Les principaux monuments funéraires/Lallemand

LALLEMAND.




Lallemand (Nicolas), né à Paris le 12 janvier 1797, élève de l’École de Droit. La mort de ce jeune homme, qui annonçait les plus heureuses dispositions, fut un malheur pour sa famille, et un objet de regrets pour ses camarades, qui avaient su apprécier ses excellentes qualités.

C’est encore une de ces victimes infortunées de l’inexpérience, de l’enthousiasme et du courage.

Au commencement de juin 1820, on voulait, à quelque prix que ce fût, changer la forme du gouvernement, et y parvenir par la force. Les chefs de ce projet, déjà en partie glacés par l’âge, n’avaient ni la vigueur ni la témérité nécessaires pour une telle entreprise ; il fallait des hommes d’exécution à qui le prestige de la victoire dissimulât la certitude du danger : on jeta les yeux sur la jeunesse des écoles, jusqu’alors calme et studieuse.

Mais cette tentative ayant eu un résultat tout opposé à celui qu’on s’en était promis, trente-cinq personnes furent arrêtées ; dans le nombre, il ne se trouva pas un seul de ceux qui avaient préparé le mouvement.

Deux jours après la mort du jeune Lallemand, la commission d’instruction publique prit une délibération par laquelle elle arrêta que : « Tout étudiant qui sera convaincu d’avoir pris part, sous un prétexte quelconque, à des attroupemens illicites, et à des troubles ou voies de fait, sera rayé des registres de la faculté à laquelle il appartient ; sa carte d’admission lui sera retirée, et l’entrée du cours lui sera interdite. »

Dans la séance du 5 juin, on lut à la Chambre des Députés une lettre adressée par le père du jeune Lallemand, contre l’assertion de quelques journaux, qui prétendaient que le jeune homme avait été tué en cherchant à désarmer un soldat ; elle était ainsi conçue : « Hier mon fils a été frappé de mort ; aujourd’hui il est diffamé par le Drapeau blanc, la Quotidienne et le Journal des Débats ; je dois repousser le fait qui lui est imputé : il n’a point tenté de désarmer un soldat ; il marchait sans armes ; il a été frappé par-derrière : l’instruction le prouvera. »

Les funérailles du jeune Lallemand ont eu lieu à Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, à l’issue desquelles le corps a été porté au cimetière du Père-Lachaise, accompagné d’environ cinq mille étudians de diverses écoles ; trois discours ont été prononcés sur sa tombe. Nous croyons ne pouvoir mieux faire connaître les regrets qu’a excités la perte de cet infortuné jeune homme qu’en citant le discours improvisé par M. Barthe, alors avocat à la Cour royale de Paris, celui des orateurs qui a parlé le premier :

« En présence de ces dépouilles qu’animaient naguère les sentimens les plus généreux ; auprès de ce corps qui renfermait lame de notre ami, je ne saurais vous retracer les vertus qui le firent chérir de sa famille et de nous tous, qui avons été ses condisciples, ses amis, et qui l’avons aimé comme un frère ; je ne saurais vous parler de ses talens, qui n’ont apparu qu’un instant, et qui promettaient à la patrie un citoyen distingué : mon âme est trop livrée à la douleur ; elle est trop occupée par le souvenir d’une existence qui nous fut si chère, pour qu’il me soit permis de résister à mon émotion.

« Lallemand, sur cette même terre qui va bientôt te couvrir, il m’est impossible de te louer ! Je ne puis que verser des pleurs, je ne puis que te dire adieu au nom de nous tous, au nom de tout ce qui est bon, au nom de tout ce qui est sensible au malheur. Adieu donc ! toi qui fus bon fils, toi dont les dernières paroles furent pour ce père dont lame a été si cruellement déchirée ! Adieu ! toi qui fus bon ami, qui étais encore bon citoyen à l’instant même où l’on te frappa de mort ! adieu ! Ta mémoire restera gravée dans nos cœurs ; plus d’une fois, sur cette tombe, au pied du monument que notre piété t’élèvera, chacun de nous viendra seul avec sa douleur, te payer un tribut de regrets et de larmes. »

Le monument de Lallemand, qui lui a été érigé par ses nombreux amis, est construit solidement en pierre ; il se compose d’une enceinte carrée, au fond de laquelle s’élève, sur un stylobate, une borne antique en forme de cénotaphe. Sur la base, on lit cette inscription :

A
LALLEMAND,
mort le 3 juin 1820.

De chaque côté sont des inscriptions ainsi placées :

l’école
l’école
l’école
le
des
de
de
beaux-arts.
médecine.
droit.
commerce.