Les principaux monuments funéraires/Texte entier




LES PRINCIPAUX

MONUMENTS FUNÉRAIRES.





MONUMENTS FUNÉRAIRES DES CIMETIÈRES DE PARIS.

86 Planches grand in-4o et 86 Notices.




table par ordre alphabétique des planches et notices publiées.


Introduction.

Adanson.

Andrieux.

Argenteuil (marquis d’).

Augustin, peintre.

Beaujour (le baron).

Beaumarchais et comte de Ribes.

Bellini.

Boïeldieu.

Boode (famille).

Bourgoin (mademoiselle).

Brongniard.

Cambacérès.

Camille-Jordan.

Capitaine (madame).

Casimir Perier.

Chappe.

Couteaux.

Cuvier (baron).

David (Louis), peintre.

Dazincourt.

Decrés.

Demidoff (comtesse).

Denon (le baron).

Desaugiers.

Deseine, statuaire.

Desenne, dessinateur.

Dias-Santos (mademoiselle de).

Duchesnois (mademoiselle).

Dumoulin (Évariste).

Dupaty (Charles).

Dupuytren.

Foy (le général).

Frésia (la comtesse).

Gall, docteur.

Gareau (Pierre).

Géricault, peintre.

Girodet-Trioson.

Gouvion-Saint-Cyr (le maréchal).

Grandeau d’Abaucourt (le général).

Gros (baron).

Hachette.

Héloïse et Abbelard.

Henrion de Parsey.

Hérold.

Kellermann (duc de Valmy).

Lafayette (le général).

Lallemant.

Lanneau (de).

Lavalette (le comte).

Lebrun, duc de Plaisance.

Lefebvre (le maréchal).

Legouvé.

Lemercier.

Lenoir-Dufrêne.

Mallet-Jumilhac (madame de).

Masséna, prince d’Essling.

Mathieu de Montmorency (le duc).

Mazois, architecte.

Mercœur (Élisa).

Merlin de Thionyille.

Monge.

Montmorency-Laval (le duc de).

Montmorency-Luxembourg (madame de).

Ney (le maréchal)

Nourrit (Adolphe).

Picard.

Pinel.

Poisson, pair de France.

Ravrio.

Robertson.

Rogniat (le général).

Rosily-Mesros (l’amiral de).

Santerre (la famille).

Saxe-Cobourg (le prince de).

Saulx-Tavannes.

Ségur-d’Aguesseau (le comte).

Suchet, maréchal.

Talma.

Trabuchy (les frères).

Truguet (l’amiral).

Tulla (Godefroy).

Valence (le général comte de).

Victimes de juin.

Winsor.

Plan général du cimetière du Pére-Lachaise

Vue du cimetière du Pére-Lachaise.

LES PRINCIPAUX
MONUMENTS FUNÉRAIRES


Du Père-Lachaise, de Montmartre, du Mont-Parnasse


et autres


CIMETIÈRES DE PARIS


dessinés et mesurés


Par ROUSSEAU, architecte,


et lithographiés


PAR LASSALLE ;


Accompagnés d’une Description succincte du monument et d’une Notice historique sur le personnage qu’il renferme.
PAR MARTY.



Paris,
AMÉDÉE BÉDELET, LIBRAIRE,
rue des grands-augustins, 20.

INTRODUCTION.




Nous devons aux Grecs, aux Romains et aux Égyptiens ces grandes leçons de philosophie qui, depuis le moyen âge, ont en quelque sorte servi de base à la civilisation des autres nations.

Indépendamment de leur héroïque valeur dans les combats, et de l’excellence de leurs lois, ils ont encore été nos maîtres dans l’art de l’architecture, et nous ont donné l’exemple du respect et de la vénération qu’ils avaient pour les cendres de leurs ancêtres en élevant à leur mémoire de superbes monumens.

L’établissement des cimetières qui environnent la capitale ne date guère que de trente ans : c’est une de ces hautes conceptions qui caractérisent la civilisation nouvelle, et que le respect dû aux dépouilles mortelles le progrès des mœurs et de la salubrité, réclamaient depuis long-temps.

Les monumens épars que jadis on remarquait dans les églises, et qui, malgré la sainteté du lieu, n’attestaient pas toujours les vertus et la piété des défunts, étaient élevés sur des caveaux infects, d’où la fétidité se frayant un passage, s’exhalait au travers des joints des dalles qui les environnaient.

D’étroits cimetières adossés extérieurement aux églises paroissiales destinés aux inhumations de la classe moyenne étaient encore plus dangereux : les miasmes putrides qui s’élevaient constamment des sépultures, répandaient sur les habitations voisines une odeur pestilentielle.

L’indigent qui expirait sur son grabat était furtivement déposé dans une bière banale, et transporté dans une espèce de catacombe connue (quoique dans l’intérieur de Paris) sous le nom de Clamart ; là, dépouillé du cercueil qu’on lui avait seulement prêté pour faciliter le transport, on le descendait, à l’aide de cordes, dans une fosse profonde, qui offrait l’aspect d’une carrière, et sa dépouille entassée sur un millier de corps, était à peine recouverte d’un peu de sable.

Aujourd’hui, une merveilleuse métamorphose a fait disparaître cette coutume barbare : les asiles funéraires établis sur divers points et hors des murs de cette vaste cité sont communs à toutes les classes ; l’homme jouit enfin de sa dignité, et ses restes ne seront plus condamnés à un éternel oubli ; n’importe quel degré d’utilité il eut dans l’existence sociale, il repose près de celui qui posséda pendant sa vie les plus hautes distinctions. Là, le néant des grandeurs met le prolétaire au niveau de l’homme opulent, la seule différence n’existe réellement que dans le marbre et l’épitaphe dorée qui brille sur la tombe de ce dernier, et la modeste croix en bois noirci plantée sur la fosse du premier ; un épais feuillage abrite également leur dernière demeure, l’odeur suave qui s’exhale de mille fleurs qui les environnent y parfume le même air.

Ainsi cette amélioration, si essentielle dans nos mœurs, en détruisant d’antiques préjugés, a produit sur la population de la capitale un effet miraculeux : le séjour des morts, qui par sa tristesse et son insalubrité lui inspirait une invincible horreur, transformé depuis en un vaste Élysée où la nature et l’art prodiguent leurs richesses, est devenu pour elle une promenade pleine d’attraits ; elle visite familièrement ces asiles du trépas dont autrefois elle redoutait l’approche ; elle contemple les tombeaux et surtout leurs inscriptions, dont la plupart offrent de belles pages de l’histoire, de salutaires exemples, et des leçons d’une morale pure, avec le plus touchant intérêt et le plus profond recueillement.

Ces lieux, qui renferment les restes de la population moderne exposés au culte respectueux de la génération nouvelle, sont l’image d’une nouvelle vie : dans ces parterres émaillés de fleurs qui précèdent ou entourent les monumens, plus d’une épouse, que la mort n’a pu séparer d’un époux adoré, vient fréquemment s’asseoir près de sa tombe, sur le banc qu’elle a fait construire, et par une conversation muette qui n’en exprime pas moins toute sa pensée, elle semble s’entretenir avec lui pendant plusieurs heures. C’est là qu’une tendre mère arrose de ses pleurs le tombeau d’un fils qu’une mort prématurée lui a enlevé ; qu’un fils respectueux vient rendre hommage à la mémoire de son vertueux père ; qu’une fille inconsolable baigne de ses larmes des couronnes d’immortelles qu’elle place sur la sépulture de sa mère ; enfin chacun y honore l’objet de ses affections et s’acquitte avec vénération de ce tribut de la nature et du cœur.

Le plus vaste des cimetières, et celui qui contient le plus grand nombre de monumens remarquables, c’est celui du Père Lachaise. En 1805, on n’y comptait que quatorze pierres tumulaires, parmi lesquelles était placée celle qui désignait la sépulture d’Arnaud Baculard, littérateur distingué, auteur des Épreuves du Sentiment et du Comte de Comminges. Le premier monument en marbre qui y parut fut érigé à la mémoire de M. Lenoir-Dufrêne, célèbre manufacturier, décédé en 1806, et la première chapelle y fut construite dans le même temps, et consacrée à la sépulture de la famille Greffulhe.

Depuis cette époque, les constructions se sont multipliées avec une telle rapidité que l’on y compte aujourd’hui quarante mille tombeaux, y compris les pierres tumulaires.

Ces nombreux mausolées, qui, par la variété du style, réunissent les genres d’architecture de toutes les époques et de toutes les nations, offrent l’aspect d’une vaste cité, bâtie en amphithéâtre sur la pente d’une colline, et à l’embellissement de laquelle l’art semble avoir prodigué avec profusion toutes ses ressources.

C’est surtout au sommet et sur le plateau de cette colline que sont les constructions les plus remarquables : là, un obélisque contient à sa base les cendres d’un héros qui, par sa valeur et son courage, soutint avec honneur la gloire du nom français.

Ici, sous une colonne grecque, repose un magistrat intègre qui ne transigea jamais avec sa conscience, embrassa courageusement la cause de l’innocence opprimée, même au péril de sa vie, qu’il consacra tout entière à la défense et à la stricte exécution des lois.

À côté, sous une borne romaine, est inhumé on artiste célèbre dans la carrière des beaux-arts, qui, par ses doctes pinceaux, porta la peinture à son plus haut degré de perfection, et enrichit la France de ses savantes productions.

Plus loin, on aperçoit la statue d’un intrépide guerrier, d’un législateur incorruptible, qui, par son éloquence et son courage, défendit et protégea les libertés publiques ; sa mort fut un véritable fléau pour la patrie : son monument, élevé par l’estime et la reconnaissance de ses concitoyens, est d’une haute dimension ; mais il est bien loin d’égaler les éminentes vertus qu’il possédait.

On descend malgré soi du haut de cette enceinte : la richesse des monumens, la beauté des sites et la perspective de Paris et de ses environs semblent enchaîner les pas des nombreux observateurs qui sont encore forcés de s’arrêter sur le penchant de la colline : c’est là, non loin de la grande chapelle du cimetière, que sont contenus, dans des monumens d’un excellent goût, les restes de ces artistes célèbres qui ont illustré la scène française, Talma, Saint-Prix, Raucourt, Contât, Bourgoin, etc.

Non loin de ces favoris de Melpomène, le père de la comédie, le grand Molière, jouit enfin des honneurs de la sépulture auprès de son ami le bon La Fontaine.

Les cimetières de Montmartre et du Mont-Parnasse offrent aussi des sites délicieux, des accidens pittoresques et de magnifiques points de vue qui font le charme de leur situation. Il y a quelques années qu’on ne voyait dans ces lieux que quelques monumens épars, même peu remarquables : ce vide affreux qui ajoutait à la tristesse qu’inspiraient ces asiles funèbres, et qui provenait de la préférence accordée au cimetière du Père Lachaise pour les concessions à perpétuité, a totalement disparu : la plus grande activité règne maintenant dans les constructions ; de riches monumens s’y élèvent avec célérité, et seront des documens aussi utiles que précieux pour la publication complète de cet ouvrage.

La nature et l’art, qui semblent étroitement unis pour bannir de ces asiles funéraires la monotonie et la tristesse, et contribuer à leur embellissement, ont produit tant de merveilles que la plume la mieux exercée ne pourrait les décrire que superficiellement : l’art du dessin était seul capable de reproduire fidèlement ces images grandioses, ces nombreux chefs-d’œuvre. Aussi dans cet ouvrage la plume n’est-elle que l’auxiliaire du crayon.


SÉPULTURES DES FAMILLES
ADANSON ET ROBERTSON DE BERLINDAEN.




Le célèbre Michel Adanson, membre de l’Institut et de la Légion-d’Honneur, que l’on considère comme le patron révéré de son honorable famille, naquit à Aix en Provence, le 7 avril 1727.

Son père, qui était d’origine écossaise, habitait cette belle contrée depuis son arrivée en France. Mais comme l’éducation de son fils était l’unique objet de sa sollicitude, il résolut de l’amener à Paris pour y commencer ses études. Les rapides progrès que fit le jeune Adanson signalèrent bientôt ses heureuses dispositions et lui obtinrent de brillants succès dans les sciences naturelles, notamment dans la Botanique. Il serait trop long d’énumérer ses nombreux ouvrages, les bornes de cette notice ne pourraient pas nous le permettre ; pour prouver la fécondité de son génie, il suffira de citer son système de classification des plantes, dans lequel il a introduit cinquante-huit familles nouvelles, ce qui l’avait fait surnommer le rival de Linnée. Néanmoins, malgré sa haute réputation, la fortune, qui lui avait souri tant de fois, lui fit éprouver ses revers sur la fin de sa carrière ; mais Adanson, qui par ses immenses travaux était devenu une des gloires de la France, n’avait point à redouter les rigueurs de l’adversité ; tous les savants de son époque étaient ses admirateurs et ses amis les plus dévoués.

Lorsqu’il sentit sa fin s’approcher, il demanda par son testament qu’une guirlande de fleurs, prises dans les cinquante-huit familles qu’il avait établies, fût la seule décoration de son cercueil : « passagère, mais touchante image (dit George Cuvier) du monument le plus durable qu’il s’est érigé lui-même. » Il est décédé à Paris le 3 août 1806. Sa veuve a été inhumée dans le monument pyramidal indiqué sur la droite du dessin avec cette inscription :

CI-GIT
JEANNE BÉNARD,
veuve de Michel Adanson,
morte le 7 juin 1821.
Ce monument a été élevé
à sa mémoire
par Mme Aglaé Adanson,
sa fille,
et par un neveu reconnaissant.

Un second monument pyramidal s’élève à la gauche du premier : celui-ci est remarquable par le luxe de sa construction et par le style élégant de l’architecture ogivale qui règne dans toutes ses parties. Aucune inscription n’est gravée sur ce monument ; mais d’après des renseignements positifs il est certain qu’il a été érigé à la mémoire


DE Mme SUZANNA REID,
Ve ROBERTSON
DE BERLINDAEN,
DÉCÉDÉE LE 31 MAI 1838,
AGÉE DE 70 ANS.


M. Julien-Victor-Alexandre Adanson, qui a contribué à l’érection du premier monument, a également fait élever ce dernier, dont l’exécution a été confiée à M. Sauvé.


ANDRIEUX.




Andrieux (François-Guillaume-Jean-Stanislas) naquit à Strasbourg (Bas-Rhin), le 6 mai 1759.

Élève au collège du cardinal Lemoine, à Paris ; maître-clerc d’un procureur au Châtelet ; secrétaire de M. le duc d’Uzès ; avocat ; chef de division à la liquidation générale, en 1791 ; membre de la Cour de Cassation, en 1794 ; député au Conseil des Cinq-Cents, pour le département de la Seine, en l’an vi ; membre du Tribunat, en l’an viii ; éliminé, en l’an x, par l’ombrageuse politique du Premier Consul, à qui M. Andrieux avait dit ce mot profond, et devenu célèbre : « On ne s’appuie que sur ce qui résiste ; » refusant les fonctions de censeur que lui offrait le ministre Fouché ; professeur à l’École Polytechnique, en 1804 ; professeur au collège de France, depuis 1814 jusqu’en 1833 ; membre de l’Institut, depuis la fondation, en 1795, et secrétaire perpétuel de l’Académie Française, en 1829 ; pendant cette longue carrière, et dans ces fonctions si diverses, M. Andrieux a toujours montré la même supériorité d’intelligence et de raison, les mêmes principes d’inébranlable probité, la même indépendance d’opinions, le même caractère de bonté, de grâce et de noblesse, le même dévouement à ses devoirs et à son pays.

Les loisirs que ses fonctions lui laissaient, il les a consacrés à des ouvrages littéraires. Ami de Collin-d’Harleville et de Picard, il a commencé sa carrière dramatique, en 1782 et 1787, par la jolie comédie d’Anaximandre, et par les Étourdis, l’un des chefs-d’œuvre de la scène française, et il l’a terminée, à une distance de près de cinquante ans, en septembre 1830, par la tragédie de Brutus. Dans son théâtre, on remarque encore le Trésor et Molière avec ses amis, joués en 1804 ; le Vieux Fat, en 1810 ; la Comédienne, en 1816 ; le Manteau, en 1826.

Ses contes et ses poésies philosophiques, depuis le Meunier de Sans-Souci et l’Épître au Pape jusqu’au discours sur la Perfectibilité, l’ont fait considérer comme le digne et dernier représentant du siècle de Voltaire.

Mais tous ces ouvrages n’étaient pour lui que de simples délassemens ; ce qu’il préférait, ce qu’il regardait comme sa vocation, comme l’œuvre de sa vie, son Cours de Littérature, fera son plus beau titre de gloire.

Pendant trente ans, à l’École Polytechnique, comme au collège de France, cet inimitable professeur n’a cessé de charmer et d’instruire une brave, loyale et studieuse jeunesse, comme il l’appelait lui-même, et ces cinq ou six cents jeunes gens qui chaque année venaient avidement recueillir ses éloquentes paroles, chaque année remportaient dans les différentes parties de la France, avec de féconds principes de goût, de raison et de morale, le tendre et respectueux souvenir de leur ami, de leur maître. Quel citoyen a rendu de plus grands services à son pays ? La France reconnaissante placera son nom à côté de celui du bon Rollin.

La vie de M. Andrieux fut celle du véritable homme de lettres, avec toute sa dignité, son indépendance chérie, et ses pures et nobles jouissances. Le 10 mai 1833, à l’âge de soixante-quatorze ans, il s’est doucement éteint dans les bras de ses enfans.

La jeunesse de toutes les écoles l’a suivi religieusement au cimetière du Père Lachaise, où il a été inhumé. Les élèves de cette École Polytechnique qu’il avait tant aimée ont porté eux-mêmes son cercueil, et M. Droz a vivement ému l’assemblée en adressant à son ami de touchans et derniers adieux.

Son monument, de forme carrée, et en marbre blanc, est élevé sur une base en pierre, et surmonté d’une corniche. Sur la façade est sculptée en creux une couronne de laurier, avec cette inscription au milieu ;

ANDRIEUX,
de l’académie
française.

Au-dessous, ses filles ont fait graver ces quatre vers, extraits d’un conte que leur père avait composé pour elles pendant leur enfance :

Que ne peut-on racheter a prix d’or
Un rien si grand, une tête si chère !
Que n’avons-nous a donner un trésor ?
Nous l’offririons pour revoir notre père !

Andrieux,
L’Alchimiste et ses enfans.
Ce monument a été exécuté sur les dessins et sous la direction de M. Théodore Labrouste, architecte, frère de l’un des gendres de M. Andrieux.

LE MARQUIS D’ARGENTEUIL.




D’Argenteuil (Hippolyte-Louis-René-Charles, marquis), naquit à Paris le 25 novembre 1780. Son père, Antoine, marquis d’Argenteuil, était maréchal-de-camp sous Louis XVI. Il fut nommé, en 1789, député à l’Assemblée Constituante par la noblesse du bailliage d’Auxois (Côte-d’Or), et siégea constamment au côté droit. A la fin de la session, il émigra et alla prendre du service dans l’armée des princes, où il mourut en 1793.

Le jeune marquis d’Argenteuil, qui éprouva cette perte à l’âge de 13 ans, dut à sa mère l’éducation la plus soignée et l’exemple des plus rares vertus ; on eût dit que les grands biens que possédait cette honorable famille étaient le patrimoine des pauvres. Dans l’heureux canton qu’elle habitait, la vieillesse trouvait un asile et des secours salutaires lorsque ses débiles mains ne lui permettaient plus de se livrer au travail. L’enfance, non moins intéressante, était accueillie dans des établissements de bienfaisance, où une existence assurée lui facilitait les moyens d’apprendre par principes un travail utile et les leçons d’une morale pure. Ce fut dans cet état de choses que M. d’Argenteuil vint à perdre sa mère à la suite d’une douloureuse maladie. Dès lors, il voulut honorer sa mémoire en imitant ses belles actions ; son cœur généreux ne mit plus de bornes à sa bienfaisance ; il employa une grande partie de sa fortune à multiplier les établissements philanthropiques déjà fondés, qui, à sa mort, devinrent par testament aussi nombreux que les fondations de l’honorable et célèbre M. de Montyon.

Il est décédé à Paris le 13 mars 1838, et a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Le monument de M. le marquis d’Argenteuil est d’une belle composition et d’un style plein de noblesse. Il est composé d’un stylobate élevé sur un soubassement et surmonté d’un cénotaphe sur lequel sont sculptées les armes du défunt avec cette légende :

sine macula
macla.

Sur le stylobate sont trois bas-reliefs : celui du milieu représente la Bienfaisance distribuant des secours à des vieillards infirmes, avec cette inscription au-dessus :

FONDATIONS PIEUSES ET CHARITABLES A PARIS
Et à Thoires (Côte-d’Or).

Le bas-relief de gauche représente le génie de la médecine.

On lit au-dessus :

fondation de prix
pour la médecine.

Sur le bas-relief de droite est représenté le génie de l’industrie, au-dessus duquel on lit :

fondation de prix pour l’industrie française.

Au milieu de la frise on lit cette épitaphe :

ICI REPOSE LE CORPS
De M. Hippolyte-Louis-René-Charles, marquis D’ARGENTEUIL,
Né le 25 novembre 1780, à Paris,
Où il est décédé le 13 mars 1838.
Priez Dieu pour lui.

Ce monument a été exécuté par la Compagnie générale. La sculpture des bas-reliefs est de M. Valois.

AUGUSTIN.




Augustin (Jean-Baptiste-Jacques), né à Saint-Dié (Vosges) en 1759, peintre en miniature, à l’huile, et en émail.

Un penchant irrésistible l’entraîna vers le dessin et la peinture, et lui inspira le plus grand éloignement pour tout autre état.

La nature, ainsi qu’on l’a répété tant de fois, semble nous donner en naissant, avec l’instinct de la profession à laquelle elle nous appelle, les moyens de nous y faire un nom. Cette vérité est, chez Augustin, démontrée jusqu’à l’évidence.

Dès ses plus jeunes années, il passait des journées entières à dessiner, à copier ce qui s’offrait à ses regards ; d’une persévérance infatigable, il retouchait, corrigeait, jusqu’à ce qu’il fut convaincu que son dessin était parfaitement conforme à son modèle. Sans avis, sans leçons, sans maître, il se forma seul, et l’on peut dire qu’il fut lui-même son propre ouvrage.

La petite ville dans laquelle il avait reçu le jour lui parut trop peu féconde en ressources pour qui veut se livrer aux arts ; il vint à Paris étudier les chefs-d’œuvre dont cette ville abonde, y puiser ce goût exquis, cette suave harmonie qui caractérisent tous ses ouvrages.

Il ne voulut pourtant se consacrer qu’à un seul genre de peinture, la miniature proprement dite, à laquelle il en ajouta deux autres plus difficiles, celle à l’huile et celle sur l’émail.

Dans la miniature à l’eau, Augustin s’est montré l’égal d’Isabey ; leur réputation se balançait au point que le public indécis n’a point encore prononcé lequel des deux était supérieur à l’autre ; chez Augustin comme chez Isabey, même correction de dessin, même grâce dans les contours, même fini d’exécution : chez tous deux, l’imitation parfaite des étoffes, de l’or, des pierreries, est portée à un degré si supérieur qu’elle produit une illusion complète.

La miniature sur émail, fort peu cultivée aujourd’hui, en raison des études particulières qu’elle exige pour le choix des couleurs qui doivent être prises dans le règne minéral, et des difficultés qu’elle présente pour en bien diriger la cuite, est un genre de peinture dans lequel Augustin a obtenu des éloges non contestés. On ne connaît guère qu’un peintre de portraits sur émail dont les productions soient avidement recherchées ; c’est Petitot, qui vivait sous Louis XIV.

Les émaux d’Augustin, à leur apparition, ont joui de la même faveur, et la conserveront long-temps. Non seulement le coloris, l’exécution, le fini, en sont aussi parfaits que ceux de Petitot ; mais ils ont le mérite incontestable d’être d’une dimension plus grande, et par conséquent d’avoir multiplié les chances difficultueuses produites par l’action du feu.

Depuis 1796, qu’il exposa son portrait, Augustin n’avait pas cessé d’enrichir les expositions au Salon. Nous ne rapporterons point ici les nombreuses productions de cet artiste ; nous ne citerons qu’une partie de celles dans lesquelles il a développé toutes les ressources de son talent. On a regardé comme particulièrement remarquables les portraits de MM. Lallemant et Chaudet, statuaires ; ceux de M. Denon (émail), de madame Récamier, de la vicomtesse Chaptal, de MM. Nadermann et Frédéric Duvernois ; ceux de Napoléon, de Joséphine, de la reine Hortense, du roi de Hollande, de la reine de Naples, et de plusieurs autres souverains ; ceux de Louis XVIII, des ducs de Berry et de Richelieu, de la duchesse d’Angoulême ; enfin, en 1830, il a exposé au Luxembourg un cadre de miniatures, dans lequel en était une de l’impératrice Joséphine, sur émail.

Augustin a obtenu deux médailles de première classe, une en 1806, l’autre en 1824. En 1819, il a été nommé premier peintre en miniature de la chambre et du cabinet du Roi ; en 1821, membre de la Légion-d’Honneur.

Un grand nombre de nos premiers artistes dans son genre ont été ses élèves.

Il est mort à Paris, le 13 avril 1832.

Son mausolée, d’un style gracieux et élégant, se compose d’un stylobate et d’un socle en pierre, sur lesquels s’élève une borne antique en marbre blanc, couronnée d’une corniche et de volutes qui offrent la forme d’un cénotaphe ; sur la face principale est le buste de ce célèbre artiste, sculpté en creux et entouré de deux branches de laurier gravées.

Sur le frontispice, on lit :

J. B. J. AUGUSTIN.
15 aout 1759.

Au-dessous du buste :

13 avril 1832.
au plus admirable talent il joignit
un caractère aussi digne d’estime
que d’attachement.
Ce monument a été exécuté par la Compagnie générale des Inhumations.

LE BARON DE BEAUJOUR.




Beaujour (Louis-Félix de), pair de France, naquit à Callas, en Provence, le 28 décembre 1765.

Entré fort jeune dans la diplomatie, il fut, pendant plusieurs années, consul-général en Suède et en Grèce. Après le 18 brumaire (9 novembre 1799), il fut appelé au Tribunat et s’y distingua constamment par la sagesse de ses principes.

En 1804, nommé consul-général et chargé d’affaires aux États-Unis, il y composa, dans ses moments de loisir, un excellent ouvrage publié en 1814 sous le modeste titre de : Aperçu des États-Unis au commencement du dix-neuvième siècle, in-8o. Ce livre donne les notions les plus exactes sur ce pays et sur ses habitants.

Rentré dans sa patrie, Beaujour fut nommé, en 1816, consul-général à Smyrne, et, en 1817, inspecteur-général de tous les établissements français dans le Levant.

En 1818, le titre de baron lui fut accordé en récompense de trente années toutes dévouées au bien public.

Il a en outre publié, en 1801 et 1802, deux opuscules politiques in-8o, le Traité de Lunéville et le Traité d’Amiens ; Tableau du commerce de la Grèce, formé d’après une année moyenne, depuis 1787 jusqu’en 1797, Paris, 1800, deux vol. in-8o. Cet ouvrage a été traduit en anglais, ainsi que son Aperçu des États-Unis.

M. de Beaujour s’est occupé, depuis plusieurs années, d’un travail très-important sur la géographie de la partie de l’Asie que ses missions diplomatiques l’ont mis à même de parcourir et d’étudier avec soin.

Il est décédé le 1er juillet 1836 et a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Le monument de M. Beaujour, qui est un des plus élevés du cimetière, offre par sa solidité un grand luxe de construction : sa forme est pyramidale, élevée en cône et couronnée d’une coupole à jour qui est dorée. L’intérieur du monument n’est pas moins remarquable : il est décoré d’une Peinture dont le fond est ponceau ; des filets jaunes d’or figurent des panneaux dans lesquels sont inscrits les différents voyages de M. Beaujour et les diverses missions diplomatiques qu’il a remplies. Vis-à-vis la porte d’entrée est le portrait du défunt peint à fresque.

À l’extérieur du monument, on lit sur la façade principale :

Félix BEAUJOUR
Né à Callas, en Provence, le 28 décembre 1765,
Mort à Paris, le 1er juillet 1836.

Ce monument a été construit sur les dessins et sous la direction de M. Cendrier, architecte.


LE COMTE DE RIBES.
BEAUMARCHAIS.




Ribes (Jean, comte de), naquit à Paris, le 31 août 1750. Son père, qui se nommait également Jean, comte de Ribes, était banquier, et jouissait d’une grande fortune ; il profita des heureuses dispositions de son fils, auquel il avait fait faire d’excellentes études, pour l’introduire dans la carrière financière.

Le jeune de Ribes devint trésorier de la généralité du Roussillon ; mais à l’époque de la révolution de 1789 il passa en Angleterre, où il se livra avec succès à des opérations de banque. Favorisé par la fortune, il y amassa d’immenses capitaux ; mais malgré son état de prospérité, le désir ardent de revoir sa patrie le ramena en France lors de la restauration.

Le comte de Ribes aurait pu jouir à son gré de toutes les prérogatives attachées à son rang et à sa fortune ; mais, aussi simple que modeste, il préféra une paisible retraite à l’éclat du grand monde, et se retira à Auteuil, près Paris, où il vécut pendant les dernières années de sa vie presque dans la solitude.

Il est décédé le 22 mars 1830, âgé de quatre-vingts ans, et a été transporté au cimetière du Père-Lachaise, où il a été inhumé.

Ses héritiers reconnaissans lui ont fait élever un monument d’un style noble, riche et élégant. Il se compose d’un cénotaphe antique, en marbre blanc, élevé sur un soubassement en granit noir. Sur la façade sont sculptées en relief les armes du comte, avec cette seule inscription au-dessous ;

LE COMTE DE RIBES.

Ce monument a été construit par M. Guillard, marbrier, sur le dessin et sous la direction de M. Guenepin, architecte.

Près du tombeau du comte de Ribes, qui ne trouvait de charmes que dans une existence paisible, gît un homme dont la vie entière ne fut qu’un combat, et qui, sous ce rapport et celui de son humble sépulture, offre le contraste le plus frappant.

Par terre, au niveau du sol, est une tombe d’une forme carrée, grossièrement bâtie, recouverte d’une pierre usée, et scellée d’une barre de fer brut. Chacun foule aux pieds ce sépulcre, qui n’a ni entourage ni inscription, et qui renferme néanmoins les restes de celui qui avança quarante millions aux insurgens des États-Unis d’Amérique ; qui, par ses Mémoires pleins d’une mordante ironie, fit crouler le parlement du chancelier Maupeou ; qui fut l’écrivain le plus caustique et le plus spirituel de la fin du dix-huitième siècle, et dont les immortels ouvrages sont journellement couverts d’applaudissemens sur la scène française. Certes, on aura peine à croire que cet asile abandonné est la dernière demeure de l’auteur du Barbier de Séville, du Mariage de Figaro, enfin du célèbre Caron de Beaumarchais !

Nous avons promis d’analyser les plus simples m o nu mens : c’est pour remplir la tâche que nous nous sommes imposée, et pour rendre hommage à la mémoire de ce grand écrivain, que nous allons esquisser quelques traits historiques de sa vie.

Beaumarchais (Pierre-Augustin Caron de) naquit à Paris, le 24 janvier 1732. Son père, qui était horloger, le destinant au même état, voulut qu’il joignît aux études littéraires celles des mathématiques, et particulièrement de la mécanique, dans laquelle le jeune Caron fit de rapides progrès. Il se distingua dans l’horlogerie par l’invention d’un nouvel échappement. Cette découverte, il est vrai, lui fut disputée ; mais l’Académie des Sciences, à l’arbitrage de laquelle le procès fut renvoyé, prononça en faveur de Beaumarchais.

Moins sensible à ce triomphe qu’à la tracasserie qui l’avait provoqué, il renonça à une profession dans laquelle son esprit se trouvait peut-être aussi trop à l’étroit, et se livra à l’étude des arts d’agrément, et particulièrement de la musique, qu’il aimait avec passion. Bientôt il fut connu par des compositions gracieuses qu’il exécutait avec une grande supériorité sur la harpe, dont il avait perfectionné le mécanisme, et devint sur cet instrument le rival des maîtres les plus habiles.

Mesdames Adélaïde, Sophie et Victoire, filles de Louis XV, voulurent recevoir de ses leçons. Non moins amusant par son esprit qu’agréable par ses talens, il leur plut à tel point qu’après l’avoir appelé à leurs concerts elles l’admirent dans leur société intime. Dès lors sa fortune fut certaine. C’était à qui le rechercherait. Paris-Duverney, banquier de la cour, se fit son ami, et l’intéressa dans des entreprises financières. A peine âgé de trente-cinq ans, Beaumarchais était déjà dans l’opulence. Cela ne suffisait pas à son ambition : il lui fallait de la gloire ; il en chercha dans la culture des lettres.

Doué d’une imagination vive et féconde, d’un esprit original et mordant, et de beaucoup de sensibilité, il se sentait appelé à travailler pour le théâtre, et fit représenter en 1767 le drame d’Eugénie. Ce premier ouvrage obtint un grand succès.

Le fond de cette pièce est une aventure arrivée en Espagne à la propre sœur de Beaumarchais, aventure dans laquelle lui-même il avait honorablement figuré. On doit moins s’étonner, d’après cela, de la chaleur et de la vérité avec lesquelles il a retracé des situations où il s’était rencontré, et des sentimens qu’il avait éprouvés : dispensé de l’invention, il n’avait eu besoin que de sa mémoire.

En 1770, Beaumarchais donna un nouveau drame sous ce titre : Les deux Amis, ou le Négociant de Lyon. Celui-ci ne réussit pas : produisant même un effet opposé à celui que se proposait l’auteur, il fit rire le public. L’intérêt de la pièce repose sur l’embarras d’un honnête homme forcé, par un concours de circonstances malheureuses, à suspendre ses paiemens. Les deux Amis se jouaient au Théâtre Français dans la solitude. Beaumarchais, un des jours où on les représentait, étant allé à l’Opéra, fut fort surpris de le trouver désert aussi. « Eh quoi, dit-il à mademoiselle Arnould, vous n’avez pas plus de monde ! — Que voulez-vous ? lui répondit la malicieuse actrice, nous comptions sur vos amis pour nous en envoyer. »

Beaumarchais donna, en 1775, à la Comédie Française le Barbier de Séville. Avez-vous des ennemis ? fuyez la scène : les ennemis de Beaumarchais l’attendaient là. Le Barbier de Séville tomba à la première représentation, comme le dit l’auteur lui-même avec plus de gaîté que d’humilité, et n’en resta pas moins au théâtre, où on le revoit toujours avec un nouveau plaisir. Cette comédie est certainement une des meilleures qu’on ait faites depuis Molière : l’intérêt de l’intrigue s’y renouvelle sans cesse par les embarras renaissans des moyens mêmes imaginés pour sortir d’embarras. L’intérêt du dialogue y est sans cesse entretenu par une abondance intarissable de traits piquans et philosophiques, assaisonnés de la gaîté la plus communicative.

Le Mariage de Figaro, suite du Barbier de Séville, ne parut que neuf ans après la représentation de cet ouvrage. Ce ne fut qu’en 1784 que Beaumarchais parvint à lever les obstacles que l’autorité opposa long-temps à la représentation de cette pièce si hardie, et néanmoins demandée par la cour elle-même, dont elle offrait la satire. Soit par sa construction, soit par ses proportions, cette comédie sort tout-à-fait de la classe commune. C’est l’imbroglio le plus compliqué qui soit à la scène ; mais c’est en même temps la série la plus variée des incidens les plus amusans ou les plus attachans. Les ridicules, les vices mêmes de la société, des grands seigneurs, des magistrats, du gouvernement y sont signalés avec une singulière audace ; tableau vivant des mœurs du grand monde vers la fin du dix-huitième siècle, tableau assez fidèle pour qu’il paraisse aujourd’hui un peu outré.

Le Mariage de Figaro fut joué deux cents fois de suite. Il rapporta beaucoup aux comédiens, et beaucoup aussi aux pauvres mères nourrices, en faveur desquelles Beaumarchais disposa de sa part d’auteur.

Quelques désagrémens se mêlèrent au plaisir que lui causa tant de succès : les critiques, comme de raison, l’assaillirent. Plusieurs se présentèrent à visage découvert ; les autres se masquèrent pour le harceler. Beaumarchais, sans chercher à leur arracher le masque, traitant de la même manière des gens qui faisaient le même métier, blessa des personnages puissans dans une riposte qu’il avait cru n’adresser qu’à des journalistes. La vengeance qu’ils en tirèrent ne fut pas plus généreuse que leur attaque.

En 1787, Beaumarchais donna au théâtre de l’Académie royale de Musique l’opéra de Tarare. Cet ouvrage, aussi bizarrement conçu, obtint néanmoins du succès, mais qui ne s’est pas soutenu comme celui de ses autres ouvrages. En 1792, il donna la Mère coupable. Dans ce drame, qui est le complément des aventures de Figaro et de la famille du comte Almaviva, on prétend que Beaumarchais s’est vengé d’une calomnie en discours par une calomnie en action.

Depuis trois ans la révolution avait éclaté : on l’accusa d’avoir voulu armer le parti contre-révolutionnaire ; il fut enfermé à l’Abbaye. Il y aurait été égorgé le 2 septembre sans la générosité de Manuel, alors procureur de la commune de Paris.

Beaumarchais se réfugia en Angleterre, et échappa ainsi au décret d’accusation qui fut porté contre lui trois mois après sa fuite.

Le 28 juillet 1794, il revint en France, où il passa paisiblement les dernières années de sa vie, auprès de sa fille unique, dans la maison qu’il avait fait bâtir au boulevard Saint-Antoine. C’est dans cette retraite, ouverte à peu de personnes, que Beaumarchais, dégoûté de tout, termina sa longue et laborieuse existence.

Il fut frappé d’une apoplexie foudroyante dans la nuit du 18 au 19 mai 1799, et fut inhumé dans un tombeau que lui-même avait fait faire dans ce qu’il appelait son petit jardin.

Sa maison ayant été démolie, il fut arraché de sa tombe, et transporté au cimetière du Père-Lachaise, où il est délaissé même de sa famille. Avis aux hommes de lettres ! Appel aux comédiens français, auxquels il a légué ses trésors.

BELLINI.




Bellini (Vincenso), compositeur de musique dramatique, naquit à Catane en Sicile, le 3 novembre 1802.

Il entra fort jeune comme élève au Conservatoire de musique de Naples. Après avoir appris à jouer de quelques instruments et avoir étudié les principes du chant, il eut pour maître de contrepoint Tritto, puis, après la mort de celui-ci, Zingarelli. Ce que lui apprirent ces maîtres se réduisit à peu de chose ; car depuis longtemps les études musicales étaient fort mauvaises en Italie, et surtout à Naples. Bellini doit donc être considéré plutôt comme un musicien d’un talent inné qui s’est formé lui-même, que comme l’élève d’une grande école

Ses meilleures études, comme celles de Mercadante, ont consisté dans la lecture de quelques partitions de bons maîtres. Après avoir publié à Naples quelques compositions pour divers instruments et notamment pour le piano, Bellini y fit connaître une cantate intitulée Ismène, quinze ouvertures et symphonies, trois messes et d’autres morceaux de musique religieuse.

Son premier opéra, Adelson et Salvina, fut représenté en 1824 sur le petit théâtre du Collège royal de musique ; deux ans après, il donna au théâtre Saint-Charles Bianca e Gernando. Ces premières productions firent remarquer le talent du jeune compositeur, et naître les plus belles espérances pour l’avenir. Le succès de Bianca e Gernando lui procura un engagement pour le théâtre de la Scala à Milan, avantage qu’obtient rarement un musicien à son début.

La vogue sans exemple qu’avaient obtenue pendant quinze ans les productions du génie de Rossini, l’usage immodéré qu’on en avait fait, commençaient à faire éprouver au public la satiété du style de ce grand maître, malgré les beautés du premier ordre qu’il y avait prodiguées. Soit instinct, soit réflexion, Bellini sentit qu’après tant de choses brillantes, une manière simple, expressive et analogue au caractère de la musique française serait ce qu’on pourrait offrir de plus nouveau à l’oreille d’un auditoire italien ; et ce fut sous l’influence de ces idées qu’il écrivit le Pirata dont la représentation eut lieu en 1827 et qui obtint un succès éclatant. En 1828, la Strarniera fut accueillie avec enthousiasme au grand théâtre de Milan. Dès ce moment Bellini fixa l’attention générale de l’Italie ; I Capuleti ed i Montechi, représentés à Venise, et la Somnanbula, écrite à Milan pour madame Pasta, ajoutèrent à sa réputation. Son opéra de Norma fut ensuite représenté dans la même ville, où il a excité le plus vif enthousiasme, ainsi que Beatrice Tenda qui a suivi Norma.

Bellini avait déjà résolu de porter son talent dans d’autres climats et de fonder en France, sur des bases solides, et sa fortune et sa renommée. Arrivé à Paris en 1833, il étudia d’abord le goût des habitants de cette grande ville, puis, il y écrivit i Puritani pour le Théâtre Italien. Cette pièce, dont la représentation eut lieu en 1834, obtint le plus brillant succès, et l’admiration de toutes les célébrités musicales de la capitale. Cet opéra offre en effet une composition plus complète que les précédents. On y trouve plus de variété, une instrumentation plus élégante, des formes plus développées qui donnaient une idée des progrès que Bellini faisait dans son art, et de la haute réputation à laquelle il atteindrait un jour. Mais les destins en avaient autrement ordonné ; il était écrit que ce jeune compositeur subirait le sort de Délia maria, de Weber, de Mozart, d’Hérold, etc. Atteint d’une maladie grave, il fut forcé de quitter Paris pour aller habiter la campagne, où, à peine âgé de trente ans, une mort prématurée l’a enlevé aux arts et à ses amis. Il est décédé à Puteaux le a octobre 1835, et a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Le monument de Bellini, qui est construit en pierre, se compose d’une tombe recouverte d’une pierre horizontale au chevet de laquelle s’élève sur un soubassement un cénotaphe surmonté d’une lyre et de divers ornements d’un beau travail.

Sur la façade principale est placé, dans un médaillon richement sculpté, le portrait du défunt en bas-relief au-dessous duquel on lit :

BELLINI.

Au-dessus de la tombe est placée une figure ailée sculptée en bosse, représentant le génie de la musique dans l’affliction, pressant sur son cœur une lyre, dont les cordes sont détendues.

Sur les parties latérales on lit :
Côté gauche : Côté droit :
pirata. straniera.
norma. zaïra.
puritani. capuletti.
vienne. naples.
paris. rome.
londres. milan.
Sur la partie postérieure du monument on lit :
vicenzo
bellini
né a catania
en sicile
mort a puteaux
près paris

Ce monument a été exécuté par la Compagnie Générale.

(Nota. Les noms d’opéras et de villes sont gravés en mêmes caractères que l’inscription BELLINI, mais moitié plus petits.)

BOIELDIEU.




Boieldieu (Adrien), membre de l’Institut et de la Légion-d’Honneur, professeur de composition musicale au Conservatoire, naquit à Rouen (Seine-Inférieure), le 15 novembre 1775.

Il apprit la musique, dès l’âge de sept ans, d’un nommé Broche, organiste, qui jouissait d’une haute réputation, et il improvisait deux ans après sur l’orgue de la cathédrale.

Boieldieu se rendit à Paris en 1795, et s’y fit admirer par son talent sur le clavecin. En 1803, il partit pour Saint-Pétersbourg, où sa réputation l’avait précédé. Il y fut très bien accueilli par l’empereur Alexandre, qui le nomma maître de la chapelle de la cour. C’est pour le théâtre de l’Hermitage qu’il a composé dans cette capitale Aline, reine de Golconde ; Abderkan ; les Voitures versées ; la Jeune Femme colère ; les chœurs d’Athalie, et Télémaque, grand opéra en trois actes, qui eut un succès prodigieux à la cour et à la ville, et que l’on assure être le meilleur ouvrage de cet auteur. En 1811, il revint à Paris avec un congé de la cour de Russie ; mais les événemens politiques ne lui permettant pas de retourner remplir ses engagemens, il se fixa en France, et consacra ses talens au théâtre Feydeau.

Des chants naturels et faciles, une imagination féconde, une harmonie brillante, beaucoup de gaîté jointe au talent de peindre, voilà les principaux caractères qui le distinguaient.

Les ouvrages de Boieldieu représentés à l’Opéra-Comique sont, en 1797, la Famille suisse ; en 1798, les Méprises espagnoles, Zoraïme et Zulnar, Montbreuil et Merville, la Dot de Suzette ; en 1800, Béniouski, le Calife de Bagdad, Ma Tante Aurore ; en 1812, les Deux Paravens, Rien de Trop ; en 1812, la Femme colère, Jean de Paris ; en 1813, le Nouveau Seigneur de village ; en 1816, la Fête du Village voisin ; au mois de juin de la même année, il fut nommé membre du jury chargé d’examiner la composition musicale des ouvrages destinés à l’Opéra. Ses trois dernières productions sont Charles de France, les Deux Nuits et la Dame blanche, lesquelles ont obtenu un aussi brillant succès que les premières.

Depuis long-temps déjà la santé déclinante de Boieldieu ne lui permettait plus que rarement le travail. Il a succombé à une phthisie pulmonaire. Il est décédé à Jarcy (Seine et Oise), le 8 octobre 1834, et a été transporté au cimetière du Père Lachaise, où il a été inhumé.

Nous croyons devoir citer un fragment d’une notice nécrologique, publiée à l’époque de son décès dans le Journal des artistes.

« La carrière musicale et les succès de Boieldieu étaient bien connus ; les détails de sa vie privée Tétaient moins, et cependant méritaient bien de l’être. Pour nous, ce qui nous a frappé le plus, c’est de voir l’auteur du Calife et de Beniouski, professeur de piano au Conservatoire, se faire l’élève de l’auteur de Lodoïska et des Deux Journées, de Chérubini, professeur de composition à la même école. A cela seul, on connaîtrait l’homme de génie. Ce qui nous a ensuite le plus touché, c’est de voir Boieldieu décoré de la croix d’honneur, si triste, si humilié de ce que Catel, membre de l’Institut avant lui, ne l’avait pas ; et de le voir si joyeux le jour où son savant confrère obtint cette récompense. Voilà le plus bel éloge de son cœur et de son caractère. »

Le monument de Boieldieu, construit presque totalement en pierre, est à la fois d’un style noble et élégant : il se compose d’un soubassement et d’un stylobate orné d’une corniche, sur lequel est élevé un cénotaphe quadrangulaire, flanqué aux parties latérales de trois colonnes cannelées d’ordre composite qui supportent un entablement, avec fronton sur la façade et à l’extrémité opposée. Dans les entre-colonnes sont placés des panneaux de marbre blanc destinés à recevoir des inscriptions. Sur la face principale sont sculptés en relief une lyre couchée, et au-dessus le buste du célèbre compositeur, surmonté d’une étoile et entouré de deux branches de laurier. Dans le tympan du fronton, au-dessus, est la figure de Minerve, en relief, dans un médaillon.

Sur le stylobate, on lit cette inscription :

ADRIEN BOIELDIEU,
membre de l’institut,
né le 15 novembre 1775 ; mort le 8 octobre 1834.

SÉPULTURE
DE LA FAMILLE BOODE.




Cette famille, originaire de la Hollande, a pour chef actuel M. Édouard-Gustave Boode, né à Amsterdam, vers l’an 1790.

Fils d’un propriétaire de vastes plantations à Démérara, colonie hollandaise dans la Guiane, il devint, par la succession de son père et son mariage avec la fille d’un riche planteur de la même contrée, possesseur d’une grande fortune. Il forma dès-lors le projet de quitter le sol brûlant de l’Amérique méridionale pour venir fixer sa résidence en Europe. M. Boode, qui chérissait la France, lui donna la préférence ; il s’embarqua avec sa famille sous les plus heureux auspices ; le fougueux élément, qui semblait protéger ces intéressans voyageurs, resta calme ; ils arrivèrent à Paris en 1816, sans avoir éprouvé aucun de ces dangereux écueils inséparables d’une longue traversée.

A peine reposé des fatigues de ce voyage, M. Boode s’occupa de son établissement : il employa une partie de ses capitaux à l’acquisition d’une charmante propriété située sur les bords rians de la Seine, près de Corbeil. Ce fut dans ce lieu enchanté, où la nature déploie majestueusement toutes ses richesses, qu’il établit son domicile habituel. Jusqu’alors le destin avait constamment favorisé ses desseins : il goûtait, au milieu de sa famille et de ses amis, ce vrai bonheur, ces jouissances pures qui font le charme de la vie privée, lorsqu’une mort prématurée lui enleva, dans un court espace, une fille de quatre ans et un fils de cinq.

M. Boode fut inconsolable de la perte de ces deux aimables enfans. Dans sa profonde douleur, il érigea un vaste monument consacré à la sépulture de sa famille, où toutes les ressources de l’art furent prodiguées à grands frais, et dans lequel la dépouille mortelle des deux jeunes rejetons fut immédiatement inhumée. Heureux le père à qui ses facultés permettent d’embellir la dernière demeure des enfans que le trépas lui a ravis ! Ces tristes soins allègent en quelque sorte les chagrins domestiques dont l’opulence n’a pu l’exempter ; il considère le berceau qu’il leur a fait élever comme le tombeau d’une existence nouvelle, de cette vie réelle qui fait naître, dans une âme vivement affligée, l’espoir consolant d’être un jour réuni aux objets de ses plus chères affections

Un ami de la famille, M. Albert Montemont, homme de lettres distingué, auteur de divers ouvrages, notamment d’une Bibliothèque des voyages et d’une traduction nouvelle de Walter Scott, a composé, à l’occasion de la perte douloureuse de ces deux enfans, deux touchantes élégies, dont nous regrettons de ne pouvoir citer que des fragmens.

Sur la jeune fille, nommée Évelina. Sur le jeune fils, nommé Alfred.
Elle n’est plus, le Ciel nous l’a ravie ! Tendre fils, de ta mère espérance chérie,
Nous la pleurons ; mais regrets superflus ! A peine avait brillé l’aurore de tes jours ;
Elle a quitté le doux champ de la vie : Et déjà nous voyons ta paupière flétrie
Elle n’est plus ! Se fermer pour toujours !
Comme s’élève une jeune pensée, Ton cœur des doux plaisirs n’a point connu les charmes
Naissait la fleur de ses traits ingénus ; En essayant la vie, il te fallut souffrir ;
Comme un sourire elle s’est éclipsée : Tu ne vécus, hélas ! que pour verser des larmes,
Elle n’est plus ! Et te plaindre, et mourir !
Quatre printemps composaient tout son âge ; Cher enfant, moissonné si près de ta naissance,
Son sein couvait le germe des vertus ; Va, ne regrette point la lumière du jour ;
De l’innocence il reflétait l’image : Quel bien peut égaler la paix de l’innocence
Elle n’est plus ! Au céleste séjour ?
Son âme, au sein de la gloire céleste, Le sourire est trompeur, la gaîté passagère,
Goûte à longs traits le bonheur des élus ; L’amitié peu fidèle, et l’amour un tourment :
D’Évelina le seul tombeau nous reste : Le bonheur des humains, comme une ombre légère,
Elle n’est plus ! S’éclipse en un moment.
La sépulture de la famille Boode, dont la forme est circulaire, a été érigée en 1821. Deux architectes distingués, MM. Ferret et Santy, ont réuni leurs talens pour l’exécution de ce monument (l’un des plus remarquables du Père-Lachaise) ; c’est ce dernier qui en a dirigé la construction, laquelle a été confiée à M. Schwind. Les ornemens, qui sont incrustés à l’instar des mosaïques, sont de M. Plantar.

Mlle BOURGOIN.




Mlle Bourgoin (Thérèse) débuta sur la scène française le 28 novembre 1801, dans le rôle de Mélanie, drame de Laharpe.

Élève de Mlle Dumesnil, cette jolie actrice eut le début le plus brillant. Redemandée par le public à la fin du spectacle, elle fut accueillie avec le plus vif enthousiasme, et reçue sociétaire sans être mise à l’essai ; ce qui, depuis nombre d’années, était sans exemple.

Elle avait à la scène de la sensibilité, de la décence, et l’organe le plus doux. À cette époque, on lui appliqua ces deux vers de Racine dans Phèdre :

Quelles sauvages mœurs, quelle haine endurcie
Pourrait en vous voyant n’être point adoucie ?

Mlle Bourgoin fit suivre ce premier début de plusieurs autres également favorables : elle joua le rôle de Chimène du Cid d’une manière admirable : sa figure charmante et mille qualités précieuses, dont plusieurs étaient dues à sa jeunesse, confirmèrent les espérances qu’elle avait fait naître.

Dans Iphigénie en Aulide, elle avait une ingénuité si séduisante, un débit si sage, que le public, enchanté toutes les fois qu’elle paraissait dans ce rôle, lui prouvait son ravissement par des applaudissemens réitérés.

Néanmoins Mlle Bourgoin, qui avait été si favorablement accueillie dans la tragédie, possédait beaucoup plus d’élémens de succès pour paraître dans la comédie ; son regard charmant, sa gaîté naïve, son aimable sourire, qui étaient des défauts chez l’austère Melpomène, étaient des qualités essentielles dans le domaine de Thalie ; ceux qui s’intéressaient a sa prospérité lui conseillèrent de débuter sur la scène comique qui la réclamait, et qui exigeait précisément les avantages précieux dont elle était douée.

Elle parut dans la comédie, le 18 mars 1806, dans Isabelle de l’École des Maris, et le génie de Molière ne fut pas moins favorable à son nouveau début, que ne l’avait été précédemment celui de Racine ; par ses dispositions naturelles et son excellente tenue, elle obtint des suffrages d’autant plus unanimes, que l’Aristarque du feuilleton, le caustique Geoffroi, qui ne louait que ses rivales, fut forcé cette fois de lui prodiguer des éloges mérités.

Mlle Bourgoin poursuivit le cours de ses succès en remplissant successivement tous les rôles de son emploi dans le répertoire de Molière et dans la comédie moderne. Nous nous dispenserons de citer ceux dans lesquels elle a excellé, et qui lui ont acquis une réputation méritée dans la carrière théâtrale. Les amateurs de la bonne comédie qui ont su apprécier ses talens, ont bien sincèrement regretté qu’une retraite prématurée l’ait enlevée à la scène française.

Elle est décédée le 11 août 1833, et a été inhumée au cimetière du Père Lachaise.

Son mausolée se compose d’un sarcophage couvert d’une pierre horizontale, ornée de volutes et de pavots sculptés, sur lequel s’élève un arc surmonté d’un entablement supporté par des pilastres. Au milieu du portique est placé, sur un double socle, un vase antique en marbre blanc ayant appartenu à Mlle Bourgoin, lequel est orné de sculpture d’une rare perfection. Ce monument, qui est sans inscription, mais sur lequel on a le projet de faire graver seulement le nom de


THÉRÈSE BOURGOIN,


a été exécuté en pierre par M. Levasseur, marbrier.


BRONGNIARD.




Brongniard (Alexandre-Théodore), architecte distingué, membre de l’Académie royale d’Architecture, inspecteur du Garde-Meuble de la Couronne et de la Manufacture de porcelaine de Sèvres, naquit à Paris, le 15 février 1789.

Son père, qui exerçait la profession de pharmacien, le destinant à celle de médecin, lui fit faire des études analogues ; mais une passion innée pour les beaux-arts engagea bientôt le jeune Brongniard à renoncer à cette carrière, pour se livrer exclusivement à l’architecture.

Élève de l’architecte Boullée, il se montra digne de son maître, et, vers 1773, il commença à construire les édifices qui lui ont assigné dans son art le rang éminent qu’il y occupe. Après avoir bâti de somptueux palais et de magnifiques hôtels, il fut le premier en réputation pour dessiner les jardins d’une manière pittoresque et naturelle, si différens des anciens parterres français.

Il se distingua dans l’art de composer les ornemens d’architecture et d’objets mobiliers ; il donna un grand nombre de dessins de meubles élégans et commodes au Garde-Meuble de la Couronne, auquel il était attaché en qualité d’inspecteur ; il composa également, pour la Manufacture de porcelaine de Sèvres, de nouvelles formes de vases et de décorations qui contribuèrent puissamment à épurer l’ancien style ; mais ce qui a mis le sceau à la réputation de Brongniard, c’est la construction du palais de la Bourse.

Ce superbe monument, digne de l’architecture des Grecs, réunit la solidité, l’élégance et la commodité des distributions. C’est le 24 mars 1808 que ce célèbre architecte posa la première pierre de ce bel édifice, dont il n’a pu malheureusement diriger les travaux que pendant cinq années, étant décédé le 7 juin 1813, à l’âge de soixante-quinze ans.

La direction des travaux publics, l’administration même du département et un grand nombre d’artistes s’empressèrent d’honorer sa mémoire ; les nombreux ouvriers qui travaillaient aux constructions du palais de la Bourse avaient demandé avec instance que le cortège traversât le monument : dès que le corps fut introduit, ils quittèrent leurs travaux, se rangèrent autour du char, la tête découverte, et saluèrent dans le silence de la douleur les restes inanimés d’un homme qui n’eut pas seulement du génie, c’était le dernier hommage des fils adoptifs d’un bon père.

Le char funèbre s’achemina ensuite vers le cimetière du Père-Lachaise, dans lequel la trace de l’admirable talent et du goût exquis de Brongniard avait précédé sa dépouille mortelle. Chargé originairement de la distribution et de l’embellissement de cette vaste enceinte, qui était alors dans un état de confusion et de désordre, il débrouilla habilement ce chaos, traça des allées, même des routes, qu’il borda de divers arbres dont on admire la variété ; il combla les anfractuosités du terrain, et conserva scrupuleusement les bosquets et les bocages où les monumens devaient trouver de religieux abris ; enfin, il distribua le cimetière par divisions distinctes, afin d’établir un ordre de circonscription. Mais il ne vécut pas assez pour jouir du succès de ses utiles travaux : cette belle allée qui précède le bosquet du poète Delille, sous l’ombrage de laquelle Brongniard aimait à se reposer, devait bientôt être pour lui l’asile d’un repos éternel ; c’est là qu’un simple monument en pierre, de forme quadrangulaire, lui a été élevé. On ne se douterait jamais que les restes du savant architecte de la Bourse sont déposés dans ce lieu, si l’image de ce bel édifice, qui est son plus beau titre de gloire, n’était sculptée sur la façade de son modeste tombeau.

Le monument de Brongniard a été construit sur le dessin et sous la direction de M. Lebas, architecte.

CAMBACERÈS.




Cambacérès (Jean-Jacques-Régis), duc de Parme et archichancelier sous l’empire, grand’croix de la Légion-d’Honneur et de presque tous les ordres de l’Europe, naquit à Montpellier, le 18 octobre 1753. Issu d’une ancienne famille de robe et destiné à entrer dans un des parlemens du royaume, le jeune Cambacérès s’occupait constamment de l’étude des lois, y fît des progrès rapides, et acquit des connaissances qui lui méritèrent une réputation précoce. Bientôt ses talens dans le barreau lui firent obtenir une charge de conseiller à la Cour des Comptes de Montpellier, où il devint rapporteur de cette cour souveraine dans des affaires importantes.

Nommé électeur de la noblesse lors de l’assemblée des états-généraux, il fut choisi par ses collègues pour être le rédacteur de leurs séances. Il devint ensuite suppléant à l’Assemblée constituante, et parut comme député de l’Hérault à la Convention nationale, en septembre 1792.

En janvier 1793, lors du procès de Louis XVI, il contesta à la Convention le droit de le juger, et vota pour l’appel au peuple. Dans les mois d’août et d’octobre de la même année, il présenta son premier projet de Code civil. Douze jours après la mort de Robespierre, lors de la réorganisation des comités, il insista pour qu’ils n’eussent plus le droit d’attenter à la liberté des représentans.

Il entra au conseil des Cinq-Cents comme faisant partie de deux tiers de conventionnels, le 22 octobre 1796, il y fut élu président, et peu de temps après il fut promu au ministère de la justice. Il prit une grande part à la révolution du 18 brumaire (9 novembre 1799), et Bonaparte, qui connaissait ses talens et son caractère, l’éleva à la dignité de second consul au mois de décembre suivant.

Dans cette place, Cambacérès fut constamment occupé d’organiser les pouvoirs judiciaires, et après l’avènement de Napoléon au trône impérial, il fut nommé archichancelier de l’empire, puis grand’croix de la Légion-d’Honneur le 1er février 1805.

Depuis cette époque Cambacérès ne parut plus occupé que de servir Napoléon avec le plus entier dévouement. Il fut initié dans les principaux secrets de sa poétique, l’empereur lui abandonna surtout avec une extrême confiance toutes les affaires des tribunaux ; il fut même chargé plusieurs fois de tous les pouvoirs en l’absence de Napoléon, ce qui est fort remarquable de la part d’un homme aussi ombrageux et aussi jaloux de son autorité ; cependant, souvent Cambacérès ne lui déguisait point la vérité, et s’efforça de le préserver de fausses démarches ; il se prononça contre l’affaire du duc d’Enghien, contre la campagne de Russie et contre la continuation de la guerre après le désastre de Dresde.

Lors de l’abdication de Napoléon, Cambacérès, possesseur d’une grande fortune, se disposait à jouir des charmes du repos, lorsque le retour imprévu de Bonaparte l’obligea à reprendre ses fonctions. Dans cette circonstance sa conduite personnelle fut sage et modérée comme son caractère. Après les Cent jours il rentra dans la vie privée, vendit une partie de ses biens et envoya à la cour de Vienne un acte dans toutes les formes, par lequel il renonçait à son titre de duc de Parme.

Au mois de février 1816, il fut exilé à Bruxelles ; mais comme il fut reconnu qu’il avait été injustement compris dans une mesure générale, il revint à Paris, où il vécut d’une manière fort retirée. Dans ses derniers momens la religion et la bienfaisance devinrent sa consolation : il fit aux pauvres d’abondantes aumônes, légua la majeure partie de ses biens à ses neveux, et à la postérité la réputation d’un homme d’esprit et d’un célèbre jurisconsulte.

Il est décédé le 8 mars 1824, et a été inhumé au cimetière du Père Lachaise.

Le monument élevé à Cambacérès offre plutôt l’aspect d’une chapelle que d’un tombeau. Quatre pilastres, aux angles, supportent une corniche dorique et servent de base à un autel de forme antique construit en marbre blanc. Sur la face principale de cet autel sont les armes du défunt ; dans les parties latérales, des couronnes de laurier, et aux angles des flambeaux renversés.

Au-dessus de la porte, qui est en fer fondu de couleur bronze, on lit pour toute inscription :

CAMBACÉRÈS.
Ce monument a été construit sur les dessins de M. Marcel, architecte ; la sculpture des ornemens est de M. Plantar.

CAMILLE JORDAN.




Jordan (Camille), conseiller d’État, chevalier de la Légion d’Honneur, naquit à Lyon, le 11 janvier 1771. Sa famille tenait un rang honorable dans le commerce. Après avoir terminé ses études, il entra au séminaire de Saint-Irénée, à Lyon, pour y suivre, comme laïque, les cours de philosophie et de physique ; il s’était lié au collège avec MM. de Gérando, Augustin et Scipion Perrier. Ce fut à la tenue des États du Dauphiné, au château de Vizille, appartenant à son oncle, M. Claude Perrier, que Camille Jordan connut Mounier, depuis l’un des membres les plus distingués de l’Assemblée constituante, et qui devint son ami.

Lorsque Lyon s’insurgea en 1793, Camille Jordan prit parti contre les ennemis de l’anarchie ; orateur aussi éloquent que soldat courageux, il servit sa ville natale de sa plume et de son épée, et fixa de la manière la plus honorable l’estime et les suffrages de ses concitoyens.

Sur la fin du siège, et quand tout espoir de succès fut perdu, accompagné de sa mère, il se retira en Suisse, puis à Londres ; c’est là qu’il se lia avec MM. Malouet, Lally-Tolendal, et avec plusieurs membres distingués du Parlement d’Angleterre, tels que les lords Erskine, Fox, Holland, etc. Il rentra en France après la chute de Robespierre.

En 1797, le département du Rhône le nomma au Conseil des Cinq-Cents ; depuis cette époque jusqu’au 18 fructidor, il ne fut guère connu que par un rapport qu’il fit sur la police des cultes.

Au 18 fructidor, il échappa à la déportation, se retira en Suisse, de là en Souabe, et se fixa à Weimar jusqu’après le 18 brumaire, qu’il revint à Paris ; il se tint éloigné des affaires publiques, et préféra son indépendance à des places importantes qui lui furent offertes.

Lors du consulat à vie, on publia de lui un écrit intitulé : Vrai sens du vote national dans le consulat à vie. Cet ouvrage, que la police fit saisir, lui aliéna les partisans de la monarchie, qui, d’après sa conduite, l’avaient toujours compté dans leurs rangs. Il résista, dit-on, à toutes les séductions du pouvoir, et vécut en simple citoyen dans ses foyers tant que dura l’empire.

En 1814, nommé membre du conseil municipal de Lyon, il fut député, avec deux de ses collègues, près l’empereur d’Autriche pour réclamer contre l’énormité des réquisitions dont la ville était frappée ; elle obtint du soulagement.

Le 8 avril, Lyon ayant fait sa soumission au Roi, Camille Jordan fut de la députation qu’elle envoya porter son vœu à Louis XVIII ; il reçut le 8 août des lettres de noblesse.

Lorsque M. le comte d’Artois passa à Lyon, il décora de sa main Camille Jordan de la croix de la Légion d’Honneur : et c’est ainsi qu’il sortit malgré lui de l’obscurité où il avait voulu s’ensevelir, et à laquelle il s’était condamné pendant les cent jours en ne prenant aucune part aux affaires publiques.

En 1816, nommé président du collège électoral du département de l’Ain, il fut élu à la Chambre des Députés ; vota constamment avec la majorité, prêta l’appui de son talent à la défense de la loi des élections, rendue en 1817 : il fut nommé conseiller d’État, et fut appelé, depuis, plus d’une fois au conseil des ministres.

Camille Jordan était sincèrement attaché au gouvernement constitué par la Charte ; il s’éleva contre le défaut de publicité et de concurrence des emprunts que faisait le ministre des finances, et plus fortement encore contre les fonds secrets accordés à la police, dont aucun compte ne justifiait l’emploi.

En 1820, l’opposition, quoiqu’en minorité, le portait à la présidence ; mais la Chambre n’eût pas joui long-temps de son talent et de son énergie. Il était affecté depuis plusieurs années d’un squirrhe intestinal, et les fréquentes pertes de sang qu’il éprouvait ne pouvaient qu’abréger ses jours. Le 19 mai 1821, il avait déjà dicté plusieurs pages d’un discours quand tout à coup il s’éteignit.

Son corps fut porté à Saint-Thomas-d’Aquin y et ensuite conduit au cimetière du Père Lachaise, où il a été inhumé.

Le monument élevé à sa mémoire est composé d’un stylobate, sur lequel sont élevés des pilastres qui soutiennent un entablement, avec fronton ; au milieu est placé, sur un piédestal, le buste en marbre de cet homme célèbre. Au-dessous est gravée cette inscription :

a la mémoire
DE CAMILLE JORDAN.

MME CAPITAINE.




Capitaine (Thérèse-Elisabeth Brachet, épouse de M.).

Cette dame, qui possédait toutes les perfections, était un de ces prodiges dont la nature est avare, dont les vertus sociales forcent à l’admiration, et qui sont ici-bas l’image d’une créature céleste.

Idole de son époux, elle fit les délices d’une union qu’elle rendait fortunée, et le seul chagrin qu’elle lui a causé a été celui de sa mort.

Si une jeune et intéressante fiancée désirait avoir un guide sûr pour se conduire dignement dans le nouvel engagement qu’elle doit contracter ; si elle cherchait le modèle des épouses, et des vertus qui charment et honorent la carrière de la vie, c’est dans les inscriptions gravées sur le mausolée de madame Capitaine qu’elle trouverait de nobles exemples à imiter et d’utiles leçons à puiser.

Nous ne pouvons mieux faire connaître les éminentes qualités de cette dame qu’en citant ces diverses inscriptions.

Sur le fût d’une grande colonne en marbre blanc, surmontée d’une urne cinéraire, on lit cette épitaphe :

A LA MÉMOIRE
de madame
CAPITAINE,
NÉE BRACHET
(thérèse-élisabeth),
décédée
le 17 9bre 1827 ;
par son mari
et ses enfans

Sur le stylobate, on lit :

toutes les qualités
qui naissent d’un bon cœur,
un esprit juste
et plein d’agrémens,
voila ce qu’elle possédait ;
des exemples de vertus
et de résignation,
des regrets déchirans
et éternels,
voila ce qu’elle nous a laissé.

La colonne est précédée d’un mausolée remarquable par sa légèreté, sa délicatesse, la richesse de sa sculpture et son exécution soignée. Il est construit en marbre blanc statuaire, et se compose d’un stylobate, sur lequel s’élèvent quatre pilastres cannelés qui soutiennent un entablement. Au centre est un cippe quadrangulaire qui, avec les pilastres, supporte le frontispice du monument.

Au-dessus de l’entablement s’élève un socle surmonté d’un vase funéraire, orné de draperies frangées. Aux quatre faces du socle sont placés des écussons, entourés de guirlandes de fleurs et de laurier, représentant des sujets allégoriques.

Sur celui qui est placé sur la face principale est une rose séparée de sa tige et une chouette au-dessous, avec ces mots gravés :

17 novembre 1827.

Sur celui de la face opposée est le chiffre de la défunte, au bas duquel on lit :

en elle on vit uni l’utile a l’agreable.

Sur celui de la face latérale, à gauche, sont sculptés une cassolette, et au-dessus un bouquet de roses et de fleurs d’oranger, avec ces mots :

8 septembre, 15 octobre.

Sur celui de la face latérale, à gauche, sont un B et un C, enlacés dans des couronnes de pensées, avec cec mots :

la pensée
les unit encore

Sur la face principale du cippe, on lit cette inscription :

a madame CAPITAINE,
née brachet
(thérèse élisabeth),
a ma femme,
a mon amie,
a l ange que le ciel
m’avait envoyé…
hommage de vénération,
de respect et de tendresse.




Ce monument a été composé et exécuté
pour elle par son mari, capitaine du génie en retraite.


Nous regrettons que les bornes de cette Notice ne nous permettent pas d’insérer deux élégies pleines de sentiment, qui sont gravées sur les parties latérales du monument.



CASIMIR PÉRIER.




Périer (Casimir), membre de la Chambre des Députés et de la Légion-d’Honneur, l’un des régens de la Banque de France, ministre de l’intérieur et président du conseil des ministres sous le règne de Louis-Philippe Ier, naquit à Grenoble (Isère), le 12 octobre 1777. Il fit ses études à Lyon au collège de l’Oratoire, et son éducation s’achevait à peine qu’il fut entraîné dans les camps par les guerres de la révolution. En 1799 et 1800, il servit en Italie en qualité d’officier d’état-major, dans le génie militaire. Deux ans plus tard, les victoires du Premier Consul ayant ramené le calme et la sécurité en France, Casimir Périer quitta le métier des armes pour se livrer aux spéculations financières. Il apporta dans cette nouvelle carrière une grande habileté. En 1817, les électeurs parisiens l’envoyèrent siéger à la Chambre des Députés ; il y prit place dans les rangs de l’opposition, dont il devint bientôt un des champions les plus zélés et les plus énergiques ; depuis 1817 jusqu’à 1832, il a été élu sept fois à la députation, et n’a jamais dévié de ses principes ni de sa conviction. Nommé, le 13 mars 1831, au ministère de l’intérieur et président du conseil des ministres, la vie de Casimir Périer fut celle d’un véritable homme d’état. Défenseur ardent de la liberté tant que le pouvoir était oppresseur, il est devenu l’appui du pouvoir quand on voulut rendre la liberté turbulente. Casimir Périer a succombé, le 16 mai 1832, à la maladie qui depuis six semaines privait le conseil de ses lumières. MM. le duc de Choiseul, Bérenger, Royer-Collard, Bignon, Dupin aîné, François Delessert et Davilliers, ont prononcé sur sa tombe des discours dans lesquels ils se sont noblement rendus les interprètes des sentimens publics.

Le monument érigé à Casimir Périer, dont le terrain a été donné à perpétuité par la ville de Paris, est un des mieux situés du cimetière du Père-Lachaise. Il occupe le centre de cette belle partie nommée le Rond-Point.

Ce monument, construit en pierre, d’un style grandiose et d’une savante conception, est de forme quadrangulaire ; il se compose d’un double soubassement, dont le plus élevé est orné de guirlandes, et du chiffre du défunt, placé dans des médaillons sculptés en creux. Au-dessus s’élève un cénotaphe, où sont placés à chaque angle un triple rang de pilastres, entre lesquels sont sculptées des bannières surmontées du coq gaulois, et ornées de couronnes enlacées. Au milieu de la façade et des deux parties latérales, sont des figures allégoriques placées dans un encadrement : celle de la façade représente l’Éloquence, celle de la partie de droite la Justice, et celle de la gauche la Fermeté. Ce monument est surmonté de la statue du grand législateur dans une attitude oratoire. Sur la frise au-dessous, on lit cette inscription en caractères romains :


Sept fois élu député, président du Conseil des ministres, sous le règne de Philippe Ier,
Il défendit avec éloquence et courage l’ordre et la liberté dans l’intérieur, la paix et la
dignité nationale à l’extérieur.


Au milieu du second soubassement, on lit, sur la façade :


la ville de paris,
pour consacrer la mémoire
d’un deuil général,
a donné a perpétuité la terre
ou repose un grand citoyen.


Sur la partie postérieure du monument, on lit l’inscription suivante :


la reconnaissance publique
a érigé ce monument,
sous la direction
d’achille leclerc, architecte,
de cortot, statuaire,
et par les soins des commissaires
aubé, président du tribunal de commerce ;
benoist, commandant de la garde nationale ;
le marquis de chateaugiron, dû conseil général ;
le duc de choiseul, pair de france ;
cottier, régent de la banque ;
delessert, député ;
ph. dupin, député, batonnier de l’ordre des avocats ;
de keratri, député ;
le comte lobau, maréchal de france ;
odier, député ;
le baron séguier, premier président ;
le comte ph. de ségur, pair de france.
m dccc xxxvii.

CHAPPE.




Chappe (Claude), inventeur du télégraphe, naquit à Brûlon (Sarthe) en 1763. Il décela dès ses jeunes années un génie inventif qui se développait jusque dans ses amusemens. Cultivant avec ardeur les hautes sciences, il était à peine âgé de vingt ans, et le Journal de Physique avait déjà fait connaître plusieurs Mémoires de lui du plus haut intérêt.

Ces dispositions précoces, jointes au mérite réel de ses ouvrages, lui méritèrent l’honneur d’être admis dans la Société Philomatique, qui comptait alors parmi ses membres des savans du premier ordre.

En 1791, Chappe conçut l’idée de communiquer par des signaux avec des amis dont il n’était séparé que par quelques lieues. Cet essai ayant réussi beaucoup mieux qu’il ne l’espérait, il se persuada qu’on pourrait se transmettre des phrases entières, et adoptant cette pensée, il travailla sans relâche à porter son invention au point de perfection où on la voit aujourd’hui.

Ce fut en 1792 qu’il fit hommage à l’Assemblée législative de son procédé, en lui présentant une machine dont les formes, destinées à tracer les signaux, se dessinent dans l’air avec la plus grande netteté ; dont les mouvemens sont simples et d’une exécution facile ; qui peut être transportée sans inconvéniens ; qui peut, étant en place, résister même aux tempêtes les plus fortes ; qui communique avec rapidité et à de grandes distances des signes, dont l’application est si exactement analogue aux idées, qu’il n’est besoin que d’un seul signe pour en transmettre une.

Malgré l’utilité de cette découverte, la première ligne télégraphique ne fut établie qu’en 1793 ; et le premier signe de son existence fut la nouvelle d’une victoire. La Convention entrait à peine en séance, qu’elle reçut l’annonce de la prise de Condé : elle décréta sur-le-champ que cette ville s’appellerait désormais Nord-Libre ; le télégraphe avait transmis ce décret et la connaissance qu’en avait l’armée, que la séance de l’assemblée n’était pas finie.

Il est facile de concevoir quelle impression fit sur les esprits la célérité d’une telle correspondance, et combien promptement son utilité fut appréciée.

Les journaux la proclamèrent avec tous les éloges qu’elle méritait, et quelques uns même parurent s’étonner qu’une découverte si importante n’eût pas été faite plus tôt.

Cette réflexion ne fut pas perdue pour l’envie, qui s’attache à tout ce qui porte le cachet du talent. Des bruits circulèrent d’abord sourdement que Chappe n’avait fait que perfectionner une invention déjà connue ; ensuite on prétendit qu’il avait profité des idées d’un prince anglais qui avait donné plus d’étendue aux signaux marins ; qu’Énée, le tacticien, avait fait connaître plusieurs essais pour signaler les lettres de l’alphabet à plusieurs stations ; enfin, qu’Amontous, sur la fin du dix-huitième siècle, pouvait être placé, en raison d’une machine dont il était l’auteur, parmi les inventeurs du télégraphe.

Chappe réfuta victorieusement toutes ces faussetés. Il démontra que,

1o. Son télégraphe n’étant point destiné à la marine, il n’avait pu travailler sur les idées du prince anglais.

2o. Qu’une nuit suffisait à peine pour composer avec les lettres d’Énée deux ou trois mots.

Enfin, qu’Amontous n’ayant laissé ni description, ni dessins de sa machine, on ne pouvait l’accuser de plagiat ; et qu’il avait réellement trouvé le moyen de transmettre à quelque distance que ce fût, et avec rapidité, dans tous les lieux, toute espèce d’idée.

C’est aussi le jugement qu’en porta la classe des sciences physiques de l’Institut, en 1810, dans son rapport à l’Empereur sur les prix décennaux ; rapport dans lequel elle s’exprima ainsi : « Invention qui est très remarquable, comme ayant donné naissance à une langue nouvelle, simple et exacte, qui rend l’expression d’un mot et d’une phrase par un seul signe. »

La susceptibilité de Chappe fut vivement affectée des efforts qu’on faisait pour lui disputer le mérite de l’invention ; il tomba dans une mélancolie profonde, et mourut subitement le 23 janvier 1805.


Le simple et modeste monument élevé sur la tombe de Chappe, représente un rocher sinueux en granit de Volvic, surmonté d’un télégraphe. Quatre bornes, auxquelles sont adaptées de grosses chaînes de fer, forment l’entourage : au sommet du rocher est gravé le nom de cet illustre physicien. Ce monument a été exécuté par M. Bauche.


COUTEAUX.




Couteaux (Alexandre-Adrien), capitaine du génie, naquit à Paris, en 1802.

Élevé à l’École polytechnique, féconde pépinière de jeunes guerriers, il débuta dans la carrière des armes au siège mémorable de la citadelle d’Anvers.

Plein de bravoure et d’intrépidité, il affrontait courageusement les dangers les plus imminens, et se couvrit de gloire à l’assaut des nombreuses fortifications de cette place, dont la conquête est un des plus beaux faits d’armes de la valeur française.

Mais malheureusement, après plusieurs actions éclatantes, les funèbres cyprès vinrent se mêler aux lauriers de la victoire : un dernier boulet, lancé par un ennemi désespéré, vint frapper le jeune Couteaux, à peine âgé de trente ans, et terminer prématurément une carrière déjà si glorieuse. Si le sort des armes eût respecté cet officier, on peut juger à quel degré d’illustration il serait parvenu.

Doué d’un esprit agréable, d’une extrême douceur et d’une modestie rare, il possédait au plus haut degré l’estime de ses chefs et l’affection de ses compagnons d’armes ; sa mort, qui fut un véritable jour de deuil, priva le corps du génie d’un de ses plus braves officiers, ses camarades d’un ami fidèle, et ses parens, inconsolables, d’un fils à qui ses talens, ses qualités personnelles et sa noble conduite, promettaient un si bel avenir.

Il est décédé dans la citadelle d’Anvers, le 18 décembre 1832.

Ses restes ont été transférés à Paris et inhumés au cimetière du Père Lachaise, non loin des mausolées des maréchaux de France.

Son monument, d’un aspect purement guerrier, est construit en fer fondu, peint en couleur de bronze antique, et a la forme d’une tente, élevée sur un soubassement en pierre, à la façade duquel on lit ces inscriptions :

DECORUM EST PRO PATRIA MORI.

On lit au-dessous :

alexandre-adrien COUTEAUX, capitaine du génie,
tué par un boulet, a l’age de trente ans,
au siège de la citadelle d’anvers, le 18 décembre 1832.

Cette tente, qui est richement décorée d’attributs militaires dorés, ingénieusement adaptés au sujet, est ornée d’une pente à bordure de fleurs, au milieu de laquelle on lit :

ANVERS.

On lit également sur la partie latérale de droite :

BASTION DE TOLÈDE.

Sur celle de gauche :

LUNETTE SAINT-LAURENT.

L’intérieur de ce monument, qui n’a rien de funèbre, n’offre pas moins d’attrait à la curiosité que l’extérieur : une glace d’une grande dimension, qui en ferme l’ouverture principale, laisse apercevoir des rideaux de soie élégamment relevés, des figures de bronze placées sur des cippes, des meubles du goût le plus recherché, etc.

Ce monument est, par son originalité et son élégance, un des plus remarquables du cimetière du Père Lachaise.

CUVIER.




Cuvier (le baron Georges), l’un des naturalistes les plus distingués de son siècle, membre de l’Institut, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences physiques, conseiller d’État, Pair de France, commandant de la Légion-d’Honneur, et professeur d’histoire naturelle au Muséum et au Collège de France, naquit à Montbelliard (Haut-Rhin), le 23 août 1769.

Il commença ses études à Stuttgard, où il se familiarisa avec la langue et la littérature allemande. Il vint à Paris dans les premières années de la révolution : ses premiers essais le placèrent au premier rang dans une science qu’avaient déjà illustrée en France des génies d’un ordre si supérieur ; et ils le portèrent à l’Institut dès la création de ce corps savant.

Devenu membre de la Société philomatique, en 1801, Cuvier inséra dans le Bulletin des sciences, au mois d’août de cette année, des observations sur l’électricité ; le 21 floréal an iii, il proposa à la Société d’histoire naturelle de Paris, une classification nouvelle des animaux sans vertèbres, classification qu’il a perfectionnée depuis dans le Tableau élémentaire et dans les Leçons d’anatomie comparée. Pour donner une idée de l’exécution de cet important travail, nous citerons un fragment du rapport de la classe des sciences physiques de l’Institut à l’occasion des prix décennaux :

« L’anatomie humaine était trop avancée pour que l’on pût espérer de trouver dans la période du concours un ouvrage assez riche en faits nouveaux pour mériter un prix. L’anatomie comparée offrait un champ plus vaste, dont quelques parties seulement avaient été défrichées ou cultivées avec plus ou moins de succès ; mais il n’existait aucun traité général sur cette branche de l’histoire naturelle, qui exigeait tant d’observations et de dissections nouvelles. On le trouve aujourd’hui dans les Leçons de Cuvier : et cet ouvrage mériterait assurément, plus que tout autre, d’être proposé pour le grand prix décennal, si le jury ne s’était mis, par ses propres réglemens, dans l’impossibilité de proposer l’ouvrage d’un de ses membres. Cuvier y considère chaque organe dans toute la série des animaux successivement ; il y résume, dans un ordre méthodique, les faits qu’il avait consignés dans différens recueils ; il fait connaître la structure des organes de la voix des oiseaux, et il en explique le mécanisme ; il y donne celui des jets d’eau des cétacés, et les causes qui rendent ces animaux muets ; il y compare les cerveaux de diverses classes ; il y décrit en détail les organes de la circulation des mollusques et des vers à sang rouge, ainsi qu’une multitude de faits nouveaux dont on peut, tous les jours, voir les preuves dans cette collection précieuse qu’il a formée lui seul au Muséum d’histoire naturelle, et qui est une de celles que visitent avec ce le plus d’empressement les savans de toute l’Europe. »

Cuvier réunissait à de profondes connaissances l’art peu commun d’exprimer ses idées avec autant de clarté que d’élégance, et il s’est acquis une grande réputation par l’éloquence de ses Éloges et de ses Discours académiques. Ces Discours forment incontestablement la partie la plus brillante des Mémoires de la classe des sciences physiques de l’Institut.

Il fut nommé, le 16 septembre 1808, conseiller à vie de l’Université. Ce fut en cette qualité qu’en 1811 le Gouvernement lui confia la mission de visiter la Hollande et ensuite l’Allemagne jusqu’à Hambourg, pour y examiner l’état de l’instruction. Le 29 juin 1814 il fut nommé Conseiller d’État, et en 1831 Pair de France.

Lorsqu’il fut frappé, le 10 mai au soir, du premier symptôme de la maladie qui devait l’emporter, il eut rapidement jugé que tout était fini pour lui. Il exprima quelques regrets de ne pouvoir terminer les travaux qu’il avait commencés ; mais bientôt résigné, il prit quelques dispositions pour la publication de ses œuvres, et est décédé le 13 mai 1832. Il a été inhumé au cimetière du Père Lachaise, dans une tombe aussi simple que modeste, et qui ne se compose que d’une borne antique en pierre avec cette seule inscription :

georges
CUVIER,
né a montbelliard,
le 23 aout 1769,
mort à paris
le 13 mai 1832.

DAVID.




David (Jacques-Louis), peintre d’histoire, membre de l’Académie royale de Peinture, et de l’Institut, chevalier de l’Empire et officier de la Légion d’Honneur, naquit à Paris en 1748.

Il étudia la peinture à l’école de Vien, qui commençait alors la restauration de l’École française. En 1775, David remporta le premier grand prix de peinture : le sujet du concours était les Amours d’Antiochus et de Stratonice.

Il partit pour l’Italie avec Vien, qui, cette même année, avait été nommé directeur de l’Académie française à Rome. Ce fut alors que s’accomplit l’éducation de ce grand peintre : il eut l’art de plier son génie créateur à l’asservissement minutieux de la copie en le nourrissant de la contemplation du vrai beau.

Il fit à Rome la copie du tableau de la Cène de Valentin, et l’élève, devenu maître, ne resta pas au-dessous de son modèle. Il peignit peu de temps après la Peste de saint Roch, tableau qui obtint l’admiration des Italiens. Cette belle production est placée aujourd’hui dans le lazaret de Marseille.

David revint en France en 1780. L’année suivante, son Bélisaire lui valut le titre d’agrégé à l’Académie royale de Peinture, dont il fut nommé membre trois ans après ; Andromaque pleurant la mort d’Hector fut son tableau de réception. Il repartit ensuite pour l’Italie. Le gouvernement lui avait commandé un tableau, qu’il commença à Paris, et qu’il termina à Rome, où il excita l’enthousiasme universel : c’était le Serment des Horaces.

À son retour en France, David peignit les Amours de Paris et d’Hélène et la Mort de Socrate ; en 1789, Brutus rentrant chez lui après la condamnation de ses fils. En septembre 1790, il fit hommage à l’Assemblée constituante d’un tableau représentant l’Arrivée de Louis XVI à la séance royale du 14 février, lorsque ce roi vint prêter serment à la constitution. En reconnaissance, l’Assemblée le chargea de peindre le Serment du Jeu de Paume.

En 1792, David était membre du corps électoral de Paris lorsqu’on le nomma député à la Convention. S étant lié intimement avec les membres les plus influens de cette assemblée, les souvenirs de Brutus, de Scévola, de Marius et de Phocion exaltèrent son imagination ; il crut voir se réaliser ce beau retour aux mœurs antiques, idoles de son génie.

Devenu secrétaire, puis président de cet orageux sénat, il exécute le tableau de la Mort de Michel Lepelletier, et fait décréter l’adoption de sa fille. Il décrit à la tribune, avec chaleur, les derniers momens de Marat, et exécute le tableau qui représente cette scène tragique.

Il fait décréter une pension de 2400 fr. pour les jeunes artistes qui auront remporté des prix de peinture, sculpture et architecture.

Il propose de faire doter par la patrie les filles des citoyens morts pour elle. David parle dans le sens de la montagne, et vote la mort du Roi ; enfin on le voit toujours, dans sa carrière politique, unir l’enthousiasme des arts et le fanatisme de la liberté, les illusions d’une égalité impossible et les prestiges d’une imagination pittoresque.

Au mois de nivôse an II (1793), il faisait partie du comité de sûreté générale : renversé par la faction thermidorienne, il passa quatre mois en prison ; puis relâché, et arrêté de nouveau, il ne recouvra qu’avec peine sa liberté.

C’est là que se termina, dans l’intérêt des arts, la vie politique de David : désormais tout entier à son génie, il exécuta dans sa retraite le tableau de Bonaparte au mont Saint-Bernard, le portrait du pape Pie VII, celui de Napoléon dans son cabinet, l’Enlèvement des Sabines, Léonidas aux Thermopyles. Alors l’empire avait commencé, et Napoléon, dans tout l’éclat de sa gloire, devait fournir au génie du peintre de brillantes inspirations. David a peint deux grandes scènes de son règne : le Couronnement, exposé en 1808, et la Distribution des aigles en 1810.

À la rentrée des Bourbons, David fut exilé à Bruxelles : c’est dans cette ville, naguère française, qu’il a exécuté Mars désarmé par Vénus ; l’Amour et les Grâces ; Télémaque et Eucharis ; l’Amour quittant Psyché, au lever de l’Aurore ; et la Colère d’Achille.

Il est décédé à Bruxelles, le 29 décembre 1825.

Le monument qui renferme le cœur de cet artiste célèbre est de la forme d’une borne antique, et est exécuté en marbre blanc : au milieu est placé, dans un médaillon, son buste en bronze, en demi-relief. Au-dessous est gravée cette inscription :

à la mémoire
de jacques-louis DAVID, peintre français,
décédé en exil le 29 xbre 1825.
son cœur est déposé dans ce caveau,
près du corps de son épouse,
compagne de ses malheurs.

DAZINCOURT.




Dazincourt (Joseph-Jean-Baptiste-Albouy), sociétaire du Théâtre Français, professeur de déclamation au Conservatoire, et, sous l’Empereur, directeur des spectacles de la cour, né à Marseille le 11 décembre 1747. Après avoir parcouru avec succès la carrière épineuse des débuts, et recueilli les encouragemens les plus flatteurs, il fut reçu à la Comédie Française en 1778.

Préville laissait un vaste héritage à conquérir et les souvenirs d’un grand talent, qu’il n’était pas facile de faire oublier ; d’ailleurs, un successeur de ce grand comédien [Dugazon] se conciliait déjà la faveur du parterre : c’était donc deux obstacles presque insurmontables contre lesquels Dazincourt avait à lutter : à force de travail il parvint à partager avec son rival les suffrages du public.

Le répertoire du Théâtre Français était beaucoup plus nombreux et plus varié qu’il ne l’est aujourd’hui. On n’avait pas encore relégué dans la poussière des cartons tant de comédies spirituelles et gaies, auxquelles ne dédaignaient pas d’assister tous les rangs de la société, qui préféraient alors le comique de situation à celui des mots. On éclatait d’un rire franc et naïf aux bouffonneries de Scarron, de Molière, de Thomas Corneille, de Regnard, d’Hauteroche, de Destouches, de Boissy, de Poisson, de Dufresny, de Legrand et de Dancourt ; et l’école de Diderot n’était pas encore venue étaler sur la scène française l’adultère, l’assassinat, la débauche et tant d’autres crimes, dans tout ce qu’ils ont de plus hideux.

Cet acteur avait une taille médiocre, mais bien prise, une physionomie ouverte et spirituelle, un œil fin, un rire naturel ; ennemi de la farce, il était gai sans être trivial, et si dans quelques rôles il se permettait de charger, il s’appuyait sur les traditions qui doivent compter pour quelque chose au théâtre. C’est ainsi que dans une représentation de l’Homme à bonnes fortunes, jouant le rôle de Pasquin, après avoir inondé son mouchoir d’eau de Cologne, il vint le tordre sur la tête du souffleur : un coup de sifflet partit ; Dazincourt s’avança sur le devant de la scène, « Messieurs, dit-il, lorsque Préville jouait ce rôle, il faisait ce que je viens de faire, et il était applaudi par tout ce qu’il y avait de mieux en France. » L’acteur fut couvert d’applaudissemens, et le siffleur fut hué.

Dans les rôles à grandes livrées Dazincourt avait cette haute insolence, cette dignité d’antichambre, type ordinaire des laquais des grands seigneurs : dans ceux de valets fripons, sa physionomie faisait pressentir aux spectateurs qu’il n’y avait pas de ruses auxquelles ils ne dussent s’attendre, son talent flexible se prêtait à tous les tons, et ses traits expressifs donnaient au personnage qu’il représentait le caractère de la plus grande vérité.

Mais ce ne sera pas seulement sous le rapport du talent que Dazincourt laissera de longs souvenirs ; il possédait encore au plus haut degré les qualités du cœur.

Bon camarade, ami sûr et dévoué, d’une obligeance aussi prompte qu’elle était amiable ; ennemi de l’intrigue, il n’eut que des amis dans ceux qui le connurent ; et davantage encore, dans les malheureux qu’il secourut ; aussi les derniers vers de l’épitaphe gravée sur son tombeau sont le plus bel éloge dont on ait pu honorer sa mémoire.

Il est mort à Paris le 28 mars, 1819. Presque tous les artistes des théâtres de Paris, et un grand nombre d’autres personnes l’ont accompagné au cimetière de Montmartre, où son corps a été déposé.

Son monument, d’un style simple mais parfaitement dans le genre sépulcral se compose d’un sarcophage antique, dont la pierre horizontale qui le couvre est surmontée d’une urne cinéraire et d’une couronne de cyprès. De chaque côté sont un pilastre et une colonne accouplés qui soutiennent l’entablement. Sur un fond de marbre noir on lit cette inscription gravée en lettres d’or :

a la MÉMOIRE de
joseph-jean-baptiste-albouy DAZINCOURT,
comédien français de s. m. l’empereur et roi,
professeur au conservatoire,
et directeur des spectacles de la cour.
né a marseille le ii décembre 1747.
mort a paris le 28 mars 1819.
Par Eulalie DESBROSSES, son amie.


Du théâtre français l’honneur et le soutien,
Digne successeur de Préville,
Homme de goût, homme de bien,
Aimable à la cour, à la ville ;
Ami vrai, délicat, sensible, généreux,
Il réunit sur sa cendre chérie
Et les regrets des enfans de Thalie,
Et les larmes des malheureux.

DECRÈS.




Decrès (Denis, duc), vice-amiral de France, grand-cordon de la Légion-d’Honneur, ministre de la marine sous l’Empire, naquit à Chaumont (Haute-Marne), le 22 juin 1761.

Son goût passionné pour le service de mer, et les exemples de la famille distinguée à laquelle il appartenait, le firent entrer à dix-huit ans dans cette périlleuse carrière où il ne tarda pas à se faire remarquer.

Dans la malheureuse bataille que la flotte du comte de Grasse livra, le 12 avril 1782, dans la mer des Antilles, plusieurs de nos vaisseaux étaient déjà au pouvoir de l’ennemi, d’autres étaient désemparés ; l’un de ceux-ci allait être capturé, lorsqu’un garde-marine osa se jeter dans un canot, et, sous le feu de toute la flotte anglaise, alla porter à ce vaisseau (nommé le Glorieux) un câble, à l’aide duquel une frégate le prit à la remorque et le sauva. Ce garde-marine était le jeune Decrès : cette action héroïque lui valut un avancement rapide.

En 1786, il devint lieutenant de vaisseau, et servit dans l’Inde, au commencement de la révolution, en qualité de major d’une division navale.

De retour en France à l’époque de 1793, il fut immédiatement arrêté, puis relâché et fugitif ; il erra pendant trois ans, jusqu’au moment où l’appareil d’une expédition à jamais illustre lui offrit l’occasion de s’associer aux conquérans de l’Égypte. Il commandait, comme contre-amiral, l’escadre d’observation au combat d’Aboukir.

Quelque temps après, Decrès, entré à Malte, coopéra avec son escadre, pendant dix-sept mois, à la défense de cette place, et se détermina à en sortir pour ne pas épuiser les ressources d’une vaillante garnison.

Il appareilla sur le Guillaume-Tell à la vue de l’ennemi, et, déjà canonné, bombardé, désemparé avant d’avoir quitté le port, il se précipita au milieu de l’escadre anglaise : cependant, entouré et foudroyé de toutes parts, il fut pris ou plutôt sauvé par les Anglais, après avoir sauté sur la dunette de son vaisseau. Cette action de vigueur, à laquelle l’ennemi rendit hommage, reçut la récompense qui était, à cette époque, l’ambition des braves : Decrès fut décoré d’un sabre d’honneur.

À son retour en France par suite d’échange, il fut nommé préfet maritime à Lorient, et, peu de temps après, le 1er octobre 1802, il reçut le portefeuille de la marine.

Les honneurs vinrent en foule s’accumuler sur la tête du nouveau ministre : en 1804, il fut nommé grand-officier de la Légion-d’Honneur, chef de la 10e cohorte ; en 1805, inspecteur général des côtes de la Méditerranée, fonction du premier ordre. Il fut en outre décoré du grand-cordon de la Légion-d’Honneur, en 1806. On ne sait par quelle bizarre négligence de la fortune, Decrès ne fut créé duc qu’en 1813.

Decrès était doué d’un esprit fin, éclairé, fertile en à-propos, en saillies, et appuyé sur des connaissances solides.

Un événement, dont il n’a pas été possible de découvrir le mystère, a terminé misérablement la vie du duc Decrès : trois paquets de poudre introduits entre les matelas de son lit, auxquels communiquait une mèche qui s’étendait à l’extérieur de sa chambre à coucher, firent explosion pendant la nuit, et lui causèrent plusieurs blessures auxquelles il succomba le 7 décembre 1821.

Il a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Le monument du duc Decrès, quoique construit tout en pierre, est remarquable par son élévation et la sculpture dont il est richement orné. Il se compose d’un soubassement sur lequel s’élève un stylobate flanqué de quatre pilastres, surmonté d’un cénotaphe décoré de guirlandes de laurier supportées aux angles par des figures allégoriques. Sur la façade, le sabre d’honneur et les armes du duc sont sculptés en relief. Au-dessous on lit cette inscription :

Dis duc DECRÈS,
Gd croix d. l. lég.-d’honneur,
ancien ministre de la marine.
décédé le vii décembre
m.dccc.xxi.

Sur la partie latérale de droite est un vaisseau sculpté en bas-relief, au-dessous duquel on lit :

remorque portee au glorieux,
combat du xii avril m.dcc.lxxxii.

Sur la partie latérale de gauche est sculpté un autre vaisseau, avec cette inscription au-dessous :

combat du guillaume tell
devant malte, le xxx mars m.dccc
Ce beau monument a été construit sur les dessins de M. Visconti, architecte.

LA COMTESSE DEMIDOFF.




Demidoff (Élisabeth, comtesse), de l’illustre famille des Strogonoff, épouse du comte Demidoff, chambellan de l’empereur Alexandre, conseiller intime et commandeur honoraire de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, etc., sœur de l’ambassadeur de Russie à Constantinople, était citée comme un modèle de grâces, d’aménité et de bonté ; les excellentes qualités de son cœur, l’amabilité de son caractère, lui attiraient l’estime et l’affection de ses nombreux amis, et sa touchante générosité est encore présente à la mémoire des malheureux qu’elle a comblés de ses bienfaits.

Le comte son époux, aussi distingué par sa naissance que par son mérite, protecteur éclairé des beaux-arts, est issu de l’ancienne famille des Demidoff, qui fit, dans la Sibérie, l’importante découverte des mines d’or, d’argent, de fer et de cuivre, et reçut du gouvernement, à titre de récompenses, des terres considérables, des hommes, des forêts, qui augmentèrent l’exploitation d’aussi utiles découvertes.

On doit aux Demidoff, outre d’immenses services rendus au commerce et à l’industrie, l’introduction des arts et des sciences dans la Sibérie ; ils ont ainsi dédommagé les habitans de ce rigoureux climat des privations inséparables de l’aridité du sol, en leur procurant des jouissances pures que la nature leur refusait.

Digne rejeton d’une noble race, le comte Demidoff est encore un des plus opulens et des plus puissans propriétaires de la Russie, où il possède un grand nombre d’usines et de mines métalliques précieuses.

Le superbe mausolée qu’il a fait élever à grands frais à son illustre épouse, dont les marbres apportés d’Italie sont l’ouvrage des meilleurs artistes, est, sous le rapport de l’art, un des monumens les plus importans et les plus remarquables du cimetière du Père Lachaise : sa richesse, son élégance est digne de perpétuer la mémoire d’une princesse étrangère, aussi recommandable par son rang que par ses vertus.

Ce monument se compose de dix colonnes d’ordre dorique avec entablement élevées sur un stylobate formant un élégant péristyle. Au milieu est placé le cénotaphe, surmonté d’un double écusson couronné, où sont sculptées les armes de la comtesse.

Ce beau travail, exécuté sur de belles proportions, est tout entier du plus beau marbre de Carrare, et fait honneur aux talens de M. Jaunet, qui en a donné le plan, de M. Châtillon, qui en a dirigé la construction, et de M. Schwind, qui a exécuté les travaux.

À la face principale, on lit sur la frise de l’entablement :


ici reposent les cendres d’Élisabeth DEMIDOFF, née baronne de STROGONOFF,
décédée le viii avril m. dccc. xviii, épouse de S. E. A. DEMIDOFF,
conseiller privé et chambellan de s. m. l’empereur de Russie, commandeur
de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem.


D’après un usage religieusement observé en Russie, la comtesse Demidoff est inhumée vêtue de magnifiques habits, et couverte (la figure exceptée) d’un drap ou poêle en velours de soie vert, à franges d’or, sur lequel est figuré, en même galon, une grande croix à double branche.

DENON.




Le baron Denon (Dominique-Vivant) naquit à Châlons-sur-Saône (Saône-et-Loire), en 1747, d’une famille noble.

Il était destiné à la magistrature, et ses parens l’avaient envoyé à Paris pour faire son droit. L’étude des lois lui parut trop sérieuse. Les arts le réclamaient ; il s’y livra tout entier : la littérature légère, qu’il cultiva en même temps, lui procura de nombreux succès dans la société ; une conversation qu’il eut avec Louis XV, lui valut la place de conservateur d’un musée particulier de pierres gravées et de médailles que le Roi s’était formé.

Quelque temps après, Denon demanda au Roi d’être employé dans la diplomatie, et fut nommé gentilhomme d’ambassade à Saint-Pétersbourg. Paul Ier, alors grand-duc, affectionnait les Français, mais principalement ceux qui possédaient quelque talent ; il s’établit une espèce d’intimité entre le grand-duc et Denon, dont l’impératrice Catherine II conçut quelqu’ombrage ; des tracasseries en furent la suite. Alors Denon demanda et obtint de se rendre avec le même titre qu’il avait en Russie, auprès du comte de Vergennes, ambassadeur en Suède ; il l’accompagna quand celui-ci fut nommé à l’ambassade de Danemarck.

Lorsque M. de Vergennes revint en France prendre le portefeuille des affaires étrangères, il ramena le jeune Denon, il lui confia une mission importante en Suisse. De là, il passa à Naples avec le baron de Talleyrand, y resta sept ans, et, après le rappel de l’ambassadeur, y demeura comme chargé d’affaires.

La révolution commençait à s’annoncer : déjà des idées de liberté fermentaient dans plus d’une tête. Denon ne sut pas en garantir la sienne ; il encourut la disgrâce de la reine Marie-Caroline, qui demanda son rappel ; et la carrière diplomatique fut fermée pour lui.

Mais il avait mis à profit son séjour en Italie : il s’y était perfectionné dans le dessin ; il s’y était formé un tact sûr, un goût exquis. On peut dire que c’est à lui que le Voyage pittoresque de Naples et de Sicile dut la plus grande partie de son succès, puisque c’est lui qui dirigea dans le choix des matériaux les dessinateurs que l’auteur (l’abbé de Saint-Non) employait pour ce travail important.

De retour en France, Denon fut reçu à l’Académie de Peinture, section de la Gravure ; il passa encore quelque temps à Paris, puis se rendit à Venise, où, pendant cinq ans, il étudia avec la plus grande assiduité les chefs-d’œuvre de l’école vénitienne. Forcé comme Français de quitter le territoire de cette république, il se rend à Florence ; mais la même proscription le contraint d’en sortir. Il se réfugie en Suisse, où il ne peut rester, la république française ayant défendu au gouvernement helvétique de donner asile aux émigrés. Pendant son séjour à Venise, il avait été porté sur la liste, et ses biens avaient été confisqués.

Proscrit en France, proscrit chez l’étranger, Denon, au péril de sa vie, se hasarde à revenir à Paris ; il est accueilli par David, dont la puissante égide le protège comme membre de l’Académie de Peinture.

Des jours plus sereins commencent à luire ; la société se reconstitue sur de nouvelles bases. Denon y reparaît avec tous les avantages qui l’avaient fait distinguer plusieurs années avant ; il est accueilli, et cette bienveillance, si justement acquise, devient pour lui la source d’une nouvelle fortune. Il accompagna Bonaparte en Égypte ; embarqué comme artiste, il se battit comme soldat dans le voyage de la Haute-Égypte qu’il fit avec le général Desaix. C’est dans cette expédition qu’il dessina ces monumens qui, depuis quatre mille ans, défient les ravages du temps, Riche de toutes ces vues, à son retour en France, il publia son Voyage dans la Basse et Haute-Égypte, pendant la campagne du général Bonaparte.

Napoléon, devenu consul, le nomma directeur-général des Musées et de la monnaie des Médailles ; c’est sous sa direction que fut érigée la colonne triomphale de la place Vendôme. Il fut conservé dans ces deux places en 1814 ; mais il les perdit en 1815.

Denon avait été nommé par l’Empereur membre de l’Institut, baron de l’empire et officier de la Légion-d’Honneur ; en 1816, il fut nommé membre de l’Académie des Beaux-Arts, première section (peinture).

Le monument de Denon est du nombre de ceux qui n’ont aucun aspect funèbre ; il n’a de remarquable que sa statue en bronze, qui est d’une parfaite ressemblance, placée sur un piédestal en pierre de Volvic. Il est représenté assis sur un socle, tenant de la main droite un crayon, et de la gauche des tablettes. Sur le piédestal sont gravés ces mots :

VIVANT DENON,
n. en 1747 — m. en l825.

DÉSAUGIERS.




Désaugiers (Marc-Antoine-Madelaine) est né à Fréjus (Var).

Son père l’amena à Paris, encore enfant, et le mit au Collège Mazarin : il y fit de très bonnes études.

Jusqu’à seize ans, sa complexion fut frêle et délicate, son caractère sérieux et mélancolique ; mais, lorsqu’il eut franchi le passage de l’adolescence à la jeunesse, il se fit remarquer par des saillies vives et spirituelles, et par une gaîté qui devait l’accompagner jusqu’au tombeau.

Sa famille le destinait à l’état ecclésiastique ; mais il abandonna cette carrière pour suivre celle du théâtre. À dix-sept ans, il fit représenter aux boulevards une comédie en un acte et en vers qui obtint du succès.

Témoin des premiers excès de la révolution, il partit avec une de ses sœurs, mariée à un colon de Saint-Domingue.

Arrivé dans cette colonie, les nègres étaient révoltés contre les blancs : il prit les armes contre les noirs, et fut fait prisonnier. Il allait être fusillé, mais sa jeunesse et sa physionomie spirituelle et enjouée, désarmèrent la férocité de ses assassins. On le jeta dans un cachot, d’où il parvint à s’échapper.

Poursuivi de tous côtés, il se déroba à toutes les recherches pendant plusieurs jours, franchissant des ravins, gravissant des mornes et traversant des rivières : enfin, exténué de lassitude et de faim, il fut recueilli sur le rivage par un vaisseau anglais qui faisait voile pour les États-Unis. Sur ce bâtiment il fut atteint d’une maladie très grave, et comme elle offrait tous les symptômes de la fièvre jaune, en passant devant New-York, on l’abandonna sur le rivage. Une femme en eut pitié, lui prodigua les soins les plus généreux, et la nature, aidée de la jeunesse, triompha de la maladie.

Il se rendit à Philadelphie, où il donna des leçons de clavecin, et dès qu’il fut en état de payer son passage, il revint en France.

Les orages de la révolution étaient passés : le Français commençait à se livrer à sa gaîté naturelle : Désaugiers se trouva dans son élément. Il donna plusieurs pièces pétillantes d’esprit et de gaîté. Il publia des chansons pleines de naturel et de facilité. Il devint enfin l’ami et le collaborateur des auteurs féconds qui alimentaient les théâtres de la capitale. Mais, c’est surtout par ses chansons qu’il a pris rang parmi les auteurs les plus renommés dans la poésie légère.

La société du caveau qui existait avant la révolution, s’étant réorganisée, sous la présidence de Laujon, Désaugiers en fit partie.

Barré, qui avec Radet, Desfontaines et Piis, avait long-temps dirigé le théâtre du Vaudeville, désigna Désaugiers pour son successeur. En i8i5 la direction lui en fut confiée. Ces fonctions fatigantes et pénibles ne s’alliaient point avec son caractère : il se retira.

Il fut nommé en 1820 chevalier de la Légion-d’Honneur. En 1825, il fut rappelé par le vœu des actionnaires, et par ordre, à la direction du Vaudeville.

Dès cette époque, sa santé s’altéra : il eut deux attaques de colique néphrétique : l’existence de la pierre se déclara. Après avoir vainement essayé le secours de la lithotritie, il fallut recourir à l’opération de la taille. Il la supporta avec le plus grand courage. Mais à peine replacé, sur son lit, sa respiration devint difficile : des cris plaintifs, des sons inarticulés signalèrent son agonie : ces mots : J’étouffe… j’étouffe… furent les derniers qu’il prononça, et il expira peu de temps après.

L’amitié s’est chargée d’élever un tombeau à celui qui n’a fait verser de larmes que le jour de sa mort, et qui, pendant trente ans de sa vie, a fait rire et chanter toute la France.

Son mausolée se compose d’un cippe carré, en marbre blanc, élevé sur un socle et surmonté d’un fronton à chaque face, dans le tympan desquels sont sculptés des attributs lyriques. À la face principale est le buste de Désaugiers sculpté en creux et entouré de laurier et de lys ingénieusement liés ensemble par un nœud de ruban, auquel est suspendue la croix de la Légion-d’Honneur. Au-dessous est gravée cette inscription :

À DÉSAUGIERS,
ses amis.

À la face opposée on lit :

marc antoine madelaine.
DÉSAUGIERS,
né a fréjus.
le 17 novembre 1772.
décédé à paris.
le 9 aout 1827.
Ce monument fait honneur au goût et au talent de M. Dubuc, marbrier, qui l’a exécuté.

DESEINE.




Deseine (Louis-Pierre), statuaire, né à Paris le 20 juillet 1749, avait suivi un cours complet d’éducation avant de se livrer à son goût passionné pour les arts : par ses excellentes études et son penchant naturel pour la sculpture, il parvint à acquérir les titres honorables de littérateur distingué et d’artiste célèbre.

Deseine débuta fort tard dans l’art de Praxitèle : ce ne fut qu’en 1780, étant alors âgé de trente et un ans, qu’il obtint le grand prix de sculpture, et qu’il passa, à Rome, à l’Académie des Beaux-Arts, comme pensionnaire du Gouvernement.

Il fit des progrès si rapides dans cette capitale que ses études d’après l’antique furent considérées comme autant de chefs-d’œuvre, et avidement recherchées ; quelques ouvrages d’un travail achevé et d’une conception originale, dont il fit hommage à la cour de Rome, lui méritèrent l’honneur d’être nommé chevalier de l’ordre de l’Éperon-d’Or.

A son retour à Paris, où la renommée l’avait précédé, il fut successivement nommé membre de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture de cette ville, de celles de Rouen, de Berlin, etc.

Les productions de cet artiste sont innombrables : nous nous bornerons à citer celles qui ont été placées ou exposées dans les différens musées.

En 1800, il débuta par le buste en marbre de Winckelmann ; ensuite il exécuta les bustes d’Héloîse et d’Abeilard pour le Musée des Monumens français.

En 1804, les bustes en marbre du cardinal du Belloy, et de l’abbé Sicard, instituteur des Sourds-Muets ; la statue de Thouret pour le Sénat Conservateur.

En 1806, les bustes de Pie VII et de Clément de Ris ; une petite Flore, portrait ; modèle d’un projet de monument à la mémoire de Bossuet.

En 1808, bustes de Portalis, ministre des cultes ; de M. de Juigné, archevêque de Paris ; de Picard ; de Perregaux ; de madame Cottin ; exécution du mausolée du cardinal du Belloy pour une chapelle de Notre-Dame.

En 1810, buste du comte de Montesquiou ; statue du chancelier de L’Hôpital pour la façade de la Chambre des Députés.

En 1812, bustes du cardinal Maury, de Muraire, du duc de Massa.

En 1814, les bustes de Louis XVI, de Louis XVIII et du prince de Condé ; statue du chancelier d’Aguesseau pour la façade de la Chambre des Députés.

En 1817, la Force de courage, tête d’expression ; statue de Louis XVIII, en costume royal ; buste du duc d’Enghien ; mausolée de ce prince pour la chapelle de Vincennes ; bustes de l’abbé de Montesquiou et de Lagrange pour la Chambre des Pairs ; statue du général Colbert.

En 1819, les bustes du duc de Bourbon et de Montaigne pour le ministère de l’intérieur ; têtes d’expression.

En 1822, la Bienfaisance répandant ses dons sur les vieillards et la maternité, bas-reliefs ; buste du cardinal Talleyrand de Périgord, archevêque de Paris.

Deseine a fait, en outre, les bas-reliefs de la chapelle du Calvaire dans l’église de Saint-Roch.

Parmi les œuvres littéraires qu’il a publiées, on remarque : Réfutation d’un projet de Règlement pour l’Académie centrale de Peinture, Sculpture, Gravure et Architecture, présentée à l’Assemblée nationale par la majorité des membres de l’Académie royale de Peinture et Sculpture, 1791 ; Notices historiques sur les anciennes Académies de Peinture, Sculpture et Architecture, 1814.

Deseine est décédé le 11 octobre 1822, et a été inhumé au cimetière du Mont-Parnasse ; son monument, d’un style simple et sévère, se compose d’une tombe recouverte d’une pierre horizontale, à la tête de laquelle s’élève un cippe carré de forme antique. Au milieu est le buste en marbre de cet artiste, sculpté en demi-relief dans un médaillon. Au-dessous est gravée cette inscription :

l. p. deseine, statuaire,
membre de l’ancienne académie royale
de peinture, sculpture de paris,
de celles de rouen, de berlin, etc.
chevalier de l’ordre de l’épéron-d’or
Né à Paris, le xx juillet m.dcc.xlix.
Décédé le xi octobre m.dcc.xxii.
dans les sentimens religieux
qui ont fait la consolation de sa vie

DESENNE.




Desenne (Alexandre-Joseph), dessinateur, né à Paris le 1er janvier 1785, apprit le dessin sans maître et sans autre guide que son goût naturel. Dès l’âge le plus tendre il copiait, sans principes, à l’aide d’un crayon grossier ou à la plume, des fragmens de tableaux, de dessins et de gravures : ces croquis, malgré de nombreuses imperfections, offraient néanmoins une grande justesse dans les traits et dans les dimensions, surtout dans les proportions, lorsqu’il était obligé de réduire ses copies, et firent concevoir à des artistes, amis de ses parens, le haut degré de supériorité auquel il devait atteindre ; mais les leçons qu’il reçut de ces mêmes artistes se réduisirent à des conseils.

Plus tard, dans la belle saison, Desenne utilisait ses promenades champêtres en copiant la nature : un site pittoresque, les ruines d’un ancien édifice, étaient pour lui une bonne fortune ; non content d’en faire un croquis, il prenait la résolution d’en faire un dessin achevé, plus sévère pour lui-même que ne l’eût été un maître ; il était persuadé qu’il fallait, sans désemparer, saisir ces effets de lumière, des ombres, des masses, qui sont l’âme du dessin, et sans l’exactitude desquels on ne peut offrir qu’une image imparfaite de la nature. Plein de persévérance, souvent il passait une journée entière à la campagne dans le but de perfectionner un dessin, et ne s’arrêtait que lorsque la nuit, toujours trop prompte avenir, le forçait de mettre un terme à son travail. Quelquefois son extrême application lui faisait oublier de prendre la moindre nourriture : privation si funeste à la jeunesse, qui, en détruisant totalement la santé, cause indubitablement une mort prématurée.

Desenne se dédommageait l’hiver, des jouissances de la campagne, à la bibliothèque ; d’après des études approfondies et presque minutieuses, il était parvenu à donner à ses dessins l’effet et le ton de la gravure ; aussi ces productions, presque toutes destinées à être gravées, étaient-elles estimées des graveurs, non seulement par le haut degré de perfection, mais parce qu’elles offraient un travail facile qui ne leur laissait que la peine de copier fidèlement.

Desenne joignait au titre d’artiste distingué, de charmantes qualités, qui lui attirèrent de nombreux et de véritables amis : passionné pour son art, il ne s’est jamais douté de sa supériorité, dans le cours de sa vie : la modestie caractérisa toujours son véritable talent.

Il est connu par une foule de vignettes gravées d’après ses dessins, et formant collection pour les œuvres de Voltaire, de J.-J. Rousseau, de Molière, de Boileau, de Bernardin de Saint-Pierre, de Walter Scott, de Cooper, de Cervantes, Lamartine, de Jouy, etc, etc.

D’autres figurent dans le Musée de Filhol. Desenne a exposé au Musée royal, en 1812, des vignettes pour les ouvrages suivans : les Martyrs, de Chateaubriand ; Mlle de Clermont, de Mme de Genlis ; les Contes de La Fontaine ; et l’Atlantide, de M. Baour-Lormian. En 1814, des dessins pour l’Ermite de la Chaussée d’Antin, les Normands en Italie ; et en 1817, des vignettes pour la Lusiade, du Camoëns, publiée par M. de Souza, etc. Plusieurs dessins originaux et quelques tableaux de cet artiste ont été acquis par des amateurs.

Desenne est décédé à Paris le 30 janvier 1827 ; et a été inhumé au cimetière du Mont-Parnasse.

Son monument, construit tout en pierre, est d’un style élégant : il se compose d’un cénotaphe orné de sculpture et de flambeaux antiques aux quatre coins ; il est élevé sur un stylobate d’une haute dimension, et surmonté du buste en bronze de cet artiste élevé sur un socle.

Sur la face principale on lit :

A
LA MÉMOIRE
D’ALEXANDRE JOSEPH
DESENNE,
dessinateur.
sa famille,
et
ses amis.

Sur la face opposée :

né a paris,
le i janvier m.dcc.lxxxv,
mort
le xxx janvier m.dccc.xxvii.

MLLE DE DIAS-SANTOS.




De Dias-Santos (Charlotte-Émilie), morte le 26 mai 1827, est une de ces effrayantes leçons que la mort se plaît à donner quelquefois aux hommes.

Cette jeune personne, dont le mausolée atteste des regrets aussi sincères qu’ils seront durables, fut, à l’âge de seize ans, ravie à la tendresse de sa mère, dont elle avait été l’inséparable compagne.

Douée de toutes les vertus de son âge, des dispositions les plus heureuses, unissant à toute la délicatesse du sentiment les grâces d’un esprit déjà très cultivé, malgré les soins les plus assidus, les marques de la plus vive tendresse que lui prodiguait une mère éplorée, elle s’est éteinte dans ses bras après une maladie longue et douloureuse. Appelée par sa naissance, son rang et sa fortune aux plus hautes alliances, l’impitoyable mort est venue interrompre le cours d’une si belle destinée.

Son mausolée, qui, par sa situation et sa construction, est un des plus élevés et des plus remarquables du cimetière du Père Lachaise, se compose d’un cénotaphe orné d’une couronne de cyprès, élevé sur un stylobate, et surmonté d’un obélisque d’une haute dimension. Sur sa face principale est un bas-relief représentant l’Ange tutélaire qui enlève du tombeau la figure d’Émilie de Dias-Santos, encore enveloppée du linceul, pour la transporter au séjour céleste, qui est représenté par un Jéhovah au milieu d’une gloire, et entouré circulairement d’un serpent, symbole de l’immortalité.

Au-dessous du monument est la porte du caveau, en fer bronzé, parsemée d’étoiles découpées à jour, à laquelle on descend par un escalier composé de sept marches.

M. le duc de Duras a exprimé les sentimens de piété filiale et de tendresse maternelle de madame de Dias-Santos, devenue duchesse de Duras, par l’inscription suivante, gravée au-dessus de cette porte :
marie-émilie knusu, veuve de diast-santos,
duchesse de duras,
a consacré ce monument à la memoire de
charlotte-émilie de dias-santos, sa fille chérie,
de gabriel knusu, et de marie-anne macdonald knusli,
son père et sa mère,
objets constans de sa plus respectueuse tendresse.
heureuse par leur union en cette vie :
elle a mis tous ses soins à ce qu’un même tombeau
les réunît encore
jusqu’au moment où elle espère les rejoindre
dans le sein de dieu.

De chaque côté de la porte du caveau est un perron composé de onze marches, aboutissant à la plate-forme, sur laquelle est élevée la partie supérieure du monument. Lies rampes en fer bronzé, qui servent intérieurement d’ornemens à ces perrons, sont appuyées sur des piédestaux surmontés de têtes de chérubins en bronze. La grille qui règne au pourtour du monument, et qui sert extérieurement de rampe aux escaliers, est ornée, aux encoignures des premières marches, de faisceaux d’armes, et dans toute son étendue de barreaux arrondis à têtes de piques. Des cassolettes en bronze, d’où sortent des flammes funèbres, sont placées aux quatre angles de la plate-forme et adaptées à la grille.

L’intérieur du caveau n’est pas moins remarquable : il est composé de trois voûtes, dont les archivoltes reposent sur des colonnes de l’ordre Pestum ; sous ces voûtes, dont les clefs représentent des têtes de pleureuses sculptées, sont trois sarcophages, dans lesquels sont renfermés les corps.

Cette sépulture, qui est à la fois d’un style noble et religieux, et qui se distingue avantageusement des autres monumens par sa grande dimension et sa forme exactement sépulcrale, a été exécutée sur le plan et sous la direction de M. Pector, amateur d’architecture, par M. Bauche, entrepreneur de tombeaux.

La sculpture du bas-relief et des ornemens est due au ciseau de M. Fessard.

ÉVARISTE DUMOULIN.




Dumoulin (Évariste), l’un des propriétaires et rédacteurs du Constitutionnel, membre de la Légion-d’Honneur, naquit en 1787, à Villegouge, près Libourne (Gironde).

Dès son plus jeune âge, il annonça ce qu’il serait un jour, patriote ardent, pur et désintéressé, inaccessible aux séductions, et par conséquent destiné à défendre et de son épée et de sa plume la liberté dont l’aurore avait éclairé son berceau.

Entré dans la vie sociale, il se voua entièrement à la rédaction de la Minerve et du Constitutionnel, dont il fut l’un des premiers fondateurs. Le premier de ces journaux, par des saillies spirituelles et piquantes, s’attachait à signaler les abus, à poursuivre les ennemis des libertés publiques, et reflétait sur leur marche occulte et tortueuse une lumière aussi vive qu’elle était importune.

Le second, par une dialectique serrée, par une constante et sévère exposition des principes du gouvernement représentatif, rectifia plus d’une fois la fausse marche de ceux qui s’en écartaient, et, par des conseils salutaires, leur montrait l’abîme qui s’ouvrait sous leurs pas.

C’est dans ce dernier journal surtout que Dumoulin développa les talens qu’il avait reçus de la nature ; mais ce fut toujours pour la défense de la liberté qu’il en fit un constant usage. Doué d’une âme ardente et forte, il n’opposa qu’un courage inaltérable et tranquille aux persécutions auxquelles il fut en butte.

Dans les journées de juillet, sa conduite fut la sanction de ses principes, et si son énergie parut plus active, c’est qu’il fallait des hommes d’un courage réfléchi, pour utiliser les avantages du présent et mépriser les dangers de l’avenir. C’est par ses conseils que le quartier-général, qui devait être établi à la Bourse, le fut à l’Hôtel-de-Ville ; lors de son arrivée, tous les passages étant fermés, il sut avec son épée s’en frayer le chemin.

Après le combat, Dumoulin n’accepta de fonctions que celles auxquelles il fut appelé par le vœu libre de ses concitoyens, fuyant l’éclat, même dans les actions les plus mémorables : ce suffrage était le seul qu’il ambitionnât.

À quarante-six ans, il a été frappé d’une mort presque subite ; on a cru que la vivacité des passions avait abrégé sa vie ; mais il portait en lui-même la cause de cette mort : il le savait, et s’y était résigné avec tant de calme et de fermeté, que ses amis les plus intimes l’ignoraient.

De retour seulement depuis cinq jours d’un voyage de huit cents lieues, il a été saisi tout à coup, en séance du conseil, et au milieu de ses collègues du Constitutionnel, d’une hémorrhagie tellement violente, qu’il est mort en moins de vingt minutes. D’après l’autopsie, il a été reconnu qu’un anévrisme de l’aorte avait causé sa mort.

Dumoulin s’était rendu honorable dans la société et cher à ses nombreux amis par la bonté de son cœur, son désintéressement, sa généreuse délicatesse, par cette passion d’obliger, qui ont marqué tous les instans de sa trop courte existence ; et l’on peut dire avec vérité : écrivain politique, il eut beaucoup d’adversaires ; homme, il n’eut point d’ennemis.

Il est mort à Paris, le 4 septembre 1833.


Le mausolée d’Évariste Dumoulin, quoique simple, est d’un excellent goût : il se compose d’un cénotaphe élevé sur un stylobate, et surmonté d’un fronton, dans le tympan duquel sont sculptées les croix de la Légion-d’Honneur et de Juillet. Sur un panneau en marbre blanc sont gravés ces mots :

évariste dumoulin
4 septembre
1833.
Ce monument, construit en pierre, a été exécuté par M. Guillard, marbrier.

MLLE DUCHESNOIS.




Duchesnois (Catherine, Joséphine Rafin), sociétaire du Théâtre-Français, naquit à Saint-Saulve près Valenciennes (Nord), le 5 juin 1777.

Élevée à Paris par une de ses sœurs, sa vocation pour le théâtre se décida dès l’âge de huit ans qu’elle assista à une représentation de Médée ; et malgré tous les obstacles qu’on multiplia pour l’en détourner, elle persista dans sa résolution de paraître sur la scène. Elle débuta à Valenciennes dans le rôle de Palmire (Mahomet) l’enthousiasme qu’excita une enfant de treize ans, sans modèle, sans études théâtrales, sans leçons et sans conseils, révéla aux témoins de ses premiers succès ce qu’elle serait un jour.

On a dit qu’elle fut élève de Legouvé ; le fait n’est point exact : il fut son guide et non son professeur ; il lui donna des avis et non des leçons, lui laissant surtout l’entière liberté de suivre les inspirations de son âme expansive et ardente ; après trois ans d’études elle débuta au Théâtre-Français par le rôle de Phèdre, le 21 juillet 1802.

Elle continua ses débuts dans Sémiramis, Roxelane, Hermione, pièces d’un caractère tellement opposé qu’elle développa au plus haut point la flexibilité de son talent. Elle aborda aussi avec un égal succès les rôles d’Andromaque, d’Ariane, d’Alzire, d’Aménaïde, de Clytemnestre, d’Athalie et de Mérope, conservant avec une intelligence rare, un talent toujours soutenu, les différentes passions du personnage qu’elle représentait, sans jamais confondre ces nuances délicates et fugitives qui différenciaient chacun de ses rôles.

Mlle Duchesnois était, on peut le dire, à l’apogée de sa brillante réputation, quand une rivale[1] vint se poser à côté d’elle, sous les auspices d’une de nos plus grandes tragédiennes[2]. Nous ne rappellerons pas les détails de la lutte qui s’éleva entre ces deux actrices ; nous dirons seulement qu’elle remporta la victoire, et prouva qu’elle en était digne par la création des rôles de Janne d’Arc, de Marie Stuart et d’Éléonore d’Aquitaine. Il a fallu à Mlle Duchesnois toute la sublimité de son génie pour enlever les suffrages dans le premier de ces rôles, si difficile à rendre par le peu de mouvements dramatiques qu’on y peut développer. Dans Marie Stuart et dans Éléonore d’Aquitaine, elle put se livrer à toutes les inspirations de son âme ; jamais le pathétique ne fut poussé aussi loin, et jamais les ressources de son beau talent ne parurent avec plus d’abondance et d’éclat.

Sa santé altérée la força de ne paraître que rarement sur la scène et enfin de l’abandonner tout à fait ; elle termina une carrière qu’avaient constamment illustrée de brillants succès et d’estimables qualités personnelles parmi lesquelles sort active bienfaisance envers les malheureux occupait le premier rang.

La religion, en accueillant ses œuvres de charité (dont elle fut souvent la dispensatrice), répandit sur les derniers moments de Mlle Duchesnois ses consolations et ses espérances ; et les arts, sa famille, ses amis et les pauvres la pleurèrent.

Elle est décédée le 8 janvier 1835, et a été inhumée au cimetière du Père-Lachaise. Le monument de Mlle Duchesnois est d’une grande simplicité : si dans sa construction on a voulu offrir l’emblème de la modestie qui caractérisait le véritable talent de cette grande tragédienne, on doit convenir qu’on a bien fidèlement rempli le but.

Ce monument construit tout en pierre et élevé sur un soubassement, a la forme des bornes antiques qui marquaient les limites de l’empire romain.

Dans une niche carrée est sculptée en relief la statue de Melpomène en pleurs, le bras droit appuyé sur une colonne tronquée surmontée d’une urne cinéraire, où on lit les noms des pièces tragiques dans lesquelles brillait le beau talent de la célèbre actrice.

Au bas du monument on lit cette inscription :

A DUCHESNOIS.

Sur la partie latérale de gauche sont gravés les noms des souscripteurs et des villes qui ont érigé le monument, dont voici la liste :

le roi.
la famille royale.
le théatre français.
paris, lille, valenciennes,
douay, dunkerque, avesse,
bordeaux et nantes

Sur la partie latérale de droite est gravée l’inscription suivante :

catherine, joséphine, rafin duchesnois,
née a sT-saulve, près valenciennes,
le 5 juin 1777.
morte a paris le 8 janvier 1835.

Ce monument a été construit par MM. Parisé et Deutsch.

La statue a été sculptée par M. Lemaire.

DUPATY.




Dupaty (Louis-Marie-Charles-Henri-Mercier), statuaire, élève de Lemot, officier de la Légion-d’Honneur, membre de l’Institut et de la Commission des beaux-arts du département de la Seine, professeur à l’École royale des Beaux-Arts, et conservateur adjoint de la Galerie du Luxembourg, naquit à Bordeaux (Gironde), le 29 septembre 1771.

Destiné d’abord à la magistrature, il cultiva les arts sans néanmoins négliger les études nécessaires à l’état qu’il devait embrasser.

Appelé par la réquisition, il passa dans un régiment de dragons, et y servit avec honneur et distinction. Ayant obtenu son congé, il revint à Paris étudier la peinture, et profita rapidement des leçons des meilleurs maîtres de l’École française. Mais, dominé par un penchant irrésistible, il s’essaya dans la sculpture, et se livra entièrement à l’étude de cet art difficile chez le célèbre Lemot.

En 1799, il remporta au concours de l’Institut le premier grand prix de sculpture, et partit pour Rome, où il passa sept années, qu’il consacra à l’étude de la nature et de l’antique.

A son retour, il rapporta à Paris plusieurs de ses productions, qui obtinrent les suffrages unanimes du public et des artistes les plus distingués. On y remarquait, entre autres, son Philoctète blessé, qui orne la terrasse du château de Compiègne, et qui a été exposé au Louvre en 1810.

En 1812, il exposa la Vénus genitrix, qui est placée au Muséum d’Histoire naturelle ; Ajax bravant les dieux, placé dans un des pavillons de la colonnade du Louvre ; une figure de Pomone, placée à la Galerie du Luxembourg ; la statue en marbre du général Leclerc, et le buste de Madame, mère de l’Empereur.

En 1814, Oreste tourmenté par les Euménides. En 1819, Cadmus combattant le dragon de Circé ; Biblis métamorphosée en fontaine ; et, en 1822, Vénus devant Pâris, groupe qui a obtenu le plus brillant succès, et qui a mis le sceau à la réputation de son auteur.

On a encore de Dupaty plusieurs esquisses modèles en plâtre, dont la plupart ont été exposées, et parmi lesquelles on distingue : l’Amour cachant des chaînes et montrant des fleurs, Ajax foudroyé, un jeune Berger et son chevreau, et un grand nombre de bustes, dont les plus remarquables sont ceux de Napoléon, de Lucien Bonaparte, de M. de Vaublanc, de mademoiselle de Montholon, de madame Pasta, du général Lemarrois et de Louis XVIII.

Dupaty fut aussi chargé de faire la statue équestre de Louis XIII. Le modèle de cette figure, de treize pieds six pouces de proportion, fut terminé en 1821, et c’est d’après lui qu’a été exécutée, par les soins de M. Cor tôt, la statue en marbre qui décore la place Royale. La mort n’avait pas permis à Dupaty de terminer lui-même ce travail. Ses derniers ouvrages furent les modèles d’un groupe et d’un bas-relief, commandés pour le monument expiatoire de la rue de Richelieu, qui ont été aussi exécutés par M. Cortot, en 1825, d’après les modèles en plâtre de Dupaty.

La mort prématurée de Charles Dupaty a enlevé à la sculpture un artiste qui s’est éminemment distingué par l’originalité de son ciseau, par la profonde étude de l’antique, par la force de l’expression, qui caractérisent ses figures, et qui avait pris rang parmi les statuaires dont s’honore la France.

Dupaty joignait au talent le plus remarquable les plus estimables qualités et les sentimens les plus généreux : de jeunes élèves sans fortune, avec d’heureuses dispositions, qui, faute de ressources, étaient sur le point d’abandonner la carrière des arts, trouvaient en lui un bienfaiteur et un appui ; il les aidait de sa bourse et de ses conseils, et leur frayait ainsi le chemin de la fortune et de la célébrité.

Il est décédé à Paris, le 12 novembre 1825, à l’âge de cinquante-quatre ans, et a été inhumé au cimetière du Père Lachaise.

Le monument de cet artiste, quoique d’un style simple, a été exécuté avec beaucoup de soin ; il est en marbre blanc, et a la forme d’une borne antique. Le buste de Dupaty, sculpté en demi-relief (qui est d’une ressemblance parfaite), est entouré d’une guirlande de lauriers, au haut de laquelle est la croix de la Légion-d’Honneur ; au-dessus est gravé en relief, en forme de légende, le nom de CHARLES DUPATY.

Au-dessous du buste, on lit l’inscription suivante :

A LA MÉMOIRE
DE CHARLES DUPATY,
statuaire, membre de l’institut,
professeur a l’école royale
des beaux-arts,
officier de la légion-d’honneur,
né a bordeaux le xxix
septembre m.dcc.lxxi,
mort a paris le xii
novembre m.dcc.xxv.

Le buste de Dupaty a été exécuté par M. Cortot, et la sculpture des ornemens

par M. Guersant.

DUPUYTREN.




Dupuytren (Guillaume), baron de l’Empire, chevalier de la Légion d’Honneur et de l’ordre de Saint-Michel, premier chirurgien du Roi, etc., etc., naquit à Pierre-Buffière (Haute-Vienne), le 6 octobre 1777.

Entraîné dès ses plus jeunes années par son esprit d’observation, il quitta les auteurs latins pour les ouvrages d’anatomie, et se voua exclusivement à cette science, parce que reposant tout entière sur des faits certains et reconnus, elle offre moins d’aliment aux conjectures et par conséquent aux erreurs. A dix-sept ans, il remporta au concours la place de professeur à l’École de santé à Paris, et fut appelé à donner des leçons, à un âge où la plupart des élèves sont encore sur les bancs de l’école.

En 1802, il fut nommé troisième chirurgien de l’Hôtel-Dieu, sans appointements ; mais l’année suivante il reçut de l’administration des hospices un superbe exemplaire des œuvres d’Hippocrate et de Galien, et se fit recevoir docteur en chirurgie. En 1803, il fut nommé chirurgien en chef adjoint du même hôpital, et en 1815, par un concours solennel, à la place de chirurgien en chef.

Les grandes qualités qui distinguaient Dupuytren étaient un coup d’œil sûr, une rare dextérité, une hardiesse étonnante et un sang-froid imperturbable. Appelé auprès de Mgr le duc de Berry après l’assassinat de Louvel, il fut le dernier à perdre l’espoir de conserver le prince. Ses talents furent l’origine de sa grande faveur à la cour ; il y fut successivement nommé chirurgien du Roi, des princes et princesses de la famille royale ; il devint ensuite inspecteur-général de l’Université, membre de l’Académie de Médecine et de l’Institut. C’est par ses travaux en chirurgie que ce célèbre professeur s’est acquis des droits incontestables à la reconnaissance des hommes ; il a rendu moins douloureuses, plus faciles, et par conséquent moins longues une infinité d’opérations chirurgicales ; il a créé plusieurs instruments destinés à abréger les souffrances des malades, ou pour guérir plusieurs maladies réputées jusqu’alors incurables. Après avoir ouvert par ses travaux et ses cours la carrière de l’anatomie pathologique à MM. Cruveilhier, Marandel, Bichat et Andral, il a simplifié et rendu plus sûres des opérations qui offraient presque autant de lenteurs que de dangers.

Dupuytren a peu écrit, c’est-à-dire qu’il n’a publié aucun traité spécial sur les maladies qu’il a guéries, ni sur les moyens employés pour opérer des cures qu’on regardait comme impossibles ; mais ses travaux qui ont eu pour témoins ses collègues et ses élèves, forment une imposante tradition qui perpétuera la méthode de Dupuytren, aussi célèbre par son zèle pour la science que par son amour pour l’humanité.

Il est décédé à Paris le 7 février 1835, et a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Le monument dans lequel repose la dépouille mortelle de Dupuytren est construit en pierre dans le style égyptien.

Il est composé d’un stylobate flanqué de pilastres, et surmonté d’un entablement avec fronton et oreillons sur chaque face.

Entre les pilastres sont des pierres saillantes taillées en carré et disposées en compartiments qui donnent au monument l’aspect d’une sépulture de famille.

Au-dessus de l’entablement s’élève sur une estrade à trois gradins un obélisque orné de pal mettes sculptées d’un excellent goût, et au milieu duquel on lit :

DVPVYTREN
né a
pierre bvffière
le 6 octobre 1777
mort a paris
le 7 février 1835.
Ce monument a été construit par M. Guillard, marbrier.

LE GÉNÉRAL FOY.




Foy (Maximilien-Sébastien), lieutenant-général, commandant de la Légion-d’Honneur, membre de la Chambre des Députés, naquit à Ham (Somme), le 3 février 1775.

Il entra sous-lieutenant d’artillerie dans le régiment de la Fère le 1er mars 1792 ; mais, par ses talens et sa bravoure, il obtint plusieurs grades en peu d’années, et servit avec la plus grande distinction sous Dumouriez, Dampierre, Custines, Houchard et Pichegru.

Dans quelques discussions qu’il eut avec Joseph Lebon, en mission à Arras, ce proconsul se trouvant blessé de la franchise toute militaire du général Foy, voulut le faire arrêter ; mais, prévenu à temps, il parvint à s’échapper. De retour à l’armée, il se lia de la plus étroite amitié avec les généraux Abatucci et Desaix. Le premier mourut dans ses bras à l’attaque du pont d’Huningue, et le second ne put jouir à Marengo du succès de sa brillante manœuvre, qui décida la victoire.

L’Allemagne, l’Italie, la Suisse, l’Espagne et le Portugal furent les témoins de sa valeur : toujours il s’y montra le digne émule des braves qu’il commandait. Son nom, honorablement inscrit dans nos fastes militaires, et quinze blessures, attestent qu’il se trouva partout où il y avait des lauriers à cueillir. Son excessive bravoure, mais toujours réfléchie, son courage pour triompher des obstacles, son attachement à ses soldats, ses soins assidus à pourvoir à tous leurs besoins, lui avaient concilié la confiance et l’amour de ses troupes.

Après les désastres de Waterloo, le général Foy puisa dans les excellentes études qu’il avait faites un nouveau moyen d’être utile à son pays. Nommé par son département à la Chambre des Députés, la première fois qu’il parut à la tribune ce fut pour défendre les militaires décorés de la Légion-d’Honneur. Après avoir établi d’une manière incontestable la légitimité de leurs titres à la reconnaissance du pays, il s’écria : Ce ne sont pas des intérêts privés que je viens défendre ; c’est la cause de la nation… Il y a de l’écho en France quand on prononce ici les noms d’honneur et de patrie.

Le général Foy avait échappé pendant vingt-cinq ans aux fatigues et aux périls de la guerre ; il succomba sous dix années de travaux législatifs. Il eût pu, en s’éloignant quelque temps des affaires, se soustraire au danger qui le menaçait ; mais, habitué à faire à son pays le sacrifice de sa vie, il ne put se résoudre à vivre et à cesser de lui être utile : il mourut le 28 novembre 1825.

Sous le rapport des talens oratoires, le général Foy laissera de longs souvenirs. Toujours renfermé dans la question, il n’allait point chercher hors de la discussion des sujets d’émotions étrangères : habile à saisir la faiblesse ou le faux du raisonnement de ses adversaires, il les terrassait par une logique serrée qui ne laissait aucune prise sur ; lui. S attaquant aux principes, et non aux hommes, il ne s’abandonnait à aucune personnalité, et ses paroles, quelque énergiques qu’elles fussent, étaient toujours en harmonie avec les convenances parlementaires : aussi la tribune restera long-temps veuve d’un orateur qui réunissait à une éloquence tout à la fois sévère ; entraînante et persuasive, l’art de concilier les égards dus à ses collègues, avec le respect qu’il se devait à lui-même.

La mort du général Foy fut considérée comme une calamité publique. Un concours immense de citoyens l’accompagna jusqu’au tombeau, et la douleur générale, expression fidèle des sentimens qu’inspirait ce fatal événement, fut l’hommage le plus digne de sa mémoire.

La sépulture du général Foy est de forme quadrangulaire, et est élevée sur une estrade en pierre de Volvic, aux angles de laquelle sont placées des bornes qui soutiennent la grille d’entourage, qui est en fer fondu, ainsi que la porte du caveau. Au-dessus est un stylobate (dont la corniche est ornée d’oves) surmonte de quatre colonnes cannelées qui supportent l’entablement, avec fronton triangulaire devant et derrière, dans le tympan desquels sont des couronnes de laurier ; la statue en marbre du général est placée entre les colonnes. Sur le stylobate sont quatre bas-reliefs : celui qui est à la face du nord représente le général entouré de ses collègues de la Chambre des Députés, auxquels il présente un projet de loi ; à la face de l’est, le général est représenté dans une bataille, à la tête de ses grenadiers ; celui de la face de l’ouest représente ses obsèques ; et enfin à la face méridionale est une inscription, placée entre le Génie de la guerre et celui de l’éloquence, ainsi conçue :

AU GÉNÉRAL
FOY,
SES CONCITOYENS ;
28 novembre 1825.

Ce monument a été exécuté sur le dessin de M. Debray fils, architecte, sous la direction de M. Debray père. La statue et les sculptures des bas-reliefs sont dues

au ciseau de M. David, membre de l’Institut.

MME LA COMTESSE FRÉSIA.




Frésia d’Oglianico (Victoire-Marie-Christine), comtesse, veuve de M. Félix Saint-Martin, comte de Lamotte, ancien sénateur, naquit en Italie, en 1773.

Lors de son veuvage, elle se retira à Passy, où elle vécut, jusqu’à sa mort, dans la plus profonde retraite. Entièrement occupée du souvenir d’un époux qu’elle avait tendrement aimé, elle portait constamment sa pensée vers cet objet de ses plus sincères regrets, et repaissait sa mémoire de tout le prestige d’une union fortunée et d’un bonheur qui n’existait que dans son imagination. Mais, malgré l’état d’isolement dans lequel elle vivait, parfois une fâcheuse réflexion la tirait de sa rêverie, et, ne trouvant alors autour d’elle qu’un vide affreux, de profonds chagrins remplaçaient un moment d’illusion. Une aussi douloureuse situation, à laquelle les faveurs de la fortune n’apportaient aucun adoucissement, ne tarda pas à affaiblir toutes ses facultés et à faire naître diverses maladies, dont la plus incurable était une affection morale.

La comtesse Frésia est décédée à Passy, le 25 septembre 1830, et a été transportée au cimetière du Père Lachaise, où elle a été inhumée.

Son mausolée est remarquable par sa forme élégante et par la richesse de ses ornemens. Il se compose d’un cippe carré en marbre blanc, aux angles duquel sont, sur le devant, deux colonnes torses, et, sur le derrière, deux pilastres qui soutiennent un entablement et un fronton triangulaire. Les angles du fronton sont ornés de palmettes, et les intervalles de volutes et de pavots. Le stylobate (également en marbre), qui sert de base au monument, est orné d’une astragale à feuilles sculptées et d’une moulure à ornement au-dessus.

Les bases des colonnes et des pilastres (dont les chapiteaux sont d’ordre composite) sont ornées également de feuilles sculptées d’un travail achevé.

Le panneau sur lequel est gravée l’épitaphe est encadré d’une large bordure figurée par des rinceaux.

Généralement, ce monument se distingue des autres par la richesse de sa composition, la pureté du style et son exécution soignée.

Une grille en fer forme l’entourage et la clôture de ce mausolée.

Sur le panneau du milieu, on lit l’épitaphe suivante :


ICI REPOSE
victoire-marie-christine,
comtesse
FRÉSIA D’OGLIANICO,
veuve
de félix SAINT-MARTIN,
comte de LAMOTTE,
ancien sénateur,
décédée a passy,
le xxv septembre
m. dccc. xxx.
a l’age de lvii ans.


Ce mausolée a été exécuté sur les dessins et sous la direction de M. Visconti, architecte, par M. Shwind, sculpteur-marbrier.

GALL.




Gall (le docteur Jean-Joseph) naquit en 1768, à Tiesenbrunn (Wurtemberg), et se consacra à la médecine, qu’il exerça à Vienne avec distinction. Doué dès ses plus jeunes années d’un talent d’observation qui se développa avec l’âge, il s’était attaché, n’étant encore qu’écolier, à examiner avec attention la conformation de la tête de ses camarades, et il avait été amené à cette remarque singulière, que ceux de ses condisciples qui avaient de grands yeux, retenaient plus facilement que lui les leçons des professeurs, quoiqu’il apportât exprès l’attention la plus soutenue.

De là, il déduisit cette conséquence, que les yeux étaient le siège de la mémoire, et que plus ces organes étaient grands, plus cette faculté en recevait de développement.

Cette hypothèse, qu’il abandonna, mais à laquelle il revenait quelquefois, le conduisit à concentrer ses observations sur la configuration des différentes parties de la tête. Il se forma donc une collection de crânes, et poursuivant avec ardeur les recherches dont il s’était imposé la loi, il établit en principe que les facultés intellectuelles sont en proportion des protubérances qu’il avait remarquées sur ces mêmes crânes.

Il classa dans un certain nombre de ces protubérances autant de ces facultés intellectuelles. Il soutint que ces facultés innées ont leur siège dans le cerveau, que plus ces points répandus sur la surface du crâne forment de saillie à l’extérieur, plus la faculté intellectuelle qu’ils contiennent est active, et que cette protubérance démontre extérieurement l’existence des dispositions renfermées dans sa concavité, ainsi que la force d’impulsion irrésistible avec laquelle elles doivent agir sur l’individu.

Un système si nouveau devait nécessairement éveiller l’attention publique : c’est ce qui arriva à Vienne, où le docteur Gall le fit d’abord connaître ; puis à Paris, où il le développa avec un talent que soutenaient de nombreuses et savantes recherches. Cette découverte, qui avait échappé à nos plus fameux anatomistes, lui attira beaucoup d’admirateurs et beaucoup d’ennemis : parmi ces derniers, il en est qui allèrent jusqu’à l’accuser d’athéisme. Il repoussa cette accusation avec toute l’énergie d’un homme qui a la conscience et de ses talens et de ses principes, et la pulvérisa dans un ouvrage qui a pour titre : Des Dispositions innées de l’Ame et de l’Esprit, ou du Matérialisme, etc.

Nous ne rapporterons aucune de ces critiques dont il fut l’objet. Un physiologiste d’un talent aussi éminent que le docteur Gall n’appartient point encore à la postérité. C’est à des expériences réitérées et fondées sur des observations savantes et consciencieuses, à décider le vrai ou le faux de son système : or, ce ne peut être que le résultat de très longues années et de recherches entreprises, non dans un esprit de dénigrement, mais uniquement dans l’intérêt de l’art.

Une justice éclatante qu’on doit rendre au docteur Gall, c’est qu’il a tranché victorieusement une question depuis long-temps indécise entre les anatomistes les plus distingués : il a prouvé que le cerveau tire son origine de la moelle épinière, qui augmente de volume en pénétrant dans le crâne, et forme les deux lobes que l’on y remarque.

La sépulture du docteur Gall, qui n’a d’autre inscription que son nom, est d’une grande simplicité et d’un style sévère. Sa tombe, peu élevée du sol et couverte d’une pierre horizontale, est surmontée d’un cippe de forme antique, sur lequel est placé le buste en marbre du docteur. Sur chacune des parties latérales du buste est gravée une tête : une troisième est également tracée sur le derrière. Sur ces têtes sont désignées, par des numéros, les protubérances qui caractérisent les facultés intellectuelles.

Ce monument a été exécuté par M. Schwind, sculpteur, marbrier de la préfecture de la Seine.

GAREAU.




Gareau (Pierre), négociant, naquit à Lhoisy (Côte-d’Or), en 1766, d’une famille honnête et laborieuse, mais sans fortune, il chercha dès sa jeunesse, par son ardeur pour le travail, la régularité de sa conduite et sa ferme persévérance, à sortir de l’état de médiocrité dans lequel le destin l’avait fait naître ; il y réussit complètement.

Ce fut donc à son mérite personnel et à sa louable ambition qu’il dut incontestablement sa première aisance.

Ce changement de position le mit à même d’étendre ses relations commerciales : sa franchise et sa loyauté dans ses opérations industrielles, et surtout son austère probité, lui attirèrent la confiance d’une nombreuse clientelle, et lui acquirent bientôt une haute réputation.

La fortune commença dès lors à lui sourire. Plusieurs négocians briguaient la faveur, sous Napoléon, d’être les fournisseurs de ses armées : Gareau se plaça au nombre des concurrens, et obtint sa nomination.

Ce négociant réunissait les qualités physiques et morales qu’exigeait une tâche aussi difficile à remplir. Implacable ennemi de la fraude, il surveillait constamment les nombreux ouvriers occupés à confectionner les marchandises qui devaient être envoyées, il les visitait minutieusement avant leur livraison, en écartant celles qui ne réunissaient pas des qualités supérieures, bien moins par la crainte des reproches que pour agir délicatement.

Il continua honorablement ses fournitures jusqu’à la restauration ; la fin de la guerre ayant rendu ses services inutiles, il se retira, comblé des faveurs de la fortune.

Il fit avec ses immenses capitaux l’acquisition de plusieurs propriétés. L’habitude qu’il avait du travail et d’être entouré d’ouvriers, lui suggéra l’idée de faire bâtir. Sans cesse occupé à surveiller les travaux, et abusant de sa hardiesse en montant sur les échafaudages les plus élevés, il fut victime de son imprudence ; une chute qu’il fit du haut d’un bâtiment dont il considérait les progrès causa sa mort.

Gareau laissa son épouse inconsolable entourée de six enfans, à laquelle la plus brillante fortune n’offrait aucun dédommagement.

Décédé le 30 août 1815, il a été inhumé au cimetière du Père Lachaise.

Son monument, qui est tout en marbre blanc, est remarquable par la richesse de sa construction ; il se compose d’une borne antique de forme carrée, surmontée d’une corniche et d’un fronton à oreillons. Sur le devant est la figure sculptée en bosse d’une femme éplorée, assise sur un socle. Sur les parties latérales sont quatre bornes carrées en pierre de liais, terminées en biseau, auxquelles est adaptée une grille en fer fondu.

Sur la façade principale, on lit cette inscription en lettres d’or :

a la mémoire
de pierre GAREAU,
négociant,
décédé, a paris, le 30 aout 1815,
agé de 49 ans.
sa veuve et ses six enfans
lui consacrent ce monument.

GÉRICAULT.




Géricault (Jean-Louis-Théodore-André), peintre d’histoire, naquit à Rouen (Seine-Inférieure) le 26 septembre 1791. Il étudia d’abord dans l’atelier de Carle Vernet, et ensuite dans celui de Pierre Guérin. Il exposa au Musée, en 1812, le portrait d’un grenadier à cheval ; en 1814, un hussard chargeant ; un cuirassier blessé ; en 1819, une scène du naufrage de la Méduse ; en 1824, la forge de village ; un enfant donnant à manger à un cheval, etc.

On lui doit quelques petits tableaux de genre, plusieurs lithographies pour l’histoire de Napoléon par Arnaut, et des dessins, dont ceux de la bataille de Chacabuco et de celle de Maipu en Espagne ; un épisode de la retraite de Moscou. On a vu de lui à la galerie Lebrun, en 1826, l’intérieur d’une brasserie ; un postillon faisant boire ses chevaux, et la suite d’une tempête.

Géricault obtint aux expositions du Salon deux médailles d’or de première classe, l’une en 1812 et l’autre en 1819. Il n’est pas hors de propos de tracer ici l’historique du Naufrage de la Méduse, que l’on peut nommer à juste titre le drame de la peinture. Cette magnifique toile, restée dans l’atelier du peintre après sa mort prématurée, ne put trouver aucun acquéreur ; le gouvernement refusa de l’acheter, et ces destructeurs qu’on nomme marchands de tableaux avaient décidé l’acquisition de l’œuvre de Géricault, mais à quelle condition ?… À la condition de couper toutes les figures, et de se les partager afin de les vendre comme figures d’étude !… Ce sacrifice était sur le point de s’accomplir ; les ciseaux étaient ouverts, la toile craquait déjà, lorsque l’intervention d’un des plus dignes employés de l’administration vint arracher à la destruction ce chef-d’œuvre d’un célèbre peintre français.

On comprend le motif qui nous empêche de nommer ici cet administrateur, mais la reconnaissance des amateurs des beaux-arts lui est entièrement acquise.

Le tombeau érigé à Géricault, au cimetière du Père Lachaise, offre la belle statue de cet artiste exposée au Salon de 1841. Le peintre est représenté sur son lit de mort ; au moment d’expirer, il se relève, prend sa palette, et retombe avant que son pinceau ait pu même tracer sa dernière pensée.

Sur le piédestal qui supporte la statue est sculpté en bas-relief le tableau du Naufrage de la Méduse, ce chef-d’œuvre qui fait aujourd’hui l’ornement du Musée royal, et que l’envie et l’ignorance ont été sur le point d’anéantir.

La statue, dont la pose, l’exécution et la ressemblance sont admirables, est due au ciseau de M. Étex, qui a aussi dirigé la construction du monument, lequel a été exécuté d’après son dessin par la Compagnie générale des inhumations.

Au-dessus du bas-relief on lit :
GÉRICAULT.
Au côté gauche on lit : Au côté droit :
A MORT
LA A
MÉMOIRE PARIS
DE A
GÉRICAULT. L’AGE
DE
A ROUEN 33 ANS
LE LE
26 7BRE 26 JANVIER
1791. 1824.




Imp. de Hennuyer et Turpin, r. Lemercier, 24. Batignolles.

GIRODET-TRIOSON.




Girodet-Trioson (Anne-Louis), peintre d’histoire, élève de David, membre de l’Académie royale des Beaux-Arts, naquit à Montargis (Loiret) le 29 janvier 1767.

Jeune encore, il remporta le premier prix de peinture, et fut à Rome comme pensionnaire du gouvernement.

Au nombre des tableaux capitaux sortis de son pinceau, on citera toujours la Mort d’Atala, la Révolte du Caire, Napoléon recevant les clefs de Vienne, Endymion, Hippocrate refusant les présens d’Artaxerce, Pygmalion et sa statue, Paul et Virginie traversant une rivière, etc.

Mais la composition qui mit le sceau à sa réputation, c’est le magnifique tableau dans lequel il a représenté une Scène du Déluge. C’est là que Girodet a déployé toutes les ressources de son imagination, toute la variété de son talent ; aussi, quand ce tableau parut à l’exposition, un cri unanime d’admiration s’éleva à la vue de cette production sublime, où le peintre avait su porter à son comble la terreur et la pitié.

Ce tableau fut désigné, en 1810, pour le premier prix décennal, et c’est ainsi que, dans le Rapport présenté à l’Empereur par l’Institut, pour la distribution de ces prix, s’exprimèrent les juges du concours : « Cette scène si touchante et si terrible, en offrant à nos regards ce que la crainte et l’extrême danger ont de plus effrayant, ne présente que des mouvemens nobles, et ce que la belle nature nous offre de plus pur. La réunion des sexes et des différens âges ajoute encore à la beauté du tableau, par d’heureuses oppositions rendues avec autant de grâce que de force, et qui décèlent dans l’artiste une connaissance approfondie de la nature et de ce qui constitue le beau.

« Le pinceau de M. Girodet, toujours précieux, est dans ce tableau aussi vigoureux que brillant. La couleur et l’effet y sont également portés à un très haut degré. Enfin, on peut regarder cet ouvrage comme un des plus beaux de notre école sous les rapports de l’expression, de la science du dessin, et sous celui de l’exécution. »

En 1816, un conseil honoraire, composé d’artistes et d’amateurs, fut établi près le ministère de la maison du Roi : Girodet en fut nommé membre.

Au mois de janvier 1817, il fut créé chevalier de l’ordre de Saint-Michel.

On a de lui les portraits de plusieurs personnages marquans, celui de M. de Chateaubriand visitant les ruines de Rome est d’une ressemblance parfaite, et l’on doit à l’un de nos plus grands peintres d’avoir fidèlement reproduit les traits d’un de nos plus grands écrivains.

Les productions capitales de ce peintre célèbre sont presque toutes réparties dans nos musées ; plusieurs de ses tableaux de chevalet, extrêmement recherchés, ornent, ou des galeries d amateurs, ou des cabinets étrangers ; ses œuvres ont toutes été gravées ou lithographiées. Il est mort à Paris le 9 novembre 1824.

Après sa mort, la croix d’officier de la Légion-d’Honneur lui fut envoyée ; elle orna son cercueil, qui a été déposé au cimetière du Père-Lachaise.

Le monument qui renferme sa dépouille mortelle se compose d’une tombe quadrangulaire, recouverte d’une pierre horizontale, au chevet de laquelle s’élève, sur un socle, une borne antique d’un seul bloc de marbre blanc. Une niche, creusée dans son épaisseur, contient le buste, aussi en marbre, de ce grand peintre, qui réunit au travail le plus achevé le mérite de la plus parfaite ressemblance. Il a été exécuté par M. David, membre de l’Institut.

Dans un panneau au-dessous est gravée cette inscription latine :

HIC SITVS EST

ANNA-LVDOVICVS GIRODET-TRIOSON

INSTITVTI REGII.

ACADEMIÆ. ARTIVM SOCIVS.

IN LEG. HONOR. CINTVRIO.

REGII. S. MICH. ORD. EQVES.

NATVS. MONTE. ARCISI XXIX JANVAR. M. DCC. LXVII.

OBIIT. PARISIIS. IX NOVEMB. M. DCCC. XXIV.


Sur le derrière du monument sont sculptés les attributs de la peinture et de la poésie, entourés de deux branches de laurier et surmontés d’un flambeau. Au bas d’une lyre sont gravés ces mots :

PICTORIBVS

ATQUE

POETIS.

GOUVION-SAINT-CYR.




Gouvion-Saint-Cyr (le maréchal comte de), né à Toul, le 16 avril 1764. Il s’était d’abord adonné à la peinture, il fit même un voyage à Rome pour se perfectionner dans cet art ; mais il préféra la carrière des armes, et servit comme volontaire un peu avant la révolution.

Sa bravoure, ses connaissances profondes dans l’art de la guerre, en ont fait un des généraux les plus distingués de l’armée française. Son avancement fut rapide : au commencement de 1793, il était adjudant-général à l’armée des Alpes, à la fin de l’année général de brigade, et deux ans après général de division.

Le 14 septembre 1793, il chassa les Piémontais de la vallée de Maurienne ; en 1794, il se distingua particulièrement à l’attaque de la Ramasse, où l’ennemi perdit vingt-huit pièces de canon et six mille prisonniers. Il passa, en 1797, comme général de division, à l’armée de Rhin et Moselle, commandée par Moreau, et en 1798, à celle d’Italie, sous les ordres de Masséna ; ce général, forcé par une insurrection de s’éloigner de Rome, laissa le commandement de l’armée à Gouvion-Saint-Cyr, qui, mêlant la douceur à la fermeté, apaisa des troubles dont les suites pouvaient être les plus déplorables.

Il fut appelé, en 1801, au Conseil d’État (section de la guerre) ; sous le consulat, il succéda à Lucien Bonaparte dans l’ambassade d’Espagne. En 1805, il fut employé de nouveau à l’armée d’Italie, sous les ordres de Masséna, et, dans cette campagne, fit prisonnier un corps de six mille Autrichiens ; peu de temps après, il entra à Venise en vertu de la capitulation d’Austerlitz.

Il servit dans la guerre de la Prusse et de la Pologne, et fut nommé gouverneur de Varsovie. En 1808, il passa en Espagne, où il se distingua au siège et à la prise de Roses ; les villes de Saint-Félix, d’Equixola et de Palamon, après une résistance opiniâtre et deux combats sanglans, lui ouvrirent leurs portes.

L’Empereur lavait déjà nommé colonel-général des cuirassiers et grand-aigle de la Légion-d’Honneur ; la manière brillante dont il se distingua en Russie, au combat de Polotsk, lui mérita le bâton de maréchal de l’empire.

Après la blessure du maréchal Oudinot, le commandement de l’armée du centre fut donné à Gouvion-Saint-Cyr, qui défit le général Wittgenstein ; celui-ci ayant voulu couper la retraite, fut forcé de laisser le passage libre.

Le 26 et le 27 août, après la bataille de Dresde, où il avait soutenu glorieusement sa réputation, il attaqua à Plaüen le corps russe du général Tolstoï, lui fit trois mille prisonniers et prit vingt pièces de canon.

Rentré à Dresde, il y devint prisonnier contre toutes les lois de la guerre, à la suite d’une capitulation qu’il avait signée le 11 novembre 1813, et qui ne fut point ratifiée ; de sorte qu’il ne rentra en France qu’en septembre 1814, et fut nommé pair de France, commandeur de Saint-Louis et ministre de la guerre.

Il eut pendant trois mois le ministère de la marine, et rentra à celui de la guerre ; c’est à cette seconde époque qu’il eut besoin de ses talens et de sa fermeté pour recréer une armée ; c’est aussi pendant ce second ministère que fut rendue la loi du recrutement, dont il est l’auteur.

Lorsqu’en 1819, on agita au conseil les change mens et modifications à faire à la loi électorale, le maréchal s’opposa vivement à cette mesure, et il sortit du ministère avec de nouveaux titres à la reconnaissance nationale : il l’avait quitté en 1815 pour ne pas signer le traité humiliant de Paris ; il le quitta en 1819, pour ne pas participer au renversement de la loi des élections.

Le monument du maréchal Gouvion-Saint-Cyr, qui n’a rien de funèbre, est dans une enceinte demi-circulaire, entourée de trois gradins et d’un appui lambrissé, où s’élève, sur un socle de granit, surmonté d’un piédestal en marbre blanc, la statue pédestre du maréchal, revêtu de son uniforme ; sa main droite est appuyée sur des cartes géographiques, et d’autres papiers à demi roulés, placés sur un cippe, et sur lesquels on lit : Loi de recrutement. Campagnes du Rhin, Polostk.

Sur la face principale du piédestal, on lit cette seule inscription ;

LE MARÉCHAL
GOUVION-SAINT-CYR.

Un banc de pierre règne circulairement dans l’enceinte, qui est close par une grille en fer bronzé à compartimens figurés par des boulets et des ornemens symboliques de la force militaire.

La statue du maréchal, qui mérite d’être considérée comme un chef-d’œuvre, a été exécutée par M. David, statuaire, membre de l’Institut ; le monument a été construit par M. Schwind, marbrier.

GRANDEAU D’ABAUCOURT.




D’Abaucourt (Louis-Joseph Grandeau, baron), lieutenant-général des armées, grand-officier de la Légion-d’Honneur, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, de ceux de la Couronne-de-Fer et de Maximilien-de-Bavière, né en 1763, fut un de ces jeunes gens dont les principes de la révolution française électrisèrent le courage, et qui se consacrèrent à la défense de la patrie, dans le cas où les puissances étrangères lui déclareraient une guerre qui paraissait imminente.

Il entra au service comme lieutenant au 13e bataillon d’infanterie légère : sa bravoure le fit bientôt remarquer aux armées de Sambre-et-Meuse et du Danube.

D’après les rapports avantageux qui lui furent faits sur le compte de cet officier, le général Lefebvre se l’attacha comme officier d’état-major ; et dans toutes les circonstances où il eut occasion de l’employer, il ne put que s’applaudir de lui avoir accordé sa confiance. Peu de temps après il fut nommé colonel de cavalerie.

Passé en cette qualité à la Grande Armée, il y devint successivement général de brigade, puis général de division en 1812. Il déploya dans les batailles mémorables qui eurent lieu à cette époque le même courage, le même sang-froid et les mêmes talens militaires que dans les autres affaires où il s’était trouvé.

En 1813, il fut blessé à Ulcrat, à Meskerich et à la prise de Smolensk. Stettin était menacé, il s’y jeta avec neuf mille hommes, et avec cette faible garnison il repoussa toutes les attaques des ennemis, qui furent forcés de renoncer à la prise de cette ville. Ce fut pour le récompenser de son héroïque défense que l’Empereur le nomma gouverneur de cette place.

En 1809, il reçut l’autorisation de se décorer de la croix de l’ordre du Mérite-Militaire, créé par Maximilien-Joseph, roi de Bavière. Plus tard, l’Empereur le nomma baron de l’empire. Il avait servi sans interruption depuis les guerres de la révolution jusqu’en 1814.

En 1815, il fut créé chevalier de Saint-Louis, grand-officier de la Légion-d’Honneur, et reçut des lettres-patentes qui lui conférèrent de nouveau le titre de baron. Il est mort à Paris le 30 mars 1832, et a été inhumé au cimetière de Montmartre.

L’éloge de cet officier général est tout entier dans les inscriptions qui sont gravées sur son tombeau ; cette longue série d’actions héroïques atteste d’honorables souvenirs. On lit alors sans étonnement les titres et honneurs qui lui ont été conférés, comme autant de récompenses accordées à sa bravoure, à ses talens militaires et à ses éminens services.

Son monument se compose d’un sarcophage antique, élevé sur un stylobate, et surmonté d’une urne cinéraire en granit.

Les inscriptions sont gravées en lettres d’or sur des fonds de marbre noir.

Sur la face méridionale, on lit :

CI GIT
le lieutenant-général louis-joseph
GRANDEAU, baron D’ABAUCOURT,
grand-officier de la légion-d’honneur,
chevalier de l’ordre militaire de saint-louis,
de l’ordre de la couronne-de-fer,
et de l’ordre de maximilien-de-bavière ;
décédé le 30 mars 1832, âgé de 69 ans.

Sur la face opposée,

lieutenant au 13e bataillon d’infanterie légère en 1789,
capitaine aux armées de sambre-et-meuse et du danube,
général de brigade a la grande armée.
il fut nommé général de division le 24 aout 1812,
et gouverneur de stettin en 1813,
blessé a ulcrat, a meskerich et a la prise de smolensk ;
il a gagné tous ses grades sur le champ de bataille.
Sur le chevet du sarcophage sont gravées les armes du baron, auxquelles sont suspendues les croix de la Légion-d’Honneur, de Saint-Louis, de la Couronne-de-Fer et de Maximilien-de-Bavière,

LE BARON GROS.




Le baron Gros (Antoine-Jean), peintre d’histoire, membre de l’Institut et de la Légion-d’Honneur, élève de David, et l’un des maîtres les plus distingués de l’école française, naquit en 1771.

Un portrait du premier consul Bonaparte à cheval, qu’il peignit pour la ville de Milan, en 1802, le fit remarquer, et il fut chargé de différens ouvrages qui développèrent ses talens, et qui ont marqué sa place à côté des Gérard, des Guérin, des Girodet.

Ses conceptions décelaient un génie fécond, flexible et varié, et son talent d’exécution unissait la vigueur à une extrême facilité. Rien de plus riche que sa couleur ; nul peintre ne posséda mieux que lui le secret des effets puissans.

Le jeune Gros ayant obtenu le plus brillant succès par son esquisse du Combat de Nazareth, fut choisi pour retracer la Peste de Jaffa ; dans ce tableau, qui a fondé sa réputation, les connaisseurs ont justement admiré l’expression de la figure du personnage principal et celle du pestiféré. Ce tableau fut mis par le jury des prix décennaux, immédiatement après celui du Sacre, auquel le grand prix devait être décerné.

La Bataille d’Aboukir, l’Empereur visitant le champ de bataille d’Eylau, la Reddition de Madrid, l’Entrevue des deux Empereurs, la Bataille des Pyramides, productions du même artiste, se distinguent par des beautés originales, et par une puissance d’effet qui pénètre le spectateur d’une vive émotion. A l’exposition de 1814, les amateurs ont admiré son tableau représentant François Ier et Charles-Quint visitant les tombeaux de Saint-Denis, destiné à décorer la sacristie de cette église.

Le 3 août 1816, le Roi ayant établi près du ministère de sa maison un conseil honoraire, composé d’artistes et d’amateurs, Gros y fut appelé, et le 19 octobre suivant, il fut nommé professeur à l’école de peinture et de sculpture.

Le Départ du Roi dans la nuit du 20 mars fait le sujet principal du tableau qu’il exposa au salon en 1817 ; le groupe des gardes nationaux y est d’une expression pleine de vérité : il y a sur le second plan un effet de lumière et la figure d’un vieux serviteur qui offrent un aspect admirable.

Nous ne pouvons mieux faire connaître les regrets que la perte de ce peintre a causés qu’en citant quelques passages du discours que M. Delestre, son élève, a prononcé près de sa tombe.

« Les travaux exécutés par Gros ont montré toutes les ressources de cette palette si riche et si vigoureuse. La coupole de Sainte-Geneviève, livrée à l’examen public, émut la capitale entière par le grandiose de cette œuvre gigantesque. De beaux portraits soutinrent la renommée de l’auteur des figures historiques du général Lassale et de Joséphine. Enfin, j’en atteste vos souvenirs, les productions récentes du maître ne sont-elles pas encore un brillant reflet du magnifique talent que l’on admira sous l’empire.

« Certes, il y avait là de quoi désarmer l’envie et commander au moins quelques égards envers le créateur de ces conceptions, qui feront à jamais honneur à notre école. Pourquoi faut-il que les dernières années du grand peintre aient été troublées par une critique d’autant plus odieuse, que les fauteurs de ces diatribes pouvaient savoir que ce n’était pas l’œuvre, mais l’homme que leur injustice atteignait cruellement ? Et dans quel temps encore ! lorsque l’objet de leurs incessantes poursuites marchait courbé sous le poids de ses nombreux triomphes ! Était-il équitable de ne s’attacher qu’à signaler le peu de poussière empreinte au pied du géant vers la fin de sa course, sans tenir compte de la longueur de la carrière et de la trace profonde qu’il y avait laissée.

« Détracteurs, si votre regard avait pu mesurer sa stature, vous n’auriez point osé vous attaquer à celui dont le front vous dépassait de toute la hauteur de sa triple couronne d’Eylau, d’Aboukir et de Jaffa. »

Le baron Gros, abreuvé de dégoûts, rassasié d’outrages, s’est retiré de la vie quand de longs jours de gloire lui devaient être réservés ; il est décédé le 25 juin 1835, et a été inhumé au cimetière du Père Lachaise, dans une sépulture de famille. Le monument dans lequel il repose est d’une grande simplicité : il se compose d’un massif de pierre de forme quadrangulaire, surmonté d’un fronton au milieu duquel est une croix en relief, entourée d’étoiles. Sur la façade, sont huit compartimens qui désignent autant de sépultures, et sur l’un desquels on lit cette inscription :


LE BARON GROS.

HACHETTE.




Hachette (Jean-Nicolas-Pierre) naquit à Mézières (Ardennes), le 6 mai 1769. Il annonça de très bonne heure cet esprit de méditation, de comparaison et d’analyse qui distingue éminemment ceux qui s’adonnent aux sciences exactes, et les maîtres dont il suivit les leçons à l’Université de Reims prévirent qu’il donnerait à différentes branches de ces sciences de grands développemens.

Hachette, dévoré du désir de se faire un nom, travaillait sans relâche : aussi le fruit qu’il retira de ses études opiniâtres et solides fut de lui faire obtenir à vingt-trois ans la place de professeur d’hydrographie à Collioure et Port-Vendres (Pyrénées-Orientales).

Une place si importante, obtenue si jeune, parut avec raison une distinction honorable ; c’était un mérite alors : ce n’en serait peut-être plus un aujourd’hui, que la précocité qu’ambitionnent la plus grande partie des jeunes gens leur laisse à peine le temps d’effleurer les sciences qu’ils aspirent à posséder.

En même temps que Hachette professait avec éclat dans les Pyrénées, un homme d’un talent transcendant (Monge) suivait la même carrière presqu’à l’autre extrémité de la France ; ils devaient ne pas tarder à se réunir pour ne plus se séparer.

Le talent, quoique modeste, ne peut long-temps se cacher : Monge, l’un des premiers fondateurs de l’École Polytechnique, appela près de lui le professeur de Collioure, et lui confia dans cette école, devenue si célèbre, l’enseignement de la géométrie descriptive.

Depuis ce temps, ils mirent en commun leurs idées, leurs découvertes, leurs talens ; et, toujours amis, jamais rivaux, ils ont porté la géométrie au point de perfection où elle est aujourd’hui.

En 1816, Hachette fut nommé professeur de géométrie descriptive à la Faculté des Sciences de l’Académie de Paris. Parmi les élèves qui ont étudié sous son professorat, il en est un grand nombre qui se sont fait une réputation brillante, ou qui ont à leur tour professé avec la plus haute distinction.

Au nombre des ouvrages de ce savant, il en est un qu’on peut regarder comme un hommage rendu à l’amitié. Monge est mort plusieurs années avant Hachette, et celui-ci a publié un premier Supplément à la Géométrie descriptive de son illustre ami. Ce titre annonce assez qu’il se proposait d’en continuer la suite ; et l’on ne peut que regretter qu’il n’ait pu le faire d’après les développemens et les théorèmes d’un mérite rare qu’on trouve dans ce Supplément.

Les principaux ouvrages de Hachette sont :

Programme d’un cours de Physique ; Traité élémentaire des Machines ; Correspondance sur l’École Polytechnique ; Application de la Géométrie descriptive à l’usage de l’École Polytechnique ; Élémens de Géométrie à trois dimensions ; Traité de Géométrie descriptive, contenant les applications de cette science aux ombres, à la perspective, à la stéréotomie, etc.

Cet auteur estimable et laborieux a présenté à l’Académie des Sciences différens Mémoires de haute importance, et dont la plus grande partie a été publiée dans le Journal de l’École Polytechnique.

Il était réservé à deux amis inséparables pendant leur vie d’être réunis après leur mort : Hachette est inhumé au Père Lachaise, à côté du célèbre Monge.

Son monument, quoique d’un style simple, est d’un goût remarquable. Il se compose d’un caveau quadrangulaire, sur lequel s’élève un cénotaphe de forme pyramidale, couvert d’un entablement.

Sur un fond de marbre blanc est gravée cette inscription :

né a mézières
le 6 mai 1769.
mort a paris
le 16 janvier 1834
HACHETTE,
professeur
de l’école polytechnique
(a sa création),
membre de l’institut,
académie des sciences.

Du côté opposé à cette inscription, on lit :

CI GIT
HACHETTE,
QUI FUT NOTRE AMI.
(Discours prononcé au nom des élèves
de l’École Polytechnique.
)

Ce monument a été construit par M. Bauche, marbrier.


HÉLOÏSE ET ABAILARD.




Nommer ces deux victimes d’une vengeance d autant plus barbare qu’elle n’avait plus de motif, c’est rappeler ce que l’amour eut de plus tendre, de plus éloquent et de plus malheureux. L’histoire de ces infortunés est trop universellement connue pour que nous la rapportions dans tous ses détails ; nous n’en citerons que les faits principaux.

Abailard naquit en 1080 à Palais, près Clisson (Loire-Inférieure), de parens aisés. Il fit, sous la direction de son père, homme très instruit, de bonnes études ; et vint se perfectionner à Paris, sous Philippe de Champeaux, l’un des plus fameux maîtres de l’Université.

Abailard dut à sa réputation naissante la connaissance de Fulbert, chanoine de Notre-Dame, dont la nièce, appelée Héloise, était d’une grande beauté.

A des traits réguliers, à une physionomie douce et spirituelle, à un organe plein et sonore, Abailard joignait une taille avantageuse, une démarche noble, aisée, un esprit fin et délicat : son langage, sans affectation, était pur, élégant et persuasif.

Déjà il était connu par une grande érudition et par de nombreux succès dans les exercices qui avaient lieu à l’Université, lorsque le chanoine Fulbert lui confia le soin de continuer l’éducation d’Héloïse, dont les dispositions annonçaient une femme qui devait se distinguer par des connaissances au-dessus de son sexe. Fulbert logea Abailard chez lui, et dès lors s’établit entre le précepteur et l’élève une liaison qui se termina par la plus affreuse catastrophe.

Habitant sous le même toit, jeunes tous deux, abondamment pourvus des dons de la nature, se voyant tête-à-tête, sans surveillance et sans contrainte, n’était-il pas impossible que l’amour ne les enflammât pas l’un pour l’autre ? aussi, Héloïse ne tarda-t-elle pas à porter dans son sein un gage de la tendresse d’Abailard.

Il fallait apaiser Fulbert, irrité de voir sa confiance trahie ; Abailard lui proposa d’épouser celle qu’il avait rendue mère : son oncle y consentit ; mais à condition que le mariage se ferait secrètement, et ne serait point déclaré.

Malheureusement ce secret ne fut point gardé. Pour s’en venger, et plus encore de l’affront qu’il avait reçu, Fulbert, après avoir gagné le domestique d’Abailard, entra la nuit dans sa chambre, accompagné de quatre scélérats, et lui fit subir une honteuse et cruelle mutilation.

Fulbert fut condamné à la confiscation de ses biens, et deux de ses complices subirent la peine du talion.

Héloïse, après ce fatal événement, se retira dans un couvent de femmes à Argenteuil, près Paris. Abailard se livra à l’étude de la théologie, et publia plusieurs ouvrages ; l’un d’eux éveilla l’attention de saint Bernard, qui aspirait à la réputation de docteur de l’Église. Abailard se défendit ; mais peut-être ne mit-il pas dans ses réponses la mesure et les égards que commandait l’irascibilité de son redoutable antagoniste : celui-ci l’accabla de toute la supériorité de sa position, et Abailard fut forcé de se rétracter.

Ces disputes eussent peut-être eu des suites funestes pour Abailard, si Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, ne se fût porté médiateur entre lui et saint Bernard.

Abailard avait fait bâtir une petite chapelle, mais bientôt après il la fit agrandir, et l’ayant convertie en monastère, il y appela Héloïse, qui vint s’y établir avec dix religieuses d’Argenteuil. Elle en fut la première abbesse : lorsqu’elle y fut installée, il se retira à son abbaye de Saint-Gildas.

Abailard mourut en 1143. Il avait demandé à Pierre-le-Vénérable de faire transporter son corps au Paraclet. Ce ne fut que plusieurs années après sa mort que ce religieux le conduisit au couvent d’Héloïse et le lui remit.

Elle survécut vingt ans à son époux, et fut inhumée à côté de lui, dans la même tombe, ainsi qu’elle l’avait ordonné à ses religieuses.

Une lettre d’Abailard à un de ses amis tombée entre les mains d’Héloïse, devint l’occasion d’une correspondance intime entre ces deux époux. Ces lettres, dont quelques unes ont été retrouvées, sont en latin. Pope en a traduit deux en anglais : elles ont été imitées en vers par Dorat et d’autres poètes, mais Colardeau est celui dont la traduction peut seule soutenir la comparaison avec celles de Pope. Ces ouvrages sont autant dans la bibliothéque que dans la mémoire des hommes de goût.

Le monument d’Abailard et d’Héloïse, qui, par son aspect, paraît avoir été élevé dans le douzième siècle, est néanmoins une construction moderne (le tombeau excepté).

M. Alexandre Lenoir, profond archéologue et conservateur du Musée des Monumens Français y fit exhumer à Nogent-sur-Seine, en 1800, les dépouilles mortelles d’Héloïse et d’Abailard, et avec des matériaux provenant de la démolition de l’abbaye du Paraclet, il fit exécuter sous sa direction au Musée situé alors aux Petits-Augustins, le monument tel qu’on le voit aujourd’hui, et où les pierres de l’ancien édifice démoli furent placées par une ingénieuse combinaison comme si elles eussent été taillées exprès. Cette construction offre un ensemble si parfait, qu’au premier abord on se reporte involontairement vers l’époque si éloignée, où la mort a mis fin aux persécutions et aux infortunes de ces époux célèbres.

Ce fut en 1815 qu’on transporta du Musée des Monumens Français au cimetière du Père Lachaise ce monument, que chacun cherche et voit avec le plus touchant intérêt.

Il est entièrement d’un style gothique et a toute la légèreté qu’exige ce genre d’architecture. Il représente un péristyle élevé sur un double socle, composé de trois colonnes aux extrémités et de quatre aux faces latérales.

Ces colonnes sont surmontées d’ogives, lesquelles supportent l’entablement et la couverture, qui se terminent aux quatre faces par un fronton triangulaire, et au milieu par une tour pyramidale à jour, d’un travail aussi léger que délicat.

Le tympan des frontons est orné de rosaces et percé d’une ouverture en forme de trèfle.

Au milieu du péristyle est le sarcophage, de forme quadrangulaire, sur lequel sont les figures couchées d’Héloïse et d’Abailard revêtues de l’habit monastique.

Au pied et à la tête sont des figures d’évêques en habits pontificaux, sculptées en bas-relief. Sur la partie latérale, à la gauche du frontispice, est un autre bas-relief représentant trois religieux de l’ordre de saint Benoît.

A la droite est une ancienne plaque de marbre noir sur laquelle on lit :

PIERRE ABAILARD, fondateur de cette abbaye, vivait dans le 12e siècle ;
il se distingua par la profondeur de son savoir et par la rareté de son
mérite. cependant il publia un traité de la trinité qui fut condamné
par un concile tenu a soissons en 1120. il se rétracta aussitôt par
une soumission parfaite, et pour témoigner qu’il n’avait que des
sentimens orthodoxes, il fit faire de cette seule pierre ces trois figures
qui représentent les trois personnes divines dans une nature,
après avoir consacré cette église au saint-esprit, qu’il nomma
paraclet, par rapport aux consolations qu’il avait coûtées
pendant la retraite qu’il fit en ce lieu. il avait épousé
héloyse, qui en fut la première abbesse. l’amour qui avait uni
leurs esprits durant leur vie, et qui se conserva dans leur absence
par des lettres les plus tendres et les plus spirituelles, a réuni
leurs corps dans ce tombeau. il mourut le 21 avril l’an 1143,
âgé de 63 ans, après avoir donné l’un et l’autre des marques
d’une vie chrétienne et pénitente.
par madame
catherine de la rochefoucauld, abbesse.

Sur le fronton du frontispice sont placés les bustes des deux époux représentés à l’époque de leur jeunesse.

Au-dessous, et sur la première marche d’entrée, on lit cette épitaphe latine gravée sur marbre noir :

HIC
sub eodem marmore jacent
hujus monasterii
conditor PETRUS ABÆLAREDUS
et abbatissa prima HELOISSA,
olim studiis ingenio, amore instantis nuptiis
et pœnitentia
nunc æterna quod speramus felicitate
conjuncti.
PETRUS obiit xx prima aprilis anno 1142.
ELOISSA xvii maii 1163

A la partie latérale et au pied du sarcophage à droite, on lit :

ce tombeau d’ABELARD
a été transporta de l’église
saint marcel les chalons sur
saône en l’an viii.

Au côté opposé, et aux deux autres coins latéraux, on lit cette même inscription :

les restes d’ABELARD et
d’HELOISE sont réunis dans
ce tombeau.

HENRION DE PANSEY.




Henrion de Pansey (Pierre-Paul-Nicolas, baron), premier président à la Cour de Cassation et conseiller d’État, naquit à Pansey près Chaumont (Haute-Marne) le 28 mars 1742.

Après avoir fait d’excellentes études, il se décida de suivre la carrière du barreau, et fut reçu avocat au Parlement de Paris au commencement de 1763. Il fallait de longues années pour se faire un nom dans cette honorable profession : et quoiqu’il eût déjà publié quelques ouvrages où l’on avait remarqué de profondes connaissances et un véritable talent littéraire, M. Henrion de Pansey n’était pas encore parvenu à se produire au grand jour ; déjà même il se laissait aller au découragement, et projetait d’abandonner une carrière si ingrate pour lui, quand, faisant un dernier effort, il publia un Traité des fiefs.

Cet ouvrage décida de sa réputation et de sa fortune, et lui procura une brillante clientelle dans cette partie si féconde en procès.

La révolution ayant détruit le régime féodal, M. Henrion de Pansey quitta la capitale et habita successivement Joinville et Chaumont. Nommé en 1790 administrateur du département de la Haute-Marne, il n’eut d’autres guides que la justice, l’impartialité, la modération ; aussi se concilia-t-il tous les suffrages dans une place que rendait si difficile la complication d’événemens qui se succédaient avec tant de rapidité. Mais ramené par son penchant à l’étude des lois, il professa la législation à l’École centrale de Chaumont.

Sa réputation trahit sa modestie : il fut nommé par le premier Consul juge à la Cour de Cassation, et quelque temps après l’un des présidens de cette cour : malgré les nombreuses occupations dont il était surchargé dans cette place, il sut encore rendre le peu de loisirs qu’elle lui laissait utiles à ses concitoyens, et publia deux Traités très importans qui déterminèrent l’Empereur à le nommer conseiller d’État.

Immédiatement après les événemens de 1814, M. Henrion de Pansey fut nommé par le gouvernement provisoire ministre de la justice.

Le premier acte de son administration fut de proposer au gouvernement une amnistie, et d’ouvrir les prisons aux victimes de l’oppression ; convaincu que les tribunaux d’exception sont une monstruosité dans un État monarchique, il proposa également de supprimer les cours prévôtales et les tribunaux des douanes comme illégalement constitués.

Il ne resta que très peu de temps au ministère de la justice, remit le portefeuille à M. Dambray, chancelier de France, et rentra à la Cour de Cassation.

Persuadé que les interprètes des lois ne doivent jamais abandonner leur poste, M. Henrion de Pansey resta à la Cour de Cassation pendant les cent jours : il y fut conservé ; mais en 1815 il fut relégué parmi les conseillers d’État en service extraordinaire, mesure qui priva le tribunal d’un magistrat aussi recommandable par ses lumières que par son intégrité.

Les ouvrages qu’a publiés M. Henrion de Pansey sont, indépendamment du Traité des Fiefs, dont nous avons parlé, deux Traités ; l’un sur la Compétence des Juges de paix, l’autre sur l’Autorité judiciaire dans les gouvernemens monarchiques, un Traité du Pouvoir municipal, un autre des Biens communaux, et deux écrits sur le Jury et sur la Pairie ; enfin les meilleurs articles du Répertoire général de jurisprudence sur les Matières féodales ont été son ouvrage.

Il est décédé à Paris le 23 avril 1829, et a été inhumé au cimetière du Mont-Parnasse.

Le monument de ce célèbre jurisconsulte se compose d’un cippe d’une haute dimension d’un seul bloc de marbre blanc, élevé sur une estrade et surmonté d’une urne cinéraire.

Sur le cippe est gravée en lettres d’or cette inscription :

ci git
pierre-paul-nicolas
HENRION DE PANSEY,
premier président
de la cour de cassation.
Né le 28 mars 1742.
Mort le 23 avril 1829.

HEROLD.




Hérold (Louis-Joseph-Ferdinand), chef de chant à l’Académie royale de Musique et chevalier de la Légion-d’Honneur, naquit à Paris le 28 janvier 1791.

Son père, compositeur allemand, qui jouissait d’une certaine réputation, vit avec plaisir se développer chez son fils le désir d’embrasser la même carrière que lui, et surtout avec les plus heureuses dispositions ; il les cultiva dès l’âge le plus tendre, et le succès, toujours croissant, répondant à ses espérances, il le plaça au nombre des élèves de Méhul pour la composition, et de L. Adam pour le piano.

Le jeune Hérold se livra avec ardeur au travail ; ses études lui profitèrent tellement, qu’à dix-neuf ans, il obtint au Conservatoire le premier prix de piano, et à vingt-un ans, il remporta le premier grand prix de composition musicale au concours de l’Institut, en 1812. Il partit donc pour l’Italie.

C’est sur cette terre classique de l’harmonie qu’Hérold perfectionna son talent ; il se lia avec les compositeurs les plus célèbres de Rome, de Naples et des autres grandes villes d’Italie, recherchant leurs avis, profitant de leurs conseils avec toute la docilité d’un élève, et ne dédaignant pas même d’assister à leurs leçons, amassant dans le silence de l’étude et dans la retraite des matériaux pour la réputation qu’il ambitionnait, et qui ne lui fut pas contestée à son retour dans sa patrie.

Il avait une fois essayé, pendant son séjour à Naples, de faire jouer son premier opéra, ayant pour titre : la Gioventù d’Enrico quinto (la Jeunesse de Henri V). Cet opéra en deux actes eut un grand succès ; mais Hérold, satisfait de connaître la portée de son talent, se refusa à toutes les sollicitations qui lui furent faites de produire de nouvelles œuvres sur un théâtre étranger.

Rentré en France, il consacra ses premières productions au théâtre de l’Opéra-Comique : il fit, de moitié avec Boïeldieu, Charles de France, opéra en deux actes qui fut très favorablement accueilli du public. Seul, il donna les Rosières, en trois actes ; la Clochette, en trois actes ; le Premier venu, en trois actes ; les Troqueurs, en un acte ; l’auteur mort et vivant, en un acte ; le Muletier, en un acte ; le Roi René, en deux actes ; le Lapin blanc, en un acte ; Marie, en trois actes ; Emmeline, en trois actes ; l’Illusion, en un acte, et le Pré aux Clercs, en trois actes, composition admirable qui a mis le sceau à sa réputation.

Parmi ces opéras si gracieux, il en est un qui fit entrevoir que son auteur pouvait aborder une scène plus élevée : dans Marie, Hérold avait su passer, par des transitions presque insensibles, du comique le plus naturel au pathétique le plus déchirant ; et l’on pourrait presque penser qu’il avait voulu préparer le public à venir l’applaudir sur un théâtre plus digne de ses accords et de son génie.

Ce fut en 1823 que fut représenté Lasthénie, pièce en un acte, ouvrage par lequel il débuta à l’Académie royale de Musique, et qui obtint un plein succès. Depuis cette époque, il a fait, pour le même théâtre, la musique des ballets de la Somnambule, d’Astolphe et Joconde, de Lydie, de la Fille mal gardée et de la Belle au bois dormant.

Hérold a en outre composé cinquante-trois œuvres de musique pour le piano. Il était pianiste-accompagnateur au théâtre Italien, quand il fut nommé chef de chant à l’Académie royale de Musique. En 1828, il obtint la croix de la Légion-d’Honneur.

Il est à regretter qu’une mort prématurée ait privé la scène lyrique d’un de ses plus laborieux compositeurs ; le public, avide d’entendre ses charmantes productions, ayant su après sa mort qu’il existait dans ses cartons un opéra (Ludovic) dont la musique n’était point entièrement achevée, manifesta le désir de la voir terminer par un compositeur qui fût digne d’accoler son nom à celui d’Hérold. Cette pièce a été représentée avec le plus brillant succès à l’Opéra-Comique, et l’on doit au talent de M. Halévy, qui a mis la dernière main à cette œuvre posthume, d’avoir fait connaître les dernières inspirations de son illustre ami.

Ce monument, quoique construit en pierre, est d’un style élégant ; il est composé d’un cénotaphe élevé sur un stylobate. Sur la face principale est un bas-relief représentant une lyre dont les cordes sont rompues, au travers de laquelle est passée une branche de cyprès. On y lit cette inscription en relief :

HÉROLD.
né a paris, le 28 janvier 1791 ;
mort le 19 janvier 1833.

Au sommet du monument est placée une couronne de laurier.

C’est M. Novio, sculpteur-marbrier, qui la construit.

KELLERMANN.




Kellermann (François-Christophe), duc de Valmy, maréchal et pair de France, grand’croix des ordres de la Légion-d’Honneur et de Saint-Louis, etc., naquit à Strasbourg en 1735.

Il commença par être simple hussard dans la légion de Conflans, et s’étant fait remarquer pendant la guerre d’Allemagne, en 1758 il fut nommé officier, devint ensuite colonel du régiment de Colonel-Général Hussard, et enfin maréchal de camp en 1788. Il fut employé au commencement de la révolution en Alsace, où par ses efforts il parvint à arrêter l’indiscipline des troupes.

Le 10 août 1792, il obtint le commandement de l’armée de la Moselle ; il opéra en septembre sa jonction avec Dumouriez, en Champagne, et occupa alors la position de Valmy. Le 19 il y soutint une attaque devenue célèbre sous le nom de canonnade de Valmy, parce qu’elle fut la seule action de cette campagne, et qu’elle eut des suites très-importantes. Après le 18 brumaire (9 novembre 1799), il entra au Sénat conservateur, dont il fut nommé président le 2 août 1801 : le 3 juillet 1802 il obtint le titre de grand-officier de la Légion-d’Honneur, et bientôt après il fut élevé au grade de maréchal d’empire, et pourvu de la sénatorerie de Colmar.

Il se rendit à la fin de 1805 dans le département du Haut-Rhin et y organisa la garde nationale. Pendant la campagne de Prusse il fut chargé d’organiser des régiments provisoires à Mayence. Il fit la campagne de 1809 contre l’Autriche, et commanda le corps d’observation de l’Elbe.

Après la bataille de Hanau, le 30 octobre 1813, il alla prendre le commandement de toutes les réserves à Metz. En mai 1814, le roi le nomma son commissaire extraordinaire dans la troisième division militaire. Le 4 juin il fut élevé au rang de pair, et reçut le 23 août suivant la grand’croix de l’ordre de Saint-Louis.

N’ayant accepté aucun emploi de Bonaparte après son invasion de 1815, le maréchal Kellermann reprit sa place à la Chambre des pairs. Il est décédé le 15 septembre 1820, et a été inhumé au cimetière du Père Lachaise.

Le monument du duc de Valmy se compose d’un mur solidement bâti, à trois compartiments formant panneaux, à la base duquel sont figurés trois cercueils et un flambeau renversé entre chaque compartiment. Dans la partie supérieure est un riche entablement dont la corniche est ornée de feuilles de pavots d’un beau travail. Au-dessus s’élève un cénotaphe surmonté d’une croix grecque, au milieu duquel sont sculptées les armes du maréchal et une guirlande de cyprès. Au-dessous sont gravés ces deux mots :

VALMY, MARENGO.

De chaque côté du cénotaphe sont des trophées de guerre d’une belle exécution.

Dans le panneau du milieu de la façade on lit cette inscription :

FRANÇOIS-CHRISTOPHE DE KELLERMANN,
duc de Valmy,
pair et maréchal de France,
Né à Strasbourg le 28 mai 1755,
Décédé à Paris le 3 septembre 1820.

Ce beau monument a été exécuté sur les dessins et sous la direction de M. Vancleemputte, architecte.

LAFAYETTE.




Lafayette (M.-P.-R.-Y. Gilbert Mottier, marquis de), lieutenant-général des armées du roi, chevalier de Saint-Louis, naquit à Chavaniac (Haute-Loire) le 6 septembre 1757. Sa famille, une des plus anciennes de ce département, a fourni beaucoup de militaires distingués, qui ont été promus aux grades les plus importons de l’armée et même à celui de maréchal de France.

Maître à vingt-six ans d’une très belle fortune, il forma le projet d’en consacrer une grande partie à la conquête de la liberté américaine, en faveur de laquelle on commençait à se déclarer sourdement en France.

Quelques confidences imprudemment hasardées donnèrent l’éveil sur ses projets : pour en arrêter l’effet, le Roi l’envoya auprès du marquis de Noailles, son oncle, ambassadeur en Angleterre, qui devait éclairer ses démarches ; mais trompant la surveillance des agens anglais qu’on avait disséminés sur ses traces, Lafayette acheta un vaisseau en Espagne, le fit charger d’armes, s’échappa furtivement de Londres, se réunit à plusieurs officiers français, et débarqua avec eux en Amérique, où M. le comte de Rochambeau, lieutenant-général, commandait les troupes françaises que Louis XVI avait envoyées au secours des Américains.

Lafayette développa dans cette guerre la bravoure et les talens militaires héréditaires de sa famille ; mais son plus beau titre de gloire fut la capitulation qu’il força lord Cornwallis de signer Sur les bords de la baie de Chesapeack. Le roi à son retour récompensa ses brillans services en le nommant maréchal-de-camp.

Comme tous les officiers français qui avaient fait la guerre d’Amérique, Lafayette en rapporta ces principes de liberté et de fermentation qui éclatèrent plus tard.

La noblesse de sa province le nomma député aux États-Généraux : dans les comités, comme à l’assemblée, il défendit constamment les nouveaux principes, la cause du peuple et celle de la liberté.

Un mouvement spontané mit toute la France en armes au 14 juillet 1789 : telle fut l’origine des Gardes nationales. Lafayette fut nommé commandant de celle de Paris ; il l’organisa sur un pied respectable pour le maintien de l’ordre, la sûreté des propriétés, la répression des anarchistes.

Le 5 octobre de la même année un rassemblement considérable de femmes de la lie du peuple, parmi lesquelles on remarqua plusieurs hommes habillés comme elles, annonça le projet de se porter à Versailles pour (disaient-elles) demander du pain ; au milieu des propos les plus infâmes qu’elles vomissaient contre la famille royale, et surtout contre la reine, elles ne dissimulaient pas leurs projets sanguinaires. La garde nationale rassemblée dès sept heures du matin et commandée par Lafayette, se porta à Versailles pour en expulser les brigands dirigés contre la cour, et ramena le monarque à Paris.

La conduite de Lafayette, dans cette journée, parut criminelle aux uns, équivoque aux autres. Dès lors il n’eut plus que des ennemis, et l’acharnement qu’ils mirent à le poursuivre dut le persuader de la haine que lui avaient vouée tous les partis.

L’Assemblée constituante, qui, depuis le serment du jeu de Paume, avait pris le titre d’Assemblée nationale, vint se fixer à Paris. Lafayette y soutint avec chaleur les intérêts du peuple ; il s’y montra tour à tour l’ennemi des jacobins et des partisans du despotisme. Ce fut dans une de ces séances orageuses, où chaque parti voulait, par l’exagération des idées, assurer le triomphe de son opinion, que du haut de la tribune Lafayette lança au milieu de l’Europe étonnée cette maxime, dont le retentissement a ébranlé tous les trônes : l’insurrection est le plus saint des devoirs.

Au 20 juin 1791, il fut accusé par les jacobins d’avoir favorisé la fuite de Louis XVI, et par les royalistes d’avoir préparé l’arrestation du Roi à Varennes. Il est difficile de se peindre la joie et la stupeur qui régnaient dans la capitale quand le lendemain cet événement fut connu. Les électeurs s’étaient rassemblés à l’hôtel-de-ville ; là mille avis sont donnés, discutés, abandonnés, mille propositions faites, examinées, rejetées ; c’est au milieu de ce cliquetis d’opinions diverses, que Lafayette se présente, et dit d’une voix ferme : Je réponds sur ma tête que le Roi ne sortira pas de la France. Ces paroles n’eurent pas besoin de commentaire, et le calme se rétablit.

Il appuya avec chaleur la proposition, qu’après l’acceptation de la constitution, le Roi fit à l’Assemblée de décréter une amnistie pour tous les délits politiques commis depuis 1789.

La guerre ayant été déclarée, Lafayette obtint le commandement de l’armée du centre ; il quitta le commandement de la garde nationale parisienne, et partit pour Metz, où il établit son quartier-général.

Ce fut là qu’il apprit les détails de la journée du 20 juin 1792, où le Roi fut pendant trois heures en butte aux outrages les plus révoltans. Lafayette vint à Paris, se rendit à l’Assemblée, y accusa hautement les jacobins d’avoir dirigé les excès de cette journée.

Cette démarche, qui ne lui ramena personne, fut diversement interprétée : d’un côté on pensa que si Lafayette n’avait pas empêché le Roi de passer la frontière à Varennes, il ne l’eût point exposé aux insultes qu’il avait reçues ; de l’autre on regarda sa présence à Paris comme une violation des lois de la discipline militaire, qui ne permettent pas à un général de quitter son armée sans ordre ; c’est même en s’appuyant sur ces lois, que les girondins demandèrent contre lui un décret d’accusation, qui fut rejeté par une forte majorité. Cependant l’armée prussienne, qu’il était chargé d’observer, s’avançait sur la Moselle : il porta son quartier-général à Sedan.

Les événemens du 10 août 1792 y furent bientôt connus ; Lafayette comprit toute la difficulté de sa position : avec des troupes fidèles, des autorités dévouées, il crut pouvoir conjurer l’orage. Il fit arrêter les commissaires envoyés par l’Assemblée nationale pour lui notifier sa destitution, assembla les troupes, et après une allocution énergique, leur demande s’ils veulent être les soldats de Pétion ou ceux du Roi de France : l’armée répond par des cris unanimes de vive le Roi. Tout semblait présager un mouvement qui, à ce moment, eût eu de la sympathie dans la troupe : mais on ignore par quels motifs Lafayette partit dans la nuit même, et se rendit aux avant-postes prussiens, où il fut arrêté, et conduit dans une forteresse où il passa quelques mois, puis la Prusse l’envoya à Vienne, et l’empereur d’Autriche le fit enfermer dans la citadelle d’Olmütz.

Ici se termine la première partie de la vie politique de Lafayette. Ce fut aux démarches assidues, aux sollicitations pressantes et aux qualités éminentes de Madame de Lafayette (née de Noailles) que le général obtint sa liberté, après quatre ans de détention.

Lafayette, absent de France, ne reparut que dans les premières années de la restauration. Nommé en 1823 à la Chambre des Députés par le département de la Sarthe, il suivit les mêmes principes que ceux qu’il avait manifestés à l’Assemblée constituante, et resta constamment dans les rangs de l’opposition libérale ; républicain par la conviction profonde que ce gouvernement seul était de tous le plus avantageux à la société, il aurait voulu le voir établi en France, mais comme en Amérique ; aussi était-ce toujours vers la république des États-Unis, qu’aux Chambres il ramenait toutes ses idées : d’ailleurs, dans un voyage qu’il y avait fait dans l’intervalle d’une session, il avait eu l’occasion de se confirmer l’excellence du gouvernement américain. Les fêtes dont il avait été l’objet n’avaient pu qu’ajouter à l’entraînement tout particulier qu’il avait pour ce genre d’institution sociale.

Depuis que les troubles civils étaient devenus plus fréquens, Lafayette parlait peu ; il avait vu s’éclaircir les rangs de ses amis ; sa voix, désormais presque isolée, n’avait plus d’écho, et il s’était voué au silence et à la retraite ; il a néanmoins rompu ce silence au mois d’août 1830, mais c’était pour immoler en un jour la conviction de toute sa vie.

Il est décédé à Paris le 20 mai 1834, et a été inhumé au cimetière de Picpus, à côté de son épouse.

La tombe qui le renferme est de la plus grande simplicité ; elle est recouverte horizontalement en marbre noir, et contient cette inscription :

m.-j.-p.-r.-y.-g.-d.
LAFAYETTE,
lieutenant-général, membre de la chambre des députés,
né a chavaniac, haute-loire,
le vi septembre m.dcclvii.
marié le xi avril m.dcclxxiv
A
M.-A.-F. DE NOAILLES,
décédé a paris le xx mai
m.dcccxxxiv.
requiescat in pace.

LALLEMAND.




Lallemand (Nicolas), né à Paris le 12 janvier 1797, élève de l’École de Droit. La mort de ce jeune homme, qui annonçait les plus heureuses dispositions, fut un malheur pour sa famille, et un objet de regrets pour ses camarades, qui avaient su apprécier ses excellentes qualités.

C’est encore une de ces victimes infortunées de l’inexpérience, de l’enthousiasme et du courage.

Au commencement de juin 1820, on voulait, à quelque prix que ce fût, changer la forme du gouvernement, et y parvenir par la force. Les chefs de ce projet, déjà en partie glacés par l’âge, n’avaient ni la vigueur ni la témérité nécessaires pour une telle entreprise ; il fallait des hommes d’exécution à qui le prestige de la victoire dissimulât la certitude du danger : on jeta les yeux sur la jeunesse des écoles, jusqu’alors calme et studieuse.

Mais cette tentative ayant eu un résultat tout opposé à celui qu’on s’en était promis, trente-cinq personnes furent arrêtées ; dans le nombre, il ne se trouva pas un seul de ceux qui avaient préparé le mouvement.

Deux jours après la mort du jeune Lallemand, la commission d’instruction publique prit une délibération par laquelle elle arrêta que : « Tout étudiant qui sera convaincu d’avoir pris part, sous un prétexte quelconque, à des attroupemens illicites, et à des troubles ou voies de fait, sera rayé des registres de la faculté à laquelle il appartient ; sa carte d’admission lui sera retirée, et l’entrée du cours lui sera interdite. »

Dans la séance du 5 juin, on lut à la Chambre des Députés une lettre adressée par le père du jeune Lallemand, contre l’assertion de quelques journaux, qui prétendaient que le jeune homme avait été tué en cherchant à désarmer un soldat ; elle était ainsi conçue : « Hier mon fils a été frappé de mort ; aujourd’hui il est diffamé par le Drapeau blanc, la Quotidienne et le Journal des Débats ; je dois repousser le fait qui lui est imputé : il n’a point tenté de désarmer un soldat ; il marchait sans armes ; il a été frappé par-derrière : l’instruction le prouvera. »

Les funérailles du jeune Lallemand ont eu lieu à Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, à l’issue desquelles le corps a été porté au cimetière du Père-Lachaise, accompagné d’environ cinq mille étudians de diverses écoles ; trois discours ont été prononcés sur sa tombe. Nous croyons ne pouvoir mieux faire connaître les regrets qu’a excités la perte de cet infortuné jeune homme qu’en citant le discours improvisé par M. Barthe, alors avocat à la Cour royale de Paris, celui des orateurs qui a parlé le premier :

« En présence de ces dépouilles qu’animaient naguère les sentimens les plus généreux ; auprès de ce corps qui renfermait lame de notre ami, je ne saurais vous retracer les vertus qui le firent chérir de sa famille et de nous tous, qui avons été ses condisciples, ses amis, et qui l’avons aimé comme un frère ; je ne saurais vous parler de ses talens, qui n’ont apparu qu’un instant, et qui promettaient à la patrie un citoyen distingué : mon âme est trop livrée à la douleur ; elle est trop occupée par le souvenir d’une existence qui nous fut si chère, pour qu’il me soit permis de résister à mon émotion.

« Lallemand, sur cette même terre qui va bientôt te couvrir, il m’est impossible de te louer ! Je ne puis que verser des pleurs, je ne puis que te dire adieu au nom de nous tous, au nom de tout ce qui est bon, au nom de tout ce qui est sensible au malheur. Adieu donc ! toi qui fus bon fils, toi dont les dernières paroles furent pour ce père dont lame a été si cruellement déchirée ! Adieu ! toi qui fus bon ami, qui étais encore bon citoyen à l’instant même où l’on te frappa de mort ! adieu ! Ta mémoire restera gravée dans nos cœurs ; plus d’une fois, sur cette tombe, au pied du monument que notre piété t’élèvera, chacun de nous viendra seul avec sa douleur, te payer un tribut de regrets et de larmes. »

Le monument de Lallemand, qui lui a été érigé par ses nombreux amis, est construit solidement en pierre ; il se compose d’une enceinte carrée, au fond de laquelle s’élève, sur un stylobate, une borne antique en forme de cénotaphe. Sur la base, on lit cette inscription :

A
LALLEMAND,
mort le 3 juin 1820.

De chaque côté sont des inscriptions ainsi placées :

l’école
l’école
l’école
le
des
de
de
beaux-arts.
médecine.
droit.
commerce.

DE LANNEAU.




De Lanneau (Pierre-Antoine-Victor de Marcy), fondateur et ancien chef de l’institution de Sainte-Barbe, docteur de la Faculté des Lettres, officier de l’Académie de Paris, naquit à Bard, près Sémur (Côte-d’Or), le 24 décembre 1758. Alors, comme on sait, l’ordre de naissance réglait les vocations ; son rang avait désigné le jeune Victor pour l’état ecclésiastique : les droits de sa famille l’appelaient au canonicat de Langres.

M. de Lanneau commença ses études à La Flèche, et les acheva à l’École Militaire de Paris. Ses cours terminés, son penchant le dirigea vers l’instruction publique ; il embrassa avec amour cette carrière de son choix, et l’on reconnaîtra combien cette vocation était réelle et irrésistible, quand on verra que tant de bouleversemens et de séductions n’ont pu l’en distraire. Il entra dans l’ordre des Théatins, qui se vouaient à l’enseignement. Il devint principal du collège de Tulle, et il vivait heureux dans ces fonctions modestes quand la révolution vint déplacer toutes les existences. Il vint alors à Autun, et fut successivement maire de cette ville, agent du district et administrateur de la fonderie du Creusot. Il montra dans toutes ces fonctions autant de zèle et d’intelligence que de désintéressement, et fut élu député à l’Assemblée Législative par le département de Saône-et-Loire. Quand cette Assemblée fit place à la Convention, il se retira de la scène politique par égard pour les opinions de son père et les souvenirs de sa famille.

L’ancien collège de Sainte-Barbe avait subi la destinée des autres établissemens d’instruction publique ; les bâtimens qui le composaient, confisqués et vendus comme biens nationaux, étaient tombés entre les mains de différens acquéreurs qui spéculaient sur leur destruction, et qui déjà y portaient la hache. M. de Lanneau entreprit de les réparer et de les rendre à leur destination primitive. Héritier des murs et des souvenirs de Sainte-Barbe, il avait la noble envie d’en continuer l’histoire. Il est inutile de redire à la génération contemporaine quel éclat a jeté cette maison entre les mains de son régénérateur. Peuplée de cinq cents élèves, riche de tant de professeurs distingués, non seulement elle n’avait pas de rivale parmi les institutions de Paris, mais elle balançait les lycées mêmes en importance et en célébrité. Elle envoya des champions au lycée Napoléon, au lycée Impérial, au lycée Charlemagne ; les fastes des concours et des lycées attestent ses triomphes.

La gloire de cette maison importuna le chef de l’Empire ; il était surpris et piqué qu’un établissement particulier s’avisât de prospérer ainsi sans sa tutelle. Vers la fin de son gouvernement, il songeait à fonder deux nouveaux lycées. Il en vit un tout organisé dans l’institution de Sainte-Barbe, et il manifesta au préfet de la Seine l’intention de l’ériger en lycée. M. de Lanneau était sur le point de céder à la volonté du maître lorsque la chute du régime impérial survint, et ces projets n’eurent point de suite.

La restauration ramena des souvenirs et des haines. M. de Lanneau était marié, et ses brillans services ne pouvaient l’absoudre aux yeux de ses ennemis. Alors commença une série de persécutions contre cet homme honorable, triste récompense de tant de travaux et de dévouement. Inquiété dans la possession de son établissement, il fut au moins heureux d’en confier la direction à M. Mouzard, son gendre. Lorsque la mort le lui eut enlevé, il appela M. Adam à remplir les mêmes fonctions. Enfin, en 1819, le diplôme fut conféré à son fils, M. Adolphe de Lanneau, et son cœur paternel se reposa quand il vit son héritage entre les mains de son successeur naturel. Mais on lui préparait d’autres chagrins : le titre de ce collège qu’il a tiré de ses ruines, et dont il a ressuscité la gloire, lui a été disputé et ravi ; mais son établissement, toujours florissant, a constamment conservé le nom de sa patronne. Tant de tracasseries, et surtout l’intempérie du dernier automne, avait commencé d’altérer sa santé ; des douleurs rhumatismales ne l’abandonnèrent pas le reste de l’année. Au mois de février suivant, sa maladie prit un caractère plus grave, et il entra dans ce lit de douleur d’où il ne devait plus se relever.

Il est décédé le 31 mars 1830, et a été inhumé au cimetière du Père Lachaise. Son monument, qui est tout en marbre blanc, se compose d’un cénotaphe, élevé sur un stylobate. Dans une niche circulaire est placé son buste, avec cette inscription au-dessous :

petr.-ant.-vict.
DE LANNEAV.
discipvli memores.

Plus bas, on lit :

pierre-antoine-victor
DE LANNEAU,
fondateur du college de sainte-barbe,
en l’année m. dcc. lxxxxviii.
né a bard (cote-d’or), le 24 décembre 1758,
mort a paris le 31 mars 1830.

Ce monument a été construit sur le dessin de M. Haudebourt, architecte, ancien élève de Sainte-Barbe. Le buste est de M. Raggi, et la marbrerie de

M. Novion.

LAVALETTE.




Lavalette (Marie-Chamans, comte de), directeur général des postes, conseiller d’État, commandant de la Légion-d’Honneur, est né à Paris en 1769. Il perdit son père de bonne heure, et le fameux accoucheur Baudelocque lui ayant reconnu d’heureuses dispositions, fit les frais d’une éducation dont le jeune Lavalette sut profiter.

On le destinait à l’état ecclésiastique, mais il préféra la carrière du barreau. Il commençait son droit quand la révolution éclata, et il prit du service dans la légion des Alpes. Il se distingua tellement aux armées du Rhin et d’Italie, qu’il fut rapidement élevé à des grades supérieurs, et qu’après la bataille d’Arcole, il mérita l’honneur d’être aide-de-camp de Bonaparte. Il paraît que, dans cette place, Lavalette fut spécialement chargé de la correspondance particulière du général, qui, appréciant à son tour le talent et la discrétion de son secrétaire, se l’attacha plus intimement en le mariant à la nièce de sa femme, fille de M. de Beau ha mais, depuis sénateur.

M. Lavalette, à son retour d’Égypte, fut nommé directeur général des postes, et conseiller d’État, puis commandant de la Légion-d’Honneur et comte de l’empire. Il conserva la direction générale des postes jusqu’en 1814, que M. le comte Ferrand lui succéda.

Pendant les cent jours, l’Empereur le confirma dans les fonctions de directeur général des postes le 2 juin 1815, et le nomma pair de France. Au mois de juillet suivant, M. Lavalette, qui n’avait point quitté l’hôtel des postes, fut arrêté, mis en jugement, et condamné à mort le 21 novembre 1815 par la Cour d’assises du département de la Seine. Il entendit son arrêt avec le même calme et la même dignité qu’il avait montrés dans les débats. Son pourvoi en cassation fut rejeté. Madame Lavalette implora vainement la clémence du souverain. L’exécution était fixée au 21 décembre : son mari était perdu, lorsque, ne prenant conseil que de son courage et de son attachement pour lui, madame Lavalette le sauva par un dévouement digne des temps antiques.

Munie d’une permission du procureur général, le 20 décembre, veille du jour fatal, elle se fit conduire comme à l’ordinaire dans une chaise à porteurs, accompagnée de sa fille, âgée de douze ans, d’une vieille domestique, et dîna avec M. Lavalette.

A sept heures du soir, mademoiselle Lavalette et la domestique, qui paraissaient soutenir péniblement une femme accablée de douleur, enveloppée dans sa fourrure, sous son chapeau, un mouchoir sur les yeux, se présentaient à la grille de la prison. La grille s’ouvre ; elles sortent. M. Lavalette, car c’était lui, disparut bientôt sur le quai des Orfèvres, à la faveur de l’obscurité de la nuit, et fut recueilli par trois Anglais, MM. Bruce, Hutchinson et Wilson, qui lui procurèrent une retraite sûre, où, pendant quinze jours, il brava les recherches les plus actives de la police. Enfin, le soir du 7 janvier, M. Lavalette se rendit chez le capitaine Hutchinson, sous l’uniforme d’un général anglais : le 8, il monta dans un cabriolet avec le général Wilson ; sortit de Paris sans avoir été reconnu, grâce à son déguisement ; arriva le lendemain à Mons, et de là se rendit à Munich, où il attendit, sous l’égide d’une protection puissante, que des temps plus heureux lui permissent de rentrer en France.

La sépulture de la famille Lavalette est composée de deux tombes couvertes horizontalement, à la tête desquelles s’élève, sur un stylobate, un cénotaphe. Sur sa principale face est un bas-relief en marbre représentant la scène intéressante de la prison, au moment où madame Lavalette fait prendre un déguisement à son mari pour faciliter son évasion. Au-dessus du cénotaphe s’élève une niche de forme carrée, surmontée d’un fronton, orné de pal mettes, au milieu duquel est gravée cette inscription :

FAMILLE LAVALETTE.

La niche dans laquelle est placé le buste du comte Lavalette, exécuté en bronze, est ornée d’un riche encadrement de rinceaux sculptés.

Ce monument, excepté le bas-relief, est tout en pierre de liais, et a été exécuté

par la compagnie générale des inhumations, rue Saint-André.

LEBRUN.




Lebrun (Charles-François), prince et archi-trésorier de l’Empire, duc de Plaisance, grand-aigle de la Légion-d’Honneur, chevalier des ordres de Charles III d’Espagne et de l’Aigle d’Or de Wurtemberg, membre de l’Institut, puis de l’Académie Française, naquit à Saint-Sauveur-Landelain (Manche), le 19 mars 1739.

Son père le plaça à Paris, pensionnaire au collège des Grassins. Ses études y furent brillantes, il remporta plusieurs prix, et s’acquit l’amitié de ses professeurs. Son goût le porta plus particulièrement vers la culture des belles-lettres, mais la lecture de l’Esprit des Lois lui ayant inspiré le plus vif désir d’étudier la législation et surtout la constitution anglaise que Montesquieu présente comme un modèle à tous les gouvernemens, et dont quelques hommes instruits commençaient alors à s’occuper en France, il partit pour l’Angleterre.

Lebrun, à son retour, s’étant décidé pour le barreau, fit son droit sous M. Lorry, célèbre professeur qui le fit connaître à M. de Maupeou, premier président du parlement de Paris, depuis chancelier de France.

Les troubles de Bretagne, les démêlés entre le parlement et la cour, amenèrent la dissolution de tous les parlemens du royaume, et l’établissement en 1770 de nouveaux tribunaux sous le titre de conseils supérieurs.

On a prétendu que Lebrun avait joué un rôle dans ce bouleversement de la magistrature : il fut l’ouvrage du chancelier Maupeou et de l’abbé Terray, contrôleur général des finances ; Lebrun n’y participa que par la rédaction des préambules de quelques édits, en réponse aux remontrances des parlemens.

Un ouvrage intitulé la Voix du Citoyen, qu’il publia au commencement de 1789, fixa sur lui les suffrages des électeurs de l’arrondissement de Dourdan : il fut nommé député du tiers-état aux états-généraux ; chargé de la rédaction des cahiers de cet ordre, il sut allier le patriotisme à la modération. Après l’installation de l’assemblée législative, il devint membre du directoire du département de Seine-et-Oise, puis il présida cette administration jusqu’en 1791 : il abdiqua toute fonction publique en 1792 : sa vie retirée ne le garantit pas des persécutions ; arrêté deux fois et jeté dans les prisons de Versailles, il en sortit la première au bout de six mois, et la seconde, il dut la vie à la mort de Robespierre.

C’est dans ces intervalles où l’absence de fonctions publiques laissait à Lebrun la faculté de s’occuper de littérature, qu’il mit la dernière main à différentes traductions, fruit de ses loisirs de collège, principalement à celles d’Homère et de la Jérusalem délivrée ; celle-ci surtout l’emporta sur toutes celles qui l’ont précédée.

En l’an iv, il fut élu député au Conseil des Anciens, et peu de temps après la révolution du 18 brumaire, troisième consul. Sous l’empire, il fut nommé prince archi-trésorier, duc de Plaisance, grand-aigle de la Légion-d’Honneur. En l’an xiii, il fut envoyé à Gênes pour y organiser les départemens, et fut ensuite nommé par l’Empereur gouverneur général.

En 1811, il fut nommé lieutenant-général de l’Empereur en Hollande, après l’abdication du prince Louis, et administra ce pays jusqu’en 1813. Il laissa dans ce pays ainsi qu’à Gênes les plus honorables souvenirs.

En 1817, il fut un de ceux qui contribuèrent le plus efficacement à la réorganisation de la Cour des Comptes, et le discours qu’il prononça lors de son installation fut remarquable par la justesse des principes qu’il établit en matière de comptabilité.

Lors de l’établissement du conseil des prisons, il prononça, à l’âge de quatre-vingts ans, le discours d’installation de ce conseil, discours qui lui concilia l’estime et les suffrages des personnages importans qui composaient cette association.

Il survécut peu à cette cérémonie : il est mort le 16 juin 1824, dans sa terre de Grillon près Dourdan, où il s’était plu à former des établissemens utiles. Il n’a été transporté au cimetière du Père Lachaise que lorsque le mausolée qu’on lui a érigé a été terminé.

Ce monument, qui est construit en pierre de Volvic, se compose d’un péristyle de huit colonnes élevé sur un stylobate et surmonté d’un entablement. Au milieu du péristyle est placé le sarcophage, dont la principale face est ornée du buste en relief de ce grand dignitaire, avec cette inscription au-dessous : duc de plaisance. Du côté opposé est un bas-relief au bas duquel on lit :

HOMÈRE. LE TASSE.

Sur le stylobate est une plaque en bronze avec cette inscription :

sépulture de la famille de PLAISANCE.
m.dccxxxi.

Sur les faces latérales sont des figures allégoriques, ayant sur la tête une couronne murale, avec cette inscription au-dessous :

Gv DE LA HOLLANDE. — Gv DE GÊNES.

LEFEBVRE.




Lefebvre (François-Joseph), maréchal de l’Empire, duc de Dantzick, sénateur, préteur du Sénat, chef de la 5e cohorte, grand-officier et grand-aigle de la Légion-d’Honneur, naquit à Ruffach en Alsace, le 25 octobre 1755. Son père, ancien hussard, commandait la garde bourgeoise de cette ville. Lefebvre n’avait que huit ans lorsqu’il le perdit, un oncle paternel, curé, recteur de Guimar, se chargea de son éducation. Le jeune Lefebvre préféra l’état militaire ; à dix-huit ans il entra dans le régiment des gardes-françaises le 10 septembre 1773, et fut nommé premier sergent le 9 avril 1788.

En 1789, il fut incorporé avec moitié de sa compagnie dans le bataillon de la section des Filles-Saint-Thomas, dont il était l’instructeur. En 1792, il passa capitaine au 3e régiment d’infanterie légère. Il fut nommé adjudant-général en 1795, général de brigade en 1796, et la même année général de division, après les combats de Lambach et de Giesberg.

Le nom de Lefebvre est cité avec éloges dans les armées de la Moselle, de Sambre-et-Meuse, de Rhin-et-Moselle et du Danube, dont il fit presque toujours l’avant-garde. Entré avec quatre divisions dans le Palatinat, il assiégea et prit le fort de Vauban, bloqua le Port de Manheim. Par d’aussi éclatans succès il prépara la défaite des ennemis à Fleurus, où il eut un cheval tué sous lui, et par son courage et l’habileté de ses manœuvres il força la victoire, long-temps indécise, à se ranger enfin sous nos drapeaux.

Nous n’entrerons pas dans le détail des combats livrés par le général Lefebvre ; les bornes de cette Notice ne le permettent pas ; mais nous le suivrons sur les champs de bataille qui lui ont offert plus de développemens pour ses talens militaires, et une plus ample moisson de gloire.

Le général Lefebvre joignait à une bravoure réfléchie un coup d’œil qui ne le trompait jamais. Après le combat d’Hénef, seul avec sa division, il força les Autrichiens de se replier sur les hauteurs d’Anilshorn, d’où il les débusqua. En 1795, il les défait à Nidda, à Oberdiffenbach, et se rabat sur sa première position pour tenir en échec le général ennemi.

A la mort du général Hoche, en 1798, il commanda provisoirement l’armée de Sambre-et-Meuse, destinée à entrer en Hanovre, et passa l’année suivante à l’armée du Danube, sous les ordres du général Jourdan. Dans cette campagne, le général Lefebvre montra ce que peuvent le talent et l’intrépidité d’un chef unis à la valeur des soldats. Attaqué à Stockack par 36,000 Autrichiens, il leur tint tête avec 8,000 hommes, et les força à la retraite : grièvement blessé d’un coup de feu au bras, et forcé de quitter l’armée, il revint à Paris.

A son retour, le Directoire le reçut avec la plus haute distinction, lui donna des armes de prix, et le nomma commandant de la 17e division militaire. Ces fonctions n’étaient pas sans écueils ; une fermentation sourde régnait dans la capitale : le général Lefebvre sut allier la prudence à la fermeté, et Paris fut tranquille jusqu’à la révolution de brumaire. Bonaparte, qui se connaissait en hommes, se l’attacha, et le maintint dans le commandement de la 17e division militaire. Plus tard, il lui confia la pacification de quatre départemens de la Normandie. Ici s’ouvre pour le général Lefebvre la carrière des honneurs.

Admis au Sénat sur la présentation des Consuls, il y exerça les fonctions de préteur. Élevé au grade de maréchal d’Empire en 1804, il devint chef de la 5e cohorte, puis grand-officier, et enfin grand-aigle de la Légion-d’Honneur.

Il avait un commandement aux batailles de Jéna et d’Eylau. C’est après cette dernière victoire qu’il partit pour investir Dantzick, qui, après cinquante et un jours de tranchée ouverte, se rendit le 26 mai 1807. Le surlendemain, l’Empereur le créa duc de Dantzick.

En Espagne, le maréchal Lefebvre soutint sa réputation et la gloire de nos armes. Enfin, il combattit à Eckmülh, à Wagram, et termina sa carrière militaire à Montmirail. Il fut nommé pair de France le 4 juin 1814 ; et Napoléon, en avril 1815, à son retour de l’île d’Elbe, le confirma dans cette dignité, qu’il a conservée jusqu’à sa mort.


Le mausolée du général Lefebvre se compose d’un sarcophage, d’un style noble et élégant, élevé sur un stylobate, décoré de couronnes aux quatre coins, le tout en pierre de liais. A la face principale est un bas-relief en marbre, représentant le buste du maréchal, couronné par la valeur et la victoire.

Les auteurs du monument du maréchal Lefebvre sont MM. Provost, architecte

de la Chambre des Pairs, et David, statuaire, membre de l’Institut.

LEGOUVÉ.




Legouvé (Gabrielle-Marie-Jean-Baptiste), membre de l’Institut de France et de la Légion d’Honneur, naquit à Paris en 1763. Dès sa première jeunesse il s’adonna tout entier à la poésie, et fit une étude toute particulière de l’art de la versification ; travaillant d’abord d’après les idées d autrui, il traduisit plusieurs fragmens de Lucain.

Le sujet de sa première tragédie lui fut fourni par Gessner : c’est dans ce poète pastoral qu’il puisa la Mort d’Abel ; et, chose singulière, le caractère le plus énergique qu’il ait jamais tracé, c’est celui de Gain. Cet ouvrage, écrit avec autant de vigueur que de grâce, obtint un grand succès. On ignore pourquoi les comédiens français ne le représentent plus. Cette peinture naïve des mœurs du premier âge du monde est de nature à plaire aux spectateurs de toutes les classes.

C’est un de ces sujets heureux dont les esprits les moins étendus et les moins instruits ont l’intelligence ; il inspire à la fois la terreur et la pitié, et commande même l’intérêt pour le criminel ; car enfin ce malheureux Caïn n’est criminel que par suite de sa jalousie, et sa jalousie n’est pas dénuée de fondement. Comme les héros de Sophocle et d’Euripide, Caïn est victime de la fatalité.

La Mort d’Abel fut jouée en 1792. En 1794, Legouvé donna Épicharis et Néron, autre tragédie qui obtint un succès plus brillant, mais moins mérité à quelques égards. Le plan de cet ouvrage n’est pas exempt de fautes graves ; mais ces défauts sont plus que compensés par des beautés du premier ordre, et surtout par un cinquième acte où les terreurs de Néron sont peintes avec une vérité sublime.

Quintus-Fabius est la troisième tragédie de Legouvé : cette pièce obtint aussi beaucoup de succès en 1795.

En 1798, il donna au théâtre de Louvois, où les acteurs du Théâtre-Français du faubourg Saint-Germain s’étaient réunis, une nouvelle tragédie intitulée Laurence. Cet ouvrage n’eut qu’un succès médiocre et n’a point été imprimé.

Étéocle et Polynice, cinquième tragédie du même auteur, a laissé des souvenirs plus profonds ; on y trouve de fort belles scènes. Les rôles d’Œdipe et d’Antigone y sont touchans et pathétiques ; mais malheureusement ils sont venus après l’Œdipe de Ducis.

La dernière tragédie de Legouvé est la Mort d’Henri IV ; peu de pièces ont excité plus de critiques : c’est un inconvénient auquel s’expose l’auteur qui traite de sujets trop rapprochés de notre époque.

Cette pièce obtint néanmoins un cours brillant de représentations.

Legouvé a composé plusieurs poèmes, tels que les Sépultures, les Souvenirs, la Mélancolie, le Mérite des Femmes. Ces poèmes sont très remarquables sous le rapport du style : le Mérite des Femmes surtout jouit à ce titre de la faveur publique, et cette faveur se soutiendra tant que le goût des bons vers et des sentimens honnêtes ne sera pas éteint en France.

Au talent de faire des vers Legouvé joignait celui de les déclamer ; il le tenait de mademoiselle Sain val, et l’a transmis à mademoiselle Duchesnois : sous ce rapport aussi il a bien mérité du Théâtre-Français.

Legouvé a été un des collaborateurs des Veillées des Muses et de la Nouvelle bibliothèque des Romans. Il a été aussi quelque temps directeur du Mercure.

Comblé de succès, favorisé par la fortune, chéri de ses amis, il semblait devoir fournir une carrière également longue et heureuse. Le malheur l’attendait à la fin de sa vie, qu’il abrégea. Les facultés morales de Legouvé étaient déjà affaiblies, quand une chute grave qu’il fit à la campagne acheva de déranger sa santé et sa raison. Il se survécut à lui-même plus de deux ans, et mourut dans un état à peu près semblable à celui dans lequel expira le Tasse.

Il a été déposé au cimetière de Montmartre dans une sépulture de famille, de forme antique, en granit noir et du goût le plus simple ; sur le côté latéral, à la droite du monument, on lit cette épitaphe :

gabrielle-marie-jean-baptiste
LEGOUVÉ,
membre de l’institut national
et de la légion d’honneur.
décédé le 30 aout 1812.


Quelquefois mes amis s’entretiendront de moi,
Je reste dans leur cœur, je vivrai dans leurs larmes.
Ce tableau, de la mort adoucit les alarmes,
Et l’espoir des regrets que tout mortel attend
Est un dernier bonheur à son dernier instant.
(Extrait des Souvenirs de Legouvé.)

LEMERCIER.




Lemercier (Louis-Jean-Népomucène), membre de l’Institut, l’un des poètes les plus féconds et les plus variés de notre époque, naquit à Paris, le 22 avril 1771, d’une famille honorable. Il n’avait que seize ans lorsqu’il donna sa tragédie de Méléagre, et en avait vingt-cinq lorsqu’il fit représenter son Agamemnon, tragédie, où il sut fondre habilement les beautés éparses dans Eschyle, Sénèque et Alfieri, qui ont traité le même sujet. Aucun ouvrage de l’auteur n’a obtenu et mérité plus de succès ; c’est une des meilleures pièces du théâtre moderne. La tragédie d’Ophis, toute d’invention, réussit moins, mais n’affaiblit pas les espérances qu’on avait conçues du talent de M. Lemercier. Moins heureux dans la comédie, quoiqu’il eût, dans un de ses trois premiers essais, stigmatisé les hommes qui avaient voulu exploiter la révolution à leur profit, il rappela sur lui l’attention du public par la comédie de Pinto, pièce d’un genre nouveau, dont le sujet et le but appartiennent à la tragédie, les détails et les moyens à la comédie. Il fallait infiniment d’esprit pour présenter sous un aspect comique la révolution qui mit la maison de Bragance sur le trône de Portugal, pour rapprocher d’une manière piquante tant de personnages si différents d’états et de caractères, et les faire concourir à un grand événement. M. Lemercier a tiré parti de ces oppositions avec autant de sagacité que de bonheur. Ce fut en 1809 qu’il fit représenter à l’Odéon Christophe Colomb, comédie historique en trois actes et en vers, soutenue par la police et repoussée par la majorité du parterre ; elle occasionna des scènes sanglantes et un grand appareil militaire de la part du gouvernement, qui fit retirer la pièce après sept a huit représentations. Toutefois, cet ouvrage, original dans son plan, dans ses détails et dans son exécution, offre, à travers le mélange de l’héroïque et du familier, des pensées sublimes, des expressions énergiques et de bons vers.

Le besoin d’innover n’était pas, chez M. Lemercier, corruption du goût, mais désir de trouver des effets qui n’eussent pas été produits. L’indépendance de son caractère égala celle de son talent. Quoiqu’il ait eu des relations nombreuses avec la plupart des grands acteurs de la révolution, il ne s’y est mêlé politiquement que pour ses opinions personnelles, et non par ses actions. Sa conduite au commencement du consulat fut noble et courageuse. Accueilli chez Bonaparte, il ne fut jamais au nombre de ses flatteurs ; sa seule inspiration fut constamment l’amour de la vérité ; le besoin de la dire lui a coûté sa fortune presque entière, et la série d’injustices et de persécutions qu’il a éprouvées l’a puni sans le corriger. Sa modestie a toujours répugné à alimenter les biographies des détails qui lui étaient personnels, mais on peut aisément le connaître en lisant ses écrits, où il ne développe que ce qu’il pense et ce qu’il sent.

Il est décédé le 7 juin 1840, et a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise dans un monument aussi simple que modeste, composé d’un obélisque en marbre blanc d’un seul bloc, sur lequel est sculpté en creux le portrait du célèbre écrivain.

Ses ouvrages, que nous regrettons de n’avoir pu analyser entièrement, faute d’espace, sont gravés par ordre au-dessous de son épitaphe, ainsi conçue :

louis-jean-népomucène
LEMERCIER,
Membre de l’Institut,
Né à Paris, le 22 avril 1771
Décédé le 7 juin 1840.
Il fut homme de bien
Et cultiva les lettres.
Ophis. Pinto.
Clovis. Plaute.
Charles VI. Richelieu.
Frédégonde. Le Corrupteur.
Agamemnon. Christophe Colomb
Etc. Etc.
Cours de littérature :
La Panhipocrisiade. Alexandre.
Les Ages français. Homère.
L’Atlantique. Moïse, etc.
Ce monument a été construit par M. Beau, marbrier, sous la direction de M. Pector.

LENOIR-DUFRÈNE.




Lenoir-Dufrêne, né à Alençon, le 24 juin 1768, avait établi à Paris, rue de Charonne, une manufacture de tissus de coton, dont la beauté, la finesse, soutenaient, avec le plus grand avantage, la concurrence des produits anglais dans le même genre. Avant d’avoir obtenu ces résultats, d’une si haute importance pour l’industrie française, M. Lenoir s’était livré à des expériences nombreuses : ses premiers essais ne le satisfirent point. Animé du vif désir d’enlever à l’Angleterre une branche d’industrie qui nous rendait ses tributaires, il n’épargna ni les soins, ni la fatigue, ni le temps. Il s’était assujetti à être l’instituteur de ses ouvriers ; travaillant avec eux, les dirigeant lui-même, louant ce qu’ils avaient fait bien, et leur montrant les moyens de faire mieux, tant il était jaloux de ne pas laisser à nos voisins d’outre-mer une supériorité qu’il sentait la possibilité de leur ravir. Le succès, enfin, couronna des travaux entrepris et soutenus avec une infatigable persévérance ; et la France, dans ce genre de fabrication, ne connaît plus de rivale.

M. Lenoir ne considérait pas ses ouvriers comme les instrumens de sa fortune et de sa gloire ; et bien différent de certains chefs d’établissemens industriels, il leur portait un intérêt réel ; il leur vouait un véritable attachement. A le voir au milieu d’eux, dans ses vastes ateliers, on eût cru voir des enfans travaillant sous la direction de leur père ; il leur prodiguait, selon l’occurrence, les conseils, les consolations ou les secours ; et cette réunion de tant d’individus, qu’un seul homme faisait mouvoir à son gré, et que ceux-ci entouraient de respect et de reconnaissance, ne présentait que l’aspect d’une seule famille, aussi unie qu’elle était heureuse.

A la mort de M. Lenoir, près de cinq mille ouvriers accompagnèrent sa dépouille mortelle. Cette marche silencieuse et sombre était le plus bel hommage qu’ils rendaient aux vertus de l’ami, du bienfaiteur qu’ils venaient de perdre ; et si quelques paroles s’échappaient de ces poitrines oppressées, c’était un éloge ou un regret.

Les quatre inscriptions qui décorent chacune des faces du monument élevé à M. Lenoir, peignent, mieux qu’on ne pourrait dire, les vertus et les qualités estimables de cet excellent citoyen : nous les rapportons ici :

CI GIT
jean-denis-guillaume-joseph
LENOIR-DUFRÊNE,
négociant manufacturier,
né a alençon le 24 juin 1768.


honneur et respect
aux cendres
d’un citoyen vertueux.


plus de cinq mille ouvriers,
qu’alimenta son génie, qu’encouragea son exemple,
sont venus pleurer sur cette tombe
un père et un ami.


puissent ses manes jouir paisiblement
et du bien qu’il a fait, et des regrets honorables
que l’industrie et le commerce français
donnent a sa mémoire.

Ce tombeau est le premier qui ait été construit en marbre, peu de temps après l’ouverture du cimetière du Père Lachaise. Il est élevé sur une estrade à trois gradins, et décoré d’ornemens sculptés en creux, représentant les attributs du commerce. Ce monument, tout en marbre blanc, est remarquable par l’élégance

de sa forme. Il a été exécuté par M. Gillet, marbrier.

MME DE MALET.




Malet (Athanaïs-Marie-louise-Marguerite-Charlotte Jumilhac, comtesse de) naquit le 3 août 1793, Issue d’une famille illustre, elle hérita des vertus de ses aïeux, et joignait au printemps de son âge les grâces d’un esprit prématuré à la délicatesse du sentiment, et la noblesse de l’âme à la plus fervente piété.

Mariée à dix-sept ans, elle se voua à son nouvel état avec une sollicitude et un zèle exemplaires : citée comme un ange de douceur et comme modèle des épouses, cette union, contractée sous les plus heureux auspices, promettait aux jeunes époux une carrière aussi longue que fortunée, quand, par un décret de la divine Providence, après six ans d’une félicité parfaite, la mort est venue la ravir à la tendresse de son mari.

Après une aussi douloureuse séparation, hors d’état d’admettre aucune consolation humaine, son époux, doué de toutes les vertus chrétiennes, a puisé dans une solide piété une résignation dont la religion lui offrait seule la source.

Le mausolée que M. de Malet a érigé à son épouse atteste des regrets auxquels la mort pourra seule mettre un terme. Ce monument, d’un style purement religieux, construit solidement en pierre, représente une chapelle sépulcrale de forme quadrangulaire, surmontée d’une Vierge assise, tenant l’Enfant Jésus debout sur ses genoux. Sur la face principale est une porte cintrée, en fer fondu, au travers de laquelle on lit cette épitaphe placée intérieurement :

ici repose
athanaïs-
marie-louise-marguerite-
charlotte MALET,
née JUMILHAC,
le 3 aout 1793.
mariée le 28 aout 1810.
décédée le 6 janvier
1816.
sa vie fut courte,
mais chrétienne ;
elle a donc assez vécu.

Cette épitaphe, et une seconde qui sera placée en parallèle, sont chacune surmontées d’une urne cinéraire.

Au-dessus s’élève une grande croix, sur laquelle est drapé un suaire, au bas duquel sont gravés ces mots :

Que l’homme ne sépare pas
Ce que Dieu a joint.
Matth., chap. XIX, v. 7.

On lit extérieurement, au-dessus de la porte d’entrée, cette inscription :

sous la protection
DE JÉSUS ET DE MARIE,
on repose en paix.

Sur la face opposée :

de murmurer et de perdre patience,
il est mal a propos ;
vouloir ce que dieu veut est la seule science
qui nous met en repos.

Sur chaque face latérale, on lit cette inscription latine :

ave, maria, gratia plena ;
dominus tecum.

Madame de Malet est décédée le 6 janvier 1816, et a été inhumée au cimetière du Père Lachaise.

La statue de la Vierge, qui est d’un beau caractère, est due au ciseau de M. Guersant,

statuaire.

MASSÉNA.




Masséna (André), duc de Rivoli, prince d’Esslirtg, maréchal de France, grand-aigle de la Légion-d’Honneur, surnommé l’Enfant chéri de la Victoire, naquit à Nice (Alpes-Maritimes), le 6 mai 1768, d’une famille avantageusement connue dans les armes et le commerce.

Orphelin dès sa plus tendre enfance, un de ses parens, capitaine de vaisseau marchand, le lit entrer dans le service de mer. Masséna fit avec lui deux voyages ; mais préférant le service de terre, à dix-sept ans, en 1775, il entra, comme simple soldat, dans le régiment Royal-Italien, où l’un de ses oncles était capitaine.

Après avoir vainement attendu de l’avancement pendant quatorze années, Masséna demanda son congé, et se retira, en 1789, dans son pays, où il fit un mariage avantageux. A la révolution il rentra dans l’armée. Les soldats choisissaient alors leurs officiers ; il fut nommé par eux d’abord adjudant-major au bataillon du Var, puis chef de bataillon le 1er août 1792.

Ce fut en cette qualité qu’il commanda le centre de l’armée d’Italie. Nommé général de brigade le 22 août 1793, et général de division le 20 décembre de la même année, il parvint à pas de géant aux plus hautes dignités militaires.

A dater du commencement de la guerre, il prit part à presque toutes les affaires ; son histoire, pendant la conquête de l’Italie, se rattache sans cesse à celle de Bonaparte. Envoyé en Suisse, il déconcerta seul les projets de l’ennemi.

La défense de Gênes est un des faits militaires les plus honorables pour Masséna, quoiqu’il ait été contraint par la disette à capituler, et cela, le jour même où le général Mêlas venait d’envoyer l’ordre aux troupes de lever le siège.

Les assiégeans, en prenant possession de Gènes, qu’ils trouvèrent en proie à tous les besoins, furent obligés de l’évacuer quelques jours après y être entrés, et Masséna, nommé commandant en chef de la nouvelle armée d’Italie, vit son revers récompensé comme un succès.

En 1804, Bonaparte étant devenu empereur, la dignité de maréchal fut rétablie : promu à ce grade suprême, Masséna reçut encore le grand cordon de la Légion-d’Honneur.

En 1806, Masséna fut chargé d’aller mettre à exécution le décret impérial qui donnait à Joseph Bonaparte le trône de Naples. Gaëte, qui passait pour inexpugnable, refusait seule d’ouvrir ses portes ; Masséna ordonna l’assaut, et la ville, effrayée, demanda à capituler.

En 1807, la grande armée combattait en Pologne contre les Russes. Masséna arriva à Osterode après la bataille d’Eylau. Napoléon lui confia la conduite de l’aile gauche de l’armée : il allait de nouveau se couvrir de gloire, lorsque l’armistice l’arrêta sur les bords du Bober ; le titre de duc de Rivoli, avec une dotation considérable, consacra tout à la fois ses nouveaux et ses anciens services.

Dans la campagne de 1809, Napoléon le choisit encore pour son principal lieutenant, et le chargea de commander toutes les troupes qui se trouvaient sur la rive droite du Danube. Dans une de ses fréquentes tournées, l’Empereur dit, en s’appuyant affectueusement sur Masséna : Voici mon bras droit. Ce fut dans une reconnaissance où il accompagna Napoléon la veille même de l’attaque, que Masséna fit une chute de cheval dont il fut violemment froissé. Tout à la gloire au milieu des souffrances, rien ne put le décider à ne prendre aucune part au combat. Traîné dans une calèche, il dirigea tous les mouvemens de la gauche de l’armée dans les mémorables batailles d’Enzendorff et de Wagram.

D’aussi brillans succès amenèrent la fin de cette guerre, qui valut à Masséna le titre de prince d’Essling. En 1810, il fut chargé par l’Empereur d’aller terminer la guerre d’Espagne, et de s’attacher spécialement à l’armée anglaise établie en Portugal, pour la contraindre à se rembarquer.

Cette dernière campagne, qu’il fit avec toute l’activité de la jeunesse, à l’âge de cinquante-trois ans, avait singulièrement affaibli sa vigueur physique. Pendant les cent-jours, il fut étranger à tout service militaire : désolé, malgré sa gloire intacte au milieu des revers, il se réfugia dans un profond isolement. Ses amis, effrayés des signes de son dépérissement, le pressaient d’aller chercher hors de France un climat moins rigoureux ; il répondit : « J’ai bien acquis le droit de mourir dans « notre chère France : quoi qu’il puisse arriver, j’y mourrai. » Il mourut en effet de chagrin plus que de maladie, le 4 avril 1817.

Son monument, élevé au cimetière du Père Lachaise, formant un obélisque, est construit en marbre de Carrare, et a près de vingt pieds de haut. La façade principale est ornée du buste du maréchal, soutenu par une guirlande de laurier que deux épées supportent. Au dessus on lit la date de sa mort, le 4 avril 1817, et les noms de Rivoli, de Zurich, Gênes, Essling. L’architecte de ce monument est M. Méry Vincent ; le buste, de M. Bosio, et la sculpture, de M. Jacques.

MONTMORENCY-LAVAL.




Montmorency-Laval (Mathieu-Jean-Félicité, duc de), naquit à Paris le 10 juillet 1766. Jeune encore, il fit ses premières armes en Amérique, dans le régiment d’Auvergne, dont son père était colonel : c’est dans cette guerre qu’il adopta les principes d’indépendance et de liberté qu’il développa plus tard au sein de l’Assemblée constituante, à laquelle il fut nommé député en 1789 par le bailliage de Montfort-l’Amaury, dont il était grand-bailli d’épée.

Il vota constamment avec la majorité de l’Assemblée nationale pour la grande démolition de l’édifice politique : et après la session il prit du service comme aide-de-camp du maréchal Luckner.

En 1793 il se retira en Suisse, où, après avoir voyagé quelque temps, Mme de Staël lui donna généreusement asile à Coppet.

C’est de cette époque que data entre cette femme célèbre et l’illustre émigré une liaison intime que ne purent détruire ni les orages politiques, ni même la différence de leurs croyances religieuses.

Il apprit en Suisse que son frère, condamné à mort par le tribunal révolutionnaire, avait péri le 17 juin 1793.

Après le 9 thermidor, il revint à Paris, fut arrêté le 26 décembre 1795, mais rendu peu de temps après à la liberté, depuis le 18 fructidor il se condamna à la retraite et à l’obscurité, se réunissant à des philanthropes distingués, tels que M. de la Rochefoucault-Liancourt, pour exercer des actes de bienfaisance, dont il trouvait la noble impulsion dans son cœur.

Dans un court voyage que fit à Paris Mme de Staël, M. de Montmorency renouvela ses liaisons avec elle : la police impériale en prit ombrage, le rendit l’objet d’une surveillance spéciale, et enfin le fit exiler : mais au bout de quelque temps il obtint la permission de rester à Paris.

Les événemens de 1814, qui changèrent la face de la France, laissèrent à M. de Montmorency la faculté de manifester avec éclat son retour aux principes qu’il avait abjurés au commencement de sa carrière politique ; et le même homme que l’on avait vu, renonçant à l’Assemblée constituante à ses titres et à sa noblesse, reparut sur la scène du monde avec ses livrées et son antique blason.

Au mois d’avril de cette même année il rejoignit Monsieur, lieutenant-général du royaume, qui le nomma son aide-de-camp, se rendit auprès de Madame, duchesse d’Angoulême, dont il devint chevalier d’honneur : accompagna la princesse à Bordeaux, puis à Londres, d’où il partit ensuite pour aller retrouver Louis XVIII à Gand, et rentra avec lui à Paris.

Le 17 août 1815 il fut nommé pair de France.

Devenu ministre des affaires étrangères et président du conseil en 1822, il vota constamment avec le côté droit de la Chambre des Députés, et ce fut à l’une des séances de cette Chambre qu’il prononça cette fameuse rétractation, si diversement interprétée par le public.

Il assista au congrès de Vérone, y insista sur la nécessité de la guerre d’Espagne ; ses opinions furent même si décidées à cet égard qu’à son retour à Paris, après quelques discussions qui s’élevèrent dans le conseil entre lui et ses collègues, il fut remplacé par M. de Chateaubriand.

En dédommagement de cette disgrâce il fut nommé duc, académicien et gouverneur du duc de Bordeaux.

Il est mort à Paris dans l’église de Saint-Thomas-d’Aquin, le vendredi saint, dans la soixantième année de son âge, le 24 mars 1826, et a été inhumé dans le cimetière de Picpus.

Le monument de M. le duc de Montmorency, qui est tout en granit noir, se compose d’une tombe couverte horizontalement au chevet de laquelle s’élève une croix ornée à sa base de volutes sculptées. Sur la tombe on lit cette inscription gravée en lettres d’or :

ici repose
mathieu-jean-felicité
DE MONTMORENCY-LAVAL,
DUC DE MATHIEU DE MONTMORENCY,
né le 10 juillet 1767,
mort le 24 mars 1826,
le vendredi saint,
à l’heure de la mort de notre seigneur,
auprès du tombeau
de l’église de st-thomas-d’aquin.
priez pour lui
et surtout pour sa famille désolée.

MAZOIS.




Mazois (François), architecte, inspecteur général des bâtimens civils, officier de la Légion d’Honneur, naquit à Lorient (Morbihan) en 1783. Élève de M. Percier, il acquit une haute réputation par les nombreux et glorieux travaux qu’il a exécutés ; son séjour dans la capitale de l’Italie et du royaume de Naples, où il a laissé des traces de son génie, a illustré sa courte carrière.

Ses principales constructions à Paris sont : quatre maisons dans le quartier de François Ier, le passage Choiseul, le passage Saucède, etc. ; à Reims, la restauration du Palais de l’Archevêché ; près de Naples, la restauration du Palais royal de Portici ; à Rome, la restauration et la décoration intérieure du couvent et de l’église de la Trinité, la restauration du Palais de l’ambassade de France dans la même ville, etc.

Mazois joignait à la qualité de profond archéologue celle d’homme de lettres ; il a publié ou laissé manuscrits plusieurs ouvrages, fruits de ses recherches et de ses études en Italie. Ce sont : les Ruines de Pompéi, dont quelques planches ont été exposées en 1824, in-fol. ; sur les Ruines de Pœstum, de Pouzzoles, d’Herculanum, etc. ; Mémoires sur les embellissement de Paris, depuis 1800, etc.

Ces ouvrages contiennent une foule de planches qui ont toutes été gravées ou lithographiées d’après les dessins faits, d’après nature, par Mazois.

Il est décédé à Paris, le 31 décembre 1826, et a été inhumé au cimetière du Mont-Parnasse.

Son monument se compose d’un mur d’enceinte, à hauteur d’appui, à chaperons arrondis et à com parti mens, construit en pierre de Château-Landon, dont les parties latérales sont d’un seul morceau d’échantillon, Aux quatre coins sont placés, sur des piédestaux, des ornemens en forme de pomme de pin, dont la base est ornée de feuilles sculptées.

Au milieu de cette enceinte s’élève, sur un stylobate en même pierre, une colonne cannelée, de marbre blanc, surmontée d’une urne cinéraire antique, qui paraît avoir appartenu à la collection archéologique de Mazois.

Sur la base de la colonne sont gravés ces mots :

A
F. MAZOIS.
par sa famille
et ses mais

Sur le stylobate, on lit cette épitaphe :

CI GIT
françois MAZOIS.
architecte,
inspecr gen. des batimens civils,
officier de la légion d’honneur,
né a lorient en 1783,
mort a paris le 31 decembre 1826
il illustra sa courte carrière
par de glorieux travaux ;
artiste de génie et profond archéologue,
il décrivit et expliqua
les ruines de rome,
de pœstum et de pompei.
Le monument a été exécuté par MM. Hersent et Shwind, marbriers.

ÉLISA MERCŒUR.




Mercœur (Elisa) naquit à Nantes (Loire-Inférieure), le 24 juin 1809. La première de ses poésies date du mois d’octobre 1825, lorsqu’elle avait à peine seize ans. Ce ne fut pas seulement dans sa ville natale que ses rares dispositions furent remarquées : en 1826, l’Académie provinciale de Lyon, qui venait d’être établie, admit Mlle Mercœur au nombre de ses membres-correspondants. La jeune académicienne, pour exprimer sa reconnaissance à cette Société, lui fit hommage de la pièce intitulée la Pensée, qu’elle accompagna de la lettre suivante : « Rivaliser de gloire avec ces Muses aimables et célèbres dont la patrie s’enorgueillit en adoptant leurs succès, n’a point été mon espérance ; mais j’ai éprouvé un sentiment d’orgueil en songeant que mon nom pourrait trouver une place auprès de leurs noms chéris. Cette espèce de rapprochement est la première feuille de ma couronne littéraire. Puissent, à l’avenir, des suffrages mérités joindre quelques lauriers à cette feuille précieuse. Union et Tolérance, telle est la devise qu’a choisie l’Académie provinciale : un sourire et son indulgence, telle est la prière que je lui adresse aujourd’hui ! »

Au mois de mai 1827, Mlle Mercœur reçut le diplôme de membre-correspondant de la Société académique de la Loire-Inférieure, qui dérogea en sa faveur à ses règlements, puisqu’aucune femme résidant à Nantes n’avait jusqu’alors obtenu cette distinction. Après la publication de ses poésies, la Société Polymatique du Morbihan ajouta un nouveau lustre aux succès littéraires de Mlle Mercœur en la recevant au nombre des membres de cette Société.

De nouveaux encouragements et d’illustres suffrages accueillirent ce premier recueil de poésies : M. de Chateaubriand, à qui l’auteur l’avait dédié, comme au plus illustre de ses compatriotes, lui adressa des remercîments, en ajoutant que si la célébrité était quelque chose de désirable, on pouvait la promettre à l’auteur des vers charmants qu’il avait reçus.

Un autre hommage rendu au talent de notre jeune poète dut toucher bien différemment son cœur : M. de Lamartine écrivit de Florence, en date du 9 octobre 1827, à un littérateur de ses amis qui lui avait envoyé les poésies de Mlle Mercœur : « J’ai lu avec autant de surprise que d’intérêt les vers de Mlle Mercœur, que vous avez pris la peine de me copier. Vous savez que je ne croyais pas à l’existence du talent poétique chez les femmes. Cette fois je me rends, et je prévois, mon cher, que cette petite fille nous effacera tous, tant que nous sommes. »

Un pareil jugement suffit pour donner une idée de la haute réputation à laquelle Mlle Élisa Mercœur serait parvenue, si une mort prématurée ne l’eût enlevée aux admirateurs de son génie et de ses brillantes qualités personnelles. Jamais le crayon n’a tracé sur aucune tombe d’aussi nombreux témoignages d’affliction et de regrets que sur celle qui renferme ses restes précieux. Elle est décédée le 7 janvier 1835, et a été inhumée au cimetière du Père-Lachaise. Son monument se compose d’un simple sarcophage en pierre, élevé sur un soubassement, aux quatre faces duquel sont gravées des inscriptions tirées du recueil de ses poésies.

Sur la façade principale, on lit :


ÉLISA MERCŒUR,
née à Nantes, le 24 juin 1809,
décédée à Paris, le 7 janvier 1835,
rue du Bac, N° 43.




Déjà de frais lauriers ombrageaient sa carrière,
Mais ces jours si brillants devaient trop tôt finir.
Plus beau que le talent qui nous la rendait chère,
Ce trait, comme ses vers, vivra dans l’avenir :
Elle adorait, servait et nourrissait sa mère.

Par Mme la Comtesse d’Hautpoul.


Au livre du destin s’il essayait de lire,
L’homme verrait à peine une heure pour sourire,
Un siècle pour pleurer.

Élisa Mercœur, à 16 ans.


Sur la façade latérale de gauche, on lit :


LA GLOIRE ET L’INDIGENCE.
Ode.

……? Ici-bas le poète,
Chaque jour repoussé par la pitié muette,
N’a jamais que de loin contemplé le bonheur ;
Et de gloire et d’oubli s’abreuvant tout ensemble,
Sans le trouver, cherchant quelqu’un qui lui ressemble,
N’a pas un sein ami pour appuyer son cœur.

Du mortel indigent coupable de génie
C’est, hélas ! au tombeau que le crime s’expie ;
La pierre du cercueil est son premier autel :
Il existe, on l’insulte ; il expire, on le pleure ;
Il commence de vivre à cette dernière heure…
Sous la main du trépas il devient immortel.
Aigle si près des deux, dans ton vol arrêté,
Réponds » toi qui le sais, combien coûte la gloire ?
Combien s’achète un mot d’histoire ?
Combien as-tu payé ton immortalité ?…

Élisa Mercœur, à 17 ans.


Sur la façade postérieure sont gravés ces vers :


Quand descendra sur moi l’ombre de la vallée,
Qu’on verse en me nommant sur ma tombe isolée
Quelques larmes du cœur.

Mais ces larmes, hélas ! qui viendra les répandre ?
Et, plaintif, tristement imprimer sur ma cendre
Le pas de la douleur ?

Mais le ruisseau demain rafraîchira les roses,
Elles retrouveront son mobile miroir,
Et moi, comme les fleurs qui s’effeuillent écloses,
La mort va me cacher sous les ailes du soir.
J’ai froid, et je voudrais m’attacher à la vie ;
De ce cœur pour t’aimer ranime la chaleur,
Tel, après ses adieux, un tremblant voyageur
Jette un dernier regard vers la douce patrie.

Élisa Mercœur, à 16 ans.


Sur la façade latérale de droite :


LE CIMETIÈRE.


Tranquillement ici dort une ombre isolée :
Cette humble croix l’indique, et vous passez, hélas !
Un riche monument ne la renferme pas :
Ah ! celui qui n’est plus, quand un ami le pleure,
Ne peut avoir besoin d’une vaine demeure ;
Dort-on plus doucement sous un marbre orgueilleux ?
Un souvenir, des pleurs, voilà ses derniers vœux ;
Et son ombre à la vie échappant consolée,
Dans le cœur qui l’aima trouve son mausolée.
Mais soudain quels accents dans le séjour de deuil ?
Ce sont des chants d’adieu consacrant un cercueil.
Toi que dans cet instant on vient rendre à la terre,
Peut-être enviais-tu la paix du cimetière ?…
Ah ! tout est froid déjà : ton cœur, jadis brûlant,
N’a pas même un soupir, un léger battement.
Peut-être aussi la mort achevant son délire
Sur ta bouche entrouverte a glacé le sourire !
Peut-être espérais-tu de longs jours de bonheur !
Le bonheur est-Il donc où le cherche l’erreur ?
Quand l’âme fuit la terre en rejetant son ombre,
C’est une étoile unie à des flambeaux sans nombre ;
Mais dans la nuit du monde, en voilant sa clarté,
C’est un pâle rayon perçant l’obscurité.
La nuit bientôt s’écoule, et d’un réveil tranquille
L’homme jouit enfin, dans son dernier asile.

Élisa Mercœur, à l’âge de 16 ans.


Comme un enfant chéri pose-moi sur le bord.
Mon cœur ressemble au ciel lorsqu’il est sans nuage ;
Il n’a pas de remord.


Lorsque la mère d’Élisa Mercœur aura cessé de pleurer
Sa fille, on la déposera dans ce caveau

Priez Dieu pour sa pauvre enfant !


Le monument a été construit par M. Lefèvre, sculpteur marbrier.

MERLIN DE THIONVILLE.




Merlin (Antoine), né, en 1762, à Thionville, dont il prit le nom pour se distinguer d’un autre Merlin né à Douai, comme lui député. Son caractère violent le trouva tout disposé à adopter avec ardeur les principes de la révolution qu’il vit naître. D’abord huissier à Thionville, puis officier municipal, il fut porté en à l’Assemblée législative, comme député du département de la Moselle, et en 1792 à la Convention nationale.

A son arrivée à Paris, Merlin se fit présenter à la société des Cordeliers, où il fut admis. Ce club était l’ennemi juré de celui des Feuillans, qui était composé des partisans de la monarchie constitutionnelle de 1791. Merlin combattit vigoureusement ses adversaires à la tribune et dans les journaux : mais fatigué de voir que, malgré ses virulentes attaques, cette société subsistait toujours, il parvint à faire décréter par l’Assemblée qu’aucune société politique ne s’assemblerait dans les bâtimens sur lesquels s’étendait sa police particulière, et à laquelle était soumis le local des Feuillans.

Ainsi fut dissoute une société qui balançait la funeste influence de celle des Cordeliers, et qui, quoique moins nombreuse, l’emportait sur sa rivale par la droiture de ses intentions, son respect pour les lois, et les talens transcendans de la plus grande partie de ses membres.

Le département de la Moselle réélut Merlin en 1792 à la Convention nationale, et en 1793, étant alors un des secrétaires de l’Assemblée, il fut envoyé dans la Vendée comme représentant. L’armée formidable qui défendit Mayence avec tant d’intrépidité, et que le roi de Prusse fut forcé, par la capitulation de cette place, de laisser rentrer en France, fut envoyée contre les Vendéens : en moins de six semaines elle fut presque entièrement exterminée. Merlin se montra plusieurs fois avec elle devant l’ennemi ; il y fit preuve de bravoure. Ce fut lui qui, le 21 janvier 1794, un an après la mort de Louis XVI, fit jurer à la Convention nationale l’unité et l’indivisibilité de la république, et qui détermina l’Assemblée à assister en corps à l’anniversaire de l’exécution du Roi.

Robespierre, plein de défiance, décimait la Convention en livrant au tribunal révolutionnaire les représentans dont il redoutait ou l’influence, ou les talens, ou la pénétration. Déjà Merlin avait vu tomber autour de lui plusieurs membres de ce redoutable club des Gordeliers dont il avait partagé les principes. Les atrocités qui se commettaient chaque jour l’épouvantèrent, et le ramenèrent à des sentimens plus doux : il ne put voir sans effroi la profondeur de l’abîme où il pouvait être précipité ; et on l’entendit hasarder quelques réclamations au nom de la justice et de l’humanité : mais dans la lutte entre Robespierre et les victimes qu’il menaçait, Merlin garda la plus silencieuse neutralité. Ce ne fut qu’après le 9 thermidor qu’il rompit sans retour avec les Jacobins.

En 1795, il fut envoyé en mission à l’armée du Rhin, où il fit peu de sensation. Entré au Conseil des Cinq-Cents par suite de la réélection forcée des deux tiers de la Convention, il n’y eut que très peu d’influence, et l’on peut dire que c’est là que s’est bornée sa carrière politique.

On a prétendu qu’il avait acquis une fortune immense ; cependant on ne lui a connu que deux propriétés : le couvent du Calvaire, près Paris, qu’il a acquis et revendu depuis, et une autre propriété peu importante dans le département de l’Oise.

Lors de la première invasion des alliés, en 1814, Merlin organisa un corps de partisans, à l’effet de s’opposer à celui que commandait le colonel russe Guesmard, destiné à éclairer la marche des alliés ; il n’y eut point d’engagement entre les deux troupes, dont les chefs se bornèrent à s’observer mutuellement. Enfin en 1815 on l’engagea à prendre de nouveau le commandement d’un corps franc ; mais il s’y refusa.

Il était absent de Paris à l’époque du jugement de Louis XVI ; cependant il avait manifesté son opinion pendant le procès. Les opinions n’ont point été considérées comme des votes ; et comme Merlin n’avait point pris parti pour Napoléon en 1815, il n’a pas subi l’exil en 1816.

Il est mort le 14 septembre 1833, et a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Son monument, qui est d’une grande simplicité, se compose d’un sarcophage en pierre, sans élévation, à la face principale duquel est gravée cette seule inscription :

MERLIN
DE
THIONVILLE.

MONGE.




Monge (Gaspard), né à Beaune (Côte-d’Or) en 1746.

A la révolution, il était à Paris, professeur de mathématiques, de physique, et examinateur des élèves de la marine. Ses talens et l’amitié de Condorcet relevèrent au ministère de la marine après le 10 août 1792. Il eut aussi celui de la guerre par intérim jusqu’à l’arrivée du général Servan.

Il quitta le ministère de la marine en 1793, et passa dans la retraite, en reprenant ses études favorites, le temps le plus orageux de la révolution.

En 1795, il fut nommé membre de l’Institut (première classe), et professeur de géométrie à l’École Normale.

En 1796, le Directoire l’envoya en Italie présider au choix des objets d’arts que Bonaparte devait envoyer en France. Cette intimité honorable, qui naît de grands talens, s’établit bientôt entre eux, et le général lui accorda la plus haute estime : il fut chargé de missions aussi délicates qu’importantes, et ce fut lui qui, avec Berthier, apporta au Directoire le traité de paix de Campo-Formio. Monge fît, avec plusieurs autres savans, partie de l’expédition d’Égypte, et Bonaparte le ramena avec lui en France.

Ce fut après le 18 brumaire que la carrière des honneurs s’ouvrit devant lui. Il fut nommé successivement sénateur, avec la sénatorerie de Liège ; président annuel du Sénat après François de Neufchâteau ; chevalier, puis grand-officier de la Légion d’Honneur ; membre de l’ordre de la Couronne de Fer ; grand’-croix de celui de la Réunion ; enfin comte de Peluse.

Le 26 décembre 1813, l’Empereur l’envoya, comme commissaire extraordinaire, dans la 25e division militaire, à Liège, où des mesures de salut public étaient devenues nécessaires. C’est là que se borna sa carrière politique.

Monge est un des hommes de talent dont la France doit le plus s’honorer : il est en quelque sorte le créateur d’une nouvelle science, la Géométrie descriptive ; mais son plus beau titre de gloire est d’avoir contribué puissamment à la création de l’École Polytechnique, pépinière féconde de talens en tous genres : aussi est-ce à la reconnaissance des élèves de cette école qu’est dû le tombeau dont nous donnons la description.

Monge s’était aussi appliqué à la chimie ; son nom se trouve souvent accolé à celui de Bertholet ; ils ont donné ensemble au public le résultat de leurs travaux scientifiques. Il a enrichi plusieurs journaux destinés aux sciences d’articles du plus haut intérêt, et a fourni beaucoup de Mémoires dans la collection de l’Institut. Il est mort à l’âge de soixante-douze ans.

Le monument de ce savant mathématicien est d’un style sévère, et construit dans le goût égyptien. Il se compose, dans sa partie inférieure, d’un bâtiment carré, en pierre meulière, flanqué de quatre pilastres de forme pyramidale, à la face principale duquel est la porte du caveau. Sur la plate-forme de cette construction, qui est entourée d’une grille en fer, s’élèvent quatre autres pilastres qui soutiennent un entablement, sous lequel est placé le buste en marbre de cet homme célèbre. Sur la partie supérieure du monument, on lit cette inscription :

A GASPARD MONGE.

Et sur chaque face latérale :

les élèves de l’école polytechnique
A G. MONGE,
comte de peluse.

Derrière,

AN M. D. CCC. XX.

Dans l’intérieur de la chambre sépulcrale, sur le pavé, vis-à-vis la porte d’entrée :

ci gît GASPARD MONGE,
comte de peluse,
né a beaune,
département de la cote-d’or,
le 10 mai 1746,
membre de l’institut,
ancien membre de l’académie des sciences,
grand-officier de la légion-d’honneur,
ancien sénateur, et professeur
de l’école polytechnique,
mort a paris le 28 juillet 1818.

Ce monument, d’un effet très remarquable, a été construit par M. Clochat,

architecte.

DE MONTMORENCY-LAVAL.




Montmorency-Laval (Louis-Adélaïde-Anne-Joseph, comte de), lieutenant-général des armées du roi, commandeur de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, né en 1753, était issu de la seconde branche de l’illustre famille du premier baron chrétien. Digne héritier des vertus de ses aïeux, il soutint la gloire de son nom par son courage, sa fidélité et son dévouement pour sa patrie et pour son roi, et s’était déjà illustré dans la carrière des armes avant la révolution.

À cette époque il fut assez heureux pour dérober sa tête aux proscriptions de la terreur ; il prit les armes pour défendre les intérêts de la France, et ne quitta le service que lorsque les orages politiques furent apaisés.

Depuis ce temps il a vécu dans une retraite profonde : ami des arts, les artistes trouvaient en lui un protecteur, l’indigent un appui, et l’orphelin un père. Modeste et sans ambition, il n’a accepté ni fonctions ni dignités des gouvernemens qui se sont succédé. Nous ne pouvons mieux faire connaître les rares qualités de cet homme illustre qu’en retraçant les inscriptions qui sont gravées sur son mausolée, qui est construit en marbre blanc.

Sur la face principale, au-dessous de ses armes, on lit :

ICI REPOSE
louis-adelaïde-anne-joseph,
comte de MONTMORENCY-LAVAL,
lieutenant-général des armées du roi,
commandeur de l’ordre royal et militaire de st. louis.
Décédé le 1e mars 1828, âgé de 75 ans.
fidèle a dieu, a l’honneur et au roi,
il a rappelé par son courage et son dévouement la devise de bayard :
SANS PEUR ET SANS REPROCHE.

Sur le côté opposé, au-dessous d’une couronne de laurier :

ami des arts,
il les cultiva avec les succès et la modestie qui
l’accompagnaient toujours.
les rares et aimables qualités de son cœur et de son esprit
firent le bonheur de ses amis et le chame de tous ceux qui l’approchaient.
de grandes vertus, une belle ame,
les sentimens les plus élevés et une amitié sincère
seront pour ceux qui l’ont connu et surent l’apprécier
des motifs de regrets éternels.
o vous qui passez, arrêtez-vous sur ce tombeau, et priez pour lui.

Sur le côté latéral droit :

la vérité reposait dans son cœur,
aucun sacrifice ne coûtait
a ce cœur généreux et bon
lorsqu’il était commandé
par l’honneur ou l’amitié.
une grande fermeté de caractère
lui faisait exécuter
ce qu’un jugement sûr
et les plus nobles sentimens
lui suggéraient.

Sur le côté latéral gauche :

sa grande ame
n’a pu être ébranlée par le malheur
et abbatue
par les plus cruelles souffrances ;
il les a supportées long-temps
sans que son humeur,
toujours douce et égale,
en ait éprouvé
la plus légère altération
et avec un courage
et une soumission
a la volonté de dieu
qui ont commandé l’admiration.
monument
érigé par l’amitié.
Le comte de Montmorency-Laval a été inhumé au cimetière du Mont-Parnasse,

MME DE MONTMORENCY-LUXEMBOURG.




Montmorency-Luxembourg (Anne-Françoise-Charlotte, duchesse douairière de), veuve d’Anne-Léon duc de Montmorency décédé à Munster.

Madame de Montmorency était née le 17 novembre 1752. Douée dès son jeune âge des plus éminentes qualités et des vertueux sentimens qui caractérisent la noblesse de lame, elle fut pour ses illustres parens un objet de satisfaction et d’orgueil. A son entrée dans le monde, elle y parut avec tout l’éclat de son rang et tous les avantages qu’y avaient ajoutés la haute éducation qu’elle avait reçue ; son extrême décence, son noble maintien, et le charme d’une conversation spirituelle, ont souvent commandé l’admiration des cercles brilla ns dont elle était le plus bel ornement ; devenue épouse, elle se voua tout entière à remplir le tendre engagement qu’elle avait contracté ; jamais union ne fut plus douce ni plus fortunée, et elle fit son bonheur de consacrer le reste de sa vie à l’accomplissement du plus saint des devoirs.

Après nombre d’années d’une union inaltérable, la mort enleva à madame la duchesse de Montmorency un époux qu’elle avait tendrement aimé. Peut-être y eût-elle succombé si elle n’eût puisé sa résignation dans une piété sincère et fervente, première base de son éducation. Elle chercha un adoucissement à ses douleurs dans les jouissances durables et pures que donne l’exercice de la bienfaisance.

Jamais le malheur ne l’invoquait en vain, elle avait pour lui de douces paroles et des secours efficaces : combien de familles, qui semblaient vouées à l’infortune, lui durent une existence plus heureuse ; combien d’êtres accablés de misère, revirent, grâce à sa générosité, des jours meilleurs, et reçurent de son inépuisable charité des secours dont ils n’ont jamais connu la source. Partout enfin où madame la duchesse de Montmorency a porté ses pas, on l’a nommée la mère des pauvres ; et ce titre, elle le préférait à ceux que lui donnaient sa naissance et son rang.

Aussi, lorsque sa mort a été connue, un concours immense de malheureux s’est-il mêlé à la cérémonie funèbre qui a eu lieu à l’église de Saint-Thomas-d’Aquin ; ils ont accompagné son corps jusqu’au cimetière de Montmartre, où il fut déposé, et les regrets de cette foule qu’entrecoupaient les pleurs et les sanglots fut l’oraison funèbre la plus digne de sa mémoire.

Madame la duchesse de Montmorency est décédée le 24 mars 1829, et a été inhumée au cimetière de Montmartre.

Son monument, construit solidement en pierre, se compose d’un caveau qui sert de stylobate et un obélisque d’environ 40 pieds d’élévation surmonté d’une croix en fer fondu. Au-dessus de la porte d’entrée du caveau on lit cette inscription :

anne-françoise-charlotte
DE MONTMORENCY-LUXEMBOURG,
veuve d’anne-léon
DUC DE MONTMORENCY,
né le 17 9bre 1752, décédée le 24 mars 1829.

Ce monument a été construit par M. Alary sous la direction de M. Frœlicher,

architecte.

NEY.




Ney (Michel) y prince de la Moscowa, duc d’Elchingen, pair et maréchal de France, Grand-Aigle de la Légion-d’Honneur, gouverneur de la 6e division militaire, etc., naquit à Sarre-Louis (Moselle), le 10 janvier 1769 ; jeune encore, il prit le parti des armes : jamais carrière militaire ne fut plus brillante que celle du maréchal Ney ; elle doit tout son éclat à son intrépide bravoure, à cette justesse de réflexion, à cette active prudence qui devine et surmonte tous les obstacles dans les occasions les plus importantes et les plus périlleuses ; toujours le premier dans les attaques et le dernier dans les retraites, il se signala autant par sa valeur dans les combats que par sa générosité envers les vaincus. Après avoir eu une glorieuse part aux victoires d’Altenkirchen, de Mont-Thabor, de Psartzheim, de Giessen, où commandait Kléber, on le vit constamment ouvrant la marche de nos armées victorieuses, ou protégeant leur retraite, se distinguer de nouveau sous les ordres de Masséna. En 1800, il partagea avec Moreau les glorieux succès des batailles de Moeskirch et de Hohenlinden ; mérita en Souabe le titre de duc d’Elchingen, et bientôt la prise d’Inspruk, la capitulation surprenante de Magdebourg, ses savantes manœuvres pour arrêter à Lutzen toutes les armées de Frédéric et d’Alexandre, les batailles d’Iéna, de Thorn, Friedland, Tilsitt, le placèrent au rang des plus illustres généraux français. Après avoir signalé sa vaillance dans trois cent cinquante combats, et rempli du bruit de son intrépidité les champs de la Franconie, de la Bavière, de l’Autriche, de la Saxe, les rochers du Tyrol et de l’Helvétie, les plaines de la Prusse, de la Pologne, de la Moscovie, transporté tout à coup des bords du Niémen aux bords de l’Èbre et du Tage, il y soutint long-temps une guerre difficile, et y fit une retraite aussi habile qu’admirable devant la nombreuse armée de Wellington.

Sa conduite dans la dernière guerre de Russie n’est pas moins digne d’éloges ; il sauve plusieurs fois l’armée française, qui le surnomme le Brave des braves, et y reçoit le titre de prince de la Moscowa. C’est là qu’il intercepte habilement la marche de l’ennemi, afin de donner à l’Empereur le temps de rallier de nouvelles phalanges pour réparer le plus terrible des désastres.

Entouré par quarante mille Russes, tandis qu’il ne peut leur opposer que quatre mille Français, il est sommé de se rendre : « On ne fait pas si facilement prisonnier un maréchal de France, » répond-il ; puis il force les masses pressées des bataillons ennemis, franchit le Borysthène et rejoint les Français. Il n’eut pas plus tôt triomphé de cet obstacle, que la Bérésina se présente ; les légions russes formaient une triple barrière sur ses bords : « C’est ici qu’il faut mourir (dit le maréchal à ses soldats) ; mais souvenons-nous que nous ne devons y laisser que la vie. » Il part ; la triple barrière est forcée, le passage est ouvert, et les débris de l’armée sont sauvés.

C’est à cette dernière campagne que se termine sa carrière militaire.

Les bornes de cette notice ne nous permettent pas de rendre compte de la fin du maréchal Ney : c’est à l’histoire à remplir cette tâche, et à la postérité à le juger ; nous dirons seulement que, dans ses derniers momens, il montra autant de courage et d’héroïsme que dans les plus mémorables actions de sa vie. Il est décédé le 7 septembre 1815.

Non loin des pyramides et des sarcophages en marbre de ses anciens compagnons d’armes, dont il partagea souvent les lauriers, dans un espace entouré d’une grille, au milieu duquel croissent huit cyprès, sont déposés sous un humble gazon, sans aucun signe extérieur, les restes du maréchal Ney. C’est là que le philosophe à qui le hasard a révélé le secret de sa tombe, observe et médite en silence sur

les étranges et funestes dissensions civiles.

ADOLPHE NOURRIT.




Nourrit (Adolphe), artiste de l’Académie royale de Musique, professeur au Conservatoire, naquit à Montpellier en 1802. Son père, qui exerçait alors le commerce dans cette ville, s’ennuya d’une profession à laquelle il ne se sentait point appelé : un musicien d’un talent distingué avec lequel il était intimement lié, l’ayant entendu chanter dans une réunion musicale, fut si émerveillé de la pureté et de la suavité de sa voix, qu’il lui conseilla sincèrement d’utiliser ce don inappréciable, comme pouvant lui offrir dans la capitale les chances d’un brillant avenir. Nourrit père, qui était encore fort jeune, suivit aveuglément les conseils de son ami : il réalisa les fonds de son commerce et vint habiter Paris avec sa famille. A son arrivée, son premier soin fut de s’occuper activement de l’éducation de son fils ; il plaça Adolphe comme pensionnaire au collège de Sainte-Barbe, où il ne tarda pas à se faire remarquer par de rapides progrès.

Nourrit se présenta ensuite au Conservatoire (qui venait d’être récemment institué) ; il reçut des divers professeurs auxquels il était recommandé l’accueil le plus favorable ; mais lorsqu’après quelques heureux essais ils eurent apprécié tout le charme de sa voix, ils lui avouèrent franchement que, après de sérieuses études, il pouvait prétendre à l’un des premiers emplois du grand Opéra. Enfin, après quelques mois de leçons assidues comme acteur et comme chanteur, il fut admis a débuter sur notre grande scène lyrique.

Ses débuts furent très-brillants, contre l’usage reçu alors à l’Opéra, où les débutants paraissaient et disparaissaient sans conséquence ; mais Nourrit, qui possédait, ce qui était fort rare à cette époque, une voix de ténor bien prononcée, obtint le plus grand succès, notamment dans le rôle d’Orphée.

Quelques années après, le jeune Adolphe Nourrit, ayant terminé ses études, devint l’élève de son père et se disposa à lui succéder dans la carrière théâtrale. Son admiration pour les grands artistes et principalement pour Talma, l’engagea dans des études approfondies de l’art du comédien ; homme de goût, d’esprit et d’érudition, il sentait que pour être le digne successeur de son père et ne pas déchoir du premier rang, il fallait sans cesse interroger l’art et lui dérober de nouveaux secrets. Ce fut avec de pareilles dispositions qu’il débuta sur le théâtre où son père avait eu de nombreux succès, par les mêmes rôles et (exactement) le même timbre de voix. Tous les rôles qu’il établit furent pour lui autant d’occasions de triomphes : Masaniello, Robertle-Diable, Don Juan, Raoul, Stradella, le Comte Ory ; tous les personnages enfin que Nourrit a représentés soit dans l’ancien répertoire, soit dans le nouveau, sont demeurés comme des types d’exacte observation et de vérité toujours appropriée aux caractères.

Ce qui distinguait encore le talent de Nourrit, c’était une science profonde des combinaisons dramatiques. L’air du 4me acte de la Juive « Rachel, quand du Seigneur » n’existait pas dans la partition : ce fut Nourrit qui remédia de lui-même à ce défaut, et si tous les vers ne sont pas de lui, au moins la stretta « Fille chère » est sa propriété. Il en est de même du 4me acte des Huguenots : le duo final, ce morceau capital d’un acte dont chaque partie est un chef-d’œuvre appartient encore à Nourrit. Il avait au plus haut degré le sentiment de la scène et jugeait d’avance quand le terrain était bon ou quand il tremblait sous lui. Il corrigeait avec un soin particulier les imperfections du drame, et il était le collaborateur le plus actif de l’auteur qui lui confiait un rôle. On pourrait rappeler à ceux qui douteraient de sa grande facilité à composer un ouvrage dramatique, que Nourrit a écrit les ballets de la Sylphide et du Diable boiteux.

Qui pourrait croire qu’Adolphe Nourrit, le premier sujet, le principal appui du premier théâtre de l’Europe, un de ces artistes exceptionnels comme on n’en rencontre plus aujourd’hui, a été victime d’une basse jalousie qui l’a forcé de s’expatrier pour éviter les dégoûts dont on l’abreuvait ? Personne ne le croira, et néanmoins il faut bien y ajouter foi, puisque l’évidence nous a convaincus d’une si affreuse vérité. C’était trop peu de l’exil d’un homme qui n’a jamais causé la moindre peine à qui que ce fut : les cabales, la haine, l’injustice, l’ont suivi sur la terre étrangère. Il jouait dans Norma, au théâtre de Naples : deux coups de sifflet se firent entendre… Nourrit en fut accablé, son imagination s’exalta. Rentré chez lui, il écrivit à sa femme une lettre déchirante, puis il se précipita d’un quatrième étage !!! Malheur à qui a pu réduire un artiste aussi remarquable, un père de famille aussi vertueux, à de si terribles extrémités ! C’est le 8 mars 1839, à six heures du matin que Nourrit, qui n’avait pas trente-sept ans, a perdu la vie. Ses restes ont été transportés de Naples au cimetière de Montmartre et inhumés entre ceux de son père et de son épouse, qui n’a pu lui survivre.

Le monument d’Adolphe Nourrit (l’un des plus remarquables du cimetière de Montmartre ) se compose d’un soubassement et d’un piédestal surmonté d’un cénotaphe en marbre blanc, à la façade duquel est sculpté dans un médaillon le portrait du défunt. Au-dessous du médaillon on lit :

A Aphe NOURRIT.
SES AMIS.

Sur le piédestal sont gravées les inscriptions suivantes :

ICI RÉPOSENT
ADOLPHE NOURRIT,
ADÈLE DUVERGER,
né a montpellier,
son épouse, née a metz,
le 3 mars 1802,
le 26 janvier 1803,
décédé a naples,
decedee a paris,
le 8 mars 1839.
le 8 aout 1839.
ALEXIS-ADOLPHE NOURRIT,
leur fils,
né a paris, le 6 juillet 1839.
SPES EORUM IMMORTALITATE PLENA EST.

A la base du monument est une corbeille en pierre ayant la forme d’un sarcophage antique, dans laquelle sont plantées des fleurs.

Ce monument a été construit par M. Camus, marbrier, sur les dessins et sous la

direction de M. Vaudoyer, architecte.

PICARD.




Picard (Louis-Benoit), homme de lettres, membre de l’Académie française et de la Légion-d’Honneur, naquit à Paris le 19 juillet 1769.

Son père exerçait honorablement les fonctions d’avocat au barreau de Paris : l’éducation de Picard fut surveillée avec soin, et il fit d’excellentes études ; mais il ne se sentit aucun goût pour la carrière du barreau. Il fut entraîné vers le théâtre par un penchant irrésistible, et les nombreux succès qu’il y a obtenus ont justifié son choix, et l’ont placé au premier rang parmi nos écrivains dramatiques.

Picard se lia dès sa jeunesse avec Andrieux et Colin d’Harleville : aucune rivalité de talent ou de succès ne vint jamais interrompre le cours d’une aussi étroite amitié ; il recherchait avec empressement les conseils de ces aimables écrivains, se hasardait parfois à son tour de leur en donner ; mais il convenait lui-même que ceux qu’il en recevait n’étaient pas les moins utiles.

La première pièce que Picard composa était intitulée le Badinage dangereux. Ce fut Andrieux qui se chargea de la présenter au théâtre de Monsieur, nouvellement bâti à cette époque : elle y fut très favorablement accueillie.

La même troupe française, transportée peu de temps après au théâtre Feydeau, y représenta sa seconde comédie, qui avait pour titre Encore des Ménechmes. Il donna ensuite à l’Opéra-Comique la jolie pièce des Visitandines, qui fut vivement applaudie, et qui est restée au théâtre. Non content de faire représenter ses ouvrages, Picard, dont le goût pour l’art dramatique était devenu une véritable passion, voulut, en suivant les traces de Molière, avoir quelque chose de commun avec ce grand homme, en remplissant lui-même les principaux rôles dans ses pièces.

Après avoir joué avec succès la comédie en société, et notamment au théâtre de Mareux, rue Saint-Antoine, il prit la résolution de se donner tout entier à la scène, et débuta au théâtre de Louvois, dont il prit la direction. Il y reçut, dans plusieurs de ses ouvrages, et principalement dans le Collatéral, un accueil flatteur ; et l’acteur n’eut pas moins à se louer de la bienveillance du public que l’auteur.

Un théâtre plus vaste, celui de l’Odéon, fut mis, en 1801, à la disposition de Picard : il s’acquitta avec zèle et activité de ses triples fonctions de directeur, d’auteur et d’acteur, et ce fut pendant qu’il dirigea primitivement ce théâtre qu’il remporta ses plus beaux succès.

Il se lassa néanmoins, après quelques années d’exercice, de la profession de comédien, et dans l’espoir de composer un plus grand nombre de pièces, il renonça au plaisir d’en jouer.

L’Institut admit Picard au nombre de ses membres en 1807 ; il y prononça son discours de réception le même jour que MM. Laujon et Raynouard. L’Empereur le décora de la croix de la Légion-d’Honneur, et lui confia l’administration dû grand Opéra, qu’il quitta en 1816, pour reprendre la direction de l’Odéon.

Deux incendies ayant consumé l’intérieur de ce bel édifice, l’administration de ce théâtre fut interrompue. Dans l’intervalle de la reconstruction, Picard transporta son spectacle à la salle Favart, oh il obtint la permission de faire jouer en même temps la tragédie et tout le répertoire du Théâtre Français.

Ce fécond écrivain a composé environ soixante-dix pièces de théâtre. Une gaîté franche et naturelle, une entente parfaite de la scène, et un dialogue vif et animé étaient le caractère distinctif de son talent ; quoiqu’il se soit principalement attaché à peindre des mœurs bourgeoises, il s’est cependant élevé, dans quelques ouvrages, aux plus hautes conceptions dramatiques et morales. Des caractères hardiment tracés et des tableaux dont le coloris a de la vigueur, se retrouvent dans Médiocre et Rampant, dans Duhautcours, ou le Contrat d’union, l’Entrée dans le monde, etc. Parmi les autres compositions dramatiques de Picard, nous ne citerons ici que les plus remarquables, le Conteur, le Cousin de tout le monde, les Conjectures ; les Amis de collège, la Petite Ville, la Grande Fille, Monsieur Musard, les Oisifs, les Filles à marier, les Marionnettes, la Manie de briller, les Ricochets, les deux Philibert, etc. Il a en outre publié quatre romans, dont le principal est le Gilblas de la révolution. Ces ouvrages abondent en portraits dessinés avec habileté, en scènes piquantes, et sont écrits à la fois d’un style spirituel et naturel.

Il est décédé le 30 décembre 1828, et a été inhumé au cimetière du Père Lachaise. Son monument se compose d’une pierre tumulaire, sur laquelle sont sculptées en relief deux branches de chêne formant un médaillon, au milieu duquel on lit :

PICARD,
louis-benoit,
DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE.
né a paris
le 19 juillet 1769,
mort
le 30 décembre 1828.

PINEL.




Pinel (Philippe), né le 20 avril 1745, élève de l’École de Médecine de Montpellier, docteur à celle de Toulouse, professeur de pathologie interne à l’École de Médecine de Paris, médecin en chef de l’hospice de la Salpétrière, membre de l’Institut et chevalier de la Légion d’Honneur.

Il s’était d’abord livré à l’étude des mathématiques, et les avait même enseignées avec distinction. On ignore les motifs qui lui firent abandonner une science dans laquelle il pouvait prétendre à de brillans succès, pour s’adonner à la médecine.

Il commença ses études à la Faculté de Montpellier, prit le doctorat à l’Université de Toulouse : il publia peu après des Mémoires qui lui concilièrent les suffrages des savans, et lui firent une réputation qui le devança dans la capitale.

Ces Mémoires avaient pour objet : l’histoire naturelle, l’anatomie, les mœurs des animaux, et la manière de les conserver après leur mort dans l’état qui imiterait le plus la nature vivante.

L’érudition profonde, les connaissances zoologiques développées par le docteur Pinel dans ces Mémoires, lui ouvrirent les portes de l’Institut.

Il était réservé à ce médecin déjà célèbre de donner une direction nouvelle a la science médicale, de guider les jeunes praticiens dans le choix des exemples qu’ils ont à suivre, de leur signaler les écueils qu’ils doivent éviter.

La Nosologie philosophique du docteur Pinel remplit ce double but, et fit époque dans les annales de la médecine. L’utilité généralement appréciée d’un ouvrage qui manquait à la science ; un plan largement conçu, méthodiquement développé ; des descriptions claires et précises ; un style toujours à la hauteur du sujet, méritèrent à cette savante production (qui fut couronnée en l’an vi) un rapport spécial dans l’examen fait par l’Institut des ouvrages qui devaient concourir pour les prix décennaux ; et les plus honorables suffrages lorsque le concours fut ouvert.

Le plus important service que le docteur Pinel ait rendu à l’humanité, c’est de s’être affranchi de ce préjugé funeste, que la folie est incurable, qu’il fallait abandonner l’être atteint de cette cruelle maladie, et en laisser la cure au hasard ou aux ressources de la nature.

Médecin en chef de l’hospice de la Salpétrière, il avait sous les yeux le hideux tableau de cette dégradation morale qui place l’homme au-dessous même de la brute : il se persuada que ce désordre des facultés intellectuelles devait céder à un traitement combiné avec les causes premières de la maladie, le caractère et les inclinations du malade, etc. ; et, guidé par le désir d’être utile à l’humanité, besoin le plus impérieux de son âme, il tenta plusieurs essais. Quelques résultats favorables soutinrent et confirmèrent ses espérances ; il acquit enfin la certitude qu’on pouvait rendre la plus grande partie de ces infortunés à la société, à leurs familles, à leurs travaux, en renonçant à l’abandon dans lequel on laissait les fous tranquilles, et aux traitemens barbares exercés contre les fous furieux.

Après avoir mûri dans le silence du cabinet les résultats de ses longues et pénibles expériences, le docteur Pinel publia le Traité médical philosophique de l’aliénation mentale.

Cet ouvrage fixa l’attention de tous les hommes de l’art : ils rendirent justice aux vues savantes et philanthropiques de son auteur. Quelques établissemens publics, quelques maisons de santé particulières adoptèrent ces vues ; et cette classe de malades, objets jusqu’alors de la dédaigneuse pitié, ou de la brutalité de leurs gardiens, reçut des soins mieux entendus, éprouva des traitemens plus doux.

Outre les deux ouvrages que nous avons cités, le docteur Pinel a publié : Institutions de Médecine pratique ; la Médecine clinique rendue plus précise et plus courte par l’application de l’analyse, ou Recueil des observations faites à la Salpétrière sur les maladies aiguës. Il rédigea pendant plusieurs années la Gazette de Santé, et fut un des collaborateurs du Dictionnaire des Sciences médicales.

Il a fait également insérer dans plusieurs recueils et journaux scientifiques des morceaux du plus grand intérêt.

Il est mort dans la quatre-vingt-unième année de son âge, le 25 octobre 1826.

Le monument de ce célèbre médecin se compose d’un cippe en granit noir, de forme carrée, élevé sur un socle et surmonté du buste en bronze du docteur. Au-dessous est gravée l’inscription suivante :

PH. PINEL.
nosographie
philosophique.
aliénation
mentale.
25 Oct. 1826.

POISSON, PAIR DE FRANCE.




Poisson (Siméon-Denis) y pair de France, commandant de la Légion-d’Honneur, membre de l’Institut, du Conseil royal de l’instruction publique et du Bureau des longitudes, l’un des plus savants mathématiciens de nos temps, naquit à Pithiviers (Loiret), en 1781. Il fut nommé professeur de mécanique à l’École normale dès le moment de sa formation en 1811, et quelques mois après officier de la Légion-d’Honneur, dont il était déjà membre. En 1818 il fit partie du jury chargé par l’Université de procéder à l’examen des candidats, aux places de professeurs de dessin à l’École royale d’artillerie de Metz, et de répétiteurs de mathématiques aux Écoles d’artillerie de Douai et de Valence.

Le zèle avec lequel il a rempli ces différentes missions et celles dont il a été chargé personnellement, en ajoutant quelques degrés de plus à sa haute réputation, lui a obtenu, le 3 octobre 1837, sa nomination à la pairie et au grade de commandant de la Légion-d’Honneur.

M. Poisson a publié en 1811 un Traité de mécanique en 2 volumes ; on lui doit aussi plusieurs savants Mémoires qui se trouvent dans le Recueil de l’Institut et dans le Journal de l’École Polytechnique.

Il est décédé à Sceaux le 25 avril 1840, et a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Le monument de ce savant mathématicien est entièrement dans le goût du moyen âge ; l’architecture ogivale y règne avantageusement dans toutes les parties. Au-dessus de la porte est une rosace d’une belle exécution, et de chaque côté un ange supportant l’écusson du noble pair, d’un aussi beau travail. Entre la porte et un groupe de colonnettes est, aussi de chaque côté, un panneau de marbre blanc ; sur celui de gauche on lit cette inscription :

Siméon-Denis POISSON,
Pair de France,
Membre de l’Institut,
Né à Pithiviers, en 1781,
Mort à Sceaux, le 25 avril 1840.
Ce monument a été construit sous la direction de M. Pector, amateur d’architecture.

RAVRIO.




Ravrio (Antoine-André), bronzier-doreur, célèbre en France et en Europe, naquit à Paris en 1759. Son père, habile fondeur, avait su conquérir l’estime générale par sa droiture et ses talens ; sa mère appartenait à une famille avantageusement connue dans les arts industriels et libéraux.

Ravrio, après avoir dessiné et modelé à l’Académie, étudia sous les plus habiles maîtres, et c’est alors que se développèrent les heureuses dispositions qu’il avait reçues de la nature.

La perfection où il porta l’art de travailler le bronze, le goût exquis, la pureté de style, l’élégance des formes, ses compositions ingénieuses, et surtout son imitation sévère de l’antique, firent bientôt à Ravrio une réputation européenne.

Mais si la France et l’étranger recherchaient avidement ce qui sortait de ses ateliers, ses amis savaient apprécier les qualités de son esprit et de son cœur ; et ce fut autant à ces qualités qu’à ses talens, qu’il dut le développement et l’étendue de ses relations commerciales.

Son extrême obligeance, sa franche gaîté, ses spirituelles saillies, et, par-dessus tout, son empressement à soulager le malheur, le firent admettre dans plusieurs sociétés littéraires et de bienfaisance : aussi s’était-il concilié l’estime générale, et s’honorait-on d’être son ami.

Si Ravrio eût cultivé les dispositions qu’il avait pour la littérature et la poésie, il aurait pris rang parmi nos auteurs les plus agréables : on a de lui quelques vaudevilles qui ont réussi, et il a fait imprimer pour ses amis deux volumes de poésies légères pleines de facilité, de sentiment et d’esprit. Mais, passionné pour son art, les belles-lettres n’ont été pour lui, et fort tard, qu’un délassement.

Ce qui honore le plus sa mémoire, c’est qu’il fut le père de ses ouvriers : et l’on pouvait dire avec vérité qu’ils travaillaient autant par affection pour lui, que par intérêt pour eux-mêmes ; aussi leur donna-t-il au-delà du tombeau une preuve de la constante sollicitude qu’il avait eue pour eux.

Il fonda, par son testament, un prix de 3000 francs pour la découverte d’un moyen qui préviendrait les dangers de l’emploi du mercure dans la profession de doreur sur métaux.

Le vœu de Ravrio ne tarda pas à être exaucé : un savant qui a consacré en grande partie au soulagement de l’humanité ses talens transcendans en chimie, M. Darcet, a remporté ce prix. Le résultat de ses travaux a été, non seulement de garantir le bronzier-doreur des funestes effets du mercure, mais encore d’autres ouvriers, pour lesquels l’emploi de ce métal était également dangereux.

Le tombeau qui renferme la dépouille mortelle de cet homme de bien, se compose d’une borne antique en granit noir, enrichie d’ornemens en bronze, au milieu de laquelle est pratiquée une niche, contenant le buste de Ravrio.

Aux deux côtés sont deux pilastres en même granit, auxquels sont suspendus les attributs du commerce et ceux de la poésie lyrique, également exécutés en bronze. Au-dessous du buste on lit :

Ane Aé RAVRIO,
mort le 4 xbre 1814 dans sa 55e année,
célèbre dans l’art de bronzier-doreur,
et connu par ses poésies fugitives.

En mourant il fonda un prix de 3000 fcs pour être décerné au premier qui trouvera un remède aux maux que l’emploi du mercure fait éprouver aux ouvriers doreurs.

il descend dans la tombe en conjurant l’effet
d’un métal meurtrier, poison lent et funeste ;
son corps n’est déja plus ; mais la vertu lui reste,
et son dernier soupir est encore un bienfait.

Du côté opposé, sur une plaque en bronze :

un fils d’anacréon a fini sa carrière ;
il est dans ce tombeau pour jamais endormi :
les enfans des beaux-arts sont prives de leur frère ;
les malheureux ont perdu leur ami.

Ravrio avait demandé qu’une simple pierre couvrît sa tombe ; mais M. Lenoir-Ravrio, son fils adoptif et son digne successeur, guidé par la plus vive reconnaissance envers son bienfaiteur et son ami, a cru devoir lui consacrer un monument plus

durable, qui, en rappelant ses traits, conservât d’honorables souvenirs.

ROBERTSON.




Robertson (Étienne-Gaspard) y naquit à Liège en 1763. Son père, riche négociant, le destinait à l’état ecclésiastique ; mais la vivacité de son caractère, un goût irrésistible pour l’étude des sciences qui offrent le plus de difficultés, rendirent impraticables les projets de son père et de sa famille, et il se consacra à l’étude de la peinture qu’il cultiva avec assez de succès pour obtenir un prix.

La physique commençait à cette époque à sortir de l’oubli où elle avait été plongée, et l’abbé Nollet, par ses ouvrages, venait de démontrer que si l’étude de cette science pouvait servir à découvrir des vérités du plus haut intérêt pour les savants, elle offrait aussi aux gens du monde des délassements agréables et peu dispendieux. Robertson s’appliqua à l’étude de cette science sous ces deux rapports, et elle devint la source de sa fortune comme science d’agrément, et de sa réputation comme savant distingué. On peut regarder Robertson comme l’inventeur du galvanisme en France, puisque lorsque Volta y vint pour y démontrer la véritable théorie du galvanisme, elle y était déjà connue par plusieurs expériences de Robertson, et par plusieurs appareils nouveaux dont il était l’auteur. Ce fut lui qui, dans une séance à l’Institut, et devant Bonaparte, alors premier Consul, leva tous les doutes de l’identité du galvanisme avec l’électricité en enflammant le gaz hydrogène avec l’étincelle galvanique. On croit aussi qu’il est l’inventeur de la fantasmagorie, parce que c’est à Liège, et devant les magistrats de cette ville, qu’il fit la première expérience de ces illusions d’optique qui eurent un si prodigieux succès à Paris, à Londres, à Pétersbourg où il a résidé plusieurs années.

La mécanique ne lui a point été étrangère ; il avait fait un automate sonnant de la trompette, une gondole mécanique, un instrument qu’il nommait phonorganon et qui, placé dans une caisse sur laquelle une figure était couchée, imitait la voix de l’homme dans des mots et des phrases très-distinctement prononcés. Mais ce qui l’a fait le plus connaître, ce sont les voyages aérostatiques qu’il a faits dans une grande partie des cours de l’Europe, et même celui qu’il fit à Pékin devant l’empereur de la Chine, dans le seul but de lui faire connaître à quel point étaient poussés dans nos contrées les arts et les sciences. Les voyages aérostatiques entrepris par Robertson sont au nombre de cinquante-neuf: les plus remarquables sont celui qu’il exécuta à Hambourg, avec M. Loest, son élève, le 18 juillet 1803, et où il s’éleva à 3600 toises, le point le plus élevé de l’atmosphère où l’on soit parvenu avant et depuis lui ; celui qu’il fit à Vilna le 18 mars 1809, le froid étant à 18 degrés au-dessous de zéro ; et enfin, celui du jardin de Monceaux, barrière de ce nom, avec un parachute qui avait 40 pieds de diamètre, qu’il réduisit à moitié dans ses autres voyages, On doit le regarder comme l’auteur des parachutes, puisqu’il s’en était servi plusieurs années avant que Garnerin, à qui on en attribue l’invention, les eût employés.

Ce physicien qui possédait sept langues étrangères, après avoir habité longtemps la Russie, l’Allemagne, et visité les côtes d’Afrique et la Chine, était venu se fixer à Paris, et est décédé aux Batignolles-Monceaux, le 2 juillet 1837. Il a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Le monument de Robertson, bien qu’il soit exécuté en pierre, est un des plus remarquables du cimetière par le luxe de sa construction, sa forme élégante, et ses ornements fantastiques si ingénieusement adaptés au sujet.

Il se compose d’un caveau apparent solidement bâti, sur lequel est élevé un piédestal orné d’un riche entablement, surmonté d’un sarcophage antique couvert en partie d’un drap mortuaire élégamment posé, et que le ciseau de l’artiste a merveilleusement brodé.

Sur les quatre faces et au-dessus de la corniche, sont sculptées des guirlandes de cyprès et des têtes de mort ailées, d’un travail achevé. A la base du monument est placé à chaque angle un hibou aux ailes déployées, symbole de la nuit du tombeau.

Sur la façade principale on lit les inscriptions suivantes :

ROBERTSON
ÉTIENNE, GASPARD,
né a liège en 1763
mort aux batignolles
le 2 juillet 1887.
PHYSIQUE.
FANTASMAGORIE.
AÉROSTATS.

Sur chaque façade latérale est un bas-relief :

Celui de droite représente l’ascension d’un aérostat ; et celui de gauche, une scène de fantasmagorie.

Ce monument a été construit par M. Guillard.

La sculpture est due au ciseau de M. Hardouin.

LE GÉNÉRAL ROGNIAT.




Rogniat (le vicomte Joseph), lieutenant-général, pair de France, premier inspecteur-général du génie, président du comité des fortifications, conseiller d’État, membre de l’Académie des sciences, de l’Académie militaire de Stockholm, grand’croix de la Légion-d’Honneur et commandeur de Saint-Louis, naquit à Saint-Priest (Isère), le 9 novembre 1776.

Il était officier de la Légion-d’Honneur en 1808, lorsqu’il fut envoyé en Espagne, en qualité de colonel. Cette guerre, si fertile en beaux faits militaires et en sièges célèbres, lui donna l’occasion de faire briller ses talents dans tout leur éclat. L’importante place de Saragosse, qui résista pendant si longtemps aux Français, fut la première où il commanda les ingénieurs chargés des travaux de l’attaque. Après la prise de cette ville, le colonel Rogniat obtint dans les bulletins officiels les éloges les mieux mérités, et la relation de ce siège, qu’il a publiée depuis, confirme l’opinion qu’une grande part du succès doit être attribuée aux efforts du génie. Il en fut récompensé par le grade de général de brigade. Il dirigea ensuite le siège de Tortose, et poussa les ouvrages avec une telle rapidité, que dès le septième jour les tranchées, le chemin couvert, étaient terminés, et le mineur attaché à l’escarpe du corps de la place. Ce nouvel exploit lui mérita le grade de général de division. Il se distingua encore au siège de Valence, et décida la reddition des forts qui couvraient cette ville.

A l’ouverture de la campagne de 1815, en Allemagne, le général Rogniat fut appelé pour diriger les fortifications de Dresde, et il fit construire les ouvrages destinés a protéger la Ville-Neuve. Il commandait à Metz le corps du génie lorsque Napoléon abdiqua la couronne, et il s’empressa de faire parvenir au gouvernement provisoire son acte d’adhésion. Nommé chevalier de Saint-Louis le 1er juin 1814, et grand-officier de la Légion-d’Honneur le 23 août suivant, il fit partie du comité de la guerre et de la commission chargée des places de guerre du royaume, et fut nommé peu de temps après premier inspecteur-général du génie, grand’croix de la Légion-d’Honneur, et successivement commandeur de Saint-Louis. Après 1830, il fut maintenu dans toutes les dignités qu’il avait obtenues sous l’empire et la restauration ; il siégea constamment a la chambre des pairs, jusqu’au moment où une douloureuse maladie a terminé sa glorieuse carrière. Il est décédé à Paris le 8 mai 1840, et a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Le monument érigé au général Rogniat offre un assemblage de richesse et de simplicité : c’est, sous ce rapport, l’un des plus remarquables du cimetière. Il se compose d’un piédestal en pierre, décoré des armes du général, surmonté d’un sarcophage de forme antique, en marbre blanc, sur lequel est sculpté en relief un trophée de guerre d’un travail admirable.

Sur la façade du piédestal on lit cette inscription :

LE LIEUTENANT-GÉNÉRAL VICOMTE ROGNIAT,
Pair de France,
Premier inspecteur-général du génie,
Président du comité des fortifications,
Conseiller d’État, membre de l’Académie des sciences,
De l’Académie militaire de Stockholm,
Grand’croix de la Légion-d’Honneur, commandeur de Saint-Louis,
Né à Saint-Priest (Isère), le 9 novembre 1776,
Décédé, à Paris, le 8 mai 1840.

Ce monument a été exécuté par M. Guillard, marbrier, sur les dessins de M. Carralero, architecte.

ROSILY-MESROS.




Rosily-Mesros (Francois-Étienne, comte de), naquit à Brest le 13 janvier 1749 ; son père, chef d’escadre, y commandait la marine du port.

La carrière du fils fut tellement remplie par de longs, honorables et éminens services, que nous sommes forcé de nous restreindre, pour ne citer que ceux qui lui ont acquis tant de droits à l’estime et à la reconnaissance publiques.

En 1771, il s’embarqua sur la Fortune pour Ceylan ; mais abandonné en pleine mer dans une chaloupe, il parvint à relâcher à la Nouvelle-Hollande.

En 1773, commandant la corvette l’Ambition, sa destination fut pour les mers Australes ; il revint en France au bout d’un an.

En 1774, il parcourut l’Angleterre, l’Écosse, l’Irlande, visita leurs principaux ports ; rapporta de cette tournée grand nombre d’objets utiles à la marine, notamment les pompes à chaînes.

En 1778, commandant le lougre le Coureur, il attaqua et prit à l’abordage le cutter l’Alerte, qui s’efforçait de se joindre à l’Aréthuse, contre la Belle-Poule, que montait M. de la Clocheterie. Sur le rapport de ce capitaine, le Roi récompensa le courageux dévouement de M. de Rosily, en le nommant chevalier de Saint-Louis et commandant de la frégate la Lively.

En 1782, il monta la Cléopâtre et passa dans l’Inde. M. de Suffren se rendit à bord de ce bâtiment, sur lequel il resta au milieu de l’escadre anglaise pendant les derniers combats qui terminèrent cette guerre, et M. de Suffren lui confia une division composée de vaisseaux et de frégates.

Après la paix de 1784, M. de Rosily fut encore envoyé en station dans l’Inde. Il rentra en France au commencement de la révolution.

En 1795, le gouvernement le nomma directeur-général du dépôt de la marine et des colonies. C’est alors qu’il rédigea ses cartes. Le 22 septembre 1796, il fut nommé vice-amiral. De 1805 à 1808, il commanda, en qualité d’amiral, les flottes réunies de France et d’Espagne.

L’amiral de Rosily était membre du Bureau des Longitudes, et le 27 mai 1816, il avait été nommé associé libre de l’Académie des Sciences.

Le mausolée de ce célèbre marin se compose d’un stylobate en pierre sur lequel s’élève un obélisque en marbre blanc, dont la base est figurée par un cénotaphe à compartimens cintrés ornés de bas-reliefs aux trois façades principales.

Sur celle du milieu est représenté un trophée de marine et un médaillon aux armes du comte, autour duquel on lit cette légende :

POINT GEHENNANT. POINT GEHENNÉ.

Sur chacun des côtés, dans des compartimens, est un sabre d’abordage. Le bas-relief de la face droite latérale représente un dauphin entouré d’attributs de marine, derrière lequel s’élève un télégraphe ; de chaque côté est un aviron.

Sur celui de la face gauche est représenté un griffon marin entouré d’attributs de guerre, derrière lequel s’élève un mât pavoisé ; de chaque côté est un trident.

Le sommet de l’obélisque est orné sur ses quatre faces d’un ancre sculpté ; sur les trois principales, on lit les inscriptions suivantes :

(Sur le côté gauche latéral.)
(Sur la façade.)
(Sur le côté droit latéral.)
1771-1772.
il chercha
terres australes.
les
LE
dangers
1777-1778.
COMTE
pour
il se dévoue :
de
les faire
le coureur
ROSILY-MESROS,
éviter
au secours
aux autres.
de la belle-poule.
supplément
1782-1784.
Décédé le 11 9eme 1832,
au
la cléopatre,
Agé de 85 ans.
neptune
escadre
oriental.
de m. de suffren.
la venus
1805-1808.
MARS
et la méduse,
amiral,
ET
1784
armée navale
ARTES
a
combinée de france
1791
et d’espagne.
rade de cadix.

La grille, en fer bronzé, est à trois compartimens ornés d’attributs de marine, et se termine de chaque côté par un canon renversé. Ce monument, d’un style noble et élégant, a été exécuté par M. Guillard, marbrier.

SANTERRE.




Santerre (Armand-Théodore), ancien raffineur, naquit à Bercy, le 1e novembre.

Propriétaire d’une raffinerie considérable dans le quartier du Luxembourg, il possédait à juste titre le plus haut degré d’estime et de confiance des nombreux commerçais avec lesquels il était en relation.

Doué d’une intacte probité, d’une rare délicatesse, d’un caractère plein de franchise et d’équité ; il joignait à ces dons inappréciables une âme compatissante et les sentimens les plus généreux.

Exclusivement occupé de la direction de son vaste établissement, ses nombreux ouvriers, dont il était le bienfaiteur, le chérissaient comme un père ; heureux de vivre sous ses lois, ils se livraient ardemment à de pénibles travaux sans autre calcul d’intérêt que celui de la prospérité de leur maître, qui, à son tour, savait distinguer la différence qu’il y a du salaire aux récompenses.

Père d’une nombreuse famille, Santerre était l’idole de son épouse et de ses enfans. Ses vertus privées répandaient le charme et la félicité dans l’intérieur de sa maison : plein d’égards et d’urbanité pour les amis dont il s’entourait, il avait su captiver leur sincère affection par ses éminentes qualités sociales.

C’est au sein d’une aussi heureuse existence qu’une mort prématurée est venue terminer l’honorable carrière de cet homme de bien.

Il est décédé le 29 avril 1833, et a été inhumé au cimetière du Mont-Parnasse.

Madame veuve Santerre, qui dirige aujourd’hui son établissement, et qui soutient avec succès la haute réputation dont il a toujours joui, et à laquelle elle a puissamment contribué, a érigé à la mémoire de son époux un monument de son amour et de ses éternels regrets.

Ce monument se compose de deux sarcophages de forme horizontale placés au centre d’une balustrade à jour, dont les parties latérales, qui ont neuf pieds de dimension, sont d’un seul morceau de pierre d’échantillon. Dans le fond s’élève, sur un stylobate, un cippe de forme quadrangulaire, surmonté d’un entablement dont la frise est ornée de rosaces sculptées. Au-dessus est un cénotaphe, avec fronton triangulaire, également orné de sculpture d’une rare perfection, au-dessous duquel on lit cette inscription :

FAMILLE SANTERRE.

Au milieu du cénotaphe est représenté l’Ange des ténèbres, ayant deux guirlandes de pavots suspendues à son col, et les mains appuyées sur deux médaillons destinés à recevoir des portraits de famille.

Sur la face du cippe sont deux plaques de marbre blanc, sur l’une desquelles sera gravée l’épitaphe suivante :

ci git
armand-théodore
SANTERRE,
ancien raffineur,
né a bercy, le 1er novembre 1778,
décédé a paris, le 29 avril 1833.

Ce monument, qui est remarquable par le luxe de sa construction et la perfection des ornemens, a été exécuté sur les dessins de M. Aloncle, architecte. Les

morceaux de sculpture sont dus au ciseau de M. Plantar.

LE PRINCE DE SAXE-COBOURG.




Saxe-Cobourg (Ernest-Auguste-Alexandre Panam, prince de) naquit à Francfort-sur-le-Mein (Franconie) le 4 mars 1809.

Ce jeune homme, qui avait reçu la plus brillante éducation, joignait à une érudition prématurée et au génie le plus transcendant le physique le plus agréable et tous les avantages que donne la jeunesse.

Son regard, plein de vivacité, décelait une âme de feu, et contrastait merveilleusement avec son excessive bonté et son extrême douceur. Doué d’un jugement sain, d’une vive pénétration, et d’une mémoire extraordinaire ; par l’étude la plus facile, il semblait deviner les sciences même les plus abstraites, et les possédait au plus haut degré à l’époque où les autres élèves n’en sont encore qu’aux élémens.

Il était donc à présumer qu’avec d’aussi grandes perfections et surtout un nom illustre, ce jeune prince était appelé aux plus hautes destinées, et devait suivre une carrière aussi glorieuse que fortunée. Mais le destin en avait autrement ordonné : des orages politiques (sur lesquels nous ne nous permettrons aucune réflexion) sont venus fondre sur sa tête, et ont détruit toutes ces probabilités.

Il paraît, d’après les inscriptions qui sont gravées sur son mausolée, qu’il a éprouvé de grandes vicissitudes, et a cruellement souffert de l’injustice du sort. Heureux l’homme qui naquit dans la médiocrité, et qui, pour jouir d’une existence paisible, a toujours renoncé aux distinctions sociales ; il parcourt librement et inaperçu le sentier de la vie ; tandis que celui qu’on vit naître au sein des grandeurs, qui, par son rang ou son mérite personnel, a acquis de la célébrité, est constamment en butte aux tourmens de la vie.

Telle était la position de ce prince, sur laquelle il réfléchissait mûrement, dans un âge où on ne réfléchit pas encore ; il avait vainement lutté contre l’oppression, et la plus courageuse résignation avait succédé à toutes ses tentatives, une affection morale, contre laquelle il n’y avait point de remède, affaiblit bientôt toutes ses facultés ; élevé dans les principes les plus religieux, il mourut en philosophe chrétien dans les bras d’une mère éplorée.

Il a composé plusieurs ouvrages littéraires qui n’ont pas encore été imprimés, dans lesquels il règne une imagination féconde, des connaissances approfondies, et une grande pureté de style. Nous regrettons de ne pouvoir nous permettre de les faire connaître avant leur publication.

Il est décédé à Paris le 9 février 1832, et a été inhumé au cimetière de Montmartre.

Le mausolée de ce prince se compose d’un cénotaphe en marbre blanc, surmonté d’une croix. On arrive à ce monument, qui a la forme d’un autel, par un perron à plusieurs marches : au pourtour est un mur d’enceinte en pierre, dont le chaperon est orné de feuilles sculptées disposées en écailles. Sur le cénotaphe est gravée cette inscription :

ernest, auguste, alexandre PANAM.
PRINCE DE SAXE-COBOURG.
né a francfort sur le mein le 4 mars 1809.
décédé a paris le 9 février 1832.


Les princes, assis sur leurs tribunaux, m’ont jugé :
Les méchans ! ils m’ont poursuivi, ils m’ont tué.

(Saint Étienne, martyr.)
Ce monument a été exécuté par M. Notta, marbrier.

DE SAULX-TAVANNES.




L’illustre maison de Saulx-Tavannes, originaire de Bourgogne, était déjà très ancienne lorsque Gaspard du même nom fut placé par son oncle, en 1525, dans les pages de François Ier.

Devenu maréchal de France, il fut un des hommes les plus remarquables de son siècle par ses talens militaires, sa bravoure, sa prudence, son attachement à la religion catholique et à l’autorité royale.

Son fils aîné, le comte Guillaume de Saulx-Tavannes, fut nommé page d’honneur du roi Charles IX : il combattit sous son père, et se signala par des prodiges de valeur à la célèbre bataille de Jarnac. Il fût nommé par Henri III gouverneur du château de Saint-Jean-de-Losne. Ce fut lui qui, à la mort de ce monarque, se hâta de faire prêter serment à Henri IV, et de convoquer les États de la province.

Jean son frère, ligueur déterminé, était gouverneur d’Auxonne : il s’y rendit redoutable aux sectaires, qui conspirèrent contre lui, le surprirent dans une église, et l’enfermèrent dans un château, d’où il s’échappa en descendant d’une muraille de plus de cent pieds de haut.

En 1650, Jacques de Saulx-Tavannes, petit-fils de ce dernier, suivit le grand Condé dans ses campagnes, en qualité de lieutenant-général : il eut part aux nombreux lauriers que moissonna ce fameux capitaine, et mourut en 1683.

C’est de cette famille d’illustres guerriers et de preux chevaliers (dont M. le duc de Saulx-Tavannes, pair de France, est actuellement le chef) qu’est issu le comte Charles-Dominique-Sulpice de Saulx-Tavannes, né le 19 janvier 1751.

Digne héritier des vertus de ses aïeux, il s’est constamment voué à la défense du trône et de l’autel, et, dans la noble et brillante carrière qu’il a parcourue, il a soutenu jusqu’au tombeau l’honneur et la gloire dont s’étaient couverts ses ancêtres.

Il est décédé le 14 août 1822, et a été inhumé au cimetière du Père Lachaise, entre le vicomte de Saulx-Tavannes son fils et la baronne de Bésenval sa fille.

Leur sépulture, d’un genre unique dans ce lieu funéraire, est à la fois d’un style noble, simple, pittoresque et religieux.

Elle représente un rocher en marbre de Carrare, surmonté d’une croix de même substance, non comme celles qui décorent la plupart des monumens, et qui figurent un bois lisse et poli, mais un arbre dans lequel l’artiste a parfaitement imité l’écorce, les nœuds et la rondeur d’un bois rustique.

Sur le rocher qui sert de base à la croix sont sculptées en bas-relief des branches de laurier, d’iris et de roseaux, dont quelques tiges rompues présentent des fleurs dans un état de dépérissement. En outre de ces différens végétaux que l’art a si ingénieusement simulés, la nature semble avoir voulu aussi concourir à l’ornement de ce tombeau : le lierre, symbole de l’amitié, dont les feuilles toujours vertes bravent la glace des hivers, prend racine dans les diverses cavités de ce rocher, et étend ses rameaux flexibles jusqu’à son sommet, où ils entourent le pied de la croix.

Les inscriptions suivantes sont gravées sur le roc : au milieu de la face principale,

ICI REPOSE

CHARLES-DOMINIQUE-SULPICE,
comte DE SAULX-TAVANNES,
NÉ LE 19 JANVIER 1751,

DÉCÉDÉ LE l4 AOUT 1822.

Du côté droit,

ICI REPOSE

LOUIS-HENRI-GASPARD,
vicomte DE SAULX-TAVANNES,
NÉ LE 12 DÉCEMBRE 1777,

DÉCÉDÉ LE 11 MARS 1807.

Du côté gauche,

ICI REPOSE

AGLAÉ-
CAROLINE-JUSTINE
DE SAULX-TAVANNES,
BARONNE DE BÉSENVAL,
NÉE LE 25 DÉCEMBRE 1773,

DÉCÉDÉE LE 26 AOUT l8l6.

Au bas de chaque inscription est gravé :

REQUIESCAT IN PACE.
Nota. Les caractères des inscriptions sont gravés en bâtarde.

DE SÉGUR D’AGUESSEAU.




Ségur d’Aguesseau (Louis-Philippe, comte de), maréchal-de-camp, pair de France, grand-cordon de la Légion-d’Honneur, commandeur de l’Ordre de Cincinnatus, chevalier de Saint-Louis, et des Ordres du Christ, de Wurtemberg et Wursbourg, était né à Paris, le 11 septembre 1753 : il y fit d’excellentes études. Fils aîné du maréchal de Ségur, il suivit la même carrière que son père, et en 1769 entra au service dans Mestre de Camp, cavalerie ; en 1776, il fut nommé colonel en second du régiment d’Orléans, dragons : quelque temps après, il passa en Amérique pour prendre le commandement de Soissonnais, infanterie, qui servait dans la guerre des États-Unis ; il y fit deux campagnes, revint en France en 1783, et fut nommé colonel du régiment de Ségur, dragons.

Ici, commence pour M. de Ségur la carrière diplomatique, dont le début fut couronné des plus brillans succès. Le gouvernement le nomma ministre plénipotentiaire en Russie.

La révolution le ramena à Paris ; il fut fait maréchal-de-camp en 1791. Le gouvernement lui laissa la faculté d’opter entre le portefeuille des affaires étrangères ou l’ambassade de Rome : il choisit ce dernier poste ; mais les démêlés survenus entre Rome et la France forcèrent de le rappeler. Il fut envoyé en Prusse pour obtenir sa neutralité ; il y réussit complètement. Arrêté à son retour à Paris, il fut assez heureux pour dérober sa tête aux proscriptions que la terreur étendait sur la France, mais il perdit toute sa fortune.

M. de Ségur trouva dans les bonnes études qu’il avait faites une ressource contre le malheur ; il s’ouvrit dans la retraite, par ses travaux littéraires, une carrière nouvelle, qui ramena la fortune, et lui rendit une position plus brillante que celle qu’il avait perdue.

Un talent comme le sien ne pouvait rester ignoré d’un homme à la faveur duquel le premier de tous les droits était le mérite. Le Premier Consul, nommé à vie, appela M. de Ségur au conseil d’État et le nomma membre de l’Institut. L’empereur Napoléon se l’attacha plus particulièrement, en lui conférant la charge de grand-maître des cérémonies, le nomma sénateur en 1813, et, en 1814, commissaire extraordinaire dans la 18e division militaire.

Par ses ouvrages, M. de Ségur a pris place parmi les grands écrivains dont s’honore la France.

Ce ne sont pas là les seuls titres de M. de Ségur aux hommages de la postérité ; à de grands talens, il unissait toutes les vertus sociales et privées : son bonheur se composait de celui qu’il répandait autour de lui.

Il avait épousé Mlle d’Aguesseau, petite-fille du chancelier. C’était l’alliance de deux noms dont l’un sera toujours cher à l’armée, l’autre à la magistrature. Il est mort à Paris le 27 août 1830, et a été inhumé au cimetière de Montmartre. Son monument, d’une grande simplicité, est de la forme d’une borne antique : sur un fond de marbre noir sont gravées ses armes et l’inscription suivante :

ICI REPOSE
LOUIS PHILIPPE comte DE SÉGUR D’AGUESSEAU.
pair de france, maréchal de camp.
MEMBRE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE.
grand’ croix de la légion d’honneur.
et de plusieurs ordres.
Né le 11 septembre 1753, décédé le 27 août 1830.
gloire a sa famille, il fut l’ornement de la patrie.
toute sa vie appartient a l’histoire.
colonel, il porta les armes pour son pays,
dans la guerre d’amérique.
diplomate, la france lui doit son premier traité
de commerce avec la russie,
et de nobles efforts pour arrêter a berlin
la guerre de la révolution.
homme d’État, il fut membre
de cet illustre conseil d’état de napoléon
qui fit les cinq codes ; puis comme grand-officier,
comme sénateur, comme pair de france,
il éleva sans cesse dans les conseils et a la tribune
une voix éloquente et persuasive,
toujours fidèle aux principes d’une sage liberté.
enfin comme homme de lettres
et l’un des quarante de l’académie française,
notre patrie lui doit l’accroissement
de sa gloire littéraire.
quelque profonde que soit notre vive affliction,
la france entière témoignera que cet éloge
n’est point une exagération produite par la douleur.

SUCHET.




Albufera (Louis-Gabriel Suchet duc d’), maréchal et Pair de France, Grand’croix de l’ordre de la Légion-d’Honneur, commandeur de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, et de celui de Saint-Henri de Saxe, chevalier de l’ordre impérial d’Autriche, de la Couronne-de-Fer, naquit à Lyon, le 2 mars 1772. Son père, qui était un riche manufacturier d’étoffes de soie, le plaça au collège de l’île Barbe, où il se fit bientôt remarquer par ses progrès rapides dans les sciences.

Après avoir terminé ses études, il entra comme volontaire dans la cavalerie Nationale Lyonnaise, le 12 mai 1793 ; il fut ensuite nommé capitaine d’une compagnie franche, et le 20 septembre suivant, chef du 4e bataillon de l’Ardèche.

A l’armée d’Italie il assista, en 1794, aux combats de Vado, de Saint-Jacques, et combattit successivement à Gossaria, Dego, Lodi et Borghetto, sous les ordres du général Augereau. Étant passé ensuite dans la division Masséna, il prit part aux batailles de Rivoli, Castiglione, Trente, Bassano et Arcole, où, non loin de là, il fut blessé dangereusement. A peine rétabli, il fit la mémorable campagne qui amena le traité de Campo-Formio. Au combat des gorges de Neumark, il fut atteint d’une balle à l’épaule : le général en chef, Bonaparte, le nomma chef de Brigade sur le champ de bataille, le 29 novembre 1797, et le 23 mars suivant il l’éleva au grade de général de Brigade.

Le général Suchet prit une part active à toutes les brillantes affaires qui eurent lieu dans l’Italie, principalement à Vérone, Montebello, etc. Il fut nommé, le 11 décembre 1803, membre de la Légion-d’Honneur, puis grand-officier le 14 juin 1804.

A l’ouverture de la campagne d’Allemagne, en 1805, la division qu’il commandait se distingua à Ulm, à Hollabrun, à Austerlitz ; on admira surtout dans cette glorieuse journée sa marche en échelon par régimens, comme à l’exercice, sous le feu de 50 pièces de canon. Suchet reçut, en récompense de ses services, le grand-cordon de la Légion-d’Honneur et une dotation de 20,000 francs de rente.

En Prusse, en Pologne, en Espagne, la victoire lui fut constamment fidèle ; après les exploits de Lerida, Mequinenza, Tortose et Tarragone, il reçut, le 8 juillet 1811, le bâton de maréchal.

Ses glorieuses campagnes et sa noble conduite dans les royaumes de Valence et d’Aragon lui firent obtenir, le 24 janvier 1813, le titre de duc d’Albufera et la possession de ce domaine, situé près de Valence.

Lors de l’abdication de Napoléon, il eut le commandement de l’armée du Midi, et fut maintenu dans toutes les dignités qu’il avait obtenues sous l’empire. Revenu dans la capitale, le 30 mars, il fut envoyé à Lyon, où, au second retour du Roi, il envoya, par trois généraux, le 11 juillet 1815, la soumission des troupes qu’il commandait, et obtint une convention honorable qui, en sauvant sa ville natale, lui donna le moyen de conserver à l’État pour 10 millions de matériel d’artillerie. Le corps municipal et la chambre de commerce lui exprimèrent la reconnaissance des Lyonnais pour cet éminent service.

De retour à Paris, où il espérait se reposer des fatigues de la guerre, il fut atteint d’une longue et douloureuse maladie qui termina sa glorieuse carrière, le 3 janvier 1826. Il a été inhumé au cimetière du Père Lachaise.

Le monument élevé au maréchal Suchet est d’un style aussi noble qu’élégant, la sculpture, dont il est richement orné, est d’un travail achevé. Sa forme, qui est quadrangulaire, a pour base un soubassement en granit, le surplus est formé d’un seul bloc de marbre blanc. Sur la face principale, la Muse de l’histoire grave sur une pièce de canon le nom des lieux qui furent témoins de la gloire de l’illustre guerrier. Son buste, sculpté au-dessus, est entouré d’une guirlande de laurier adaptée à deux flambeaux renversés. Dans les frontons, dont le monument est surmonté, sont placés au milieu d’une couronne les ordres dont le maréchal fut décoré. Dans la partie postérieure est un trophée d’armes sculpté avec une rare perfection : dans les parties latérales sont des couronnes de laurier, de chêne, d’olivier, au milieu desquelles sont inscrits les noms des villes qui rappellent les hauts faits du maréchal.

Sur la façade du soubassement on lit cette courte inscription :

LE MARÉCHAL SUCHET,
DUC D’ALBUFERA.
L’architecte de ce beau monument est M. Visconti, le buste est de M. David, et les ornemens de M. Plantar.

TALMA.




Talma (François-Joseph), né à Paris en 1766, l’un des plus grands acteurs qui aient paru sur la scène française, qu’il sera possible d’imiter, mais qu’on ne remplacera pas, doué de tout ce qui constitue le grand comédien, ajouta aux avantages qu’il avait reçus de la nature et d’une éducation soignée, ceux que lui procurèrent la fréquentation des hommes de lettres des artistes du premier ordre, et surtout les exemples des grands talens dont il était entouré sur la scène.

Larive, successeur de Lekain, Mole, Fleury, Dugazon, Monvel, Grandmesnil, Dazincourt, etc., s’empressèrent d’accueillir le jeune acteur avec cette bienveillance que des talens consommés se plaisent à témoigner à un talent qui s’élève, malgré la presque certitude qu’un jour peut-être il les éclipsera tous.

Talma débuta le 27 novembre 1787, dans le rôle de Séide de Mahomet. Il y fut couvert d’applaudissemens. Cette circonstance le fixa définitivement dans une carrière qui s’ouvrit devant lui d’une manière si brillante.

Ce fut alors qu’il se livra à des études approfondies sur son art : mais une de celles auxquelles il se consacra avec le plus de persévérance, fut d’exécuter le projet que Lekain n’avait pu réaliser de son vivant, celui de rendre aux costumes tragiques la noble et pure simplicité de l’antique. Quelques essais, hardiment tentés et favorablement accueillis par le public, l’engagèrent à continuer cette réforme, à laquelle se prêtèrent volontiers quelques uns de ses camarades les plus influens, pénétrés comme lui de l’ensemble et de l’harmonie qui en résulteraient pour la scène française.

Talma joignit à une imagination mélancolique un genre nerveux d’une extrême irritabilité, et qui le servirent puissamment pour donner à sa physionomie cette excessive mobilité qui exprimait, aussi instantanément que la parole et le geste, les sentimens dont il était pénétré. Aussi dans le rôle de Charles IX, où il développa une partie de ses nouveaux moyens, annonça-t-il ce qu’il devait être un jour.

Cette époque commença sa réputation ; elle n’a cessé de croître jusqu’à sa mort, et personne ne lui a contesté le premier rang parmi les tragiques dont se glorifie le théâtre français.

Nous terminerons cette Notice par le portrait que trace de ce célèbre tragédien une femme renommée par son esprit, par son rare talent d’observation, et dont les jugemens qu’elle a portés sur plusieurs contemporains seront confirmés par la postérité.

Madame de Staël, dans son ouvrage intitulé De l’Allemagne, s’exprime ainsi :

« Talma peut être cité comme un modèle de hardiesse et de mesure, de naturel et de dignité. Il possède tous les secrets des arts divers. Ses attitudes rappellent les belles statues de l’antiquité.

« L’expression de son visage, celle de son regard doit être l’étude de tous les peintres. Il y a dans la voix de cet homme je ne sais quelle magie qui, dès les premiers accens, réveille toute la sympathie du cœur : le charme de la musique, de la peinture, de la sculpture, de la poésie, et par-dessus tout du langage de l’âme voilà ses moyens pour développer dans celui qui l’écoute toute la puissance des passions généreuses ou terribles. Quelle connaissance du cœur humain il montre dans la manière de concevoir ses rôles ! Il en est une seconde fois l’auteur par ses accens et par sa physionomie. »

Si l’on eût dû proportionner la grandeur du monument de Talma au talent que possédait l’homme qu’il renferme, nous le trouverions d’une trop petite dimension : néanmoins, quoique d’un style simple, il est d’un excellent goût. Il se compose d’un cénotaphe en pierre de liais, élevé sur un socle de granit, et d’un mur de clôture à hauteur d’appui, de forme carrée, aussi en pierre de liais, et dont le chaperon horizontal est orné de feuilles sculptées en forme d écailles. Sur la façade sont quatre bornes antiques, placées à égale distance, ornées chacune d’une couronne sculptée en creux, et trois portes en fer fondu terminent la clôture.

Sur le cénotaphe est gravé, sur un fond de marbre blanc, le nom de Talma, et au-dessus est placé un masque antique. Ce monument a été exécuté par M. Callou, architecte.

JACQUES ET JOACHIM TRABUCHI.




Deux frères, unis pendant leur vie par la plus tendre amitié, et que la mort n’a pu séparer, reposent en paix dans cet asile du silence : un troisième frère qui leur a survécu a exprimé son amour fraternel et ses plus sincères regrets en érigeant un mausolée en leur mémoire, et s’est réservé une place, désignée à côté de ses aînés, afin d’être réuni un jour aux objets de ses plus chères affections.

Cette union inaltérable est le plus bel éloge des deux défunts et de l’homme de bien qui leur survit.

Tous trois originaires d’Italie, ils vinrent se fixer à Paris quelques années avant la révolution de 1789 : l’aîné, Jacques Trabuchi, y forma le premier établissement de fumiste.

Doué d’un talent supérieur dans un état presque inconnu jusqu’alors dans la capitale, et possédant surtout les précieuses qualités qui captivent la confiance, il parvint à obtenir de nombreux travaux dans les palais du gouvernement, dans les maisons royales et dans les principaux hôtels. A l’abri de toute concurrence, pouvant à peine suffire à la multiplicité des affaires qui abondaient chez lui de toutes parts, il sut, secondé par ses deux frères, fixer la fortune dans sa maison, et se félicitait d’une aussi heureuse prospérité lorsque, à l’âge de cinquante-quatre ans, par suite d’un excès de travail et de fatigues, l’impitoyable mort vint interrompre le cours d’une si belle carrière.

Ce fut Joachim Trabuchi qui lui succéda : devenu chef de l’établissement, il soutint honorablement la réputation que son aîné s’était acquise. Doué du même zèle et de la même aptitude au travail, il le dirigea habilement pendant vingt-sept ans, et mourut à son tour sans avoir eu le temps de jouir des faveurs de la fortune. Ils sont inhumés au cimetière de Montmartre.

Le monument que M. Trabuchi a fait élever à ses deux frères est d’un style élégant, et se distingue des autres par son ingénieuse construction ; il est composé d’un cippe élevé sur un stylobate et sur une base octogone, et surmonté d’un couronnement orné de sculpture, au milieu duquel est placée une chouette sur une branche de cyprès.

Sur le cippe sont sculptés verticalement, et à égale distance, trois rameaux de chêne, dont les branches sont réunies dans le haut par des nœuds de ruban, et forment trois berceaux distincts, au-dessus desquels on lit :

ci-gissent trois frères.

Dans les intervalles des branches sont deux inscriptions ainsi conçues :

jacques-marie
joachim-louis
TRABUCHI, TRABUCHI,
né en 1751,
né le 1er juin 1758,
mort
mort
le 25 décembre 1805.
le 4 février 1832.

La place est réservée pour une troisième inscription.

Ce monument a été exécuté sur le dessin et sous la direction de M. Haudebourt, architecte.

L’AMIRAL TRUGUET.




Truguet (le comte Laurent-Jean-François), conseiller d’État, ministre de la Marine, ambassadeur, grand’croix de Saint-Louis et de la Légion-d’Honneur, amiral et pair de France, etc., naquit à Toulon (Var), le 10 janvier 1752. Fils d’un capitaine du port, il fut d’abord garde-marine, et devint lieutenant de vaisseau en 1779, puis major en 1786. Il fit en cette qualité les campagnes de l’Inde avant la révolution. En 1788, il commanda le bâtiment qui porta M. de Choiseul-Gouffier à Constantinople, et fut chargé par cet ambassadeur de renouveler le traité avec les beys d’Egypte.

Employé à Toulon en 1792 comme contre-amiral, il sortit de ce port avec une escadre destinée à protéger l’expédition du général Anselme sur Nice. En décembre il commanda une division de la flotte que l’amiral Latouche-Tréville conduisit devant Naples.

Au commencement de 1793, il mit en mer une escadre de 26 bâtiments, s’empara de l’île Saint-Pierre, bombarda Cagliari, et y tenta une descente, mais inutilement ; il survint une horrible tempête dans laquelle il perdit deux bâtiments. A la fin de 1795 il fut nommé ministre de la Marine par le Directoire, et peu de temps après ambassadeur à Madrid, où il reçut l’accueil le plus flatteur.

Rentré en France en 1799, il fut nommé après le 18 brumaire au Conseil d’État, section de la Marine. En septembre 1803 il fut appelé au commandement de l’escadre de Brest, et resta dans ce port jusqu’en 1811 ; à son retour à Paris, Napoléon le nomma préfet maritime en Hollande et grand-officier de la Légion-d’Honneur.

Après la restauration de 1814 le contre-amiral Truguet fut nommé, le 29 mai, grand-cordon de la Légion-d’Honneur, et comte le 24 septembre suivant. Il fut chargé, après les cent-jours, de l’administration du 3e arrondissement maritime à Brest, et nommé commandant de Saint-Louis le 3 mai 1816. Il a été maintenu sur le tableau des officiers généraux de la marine en activité par ordonnance du 22 août 1817, et nommé grand’croix de Saint-Louis en 1818.

Après 1830, le comte Truguet fut nommé successivement amiral et pair de France ; il siégea constamment au Conseil d’État, dans lequel ses avis étaient toujours appuyés sur des connaissances solides ; et bien qu’il fût dans un âge très-avancé, au faîte des honneurs et de la gloire, il a si peu goûté les douceurs du repos, que sa carrière politique ne s’est terminée qu’avec sa vie.

Il est décédé à Paris le 26 décembre 1839, et a été inhumé au cimetière du Père Lachaise.

Le monument érigé à l’amiral Truguet se compose d’une colonne de haute dimension, d’ordre composite, surmontée d’une sphère entourée des signes du zodiaque sculptés et dorés. Sur le fût de la colonne sont également sculptés des attributs de marine d’un beau travail. Sur le piédestal on lit cette inscription :
L.-J.-F. TRUGUET.
né à Toulon le 10 janvier 1752,
conseiller d’État,
ministre de la Marine,
ambassadeur,
grand’croix de Saint-Louis
et de la Légion-d’Honneur,
amiral
et pair de France,
mort à Paris le 26 décembre 1839.
Il commanda cinq fois les flottes françaises,
restaura la marine,
conçut et organisa l’expédition d’Irlande.


Ce monument a été construit par M. Guillard, sur les dessins de M. Vaudoyer, architecte. La sculpture est de M. Fontaine.

TULLA.




Tulla (Jean-Godefroi), colonel, directeur général des ponts et chaussées du grand-duché de Bade, chevalier de l’ordre grand-ducal du Lion de Zaehringen, officier de la Légion d’Honneur, chevalier de l’ordre impérial de Saint-Wladimir de Russie et de l’ordre royal de la Couronne de Bavière, naquit à Carlsruhe (capitale du grand-duché de Bade).

Cet homme, célèbre dans les annales des ponts et chaussées et dans les sciences mathématiques, a laissé des traces de son génie dans les principales villes du nord de l’Europe.

Ses immenses travaux en Russie, en Bavière, et surtout dans le grand-duché de Bade, lui ont acquis une haute réputation et les récompenses dues à un mérite transcendant.

Après avoir parcouru une brillante carrière en Allemagne, il vint à Paris, où sa renommée l’avait déjà devancé ; il y reçut l’accueil le plus favorable de Louis XVIII et des savans les plus distingués. Une aussi flatteuse réception et la douceur du climat de notre belle France le déterminèrent à se fixer dans la capitale.

M. Tulla espérait, après de longs et pénibles travaux, jouir enfin des charmes du repos, lorsqu’à la nouvelle de son arrivée une foule d’élèves étrangers et français vinrent réclamer les leçons de ce savant mathématicien, et employèrent les sollicitations les plus vives pour obtenir cette faveur. M. Tulla fut sensible à cet acte de déférence : il céda à leurs instances ; et, possédant au plus haut degré l’art de démontrer, il se vit bientôt entouré de jeunes gens doués des plus heureuses dispositions, et qui s’enorgueillissaient de l’avoir pour maître.

M. Tulla vécut tout juste assez de temps pour transmettre à ses élèves la pratique d’une science qui lui avait assigné le rang le plus distingué parmi les savans. Il est décédé le 27 mars 1828, et a été inhumé au cimetière de Montmartre. Ses élèves reconnaissans lui ont fait élever un mausolée d’un excellent goût. Il se compose d’une borne antique, élevée sur un stylobate et surmontée d’une croix de forme gothique et d’une corniche du même style.

Sur la face principale est figurée une ogive, au-dessous de laquelle sont sculptés des attributs de mathématiques, plus bas est gravée cette inscription :

JEAN GODEFROI
TULLA,
colonel, directeur général
des ports et chaussées
du grand-duché de bade,
chevalier de l’ordre grand-ducal
du lion de zaehringen,
officier de l’ordre royal
de la légion-d’honneur,
chevalier de l’ordre impérial
de st wladimir de russie,
et de l’ordre royal
de la couronne de bavière,
ne a carlsruhe le 20 mars 1770,
décédé a paris le 27 mars 1828.

Sur la face opposée, on lit :

hommage
rendu a la mémoire
des talents, de la probité,
et du mérite
du défunt,
par ses amis,
dans le grand-duché de bade.
Ce monument a été exécuté par M. Nota, marbrier.

VALENCE.




Valence (Cyrus-Marie-Alexandre de Timbrune-Thiembroune, comte de), lieutenant-général, sénateur, commandant de la Légion-d’Honneur, pair de France, naquit à Agen (Lot-et-Garonne), le 20 août 1757.

Élevé à l’École militaire, dont son oncle (M. de Timbrune) était gouverneur, il entra dans l’artillerie en 1774. En 1778, il devint capitaine de cavalerie, et M. le maréchal de Vaux se l’attacha comme aide-de-camp. Entré dans la maison du duc d’Orléans en qualité d’écuyer, il fut fait, peu de temps après, colonel du régiment de Chartres-Dragons. Il épousa la fille de madame de Genlis ; et c’est de ce mariage que data sa grande faveur auprès du prince.

En 1789, il fut nommé député suppléant aux États-Généraux ; mais il n’eut pas occasion d’y siéger, et la guerre, qui éclata trois ans après, l’en éloigna pour jamais. Au mois de mai 1792, il passa, comme maréchal-de-camp, sous les ordres de Luckner, et s’empara de Coutrai ; Dumouriez l’appela près de lui, et le fit nommer le 20 août, même année, lieutenant-général. C’est en cette qualité qu’à la bataille de Valmy, il commanda une division de carabiniers et de grenadiers, et par son attitude ferme et audacieuse, il força le duc de Brunswick, qui tournait déjà l’armée française, à une retraite précipitée.

Il remplaça le général Dillon à l’armée des Ardennes, il décida la retraite des Prussiens, les poursuivit sans relâche, et signa la capitulation qui leur enlevait Longwy, et les forçait à évacuer la France. Il profita du succès de la bataille de Jemmapes pour se rendre maître de Charleroi, de Namur et de sa citadelle.

Lorsque Dumouriez se rendit à Paris, au commencement de 1793, il laissa son armée sous les ordres du général Valence, qui eut à lutter contre les talens militaires et l’expérience du prince de Cobourg.

Au combat de Nerwinde, le général Valence fit plusieurs charges brillantes à la tête de la cavalerie, et fut blessé de plusieurs coups de sabre.

Après la défection de Dumouriez, il fut décrété d’accusation et mis hors la loi par la Convention nationale. Parvenu à s’échapper, il se retira dans le Holstein, où il vécut ignoré, et rentra en France après le 18 brumaire.

Il fut nommé sénateur et commandant de la Légion-d’Honneur en 1805, commandant d’une division de réserve de l’intérieur en 1807, envoyé en Espagne en 1808, et en Pologne en 1812, où il commandait sous Murât une division de cavalerie, à la tête de laquelle il se battit courageusement au combat de Mohilow.

L’Empereur lui confia, comme commissaire extraordinaire, les mesures de salut public qu’exigeait la situation de la 6e division et surtout la ville de Besançon.

Comme secrétaire du Sénat, il signa, le 1er avril 1814 la déchéance de l’Empereur et l’établissement d’un gouvernement provisoire. Nommé pair de France le 4 juin suivant, il fut confirmé dans cette dignité pendant les cent jours, puis fut exclu par une ordonnance. Enfin, il quitta le service le 4 septembre 1815, avec la retraite de lieutenant-général.

Le mausolée du général Valence se compose d’un soubassement en granit, surmonté d’une borne antique, aux oreillons de laquelle sont suspendus des trophées d’armes ; sur le soubassement est représenté un cercueil, dont on aperçoit l’extrémité inférieure, couvert du manteau de pair ingénieusement drapé, et sur lequel sont placés le plastron d’une cuirasse et un casque.

Ce monument, qui, excepté sa base, est tout en marbre blanc, a été érigé par le maréchal Gérard, gendre du général, et exécuté par M. Dubuc, marbrier du Roi.

Entre les deux trophées d’armes, on lit cette inscription :

cyrus-marie-alexandre de timbrune-thiembroune,
comte de valence,
pair de france,
lieutenant-général des armées du roi,
ancien général d’armée,
grand-officier de la légion-d’honneur,
chevalier de saint-louis,
commandeur de l’ordre de saint-lazare,
grand’croix de l’ordre de saint-henri de saxe,
né a agen le 22 7eme 1757,
mort a paris le 4 février 1822.
combattit
a valmy, a jemmapes, bovines, dinant, charleroi,
namur, tongres, nervinde.
en espagne en 1808 et 1809, en russie en 1812.

VICTIMES DE JUIN.




Au mois de juin 1832, d’incorrigibles conspirateurs se flattaient d’ébranler à main armée le gouvernement : la garde nationale et la troupe de ligne ont déjoué leurs complots. Peut-être ces insensés espéraient-ils qu’il y aurait désunion parmi les citoyens ; peut-être avaient-ils pensé que l’aspect des combats étonnerait des hommes paisibles ; mais la garde civique s’est levée tout entière pour le maintien des lois ; les habitants de Paris se sont présentés au feu comme de vieux soldats, avec ce courage naturel et cette résolution profonde qui naît du devoir et du patriotisme. Plusieurs barricades, qui furent construites par les révoltés dans différents quartiers de la capitale, devinrent le théâtre des actions les plus héroïques où le sang coulait, où la mort était donnée et reçue, où chacun disputait de zèle et de courage, où enfin la garde nationale de toutes les légions et les régiments de ligne semblaient en toute occasion rivaliser d’ardeur et de dévouement, et obtinrent une victoire complète.

Plusieurs braves étant morts glorieusement dans cette mémorable journée, la ville de Paris reconnaissante, leur a érigé au cimetière du Père Lachaise un monument d’une spécialité remarquable, pour la construction duquel un goût exquis et un luxe architectural semblent avoir rivalisé.

Ce monument, de forme quadrangulaire, se compose d’un piédestal d’une haute dimension, élevé sur un soubassement et surmonté d’un cénotaphe orné d’oreillons à palmettes et de flambeaux renversés aux quatre angles. Sur la façade est une guirlande de chêne surmontée du coq gaulois ; au-dessous est gravée cette inscription :

LIBERTÉ, ORDRE PUBLIC.

Plus bas on lit : (mêmes caractères)

AUX VICTIMES DU 20 JUIN,
LA VILLE DE PARIS RECONNAISSANTE.

Sur le piédestal sont gravés sur trois colonnes les noms des victimes inhumées dans l’enceinte du monument, lesquels noms sont placés dans l’ordre suivant :

AUBERT, GUENIFET, MENARD,
Pierre-Hippolyte, Joseph, Louis,
Garde municipal à cheval. Carabinier au 12e léger. Soldat au 5e lanciers.



BELLIER, HERERA, MODER,
François-Michel, Charles, Jean,
Adjudant-major de la 4e légion. Garde municipal. Chasseur au 3e léger.



BERANGER, HERVET, MOUSSEAU,
Nicolas, Jean-François, Pierre-Auguste,
Garde municipal. Tambour au… Soldat au 42e de ligne.
CARTIER, KOLLETER, MUNEREL,
Jean, François-Marie, François,
Chasseur au 3e léger. Voltigeur au 6e de ligne. Soldat au 25e de ligne.



CHOLLET, LADROIX, PARGALA,
Jacques-Louis-Léonard, Jean-Baptiste, Jean,
Chef d’escadron au 6e dragons. Garde municipal. Carabinier au 12e léger.



COCQUELET, LAVRILLIÈRE, PERNOT,
Charles-Joseph, Eugène, François-Xavier,
Garde municipal. Garde municipal. Grenadier au 1er de ligne.



CONDAMINE, LEFORT, PRÉVOST,
Pierre, Emile, Jean-Baptiste-Honoré,
Carabinier au 14e léger. Commis-marchand,
Grenadier de la 4e légion.
Capitaine au 14e léger.



DUC, LEMOINE, PUSSIER,
Claude, Louis-Victor, Louis,
Soldat au 1er de ligne. Sergent au 25e de ligne. Soldat au 3e de ligne.



FAUCHIER, LHUBERT, RAUD,
Henri, Jean-Marie, Jean,
Voltigeur au 16e de ligne. Carabinier. Garde municipal.



FOLENFANT, LOINTIER, REYBEL,
Joseph, Jean-Louis, Mathias,
Soldat au… Sous-officier à la 3e compie des vétérans. Garde municipal.



FOREST, MORGE, SATTLAIR,
Bernard, Dominique, François-Xavier,
Soldat au 14e léger. Tourneur en cuivre,
Chasseur dans la 6e légion.
Garde municipal.



GAULTIER, MARQUEZ, SCHMITT,
Pierre, Antoine, Dominique,
Journalier. Chasseur au 14e léger. Garde municipal.



GEOFFROY, MATHIEUX, SÈNÉGON,
Jean-Julien, Étienne, Pierre-Georges,
Lieutenant de la 2e légion. Vernisseur,
Tambour de la 5e légion.
Caporal au 16e de ligne.


GILLES, VANHERSEQUE,
Félix-Marie, Charles-Louis,
Garde municipal. Voltigeur au 1er de ligne.


GRAVET, WEBER,
Pierre, Claude,
Capitaine de la 6e légion, ancien officier de l’armée. Grenadier au 25e de ligne.



Ce monument a été construit d’après le dessin et sous la direction de M. Godde, architecte de la Préfecture de la Seine.




WINSOR.




Winsor (Frédéric-Albert), célèbre chimiste anglais, inventeur de l’éclairage par le gaz, naquit en 1768.

L’application qu’il fit de cette précieuse invention à Londres, en 1803, et dans laquelle il obtint le plus brillant succès, l’engagea à l’importer à Paris en 1815. C’est de ces époques que date la propagation de sa méthode.

Il débuta à Paris par l’éclairage du palais du Luxembourg, et cette opération eut en France le même succès qu’en Angleterre ; mais l’envie et la jalousie qui s’attachent impitoyablement aux innovations et aux inventions utiles, lui suscitèrent de nombreux ennemis ; ces redoutables adversaires, parmi lesquels on remarquait surtout les débitans des matières premières qui alimentaient l’ancien éclairage, et dont les intérêts se trouvaient froissés, attaquèrent vigoureusement le nouveau système comme étant insalubre et dangereux, et répandirent en quelque sorte une terreur qui nuisit essentiellement à sa propagation. Ainsi les exemples de Londres et des principales villes de l’Europe qui l’avaient adopté ne purent convaincre que difficilement le commerce de Paris des avantages de ce nouveau mode, et de sa supériorité sur l’ancien.

Il est donc à remarquer que cette découverte, malgré son utilité, n’a été réellement appréciée qu’environ dix ans après son importation. Jusque-là les dangers imaginaires signalés par les anciens routiniers, avaient fait éluder à la classe marchande de faire usage d’une lumière aussi pure et aussi resplendissante que celle opérée par le gaz.

Toutes ces lenteurs paralysèrent l’active vigilance de M. Winsor : la médiocrité du produit de son invention était loin de couvrir les frais énormes qu’exigeait une vaste entreprise ; il fut vivement affecté que sa méthode, qui lui promettait une si belle chance de succès, eût été accueillie avec autant de défiance que de tiédeur, une maladie grave, funeste résultat d’une affection morale, le força de céder son établissement. M. Winsor a subi la loi commune que le destin semble réserver à tous les fondateurs, il ne lui est resté que la gloire et le mérite de la création.

Le public ayant enfin évidemment reconnu l’excellence de l’éclairage par le gaz, les successeurs de M. Winsor recueillent aujourd’hui les fruits d’une précieuse découverte due à son génie inventif, et propagent au sein d’une prospérité toujours croissante un système dont il est incontestablement l’auteur.

Il est décédé le 11 mai 1830, dans le Ier arrondissement, il a d’abord été inhumé au cimetière de Montmartre, et de là transporté à celui du Père La Chaise.

Son monument, d’un style élégant et remarquable quoique construit totalement en pierre, se compose d’un obélisque triangulaire élevé sur un stylobate en forme de cénotaphe, sur le haut duquel est un trépied bronzé, surmonté d’une flamme d’or. Aux angles de l’obélisque sont sculptés des flambeaux renversés : des trépieds, des flambeaux et des guirlandes de lierre en fer bronzé forment un entourage d’un excellent goût.

Ce monument a été exécuté, sur les dessins d’un architecte anglais, par M. Le- vasseur, marbrier.

Sur la face latérale à gauche on lit cette inscription :

ICI

REPOSE
FRÉDÉRIC-ALBERT
WINSOR,
FONDATEUR
DE
L’ÉCLAIRAGE
DES VILLES
PAR LE GAZ.
MORT A PARIS
LE 11 MAI 1830,
ÂGÉ DE 68 ANS.


L’APPLICATION QU’IL FIT
A LONDRES
DE CET ÉCLAIRAGE EN GRAND
REMONTE A 1803 : IL L’IMPORTA
A PARIS,
EN 1815 ; ET DE CES ÉPOQUES
DATE LA PROPAGATION

DE CE SYSTÈME.

Sur la face latérale à droite, on lit cette inscription anglaise :

TOMB

OF
FREDERIC ALBERT
WINSOR
ORIGINATOR
OF
PUBLIC
GAS LICHTING.


A MONUMENT
TO RECORD
HIS
MERITS AND EXERTIONS.
AS THEIR
FOUNDER,
IS ERECTED, IN LONDON,
BY THE
GAS LICHT ET COKE COMPANY
THE FIRST EVER ESTABLISHED
INCORPORATED BY

ACT OF PARLIAMENT IN 1810.

Au bas on lit l’épigraphe suivante :

EX FUMO DARE LUCEM.

  1. Mlle Georges.
  2. Mlle Raucourt.