvi, 11, 16; dans le procès de Pierre et de Jean, ce sont les prêtres, les magistrats préposés au temple, et les Sadducéens, qui les trouvent dans le temple, Act., îv, 1-3; dans le procès de saint Etienne, ce sont les synagogues des Affranchis, des habitants de Cyrène , d'A- lexandrie, etc. Act., vi, 9-13.

Nous voyons par ces exemples que, dans le droit hé- braïque, l'accusation n'était pas réservée, comme dans nos législations modernes, à un magistrat spécial ; le droit d'accusation appartenait à tous les Israélites, soit aux in- téressés, c'est-à-dire à ceux qui étaient lésés dans leurs biens, leur honneur, etc., par le crime commis, soit même à un citoyen quelconque qui avait vu le crime ; dans ce sens', pour employer une expression du droit romain, tous les crimes, chez les Hébreux, étaient « publics », c'est- à-dire qu'il était permis à tous les citoyens de les déférer aux juges par la voie de l'accusation. Les crimes « publics », chez les Romains , étaient surtout ceux qui étaient commis on censés commis contre la république, et c'est pour cela que tous pouvaient accuser les coupables, Voet., ad Pan- decias, de publias judiciis, 1; chez les Hébreux, tous les crimes étaient censés commis directement contre Dieu lui-même, et par conséquent contre l'État, dont Jéhevab 117

ACCUSATEUR — ACCUSÉ

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était le premier chef : voilà pourquoi tous pouvaient se porter comme accusateurs.

L’accusateur, chez les Hébreux, présentait sa requête de vive voix ; tel, au moins, parait avoir été l’usage. Généralement l’accusateur paraissait devant les juges en même temps que l’accusé ; c’était l’usage romain au temps de Notre- Seigneur ; nous l’apprenons par saint Paul. Act., xxv, 16 ; cf. XXIII, 30, 35 ; xxiv, 8. C’était aussi l’usage des Hébreux, comme nous le voyons par lès exemples de jugements mentionnés dans la Sainte Écriture ; nous ne trouvons qu’une exception : dans le jugement de Naboth, III Reg., xxi, 8-14, l’accusatrice Jézabel ne paraît pas devant les juges de Jezrahel ; il est probable que sa qualité de reine l’en exemptait ; du reste, comme on le voit dans le texte sacré, l’intervention de Jézabel dans ce jugement, ou plutôt dans cette iniquité, était moins une accusation qu’un odieux complot entre elle et les juges.

Dans le droit romain, suivi en cela par le droit canonique , l’accusateur proprement dit ne peut être témoin , sinon dans les affaires de peu d’importance. La raison en est que, comme nous l’avons dit, l’accusateur fait la cause sienne, s’engage à prouver son attaque, et s’expose, en cas d’insuffisance de preuves, à des peines très graves. Or, de par le droit naturel, nul ne peut être témoin dans sa propre cause. Il n’en était pas ainsi chez les Hébreux ; autant que nous pouvons en juger par les exemples rapportés dans la Sainte Écriture, l’accusateur pouvait être témoin : dans le jugement de Susanne, Dan., xm, les deux vieillards accusateurs furent témoins, et les deux seuls témoins ; dans le jugement deSalomon, III Reg., m, 16-28, la femme qui traduit sa voisine devant le tribunal du roi remplit à la fois les deux rôles d’accusatrice et de témoin. La raison de cette différence, c’est que dans la coutume hébraïque l’accusateur ne fait pas la cause sienne, qu’il ne s’engage pas à prouver son attaque , et qu’il n’est puni qu’en cas de calomnie délibérée et clairement prouvée. Il est probable, en conséquence, que lorsque l’accusateur était témoin, il pouvait servir à compléter le nombre de deux ou trois témoins requis par la loi pour rendre une sentence en matière criminelle. Voir Témoin. Toutefois quelques commentateurs pensent que, dans ce cas , il fallait encore nécessairement deux autres témoins , distincts de l’accusateur, et que tel était le sens de la formule mosaïque : « deux ou trois témoins. » Tel est le sentiment de Michaelis, Mosaisches Recht, § 299, t. vi, p. 126 ; Saalschûtz le réfute sur ce point. Das mosaische Recht, k. 88, p. ’604. Dans le jugement de Susanne, les vieillards étaient à la fois accusateurs et témoins ; comme ils étaient deux, leur témoignage parut suffisant ; Daniel ne fit pas de reproche aux juges sur ce point. C’est aux juges à apprécier , d’après toutes les circonstances , la valeur du témoignage de l’accusateur, et à en tenir le compte qu’il mérite.

La peine portée contre l’accusateur qui accuse calomnieusement n’est pas spécialement et explicitement exprimée dans la loi de Moïse ; elle se déduit de la peine portée contre les faux témoins, parce qu’en effet l’accusateur pouvait être témoin, et l’était même souvent, et que d’ailleurs la loi pénale qui vise les témoins est conçue en des termes généraux qui s’appliquent aussi bien à l’accusateur. Nous lisons, Deut., xix, 16-21 : « Si un faux témoin s’attaque à un homme, l’accusant d’avoir violé la loi, et que celui-ci le nie, ils se présenteront tous deux devant le Seigneur, en la présence des prêtres et des juges qui seront en charge en ce temps-là, et lorsque, après une très exacte recherche, ils auront reconnu que le faux témoin a avancé une calomnie contre son frère, ils le traiteront comme il avait le dessein de traiter son frère. » On voit que ce texte s’applique aussi bien à l’accusateur qu’au témoin. La coutume, du reste, a ainsi entendu la loi. C’est la peine du talion qui est ici décernée contre les faux témoins. Or les Hébreux infligeaient cette peine aussi bien à l’accusateur qui calomniait qu’au faux témoin. Dans

l’affaire de Susanne, les deux vieillards sont punis de mort, Dan., xiu, 61-62, parce qu’ils avaient voulu faire infliger cette peine à leur victime, l’adultère étant puni de mort ; le texte sacré dit même expressément qu’on les mit à mort pour leur faire souffrir le même mal qu’ils voulaient faire souffrir à un autre, et pour exécuter la loi de Moïse : ce qui est une allusion évidente au passage signalé du Deutéronome, et même une citation partielle de ce passage. Dans l’affaire de Naboth , mis à mort à la suite de l’accusation calomnieuse de Jézabel, Dieu lui-même se chargea d’exécuter la peine du talion contre cette femme impie, qui en sa qualité de reine échappait à la justice humaine ; il la menaça d’abord de cette peine, III Reg., xxi, 23, puis il l’exécuta, IV Reg., ix, 30-37. S. Many.

ACCUSÉ. Ce mot, qui est corrélatif du mot accusateur, se présente naturellement, dans la Bible, avec la plupart des sens correspondants à ceux de ce dernier terme ; ils sont signalés dans l’article. précédent. Ici nous ne prenons ce mot accusé que dans son sens judiciaire.

Chez les Hébreux, l’accusé était tout individu traduit devant les juges sous la prévention d’un crime qui lui était imputé, ou par un accusateur ou dénonciateur, ou par un bruit public, ou à la suite d’une enquête judiciaire. C’est exactement le reus des Latins. Les Hébreux ont ignoré toutes les distinctions introduites par nos législations modernes entre l’accusé , l’inculpé , le prévenu, etc., termes qui désignent ou les divers degrés de gravité des fautes imputées, ou les diverses phases de la procédure ; quiconque, chez les Hébreux, paraissait devant les juges sous l’imputation d’un crime contre lequel on implorait la vengeance des lois, était « accusé ». Toutefois cette qualification supposait un jugement criminel, ou au moins un jugement mixte ; dans le cas de jugement civil, il n’y avait pas d’accusé, mais un défendeur.

Dans la procédure criminelle des Hébreux, la personne de l’accusé était entourée de la protection des lois, afin que ses intérêts et ceux de la vérité et de la justice fussent sauvegardés. D’abord il était cité, afin qu’on pût l’entendre. C’était là une règle inviolable et sacrée ; nous ne trouvons dans l’Écriture aucun exemple de jugement proprement dit où l’accusé n’ait été entendu ; même dans les jugements les plus sommaires, l’accusé paraissait, et on pouvait l’entendre. Cette audition de l’accusé avait été commandée par Moïse aux juges qu’il établit sur son peuple : « Entendezles (non seulement le plaignant, mais celui dont il se plaint), et jugez suivant la justice, qu’il s’agisse de citoyens ou d’étrangers. » Deut. , i , 16. Aussi Nicodème pouvait-il dire à ses collègues du sanhédrin : « Est-ce que notre loi juge quelqu’un avant qu’on l’ait entendu, et qu’ainsi l’on ait appris ce qu’il faut faire ? » Joa., vu, 51. Les rabbins font remarquer que Dieu lui-même, malgré sa science infinie, n’a pas voulu se décharger de cette obligation de citer et d’entendre l’accusé. Avant de condamner Adam et Eve, il les cite et les écoute, Gen., m, 8-13 ; avant de condamner Aaron et Marie, qui accusaient injustement Moïse leur frère, Dieu, qui veut prendre en main la cause de son serviteur, les cite et les interroge. Num., xii, 4-8. Cf. Hottinger, Juris Hebreeorum leges, 1. lxxx, Tiguri, 1655, p. 104-106.

L’accusé, paraissant devant les juges, avait toute liberté de se détendre. Saint Etienne, accusé devant le sanhédrin de Jérusalem, reçoit du président la parole pour se défendre, et en profite largement, Act., vu, 1-53 ; Susanne, accusée par deux vieillards dont le témoignage paraissait à tous indiscutable, se défend en protestant de son innocence. Dan., xni, 42-43. Jérémie, accusé par les prêtres et les faux prophètes, se défend aussi devant ses juges, et gagne sa cause. Jer. , xxvi, 12-16. Souvent, comme on le voit par ces exemples et par beaucoup d’autres, l’accusé se détendait lui-même ; cependant lorsque, pour quelque motil que ce fut, il ne pouvait pas ou ne voulait «9

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pas plaider sa propre cause , il ne manquait jamais d'un parent, d'un ami ou d'un défenseur charitable, qui prenait en main ses intérêts et présentait ses défenses au tribunal : ce qui était d'autant plus facile, que , les jugements étant toujours rendus aux portes de la ville, ou au moins, en dehors de la Judée, dans un lieu très public, tous, même un inconnu , un étranger, pouvaient venir au secours de l'accusé , comme nous le voyons dans le jugement de Su- sanne, qui fut sauvée au dernier moment par l'interven- tion inattendue de Daniel, Dan., XIII, 45-63. Cette liberté de la défense est soigneusement enseignée dans la Mischna, traité Sanhédrin, v, 4, édit. Surenhusius, part, iv, p. 232. Tel était aussi l'usage romain, comme nous l'apprenons par l'affirmation très précise de saint Paul. Act., xxiv, 19. Aussi le même Apôtre, accoutumé à ces usages des Juifs et des Romains, se plaignit deux fois d'avoir été frappé de verges, sans qu'on eût discuté sa cause et entendu sa défense. Act., xvi, 37; xxn, 25.

L'aveu du crime, fait par l'accusé, n'était jamais suffi- sant pour le faire condamner. Quelle que soit la force pro- bante de l'aveu judiciaire dans les matières civiles , et même dans les matières criminelles non capitales, néan- moins , dès qu'il s'agit de la vie d'un homme, l'aveu seul de son crime peut n'être pas suffisamment concluant pour entraîner la conviction des juges. Aussi, chez les Romains, le juge ne pouvait condamner à mort sur le seul aveu de l'accusé; il fallait au moins que le corpus delicti fût bien établi d'ailleurs, L. 1, § Divus Severus, et § Si quis ultro, D., De qussstionibus , XLV1II, xvm : décision très sage, car il peut se faire, comme on le déduit de ces textes, qu'un aveu de ce genre soit donné dans un moment de crainte, d'exaltation, de folie ou de désespoir. Cf. Voet., ad Pan- dectas, de Confessis, n° 2. C'est ce qu'avaient aussi com- pris les Hébreux : dans leur procédure criminelle, jamais l'aveu ne suffit pour faire condamner à mort. Achan avoue son crime , mais son aveu n'est que le commence- ment d'une enquête, qui, en établissant clairement le corpus delicti, ne laisse aucun doute sur la culpabilité de l'accusé, Jos., vu, 10-26; Jonathas avoue son délit, mais il était notoire, ayant eu le peuple entier pour té- moin. I Reg., xiv, 25-28. Aussi les commentateurs juifs disent- ils que, d'après la Loi, aucun homme ne peut être mis à mort sur son aveu personnel. Voir Maimonide et Bartenora , dans leurs commentaires sur la Mischna , traité Sanhédrin, vi, 2, édit. Surenhusius, part, iv, p. 234. Nous ne trouvons'dans la Bible qu'une exception à cette règle : sur la seule déclaration de cet Amalécite qui prétend avoir tué Saûl, David le fait mettre à mort. II Reg., I, 1-16. Quelques auteurs expliquent cette justice sommaire en la présentant comme une exécution militaire, exigée d'ailleurs par la nécessité pressante où se trouvait David de venger l'honneur de la royauté , de mettre en sûreté pour l'avenir la vie des rois d'Israël, et de se mettre lui-même à l'abri de tout soupçon de connivence avec celui qui se déclarait le meurtrier de Saùl. Cf. Michaelis, Mosaisches Recht, §295, 305, t. vi, p. 113, 163.

Jamais non plus l'accusé ne pouvait être mis à mort ni sur la révélation d'un prophète, ni sur une désignation faite par le sort. « Notre Loi ne condamne personne à mort sur le dire d'un prophète qui déclare qu'un tel a commis ce crime, » dit Maimonide dans son commentaire sur la Mischna, à l'endroit cité. C'était là, en effet, une voie trop extraordinaire et trop sujette à l'erreur, pour que les juges pussent s'en contenter dans l'administration de la justice, surtout criminelle. Quant au sort, on pouvait, dans certains cas, y avoir recours, voir Sort; mais c'était seu- lement pour rechercher le coupable, jamais pour le con- damner; il fallait encore, indépendamment du sort, des preuves décisives pour que le juge fût autorisé à porter la sentence : c'est ce que nous voyons dans les exemples cités plus haut, d'Achan et de Jonathas, qui sont les deux seuls cas de jugements criminels rapportés par l'Écriture où l'on ait eu recours au sort pour découvrir les coupables.

Le sort désigne Achan et Jonathas comme coupables , mais leurs crimes furent clairement prouvés d'ailleurs : celui d'Achan, par son aveu et l'enquête qui le suivit; celu de Jonathas, par son aveu et la notoriété du fait.

L'accusé n'était jamais soumis à la torture : nous n'en voyons aucun exemple ni même aucune trace dans tous les cas de jugements rapportés par l'Écriture; il n'en est pas question dans la loi de Moïse. Nous trouvons bien, Deut., xxv, 2, mentionnée la flagellation, qui, chez les Grecs et les Romains, était un mode assez ordinaire de torture; mais par le contexte nous voyons que cette exé- cution n'était pas du tout une forme de torture destinée à arracher des aveux à l'accusé, mais bien une peine des- tinée à punir des délits déjà clairement prouvés. La tor- ture apparaît pour la première fois dans la Palestine après la conquête romaine ; Hérode y a recours pour découvrir les coupables. Josèphe, Bell, jud., I, xxx, 2-7. Saint Mat- thieu , xvm, 34, mentionne certains exécuteurs qui mani- festement, d'après le nom qu'il leur donne, pouraviotaJ (Peschito : menagdoné' ; Vulgate : tortores), avaient parmi leurs fonctions celle d'appliquer les accusés à la question. L'apôtre saint Paul fut menacé de la torture, laquelle fut même décrétée contre lui, et il n'y échappa qu'en décla- rant qu'il était citoyen romain. Act., xxn, 24-29. La tor- ture était donc à cette époque en usage dans la Palestine : c'étaient les vainqueurs qui l'avaient importée dans le pays conquis; jusque-là le peuple hébreu l'avait complè- tement ignorée. Dans les intervalles de la procédure, par exemple, avant le prononcé du jugement, ou avant son exécution, l'accusé était gardé à vue. Lev., xxiv, 12; Num., xv, 34. Cf. Jer., xx, 2; xxix, 26; xxxvm, 6. Lorsque l'accusé était pleinement convaincu, la sentence était portée, et l'exécution suivait sans délai. Voir Juge- ment. S. Many.

ACELDAMA. Voir Haceldama. '

ACHAB , hébreu : 'Ah'âb , « frère de père ; » par contraction, une fois 'Éhâb, Jer., xxiv, 22; Septante : 'A-/aâ6.

1. ACHAB, roi d'Israël, succéda à Amri,-son père; il eut pour capitale Samarie ; son règne dura vingt-deux ans, de 918 à 897, suivant les chiffres peut-être altérés du texte biblique sous sa forme actuelle, III Reg., xvi, 29; de 875 à 854, d'après les monuments assyriens. Voir E. Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, Giessen, 1883, p. 458 et suiv.

Achab surpassa en impiété tous ses prédécesseurs. Il épousa Jézabel, fille d'Ethbaal, que la Bible appelle roi de Sidon, et Josèphe, roi de Tyr et de Sidon, Antiq.jud., VIII, xin. Ce mariage fut pour Achab la source de presque toutes ses fautes et de tous ses malheurs. Esprit inquiet, nature entreprenante et audacieuse , comme la qualifie Josèphe, loc. cit., Jézabel exerça sur le faible monarque une influence néfaste. Fille d'un prêtre de Baal et d'As- tarté, qui n'avait pas craint de tremper les mains dans le sang de son frère pour arriver au trône ( Ménandre , cité par Josèphe, Cont. Apion., I, xvm), elle sembla avoir hérité de son père le zèle idolâtrique avec la cruauté. Sans égard pour les croyances religieuses du peuple dont elle était devenue la reine, elle s'attacha à faire prévaloir les divi- nités phéniciennes sur le vrai Dieu d'Israël. Achab, loin de lui résister, eut la faiblesse, pour lui complaire, de bâtir dans Samarie un temple sacrilège, où il vint lui- même se prosterner devant les dieux de Jézabel, Baal et Astarté. Voir I (III J Reg., xvi, 33, où l'hébreu porte 'ASê- râh. Bientôt après, la persécution religieuse sévit du- rement contre les adorateurs du vrai Dieu , et pendant que Baal comptait quatre cent cinquante prêtres, et As- tarté quatre cents, les prophètes du Seigneur tombaient sous les coups de l'implacable reine, ou n'échappaient à la mort qu'en se réfugiant dans les cavernes. III Reg., xvm, 121

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4, 13, 19. On ne s'étonnera donc pas de lire dans le texte sacré que nul prince d'Israël n'avait encore égalé les ini- quités d'Achab.

Le prophète Élie, messager de la colère divine en cette circonstance, alla trouver le roi et lui prédit que la sé- cheresse sévirait en Israël , et que l'eau ne tomberait pas du ciel qu'il ne revînt lui-même l'annoncer. A trois ans de là, III Reg., xviii, 1, la famine étant extrême, Élie, par l'ordre du Seigneur, se rendit de nouveau près d'Achab, que le fléau avait éhranlé , sans pourtant le convertir au culte du vrai Dieu. Le sacrifice miraculeux du mont Car- mel, III Reg., xvm, voir Élie, en convainquant d'im- posture les prêtres de Baal, ramena, pour quelque temps du moins, le roi à de meilleurs sentiments. Ce jour-là même, et du consentement d'Achab, la loi de Moïse, qui condamnait à mort les prophètes des faux dieux, Deut., xvm , 20 , reçut son application ; les quatre cent cin- quante prêtres de Baal furent exécutés. Alors, pour la première fois depuis trois ans, la pluie tomba du ciel, à la parole du prophète Elie, qui ne s'empressa pas moins de disparaître, pour échapper au courroux de Jézabel, irritée de la mort des prêtres de Baal.

Achab semble avoir profité quelque temps des avertis- sements que Dieu lui avait donnés par l'entremise de son prophète, et sa politique extérieure n'eut qu'à y gagner. Bénadad, roi de Syrie, suivi de trente-deux princes alliés et d'une armée nombreuse, était venu camper jusque sous les murs de Samarie, et tenait la ville assiégée. Une pre- mière fois il avait engagé le malheureux prince à se rendre, à des conditions que celui-ci avait eu d'abord la faiblesse d'accepter. Bénadad , appuyé sur le nombre de ses soldats et se croyant sûr de la victoire, ne vit dans les conces- sions d'Achab qu'un motif d'être plus exigeant. De nou- velles propositions, plus dures que les premières, furent faites à Achab, qui les soumit aux anciens et au peuple de Samarie. Il n'y eut qu'une voix pour les rejeter, et ainsi la lutte fut résolue. C'est alors que le Seigneur inter- vint. Il rassura le faible monarque, et, pour lui prouver une fois de plus qu'il était le seul vrai Dieu, lui promit la victoire sur ses nombreux ennemis. Achab, en effet, ayant rassemblé ses hommes, comme le Seigneur le lui avait commandé , fit une sortie contre les assiégeants et les mit complètement en déroute. Le même prophète qui lui avait prédit cette victoire s'approcha de nouveau d'Achab , et lui annonça que l'année suivante le roi de Syrie reviendrait l'attaquer.

Au bout d'un an, la parole du prophète recevait son accomplissement : Bénadad inondait de ses troupes la plaine d'Aphec, que l'on croit pouvoir identifier avec El- Fik , situé à l'est du lac de Génésareth, sur la route allant de la Palestine à Damas. Les enfants d'Israël, ayant Achab à leur tête, marchèrent à l'ennemi et vinrent camper en face des Syriens. Or, pendant que ceux-ci couvraient la plaine de leurs nombreux bataillons, les Israélites, qui apparem- ment s'étaient divisés en deux groupes, ressemblaient, dit la Bible, « à deux petits troupeaux de chèvres. » III Reg., XX, 27. Un homme de Dieu parut encore pour rassurer Achab et lui promettre la victoire de la part du Seigneur. Sept jours durant, les deux armées restèrent en face l'une de l'autre; enfin, le septième jour, la bataille s'engagea. Cent mille fantassins syriens tombèrent sous les coups des Israélites, et vingt- sept mille, qui étaient restés dans Aphec, périrent sous la chute des murs de la ville. En supposant que ces chiffres nous aient été conservés bien intacts, on ne peut guère expliquer une si sanglante vic- toire, suivie d'une telle catastrophe, que par l'intervention divine, d'ailleurs promise. Bénadad lui-même tomba entre les mains du vainqueur, qui lui fit grâce de la vie. La paix fut conclue à cette condition que Bénadad rendrait les villes prises par son père au roi d'Israël , et qu' Achab pourrait établir à Damas une garnison , ou , selon une autre interprétation plus vraisemblable, des bazars ou mar- chés pour ses nationaux. 111 Reg., xx, 34.

En faisant grâce de la vie au vaincu , le roi d'Israël semble avoir contrevenu à un ordre formel de Dieu, cf. III Reg., xx, 42; car un prophète dont la Bible ne nous a pas conservé le nom, mais que Josèphe, Antiq. jud., VIII, xiv, croit être Michée, fils de Jemla, mentionné plus loin, III Reg., xxii, 8, vint blâmer Achab de sa géné- rosité mal entendue pour Bénadad et du traité d'alliance qu'il avait également conclu avec lui. Le prophète, en terminant, signifia au roi qu'il payerait un jour de sa vie la faute qu'il avait commise. Loin de s'humilier devant le Dieu, qui deux fois l'avait délivré, lui et son peuple, de son redoutable voisin , Achab , sans doute enilé de sa victoire, ne montra qu'irritation , et s'en retourna à Samarie mé- content jusqu'à la fureur des avertissements et des menaces du Seigneur. III Reg., xx, 35-43.

La paix avec le roi de Syrie devait durer trois ans. Dans l'intervalle se passa le célèbre épisode de la vigne de Na- both , à Jezrahel , le Zéraïn actuel , où Achab avait un palais. Pour agrandir ses jardins, le roi demanda à Na- both, son voisin, de lui céder sa vigne. Celui-ci s'y refusa, cemme c'était son droit. Achab en éprouva un dépit d'en- fant, qu'il manifesta en boudant son entourage. Il n'était pas sans savoir apparemment que Jézabel était capable de le consoler de ses chagrins, en mettant à son service une audace qui ne reculait devant rien, pas même devant le crime. A quelques jours de là, en effet, Jézabel avait tout arrangé : Naboth n'était plus. Achab fut prévenu ; il se rendit aussitôt à la vigne de Naboth pour en prendre pos- session, quand soudain Élie parut de nouveau comme le justicier de Dieu, et prédit à Achab qu'en punition du meurtre de l'innocent, les chiens lécheraient son sang au même lieu où ils avaient léché le sang de Naboth, dévoreraient Jézabel, la principale actrice de ce drame sanglant, et qu'enfin la postérité d'Achab serait un jour détruite. Cette fois Achab reconnut sa faute , en fit péni- tence, et Dieu, pour montrer qu'il agrée le repentir même des plus coupables, révéla à son prophète Élie que, le roi s'étant humilié, les malheurs prédits contre sa posté- rité n'arriveraient pas de son vivant.

C'est à cette époque, selon toute probabilité, qu'il faut placer encore la campagne que fit Achab, comme allié de Bénadad, contre Salmanasar II, roi d'Assyrie. La Bible ne mentionne point ce fait; mais les inscriptions assyriennes, malgré les divergences chronologiques que nous avons indiquées plus haut et dont nous n'avons pas encore la clef, ne nous permettent guère de douter qu'Achab ait vécu au temps de Salmanasar, et qu'il ait joint ses armes à celles du roi de Syrie contre le puissant monarque des bords du Tigre. Nous possédons , en effet , trois récits de la sixième campagne de Salmanasar; elle était dirigée contre le roi de Syrie et douze autres rois ses alliés. Layard, Inscriptions in the cuneiform character, pi. 46 et 89-90; Western Asiatic inscriptions, t. m, pi. 8. La plus célèbre de ces inscriptions, gravée sur une stèle trouvée à Kurkh, aux sources du Tigre, et conservée maintenant au British Muséum, nous dit que Salmanasar triompha, dans le voi- sinage de la ville de Qarqar, du roi de Damas, Binidiï ( = Bénadad , qui est pour Bénadar. Cf. Schrader, Die Keil- inschriften und das aile Testament, p. 200-201; J. Ha- lévy, Notes sur quelques textes araméens du Corpus, n° 27, dans Recherches bibliques ) , ainsi que de ses alliés, parmi lesquels nous lisons le nom d'Afyabbu, du pays de $irla, c'est-à-dire Achab d'Israël, selon toute apparence. Voici, du reste, le passage principal du texte; c'est Salma- nasar qui parle : « Je partis de la ville d'Argana et m'ap- prochai delà ville de Qarqar. Je renversai la ville de Qarqar, ville de ma royauté; je la détruisis et la consumai dans les flammes. Douze cents chars, douze cents bit-haHu (?) , vingt mille hommes de Binidri de Damas ; sept cents chars, sept cents bit-hal-lu (?), dix mille hommes d'Irhulina, du pays de Hamat ; deux mille chars, dix mille hommes d'Ahabbu, du pays de Sirla... ( L'énumération des forces alliées con- tinue, et Salmanasar reprend :) Il (Binidri) prit ces douze 123

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rois à son aide. Pour me faire la guerre et me livrer ba- taille , ils se dirigèrent contre moi. Par le secours puis- sant que me prêta Âssur le Seigneur, par les armes puis- santes que m'accorda le grand protecteur qui marche devant moi, je combattis. De Qarqar à Gilsau, je causai leur défaite. Je tuai par mes armes quatorze mille de leurs combattants. Comme le Dieu Ramman, je fis surgir contre eux une tempête , je couvris la surface des eaux de leurs...; je terrassai par mes armes leurs nombreuses années ; de leurs cadavres la plaine fut jonchée. » La description de la défaite se poursuit dans des termes dont la significa- tion précise n'est point toujours facile à déterminer; mais on ne saurait douter, même en faisant la part de la jac- tance habituelle des monarques assyriens, que Binidri de Damas et ses douze alliés n'aient subi aux environs de Qarqar un désastre complet.

Cette défa dut montrer à Âchab combien le prophète avait eu raison de blâmer son alliance avec le roi de Syrie. Du reste, la paix conclue avec Bénàdad ne devait pas être de bien longue durée. Trois ans après la bataille d'Aphec, Ramoth, ville du pays de Galaad, qui d'après les traités aurait dû appartenir au roi d'Israël, était en- core au pouvoir de Bénadad , soit que celui - ci eût refusé de la rendre, soit plutôt qu'il eût, pour un motif ou pour un autre, envahi de nouveau le territoire de son allié. Achab résolut d'arracher de vive force cette place à son belliqueux voisin.

En ce temps -là, Josaphat, roi de Juda, qui neuf ou dix ans plus tôt avait eu la malencontreuse idée d'unir son fils Joram à Athalie, la trop digne fille de Jézabel, II Par., xxi, 6; IV Reg., vm, 26, vint faire visite à Achab. Celui-ci, plein de ses idées de guerre contre Bénadad, entreprit de gagner Josaphat à sa cause. Il le reçut dans Samarie avec de grandes démonstrations de joie, II Par., xviii, 2, et parvint à conclure une alliance avec lui, dans le but de chasser le roi de Syrie de la ville de Ramoth. Inquiet pourtant >ur les conséquences que pourrait bien avoir cette campagne, Josaphat demanda à consulter le Seigneur. Achab, et c'est encore là un trait à noter, si l'on veut se rendre compte du caractère et des infidélités de ce prince, trouva immédiatement autour de lui quatre cents prophètes environ, qu'il ne faut sans doute pas confondre avec les quatre cents prêtres d'Astarté , puis- qu'ils se disent inspirés par Jéhovah, III Reg., xxii, 24, mais qui paraissent avoir été à la solde du roi simplement pour exercer la divination et lui prédire des choses exclu- sivement agréables. Le résultat de la consultation fut tel que le voulait Achab : « Montez à Ramoth, le Seigneur la livrera entre vos mains. »

Josaphat n'accepta point cette décision, dictée par l'in- térêt et la servilité ; il réclama un prophète du Seigneur. Âchab dut envoyer chercher le fils de Jemla, Michée, qu'il détestait pour sa fidélité à prédire l'exacte vérité , fût-elle désagréable au bon plaisir du roi. Michée vint donc, et après une réponse ironique, conforme aux désirs d'Achab, il annonça résolument la défaite des troupes d'Israël. Achab fit saisir et jeter dans une dure prison le prophète du Seigneur, bien résolu à ne pas tenir compte de ses aver- tissements. Le pieux Josaphat, malgré la prédiction de Michée, et croyant peut-être qu'il devait faire honneur à une parole déjà donnée , ne sépara point sa cause de celle de l'impie Achab, ce dont le prophète Jéhu le blâma dans la suite. II Par., xn, 2.

Tous les deux allèrent donc présenter la bataille au roi de Syrie sous les murs de Ramoth. Au moment d'engager l'action, Bénadad donna l'ordre aux trente-deux chefs de ses chariots de diriger leur attaque contre la personne même d'Achab. Celui-ci, soit qu'il eût eu connaissance des intentions de son ennemi, soit plutôt qu'il craignit l'effet de la prédiction de Michée, se déguisa pour n'être point reconnu dans le combat. Vaine précaution! Pen- dant que Josaphat, revêtu de ses habite royaux et pour- suivi quelque temps par erreur comme étant le roi d'Israël,

échappait à la mort, Achab était atteint d'une flèche lancée comme au hasard par un soldat sans nom. Grièvement blessé, le prince fit sortir son char de la mêlée, sans toutefois déserter le champ de bataille. Il eut le courage, pour soutenir l'ardeur de ses soldats, de rester debout, la face tournée vers les Syriens , malgré les flots de sang qui inondaient son char. Le soir il expirait, et toute l'armée dut se disperser. On rapporta le corps du roi à Samarie, où il fut enseveli, et quand on lava son chariot dans la piscine de cette même ville, les chiens vinrent lécher son sang. La première prophétie d'Élie, III Reg., xxi, 19, d'après laquelle les chiens devaient lécher le sang d'Achab au lieu même où ils avaient léché le sang de Naboth , par conséquent à Jezrahel , ne se trouvait donc vérifiée qu'en partie; mais on se rappelle que la pénitence du roi avait lait modifier la sentence du Seigneur, qui en renvoyait le plein accomplissement au temps de son fils, III Reg., xxi, 29, et l'on verra plus tard, en effet, IV Reg., ix, 25-26, Jéhu, en souvenir de cette prophétie, jeter le cadavre de Joram dans le champ même de Naboth. Le reste des actions d'Achab, les palais, les villes qu'il fit construire, tout cela était consigné au livre des Annales des rois d'Israël, livre qui n'est point parvenu jusqu'à nous.

Ainsi disparut, en attendant la pleine vengeance de Dieu sur sa postérité, un des plus mauvais princes qui ait gouverné le peuple d'Israël. Son manque absolu de solides convictions religieuses , sa faiblesse de caractère et ses passions, qui parfois confinent à la puérilité, III Reg., xxi, 4, ont fait de lui une sorte de grand enfant gâté, tombé entre les mains d'une femme hardie, insolente, audacieuse, qui sut l'amener à perpétrer tous les crimes, ou les exécuter elle-même avec son assentiment. Sa plus lourde faute fut assurément d'installer dans sa capitale le culte de Baal et d'Astarté , et de se prêter à la persécu- tion des fidèles serviteurs de la loi mosaïque. Chez un peuple où toute déviation du culte du vrai Dieu devait amener, non seulement à la longue et par la force des choses, mais encore, au besoin, par l'intervention posi- tive de Dieu , un châtiment terrible , le crime d'idolâtrie se doublait nécessairement du crime de lèse-nation. Après trois ans d'une famine que le peuple avait dû supporter en expiation de cette faute, Élie pouvait lui dire en toute assu- rance : « Ce n'est pas moi , mais toi qui troubles Israël , en abandonnant les commandements du Seigneur. » III Reg., xviii, 18. Ce qui rend ce prince plus inexcusable encore, c'est que jamais Dieu ne lui ménagea ses avertissements. Les prophètes du Seigneur, dont le ministère surnaturel jouait en Israël un rôle si considérable, ne manquèrent jamais de lui dénoncer ses crimes et les châtiments qui devaient suivre, III Reg., xviii, 1; xxi, 21; de le prévenir des dangers que les attaques de l'extérieur, III Reg., xx, 22, ou les fautes de sa politique, III Reg., xx, 42, faisaient courir à son royaume; enfin de lui fournir des preuves immédiates de la bonté de Dieu à son égard, sitôt qu'il donnait le plus léger signe de repentir. III Reg., xviii, 41 ; xxi , 29. Mais toutes ces attentions de Dieu furent en pure perte : Achab aima mieux subir la domination d'une femme exécrable, adorer les faux dieux, écouter ses devins; il périt donc pour l'avoir bien voulu. Après cela, qu'il ait eu un certain goût pour les arts, pour l'embellissement de ses palais et de ses villes, III Reg., xxii, 39; qu'au dernier moment il ait même montré quelque force d'âme en face de l'ennemi, c'est justice de le constater avec l'écrivain sacré, III Reg., xxn, 35; mais, en vérité, il faudrait autre chose pour racheter ses fautes et ses crimes devant le tribunal de l'histoire. L. Méchinead.

2. AOHAB, fils de Colias, faux prophète, sorti des rangs des Hébreux déportés à Babylone par Nabuchodonosor. Il n'est lait mention de lui que dans Jérémie, qui, au nom de Dieu, le menace ainsi que ses sectateurs, et lui prédit que s'il continue à prêcher le mensonge et à vivre, comme 425

ACHAB — ACHAIE

126

il le faisait, dans l'adultère, le roi de Babylone le fera périr, et par un supplice si cruel , qu'il fournira aux survivants cette formule de malédiction : « Que Jéhovah te traite comme le roi de Babylone a traité Achab. » Jer., xxrx, 21-22. Ce supplice est celui du feu, inusité en Palestine, mais en usage chez les Babyloniens. Daniel en fait expres- sément mention , ni , 6. Cf. Smith , History of Assurba- nipal, p. 137, 138, 157; Transactions of the Society of biblical archeeology, t. n, p. 360 et suiv.; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 3" édit., t. rv, p. 439-442. Nous ne saurions dire s'il y a, dans le mot employé pour désigner le supplice d' Achab (qdlâtn), une allusion au père de ce faux prophète (Qôlâyâh).

L'identité de l'époque à laquelle vivait Achab et l'autre faux prophète menacé par Jérémie, xxrx, 21-22, d'une part, et les deux juges calomniateurs de la chaste Susanne, Dan., xin, 5, d'autre part; la similitude de leurs fonctions et celle de leur fin tragique ; enfin et surtout le désir de justifier par une référence l'expression : « ceux dont a parlé le Seigneur, » Dan., xni, 5, avaient porté plusieurs Juifs dont parle saint Jérôme, InDa- nielem, in hoc loc, à voir dans les deux vieil- lards de l'his- toire de Su- sanne les deux faux prophètes Achab et Sédé- cias. Mais, outre que le supplice est fort diffé- rent, ici la la- pidation, Dan., Xlll , 62 ; cf. Deut., xix, 18- 19; Ezech.,

xvi, 40, là le supplice du feu, Jer., xxix, 21-22, il y a une différence entre ceux qui prononcent le châtiment : contre les vieillards, c'est le peuple; contre les faux prophètes, c'est le roi de Babylone. Ces divergences ont fait aban- donner universellement l'assimilation. P. Renard.

ACHAO (hébreu : 'Akkad; quelquefois incorrecte- ment: Akkar, à cause de la ressemblance du daleth, i, et du resch, -i, hébreux; Septante : 'Ap^48; textes cunéi- formes : Agadê, Akkadu), ville située sur la rive gauche et assez près de l'Euphrate, à environ cinquante kilomètres nord-ouest de Babylone, à l'endroit où l'Euphrate et le Tigre , n'étant plus séparés que par une distance de trente kilomètres , étaient autrefois réunis par un canal nommé canal d'Akkad. Cette ville était située sur le quai méri- dional du canal, tandis que sur l'autre quai s'élevait la ville de Sippar, la Sépharvaïm de la Bible , dont Achad semblait n'être qu'un faubourg.

La Genèse, x, 10, mentionne cette ville comme faisant partie de la tétrapole du Sennaar, gouvernée par Nemrod. Les fouilles ont prouvé qu'elle remonte, en effet, à la plus haute antiquité. Les scribes babyloniens plaçaient vers l'an 3800 av. J.-C. le règne de Sargon d'Akkad; cette indi- cation est confirmée par les monuments qui portent le nom de ce prince, dont les inscriptions sont tracées en style fort archaïque : le clou ou coin, élément constitutif de l'écriture cunéiforme, n'y apparaît pas encore; on n'y ren- contre que la ligne droite ou brisée, figurant d'une façon plus ou moins grossière l'objet dont on veut peindre le nom. (Fig.18.) A cette époque, Achad était déjà un centre d'é- tudes littéraires, astronomiques et surtout astrologiques. Nous possédons encore, sinon en originaux, du moins en copies, une portion de la bibliothèque rassemblée par Sargon et Naram - Sin , son fils. Voir Records of the past , 2 e série ,

I , p. 37; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de

18.

l'Orient, t. rv, p. 77-79. Plus tard , Achad perdit son rang de capitale; mais les plus anciens souverains de Babylone tinrent à honneur de joindre à leur titre celui de roi de la région d'Akkad, Sar mat Akkad; et le nom d'Akkadien, Akkadu, parait être demeuré l'appellation ethnographique pour la portion septentrionale de la Babylonie, tandis que celui de Sumir semble avoir été réservé à la partie méridio- nale. Malgré le déplacement de la royauté, Achad continua à jouer un rôle important jusque sous la domination des Perses. Cette ville est mentionnée dans les inscriptions égyp- tiennes d'Amenhotep II (xvm<> dynastie), qui s'en empara, ainsi que de Ninive. Jusqu'à présent son histoire ne parait pas, comme celle d'Arach, liée intimement avec les aven- tures d'Isdoubar, le Nemrod chaldéen. Anounitou, l'Istar ou la Vénus du matin, était la déesse protectrice d'Achad. Pendant longtemps les assyriologues ont donné du nom de cette ville la lecture erronée Âgané ; cette méprise, due à la polyphonie du dernier signe cunéiforme, qu'on peut lire né ou de, a contribué à prolonger l'ignorance des exégètes relativement à la situation véritable de la ville

nemrodienne. Les anciens avaient cru la retrouver dans Nisibe : c'était l'opinion des Targums, de saint Éphrem , desaintJérôme, d'Aboulfaradje ; mais cette ville est beaucoup trop éloignée du Sennaar. Plu- sieurs parmi les modernes ont proposé Akker- kouf et Niffar, l'ancienne Nipour; mais si la situation géographique est plus satisfaisante, les noms eux-mêmes protestent contre cette hypothèse gratuite. Voir Fr. Delitzsch, Wo lag das Parodies ? p. 209 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5 e édit., t. i, p. 307-308. E. Pannier.

ACHAÏE ( 'A^ata). Ce terme géographique a désigné, dans l'antiquité et dans les temps modernes, une étendue de pays très diverse. Pour Homère, Achéen et Grec étaient

Cylindre de Sargon l'Ancien. Collection de M. de Clercq.

19. — Monnaie de l'Achaïe.

Zcub Homogrrlus debout, tourné à gauche. Il tient dans la main droite une Victoire qui lui pose une couronne sur la tête et de la main gauche 11 s'appuie sur un long sceptre. IIIIIAPXoS [titre du second magistrat de la ligue achéenne. Son nom manque sur la médaille. Ce magistrat n'exlstali plus à l'époque romaine]. — ft. Déméter Panachaïa, assise sur un trône, à gauche. Elle a une couronne dans la main droite et elle s'appuie de la gauche sur un long sceptre, comme Jupiter. I1AAAANTEUN AXAIÛN [monnaie] de Fallantlon Cen Arcadie, ville] de la ligue achéenne.

synonymes; la Phthiotide fut d'abord appelée Achaïe. Plus tard , ce nom fut réservé à la contrée située au nord du Péloponèse, le long du golfe de Corinthe. Après la con- quête romaine, on appela Achaïe tous les pays qui avaient fait partie de la ligue achéenne. Pausanias , Vil, xn, g 10. L' Achaïe renfermait donc le Péloponèse, la Grèce cen- trale et les lies adjacentes. C'est à l'Achate qu'actuelle427

ACHAÏE — ACHAN

128

ment la majorité des historiens rattachent la Thessalie , l'Acarnanie et l'Étolie. Cette dernière y fut unie plus tard que les deux antres. Ptolémée, m, 14. Les limites tracées sur la carte ci -jointe (fig. 90) sont néanmoins conjectu- rales. Pour l'auteur des Actes des Apôtres et pour saint Paul, l'Achaïe et la Macédoine forment l'ensemble des pays grecs. Act., xix, 21 ; Rom., xv, 26; I Thess., i, 7, 8. Dans le partage des provinces fait en l'an 27 avant J.-C, par l'empereur Auguste, l'Achaïe fut attribuée au sénat : elle était par conséquent gouvernée par un ancien pré- teur ayant le titre de proconsul. Strabon, xvn, 3, 25;

Parmi les villes de l'Achaïe , le Nouveau Testament ne mentionne qu'Athènes, Act.^ xvii, 16; Cenchrée, port de Corinthe, xvm, 18; Rom., xvi, 1, et cette dernière ville, qui était le séjour du proconsul. Act., xvm, 1. Déjà, au temps de saint Paul, l'Achaïe comptait de nombreux chré- tiens, II Cor., I, 1; I Thess., i, 7, 8; l'Apôtre loue leur charité, Rom., xv, 26; II Cor., IX, 2, sans pourtant vou- loir en user pour son propre compte. II Cor., xi, 9.

E. Jacquier. ACHAÏQUE ('Ax<t:(*h, I Cor., xvi, 17; Vulgate : Achaicus, ibid., xvi, 15, 17), chrétien de Corinthe, et l'un des

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20. — Achaïe.

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Dion Cassius, lui, 12. En l'an 15, l'empereur Tibère l'enleva au sénat et en fit une province impériale, Tacite, Ann., I, lxxvi ; mais, en 44, Claude la rendit au sénat. Suétone, Claudius, xxv. L'Achaïe était donc province sé- natoriale lorsque saint Paul l'évangélisa, lors de son second voyage de missions, et c'est à juste titre que les Actes des Apôtres, xvm, 12, appellent proconsul d' Achaïe (iv6ù- itotToc) Gallio, devant qui l'Apôtre fut traduit par les Juifs. Pour remercier les Grecs de leurs applaudissements, Néron les déclara libres de la domination romaine; il les rendit, comme les Italiens, indépendants de tout gouverneur. Cet état de choses dura quelques mois seulement. Vespasien rétablit le proconsulat, qui dura jusqu'à Justinien. Ce qui caractérisait la province d'Achaïe, c'était le grand nombre de villes libres, autonomes, qu'elle contenait, parmi les- quelles il faut compter Athènes, Corinthe, Patras, etc. Les autres villes étaient groupées en confédérations, qui conservèrent les noms des xotvi de l'époque antérieure, mais ne furent plus que des associations religieuses qui joignaient au culte de leurs dieux celui des empereurs.

premiers convertis de l'Achaïe. Avec Stéphane et Fortunat, il était venu à Éphèse voir saint Paul , pour lui parler des affaires de la communauté chrétienne, et lui apporter une lettre, à laquelle l'Apôtre répondit par sa première épltre aux Corinthiens. D'après la suscription du Texlus receptus, I Cor., fin, cette réponse fut portée à Corinthe par Achaïque et ses deux compagnons; quoique cette suscription ne soit pas authentique, on s'accorde à admettre ce renseigne- ment. Il semblerait, d'après la Vulgate, I Cor., xvi, 15, qu' Achaïque était de la famille de Stéphane; mais les ma- nuscrits grecs, pas plus que le Textus receptus, n'ont dans ce verset les deux noms de Fortunat et d' Achaïque: c'est une addition de la Vulgate. E. Jacquier.

ACHAN (hébreu: 'Akân, « affligeant, troublant? »), appelé dans les Septante 'A.yip , ainsi que dans un passage de l'hébreu, 'Akâr, et de la Vulgate, Achar, I Par., n, 7, fils de Charmi, de la tribu de Juda, demeuré célèbre par le châtiment divin dont il fut l'objet après la prise de Jéricho par les Hébreux. Son crime avait été de violer 129

AGHAN — AGHAZ

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l'ordre de Josué, qui avait expressément voué à l'anathème, c'est-à-dire à la destruction, la ville avec tout ce qu'elle renfermait d'hommes et de butin. Jos. , vi, 17. C'était une sorte de consécration religieuse que cet anéantisse- ment de la première ville conquise en Chanaan , exécuté en reconnaissance des droits souverains de Jéhovah , aussi bien que pour inspirer aux autres villes une terreur salu- taire. Dès lors , désobéir à cet ordre devenait un sacrilège digne de la vengeance de Dieu. C'est dans ce crime que tomba Achan, en dérobant après la prise de la ville un manteau d'écarlate, plus deux cents sicles d'argent et une règle d'or de la valeur de cinquante sicles. Jos., vu, 21. Le manteau, 'addéref, dont il est question n'était pas un habit vulgaire, comme la tunique de dessous, kefonêf, Lev., xvi, 4, ni comme la large robe, èimlâh, Gen., IX, 23, qu'on portait par -dessus; mais l'ample et luxueux pallium que portaient les rois , fait d'étoffe précieuse , parfois re- haussé de broderies d'or et d'argent, Eccle., ix, 8; Ezech., xvi, 10, et qu'on mettait les jours de fête et dans les céré- monies. IV Reg., v, 5. On le nommait aussi, et à cause de cet emploi extraordinaire, fiâlîfôt, c'est-à-dire vêtement qu'on change, ou qu'on ne garde pas longtemps. Les femmes israélites en confectionnaient de cette sorte, Prov., xxxi, 22; mais le plus souvent on les faisait venir de l'étranger, et en particulier de Babylone, dont la réputa- tion en cette matière était universelle. C'est sans doute ce que signifie l'hébreu 'addéref Ëine'âr, « manteau de Sen- naar » ( Babylone était situé dans la plaine de Sennaar), que saint Jérôme a traduit, on ne sait pourquoi, par pallium coccineum. Cf. Fillion, AU. archéol., pi. H, fig. 13-15; pi. lxxx, fig. 6-8; pi. lxxxi, fig. 7-9; pi. lxxxii, fig. 3. Les sicles d'argent dérobés avec ce manteau étaient, selon la forme de la monnaie en usage à cette époque, des mor- ceaux de métal pesant chacun un sicle, et peut-être mar- qués d'une estampille indiquant leur poids. Si le séqél d'argent du temps des Machabées avait le même poids que celui du temps de Josué, comme on peut le supposer, les deux cents sicles dérobés représenteraient une valeur monétaire de cinq cent soixante-six francs. La règle d'or, appelée dans l'hébreu leiôn zâhâb, « langue d'or, » était peut-être une lame en or massif, employée comme bijou. Sa valeur était de cinquante sicles d'or, environ deux mille francs, le sicle d'or valant douze sicles d'argent. II Reg., xxiv, 24; cf. I Par., xxi, 25. Voir Sicle.

Tel était le crime d' Achan. Il avait été commis en secret, et secrètement aussi le coupable avait enfoui tous ces objets au milieu de sa tente, attendant le moment où il pourrait les utiliser sans péril. Mais Dieu révéla lui-même sa pré- varication. Sous les murs de la petite ville d'Haï, les troupes de Josué venaient d'essuyer une défaite si ignominieuse et si inattendue , qu'elle ne pouvait être qu'un châtiment du ciel ; et, dans cette pensée, Josué et les anciens d'Israël étaient demeurés jusqu'au soir prosternés devant l'arche sainte, se plaignant à Dieu et demandant l'explication de ce mystère. A la fin du jour, la voix du Seigneur s'était fait entendre, dénonçant le crime sans désigner l'auteur, déclarant que la protection du Seigneur ne serait plus sur Israël tant que le coupable ne serait pas exterminé avec tout ce qui lui appartenait, et indiquant enfin la marche à suivre pour le découvrir : c'était la voie du tirage au sort, d'abord entre les tribus, puis entre les familles, enfin entre les maisons et les individus. Le texte hébreu désigne moins clairement que la Vulgate ce mode d'investigation. Au lieu du mot « sort », Jos., vu , 14, on y lit « Jéhovah », ce qui a donné lieu à différentes explications. Les talmudistes disent que, tous les Israélites ayant défilé l'un après l'autre devant l'arche, le coupable fut retenu comme par une main invisible, et ainsi désigné au peuple. D'autres ont imaginé que, les douze tribus ayant passé devant le ra- tional du grand prêtre, la pierre de smaragde, qui repré- sentait Juda, s'obscurcit tout à coup jusqu'à devenir noire : on aurait recouru à un autre procédé pour découvrir la famille, la maison et l'individu. La plupart des exégètes DICT. DE LA CIBLE.

pensent que ce procédé, aussi bien pour la première in- vestigation que pour les suivantes, fut la consultation mys- térieuse par l'urin» et le thummim, si fort en usage parmi les Juifs dans les dangers et les difficultés. Voir Urim et Thummim. Il est à remarquer que dans ce passage , Jos., vu, 14-18, notre même terme latin tribus, répété quatre fois, est rendu en hébreu trois fois par le mot sebet, f. 14 et 16, et une fois par celui de mattèh, ^. 18, l'auteur se servant de l'un ou de l'autre selon le point de vue du moment ; car Sèbet désigne plutôt la tribu dans sa cohé- sion politique, tandis que mattéh vise surtout la mul- titude des éléments qui la composent. Cf. Jos., xiii, 33; xviii, 2-4. Cette remarque, faite au passage, réduit à néant le système des rationalistes, qui prétendent donner au livre de Josué deux auteurs différents, parce que, d'après eux, plusieurs expressions, et entre autres celle de Sébet à l'exclusion de mattéh, et réciproquement, seraient des caractéristiques de deux fragments du livre essentielle- ment distincts. Cf. Nachtigal , dans Heukes Magasin, IV, h, p. 362 et suiv.; Bertholdt, Einleitung, t. m, p. 849 et suiv.; Van Heverden, Disputatio de libro Josue, etc.

Achan découvert confessa humblement sa faute, et l'on trouva, enfouis dans le sol de sa tente, les objets qu'il s'était appropriés. Il n'y avait plus qu'à exécuter sur le coupable la sentence prononcée par Dieu. A quelque distance de là, dans le voisinage de Galgala, s'étendait une large vallée, sur les collines de laquelle pouvait s'étager tout un peuple de spectateurs. Il s'y trouvait aussi, et en grande quantité, des pierres descendues des hauteurs voisines ou roulées par le torrent. Ce fut l'endroit désigné par Josué pour le lieu de l'exécution. Achan y vint, conduit par le peuple, avec ses fils et ses filles, ses troupeaux de bœufs, d'ânes et de brebis. On y apporta aussi sa tente , tous les objets à son usage, enfin le manteau de Sennaar, les sicles d'ar- gent et la règle d'or, qui furent accumulés en une seule masse avec les victimes. Alors Josué donna le signal, en prononçant une courte formule imprécatoire, dans laquelle, par le changement d'une lettre en une autre («, i, changé en r, -i, à la fin du nom d' Achan), il tira du nom même du coupable la signification de son châtiment : 'Akarfànû ya'ekorkâ Yehovâh. « Tu nous as troublés, Jéhovah te troublera. » Jos., vu, 25. A ces paroles, une grêle de grosses pierres tomba sur le coupable et les autres victimes vouées à la mort, et bientôt, leurs cadavres avec les objets destinés à la destruction ayant été consumés par le feu , il ne resta d'Achan et des siens qu'un monceau de cendres sur lequel les Juifs élevèrent un amas de pierres, pour demeurer le mémorial du crime et du châtiment. La vallée elle-même reçut le nom de cet événement; elle s'appela « vallée d'Achor », 'Akôr, « troublant ». Cf. Osée, II, 15; Is., lxv, 10. A l'époque où l'auteur du livre de Josué ra- contait cet épisode, le monument était encore debout. Jos., vu , 26. Le châtiment d'Achan a souvent servi d'exemple aux saints Pères et aux auteurs spirituels pour faire res- sortir la gravité du péché de sacrilège. P. Renard.

ACHAR (hébreu: 'Êqer, se dit d'une plante déracinée et transplantée ; au figuré , étranger établi dans un pays ; Septante : 'Ax6p), troisième fils de Ram, de la tribu de Juda. IPar., il, 27.

ACHAT. Voir Échange, Commerce.

ACHAZ (hébreu : 'Ahâz, « possesseur, » ou plutôt, en sous-entendant Yo ou Yeho, « Jéhovah possède ; » Septante : "AyaC), roi de Juda de 744 à 728 avant J.-C, fils et suc- cesseur de Joatham. Il était âgé à son avènement au trône de vingt ans d'après la Vulgate, de vingt- cinq d'après le keri du texte hébreu, les Septante, les versions syriaque et arabe et quelques manuscrits latins, II Par., XXVIII, 1; ce qui parait se concilier mieux avec les vingt-cinq ans qu'avait Ézéchias, fils d'Achaz, quand il succéda à son père, qui en avait régné seize ; autrement il faudrait dire,

I. - 7 131

AGHAZ

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d'après la Vulgate, qu'Achaz avait eu an fils dès l'âge de onze ans, ce qui est inadmissible. Achaz arriva au pou- voir après les règnes glorieux d'Ozias ou Azarias et de loatham. Tout était prospère en Juda, à l'intérieur comme dans les relations avec l'étranger : l'organisation militaire achevée, Jérusalem bien fortifiée; partout, dans les bois, sur les hauteurs, des tours de défense construites, le com- merce florissant, le nom de Juda respecté parmi les peuples voisins. II Par., xxvn, 3-6. Malheureusement avec cette prospérité matérielle s'étaient introduits des germes de dissolution : un luxe exagéré, Is., n, 7-16, et une déplorable immoralité. Is., n-v; Os., iv, 15. On avait même vu, sous le couvert de la tolérance royale, se manifester un retour au culte des idoles, si fatal pourtant aux Hébreux, mais toujours séduisant pour leurs grossiers instincts. IV Reg., xv, 4; Is., n, 6-8. Tel est le milieu, telles sont les circonstances dans lesquels Achaz avait été élevé. Même avec un bon naturel, il devait se ressentir de ces influences malsaines; quoi donc d'étonnant si, étant d'un tempérament pervers, il devint la personnification des vices de son époque? « Il ne fit pas ce qui était agréable au Seigneur son Dieu, » IV Reg., xvi, 2; mais plutôt « il marcha dans la voie des rois d'Israël », f. 3, c'est- à-dire dans l'impiété et l'idolâtrie, et tout particulière- ment dans l'abominable culte du dieu des Phéniciens, Baal, auquel il éleva des statues. II Par., xxvm, 2. Au milieu des bosquets délicieux qui se trouvaient au midi de Jérusalem , dans la vallée des fils d'IIinnom, déjà trop célèbre par les abominations qu'elle avait vues, Jos., xv, 8; IV Reg., xxiii, 10 ; Jer., xix, 2, il offrait de l'encens aux idoles. II Par., xxvm, 3. Un jour même, soit pour con- jurer un danger imminent, soit pour tout autre motif, « il consacra, » ou, comme porte l'hébreu, « il fit passer » (hé'èbîr) son fils par le feu, IV Reg., xvr, 3, expression dont le sens est déterminé par le passage parallèle, II Par., xxvm, 3, vayyabe'èr, « et il fit brûler. » Faire passer des enfants par le feu en l'honneur de Moloch, « l'abomination des Ammonites, » III Reg., xi, 5, avait lieu, il est vrai, à deux degrés : ou bien par une simple et rapide transla- tion de l'enfant au travers des flammes, Lev., xvm, 21, ou bien en le déposant dans les mains étendues du dieu, dont la statue de métal recelait un brasier ardent dans lequel l'enfant roulait et était consumé; c'est ce dernier mode qu'on appelait hé'ëbîr bâ'êS. Théodoret, Quxst. in IV Reg. cap. xvr, t. lxxx, col. 779, pense que le péché d' Achaz ne dépassa pas la simple purification; mais Josèphe ne laisse aucun doute : fêiov êXoxaÛTwae TtalSa xaTà ri. XavavciKùv E8t|, Ant.jud., IX, xii; et son sentiment a été adopté par l'universalité des interprètes. A noter, dans le passage parallèle des Paralipomènes , le pluriel « ses fils » (hébreu : bdnâv), ce qui manifestement est mis pour le singulier.

Dieu, pour punir Achaz de son impiété, suscita contre lui deux princes qui déjà sous Joatham avaient commencé les hostilités, IV Reg., xv, 37 : Rasin, roi de Syrie, et Pha- cée, roi d'Israël. Selon l'ordre naturel des choses, Rasin et Phacée auraient dû toujours demeurer ennemis, tandis qu'au contraire le roi de Juda et celui d'Israël, à cause de la communauté de race et d'intérêts, auraient dû rester toujours amis. Rasin était peut-être jaloux de la prospé- rité de Juda. Quoi qu'il en soit, ayant résolu de s'unir pour attaquer Achaz, ces deux princes opérèrent d'abord séparément; car, bien que selon IV Reg., xvi, 5, le siège de Jérusalem par les troupes réunies de Rasin et de Phacée soit mentionné avant les campagnes séparées de l'un et de l'autre, il est manifeste que ce n'est pas là l'ordre chronologique des événements. Le siège de Jérusalem, en effet, fut interrompu par l'invasion de Téglathphalasar en Syrie, ce qui força les assiégeants à quitter brusque- ment les remparts pour tenir tête chez eux à l'envahisseur, et nous savons que leur résistance n'aboutit qu'à une dé- laite. Donc il ne put y avoir d'attaque ni de l'un ni de l'autre contre Achaz après cet événement, et les cam-

pagnes particulières de Rasin et de Phacée ont dû pré- céder le siège de Jérusalem. On pourrait à la rigueur soutenir qu'Achaz n'eut pas à se défendre contre une double armée, mais contre une seule, composée des Is- raélites et des Syriens, dont l'unique opération aurait été rapportée d'une manière fragmentaire en deux épisodes : l'un IV Reg., xvi, 6, cf. II Par., xxvm, 5; l'autre II Par., xxvm, 5-6. Il semble plus conforme au texte de dire que les deux rois, ayant formé dès l'origine le projet de ruiner Juda, Is., vu, 6, chacun d'eux se mit séparément à l'œuvre.

Achaz vit d'abord Rasin porter un coup désastreux à son commerce, si prospère depuis qu'Ozias avait conquis l'im- portante ville maritime d'Élath ou Aïla , au fond du golfe Élanitique. IV Reg., xiv, 22; II Par., xxvi, 2; cf. III Reg., ix, 26. Le texte ne dit point quelle route suivirent les Syriens pour y arriver; il est probable qu'ils traversèrent les régions à l'est du Jourdain, et que c'est là qu'Achaz essuya sa première défaite, dans laquelle il laissa aux mains de l'ennemi un immense butin. II Par., xxvm, 5. Si Rasin était venu par la Samarie et Juda, on ne com- prendrait pas qu'il eût passé si près de Jérusalem sans l'attaquer. Presque au même temps, Achaz subit un autre échec ; car « Dieu le livra aux mains du roi d'Israël, et il fut frappé d'une grande plaie ». II Par., xxvm, 5-6. Cette plaie, ce fut la perte en un seul jour de cent vingt mille de ses plus vaillants soldats ; ce fut encore de voir enlever de leurs foyers deux cent mille Juifs, « tant femmes que jeunes gens et jeunes filles, » pour être transportés en Samarie, f.8. Il ne lui restait plus qu'à assister à la ruine de sa ville royale, Jérusalem , et à vrai dire il faisait tout pour s'attirer ce suprême châtiment; car, aveuglé jusqu'à croire que les dieux syriens étaient les auteurs de ses maux , il se disait en voyant les Israélites victorieux : « Ce sont les dieux des rois de Syrie qui les aident ; je les apai- serai par mes sacrifices, et ils m'assisteront. » II Par., xxvm , 23. Mais Jéhovah avait promis que Juda ne péri- rait pas totalement, Is., i, 9, et il voulut encore épargner- Jérusalem.

Rasin, remontant vers le nord , avait franchi le Jourdain et fait sa jonction avec Phacée (Septante : <tvv6ç<&vt)<t£v, Is., vu, 2) ; tous deux étaient venus assiéger Jérusalem, proje- tant en même temps de remplacer Achaz par un personnage appelé dans Isaïe, vu, 6, « le fils de Tabéel, » un Syrien probablement, comme l'indique le nom de son père, et sans doute vassal de Rasin. Voir Tabéel. C'est dans cette extrémité qu'Achaz, affolé de terreur et tremblant avec toute la maison royale « comme les feuilles des forêts sous le souffle du vent », Is., vu, 2, reçut le message divin qu'Isaïe fut chargé de lui transmettre , et dans lequel Jéhovah lui faisait dire de ne pas craindre, parce que, à cause de David et des promesses messianiques , Juda , le royaume théocratique si souvent protégé , ne périrait pas si Achaz mettait sa confiance en lui. Is., vu, 4-9. Achaz était en ce moment hors des murs de Jérusalem, à l'extrémité du canal de la Piscine supérieure, sur le chemin du champ du Foulon, à l'ouest de la ville. Is., vu, 3. Voir Champ du Foulon. Peut-être Achaz, en prévision d'un siège, prenait- il des dispositions pour dériver ces eaux dans Jérusalem et en priver les assiégeants. Cf. Is., xxii, 9-12, où l'on voit des mesures analogues. C'est à cet endroit qu'Isaïe aborda le roi de Juda, Isaïe, grand prophète et grand patriote, déjà bien connu sous Ozias, II Par., xxvi, 22, et ayant déjà eu une grande part dans les affaires publiques. II venait accompagné de son fils, dont le nom prophétique, Seâr yâiûb, « le reste reviendra, » préludait devant le roi désespéré au message de consolation. C'est là qu'Achaz entendit avec étonnement le prophète appeler ses deux puissants ennemis « deux débris de tisons fumants », Is., vu, 4, qui seraient bientôt éteints, et notamment Éphraïm, c'est-à-dire Israël, qui avant soixante-cinq ans ne serait plus un peuple. Is., vu, 8. Des expédients humains, le roi en avait trop employé : conformément à la constitution théocratique de Juda , il devait tenir Jéhovah pour soa 133

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unique et suffisant défenseur; il n'avait à craindre qu'une chose , l'infidélité envers Dieu ; car, « si vous n'êtes pas fidèles, lui dit Isaïe, vous périrez » (l'hébreu, avec alli- tération : Hm lô' (a'âminù kî lô' tê'âmênû). Is., vu, 9. Mais Achaz est trop endurci dans son impiété; ne croyant plus aux promesses divines, il a formé un antre projet qui lui parait plus sûr: demander secours aux Assyriens. En vain le Seigneur insiste : puisque sa divine parole ne ras- sure point le roi, qu'il fasse l'expérience de sa puissance , qu'il demande un signe manifeste de la protection d'en haut, qu'il le choisisse où il voudra, dans le ciel ou dans le Se'ôl. Is., vu, 11. Achaz dissimule son embarras sous une excuse frivole : il ne demandera pas un signe, dit-il, pour ne pas paraître tenter le Seigneur. Cette réponse, si elle est loyale, suppose que le roi croyait à la possibilité du miracle et admettait la mission divine d'Isaïe. Autre- ment il aurait dû demander un signe qui, dans sa pensée, aurait tourné par son insuccès à la confusion du prophète. En disant qu'il ne voulait pas tenter Dieu, Is., vu, 12, le roi de Juda n'était pas sincère. En réalité, il refusait le secours divin pour n'être pas obligé de changer de conduite et d'a- bandonner l'idolâtrie. Il préférait se tirer d'embarras par des moyens humains : flagrant mépris de la théocratie, fon- dement de son royaume ; péché d'orgueil et d'hypocrisie. Achaz n'ignorait pas qu'en disant : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu, » Deut., vi, 16, Jéhovah avait seu- lement défendu à l'homme de le mettre en demeure de manifester sa puissance sans motif suffisant. Il méritait donc, et tout son peuple en sa personne, la véhémente apostrophe du prophète : « Vous lassez mon Dieu. » Is., vu , 13. Pourtant ce n'est pas sa résistance qui entravera les desseins de la miséricorde divine; au contraire, « à cause de cela même, » jL 14, à la place du signe que le roi refuse de demander, Dieu en produira lui-même un plus merveilleux : ce sera la naissance du fils de la Vierge (hébreu : 'almâh), dont le nom sera Emmanuel. Is., vu, 14. Or, ce signe, Achaz ne le verra pas : d'abord parce que cette 'almâh n'est point son épouse, et l'Emmanuel n'est point son fils Ézéchias, comme l'ont prétendu plu- sieurs rationalistes modernes, reproduisant un subterfuge déjà connu à l'époque de saint Justin, Dial. cum Tryph., 55, 67, 77, t. vi, col. 567-570; cf. S. Jérôme, Inls. vu, 14, t. xxiv, col. 109. Pour une autre raison encore, Achaz ne verra pas ce signe , car il ne s'accomplira que longtemps après lui; mais la « maison de David » en sera témoin dans l'avenir au jour de la naissance du Messie, qui dé- livrera Israël d'ennemis plus redoutables que Rasin et Phacée. Le signe cependant touche aux événements con- temporains par ce lien : avant le temps qui sera nécessaire à cet enfant miraculeux pour arriver au discernement du bien et du mal, ou, ce qui revient au même, pour être capable de supporter la nourriture du beurre et du miel , Achaz aura vu la ruine de ses ennemis. Is., vu, 15-16. Mais parce qu'il a résisté à Dieu, le roi impie attirera sur lui et sur son peuple la malédiction annoncée. Is., vu, 9. Elle sera exécutée par l'Assyrien que Jéhovah « amènera », Is., vu, 17, et sous ses coups l'état de Juda sera si misérable, qu'on n'aura pas vu « de jours semblables depuis la sépa- ration d'Éphraïm », ibid., c'est-à-dire depuis le schisme d'Israël. Achaz a l'humiliation d'entendre même l'annonce de plus grands maux : l'oppression de Juda et sa ruine sous les piqûres des « moucherons d'Egypte » et des « abeilles d'Assur ». Is., vu, 18.

Le roi ne fut pas témoin de la réalisation de cette der- nière prédiction, mais la première fut exécutée sous ses yeux; car, se voyant attaqué de tous côtés, au nord par Rasin et Phacée, au midi par les Iduméens, qui venaient de lui prendre un immense butin, II Par., xxvm, 17, à l'ouest par les Philistins, aux mains desquels étaient tom- bées les villes de Bethsamès, Aïalon, Gadéroth, Socho, Thamna et Gamzo, II Par., xxvm, 18, Achaz s'abaissa jusqu'à mendier le secours d'un roi païen, celui d'Assyrie, Téglathphalasar, lui disant : «Je suis ton serviteur et

ton fils; viens me sauver des mains du roi de Syrie et du roi d'Israël, ligués contre moi. » IV Reg., xvi, 7. Pour se le rendre favorable, il vida ses trésors, à l'exemple de ses prédécesseurs, Asa, LU Reg., xv, 18, et Joas, IV Reg., xii, 18, et il dépouilla la maison du Seigneur, IV Reg., xvi, 8, précaution à peine utile, car l'ambi- tieux monarque assyrien ne cherchait qu'une occasion d'étendre sa domination. Achaz eut bientôt la joie de le voir envahir la Syrie, assiéger et ruiner Damas, mettre à mort Rasin et emmener ses sujets captifs , puis se jeter sur Israël et en transférer les habitants en Assyrie. IV Reg,, xv, 29-30; xvi, 9. D'après la liste des éponymes, on était en 733 ou 732 lorsque Téglathphalasar commença cette campagne, qu'il ne termina qu'après deux ans. Vigou- reux , La Bible et les découvertes modernes, 5 e édit., t. iv, p. 117.

Elle venait de finir, et l'Assyrien victorieux se reposait à Damas, lorsque Achaz se rendit près de lui, selon toute vraisemblance pour figurer dans une sorte de réception générale, à laquelle tous les rois tributaires de Téglath- phalasar avaient été convoqués. IV Reg., xvi, 10. D'après Josèphe, c'est alors qu'Achaz dépouilla ses trésors et le temple, pour payer ce qu'il avait seulement promis lors de sa demande de secours aux Assyriens. Anl. jud., IX, xiii. C'est ce voyage qui donna lieu à la construction d'un autel de modèle païen dans le temple de Jérusalem. Le texte porte : « l'autel qui était à Damas, » IV Reg., xvi, 10, ce qui signifie un autel syrien, soit qu'il fût propre aux Syriens , soit qu'il fût une imitation des autels assyriens. Cette seconde hypothèse est admissible, car c'était l'habi- tude des rois d'Assur de faire porter dans leurs expéditions militaires les autels de leurs dieux , et de les établir dans les pays conquis. G. Rawlinson, Ancient Monarchies, t. H, p. 531. Elle devient même vraisemblable si l'on con- sidère le penchant d' Achaz pour la religion des Assyriens, dont il pratiquait le culte astrologique sur les autels qu'il avait fait construire en l'honneur du soleil sur la terrasse de son palais. IV Reg., xxm, 12, ; cf. Tacite, Annal, xii, 13. Son cadran solaire, plus tard l'occasion d'un grand mi- racle, Is., xxxviii, 8, était peut-être aussi une importation assyro-chaldéenne. Il entrait d'ailleurs dans le caractère d'Achaz de flatter ainsi son libérateur. En tout cas, comme les autels assyriens étaient très étroits et insuffisants pour y offrir des holocaustes, si celui que le roi de Juda fit cons- truire leur ressemblait par la forme, il dut avoir de plus grandes proportions, puisque nous voyons qu'on y con- suma des victimes. IV Reg., xvi, 12; Fillion, Atlas ar- chéol., pi. xcviii, fig. 6; pi. cxvi, fig. 2. Au y. 15, cet autel est appelé, par rapport à l'ancien autel des holo- caustes, « autel plus grand. » Achaz envoya donc par des exprès le dessin de cet autel au grand prêtre Urie , peut- être le même que celui qui est appelé de ce nom dans Is., vin, 2; et à son retour de Damas il le trouva construit et établi dans la cour du temple. Il y monta, y offrit des holo- caustes et des sacrifices non sanglants (hébreu : minhah), et y répandit le sang des victimes pacifiques. IV Reg., xvi, 12-13. Il est à croire, d'après le ^. 15, que ces sacrifices étaient en l'honneur de Jéhovah, ce qui n'empêcha pas Achaz d'en offrir d'autres aux dieux de Damas. II Par., xxvm, 23. D'ailleurs le seul fait de sacrifier au Seigneur sur un autel d'un type païen était une profanation sacri- lège du culte divin , d'autant plus que la forme de l'autel des holocaustes avait été déterminée dans les plus grands détails. Exod., xxv, 40; xxxviii, 1-7.

Achaz introduisit d'autres changements dans le culte. D'après le texte hébreu , plus clair que celui de la Vul- gatë, l'autel syrien avait été placé par Urie devant la partie antérieure de la maison de Dieu , au milieu de la cour des prêtres, de manière que l'ancien autel des holocaustes se trouvait entre lui et le temple. IV Reg., xvi, 14. Achaz, pour donner sans doute à l'autel de son choix une place plus honorable, et afin qu'il fût seul a devant le Sei- gneur », fit reculer vers le nord l'autel des holocaustes, se 135

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réservant d'en disposer plus tard. De plus, il établit que sur l'autel syrien seraient offerts les sacrifices les plus so- lennels de chaque jour : celui du matin et celui du soir, offerts au nom de tout le peuple, ainsi que certains autres sacrifices, comme les holocaustes (hébreu : 'olâh) du roi et les oblations (hébreu : minhâh) du roi. IV Reg., xvi, 15. Là ne s'arrêta pas son amour sacrilège de la nouveauté. Il y avait autour du temple des bassins d'airain , sorte de lavoirs mobiles, supportés par des bases de même métal, et au nombre de dix. III Reg., vu, 27-28, 37-39. Bases et bassins furent enlevés par son ordre. Il n'épargna pas davantage la mer d'airain, qu'il ôta de dessus les douze bœufs de même métal qui la soutenaient, III Reg., vu, 23-25, et la plaça sans respect sur le pavé de la cour du temple (Septante: « sur un piédestal de pierre, » êSmxev aùrriv iià fjâiriv 5u8îv7|v, IV Reg., xvi, 17; hébreu : « sur un pavé de pierre, » 'al marsêfêt 'âbânim). Ces change- ments furent faits « à cause » du roi d'Assyrie, IV Reg., xvi, 18, probablement pour rapprocher le culte juif de celui des dieux d'Assur, soit parce qu'Achaz s'était épris d'admiration pour la civilisation et les usages des Assy- riens, soit parce que Téglathphalasar obligea le roi de Juda à agir de la sorte. D'autres pensent pourtant que, les trésors du roi et du temple étant épuisés, ibid., f. 8, Achaz avait enlevé ces ornements pour en faire de l'argent et solder le lourd tribut dû au monarque assyrien, ibid., f. 18. Il est certain du moins que tous n'avaient pas été aliénés, car Jérémie atteste que les Chaldéens 'rouvèrent à Jérusalem la mer d'airain, les taureaux et les bases ci- selées, qu'ils emportèrent à Babylone. Jer., LU, 17-20 Le pieux Ézéchias les avait fait probablement rétablir à leu- place. II Par., xxix, 19. Les autres modifications faites par Achaz , IV Reg., xvi, 18, sont fort obscures, à ce point que l'auteur de la Vulgate s'est contenté de transcrire de l'hé- breu le mot principal, qu'il ne comprenait pas. Achaz, écrit-il, « changea aussi dans le temple du Seigneur, à cause du roi des Assyriens, le musach du sabbat, qu'il avait bâti dans le temple, et l'entrée extérieure du roi. » L'hébreu mûsak (ainsi porte le keri, au lieu du ketib : mêisak), de la racine sâkak, « couvrir, » signifie un lieu couvert quelconque, et n'est employé qu'une fois dans la Bible. Il désigne probablement un portique situé dans le parvis extérieur, par où le roi entrait au temple , pour se rendre .à la place d'où il assistait aux cérémonies. Les Septante ont traduit « la base du siège des sabbats », tt,v 6e|jiéXiov tî|î xa6£Spa{ tùv <râ66xTuv, ayant lu rnûsâd, « fon- dement, base, » pour mûsak. Achaz modifia cette instal- lation , on ne sait de quelle manière. Ces avances ne lui servirent d'ailleurs de rien , car Téglathphalasar trouva bientôt un prétexte pour se jeter sur Juda , ravagea tout le pays, et au lieu d'assurer la liberté à ce peuple dont il s'était posé comme le protecteur, il l'asservit. De ce jour, Juda perdit son indépendance. II Par., xxviii, 20. Dans une inscription cunéiforme trouvée à Nimroud , et actuellement conservée au British Muséum, entre beau- coup d'autres princes tributaires de Téglathphalasar, on lit le nomd'«Achaz de Juda», Ya-hu-ha-zi Ya-hu-da-ai. (Le nom d' Achaz est précédé de Ya, contraction de Jé- hovah, et nous en avons là la forme complète, Achaz étant une abréviation de Joachaz.) Western Asiatic In- scriptions, t. il, p. 67; Menant, Annales d'Assyrie, p. 144; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5« édit., t. iv, p. 118-119.

C'est peut-être à cette époque qu'Achaz, tombant dans un noir désespoir, s'abandonna avec fureur à son pen- chant pour l'idolâtrie; qu'il fit briser les vases sacrés, fermer les portes du temple, abolir le culte du vrai Dieu et ériger des autels aux idoles dans tous les carrefours de Jérusalem, II Par., xxviii, 24 : époque lugubre, en sou- venir de laquelle les Juifs célèbrent encore chaque année une solennité expiatoire. Telle fut la fin d'Achaz, qui mourut à Jérusalem après seize ans de règne, et y fut enseveli, sans partager néanmoins la sépulture des rois

de Juda (dans le texte : Israël pour Juda, TJ Par., xxvnr, 27). La perversité de ce roi, sa faiblesse inqualifiable, sa pusillanimité à l'heure du danger, enfin sa maladresse en politique et son impiété envers Dieu, firent de lui un des plus méchants rois de Juda, et sa mémoire est demeurée justement en exécration parmi les Juifs. P. Renard.

ACHAZIB, hébreu : Akzib ; grec: "A/aît, Ke&g, 'A-/Çé6, 'ExoÇô6; latin: Achzib (Jos., xv, 44), Achazib et Achziba.

1. ACHAZIB, ville maritime de la Palestine, située entre Saint-Jean-d'Acre et Tyr (fig. 21). Elle est mentionnée dans Josué, xix, 29, comme appartenant à la tribu d'Aser; mais les anciens habitants, Chananéens d'origine, n'en purent être chassés. Jud., i, 31. Le changement du zaïn sémitique en d a amené Akdip, comme Gaza est devenu Cadytis, et M'gozan, Mygdon ; de là les Grecs et les Latins ont fait'ExSt'ima, Ecdippa. Ptolémée, V, xv; Pline, V, xvu. Josèphe l'appelle 'ExSitctoijv et 'Ex8t7iou; , et la signale comme une place maritime. Bell. Jud., I, xm, 4. Ailleurs il la nomme Arcê, "Apxr). Ant. Jud., V, i, 22. On la trouve dans les tablettes cunéiformes avec le nom d'Ak-zi-bi. Eb. Schrader, Die Keïlinschriften und das Alte Testa- ment, 2 e édit., Giessen, 1883, p. 170. Dans le Talmud, sous le nom de Kezib ou Guezib, elle est citée comme formant, depuis le retour de la captivité, la limite septentrionale de la Galilée "vers le nord -ouest, sur la route d'Accho à Tyr. Tosiftha, Demoï, ch. i. Ville forte comme Accho, Talm. de Bab., Eroubin, 64 b, elle possédait une synagogue. Cf. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 233.

Eusèbe et saint Jérôme la placent à neuf milles de Ptolé- maïde ou Saint-Jean-d'Acre, Onomasticon, au mot A-^Çt'?, et on l'identifie généralement avec le village actuel d'Ez- Zib. Situé non loin d'une petite baie qui a dû servir au- trefois de port à la ville, il est assis plus au nord sur une colline qui constituait l'acropole de la cité basse. « Ce monticule était jadis entouré d'un mur d'enceinte, dont on distingue encore des traces du côté de l'est. La plupart des maisons actuelles ont été bâties avec des matériaux antiques. Les jardins qui entourent ce village sont bordés soit de cactus, soit de vieux tamaris, et renferment beau- coup d'arbres fruitiers, au-dessus desquels de jolis palmiers dressent çà et là leur tige élancée et leur tête verdoyante. » V. Guérin, Descript. de la Pal., Galilée, t. H, p. 164.

Sennachérib, dans sa campagne contre Ézéchias, roi de Juda, s'empara de cette ville, et la mentionne entre V-su-u (Hosah, Kh. Ezziyah) et Ak-ku-u (Accho). Prisme de Taylor ou Cylindre C. de Sennachérib ; Cuneiform inscriptions of Western Asia, t. i, pi. 38-39; Schrader, ouvr. cit., p. 288.

2. ACHAZIB, ACHZIB, ville de la tribu de Juda, citée entre Céïla et Marésa. Jos., xv, 44. Le texte hébreu la men- tionne également dans Michée , i , 14 ; car « cette maison de mensonge » , qui d'après la Vulgate sera « pour la dé- ception des rois d'Israël » , n'est autre dans l'original que la ville d'Achzib, qui, en tombant plus tard aux mains de l'ennemi, « trompera » la confiance purement humaine de la puissance royale. Par un de ces jeux de mots familiers aux Orientaux, et assez fréquents dans les Livres Saints, le prophète trouve dans le nom même (racine kâzab, « mentir ») un présage des châtiments qu'il annonce. Dix villes sont mentionnées de la même façon dans cette pro- phétie; or, parmi les cinq dernières, dont la situation au sud-ouest de la Palestine est bien connue, comme Lachis (Oumm-el-Lakis), Marésa (Kh. Mérach) et Odollam (Aïd-el-Ma), on remarque également Achzib. Sa position est donc naturellement indiquée, et le nom semble s'être conservé dans celui d'Aïn el-Kezbéh, près de Beit-Nettif. Cette identification est confirmée par le témoignage d'Eu- sèbe et de saint Jérôme, qui nous disent que, de leur temps, cChazbi (Achzib) était un endroit désert, près d'Odollam, 137

ACHAZIB — ACHIA

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sur les confins d'Éleuthéropolis. » Lib. de situ et nom. loc. heb., t. xxiii , p. 889.

Ce témoignage nous permet aussi de croire que FAchzib de Juda est identique à Chezib (Xoa6i, Chazbi) dont parle le texte hébreu dans la Genèse, xxxvm, 5. Là, en effet, où la Vulgate traduit : « Lorsqu'il fut né (Sela, son troisième fils), elle (la fille de Sué, épouse de Juda) cessa d'enfanter; » l'original porte: «Et il (Juda) était à Kezib lorsqu'elle l'enfanta (Sela ) ; » remarque faite par l'historien afin que la famille issue de Sela connût son origine. Comme les autres endroits mentionnés dans ce chapitre sont tous dans la plaine de Juda, nous pouvons

quer les Philistins en compagnie de son seul écuyer : l'événement donna raison à son audace, et les Philistins s'enfuirent, frappés d'une terreur surnaturelle. I Reg., xiv, 15. A cette nouvelle, Saûl appelle Achias et lui dit : « Consultez l'arche du Seigneur; » car, ajoute la Vulgate, « l'arche de Dieu était ce jour-là avec les enfants d'Israël, » y. 18. L'arche résidait alors à Cariathiarim, I Reg., vu, 1 ; mais on sait qu'elle accompagnait parfois les Hébreux dans leurs expéditions militaires. Toutefois ce n'était géné- ralement pas à l'aide de l'arche d'alliance que le grand prêtre consultait le Seigneur; il le faisait au moyen de l'éphod, et c'est sans doute la raison qui a porté les Sep-

21. — Vue d'Acliazlb d'Aser. D'après une photographie.

à bon droit, avec les interprètes anciens et modernes, identifier Chezib avec Achazib 2.

Enfin, quelques auteurs assimilent Achazib 2 avec Cozêba, dont fait mention le texte hébreu dans I Par., iv, 22. Ceux, en effet, que la Vulgate appelle « les hommes de men- songe » sont les « hommes de Cozêba » , rangés parmi les descendants de Sela, fils de Juda, par allusion sans doute à leur lieu d'origine. Cependant Conder distingue Achzib de Chozêba, qu'il place plus à l'est, à Koueiziba, dans Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1875, p. 13, et Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 408.

A. Legendre.

ACHIA, ACHIAS, hébreu : 'Â/fîyâh, « mon frère, c'est-à-dire ami est Jéhovah ; » Septante: 'A^ii- La Vulgate, dans plusieurs endroits, a traduit la forme hé- braïque 'Al,ityâh par Ahia. Voir Am.

1. ACHIAS, fils d'Achitob, portait l'éphod à l'époque de Saûl, I Reg., xiv, 3, c'est-à-dire qu'il était grand prêtre des Israélites. Il était l'arrière-petit-fils d'Héli par son père Achitob et son aïeul Phinées. Il ne parait en scène qu'une seule fois dans l'histoire de Saûl. C'était pendant une expé- dition contre les Philistins; le roi d'Israël, avec six cents hommes, campait à Gabaa de Benjamin, lorsque son fils Jonatbas eut l'idée, inspirée peut-être par Dieu, d'atta-

tante à traduire ainsi le passage qui nous occupe : « Ap- porte l'éphod ( car il portait l'éphod en ce jour en présence d'Israël). » Quoi qu'il en soit, Saûl voulait consulter l'oracle divin, pour savoir ce qu'il devait faire dans celte circons- tance imprévue, où Dieu se manifestait visiblement en faveur de l'armée israélite. Mais, comme il parlait encore au prêtre, un tumulte plus fort et toujours croissant se fit entendre dans le camp des Philistins. « Abaisse ta main, » dit Saûl à Achias, qui se mettait en devoir de consulter l'oracle. La conduite à tenir devenait, en effet, évidente : il fallait profiter du désordre extrême où se trou- vaient les ennemis pour fondre sur eux et changer leur déroute en désastre. C'est ce que firent Saûl et les siens. I Reg., xiv, 19-23. Achias n'est plus nommé après cet épisode ; d'ailleurs il dut mourir peu après, puisque, quelques années plus tard, c'est Achimélech, autre fils d'Achitob, et par conséquent frère d' Achias, I Reg., xxil, 9, qui est revêtu du souverain pontificat et donne à man- ger à David les pains de proposition. I Reg., xxi, 1-6. Quelques interprètes pensent cependant qu'Achimélech n'est pas différent d' Achias, et que ces deux noms, qui ont peut-être la même signification ( Achias = frère ou ami est Jéhovah; Achimélech = frère ou ami est le roi [d'Israël, Jéhovah]), désignent un seul et même fila d'Achitob. Voir Achimélech 1. E. Duplessy. 139

ACHIA — ACHIMÉLECH

440

2. ACHIA, fils d'Ahod, descendant de Benjamin par Balé. I Par., vm, 7.

3. ACHIA. D'après les uns, cinquième fils de Jéraméel, fils d'Hesron, de la tribu de Juda. Cependant, comme l'hé- breu n'a pas la conjonction et avant 'Afyiyah, ce pourrait

, bien être plutôt le nom de la première femme de Jéra- méel. I Par., h , 25. Le contexte favorise cette interpréta- tion, t. 26.

4. ACHIA, lévite, chargé de garder les trésors du temple sous David, I Par., xxvi, 20. Au lieu de lire 'Afyiyah, les Septante ont lu 'Abêhem, et traduisent par à8e>ço oùtûv, « les lévites leurs frères. »

5. ACHIA, fils de Phinées dans la généalogie d'Esdras. IV Esdr., i, 2. Omis dans la généalogie, I Esdr., vu, 2.

ACHIACHARUS (Septante : 'Axiôx«po«, 'A^ei'xapoç; le nom hébreu devait être 'Afrî'afyarôn, « frère pos- thume »). Tobie (Septante), i, 21, 22; n, 10; xiv, 10. Fils d'Anaël et neveu de Tobie, à la cour de Sacherdon ou Asarhaddon, roi de Ninive, où il était échanson, garde du sceau, intendant et inspecteur des comptes. Il secourut Tobie dans son malheur. Voir Nabath.

ACHIM (Nouveau Testament: 'A^eih), de la tribu de Juda et do la famille de David, fils de Sadoc et père d'Éliud, Matth., i, 14, dans la généalogie de Notre-Seigneur Jésus- Christ. (En hébreu, son nom devait être Yakin, « Jéhovah l'affermit; » les Septante rendent Yakin par 'Axi'ni I Par., xxiv, 17, et par 'Axet'v, Gen., xlvi, 10.)

ACHIM AAS, hébreu : 'Àhîma'as, « mon frère est en courroux; » Septante: 'A^tiiâa;.

1. ACHIMAA8 , père d'Achinoam , épouse de Saiil. I Reg., xiv, 50.

2. ACHIMAAS (hébreu : 'Afyîma'as ; Septante : 'A^iM-âa.-), fils du grand prêtre Sadoc, II Reg., xv, 36; I Par., vi, 8, 53, demeura à Jérusalem avec son père, tandis que David, sous le coup de la révolte d'Absalom , s'éloignait de la ville sainte. II Reg., xv, 35-36. Chargé d'apporter au roi fugitif les nouvelles de ce qui se tramait contre lui, il observa avec attention les projets et les démarches d'Absalom et de son conseiller Achitophel; mais bientôt l'attitude de son père et les sentiments de fidélité manifestés par lui à l'égard de David, II Reg., xv, 24-29, rendirent la posi- tion d'Achimaas difficile à Jérusalem. Pour écarter les soupçons qui n'auraient pas manqué de planer sur sa conduite, si on l'avait vu sortir souvent de la ville, il prit le parti de s'établir avec son compagnon Jonathas, fils d'Abiathar, II Reg., xvn, 17, hors des murs, et d'attendre les événements auprès de la fontaine de Rogel. Voir Rogel. C'est là que vint les trouver l'inoffensive servante envoyée par les deux grands prêtres, et chargée de communiquer à Achimaas et à son compagnon , pour qu'ils les trans- missent à David, les projets de poursuite immédiate pro- posés par Achitophel , et les instances des pontifes pressant le roi de passer le Jourdain. Achimaas partit aussitôt avec Jonathas; mais ils comptaient sans les espions répandus par Absalom dans la campagne, et sans doute chargés spécialement de les surveiller. On les aperçut, et la nou- velle de leur marche vers l'est fut portée immédiatement aux révoltés; heureusement les deux messagers, en pres- sant le pas, purent gagner Bahurim avant d'avoir été atteints. Là ils trouvèrent un homme charitable qui, prenant leur sort en pitié, les fit descendre dans une citerne à sec qui se trouvait dans la cour intérieure (hébreu : belfâsêrô, dérivé de (tâsar, « entourer, » que saint Jérôme traduit : in vestibule suo), tandis que sa femme étendait sur l'ouverture un voile ( hébreu : niâsâk, « une couverture »), sur lequel elle répandait, comme

pour le faire sécher, de l'orge mondé (hébreu : hârtfôt, « grains d'orge ou de froment piles; » mot qu'on se trouve qu'ici, II Sam., xvii, 19, et Prov., xxvii, 22). Quand vinrent les émissaires d'Absalom, la ménagère, sans quitter son ouvrage , répondit qu'ils avaient fui plus loin , après avoir pris un peu d'eau ( hébreu : « et ils ont passé le petit ruisseau »). II Reg., xvn, 20. Ils furent sauvés, et bientôt, sortant de leur retraite, ils poursuivirent leur route jus- qu'au lieu où était David , qu'ils déterminèrent à passer sur l'heure le Jourdain.

Après cela , Achimaas ne pouvait plus rentrer à Jéru- salem, ni même reprendre son poste d'observation près de la fontaine de Rogel. Il se joignit à l'armée de David et assista à la bataille décisive de la forêt d'Ephraïm, II Reg., xviii, 6, dans laquelle Absalom fut tué. Toujours dévoué, et content cette fois d'être le messager d'une heureuse nouvelle, comme il était bon coureur, il s'offrit à Joab pour aller annoncer à David l'éclatante victoire. Joab résistait ; enfin , sur ses instances réitérées , il con- sentit, et si rapide fut Achimaas, qu'il arriva près du roi avant Chusi, qui avait pourtant une notable avance sur lui. II Reg., xvni, 19-23. Il avait pris le chemin le plus court, d'après la Vulgate (via cotnpendii). D'après l'hé- breu, il prit le chemin de la Kikkàr. Voir Kikkah. Poussé par son affection pour David jusqu'à transgresser la loi de Dieu, Achimaas mentit pour ménager la sensibilité pater- nelle, et lui dissimula la mort d'Absalom: réticence qu'il eût sûrement corrigée , si Chusi , moins circonspect , n'eût dès son arrivée et tout d'un coup déclaré la réalité. La fidélité et le dévouement d'Achimaas ne se démentirent jamais. Plusieurs interprètes pensent que ses mérites lui valurent sous Salomon l'une des douze places de nisâbîm, ou officiers chargés de percevoir l'impôt, III Reg., iv, 7, 15, et que cet Achimaas est identique à celui du second livre des Rois. Si cette opinion est fondée, Achimaas était ainsi arrivé à l'une des principales charges de l'État, cf. Vigou- reux, La Bible et les découvertes modernes, t. m, p. 275 et suiv.; bien plus, et ce fut peut-être une des causes de son élévation, il aurait épousé l'une des filles de Salomon, Basé- math. Ce mariage ne put avoir lieu , en tout cas, que vers le milieu ou la fin du règne de Salomon , car nous savons qu'à cause de sa jeunesse ce prince ne pouvait avoir, lors de son avènement au trône, des filles en âge d'être mariées.

Le caractère d'Achimaas a été apprécié par celui qui était le mieux en position pour le faire exactement, David, des lèvres duquel nous recueillons ce témoignage : « C'est un homme bon. » II Reg., xvm, 27. Sa bonté était si' grande, que son roi estimait qu'un tel homme ne pouvait apporter que de bonnes nouvelles, ibid. Quant à son dé- vouement, il était devenu comme proverbial, si bien qu'à son allure empressée, comme à un signe certain, le guet- teur le reconnaissait. Il méritait donc à tous égards la confiance de son prince , et Salomon , en le comblant de faveurs, ne fit que lui rendre une justice qui honore à la fois Achimaas et son bienfaiteur. P. Renard.

3. ACHIMAAS , intendant de Salomon dans la tribu de Nephtali , un des douze officiers chargés de pourvoir à la table du roi. Il épousa Basémath, fille de Salomon. III Reg., iv, 15. Il est peut-être identique avec le précédent. Voir Achimaas 2.

ACHIMAM , nom , dans Num., xm, 23, d'un géant de la race d'Énac, qui est appelé Ahiman dans Josué et dans les Juges. Voir Ahiman.

ACHIMÉLECH ou AHIMÉLECH, hébreu: 'Àfyimé- lek, « mon frère est roi; » Septante: A6t|i£Xs)(> 'A^iiiéXEjc

1. ACHIMÉLECH, fils d'Achitob, I Reg., xxn, 9, grand prêtre à l'époque de la première persécution de Saûl contre David. I Reg., xxi, 1. Le peu de temps qui s'écoula entre les événements rapportés au chap. xiv, le grand -141

ACHIMËLECH

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prêtre étant Achias, et ceux du chap. xxi, alors que le pontificat était -exercé par Achimélech, a amené plusieurs exégètes à identifier ces deux personnages, d'autant plus que leurs noms ont entre eux une notable analogie ('Âhiyâh, « mon frère ou ami est Jéhovah ; » 'Ahi-mélék, « mon frère est roi »), et que tous deux ont pour père Achitob. I Reg., xxii, 9, 11-12; xiv, 3. Voir Achias 1. Malgré ces raisons, on pense communément qu'Achimélech était frère d' Achias, et que, celui-ci étant mort sans enfants mâles qui lui suc- cédassent, Achimélech avait été appelé au souverain pon- tificat, peu de temps avant l'époque où pour la première fois la Bible fait mention de lui. Il résidait à Nobé ou Nob, où était l'arche sainte depuis son retour du pays des Philistins et son séjour transitoire à Bethsamès et à Ca- riathiarim. Peut-être Saûl avait-il installé le tabernacle ■en ce lieu pour posséder dans sa tribu le centre religieux d'Israël. Voir Nobé. C'est là qu'Achimélech vit un jourvenir à lui David abattu, sans armes, sans escorte, ce qui lui causa une profonde surprise. David lui dit qu'il avait été chargé d'une mission par le roi, et lui demanda à manger, parce qu'il avait faim, ainsi que ceux de sa suite. L'embarras d'Achimélech fut grand , car il n'avait à sa disposition que les douze pains de proposition déposés dans le Saint pen- dant une semaine et tout récemment retirés pour être remplacés, selon la loi, par des pains nouveaux. De là vient qu'en ce jour Achimélech n'avait pas eu besoin de faire de provisions de pain ordinaire , car les douze pains de proposition retirés chaque sabbat de la table recouverte d'or, sur laquelle ils étaient offerts au Seigneur, devaient être mangés, dans le sanctuaire même, par les prêtres. Lev., xxiv, 6-9. Donner de ces pains au fugitif semblait illicite, à cause de la disposition spéciale de la loi, qui ne permettait qu'aux enfants d'Aaron de s'en nourrir. Mais valait- il mieux observer rigoureusement la lettre de la loi, en violant le précepte plus grave encore de la cha- rité, surtout dans une si extrême nécessité? Marc, II, 25. Achimélech, après s'être assuré que David et les siens n'avaient point d'impureté légale, leur donna les pains de proposition. Notre -Seigneur l'a justifié en prenant sa conduite pour base de sa propre justification, en face de ceux qui lui reprochaient de violer le sabbat. Matth., xii, 3-4; Marc, h, 26; Luc, vi, 3-4.

11 est vrai qu'en déclarant ainsi son innocence, Jésus soulève une nouvelle difficulté à son sujet, car en saint Marc il l'appelle par son nom, et ce nom est Abiathar au lieu d' Achimélech. Marc, n, 26. Les hypothèses qu'on a faites pour concilier ce passage avec I Reg., xxi, 1, sont aussi variées qu'ingénieuses : faute de copiste en saint Marc ; double nom du même personnage ; et double per- sonnage dont le second, c'est-à-dire Abiathar, fils d' Achi- mélech, employé alors au service du temple, aurait pour la circonstance tenu la place de son père absent ou malade, et agi en son nom : voilà ce que les exégètes ont imaginé sans faire complètement la lumière. Nous ne parlons pas de l'hypothèse rationaliste qui suppose une erreur de mé- moire de la part de l'évangéliste. Plusieurs manuscrits suppriment la difficulté en omettant le f. 26 de saint Marc. Pour revenir à la conduite d'Achimélech donnant à David les pains sacrés, il faut remarquer qu'il n'en privait pas le sanctuaire, puisque ces pains étaient ceux qu'on venait d'enlever. Il n'y avait de transgression que sur le précepte relatif à la manducation par les prêtres ; or il existait dans l'espèce une raison plus que suffisante pour se dispenser de la loi.

Après avoir mangé, David demanda des armes au grand prêtre. Achimélech sortit de l'enveloppe qui la renfermait ■(hébreu: baisimlâh, « dans le manteau») l'épée de Go- liath, qui était placée dans le sanctuaire à côté de Yéphod, et il la donna à David, qui d'ailleurs avait bien sur elle quelque droit, l'ayant lui-même consacrée à Jéhovah. I Reg., xvu, 54. Achimélech consulta aussi le Seigneur en faveur de David, I Reg., xxil, 10, et le fugitif se sauva auprès d'Achis, roi de Gelh.

Achimélech devait payer chèrement le service qu'il venait de rendre à David. Tandis qu'il le secourait si cha- ritablement , un traître , Doëg l'Iduméen , observait tout sans mot dire, et il s'empressa d'aller rapporter à Saûl ce qui venait de se passer. Le roi, qui était alors à Gabaa, manda près de lui Achimélech avec tous les prêtres de service à Nobé , et leur fit de sanglants reproches , aux- quels le grand prêtre répondit avec une élévation et une loyauté qui eussent désarmé Saûl, si sa haine contre David ne l'eût rendu sourd à toute raison. Il ne dissimule rien et ne s'excuse de rien : ce qu'il a fait, il le ferait encore ; car David est entre les serviteurs du roi le plus dévoué et le plus fidèle. I Reg., xxil, 14. D'ailleurs pourquoi lui reproche-t-on d'avoir pris part à la révolte du fugitif? Sans ignorer complètement ses difficultés avec Saûl, il ne savait pas , quand David vint à Nobé , quels étaient les rapports de ce dernier avec le roi; dans leur entrevue, il n'en a pas été question, et s'il a consulté le Seigneur pour lui, c'est ce qu'il avait fait maintes fois sans être accusé par personne. I Reg., xxii, 15. Ces explications étaient tout à fait satisfaisantes, cependant elles ne purent lui sauver la vie. Il tomba sous le fer des satellites, en présence et par l'ordre du roi jaloux, et avec lui tous ses prêtres. Nobé, sa ville sacerdotale, fut détruite, et ses habitants mis à mort. Seul, Abiathar, l'un des fils d'Achimélech, échappa. I Reg., xxil, 16-21. C'est en apprenant cette odieuse vengeance que David composa le psaume li, où sa visite à Achi- mélech est expressément indiquée. Il est à noter que, se basant sur le titre du psaume xxxm, dans la Vulgate : De David, quand il changea de visage devant Achimé- lech gui le renvoyait, plusieurs Pères ont appliqué tout ce psaume à l'entrevue de David avec le grand prêtre à Nobé. Cette application était difficile , car Achimélech ne renvoya pas David. Aussi les commentateurs" modernes y ont renoncé : les uns s'en rapportent à l'hébreu, où on lit Abimélech au lieu d'Achimélech; ils croient avec saint Basile que ce nom est un titre commun à tous les rois philistins, et désigne Achis, roi de Geth, devant lequel, en effet, David contrefit l'insensé, I Reg., xxi, 13-15; d'autres conservent la leçon de la Vulgate , et croient. qu'Achimélech est là pour Achis mélek, a le roi Achis. »

Achimélech fut le dernier descendant d'Héli qui mourut dans la dignité de grand prêtre , car son fils Abiathar, qui lui succéda , fut déposé par Salomon , et le pontificat transmis à la famille d'Éléazar. Voir Abiathar. Cette pri- vation du pontificat et la mort d'Achimélech et des prêtres de Nobé , dont un bon nombre étaient de la famille d'Héli, contribuèrent à réaliser l'oracle divin prononcé naguère par un voyant devant Héli lui-même. I Reg., il, 33. Quant aux victimes du massacre , plusieurs les mettent au rang des martyrs, en considération de l'acte de miséricorde qui fut la cause de leur mort. Bachiarius, Epist. ad Januar., Patr. lat., t. xx, col. 1042; Bède, In Samuel, proph. alle- gor. exposit., m, 10, t. xci, col. 662.

A l'exemple de Jésus-Christ, les Pères et les théologiens tirent de la conduite d'Achimélech cette conclusion mo- rale, qu'en cas de conflit entre deux préceptes, l'un de l'ordre positif, l'autre de l'ordre naturel, le premier doit céder. P. Renard.

2. ACHIMÉLECH, Héthéen, un des compagnons de David pendant qu'il était persécuté par Saûl. I Reg., xxvi , 6.

3. ACHIMÉLECH. Ce nom se lit, II Reg., vin, 17 ; I Par., xviii, 16; xxiv, 3, 6, où l'on s'attendait à trouver plutôt le nom d'Abiathar. On a proposé diverses solutions : 1° Abia- thar, fils d'Achimélech, aurait eu un fils du même nom, Achimélech , et ce fils aurait rempli conjointement avec son père, ou parfois à son défaut, les fonctions sacerdo- tales. 2° Achimélech aurait eu à la fois ces deux noms : Achimélech et Abiathar. Saint Marc l'appelle de ce der- nier nom, Marc, n, 26. 3° L'opinion la plus vraisemblable, 443

ACHIMËLEGH — ACHIS

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d'après la suite du récit, est celle-ci : les noms ont été transposés par les copistes ; Achimélech a été mis par erreur pour Abiathar, et réciproquement. Voir Abiathar.

4. ACHIMÉLECH. Voir Abimélech 5 et Acms.

ACHIMOTH (hébreu : 'Âhimôt; Septante: 'Ayi^iM), fils d'Elcana, lévite de la famille de Coré. I Par., vi, 25.

ACHINOAM, hébreu: 'Ahinô'am, « mon frère est gracieux ; » Septante : 'A^ivoôn, I Reg., xiv, 50; 'A'/iviapi, I Reg., xxv, 43.

1. ACHINOAM, fille d'Achimaas et épouse de Saûl. I Reg., xiv, 50.

2. ACHINOAM, première femme de David. Elle était de Jezraël, ville de la tribu de Juda. I Reg., xxv, 43. Voir Jezraël 4. David, obligé de fuir la colère de Saûl, l'épousa pendant qu'il menait une vie errante dans le désert de Juda , dans le voisinage de la ville de Carmel. Achinoam raccompagna avec Abigaïl à la cour du roi philistin Achis, I Reg., xxvii, 3; l'une et l'autre furent emmenées captives par les Amalécites, lorsqu'ils pillèrent Siceleg, pendant que leur mari suivait les Philistins qui allaient com- battre Saûl dans la plaine d'Esdrelon , et l'une et l'autre furent délivrées par David à son retour. I Reg., xxx, 5, 18. Elles participèrent aussi toutes les deux aux honneurs royaux. Après la mort de Saûl, « David monta, dit le texte sacré, avec ses deux femmes Achinoam de Jezraël et Abigaïl,... et ils demeurèrent à Hébron, » II Reg., H, 2-3, où le nouveau roi passa les sept premières années de son règne. L'Écriture ne nous apprend plus rien sur Achinoam, si ce n'est qu'elle fut la mère d'Amnon, le fils aîné de David. II Reg., m, 2; I Par., m, 1.

ACHIOR, « mon frère est la lumière. »

1. ACHIOR, ami et parent de Tobie, de la tribu de Nephthali, fut emmené captif à Ninive par Salmanasar. Il vint féliciter Tobie et se réjouir avec lui de la bonté de Dieu à son égard. ïob„ xi, 20. Les Septante l'appellent 'A^iefyapoc, et en font un neveu de Tobie, le fils de son frère Anaël. Il aurait été grand échanson à la cour de Sennachérib et d'Assarhaddon. Septante, Tob., i, 21, 22; H, 10; xiv, 10. Voir Achiacharus et Nabath.

2. ACHIOR, chef des Ammonites. Lorsque le général assyrien Holopherne eut envahi l'Asie Mineure, les pro- vinces et les villes de Syrie se soumirent à l'envi au con- quérant, pour essayer de fléchir sa fureur. Judith, iii, 1. Seuls les Israélites se préparèrent à la résistance. Judith, iv, 1-17. A cette nouvelle, la colère d'Holopherne redoubla, et il fit appeler auprès de lui les chefs de Moab et d'Am- mon, pour apprendre d'eux à quel peuple il allait avoir aftaire. Judith, v, 1-4. Achior était à cette époque le chef suprême des Ammonites. Judith, v, 5. Au lieu d'exciter da- vantage Holopherne contre les Hébreux, comme on aurait pu s'y attendre de la part d'un fils d'Ammon, il prit à tâche d'inspirer au général assyrien une crainte salutaire, qui le détournerait de faire la guerre à Israël. Dans un dis- cours que la Bible nous a conservé, Judith, v, 5-25, il démontre la grandeur surnaturelle de ce peuple, qui était, aux yeux de ces barbares étrangers, une simple tribu, n'oc- cupant qu'une place imperceptible dans le monde connu. Achior apprend successivement à Holopherne l'origine chaldéenne des Hébreux, la vocation d'Abraham, le séjour en Egypte , le passage de la mer Rouge, le séjour au désert du Sinaï et la conquête de la Palestine ; pendant son récit, il s'attache à démontrer ce fait, que Dieu donnait la victoire aux Israélites lorsqu'ils lui étaient fidèles, et qu'il ne per- mettait leur défaite que pour les châtier et les convertir. « Si donc, conclut- il, ce peuple est actuellement coupable

devant Dieu, Dieu vous le livrera; sinon vous ne pourrez, lui résister, et nous deviendrons la risée de toute la terre. » Ces paroles ne firent qu'exciter davantage la colère d'Holopherne et de ses officiers ; Achior, pour avoir dit la vérité, fut regardé comme un traître et châtié comme tel. « Puisque tu as une telle confiance en ce peuple , va le retrouver, » lui dit en substance le général assyrien. Judith, vi , 5-6. Et il le fit saisir et mener vers Béthulie, qu'il se disposait à assiéger. Là les serviteurs d'Holopherne atta- chent Achior à un arbre, et ils se retirent, le laissant pieds et mains liés à la merci des Hébreux, pour qui les Ammo- nites étaient des ennemis héréditaires. Bientôt trouvé par les Israélites, Achior est mené à Béthulie, comparait de- vant Ozias et Charmi, chefs de la ville, et leur rapporte ce qu'il avait dit à Holopherne et le châtiment qui avait suivi ses courageuses paroles. Judith, vi, 11-13. Dès ce moment, Achior reçoit la récompense de sa bonne action : il est admis au droit de cité , bien que ce privilège ne fût généralement accordé aux descendants d'Ammon qu'à la dixième génération, cf. Deut., xxm, 3, et un grand festin est donné en son honneur dans la maison du prince de la ville. Judith, vi, 19-20. Quelque temps après, lorsque Judith est revenue du camp d'Holopherne , on appelle Achior pour lui montrer la tête du général ennemi : « Voici, lui dit l'héroïne , voici la tête de celui qui t'a menacé de mort en disant: « Lorsque le peuple d'Israël sera vaincu, j'or- « donnerai que tes flancs soient traversés par le glaive. » Judith, xin , 27-28. A cette vue, Achior est tellement saisi , qu'il tombe la face contre terre ; mais il se relève bientôt pour bénir Judith, pour adorer son Dieu, Judith, xm, 29-31, et pour renoncer au culte des idoles. Judith, xiv, 6. Une exception à la loi fut faite en sa faveur, cf. Deut. xxm, 3: il fut admis à se faire circoncire et se trouva ainsi incor- poré au peuple de Dieu. Judith, xiv, 6. E. Duplessy.

ACHIS (hébreu : 'AkU, appelé aussi Abimélech, Ps. xxxiv, 1, hébreu, et Achimélech, Ps. xxxm, 1, Vulgate), contemporain de David, roi de Geth, ville royale des Phi- listins. Il avait succédé sur le trône à son père Maoch* I Reg., xxvii, 2. Le nom d'Achis est peut-être un titre commun à tous les semnîm ou rois de cette région. C'est vers ce prince que David se réfugia après avoir reçu à Nob l'hospitalité du grand prêtre Achimélech. I Reg., xxi, 10. Achis ne fit que l'entrevoir; car, ayant été reconnu par les courtisans comme le vainqueur de leur fameux guer- rier Goliath, le fugitif feignit la folie pour échapper à leur vengeance, ce qui amena le roi à le congédier avec mé- pris. I Reg., xxi, 12-15. Quelques années plus tard, Achis eut l'occasion de revoir David. C'était après les événements du désert de Ziph. Saûl, un instant touché de la grandeur d'âme de son rival , l'avait béni ; puis , sa passion repre- nant le dessus, il avait recommencé ses poursuites, et David, à bout d'expédients, s'était décidé à passer avec ses six cents hommes chez les Philistins, et à demander un refuge au roi de Geth. I Reg., xxvi. Il n'y a aucune raison de douter que cet Achis ne soit le même que celui du chapitre xxi. La manière différente dont il se conduit à l'égard de David est conforme à la différence d'état du proscrit. Naguère celui-ci venait seul, maintenant il est à la tête d'une petite année; autrefois sa réputation était surtout celle d'un ennemi des Philistins , aujourd'hui il est surtout célèbre par ses différends avec Saûl. A ce dernier titre, Achis l'accepte comme un auxiliaire, et lui permet d'habiter Siceleg, au sud de Juda; peut-être même lui donne- 1- il cette ville et son territoire en toute propriété. I Reg., xxvii, 6. De là David faisait, dans les régions voi- sines et confinant à Israël , des expéditions et des razzias qu'Achis croyait dirigées contre les sujets de Saûl. Les réponses ambiguës de David l'entretenaient dans cette pensée, et de plus en plus il croyait posséder en lui un puissant allié contre Saûl. Il arriva cependant que, les- Philistins entreprenant eux-mêmes une campagne contre Israël, Achis voulut que David et les siens y prissent parL. 145

ACHIS — ACH1T0PHEL

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I Rcg., xxix, 2. Mais les autres princes philistins ne furent pas- de cet avis, et sur leurs représentations Achis dut congédier l’Hébreu et ses soldats. La bataille fut engagée sans eux, et Dieu, qui n’avait pas permis que le patriotisme de David fût démenti par sa conduite, voulut que les Philistins missent en déroute l’armée de Saûl. Ce fut la fameuse bataille du mont Gelboë, où périrent Saûl et ses fils. Il n’est plus question d’Achis dans la Bible, sinon M Reg., il, 39, pour nous apprendre que des serviteurs fugitifs de Séméi s’étaient réfugiés auprès de lui.

Dans ce dernier passage, Achis est mentionné comme fils de Maacha, tandis que, I Reg., xxvn, 2, son père est nommé Maoch. Mais il ne répugne pas que ces deux noms soient des formes différentes du même mot. Il ne répugne pas davantage que le règne du même personnage occupe l’intervalle de cinquante ans écoulés entre la première fuite de David à Geth et celle des serviteurs de Séméi. Quelques interprètes ont voulu voir dans les deux récits du séjour de David près d’Achis un seul et même fait raconté diversement. Les notables différences entre l’un et l’autre rendent cette interprétation inadmissible. C’est aussi ce qui ressort du titre du Psaume xxxm, qui rappelle explicitement le trait distinctif du premier séjour : Quand David changea son visage devant Achirnélech. IReg., xxi, 13.

Dans les passages où il est question de lui, Achis apparaît comme un homme indécis et facile à se laisser influencer. Un autre que lui aurait pu sans doute deviner, sous la folie simulée de David, le fin stratagème d’un homme très sensé, et, plus tard, saisir la vraie disposition de son hôte à travers ses réponses indécises. I Reg., xxvn, 10 ; xxviii, 2. Les autres princes philistins furent plus clairvoyants. Sa simplicité partait d’ailleurs d’un bon naturel, et ses excès de confiance manifestent la loyauté de son cœur. P. Renard.

ACHISAMECH (hébreu : Âfyîsâmâk, « mon frère est un appui ; » Septante : ’Xyian^ùx), père d’Ooliab, de la tribu de Dan, Exod., xxxi, 6 ; xxxv, 34 ; xxxvm, 23.

ACHITOB, hébreu : ’Àhitûb, « mon frère est bon ; » Septante : ’Axii<iê.

1. ACHITOB, fils de Phinées, le fils d’Héli, et père d’Achias et d’Achimélech , lesquels furent grands prêtres sous Saûl. I Reg., xiv, 3 ; xxii, 9, 11 , 12, 20.

2. ACHITOB, fils d’Amarias et grand -père de Sadoc, souverain pontife du temps de David. II Reg., vm, 17 ; I Par., VI, 7-8. 11 était de la maison d’Éléazar et fut grand prêtre lui-même. La Vulgate le qualifie expressément de « pontife de la maison de Dieu », I Par., ix, H ; r^ou- [livov otxou toO 0eoO , traduisent les Septante , dans le même sens que saint Jérôme. On objecte contre cette interprétation que le texte original ne dit point qu’il fut hôhen ou « piètre de la maison de Dieu », mais nâgxd, « chef, » mot qui n’a pas un sens aussi précis. De là vient que la Vulgate elle-même rend ce même passage des Paralipomènes, reproduit dans II Esd., xi, 11, par princeps domus Dei. — Il est certain que le terme de nâgîd est plus général que celui de hôhen ou « prêtre » ; mais le sens qu’y attache l’auteur des Paralipomènes ne peut guère être mis en doute, car, II Par., xxxi, 13, il se sert de cette expression de nàg’td pour faire connaître la qualité d’Azarias, qui était certainement souverain pontife des Juifs, sous le règne d’Ézéchias. — Dans le second livre des Rois, vin, 17 ; dans le premier livre des Paralipomènes, vi, 8, 53 ; Xvill, 16, et dans le premier livre d’Esdras, vil, 2, Achitob est nommé comme père de Sadoc ; mais en hébreu « père » a souvent le sens de grand -père, et « fils » le sens de petit -fils. Le premier livre des Paralipomènes, ix, 11, et le second livre d’Esdras, XI, 11, qui nous donnent une généalogie plus complète de la lignée sacerdotale de Sadoc, nous apprennent que ce dernier pontife était fils de Mc-

raioth et seulement petit-fils de Sadoc. Les critiques de l’école rationaliste prétendent, il est vrai, que c’est par suite d’une erreur que le nom de Méraioth a été introduit dans ces passages, et ils soutiennent qu’ Achitob était véritablement le père de Sadoc ; mais leur opinion ne s’appuie sur aucune raison sérieuse. Les tables généalogiques des familles sacerdotales existaient certainement à l’époque d’Esdras et de Néhémie , et l’auteur des Paralipomènes et du second livre d’Esdras ne les ont pas altérées volontairement en les reproduisant. Il a pu arriver sans doute que dans les nombreuses transcriptions des listes de noms propres, faites par les copistes de la Bible, quelque nom ait été inséré çà et là par erreur, comme un nom a pu être omis dans d’autres cas ; cependant rien ne montre qu’il en soit ainsi dans la généalogie de Sadoc : son père Méraioth n’a pas été nommé partout, parce qu’il était moins connu, cf. un exemple semblable dans I Esd., v, 1, et Zach., i, 1, 7 ; mais il n’en a pas moins existé et il est le fils d’Achitob. Quant à celui-ci, il vécut avant le règne de David ; on ne peut déterminer exactement à quelle époque, à cause de l’incertitude de la chronologie hébraïque dans ces temps reculés. Pour l’Achitob mentionné I Par., vi, 11-12, voir Achitob 3. F. Vigouroux.

3. ACHITOB, fils d’un autre Amarias, prêtre sous Josaphat et père d’un autre Sadoc. I Par., vi, 11-12 ; cf. II Par., xix, 11.

4. ACHITOB, un des ancêtres de Judith, fils de Melchia, de la tribu de Siméon. Judith, vin, 1.

ACHITOPHEL (hébreu : ’Àhîfôfel, « mon frère est folie ( ?)» Septante : ’A^crôçO.), conseiller de David. Il était de Gilo, probablement la Djala actuelle, dans les montagnes de Juda. L’Écriture dit que c’était « sa ville » , II Reg., xv, 12, et c’était sans doute aussi celle de sa famille , puisqu’on y voyait le tombeau de son père , dans lequel il fut lui-même enseveli. Il Reg., xvn, 23. Il avait là une maison, et il devait y faire sa résidence habituelle, autant que le lui permettaient ses fonctions ; du moins il s’y trouvait au moment de la révolte d’Absalom. C’est ce qui explique comment il put se rendre si promptement et sans que David en fût informé auprès du rebelle, lorsque celui-ci l’appela à Hébron. Il Reg., xv, 12, 31. Gilo, en effet, était dans le voisinage d’Hébron.

Telle était l’opinion qu’on avait de la prudence et de la sagesse d’Achitophel, que ses avis étaient accueillis à la cour comme des oracles divins. II Reg., xvi, 23. Aussi la nouvelle qu’il était entré dans la conjuration causât-elle à David, parmi tant de sujets d’inquiétude, plus de crainte que tout le reste ; il comprit quel redoutable secoure allaient apporter à son fils l’habileté et le crédit d’un tel homme, et il adressa aussitôt à Dieu cette prière : « Rendez insensés, Seigneur, les conseils d’Achitophel ! » II Reg., xv, 31. La trahison de celui dont il avait fait son conseiller et son confident, qu’il admettait à sa table comme son plus intime ami , blessa en même temps profondément le cœur de David , comme nous le voyons dans les psaumes qu’il composa à cette occasion, Ps. XL, 10, et surtout Ps. liv, 13-15 : « Si mon ennemi m’avait outragé... ; mais toi, que je regardais comme un autre moi-même !

» etc. 

On s’est demandé à quels motifs il fallait attribuer une trahison dans laquelle -on a justement vu le type de celle de Judas, et l’acharnement qu’Achitophel fit paraître dans sa lutte contre son roi, II Reg., xvi, 21 ; xvn, 1-3 ; on a cru les trouver dans la parenté d’Achitophel avec Bethsabée, femme d’Urie. Elle était sa petite -fille, la fille de son fils Éliam, II Reg., xxin, 34, le même qui est appelé ailleurs Ammiel, par le renversement des syllabes de son nom. I Par., ni, 5. Par son adultère avec Bethsabée et par le meurtre d’Urie, II Reg., xi, David avait porté dans la famille d’Achitophel le deuil et le déshonneur ; le vieux U7

ACHITOPHEL — AGHSAPH

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conseiller vit dans la révolte d’Absalpm l’occasion la plus favorable pour tirer de ce double crime une vengeance éclatante : il voulut arracher au roi la couronne et même la vie, en travaillant au triomphe de son fils. Plusieurs même, rapprochant ces antécédents des circonstances de son intervention dans le complot, ont pensé qu’il en avait été le promoteur.

Il débuta dans son entreprise par un coup d’abominable mais très habile politique : à peine Absalom était-il rentré à Jérusalem, qu’il lui conseilla de déshonorer son père publiquement, dans la personne des épouses du second rang, restées dans la capitale. Il voulait par là rendre impossible toute réconciliation entre David et Absalom, en même temps qu’il assouvissait sa haine ; mais c’était en réalité les desseins de Dieu qu’il exécutait, il accomplissait sans s’en douter la prophétie de Nathan à David après sa chute. II Reg., xn, 11-12.

A ce conseil , que le jeune prince osa suivre , en succéda un autre qui aurait ruiné la cause de David et aurait perdu le roi lui-même, si on avait voulu l’écouter. Achitophel soutenait qu’il fallait se mettre à la poursuite du roi sur-le-champ et sans lui laisser le moindre répit ; il offrait de conduire en personne l’expédition, se faisant fort de battre et de disperser l’escorte de David, et de le frapper dans cet abandon. 11 aurait certainement réussi ; mais Dieu, qui avait résolu la défaite et la mort d’Absalom et le rétablissement de la fortune de David, ne permit pas qu’on prit ce parti, le seul auquel on pût raisonnablement s’arrêter. II Reg., xvn, 14. Absalom en reconnut la sagesse ; il ne voulut toutefois rien faire sans consulter Chusaï. C’était un ami de David, II Reg., xv, 37, qui avait feint, par son ordre, de le trahir pour s’attacher à Absalom. Il avait pour mission de contre - balancer l’influence d’Achitophel et de faire échouer ses plans. Il persuada, en effet, à Absalom et à tous les siens qu’il n’avait point encore assez d’hommes avec lui et qu’il valait mieux attendre l’arrivée de nouvelles troupes, et ce délai sauva David, en lui donnant le temps de s’éloigner et d’aller au delà du Jourdain pour former une armée et préparer sa victoire.

Achitophel fut humilié et irrité du peu de cas que, pour la première fois, on faisait de ses conseils. Il vit en même temps quelles conséquences allait avoir pour lui-même la mine de la cause d’Absalom, inévitablement perdue par ce retard : la fin de son crédit , le déshonneur attaché à son nom, le châtiment que pouvait lui attirer l’infamie de sa trahison et de ses conseils. Le désespoir s’empara de lui. Il sella son âne et s’en retourna à Gilo. Arrivé dans sa maison , il eut soin , par un dernier trait de cette prudence humaine que saint Paul appelle une prudence de mort, Rom., vra, 6, de mettre ordre à ses affaires, et, oubliant la seule nécessaire, celle de son salut, il se pendit. II Reg., xvn, 23. E. Palis.

ACHOBOR, hébreu : ’Akbôr, « mulot ou souris ; » Septante : ’Axo6ùp.

1. ACHOBOR, père de Balanan, roi d’Idumée. Gen., xxxvi, 38 ; I Par., i,49.

2. ACHOBOR, fils de Micha et père d’Elnathan. Il fut un des premiers officiers du roi Josias , qui l’envoya consulter la prophétesse Holda, au sujet du livre de la Loi, trouvé par le grand prêtre Helcias : IV Reg., xxn, 12, 14 ; Jer., xxvi, 22 ; xxxvi, 12. Il est nommé Abdon, II Par., xxxiv, 20.

ACHOR (Vallée d’) (en hébreu : ’Êmeq ’Akôr ; en grec : ’Eu.exax<">p )i vallée de la Palestine où Achan lut, par ordre de Josué, lapidé avec toute sa famille, pour s’être réservé, contrairement aux prescriptions du Seigneur, une part de butin dans le sac de Jéricho. Jos., vu. C’est même à cet événement que le lieu doit son nom : racine ’âkar, « troubler. » Josué dit au coupable : « Parce que tu

nous as troublés ( ’âkarfânû) , que le Seigneur te trouble [ya’ekorkâ) » ou t’extermine « en ce jour... ; et ce lieu fut appelé et s’appelle encore aujourd’hui la vallée d’Achor, » Jos., vil, 25-26, c’est-à-dire « vallée du tumulte ou des troubles », suivant l’interprétation de saint Jérôme. Liber de situ et nominibus loc. heb., t. xxm, col. 868.

Cette vallée est indiquée, Jos., xv, 7, comme formant, vers l’est, l’une des limites septentrionales de la tribu de Juda. Or, de ce verset, traduit littéralement de l’hébreu, il semble résulter que l’endroit qui nous occupe doit être cherché au sud de Galgala. « La frontière (de Juda) monte vers Debéra, depuis la vallée d’Achor, vers le septentrion regardant Galgala, qui est vis-à-vis de la montée d’Adommim , laquelle est au midi du torrent. » On est donc, d’après cela, tout naturellement amené à identifier la vallée d’Achor avec l’Oued el-Kelt (Carith), qui serpente précisément au sud de Galgala (Tell-Djeldjoul). Cf. V. Guérin, Descript. de la Pal., Samarie, 1. 1, p. 125-126. Nous préférons, à la suite de beaucoup d’auteurs, cette opinion à celle d’Eusèbe, Onomasticon, et de saint Jérôme, loc. cit., qui placent la vallée d’Achor au nord de Jéricho. Il faudrait alors la reconnaître dans VOued en-Nou’aimeh, et ce serait mettre beaucoup trop haut la limite septentrionale de Juda. Avec l’identification proposée, au contraire, au sud - ouest de Jéricho, le chapitre x v s’explique très facilement. Voir la carte de la tribu de Benjamin. Cette dernière ville et Galgala devaient être moins élevées que la vallée ; car, au f. 24 du chapitre vu, au lieu de : « ils les conduisirent vers... », on lit en hébreu : vayya’âlû , « ils les firent monter. » C. F. Keil, Biblischer Commentar ûber dus Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 60.

La vallée d’Achor était restée dans l’espritdes Hébreux comme un lieu de malédiction ;. aussi, pour donner une idée du changement que la rédemption devait apporter au monde, les prophètes disaient qu’elle serait convertie « en parc de troupeaux », Is., lxv, 10, la vie pastorale étant le symbole de la paix et de la tranquillité, et « en porte d’espérance», Osée, h, 15, après avoir été, pour le peuple qui entrait dans la Terre Promise, une porte d’affliction. Voir Carith. A. Legendre.

ACHSA (hébreu : ’Aksâh ; Septante : Acsyâ), fille de Caleb, fils d’Hesron. I Par., il, 49. Il ne faut pas la confondre avec la fille du célèbre Caleb, nommée Axa dans la Vulgate (hébreu : ’Aksâh). Jos., xv, 16, 17 ; Jud., i, 12, 13. Le Caleb, père d’Achsa, I Par., H, 49, était fils d’Hesron, et vivait avant Moïse ; le Caleb du livre des Juges et de Josué était fils de Jéphoné et contemporain de Josué.

ACHSAPH (hébreu : ’AkSâf ; Septante : ’AfcV, Jos., xi, 1 ; xn, 20 ; K£gÎ9, Jos., xix, 25 ; Vulgate : Achsaph, Jos., xi, 1 ; xn, 20 ; Âxaph, Jos., xix, 25), ancienne cité royale chananéenne, qui fit plus tard partie de la tribu d’Aser. Jos., xix, 25. Un de ses rois fut appelé par Jabin , roi d’Asor, à entrer dans la ligue formée contre Josué , et fut vaincu comme les autres princes du nord. Jos., xi, 1 ; xn, 20.

Robinson a cru retrouver cette ville dans les ruines connues sous le nom de Khirbet-Ksâf ou Iksâf, et situées au sud de l’angle formé par le Léontès, quand, descendant du Liban au nord -est, il prend tout à coup la direction de l’ouest. Biblkal Researches in Palestine, 2 e édit., Londres, 1856, t. m, p. 55. « Ces ruines , dit M. V. Guérin , consistent en de nombreux amas de matériaux plus ou moins considérables, restes de maisons ou d’édifices renversés, épars ou accumulés au milieu d’un épais fourré de broussailles. De tous côtés, on rencontre des citernes antiques creusées dans le roc. » Description de la Palestine, Galilée, t. n, p. 269. L’identification proposée parait également probable au savant explorateur français, et il y a, en effet, une ressemblance assez frappante entre les deux noms ; mais plusieurs resons nous empêchent de l’admettre. C’est d’abord 149

AGHSAPH — ACRABATHANE

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la place qu'occupe Achsaph dans rénumération des villes frontières de la tribu d'Aser, Jos., xix, 25-26; celles qui la précèdent et la suivent immédiatement appartiennent à la région sud -ouest des montagnes de Galilée : Halcath (Yerka), Chali (Alia), Béten (El-Banéh), Amaad (Khirbet el-Amoud), Messal (Mouslih). Voir la carte de la tribu d'Aser. Nous trouvons ensuite que le f. 2 du chapitre XI distingue formellement les rois de Madon, de Sémerori et d' Achsaph des « rois du nord, qui habitaient dans les montagnes ». Enfin Josèphe nous dit que la tribu d'Aser occupait la plaine ou partie basse , tt)v xotXiBa , qui , par- tant du Carmel, se dirige vers Sidon, Ant.jud., V, i, 22, en sorte que Khirbet-Ksâf semble bien plutôt appartenir par sa position à la tribu de Nephthali. Ajoutons que l'ordre d'après lequel Achsaph est mentionnée dans la liste des noms géographiques de Thoutmès III suffit, aux yeux de M. Maspero, pour exclure le site proposé par Robinson, site qui « nous porterait trop au nord ». G. Maspero, Sur les noms géographiques de la liste de Thoutmès III qu'on peut rapporter à la Galilée, extrait des Transactions of the Victoria Institute, or philosophical Society of Great Britain, 1886, p. 9.

Il faut donc, croyons - nous , placer la ville dont nous parlons au sud -ouest de la tribu d'Aser. Nous ne saurions cependant y voir, avec quelques auteurs, Accho ou Saint- Jean-d'Acre, dont nous aurions ici un autre nom. J. Kitto, Cyclopsedia of Biblical Literalure, 1862, t. i, p. 48. — Grove, dans Smith's Diciionary of the Bible, t. i, p. 17, a supposé que c'était Khaïfa, qui semble se retrouver dans !e Ksâtp des Septante. Nous aimons mieux cependant, à la suite des explorateurs anglais, identifier Achsaph avec Kefr-Yasif, dont le nom correspond assez exactement à la transcription des traducteurs grecs, 'AÇicp. Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1876, p. 76.

Situé à quelque distance au nord-est de Saint-Jean- d'Acre , ce village est assis sur une colline dont les pentes inférieures vers l'ouest sont soutenues par un puissant mur d'appui , aux blocs réguliers, la plupart de grand ap- pareil et antiques. Les habitants, au nombre de six cents, appartiennent presque tous à la religion grecque schisma- tique. On y remarque surtout une sorte de petite tour carrée, bâtie avec des pierres très régulières, et renfer- mant une chambre voûtée qu'éclaire un œil-de-bœuf au- dessus duquel une croix a été sculptée au dehors. Elle faisait partie autrefois d'un bâtiment plus considérable, qui a été démoli et remplacé par des maisons toutes modernes. On voit aussi au bas de la colline, vers l'est, un beau puits, très profond et d'apparence antique. Il est construit en pierres de taille. Le réservoir et les auges qui l'environnent sont aussi bâtis avec des pierres de même appareil. V. Gué- rin, Description de la Palestine, Galilée, t. n, p. 4.

A. Legendre.

ACHZIB, ville de Juda. Jos., XV, 44. Voir Achazib 2.

ACHZIBA, ville d'Aser. Jos., xix, 29. Elle est appelée Achazib, Jud., i, 31. Voir Achazib 1.

ACKERMANN Léopold , exégète catholique autri- chien, né à Vienne le 17 novembre 1771, mort dans la même ville le 9 septembre 1831. Il entra en 1790 dans l'ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin, et prit en religion le nom de Pierre Fourrier. 11 enseigna dans son couvent les langues orientales et l'archéologie, et il devint en 1806 professeur d'exégèse de l'Ancien Testament à l'université de Vienne, où il succéda à Jahn et occupa sa chaire avec succès pendant vingt -cinq ans. On a de lui : Introductio in libros Veteris Fœderis usibus acade- demicis accommodata, in -8°, Vienne, 1825; c'est la troi- sième édition corrigée et rectifiée de VIntroductio de Jahn (voir Jahn); Archseologia biblica, in-8°, Vienne, 1826, nouvelle édition également corrigée de Jahn (elle a été réimprimée parMigne, dans son Cursus Scripturœ Sacrse, t. il, 1840, col. 823-1068); Proplielse minores perpétua

annotatione illustrati, in -8°, Vienne, 1830, commentaire qui ne renferme pas des choses nouvelles, mais réunit ce qu'il y a de meilleur dans les ouvrages plus anciens, en y joignant des observations philologiques ; l'auteur commente le texte hébreu original , qu'il reproduit ; son travail est court, mais bon. — Voir V. Seback, P. F. Acker- mann, biographische Skizze, in-8», Vienne, 1832.

F. VlGOUROUX.

ACORE AROMATIQUE. Voir Jonc odorant.

1. ACOSTA Gabriel , chanoine portugais, né à Torre- vadras, mort en 1616, fut professeur à Coïmbre. Il com- posa sur le chapitre xlix« de la Genèse, sur Ruth, les Lamentations de Jérémie, Jonas et Malachie, des com- mentaires qui furent publiés après sa mort, in-f», Lyon, 1641. Voir Nicolas Antonio, Bibliotheca hispana nova, 2 in -f», Rome, 1672.

2. ACOSTA Uriel, Portugais, né à Oporto vers la fin du xvi« siècle, mort à Amsterdam en 1647. Il était d'ori- gine juive et reçut une éducation très soignée. Entraîné par ses passions, après avoir été d'abord chrétien, il devint matérialiste et athée; puis il se fit circoncire, professa la religion de ses ancêtres et alla en Hollande, où les Juifs d'Amsterdam lui firent bon accueil, mais le chassèrent bientôt de la synagogue, parce qu'il n'observait pas la loi mosaïque ; ils le déférèrent même ensuite aux tribunaux comme athée. Pour se défendre, Acosta publia, en 1624, son Examen dos tradiçoens Phariseas conferidas con a ley escripta, dans lequel, renouvelant les erreurs des Sadducéens, il nie l'immortalité de l'âme et l'existence d'une autre vie. Il se réconcilia néanmoins avec ses core- ligionnaires , mais pour se faire excommunier de nouveau plus tard. Il termina cette vie agitée par le suicide. Voir H. Jellinek, Uriel Acosta's Leben und Lehre, Zerbst, 1847; Uriel Acostas Selbslbiographie. Lateinisch und Deutsch, Leipzig, 1847; J. da Costa, Israël en de volke, Haarb., 1849.

F. VlGOUROUX.

ACRABATHANE ('AxpxSam'vr)), contrée où Judas Machabée remporta une grande victoire sur les Iduméens. I Mach., v, 3. La Vulgate distingue ici « les fils d'Ésaù qui habitaient l'Idumée, et ceux qui étaient dans l'Acra- bathane » ; mais le texte grec, suivi par la version syriaque, fait de cette dernière région une partie de la première : èitoXénet 'IoùSac irpb{ tous ùtoùc 'HffaO Èv Tr) 'l8ou|Aaîa rï)v 'Axpaëatitvriv, « Judas combattait contre les enfants d'Ésaû, dans l'Idumée, l'Acrabattine. » On sait, en effet, que le pays des Iduméens à ce moment s'étendait, dans la Judée méridionale, au moins jusqu'à Hébron. I Mach., v, 65. Pendant la captivité de Babylone, une émigration considérable de la population édomite s'était abattue sur ces fertiles campagnes, restées sans maîtres. Cf. F. Le- normant et E. Babelon, Histoire ancienne de l'Orient, Paris, 1888, t. vi, p. 465.

L'Acrabathane devait sans doute son nom à la montée d'Acrabim, dont il est question dans l'article suivant, et se trouvait ainsi au sud - ouest de la mer Morte. Les Idu- méens, retranchés dans ces défilés comme dans une for- teresse, étaient pour les Juifs des ennemis dangereux qui ne leur laissaient aucun repos. Judas Machabée les y atta- qua et leur porta des coups terribles.

Il ne faut pas confondre l'Acrabathane dont nous parlons avec l'Acrabatène , que les historiens anciens mentionnent parmi les toparchies de la Judée, et qui était la cinquième, d'après Pline, v, 14; la troisième, selon Josèphe, Bell, jud., III, m, 5; cf. Reland, Palsestina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. i, p. 176, 191-192. Le texte grec cité plus haut place dans l'Idumée le lieu de la victoire du héros juif. Or, d'après nos deux histo- riens, l'Idumée était une toparchie distincte de l'Acra- batène, la huitième suivant l'un, la neuvième selon l'autre : — on croit, en effet, que VOrine de Pline indique le pays montagneux où se trouvaient Hébron et les villes 151

ACRABATHANE — ACTES DES APOTRES

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méridionales de la Judée, occupées, nous l'avons vu, par les descendants d'Ésaû. — Située plus haut, l'Acrabatène, au rapport d'Eusèbe, Onomasticon , et de saint Jérôme, comprenait la région qui s'étendait entre Néapolis (Na- plouse ) et Jéricho , ayant pour ville capitale Akrabbim , aujourd'hui 'Aqrabéh, et pour villes principales Édouma (Daouméh), Ianô (Khirbet-Yanoun) et Silo (Khirbet- Siloun). Si l'on doit se garder de confondre deux contrées distinctes, il n'est pas plus juste de dire, avec Boettger, Topographisch- Historisches Lexicon zu den Schriften des Flavius Josephus, Leipzig, 1879, p. 8, que l'Acraba- tène « est vraisemblablement ainsi appelée de la montée de 'Aqrabbim, Num., xxxiv, 4, et ailleurs ». Il serait diffi- cile de comprendre que la passe Es - Safah ( voir Acrabim ) eût donné son nom à une contrée située sur les confins de la Samarie. A. Legendre.

ACRABIM (Montée d'), hébreu : Ma'âlêk 'aqrabbim; Septante : âvaëïdtç 'AxpoStv, Num., xxxiv, 4; Jud., I, 36; irpo(Tova6oi<Hî 'Axpa6îv, Jos., XV, 3; Vulgate : as- census Scorpionis, a montée du Scorpion » ou « des Scor- pions », suivant le texte original. Défilé ou passage indiqué comme frontière méridionale de la Terre Sainte, Num., xxxrv, 4, et de la tribu de Juda, Jos., xv, 3, et comme limite du pays des Amorrhéens, Jud., i, 36. Cet endroit, d'après les mêmes témoignages scripturaires, devait se trouver entre le sud de la mer Morte et le désert de Sin. C'est pour cela que nous ne saurions, comme l'a fait M. de Saulcy, l'identifier avec la longue et raide montée de l'ouadi Ez-Zououeira, au-dessus de Djebel - Ousdoum. Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. H, p. 77. Le savant explorateur a pu y trouver des scorpions en assez grande quantité ; mais il place trop haut, la limite méridionale de Juda, et s'écarte ainsi de la ligne qui, par- tant du Ghôr, au sud du lac Asphaltite, passait par Sin et Cadèsbarné, dont l'emplacement, quel qu'il soit, était certainement plus au midi.

Disons tout de suite que les scorpions sont assez nom- breux dans ces parages. Armés de palpes-pinces, dont ils se servent pour saisir leur proie, ces animaux venimeux font, à l'aide du crochet terminal de leur queue, des blessures graves. Cependant, l'espèce la plus commune en Syrie ne dépassant guère cinq ou six centimètres, leur piqûre, quoique très douloureuse , est rarement mortelle pour l'homme. Voir Scorpion.

Robinson place, « à défaut de meilleure indication, » la montée d'Acrabim dans cette ligne de collines qui, au sud de la Sebkhah, forment une courbe irrégulière, croisant le Ghôr à peu près comme un segment de cercle dont la corde aurait environ six ou sept milles de longueur, et s'étendant obliquement du nord-ouest au sud-est. Biblical Besearches in Palestine, 1856, t. n, p. 120. La plaine ma- récageuse du Ghôr est, en effet, fermée de ce côté par une chaîne de collines calcaires, de couleur blanchâtre, composées de craie tendre ou de marne durcie, hautes de vingt à vingt-cinq mètres en moyenne, mais par en- droits de quarante à cinquante mètres. Les bords de l'ouadi El-Djeib sont presque à pic, et le fond de la vallée monte insensiblement.

Cependant avec Riehm, Handwôrterbuch des Bibliscken Altertums, au mot Akrabbim, et Grove, Smith's Diclio- nary of the Bible, t. i, p. 42, nous croyons que les textes cités plus haut, aussi bien que la topographie et le sens ordinaire attaché au mot ma'âlêh, favorisent davantage l'identification d'Acrabim avec le défilé d'Es-$afah, au nord de l'ouadi Fiqréh. De ce dernier point, en suivant la route de Pétra à Hébron, on arrive en trente-cinq minutes, par un chemin raboteux, mais en quelques endroits poli et glissant, au pied d'un massif montagneux qu'on peut franchir par trois passes , distantes l'une de l'autre d'une heure environ. La plus orientale est appelée par les Arabes Es-Soufei, et celle de l'ouest El-Yèmen, « la droite, » la plus fréquentée, parce qu'il y a de l'eau à la partie

supérieure. Cependant la plus directe et la moins di.ficile est celle du milieu, nommée Es-Safah. On voit encore, à l'entrée, les restes d'un fortin, destiné autrefois à en garder l'approche. La montée prend environ deux heures, et M. Schubert a trouvé, au sommet, l'altitude de 466 mètres. De ce point, l'on aperçoit le désert, qui s'étend à perte de vue, des deux côtés de l'Arabah, jusqu'à la mer Morte. La contrée est affreusement désolée. Le chemin suit cons- tamment la direction nord-nord-ouest. Cf. Baedeker, Pa- lestine et Syrie, Leipzig, 1882, p. 316; Chauvet et Isam- bert, Orient, Syrie et Palestine, Paris, 1887, p. 59.

Il faut distinguer la montée d'Acrabim de la ville du même nom, capitale de l'Acrabatène (voir Acrabathane), et, suivant Eusèbe, Onomasticon, au mot 'Axpa66sî|i, et saint Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb.j t. xxiii, col. 866, située « à neuf milles à l'est de Naplouse, en descendant vers le Jourdain comme pour aller à Jé- richo ». Ce bourg, qui n'est mentionné nulle part dans la Bible, mais est plusieurs fois cité par Josèphe comme chef- lieu de la toparchie de ce nom, Bell, jud., Il, xx, 4; III, m, 5 ; IV, ix, 3, se retrouve aujourd'hui dans le village de 'Aqrabéh, à quelque distance au sud-est de Naplouse : on peut en voir la description dans V. Guérin , Descrip- tion de la Palestine, Samarie, t. n, p. 3-5.

A. Legendre.

ACRE, Saint-Jean- d'Acre. Voir Accho.

ACRON , forme exceptionnelle du nom de la ville d'Accaron dans la Vulgate, Jos., xix, 43. Voir Accaron.

ACROSTICHE. Voir Alphabétique (poème).

ACTES DES APÔTRES (IlpdSeiç 'AtcoutôXmv , Actus Apostolorum).

I. Nom. — Dans les anciens manuscrits, le cinquième livre historique du Nouveau Testament porte le nom de Ilpâijei; 'AiroarAXwv ou de IlpâÇci; r&v 'AikxttoXmv. Rare- ment avec l'article, ai IlpâÇsiç. En latin, Actus ou Acta Apostolorum. Ce titre répond très bien au contenu du livre, où se trouve relaté un choix d'actes, par lesquels les Apôtres opérèrent la fondation de l'Église. Les Alle- mands ont adopté le nom de Apostelgeschichte {Histoire des Apôtres). Cette appellation n'a pas toute l'exactitude désirable, car le livre est loin de donner l'histoire de tous les Apôtres; même l'histoire de l'apostolat de saint Pierre et de saint Paul y est très incomplète.

II. Authenticité. — Toute l'antiquité ecclésiastique n'a qu'une voix pour attribuer à saint Luc la composition du livre des Actes. Mais, cette persuasion étant inconciliable avec les idées de l'école rationaliste de Tubingue, les adeptes de cette école furent amenés à nier l'authenticité de ce livre, et à en reculer la rédaction au II e siècle, époque à laquelle, d'après leur système, se fit dans l'Église la fusion entre les pétnniens et les pauliniens. Selon ces docteurs, le livre des Actes est une sorte de roman histo- rique, ayant pour but de faire apparaître Pierre et Paul travaillant de concert et en conformité de vues à la pro- pagation de l'Évangile. C'est contre ces adversaires que nous devons démontrer que les Actes sont vraiment l'œuvre de saint Luc.

« Une chose hors de doute, dit M. Renan lui-même, Les Apôtres, introd., p. x, c'est que les Actes ont eu le même auteur que le troisième Évangile , et sont une con- tinuation de cet Évangile. On ne s'arrêtera pas à prouver cette proposition, laquelle n'a jamais été sérieusement contestée. Les préfaces qui sont en tête des deux écrits, la dédicace de l'un et de l'autre à Théophile, la parfaite ressemblance du style et des idées, fournissent à cet égard d'abondantes démonstrations. » Si l'on regarde ce point comme acquis à la critique, et que l'on suppose établie sur des preuves solides l'authenticité de l'Évangile de saint Luc, il faudra du même coup attribuer les Actes à cet écrivain apostolique, disciple et compagnon de saint 153

ACTES DES APOTRES

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Paul. Il est démontré dans un autre article que le troisième Évangile est incontestablement l’œuvre de saint Luc. Donc, pour adjuger légitimement les Actes au même auteur, il nous suffirait d’en appeler à cette démonstration. Mais on peut, indépendamment de cet argument interne, fournir des témoignages péremptoires en faveur de l’authenticité de ce livre canonique.

11 est à peine douteux que saint Clément de Rome, l Cor., il, 1. 1, col. 209, fait allusion à un texte des Actes, XX, 35, lorsqu’il loue les Corinthiens de ce qu’ils « préfèrent donner que recevoir ». — Saint Ignace d’Antioche, en deux endroits de ses lettres authentiques, semble à peu près transcrire les paroles des Actes, lorsqu’il dit, Smyrn., m, t. v, col. 709 : Mtti 8è ttjv àvôffraorv o-uvéçayev œùtoîc xai (rwlitisv. Voyez Act., x, 41 : Orêivec <rJve<pâyo|iev xaV o"uvem’o[iev a

ij> y.tzk tô àvao-TÎjvae otÙTÔv èx vexp&v. Ailleurs, Magnes., v, t. v, col. 665 : "Exao-To ; et ; tôv fSiov tôhov (léXXet xwpeïv. Voyez Act., 1,25 : IIopeu8r|vai eî ; tov tôhov tôv îîiov. — 11 en est de même de saint Polycarpe, Phil., I, t. v, col. 1005 : *Ov T,yeipev à Qeô ;, Xidctç Ta ? 8îva« toO SSou. Voyez Act., n, 24 : "Ov & ©tô ? àvéciTiiffe , Xùo-iç Tac wSîvac toO Qavdkou (S8ou, d’après une autre leçon). — La AioV/ti tûv ’AhootôXmv , récemment découverte par Bryennios, se sert d’une manière analogue de Act., II. 44, 45 ; iv, 32, édit. Bryennios, p. 21, n. 4. — La lettre à Diognète, 3, 4, t. h, col. 1172, rappelle Act., xvii, 24.

Il suffit de descendre au commencement du m* siècle pour entendre les voix les plus autorisées des diverses parties de l’Église nommer Luc comme l’auteur du livre des Actes. Saint Irénée, réunissant en sa personne les traditions de l’Asie et de la Gaule, après avoir rapporté plusieurs choses consignées dans les Actes, ajoute, Hser., III, xiv, t. vu, col. 914 : « Omnibus his cum adesset Lucas , diligenter conscripsit ea , uti neque mendax neque elatus deprehendi possit. » — Clément d’Alexandrie, Strom., V, xii , t. ix , col. 124 : « Sicut et Lucas in Actibus Apostolorum commémorât Paulum dicentem : « Viri Athenienses... » Suit le commencement du discours à l’Aréopage, Act., xvn, 22 et suiv. — Tertullien, témoin de l’Église d’Afrique, De jejun., x, t. H, col. 966 : « Porro, cum in eodem commentario Lucse et tertia hora orationis demonstretur, sub qua Spiritu sancto initiati pro ebriis habebantur, et sexta, qua Petrus ascendit in superiora. » Voyez Act., n, 15 et x, 9. — Le témoignage de l’Église romaine est plus ancien encore. 11 se trouve dans le canon du II e siècle découvert par Muratori : « Acta autem omnium Apostolorum sub uno libro scripta siint. Lucas optime Théophile comprehendit , quia sub prœsentia ejus singula gerebantur. » — Toute la tradition de l’antiquité est, pour ainsi dire, résumée par Eusèbe de Césarée, lorsqu’il place le livre des Actes parmi les ô|ioXoyoù|«va, c’est-à-dire parmi les livres canoniques dont l’autorité est incontestée. Hist. Eccl., m, 25, t. XX, col. 268. 11 l’attribue à saint Luc. Hist. Eccl., m, 4, t. XX, col. 220. 11 est donc indubitable que le livre des Actes était répandu dans l’Église dès le I er siècle et que dès lors il était regardé partout comme l’œuvre de saint Luc. Sinon , à la fin du II e siècle , l’Église n’aurait pas été unanime à le lui attribuer.

Ce témoignage concordant de la tradition est abondamment confirmé par les indices que fournit le livre lui-même. 1° L’auteur, racontant les voyages de saint Paul , parle constamment, à partir du chapitre XX, à la première personne du pluriel, et conduit ainsi son récit jusqu’à la captivité de saint Paul à Rome. Il était donc le compagnon de l’Apôtre, et se trouvait notamment avec lui à Rome. Or tel était saint Luc , dont saint Paul dit , dans sa seconde lettre à Timothée, iv, 11, écrite de Rome pendant sa captivité : « Luc seul est avec moi ; » et dont il envoie de la même ville les salutations aux Colossiens et à Philémon. Coloss., iv, 14 ; Philem., 24. Il entre d’ailleurs, sur les dernières années du ministère de saint Paul et sur ses voyages, dans des détails si minutieux, que le

témoin oculaire se trahit à chaque instant. Voyez, par exemple, la scène du serpent ramassé et secoué par l’Apôtre dans l’Ile de Halte, Act., xxvm, 2-6 ; la description des péripéties du naufrage, xxvii, 14-44 ; la mention exacte de tous les endroits par où l’on passe pour se rendre de Césarée à Rome. — 2° On a recueilli un grand nombre de tournures et d’expressions singulières , qui se rencontrent à la fois dans les Actes et dans Je troisième Évangile , et que les autres auteurs sacrés n’emploient jamais ou presque jamais. En voici quelques exemples : Luc, I, 1 : ’Eitsi8/,7CEp itoXXoi èTtE/espriCTav..., sSofce xâ|»o itap/)xoXov)6T)x6n..., et Act., xv, 24, 25 : ’EjisiSï) T)xoùo-a(i$v 8ti Tivèc..., êSoÇev 11*îv yevo|iévoiç... — Luc, xv, 13 : [ist’ où luoXXà ; »)|ièpac, et Act., i, 5 : où peTa itoXXàc toùtoc îjliipaç, et Act., xxvn, 14 : (ist* où rcoXù ; Act., xix, 11 : 6uvà|»£ic te où tïî Tuv_où<jaç. — Luc, I, 20, 80 : ôfypi nî f,|iipa ;,... ê<o« ï)|iÉpa ;, et Act., I, 2 : a-/pt tJ« fjiilpaç ; i, 22 : eue tîj ? Tijjipa ;; H, 29 : a-/pt tïjç ^(ispa ? TotÙTrjc ; vu, 45 : itou tûv T)(ilp«ùv AaSiS. — Main de Dieu au lieu de puissance de Dieu. Luc, i, 66, 71, et Act., xi, 21, et xm, 11.

— Luc, iv, 34 : ô âyto ; toû QeoO, et Act., n, 27 : où8s ôuo~et ; tôv ôo~iôv trou, et IV, 27 : êni tov âytov italSi aoy ; iv, 30 : toO àytou itatSôç <rou. — Luc, XXIII, 5 : àpïâ- [j.evo{ àitô TÎjç raXtXaîa ;, et Act., x, 37 : apEâjirvov àitb rîj ? TaXtXataç, et Luc, xxiv, 27 : àp£i|jievoc àrcô Mwo-éto ;. — Luc, 1,9 : Tkaxe toû ôujuâo-ai, et Act., i, 17 : sXa^e tôv xHjpov. — Luc, XXI, 35 : sut «pôo-tiinov toxo~t)Ç ttjc yr< ;, et Act., xvii, 26 : liù itàv tô rcpôo-<oitov tîjç yîjç, et Luc, xii, 56 : tô itpôo-wTtov tîj4 yîj ; xcù toO oùpavoû. Saint Luc est le seul écrivain du Nouveau Testament qui emploie cette expression. Voir Bacuez , Manuel biblique , t. iv , n» 484. — Signalons, à la suite de cet auteur, « la conformité qu’on remarque entre ces deux livres pour les sentiments, les dispositions d’esprit, les tendances... D’un côté comme de l’autre, on reconnaît l’influence de saint Paul. C’est la même attention à ne rien dire de blessant pour les Gentils , à ménager l’autorité romaine , et même à relever ce qui est à son avantage, Act., m, 13-15 ; x, 1, 2, 45 ; xm, 7 ; xxv, 10, 25 ; xxvn, 43. C’est le même respect pour les cérémonies judaïques, Luc, i, 9, 59 ; n, 21-24, 37, 39, 41, 46 ; iv, 16 ; v, 14 ; vi, 3-4 ; Act, m, 1 ; v, 12, 42 ; XVI, 3, etc., avec la même conviction que l’Évangile est pour tous les peuples, Luc, il, 32 ; IX, 52 ; xvn, 16 ; Act., i, 8 ; ix, 15 ; x, 1 et suiv., et le même soin de rattacher les faits aux actes publics de l’empire, » Luc, m, 1 ; Act., m, 13 ; xxiv, 27. La tradition qui attribue les Actes à saint Luc, l’auteur du troisième Évangile, est donc pleinement confirmée par les arguments intrinsèques.

Les rationalistes prétendent néanmoins établir par ce genre d’arguments que saint Luc n’est pas l’auteur du livre des Actes. « Luc, disent-ils, n’est pas ce compagnon de Paul qui, à partir du xvi e chapitre des Actes, parle à la première personne du pluriel. Cet écrivain était avec Paul à l’époque où celui-ci écrivit ses lettres aux Thessaloniciens et aux Corinthiens ; or, dans ces lettres, Paul ne fait aucune mention de Luc , mais il parle de Timothée et de Silvanus. Donc alors Luc n’était pas avec lui. Même dans les lettres aux Colossiens et à Philémon, Luc, qui était alors auprès de Paul à Rome, n’est nommé qu’en dernier lieu , après plusieurs autres. 11 n’était donc pas un des principaux disciples de Paul. D’ailleurs , si Luc avait travaillé avec Paul à Philippes pendant plusieurs années , comme il faut le supposer de l’auteur des Actes, Act., xvi, 12 et suiv., Paul n’aurait pas manqué de le nommer dans sa lettre aux Philippiens, qu’il écrivit lorsque Luc était auprès de lui. Il semble que Luc ne s’adjoignit à Paul que lorsque celui-ci était captif à Rome, i

On le voit, tous ces arguments sont négatifs. Le dernier seul a quelque chose de spécieux. On y répond facilement par l’hypothèse que saint Luc était absent de Rome lorsque saint Paul envoya sa lettre aux Philippiens. Cette hypothèse n’est pas gratuite ; car, si saint Luc avait été alors 155

ACTES DES APOTRES

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à Rome, saint Paul l'aurait certainement excepté de la généralité de ce blâme , Phil., h, 21 : « Tous ne cherchent que leur intérêt, » comme il vient d'en excepter impli- citement son fidèle Timothée, h, 20. Dès lors il est ma- nifeste que ces arguments négatifs, si faibles en eux- mêmes, ne sauraient ébranler la tradition constante qui proclame que les Actes sont l'œuvre de saint Luc.

Refusant de reconnaître saint Luc pour l'auteur des Actes, les rationalistes ont imaginé divers systèmes pour expliquer la genèse de ce livre. D'après quelques-uns, les parties où l'écrivain parle à la première personne du plu- riel auraient été rédigées par un compagnon des voyages de Paul autre que Luc. Ce compagnon serait Timothée (Schleiermacher, Bleek, etc.), ou Silas (Schwanbeck), ou Titus (Krenkel). Ou bien ce compagnon de Paul aurait écrit tout le livre, ou bien un auteur inconnu aurait trans- crit ces mémoires , sans y rien changer, et les aurait ainsi insérés dans un livre composé par lui en vue d'aider à la réconciliation des deux factions qui avaient jusque-là divisé l'Église. Mais de Wette lui-même avoue que l'hypothèse d'auteurs multiples n'explique ni l'uniformité de style qui règne dans tout l'ouvrage, ni la conformité de celui-ci avec le troisième Évangile, ni la manière égale de citer l'Ancien Testament, ni la cohésion étroite de toutes les parties entre elles. De Wette, Lehrbuch der... Einleitung in die kan. Bûcher des N. T., § 115 a. Pour ces motifs , de Wette et d'autres admettent pour tout le livre un auteur unique. « Mais cet auteur, disent -ils, ne peut pas être un témoin oculaire des faits qu'il raconte; car ces faits sont, les uns en contradiction avec les lettres de Paul, les autres incompatibles avec les données de l'histoire ; d'autres sup- posent chez l'écrivain des renseignements insuffisants. » Ce dernier argument est futile ; quant aux deux autres , nous en donnerons plus loin le développement et la réfutation, lorsque nous parlerons des objections contre la véracité du livre des Actes.

III. Lieu et époque de la composition. — Faute de dé- terminations précises , on admet comme probable que les Actes des Apôtres ont été composés à Rome, à la fin de la seconde année de la captivité de saint Paul. Le récit, en effet, se termine brusquement à cette époque de la vie de l'Apôtre. Alors saint Luc était encore avec lui. Cette première période de sa captivité était pour l'Apôtre une période pacifique, sans incidents remarquables, ainsi qu'on peut le conclure des derniers versets des Actes. C'était donc aussi pour saint Luc un temps favorable à la rédac- tion de ses notes sur les travaux apostoliques de son maître. L'an 64 de l'ère vulgaire serait ainsi l'époque de la composition , ou du moins de l'achèvement du livre des Actes.

IV. Intégrité du texte. — Le texte des Actes des Apôtres est parvenu jusqu'à nous sans avoir subi aucune altération importante. Les variantes très nombreuses des manuscrits n'affectent point la substance des récits. Nous en avons pour garants les versions anciennes, la syriaque surtout et la latine, et les nombreuses citations des Pères. Du reste , la critique rationaliste n'a soulevé à ce sujet aucune ob- jection sérieuse.

V. Analyse du texte. — Le livre des Actes se compose de deux parties bien distinctes. Cornely, Introductionis compendium, p. 522-523. Première partie : Origine et pro- pagation de l'Église parmi les Juifs, i-ix. Deuxième partie : Origine et propagation de l'Église parmi les Gentils, x-xxvm. Saint Pierre joue le grand rôle dans la première partie; dans la seconde, c'est l'action de saint Paul qui domine.

Première partie, i, 1-rx, 43. — Première section. Fon- dation de l'Église à Jérusalem, i, 1-n, 47. La fondation de l'Église préparée par la promesse du Saint-Esprit, i, 1-11, et par l'élection d'un nouvel apôtre, i, 12-26. La fondation de l'Église opérée par la descente du Saint-Esprit, n, 1-13, et par la première prédication de saint Pierre, il, 14-47. — Seconde section. Propagation et confirmation de l'Église parmi les Juifs de Jérusalem, m, 1-yII, 59. Un grand

miracle opéré par saint Pierre , assisté de saint Jean , de- vient le signal de nombreuses conversions et d'une per- sécution violente, m, 1-iv, 31. La mort tragique d'Ananie et de Saphire sert d'exemple aux fidèles pour les maintenir dans la ferveur, iv, 32 -v, 11. De nouveaux accroissements de l'Église provoquent une nouvelle persécution : les Apôtres sont jetés en prison , délivrés par un miracle, dé- fendus par Gamaliel, v, 12-42. Institution des diacres : Etienne, le plus illustre d'entre eux, devient le premier martyr de la foi de Jésus, vi, 1-vn, 59. — Troisième sec- tion. Propagation de l'Église dans la Palestine, la Samarie, la Syrie, vm, 1-ix, 43. La persécution, dont saint Etienne fut la victime, disperse les fidèles et propage ainsi la foi dans la Judée et la Samarie, vm, 1-40. Elle est aussi l'oc- casion de la conversion de saint Paul, IX, 1-30. Pierre visite les Églises fondées en Judée, et y opère deux mi- racles insignes, ix, 31-43.

Deuxième partie, x, 1-xxvin, 31. — Première section. Les débuts de l'Église parmi les Gentils, x, 1-xn, 25. Pierre, averti par une vision céleste, reçoit dans l'Église le cen- turion Corneille et sa famille ; ils deviennent les prémices de la gentilité, x, 1-xi, 18. Bientôt s'établit à Antioche une Église composée de païens convertis, si, 19-26. Ceux- ci viennent en aide, par leurs aumônes, aux fidèles de Jérusalem, xi, 27-xn, 25. — Seconde section. Dissentiment entre les fidèles convertis du judaïsme et ceux de la gentilité, XIII , 1 - xv, 34. Premier voyage apostolique de saint Paul , en compagnie de saint Barnabe ; ses fruits abondants pour l'Évangile, xm, 1-xiv, 27 (28). Après leur retour, quelques judéo-chrétiens d' Antioche troublent l'Église en voulant soumettre les Gentils à la circoncision. Leurs prétentions sont écartées par les Apôtres, assemblés à Jérusalem, xv, 1-34. — Troisième section. Propagation de l'Église parmi les Gentils de la Macédoine, de l'Achaïe et de l'Asie, xv, 36-xxi, 15. Saint Paul, dans son second voyage aposto- lique, visite les Églises qu'il a fondées, xv, 36-xvi, 5, et, conduit par l'Esprit - Saint en Macédoine, il y établit les Églises de Thessalonique et de Philippes, xvi, 6-xvn, 15. De là il passe en Achaïe, et fonde l'Église de Corinthe, xvii, 16-xvm, 28. Enfin, dans son troisième voyage, il prêche la foi à Éphèse et la répand au loin par toute l'Asie proconsulaire, xix, 1-20, et, en repassant par la Ma- cédoine et l'Achaïe, il retourne à Jérusalem, xix, 21-xxi, 15. — Quatrième section. Captivité de saint Paul, nouveau moyen de propagation de l'Évangile, xxi, 16-xxvin, 31. Saint Paul , fait prisonnier à Jérusalem, est conduit à Cé- sarée, xxi, 16-xxin, 35. Retenu deux années en captivité, il prêche la foi devant les gouverneurs romains et devant le roi Agrippa, xxiv, 1-xxvi, 32. Envoyé à Rome sur sa demande, il y arrive après avoir subi un naufrage, xxvn, 1-xxvin, 15. Captif à Rome, il y prêche le royaume de Dieu à tous ceux qui viennent à lui, xxvm, 16-31.

Les événements racontés dans les Actes remplissent un espace d'environ trente- cinq ans, depuis le printemps de l'an 29 jusqu'au printemps de l'an 64.

VI. Véracité des Actes des Apôtres. — Elle est attaquée surtout par l'école rationaliste de Tubingue. D'après elle, l'auteur de cet écrit l'a composé dans un but polémique , celui de réconcilier le parti ethnico- chrétien avec le parti des judaïsants. A cette fin, il a arrangé son récit, histo- rique en apparence, de manière que les faits, en partie réels, en partie inventés, fissent apparaître Pierre et Paul comme également favorables aux idées des deux factions, et unis entre eux par les liens d'une concorde fraternelle. Ce n'est pas ici le lieu de démontrer que tout le système des Tubinguiens ne repose sur aucun fondement solide. Il suffit de faire voir comment l'authenticité du livre des Actes conduit à en admettre la véracité.

1° Saint Luc a été parfaitement renseigné sur les faits qu'il raconte. A partir du chapitre xx, il est présent à tous les événements. Compagnon de saint Paul pendant douze années, il a eu toutes les occasions désirables d'apprendre les détails du ministère apostolique de son maître. Quant 157

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aux faits du ministère de saint Pierre, dont il s’agit au commencement de l’histoire, il s’en est informé exactement auprès de v ceux « qui ont tout vu dès le principe » , ainsiqu’il nous en avertit lui-même dans le prologue de son Évangile. Saint Luc connaissait donc parfaitement tous les événements racontés dans ses mémoires.

2° Saint Luc a exposé fidèlement les choses comme il les savait. Il nous est connu, en effet, comme un homme d’une probité irréprochable ; d’ailleurs la candeur et la sincérité se laissent toucher au doigt dans ces pages écrites avec une simplicité où rien ne sent la recherche ni le parti pris. Enfin, quand même l’écrivain eût voulu tromper ses lecteurs , il n’y aurait pas réussi ; car les faits dont est tissu e son histoire sont pour la plupart des faits publics, illustres, accomplis devant des témoins nombreux. La fraude, s’il y en avait eu, n’aurait pas tardé à être connue et dénoncée.

VII. Difficultés soulevées contre la véracité du livre. — Pour convaincre saint Luc de fausseté , on a tâché de le mettre en contradiction avec saint Paul.

1" On prétend qu’il y a contradiction entre Act., xvn, 13-15 ; xvm, 5, et I Thess., m, 1-6. L’Apôtre écrit aux Thessaloniciens que, ne pouvant aller les trouver en personne, il s’est décidé à rester à Athènes, et à leur envoyer Timothée, pour les aider de ses exhortations dans leurs tribulations. Selon le récit des Actes, les Juifs de Thessalonique, ayant excité des troubles contre saint Paul à Bérée, en Macédoine, les fidèles conduisirent l’Apôtre à Athènes, tandis que Silas et Timothée demeurèrent seuls à Bérée. Saint Paul, après un court séjour à Athènes, se rendit à Corinthe , et c’est là seulement que Silas et Timothée , partis de Macédoine, vinrent le rejoindre. Timothée ne se serait donc point trouvé à Athènes avec son maître ; d’où il suivrait que celui-ci n’aurait pas pu l’envoyer de là à Thessalonique.

Nous pouvons répondre d’abord à cette objection d’une manière indirecte. Le récit des Actes et les Épîtres de saint Paul se rencontrent à chaque pas, relativement aux détails les plus minutieux de la carrière évangélique de l’Apôtre. Or, s’il y a quelque chose de remarquable, c’est la concordance parfaite que l’on constate entre l’historien d’un côté et l’autobiographe de l’autre. Nous sommes donc en droit de supposer, à priori, qu’en l’endroit spécial objecté, cette concordance existe comme ailleurs ; et, examen fait, si nous ne parvenions pas à la découvrir, le parti le plus sage serait encore d’avouer notre ignorance. Mais nous ne sommes pas réduit à cette extrémité. Pour faire concorder saint Luc et saint Paul, il suffit de suppléer quelque chose à leurs renseignements incomplets. Voici une hypothèse probable qui concilie tout. Saint Paul, arrivé à Athènes, donne ordre à Silas et à Timothée de venir le rejoindre en cette ville. Act., xvn, 15. Ils y viennent. L’Apôtre, avant de quitter Athènes, envoie Timothée à Thessalonique, et Silas dans une autre ville de Macédoine. Pendant que l’un et l’autre remplissent leur mandat, Paul va à Corinthe, où il est de nouveau rejoint par ses deux disciples, revenus de Macédome. — Il peut encore se faire que l’Apôtre , révoquant l’ordre qu’il avait donné d’abord, ait enjoint à Timothée d’aller de Bérée à Thessalonique sans venir à Athènes, et à Silas d’attendre à Bérée le retour de Timothée.

2° On veut aussi trouver des contradictions dans les trois récits de la conversion de saint Paul, qui sont tous trois donnés dans les Actes, ix, 7 ; xxii, 9 ; xxvi, 14. Au premier endroit, il est dit que les compagnons de Saul, lorsqu’ils entendirent la voix céleste, demeurèrent debout, frappés de stupeur ; au troisième endroit, tous sont couchés par terre au moment où la voix se fait entendre. Il est rapporté aussi, dans le premier récit, que les compagnons de Saul entendirent la voix sans voir personne ; dans le second, au contraire, que ces hommes virent la lumière , mais n’entendirent pas la voix de celui qui parlait avec Saul.

Notons avant tout que le premier récit est le seul que saint Luc donne en son propre nom ; dans les autres passages, il reproduit le récit donné par saint Paul lui-même. Tout ce qu’on est en droit de lui demander dans ces deux passages, c’est qu’il ait rendu fidèlement les discours de l’Apôtre. Quand même ces discours seraient, en quelques circonstances secondaires, en désaccord avec la narration de l’historien, on pourrait tout au plus en conclure que, à plusieurs années de distance, les souvenirs de l’Apôtre ne lui seraient pas restés tout à fait fidèles touchant quelques menus détails, et que saint Luc n’a pas cru nécessaire de rectifier cette légère méprise. Piisqii’il n’est pas certain que l’Apôtre fût inspiré dans ces deux récits, il ne répugne pas absolument que ses souvenirs l’aient trompé touchant des détails qui n’altèrent pas la substance du fait. Mais il n’est pas même nécessaire de recourir à cette supposition. Rien n’empêche d’admettre que les compagnons de Saul , terrassés d’abord par l’éclat de la lumière, se soient relevés aussitôt et aient écouté debout et dans la stupéfaction la voix du ciel. Saul lui - même , terrassé par la lumière , vit Jésus et entendit seul distinctement sa voix. Mais, après le colloque avec le Sauveur, il se leva aveuglé, ne voyant plus rien , quoiqu’il eût les yeux ouverts. Ainsi s’explique , la première antilogie. Pour avoir raison de la seconde, on peut dire que la voix qui interpella Saul fut entendue par tous les voyageurs ( c’était peut-être d’abord un bruit inarticulé), mais non celle qui engagea un dialogue avec le seul chef de la troupe.

3° On signale une erreur historique dans la harangue de Gamaliel, Act., v, 36, lorsque celui-ci mentionne comme un fait passé la révolte de Theudas , chef de quatre cents rebelles. D’après FI. Josèphe, Antiq.jud., XX, v, 1, Theudas fut puni de mort pour crime de rébellion par le gouverneur C. Fadus, c’est-à-dire quatorze ans après le discours de Gamaliel.

Pour qu’on fût en droit d’accuser d’erreur l’écrivain sacré, il faudrait qu’on démontrât : premièrement, que le Theudas de Gamaliel est le même que celui de Josèphe ; secondement, que, cela étant supposé, l’exactitude historique en ce point est plutôt du côté de Josèphe que du côté de saint Luc. Josèphe écrivit son histoire vingt ans après saint Luc, et il n’avait pas eu, comme celui-ci, des relations avec un des disciples de Gamaliel. Or c’est un principe constant en critique que , lorsque deux historiens également sérieux se contredisent dans les circonstances d’un événement, on préfère la relation de celui des deux qui est contemporain de cet événement, et qui se rapproche davantage des personnes mêlées au fait rapporté. Nous serions donc, dans le cas présent, en plein droit de rejeter la relation de Josèphe, et de nous attacher à celle de saint Luc. Mais il y a plus : les deux relations ne se refusent pas à une conciliation. Vers l’époque dont parle Gamaliel, Josèphe place la révolte d’un certain Mathias. Antiq.jud., XVII, vi, 4. Ce Mathias pourrait bien être le Theudas ou Théodas de saint Luc. Car les noms de Mathias, en hébreu, et de Théodas (abrégé de Théodoros), en grec, ont la même signification : a don de Dieu. » Ils peuvent donc avoir été portés à la fois par un même individu , d’après un usage assez fréquent chez les Juifs.

4° On relève dans le discours de saint Etienne des inexactitudes relativement à l’histoire du peuple d’Israël , Act., vu, 4, 6.

C’est à tort qu’on impute ces inexactitudes, si elles existent, à l’auteur des Actes ; elles sont le fait de l’orateur dont saint Luc rapporte les paroles. Le martyr, quoique rempli du Saint-Esprit, n’était pas nécessairement inspiré dans sa harangue. Il pouvait donc se tromper sur quelques points indifférents à la substance des choses, comme l’ont remarqué le V. Bède et plusieurs commentateurs.

VIII. Commentaires principaux. — 1« Commentaires anciens. Saint Jean Chrysostome a écrit sur les Actes un commentaire homilétique ; Cassiodore (v« siècle), Complectiones in Acta Apostolorum ; V. Bède, Expositio super 159

ACTES DES APOTRES — ACTES APOCRYPHES DES APOTRES

160

Acta Apostolorum, et Liber retractationis in Actus Apostolorum ; Théophylacte (xi e siècle), In Acta Apostolorum. — 2° Commentaires modernes. Catholiques : Érasme, Adnotationes, Bàle, 1516 ; Vatable, Adnotationes , Paris, 1515 ; Gagnseus, Scholia in Actus Apostolorum, Paris, 1552 ; Arias Montanus, Elucidaliones in Acta Apostolorum, Anvers, 1575 ; Lorinus, S. J., In Acta Apostolorum commentaria, Lyon, 1605 ; Gaspard Sanchez, S. J., Commentera in Actus Apostolorum, Lyon, 1616 ; Fromond, Actus Apostolorum... illustrait, Louvain, 1654. — Protestants : Van Limborgh, Rotterdam, 1711 ; Pearce, Londres, 1777.

— 3" Commentaires récents. Catholiques : Beelen, Commentarius in Acta Apostolorum, 2 e édit., Louvain, 1864 ;

’ Patrizi, In Actus Apostolorum commentarii, Rome, 1867 ; Bisping, Exegelisches Handbuch, Munster, 1871 ; Crampon, Les Actes des Apôtres, 1872 ; Crelier, Les Actes des Apôtres, dans la sainte Bible de Lethielleux, Paris, 1883.

— Protestants : J. G. Rosenmùller, Scholia in Novum Testamentum, 1821-1835 ; Baur, Paulus der Apostel, 1867 ; Baumgarten, Apostelgeschichte, Halle, 1852 ; Lekebusch, Die Composition und Entstehung der Apostelgeschichte, Gotha, 1854. J. Corluy.

ACTES APOCRYPHES DES APÔTRES. Sous

les noms divers de npàÇetç, actus, acta, rcepîoo’oi ou « voyages », marlyria, passiones, etc., on a retrouvé les restes ou les traces de documents prétendant nous raconter les missions apostoliques. Originaires pour la plupart de milieux asiatiques ou phrygiens, à une époque où les communautés chrétiennes de ces régions étaient infestées de gnosticisme et de manichéisme, ils ont été de bonne heure exclus de l’usage catholique ou expurgés. Voir Abdias 6. Le pape saint Léon écrivait, en 447 : « Il faut veiller, et c’est surtout au zèle des prêtres que nous en faisons un devoir, à ce que les livres falsifiés et en désaccord avec la sincère vérité ne soient point lus parmi les catholiques. Mais les Écritures apocryphes, qui, sous le couvert du nom des Apôtres , contiennent le germe de tant d’erreurs, non seulement doivent être interdites, mais complètement supprimées et brûlées. Si, en effet, elles renferment quelques pieux éléments, jamais elles ne sont exemptes de venin, et le charme de leurs fables a cet effet caché de séduire par le merveilleux du récit pour mieux envelopper le lecteur dans les rets de leurs hérésies. » Epist. xv, 15, t. liv, col. 688. Le peu qui nous reste de cette littérature , négligé des hagiologues du xvii» et du xvm« siècle, n’a été recueilli et étudié convenablement que de nos jours. Mais on a vu alors que ces pièces apocryphes et fabuleuses constituent une contribution d’une haute valeur à l’histoire des trois premiers siècles. La critique, qui a beaucoup démoli , reconstruit aussi : ce chapitre de l’histoire littéraire chrétienne sera l’une de ses plus ingénieuses et durables reconstructions. On la doit aux publications de J. C. Thilo, C. Tischendorf, W. Wright, auxquels il faut ajouter MM. Malan, Zahn, Usener, Bonnet, Guidi et les Bollandistes , mais très particulièrement aux recherches de M, Lipsius, professeur de théologie à l’université d’Iéna, dont le travail, Die apokryphen Apostelgeschichten und Apostellegenden, ein Beitrag zur altchristlichen Literaturgeschichten , Brunswick, 1883-1890, encore qu’on y trouve trop de traces des idées rationalistes démodées de l’école de Tubingue, ne laisse pas d’être le gros œuvre de cette reconstitution. Le présent article a pour objet d’inventorier les Acta anciens que nous possédons sur les Apôtres , et de résumer aussi brièvement que possible les résultats acquis sur l’origine de ces Acta.

I. Acta S. Johannis. — Des fragments grecs (tous nos Acta anciens ont été originairement grecs) des Acta de l’apôtre saint Jean, publiés par Thilo, Fragmenta Acluum S. Johannis a Lettcio Charino conscriptorum, Halle, 1847 ; puis de nouveau par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 266-276. ont été reproduits par M. Th. Zahn dans une monographie de valeur,

Acta Joannis, Erlangen, 1882, p. 219-252. De ces Acta primitifs, on possède une sorte d’adaptation ou remaniement attribué à Prochorus, disciple de saint Jean, cf. Act., vi, 5, publié en latin, pour la première fois, par de la Bigne (1575), dans sa Bibliothecà maxima Patrum ; en grec , pour la première fois, par M. Zahn, op. cit., p. 3-165 : ce pseudo- Prochorus est une œuvre catholique des environs de l’an 500, et vraisemblablement d’origine palestinienne. Zahn, p. lx ; Lipsius, 1. 1, p. 406. Ajoutons un autre remaniement, celui - ci latin et décoré du nom de Méliton ; nous en parlerons à l’article Méliton. A en juger par les quatre fragments grecs que nous possédons et par le récit de mort ou y.vtiotaatç ’luiâwau, qui a dû en faire partie, Zahn, p. 238 et suiv., les Acta Johannis anciens étaient une œuvre d’origine gnostique. M. Zahn, p. cxlv, les date des environs de l’an 130 ; M. Lipsius, 1. 1, p. 515, les attribue à la seconde moitié du II e siècle.

Pour donner un spécimen de cette littérature, je citerai un hymne gnostique , incorporé dans les Acta Johannis, Zahn, p. 220-221 : « Gloire à toi, Père ! — Et nous qui l’entendions, nous répondions : Amen. — Gloire à toi, Verbe ! Gloire àtoi, Grâce ! — Amen. — Gloire à toi, Esprit ! Gloire à toi, Saint ! Gloire à ta gloire ! — Amen. — Nous te louons, ô Père ; nous te rendons grâce (eùxapi<rroûu.Ev), ô Lumière en qui l’ombre n’habite point ! — Amen. — De celui de qui nous rendons grâce (ê ?’ m ei3xapK"oû[i.ev), je parle : être sauvé je veux, et sauver je veux. — Amen.

— Être délivré je veux, et délivrer je veux. — Amen. — ... Manger je veux, et être nourri je veux. — Amen. — ... La Grâce est notre chorège ( xopeûei ) : chanter ( aù),7i<rat ) je veux : dansez en chœur (ôp^ffauBs) tous ! — Amen. » On dirait un hymne orphique. Et ceci , que nous ne possédons qu’en latin :

Lucerna sum tibi , ille qui me vides.

Janua sum tibi, quicumque me puisas.

Qui vides quod ago , taco opéra mea.

Verbo illusi cuncta, et non sum illusus in totum.

De cet hymne d’une si singulière poésie, rapprochez les très belles prières eucharistiques que la Metastasis met dans la bouche de saint Jean présidant à la fraction du pain au moment de mourir. Zahn, p. 243 :

« Et ayant demandé du pain, il rendit grâces en disant : Quelle louange, quelle offrande, quelle action de grâces dans cette fraction du pain t’offrirons -nous, sinon toi seul ? Nous glorifions ton nom prononcé par le Père, nous glorifions ton nom prononcé par le Fils , nous glorifions la résurrection, à nous révélée par toi. Nous glorifions, de toi , la semence , la parole , la grâce , l’ineffable pierre précieuse,... le diadème, et le Fils de l’homme pour nous annoncé, et la vérité, et la paix, et la gnose, et la liberté , et le don de se réfugier en toi ! Car tu es seul Seigneur, et la racine de l’immortalité, et la source de l’incorruptibilité , et l’assiette des siècles ! »

II. Acta S. Andréas. — Un important fragment grec nous en est parvenu sous le titre de Acta SS. Andrex et Mathise in civitate Anthropophagorum, publié pour la première fois par Thilo, Acta Si’, apostolorum Andrex et Mathise, Halle, 1847, et à nouveau par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 132-166. M.Wright a publié une version syriaque du même morceau dans ses Apocryphal Acts of the Aposlles, Londres, 1871, t. n. Il ne faut pas confondre ces Acta anciens avec ÏEpistola encyclica presbyterorum et diaconorum Achaise de martyrio S. Andrex, publiée en dernier lieu, en grec, par Tischendorf, op. cit., p. 105-131, et qui, tout en dépendant partiellement de nos Acta, est une œuvre catholique des environs de la fin du iv e siècle. Nos Acta, qui ont eu une grande circulation chez les catholiques, ont été cependant à l’origine une œuvre gnostique, et l’on y relève encore quelques traces de gnosticisme. D’après M. Lipsius, t. i, p. 603, ils seraient de la seconde moitié du n* siècle.

UI. Acta S. Thomas. — Une partie du texte grec de 161

ACTES APOCRYPHES DES APOTRES

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ces Acta avait été publiée par Thilo, Acta Thomas, Leipzig, 1823, et à nouveau par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. v 190-234. Le texte complet grec a été reconstitué et publié par M. Mai Bonnet, professeur à la faculté des lettres de Montpellier, Acta Thomse, Leipzig, 1883. Dans l’intervalle, M. Wright en avait publié une version syriaque dans ses Apocryphal Acta of the Apostles, t. il. Les Acta Thomse sont aujourd’hui le spécimen le plus complet de cette littérature légendaire. Les traces de gnosticisme y sont nombreuses , spécialement dans les développements oratoires sur l’ascétisme et sur la virginité, thèmes chers aux gnostiques : on y a relevé, comme dans les Acta Johannis ci-dessus, plusieurs morceaux en forme d’hymne. D’après M. Lipsius, 1. 1, p. 346, les Acta S. Thomse seraient du second quart du III e siècle.

Voici, comme spécimen, le « cantique de la Sagesse » ou de 1’ « Église », dont l’original était probablement syriaque, et, en toute hypothèse, biensiugulièrement dans le goût de Bardesanes. Il est chanté dans un festin païen, par une psaltria juive , que saint Thomas a convertie en secret. Bonnet, p. 8-9 ; Lipsius, 1. 1, p. 301 -303 : « La jeune vierge est fille de la Lumière, et sur elle rejaillit et repose la splendeur des rois. Superbe et doux est son regard, resplendissant d’une beauté lumineuse. Ses vêtements ressemblent aux fleurs printanières, et un suave parfum s’en exhale... Sur sa tête trône la Vérité ; à ses pieds, la Joie... Sa langue est comme le vélum d’une porte, qui se soulève pour laisser passer. Sa nuque est comme le degré [suprême] que le Démiurge a posé. Ses deux mains découvrent le chœur des Éons heureux, et ses doigts désignent les portes de la Ville. Sa couche nuptiale est étincelante, et des suavités de baume , de myrrhe et de fleurs jonchées s’en échappent... Autour d’elle, pour la protéger, sont ses fiancés ; ils sont huit, huit choisis par elle. Au nombre de sept sont ses paranymphes , qui marchent devant elle comme un chœur. Douze sont ses serviteurs, qui vont le visage tourné vers la fiancée [ ?], dont le regard les éclaire. Et avec elle [ ?] ils seront toute l’éternité, et éternelle sera leur joie. Et ils auront leur place à ces noces où les grands seront convoqués, à ce festin où les Éons sont conviés. Et ils seront revêtus de robes royales... Dans la joie, dans l’allégresse ils seront, et ils glorifieront le Père de l’univers , ce Père dont ils ont reçu la douce Lumière, dont le visage les a éclairés, dont l’ambroisie a été leur nourriture, dont le vin a été leur breuvage, ce vin qui apaise toute soif et tout désir de la chair. »

IV. Acta SS. Pétri et Pauli. — Nous possédons deux monuments différents sur les deux apôtres romains. Le premier est intitulé dans les manuscrits : Martyriura SS. Pétri et Pauli apostolorum a Lino papa grsece conscriptum et orientalibus Ecclesiis destinatum. Ce pseudo-Linus a été publié pour la première fois par le Fèvre d’Étaples, dans son Commentarius in Epistolas Pauli, Paris, 1512 ; puis par de la Bigne, dans sa Bibliotheca maxima Patrum,t. n, p. 67-73. Voyez aussi Bolland., Acta sanctorum junii, t. v (1709), p. 424-428. Le texte latin est traduit indubitablement du grec ; mais l’original grec est demeuré jusqu’à ce jour inédit, à l’exception d’un fragment signalé par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. XX, et publié par M. Lipsius, Jahrbûcher fur protestantische Théologie, 1886, p. 86-106. Le second monument est intitulé Marcelli, quem discipulum Pétri apostoli ferunt, de mirificis rébus et actibus beatorum Pétri et Pauli et de magicis artibus Sitnonis magi. Ce pseudo-Marcellus a été publié pour la première fois par Florentini dans son édition du Martyrologe hiéronymien, Lucques, 1668, et reproduit par Fabricius, Codex apccryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1703, t. m, p. 632-653. Thilo, Acta Pétri et Pauli, Halle, 1837, puis Tischendorf, ouvr. cit., p. 1-39, ont donné l’original grec du pseudo-Marcellns.

Le pseudo-Linus n’est qu’un fragment on abrégé tardif, du v-vi" siècle (ainsi Lipsius). Mais ce pseudo-Linus a DICT. DE LA BIBLE.

pour source des itepioSoi IIstpou xa IlaûXou grecques, dont on a retrouvé des fragments, indépendants du pseudo-Linus, d’abord dans le De excidio urbis Hierosolymitanee du pseudo - Hégésippe , œuvre de la seconde moitié du IV e siècle (368 environ), peut-être même œuvre de saint Ambroise ; ensuite dans les Actes des saints Nérée et Achillée, Bolland., Acta sanctorum tnaii, t. m (1680), p. 6 et suiv., lesquels ne sont pas postérieurs au pseudo-Hégésippe ; surtout enfin dans les Actes latins de saint Pierre, découverts récemment dans un palimpseste de Verceil du VI e siècle, Actus vercellenses. M. Lipsius voit dans ces itcpt’oSoi une œuvre gnostique de la seconde moitié du il» siècle.

Voici quelques citations des prières que le pseudo-Linus met sur les lèvres de saint Pierre : « O croix, qui as réuni l’homme à Dieu, et qui l’as si magnifiquement arraché au domaine de la captivité diabolique ! O croix, qui remets perpétuellement sous les yeux de l’humanité la passion du Sauveur du monde et la rédemption de la captivité humaine ! O croix , qui chaque jour partages aux peuples fidèles la chair immaculée de l’Agneau, qui dissipes par le calice salutaire les cruels venins du serpent, et qui éteins les feux de l’épée flamboyante qui fermait aux croyants le seuil du paradis !... » Lipsius, t. H, 1, p. 264. « Seigneur, tu es pour moi ami et père , l’auteur de mon salut, mon désir, mon rafraîchissement, mon rassasiement. Tu m’es tout , et tout est pour moi en toi. Tu m’es tout ; et tout ce qui est, tu l’es pour moi. En toi nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes. Et voilà pourquoi nous devons nous tourner vers toi pour tout avoir. Donne-nous, Seigneur, l’objet de tes promesses, ce que l’œil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu, ce que le cœur de l’homme n’a jamais senti monter en lui, ce que tu as préparé à qui t’aime... Nous te prions, Seigneur Jésus, nous t’invoquons, nous te glorifions, nous te confessons, nous t’honorons, dans l’infirmité de notre humanité , parce que tu es le seul Seigneur, et qu’il n’y en a point d’autre que toi. A toi l’honneur, à toi la gloire, à toi la puissance, maintenant et dans des siècles de siècles ! Ainsi soit-il. » Ibid. Ces belles prières eucharistiques sont à rapprocher de celles que nous ont fournies les Acta Johannis, et que l’on retrouve dans les Acta Andrex.

Le pseudo-Marcellus est, au contraire du pseudo-Linus, une œuvre catholique ; elle parait avoir existé dès le commencement du iv« siècle. Mais M. Lipsius, et c’est ici que se retrouve le postulatum de Tubingue , veut qu’elle soit un simple remaniement catholique d’une œuvre ou légende ébionite, dans laquelle, au lieu des trois personnages Pierre, Paul, Simon, il n’y en aurait plus que deux, Pierre et Simon- Paul, le magicien Simon n’étant que le masque de l’Apôtre des Gentils. J’emprunte ces dernières lignes à une recension faite par M. l’abbé Duchesne, Bulletin critique, 1887, p. 1G1-167, de la publication de M. Lipsius, et où M. Duchesne a montré que des deux légendes, celle qui était ancienne, c’était la légende gnostique, celle du pseudo-Linus. « Commodien, Arnobe, les Constitutions apostoliques, dans leurs plus anciennes rédactions, en dépendent certainement... Et il y a lieu de croire qu’Origène, lui aussi, dépend des actes gnostiques... 11 est clair, du reste, que, sur plus d’un point, la légende guostique a inspiré la légende catholique. » Enfin un passage important des Philosophumena , vi , 20, dont 1’ « auteur écrivait à Rome vers l’an 225 », empêche de « faire remonter au delà du m e siècle les premières rédactions de la légende » prétendue ébionite.

Nous voilà donc en présence de quatre légendes apostoliques, de Jean, d’André, de Thomas, de Pierre et Paul, toutes quatre d’origine gnostique, et toutes quatre (sauf celle de saint Thomas) datant de la seconde moitié du II e siècle. Ces quatre légendes furent dé bonne heure réunies en une collection, collection mise sous le nom d’un même auteur, l’auteur présumé des Acta S. Johannis, Leucius.

8 163

ACTES APOCRYPHES DES APOTRES

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Le patriarche Photius (ix« siècle) en avait encore un exemplaire, qu’il décrit dans son Myriobiblon , Cod. 114, t. cm, col. 389, sous le titre de Al twv ’AtoxttôXwv itspioâoi ; il appelle l’auteur Leucius Charinus ; ledit exemplaire contenait les Acta de Pierre, Jean, André, Thomas et Paul. C’étaient bien les nôtres, et dans leur intégrité. Photius les condamne fortement, comme une œuvre entachée de docétisme, de dualisme et d’encratisme. Cette même collection existait en latin, et une lettre de Turribius, évêque d’Astorga, écrite vers 447, nous signale ces mêmes Actes d’André, de Jacques et de Thomas, « specialiter illos qui appellantur sancti Joannis, quos sacrilego Leucius ore conscripsit, » comme très répandus parmi les Priscillianistes. S. Leonis epistolse, xv bis, 5, t. liv, col. 694. Saint Augustin nous témoigne, en plusieurs occasions de ses polémiques contre les manichéens, que cette même collection des Actes de Pierre , Jean , André , Thomas et Paul , était en grande faveur dans la secte, et y circulait toujours sous le nom de Leucius, t. xlii, col. 539. Le décret dit du pape Gélase, et qui est du commencement du vi e siècle, les condamne en ces termes : « Libri omnes quos fecit Leucius, discipulus diaboli, apocryphi. » Mansi, Concil., t. vm, p. 150. 11 n’est pas prouvé que saint Épiphane ait connu la collection, encore qu’il cite tous ces Acta individuellement ; mais il connaissait le nom de Leucius , et il fait de ce personnage un disciple de l’apôtre saint Jean, lequel aurait avec l’apôtre combattu les ébionites. Hser. li, t. xli, col. 897. Fictif ou non, ce personnage est celui à qui sont attribués les Acta S. Johannis. Il ne parait pas que les autres Acta aient à l’origine porté le nom de Leucius, ni non plus qu’ils soient sortis d’une même officine , encore que leur théologie appartienne à une même époque et à un même milieu asiatique.

V. Acta S. Pauli et S. Theclse. — Us ont été publiés en grec pour la première fois par Grabe, Spicilegium sanctorum Patrum, 1714, 1. 1, p. 95-144 ; puis par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 40-63. M. Wright en a publié une version syriaque, Apocryphal Acts of the Apostles, t. il, p. 116-145. Ces Acta, soit grecs, soit syriaques, paraissent n’être qu’une édition catholique expurgée des Acta primitifs. Peu de personnages des premiers temps du christianisme ont eu dans l’ancienne Église une renommée comparable à celle de fhècle ; elle est tenue pour la première femme martyre, et mise sur le même rang que saint Etienne dès le m e siècle (ainsi Cyprien d’Antioche, Méthodius, Eusèbe, saint Épiphane, saint Isidore de Péluse, etc.). Au iv e siècle, on montrait son martyrium aux portes de Séleucie d’Isaurie, S. Silvise aquitanse peregrinatio, édit. Gammurririi, Rome, 1887, p. 73-74, au même titre que l’on montrait celui de saint Thomas à Édesse, ibid., p. 62. C’est ce personnage, dont l’historicité est surtout établie par le fait de l’existence de son tombeau à Séleucie, qui a servi de thème au développement romanesque des Acta Pauli et Theclse. De ce roman saint Jérôme écrivait en 392, De viris M. 7, t. xxm, col. 651 : « lgitur iuspi’o8ouc Pauli et Theclse et totam baptizati leonis fabulam inter apocryphas scripturas computamus... Sed et Tertullianus, De Èaptismo, 17, vicinus eorum temporum, refert presbyterum quemdam in Asia mtouSauTriv apostoli Pauli, convictum apud Joannem quod auctor esset libri, et confessum se hoc Pauli amore fecisse, loco excidisse. » Le témoignage de Tertullien atteste l’existence des Acta Pauli et Theclse à la fin du II e siècle, et si l’on se tient à la lettre même de l’affirmation de Tertullien , c’est à l’époque de Trajan (98-117) qu’il faudrait rapporter la composition desdits Acta (ainsi M. Zahn). Il est plus probable que nous avons là une œuvre encratite (plutôt que gnostique), voisine de l’origine du montanisme : du troisième quart du II e siècle environ. — Voir Lipsius, ouvr. cit., t. i, 1, p. 424-467 ; C. Schlau, Die Acten des Paulus und der Thehla, Leipzig, 1877 ; A. Rey, Élude sur les Acta Pauli et Theclse, Paris, 1890.

VI. Acta S. Maltluei. — Nous possédons en grec un

Martyrium S. Matthsei in Ponto, publié pour la première fois par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 167-189. 11 débute par une des plus gracieuses fictions de toute cette littérature : l’apparition devant saint Matthieu de l’enfant Jésus sous la figure d’un des saints Innocents, « qui chantent les psaumes dans le paradis. » On y a relevé des traces de gnosticisme. D’après M. Lipsius , ces Acta auraient été composés au commencement du m e siècle, op. cit., t. H, 2, p. 121.— Les Bollandistes (le P. Stilting) ont publié le texte latin d’une légende éthiopienne de saint Matthieu, qui est une légende monophysite de beaucoup de valeur pour l’histoire du christianisme en Abyssinie, mais qui est indépendante de nos Acta gnostiques. Voir Acta sanctorum septembris, t. vi (1757), p. 220-224.

VII. Acta S. Philippi. — Des quinze npàÇeiî ou chapitres dont se composaient anciennement ces Acta, deux (la quinzième et la seconde) ont été publiées par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 75-104 ; huit (la première, et de la troisième à la neuvième) par M. l’abbé Batiffol dans les Analecta Bollandiana de 1890. M. Wright a donné la version syriaque de ces mêmes Acta grecs dans ses Apocryphal Acts of the Apostles, t. n. Ici encore nous avons affaire à une œuvre gnostique. D’après M. Lipsius, t. il, 2, p. 15, elle daterait du commencement ou de la première moitié du m e siècle. Mais, de plus, nous avons affaire à une légende en partie localisée à Hiérapolis ( Phrygie ) , et dont les attaches archéologiques sont manifestes. Voyez Bulletin critique, t. xi, 1890, p. 478.

VIII. Acta S. Bartholomxi. — Nous en avons, sous le titre de Martyrium S. Bartholomssi , une itpàÇtç, par le pseudo-Abdias, publiée en grec pour la première fois par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 243-260, en latin à peu près littéralement traduite dans les Bollandistes, Acta sanctorum augusti, t. v (1741), p. 34-38. Ce qui nous reste là est très sensiblement entaché de nestorianisme. D’après M. Lipsius, t. h, 2, p. 71, ce Martyrium ne daterait que de la seconde moitié du V e siècle, ou de la première moitié du vi e ; mais il dépendrait d’un récit purement juif, d’une date fort ancienne.

IX. Acta S. Barnabse. — Un texte grec en a été publié par le P. Papebroch , Bolland., Acta sanctorum junii, t. il (1698), p. 431-435, et réédité par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha , p. 64-74. Ces Acta sont mis sous le nom de l’évangéliste saint Marc, comme les Acta S. Bartholomssi sont mis sous le nom de Craton, disciple des Apôtres, et ils sont un pastiche catholique des Actes canoniques des Apôtres. Cet apocryphe, sûrement antérieur à la fin du V e siècle, puisqu’il est oublié déjà de l’auteur grec de Ylnventio reliquiarum S. Barnabse, lequel est de la fin du V e siècle ou du commencement du vi», Bolland., ouvr. cit., p. 436-452 ; cet apocryphe, dis -je, serait, d’après M. Lipsius, fondé sur des Acta vraisemblablement gnostiques de la seconde moitié du m e siècle au plus tôt.

X. Doctrina Addai. — Elle représente ici tous les actes de Thaddée : c’est le récit de la mission de Thaddée ( = Addaï) et d’Aggée à Édesse. Elle a été publiée en syriaque, qui est l’original, par Cureton, Ancient Syriac documents, Londres, 1864, et étudiée par M. Lipsius dans une monographie à part , Die edessenische Abgar - Sage, Brunswick, 1880, et tout récemment par M. l’abbé Tixeront, Les origines de l’Église d’Édesse, Paris, 1888. Voyez l’article Abgar de ce dictionnaire, et aussi Bulletin critique, 1889, p. 41-48. La Doctrina Addai est une œuvre catholique de la fin du m» siècle ou du commencement du iv» ; mais elle a eu pour source une légende écrite syriaque plus ancienne, connue de l’historien Eusèbe, remontant à la première moitié du m e siècle, et que l’on est convenu de désigner sous le nom A’ Acta edessena. Des Acta Thaddsei grecs, datant de la première moitié du rv» siècle, mais tributaires de la Doctrina Addai, ont été publiés pour la première fois par Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 261-265. •165

ACTES APOCRYPHES DES APOTRES — ADAD

m

D’autres Actes ou légendes apostoliques ont été en circulation dans l’ancienne Église, mais on n’en a recueilli que des traces fort effacées : des Acta SS. Simonis et Judx, des Acta S. Jacobi Zebedxi, des Acta S. Jacobi Alphsei, des Acta S. Mathiee, dont il ne reste de vestige que dans la littérature copte. Signalons enfin des Acta ■S. Timothei, publiés en grec et étudiés par M. Usener, Acta S. Timothei, Bonn, 1877. Ils sont d’un intérêt tout à fait secondaire.

En résumé, nous avons : du II e siècle, les Acta des saints Pierre et Paul , de saint Jean , de saint André , de sainte Thècle ; du m e , ceux de saint Thomas, de saint Matthieu, de saint Philippe, et ces Acta divers, à nous venus de milieux asiatiques ou phrygiens très pénétrés de gnosticisme et d’encratisme, nous sont un élément précieux pour l’histoire de la pensée chrétienne populaire à cette époque bien obscure de son développement. Cela soit dit de tout ce qu’il y a de dogmatique et d’éthique dans cette littérature. Quant à tout ce qu’il y a d’historique, d’archéologique, et en un mot de tradition locale ilans ces documents , on ne peut l’indiquer ici qu’ira globo : l’analyse de ces éléments réels n’a pas été faite par M. Lipsius, et l’a été seulement pour une faible part par M. von Gutschmid, Die Kônigsnamen in den apokryphen Apostelgeschichten , dans le Rheinisches Muséum, 1864, p. 161-183, 380-401. Le travail reste à faire, et il suffit de mentionner quelques faits, je ne dis pas comme la venue de saint Pierre à Rome ( les preuves en sont multiples et indépendantes tant du pseudo-Linus que du pseudo-Marcellus ) , mais comme le Domine quo vadis , la tradition des missions de saint Thomas dans l’Inde, etc., pour marquer l’intérêt d’une telle recherche.

En outre des publications mentionnées ci -dessus de Thilo, Tischendorf, Wright, Lipsius, Zahn , Usener, Bonnet, Batiffol, on consultera S. C. Malan, The conflicts •of the holy Apostles, an apocryphal book of the eastern Church, translated from an Ethiopie manuscript, Londres, 1871 ; J. Guidi, Gli atti apocrifi degli Apostoli nei testi copti, arabi ed eliopici, dans le Giornale délia società asiatica italiana, t. il (1888), p. 1-68 ; 0. de Lemm, Koptische apokryphe Apostelacten , dans les Mélanges asiatiques, t. x (1890), de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg ; un excellent exposé de vulgarisation dans G. Salmon, A historical introduction to the study of the books of the New Testament, ¥ édit., 1889, ch. xix : Apocryphal Acts of the Apostles, p. 352-386.

P. Batiffol.

ACTON Radulphe , prêtre anglais , qui écrivait vers l’an 1320, a laissé des commentaires sur les Épltres de saint Paul. Voir J. Leland, De Scriptoribus illustribus britannicis, 2 in -8°, Oxford, 1709.

ADA, hébreu : ’Àdâh, « ornement ; » Septante : ’A8i.

1. ADA, la première des deux femmes de Lamech, mère de Jabel et de Jubal. Gen., iv, 19, 20, 23.

2. ADA, fille d’Élon, Héthéen, épouse d’Ésaù et mère d’Éliphaz. Gen., xxxvi, 2, 4, 10, 12, 16. Au chapitre xxvi, 34 •de la Genèse, elle est appelée Basemath. Il ne faut pas confondre Ada ou Basemath, fille d’Élon, avec Basemath, fille d’Ismaël , autre femme d’Ésaû.

ADAD, hébreu : Hâdad ; Septante : ’ASâS.

1. ADAD, fils de Badad et successeur de Husan dans le royaume d’Idumée. D défit les Madianites sur les terres de Moab. Le nom de sa capitale est Avith (Septante : retôatu). Gen., xxxvi, 35-36 ; I Par., i, 46, 47.

2. ADAD, autre roi d’Idumée, successeur de Balanan. Il régna dans la ville de Phaû. I Par., I, 50, 51. Il est appelé Adar, Gen., xxxvi, 39. D vient le huitième sur la

liste des rois d’Idumée, donnée par Moïse, Gen., xxx’vt, 31-39, et est le seul dont la mort n’est pas mentionnée. L’auteur des Paralipomènes, qui reproduit cette liste, ajoute : « et il mourut. » I Par., i, 51. Il semble donc qu’Adad était encore sur le trône quand Moïse dressa cette liste. Ne serait-il pas ce roi d’Idumée, auquel il demanda en vain le passage par ses terres ? Num., xx, 14-21. Voir Idumée.

3. ADAD (hébreu : Hâdad ; une fois ’Âdad par erreur, III Reg., xi, 17 ; Septante : "A8sp ), issu de la race royale d’Édom, est peut-être un descendant du précédent. Lorsque Joab, à la tête des troupes de David, vint en Idumée pour exterminer toute la population mâle, ce prince, alors tout jeune, réussit à s’échapper avec quelques serviteurs de son père. Il s’enfuit dans le pays de Madian , et par le désert de Pharan vint chercher un asile en Egypte. A l’époque de la guerre d’Idumée, vers le milieu du règne de David, Osochor, cinquième roi de la vingt et unième dynastie, ou bien Psinachès, son successeur, régnait à Tanis. Combien de temps Adad séjourna-t-il dans le désert ou en Egypte avant de se présenter à la cour de Tanis ? On l’ignore. Le pharaon qui lui fit un bienveillant accueil fut probablement Psousennès II (Psioukhanou II), ou peut-être Psinachès, son prédécesseur. Il lui donna une maison et des terres pour son entretien, et le prit en telle affection, qu’il lui fit épouser la sœur de la reine Taphnès (voir ce nom), sa femme. Adad en eut un fils, nommé Genubath (voir ce nom), qui fut élevé à la cour de Tanis avec les enfants du roi. A la nouvelle de la mort de David et de Joab, Adad pria le pharaon de le laisser retourner dans son pays. Le récit, dans le texte hébreu et dans la Vulgate, est ici brusquement interrompu, et ne dit pas s’il obtint l’autorisation du souverain. III Reg., xi, 14-22. Le f. 14 cependant donne à entendre qu’il revint en Idumée. Les Septante l’affirment expressément : « Et Ader (Adad) s’en retourna dans son pays. » III Reg., xi, 22. Le texte hébreu a subi certainement quelque altération en cet endroit ; car, après avoir laissé inachevée l’histoire d’Adad, il raconte l’épisode de Razon, pour revenir ensuite à Adad et le faire régner en Syrie (f. 25). Pour mettre plus d’ordre et de suite dans la narration, on a proposé d’appliquer à Razon le J. 25 de cette façon : « Outre le mal que faisait Adad, il (Razon) abhorrait Israël, et il régna sur la Syrie. » Mais qu’ajoute cette remarque au f. 24, où l’on vient de dire qu’il fut établi roi à Damas ? 11 est beaucoup plus logique et plus simple de rattacher, avec le Codex Vaticanus (voir Polyglotte de Walton), l’épisode de Razon ( t- 23, 24 et commencement du ^. 25) au f. 14 ; la fin du f. 25 devient ainsi la suite naturelle des ^. 21-22, en lisant, comme les Septante, « Édom, » dto , au lieu de « Aram », Dn» , du texte hébreu actuel, c’est-à-dire i, daleth, au lieu de i , resch : « Quand Adad eut appris en Egypte la mort de David » , il quitta l’Egypte « et il régna en Idumée ».

Cet épisode d’Adad doit-il se placer au commencement ou à la fin du règne de Salomon ? D’après Ewald , Geschichte des Volkes Israël, t. m, p. 274-281, ce fut dès le début de ce règne que des troubles éclatèrent en Idumée : le puissant roi les apaisa bientôt. Selon Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9 e édit., t. VI, p. 253, Adad n’aurait conquis une partie de l’Idumée et constitué un royaume qu’à la fin du règne de Salomon. Que faut- il penser ? D’un côté, il semble bien, comme nous l’avons vu plus haut , qu’Adad revint dans son pays , dès qu’il apprit la nouvelle de la mort de David et de Joab, par conséquent dès le début de Salomon. III Reg. xi, 21. D’un autre côté la révolte d’Adad est donnée par l’écrivain sacré comme un châtiment des fautes de Salomon, f. 14 et contexte : elle doit donc être placée vers la fin de ce règne. On peut très bien tout concilier en disant avec M. Vigouroux, Bible et découvertes, 5» édit., t. m, p. 423, note 1. « Hadad fut vraisemblablement l’ennemi de Salomon pendant tout son règne, à la manière des tribus bédouines, qui cherchent toujours à piller plutôt qu’à faire des con467

ADAD — ADADREMMON

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quêtes ; mais il ne fit de mal sérieux an roi d’Israël que dans les dernières années de ce prince. Jusque-là il avait probablement vécu comme un chef de tribu nomade. »

Tout en créant de sérieuses difficultés à Salomon à la fin de son règne, Adad ne parait pas même alors s’être emparé de toute l’Idumée, puisque le monarque Israélite pouvait, sans être inquiété, équiper une flotte dans son port d’Asiongaber, à l’extrémité sud de l’Idumée. III Reg., ix, 26. Il fallait, pour faire le commerce avec Ophir, que Salomon fût maître de la partie occidentale de ce pays. La route de Palestine à Asiongaber, qui côtoie cette partie, du nord au sud, devait donc être restée libre et sûre. D’un autre côté, le royaume que se fit Adad ne dut pas être longtemps indépendant : nous voyons, en effet, que du temps de Josaphat il n’y avait pas de roi en Idumée.

III Reg., xxn, 48. Sous Joram, l’Idumée, conquise par David, s’affranchit du joug de Juda et se donna un roi.

IV Reg., vin, 20-22 ; II Par., xxi, 8. Voir Idumée.

E. Levesque.

4. ADAD, dieu syrien. Voir Hadad 2.

ADADA (hébreu : ’Ad’âdàh ; Septante : ’Apou^X), ville située sur la frontière méridionale de Juda, et mentionnée une seule fois dans la sainte Écriture, Jos., xv, 22, où elle est citée entre Dimona et Cadès. Il n’en est pas question dans VOnomasticon d’Eusèbe, mais on l’a retrouvée de nos jours dans les ruines qui ont conservé exactement le même nom, ’Ad’adah, à l’est de Bersabée, entre cette ville et la mer Morte. G. Armstrong, Ch. W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, 1889, p. 4. A. Legendre.

ADADREMMON (hébreu : Hâdadrimmôn), ville de la plaine d’Esdrelon, mentionnée une seule fois, dans ce texte du prophète Zacharie : « En ce jour, il y aura un grand deuil dans Jérusalem, tel que fut celui d’Adadremmon dans la plaine de Mageddon. » xii, 11. Les versions et les commentateurs ont donné à ce verset différentes interprétations, qu’il faut examiner avant d’arriver au véritable sens.

Les Septante ont ainsi rendu la dernière partie du texte : toc xo7tsTo{ poûvoç sv TrsSitp 6xxo7rco|j,6vou, « comme le deuil du grenadier coupé dans la plaine. » Il n’est pas nécessaire de chercher ici, avec saint Cyrille d’Alexandrie, une allusion au désespoir de l’agriculteur qui voit couper cet arbre, dont il admire la beauté et apprécie l’utilité, Comment, in Zach., t. lxxh, col. 226 ; ni, avec Théodoret, une allusion au bruit des bûcherons qui l’abattent, Explan. ire Zach., t. lxxxi, col. 1946 : la méprise des traducteurs grecs est évidente. Ils ont pris des noms propres pour des noms communs : ainsi ils rattachent hadad à la racine arabe hadda, « émettre un son grave, » dont le sens est parfois appliqué au mugissement des vagues se brisant sur le rivage, cf. Gesenius, Thésaurus linguse heb., p. 365 ; J. F. Schleusner, Lexicon grsecum Vet. Test., Londres, 1829, t. m, p. 14 ; puis ils font de rimmôn le nom d’un fruit bien connu , « la grenade , » ou de l’arbre qui le produit, et enfin de megiddôn, le participe passé degddad, « couper. »

La paraphrase chaldaïque voit ici un double deuil : 1° « celui de la mort d’Achab, fils d’Amri, tué par Hadadrimmon , fils de Tabrimmon , » à Ramoth-Galaad , III Reg., xv, 18, et xxn, 29-38 ; 2° « celui de la mort de Josias, fils d’Amon, que Pharaon le Boiteux (Néchao) tua dans la plaine de Mageddo. » IV Reg., xxiu, 29. La première application est fausse : l’auteur fait, sans preuve, de Hâdadrimmôn le même personnage que Benhadad, roi de Syrie. L’identification fût-elle vraie, ajouterons-nous avec Rosenmûller, que la grammaire et l’histoire nous interdiraient ce sens ; en effet, au lieu de « deuil d’Adadremmon », il eût fallu dire « deuil d’Achab », puisque la plainte avait nécessairement pour objet le roi d’Israël, et non son meurtrier ; et puis on n’a jamais entendu parler

d’un deuil public qui ait accompagné la fin de ce roi tristement célèbre par son impiété. Scholia in Vet. Test., Leipzig, 1828, vu» partie, t. iv, p. 343. La seconde explication est, comme nous le verrons, la seule vraie ; aussi la version syriaque explique-t-elle bien la pensée en remplaçant Hadadrimmon par « fils d’Amon ».

Enfin, les massorètes eux-mêmes semblent n’avoir pas compris la signification du. mot qui nous occupe , et leur ponctuation repose uniquement sur le sens vulgaire de rimmôn, « grenade ; » mais ce fruit n’a aucun rapport avec la divinité dont nous parlerons tout à l’heure.

Parmi les commentateurs, Hilzig voulut d’abord reconnaître dans le deuil d’Adadremmon celui qu’aurait occasionné la mort d’Ochozias, tué par Jéhu IV Reg., ix, 27. Mais la fin de ce roi ne fut jamais, pas plus que celle d’Achab, un deuil national pour les Hébreux. Abandonnant du reste cette hypothèse, Hitzig en inventa plus tard une autre, que nous pouvons encore moins accepter, et qui a cependant rencontré un certain nombre d’adhérents : Movers, Merx, Wellhausen et Reuss. Voici comment ce dernier l’expose : « Selon toute probabilité, Hadadrimmon est le nom d’une divinité adorée par les païens du nord de la Palestine et dans la Syrie (IV Reg., v, 18, et les nombreux noms propres composés avec Hadad ) , et plus particulièrement celle du soleil printanier, dont tout le monde connaît le mythe tel qu’il a été poétiquement transformé par les Grecs ( Adonis ). La mort du dieu (dans le sens symbolique et astronomique) était célébrée dans tout l’Orient par une grande fête funèbre, qui a fourni le cadre d’une jolie pièce de Théocrite, Idylle 13, et d’une belle élégie de Bion. Ce nous semble chose assez naturelle que le prophète prédise ici aux Israélites sauvés et repentants un deuil tout aussi grand que celui de la fête funèbre du paganisme, à laquelle ils ont sans doute pris part dans leurs égarements polythéistes , comme cela nous est d’ailleurs explicitement attesté par Ézéchiel, vm, 14. » La Bible, Ancien Testament, II e partie, Les Prophètes, Paris, 1876, t. i , p. 355.

Ce rapprochement avec la vision d’Ézéchiel semblait donner un certain appui à l’hypothèse ; elle a cependant été avec raison rejetée par Evvald, et surtout par Wolf Baudissin, qui l’a complètement détruite. Real-Encyklopâdie fur prot. Theol., 2 e édit., t. v, p. 493 ; Studien zur semit. Religionsgeschichte, 1876, 1. 1, p. 295 et suiv. Il est vrai que Thammuz ou Adonis avait un culte célèbre en Phénicie et en Syrie : une rivière portait son nom (aujourd’hui le Nahr- Ibrahim, un peu au-dessous de Byblos). Voir Thammuz. Mais est-il donc croyable que le prophète Zacharie ait assimilé la pénitence d’Israël aux lamentations d’un culte idolâtrique et souvent obscène ? Non, personne n’admettra que l’homme de Dieu ait osé comparer la chose la plus sainte, la douleur et la mort du Christ, à ces rites voluptueux auxquels se livraient les femmes phéniciennes dans les fêtes du dieu Soleil. Le nom même d’Adadremmon s’oppose à cette opinion, car il ne convient pas et n’a jamais été donné à Adonis.

Ce nom, qui a reçu des monuments assyriens son explication définitive, se compose de deux mots, dont Schrader expose ainsi le sens : « On savait déjà par les écrivains classiques que Hadad était, chez les Syriens, le dieu du ciel et du soleil. Macrobe, Sat. I, 23. Or les monuments nous montrent que ce dieu Dad, c’est-à-dire Hadad, est identique à l’assyrien Rammânu, Râmânu, le dieu du tonnerre et de la tempête (racine ra’am, ra’amdn, a le tonnant, » ’aîn compensé par le redoublement du mem). Le même idéogramme (AN) IM sert également pour les deux noms ; en sorte que le composé Hadad-Rammân indique que le dieu du ciel Hadad est ici regardé surtout comme le e dieu de la tempête », rappelant ainsi le Zeû ; Ppovnfaioç, Zsûç Ppovrûv, ou le « Jupiter « tonans ». Die Keilinschriften und dos alte Test., 2» édit., Giessen, 1883, p. 454. M. de Vogué, dans la Revue archéologique, juin 1868, t. xvn, pi. xv, n» 28, et fig. 24, p. 440* Ï69

ADADREMMON — ADAM

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et dans les Mélanges d’archéologie orientale, in-8°, Paris, 1868, pi. vi, n° 28, texte p. 125-126, et fig. 24, texte p. 121, a reproduit un demi-ellipsoïde de calcédoine et un cylindre <lu Musée britannique, sur lesquels le dieu Hadad est représenté avec ses attributs. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5» édit., Paris, 1889, t. m, p. 247 et 249. On croit également reconnaître le dieu Ramman , sur un bas- relief de Nimroud, dans le personnage figuré debout, le front orné d’une double paire de cornes, portant une hache d’une main, tenant de l’autre le faisceau trifide, dont les Grecs armèrent plus tard le bras de Jupiter, et qui représente la foudre. Cf. Vigouroux, ouv. cité, t. iv, p. 337, pi. 148, d’après Layard, Monuments of Nineveli, 1™ série, pi. txv.

Cependant quelques assyriologues donnent du mot qui .nous occupe une explication différente. Fried. Delitzsch, Chaldâische Genesis, p. 269, dit que Ramanu ou Ramjnanu signifie « exalté ». Wright regarde comme probable la lecture Hadar- Bammon, la première partie, Hadar, ■se retrouvant dans le nom de Ben- Hadar. Le sens du composé semble être alors : « Glorieux est le seul exalté. » ■Cf. Trochon , Iœs petits prophètes, Paris, 1883, p. 479.

Quoi qu’il en soit de la signification, le nom ne fut jamais attribué à Adonis. 11 ne peut indiquer ici qu’une localité, ainsi appelée du dieu qu’on y adorait peut-être avant la conquête de Chanaan par les Hébreux, ou ainsi nommée, depuis la chute du royaume d’Israël, par quelques ■colons syriens ou assyriens, établis en cet endroit. Une pareille appellation n’est pas étonnante dans un pays où l’on rencontre assez fréquemment des noms de lieu rappelant le souvenir de quelque divinité, comme Baalgad, jos., xi, 17, Baalthamar, Jud., xx, 33, etc. Saint Jérôme, dans son Commentaire sur Zacharie, xil, 11, t. xxv, col. 1515 , nous parle de cette « ville d’Adadremmon , ’Powvo ; dans la version des Septante, qui se trouvait auprès de Jezraël, et de son temps s’appelait Maximianopolis, dans la plaine de Mageddon ». L’ancien nom a subsisté (comme celui de Bethsan, l’ancienne Scythopolis, ■dans Beisân ) , et s’est conservé dans Boummanéh, petit village situé à six kilomètres au sud de Ledjoun, l’ancienne Mageddo, et qui , réduit actuellement à une vingtaine de misérables habitations, ne renferme aucune trace d’antiquité, sauf quelques citernes pratiquées dans le roc et un puits. Cette identification , proposée par Van de Velde, « paraît très légitime, dit M. V. Guérin, et s’appuie jion seulement sur le rapprochement, ou plutôt sur l’identité de l’hébreu Rimmôn et de l’arabe Boummanéh, mais ■encore sur le passage du prophète Zacharie, qui nous apprend que Hadad -Rimmon était voisine de Mageddo. » Description de la Palestine, Samarie, t. H, p. 229.

Si maintenant nous voulons connaître le vrai sens du ■texte prophétique, nous le trouverons dans cette hypothèse, admise par la grande majorité des commentateuis, -qu’il s’agit ici du deuil occasionné par la mort de Josias. IV Reg., xxm, 29-30 ; II Par., xxxv, 20-25. Comme le roi d’Egypte Néchao marchait vers l’Euphrate pour s’emparer de la forteresse de Carchamis, point stratégique important, Josias vint l’arrêter et l’attaquer auprès de Mageddo, dans cette plaine d’Esdrelon, théâtre de tant de combats illustres dans l’histoire. Malgré les assurances pacifiques du pharaon, le roi de Juda persiste dans son entreprise belliqueuse ; mais ses troupes sont battues, luiinême tombe mortellement blessé par la flèche d’un archer égyptien , et son corps est ramené à Jérusalem. La mort du pieux roi répandit partout le deuil et la consternation. Avec lui le dernier soutien de la religion et du trône de Juda descendait dans les tombes de Sion. Les poètes de l’époque, et surtout Jérémie, le grand chantre de la douleur, composèrent des élégies , et le souvenir de ce cruel événement se conserva longtemps après la captivité. Nous lisons, en effet, dans le deuxième livre des Paralipomènes, xxxv, 25, d’après l’hébreu, que « tous les chanteurs et chanteuses parlent, dans leurs chants funèbres, de Josias jus-

qu’à ce jour, et c’est devenu une loi en Israël, et l’on trouve ce chant écrit dans les Lamentations s , recueil qui malheureusement n’est pas parvenu jusqu’à nous.

Les détails que nous venons de donner suffisent pour répondre à la double objection ainsi formulée par Reuss : « Mais le deuil de Josias s’est fait à Jérusalem et non à Hadadrimmon, et il serait assez extraordinaire qu’un prophète contemporain de Darius , fils d’Hystaspe , ait choisi comme exemple d’un grand deuil un événement qui avait eu lieu tout un siècle auparavant. » Les Prophètes, t. I, p. 355. S’il est vrai, en effet, que le corps du roi fut ramené à Jérusalem, ne peut- on pas dire que les lamentations sur sa mort commencèrent à l’endroit même où il fut mortellement frappé ? ou bien le a deuil d’Adadremmon » ne signifie-t-il pas « deuil au sujet d’Adadremmon », ou de la calamité nationale qui s’y produisit (Baudissin) ? D’un autre côté, Zacharie, prédisant les lamentations causées par la mort du Messie, trouvait un terme frappant de comparaison dans celles qu’avait excitées la mort du pieux roi Josias, événement toujours présent à la mémoire du peuple. A. Legendre.

ADAlA, hébreu : ’Àdâyâh, « Jéhovah orne. »

1. ADAlA. Voir Hadaïa.

2. ADAlA (Septante : ’A8at), fils d’Éthan et père de Zara , de la descendance de Gerson , premier fils de Lévi. I Par., vi, 41 (26). Ancêtre d’Asaph, célèbre chantre. Au ^. 21, il est appelé Addo,

3. ADAlA (Septante : ’ASaia ), de la tribu de Benjamin, et fils de Séméi. I Par., vin, 21.

4. ADAlA (Septante : ’ASaia ; Vulgate : Adaias, I Par., ix, 12), prêtre, fils de Jéroham, revint de la captivité de Babylone. I Par., ix, 12 ; II Esdr., xi, 12.

5. ADAÎA (Septante : ’ASaia ;), prêtre, descendant de Bani, épousa une femme étrangère après le retour de la captivité. I Esdr., x, 29.

6. ADAlA (Septante : A8aia ; Vulgate : Adaias), descendant d’un autre Bani ; prit également une femme étrangère. I Esdr., x, 39.

7. ADAÏA (Septante : ’Aôoio), descendant de Juda par Phares. II Esdr., xi, 5.

8. ADAlA (hébreu : ’Àdâyâhû ; Septante : A8îa), père de Maasias, qui fut l’un des quatre chefs choisis par Joïada pour l’aider à rassembler les lévites et le peuple, et à faire reconnaître Joas, roi de Juda. II Par., xxm, 1-7.

ADALI (hébreu : Hadlaï, « en repos ; » Septante : ’EXBai), de la tribu d’Ëphraïm, et père d’Amasa, un des principaux chefs de cette tribu , qui , à l’instigation du prophète Oded, demandèrent aux Israélites de relâcher leurs frères de Juda, faits prisonniers dans une bataille livrée contre Achaz. II Par., xxvm , 12.

ADALIA (hébreu : ’Àdalyâ’ ; Septante : Bapsâ), cinquième fils d’Aman, attaché à la potence avec son père et ses frères sur l’ordre d’Assuérus, Esth., IX, 8.

1. ADAM (hébreu : ’Âdâm ; Septante : "ASât".), le premier homme et le père du genre humain.

PREMIÈRE PARTIE : HISTOIRE D’ADAM

Adam est un nom générique qui s’applique à la femme aussi bien qu’à l’homme, parce qu’il désigne l’être humain en général. Gen., v, 2. Il est employé pour la première fois sans article, comme nom propre, dans Gen., m, 17.

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On pense généralement que ce nom, qui signifie « rouge », fut donné au premier homme à cause de la terre rouge , ’àdâmâh, dont il avait été formé, Gen., n, 7 ; il était ainsi pour lui une leçon continuelle d’humilité. Dans la suite , il eut la même signification générale que a homo » en latin , et « homme » en français , tandis que ’îi désigna l’homme par opposition à la femme, ’îssah.

1. Création d’Adam. — L’auteur de la Genèse fait deux fois le récit de cette création : il la raconte d’abord, Gen., i, 26-30, comme faisant partie de la formation de l’univers, qu’elle complète et couronne ; il y revient plus loin, Gen., n, 7, etc., pour expliquer la manière dont Dieu créa le premier homme, et passer ensuite, n, 8 ; v, 5, à l’histoire d’Adam comme père «t chef de l’humanité. La création d’Adam eut lieu à la fin de l’œuvre divine, au sixième jour, c’est-à-dire, selon l’interprétation qui prévaut aujourd’hui, à la sixième époque du monde, quand, par suite des évolutions cosmiques et géologiques, la température et la composition de l’air, l’ordre des saisons, en un mot toutes les conditions nécessaires à l’existence de l’homme furent dans un point convenable. Alors, selon la manière de parler familière aux Pères, le monde se trouva comme une maison préparée et ornée pour le père de la famille humaine, comme un royaume prêt à recevoir son souverain, celui qui élait la fin et le complément de tout l’ouvrage des six jours. Cf. Lactance, Div. Jnst., n, 9, t. vi, col. 305 ; S. Ambroise, Epist. xliii ad Horontianum, t. xvi, col. 1129 ; S. Jean Chrysostome, Hom. rm in Gen., t. un, col. 71 ; Denys le Petit, De creatione hominis, t. lxvii, col. 351.

« Et [Dieu] dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. » Gen., i, 26. C’est la nature humaine qui-, d’après saint Augustin, De Trinitate, i, 7, t. xlii , col. 829 , est ici désignée par le mot « homme. » , comme l’indique la suite : « Il le créa à l’image de Dieu , et il les créa mâle et femelle, et il les bénit, etc. » Gen., i, 27-28. Dieu s’était contenté d’un simple commandement pour produire toutes les autres créatures : « Que cela soit, » ou : <t Que la terre, que les eaux produisent ; » mais, pour créer l’homme, il sembla entrer en délibération avec lui-même, comme devant un ouvrage qui dépassait tous les autres en grandeur et en importance : « Faisons, » dit- il. Tous les Pères ont vu dans ce mot l’indication d’une certaine pluralité des personnes en Dieu, soit que le Père s’adresse au Fils, Bossuet, Élévations sur les mystères, iv e sem., 5" élév. ; S. Chrysostome, Homil. rm in Gen., 3, t. lui, col. 71 ; soit qu’il parle en même temps au Fils et au Saint-Esprit, selon le sentiment commun. S. Irénée, Contra hœreses, iv, prsef. , et 37, t. vu, col. 975 ; S. Grégoire de Nysse, Orat. i» in « faciamus kominem », etc., t. xliv, col. 260. Des exégètes modernes ont voulu voir dans ce verbe un pluriel de majesté, qui exprimerait la plénitude de l’être divin. Quelque haute idée que la raison nous donne de l’homme, la révélation divine pouvait seule nous apprendre qu’il a été créé à l’image de Dieu, c’est-à-dire qu’il est l’image ressemblante de Dieu, selon l’interprétation de saint Augustin, De Trinitate, xiv, 16, t. xui, col. 1054 ; cf. Sap., n, 23, selon les Septante, et I Cor., xi, 7. Les mots « à sa ressemblance » ne servent qu’à donner plus de force à l’idée de conformité qu’exprime le mot d’ « image ». Nous voyons, en effet, les mêmes expressions employées pour signifier la ressemblance d’Adam et de son fils Seth, Gen., v, 3, et l’Écriture se sert séparément tantôt de l’une, tantôt de l’autre, pour rendre l’idée énoncée ici. Voir Gen., i, 26-27 ; v, 1 ; ix, 6 ; Eccli., xvu, 1 ; Col., in, 10. Les Pères cependant distinguent très souvent entre l’image et la ressemblance : ils entendent la première d’une conformité naturelle par l’intelligence, la volonté, la liberté, etc. ; tandis que la ressemblance résulterait des qualités morales , et surtout de la sainteté produite dans l’âme par la grâce habituelle. Du reste, qu’ils admettent ou non une distinction réelle dans le sens de ces deux mots , ils sont unanimes

à reconnaître, quelque nom qu’ils lui donnent d’ailleurs, une double image de Dieu dans l’homme : l’image naturelle et l’image surnaturelle. Nous nous occuperons plusloin de cette dernière. Touchant l’image naturelle , ils se sont demandé dans quelle faculté de l’âme Dieu l’avait principalement imprimée. Les réponses à cette question sont très diverses, les uns voyant cette image dans la simplicité de l’âme, les autres dans sa spiritualité ; ceux-ci dans son immortalité, ceux-là dans le libre arbitre, etc. Ces opinions, au fond, se complètent les unes les autres plutôt qu’elles ne se contredisent ; car toutes ces facultés et prérogatives sont comme autant de rayons, et cette image est le centre d’où ces rayons émanent. Quant à. l’image même, par laquelle l’homme ressemble à Dieu d’autant plus qu’il est plus élevé au-dessus de la brute, elle est dans la raison, selon la doctrine de saint Augustin, qui parait la plus communément reçue. Tr. ni in foa., 4, t. xxxv, col. 1398 ; cf. De Trinitate, xiv, 8, t. xlii, col. 1044.

Dieu ajoute : « Et qu’il commande aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, aux bêtes, à toute la terre et à tous les reptiles qui se meuvent sur la terre. » Gen., i, 26. Au lieu du singulier : « qu’il commande », l’hébreu porte le pluriel : « qu’ils commandent. » Cet empire sur les animaux est donc donné à Eve aussi bien qu’à Adam, c’est-à-dire à toute l’humanité. En effet, comme le remarque saint Chrysostome, Adam ne s’enfuit point à leur vue ni à leur approche , quand Dieu les lui amena pour les nommer, et Eve parla sans aucune crainte avec le serpent. Homil. ix in Gen., 4, t. lui, col. 79 ; cf. Bossuet, Élévations sur les mystères, iv« sem., l re élév. Le péché fit perdre à l’homme ce pouvoir ; toutetois Dieu tempéra son châtiment en ne soustrayant à sa domination que les animaux les moins utiles, tandis qu’il laissa soumises à son obéissance un grand nombre d’espèces qui l’aident dans ses travaux, ou lui fournissent de quoi se nourrir et se vêtir. S. Chrysostome, Homil. ix in Gen., 5, t. liii, col. 79.

Avec cet empire sur les animaux, confirmé par une bénédiction spéciale, le Seigneur donna à l’homme le domaine de toutes les plantes et de tous les arbres qui croissent sur la terre, afin qu’ils servissent à sa nourriture. Gen., i, 28-29. Un certain nombre de Pères et de commentateurs concluent de ce passage, rapproché de Gen., IX, 3, que l’usage de la viande fut interdit à l’homme jusqu’après le déluge, Origène, Hom. i in Gènes., t. xn, col. 159 ; S. Chrysostome, Hom. xvu in Gènes., i, t. lui, col. 245 ; S. Jérôme, Adv. Jovin., i, 18, t. xxm, col. 23 ; mais cette opinion est loin d’être certaine. Voir Chair des animaux.

Ainsi que nous l’avons dit plus haut , la Genèse , après avoir parlé de la création du premier homme comme faisant partie de la création universelle, i, 26-30, revient une seconde fois à lui pour décrire la manière dont eut lieu sa formation, et raconter ensuite son histoire. « Le Seigneur, dit -elle, forma donc l’homme du limon de la terre. » Gen., n, 7. L’hébreu met « poussière » au lieu de « limon ». On voit par ces paroles que le corps de l’homme a été tiré directement de la terre. Ensuite Dieu « souffla sur son visage un souffle de vie , et l’homme devint animé et vivant », Gen., n, 7, c’est-à-dire que Dieu créa dans le corps de l’homme une âme, un esprit. Moïse a ajouté a sur son visage », parce que c’est là surtout que se manifeste l’intelligence et que la noblesse de ses traits révèle chez l’homme une âme bien supérieure à celle des bétes. S. Augustin, De Civit. Dei, xn, 23, t. xli, col. 373. La manière dont l’Écriture distingue l’âme du corps est la condamnation du matérialisme.

Le langage de la Genèse semble indiquer deux actions successives dans la création d’Adam : d’abord Dieu lui forme un corps de la poussière de la terre ; ensuite il crée une âme dans ce corps qui a déjà une figure humaine. C’est ainsi que l’a compris saint Chrysostome, Hom. xn in Gènes., 5, t. un, col. 103. Saint Augustin hésite en 473

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plusieurs endroits entre la création successive et la créa- tion simultanée de l'âme et du corps, mais il penche évi- demment vers Ja seconde opinion, De Civit. Dei, xn, 23, t. xli, col. 373; et c'est celle qu'enseigne formellement saint Thomas. Summ. th., i, q. 91 , a. 4, ad S"™. Il sou- tient que ni le corps n'a été fait avant l'âme, ni l'âme avant le corps ; mais qu'il y a eu création simultanée de ces deux parties de l'être humain. Ce qui n'est pas con- testé, c'est qu'Adam fut créé à l'état adulte : l'empire qu'il reçoit immédiatement sur les animaux, la parole di- vine : « Croissez et multipliez-vous, » et toute la suite du récit le montrent; la raison seule le dit assez d'ailleurs. Voir Barthélémy Saint-Hilaire, Journal des savants, 1862, p. 608.

II. Élévation d'Adam à l'état surnaturel. — Nous avons vu que tous les Pères enseignent qu'Adam portait en lui- même, outre l'image de Dieu imprimée dans son âme et dans ses facultés naturelles, une autre image bien supé- rieure à celle-là, et consistant dans la sainteté produite par l'infusion de la grâce divine. La formation de cette nou- velle image fut comme une seconde création, cf. II Cor., v, 17, plus belle que celle du ciel et de la terre. S. Au- gustin, Tract, lxxii in Joa., t. xxxv, col. 1823. C'est l'œuvre spéciale de celui que nous appelons pour cela « Esprit créateur » ; elle fit vivre Adam d'une vie. surna- turelle, participation de la vie même de Dieu. Voir Ephes., îv, 24; Colos., m, 10; cf. Eccle., vu, 30. A quel moment eut lieu l'infusion de cette grâce et de la sainteté qui en résultait? D'après une opinion, que saint Thomas, in il, 4, a. 3, déclare avoir été la plus commune de son temps, Dieu n'aurait sanctifié Adam qu'un certain temps après l'avoir créé ; mais selon le même saint Thomas , i, q. 95, a. 1, dont le sentiment est le plus accrédité de nos jours, il « aurait au même instant donné à nos premiers parents la nature et la grâce » dans l'acte même de la création.

Cette ressemblance surnaturelle avec Dieu pouvait être effacée et détruite par le péché , parce qu'elle était abso- lument gratuite et indépendante de la nature, dont elle ne faisait aucunement partie; tandis que l'image naturelle de Dieu ne diffère pas de la nature même de l'homme, et par conséquent est indestructible dans la vie présente comme dans la vie future. S. Bernard, Serra, i in An- nunliat., 7, t. clxxxiii, col. 386. C'est pour avoir méconnu celte vérité que Luther et d'autres ont exagéré plus ou moins' les effets du péché originel.

III. Adam dans le paradis terrestre. — « Or le Sei- gneur Dieu avait planté dès le commencement un jardin de délices, » Gen., Il, 8, ce que saint Chrysostome explique en ce sens que, à l'ordre de Dieu, la terre aurait produit les arbres de ce jardin. Homil. xiii in Gènes. ,3, t. lui, col. 108. Les mots « dès le commencement » désignent, d'après saint Augustin, le troisième jour de la création , la période de la création des végétaux. De Gènes, ad litter., ▼m, 3, t. xxxiy, col. 374. L'hébreu peut se traduire autre- ment : « Et Jéhovah Élohim planta un jardin dans Éden à i'orient. » Dieu, voulut que ce jardin fût le séjour d'Adam. Après donc qu'il l'eut créé, « il le plaça dans le paradis de délices, afin qu'il le travaillât et qu'il le gardât, » Gen., H, 15, pour « en conserver la beauté, ce qui revient en- core à la culture », dit Bossuet, Élévations , v« sem., 1™ élév. Ce travail n'avait rien de pénible, puisque ce jardin était un séjour de délices. Il préservait Adam des dangers de l'oisiveté ; il lui rappelait en même temps que Dieu était son maître, et il le tenait ainsi dans une humble dépendance. S. Chrysostome, Homil. xiv in Gen., 2, t. un, col. 113. Dieu affirma encore son droit souverain et son autorité en faisant défense à Adam de toucher au fruit de l'arbre de la science du bien et du mal, Gen., n, 17; mais cette interdiction même iait éclater sa bonté et sa générosité pour l'homme, puisqu'elle s'arrêta à un seul arbre et laissa à sa jouissance tous les autres. Voir Arbre de la science du bien et du mal. Cette défense s'adressait à Eve comme à Adam ; la réponse qu'elle fait au serpent.

Gen., ni, 3, prouve qu'elle la connaissait, aussi bien que la sanction attachée par Dieu à son commandement : « Le jour où vous en mangerez, vous mourrez de mort , » c'est- à-dire, d'après le sens de cet hébraïsme, certainement. Gen., n, 17. Dieu ne parle pas seulement de la mort de l'âme, résultant de la perte de la grâce et de l'amitié divine par le péché, comme le prétendaient les Pélagiens ; il a en vue la mort dans toutes les acceptions du mot, S. Augustin, De Civit. Dei, xiii, 12, t. xli, col. 385, et surtout, proba- blement, la mort du corps. Gen., m, 17-19; Rom., v, 12, 14, etc. Ce n'est pas à dire qu'à l'instant même de l'in- fraction, Adam dût être frappé de mort; mais, par le seul (ait du péché, il était sujet à une mort infaillible. Le vrai sens de la sentence divine a été bien rendu par Sym- maque : 8v7|tô; emr] , « tu seras mortel. »

Cependant, parmi tous les êtres vivants, Adam était seul de son espèce. Dieu le lui fit sentir en lui amenant les divers animaux, « pour voir quel nom il leur donnerait. » Gen., il, 19. Ce verset ne s'applique pas aux poissons; le premier homme et ses descendants imposèrent le nom aux animaux qui vivent dans l'eau à mesure qu'ils les connurent. S. Augustin , De Gen. ad litt., ix, 12, t. xxxiv, col. 209. On peut étendre cette observation à d'autres ca- tégories d'êtres qui n'étaient pas dans le paradis terrestre. Voir Tornielli, Annales sacri, in-f°, p. 68, 1620. Or « le nom qu'Adam donna à chaque animal est bien son vrai nom », Gen., n, 19, c'est-à-dire celui qui exprime exac- tement sa nature et ses propriétés. Adam ne put con- naître cette nature et ces propriétés qu'en vertu d'une science infuse. S. Chrysostome, Homil. xri in Gènes., 5, t. lui, col. 116. Nul autre maître que Dieu lui-même n'a- vait pu l'instruire ; nul maître aussi n'avait pu lui ensei- gner à parler , comme il le fait en formulant , au moins mentalement, les noms des animaux.

Adam nomma tous ces êtres sans en trouver un qui lui fût semblable. Gen., n, 20. Dieu dit alors : « Il n'est pas bon que l'homme soit [ainsi] seul [de son espèce]; faisons -lui une aide semblable à lui. » Gen., n, 18. Saint Augustin affirme avec insistance que c'est en vue de la seule propagation du genre humain que Dieu veut créer cette aide pour l'homme. De Genesi ad litt., IX, 5, t. xxxiv, col. 396. Mais d'autres Pères sont moins exclu- sifs, et assignent encore à ce concours de la femme plu- sieurs fins différentes de celle-là. « Le Seigneur Dieu en- voya donc un profond sommeil à Adam, et, lorsqu'il fut endormi , il tira une de ses côtes et mit de la chair à sa place. Et le Seigneur Dieu forma , avec la côte qu'il avait tirée d'Adam, une femme, et il la lui amena. » Gen., H, 21-22. Le récit biblique met en évidence la dignité de la femme : délibération divine avant sa création comme avant celle de l'homme, et pareille solennité dans l'exécution. Le corps d'Adam est comme la terre vivante de laquelle Dieu prend le corps de celle qui va être sa compagne. Ce sommeil du premier homme, pendant lequel le Seigneur accomplit son œuvre, ne fut pas un sommeil ordinaire. S. Augustin, Tract, ix in Joa, 4, t. xxxv, col. 1463. Ce fut une sorte d'extase dans laquelle Adam comprit le sens de ce que Dieu opérait en lui. S. Augustin, t. xxxiv, col. 408; S. Epiphane, Hssres., 48, t. xli, col. 861. Dieu lui fit voir combien étroite était l'union du mariage, en prenant une de ses côtes pour en former le corps de son épouse. Il lui montra en même temps par là qu'elle devait être sa com- pagne et son égale : il ne la tira pas de sa tête parce qu'elle ne devait pas le gouverner, ni de ses pieds parce qu'il ne devait pas la regarder comme sa servante, mais la considérer et l'aimer comme une partie de lui-même. S. Thomas, I, q. 92, a. 3.

Lorsque Adam, au sortir de son sommeil, vit la com- pagne que Dieu lui présentait, ses regards, qui n'avaient 'usqu'alors rencontré que les formes des animaux, se reposèrent enfin sur un être semblable à lui, ayant un visage et des yeux où se reflétait une intelligence semblable à la sienne, et il s'écria : « Voici maintenant l'os de mes 175

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os et la chair dé ma chair. Celle-ci s'appellera 'isia ( litté- ralement, hommesse), parce qu'elle a été tirée de 'is (l'homme). C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et il s'attachera à sa femme, et ils seront deux dans une même chair, » Gen., n, 23-24; « ils seront [même] une seule chair.» Matth., xrx, 6. La phrase « et ils seront deux, » etc., est attribuée par Notre -Seigneur Jésus -Christ à Dieu, qui aurait ainsi complété la pensée d'Adam. Matth., xix, 4. Si c'est Adam lui-même qui l'a prononcée, il n'a pu parler ainsi que dans un esprit pro- phétique, comme le disent saint Augustin, De Genesi, rx, 19, t. xxxiv, col. 408, et d'autres anciens. Il y en a qui veulent que ce soit une réflexion ajoutée par l'historien sacré. Dans tous les cas, c'est une vérité enseignée par Dieu, et ces paroles expriment à la fois l'institution divine du mariage et la promulgation de ses deux lois fonda- mentales : l'unité et l'indissolubilité. Dieu a pu tolérer ou même permettre qu'on s'en écartât depuis, « mais il n'en fut pas ainsi au commencement. » Matth., xix, 8.

Le premier homme et la première femme « étaient nus, nous dit la Genèse, H, 25, et ils n'en avaient point honte ». C'était là un des privilèges de l'état heureux dans lequel Dieu les avait créés. Ils avaient reço de lui, en effet, outre ce qui était essentiel à leur nature, des dons qui, sans appartenir à l'ordre de la grâce, étaient néanmoins tout à lait gratuits et qu'on appelle pour cela préternaturels. On en compte communément quatre : l'intégrité ou ab- sence de la concupiscence; une science éminente, qui n'était le fruit ni de l'étude ni de l'expérience; l'immor- talité du corps, et l'exemption de la douleur. Ces dons, avec la grâce sanctifiante selon les uns , sans cette grâce selon les autres, constituaient la justice originelle ou rec- titude parfaite dans laquelle l'homme fut créé, Eccli., vu, 30, et qu'Adam perdit par sa désobéissance. Voir Polman, Breviarium theologicum, part, i, n° 483, Paris, 1863, p. 87; Hurter, Compendium theol. dogm., 6 e édit., t. n, n° 365, Scholion, p. 270.

IV. Chute d'Adam. — Dieu avait imposé à Adam un commandement pour l'éprouver. Le démon , jaloux de sa félicité , voulut le perdre ; mais , au lieu de s'attaquer di- rectement à Adam, il s'adressa d'abord à Eve, persuadé que par elle il ferait plus sûrement tomber Adam. L'évé- nement lui donna raison. Eve, séduite, mangea du fruit défendu et en apporta à Adam, en lui répétant sans doute les mensongères promesses du tentateur; ces promesses enflèrent Adam de la même présomption qu'elles avaient inspirée à Eve. S. Chrysostome. Homil. xvi in Gènes., 4, t. lui, col. 130 ; il mangea donc de ce fruit à son tour.

La désobéissance d'Adam fut une faute d'une gravité exceptionnelle, à cause de l'importance du précepte qui avait pour but de faire reconnaître à la créature la sou- veraineté du Créateur, et à cause de la sévérité des me- naces dont Dieu l'avait accompagné. Adam fut d'autant plus inexcusable, que Dieu, qui pouvait multiplier les commandements, lui en avait imposé un seul, et des plus faciles. Il réunit de plus en un seul acte un grand nombre de péchés : l'orgueil , par lequel il voulut ressembler à Dieu, Gen., m, 5, 22; la gourmandise, une complaisance coupable envers Eve. La punition suivit de près la faute.

Aussitôt qu'Adam eut mangé de ce fruit funeste , « les jeux de l'un et de l'autre furent ouverts, et, comme ils connurent qu'ils étaient nus, ils cousirent ensemble des feuilles de figuier et s'en firent des ceintures. » Gen., m, 7. Ils s'aperçurent de leur nudité après leur péché, parce qu'ils avaient perdu le vêtement de la grâce, S. Chrysos- tome, Homil. xvi in Gènes., 3, t. un, col. 131 ; ils trem- blent alors et ils se cachent au milieu des arbres, lorsque, à la brise du soir, ils entendent la voix du Seigneur qui marche dans le paradis. Gen., m, 8.

Mais « Dieu appela Adam et lui dit : Où es-tu? » Gen., m, 9. Adam ne pouvait se méprendre sur cette question : c'était un reproche en même temps qu'une parole de com- misération et de bonté. « J'ai entendu votre voix dans le

paradis , répondit-il , et j'ai eu peur, parce que j'étais nu, et je me suis caché. » Gen., m, 10. Dieu lui fait voir, Gen., m, 11, que c'est son péché qui a mis à nu ce que couvrait la grâce. « Étrange nouveauté dans l'homme, de trouver en soi quelque chose de honteux ! Ce n'est pas l'ouvrage de Dieu, mais le sien et celui de son péché. » Bossuet, Élévations, VII e sem., 3 e élév. Adam, du reste, au lieu de reconnaître cette bonté et de faire l'humble aveu de sa faute, dit à Dieu : « La femme que vous m'avez donnée pour compagne m'a donné de ce fruit, et j'en ai mangé. » Gen., m, 12. C'était faire retomber indirectement son péché sur Dieu que d'accuser Eve en ces termes. S. Augustin, De Genesi contra Manichxos, H, 17, t. xxxiv, col. 209. Le Seigneur s'adresse alors à la femme, puis au serpent, et, après avoir iniligé un châtiment à l'un et à l'autre, il revient à Adam : « Parce que tu as écouté, lui dit-il, la voix de ta femme (au lieu de la reprendre, et que, par une excessive complaisance), tu as mangé [du fruit] de l'arbre dont je t'avais défendu de manger, la terre sera maudite à cause de ton péché, » Gen., m, 17, c'est-à-dire qu'elle sera privée de la bénédiction qui lui faisait porter spontanément ses fruits. « Féconde dans son origine et produisant d'elle-même les meilleurs fruits, maintenant, si elle est laissée à son naturel, elle n'est fer- tile qu'en mauvaises herbes. » Bossuet, Élévations, vi e sem., 13 e élév. Elle produira des épines et des ronces, et l'homme se nourrira de l'herbe de la terre. Gen., m, 18. Il ne faut pas conclure de là, dit saint Augustin, De Genesi ad Miter., 18, t. xxxiv, col. 290, que les épines n'existaient pas avant le péché de l'homme; mais la terre du paradis n'en pro- duisait peut-être pas, et d'ailleurs Dieu a pu permettre que, après le péché, elles aient poussé avec plus de fa- cilité et dans d'autres conditions qu'auparavant. D'autre part, au lieu des fruits délicieux du paradis, qui venaient sans peine, Dieu assigne à Adam une nourriture bien dif- férente, qu'il gagnera péniblement, à savoir, l'herbe de la terre; ce qui comprend, selon la force du mot hébreu, toute sorte de plantes et de légumes. Ces plantes suppléeront à l'insuffisance des fruits des arbres qu'il trouvera dans les champs ou qu'il plantera lui-même.

Dieu prononça ensuite contre Adam la condamnation annoncée, Gen., n, 17 : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, jusqu'à ce que tu retournes à la terre de laquelle tu as été tiré ; car tu es poussière et tu retourneras en poussière. » Gen., m, 19. Au lieu du travail agréable et attrayant du paradis, Adam est ainsi soumis à un travail pénible, et cette vie laborieuse ne sera que l'achemine- ment vers la mort. La sentence de mort ne fut donc pas exécutée sur-le-champ, mais le travail et les peines de la vie auxquels il fut assujetti commencèrent aussitôt en lui leur œuvre de démolition. Adam, qui devait s'attendre à une mort immédiate, témoigna sa joie de vivre et son espé- rance de se survivre dans les enfants qui lui naîtraient, en appelant sa femme du nom d'Eve, « la vivante, » ou « celle qui donne la vie », parce qu'elle devint la mère de tous les vivants. Gen., m, 20. Dieu lui donna dans Je paradis une dernière marque de sa bonté et comme un gage de sa providence : « Il fit à Adam et à sa femme des tuniques de peau, et il les en revêtit. » Gen., m, 21. Ce qui veut dire , d'après plusieurs commentateurs , qu'il leur montra comment ils devaient se les procurer, et qu'ils exécutèrent ses ordres. Ces habits sont un triste indice du changement qui s'était fait dans leur condition : ils en eurent désor- mais besoin pour couvrir leur nudité, et pour se défendre contre les injures de l'air ; la nature pourvoit au vêtement de tous les animaux, mais l'homme doit se procurer lui- même ses habits.

Il fallut enfin quitter ce paradis, qui ne pouvait être que le séjour de l'innocence, et dont Adam ne devait plus manger le fruit de vie. Des chérubins placés à la porte de l'Éden lui en interdirent l'entrée. Voir Chérubins.

V. Adam depuis sa sortie du paradis jusqu'à sa mort. — Combien de temps avait duré le séjour d'Adam dans Î77

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le paradis? La Genèse ne le dit pas, mais c'est le senti- ment unanime des Pères qu'il avait été fort court. Ce premier commencement de l'homme était, en effet, pour lui une période d'épreuve ; il avait à faire, en usant de son libre arbitre, son choix entre la fidélité à Dieu avec la conservation de son bonheur, et la désobéissance avec ses suites malheureuses. Or il ne fallait pas longtemps à Adam pour connaître son devoir et la félicité qu'il s'assurerait en y restant fidèle, aussi bien que le malheur qu'il s'atti- rerait en y manquant.

Quant à la vie nouvelle qu'il mena hors du paradis après sa faute, le récit biblique nous en apprend fort peu de chose; il nous en dit cependant assez pour nous faire comprendre que, soumis aux ordres de Dieu, il consacra son existence à la pénitence qui lui avait été imposée, et qu'il travailla la terre, mangeant ainsi « son pain à la sueur de son front ». Nous voyons, en effet, son fils aîné, Caïn, se livrer à l'agriculture; il ne faisait sans doute que suivre en cela l'exemple de son père. Abel, le second fils d'Adam, nous est également présenté comme assujetti à la loi du travail, mais sous une autre forme, celle de la vie pasto- rale. Gen., iv, 2. L'un et l'autre offrent des sacrifices au Seigneur, ce qui nous apprend d'une manière indirecte le culte qu'Adam lui-même lui rendait. Gen., iv, 3-4.

Lorsque Abel eut été tué par Caïn, Dieu donna à ses parents, pour le remplacer, Seth, qui ouvrit la série des patriarches antédiluviens, ancêtres de Noé. Gen., iv, 25-26. Nous ne trouvons dans la Genèse le nom d'aucun autre fils d'Adam. Il en eut cependant d'autres, de même qu'il eut des filles, dont aucune n'est nommée. « Après qu'Adam eut engendré Seth, il vécut huit cents ans, et il eut des fils et des filles. » Gen., v, 4. Il vécut en tout neuf cent trente ans. Gen., v, 5.

Le sentiment commun dans l'Église a toujours été qu'Adam reçut de Dieu le pardon de sa faute, et qu'il ne retomba plus dans l'état de péché. S. Irénée, Heeres., m, 23, t. vu, col. 900; S. Jérôme, Breviarium in Psalmos, Ps. xcvhi, t. xxvi, col. 1123 ; S. Augustin, Epist. CLfiv ad Evod., 3, t. xxxiii, col. 711. Cf. Sap., x, I. L'Église grecque honore Adam et Eve d'un culte public et célèbre leur fête le 19 décembre.

VI. Adam dans le Nouveau Testament; l'ancien et le nouvel Adam. — Le nom et le souvenir d'Adam ne se retrouvent que dans quelques rares passages de l'Ancien Testament, par exemple, I Par., i, 1; Sap., x, 1; Eccli., xvn, 1-11; Tobie, vin, 8. Dans le Nouveau, il est seule- ment nommé dans l'Epitre de saint Jude, 14, à propos d'Enoch, et dans l'Évangile de saint Luc, qui le mentionne comme le premier ancêtre de Jésus -Christ, m, 38. Saint Paul lui fait une place beaucoup plus large. Nous nous bornerons à indiquer les passages dans lesquels il montre l'autorité de l'homme sur la femme, et l'obligation pour celle-ci d'obéir à son mari et de se laisser instruire par l'homme, loin de vouloir l'instruire. Il établit ces vérités en rappelant qu'Adam a été créé le premier, et que la femme a été tirée de lui ; que ce n'est pas l'homme qui a été créé pour la lemme, mais qu'au contraire la femme a été créée pour l'homme ; qu'Adam ne fut pas séduit par le serpent, au lieu qu'Eve le fut. I Cor., xi, 8-9; I Tim., Il, 11 -li. Mais nous devons nous arrêter plus longue- ment à la doctrine qu'il expose, Rom., v, 12-21, et I Cor., xv, 22 , 45. L'Apôtre appelle Jésus-Christ « le nouvel Adam ou le dernier Adam ». I Cor., xv, 45. Notre -Seigneur peut, en effet, être appelé le nouvel Adam, parce qu'il est le chef et le père de la famille spirituelle de tous les élus, comme Adam est le chef de l'humanité et le père de tous les hommes selon la chair ; et il est le dernier Adam , parce qu'après lui il ne viendra plus pour nous un autre chef et un autre père. Chacun d'eux est chef de l'humanité : mais le premier infecte toute sa race du venin de son péché de désobéissance, tandis que le second, par son obéissance, mérite à tous ceux qu'il s'incorpore une vie nouvelle de justice et de sainteté. Le premier Adam est

ainsi le type du second : celui-ci transmet la vie comme celui-là a transmis la mort. Rom., v, 12-21. Ce contraste renferme en abrégé toute la foi chrétienne et est le fon- dement de la religion.

Ces enseignements de saint Paul répondaient trop bien aux idées d'espérance chrétienne, qui sont comme la source commune d'inspiration des premiers artistes chrétiens, pour qu'Adam ne fût pas pour eux un sujet de prédilection. Son image, en effet, parait souvent dans les catacombes, re- produite de diverses manières , mais ordinairement en compagnie d'Eve et au moment de la chute. Ce souvenir de la faute du premier Adam rappelait naturellement celui du salut apporté par le second. I Cor., xv, 22. Parfois même cette idée consolante est expressément indiquée, soit par la présence d'un personnage représentant le Sau- veur, soit par quelque emblème qui le figure. Voir Fr. Bûttner, Adam und Eva in der bildenden Kunst bis Michel Angelo, in-8°, Leipzig, 1887.

VII. Traditions sur Adam. — Les traditions de plusieurs anciens peuples sur l'origine et la formation du premier homme ont conservé le souvenir plu., ou moins défiguré du récit mosaïque.

Chez les Sémites de la Chaldée ci de l'Assyrie, nous trouvons, sur les tablettes cunéiformes découvertes dans les bibliothèques des rois ninivites, sinon un témoignage précis au sujet de la création de l'homme, du moins une affirmation indirecte de cette création, puisque Éa, le dieu de l'intelligence suprême , y est représenté comme « ayant formé de sa main la race des hommes », et comme « ayant fait l'humanité pour être soumise aux dieux ». Le récit de la cosmogonie chaldéenne, traduit en grec par Bérose, est plus explicite. Bélus se trancha la tête, et du sang qui en coula, pétri avec de la terre , les autres dieux for- mèrent les hommes, qui pour cette raison sont doués d'in- telligence et participent à la pensée divine. Eusèbe, Chron., i, 2, 5, t. xix, col. 111-112; Lenormant, op. cit., t. i, p. 23, et Essai de commentaire sur Bérose, p. 12.

Parmi les Chamites, les Phéniciens admettaient, d'après un fragment de Sanchoniathon , un premier homme, Protogonos, et une première femme, Mon (dont le nom semble être la traduction de celui d'Eve, H avait) , qui « inventa de manger du fruit de l'arbre ». Ils étaient issus l'un et l'autre du vent Calpios et de son épouse Baau (le Chaos). Un autre fragment parle de « l'autochtone, né de la terre », duquel descendent les hommes. Cf. Lenormant, Histoire ancienne de l'Orient, 9 e édit., t. i, p. 20.

Selon les croyances de l'antique Egypte, Noum, Khnoum ou Khnoumis, le démiurge suprême, avait façonné l'homme avec de l'argile. Un bas-relief du temple de Denderah, qui pourrait presque servir d'illustration au texte même de la Genèse, n, 7, exprime très clairement cette croyance. A gauche, Khnoum, assis et les bras en avant, considère un enfant qu'il vient de fabriquer sur un tour à potier, et qui est debout et tourné à droite. De ce côté, une déesse agenouillée, Héqit, présente à ses narines une croix ansée, symbole de la vie. ( Fig. 22.)

Comme les enfants de Sem et de Cham, ceux de Japhet ont conservé le souvenir de la création de l'homme. Ainsi, chez les Aryens d'Europe, l'homme est, au dire des Grecs, l'œuvre de Prométhée, qui le fabriqua avec quatre élé- ments, et surtout avec de la terre et de l'eau; toutefois les uns placent cette formation tout à fait à l'origine, les autres après la destruction d'une première humanité par le déluge de Deucalion. Il est juste d'observer que les légendes les plus anciennes de la Grèce ne font pas de Prométhée l'auteur de l'homme; il y apparaît seulement comme lui donnant la vie et l'intelligence par la commu- nication du feu dérobé au ciel. Dollinger, Le paganisme et le judaïsme, v partie, liv. v, § 1 ; Lenormant, op. cit., t. i, p. 24. Les Scandinaves ont consigné dans l'Edda l'histoire de l'immortelle Idhuma et de Bragi , le premier skalde, qui habitaient dans une parfaite innocence le dé- licieux Midhgard, le milieu du monde. 179

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Les traditions aryennes de l’Asie occidentale nous présentent en Perse une mythologie plus compliquée, mais non moins significative. Un premier homme, Gayômaretan, est tué par Angromainiyus ; de son sang répandu sur la terre est produit un arbre à double tronc, ayant la

en deux branches, il était le premier homme. Il s’appelait Trima chez les Iraniens, et Yama chez les Indiens, et réunissait tous les attributs d’Adam et de Noé. Lenormant, op. cit., p. 30-31.

Dans l’extrême Orient, l’antique et immense empire de-

SS. — Le dieu Khnoum façonnant l’homme sur le tour à potier. D’après Lepslus, Denkmaler, rv, 70.

forme d’un homme et d’une femme. Ahura-Mazda sépare ces deux tiges et leur donne le mouvement, la vie et l’intelligence. Ainsi furent formés Meschya et Meschyâna , le premier homme et la première femme. Dôllinger, Le paganisme et le judaïsme , i re partie, li v. vi, § 2 ; F. Lenormant, op. cit., 1. 1, p. 25-26. D’après ces traditions, contenues dans le Boundehesch, Yima n’est plus que le premier roi, tandis que dans les légendes plus anciennes, communes à tous les Aryas orientaux avant leur séparation

Chine est un témoin suffisant des traditions des peuples de la race jaune. Selon un résumé que le père Ko a fait des vieux auteurs de ce pays, Hoangti est l’ancien esprit qui créa l’homme au commencement et forma les deux sexes. Il est dit, dans un autre passage, que « Minhoa pétrit de la terre jaune pour en faire l’homme, et que c’est la vraie origine du genre humain » . Mémoires sur les Chinois, t. i, p. 104. Un lettré chinois a recueilli de nos jours tout ce qu’il a pu trouver dans les pagodes concernant les an181

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tiennes divinités. On y voit la création du premier homme par un être suprême, et l'unité du premier couple, ayant pour vêtement une ceinture de feuillage. Études reli- gieuses, mars 4890, p. 448.

Les traditions sur l'origine de l'homme ont encore laissé des débris très reeonnaissables dans le nouveau monde et chez bien des peuples sauvages. Nous en mentionnerons seulement quelques-uns. A Bro wnston ( Pensylvanie ) , une pierre, dont l'enfouissement était d'une date antérieure à Christophe Colomb, portait entre autres figures deux formes humaines, un homme et une femme, celle-ci tenant des fruits à la main. Annales de la littérature et des arts, t. x, p. 280. Dans l'Ile de Java, une antique pierre offre un sujet dont on ne peut méconnaître le sens : un homme et une femme se tiennent des deux côtés d'un arbre chargé de fruits, autour duquel s'enroule un serpent. Journal de la Société asiatique de Londres, juin 1832. Au Pérou, le premier homme s'appelle Alpa camasca, « terre animée. » Les Mandans (Amérique du Nord) disent que le Grand Esprit forma deux figures d'argile, qu'il des- sécha et anima du souffle de sa bouche, et dont l'une reçut le nom de « premier homme » , et l'autre celui de « compagne ». Le grand dieu de Taïti, Taeroa, forma l'homme avec de la terre rouge. — Les Dyaks de Bornéo croient aussi que l'homme a été modelé avec de la terre. — L'argile rouge, comme matière du corps du premier homme, se retrouve encore dans les traditions de la Méla- nésie. — En Nouvelle-Zélande, Tiki la pétrit en y mêlant son propre sang. — Chez les Winnebagos, le grand Ma- nitou prit un morceau de son corps et un morceau de terre, et fabriqua ainsi un homme. Voir Andrew Lang, La mythologie, p. 163, 169, Paris, 1886; Fr. Lenormant, op. cit., t. i , p. 22.

Ainsi les descendants d'Adam ont emporté sur tous les points du globe, en se dispersant, le souvenir de leur véritable origine, et l'énumération nécessairement incom- plète que nous venons de faire des traditions qu'ils ont conservées est une confirmation de la véracité du récit de la Genèse. E. Palis.

SECONDE PARTIE LE PREMIER HOMME AU POINT DE VUE SCIENTIFIQUE

On nie aujourd'hui, au nom d'une fausse science, tout ce que l'Écriture nous enseigne sur le premier homme. Nous nous proposons de répondre brièvement à toutes les difficultés qu'on allègue contre les Livres Saints en traitant les trois questions suivantes :

1° Le premier homme lut-il un être intermédiaire entre l'animal et l'homme actuel? 2° Fut- il un sauvage? 3° A quelle époque fit-il son apparition?

I. L'origine animale de l'homme. — Pour les partisans du monisme, qui admettent avec toutes ses conséquences la théorie évolutionniste, et rejettent toute idée de création, il n'y a point eu à proprement parler de premier homme. La translormation qui a fini par donner à un ou plusieurs animaux placés dans des conditions favorables les traits qui nous distinguent, a été si insensible, qu'il est impos- sible non seulement de fixer la date de l'apparition de notre espèce, mais même de dire d'un individu qu'il en fut le premier représentant. Le principal adepte du dar- winisme contemporain, Hteekel, nous le dit formellement: ce passage « a eu lieu avec une telle lenteur, qu'on ne peut en aucune façon parler d'un premier homme ».

Le célèbre professeur d'Iéna enseigne cependant que l'espèce qui précéda la nôtre, et à laquelle nous devons l'existence, appartenait à la famille des singes, la première de l'ordre des Quadrumanes. L'homme -singe, qu'on a appelé plus savamment le pithécanthrope ou Vanthropo- pithèque (de Mortillet), aurait vécu vers la fin de l'époque tertiaire, peut-être même plus tôt, d'après M. de Mor- tillet, qui lui attribue les silex soi-disant travaillés des couches miocènes de Thenay, près de Pontlevoy. C'était

23. — Crânes comparés de l'homme et de l'orang.

un anthropoïde, frère des anthropoïdes actuels, mais plus rapproché de l'homme par ses caractères anatomiques ou physiologiques ; car personne ne prétend plus aujourd'hui nous faire dériver des singes qui appartiennent à la faune contemporaine, tant est considé- rable la distance qui nous en sépare (fig. 23).

L'opinion de Darwin, auteur du système transformiste le plus en vogue, ne diffère pas sous ce rapport de celle de son disciple ' Hseckel. Lui aussi nous fait des- cendre d'un singe inthropomor- phe. C'était , nous dit en résumé le naturaliste anglais, un mam- mifère velu, pourvu d'une queue et d'oreilles pointues, qui sans doute vivait sur les arbres et habitait l'ancien continent.

Il faut le dire , tous les adver- saires de la création de l'homme ne nous font pas descendre du singe. Il semble qu'aux yeux d'un grand nombre ce soit nous faire trop d'honneur encore que de nous attribuer cette origine : c'est à un étage inférieur, tout au plus parmi les marsupiaux ou les didelphes, qu'ils vont chercher nos ancêtres. Du moins reconnaissent -ils que les lois qui président au développement général des êtres s'opposent à ce que nous dérivions d'un quadrumane quelconque. De cet avis sont les professeurs Huxley, d'An- gleterre ; Filippi, d'Italie, et Vogt, de Genève, bien que ce dernier ait semblé parfois nous attribuer pour ancêtre le singe actuel , et qu'un jour, peut-être dans un moment d'humeur, il se soit laissé aller à dire qu'il aimait mieux être « un singe perfectionné qu'un Adam dégénéré ».

C'est donc à l'origine animale de l'homme plutôt qu'à son origine proprement simienne que nous avons affaire. Ce point importe assez peu du reste; car, quelles que soient les divergences de vues qui les séparent relative- ment à la généalogie humaine, nos adversaires n'en re- courent pas moins aux mêmes arguments quand il s'agit de démontrer leur thèse générale : la dérivation de l'homme d'un type inférieur. Nous pouvons donc emprunter ces arguments à Darwin lui-même, le chef du parti.

Ces prétendues preuves sont de trois sortes. Elles con- sistent : 1» dans la conformation générale du corps de l'homme ; 2" dans le développement de l'embryon humain ; 3° dans la présence chez l'homme d'organes rudimenlaires. Exposons -les brièvement.

Première objection. — « Il est notoire, dit Darwin, que l'homme est construit sur le même type général, sur le même modèle que les autres mammifères. Tous les os de son squelette sont comparables aux os correspondants d'un singe, d'une chauve -souris ou d'un phoque. Il en est de même de ses muscles, de ses nerfs, de ses vaisseaux sanguins et de ses viscères internes. Le cerveau, le plus important de tous, suit la même loi... L'homme, a dit Bischoff, est bien plus près des singes anthropomorphes par les caractères anatomiques de son cerveau que ceux- ci ne le sont non seulement des autres mammifères, mais même de certains quadrumanes, des guenons et des ma- caques. »

L'homme, ajoute Darwin, a les mêmes maladies que ces animaux inlérieurs. Il peut en recevoir et leur com- muniquer la rage, la variole, la morve, etc., « lait qui prouve bien évidemment la grande similitude de leurs tissus et de leur sang. » Les singes sont sujets à un grand nombre d'autres maladies : le catarrhe et la phtisie, par exemple. Ils partagent nos goûts pour le café , le thé , les liqueurs spiritueuses. On en a vu s'enivrer avec de l'eau- de-vie, du vin et de la bière forte. « Ces faits prouvent, nous dit-on, combien les nerfs du goût sont semblables 183

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chez l'homme et chez les singes, et combien le système nerveux entier est similairement affecté. »

Deuxième objection. — « L'homme se développe d'un ovule qui ne diffère en rien de celui des autres animaux. L'embryon lui-même, à une période précoce, peut à peine être distingué de celui des autres membres du règne des vertébrés. » En preuve de ce qu'il avance, Darwin donne une double figure représentant l'embryon de l'homme et celui du chien , lesquels ne diffèrent guère que par le dé- veloppement inégal de certaines parties.

Le naturaliste anglais ajoute, — et ses disciples ont insisté plus encore que lui sur cet argument, — que l'embryon humain présente des analogies successives des plus mar- quées, au fur et à mesure de son développement, avec diverses classes d'animaux, en commençant naturellement par les inférieures.

Troisième objection. — Les organes appelés rudimen- taires, ou simplement rudiments, par Darwin sont des organes inutiles et généralement peu développés , dont la présence ne s'explique, d'après lui, que parce que l'homme en a hérité d'ancêtres chez qui, au contraire, ils étaient développés et avaient leur raison d'être. Plusieurs muscles seraient dans ce cas , entre autres ceux qui chez les ani- maux servent à mouvoir l'oreille externe , et qui chez les orangs et les chimpanzés sont déjà hors d'usage et atro- phiés. La troisième paupière ou membrane nictitanle, qui permet aux oiseaux de recouvrir rapidement le globe de l'œil, existe également à l'état rudimentaire chez l'homme, ainsi que chez les quadrumanes et la plupart des mam- mifères. On pourrait en dire autant de l'odorat, qui rend de si grands services à certains animaux, soit en les aver- tissant du danger (ruminants), soit en leur permettant de découvrir leur proie (carnivores), et qui chez l'homme est presque sans usage. Les poils éparpillés sur le corps tle l'homme , le duvet laineux dont le fœtus humain est entièrement recouvert au sixième mois, seraient égale- ment un reste du tégument pileux des animaux dont nous dérivons. L'appendice vermiforme du cœcum , espèce de cul -de -sac aujourd'hui sans utilité, nuisible même, puis- qu'il est la cause de quelques maladies, serait aussi un vestige et un témoin du même organe, très développé cette fois, qui existe chez certains mammifères herbivores, où il a sa fonction à remplir. Le squelette nous fournit des faits de même nature, soit dans l'os coccyx, qui repré- sente chez nous la queue des mammifères , soit dans une perforation qu'on rencontre accidentellement dans l'hu- mérus humain, surtout chez les races anciennes, et qui existe normalement chez le singe. Pour comprendre ces anomalies, « il suffit, dit Darwin, de supposer qu'un ancêtre reculé a possédé les organes en question à l'état parfait, et que, sous l'influence d'un changement dans les habitudes vitales, ils ont tendu à disparaître par défaut d'usage ou par suite de la sélection naturelle ». La des- cendance de l'homme, t. I , p. 32.

Réponse. — Nous avons résumé aussi fidèlement que possible, et sans rien leur ôter de leur force, les argu- ments que Darwin apporte à l'appui de la théorie trans- formiste appliquée à notre espèce ; nous n'avons point l'intention d'y répondre en détail. L'espace nous manque pour le faire, et ce serait chose assez inutile. Nos lecteurs ont dû se dire, en effet, en parcourant ce rapide exposé, qu'il n'y avait rien là de bien nouveau, que la ressemblance physique de l'homme avec l'animal était chose connue depuis longtemps, et de nature à faire ressortir encore davantage l'infinie supériorité de l'âme humaine, puisque, avec des organes presque semblables, notre espèce s'est élevée à une immense hauteur au-dessus de la bête. Un mot cependant sur chacun des groupes d'arguments invo- qués par Darwin.

1° D'abord, le naturaliste exagère à dessein notre res- semblance extérieure avec l'animal. Anatomiquement , l'homme est un mammilère, et rien de plus; il y a long- temps que nous le savions. « Encore que nous ayons

quelque chose au -dessus de l'animal, avait dit Bossuet, nous sommes animaux. » Chaque os de notre squelette a son analogue dans le squelette du singe. Il n'en est pas moins vrai que tous ces os ont leur caractère propre, leur fades, qui permettra à un anatomiste expérimenté de les reconnaître à première vue. Et ce n'est là que le moindre des traits physiques qui nous distinguent. Seul parmi les mammifères , l'homme est organisé pour l'atti- tude verticale ; seul il est à la fois bimane et bipède. Sa dentition et la nudité de sa peau le distinguent encore du singe, dont' les canines sont de véritables défenses, et dont la peau est remarquablement velue, surtout à la partie dorsale, qui chez nous est la plus dépourvue de poils. Comment expliquer, — pour le dire en passant, — le fait de la disparition de ce tégument pileux, qui, sui- vant les transformistes, eût protégé notre ancêtre contre l'intempérie des saisons? La doctrine darwiniste prétend expliquer, il est vrai, l'acquisition des variations utiles; mais on reconnaîtra que celle-ci n'est point du nombre. Cette nudité est si peu un progrès pour l'homme, que sous tous les climats il se croit obligé d'y suppléer par l'usage des vêtements. Logiquement, Darwin aurait dû faire descendre le singe de l'homme plutôt que l'homme du singe.

C'est bien à tort aussi qu'il cherche dans le cerveau un argument à l'appui de sa théorie. Le poids du cerveau, comparé à celui du corps , est trois lois plus considérable chez l'homme que chez le singe. Les circonvolutions sont également plus profondes, et, chose remarquable, les cir- convolutions se développent dans un ordre inverse dans les deux cas. Chez nous, elles apparaissent d'abord sur le front, tandis que chez le singe celles du lobe moyen se dessinent en premier lieu. Les darwinistes n'ont pu encore expliquer cette anomalie, qui dénote une origine toute différente. « Il est évident, surtout d'après les principes les plus fondamentaux de la doctrine darwiniste , observe M. de Quatrefages, qu'un être organisé ne peut descendre d'un autre être dont le développement suit une marche inverse de la sienne propre. Par conséquent, l'homme ne peut, d'après ces mêmes principes, compter parmi ses ancêtres un type simien quelconque. » L'espèce humaine, p. 81.

Il est permis après cela de négliger les autres traits caractéristiques de notre espèce. Il faut croire néanmoins qu'ils sont bien accusés, puisque Cuvier et les autres na- turalistes, qui dans le classement général des êtres n'ont tenu compte que des caractères extérieurs, ont été en- traînés à faire de l'homme non seulement un genre, mais tout au moins une famille, même un ordre à part. Est -il dans la nature un seul autre être duquel on puisse en dire autant?

Cette simple observation me semble constituer une ré- ponse suffisante à ceux qui, dans notre camp comme dans le camp adverse, prétendent qu'on ne peut, sans manquer à la logique, appliquer le transformisme aux animaux sans l'étendre à l'homme lui-même. Tous les animaux sont reliés d'assez près les uns aux autres, surtout depuis que la paléontologie est venue, en associant les espèces fossiles aux espèces actuelles, combler un grand nombre de lacunes qui existaient jusque-là dans la série générale des êtres. Peu d'espèces constituent à elles seules autant de genres distincts , et celles qui sont dans ce cas s'asso- cient à d'autres genres pour former des familles, et à des familles pour former des ordres. Seul l'homme fait excep- tion à cette règle, et, nous le verrons, la paléontologie n'a fait que confirmer son isolement. Que serait-ce si nous prenions en considération ses facultés intellectuelles ! Alors ce ne serait plus seulement une famille ou un ordre isolé qu'il constituerait, mais bien un règne, puisque la raison, qui le distingue, ne l'élève pas moins au-dessus de l'animal que la sensibilité, qui distingue ce dernier, ne l'élève au- dessus de la plante.

Nous jugeons inutile de relever les considérations de 185

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Darwin relatives à l'identité des maladies qui atteignent l'homme et l'animal, et à l'identité des remèdes qui les guérissent. Pour s'étonner de ces traits de ressemblance, il faudrait oublier que tous les êtres organisés ont été créés suivant un même plan général, et obéissent aux mêmes lois physiologiques.

2° L'argument puisé dans le développement embryon- naire nous touche peu. Il est vrai que l'homme débute par un ovule , comme tous les animaux ; si l'on en croyait Haeckel , l'embryon humain, en se développant, serait même tour à tour zoophyte, poisson, batracien, reptile et mam- mifère ; mais ces prétendus états successifs sont plus que contestables, et, s'ils étaient réels, ils seraient sans portée au point de vue de l'origine de l'homme.

D'abord ils sont contestables. Il ne suffit pas, en effet, que Hœckel les affirme pour que nous en soyons convaincu. Nous savons que la bonne foi n'est pas la qualité domi- nante du naturaUste d'outre-Rhin. Il est aujourd'hui avéré que, pour rendre plus frappante la ressemblance des em- bryons de l'homme et de l'animal, il a altéré gravement les dessins qui ont la prétention de les représenter dans l'un de ses livres. Il y a longtemps qu'on en a fait l'ob- servation en Allemagne. A son tour, le docteur Jousset constate « une énorme différence » entre l'embryon humain figuré dans son livre et celui qui est représenté dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. Il ajoute que l'embryon du poulet, qu'il rapproche du pré- cédent, présente un développement et des « bourgeons rudimentaires » qu'il n'a point en réalité, mais qui ont pour résultat d'accentuer sa ressemblance avec l'embryon humain. » Évolution et darwinisme, p. 112. On voit si nous avons nos raisons pour ne pas croire sur parole le pro- fesseur d'Iéna !

Au jugement des naturalistes les plus compétents, les similitudes invoquées sont purement illusoires. Qu'il y ait certaines analogies entre les états successifs que revêt l'embryon et les divers groupes de la série animale, nous ne songeons point à le contester, et c'est chose toute na- turelle , puisque dans l'un et l'autre cas il y a progrès du simple au composé; mais de l'analogie à une complète ressemblance il y a loin. « A aucun moment de son exis- tence, enseigne un célèbre anatomiste, Gratiolet, l'homme ne ressemble à une autre espèce... A toutes les époques delà vie foetale , l'homme est homme en puissance , des caractères définis le distinguent. » Anatomie comparée du système nerveux, p. 251. « Les formes de l'embryon ont un rapport admirable avec les formes futures, dit le même anatomiste; elles se compliquent, il est vrai, mais suivant un mode spécifique; à toutes les époques, en un mot, l'homme futur se devine... Une différence fondamen- tale distingue notamment les formes primitives de l'encé- phale de l'homme à l'état d'embryon de celles que pré- sentent les animaux inférieurs arrivés à leur terme défi- nitif; elle consiste dans ces incurvations particulières à l'axe nerveux du capuchon céphalique de l'embryon... A aucune époque, le cerveau de fœtus humain n'est abso- lument semblable à celui d'aucun singe, loin de là ; il en diffère d'autant plus qu'on se rapproche davantage du moment où ses premiers plis apparaissent. » Ibid., p. 248, 253.

Bien que ce soient là des faits et non de pures impres- sions personnelles , on pourrait objecter que Gratiolet s'était laissé influencer par ses préjugés favorables à la fixité de l'espèce et à la supériorité de la nature humaine. On ne fera pas le même reproche à Cari Vogt, un des coryphées de l'évolutionnisme et de la libre pensée; or Cari Vogt proteste plus énergiquement encore que Gra- tiolet contre les prétendues similitudes de l'embryon humain et des animaux inférieurs. « On a supposé, dit-il, que les embryons doivent parcourir en abrégé les mêmes phases qu'a parcourues la souche pendant son dévelop- pement à travers les époques géologiques. Cette loi, que j'avais crue bien fondée pendant longtemps, est absolu-

ment fausse par sa base. Une étude attentive de l'em- bryogénie nous montre, en effet, que les embryons ont leurs harmonies relatives à eux, bien différentes de celles des adultes. » Comme exemple, le professeur de Genève cite la prétendue forme de poisson que revêt transitoire- ment l'embryon du mammifère, et il remarque qu' « un être pareil n'aurait pu vivre », attendu que l'embryon n'a dans cet état « ni intestins, ni organes locomoteurs, ni cerveau , ni organes des sens propres à exercer leurs fonc- tions ». Revue scientifique, 16 octobre 1886.

Ceux donc qui ont prétendu que l'embryon humain représente tour à tour les divers groupes de la série animale, en commençant par l'embranchement des zoo- phytes, ont été le jouet de leur imagination. Sans doute, il y a progrès dans la vie fœtale; par suite, il y a passage par une série de phases qui ne sont pas sans rappeler l'échelle ascendante qu'on remarque dans la nature ; mais jamais l'être humain ne ressemble identiquement à un autre être. Du reste , si telle était la réalité, on se demande ce que cela prouverait au point de vue de l'origine de l'homme. Quel rapport nécessaire y a-t-il donc entre ces états transitoires et les prétendues phases par lesquelles notre espèce aurait passé antérieurement ? On serait d'au- tant moins autorisé à conclure des uns aux autres, que, de l'aveu d'un transformiste qui est en même temps un émi- nent géologue, M. Albert Gaudry, « la paléontologie , qui doit être interrogée tout d'abord en pareille matière, n'est pas loin d'avoir fait la preuve que le mammifère ne des- cend point du reptile, ni le reptile du poisson. »

3° Les organes rudimentaires nous retiendront moins longtemps. On peut dire de ces organes ce que nous avons dit des prétendues phases embryonnaires : ils n'ont ni l'importance ni la signification qu'on leur attribue. Leur présence chez l'homme s'explique par cette simple consi- dération que tous les êtres organisés sont soumis aux mêmes lois physiologiques.

L'argument qu'on nous oppose a le défaut de trop prouver. Les organes rudimentaires sont si nombreux et de nature si diverse chez l'homme, ils se rapprochent à cet égard de tant d'animaux chez qui ils ont leur complet développement, que, s'ils supposaient une identité d'ori- gine, il faudrait en conclure que l'homme a passé anté- rieurement par toutes les classes de l'embranchement des vertébrés. Or qui croira, par exemple, qu'il compte des oiseaux parmi ses ancêtres, parce qu'il possède à l'état embryonnaire leur membrane nictitante ? On aboutirait à des conséquences plus étranges encore, si l'on s'obstinait à voir dans ces rudiments un reste d'organes développés et utilisés dans un état antérieur. Les mamelles atro- phiées que possèdent les mâles dans la classe des mam- mifères sont au premier chef des organes rudimentaires, et les plus saillants de tous. Faudra-l-il donc en conclure que les mâles ont jadis été des femelles? Ces rudiments d'organes sont communs chez les animaux, et jusqu'ici l'idée n'était pas venue d'y voir des vestiges d'un état antérieur. C'est ainsi que l'embryon de la baleine possède des dents qui ne parviennent pas à percer les gencives. 11 en est de même des incisives dont est muni le veau à l'état fœtal. Est-ce à dire que la baleine et le bœuf aient passé par des états antérieurs où ils avaient les dents qui leur manquent aujourd'hui ? Les transformistes eux-mêmes oseraient à peine l'affirmer.

La perforation olécranienne de l'humérus alléguée par Darwin n'a point , en tout cas , la signification que lui at- tribue le naturaliste anglais. De l'aveu d'un anthropolo- giste peu suspect, M. Georges Hervé, elle ne peut être considérée comme un caractère simien propre à certaines races inférieures. « On la rencontre aussi souvent parmi les races supérieures que parmi les inférieures, et son existence est tout aussi variable chez les animaux, s Dic- tionnaire des sciences anthropologiques , article Homme. Le même auteur observe ailleurs, Précis d'anthropologie , p. 290 , que cette perforation est beaucoup plus rare dans. 187

ADAM (PALÉONTOLOGIE)

188

les sépultures mérovingiennes que dans les sépultures modernes. Il est donc faux de dire avec le commun des transformistes qu'elle est d'autant plus fréquente, qu'on se rapproche davantage de l'origine de l'homme. Comme les phases de la vie embryonnaire, les organes rudimentaires prouvent une fois de plus qu'un plan général a présidé à la création. Ils ne prouvent pas autre chose.

On voit que de tous les arguments invoqués par Darwin à l'appui de. sa thèse, aucun n'a la portée que leur attribue leur auteur. On ne saurait donc être surpris que l'ou-, vrage qui en contenait le développement, le traité de la Descendance de l'homme, ait causé un certain désappoin- tement parmi les transformistes. « Nous nous étions ima- giné que ce livre était d'une beaucoup plus grande impor- tance, » écrivait peu après son apparition un admirateur du naturaliste anglais. « Nous ne serions pas impartial vis- à-vis de nos lecteurs, si nous ne confessions que ces vo- lumes ne sont sous aucun rapport comparables à n'im- porte lequel des livres précédents de M. Darwin... En ce qui concerne l'origine de l'homme, ils contiennent moins que nous n'en avions attendu, et les preuves qu'ils ap- portent à l'appui de cette thèse sont à peine plus fortes que celles que nous connaissions auparavant. » The po- pular science Review, juillet 1871, p. 292; cf. Lecomte, Le darwinisme et l'origine de l'homme, p. 222.

Il y aurait eu pour Darwin un autre moyen de prouver sa thèse : c'eût été de nous montrer dans les couches su- perficielles du globe le squelette fossile de l'un de ces anthropoïdes qui furent, dans sa théorie, les précurseurs de notre espèce. Le célèbre naturaliste n'a garde de re- courir à cet argument. Il sait bien que la paléontologie n'a rien révélé de cette sorte. Il n'ose même poser la question, dans la crainte que la réponse ne soit fatale à son système. N'est-il pas étrange, en effet, qu'aucun des nombreux chaînons qui dans ce système doivent relier l'homme aux animaux inférieurs n'ait pu encore être re- trouvé , et que les partisans de l'origine animale de notre espèce soient réduits à faire vivre nos précurseurs plus ou moins simiens sur un continent aujourd'hui submergé ! Que penser d'une théorie qui, obligée pour se soutenir de faire appel à l'inconnu, ne repose que sur des conjectures et des hypothèses aussi gratuites ?

Les transformistes ont pu croire un moment qu'ils avaient mis la main sur un de ces précieux chaînons si ardemment, mais si vainement cherchés. Les restes très incomplets d'un grand singe avaient été découverts en 1856 dans le midi de la France. Le paléontologiste Edouard Lartet trouva à cet anthropoïde, qu'on baptisa du nom de Dryopithèque , des caractères supérieurs à ceux des an- thropoïdes actuels. On se hâta d'en conclure qu'on avait enfin découvert l'un des ancêtres de l'homme. Malheureu- sement pour les théoriciens de l'école transformiste , une nouvelle mâchoire du même animal , plus complète et mieux conservée que la précédente, a été découverte ré- cemment dans les terrains miocènes de Saint - Gaudens. M. Albert Gaudry, auquel elle a été communiquée, et qui l'a minutieusement décrite dans un savant mémoire lu à la Société géologique de France , n'hésite pas à recon- naître que l'animal auquel elle a appartenu était très infé- rieur aux grands singes actuels. M. Gaudry a d'autant plus de mérite à en faire l'aveu, que dans une publication an- térieure il avait émis l'idée que c'était peut-être au Dryo- pithèque qu'on devait la taille des silex, en apparence tra- vaillés, qu'on a découverts dans les terrains tertiaires. « Aujourd'hui, devenu un peu moins ignorant, ajoute avec une franchise qui l'honore le savant paléontologiste, je ne tiendrais plus le même langage. A en juger par l'état . de nos connaissances, il n'y avait en Europe, dans les temps tertiaires , ni un homme ni aucune créature qui se rap- prochât de lui. Puisque le Dryopithèque est le plus élevé des grands singes fossiles découverts jusqu'à ce jour, nous d evons reconnaître que la paléontologie n'a pas encore fourni d'indice d'enchaînement entre l'homme et les animaux. »

On le voit, l'anneau qui doit relier l'homme à l'animal est toujours à trouver. Les progrès de l'anthropologie, loin de mettre sur la voie de ce précieux chaînon, auto- risent de plus en plus à douter de son existence. Quelques- uns des anthropologistes les plus favorables à la thèse dar- winienne ne font pas difficulté de le reconnaître. « Il semblait en 1869, dit l'un d'eux, que rien ne serait plus facile que de démontrer la descendance de l'homme du singe ou d'un autre mammifère. Il a fallu beaucoup ra- battre de ces espérances, et à l'heure actuelle nous ne voyons même pas la possibilité d'établir la filiation des races les unes des autres. Quant au précurseur de l'homme, il reste plus que jamais à l'état d'hypothèse; et nous savons actuellement que les hommes des âges préhistoriques ne se rapprochaient pas davantage des singes que les races actuelles. » Léon Laloy, dans V Anthropologie , août 1890.

La logique demanderait peut-être que l'on renonçât une fois pour toutes à appliquer à notre espèce l'hypo- thèse darwinienne ; mais alors il faudrait s'incliner devant le fait de la création , et cette concession répugne au ra- tionalisme moderne. Qu'on n'aille pas du inoins nous imposer au nom de la science une théorie que la science condamne !

Ce n'est pas seulement la paléontologie qui vient à ren- contre du système évolutionniste appliqué à notre espèce, c'est le principe même du transformisme darwinien. Un ami de Darwin, Wallace, l'a reconnu. A elle seule, dit-il, la sélection naturelle, qui est la base de ce système, est impuissante à expliquer l'origine animale de l'homme. Et il le prouve. La sélection explique sans doute le dévelop- pement et la conservation des caractères d'une utilité im- médiate et personnelle; mais toutes les variations qu'a éprouvées l'homme, dans l'hypothèse darwinienne, pour passer de l'état simien à l'état actuel, n'étaient pas de cette nature. Quelques-uns étaient inutiles ou même nuisibles. Quel avantage avait , par exemple , l'anthropopithèque qui donna naissance à l'homme à se défaire du tégument pileux qui le recouvrait? « Le pelage protège l'individu contre le froid et contre la pluie... Il aurait été très utile au sauvage d'être protégé de même. Cela est si vrai, que les populations infimes ont toutes imaginé quelque vête- ment pour se couvrir... La sélection naturelle n'a donc pu produire la nudité du corps de l'homme. » Revue scientifique, 23 août 1890; cf. de Valroger, La genèse des espèces, p. 108-123.

On en peut dire autant, d'après Wallace, de la main et du larynx, qui présentent chez le sauvage une perfec- tion qui n'est point en rapport avec le parti qu'il en tire , et ne peut dès lors s'expliquer par la sélection naturelle. Même observation au sujet de la transformation de la main postérieure du singe en pied. Cette transformation est loin d'être un progrès. « Il eût été très utile au sauvage de conserver cette main postérieure, dont la disparition est bien difficile à expliquer par la sélection naturelle. »

Pour rendre compte de l'acquisition de caractères de cette nature , Wallace est obligé de recourir à une sélec- tion artificielle, dont l'agent eût été un c être supérieur », sur le compte duquel il ne s'explique pas clairement, mais qui eût « guidé la marche de l'espèce humaine dans une direction définie et pour un but spécial , tout comme l'homme guide celle de beaucoup de formes animales et végétales. » La sélection naturelle, trad. franc., p. 377. C'est reconnaître avec M. de Quatrefages qu'il est impos- sible d'expliquer l'apparition de notre espèce « sans sortir du domaine exclusivement scientifique, c'est-à-dire en s'en tenant à ce qu'enseignent l'expérience et l'observa- tion ». L'espèce humaine, p. 65. Quand on en est là, le mieux n'est -il pas de revenir à la croyance traditionnelle, basée sur le récit biblique de la création?

II. État social du premier homme. — La science ne prouve point que l'homme provient d'une forme inférieure. Elle ne prouve pas même, quoi qu'en dise l'école évolu- tionniste, que les premiers hommes aient été des saui89

ADAM (PALÉONTOLOGIE)

190

vages. A l'appui de son assertion cette école invoque : 4» la grossièreté de l'outillage primitif; 2° la conformation plus ou moins simienne des squelettes humains considérés comme les plus anciens. Suivons-la sur ce double terrain.

1» Grossièreté de l'outillage primitif. — Il est très vrai que l'outillage des premiers habitants de l'Europe occidentale, les seuls dont il soit ici question, était loin d'être à la hauteur du nôtre. Il se réduisait, il n'est plus permis d'en douter, à l'usage exclusif de la pierre, de l'os et du hois. Nul métal n'était alors connu, ni surtout utilisé. Aussi n'en a-t-on jamais découvert une parcelle dans un terrain évidemment quaternaire et vierge de tout remaniement. Au contraire, dans un bon nombre de localités, sur les bords de la Saône notamment, comme aussi dans les grottes de la Charente et du midi de la France, on a trouvé le métal nettement superposé à la pierre. Il faut <lonc le reconnaître sans hésitation, cette dernière industrie fut certainement, du moins dans nos contrées, antérieure à la première. En d'autres termes, il y a eu chez nous un âge de la pierre.

Ce qui est contestable , c'est que cet âge de la pierre suppose forcément un état de sauvagerie absolue. L'absence des métaux n'est point incompatible avec un certain ■degré de civilisation. L'ethnographie nous offre plus d'un exemple d'une pareille association. Elle nous montre chez certains peuples, dont l'industrie est des plus rudimentaires, des idées morales et religieuses relativement élevées. Nulle peuplade n'est peut-être plus remarquable à cet égard que les Mincopies, ces sauvages habitants des îles Andaman. Rien de plus rudimentaire que leur industrie, laquelle se réduit, nous dit M. de Quatrefages, ies pygmées, in-12, 1887, à l'usage exclusif du bois, des coquilles recueillies sur la plage, et de la pierre éclatée au feu. Infiniment plus barbares à ce point de vue que ne l'étaient les habitants de nos contrées à l'époque quaternaire, ils ne savent ni tailler la pierre ni allumer le feu, quand une fois il s'éteint. Et cependant ils ont une religion, des principes de moralité et des connaissances traditionnelles qui les élèvent bien au-dessus de la plupart des peuples sauvages ou simplement barbares. Loin de vivre dans un état de promiscuité toute bestiale, comme on l'a prétendu, ils sont monogames et d'une grande sévérité de mœurs. Quant à leurs croyances par rapport à la vie future et à l'origine du monde et de l'homme, elles se rapprochent étonnamment de l'enseignement chrétien à cet égard. On en peut dire autant des Négritos de la presqu'île de Malacca. Eux aussi savent allier à une industrie des plus grossières des connaissances qui empêchent de confondre leur état avec la véritable sauvagerie.

S'il en est ainsi de ces populations prises, ce semble, au dernier degré de l'échelle sociale, à plus forte raison est -il permis de croire que la barbarie de nos prédécesseurs de l'époque quaternaire n'était ni aussi profonde ni aussi abjecte qu'on s'est plu à le dire. Leur industrie était, en effet, bien supérieure à celle des Mincopies. Eux du moins savaient travailler la pierre, et ils la travaillaient avec assez d'habileté pour que nous ayons peine à faire aussi bien qu'eux, même à l'aide de nos instruments en métal. D'un rognon de silex ou d'un bloc de quartz, ils détachaient à volonté une hache, un couteau, une scie, un grattoir, une pointe de lance ou de flèche. Avec un os, ils fabriquaient des harpons, des flèches barbelées, des poinçons, même des aiguilles: ce qui prouve que l'homme usait dès lors de vêtements. Son industrie s'étendait plus loin encore. Au besoin il devenait artiste, et artiste de talent. Il nous a laissé en diverses localités, notamment dans les grottes du Périgord, des preuves manifestes de son habileté comme graveur et comme sculpteur. Il a su représenter avec une grande exactitude la plupart des animaux qui l'entouraient. Quelques-uns de ces portraits révèlent un talent d'imitation dont serait

Renne, grand ours et mam-

mouth gravés sur os ou sur pierre à l'époque quaternaire.

fier un artiste de nos jours (fig. 24). Assurément il n'y a rien là qui dénote une barbarie très profonde.

On dira, il est vrai, que ce travail perfectionné date seulement de la fin des temps quaternaires, de l'époque dite magdalénienne, et qu'il ne faut pas le confondre avec l'industiie très rudimentaire de l'époque chelléenne, la première des quatre

subdivisions proposées

par M. de Mortillet pour

la période quaternaire.

A cela nous répondrons

que les haches ovales

ou en amande de la

prétendue époque chel-

léenne sont déjà très

supérieures aux outils

en pierre en usage chez

certaines peuplades sau-

vages , telles que les

Mincopies. De plus, on

ne parviendra pas â

nous convaincre que

l'homme qui les a fa-

briquées ait été réduit

à ce seul outil, si outil

il y a; car on ignore

encore à quel usage

elles étaient affectées,

et l'ethnographie ne si-

gnale rien de pareil

dans l'outillage des sau-

vages de l'époque ac-

tuelle. Si elles existent

seules ou presque seules 31

dans certains gise-

ments, c'est sans doute

qu'elles y étaient l'objet

d'une fabrication spéciale; mais rien n'empêche qu'à la même époque on ait travaillé la pierre d'une autre façon dans une localité voisine. Il faut même de toute nécessité admettre cette contemporanéité au moins de quelques-uns des divers types de l'époque quaternaire, si l'on ne veut être entraîné à cette conséquence impossible à admettre , que l'homme n'a guère eu à la fois qu'un instrument à sa disposition : la hache d'abord, le grattoir ensuite, la flèche en troisième lieu, et enfin le couteau. Comme s'il lui avait fallu traverser trois longues périodes avant de découvrir qu'une lame de silex pouvait être utilisée comme instrument tranchant !

Le mieux est donc de considérer tous les produits de l'industrie humaine à l'époque quaternaire comme à peu près contemporains. Or, envisagé ainsi dans son ensemble, cet outillage laisse bien loin derrière lui celui de la plupart des sauvages de notre temps. Il faut en conclure que l'homme de cette époque leur était moralement et socialement supérieur. Le fait même que cet homme a progressé, qu'il a triomphé dans sa lutte contre les animaux qui l'entouraient, qu'il a développé son outillage et son industrie, prouve à lui seul qu'il n'était point absolument sauvage; car, M. Renan l'avoue et l'histoire entière l'atteste, on n'a jamais vu un peuple sortir par lui-même de l'état sauvage. On peut dire que l'homme primitif était un barbare , on ne peut, sans manquer à la vérité, le qualifier de sauvage.

Après tout, on ne saurait juger de l'état de l'homme véritablement primitif par celui de l'homme quaternaire de nos contrées. Ce serait, en effet, aller contre toutes les traditions et toutes les vraisemblances , contre les déductions même de la linguistique, de l'ethnographie et des sciences naturelles, que de prétendre que l'humanité a pris naissance en Europe. Il n'est pas douteux qu'elle ne vienne d'Asie. Si donc on veut juger de son état social, de sa nature et de son industrie dans les temps qui sui191

ADAM (PALÉONTOLOGIE)

192

virent immédiatement son apparition, c’est là qu’il faut aller l’étudier. Or, à notre connaissance , une seule fois on a constaté sur lé sol asiatique la superposition nettement maitruée de diverses industries : c’est à Hissarlik, sur l’emplacement présumé de l’ancienne Troie. Schliemann , l’auteur de ces fouilles restées célèbres , nous dit y avoir rencontré superposées les ruines de sept Civilisations distinctes. Or, bien loin qu’il y ait progrès de la base au sommet, c’est le contraire qui a lieu, au moins à partir de la seconde couche. Cette découverte, sur laquelle les évolutionnistes affectent de fermer les yeux, est cependant des plus significatives. A elle seule elle nous donne une idée plus vraie de la marche générale de la civilisation que toutes les découvertes qui ont été faites dans notre Occident, non seulement parce qu’elle nous montre plus d’industries superposées , mais aussi parce que, étant plus rapprochée du berceau de l’humanité, elle plonge nécessairement plus loin dans le passé, et nous retrace les mœurs d’un peuple qu’il est bien permis cette fois de considérer comme primitif, à cause de son voisinage du lieu qui vit apparaître notre espèce.

2° Nature des fossiles humains. — La grossièreté de l’outillage à l’époque quaternaire ne prouve donc point que le premier homme ait été un pur sauvage, encore moins qu’il ait eu l’origine animale que l’école darwinienne se plaît à lui attribuer. — La nature des débris humains fossiles le prouve-t-elle davantage ?

Le nombre des ossements humains qui méritent d’être appelés fossiles, c’est-à-dire qui remontent au moins à l’époque quaternaire, est loin d’être aussi considérable qu’on l’avait prétendu au début des études préhistoriques. Ceux mêmes qui prétendent avec M. de Mortillet que l’homme, ou plutôt son précurseur, est apparu dès l’époque tertiaire, reconnaissent qu’on n’a encore découvert aucun débris humain remontant authentiquement à cette époque : ce qui ne les a pas empêchés de décrire minutieusement et de répartir en espèces distinctes cet ancêtre tertiaire, qu’ils ont décoré du nom d’Anlhropopithèque. Pour ceux qui, comme nous, s’en tiennent uniquement aux faits, l’homme quaternaire est donc seul en cause.

On pourrait citer au moins une quarantaine de localités où l’on a découvert des squelettes ou fragments de squelettes humains remontant en apparence à l’époque quaternaire. Malheureusement, la plupart de ces débris humains avaient, aux yeux de nos évolutionnistes, le défaut de trop ressembler à l’homme actuel. Pour ce motif, M. de Mortillet en a éliminé les trois quarts ; il n’en a retenu que neuf, naturellement ceux qui avaient les formes désirées et tendaient à confirmer l’origine animale de notre espèce. Les pièces auxquelles il a réservé cet honneur comprennent six crânes, deux mâchoires et un squelette à peu près entier. Les crânes ont été trouvés à Canstadt (Wurtemberg), à Néanderthal (Prusse rhénane), à Eguisheim (Alsace), à Brux (Bohême), à la Denise (près du Puy-en-Yelay), et dans la tranchée de l’Olmo (Italie) ; les mâchoires, dans les grottes de la Naulette (Belgique) et d’Arcy-sur-Cure (Yonne) ; enfin le squelette, àLaugerie-Basse (Dordogne). Jetons sur chacun de ces précieux débris un rapide coup d’œil au point de vue de l’authenticité et de la forme.

Le crâne de Canstadt, le plus anciennement recueilli, puisque sa découverte remonte à l’an 1700, fut trouvé dans la localité de ce nom, tout près de Stuttgart, associé, nous dit -on, à des os d’éléphant, d’ours et d’hyène. Les évolutionnistes, qui l’ont acclamé à cause de sa forme passablement grossière, sont obligés de reconnaître que des doutes sérieux planent sur son authenticité. « On croit maintenant à Stuttgart, dit un admirateur de M. de Mortillet, M. Ph. Salmon, qu’il n’était pas dans le sein du gisement quaternaire, et qu’il a été trouvé dans les éboulis de la falaise avec de la poterie. » Dictionnaire des sciences anthropologiques, art. Races humaines. Or c’est un dogme, en préhistoire, que la poterie n’était point encore connue

à l’époque quaternaire. La conclusion, c’est qu’il faut écarter le crâne de Canstadt, puisqu’il est convenu qu’on ne prend en considération que ceux dont l’authenticité est hors de doute. M. de Mortillet n’était pas loin de le reconnaître, lorsque, contrairement à M. de Quatrefages, il a refusé d’en faire le type de la race primitive, et qu’il a réservé cet honneur au crâne de Néanderthal.

L’origine quaternaire de ce dernier présente -t- elle beaucoup plus de garanties ? Il est permis d’en douter. Il fut recueilli, en 1856, auprès de Dusseldorf, dans une alluvion argileuse qui, nous dit-on, a fourni quelques débris d’espèces quaternaires. C’est possible, mais il convient d’ajouter qu’on a aussi trouvé de la pierre polie dans la même alluvion ; ce qui tend à la rapporter à l’époque actuelle. De plus, rien ne prouve qu’on n’ait pas affaire à une sépulture ordinaire. Le cadavre auquel appartenait lé crâne en question gisait, régulièrement allongé, à deux pieds seulement de profondeur, comme celui d’une personne inhumée. Or, s’il s’agit d’une inhumation, l’association avec les espèces fossiles ne prouve plus rien. Aujourd’hui encore nous enterrons parfois nos morts dans des terrains riches en fossiles des diverses époques géologiques. Le chercheur futur qui constatera cette association sera- 1- il donc autorisé à en déduire la contemporanéité de l’homme et des espèces animales dont les débris accompagnent les siens ?

Nous pourrions donc récuser le crâne de Néanderthal aussi bien que celui de Canstadt. Mais faisons à nos adversaires la concession de reconnaître cette authenticité. Qu’en faudra- 1- il conclure ? Il est vrai que le front est étroit, la voûte crânienne surbaissée et très allongée, les os fort épais et les arcades sourcilières remarquablement proéminentes ; mais rien ne prouve que ce crâne ne soit pas pathologique, comme on l’avait cru au début. Si aujourd’hui on le

considère comme

normal, c’est

qu’on a trouvé

les mêmes carac-

tères chez divers

personnages his-

toriques et chez

Un certain nom-

bre de nos con-

temporains dont

l’intelligence est

au moins égale à

la moyenne. Par

sa capacité , le

crâne de Néan-

derthal (fig. 25)

est supérieur aux

crânes des Aus-

traliens, et il at-

teint presque la

moyenne des crâ-

nes féminins. Il

mesure 1 220 cen-

timètres cubes ,

alors que le plus

vaste crâne de singe mesuré jusqu’ici n’atteint que 355 centimètres. On le voit, quel que soit son âge, le crâne de Néanderthal n’a rien de simien, et l’école transformiste n’a qu’à chercher ailleurs le trait d’union qu’elle prétend exister entre l’homme et la bête.

Nous passerons rapidement sur les crânes d’Eguisheim, de Brux, de la Denise et de l’Olmo. Ils reproduisent, en les atténuant , les traits des précédents , et leur authenticité est presque toujours discutable. Le premier a été trouvé, il est vrai, dans un lehm ou alluvion argileuse qui semble bien quaternaire. Cependant on a découvert dans ce même lehm, et à une profondeur considérable, trois cadavres, dont l’un au moins avait dû être inhumé .

Crâne de Néanderthal, vu de profil et de face. 193

ADAM (PALÉONTOLOGIE)

194

car il portait sur la poitrine on vase recouvert d'une pierre, et près de lui se trouvaient d'autres vases de même nature, ainsi qu'une hache en pierre polie. Inhumation, poterie et pierre polie sont, d'après l'enseignement de l'école, autant d'indices de l'époque actuelle. On pré- tendra sans doute que la présence de ces objets à une pareille profondeur tient à un remaniement des terres; mais pourquoi exclure le crâne d'Eguisheim de ce rema- niement?

Même incertitude au sujet du crâne de Brux. Le rapport qui nous l'a fait connaître, et qui date seulement de 1872, dit expressément que, dans l'alluvion où il gisait, on a trouvé une hache en pierre polie. Comme on ne signale d'autre part la présence en cette couche d'aucune espèce quaternaire, il est bien permis de révoquer en doute la date qu'on lui assigne.

Le crâne et les autres ossements humains découverts dès 1844 dans un tuf volcanique, auprès du Puy, sont probablement encore moins anciens que les précédents. Personne ne croit plus aujourd'hui qu'ils sont contempo- rains du mastodonte, comme on l'avait pensé tout d'abord. Le tuf volcanique danu lequel ils étaient comme enchâssés est évidemment très récent, puisqu'il surmonte des allu- vions quaternaires. Ils peuvent même être postérieurs à la formation de ce tuf, et , par suite, aux dernières érup- tions volcaniques de la Denise. Deux géologues compétents, Hébert et Lartet, qui ont visité la localité en 1857, ont cru y reconnaître les traces d'une sépulture. Quelle que soit leur nature, ces ossements ne peuvent donc nous donner aucune indication utile sur la question de l'origine de l'homme.

Reste le crâne troiwé, en 1863, dans la tranchée de l'Olmo, près d'Arezzo (Italie). Cette fois l'authenticité n'est pas douteuse, car il a été trouvé à quinze mètres de profondeur, et dans le voisinage d'ossements d'a- nimaux caractéristiques des temps quaternaires. Nous avons d'autant moins de raison de la contester, que, de l'aveu de M. de Mortillet, ce crâne n'a aucun des traits simiens qu'il attribue à l'homme primitif. La forme est allongée, il est vrai; mais cette forme, la doli- chocéphalie, s'allie fort bien avec une intelligence déve- loppée. Voir flg. 26.

Les caractères simiens, si ardemment cherchés par nos évolutionnistes, se re- trouvent-ils davantage sur la mâchoire découverte en 1865 dans la caverne de la Naulette, près de Dinant ( Belgique ) ? On l'a cru longtemps. Nous - même , dans une précédente publication, L'âge de la pierre et l'homme primitif, p. 145, n'osant méconnaître ni son antiquité, que démontrait sa situation au milieu d'es- pèces quaternaires, ni son caractère, que tous les an- tliropologistes s'accordaient à qualifier de simien, nous en étions réduit à invoquer contre les théories auxquelles elle servait de base l'adage bien connu : Testis unus, testis nullus. Depuis lors, un savant anthropologiste, peu suspect de vouloir altérer les faits en faveur de la cause spiritua- liste, le docteur Topinard, a fait de cette mâchoire une étude approfondie, qui contredit presque sur tous les points la description qu'on en avait donnée primitivement. Revue d'anthropologie, juillet 1886; cf. La science catholique, avril 1887. On avait dit que la mâchoire était dépourvue de menton, qu'elle dénotait un prognathisme ou une saillie DICT. DE LA BIBLE.

6. — Exemples de brachycé- pballe et de dollchocéphalle (crâne court et crâne long).

des plus accentuées; que les molaires allaient en croissant d'avant en arrière, comme chez les singes; enfin, chose plus grave, que l'apophyse géni, éminence osseuse sur laquelle s'insèrent les muscles de la langue, faisait tota- lement défaut ; d'où l'on concluait que l'être auquel elle appartenait n'était pas encore pourvu du langage articulé. M. Topinard a démontré que tout cela était faux ou gra- vement exagéré; que, particulièrement, l'apophyse géni existait réellement, et que si on ne l'avait pas vue plus tôt, c'était tout simplement faute d'avoir enlevé la terre qui la recouvrait. « Ainsi tombe tout un échafaudage datant de vingt ans, » conclut le docteur Topinard. Nous ajou- terons : Ainsi deviennent évidentes et la témérité de cer- tains savants qui se hâtent d'affirmer sans preuves les faits favorables à leurs systèmes, et l'excessive docilité du troupeau qui les suit.

Une seconde mâchoire dont l'origine quaternaire ne semble pas moins bien établie est celle que le marquis de Vibraye trouva, en 1859, dans l'assise inférieure de la grotte d'Arcy-sur-Cure (Yonne); mais elle ne saurait nous retenir; car, de l'aveu de M. de Mortillet, les caractères simiens n'y sont guère accusés. Aussi le chef de l'école préhistorique la rattache-t-il, sans nulle autre raison, à la dernière partie de l'époque quaternaire.

La dernière pièce que M. de Mortillet attribue aux temps quaternaires est un squelette découvert, en 1872, dans le gisement de Laugerie- Basse, sur les bords de la Vézère. Cette fois, il a la prudence de n'en rien déduire par rap- port à l'homme primitif, et il a raison , car le crâne a été complètement écrasé par la chute d'un rocher, et il est impossible d'en recomposer la forme. Quant à la capacité, un de ses disciples et amis, M. Salmon, admet qu'elle « devait être supérieure à la moyenne de nos jours ».

Nous avons épuisé la liste des ossements humains fos- siles reconnus comme tels par le principal représentant de la science préhistorique. Il résulte du rapide examen que nous en avons fait que l'authenticité du plus grand nombre est contestable. S'il en est qui présentent à cet égard toutes les garanties désirables, il se trouve précisé- ment qu'on n'y rencontre plus les traits quelque peu simiens entrevus chez les autres.

Il ne faut pas oublier en outre que les neuf pièces qui précèdent ont été triées arbitrairement parmi plus d'une quarantaine. Tout naturellement on a eu soin de laisser de côté celles dont la conformation, trop semblable à la nôtre , ne s'accordait point avec la doctrine évolutionniste.

Avait-on du moins pour excuse les conditions de gise- ment? L'association avec les espèces quaternaires était- elle moins intime, ou les traces de remaniement plus apparentes? En aucune façon. Envisagées à ce point de vue, les trente ou quarante pièces que M. de Mortillet a délaissées ne présentent pas moins de garanties que les précédentes. Tous les préhistoriens qui n'ont point sur les yeux l'épais bandeau des préjugés évolutionnistes ont pris en considération les uns et les autres. M. de Quatrefages, qui range dans sa race de Cahstadt les neuf pièces admises par M. de Mortillet, a constitué avec celles qu'il rejette cinq autres races, également quaternaires à ses yeux : celles de Cromagnon, de Grenelle, de la Truchère, et les deux de Furfooz (Belgique). M. Hamy, un autre anthro- pologiste autorisé et peu suspect, auteur d'un Traité de paléontologie humaine, met sur le même pied toutes ces pièces au point de vue de l'antiquité.

Or est -il étonnant que, sur le nombre, il s'en trouve qui présentent des traces au moins apparentes d'une réelle dégradation ? Nous l'avons dit , même à l'époque actuelle et au sein de nos sociétés civilisées, il n'est pas rare de rencontrer le prognathisme et la dolichocéphalie (crâne allongé), l'étroitesse du crâne et la proéminence des ar- cades sourcilières. A plus forte raison, ces caractères d'in- fériorité relative devaient -ils se produire aux époques de barbarie qui précédèrent notre civilisation. Il n'est pas douteux que la misère ne dégrade les traits, et que

i. — a 195

ADAM (PALÉONTOLOGIE)

196

27.

Crâne de Cromagnon.

Je bien-être et la culture intellectuelle ne les ennoblissent. On a fait la remarque, il y a déjà longtemps, que les Ir- landais du nord -ouest, qui avaient spécialement souffert de la persécution protestante, avaient perdu la noblesse de traits de leurs compatriotes moins misérables. Par contre, on a observé bien des fois que l'exercice des fa- cultés intellectuelles développe le cerveau , notamment la région frontale. Il ne serait donc pas étonnant que les crânes actuels l'emportassent pour la forme et la capacité sur les crânes fossiles ; cependant il s'en faut que cette supériorité soit constatée, car s'il est des crânes fossiles ou présumés tels qui n'atteignent pas la moyenne actuelle , il en est aussi, ceux de Cromagnon (Dordogne) (fig. 27), par exemple, qui la dé- passent de beaucoup. Nous avons vu ci-dessus un an- thropologiste de l'école avancée, M. Léon Laloy, reconnaître que les hom- mes préhistoriques ne se rapprochaient pas plus du singe que . nos contempo- rains ; nous trouvons le même aveu sous la plume d'un autre anthropologiste qui n'est pas non plus sus- pect, M. de Lapouge : « Les crânes d'aujourd'hui, écrivait-il en 1887, n'indiquent pas des êtres plus parfaits que les crânes quaternaires , le type de Néanderthal excepté. » Revue d'anthropologie, septembre 1887.

En somme, les partisans de l'origine animale de notre espèce doivent en prendre leur parti, et renoncer à invo- quer la paléontologie humaine à l'appui de leur système. « L'homme quaternaire, a dit M. de Quatrefages, est tou- jours l'homme dans l'acception entière du mot. » Tout prouve qu'il était même considérablement au-dessus du sauvage contemporain. Et pourtant, nous l'avons dit, ce n'était pas là véritablement l'homme primitif. De celui-ci, la science préhistorique n'a rien à dire, sinon qu'il habita probablement l'Asie, et que ce pays, civilisé sans doute dès l'origine, ne semble pas avoir jamais passé par un âge de la pierre. 11 s'en faut donc que le peu qu'elle nous ait appris aille à rencontre des données bibliques sur l'état social du premier homme.

III. L'âge de l'homme d'après l'archéologie préhisto- rique. — « L'homme a apparu en Europe avec le com- mencement du quaternaire, il y a au moins 230 000 à 240000 ans. » Le préhistorique, p. 628. Voilà ce que nous lisons dans un livre écrit par M. de Mortillet, l'un des chefs et des fondateurs de la science préhistorique. On le voit, nous sommes loin de la chronologie biblique. Si élastique que puisse être cette chronologie, si large que l'on soit dans son interprétation, on ne peut évidem- ment songer à l'étendre dans cette mesure. Aussi M. de Mortillet n'est- il que logique, lorsqu'il se moque de ceux qui continuent à « enseigner religieusement qu'Adam est le premier homme ». Dicl. des sciences anthropologiques, art. Antiquité de l'homme. Si notre espèce remonte aussi haut qu'il l'affirme, il faut immédiatement reconnaître que la Bible fait erreur. Le personnage qu'elle nous présente comme le père de l'humanité ne peut être tout au plus que le père du peuple juif, lequel dans son orgueil se serait, comme on l'a dit, substitué au genre humain tout ntier.

Il s'en faut heureusement que les évaluations chrono- logiques de M. de Mortillet s'imposent à notre acceptation. C'est à peine si elles ont été prises au sérieux dans son propre camp. Les adeptes les plus autorisés de la science préhistorique n'hésitent pas à reconnaître qu'il est impos- sible d'arriver à déterminer avec quelque précision, avec les seules données de la préhistoire, la date de l'apparition de l'homme. Us n'en sont pas moins à peu près d'accord pour affirmer l'insuffisance de la chronologie traditionnelle

en face des découvertes récemment faites dans le domaine des sciences naturelles.

Nous sommes d'un avis tout différent. S'il y avait lieu de reculer de quelques milliers d'années la date de la création de l'homme, ce serait selon nous l'histoire qui en ferait une obligation, non la géologie ni l'archéologie préhistorique. La chronologie égyptienne, si incertaine qu'elle soit elle-même pour ses débuts, nous reporte à trois ou quatre mille ans avant J.-C, c'est-à-dire à une date antérieure à celle que la plupart des supputations basées sur la Bible attribuent au déluge. A moins donc de soustraire le peuple égyptien au cataclysme diluvien, comme on l'a proposé, à moins encore de placer avant le déluge les premières dynasties pharaoniques, ce qui ne paraît guère admissible, il faut nécessairement accroître l'inter- valle compris entre Noé et Abraham. Quoi qu'on en dise, ni la géologie ni l'archéologie préhistorique n'ont de ces exigences. Montrons-le brièvement.

On sait que les géologues ont partagé l'histoire du globe en quatre grandes époques, de durées très inégales, qu'ils ont appelées, suivant leur ordre : primaire (ou de tran- sition), secondaire, tertiaire et quaternaire. Leur durée, impossible à évaluer en nombre d'années, diminue très rapidement de la première à la dernière. C'est au point que celle - ci , l'époque quaternaire , mérite à peine d'entrer en comparaison avec ses aînées, tellement elle a été courte. Aussi n'est-ce guère qu'en France qu'on lui a donné le rang de grande époque géologique. Plus sages que nous, les Anglais en ont fait une sorte de supplément à la période pliocène, troisième partie de l'époque tertiaire, et l'ont appelée en conséquence postpliocène. Ce terme indique mieux assurément que notre mot quaternaire sa place réelle dans l'histoire du globe.

A laquelle de ces époques l'homme est -il apparu? Tout le monde admet que ce n'est ni à l'époque primaire ni à l'époque secondaire ; ce qui est déjà reconnaître la date récente de sa venue, attendu que ces deux époques constituent peut-être ensemble les neuf dixièmes des temps géologiques. Le doute commence à l'époque tertiaire. Des géologues, doués, il est vrai, d'un peu d'imagination, ont prétendu aveir découvert dans les terrains miocènes, qui représentent la partie moyenne de cette époque, des silex taillés artificiellement. Or tout travail suppose un ouvrier; et quel eût été l'ouvrier, sinon l'homme lui-même ou le précurseur que lui assigne la théorie évolutionniste?

La découverte de ce genre qui a eu le plus de reten- tissement a été à coup sur celle que fit, vers 1865, l'abbé Bourgeois, supé- rieur du collège de Pont- levoy, dans les terrains tertiaires de Thenay (fig. 28). La conviction de l'abbé Bourgeois en- traîna celle d'un certain nombre d'anthropologis- tes des' plus autorisés, parmi lesquels il faut compter M. de Quatre- fages. Cependant de nou- velles recherches et un examen plus attentif des silex et de leur gisement ont fini par démontrer qu'on avait fait erreur. On pense aujourd'hui presque universellement que les silex en question n'ont jamais été taillés que par la nature, et que le craquelage ou fen- dillement que quelques-uns présentent est le résultat non d'un feu artificiel, mais d'une action chimique qui s'est produite accidentellement au sein des couches calcaires qui les contenaient. Tel a été l'avis à peu près unanime des nombreux géologues et anthropologistes qui visitèrent le gisement de Thenay en 18Si, à l'occasion du congrès

as. -

Silex tertiaires de Thenay (Loir-et-Cher). 197

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scientifique que tint cette année à Blois l'Association fran- çaise pour l'avancement des sciences.

Cette découverte, aujourd'hui presque universellement abandonnée, est de beaucoup la plus sérieuse de celles qui ont été produites en faveur de l'existence de l'homme ou de son ancêtre plus ou moins simien à l'époque ter- tiaire. M. de Mortillet, qui persiste à la considérer comme probante, en invoque cependant deux autres à l'appui de sa thèse, celles qu'ont faites MM. Rames et Bibeiro, le premier à Aurillac (fig. 29), le second à Otta, près de Lisbonne (fig. 30). Là en- core il s'agit de silex qu'on soupçonne d'être travaillés; mais cette fois le doute ne porte plus seulement sur la taille du silex , il porte aussi sur leur authenticité, ou même sur l'âge des terrains d'où ils sont censés prove- nir. Aussi les savants sérieux s'en désintéressent-ils de plus en plus.

On remarquera que pas un ossement de l'être intelli- gent, — homme ou animal, — qu'on dit avoir taillé ces silex, n'a jamais été rencontré. M. de Mortillet le reconnaît. Cela ne l'empêche pas d'affirmer sa foi à YAnthropopi- thèque tertiaire; car dans sa pensée il ne s'agit pas de l'homme proprement dit, mais d'un anthropoïde quel- conque, qui fut son précurseur. 11 va même jusqu'à ad- mettre trois espèces d'Anthropopithèques, correspondant aux trois localités où l'on prétend avoir trouvé ses œuvres.

29. — SUex tertiaires trouvés près d 1 Aurillac.

30. — Silex tertiaires trouvés près de Lisbonne.

A ces espèces, hypothétiques au premier chef, il a donné les noms des trois inventeurs : de là les Anthropopithecus Boûrgeoisii, Ramesii et Riberoii. Après quoi, fier de sa découverte, que personne assurément ne songera à lui contester, il se compare triomphalement à Leverrier, « dé- couvrant sans instrument, rien que par le calcul, une planète ! »

Force nous est d'ajouter que M. de Quatrefages adopte en partie les vues de M. de Mortillet. Comme lui, il per- siste à croire à la taille intentionnelle des silex de Thenay; mais cette taille, il l'attribue à l'homme lui-même, non à son prétendu précurseur, dont il n'admet pas l'existence. 11 se trouve ainsi entraîné à reporter l'apparition de notre espèce à une date excessivement reculée, qu'il est im- possible de fixer même approximativement, mais qui est évidemment inconciliable avec les données bibliques.

Il faut dire que si l'autorité de M. de Quatrefages est grande en anthropologie proprement dite, elle est très faible en archéologie préhistorique. Le savant professeur n'a suivi que de loin le progrès des idées en cette ma- tière. Il est de ceux qui se sont laissé influencer par l'éloquence et l'accent de conviction de l'abbé Bourgeois, et, une fois son opinion faite, il n'a pu se résigner à en changer. Son témoignage ne saurait infirmer l'opinion contraire des spécialistes, qui pour la plupart nient for-

mellement aujourd'hui ce qu'ils affirmaient hier, à savoir, l'existence de l'homme ou de son précurseur à l'époque tertiaire, et proclament tout au moins l'insuffisance absolue des preuves apportées jusqu'ici à l'appui de cette thèse. (Pour plus de détails, nous ne pouvons que renvoyer le lecteur à ce que nous avons écrit sur cette question dans la Revue des questions scientifiques, t. v, p. 36 et 361; dans La controverse, novembre et décembre 1884, et aussi dans le Dictionnaire apologétique de la foi chrétienne, 1889, art. Anthropopithèque et lertiaire. — Voir aussi le récent travail de M. Adnen Arcelin sur le même sujet dans e Compte rendu du premier congrès scientifique international des catholiques [1888], et aussi dans la Revue des questions scientifiques , janvier 1889.)

L'homme tertiaire étant hors de cause, reste l'homme quaternaire. L'existence de ce dernier n'est pas contes- table. Dire que l'homme a vécu à l'époque quaternaire, c'est tout simplement, en effet, reconnaître qu'il a été le contemporain de certaines espèces animales caractéris- tiques de cette époque, telles que le mammouth (Elephas primigenius) (fig. 31), le rhinocéros à narines cloison- nées (Rh. tichorrhinus) (fig. 32), l'ours des cavernes (Ursus spélxus), le cerf à bois gigantesques (Cervus megaceros) (fig. 33), et même le renne (Cervus taran- dus), qu'on ne trouve plus aujourd'hui que dans les ré- gions boréales, mais qui alors habitait nos régions tem- pérées. Or les restes de ces animaux ont été rencontrés si souvent, soit avec des ossements humains, soit avec les grossiers produits de l'industrie des premiers habi- tants de nos contrées, qu'on ne peut aujourd'hui émettre un doute sur la contemporanéité des uns et des autres. L'homme fossile, auquel les écrivains orthodoxes ont long- temps fait la guerre , est donc une réalité. L'époque qua- ternaire étant rangée à tort ou à raison parmi les temps géologiques, tous les débris organiques qui s'y rattachent méritent d'être qualifiés fossiles, et ceux de l'homme ne font point exception à cette loi.

Seulement , hâtons - nous de le dire , admettre que Thomme existe à l'état fossile , en d'autres termes, qu'il a vécu à l'époque quaternaire, ce n'est point, à nos yeux, sortir du cadre de la chronologie traditionnelle. Tout prouve, en effet, que les animaux qui caractérisent l'époque quaternaire ont vécu, au moins par endroits, jusqu'à une date toute récente , voisine de l'ère chrétienne. A défaut de l'histoire, absolument muette sur notre pays si l'on re- monte seulement au delà de vingt siècles, l'archéologie sérieusement consultée suffirait pour nous en convaincre. Mais cet examen nous entraînerait trop loin.

Observons seulement en passant que les restes du mammouth ont été rencontrés en Angleterre aussi bien que chez nous dans des lormations récentes, par exemple, dans des dépôts tourbeux, qu'il est d'usage de rattacher à l'époque actuelle ; qu'on a trouvé cet animal en Sibérie en un tel état de conservation, que des chiens ont pu se nourrir de sa chair; que l'éléphant, mammouth ou autre, existait encore dans le nord de l'Afrique et dans la région de Ninive aux époques historiques, et qu'un de nos chroni- queurs, Parthenopex de Blois, dont l'autorité est contes- table, il est vrai, va jusqu'à le signaler parmi les bêtes qui hantaient jadis nos forêts. L'ours des cavernes peut lui- même être confondu avec des ours d'une taille extraordi- naire, que nous trouvons signalés à ce titre dans des documents du moyen âge. Il n'est pas contestable, en tout cas , qu'on ait rencontré parfois ses débris associés à ceux des espèces actuelles, sinon à ceux de nos animaux domes- tiques.

En ce qui concerne le renne, nous avons mieux que des données archéologiques ou des probabilités historiques. César nous décrit, en effet, cet animal comme ayant vécu, sans doute de son temps, dans la forêt Hercynienne, c'est- à-dire sur les bords du Rhin. « Il y a là, dit-il, un bœuf ressemblant à un cerf (Bos cervi figura), portant au mi- lieu du front, entre les oreilles, une corne unique, plus 199

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haute et plus droite que toutes celles qui nous sont connues, et du sommet de laquelle partent de longs rameaux pareils à des palmes. Le mâle et la femelle se ressemblent; la grandeur et la forme de leurs cornes sont les mêmes. » Ti , 2. Bien que le renne n'y soit pas nommé , cette des- cription s'applique évidemment à lui. C'est, en effet, le seul animal du genre cerf dont la femelle soit comme le mâle armée de bois, le seul qui par la largeur de son front présente réellement l'aspect du bœuf, le seul enfin dont les -cornes se ter- minent en longs ra- meaux palmés. Il est vrai que ces cornes ne partent point du milieu du front; mais on pour- rait le croire , si l'on se contentait de voir le renne à distance, à cause de la disposition diver- gente des bois, et sur- tout grâce à la présence chez certains individus d'un rameau basilaire, qui se projette en avant. Geoffroy Saint-Hilaire a donc eu raison de dire que la description de César « porte jusque dans ses erreurs mêmes l'empreinte d'une obser- vation directe et profonde ». Nous pourrions, s'il en était besoin, relever dans cet écrivain et dans les ouvrages d'autres auteurs classiques des allusions presque aussi manifestes au même animal, lequel évidemment a existé dans l'Europe centrale jusqu'à l'ère historique. Les débris de son squelette qu'on a trouvés dans certaines stations lacustres de cette région ne font au reste que confirmer ces témoignages. Nous négligeons l'élan (Cervus alces) et le grand bœuf

31. — Squelette de VEUphas primlgenius.

32, — Squelette du Rhinocéros tichorrhinus.

{Bos primigenius), dont César mentionne également la présence dans la forêt Hercynienne, parce que si ces deux animaux ont appartenu à la faune quaternaire de nos con- trées, ils n'en ont pas moins, de l'aveu de tous, survécu à cette faune dans la même région.

Il ne faut pas croire du reste que la faune quaternaire ait été très différente de la faune actuelle. En réalité, elle comprenait tous les animaux sauvages qui nous entourent, plus quelques espèces qui ont dû émigrer à cause des changements de climats, qui sont tombées sous les coups des chasseurs, ou qui ont succombé dans la lutte pour la vie.

On le voit, s'il faut en juger par les animaux qui la ca- ractérisent, l'époque quaternaire a dû se prolonger jus- qu'aux approches de l'ère chrétienne.

Il est vrai qu'elle a d'autres caractères, empruntés à la climatologie. Qui dit époque quaternaire dit époque gla- ciaire, ces deux époques ayant certainement coïncidé, au

moins en partie. Alors, en effet, les glaciers étaient consi- dérablement étendus, et les cours d'eau plus abondants que de nos jours : double phénomène qui pouvait tenir à une même cause , la fusion des glaces occasionnant chaque été d'immenses inondations dont les traces existent encore. Mais, pour retrouver quelque chose de ces phénomènes, il n'est pas nécessaire de remonter aussi haut dans le passé qu'on le pourrait croire. L'histoire nous les laisse entrevoir assez clairement. Nous avons réuni ailleurs, Études criti- ques d? archéologie pré- historique, p. 216-240, un certain nombre de textes empruntés aux écrivains de l'antiquité , qui prouvent que les hivers étaient, il y a seu- lement quinze et vingt siècles , notablement plus froids qu'ils ne le sont de nos jours. Qu'il nous suffise d'indiquer ici quelques-uns de ces témoignages.

Hérodote nous dépeint le climat de la Scythie en termes qui convien- draient aujourd'hui à la Laponie et au Groen- land. Il nous montre ce pays complètement glacé pendant huit mois de l'année, et la mer Noire gelée au point de supporter les chars les plus lourds. Aristote et d'autres après lui nous disent qu'il faisait si froid, en Gaule, que l'âne ne pouvait y vivre. Les écrivains latins insistent de leur côté sur la rigueur du climat gaulois, qui ne permet, nous disent-ils, ni la culture de l'olivier ni celle de la

33. — Squelette du Cervus megaceros.

vigne. Ils ne connaissaient guère pourtant que le midi de la Gaule, où l'olivier et la vigne prospèrent aujourd'hui. Virgile nous montre le Danube traversé par des chars , et les habitants de ces contrées misérables se retirant dans des cavernes, vêtus de la peau des bêtes fauves, absolu- ment comme le faisaient, au dire de la préhistoire, nos barbares prédécesseurs de l'époque quaternaire. Ovide, qui a passé plusieurs années de sa vie dans la région du Danube, nous montre ce fleuve entièrement glacé à son embouchure , de façon à livrer passage à de lourds cha- riots. Il ajoute qu'il a vu le vin gelé dans les outres, et la mer Noire prise elle-même par les glaces au point qu'il a pu marcher sur ses eaux. Et comme il craint d'être accusé d'exagération , il en appelle au témoignage de deux 201

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anciens gouverneurs de la Messie, qui ont pu comme lui constater ces faits.

L'Italie elle-même n'avait point alors son climat actuel : du moins les écrivains latins en parlent-ils en termes qui ne lui conviendraient point de nos jours. Ils font mention de neiges amoncelées, de rivières qui charrient des gla- çons, du triste hiver qui fend la pierre et enchaîne le cours des fleuves, et cela dans la région la plus chaude de l'Italie, au pied des remparts de Tarente. Un tel tableau s'appliquerait tout au plus aujourd'hui à notre pays.

Même témoignage au sujet de l'abondance des cours d'eau. Ici la géologie joint sa voix à celle de l'histoire pour attester que la plupart des rivières avaient, il y a 1 500 ou 2 000 ans , un débit supérieur, au moins par moments , à leur débit actuel. M. Michel de Rossi l'a prouvé pour le Tibre; d'autres l'ont établi également pour plusieurs de nos fleuves d'Europe, ou même de l'Asie et de l'Amérique septentrionale.

D'après toutes les apparences, si l'abondance des eaux et l'intensité du froid n'étaient pas telles alors qu'elles durent être à l'époque quaternaire, elles en différaient peut-être assez peu, et nous sommes persuadé qu'un grand nombre de phénomènes attribués par les géologues à cette époque se sont passés en réalité en pleine période historique.

Tout prouve donc, la faune aussi bien que la climato- logie, que l'époque quaternaire n'est pas loin de nous. Quant à sa durée, nous l'ignorons entièrement; mais il y a tout lieu de croire qu'elle ne fut pas considérable. Au reste, nous n'avons pas besoin de la connaître pour la question qui nous occupe; car, d'après toutes les apparences, l'homme n'a pas vu les commencements de cette époque. Il n'a pas précédé la période glaciaire, et n'a pas même été contemporain de la grande extension des glaciers. Son origine est donc relativement récente.

On nous objectera peut-être les quatre phases indus- trielles que M. de Mortillet nous donne comme autant de subdivisions de l'époque quaternaire, et dont il a fait ses périodes de Chelles , du Moustier, de Solutré et de la Madeleine (fig. 34) ; mais cotte difficulté nous embarrasse peu. Si nous admettons, avec les principaux représentants de la science préhistorique, que ! époque quaternaire coïn- cide avec l'âge paléoV thique ou le la pierre taillée, nous nous refusons absolument à considérer comme nettement successives les sous-périodes qu'il a plu à M. de Mortillet d'établir dans cet âge , sans doute pour l'unique motif d'en prolonger la durée. Les préhistoriens les plus sérieux dé- clarent inadmissible cette classification, basée uniquement sur les types des outils de pierre. « Les variétés consta- tées entre ces types, observe judicieusement M. Salomon Reinach, s'expliquent tantôt par la différence des maté- riaux mis en œuvre, tantôt et surtout par l'inégalité de civilisation, par la diversité des habitudes et des besoins propres aux tribus et aux clans qui les fabriquaient, et qui pouvaient se trouver à des étapes de progrès matériel très éloignées, tout en étant contemporaines dans le temps et voisines dans l'espace. Vouloir tirer de là des indices chro- nologiques, c'est admettre, o priori et sans preuves, l'uni- formité du progrès industriel; c'est appliquer, par un véritable paralogisme, la méthode géologique à l'histoire des premières civilisations. » Époque des alluvùms et des -cavernes, p. 95.

S'il y avait chance d'arriver à classer chronologiquement les temps quaternaires, ce serait plutôt, ce semble, en s'appuyant sur la faune. Assez longtemps on a pu croire qu'il y avait eu succession parmi les animaux caractéris- tiques de cette époque. Il semblait que le grand ours eût disparu avant le mammouth, et celui-ci avant le renne. Mais on a constaté tant d'exceptions à cette prétendue règle, l'ours des cavernes a été si souvent rencontré avec des espèces récentes, le renne a été trouvé parfois si ma- nifestement superposé à l'éléphant , par exemple , dans la caverne de Montgaudier (Charente), qu'il n'est plus guère

possible aujourd'hui de formuler un ordre de disparition applicable aux espèces animales de l'époque quaternaire. Pratiquement, le mieux est de considérer comme con- temporains tous les animaux et tous les produits indus- triels se rattachant à cette époque, à moins qu'ils ne soient nettement superposés dans un même gisement qui a échappé à tout remaniement; or ces cas de superposition sont rares, et si parfois ils ont semblé confirmer la classi- fication de M. de Mortillet, presque aussi souvent ils ont présenté l'ordre inverse.

En formulant ces réserves, nous sommes loin de nous élever contre la dénomination de types chelléen, mousté- rien, solutréen et magdalénien, proposée par M. de Mor- tillet. Ces termes, empruntés aux localités où dominent

34. — Silex caractéristiques des quatre prétendues époques de M. de Mortillet.

A. Chelles. — B. Le Moustier. — C. Solutré. — D. La Madeleine.

ces diverses formes , ont pour les adeptes de la préhistoire un sens précis, qui dispense d'une description. Ils ont donc leur raison d'être, et sont employés avec avantage dans le classement des collections d'archéologie préhistorique. Mais on ne saurait leur faire désigner autant d'époques successives, sous peine de tomber dans l'arbitraire et dans l'invraisemblance : dans l'arbitraire, parce que cette clas- sification n'est point justifiée par la stratigraphie; dans l'invraisemblance, parce qu'il n'est pas rationnel que l'homme n'ait guère eu à chaque époque qu'un instrument à sa disposition.

Si nous n'avons pas à nous préoccuper, au point de vue du temps, des subdivisions établies dans l'époque quater- naire , nous avons du moins à compter avec l'innombrable quantité d'outils en pierre qui constitue le mobilier de l'âge paléolithique, et il est des esprits que ce simple argu- ment ne laisse pas de frapper. Quand on se trouve en présence de collections aussi considérables que celle de Saint-Germain-en-Laye, on est tenté de se dire qu'un si grand nombre d'instruments suppose un grand nombre de générations. Et pourtant il suffit d'un instant de ré- flexion pour se convaincre que tous les outils de pierre recueillis jusqu'ici dans notre pays n'égalent pas sans doute en nombre les habitants qui l'occupent. 203

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Cet argument se retourne, on peut le dire, contre ceux qui l’emploient. Si l’âge de la pierre avait eu la durée qu’ils lui attribuent, il serait inexplicable que les objets en pierre fussent aussi rares qu’ils le sont ; car, il faut se le rappeler, les objets de cette nature ne sont pas comme les instruments en métal , qui s’oxydent et disparaissent : ils subsistent indéfiniment ; même quand ils se brisent, les fragments en sont reconnaissables.

Encore convient-il , si l’on veut avoir véritablement le mobilier de l’âge paléolithique ou quaternaire, d’éliminer un bon nombre d’armes ou d’outils en pierre qui doivent appartenir à l’âge historique. Il s’en faut, en effet, que l’usage de la pierre ait disparu avec l’apparition des métaux. Il s’est prolongé, pour ainsi dire, jusqu’à nos jours, même dans nos pays civilisés ; il serait facile d’en fournir des preuves empruntées à l’histoire et à l’archéologie. Tout instrument de pierre ne remonte donc pas nécessairement à l’âge de la pierre. Pour être autorisé à l’y rattacher, il faut que les conditions de gisement nous y invitent.

Nous n’en reconnaissons pas moins qu’il y eut un temps où la pierre fut utilisée à l’exclusion de tout métal. Nous consentons même , en face d’un certain nombre de faits assez significatifs, à partager cet âge en deux époques : l’époque paléolithique (ou quaternaire) et l’époque néolithique, celle de la pierre taillée et celle de la pierre polie, bien que cette dernière tende de plus en plus à se confondre avec l’âge du bronze. Mais tout cela ne nous reporte pas à une antiquité aussi reculée qu’on le pourrait croire. Diverses considérations historiques et ethnographiques, que nous avons le regret de ne pouvoir exposer, nous permettent d’attribuer l’importation du fer aux Gaulois, qui envahirent nos contrées trois ou quatre siècles avant J.-C. L’industrie néolithique ou de la pierre polie, à laquelle s’associa de bonne heure celle du bronze, nous aurait été apportée par un autre rameau de la même race arienne ou indo-européenne, par les Celtes qui, suivant toute apparence, prirent possession de notre pays six ou dix siècles plus tôt, et s’y sont perpétués jusqu’à nos jours dans les régions les plus difficilement accessibles de l’ouest et du centre. Antérieurement, c’est-à-dire à partir du dixième ou duquatorzième siècle avant J.-C, nous serions en pleine époque paléolithique ou quaternaire, et des populations de ces temps reculés , populations étrangères cette fois à la race arienne , aujourd’hui dominante en Europe , il resterait encore des témoins : au nord , chez les Finnois ; au sud, chez les Basques, qui parlent une langue primitive et accusent une origine toute différente de la nôtre.

Combien de temps dura cette première civilisation ? Nous l’ignorons ; mais le maigre mobilier qu’elle nous a laissé ne nous oblige pas assurément à lui attribuer plus d’une dizaine de siècles. Cela nous conduit à 2000 ou 2500 ans avant J.-C, c’est-à-dire à une date contemporaine du moyen empire égyptien , et de beaucoup postérieure au déluge, à s’en tenir à la chronologie des Septante.

Les préhistoriens partisans des longues chronologies se récrieront contre ces chiffres. Nous les défions d’en établir la fausseté et d’en produire de plus vraisemblables.

Peut-être invoqueront -ils les prétendus chronomètres naturels, si déconsidérés qu’ils soient. Suivons -les un moment sur ce terrain. Les chronomètres en question consistent pour la plupart en des formations de diverses natures, — alluvions, dépôts tourbeux, stalagmites des cavernes, etc., — qui continuent de s’effectuer sous nos yeux, et dans lesquels on a trouvé à diverses hauteurs des produits de l’industrie humaine. Comme quelques-uns de ces produits sont datés soit par leur nature même, soit par leur association avec des pièces de monnaie , il semble qu’on puisse en déduire et la rapidité avec laquelle ces dépôts se sont formés, et, comme conséquence , l’âge des objets préhistoriques qu’ils contiennent. Citons -en

un exemple qui a fait grand bruit dans le monde des préhistoriens , il y a quelques années. Le chemin de fer qui longe au nord le lac de Genève a coupé , tout près de Villeneuve, à une profondeur de 7 mètres, un cône formépar des galets et détritus de toute sorte , apportés par letorrent de la Tinière. Lors de l’exécution de cette tranchée, on a trouvé : à 1 m. 20 de profondeur, une pièce de monnaie qu’on a considérée comme romaine ; à 3 mètres, des objets de bronze , et à 5 m. 70, une poterie grossière, du charbon et un crâne humain. On s’est dit : Si la pièce de monnaie ne se trouve qu’à 1 m. 20 de profondeur, bien qu’elle ait 1500 ans d’existence, c’est que le dépôt s’est accru seulement de 8 centimètres par siècle. D’après cette donnée, les objets en bronze remontent à 3700 ans, et le dépôt archéologique inférieur, considéré comme néolithique, à 7500 ans environ. Pour que ce calcul fût exact, il faudrait que le cône de la Tinière se fût formé avec une régularité absolue, de la base au sommet, et aussi que la couche supérieure représentât réellement un espace de 1500 ans. Or ces deux conditions sont loin d’être remplies. D’abord , rien n’est plus irrégulier que lerégime d’un torrent. Il y a tout lieu de croire que celui de la Tinière transporta au début des matériaux plus abondants, alors qu’il rencontrait des terres meubles ou des roches désagrégées, au lieu de la roche compacte à laquelle il a dû ensuite s’attaquer. En second lieu , c’est tout à fait arbitrairement qu’on admet que le dépôt supérieur s’est effectué en 1500 ans, même si l’on suppose que la pièce de monnaie date bien de l’époque romaine ; ce qui n’est pas prouvé. On a observé, en effet, rue depui» l’an 1245 au moins l’endiguement du torrent a mis le cône à l’abri des inondations. C’est donc en huit siècles au plus que la courbe supérieure s’est formée : ce qui porte à 15 centimètres la part de chaque siècle, et réduitde moitié l’âge du prétendu gisement néolitique trouvé à la base du dépôt,

Des objections analogues peuvent être faites aux calculs qu’on a voulu baser sur d’autres phénomènes du même genre. Il est cependant un de ces chronomètres naturels qui nous paraît reposer sur des données à peu près inattaquables : c’est celui que M v Kerviler a signalé à Saint-Nazaire. Dans les alluvions qui occupaient l’emplacement du nouveau bassin à flot dont la création lui était confiée, cet ingénieur a trouvé à 6 mètres de profondeur unemonnaie de Tétricus (268-275) associée à des fragments d’amphore, et au-dessous, de 8 m. 50 à 10m. 50, diver» objets en bronze et en pierre, plus un crâne humain de forme dolichocéphale, et considéré comme caractéristique de l’âge néolithique ou de la pierre polie. Partagée entre les seize siècles qui nous séparent de Tétricus, la couche supérieure donne 35 à 37 centimètres par siècle. A ce compte , les objets préhistoriques situés à la base du gisement remonteraient à une époque comprise entre le quatrième et le dixième siècle avant J.-C. 11 était à craindre, il est vrai, là comme ailleurs, que la formation des alluvions de Saint-Nazaire ne se fût pas effectuée régulièrement. Heureusement, une seconde découverte est venue confirmer la première, en permettant à M. Kerviler de contrôler ses calculs. L’habile et sagace ingénieur a constaté que les alluvions auxquelles il avait affaire étaient divisées en une infinité de petites couches de 3 à 4 millimètres d’épaisseur, qui représentent évidemment l’apport annuel de la rivière. Ces couches sont séparées les unes des autres par un mince feuillet d’humus , qui doit sans doute son origine aux feuilles et débris herbacés que l’automne apporte chaque année. De fait, cent de ces couches représentent 35 centimètres : ce qui a pour résultat de placer la monnaie de Tétricus à sa date véritable , et conséquemment de reporter le dépôt préhistorique inférieur à la date que lui avait primitivement assignée M. Kerviler. :

On pense bien que ce résultat n’a pas été facilement admis par les partisans des longues chronologies. Il n’a cependant rien d’invraisemblable. Rien n’empêche qu’on 205

ADAM (PALÉONTOLOGIE) — ADAM DE SAINT-VICTOR

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n’ait lait usage de haches en bronze à l’embouchure de la Loire six siècles avant J.-C. Les haches de même métal qu’on a trouvées récemment soit sur l’acropole d’Athènes, soit dans un tombeau panique de Carthage, ne remontent pas, suivant toute vraisemblance, à une époque beaucoup plus reculée.

Nous jugeons inutile de mentionner les autres chronomètres naturels auxquels on a successivement eu recours. Aussi bien n’ont-ils point, à beaucoup près, la valeur du dernier. Qu’ils le veuillent ou non, les adeptes de la préhistoire doivent reconnaître que les longues évaluations que quelques-uns nous proposent n’ont aucune base scientifique. L’un d’eux, M. Salomon Reinach, n’hésite pas à en faire l’aveu : « Lorsque M. de Mortillet, dit-il, attribue une durée de 222000 ans, dont 100000 pour le moustérien, aux quatre phases de la période paléolithique, il abandonne le terrain de la science pour celui de la fantaisie , où la critique doit renoncer à le suivre. » Description raisonnée du musée de Saint- Germain - en -Laye, t. i, p. 78.

En somme, de toutes les chronologies, celle dont la Bible nous fournit les éléments est encore la plus autorisée, et nous avons beau chercher, nous ne voyons rien, absolument rien dans les sciences naturelles qui aille manifestement à rencontre. Pas plus sur ce point que sur les autres , les traditions enseignées dans le texte sacré n’ont reçu de démenti. L’écrivain au nom peu suspect que nous venons de citer n’est pas loin sans doute de partager notre avis, quand il dit de ces traditions qu’elles « devaient être l’œuvre réfléchie d’une caste sacerdotale qui avait étudié avec beaucoup de perspicacité la physique du globe ; d’où les concordances si frappantes qu’où a signalées entre le texte biblique et les enseignements de la science moderne. » Ibid., p. 77.

Bibliographie. — 1° Auteurs favorables aux idées orthodoxes : abbé Duilhé de Saint-Projet, Apologie scientifique de la foi chrétienne, in-12, 1890, chap. xvn et xx ; le marquis de Nadaillac, Les premiers hommes et les temps préhistoriques , gr. in-8°, 1881, t. n, p. 306-451 ; l’abbé Lecomte, Le darwinisme, in-12, 1873 ; le R. P. Hâté, L’homme -singe et nos savants , in-12, 1881 . Jean d’Estienne, Le transformisme et la discussion libre, dans la Revue des questions scientifiques, avril 1889, l’abbé Thomas, Les temps primitifs et les origine3 religieuses, 2 vol. in -8°, 1890 ; M8 r Meignan, Le monde et l’homme primitif, in-8°, 1869, chap. VI ; D r Jousset, Évolution et transformisme, in-12, 1889, p. 135-182 ; d’Acy, Les crânes de Canstadt, de Néanderthal et de l’Olmo, dans le compte rendu du premier congrès scientifique international des catholiques (1888), t. H ; Pozzy, La terre et le récit biblique de la création, in -8", 187i, p. 373-449 ; Southall, The récent origin of man, in-8°, 1875 ; de Quatrefages, L’espèce humaine, in-8°, 1878, ch. xi-xm ; Hommes fossiles et hommes sauvages, iri-8», 1884, § i et n ; Introduction à l’étude des races humaines, in -8°, 1889, ch. ni et îv ; Marin de Cartanrois, Études sur les origines, in -8», 1876, p. 545 et suiv. ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4 e édit., t. m, ch. m, p. 266-436, et t. iv, sect. iv et vi, 1 et suiv. ; Hamard, L’âge de la pierre et l’homme primitif, in-12, 1883, 1. Il et m ; Études critiques d’archéologie préhistorique, in-8°, 1880, p. 141-259 ; L’archéologie préhistorique et l’antiquité de l’homme, dans La Controverse et le Contemporain, août, octobre et novembre 1886, juillet et août 1887 ; Dictionnaire apologétique, gr. in -8°, 1889, articles : Antiquité de l’homme et Tertiaire.

2» Auteurs hostiles ou indépendants : Darwin, La descendance de l’homme, trad. franc., 2 vol. in -8», 1873 ; Wallace, La sélection naturelle, trad. franc., in-8°, 1872, p. 318-391 ; Hœckel, Anthropogénie ou histoire de l’évolution humaine, trad. franc., in-8» ; Lyell, L’ancienneté de l’homme prouvée par la géologie, trad. franc., in -8°, 1870 ; J Lubbock, L’homme préhistorique, trad.

franc., in-8°, 1876 ; Les origines de la civilisation, trad. franc., in-8°, 1873 ; Edward Tylor, La civilisation primitive, trad. franc., 2 vol. in-8° ; Schmidt, Descendance et transformisme, in-8», 1880, p. 251-277 ; Trémaux, Origine et transformation de l’homme, in-12, 1865, p. 287-487 ; Dreyfus, L’évolution des mondes et des sociétés, in-8», 1888, p. 203-335 ; Starcke, La famille primitive, in-8», 1890 ; de Mortillet, Le préhistorique, in-12, 1883 ; du Cleuziou, La création de l’homme et les premiers âges de l’humanité, 1887, gr. in-8».

P. Hamard.

2. ADAM DE BARKING, bénédictin anglais, ilorissait vers 1217. Il fit ses études à Oxford, et devint célèbre comme prédicateur et interprète des Saintes Écritures. Il écrivit en vers De série sex eetatum, et en prose Super quatuor Evangelia , ouvrages restés manuscrits, et célèbres dans leur temps à cause de l’érudition et du talent littéraire de l’auteur. Voir T. A. Archer, dans L. Stephens’ Dictionary ef national biography, 1. 1, p. 76.

3. ADAM DE COURLANDON, chanoine doyen de Laon, mort après 1223, a laissé en trois in-f° manuscrits : Solutions de diverses questions sur l’Écriture Sainte, dédiées à Michel, archevêque de Sens. Gallia chrisUana, t. ix, p. 561.

4. ADAM DE MARI8CO ou DU MARAIS, franciscain anglais, mort vers 1257. 11 entra en religion vers 1237, et fut le premier professeur de l’école ouverte par les franciscains à Oxford. Ce fut un des principaux personnages de son époque, non moins célèbre par sa réputation de sagesse que par sa science, qui lui valut le surnom de Doctor illustris. Il composa un commentaire du Cantique des cantiques et une explication des Saintes Écritures , mais ses œuvres n’ont pas été imprimées. Voir Matthieu Paris, à l’an 1253 ; Wood , Antiquitates Univ. Oxonii, 1. 1 , p. 72.

5. ADAM DE PERSEIGNE , d’abord chanoine régulier, puis bénédictin, enfin religieux de l’ordre de Citeaux. Il devint abbé du monastère de Perseigne, au diocèse du Mans, vers 1180. Il mourut en 1204, en laissant une grande réputation de sagesse. J. Trithème, abbé de Spanheim, le dit très versé dans les Saintes Écritures ; il lui attribue des commentaires sur l’Écriture Sainte, en déclarant toutefois n’avoir pu les voir. En 1190, Adam, étant venu à Rome, réfuta de vive voix Joachim, abbé du couvent de Flore , de l’ordre de Cîteaux , en Calabre , qui avait composé sur l’Apocalypse un livre célèbre, d’où les Joachimites tirèrent leurs erreurs , condamnées en 1215 par le quatrième concile de Latran. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4 e édit., 1. 1, p. 3C0-362.

E. Levesquk.

6. ADAM DE SAINT-VICTOR , ainsi nommé parce qu’il était chanoine régulier de Saint -Victor de Paris, était Breton d’origine.La date de sa naissance n’est point connue ; il mourut vers 1192. Outre ses œuvres poétiques, justement célèbres, on lui attribue : 1» Summa Britonis, seu de Difficilibus vocabulis in Biblia contentis ; 2° Expositio super omnes prologos Bibliœ. Le premier ouvrage est un dictionnaire de tous les mots difficiles de la Bible, qui devait servir de manuel aux novices et à ceux qui commencent l’étude de l’Écriture Sainte. Après avoir donné de chaque mot une étymologie digne de la science philologique de son temps, il en explique le sens littéral ou mystique, ei en développe toutes les significations. En tête de ce dictionnaire se lit un prologue en vers, et à la fin l’auteur avoue modestement qu’il n’a guère fait que compiler les auteurs ecclésiastiques qui l’ont précédé. Mais c’est une bonne compilation de plus de cent manuscrits, d’où il avait extrait, comme il le dit, « flores auotorum. » V Expositio super omnes prologos est une suite et un complément naturel du précédent ouvrage. C’est un commentaire historique des prologues de saint Jérôme, également pour 207

ADAM DE SAINT-VICTOR

ADAMA

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l'instruction des novices. En quelques vers, Adam nous fait connaître qu'après avoir éclairci les difficultés du texte (dans la Summa), il entreprend une œuvre difficile qui l'effraye. — Dom Brial, Histoire littéraire de la France, t xv, p. 43, à la suite de Pits, Wadding, Fabricius, etc., conteste à Adam de Saint -Victor la paternité de ces deux ouvrages. D attribue la Somme philologique à un certain Guillaume le Breton, auteur d'ailleurs à peu près inconnu. Il se trompe, car: 1° le manuscrit 111 de Montpellier est du xin e siècle, et Guillaume le Breton est mort en 1356. Les annales de Jean de Thoulouse, Victorin, les catalogues de la bibliothèque de Saint -Victor font honneur de la Summa à notre Adam. Ces autorités l'emportent certaine^ ment sur quelques manuscrits du xiv« siècle, qui portent le nom de Guillaume le Breton. Il est du reste assez pro- bable, d'après le titre d'un de ces manuscrits, que ce Guillaume a retouché l'œuvre d'Adam , et ajouté quelques mots français au dictionnaire, qui prend le titre de Voca- bularium latino-gallicum. Ainsi l'œuvre tout entière a pu passer facilement sous son nom. 2° L'auteur de YExpo- sitio déclare dans cet ouvrage être l'auteur du diction- naire; de plus, les mêmes autorités lui en font également honneur. 3° Enfin, critérium important pour reconnaître l'époque et l'auteur des deux ouvrages en question, ils sont précédés tous les deux d'un prologue en vers, et en vers du xn e siècle. N'est-ce pas une forte présomption en faveur d'Adam de Saint -Victor, versificateur habile et poète fécond du xii e siècle ? Guillaume le Breton n'est que du xiv e siècle , et du reste il ne s'est point fait connaître par des œuvres poétiques. Quant aux autres ouvrages, comme Adas anglici super Marcum ; ejusdem super Epi- stolam Pauli ad Hebrseos; Expositio super cantica, au- cune raison sérieuse ne permet d'en attribuer la compo- sition à Adam de Saint-Victor. Voir Léon Gautier, Œuvres poétiques d Adam de Saint-Victor, introduction de la 1" édition, 1. 1, p. lv-xciv. E. Levesque.

ADAMA (hébreu : 'Admâh; Septante : 'ASapiâ), ville de la Pentapole, détruite en même temps que Sodome et Gomorrhe. Deut., xxix, 23. Située sur les confins du pays de Chanaan, Gen., x, 19, elle avait un roi nommé Sen- naab , qui s'allia aux quatre princes voisins pour repousser l'attaque des rois étrangers, Chodorlahomor, Thadal, Am- raphel et Arioch. Gen., xiv, 1-2, 8-9. Le combat eut lieu dans la vallée de Siddim ou « vallis Silvestris », Gen., xiv, 3, et les cinq alliés furent défaits.

Adama subit quelque temps après le châtiment des villes coupables. Le récit de la Genèse suffirait à lui seul pour nous l'apprendre ; car après avoir dit , xix , 24 , que Dieu fit tomber sur Sodome et Gomorrhe une pluie de soufre et de feu, l'auteur sacré ajoute, au verset suivant : « Et il détruisit ces villes et toute la région d'alentour; » en hébreu : koUhakkikkâr, « tout le cercle. » Mais le fait est attesté d'une manière formelle par le Deutéronome , xxix, 23, et par le prophète Osée, xi, 8. D'après les Sep- tante, Isaïe aurait parlé de cette ville dans sa prophétie contre Moab, xv, 9; prenant 'adâmàh, « terre, » pour un nom propre, ils ont traduit li&êrît 'âddtnâh par to xxrâ- Xoraov "A5«(ia , ce que la Vulgate a rendu plus justement par « les restes de la terre ».

La situation qu'on peut assigner à Adama dépend né- cessairement de l'opinion qu'on adopte pour l'emplace- ment de la Pentapole ou de la vallée de Siddim. Or les hypothèses émises par les nombreux savants qui ont étudié la question se réduisent aux trois suivantes : la contrée dont nous parlons occupait tout l'espace envahi par la mer Morte, ou bien s'étendait au sud depuis la presqu'île de la Lisân jusqu'à la Sebkhah, et peut-être plus loin vers l'Arabah, ou enfin se trouvait au nord vers Jéricho et au delà. On peut voir dans M. V. Guérin, La Terre Sainte, II e partie, p. 291-298, un exposé très clair des deux pre- miers systèmes, et dans Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 238 -241, les arguments en laveur du

troisième (reproduits par Trochon, La Sainte Bible, intro- duction générale, Paris, 1887, t. h, p. 169-171). Pour le développement de la question, voir Sodome, Gomorrhe, mer Morte.

Devant nous en tenir ici à la seule ville d' Adama, nous essayerons d'en déterminer au moins approximativement la position de la manière suivante. Deux points de repère nous paraissent suffisamment solides. D'abord la première des cinq villes , Sodome , se trouvait certainement auprès du Djébel-Ousdoum, qui en a conservé le nom, et en est, dit M. Clermont-Ganneau, « le représentant incontesté. » Ségor, Gomorrhe et Sodome, dans la Revue critique d'histoire et de littérature, 7 septembre 1885, p. 172. Elle était donc dans la région sud-ouest de la mer Morte. En- suite la dernière ville, Ségor ou Zoar, devait être située au sud-est du même lac. Des nombreux témoignages qui, depuis l'antiquité jusqu'à l'époque arabe, et même celle des croisades , favorisent cet emplacement , nous ne vou- lons rappeler que celui de Josèphe, Bell.jud., IV, vin, 4, disant que le lac Asphaltite s'étend de Jéricho au nord à Ségor au sud. Cf. Clermont-Ganneau, loc. cit. Il est cer- tain du reste que Sodome et Ségor n'étaient pas éloignées l'une de l'autre ; car Lot, au jour de la catastrophe, quit- tant la première « comme l'aurore montait », arriva dans la seconde « comme le soleil sortait sur la terre. » Gen., xix, 15, 23. Voir Ségor.

Les deux points opposés une fois déterminés, nous pouvons ranger au-dessous les trois autres villes, suivant l'ordre d'énumération donné par la Genèse, x, 19, et admis par tous les auteurs. On remarquera d'ailleurs que le nom d' Adama est toujours uni à celui de Seboïm. Gen., x, 19; xiv, 2, 8; Deut., xxix, 23; Os., xi, 8. Si donc nous ne trouvons actuellement, au sud de la mer Morte, aucune localité qui rappelle exactement la ville d'Adama, nous pouvons croire cependant qu'elle se trouvait, comme les autres cités de la Pentapole, dans cette région que l'Écri- ture appelle si justement un « cercle » , kikkâr, et qui comprenait la partie méridionale de la mer Morte, sub- mergée depuis le cataclysme, puis la Sebkhah ou l'extré- mité du Ghôr, et peut-être, suivant quelques auteurs, une petite partie de l'Arabah. Cette hypothèse, dit M. Clermont- Ganneau , loc. cit., « serait bien conforme à la tradition arabe, qui n'est pas à dédaigner, tradition qui place jus- tement dans cette région ce qu'elle appelle « les villes du « peuple de Lot », medâïn qaum haut.

A l'argumentation qui précède, nous n'ajouterons que l'observation suivante, qui confirme ce que nous venons de dire. Elle est tirée de la manière dont la Genèse, x, 19, détermine les limites du pays de Chanaan. Le verset doit, en effet, se traduire ainsi d'après l'hébreu : « Et les con- fins du Chananéen furent de Sidon en allant vers Gérare (c'est-à-dire dans la direction de Gérare, du nord au sud) jusqu'à Gaza; en allant vers Sodome, et Gomorrhe, et Adama, et Seboïm (c'est-à-dire dans la direction de ces ailles, du nord au sud-est), jusqu'à Lésa. » Nous ne croyons pas nécessaire de dire avec Keil que, dans la dernière partie du verset, le point de départ est non plus Sidon, mais Gaxa , en sorte que la ligne méridionale irait ainsi de l'ouest à l'est ; rien dans le contexte n'exige ce changement. Mais nous croyons pouvoir conclure de tout ce passage que les quatre villes qui y sont mention- nées formaient la frontière sud - est du pays de Chanaan. Si, en effet, l'auteur sacré avait voulu indiquer la limite orientale, ce qu'il faudrait supposer dans l'opinion de ceux qui placent la Pentapole au nord de la mer Morte, il n'aurait pas commencé rénumération par Sodome, qui devait se trouver ainsi la plus méridionale.

Conder, Handbook to the Bible, p. 241, dit qu'Adama est peut-être la même que la ville d'Adom, citée dans Jos., m, 16, et la place ainsi au sud du Jaboc, à l'endroit appelé aujourd'hui Dâmiéh. Les raisons que nous venons d'exposer ne nous permettent pas d'adopter cette opinion. Voir Adoh. A. Legendiie. 509

ADAMI — ADAR

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4. ADAMI (hébreu : 'Âdâmi; Septante : 'Apjil), ville lrontière de la tribu de Nephthali. Jos., xix, 33. Le texte hébreti unit ce nom au suivant, han-Néqeb , en sorte que la signification du composé serait « Adami-la-caverne » {néqeb, avec l'article, « caverne », comme en syriaque, Gesenius, Thésaurus lingux heb. et chald., p. 909), ou, suivant certains auteurs, « Adami- du -défilé » (néqeb, d'après l'arabe naqb, « chemin, trou entre des montagnes »), C. F. Keil, Biblischer Commenlar ûber dos Alte Testa- ment, Josua, Leipzig, 1874, p. 159; Riehm, Handwôr- terbuch des bibl. Altertums, 188i, t. I, p. 25; enfin, d'après quelques autres, Adami indiquerait le nom propre de la ville, et han-Néqeb le lieu où elle était située. E. F. C. Rosenmùller, Scholia in Vêtus Testant., Josue, XI e part., t. I, Leipzig, 1833, p. 379. Le Targum de Jo- nathan suit l'hébreu, et la Vulgate a traduit comme s'il y avait : 'Âdamî kî' néqeb; Adami qux est Neceb, « Adami, appelée aussi Néceb. »

Cependant certains témoignages favorisent la distinction des deux noms. Les Septante, lisant « Adami ve-Neqeb », nous ont donné 'App.è xai Na6ôx, (Codex Alexandrinus : 'Apiiat xai Nax£6). Nous retrouvons, dans le premier mot, la confusion entre le daleth, T, et le resch, i; les traduc- teurs grecs ont lu >oix, 'armé, ou >nin, 'armai; le se- cond, Na6ix, offre une transposition semblable à celle de Tav«x pourTot/jâv. Num., xxvi, 35. Eusèbe, après la version syriaque, distingue également deux villes, 'A8a[x.t, Onomasticon, édit. de Lagarde, Gœttingue, 1870, p. 224, et Nexéji, ibid., p. 283, pour Neceb d'après saint Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxm, col. 913. Le Talmud, Gemara Hieros., cod. Megilla, fol. 70, col. i, expliquant les noms anciens par les noms plus récents, rend Adami par Damîn, et han-Néqeb par $iada{a. Cf. Eeland, Palsestina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. n, p. 545, 717, 817 ; A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 225. Enfin, la liste géographique de Thotmès III cite deux villes qu'on peut à bon droit rapporter à celles dont nous parlons : Adimim, que M. Maspero n'hésite pas à identifier avec notre Adami, et Nekabou, qui présente « un rapprochement très vrai- semblable avec la Nekeb de Nephthali,... et les autres noms ne contredisent pas cette hypothèse ». G. Maspero, iSur les noms géographiques de la liste de Thoutmos III, qu'on peut rapporter à la Galilée (extrait des Transactions of the Victoria Institule, or philosophical Society of Great Brilain, 1886, p. 6, 11).

Quoi qu'il en soit, Adami peut se retrouver dans deux localités actuelles, qui, par leur nom , la rappellent exac- tement : Khirbet Admah, située sur la rive droite du Jourdain, un peu au-dessous de l'embouchure du Yar- ■mouk, ou Dâmiéh (suivant la carte de l'Exploration Fund, Daméh selon Robinson et V. Guérin ) , à quelque distance au sud -ouest du lac de Tibéiïade. Le choix est difficile à faire; cependant la dernière position nous semble plus conforme au nom lui-même, et à l'énumération de Jos., xix, 33, où l'auteur sacré, allant du nord vers le sud, met Adami avant Jebnaël (aujourd'hui Yemma) ; enfin elle rapproche davantage notre ville de celle qui lui est unie dans le texte. Beaucoup d'auteurs, en effet, identifient Nékeb avec la Çiadata du Talmud, et cette dernière avec Khirbet Seiyadéh, tout près de la pointe sud-ouest du lac de Tibériade. Voir Néceb.

Khirbet Dâmiéh ou Daméh se trouve au nord -ouest de ce dernier village, sur le sommet d'une colline ro- cheuse, et renferme des ruines assez étendues. « Une trentaine de maisons, encore à moitié debout, sont d'ori- gine musulmane; mais elles ont été bâties avec des ma- tériaux anciens, la plupart basaltiques. Sur les pentes orientales de la colline, le sol est jonché d'un amas con- sidérable de débris de toute nature, restes confus de maisons renversées. Plus bas, trois sources se réunissent pour aboutir, par différents conduits, à un bassin long de

dix -sept pas sur onze de large. Près de ce bassin gisent à terre plusieurs fûts de colonnes mutilés, qui ornaient jadis un édifice entièrement rasé... La dénomination de Daméh semble antique, et les ruines auxquelles elle est attachée attestent l'existence dans cet endroit d'une an- cienne ville ou bourgade de quelque importance. » V. Gué- rin, Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 265.

A. Legendre. 2. ADAMI Cornélius, théologien hollandais, ministre pro- testant à Damm, mort au commencement du xvm e siècle. On a de lui divers ouvrages écrits avec érudition et cri- tique: Observationes theologico-philologicte, in-4o, Gro- ningue, 1710; Exercitationes exegeticse, in-4o, Groningue, 1712. Le premier ouvrage a surtout pour but d'expliquer divers passages des Écritures par les mœurs et les cou- tumes des diverses nations ; il s'occupe spécialement du livre d'Esther, de l'Évangile de saint Matthieu et des Actes des Apôtres (mages se rendant à Jérusalem, superstitions et usages des Athéniens, etc.). Le second ouvrage traite de l'oppression et de la multiplication des Israélites en Egypte , de l'histoire de Moïse, dji passage de l'Épitre aux Romains, i, 18, 32; etc.

ADAMNAN (Saint), né à Drummond, en Irlande, en 625 , fut abbé du monastère fondé par saint Columba dans l'Ile d'Hy ou d'Iona, près de la côte d'Ecosse. Il mourut en 705. On a de lui une description fort curieuse de la Terre Sainte, telle qu'elle était vers le milieu du VII e siècle. Il l'avait rédigée d'après les récits d'un évêque gallo-franc, nommé Arculfe. Celui-ci, en revenant par mer de la Pa- lestine, avait été jeté par les vents sur la côte d'Irlande, d'où, attiré par la réputation du célèbre monastère, il était venu le visiter. Le P. Gretser publia de cette descrip- tion une édition in-4o, Ingolstadt , 1619 , Adamnani Scoto- hiberni, abbatis celeberrimi, de Situ Terres Sanctse et quorumdam aliorum locorum, ut Alexandrie et Constan- tinopoleos, libri très. Mabillon en fit une édition plus com- plète, qu'il inséra dans les Acla sanctorum ordinis sancti Benedicti, t. iv, Adamnani, abbatis hiiensis, libri très, de Lotis Sanctis, ex relatione Arculfi, episcopi galli. Il en existe aussi des éditions récentes. Cf. Montalembert, Moines d'Occident, t. m, p. 10-11. Voir Arculfe.

E. Levesque.

1. ADAMS Richard, ministre presbytérien, né vers 1626, mort le 7 février 1698, publia le commentaire des Épîtres aux Philippiens et aux Colossiens dans les Annota- tions upon the Èoly Bible, de Matthew Poole, 1683-1685, ouvrage basé sur la Synopsis Criticorum du même Poole, 1683-1685.

2. ADAM8 Thomas, théologien anglican, 1612-1670, célèbre en son temps comme prosateur et prédicateur, publia en 1663 un gros commentaire in-folio : The Second Epistle of St Peter; nouvelle édition, Londres, 1839, et dans ses Works, 3 in-8o, Londres, 1862.

ADAN , Israélite dont les descendants revinrent de la captivité de Babylone avec Zorobabel. I Esdr., vin, 6. Voir Adin.

1. ADAR, ADDAR (hébreu : Bîàsar-'Addâr ; Sep- tante : ftiavXic 'Api8 ; Vulgate : villa nomine Adar, Num., xxxiv, 4; 'Addar, SipaSa, Jos., xv, 3), ville frontière de la tribu de Juda, à l'extrémité méridionale de la Palestine. Le mot hâsar, qui, dans le premier passage, précède le nom, est l'état construit de hâfer, et signifie proprement « lieu entouré de clôtures ». Cf. Gesenius, Thésaurus linguœ heb., p. 512. Il indiquait, chez les tribus pastorales de la Bible, la même chose que les douars chez les Arabes d'Afrique. Voir Haséroth. Ce même mot entre dans la composition de plusieurs autres noms de lieu : Asergadda (hébreu: Biâsar-Gaddâh), Jos., xv, 27; Hasersusa (Hâsar- Sûsàh), Jos., xix, 5; Hasersual (Biâfar-àû'âl) , Jos., 211

'ADAR — ADARÉZER

212

XV, 28; et l'on a remarqué que presque toutes les localités dont la dénomination comprend cet élément se trouvent dans le désert ou sur les confins du désert. Adar ou Haseraddar était dans le même cas. Quant à la transcription des Septante, elle est facile à expliquer par la confusion . entre le daleth, i, et le resch, i, adar = arad; en outre, le S de Sdpat8a n'est, croyons-nous, que la dernière lettre de la préposition eîç qui précède, lettre répétée par erreur de copiste.

Adar est citée entre Cadesbarné et Asémona, Num., xxxiv, 4; Josué, plus précis encore, la place entre deux localités intermédiaires, Esron et Carcaa, xv, 3. Eusèbe ne fait qu'indiquer sa situation « dans la tribu de Juda, auprès du désert », Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 219; de même saint Jérôme, Liber de situ et nominibus loc. heb. , t. xxm, col. 870. L'emplacement certain n'ayant pas été retrouvé , la détermination approximative dépend nécessairement de l'opinion qu'on adopte pour le site de Cadesbarné. Si l'on doit réellement, comme le prétendent plusieurs auteurs modernes, identifier cette dernière ville avecdïn Qadis (voir Cad.ès), il faut alors chercher Adar au nord -ouest, à partir de ce point jusqu'à l'embouchure du « Torrent d'Egypte » ou Ouadi el-AHsch, limite de la Terre Sainte au sud-ouest. Num., xxxiv, 5; Jos., xv, 4. Si Esron , suivant la supposition de Conder, Handbook to tlie Bible, Londres, 1887, p. 257, se trouvait auprès du Djebel Hadhiréh, Adar serait un peu plus au nord, et directement à l'ouest, entre ce point et la Méditerranée.

A. Legendre.

2. ADAR, roi d'Idumée. Gen., xxxvi, 39. Voir Adad 2.

3. ADAR i douzième mois de l'année juive. Il était de vingt-neuf jours, et correspondait à la dernière partie de notre mois de février et au commencement de mars. Le nom de ce mois est babylonien et n'apparaît dans la Bible qu'après la captivité. Il a été conservé dans la Vulgate,

I Esd., vi, 15; Esther, m, 7, 13; vm, 12; ix, 1, 15, 17, 19, 21 ; x, 13; xm, 6; xvi, 20; I Mach., vu, 43, 49; II Mach., xv, 37. A partir de l'époque des Machabées, les Juifs cé- lébrèrent ous les ans, le 13 Adar, l'anniversaire de la victoire remportée par Judas sur Nicanor. I Mach., vu, 49;

II Mach., xv, 37. — Outre le mois d'Adar, les Juifs avaient un treizième mois, appelé Ve-adar, ou Adar additionnel; i se plaçait entre Adar et Nisan , tous les trois ans en- viron, pour faire concorder l'année lunaire, qui est trop courte de onze jours, avec l'année solaire. Ve-adar comp- tait vingt-neuf jours. Il n'est jamais mentionné dans l'Écri- ture. Voir Mois.

4. ADAR, dieu chaldéen. Voir Adramélech 1.

ADARÉZER (hébreu : Hâdar'ézér, II Reg., x, 16, 19; I Par., xviii, xix, passim, et Hâdad'ézér, II Reg., vm, passim, « dont le secours est Hâdad » [dieu des Syriens]; Septante : 'ASpaaÇoip), roi de Soba, contrée syrienne dont la situation n'est pas exactement déterminée. Voir Soba. Ambitieux et avide de conquêtes, ce prince se préparait à attaquer les rois ses voisins ; profitant même de l'abaisse- ment de la puissance assyrienne, voir G. Smith, Ancient History from the monuments, Assyria, p. 34, il rêvait de porter ses armes jusqu'à l'Euphrate, quand David fondit sur lui , comme il venait de fondre sur les Philistins et les Moabites, lui prit dix-sept cents cavaliers (sept mille d'après I Par., xviii, 4), vingt mille hommes de pied, mille chars, et coupa les nerfs des jarrets à tous les chevaux des chars, se réservant seulement cent attelages. H Reg., vm, 4; cf. I Par., xvin, 4. Cette défaite alarma les voisins d'Adarézer, et particulièrement les habitants du principal royaume araméen, celui de Damas, qui envoyèrent des troupes au secours du vaincu. Mais David avait Jéhovah pour lui : il tua vingt-deux mille de ces nouveaux ennemis, et occupa militairement toute la Syrie, lui imposant un lourd tribut. II Reg., vin, 5-6. Par la piété de David, Jérusalem,

ou plutôt le sanctuaire, s'enrichit des armes (hébreu : Sileti hazzâhâb, « boucliers d'or, » I Par., xvin, 7 ; Septante : toi; xXoioùc toùç xpuuoOc, « colliers d'or; » Vulgate: pharetras aweas, « carquois d'or ») que portaient les principaux officiers d'Adarézer. II Reg., vin, 7. D'après les Septante, ces boucliers d'or, souvenir de la défaite d'Adarézer, auraient été transportés en Egypte par le roi Sésac : Ka tka&it aùsà. £ou<rixi[i pautXeùç Aiyû^TOu, Iv t&> àvaë^vai oùtbv etç 'Iepo'jia).r|[x èv r|[xépic; Po6aà|i uîoû SaXoji&vco;. II Reg., vm, 7. Ce passage est manifestement une interpolation et aussi une erreur, puisque les boucliers emportés par Sésac avaient été faits sur l'ordre de Salomon pour sa garde royale. III Reg., x, 16 ; cf. xrv, 25-28. D'ailleurs David, en consacrant ces armes d'or à Jéhovah, les avait fait entrer dans le trésor qu'il avait formé en vue de la cons- truction du temple. II Reg., vm, 11; cf. I Par., xvm, 11. Salomon s'en était servi pour la décoration de l'édifice sacré. I Par., xxii, 14-16. Une grande quantité d'airain en- levé aussi par David des villes royales de Beté et de Béroth (appelée dans Josèphe Mô^tov, Ànt.jud., VII, vi), appar- tenant à Adarézer, fut de même porté au sanctuaire, et y servit plus tard à la fabrication de la mer d'airain, des colonnes et des vases de même métal au service du temple.

I Par., xvm, 8. La défaite d'Adarézer fut un sujet de joie pour ceux de ses voisins qu'inquiétaient à juste titre ses projets ambitieux, et en particulier pour le roi d'Émath, qui envoya ses félicitations à David vainqueur. II Reg., vm, 9, 10.

L'expédition de David contre Adarézer racontée dans

II Reg., x, 6-19, et dans I Par., xix, 6-19, est-elle la même que la précédente, avec quelques variantes et de nouveaux détails? Beaucoup l'alfirment : Clair, Les livres des Rois, p. 50; Fillion, La Sainte Bible commentée, t. n, p. 365, et donnent pour raison que la guerre dont il est parlé II Reg., vm, et I Par., xvm, se termine par une vic- toire de David si complète sur les Syriens, qu'une reprise d'hostilités de leur part était impossible. Mais il est plus naturel de s'en tenir à la division du texte et d'admettre une double guerre. Tandis que l'assimilation de ces deux récits fait surgir de nombreuses difficultés, à cause de la divergence des nombres et des circonstances, la double expédition les écarte toutes. Les monuments assyriens nous apprennent d'ailleurs qu'il était bien rare qu'un peuple battu et dépouillé de ses richesses, spécialement en Syrie, ne secouât le joug bientôt après.

On peut vraisemblablement supposer qu'après sa pre- mière défaite, Adarézer, sans perdre de temps, reforma son armée et fut bientôt prêt à secourir les Ammonites, lorsque ceux-ci, se voyant sur le point d'être châtiés de l'affront qu'ils avaient fait à David, achetèrent l'appui des rois syriens, et en particulier du roi de Soba, le plus puis- sant d'entre eux. II Reg., x, 4-6. Ce fut dans la plaine de Madaba qu'eut lieu le rendez - vous des alliés et leur rencontre avec l'armée des Hébreux. II Reg., x, 8-13; cf. I Par., xix, 7. Ils s'étaient divisés en deux corps de troupes, le premier composé des Ammonites, le second formé des Syriens deRohob, d'Istobou Tob, de Maacha, et enfin des puissants contingents d'Adarézer, II Reg., x, 6-8, disposés de manière à attaquer simultanément les Hébreux de front et par derrière. Mais Joab, que David avait mis à la tête de son armée, comprit le piège, et, opposant aux Ammonites un corps de troupes commandé par son frère Aiiisaï, il se lança lui-même avec ses bataillons sur les Syriens, moins ardents pour le combat, puisqu'ils n'y étaient qu'à titre de mercenaires. Tous et avec eux Ada- rézer furent battus, et ils n'échappèrent à un écrasement total que grâce à une fuite rapide. Les Syriens de Rohob, d'Istob et de Maacha se résignèrent à leur défaite. Pour Adarézer, le fier roi de Soba, naguère vainqueur du puis- sant roi d'Assyrie, il ne put dévorer cet affront; mais, décidé à reprendre l'offensive, il envoya à la hâte ses offi- ciers faire des levées en masse dans les régions au delà de l'Euphrate, alors soumises à sa puissance. II Reg., x, 16. 213

ADARÉZER — ADDO

214

Ainsi formée et sous le commandement de Sobach (appelé aussi Sophach, I Par., XIX, 18), cette nouvelle armée se porta à la rencontre des Hébreux, que David cette fois commandait en personne , et le texte dit qu’il avait mis sur pied « tout Israël ». II Reg., x, 17. Ce fut à Héla m qu’eut lieu la bataille décisive. Les Syriens d’Adarézer y furent taillés en pièces, laissant sur le champ de bataille quarante mille cavaliers, et aux mains des vainqueurs sept cents chars de guerre, II Reg., x, 18 (d’après I Par., xix, 18, quarante mille fantassins et sept mille chars) ; Sobach fut tué, et les Syriens tributaires d’Adarézer firent leur soumission à David. Josèphe dit que cetts dernière défaite d’Adarézer arriva pendant l’hiver. Ant. jud., VII, vu. P. Renard.

ADARSA, I Mach., vu, 40 ; ADAZER, I Mach., vu, 45 (Septante : ’A8«ui), ville de Judée où Judas Machabée remporta surNicanor une brillante victoire. On lit ’ASaai dans Josèphe, une première fois au pluriel neutre, èv ’ASasott, Ant. jud., XII, x, 5 ; une seconde fois au féminin singulier, ’ASauiv, Bell, jud., 1, 1, 6. La Vulgate donne deux noms différents, mais le contexte indique bien qu’il s’agit d’une même localité. Dans VOnomasticon, édit. de Lagarde, Gœttingue, 1870, p. 220, Eusèbe mentionne un village nommé Adasa, près de Gophna ; mais il le place en même temps dans la tribu de Juda. Saint Jérôme , Liber de silu et nominibus locorum heb., t. xxm, col. 871, s’étonne à bon droitde cette dernière assertion ; carGophna (aujourd’hui Djifnéh), capitale de l’ancienne Gophnitique, appartenait plutôt à la tribu d’Éphraïm , ou au moins formait la limite des deux tribus d’Ephraïm et de Benjamin. Voir la carte de la tribu de Benjamin. L’erreur d’Eusèbe vient probablement de ce qu’il a confondu le lieu dont nous parlons avec Iladassa (hébreu : UàdâSâh, « la nouvelle »), mentionnée par Josué, xv, 37, parmi les villes de la Séphéla , en Juda , et appelée par les Septante de ce même nom ’ASaadc.

Adarsa ou Adazer est aujourd’hui identifiée avec Khirbet ’Adaséh ou ’Adasa, endroit situé au nord de Jérusalem, sur la route de Naplouse et un peu à l’est i’El-Djib (ancienne Gabaon). Cette situation est confirmée non seulement par l’identité des noms , mais encore par sa conformité avec les données de la Bible et des historiens. D’après I Mach., vu, 45, cette ville était à une journée de marche de Gazara (Gazer), et, d’après Josèphe, Ant. jud., XII, x, 5, à trente stades de Bélhoron. Or, dit M. V. Guérin, « cette distance de trente stades répond assez bien , à une légère différence près, à celle qui sépare le Khirbet ’Adasa de Beit-A’our el-Fouka (Béthoron supérieure), où Nicanor avait dû certainement établir son camp, de préférence à Béthoron inférieure, aujourd’hui Beit-A’our et-Thala. » Description de la Palestine, Judée, t. m, p. 6. D’un autre côté , Khirbet ’Adasa est, en droite ligne, à vingt-sept kilomètres à l’est de Tell el-Djézer, où M. Clermont-Ganneau a reconnu le site de Gazer ou Gazara. La Palestine inconnue, Paris, 1876, p. 15-22. Voir Gazer. Cet espace, que parcoururent les Juifs poursuivant leurs ennemis vaincus , parait suffisant pour « la journée de chemin » dont parle le récit sacré. I Mach., vu , 45. Il est évident , en effet , que la poursuite dut être ralentie par quelques combats isolés ; ce qui ressort du reste des versets 45 et 46, où nous voyons les habitants des villages, avertis par la trompette et les signaux, charger les fuyards, les cerner, et ceux-ci se retourner pour tenter une défense inutile, puisqu’ils ont jeté leurs armes, I Mach., vu, 44, jusqu’à ce qu’enfin ledernier Syrien soit tombé : voir le texte grec, dont le récit est plus clair et plus énergique.

Khirbet ’Adasa, dont le nom et la situation répondent si bien aux données de la Bible et de Josèphe , se trouve à deux heures de marche au moins au sud de Djifnéh (ancienne Gophna), ce qui ne s’accorde guère avec l’assertion d’Eusèbe. Le plateau renferme quelques ruines, peu considérables , il est vrai , mais qui suffisent pour at-

tribuer à ce site une certaine importance dans les siècles passés : on y voit des restes de tombes et de pressoirs creusés dans le roc , des citernes , des débris de colonnes, depierres taillées, et quelques fragments de poterie. Cf. Palestine Exploration Fund, Quart. Stat., 1882, p. 166-168. Adarsa , nous l’avons dit , est célèbre par la victoire que Judas Machabée remporta sur Nicanor, le 13 du mois d’adarl61 avant J.-C. Le général syrien, quittant Jérusalem , était venu camper à Béthoron pour y rejoindre un corps auxiliaire. Les deux Béthoron, surtout celle qui porte le nom de Supérieure, ont toujours été reconnues pour des points stratégiques très importants. Judas vintse poster à Adarsa avec trois mille hommes suivant la Vulgate et les Septante, avec mille hommes seulement suivant Josèphe. En habile tacticien, il avait admirablement choisi son emplacement ; car il commandait de là les trois routes principales , qui du nord , du nord-ouest et de l’ouest, se rendent à Jérusalem. Il fermait en même temps à l’ennemi toute voie de retour vers la ville sainte. Après une prière courte , mais dans laquelle sa foi s’inspire des grands souvenirs du passé , cf. IV Reg., xix, 35 , il engage le combat. Nicanor vaincu tombe le premier au milieu de ses soldats, qui à cette vue jettent leurs armes et s’enfuient dans la direction du sud-ouest. Les Juifs, aidés par les gens delà contrée , les poursuivent jusqu’à Gazara , n’en laissent pas échapper un seul , et rapportent les dépouilles à Jérusalem. I Mach., vu , 39-47 ; II Mach., xv, 1 -35. La tradition a peut-être gardé le souvenir de cette bataille sanglante, car la vallée que domine le plateau de Khirbet ’Adasah s’appelle encore Ouadi ed-Demm , « vallée du sang ». En souvenir de cette victoire, qui rendit à la terre dejuda quelques jours de tranquillité, on institua une fête. I Mach., vu, 49 ; II Mach., xv, 36, 37. Cette fête se célébrait encore au temps de Josèphe , et l’on en trouve la mention dans les chroniques rabbiniques. Cf. J. Derenbourg, Essai sur l’histoire et la géographie de la Palestine, Paris, 1867, p. 63. A. Legendre.

ADAZER, ville de Palestine.IMach.,vn, 45. Voir Adarsa.

ADBÉEL (hébreu : ’Adbe’êl ; Septante : Nagfcrj’A), troisième fils d’Ismaël, chef d’une des douze tribus ismaélites.. Gen., xxv, 13 ; I Par., i, 29.

ADDAI. Voir Actes apocryphes des Apôtres, col. 164.

1. ADDAR (hébreu : ’Addâr, « magnifique ; » Septante : ’A8 !p), fils de Balé, fils de Benjamin. I Par., viu, 3. Il est nommé Héred, Num., xxvi, 40.

2. ADDAR, ville de Juda. Jos., xv, 3. Voir Adar 1.

ADDAX. Voir Antilope.

ADDI (Nouveau Testament : ’ ASSf), fils de Cosan et pèrede Melchi , dans la généalogie de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Luc, m, 28.

ADDINGTON Stephen, ministre dissident à Londres, né en 1729, mort en 1796. Il a publié : A Dissertation on the religious knowledge of the ancient Jews and Patriarchs, containing an Inquiry inlo the évidence of their belief and expectation of a future state, in -4°, Londres, 1757 ; The Life of St Paul, in-8«, Londres, 1784. Le premier ouvrage fut composé en partie à l’occasion de la Divine Légation of Moses, de Warburton, qui produisit une si grande sensation en Angleterre, Voir Warburton. Addington s’attache en conséquence à réfuter l’évêque de Glocester. Sa Vie de saint Paul contient quelques points bien traités.

ADDO, hébreu : ’Iddô et ’Iddô’, « opportun. »

1. ADDO (hébreu : ’Iddô ; Septante : ’Aî8î)-VoirADAiA2. 215

ADDO — ADIADA

216

2. AODO (hébreu : 'Iddô'; Septante : SiSSû), père d'Ahinadab, à qui Salomon confia l'intendance de la contrée de Manaïm (hébreu : Mafyânaïm). III Reg., iv, 14.

8. ADDO (hébreu: Yé'dôî; Keri : Yé'dô; Septante: 'la)r|X, 'A53(i), prophète du royaume de Juda au temps de Roboam et d'Abia. Il écrivit sur ces deux règnes. II Par., xii, 15; xiii, 22. Il fit contre Jéroboam, fils de Nabat, des prophéties où il touchait quelques points de la vie de Salomon. II Par., ix, 29. Ces ouvrages sont perdus, mais ont servi à l'auteur du deuxième livre des Paralipomènes.

4. ADDO (hébreu : 'Iddô' ; Zach., 'Iddô; Septante : 'A8&i), père de Barachie et grand -père du prophète Zacharie. Zach., i, 1, 7. Dans I Esdr., v, 1, et vi, 14, Zacharie est dit fils pour petit-fils d'Addo. D'après II Esdr., xii , 4, il revint de Babylone avec Zorobabel et était prêtre.

ADDON, ville de la Chaldée. II Esdr., vu, 61. Voir Adon.

ADDUS, ville de Palestine. IMach., xiii, 13. Voir Adiada.

ADELKIND Corneille , Juif d'une famille originaire d'Allemagne et fixée à Venise, fut chargé par deux cé- lèbres imprimeurs de cette ville, Dan. Bomberg et Ant. Justiniani , de donner ses soins à plusieurs éditions de la Bible hébraïque, que chacun d'eux voulait publier. On lui doit ainsi la 3 e et la 5 e édition de la Bible hébraïque , in-4% imprimée chez Dan. Bomberg, en 1528 et en 1544. Il prépara la l re édition in-4', 1551-1552, de la Bible hébraïque imprimée chez Ant. Justiniani. Celui-ci en fit paraître en même temps une édition en petit format, 4 in-18, 1552, et en donna une 3 e édition, in-4o, en 1563. Ces Bibles n'ont que le texte hébreu. Adelkind s'occupa également d'une Bible enrichie de targums et de com- mentaires des rabbins les plus célèbres. C'est la seconde et la meilleure édition de la Bible hébraïque rabbinique, en 4 in-f», imprimée chez Dan. Bomberg, en 1549. Elle a conservé la préface de R. Jacob-ben-Chaïm, qui avait été chargé de la première édition, en 1526. Le Long , dom Calmet, etc., appellent notre éditeur Adil; mais le nom complet, tel qu'il se trouve en caractères hébraïques sur les Bibles mentionnées, doit se lire Adelkind. Voir Biblio- theca sacra de J. Le Long, continuée par Masch, part, i, p. 20, 29, 102. E. Levesque.

ADÉODAT, guerrier mentionné dans l'histoire de David. II Reg., xxi, 19, et I Par., xx, 5. La Vulgate, en ces deux endroits, a traduit les noms propres qu'on lit dans le texte hébreu , au lieu de les reproduire dans leur forme originale. 1° Le vrai nom du héros de David était Elchanan (hébreu : 'Elhânân). Saint Jérôme en a formé Adeodatus, en expliquant le mot hébreu, comme signi- fiant « Dieu a donné ». Plus loin, II Reg., xxm, 24, il a conservé un nom semblable sous sa véritable forme Elcha- nan. — .2° Le père d'Elchanan s'appelait Jaïr ; c'est par suite d'une traduction analogue à la première que la Vulgate dit : « Adeodatus, filius Saltus, » en traduisant la significa- tion de Jaïr : « bois. » — Saint Jérôme a expliqué, dans ses Qusest. hebr., t. xxm, col. 1361, pourquoi, contrairement à son habitude , il n'a pas conservé dans ces passages les noms hébreux sous leur forme primitive : c'est parce que le second livre des Rois dit qu'Elchanan (Adéodat) tua Je géant Goliath; or nous savons par I Reg., xvn, 49-51, que ce fut David qui terrassa Goliath; d'où il conclut que David et Elchanan sont un seul et même personnage, ce qu'il cherche à prouver par la signification du nom d'A- déodat et par quelques autres considérations. Mais le saint docteur ne prend pas garde que David tua Goliath sous le règne de Saùl, tandis que l'exploit raconté II Reg., xxi, 19, eut lieu sous le règne de David. La solution de la diffi- -culté que présente le texte des Rois est la suivante : ce texte

a été altéré. Nous en trouvons une première preuve dans la variante que présentent certains manuscrits hébreux, où on lit : 'Elhânân ben-ya'arê 'ôrgîm, « Elchanan (ou Adéodat) , fils des bois de tisserands, » Ces mots offrent un sens si peu naturel, qu'on les a corrigés en lisant : 'Elhânân ben Yâ'îr, et en supprimant le mot 'ôrgîm, « tisserands , » qui se lit à la fin du verset , et qu'on a supposé avec beaucoup de vraisemblance avoir été répété un peu plus haut par distraction. L'exemplaire sur lequel a traduit saint Jérôme portait d'ailleurs cette faute, puis- qu'il a traduit : « Adeodatus... polymitarius. » Une seconde preuve de l'altération du texte des Rois, c'est la leçon différente de I Par., xx, 5, qui résout simplement toutes les difficultés. La Vulgate porte : « Adéodat , fils du Bois (Saltus), Bethléhémite, frappa le frère de Goliath. » On voit que le mot « tisserand », polymitarius, a disparu, et que le géant vaincu par Elchanan n'est pas Goliath, mais son frère. Autant il est peu probable, comme on a essayé de le dire pour résoudre la difficulté, qu'il ait existé à si peu d'intervalle deux géants philistins portant le même nom, autant, au contraire, il est naturel que, si Goliath a eu un frère, ce frère ait été lui aussi un géant. Mais saint Jérôme, qui a traduit fidèlement cette partie du texte des Paralipomènes, n'a pas rendu exactement une autre partie importante de ce passage. Pour le mettre d'accord avec celui des Rois, il a dit qu' Adéodat était Bethléhémite. L'auteur des Paralipomènes ne dit point cela , il écrit : « Elchanan frappa Lachmi , frère de Go- liath. » Les mots 'et-Lahmî, que devait avoir primitive- ment le texte des Rois, ont été changés par un copiste dans ce livre en bêf hallahmî, « Bethléhémite. »

E. Duplessy. ADER Guillaume, médecin de Toulouse, mort en 1630. Il publia : Enarrationes de xgrotis et morbis in Evan- gelio, in -4°, Toulouse, 1620. Il montre que les maladies guéries par Jésus-Christ, n'ayant pu l'être par des moyens naturels, l'ont été nécessairement d'une manière miracu- leuse. E. Levesque.

ADÉS, lieu où habitent les morts. Voir Hadës.

ADFORMANTES, nom donné dans la grammaire hébraïque aux flexions qui s'ajoutent à la fin du verbe hébreu pour marquer la distinction des personnes et des temps. Voir Verbe hébreu.

ADIADA ('AStSâ), ville de la Séphéla, fortifiée par Simon Machabée. I Mach., xii, 38. C'est la même ville que celle qui, I Mach., xiii, 13, est appelée Addus, car le texte grec porte 'A5i8â dans les deux endroits. Nous admettons également son identité avec VHadid ( hébreu : Ifâdîd, 'ASt'ô), mentionnée dans le livre d'Esdras, h, 33, et dans celui de Néhémie, vu, 37 ; xi, 34. Esdras, en effet, nous apprend que sept cent vingt- cinq hommes de Lod, Hadid et Ono, revinrent de la captivité, sous la conduite de Zorobabel. Il est vrai que les Septante ne font ici qu'un seul mot de Lod et de Hadid, comme s'ils ne représentaient qu'une seule localité : 'Tioï AoSaSi xaî 'Ûvci, I Esdr. , II, 33 ; Tioi AoSa&S xi 'ûvci, II Esdr., vu, 37; mais il y a là une confusion évidente, car dans le second passage de Néhémie ces deux noms sont séparés par d'autres ; d'où il résulte clairement qu'ils désignaient deux villes différentes : 'ABtoS, EeëweVi NagaXaT, AûSSa, « Hadid, Seboïm, et Neballat, Lod. » II Esdr., xi, 34. On peut donc justement identifier l"A5ci8 et 1' 'ASt'8 des traducteurs grecs avec T'AôiSâ des Machabées. Du reste le rapprochement de Hadid et de Lod, et les données historiques tirées des Livres Saints eux- mêmes, confirment notre assertion, et nous permettent de retrouver sans difficulté l'emplacement de notre ville.

Lod est incontestablement l'ancienne Lydda des Actes des Apôtres, ix, 32, l'ancienne Diospolis, aujourd'hui Loudd, au sud -est de Jaffa; de même qu'Ouo est actuel- lement Kefr 'Ana, à l'est de Jaffa et au nord de Loudd. 217

ADIADA — ADITHAÏM

218

Or, dans YOnomasticon, édit. P. de Lagarde, Gœttingue, 1870, p. 220, au mot 'ASiaûai(i, Eusèbe place un village nommé Adatha à l'est de Diospolis, xa SXXti 'A6a8à v.a .nep AtéoitoXtv èv àvatoXaïc, ce que saint Jérôme reproduit exactement, sauf le changement d' Adatha en Aditha. Lia. de situ et nominibus locorum heb., t. xxm, col. 871. C'est donc dans le voisinage de Lydda que nous devons chercher l'emplacement actuel de la ville appelée Hàdld par Esdras et Néhémie; Adida, Addus et Adiada par les Machabées; Adatha par Eusèbe, et Aditha par saint Jérôme. Effecti- vement, à quatre kilomètres au plus à l'est de Loudd , se trouve une localité qui a conservé presque intacts les noms précédents : c'est Haditéh. Ce village couronne une haute colline dont les pentes sont assez raides : ainsi porte-t-il bien la dénomination de IJàdid , « pointu, » suivant l'éty- mologie donnée par Gesenius, Thésaurus lingues heb. et chald., p. 446; et sa position répond exactement à la des- cription de Josèphe , qui nous le montre « placé sur une éminence et dominant la plaine de Judée ». Ant. jud., XIII, vi, 4. « Les maisons sont grossièrement bâties, et quelques-unes sont à moitié renversées... [De l'ancienne localité] il ne subsiste plus actuellement qu'une quinzaine de citernes, un petit birket de forme oblongue, ainsi que plusieurs tombeaux et caveaux pratiqués dans le roc. Quelques pierres de taille, d'apparence antique, sont éga- lement éparses çà et là. » V. Guérin , Description de la Palestine, Samarie, t. n, p. 65.

Quelques auteurs, entre autres Grove, Smith's Dictionary of the Bible, Londres, 1861, 1. 1, p. 735, au mot Hadid, repoussent pour Adiada ou Adida l'identification que nous venons d'établir, sous prétexte que la Séphéla, où, d'après I Mach., XH, 38, se trouvait la ville, ne s'étendait pas si haut vers le nord. Mais beaucoup de critiques, après Eu- sèbe et saint Jérôme , donnent comme ligne de démarca- tion entre la plaine de Saron et la plaine de Séphéla « les environs de Joppé (Jaffa) et de Lydda » : « Saron omnis circa Joppen Lyddamque appellatur regio, » S. Jérôme, Comment, in Isaiam, t. xxiv, col. 365; « Saron est la contrée qui s'étend de Césarée à Joppé, » Eusèbe, Ono- masticon, p. 296. Voir Séphéla et Saron. En plaçant donc Adida à Haditéh, à une faible distance de Lydda, nous ne nous éloignons pas de cette ligne de séparation, qui d'ail- leurs, remarquons -le, n'avait pas une rigueur mathéma- tique , et nous ne voyons rien qui nous empêche de dire, comme l'auteur sacré : « Adida dans la Séphéla. » I Mach., xii, 38. Du reste , la situation que nous venons d'assigner à !a ville est parfaitement d'accord avec les événements historiques qui s'y rattachent.

Habitée par les Benjamites à leur retour de la captivité, H Esdr., xi , 34, Hadid fut, au temps des Machabées, for- tifiée par Simon, qui, après avoir occupé les villes mari- times, Ascalon et Joppé, mit ses soins à augmenter la résistance de cette place. I Mach., xn, 38. C'était donc un point stratégique important pour défendre la plaine, garantir en même temps l'entrée des montagnes de la Judée et la route de Jérusalem. C'est ce que confirme le second passage des Machabées , xm , 13 , où nous voyons le même héros juif venir camper à Addus pour barrer le passage à Tryphon, qui, partant de Ptolémaïde (Accho), à la tète d'une puissante armée, et traînant à sa suite Jonathas prisonnier, se proposait d'envahir et de dévaster la terre de Juda. Tryphon avait dû suivre le littoral, et il s'apprêtait à prendre la route bien connue de Jaffa à Jé- rusalem, lorsqu'il rencontra Simon; c'est alors que, ne pouvant pénétrer de ce côté dans les montagnes de Judée, il fit un long détour et tâcha d'arriver à la ville sainte par l'Idumée, « par la voie qui mène à Ador, » à l'ouest d'Hé- bron. I Mach., XIH, 20; Ant. jud., XIII, vi, 4. Simon avait donc admirablement choisi son poste de défense. — Arétas, roi des Arabes, appelé au royaume de Ccelé- Syrie, et se mettant en marche pour gagner sa nouvelle capitale, passa par la Judée. Alexandre Jannée essaya aussi de lui barrer la route; mais il fut battu près d' Adida. et un traité étant

intervenu entre le vainqueur et le vaincu, Arétas s'éloigna. Ant. jud., XIII, xv, 2. — Enfin Vespasien, faisant le siège de Jérusalem, et voulant l'enfermer de tous côtés comme dans un cercle de fer, établit des forts et des avant-postes à Jéricho et à Adida, imposant aux deux villes une gar- nison composée de Romains et de troupes auxiliaires. Bell, jud., IV, ix, 1. Adida avait donc dans l'ouest la même importance que Jéricho dans l'est.

Hadid est mentionnée dans la Mischna , Erakhin, rx, 6; Talm. de Bab., même traité, 32 a, comme une ville for- tifiée par Josué. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 85. Faut-il la voir aussi dans YHatita des listes géographiques de Karnak (n° 76)? Mariette le croit, cf. Comptes rendus de l'Académie des inscriptions et belles -lettres, 4 e série, t. n, 1874, p. 255; et, en effet, il y a correspondance exacte entre les deux mots. Cepen- dant, si l'on examine l'ordre d'énumëration dans lequel les noms sont rangés , on hésite à admettre cette identifi- cation; car on est en droit de se demander pourquoi les auteurs de ces listes, partant de Jaffa (Jopou), et suivant, dans la direction du sud -est, une ligne assez bien mar- quée, n'ont pas mentionné Hatita auprès de Lod (Lou- ten) et Ono (Aounâou), qu'ils unissent, aux n os 64 et 65, absolument comme les livres d'Esdras et de Néhémie. On est donc tenté de placer cette ville plus au sud, et de l'identifier ainsi avec Adithaïm. Voir Adithaïm.

A. Legendre.

ADI AS, descendant de Bani. I Esdr., x, 39. Voir Adaïa 6.

ADIEL, hébreu : 'Àdi'êl, « Dieu a orné. »

1. ADIEL (Septante : 'IeSitJX), chef d'une des familles de la tribu de Siméon sous Ézéchias. I Par., iv, 36.

2. ADIEL (Septante: 'ASiifa), prêtre, père ou ancêtre de Maasai. I Par., ix, 12. Il semble être le même que Azrëel, père d'Amasaï. II Esdr., xi, 13. Il habita Jéru- salem après le retour de la captivité de Babylone.

3. ADIEL (Septante: 'OSiift), père d'Azmoth, qui fut trésorier du roi sous le règne de David. I Par., xxvn, 25.

ADIN (hébreu : 'Adin, « délicat, tendre; » Septante : 'A65t'v, 'ASiv, 'HSiv), chef de famille dont les descendants revinrent de Babylone au nombre de quatre cent cinquante- quatre, I Esdr., ii, 15, ou de six cent cinquante -cinq, II Esdr., vu, 20. C'est peut-être le même dont il est ques- tion II Esdr., x, 16. Il est nommé Adan, I Esdr., vin, 6, dans la Vulgate.

ADIN A (hébreu: 'Àdînâ', <t flexible, pliant; » Sep- tante : 'A5tvi), fils de Siza et chef des Rubénites, un des braves capitaines de David. I Par., xi, 42.

ADINO L'HESNITE, nom d'un des plus vaillants guerriers de David dans II Sam., xxm, 8, texte hébreu. La Vulgate n'a pas ce nom propre dans le passage corres- pondant. Voir Jesbaam.

ADITHAÏM (hébreu : 'Àdî(aïm), ville de la tribu de Juda, située dans la plaine {èefêlâh), et mentionnée entre Saraïm et Gédéra. Jos., xv, 36. Elle n'est citée qu'en cet endroit de l'Écriture, et les Septante l'omettent complète- ment. Faut-il, à la suite de certains auteurs, l'identifier avec Adiada et Hadid? Nous ne le croyons pas, pour les raisons suivantes. Placer Adithaïm à Haditéh, ce serait faire remonter beaucoup trop au nord la tribu de Juda. En effet, la frontière nord-ouest de cette tribu, d'après les passages parallèles de Jos., xv, 10-11; xix, 40-46, com- prenait une ligne qui s'étendait depuis Estaol ( aujourd'hui Achou'a), Saraa (Sara'a), Bethsamès ('Aîn-Chems), Thamnatha (Khirbet Tibnéh), jusqu'à Accaron ('Aker) et Jebnéel [Yebnéh), en sorte qu' Accaron marque la limite 219

ADITHAÎM — ADLER

220

septentrionale de Juda et la limite méridionale de Dan. Aussi ne comprenons -nous pas que les savants auteurs de la nouvelle carte anglaise, Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 10, aient placé Adithaîm en pleine tribu de Dan. Notre sentiment d’ailleurs s’appuie sur le témoignage formel d’Eusèbe, qui, dans VOnomasticon, édit. P. de Lagarde, Gœttingue, 1870, p. 220, au mot ’ASiaOaiv, distingue de YAdatha dont nous avons fixé la position auprès de Diospolis « un village, Adiathaîm, de la tribu de Juda, et situé auprès de Gaza »,

  • A8ia8atv (dans d’autres manuscrits, ’A6to8ai(i), yvXra

’IoûSa, X&retai 8é tiç xw|»i xspi ttjv TôÇav, xa aXXri ’ASa8o xa itep’i AiouitoXiv. Saint Jérôme dit exactement la même chose, en donnant à cette localité le nom d’Adia, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxm, col. 871.

L’emplacement de cette ville n’a pas été retrouvé jusqu’ici. Nous avons dit, à l’article Adiada, que nous serions tenté de l’identifier avec VHatita des listes géographiques de Karnak (n° 76). En examinant la place qu’occupe Adithaîm dans l’énumération de Josué, xv, 33-36, et celle d’Hatita dans les listes égyptiennes, peut-être pourrait-on déterminer approximativement la position de cet endroit. (Les noms palestiniens gravés sur les pylônes de Karnak sont ënumérés et étudiés dans Mariette, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 12-44 ; voir aussi Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1876, spécialement p. 142-143.) Malheureusement, les villes qui précèdent et qui suivent celle dont nous parions n’offrent pas toutes pour elles-mêmes une identification certaine. Néanmoins, en combinant ces éléments, nous dirions volontiers qu’ Adithaîm devait se trouver dans un espace compris entre Na’anéh (Naoun, n° 75 des listes) au nord, Souâfir (Ichapil ou Isphar, n»78, Saphir) au sud, Tell Zacharia ou Khirbet Sàiréh (Saraïm) à l’est, et Katrah (Gédéra) à l’ouest.

A. Legendre.

ADJURATION, action d’adjurer. Adjurer se présente dans la Bible avec trois sens distincts.

1. Faire jurer, c’est-à-dire exiger de quelqu’un le serment ; c’est le sens naturel du mot hébraïque hiSbîd’, qui est la forme hiphil du radical Sàba’. L’adjuration, chez les Hébreux, consistait donc à exiger le serment de quelqu’un. Cette adjuration avait lieu surtout dans les jugements. Le juge adjurait le témoin ou l’accusé de dire la vérité ; nous en avons des exemples Lev., v, 1 ; Num., v, 18-22 ; III Reg., vm, 31 ; Prov., xxix, 24 ; Matth., xxvi, 63, etc. D’après tous ces exemples combinés, nous voyons que, sauf le cas de Num., v, 18-22, il n’y avait pas de formule consacrée pour faire l’adjuration ; le juge se contentait de dire à l’accusé ou au témoin, en ces termes ou en termes équivalents :

Je vous adjure, par le Dieu vivant, de dire la 

vérité sur ce point,... ce que vous savez sur ce point,... si tel ou tel fait est vrai,... etc. En vertu de cette adjuration, la réponse du témoin était censée faite sous le serment, soit que ce témoin prononçât lui-même quelque formule de serment (quoique le texte sacré n’en parle point), comme le pensent quelques auteurs, Saalschûtz, Dos Mosaische Recht, k. 89, Berlia, 1853, p. 611-612 ; soit, comme d’autres le disent, qu’il ne prononçât lui-même aucune formule spéciale, ou se contentât de dire Amen, <si ditat, etc. Michaelis, Mosaisches Recht, § 302 ; Rosenmûller, In Lev. v, 1. Dans le cas où l’adjuration était accompagnée de quelque formule de malédiction ou d’imprécation, l’accusé disait : Amen, amen. Num., v, 18-22. Quand le juge, malgré son adjuration, n’obtient aucune réponse, l’accusé ou le témoin qui refuse ainsi de déclarer ce qu’il sait commet un péché, « hait son âme, » comme il est dit Prov., xxrx, 24, et « porte son iniquité, » comme il est dit Lev., v, 1 ; il ne peut expier sa faute que par un aveu repentant et par l’un de ces sacrifices pour les péchés d’omission ou d’ignorance dont parle le Lévitique, v, 14-18 ; vil, 1-10. — On trouve dans quelques textes une formule spéciale d’interrogation : « Rends gloire à Dieu. »

Jos., vu, 19 ; Joa., ne, 24 ; cf. m Esdr., a, 8. Quelquesauteurs la donnent comme une formule d’adjuration proprement dite ; ce point est fort douteux. Voir Masius, In Jos., vil, 19, dans Migne, Cursus complétas Scripturm Sacrx, t. vu, col. 1157.

Dans les passages cités, le juge qui adjure impose un serment assertoire, c’est-à-dire un serment destiné à appuyer une affirmation ; dans d’autres passages, le supérieur ou le maître qui adjure impose un serment promissoire, en vertu duquel la personne adjurée doit s’engager par serment à faire ce qui est demandé. Dans le texte de Gen., xxiv, 2-9, 37, Abraham adjure Éliézer de ne pas choisir pour son fils Isaac une femme chananéenne, mais une femme de ses parentes , dans la famille qu’il lui indique. Le texte sacré expose les détails de cette adjuration ; ici le serviteur d’Abraham ne se contente pas de répondre en un mot ; il fait un serment proprement dit, suivant les formules et les cérémonies usitées dans ce temps-là. Voir Serment. C’est ce que nous voyons encore Gen., xlvii, 29-31 ; l, 5, où Jacob adjure son fils Joseph de ne pas laisser son corps après sa mort en Egypte , mais de le transporter dans le tombeau de ses ancêtres. Jacob ne se contente pas d’une réponse affirmative ; il exige un serment, que Joseph prête, en effet, de la manière accoutumée. Voir un autre exemple dans Josué, n, 12, 17, 20.

2. Obliger quelqu’un, au nom et par l’autorité de Dieu, à faire quelque chose. Tel est le second sens du mot adjurer, hisbîa’ ; il ne s’agit plus d’exiger de quelqu’un un serment assertoire ou promissoire, mais seulement de lui commander de faire quelque chose. Or, pour rendre cette injonction plus efficace et en faire comme un devoir sacré , le supérieur qui commande interpose le nom et l’autorité de Dieu, afin que la personne qui est adjurée soit engagée non seulement par l’obéissance, mais encore par la vertu de la religion à accomplir ce qui est commandé. C’est l’adjuration impérative. S. Thomas, 2’ 2 S , q. 90, a. 1. Mais il est évident qu’elle suppose dans celui qui adjure : 1° qu’il a l’autorité et le droit de commander ; 2° que, dans l’acte particulier qu’il impose, il ne dépasse pas les limites de cette autorité ; à défaut de l’une ou de l’autre de ces deux conditions, l’adjuration serait illicite et sacrilège. Nous avons des exemples de l’adjuration impérative dans I Esdr., x, 5 ; I Thessal., v, 27. Quand le sujet adjuré de la part de Dieu est le démon, comme, par exemple, Act., xix, 13, l’adjuration revêt un caractère spécial et prend le nom d’exorcisme. Voir ce mot.

3. Prier fortement, instamment (nous disons conjurer) quelqu’un de faire quelque chose. Ce troisième sens, comme déjà le second, a perdu de la force primitive de l’hipbil hiSbia 1 . Nous le voyons Cant., n, 7 ; m, 5 ; v, 8, 9 ; vin, 4 ; Marc, v, 7 ; probablement Jer., v, 7 (où la Vulgate a traduit par jurare), et aussi dans la Vulgate, Tob., vin, 23 ; ix, 5. C’est l’adjuration déprécative. Tantôt elle se fait par Dieu ou par une créature avec un rapport explicite ou implicite à Dieu , et alors elle revêt une plus grande autorité et devient un acte de religion ; tantôt, comme dans les passages indiqués du Cantique des cantiques, elle se fait par des créatures sans aucun rapport avec Dieu ; dans ce cas, elle n’est plus qu’une formule spéciale de prière, qui ne diffère de la prière ordinaire que par son caractère de sollicitation pressante. S. Mamy.

ADLER Jacques- George -Christian, savant orientaliste, né en 1755 à Amis, dans le Danemark, et mort en 1805. Après avoir étudié à Rome les langues orientales, il revint professer le syriaque, puis la théologie, à l’université de Copenhague, et se fit connaître par plusieurs ouvrages d’érudition. Ses œuvres scripturaires, assez estimées, sont : 1° Codicis sacri recte scribendi leges ad recte sestimandoa codices manuscriptos antiquos, in-4o, Hambourg, 1779 ; 2»JVbwi Testamenti versiones syriacx, Simplex, Philoxeniana et Hierosolymitana, denvo examinâtes, in-4", 221

ADLER —ADOMMIM

222

Copenhague , 1139. Cf. Schmidt, Predigt zum Andenken des Herrn Probst Adler in Altona, m-8», 1805.

E. Levesque.

ADLI (hébreu : ’Adlàï, abréviation pour ’Adalyâh, « Jéhovah est juste ( ?) » ; Septante : ’A8X.i)> père de Saphat, qui fut chargé des troupeaux de bœufs du roi David , qui paissaient dans la plaine. I Par., xxvn, 29.

AD MATH A (hébreu : ’Admâfâ’ , « terrestre ? »), un des sept principaux officiers de la cour d’Assuérus. Esth., 1,14.

ADMINISTRATION. La manière dont la Palestine a été administrée et gouvernée a été différente aux diverses époques de son histoire. Voir Moïse , Juges, Rois, Machabées, Hérode.

ADOM (hébreu : ’Âddm), ville auprès de laquelle les eaux du Jourdain s’arrêtèrent , « se dressant comme une montagne , » quand les Hébreux passèrent miraculeusement le fleuve. Jos., ni, 16. Elle n’est citée qu’en ce seul endroit de l’Écriture. Ce mot, dont la Vulgate nous a probablement conservé la vraie prononciation (comparez Adommim), signifie « rouge », suivant certains auteurs (racine âdam, « être rouge ; » cf. Gesenius, Thésaurus lingues heb., p. 24), ou bien emprunte son étymologie à la « terre argileuse », ’âdâmâh, qui se trouvait dans ces parages, entre Soccoth et Sarthan. III Reg., vu, 46. Il est à remarquer du reste que les localités de ce nom sont toutes dans la vallée du Jourdain, depuisla Pentapole jusqu’au lac de Tibériade : Adama, Adom, Èdéma, Adami.

L’emplacement d’Adom est d’autant plus difficile à déterminer, que la situation des endroits qui , comme Sarthan et Soccoth, pourraient servir de point de repère , est elle-même problématique, et que la traduction du passage où ces villes sont nommées offre dans les différentes versions, comparées avec le texte original, un sens un peu différent. L’hébreu doit, en effet, se traduire ainsi : « Et les eaux qui descendaient s’arrêtèrent en un monceau, très loin, auprès d’Adam, ville qui est à côté de Çarfan. » Plusieurs auteurs, à la suite de Van de Velde et de Knobel, identifient ce dernier point avec le Djebel $ar(abéh, montagne située à une certaine distance au nord de Jéricho , et qui , dominant de 608 mètres la vallée du Jourdain, la rétrécit en projetant ses contreforts du côté du fleuve. Si la supposition est juste, on peut très bien placer Adom à Tell Damiéh, à peu près en face, de l’autre côté du Jourdain, et un peu au-dessous du torrent de Jaboc (Ouadi Zerka). Outre la correspondance assez exacte entre les deux noms, la distance qui sépare ce point de la mer Morte est suffisante pour expliquer le récit biblique. Cependant, il faut l’avouer, la ressemblance onomastique entre Çarfan et Sartabéh est peut-être plus apparente que réelle : cf. Clermont-Ganneau, Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1874, p. 173 ; et puis la position de Sarthan au Djebel Sartabéh n’est pas conforme à celle que lui donnent d’autres passages de l’Écriture, qui la placent près de Bethsan, au-dessous de Jezraël. III Reg., iv, 12. Voir Sarthan.

La paraphrase chaldaïque et la version syriaque suivent l’hébreu , et placent les deux villes dont nous venons de parler l’une auprès de l’autre. Les Septante, omettant le nom d’Adom , offrent une curieuse variante : « Et les eaux s’arrêtèrent., très, très loin, jusqu’à la région de Cariathiarim, » (taxpàv oçôSpa <jço8pù ;, ëuç (jipoyi ; Kapta8iapî|ji. Ils ont dû lire alors : me’âd, me’âd, « beaacoup, beaucoup, » au lieu de mê’âdâm, « à partir d’Adom. » Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, Appendix, p. 524, note 2, retrouve Adom dans otpiji de KapiaÔiap’V, avec la permutation si fréquente entre le daleth, t, et le resch, -i. Nous aimons mieux y voir la défiguration du mot Sarfan. Cette hypothèse, qui peut s’expliquer avec les caractères phéniciens, semble confirmée par le manuscrit

alexandrin , qui porte ici Etapi|i. Cest pour cela que M. Tyrwhitt Drake, Palestine Expl. Fund, Quart. Statement, 1875 , p. 31 , et les auteurs de la carte anglaise Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 10, placent Sarthan à Tell es-Sârem, un peu au - dessous de Beisan , l’ancienne Bethsan. Cet emplacement, plus conforme aux données de la Bible sur la même ville, correspond mieux aussi à la pensée exprimée par les versions grecque et latine, qui supposent nécessairement une certaine distance entre les deux endroits mentionnés dans Josué, m, 16. La Vulgate, en effet, suivant le qeri, plus de vingt- cinq manuscrits signalés par Kennicott et de Rossi, et les plus importantes versions, traduit : « Depuis la ville qui est appelée Adom jusqu’au lieu nommé Sarthan. » Nos deux versions ont ainsi lu ’ad, « jusqu’à, » au lieu de ’ir, « ville. »

En somme, nous pouvons, jusqu’à meilleure découverte, retenir Tell Dâmiéh comme emplacement d’Adom. A une assez faible distance de cette colline, au sommet de laquelle on distingue quelques débris de constructions antiques, se trouvent les restes d’un pont, dont une partie a été emportée par le courant, et dont il ne subsiste plus que cinq arches dégradées, sur la rive gauche. A ce point, le Jourdain, qui n’a guère plus de quarante mètres de large , peut, à certaines époques, être traversé à gué.

A. Legendre.

ADOMMIM (Montée d’) (hébreu : ma’âlêh ’Adummîm ; Septante : rcp6<jêa<rc« ’ASafifuv ; Vulgate : ascensio Adommim, Jos., xv, 1 ; àvâêaaii ; Àî9a[n’v, ascensus Adommim, Jos., xviii, 18), endroit mentionné deux fois seulement dans l’Écriture, comme limite entre la tribu de Juda au sud, et celle de Benjamin au nord. Jos., xv, 7 ; xviii, 18. Il se trouvait sur la route qui montait de Galgala ou de la vallée du Jourdain vers Jérusalem , et était situé au sud d’un torrent. Ibid. Ces détails nous permettent de le reconnaître facilement dans le fat’at ed-Dumm, sur le chemin de la ville sainte à Jéricho. Cette montée, que les Arabes appellent aujourd’hui ’aqabet er-Riha, « montée de Jéricho, » suivait jusqu’à ces dernières années une voie antique, aux pavés disjoints, et qui par intervalle s’élevait en escalier. Elle vient d’être modifiée et remplacée par une route carrossable, qui va de Jérusalem à Jéricho. Elle longe précisément, dans les contours qu’elle décrit de Jéricho à Adommim, les bords méridionaux de YOued el-Kelt, qui, à mesure qu’on s’élève, s’enfonce de plus en plus profondément entre deux murailles presque verticales de rochers gigantesques. Voir la carte de la tribu de Benjamin.

Cet endroit s’appelait encore, au temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, MaAï]5o|jivei, Maledomim, abréviation évidente des mots hébreux ma’âlêh ’Adummim. Onomasticon, Gcettingue, 1870, p. 219, au mot 'AS{j.|iei{j.. Saint Jérôme, développant le passage d’Eusèbe, nous donne les détails suivants : « Adommim,... lieu appelé jusqu’à présent Maledomim ; en grec, ’Avigamc IIOppwv ; en latin, Ascensus Ruforum sive Rubentium, « montée des « Rouges, » à cause du sang qui y est fréquemment versé par les voleurs... Il y a là un poste militaire destiné à protéger les voyageurs. Ce lieu sanglant est mentionné par le Seigneur dans la parabole de l’homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho. » Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 870. L’étymologie proposée par le saint docteur semble, suivant M. V. Guérin, confirmée par le nom de Qala’at ed-Demm, « château du sang, » donné à un petit tort dont on voit les restes sur une colline, à moitié route. Ce fortin, décrit par le savant explorateur, Description de la Palestine, Samarie, t. i, p. 156, occupe très probablement l’emplacement du poste militaire, le cpooûpiov d’Eusèbe, le caslellum militum de saint Jérôme, qui s’élevait dans le village d’ Adommim. Cependant plusieurs auteurs expliquent ce nom avec plus de vraisemblance par une raison purement géologique : il viendrait, d’après eux, de quelques roches d’un rouge 223

ADOMMIM — ADONIAS

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assez vif, qui tranche sur le ton jaunâtre ou blanchâtre de tout le terrain environnant. De Saulcy, Voyage en Terre Sainte, t. I, p. 198 ; Riehm, Handwôrterbuch des Biblischen Attertums, 1884, p. 30. On trouve dans le même endroit un grand caravansérail destiné à héberger les voyageurs, et appelé Khan el-Hatrour ; c’est là qu’une fort ancienne tradition place « l’hôtellerie » où, d’après la parabole de Notre-Seigneur, le bon Samaritain fit soigner un homme dépouillé par des voleurs, et laissé par eux à demi mort. Luc, x, 30-35. A. Legendrk.

ADON , localité de la Chaldée d’où venaient quelques-uns des Juifs qui étaient retournés en Judée avec Zorobabel , et qui furent hors d’état de prouver leur origine israélite par les tables généalogiques. I Esdr., n, 59 ; II Esdr., vil, 61. Dans le premier passage, le texte massorétique porte ’Addân ; dans le second, Addôn. Les Septante transcrivent ’HSiv et ’Hpciv. La Vulgate écrit Addon, II Esdr., vu, 61. — Le mot Adon ne diffère que par la ponctuation, dans l’original hébreu, du nom d’Éden, qui est celui d’une ville mentionnée par les prophètes. Is., xxxvn, 12 ; Ezech., xxvii, 23 ; cf. Amos, i, 5 ; IV Reg., xix, 12. Voir Éden 2. — Quelques commentateurs ont pris à tort Adon ou Addon pour un nom d’homme.

ADONAÏ (hébreu : >Sin, ’Àdônâi), un des noms de Dieu dans la Bible hébraïque. Il signifie « mon Seigneur », mon maître. D’après la prononciation massorétique , que nous trouvons aussi dans la Vulgate, Exod., vi, 3 ; Judith, xvi, 16, ce mot a la forme plurielle (le singulier est ’Àdôni) : c’est un pluriel de majesté, les Hébreux, par respect pour la Divinité, mettant son nom au pluriel, comme ils le faisaient dans ’Élohîm, forme plurielle fréquemment employée pour désigner Dieu au singulier. Adonaï n’est employé qu’au vocatif en s’adressant à Dieu, dans la Genèse, xv, 2, 8 ; xvm, 3, 27, 30, 32 ; xix, 18 : ce qui prouve qu’il a été simplement d’abord un titre donné à Dieu, plutôt qu’un nom propre ; mais, dans la suite, on en fit un véritable nom de Dieu, comme nous le voyons dans les prophètes. Is., vi, 1, etc. Les Juifs, considérant le nom de Jéhovah comme ineffable, s’abstiennent de le prononcer toutes les fois qu’ils le rencontrent dans le texte hébreu, et lisent à la place Adonaï. De là vient qu’ils ont donné au tétragramme divin mn>, ihvh, les voyelles du mot Adonaï ( voir Jéhovah) ; de là vient aussi que les Septante et la Vulgate portent Kûpioç et Dominus, « Seigneur, » là où l’original porte Jéhovah, parce qu’ils ont lu Adonaï, selon l’usage juif, et traduit la signification de ce mot en grec et en latin. Dans le passage célèbre de l’Exode, vi, 3, saint Jérôme n’a pas employé le mot Dominus, mais il a mis Adonaï, conformément à la coutume des Juifs, quoique le texte original porte Jéhovah : « Nomen meum Adonaï non indicavi eis. » Ce n’est pas le nom d’ Adonaï, mais celui de Jéhovah, que Dieu n’avait pas expliqué aux patriarches comme il l’expliqua à Moïse dans l’Exode, m, 14. Le langage de Dieu n’est donc pleinement intelligible dans ce passage qu’en recourant au texte hébreu. Il faut également consulter l’original en plusieurs antres endroits, pour savoir quel est le nom divin dont s’est servi l’auteur inspiré, parce que les traducteurs n’ont pas rendu les appellations bibliques d’une manière qui permette de les distinguer les unes des autres. C’est ainsi qu’on peut savoir seulement par l’hébreu si le terme original, rendu par Dominus, « le Seigneur, » est Adonaï ou Jéhovah ; la Vulgate, en effet, n’a que le mot Dominus pour ces deux dénominations divines. Voir Abdias , 1 , où Dominus Deus correspond à « Adonaï Jéhovah », et Hab., in, 19, où Deus Dominus traduit « Jéhovah Adonaï ». Sur l’importance exégétique et critique des noms de Dieu dans l*Écritnre, voir Dieu. F. Vigouroux.

ADONIAS, Hébreu : ’Âdôniyâh, ’Àdôniyâhû, « Jéhovah est mon Seigneur ; » Septante : ’ASwvtaç.

1. ADONIAS (Septante : ’ASuvfor ;, ’Opv&x, ’AStôvîi), quatrième fils de David par Haggith , naquit à Hébron pendant le séjour qu’y fit David, et qui dura sept ans et demi, I Par., m, 2 ; II Reg., m, 4 ; de 1055 à 1048, selon la chronologie ordinairement reçue. Adonias avait donc quarante ans environ lors du coup de main qu’il tenta, vers la fin du règne de son père, pour s’emparer du trône. III Reg., i, 5-53. Il se croyait dans son droit, car l’alné des fils de David, Amon, et le troisième, Absalom, étaient morts ; probablement aussi le second, Chéléab, II Reg., m, 3, appelé Daniel, I Par., m, 1, dont il n’est rien dit dans l’histoire des rois. Cependant ses prétentions n’étaient pas incontestables ; car, s’il est vrai que chez les Juifs la succession au trône était réglée par l’hérédité, Deut., xvn, 20, il n’est pas moins certain qu’elle n’était pas toujours déterminée par la primogéniture. Quelquefois le roi, sentant sa fin approcher, choisissait lui-même, parmi ses fils, son successeur, II Par., xi, 22 ; et s’il est dit de Josaphat qu’il choisit l’un plutôt que l’autre parce qu’il était l’aîné, II Par. , xxi, 3, cette remarque suppose que le roi avait la liberté et le droit de désigner entre tous ses enfants celui qui devait lui succéder. Ce droit, David pouvait en user légitimement , et préférer à Adonias un de ses fils plus jeunes. Du reste, ce n’était pas David qui avait désigné Salomon pour roi, mais Dieu lui-même, véritable roi d’Israël, II Reg., vu, 12-16, et le prophète Nathan, au nom de Dieu , avait béni sa naissance , en déclarant qu’il était et qu’il s’appellerait Yedideyâh, « aimé de Jéhovah. » II Sam. (II Reg.), xn, 25.

Adonias n’avait donc rien à prétendre ; il devait bien plutôt respecter comme un ordre de Dieu l’élection de son frère, de même que David pouvait, sans blesser la justice , jurer à Bethsabée que Salomon et non un autre serait son successeur. III Reg., i, 17. Adonias avait sans doute conscience du droit de son frère , car nous le voyons plus tard invoquer, non pas sa primogéniture, mais la faveur du peuple. III Reg., n, 15. Malheureusement l’ambition fit taire en lui le sentiment du devoir, et dès lors, regardant Salomon comme un rival, il mit tout en œuvre pour le supplanter. Profitant de l’affaiblissement où il voyait son vieux père , il affichait des allures et un train de vie qui disaient assez ses prétentions au trône : il avait des chars, et cinquante coureurs le précédaient quand il sortait. Il imitait en cela son frère Absalom, II Reg., xv, 1 , dont le sévère châtiment aurait dû , au contraire , le maintenir dans le rang qui lui convenait. Comme Absalom, il se créa aussi un parti ; car pour arriver au trône il lui fallait un acte public, une acclamation du peuple, et des partisans prêts à le soutenir par la force. Il recruta les principaux éléments de ce parti dans le petit groupe de mécontents qui s’était formé parmi les courtisans du vieux roi : Joab , neveu de David , autrefois généralissime des troupes royales, puis disgracié et destitué à cause de ses dispositions hostiles, cf. II Reg., u, 13-22 ; m, 22-39 ; Abiathar, le grand prêtre, naguère si fidèle à son roi, qu’une basse jalousie à l’égard de Sadoc jetait dans le parti de la révolte, cf. I Reg., xxii, 20-23 ; II Reg., xv, 24, et avec eux ses frères et plusieurs officiers royaux, qui voyaient sans doute leur intérêt dans l’avènement d’ Adonias. III Reg., i, 9. Pour arriver à leurs fins, les partisans du prétendant préparèrent avec lui un plan qui était bien conçu , et qui n’échoua que grâce à la sagesse du prophète Nathan. Ils résolurent de s’appuyer, non pas sur un mouvement populaire directement provoqué contre Salomon, mais sur cet instinct aveugle qui porte les multitudes à acclamer quiconque a eu l’audace de se poser en roi. Les chefs du mouvement furent secrètement convoqués dans un lieu appelé Zohéleth, et là ils formèrent une assemblée ayant l’apparence d’une représentation nationale : le grand prêtre représentant l’élément religieux, les frères d’Adonias l’élément politique, Joab et les officiers l’élément militaire ; enfin un sacrifice de béliers, de veaux et d’autres victimes, donna à la manifestation un caractère sacré, qui ne pouvait 225

ADONIAS — ADONIBÉZECH

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manquer d'impressionner le peuple. (On pourrait cepen- dant douter que ce fut un vrai sacrifice, et n'y voir qu'un banquet, si le sens naturel de l'hébreu vayyizebak, « sacri- fier, » n'était pas clairement déterminé.)

Malheureusement pour Adonias, cette réunion n'avait pu se préparer sans que le bruit en vint jusqu'aux partisans du vieux roi. Le prophète Nathan observait tout. Ferme autant qu'il était habile, il laissa sans mot dire les conjurés se rendre au lieu désigné. Alors il parla, non pas à David, dont la volonté était trop affaiblie par l'âge , mais à une femme intéressée dans cette affaire, Bethsabée, mère de Salomon. Bethsabée, sur le conseil de Nathan, alla trouver David, lui raconta ce qui se passait, lui rappela son ser- ment en faveur de Salomon ; puis, comme elle achevait, et avant que le roi eût pu répondre, le prophète lui-même entra en scène , fit le même récit , plaida la même cause, lança l'interrogation décisive: « Tout cela se ferait -il par ordre royal? » A cette apostrophe, David comprit toute la gravité de la situation, et prit aussitôt les mesures qui devaient déjouer l'intrigue sans verser une goutte de sang. Le festin s'achevait, après le sacrifice, à l'assemblée de Zohéleth; les convives excités allaient en venir à l'acte suprême, la proclamation d'Adonias comme roi d'Israël, quand un bruit confus de voix et d'instruments se fit en- tendre. Au milieu de ce tumulte , le vieux Joab reconnut les accents de la trompette guerrière qui autrefois sonnait ses victoires. Tous furent saisis d'étonnement et d'inquié- tude; cependant personne ne se rendait encore exacte- ment compte de ce qui se passait, lorsque Jonathas, lui aussi traitre au roi après tant de bons services, II Reg., xv, 36; xvii, 17, entra, le visage bouleversé. Il raconta «me David venait d'envoyer Sadoc, Nathan, Banaïas, avec la garde royale, composée de Céréthiens et de Phélétiens, à la fontaine de Gihon, cf. II Par., xxxii, 30; xxxm, 14, voir Gihon; qu'ils emmenaient avec eux Salomon monté sur la mule du roi, marque du plus grand honneur, cf. Gen., xli, 43; IV Reg., x, 16; Esth.,vi, 8; qu'enfin, arrivés au lieu désigné, Sadoc et Nathan avaient sacré le rival d'Adonias comme roi d'Israël, et qu'à cette vue tout le peuple, qui avait suivi le cortège depuis Sion, avait acclamé l'oint du Seigneur en criant : «Vive le roi Salomon ! » Au moment où il parlait, la cité, ajoutait-il, éclatait en trans- ports , tandis que le cortège conduisait Salomon prendre possession du trône de son père. A ces paroles , une frayeur mortelle s'empara des conjurés : ils s'enfuirent.. Pour Adonias, il mit tout son espoir dans la sauvegarde qu'assurait aux criminels le sanctuaire de Jéhovah, et, courant à Sion, il pénétra jusqu'à l'autel des holocaustes, et saisit un des quatre coins ou cornes en bois revêtues de bronze, qu'on teignait du sang des victimes dans les sacrifices. Exod. , xxvii, 2; xxix, 12. Digne de mort par son crime de lèse-majesté, Adonias dut la vie à la gran- deur d'âme du nouveau roi, qui le laissa vivre en paix, lui promettant une sécurité parfaite, s'il se conduisait sagement. III Reg., i, 52.

Ado/iias promit tout, mais il ne tint pas ses promesses. Le vaincu emportait dans son cœur une insatiable ambi- tion ; elle le conduisit à tramer contre Salomon de nou- veaux complots. Il forma cette fois le dessein d'obtenir par ruse ce qu'il n'avait pu conquérir par force. En Orient, prendre les femmes du roi défunt, c'était affirmer son droit au trône. Cf. II Reg., xn, 8; xvi, 20-23. C'est ainsi que nous voyons en Perse le faux Smerdis prendre les femmes de Cambyse, dont il prétendait être le frère et le successeur, et de même Darius prendre celles du faux Smerdis, après l'avoir vaincu. Hérodote, m, 68, 88. Dans ce dessein, Adonias, après la mort de David, son père, jeta les yeux sur Abisag la Sunamite, qui avait rang d'épouse parmi les femmes du vieux roi. Voir Abisag. Insidieusement il obtint de Bethsabée qu'elle parlât en sa faveur à Salomon, et demandât pour lui la Sunamite. Si celui-ci eût été moins clairvoyant, c'en était peut-être fait de sa couronne; mais, plus prudent que sa mère, il vit le D1CT. DE LA BIBLE.

piège, et jura par deux fois que celui qui avait abusé à ce point de sa clémence subirait la mort. Sur l'heure, il envoya le chef de sa garde, Banaïas, exécuter la sentence, et ainsi périt misérablement Adonias.

Les rationalistes ont blâmé la conduite de Salomon , en disant que le châtiment était excessif et injuste. Il ne l'était point, si on le juge d'après le milieu et le temps dans lesquels il s'accomplit; la raison d'État et l'intérêt public exigeaient cette sévérité. Adonias ne succomba pas uni- quement à cause de sa naissance, comme tant d'autres frères de rois massacrés en Orient, au commencement d'un nouveau règne, sans qu'on ait aucune faute à leur reprocher; il était coupable d'un double crime qui méritait la mort. Salomon, en ordonnant son exécution, ne fit que défendre sa couronne et même sa vie; personne ne peut raisonnablement lui en faire un reproche. On ne peut davantage s'arrêter à l'objection qu'a faite M. Reuss, prétendant qu'Adonias a été excusé et justifié par l'au- teur du troisième livre des Rois, i, 6 : « Son père [David] ne le reprit jamais [de son faste]. » Il est manifeste que l'intention de l'auteur n'est point de donner le silence de David pour une approbation, mais plutôt pour un signe de sénilité.

On loue avec raison le talent littéraire de l'auteur sacré, qui a décrit d'une manière très dramatique les deux scènes de l'assemblée de Zohéleth et de la démarche de Beth- sabée. Quant au héros de cet épisode , il demeure comme un type d'orgueil insolent dans le succès, de bassesse et de lâcheté dans le danger, d'hypocrisie et de mensonge dans toutes ses démarches. Israël put bénir son Dieu de lui avoir épargné l'épreuve d'un tel règne en préférant Salomon à Adonias. P. Renard.

2. ADONIAS, lévite, député par le roi Josaphat pour instruire le peuple et le retirer de l'idolâtrie. II Par., xvii, 8.

3. ADONIAS, un des chefs du peuple qui, au temps de Néhémie, signèrent le renouvellement de l'alliance avec le Seigneur. II Esdr., x, 16.

ADONIBÉZECH (hébreu : 'Âdôni-bézéq , « maître de Bézec; » Septante : 'ABcovi6eÇé>i), roi chananéen dont l'autorité s'étendait sur la ville de Bézec , située à l'ouest du Jourdain et, selon plusieurs, différente de la ville du même nom où Saûl fit le dénombrement de ses forces. I Reg., xi, 8. Voir Bézec. Le nom d'Adonibézech est peut-être un simple titre commun à tous les souverains de cette localité. Au moment où les Hébreux pénétrèrent dans le pays de Chanaan, Adonibézech était à l'apogée de sa puissance. Vainqueur de tous les chefs de tribus du voisinage , il avait abusé de ses succès au point de leur faire couper les extrémités (hébreu : behônôt, « les pouces ; » Septante : xà âxpa) des mains et des pieds : châtiment plus humiliant que la mort pour des guerriers dont la vie était de manier le glaive et de marcher à l'ennemi. De ces princes ainsi mutilés, Adonibézech faisait des esclaves, auxquels il n'épargnait aucun mauvais traitement, jusqu'à les obliger à venir prendre leur nourriture sous sa table , où il leur jetait ses restes. Jud., i, 7; cf. Matth., xv, 27. Sa puissance toutefois ne fut pas capable de résister à l'at- taque des deux tribus réunies de Juda et de Siméon, Jud., i, 3, qui le mirent en fuite, l'assiégèrent dans sa capitale, le firent captif et lui infligèrent le même châtiment qu'il avait fait subir aux rois naguère vaincus par lui. Jud., 1, 6. Ainsi mutilé , il assista à la prise de Jérusalem , puis fut amené à la suite du vainqueur dans la ville prise, où il mourut en confessant avec humilité que son châtiment était une juste vengeance de Dieu, Jud., i, 7, sans qu'il soit démontré par là , comme le soutient Serarius , qu'il eût la connaissance du vrai Dieu. On pourrait penser que le chiffre de soixante -dix, qui désigne le nombre de rois vaincus par Adonibézech, Jud., i, 7, est un chiffre rond

L — 10 S2 ?

ADONIBÉZECH — ADOPTION

25»

pour signifier un grand nombre ; car, en additionnant les rois que Josué combattit en Chanaan, on ne peut guère en trouver plus de trente ; mais ce nombre pourtant devient acceptable, si l’on fait rentrer dans ces melâkîm les chefs des tribus nomades, très nombreuses dans le pays de Chanaan et à l’est du Jourdain. P. Renard.

ADONICAM (hébreu : ’Àdônîqâm, « le Seigneur assiste, » ou « le maître de l’ennemi ; » Septante : ASuvixàpi), chef de famille dont les enfants revinrent de la captivité avec Zorobabel, au nombre de six cent soixante-six, I Esdr., il, 13, ou six cent soixante -sept. II Esdr., vil, 18 ; cf. IEsdr., vm, 13.

ADONIRAM (hébreu : ’Àdônirâm, « mon seigneur est élevé ; » Septante : ’ASciivtpâii), intendant des tributs

hâtèrent de lui apprendre leur situation critique, en lepriant de venir à leur secours. Si les habitants de Gabaon avaient réussi à faire alliance avec Josué, ce n’avait été qu’au moyen d’un audacieux subterfuge. Jos., ix. Néanmoins le général hébreu ne voulut pas manquer à la foi jurée. En une nuit, x, 9, il monte de Galgala à Gabaon, franchissant ainsi une distance qu’on peut évaluer à 23 kilomètres. Rassuré par une promesse divine, x, 8, il attaquebravement les rois confédérés, les met en fuite et les. poursuit jusqu’à Béthoron, Azéca et Macéda. Fendant que ses soldats frappaient les ennemis, une pluie de pierre» tombait du ciel et, en épargnant les Israélites, faisait parmi les Amorrhéens de nombreuses victimes. En même temps la prolongation miraculeuse du jour permettait à Josué de compléter sa victoire. Les cinq rois vaincus, pour échapper aux Hébreux, s’étaient réfugiés dans une

35. — Guerrier vaincu, foulé aux pieds par son vainqueur. Bas-relief assyrien de Nimrcud.

sous les règnes de David, II Reg., xx, 24, de Salomon, III Reg., rv, 6 ; v, 14, et au commencement du règne de Roboam. III Reg., xii, 18 ; II Par., x, 18. Il dirigea les trente mille hommes que Salomon envoya au Liban pour couper les bois et extraire les pierres nécessaires à ses constructions. Roboam le députa pour apaiser les dix tribus, irritées par ses dures réponses ; mais le peuple le lapida. H est appelé par contraction ’Adôrâm, II Reg., xx, 24 ; III Reg., xii, 18. Dans les Paralipomènes, on lit Hadôrâm, II Par., x, 18. Vulgate : Aduram.

AOONIS, dieu syrien. Ezech., vin, 14. Voir Thammuz.

ADONISÉDECH (hébreu : ’Àdônî-fédeq, « mon Seigneur est justice ; » Septante : ’ASinvigsféx), Amorrhéen, roi de Jérusalem au moment où les Israélites, sous la conduite de Josué, envahirent la Palestine pour en faire la conquête. Jos., x, 1. La prise de Jéricho, celle de Haï, la défection des Gabaonites qui venaient de faire leur soumission au conquérant, toutes ces nouvelles effrayèrent Adonisédech, dont la ville se trouvait menacée de très près à cause du voisinage de Gabaon. 11 s’empressa de conclure une alliance avec d’autres rois chananéens : Oham, roi d’Hébron ; Pharan, roi de Jérimoth ; Japhia, roi de Lachis, et Dabir, roi d’Églon. Les cinq rois confédérés vinrent mettre le siège devant Gabaon, autant pour la châtier que pour effrayer les autres villes qui seraient tentées de suivre son exemple.

Josué était à Galgala ; c’est là que les Gabaonites se

caverne à Macéda : on se contenta, sur l’ordre de Josué, d’obstruer à l’aide de grosses pierres l’entrée de ce refuge souterrain et d’y placer des gardes pour les empêcher de s’échapper, pendant qu’on continuait à poursuivre les fuyards. Ce ne fut qu’après la destruction presque totale des soldats amorrhéens, et une fois l’armée revenue à son camp de Macéda, que Josué donna l’ordre d’ouvrir la caverne et de lui amener les princes qui s’y étaient cachés. Lorsqu’ils furent devant lui , il les fit fouler aux pieds des chefs d’Israël (fig. 35), selon un usage oriental d’un terrible symbolisme : « C’est ainsi, dit -il aux Hébreux, que le Seigneur en agira avec tous les ennemis que vous aurez à combattre. Courage donc, et ne craignez rien ! » x, 25. Enfin les rois captifs furent mis à mort, et leurs cadavres suspendus à cinq gibets. Le soir venu , ils furent descendus à terre et jetés dans la caverne, dont on ferma : de nouveau l’entrée avec de grandes pierres, x, 27. Ainsi s’était pleinement accomplie la parole du Seigneur à Josué : « Ne crains pas ces rois, car je les ai livrés entre tes mains, et aucun d’eux ne pourra te résister. » Jos., x, 8.

E. Duplessy.

ADOPTION. L’adoption peut être faite ou par l’homme ou par Dieu. Nous étudierons successivement l’une et l’autre.

I. De l’adoption faite par l’homme. — Il y a une adoption très large, qui est de droit naturel, et qui consiste en ce qu’un homme accueille ou recueille un étranger et letraite plus ou moins comme son fils, sans que celui-ci du reste acquière aucun droit ni sur lé nom ni sur la for229

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tune de celui qui l'adopte ainsi. Cette espèce d'adoption , qui est une des formes dont la bonté et la charité peuvent s'exercer, a existé dans tous les temps et chez tous les peuples. Dans le sens juridique, l'adoption est un acte qui, moyennant certaines conditions déterminées par la loi, établit entre l'adoptant et l'adopté les rapports civils de filiation, en sorte que l'adopté acquiert, en tout ou en partie, les droits d'un enfant légitime. Nous trouvons l'a- doption juridique chez plusieurs peuples anciens, par exemple, les Indiens, les Grecs, les Romains. P. Viollet, Précis de l'histoire du droit français , Paris , 1886 , p. 401 , 402. Pour les Romains, voir en particulier Code de Jus t., VIII, XL vin ; Instit., I, xi ; Lig., I, vu. Quand l'adoption procure à l'adopté tous les droits d'un enfant légitime, en sorte qu'il entre dans la famille de l'adop- tant, et que là il occupe le rang et acquiert les privilèges d'un enfant né en mariage, «lie est dite parfaite : telle était l'adoption romaine, surtout avant la réforme profonde opérée sur ce point par Justinien. Plus l'adoption s'éloigne de ce type, plus elle est imparfaite, et tend à se confondre avec l'adoption de bienveillance dont nous avons parlé. Toutefois l'adoption juridique ne se conçoit guère sans un droit de l'adopté sur la succession de l'adoptant; car ce droit étant essentiel et, pour ainsi dire, sacré pour tout en- fant légitime, si l'adopté n'en jouit pas, son adoption sera plutôt la simple adoption de bienveillance. Même en droit français, où l'adoption s'éloigne pourtant si notablement de l'adoption romaine parfaite, elle confère à l'adopté un droit strict sur la succession de l'adoptant.

Les Hébreux avaient -ils cette adoption juridique, pro- duisant au moins, en faveur de l'adopté, le droit de suc- cession sur les biens du père adoptif ? Nous ne le croyons pas. La loi de Moïse garde le plus profond silence sur ce point, la langue hébraïque n'a pas de nom pour signifier eet acte; le mot grec uloôsut'a, qui signifie « adoption », ne se trouve pas une seule fois dans la traduction des Sep- tante; en dehors des Épitres de saint Paul, ce mot ne se rencontre pas non plus une seule fois dans les écrits du Nouveau Testament. Quand saint Jean veut nous dire que nous sommes les enfants (évidemment adoptifs) de Dieu, il dit simplement que nous sommes appelés et que nous sommes les enfants de Dieu. I Joa., m, 1. Cela prouve que dans la Palestine, où les écrivains du Nouveau Testament avaient reçu leur éducation, on n'était pas accoutumé à l'idée d'adoption, dont peut-être même on ne connaissait pas le nom. Que si saint Paul, comme nous le dirons tout à l'heure , a employé plusieurs fois le mot grec u!o8e<rta , c'est qu'étant né en Cilicie, il avait reçu une éducation en partie grecque, et avait pu ainsi se familiariser avec les idées et la langue des Grecs, qui connaissaient et prati- quaient l'adoption. Les Hébreux ne connaissaient donc pas l'adoption juridique ; du reste elle aurait pu troubler l'ordre de succession établi par Moïse avec tant de précision, dans le but de garder toujours les biens dans la même tribu et, autant que possible, dans la même famille. D'après Num., xxvii, 8-11, l'héritage du défunt passe à ses fils; s'il n'a pas de fils, à ses filles; s'il n'en a pas non plus, à ses frères ; à leur défaut , à ses oncles, et enfin à ses plus proches parents. Or, si les Juifs avaient adopté, ils auraient pu librement et facilement bouleverser ce bel ordre, et peut-être faire passer les biens dans une autre tribu. C. B. Michaelis , De ritualibus Scripturee Sacrée ex Alco- rano illustrandis , § xi.

Mais d'où vient que les Hébreux n'ont pas connu l'adop- tion ? La réponse est facile : c'est que le besoin ne s'en est pas fait sentir. Quel est le but de l'adoption? Son but prin- cipal , c'est de suppléer le mariage, c'est-à-dire de donner des enfants à ceux qui n'en ont pas, afin qu'ils aient, eux aussi, un soutien dans leur vieillesse et un successeur de leur nom et de leur fortune. Les Hébreux n'ont pas eu besoin de ce supplément: ils avaient la polygamie; si un premier mariage était infécond, un Second venait combler le vide. C'est ce que nous voyons plusieurs fois dans la

Sainte Écriture : Sara, étant stérile, prie Abraham de prendre sa servante Agar; c'était un second mariage, de condition inférieure, de second ordre, mais légitime, Gen., xvi, 2; Rachel, n'ayant pas d'enfants, donne à Jacob sa servante Bala. Gen., xxx, 4; cf. 9. Aussi voyons-nous que dans les pays de polygamie l'adoption est peu ou point connue; les Arabes, comme leurs voisins de Palestine, étaient polygames; ils ne connaissaient point l'adoption. Le Koran ne fait aucune mention de l'adoption juridique; il fait seulement allusion à une certaine adoption de bien- veillance, qui produit un lien bien faible entre l'adoptant et l'adopté, puisque Mahomet défend de donner à l'adopté le nom de l'adoptant, et qu'il permet à celui-ci d'épouser la femme répudiée de son fils adoptif. Il n'est question du reste, pour l'adopté, d'aucun droit de succession sur les biens de l'adoptant. Koran, ch. xxxm, 4-5, 37. On lit cependant dans l'Écriture quelques textes ou faits qui semblent se rapporter plus ou moins à l'adoption. Nous devons maintenant les expliquer :

1° Nous trouvons trois fois dans l'Ancien Testament, dans la Vulgate, le mot « adopter » : « Elle [la fille du pharaon] l'adopta (adoptavit) [Moïse enfant] comme fils. » Exod., H, 10. « Son père et sa mère [d'Esther] étant morts, Mardochée l'adopta (adoptavit) pour fille. » Es- ther, il, 7. « [Esther] que Mardochée avait adoptée (ado- ptaverat ) pour fille. » Esther, h, 15. Mais le mot adoptare n'est pas dans le texte original ; ainsi que nous l'avons déjà dit, la langue hébraïque n'a pas de mot pour désigner l'adoption ; dans le premier texte, il y a : Vayeki lâh lebên, « et il fut pour elle comme un enfant ; » dans le second , on lit : Leqâhàh Mordekaî 16 leba(, « Mardochée la prit pour lui comme fille; » dans le troisième : 'ASér lâqa') là lebaf, « [Esther] que Mardochée prit pour lui comme fille. » Or ces expressions vagues et générales peuvent très bien s'entendre de cette simple adoption de bienveil- lance dont nous avons parlé, laquelle ne produisait aucun droit pour l'adopté.

2» Nous lisons, Gen., xlviii, 5, ces paroles dites par Jacob à son fils Joseph : « Vos deux fils, Éphraïm et Manassé, que vous avez eus en Egypte, avant que je vinsse ici avec vous, seront à moi, et ils seront mis au nombre de mes enfants, comme Ruben et Siméon. » Ainsi Jacob accepte comme siens les deux enfants de Joseph, et leur assigne à chacun une part d'héritage, comme à Ruben et à Siméon : ce qui fut, en effet, exécuté ; car, dans le partage de la Terre Promise, sous Josué, Jos. , xvi, xvii, une seule part fut assignée à chacun des frères de Joseph, tandis que Joseph eut deux parts dans la personne de ses deux fils, Éphraïm et Manassé. Or n'est-ce pas là la véritable adoption avec un droit de succession sur les biens de l'adoptant? — Non, ce n'est pas l'adoption; c'est l'exercice d'un pouvoir, qu'a- vait le père de famille, de transporter, pour une cause très grave , le droit d'aînesse de son fils aine sur un autre en- fant. Ce droit ou cet usage est clairement supposé par le texte du Deutéronome, xxi, 15-17, qui le confirme. Ruben était le fils atné de Jacob; mais il s'était uni à Bala, épouse secondaire de son père, Gen., xxxv, 22. Irrité contre lui, Jacob lui refuse sa bénédiction et la transporte sur Joseph, Gen., xlix, 4, 22-26, qui fut ainsi constitué premier-né légal de la famille , et obtint par là même le droit à deux parts d'héritage, droit propre des fils aînés. Telle est l'expli- cation que donne de ce passage célèbre l'auteur des Para- lipomènes. I Par., v, 1-2.

3° La loi juive du lévirat (voir ce mot) a des rapports avec l'adoption. D'après cette loi, quand un Juif meurt sans enfants , le frère puîné doit épouser la veuve du dé- funt, afin de donner ainsi un héritier à son frère; en effet, l'enfant premier- né prend le nom du défunt et recueille ses biens. On le voit, ce sont les effets de l'adoption. Aussi saint Augustin, Quxst. in Heptat., v, 46, t. xxxrv, col. 767, et après lui d'autres saints docteurs ou théologiens donnent le nom d'adoption à cette disposition de la loi mosaïque. Mais il est évident qu'il n'y a là de l'adoption que le nom. 231

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L'adoption imite la paternité ; elle suppose par conséquent dans l'adoptant la vie et un acte libre de bonté pater- nelle; dans le cas du lé virât, il n'y a ni l'un ni l'autre; celui qu'on donne comme adoptant est mort, et, par suite, absolument étranger à l'introduction d'un membre dans sa famille. Il est vrai que les Romains ont eu pendant quelque temps l'adoption par testament, Ortolan, Instit. de Justinien, De adoptwnibus, n° 134, et notre droit fran- çais reconnaît aussi, au moins dans un cas, l'adoption testamentaire, Code civil, art. 366; mais encore celle-ci suppose-t-elle un acte libre de la part du testateur; il n'y a rien de semblable dans le cas du lévirat; la loi seule ordonne et agit. La prescription mosaïque n'est donc pas une adoption, mais la substitution faite par la loi, pour des raisons graves, d'un père fictif au père naturel.

II. Le l'adoption faite par Dieu. — De même que l'homme peut avoir à la fois, au moins dans certaines législations, des enfants naturels et des enfants adoptifs, ainsi Dieu qui a un Fils naturel, Jésus -Christ, a voulu avoir aussi des fils adoptifs ; c'est à ce genre d'adoption que saint Paul, le premier des écrivains sacrés, a ap- pliqué le mot uloOeni'a. Mais Dieu peut adopter ou tout un peuple ou des individus : de là deux sens distincts dans ce mot.

1» Nous trouvons le premier sens, adoption d'un peuple, dans le passage de saint Paul, Rom., IX, 4, où il dit : « Les Israélites, à qui appartiennent l'adoption des en- fants (<i jio8E<x:a ), et sa gloire* et son alliance, et sa loi, » etc. Évidemment le mot uïoôsn:* s'entend ici de l'adoption faite par Dieu, non pas des Juifs individuellement, mais du peuple juif dans son ensemble" ; de même que l'alliance et la loi, dont saint Paul parle dans la même phrase, re- gardent non les individus, mais le peuple, ainsi l'adoption s'applique à tout le peuple juif. Saint Paul veut dire par là que Dieu a traité le peuple juif comme son fils, le dé- livrant de la servitude d'Egypte, lui donnant un riche héritage, le comblant de bienfaits, le couvrant de sa pro- tection, le défendant contre ses ennemis, en un mot se montrant pour lui comme le meilleur des pères. C'est dans le même sens que le peuple juif est quelquefois appelé « fils de Dieu », par exemple : « J'ai appelé d'Egypte mon fils, » Osée, xi, 1, et même « fils aîné de Dieu. » Exod., W, 22-23.

2° Nous trouvons le second sens, adoption individuelle, dans les quatre autres passages où saint Paul emploie ce mot uIoôeixîo : « Vous avez reçu l'esprit de l'adoption des enfants (xveOiix uloQsaiac) , par lequel nous crions : Abba, Père. » Rom., viii, 15. « Pour nous faire recevoir l'adop- tion des enfants. » Gai., rv, 5. « [Dieu] qui nous a pré- destinés pour nous rendre ses enfants adoptifs. » Eph., I, 5. « Nous gémissons en nous-mêmes, attendant l'adop- tion. » Rom., vin, 23.

En quoi consiste cette vhfcaiit, cette adoption divine dont parle saint Paul? Elle n'est pas la filiation divine naturelle, qui n'appartient qu'au Fils unique de Dieu; mais elle n'est pas non plus semblable à l'adoption humaine, qui n'est au fond qu'une dénomination légale et extérieure, et ne fait rien passer de la substance du père dans celle du fils ; elle tient le milieu entre les deux, se rapprochant plutôt de la filiation naturelle. Plusieurs textes de la Sainte Écriture vont mettre dans tout son jour cette vérité con- solante.

Dans l'ordre de la filiation naturelle humaine, un enfant naît de son père; par là même, il est son fils; par cette naissance , Ù reçoit de son père la nature humaine ; il entre dans la famille de son père et devient son héritier. Nous allons retrouver, à la lumière de la Sainte Écriture, tous ces éléments dans notre filiation divine adoptive.

1. Les justes sont engendrés, sont nés de Dieu. L'homme n'aurait osé le dire ni même le penser, si Dieu ne l'avait dit Les textes sont nombreux qui mentionnent cette nou- velle naissance, cette nouvelle génération. « Us sont nés de Dieu, > dit saint Jean, i, 13. « Par un effet de sa bonté,

Dieu nous a engendrés par la parole de la vérité. » Jac, i, 18. Cf. Joa., m, 5 ; I Joa., m, 9 ; v., 9 ; Tit., m, 5 ; I Pet., 1, 3, 23. C'est cette naissance divine qui nous est donnée par le baptême , qui est pour cela appelé « le bain de la régénération, » Tit., m, 5, et, si l'on peut parler ainsi, le sacrement de la renaissance : « Si un homme ne renait de l'eau et de l'Esprit -Saint, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » Joa., m, 5.

2. Si nous sommes nés de Dieu, nous sommes fils de Dieu. La conséquence est rigoureuse. Beaucoup de textes du Nouveau Testament appellent les justes « fils de Dieu » ; sans doute quelques-uns doivent se prendre dans le sens large, c'est-à-dire dans le sens d'une certaine ressem- blance avec Dieu. Matth., v, 45. Cf. v, 9. Mais un grand nombre ne peuvent s'expliquer que dans le sens précis d'une filiation adoptive strictement dite, soit parce qu'ils insistent avec énergie sur cette filiation, soit parce qu'ils donnent comme raison de cette filiation la nouvelle nais- sance et la nouvelle vie que les justes reçoivent de Dieu. « Voyez , dit saint Jean , quel amour le Père nous a témoi- gné, de vouloir que nous soyons appelés, et que nous soyons, en effet, enfants de Dieu... Mes bien-aimés, nous sommes déjà enfants de Dieu. » I Joa., m, 1-2. Cf. Rom., vin, 14-17; Gai., m, 26; îv, 4-6; Rom., v, 2; vm, 21; Joa., i, 12.

3. L'enfant, né de son père, et devenu ainsi son fils, reçoit de lui, par là même, la nature humaine. Saint Pierre nous dit: « Dieu, par Jésus -Christ, nous a com- muniqué les grandes et précieuses grâces qu'il nous avait promises , pour vous rendre par ces mêmes grâces par- ticipants de la nature divine. » II Pet., i, 4. En quoi consiste cette participation de la nature divine, qui est le fruit de notre nouvelle naissance? Parle seul fait de cette régénération , nous recevons en nous le Saint - Esprit ; il est communiqué et donné à l'âme juste. Rom., v, 5. Cf. I Joa., IV, 13; II Cor., I, 22. Il habite par conséquent dans l'âme juste. Rom., vm, 9, 11. Sans doute il n'habite pas en nous à l'exclusion du Père et du Fils, à cause de la circumincession (7uEptx!ipi)<rtç) des trois divines per- sonnes, qui sont consubstantielles et inséparables; aussi Jésus a-t-il pu dire de l'âme du juste : « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre de- meure. » Joa., xiv, 23. Toutefois cette œuvre de justifica- tion étant un « don » excellent et un témoignage très pré- cieux de l'amour divin , est attribuée par l'Écriture et les Pères au Saint-Esprit, qui est par excellence le Don de Dieu et l'Amour substantiel et personnel du Père et du Fils. Mais que fait le Saint-Esprit dans notre âme? Par son action toute -puissante , il imprime en elle cette qua- lité permanente qu'on appelle grâce sanctifiante; elle est inhérente à l'âme, la pénètre tout entière, lui donne des puissances et des facultés nouvelles, et la rend ainsi sem- blable à Dieu.

4. Nés de Dieu , nous entrons dans sa famille , comme le fils entre naturellement dans la famille de son père ; il n'est pas pour nous un étranger, ni même simplement le Créateur, c'est notre Père ; ce mot est répété plus de quinze fois dans le Nouveau Testament, et avec ce sens précis. Par la même raison , nous devenons les frères de Jésus- Christ, quoiqu'il soit Fils naturel de Dieu, et non simple- ment fils adoptif. Dans la plupart des législations, c'est un effet de l'adoption de rendre les adoptés frères des fils naturels de l'adoptant D. I, vu, 23. C'est ce que Dieu a voulu aussi dans l'ordre surnaturel : nous sommes frères de Jésus-Christ, au même titre que nous sommes enfants de Dieu. Rom., vm, 29.

5. Enfin, si nous sommes fils de Dieu, nous sommes ses héritiers: c'est qu'en effet, comme nous l'avons observé dans la première partie de cet article, toute véritable adoption entraîne en faveur de l'adopté le droit à la suc- cession du père adoptif. Or saint Paul nous apprend qu'il en est de même pour l'adoption divine : « Si nous sommes 233

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enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ. » Rom., vin, 17. Cf. Gaï., m, 29; iv, 7; Tit., in, 7; I Pet., m, 22; Jac, h, 5. Aussi, dans la Sainte Écriture, la gloire du ciel, consistant dans la vision intuitive, l'amour et la possession de Dieu, nous est souvent proposée comme un héritage : « Béni soit Dieu, Père de Notre- Seigneur Jésus -Christ, qui, selon la gran- deur de sa miséricorde, nous a, par la résurrection de Jésus -Christ, régénérés, pour nous donner la vive espé- rance de cet héritage, où rien ne peut ni se détruire, ni se corrompre, ni se flétrir, x> etc. I Pet., i, 3-4. Cf. Eph., i, -18; v, 5; Col., m, 24; Heb., l t 14; ix, 15. Sans doute les mots hœres, hœreditare, hœreditas (en grec, x)oipov6|i.oc, x>i)povo|*sw, -xX»)povo|«a ; en hébreu, radical nâffal) ne signifient pas toujours un héritage proprement dit, c'esfc à-dire le mode spécial d'acquisition par succession ou tes-^ , tament ; mais signifient quelquefois , en général , la prise de possession d'un bien, quel que soit d'ailleurs le mode d'acquisition; mais cette distinction est ici sans impor- tance, puisqu'il nous suffit de faire remarquer qu'en vertu de sa naissance divine, le juste acquiert un certain droit sur les biens divins préparés dans le ciel; or ce droit, qui constitue précisément l'héritier, est prouvé par la plupart des textes cités; cela est tellement vrai, que saint Paul , dans un des quatre textes où il emploie le mot u'.oOeasa, identifie notre adoption divine avec notre héri- tage céleste : « Nous gémissons en nous-mêmes, atten- dant l'adoption divine, la délivrance de nos corps. » Rom., vm, 23.

Ce que nous venons de dire de ce privilège admirable de l'adoption divine, ou de la filiation divine adoptive, conféré à tous les justes, ne peut s'appliquer à Jésus-Christ, qui, étant Dieu et homme, est purement et simplement Fils naturel de Dieu, et non pas Fils adoptif. Comme la filiation ne peut convenir qu'à une personne, et qu'en Jésus -Christ il n'y a qu'une personne, celle du Verbe, il ne peut y avoir en lui qu'une seule filiation , la filiation naturelle, en vertu de laquelle Jésus-Christ est Fils na- turel de Dieu. S. Thom., m, q. 23, a. 4. Ainsi, d'un seul mot, se trouve réfutée l'erreur ou plutôt l'hérésie des Adoptianistes , Félix, évêque d'Urgel, et Élipand, arche- vêque de Tolède, qui, dans la seconde moitié du vm e siècle, enseignaient que Jésus -Christ, comme homme, peut être dit Fils adoptif de Dieu. Cette erreur, qui n'était qu'un rejeton du nestorianisme, fut condamnée au concile de Francfort (794). S. Many.

ADOR, ville de Palestine. I Mach., xi:i, 20. Voir Aduram 1.

ADORANI. Hébreu : Hâdôrdm.

1. ADORAM (Septante: 'OSoppô), cinquième fils de Jectan. Il s'établit aux extrémités méridionales de l'Arabie. Ses descendants sont les Adramites des géographes clas- siques. I Par., i, 21. Il est nommé Aduram dans la Vul- gate. Gen., x, 27.

2. ADORAM (Septante: 'Aîoupân), fils de Thoù, roi d'Hémath, vint de la part de son père féliciter David de la victoire qu'il avait remportée sur Adarézer, roi de Soba, et lui offrir en présent des vases d'or, d'argent et d'airain. I Par., xvm, 10; II Reg., vm, 10. Dans ce dernier endroit, il est nommé Joram.

ADORATION (Vulgate: adorare; Septante et Nou- veau Testament: npo(i*ovelv ; hébreu: hisfaliavâh, hith- palel du radical Sajfâh) désigne dans la Bible un témoi- gnage particulier de vénération, que les Hébreux rendaient à la divinité et aux grands personnages. Il consiste en ce que Vadorateur se jette à deux genoux et se prosterne jusqu'à terre devant la personne qu'il vénère , lui baisant les pieds ou touchant le sol de son front devant elle. C'est le sens naturel du verbe hi$[ahavâh , qui signifie pro-

prement « se prosterner jusqu'à toucher du front la terre »; aussi on le voit souvent suivi des mots appayîm 'arsâh, « la face contre terre, » ou autres équivalents. Gen., xix, 1 ; xiji, 6; xlviii, 12, etc. Gesenius, Thésaurus, p. 1387. Telle était chez les Hébreux la démonstration la plus éclatante de vénération, qu'ils distinguaient soigneusement des autres marques de respect; ils avaient d'autres mots pour signifier la simple génuflexion (kâra', bârak, traduits ordinairement dans les Septante : le premier, par xXt'veiv lia za yivaxa; le second, par nîirretv èn'i fi YÔvirra) ou l'inclination modérée du corps (qâdad, traduit habituel- lement dans les Septante par x-jhtm) ; le terme hityahavâh était réservé pour signifier la prosternation complète.

Cette marque de vénération était du reste en usage, comme elle l'est encore aujourd'hui , dans les pays orientaux. Le Musée britannique possède une peinture Xniurale, contemporaine de la XVIII e dynastie égyptienne, qui représente des personnages offrant des présents à un roi ; les plus rapprochés de lui sont prosternés devant lui , le front courbé jusqu'au sol ; ceux qui viennent ensuite sont

36. — Eol d'Egypte adorant la déesse Isis.

à genoux, attendant probablement le moment de se pros- terner; enfin il y en a qui sont encore debout, jusqu'à ce que leur tour vienne de s'approcher. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1889, t. n, p. 146. Nous reproduisons ici (fig. 36) un roi d'Egypte qui adore prosterné la déesse lsis. Les Perses distin- guaient soigneusement entre la salutation et l'adoration. Alexandre, ayant vaincu les Perses, voulut, dit Justin, XII , vu , « non pas être salué, mais être adoré, » suivant t'usage des rois persans; cet usage, dit Quinte-Curce, consistait en ce que les sujets se prosternaient à terre, et frappaient du front le sol devant leur souverain. Quint. Curt., VI, vi. Une coutume semblable existait en Assyrie. ( Fig. 37.) C'est l'hommage que l'orgueilleux Aman, premier ministre du roi Xercès (l'Assuérus de la Bible), voulut qu'on lui rendit : « Et tous les serviteurs du roi, qui étaient à la porte du palais (à Suse), fléchissaient le genou devant Aman, et l'adoraient. Il n'y avait que Mardochée qui ne fléchit pas les genoux devant lui, et ne l'adorât pas. » Esth., m, 2. Ici le texte hébraïque présente les deux mots signalés : kâra', « fléchir ie genou, » ex hiStahavâh , « adorer. »

Les Hébreux rendaient cette adoration à Jého vah, comme on le voit Gen., xxiv, 2C, 48; Exod., xx, 5, etc. Gesenius, Thésaurus, p. 1387. Dans ce cas, le verbe hébraïque hisfa- havâh est quelquefois seul, sans régime, le nom de Jé- hovah restant sous -entendu. C'est aussi de cette manière que Notre-Seigneur, au jardin des Oliviers, adora son Père : « Il se prosterna contre terre, » Marc, xiv, 35; « il tomba la face contre terre. » Matth., xxvi, 39. Les Hébreux rendaient aussi l'adoration ou l'hommage du profond respect par la prostration aux grands person- nages, comme les rois et les princes : ainsi Miphiboseth, fils de Jonathas, adora David, II Reg., ix, 6, 8; Joab et Absalom adorèrent le même prince, II Reg., xiv, 22, 33, etc. Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur fut souvent l'objet de cette marque de vénération : les mages l'adorèrent prosternés devant lui, Matth., n, 11 ; l'aveugle235

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né, guéri par lui, et apprenant de lui qui il était, « tombe à terre et l'adore, » Joa., ix, 38; les saintes femmes, après sa résurrection, « se jettent à ses pieds, les baisent, et l'adorent, » Matth. , xxvm, 9, etc. Dans les Actes des Apôtres, Pierre, envoyé par Dieu au centurion romain Corneille , reçoit de lui cette marque de vénération : « se prosternant à ses pieds, il l'adora. » Act., x, 25. Pierre refusa cet honneur, disant qu'il n'était qu'un homme. Act., x, 26. Corneille ne l'ignorait pas, mais il avait voulu se conformer aux mœurs hébraïques. Dans des cas particu-

c'est de dessus le propitiatoire qui recouvrait l'arche qu'il rendait ses oracles.

Quelquefois les Hébreux ont rendu l'adoration à de fausses divinités; les auteurs sacrés, pour désigner ce culte, ont employé le même mot hisfahavâh, Deut., xxix, 25 (26), etc.; aussi, lorsque, Exod., xxxiv, 14, Jéhovah défend à son peuple d'adorer des dieux étrangers, il sa sert de la même expression. Cependant à partir d'Isaïe, et surtout après la captivité, les auteurs sacrés emploient pour désigner l'adoration des idoles un autre mot, le verbe

^s >mi m ;e^

37. — Tributaires des rois d'Assyrie adorant le roi Salmanasar II. Obélisque de basalte du Briiish Muséum.

liers, les Hébreux rendaient le même hommage à des hommes ordinaires, qu'ils voulaient honorer d'une ma- nière toute spéciale : ainsi Abraham « adore jusqu'à terre » les trois visiteurs, qu'il ne connut que plus tard, Gen., xviii, 2; il adore les enfants de Heth, Gen., xxm, 7, 12. Moïse adore Jéthro, son beau-père, Exod., xvm, 7; David adore jusqu'à trois fois son sauveur Jonathas , fils de Saûl , I Reg., xx, 41 ; Jacob se prosterne à terre devant son frère Ésaû et l'adore, et cela jusqu'à sept fois, Gen., xxxm, 3; le nombre des adorations était la mesure de l'honneur qu'on entendait rendre. Nous trouvons aussi le mot ado- rare, hiSfahavâh, appliqué à un objet matériel, à cause de ses rapports intimes avec le culte de Dieu. Ainsi, Ps. xcviii (héb. xcix), 5 : « Adorez l'escabeau de ses pieds [de Jéhovah], parce qu'il est saint. » D'après la meilleure interprétation, cet escabeau des pieds de Dieu, c'est l'arche d'alliance, sur laquelle Jéhovah était censé reposer; car

sâgad, qui est un verbe araméen, segèd, transporté dans la langue hébraïque, et qui désigne également l'adora- tion, c'est-à-dire la prosternation complète. On le voit pour la première fois dans Isaïe, xliv, 15, 17, etc.; il est ensuite employé habituellement par les auteurs sacrés. Dans la Bible, ce mot est exclusivement employé pour signifier l'adoration des idoles; mais, dans la langue ara- méenne, il signifie indifféremment l'adoration du vrai Dieu ou celle des idoles. Aussi dans le Nouveau Testa- ment, le mot irpoo-xuveïv, « adorer, » est-il toujours traduit dans la Peschito, ou version syriaque, par le verbe segéd. Les auteurs de la version des Septante et de la Vul- gate ont traduit partout le mot hébreu hiitahavâh par npoaxvvetv et adorare. En effet, ces deux mots signifient aussi, dans ces langues, la prosternation complète : le mot adorare vient de ad, « vers , » et de os, « bouche ; » le mot ftpoffxuvcïv, de Jipoj, « vers, » et de xuveïv, « baiser; » cela 237

ADORATION — ADRAMÉLECH

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vient de ce que les Grecs et les Romains, dans l'acte de l'adoration, portaient la main droite à la bouche, tout en se prosternant devant celui qui était l'objet de l'ado- ration; d'après d'autres auteurs, cela viendrait de ce que, quand la prosternation était complète , l'adorateur baisait -ou était censé baiser la terre devant celui qu'il adorait.

Tel est le sens à la fois étymologique et historique des ■mots adorer, adoration. Signalons brièvement quelques

Sens dérivés qui se rencontrent dans la Sainte Écriture

1° Le verbe adorer, hisfal.iavàh, signifie quelquefois, dans

du culte de Dieu, qui est le sacrifice, qu'on ne pouvait offrir que dans le temple de Jérusalem. S. Mant.

ADRAMÉLECH, hébreu: ' Adrammélék ; Septante: ASpoqiÉXe-/; textes cunéiformes: Adar-malik ou Adrtt- malku.

1. ADRAMÉLECH, idole dont les Sépharvaïtes, IV Reg., xvn, 29-41, introduisirent et perpétuèrent le culte dans la Samarie, où les avait transplantés Sargon, roi d'As-

38. — Le dteo cbaldéen Samsou.

la Bible, l'adoration du vrai Dieu, sans aucune proster- nation du corps. Ainsi, III Reg., i, 47, « David adora Dieu dans son lit; » ce qui est dit aussi de Jacob, au moment de sa mort, d'après quelques interprètes. Rosenmûller, In Gen. xlvii, 31. — 2° Dans la Vulgate, le mot adorer, adorare, signifie quelquefois « prier»; par exemple, Ps. lxxi <héb. lxxii), 15 : « Ils prieront sans cesse pour lui, » adora- bunt de ipso semper, comme on le voit par le verbe hé- braïque pdlal (à l'hithpahel) et le grec npoae^saOai > que la Vulgate a traduits par adorare, et qui signifient prier. Le mot adorare, dans les auteurs profanes, a quelquefois le sens de « prier ». Voir Forcellini, Totius latinilalis lexicon, v° adorare. Remarquons l'analogie entre adorare et orare, « prier; » du reste, dans le culte de Dieu, l'adoration est ordinairement le prélude de la prière. — 3° Le mot adorare signifie quelquefois « offrir à Dieu des sacrifices », par exemple, Joa., iv, 20: « Jérusalem est le lieu où il faut adorer, » irpoaxuveîv ; évidemment il ne s'agit pas ici de cette adoration ou prosternation du corps, qu'on pouvait iaire en tout lieu devant Jéhovah; mais de l'acte principal

syrie, après la destruction du royaume d'Israël et la prise de sa capitale. Les anciens -et les rabbins disent qu'on représentait cette idole sous la forme d'un mulet , mais sans ombre de raison. Ce qui est certain , c'est qu'on lui offrait des enfants en holocauste. Ces sacrifices semblent se rapporter à une divinité solaire, car ils rappellent ceux que l'on offrait en Chanaan, en Phénicie et à Carthage, à Baal-Moloch. Voir Moloch.

Dès la plus haute antiquité, en«ffet, et déjà au temps de Sargon d'Achad, c'est-à-dire vers l'an 3800 avant J.-C., suivant les chroniques babyloniennes , la ville de Sippar, la Sépharvaïm biblique, patrie de ces néo- Samaritains, adorait le soleil; l'un des deux quartiers de cette ville lui était même particulièrement consacré, tandis que l'autre l'était à la déesse Anounitou : Sippar Sa SamaS Sippar Sa Anunilu, « la Sippar du soleil et la Sippar d' Anounitou. » Western Asiatic Inscriptions, t. n, pl.<55, 1. 18, 196. Dans l'idiome sémitique de la Mésopotamie, le soleil se nom- mait SamSu, ce qui rappelle l'hébreu SéméS; mais bien des indices semblent suggérer comme autre appellation 239

ADRAMÉLECH — ADRICHOMIUS

240

du même dieu celle A' Adar ou Adru : c'est celle qu'on trouve, par exemple, dans le nom du Noé chaldéen Hasis- Adra. Voir A. H. Sayce, Lectures on the religion of the ancient Babylonians, p. 263, 152. Quant au mot mélek, qu'y ajoute la Bible, c'est une épithète empruntée au verbe malaku, t être prince, » laquelle est donnée à plusieurs divinités par les textes cunéiformes. Western Asiatic In- scriptions, t. rv, pi. 56, 1. 36 6. On a exhumé des ruines mêmes de Sippar une belle tablette de pierre, avec l'image de l'idole SamSou (fig. 38). Sur une sorte d'autel ou de support, on voit un grand disque, sans doute en métal doré, et par derrière, dans un naos ou chapelle, le dieu est représenté sous la forme humaine, haut d'environ quinze pieds, si les proportions sont bien gardées, et assis sur un trône. Comme signe d'ancienneté , la barbe lui tombe jusqu'à la ceinture; comme signe de force et de puissance, quatre paires de cornes s'enroulent autour de sa tiare; deux personnages, un roi et un officier, font devant le naos le geste de l'adoration, tandis qu'un prêtre les introduit, puis écarte le disque qui cachait l'idole; ' celle-ci étend vers les visiteurs un symbole divin, peut- être un signe de vie, analogue à la croix ansée ou au sceau des dieux égyptiens. Ce dieu avait pour épouse Aa, vraisemblablement Anounitou ou l'Anamélék de la Bible; il en résultait une dualité de personnages solaires analo- gue à celle de Moloch-Baal en Phénicie, de Seket-Bast en Egypte ; le premier élément personnifiant la force du soleil , le second sa douceur. Voir Anamélech.

Au lieu de cette identification , appuyée sur la place que les Sépharvaïtes réservaient effectivement à Samas dans leur culte national, d'autres ont préféré voir Adar ou Adramélech, avec Eb. Schrader, dans le kirub ou dieu -taureau à tête humaine, Riehm, Handwôrterbuch des biblischen Altertums, 1. 1, p. 29; dans Sakkut, Eb. Schrader -Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. u, p. 142; dans le dieu nommé par les Grecs Samdan ou Parsondas, et que les textes cunéi- formes désignent par les idéogrammes Bar ou Nin-eb, desquels nous ignorons au reste la prononciation véritable ; ainsi, mais seulement dans son premier volume, F. Le- normant, Les origines de l'histoire, p. 161 et suiv. Sayce, Lectures on the origin and growth of the religion of the Ancient Babylonians, p. 7, 151 et 152, y voit de préfé- rence la déesse Aa, suivant en cela Lehmann, De inscri- ptionibus cuneatis qux pertinent ad Samas-sum-ukin, p. 47. Ajoutons enfin que les inscriptions cunéiformes elles-mêmes paraissent à certains endroits confondre à lu fois le prétendu Adar-Samdan ou Uras avec Nin-eb, Ramman ou Mermer avec Nébo, avec le soleil à son midi. Western Asiatic Inscriptions, t. ir, pi. lvii, 1. 51, 76; ibid., 1.31; pi. lx, 1. 37, etc. Mais ces identifications factices ne reposent généralement que sur des épithètes ou des attributs communs ; d'ailleurs ces dieux n'ont géné- ralement aussi à Sippar qu'une place fort effacée : on ne voit donc pas pourquoi les Sépharvaïtes auraient intro- duit leur culte en Samarie, au détriment de Samas et d'Anounit, qui étaient les grands dieux tutélaires de leur cité. Enfin même leurs partisans avouent ordinairement qu'il faut leur reconnaître le caractère de divinités so- laires, de telle sorte que le dissentiment devient plus appa- rent que réel. Cf. i. Seldenus, De diis syris, 1668, i, p. 328; u, p. 308 et suiv., pour les anciens; parmi les modernes : F. Lenormant, Les origines de l'histoire, t. 1, p. 524-526; t. u, p. 7; Lenormant -Babelon, Histoire ancienne de l'Orient, t. v, p. 251; Transactions of the Society of Biblical Archœology, t. vni, part, u , p. 164, et pour la tablette de Sippar, Western Asiatic Inscriptions, t. v, pi. 60. E. Pannier.

2. ADRAMÉLECH, fils et meurtrier de Sennachérib, roi d'Assyrie. IV Reg., xix, 37; Is., xxxvli, 38. Lui et Sa- rasar, son frère, tuèrent leur père dans le temple du dieu Nesroch, mais ne purent s'emparer du trône. Ils furent

même contraints de chercher un refuge en Arménie. Les textes assyriens ne nous ont pas encore livré le- récit de ce parricide ; mais ils nous apprennent que cette période fut très agitée , et que Sargon, père de Sennachérib, périt lui-même assassiné ; son prédécesseur Salmanasar avait eu probablement aussi le même sort. Ils nous apprennent encore que l'Arménie était à cette époque en guerre avec l'Assyrie, qu'elle avait eu grandement à souffrir des armes de Sargon , qu'elle tenait en échec celles de Sennachérib, et que par conséquent les meurtriers de ce prince durent s'y réfugier de préférence, sûrs d'un favorable accueil. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne, t. iv, p. 292.

Les textes cunéiformes babyloniens sont plus explicites : l'Assyrie ne dit jamais, naturellement, que ce qui peut être à son honneur; mais les Babyloniens étant alors les en- nemis des Assyriens, c'est à ceux-ci qu'il faut demander la confirmation du récit biblique. Et, en effet, nous lisons dans le recueil historique connu sous le nom de Chronique babylonienne : arfti Tebiti umi xx' Sin-a)yi-irba Sar ASSur apalèu iduk, « le vingt du mois de Thebet, Sen- nachérib roi d'Assyrie, son fils le tua. » Th. G. Pinches, The Babylonian Chronicle, p. 8, lignes 34-35.

D'après les récits arméniens, les deux princes, pour- suivis et vaincus par Asaraddon, leur frère, furent bien reçus par le roi Argistis (?), qui leur donna des terres à gouverner. Bérose avait une narration analogue, comme on le voit par ses abréviateurs; mais les noms y sont fort altérés : Adramélech est devenu Ardumusanus. La véri- table prononciation assyrienne était Adru-malku ou, sans désinence, Adar-malik, ce qui veut dire « le dieu Adar commande ». Ce nom était fréquemment porté en Assyrie; on le retrouve quatre ou cinq fois dans le Canon des limu, sorte de table chronologique des éponymes de Ninive. Pour les récits de Bérose et les Arméniens , voir F. Didot, Fragmenta hist. grsec., Bérose, t. n, p. 504 et suiv.; ibid., Mar apas Catina, t. v, part, u, p. 34; pour les textes assyriens, Delitzsch, Assyrische Lesestûcke, 1878, Eponymencanon, p. 88, c. n et suiv.; Lenormant- Babelon , Histoire ancienne de l'Orient, t. iv, p. 291 , 321 ; Th. G. Pinches, The Babylonian Chronicle, p. 3, 8, 24; A. H. Sayce, Dynastie lablets of the Babylonians dans les Becords of the past, nouvelle série, t. i, p. 28.

E. Pannier.

ADRIATIQUE (Mer), 'ASpiï;, Act., xxvn, 27. Dans son trajet de Cauda (Gaudos) à Mélita (Malte), le vaisseau sur lequel était embarqué saint Paul navigua sur l'Adrias ou mer Adriatique. Quelques exégètes ont cru que la Mé- lita dont il est question ici était une lie de ce nom dans le golfe de Venise, et que l'Adrias était la mer Adria- tique, au sens actuel du terme. A l'article Malte, on prouvera que l'Ile appelée Mélita par les Actes, xxvm, 1, est Malte, située au sud-est de la Sicile. Dans ce cas, com- ment saint Luc a-t-il pu appeler « Adrias » la mer qui s'étend entre la Crète et la Sicile? On donna d'abord le nom de mer d'Adrias à la mer qui baignait Adrias , ville située aux embouchures du Pô. Par extension, ce terme désigna plus tard le golfe de Venise, puis toute la mer jusqu'au détroit d'Otrante. Mais , aux premiers siècles du christianisme, on appelait Adrias la mer bordée par la Sicile, l'Italie, la Grèce et l'Afrique. Ptolémée dit que la Crète était baignée à l'ouest par l'Adrias. D'autres écri- vains anciens disent que Malte divisait la mer Adriatique de la mer Tyrrhénienne , et l'isthme de Corinthe, la mer Egée de l'Adriatique. Saint Luc a donc employé, pour désigner la Méditerranée centrale, le terme en usage chez les géographes de son temps. E. Jacquier.

ADRICHOMIUS (Christian Adricheh, dit), né à Delft, dans la Hollande, en 1533, ordonné prêtre en 1561, fut contraint par les guerres de religion de quitter sa patrie et de se retirer dans le Brabant, puis à Cologne, où il mourut en 1585. A Anvers, il publia sous le nom de Christianus Crucius une Vita Jesu Chris ti ex quatuor 241

ADRICHOMIUS — ADULTÈRE

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Evangelistis breviter contesta, in -12, 1578. Son ouvrage principal ne fut imprimé en entier qu'après sa mort. Il est intitulé Tlwatrum Terrai Sanctx et Biblicarum historia- rum cum tabulis geographicis , et divisé en trois parties. La première est une géographie de la Terre Sainte ; la seconde, une description de Jérusalem; la troisième est une chronique qui va depuis le commencement du monde jusqu'à la mort de saint Jean l'Évangéliste , placée par l'auteur en 109. La seconde partie avait été déjà imprimée séparément par l'auteur en 1584, dans le format in -8°; elle fut réimprimée dans le même format en 1588 et 1593. Le Theatrum fut en son temps considéré comme un ou- vrage de très grande valeur ; aussi en fit-on de nombreuses éditions. Il parut pour la première fois à Cologne, in-f°, 1590, et depuis en 1593, 1600, 1628, 1682. Malgré les nom- breuses et importantes découvertes faites à Jérusalem et en Palestine, il est encore estimé pour les utiles rensei- gnements qu'on y trouve. E. LEVESQUE.

ADRIEN , auteur grec du V e siècle ou du commence- ment du vi 8 au plus tard. Il est certainement antérieur à Cassiodore, puisque celui-ci le cite au chup. x de son ouvrage De Institutions divinarum litterarum, t. lxx, col. 1122. Usher le place en 433. Il composa une Introduc- tion à l'Écriture Sainte, EîuaYwyn tîjî Tpaip^s, mentionnée par Photius au codex II de sa Bibliothèque, t. cm, col. 45. L'original grec fut publié avec les notes de David Hœschel, in-4°, Augsbourg, 1602 ; il a été réimprimé par Jean Pearson, au tome ix des Critici sacri, Londres, 1660 ; par Migne dans la Patrologie grecque, t. xcviii, col. 1273-1311. Il fut tra- duit en latin par Louis Lollino dans ses Opuscula, Bel- lune, 1650. On a pensé que notre Adrien était ce moine grec auquel saint Nil adressa une de ses lettres, t. lxxix, col. 225 ; si cette hypothèse est fondée, il serait du v 8 siècle.

E. Levesque.

ADRUMÈTE ('A8pau.wn)vôç, 'ATp<xu.V)rrr|v6ç, Adru- tnetina, Act., xxvii, 2), ville et port de mer de Mysie. Saint Paul fut envoyé de Césarée à Rome sur un navire

39. — Monnaie d'Adrumète.

Tête de Neptune, tournée à droite, avec son trident. HADR (d'Adrumète). — S). Tête d'Astarté ou Vénus, à gauche.

d'Adrumète. Grotius , Hammond , ont cru qu'il était ques- tion ici d'Adrumète d'Afrique. Il est certain que l'Adru- mète des Actes des Apôtres est la ville d'Adramyttium , port d'Asie Mineure, province de Mysie, située au fond du golfe de ce nom, sur le Kaïkos, en face de l'île de Lesbos. Cette ville avait dans l'antiquité un commerce très actif, et ses navires faisaient le trafic entre Pergame, Éphèse et Milet, d'un côté, et Assos, Troas et l'Hellespont, de l'autre. Dans le retour à son port d'embarquement , le navire d'Adrumète , sur lequel montait saint Paul , devait toucher à tous les ports de la province d'Asie. Act., xxvii, 2. On espérait, ce qui arriva en effet, trouver dans un de ces ports un navire faisant voile pour l'Italie. Au temps de saint Paul, Adrumète était une ville importante, où se tenaient les assises (forum ou conventus juridicus). Il est probable que l'Apôtre a visité cette ville en allant, dans son deuxième voyage de mission, de la Galatie à Troas par la Mysie. Act., xvi, 6, 7. De l'ancienne Adrumète, il ne reste aucun vestige; elle est remplacée par un village de six cents habitants, plus éloigné de la côte, appelé Aiimmiti ou Édremid, Ydremid. E. Jacquier.

ADULLAM , ville de Juda. Jos., 17, 35. Elle est appelée Odollam partout ailleurs dans la Vulgate. Voir Odollam.

ADULTÈRE. Ce mot a différents sens dans la Sainte Écriture; voici les principaux : 1" Crime contre la foi du mariage. Prov., vi, 32; Sap., m, 16; Eccli., xxm, 33; Os., iv, 2, 14, etc.; par extension, ce mot a été quelquefois employé pour signifier tout péché contre le sixième com- mandement. — 2» Idolâtrie. Jer., xm, 26-27; Is., lvii, 3; Jer., ix, 2; xxui, 14; Ezech., xvi, 36-40; xxm, 37, 43-45; Os., il, 2; vu, 4; Jer., m, 1-9; v, 7. L'alliance du peuple fidèle avec Dieu est comparée à un mariage; en consé- quence, celui qui rejette Dieu pour se livrer à des idoles est appelé du même nom que celui qui viole la toi conju- gale. — 3° Toute altération, toute corruption. II Cor., il , 17. — 4° Le fait d'une famille, d'une race, d'un peuple, qui dégénèrent de leurs ancêtres. Dans Matth., xii, 39, les Juifs sont appelés nation « adultère » parce qu'ils ont dégé- néré de la foi et de la piété de leur père Abraham. Dans ce dernier sens, le mot adultère correspond à notre mot français « abâtardi ». — Dans cet article, nous ne prenons le mot « adultère » que dans le sens de crime contre la foi conjugale.

I. Adultère sous la loi ancienne. — 1° Notion. En général, l'adultère est la violation de la foi conjugale. En conséquence, la notion de l'adultère peut et doit varier, suivant que dans un pays la polygamie est prohibée ou permise. Si la polygamie est prohibée, comme aujourd'hui, depuis J.-C, dans tous les pays chrétiens, le mariage se définit ainsi : Union d'un seul homme avec une seule femme, dans le but de donner des enfants à la société, etc.; dans ce cas, la femme doit une fidélité complète à son mari, à qui elle s'est donnée exclusivement; et, d'autre part, le mari doit aussi une fidélité parfaite à sa femme, à qui il s'est donné tout entier. Si, au contraire, la poly- gamie est permise, la femme doit à son mari une fidélité parfaite , car elle appartient à lui seul , et si elle a des re- lations coupables avec un autre homme, elle commet un adultère; mais la fidélité que doit le mari à sa femme n'est pas aussi stricte : le mari ne se donne pas à elle tout entier; il se réserve le droit de prendre d'autres femmes; par conséquent, s'il a des relations coupables avec une autre femme que la sienne, il commet sans doute un crime, parce qu'il manque d'une certaine manière à la fidélité conjugale; mais il ne commet pas l'adultère proprement dit, car il ne viole pas le droit strict et absolu de sa femme. Telle était la situation sous la loi ancienne, au moins depuis le déluge. Aussi la loi de Moïse, quand elle frappe le crime dont nous parlons, ne le frappe que dans la femme mariée et son complice. C'est ce qui résulte des termes mêmes de la loi. Lev., xx, 10; Deut., xxu, 22. Cf. Jahn, Archseologia biblica, § 158; Michaelis, Mosaisches Hecht, §259.

2° Prohibition. L'adultère est prohibé en beaucoup d'endroits de l'Ancien Testament. Exod., xx, 14; Lev., xviii, 20; xx, 10; Deut., v, 18; xxu, 22; Prov., v, 20; vi, 24-35; vu, 5-27, etc. Cette prohibition remontait aux premières origines du monde; aussi voyons-nous, sous la loi de nature, les droits sacrés du mariage respectés même parmi les nations idolâtres. Gen., xn, 11-19. Cf. Gen.,xx, 2 et suiv.; xxvi, 7-11. Nous lisons dans le livre de Job, xxxi, 9-12, l'horreur extrême qu'éprouvait pour ce crime le saint patriarche.

3° Pénalité. Dieu lui-même donne l'exemple de la sévérité dans la punition de l'adultère. Il fait expier ce crime avec rigueur à David , et frappe de mort l'enfant qu'il a eu de Bethsabée. II Reg., xu, 1-18. Cf. Gen., xn, 17; xx, 3, 7, 9, 18; Sap., m, 16; rv, 3. La peine portée par la loi mosaïque contre l'adultère était la peine de mort; de celte peine étaient frappés soit la femme adultère, soit son complice. Les textes du Lévilique, xx, 10, et du Deutéronome, xxii, 22, ne laissent aucun doute sur ce point. Cf. Josèphe, An t. jud., IV, vm, 23. 243

ADULTÈRE

244

Chez un certain nombre de peuples, l'adultère a été on est encore un crime capital, comme il l'était chez les Hébreux. Dans l'empire romain, la célèbre loi Julia de adulteriis, portée par Auguste, ne punissait pas ce crime de la peine de mort, Pauli Sent. lib. II, t. xxvt, de adul- teriis; mais Constantin porta cette peine, L., Quamvis, 30, C, ad Leg. Juliam de adult. D'après Voet , in Pand. ad Leg. Juliam de adult., n° 10, et de Transactionibus, n° 18, la peine de mort avait existé contre l'adultère avant Constantin, qui n'avait fait que la confirmer. Justinien supprima cette peine pour la femme coupable, Auth. Sed hodie, C, ad L. Juliam de adult., sub L. 30, mais la maintint contre le complice. La peine de mort est restée longtemps en usage dans plusieurs États chrétiens. Chez les Arabes , la peine de mort n'est pas expressément portée contre l'adultère- par le Koran, chap. iv, 19; xxiv, 1-10; dans les premiers temps du mahométisme, la peine fut une prison perpétuelle. Mais bientôt la tradition antique, venue des Israélites , reprit le dessus, et la peine de mort par la lapidation fut portée, pourvu toutefois que le crime fût prouvé par quatre témoins. G. Sale, Observations sur le mahométisme, sect. vi; Kasimirski, Le Koran, tra- duction française, note au f. 19, ch. iv. La peine de mort fut également en usage chez les Lydiens, les Goths, les Lombards, les Bourguignons. Cf. Zepper, Legum Mosai- carum forensium explanatio t 1714, I, x, note; Selden, Vxor hebraica, 1G73, III, xi, xii. Chez les Indiens, la peine de mort était portée contre l'adultère dans un très grand nombre de cas. Voir Lois de Manou, vm, art. 359, 371, 372, etc., dans Pauthier, Les livres sacrés de l'Orient, Paris, 1841, p. 417-418. De nos jours, cette peine existe encore chez plusieurs peuples, par exemple, en Afrique, chez les peuples voisins de l'Abyssinie, Voyage dans l'inté- rieur de l'Afrique, par Damberger, Paris, an IX, t. Il, p. 89; chez les Hottentots, Voyage au Japon par le cap de Bonne-Espérance, par Thunberg, Paris, an iv, 1. 1, p. 405. Il n'y a donc rien d'étonnant que Moïse ait porté la même peine contre la femme adultère et son complice, et même, comme nous le dirons bientôt, il n'a pas eu à porter, mais seulement à confirmer cette peine. — Sur l'épreuve à laquelle était soumise la femme soupçonnée d'adultère, voir Eaux de jalousie.

4° Extension de cette peine. La peine de mort était portée non seulement contre le crime d'adultère propre- ment dit, mais encore contre deux autres fautes que la loi de Moïse assimile à ce crime, parce que, en effet, elles pouvaient en avoir les funestes conséquences. La première était la faute commise par une fiancée avec un autre homme que son fiancé, Deut., xxn, 23-27; on en voit faci- lement la raison : c'est que les fiançailles chez les Juifs imposaient les obligations du mariage. Cf. Josèphe, Ant. jud., IV, iii. La seconde était la faute d'une veuve qui, en vertu de la loi du lévirat, était destinée au frère ou plus proche parent de son mari défunt. Si cette veuve avait commerce avec un autre homme que le parent qui devait l'épouser un jour, ce crime était réputé adultère ; car la loi du lévirat créait, pour ainsi dire, entre elle et son parent des fiançailles légales. Gen., xxxvm, 24.

5° Genre de celte peine. Comment s'exécutait la peine de mort portée contre l'adultère? Était-ce parla strangu- lation ou la lapidation ? Nous n'insisterions pas sur ce point, si quelques auteurs, soutenant que le coupable était mis à mort par la strangulation, n'en prenaient occasion de dire que l'histoire de la femme adultère, racontée par saint Jean, vm, 3-11, est apocryphe, parce que l'auteur sup- pose que le genre de mort dans ce cas était la lapidation. La Mischna, traité Sanhédrin, c. x, n° 1, enseigne que la femme adultère et son complice devaient périr par la strangulation; la raison qu'en donnent les rabbins, c'est que, lorsque la loi de Moïse ne spécifie pas le genre de mort, mais se contente de dire : Tel criminel sera puni de mort, il faut choisir le genre de mort le plus doux, c'est-à-dire la strangulation. Or les deux textes qui frap-

pent de mort l'adultère, Lev., xx, 10; Deut., xxîl, 22, se contentent de dire : « Que les deux meurent , que l'un et l'autre meurent; » donc le genre de mort est la strangu- lation. Cette opinion est soutenue par un grand nombre de rabbins, en particulier Maimonide, Halach. Melakim, c. ix, § 7. '

A ces raisons nous opposons les courtes observations qui suivent : 1° D'abord la règle posée par les rabbins n'est pas exacte. En effet, dans la Loi de Moïse, Exod., xxxi, 14-15; xxxv, 2, il est dit simplement que le pro- fanateur du jour du sabbat « sera puni de mort ». Or nous voyons, Num., xv, 32-36, qu'un profanateur du jour du sabbat fut, en effet, mis à mort, mais non par la strangulation, comme voudrait la Mischna; mais bien par la lapidation, comme le texte le dit en toutes lettres, et cela par l'ordre de Dieu, infaillible interprète de sa loi. — 2° La strangulation n'est pas connue dans la loi de Moïse; il n'en est nulle part question dans la Bible. On ne peut en découvrir aucun vestige dans l'historien Josèphe. Voir Peine. — 3° Deut., xxn, 23-27, la faute commise par une fiancée avec un étranger était punie de la lapidation, comme le porte expressément ce texte. Comment voudrait-on que le véritable adultère fût puni d'une peine moindre, c'est- à-dire de la strangulation? Ce serait, à une ligne de dis- tance, une contradiction manifeste dans les lois de Moïse. — 4° Le passage d'Ézéchiel, xvi, 38-40, suppose assez claire- ment que le supplice de l'adultère n'était pas la strangula- tion, mais la lapidation. Cf. Ezech., xxm, 45-47. Aussi saint Jérôme, qui était si bien au courant des mœurs judaïques, assigne la lapidation comme étant la peine de l'adultère : « Afin qu'elle [Marie] ne fût pas lapidée comme adultère, » In Matth., i, 18, t. xxvi, col. 24. Bien plus, quelques rabbins, convaincus par le passage d'Ézéchiel, cité plus haut, aban- donnent l'opinion de leurs compatriotes et de la Mischna, et soutiennent le sentiment de saint Jérôme, par exemple, Kimchi et Sixt. Amana. Voir Mischna, édit. de Surenhusius, P. lv, p. 255. Cf. C. B. Miehaelis, De pœnis capitalibus in Sacr. Script, commemoralis , § 12; J. D. Miehaelis, Mosaisches Recht, § 262.

6° Origine et désuétude de celte peine. Moïse n'a pas porté le premier la peine de mort contre l'adultère. Nous la trouvons bien avant lui ; elle existait déjà du temps de Jacob, puisque c'est son fils Juda qui condamna à mort Thamar, coupable de ce crime. Gen., xxxvm, 24. Il est même probable qu'à cette époque la peine de la lapidation contre l'adultère était déjà en vigueur, et c'est ce qui explique pourquoi Moïse , portant la peine de mort contre ce crime dans les deux textes cités, ne spécifie pas le genre de mort : il était connu. Le fait de Thamar condamnée au feu, Gen., xxxvm, 24, n'est pas une objection; car sou- vent la combustion du cadavre suivait la lapidation, comme nous le voyons dans le fait d'Achan, qui fut condamné au feu, et qui, en exécution de la sentence, fut d'abord la- pidé, puis brûlé. Jos., vu, 15, 25. D'après Lightfoot, Horse hebraiese, in Matth., i, 19, la peine de mort contre l'adul- tère était presque tombée en désuétude du temps de Notre- Seigneur, par suite soit du relâchement prodigieux des mœurs, soit de la grande facilité qu'avaient les maris de se débarrasser de leurs femmes coupables par le libellus repudii. On peut voir dans Buxtorf, Synagoga judaica, c. XXXIV, que les Juifs du temps de cet auteur, c'est-à-dire du xvii c siècle , avaient remplacé la pénalité mosaïque contre l'adultère par quelques actes de pénitence et d'humiliation.

7° Punition de l'adultère dans la femme esclave. Le texte qui concerne cette espèce se trouve Lev. xix, 20-22 : « Si un homme a des relations coupables avec une femme et abuse de celle qui est esclave et mariée, et qui n'a point été rachetée ni mise en liberté, ils seront battus tous deux, mais ne mourront pas, parce que ce n'était pas une femme libre. » Il s'agit ici d'une esclave, comme le porte expressément le texte; de plus, cette esclave est fiancée ou mariée, c'est le sens des mots hébraïques néhéréfép le'îi, que la Vulgate a traduits par ceux-ci : eliam nubilis. 245

ADULTÈRE — AFFINITÉ

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Cf. Corn. Lap., D. Calmet, et Rosenmûller, In Le»., xrx, 20; Michaelis, Mosaisches Recht, § 264. Le maître de cette esclave, ou l'avait prise pour lui comme femme de second rang, ou l'avait donnée comme telle à son fils, ou l'avait donnée in contubernio à un autre esclave. Cette esclave était donc mariée ou au moins fiancée, et par conséquent sa faute revêtait le caractère d'un adultère. Toutefois son crime n'est pas puni de mort, ni pour elle ni pour son complice. Quelle en est la raison? Pourquoi cette exception aux textes de Lev., xx, 10, et Deut., xxn, 22? La raison, c'est que « cette femme n'est pas libre », comme dit le texte. La femme esclave, mariée ou fiancée, n'a pas la même indépendance qu'une épouse ou fiancée proprement dite. Voilà pourquoi ce crime est puni, mais non de la peine de mort, qui est remplacée par la flagellation.

II. Adultère sous la loi évangélique. — 1° Notion. L'introduction de la polygamie dans les mœurs juives avait modifié la notion de l'adultère, ainsi que nous l'avons expliqué au commencement de cet article; la suppression de la polygamie par la loi évangélique rendit au mot adul- tère le sens qu'il avait eu à l'origine du monde. Jésus- Christ rétablit le mariage dans la pureté de sa première institution ; il redevint l'union indissoluble d'un seul homme avec une seule femme. D'après cette nouvelle législation, de même que la femme appartient à son mari seul, ainsi le mari appartient à sa femme seule. I Cor., vil, 4. Dès lors, le' mari et la femme se doivent mutuel- lement une fidélité inviolable. Ainsi se trouve rétablie sous ce rapport , entre l'homme et la femme , l'égalité des droits, que la loi mosaïque avait un instant brisée, par suite de la nécessité des temps. Remarquons pourtant que l'infidélité de la femme a toujours été regardée comme plus odieuse et plus grave que celle du mari, parce qu'elle jette des doutes sur la légitimité de la descendance, et qu'elle introduit dans une famille des enfants qui ne lui appar-* tiennent pas, imposant ainsi au père un fardeau qui ne lui incombe point, et violant les droits des héritiers naturels. 2° Prohibition. — La doctrine du Nouveau Testament sur ce sujet se réduit à ces quatre points : 1° Jésus-Christ et les Apôtres renouvellent d'abord les prohibitions de l'an- cienne loi. Matth., xix, 18; Marc, x, 19; Luc, xvm, 20; Rom., xm, 9. — 2° Jésus-Christ et les Apôtres rangent les adultères à côté des voleurs, des homicides, des ido- lâtres, etc., et les menacent des jugements de Dieu, de l'exclusion du ciel et des peines de l'enfer. Matth., xv, 19; Marc, vu, 21; I Cor., vi, 9; Heb., xm, 4; Jac, iv, 4. — 3° Quand l'adultère pouvait ouvrir la porte au divorce, les époux qui avaient cessé de se plaire pouvaient être tentés de recourir à ce crime pour obtenir par là une séparation désirée; ainsi ces crimes se multipliaient, comme moyen d'arriver au divorce. Jésus-Christ supprime cet expédient, déclarant que l'infidélité conjugale ne pourra plus dis- soudre le lien du mariage. Matth. v, 32; xix, 9; Marc, x, 11-12; Luc, xvi, 18; I Cor., vu, 10-H. — 4» Enfin, pour couper le mal dans sa racine, Jésus-Christ condamne l'adultère non seulement en lui-même, mais jusque dans les désirs et les pensées qui peuvent y conduire. Matth., v, 27-28.

3° Pénalité. Jésus-Christ, en prohibant ce crime, n'é- tablit pas contre lui de peines temporelles, comme l'avait fait Moïse ; il se contente , ainsi que les Apôtres, d'incul- quer fortement la loi , et de faire craindre davantage les peines de l'enfer, dont sont menacés ceux qui commettent ce crime. 11 laisse à son Église le soin d'établir, suivant les différentes circonstances de temps et de lieu , des pé- nalités spéciales. Cf. Decr. Grat., d. 81, et c. xxxii, q. 5, 6, 7, 8; Décret. Greg. V, xvi. S. Many.

1. ADURAM (hébreu : 'Adôraïm ; Septante : 'ASupaO, ville de la tribu de Juda, mentionnée parmi les places qui furent fortifiées par Roboam. II Par., xi, 9. Elle est appelée "Aîiopa ( Vulgate : Ador) dans le premier livre des Machabées, xiii, 20; et Josèphc la cite tantôt sous la

dénomination de 'Afiupafu., Ant. jud., VTJI, x, 1, tantôt sous celle de "ASo>pi, Ant. jud., XIII, vi, 4; IX, 1; bu de 'ASupeoç, Bell, jud., I, vin, 4; ou même, dans certaines éditions, sous celle de À&pa, Ant. jud., XIV, v, 3. Ce dernier nom se rapproche tout à fait de la forme arabe ou de la désignation actuelle, Doura. Cest, en effet, avec une petite ville de ce nom, située à une faible distance, à l'ouest d'Hébron, qu'on identifie Aduram. « Quelques tronçons de colonnes antiques, dit M. V. Guérin, et un assez grand nombre de pierres de taille provenant d'an- ciennes constructions et encastrées dans des bâtisses arabes attestent que Doura a remplacé une ville judaïque , dont les matériaux ont servi à la bâtir... A l'ouest-sud-ouest de la ville, sur une éminence, s'élève un oualy célèbre, qui renferme un sarcophage de dimensions colossales, où, d'après la tradition [d'ailleurs inacceptable], repo- serait la dépouille mortelle de Noé. Ce tombeau est re- couvert de tapis, que l'on renouvelle de temps en temps, et il est le but et l'objet d'un pèlerinage assez fréquenté. Le cheikh qui me le montrait ajoutait que la tradition qui y rattache le nom de ce patriarche est immémoriale dans le pays... Plusieurs tombeaux taillés dans le roc, et qui datent peut-être d'une époque très reculée, ont été creusés sur les flancs de la montagne dont Doura occupe le plateau. » Description de la Palestine, Judée, t. m, p. 354.

Tryphon, marchant sur la Judée à la tête d'une armée imposante, et arrêté par Simon à Addus ou Adiada (voir Adiada), fit un détour pour gagner Jérusalem par Ador ou Adora, c'est-à-dire par l'Idumée, I Mach., xm, 20; on sait, en effet, que, dans les derniers temps de l'histoire juive, on comprenait sous cette désignation toute la partie méridionale et même la partie centrale de l'ancienne tribu de Juda ; et Josèphe, racontant le même fait, appelle Adora icôXtv tîjç 'lSoufiat'aç, « ville de l'Idumée. » Ant. jud., XIII, vi, 4. Soumise par Hyrcan en même temps que plusieurs autres villes de l'Idumée, entre autres Marissa, à laquelle elle est toujours unie dans l'historien juif, Ant. jud., XIII, ix, 1, elle fut rebâtie plus tard par ordre de Gabinius. Bell, jud., I, vin, 4, Ant. jud., XIV, v, 3. Depuis cette époque, elle n'est plus signalée par aucun écrivain ancien. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. il, p. 214-215. A. Legendre.

2. ADURAM, filsdeJectan. Gen., x, 27. Voir AdoramI.

3. ADURAM, intendant des tributs. II Reg., xx, 24; III Reg., xii, 18; II Par., x, 18. Voir Adoniram.

K.. Chercher à l'E les noms propres qui dans la Vulgate latine commencent par un M.

AEN (hébreu : 'Ain), ville du sud de la Palestine, ainsi appelée Jos., xv, 32, et I Par., rv, 32. Elle porte ailleurs dans la Vulgate le nom d'Ain. Voir Aïn 2

AFFINITÉ. L'affinité ou alliance est un lien de parenté qui unit l'un des époux aux consanguins de l'autre. Par le mariage, les deux époux deviennent une même chair, Gen., u, 24; Matth., xix, 5-6; en conséquence, tous les consanguins du mari deviennent les alliés de la femme, et réciproquement ; de plus , et pour la même raison , les consanguins d'un époux deviennent les alliés de l'autre dans la même ligne et au même degré ; ainsi , en ligne directe, le père et la mère du mari deviennent le beau- père et la belle-mère de la femme ; et, en ligne collatérale, le frère et la sœur du mari deviennent le beau-frère et la belle-sœur de la femme, etc. ; l'affinité n'est donc autre chose qu'une consanguinité communiquée. Puisque l'af- finité est une consanguinité communiquée , il est naturel qu'elle en produise aussi, proportion gardée, les effets; le principal de ses effets, c'est l'interdiction de certains mariages ; de même donc que la consanguinité empêche 247

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le mariage entre consanguins jusqu'à un certain degré, voir Consanguinité, ainsi l'affinité empêche le mariage entre alliés. C'est cet effet que nous allons examiner.

I. Affinité dans la loi de Moïse. — 1° Degrés d'affi- nité qui empêchent le mariage. Les empêchements de mariage causés par l'affinité sont exprimés dans deux pas- sages du Lévitique, xvm, 8, 14-16, 18; xx, 11-12, 14, 19-21. Quelques auteurs, Rosenmûller, In Lev., xvm, 6, et d'autres qu'il cite, ont prétendu que ces textes du Lévi- tique ne visent pas les mariages incestueux avec les per- sonnes y désignées, mais seulement les actes coupables avec ces mêmes personnes. Cette opinion n'a pas besoin d'être réfutée. Les mots hébraïques gillâh 'érvaf 'iSMA , que les Septante ont traduits littéralement par ceux-ci : àa^nv-ia-ivr^ yuveuxôç. à7tox<x).Û7tTecv, regardent aussi bien les relations matrimoniales que les actes coupables, comme on le voit, soit par le sens naturel des mots, soit par l'application qu'en fait l'auteur sacré. Lev., xvm, 17-19. Aussi l'opinion universelle des commentateurs catholiques et des rabbins, et l'opinion commune des auteurs protestants, tels que Michaelis, Mosaisches Recht, § 102, t. III, p. 225-226, est que les passages cités du Lévitique expriment des empê- chements de mariage. C'est aussi ce qu'a déclaré, quoique incidemment, le concile de Trente : « Si quelqu'un dit qu'il n'y a pas d'autres degrés de consanguinité et d'affi- nité pouvant empêcher le mariage, que ceux qui sont exprimés dans le Lévitique,... qu'il soit anathème, » Sess. xxiv, can. 3. Or voici, d'après le Lévitique, quels sont les degrés d'affinité qui empêchent le mariage. En ligne directe : 1° le mariage est défendu entre un homme et la femme de son père, noverca, « belle-mère, » soit que le père ait plusieurs femmes, comme cela était permis aux Hébreux, soit qu'après la mort de sa première femme il en ait pris une seconde, Lev., xvm, 8; xx, 11; 2» le mariage est défendu entre un homme et la fille de sa femme que celle-ci aurait eue d'un premier mari, « belle- fille, » privigna, Lev., xvm, 17; xx, 14; 3° entre un homme et la petite-fille de sa femme, proprivigna, Lev., xvm, 17; xx, 14; 4° entre un homme et la mère de sa femme, « belle-mère, » socrus, Lev., xx, 14; cf. Deut., xxvn, 23 ; 5° entre un homme et la femme de son fils, « bru, » nurus, Lev., xvm, 15 ; xx, 12. En ligne collaté- rale : 6" le mariage est défendu entre un homme et la femme de son oncle paternel, uxor patrui, Lev., xvm, 14; xx, 20; 7° entre un homme et la femme de son frère, Lev., xvm, 16; xx, 21, sauf le cas du lévirat. Voir ce mot. Ainsi une femme ne peut épouser successivement deux frères ; si cependant ceux-ci ne sont que demi-frères, du côté de la mère seulement, Michaelis pense qu'alors la femme peut les épouser successivement tous les deux, Mosaisches Recht, § 116, t. II, p. 307 ; 8° enfin le mariage est défendu entre un homme et la sœur de sa femme, Lev., xvm, 18, mais seulement pendant la vie de la pre- mière femme, comme le porte expressément le texte cité; en sorte qu'un Juif, alors même que la polygamie était permise, ne pouvait épouser simultanément deux sœurs (ce qui pourtant parait avoir été permis avant Moïse, comme nous le voyons par l'exemple de Jacob, qui épousa simultanément deux soeurs, Lia et Rachel, Gen., xxix), mais seulement successivement. Cette restriction montre que la cause de cette prohibition n'est pas l'affinité, qui, une lois contractée, demeure, mais une autre raison que signale l'auteur sacré, Lev., xvm, 18 : « Vous ne pren- drez pas la sœur de votre femme, qui serait ainsi sa rivale. » Deux femmes du même mari sont toujours rivales ; c'est une des funestes conséquences de la polygamie ; mais si le législateur hébreu a toléré ce mal pour deux étran- gères, il n'a pas voulu le tolérer pour deux sœurs, à cause de l'affection naturelle qu'elles doivent se porter. Les rabbins font remarquer avec soin que, si un Juif pouvait épouser successivement les deux sœurs, ce mot < successi- vement » signifie après la mort de la première, et non pas après la répudiation de la première, car le texte sacré dit

expressément que le mariage est défendu avec la seconde, du vivant de la première ; autrement le désir d'épouser la seconde aurait pu provoquer la répudiation de la première. Hottinger, Juris Hebraeorum Leges, 1. cevi, p. 299.

Tels sont les huit cas dans lesquels le mariage est défendu entre alliés par la loi mosaïque. Il est un neu- vième cas, sur lesquels les auteurs se sont partagés. Nous venons de dire, sous le n° 6, que le mariage est défendu avec la femme de l'oncle paternel, uxor patrui; est -il aussi défendu avec la femme de l'oncle maternel, uxor avunculi ? C'est ce que disent, avec saint Augustin, Qusest. in Hept., ni, 76, t. xxxrv, col. 710, un grand nombre de commentateurs qui l'ont vu dans la Vulgate, Lev., xx, 20 : « Vous ne prendrez pas la femme de votre oncle paternel ou maternel, patrui vel avunculi. » Mais ces mots, vel avunculi, ne sont pas dans le texte hébraïque ; celui-ci porte simplement dôdâh, « femme du frère du père. » Gese- nius, Thésaurus, p. 324. On ne voit pas davantage ces mots dans le Pentateuque samaritain, ni dans la paraphrase chaldaïque , ni dans les versions syriaque et arabe ; aussi saint Jérôme, qui a maintenu dans la Vulgate les mots indi- qués, vel avunculi, a bien soin d'avertir qu'ils ne sont pas dans le texte hébraïque. Div. Biblioth., in Lev. xx, t. xxvm, col. 326. Nous croyons donc que la loi de Moïse ne défend pas ce mariage ; l'auteur de la Vulgate a ajouté ou main- tenu ces deux mots : vel avunculi, parce qu'il a cru que, la femme de l'oncle maternel se trouvant au même degré de parenté que celle de l'oncle paternel, l'analogie l'obli- geait à regarder comme défendu le mariage avec la pre- mière aussi bien que le mariage avec la seconde. Mais ici l'argument a pari n'a aucune force, soit parce que nous ne devons pas étendre au delà du sens naturel des mots les lois prohibitives, et surtout pénales, odia restringenda ; soit parce que la similitude de parenté n'est pas une raison pour étendre les empêchements de mariage, comme nous le voyons dans le même chapitre du Lévitique, qui défend à une femme d'épouser deux frères (sauf le cas du lévirat), tandis qu'il permet à un homme d'épouser successivement les deux sœurs. Du reste, au fond, dans notre cas la parité n'est qu'apparente ; comme nous le dirons tout à l'heure, la raison principale pour laquelle Moïse a défendu le mariage entre alliés , et en particulier avec la femme de l'oncle paternel, c'est la fréquence des rapports que les alliés peuvent avoir ensemble, et spécialement le neveu avec son oncle paternel, et par suite avec sa femme ; ces rapports quotidiens créent un danger qu'il a fallu écarter, en prohibant le mariage entre le neveu et la veuve de son oncle paternel. Or il n'en est pas de même avec l'oncle maternel et sa femme ; ceux-ci appartiennent à une famille toute différente, qui n'a presque pas de rapports avec celle du neveu ; le danger n'existant pas, la précaution était inutile. Voilà pourquoi les auteurs qui paraissent avoir étudié le plus à fond le droit matrimonial mosaïque n'hésitent pas à déclarer que, de par la loi de Moïse, le mariage dont nous parlons n'est pas défendu. C'est l'opinion univer- selle des rabbins, particulièrement de Maimonide, traité Isurê-Bia, c. Il (lequel même, appliquant jusqu'au bout le principe odia restringenda, n'entend pas le mot dôd, « frère du père, » de ses frères utérins, mais seulement de ses frères germains); c'est aussi l'opinion de Saalschùtz, Dos Mosaische Recht, k. 105, p. 782; de Hottinger, Juris Hebrseorum Leges, 1. ce; de Selden, Uxor hebraica, Francfort-sur-1'Oder, 1673, p. 5; de Michaelis, soit dans son Mosaisches Recht, § 117, t. n, p. 312-313, soit dans une dissertation spéciale ayant pour titre Abhandlung von den Ehegesetzen Mosis, welche die Heiraten in die naïve Freundschaft untersagen, 2 e édit., Gœttingue, 1768, § 103.

Nous ne faisons que mentionner le cas suivant, qui a fait difficulté pour quelques auteurs : Pierre et Jeanne se marient, ayant d'un premier mariage, l'un un fils, l'autre une fille ; ce fils et cette fille peuvent-ils, d'après la loi de Moïse, se marier ? Non, disent ces auteurs, au moins quand la nouvelle union des parents a donné des enfants à la 249

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famille. Tel est le sens qu'ils donnent an texte du Lévi- tique, xvm, il. Nous prêterons l'interprétation commune, qui entend ce passage de la prohibition du mariage avec une demi-sœur; c'est dans ce sens que la Vulgate a com- pris et traduit le-texte original. Cf. Michaelis, Mosaisches Recht, § 115, t. h , p. 296-301.

Quelques observations sont ici nécessaires pour l'intel- ligence du texte sacré sur les empêchements d'affinité. 1° Les défenses matrimoniales sont adressées constam- ment à V homme, par exemple : « Vous n'épouserez pas la femme de votre père, » Lev., xvm, 8; mais il est évi- dent que la réciproque est vraie, c'est-à-dire que la femme du père ne doit pas non plus épouser le fils que ce père aurait eu d'une première femme ; si le législateur s'adresse toujours à l'homme, c'est que celui-ci prend l'initiative du mariage. 2° Ce qui donne naissance à l'affinité, ce n'est pas, comme en droit canonique, l'acte qui consomme le mariage; ce sont les fiançailles, qui d'ailleurs, chez les Hébreux, équivalent à peu près au matrimonium ratum de l'Église catholique. Hottinger, Juris Hebreeorum Leges, 1. cxci-ccvi, p. 286-300. Du reste, sous ce rapport, le droit canonique diffère peu du droit mosaïque ; car, s'il veut que l'affinité ne prenne naissance que de l'acte con- jugal, il reconnaît un autre empêchement analogue, celui d'honnêteté publique, qui naît du matrimonium ratum et même des fiançailles. 3° Dès que l'affinité a pris nais- sance, elle ne cesse pas, même par la mort ou le divorce des époux qui, par leurs fiançailles, lui ont donné nais- sance. Ainsi en est -il dans les droits romain et canonique. 4° Chez les Hébreux, le mariage légitime seul (en com- prenant sous ce nom les fiançailles) donnait naissance à l'affinité ; les relations illicites ne produisaient pas cet empêchement. Nous tirons cette conclusion du texte sacré, qui, dans tous les cas d'affinité que nous avons reproduits, emploie toujours des expressions qui signifient une union légitime : « Vous n'épouserez pas la femme de votre père , de votre fils, etc. » En cela le droit mosaïque diffère du droit canonique, qui reconnaît aussi une affinité naissant de relations coupables ; le droit romain a varié sur ce point. Voet., Ad Pandectas, de Ritu Nuptiarum, n° 35. 5° L'interprétation que nous avons donnée du texte sacré sur les empêchements d'affinité est celle de tous les com- mentateurs catholiques et protestants ; c'est celle aussi que donnent les Talmudistes, sauf en un point: nous avons dit que le mariage est défendu, d'après la loi de Moïse, à un homme avec la mère de sa femme, socrus, « belle- mère; » ils disent que, d'après la même loi de Moïse, le mariage est défendu à cet homme, non seulement avec la mère, mais avec les deux aïeules paternelle et mater- nelle de sa femme. Nous préférons l'interprétation com- mune ; ces deux empêchements ne sont pas expressément désignés par Moïse; or, d'après le principe d'herméneu- tique déjà posé, nous ne devons admettre d'empêche- ments de mariage que ceux que Moïse a expressément signalés, d'autant plus qu'il s'agit de matières pénales. Michaelis, Mosaisches Recht, § 117, t. h, p. 308. Nous ne parlons pas des interprétations particulières et isolées des Karaïtes, qu'on peut voir dans Selden, Uxor hebraica, I, m -vi, p. 6-30.

2° Sanction de ces empêchements ou pénalités. La vio- lation de la loi prohibant les mariages entre alliés en ligne directe est punie de la peine de mort. C'est la sanction expresse que porte le législateur contre le mariage d'un homme avec la femme de son père, noverca, Lev., xx, 11 ; avec la fille de sa femme, privigna, Lev., xx, 14; avec la femme de son fils, nurus, Lev., xx, 12; avec la mère de sa femme, socrus, Lev., xx, 14. Deux de ces mariages, c'est-à-dire celui d'un homme avec la femme de son père, ou la mère de sa femme, sont, aux yeux de la loi, des crimes si odieux, qu'une malédiction solennelle et publique est prononcée par tout le peuple contre ceux qui s'en rendent coupables. Deut., xxvn, 20, 23. Il n'y a pas, dans la loi de Moïse, de sanction expresse contre le mariage

d'un homme avec la petite-fille de sa femme, proprivigna; on peut expliquer cette lacune en disant que, du temps de Moïse, ce cas était chimérique, et qu'en conséquence le législateur a laissé aux magistrats futurs le soin d'éta- blir une pénalité , si la simple prohibition ne suffisait pas. C'est l'opinion de Michaelis, Mosaisches Recht, § 265, t. v, p. 270.

Quant aux mariages entre alliés en ligne collatérale, ils ne sont pas défendus sous des peines si rigoureuses. Voici la sanction contre le mariage d'un homme avec la femme de son oncle paternel : s Si quelqu'un épouse la femme du frère de son père, il viole le respect du à ses proches, tous deux porteront la peine de leur péché : ils mourront sans enfants. » Lev., xx, 20. Que signifie cette pénalité? Il y a en hébreu : 'âririm yâmufû; les Sep- tante traduisent : atcxvji àitoOxvoûvtai, et la Vulgate : absque liberis morientur. Cela ne veut pas dire, quoi qu'en aient pensé quelques auteurs, que la femme, dès qu'il sera constaté qu'elle sera devenue mère, sera mise à mort avec son enfant, ni que Dieu se chargera, au besoin par miracle, de rendre ce mariage infécond, ni que les coupables, une fois découverts, seront mis à mort, ce qui les empêchera d'user de leur mariage ; ces interprétations ne sont fon- dées sur aucune preuve sérieuse. D'après l'explication la plus naturelle, la formule hébraïque signifie simplement que les enfants nés de ce mariage, ou bien seront regardés civilement comme illégitimes, ou bien seront considérés comme les fils, non du père naturel, mais de l'oncle décédé. Telle est l'opinion de saint Augustin, Queest. in Hept., in Lev., xx, 20, t. xxxiv, c. 710, suivie par la plu- part des docteurs catholiques et des auteurs protestants, Rosenmùller, In Lev., xx, 20 ; Michaelis, Mosaisches Recht, § 116, t. h, p. 304 ; § 265, t. v, p. 269, et In Lev., xx, 20. Le mot 'âririm, aTexvot, s'explique très bien dans ce sens ; il est en effet quelquefois employé , dans la Bible , pour signifier le malheur d'un homme qui a des enfants, mais dont l'héritage n'est pas recueilli par eux. Jer., xxii, 30. Chez les Hébreux, si désireux de se survivre dans des enfants qui perpétueraient leur nom et recueilleraient leur fortune, c'était un châtiment très grand que d'être légalement privé de toute postérité, et de voir ainsi leur nom tombé dans l'oubli et leurs biens passer dans une autre famille. Quant aux deux formes différentes sous lesquelles se présente l'explication que nous avons donnée, il nous semble qu'on doit préférer la première, d'après laquelle les enfants nés du mariage en question sont pure- ment et simplement illégitimes, et ne sont pas inscrits dans les listes généalogiques de leur famille, soit parce que cette inscription au nom du frère du père n'est men- tionnée nulle part dans l'Écriture, soit parce que, d'après une règle générale formulée par le Talmud de Babylone, traité Qidouschin, c. m, tous les enfants nés de mariages incestueux sont illégitimes. Cf. Selden, Uxor hebraica, I, vu, p. 34. Toutefois Michaelis préfère le second système, d'après lequel les enfants seraient inscrits au nom du frère du père, Mosaisches Recht, et In Lev., aux endroits cités. La sanction contre le mariage d'un homme avec la femme de son frère (sauf le cas du lévirat) est absolument semblable : « ils seront sans enfants. » Lev., xx, 21. Quant au mariage avec deux soeurs simultanément, Moïse ne le frappe d'aucune peine; il a pensé probablement que les coupables seraient assez punis par ces rivalités et ces querelles que la loi avait voulu écarter en défendant ce mariage. 11 y a donc une très grande différence entre les deux catégories de mariages entre alliés que proscrit Moïse : les premiers, entre alliés en ligue directe, sont punis de mort ; les autres , entre alliés en ligne collaté- rale, sont frappés d'une peine beaucoup moins sévère. Il paraîtrait même que, dans la loi de Moïse, ces derniers empêchements de mariage n'auraient pas été dirimants, mais seulement prohibants ; le législateur n'ordonne nulle part la séparation des époux ; il ne la suppose même pas, il se contente de dire que les enfants qui naîtront de ces 251

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mariages ne seront pas regardés comme appartenant aux époux coupables. Michaelis, Mosaisches Éeeht, § 112, t. H, p. 275.

3° Maisons et importance des empêchements d'affinité. Les raisons qu'a eues Moïse d'établir ces empêchements provenant de l'affinité se ramènent à ces deux : 1° Le respect et la réserve que la nature inspire à l'homme à l'égard de ses parents très rapprochés. Or ce respect et cette réserve, l'homme les éprouve non seulement pour ses parents proprement dits, consanguinei , mais encore pour les personnes unies à ses parents par les liens du mariage, parce que par le mariage les deux époux deviennent une même chair, ainsi qu'il est dit Gen., h, 24; Matth., xix, 5-6. C'est cette raison que signale Moïse lui-même, quand il établit ses empêchements d'affinité; car il s'exprime ainsi : « Vous n'approcherez pas de la femme de votre père , car sa «hair est celle de votre père ; . . . vous n'approcherez pas de votre bru, car elle est la femme de votre iils, » etc. Lev., xviii, 8, 15, etc. Il est évident que cette réserve respectueuse s'impose surtout entre alliés en ligne directe, et beaucoup moins en ligne collatérale ; c'est pourquoi Moïse défend sous des peines si graves le mariage aux premiers alliés, tandis qu'il est moins sévère pour les autres. — 2° La seconde cause de la prohibition, ce sont les rapports fréquents entre les parents ou alliés très rapprochés. En effet, ces parents ou alliés, surtout en ligne directe et au premier degré de la ligne collatérale, vivent ensemble ; ordinairement ils habitent la même maison, surtout chez les Orientaux; les rapports entre eux sont même inévitables; On ne pourrait sans scandale éloigner quelqu'un de la famille. Si donc le mariage entre parents ou alliés était permis, il y aurait lieu, sous prétexte de mariage futur, à des désordres qui introduiraient la corruption dans les familles. Cette raison est exposée par Maimonide, More Nebochim, p. m, c. 49, trad. Buxtorf, p. 502-503; elle lui parait tellement forte, qu'il y insiste longuement, et dit qu'elle est la principale qui a inspiré Moïse ; c'est aussi la raison que donne saint Thomas de la prohibition générale des mariages entre parents ou alliés rapprochés. Supp. m* partis, 'q< liv, a. 3; q. lv, a. 6< Tous les auteurs sont d'accord sur' ce point. Ces deux raisons combinées nous font comprendre la gravité des prohibitions mosaïques. Parlant en bloc des mariages qu'il défend, Moïse les appelle « abominations » ; il déclare que les Chananéens ont commis ces crimes, et qu'à cause de cela Dieu les chassera de la terre qu'ils habitent pour la donner aux enfants de Jacob ; il recommande fortement à ceux-ci de ne pas se souiller des mêmes fautes, dans la crainte que la terre qu'ils doivent habiter ne les rejette aussi de son sein, comme elle va faire pour les Chananéens. Lev., xx, 22-23; cf. xviii, 24-30. Moïse a des termes encore plus sévères pour certains mariages prohibés : il appelle le mariage d'un homme avec la mère de sa femme, ou avec la fille de sa femme, du nom de zimmâh; il donne au mariage d'un homme avec sa bru le nom de fébél; ces deux mots signifient des crimes énormes. Gesenius, Thésaurus, p. 419, 212; Michaelis, Mosaisches Recht, § 102, t. n, p-. 229, et § 265, t. v, p. 265. De là nous devons conclure que s'il s'agit des mariages entre alliés en ligne directe, ils sont contraires au droit naturel. Lui sont -ils tellement contraires, qu'ils soient radicalement nuls? C'est une question très controversée parmi les auteurs, quoiqu'on la résolve plus communément dans le sens négatif; mais au moins nous devons dire que, de droit naturel, ces mariages sont illicites; c'est pour cela que Moïse les qualifie si sévèrement, les ■ punit de la peine de mort, et les défend non seulement aux Juifc, mais encore aux étrangers qui vivent parmi eux. Lev., xviii, 26. Grotius fait remonter la prohibition, non pas précisément au droit naturel, mais à une révélation primitive, qui s'impose à l'humanité tout entière. De Jure belli ac pacis, II, v, § 13.

Nous ne pouvons être aussi sévères pour les mariages

entre alliés en ligne collatérale; ceux que nous avons signalés comme défendus par Moïse ne sont pas contraires au droit naturel ; nous en avons une preuve dans la loi mosaïque elle-même, qui, dans le cas du lévirat, permet, bien plus, commande à un homme d'épouser la veuve de son frère, de son oncle paternel, ou d'un autre parent rapproché. Toutefois, dans les cas ordinaires, ces mariages offrent des inconvénients; les deux raisons que nous avons données plus haut s'appliquent, proportion gardée, à ces mariages , et c'est pourquoi Moïse les défend.

La sévérité des prescriptions mosaïques contre les mariages entre alliés, surtout en ligne directe, s'explique encore par le relâchement général où étaient tombés sous ce rapport les peuples païens. Moïse signale spécialement, comme coupables de ces mariages incestueux, les Égyptiens et les Chananéens, dont l'exemple aurait été plus funeste aux Juifs. Il aurait pu ajouter la plupart des autres peuples, surtout orientaux; les prescriptions mosaïques, qui sont aussi, dans le sens expliqué, des prescriptions de la loi naturelle, étaient ignorées de presque tous les peuples, non seulement en pratique, mais même en théorie, Selden, De Jure naturali, V, xi, à ce point que Maimonide disait qu'au point de vue de l'affinité, un seul mariage était défendu aux Noachides, celui d'un homme avec la femme de son père, De legibus Hebrssorum, IX, v, trad. Leydecker, p. 142; cf. I Cor., v, 1; et encore ce dernier précepte était -il quelquefois violé chez certains peuples, par exemple chez les Perses, où un homme épousait sans difficulté la femme de son père. Selden, loc. cit. Dans des temps moins anciens, nous voyons Séleucus, roi de Syrie, donner sa propre femme Stratonice à son fils Antiochus, qu'il avait eu d'une autre union. Valère Maxime, V, vu.

Il y a pourtant deux peuples où nous trouvons en vigueur la plupart des prescriptions mosaïques sur l'affinité. Les Arabes les observaient, comme uous le voyons par le Koran, iv, 26-27, qui résume les antiques traditions de ce peuple, probablement empruntées aux Hébreux. Les mariages entre alliés en ligne directe furent également défendus par le droit romain. Inst., I, x, de Nuptiis, § 6-7; cf. Cicéron, Pro Cluentio, 5, 6, et Virgile: « Thalamos ausum incestare novercse. » Sous les empereurs chrétiens, il fut même défendu à un homme d'épouser sa belle-sœur, ou deux sœurs successivement. L. 5, C. De Incestis et inut. nupt., V, v. Justinien frappe les mariages incestueux des peines pécuniaires les plus graves, Nov., xii, c. 1, et même, pour certaines provinces, l'Osrhoène et la Mésopotamie, de la peine de mort. Abu., cuv, c. 1.

Nous avons donné jusqu'ici l'interprétation de la loi de Moïse sur l'affinité par rapport au mariage. Il faut distinguer soigneusement la loi des additions rabbiniques. En effet , dans le but d'assurer l'observation de la loi et de la protéger contre le relâchement ou les empiétements de la coutume, les Anciens, les Sages, ont établi autour de la loi un mur, une « haie », c'est l'expression talmudique, gàdèr, c'est-à-dire une série de nombreuses prohibitions qui garantissent les premières; ainsi, par exemple, la loi défend à un homme d'épouser sa bru, Lev., xvm, 15; pour mieux assurer l'observation de ce précepte mosaïque, les anciens ont défendu à un homme d'épouser la bru de son fils, et même de son petit-fils. Les femmes qu'il est ainsi défendu d'épouser, en vertu, non de la loi, mais des traditions rabbiniques, sont appelées mulieres secundariœ, parce qu'elles viennent en second lieu, après celles que la loi elle-même défend d'épouser; on peut en voir l'énumération dans Maimonide, Tract, de Connubiis, I, vi, trad. L. de Compiègne, Paris, 1673, p. 3, reproduit dans Surenhusius, Mischna, traité Qidouschin, I, i, part, m, p. 360.

II. Affinité dans le Nouveau Testament. — La loi mosaïque n'oblige pas l'Église par elle-même, comme il fut déclaré au concile de Jérusalem. Act., xv, 2S-29. Elle ne l'oblige qu'indirectement, c'est-à-dire par celles de ses 253

AFFINITÉ — AFFIXES

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prescriptions qui seraient d'ailleurs de droit naturel; et encore, dans ce cas, l'obligation vient du droit naturel, et non de la loi mosaïque ; l'Église, du reste, a pu renouveler de sa propre autorité quelques-unes des prescriptions de la loi mosaïque , qui dans ce cas obligent tous les chrétiens, mais seulement en vertu de l'autorité de l'Église. Dès lors nous pouvons tirer les conclusions suivantes : 1° les empêchements d'affinité que nous avons exposés n'obligent pas l'Église par eux-mêmes; 2° les empêchements d'affinité en ligne directe, étant très probablement de droit naturel comme prohibants , sinon comme dirimants, obligent l'Église; 3° l'Église est seule juge de savoir si et jusqu'à quel point ces empêchements sont de droit naturel; 4° en dehors desempechements.de droit naturel, nous ne devons admettre que ceux qui ont été expressément établis par l'Église.

Dans le Nouveau Testament, nous trouvons deux faits qui se rapportent à l'affinité. 1» Mariage d'Rérode Antipas avec la femme de son frère. Matth., xiv, 3-4; Marc, vi, 17-18; Luc, m, 19. Ce mariage était illicite à deux points de vue : 1. C'était un mariage adultérin : Hérodiade avait pour mari Hérode Philippe, frère d' Antipas ; lorsque Antipas épousa cette femme, Philippe vivait encore; quelques auteurs ont nié ce fait, comme Tertullien, Adv. Marcionem, iv, 34, t. h, col. 443; saint Jean Chrysostome, Hom. xlviii in Matth., t. lviii, col. 490; Théophylacte (avec quelque hésitation), In Mallh. xiy,t. cxxm, col. 295; mais on ne peut guère le révoquer en doute à cause du témoignage exprès de Josèphe, qui dit qu'Hérodiade se sépara de son mari « encore vivant », Ant. jud., XVIII , v, 4, témoignage cité, reproduit et accepté par Eusèbe, H. È., I, xi, t. XX, col. 114; par Origène, qui signale et rejette l'opinion contraire, Tom. x in Matth., 21, t. xm, col. 891; par saint Jérôme, In Matth., xiv, 3-4, t. xxvi, col. 97; par saint Basile de Séleucie, Orat. xvm, t. lxxxv, col. 227 ; par Euthymius Zigabène , In Matth. xiv, t. cxxix, col. 426, etc. Aussi la plupart des commentateurs, soit catholiques, soit protestants, regardent comme adultérin le mariage d'Antipas avec Hérodiade. — 2. De plus, ce mariage était incestueux et violait les lois de l'affinité. Hérodiade était la femme de Philippe, frère d'Antipas. Or, nous l'avons vu, d'après la loi mosaïque, un homme ne pouvait épouser la femme de son frère que dans le oas du lévirat, c'est-à-dire quand ce frère était mort, et sans enfants. Philippe n'était pas mort, et, de plus, il avait eu d' Hérodiade une fille appelée Salomé, Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 4, celle-là même qui dansa devant Hérode. Matth., xiv, 6. Aussi les auteurs qui pensent que Philippe était mort lorsque Hérodiade épousa Antipas, disent que ce mariage était néanmoins coupable, comme contraire à la loi de Moïse, puisque Philippe n'était pas mort sans enfants ; dans toutes les hypothèses, ce mariage était donc incestueux. On ne peut pas objecter, pour justifier Antipas, que, n'étant pas Juif, il n'était pas soumis à la loi de Moïse ; car, quoi qu'il en soit de la question de savoir si les Hérode étaient prosélytes, au moins de la porte, question très débattue (cf. Selden, De jure naturse, V, xxi -xxii, p. 679-691), toutefois Antipas était soumis aux lois de Moïse, au moins sur les empêchements de mariage provenant de la parenté, puisque, comme nous l'avons dit, d'après Lev., xviii, 26, Dieu voulut que non seulement les Juifs, mais encore les étrangers qui vivaient parmi eux, fussent soumis à ces lois. — 3. Quelques auteurs ajoutent un troisième grief contre ce mariage : Hérodiade, disent-ils, était la nièce d'Antipas; car elle était fille d'Aristobule, et celui-ci et Antipas étaient frères , comme étant tous deux fils d'Hérode le Grand. Or il était défendu aux Juifs d'épouser leur nièce. Nous ne pensons pas que le mariage d'Antipas avec Hérodiade fût illicite à ce point de vue; en effet, s'il était défendu aux Juifs d'épouser leur nièce, c'était en vertu, non pas précisément de la loi mosaïque, mais des traditions rabbiniques (voir Consanguinité), lesquelles peut-être n'étaient as encore

établies à cette époque comme elles le furent plus tard , et dans tous les cas n'atteignaient probablement pas les étrangers. C'est donc s