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ALOÈS

moins ils ne rendent que par un mot, κροκίνον, la myrrhe et l’aloès). Dans ces deux derniers passages, la Vulgate traduit : aloe. Saint Jean, qui mentionne ce parfum dans son Évangile, xix, 39, l’appelle ἀλοή. Le mot grec n’est sans doute qu’une altération du nom oriental, qui devint ἀλοή par suite d’une confusion avec l’aloès médicinal (fig. 103), confusion produite par la ressemblance de son. Le mot hébreu lui-même est vraisemblablement d’origine étrangère : on l’a rapproché du nom malais de ce parfum, agila (sanscrit : agura).

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103. — Aloes socotrina.
Plante grasse, de la famille des Liliacées, dont on tire une résine amère et purgative. Hauteur : 0,50 m.

Les Portugais le reçurent sous ce nom dans son pays d’origine, et l’appelèrent en conséquence pao d’aguila, d’où est venu, en donnant au mot oriental un sens portugais, le nom bizarre de bois d’aigle, lequel est l’origine de sa dénomination scientifique, Aquilaria.

I. Aloès, arbre. — Le mot ʾǎhâlîm est employé pour la première fois dans la prophétie de Balaam, s’adressant à Israël :


Qu’elles sont belles, tes tentes, ô Jacob !
Tes pavillons, ô Israël !
Comme des vallées ombreuses,
Comme des jardins sur les rives d’un fleuve,
Comme les ʾǎhâlîm que Jéhovah a plantés,
Comme les cèdres près des eaux.

Num., xxiv, 5-6.

Quoique les anciens traducteurs, la version syriaque comme les Septante et saint Jérôme, aient donné à ʾǎhâlîm dans ce passage des Nombres le sens de « tentes », — c’est le sens ordinaire de ce substantif, en le prononçant ʾǎhâlîm, — on ne peut guère douter, d’après le conteste et le parallélisme, qu’il ne signifie un arbre. Déjà le Targum d’Onkélos le traduit par « aromates », traduction encore inexacte, mais qui montre que le targumiste avait bien vu que ʾǎhâlîm était ici la même expression qui dans les livres sapientiaux indiquait un parfum. On s’accorde généralement aujourd’hui à reconnaître que Balaam parle d’un arbre précieux et odorant, digne d'être comparé au cèdre ; mais quel était cet arbre ? Son identification souffre, des difficultés. Il ne saturait être question de la plante d’ornement qu’on cultive parmi nous sous le nom d’aloès, laquelle n’est pas un arbre. Depuis Celse, qui a consacré à ce sujet une longue dissertation dans son Hierobotanicon, t. i, p. 135-171, on suppose communément que l »

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104. — Branche d’aquilaroa agallocha avec boutons de fleurs.
— Au haut, à droite, bouquet de fleurs épanouies ; au-dessous, graine et fleur isolée épanouie ; au bas, section de la fleur.

ʾǎhàlîm est l’Aquilaria agallocha, appelé d’abord par les Grecs άγάλλοχον, puis aussi ξυλαλόν, ou bois d’aloès. L’Aquilaria agallocha n’est encore connu qu’imparfaitement des botanistes. Il croît dans l’Inde septentrionale. C’est un arbre qui atteint trente-cinq mètres de haut et plus de trois mètres de circonférence. L’écorce du tronc est unie et couleur cendrée ; les branches sont grisés, avec de légères bandes brunes, le bois blanc (fig. 104). Est-ce de cet arbre qu’a voulu parler Balaam ? Beaucoup le nient, parce que, disent-ils, cet arbre ne poussait point dans le pays de Moab, ni en Mésopotamie, patrie du devin païen. Il est pourtant possible que Balaam, connaissant le bois qu’on importait comme parfum, ait réellement voulu parler de l’arbre qui le produisait, arbre qu’il n’avait jamais vii, mais dont il avait entendu faire l'éloge. Cette identification, sans être certaine, est du moins probable. En tout cas, si le ʾǎhàlîm des Nombres n’est pas l’arbre qui produit le parfum appelé aloès, les éléments nous manquent pour le déterminer. D’après plusieurs commentateurs, c’est aussi de l’aloès-arbre qu’il est question dans le Cantique des cantiques, iv, 14, et alors l’on devrait expliquer ce passage comme celui des Nombres ; toutefois il est possible que l’auteur du Cantique ne parle que du parfum de l’aloès.

II. Aloès, parfum. — Le parfum d’aloès dont il est question Ps. xlv (xliv), 9 ; Prov., vii, 17 ; Joa., xix, 39, est un bois fourni par l’Aquilaria agallocha, ou une essence qu’on en tire. On donne aussi aujourd’hui ce nom au bois de l’Aloexylon agallochum, originaire de Cochinchine ; mais il y a tout lieu de croire que les Hébreux connais-