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ALPHABÉTIQUE (POÈME) — ALPHÉE

nombre de poèmes alphabétiques parfaitement réguliers ; quelques autres, tout en étant alphabétiques, ne le sont qu’imparfaitement.

1° Les poèmes alphabétiques réguliers sont les Psaumes cxi, cxil et cxix selon l’hébreu (Vulgate, cx, cxi, cxviii) ; l’éloge de la femme forte, dans les Proverbes, xxxi, 10-31 ; les quatre premiers chapitres des Lamentations. — Les Psaumes cxi (Confitebor Domino) et cxii (Beatus vir) sont composés chacun de vingt-deux vers, commençant par les vingt-deux lettres de l’alphabet, dans leur ordre ordinaire. Les membres parallèles (voir Parallélisme) sont au nombre de deux dans les huit premiers versets, formés par les seize premières lettres, qui donnent ainsi seize vers. Le parallélisme a trois membres dans les deux derniers versets, et par conséquent six vers commençant par les six dernières lettres. — Le Psaume cxix (Beati immaculati) est composé d’une manière différente. Il ne renferme pas moins de trois cent cinquante-deux vers (ou cent soixante-seize, d’après une autre manière de les compter) formant cent soixante-seize distiques, divisés en vingt-deux strophes, c’est-à-dire qu’il contient autant de strophes que l’alphabet hébreu contient de lettres. Chaque strophe a seize vers ou huit distiques. Le premier membre parallèle de chaque strophe commence par la même lettre, de sorte que chaque lettre de l’alphabet est répétée huit fois au commencement de chaque distique de chaque strophe : l’aleph huit fois dans la première strophe, le beth huit fois dans la seconde, et ainsi de suite. De là vient qu’on appelle la première strophe aleph, la seconde beth, etc. Ces noms ont été mis dans notre Vulgate latine, Ps. cxviii, en tête de chaque strophe. — L’éloge de la femme forte dans les Proverbes, xxxi, 10-31, se compose de vingt-deux distiques (44 vers). Le premier vers seul de chaque distique est alphabétique. — Dans les Lamentations, ch. i, si et iv, nous avons vingt-deux versets, renfermant chacun plusieurs vers, dont le premier seul est alphabétique. Le chapitre au se distingue des autres en ce que la lettre initiale caractéristique a été répétée trois fois, ce qui a fait diviser ce chapitre en soixante-six versets. L’ordre de l’alphabet est suivi dans ce chapitre comme dans les autres, excepté pour le phé, qui est placé avant l’aïn au lieu de le suivre. Le dernier chapitre des Lamentations, le cinquième, est le seul qui ne soit pas alphabétique.

2° Les poèmes alphabétiques irréguliers sont les Psaumes xxv, xxxiv, xxxvii, cxtv, et surtout ix et x (selon l’hébreu).

Le Psaume ix (Confitebor tibi, Domine,… narrabo) est composé de la manière suivante : le commencement de chaque strophe (généralement de quatre vers) est indiqué par la lettre alphabétique : l’aleph commence les quatre premiers vers, 2-4 ; le beth, le vers 5 (ꝟ. 4) ; le ghimel, le vers 9 (ꝟ. 6) ; le , le vers 11 (ꝟ. 7a) ; le vav, le vers 13 (ꝟ. 8a) ; le zaïn, le vers 21 (ꝟ. 12a), le heth, le vers 25 (ꝟ. 14a) ; le theth, le vers 30 (ꝟ. 16a) ; l’iod, le vers 35 (ꝟ. 18a). De l’iod, le poète passe au qaph, vers 39 (ꝟ. 20a), et termine son chant. Le daleth manque. Nous avons donc dix strophes alphabétiques irrégulières (2-3 ; 4-5 ; 6 ; 7 ; 8-11 ; 12-13 ; 14-15 ; 16-17 ; 18-19 ; 20-21).

Au Psaume x, les ꝟꝟ. 12, 14, 15, 17, sont seuls alphabétiques (quph, resch, schin, thav).

Le Psaume xxv (Vulgate, xxiv : Ad te, Domine, levavi animam meam) se compose de vingt-deux versets formant à peu près autant de distiques, commençant par les vingt-deux lettres de l’alphabet, seulement l’aleph et le vav n’ont qu’un vers (ꝟ. 2 et 5), tandis que le heth en a trois (ꝟ. 7) ; le beth a été transposé dans le ꝟ. 2, et le vav a disparu dans le ꝟ. 5, mais le qeri a corrigé ces deux fautes ; enfin le quph manque et le resch est répété deux fois (ꝟ. 18 et 19).

Le Psaume xxxv (Vulgate, xxxiv : Bénédicam Dominum in omni tempore) a vingt-deux distiques, selon le nombre des lettres de l’alphabet, qui commencent chacune un distique. L’irrégularité de la forme de ce psaume consiste en ce que la lettre vav manque, et que la lettre phé est répétée deux fois, une fois à sa place ordinaire et l’autre dans le dernier distique.

Le Psaume xxxvii (Vulgate, xxxvi : Noli æmulari in malignantibus) renferme vingt-deux strophes alphabétiques d’inégale longueur : la plupart ont quatre vers, quelques-unes n’en ont que trois. La lettre ain manque dans le texte actuel, mais la traduction des Septante et notre Vulgate, qui renferment un vers de plus que l’original, « les méchants seront punis, » ꝟ. 28, prouvent que le vers où se lisait le aïn initial est perdu dans le texte massorétique, où il manque d’ailleurs un vers pour avoir la strophe régulière de quatre vers ; il faut suppléer, comme on lit dans le qeri : עולים נשמדו, ’avvâlîm nišmâdû, « les impies seront anéantis. » Dans la dernière strophe, ꝟ. 39, on doit supprimer le vav initial pour qu’elle commence régulièrement par un thav.

Le Psaume cxlv (Vulgate, cxliv : Exaltabo te, Deus meus), le dernier des Psaumes alphabétiques, n’a que vingt et un distiques, parce que la lettre noun est omise. Sauf cette omission, il est d’ailleurs régulier.

Tels sont les poèmes alphabétiques encore subsistants dans la Bible hébraïque. L’auteur de l’Ecclésiastique avait aussi terminé son livre, li, 18-38, par un poème alphabétique d’action de grâces à Dieu, comme l’a prouvé M.Bickell, qui y a découvert quarante-quatre vers, et a essayé de reconstituer le texte hébreu original, dans la Zeitschrift sur katholische Theologie, 1882, p. 326-328.

Les poèmes alphabétiques hébreux ne sont pas seulement intéressants en eux-mêmes à causé de leur forme poétique particulière ; ils ont aussi une importance critique réelle. Nous avons vu comment les règles suivies dans leur composition permettent de constater certaines altérations dans le texte et de les rectifier, comme dans le Psaume xxxvii (xxxvi), 39. Ils ne sont pas moins utiles pour l’étude de la versification hébraïque, parce que plusieurs d’entre eux indiquent d’une manière certaine la division des vers. Voir Poésie hébraïque. Ils servirent à Lowth de point de départ pour reconnaître l’existence du parallélisme et ses lois. Voir Parallélisme. Ils n’aidèrent pas moins Koester dans la découverte des strophes. Dans le Psaume xxxvii (xxxvi), en effet, chaque lettre de l’alphabet indique le commencement d’une strophe.

F. Vigouroux.

ALPHÉE, Nouveau Testament : Ἀλφαῖος.

1. ALPHÉE, père de Lévi, c’est-à-dire de saint Matthieu. Marc, si, 14. On ne connaît de lui que son nom.

2. ALPHÉE, père de Jacques. Tout ce que nous savons de certain sur Alphée, c’est qu’il était le père de l’apôtre saint Jacques le Mineur ; les quatre listes que nous avons du collège apostolique l’affirment, Matth., x, 3 ; Marc, iii, 18 ; Luc, vi, 15 ; Act., i, 13, et la tradition est unanime sur ce point. Il est donc inutile de se demander si le texte : Ἰάκωβος ὁ τοῦ Ἀλφαίου ne signifierait pas : Jacques, frère d’Alphée.

Au moyen de combinaisons de textes, beaucoup d’exégètes admettent comme probable qu’Alphée était frère de saint Joseph ; il aurait épousé une Marie, laquelle était peut-être sœur de la sainte Vierge ; il eut pour fils Jacques, Joseph, Simon et Jude. Hégésippe affirme, au témoignage d’Eusèbe, Hist. eccl., iii, 11, t. xx, col. 248, que Klopas ou Cléophas était frère de saint Joseph et père de saint Siméon, frère de saint Jacques. À moins de supposer que saint Jacques, évêque de Jérusalem, est, comme l’ont soutenu quelques critiques, distinct de saint Jacques, apôtre, ce texte prouve l’identité de Klopas et d’Alphée, question discutée plus loin. Saint Jean, xix, 25, nous apprend que Cléophas était époux de Marie ; saint Matthieu, xxvii, 56, que Joseph (Ἰωσῆς) était fils de Marie ; d’après Marc, vi, 3 ; Act., i, 13 ; Jude, i, Jude était frère de Jacques ; enfin saint Matthieu nomme tous ensemble Jacques, Joseph, Simon et Jude, comme frères de Jésus. Donc, si Joseph, Simon et Jude sont frères de Jacques, fils d’Alphée, ils sont probablement aussi fils d’Alphée.