Les principaux monuments funéraires/Lafayette

LAFAYETTE.




Lafayette (M.-P.-R.-Y. Gilbert Mottier, marquis de), lieutenant-général des armées du roi, chevalier de Saint-Louis, naquit à Chavaniac (Haute-Loire) le 6 septembre 1757. Sa famille, une des plus anciennes de ce département, a fourni beaucoup de militaires distingués, qui ont été promus aux grades les plus importons de l’armée et même à celui de maréchal de France.

Maître à vingt-six ans d’une très belle fortune, il forma le projet d’en consacrer une grande partie à la conquête de la liberté américaine, en faveur de laquelle on commençait à se déclarer sourdement en France.

Quelques confidences imprudemment hasardées donnèrent l’éveil sur ses projets : pour en arrêter l’effet, le Roi l’envoya auprès du marquis de Noailles, son oncle, ambassadeur en Angleterre, qui devait éclairer ses démarches ; mais trompant la surveillance des agens anglais qu’on avait disséminés sur ses traces, Lafayette acheta un vaisseau en Espagne, le fit charger d’armes, s’échappa furtivement de Londres, se réunit à plusieurs officiers français, et débarqua avec eux en Amérique, où M. le comte de Rochambeau, lieutenant-général, commandait les troupes françaises que Louis XVI avait envoyées au secours des Américains.

Lafayette développa dans cette guerre la bravoure et les talens militaires héréditaires de sa famille ; mais son plus beau titre de gloire fut la capitulation qu’il força lord Cornwallis de signer Sur les bords de la baie de Chesapeack. Le roi à son retour récompensa ses brillans services en le nommant maréchal-de-camp.

Comme tous les officiers français qui avaient fait la guerre d’Amérique, Lafayette en rapporta ces principes de liberté et de fermentation qui éclatèrent plus tard.

La noblesse de sa province le nomma député aux États-Généraux : dans les comités, comme à l’assemblée, il défendit constamment les nouveaux principes, la cause du peuple et celle de la liberté.

Un mouvement spontané mit toute la France en armes au 14 juillet 1789 : telle fut l’origine des Gardes nationales. Lafayette fut nommé commandant de celle de Paris ; il l’organisa sur un pied respectable pour le maintien de l’ordre, la sûreté des propriétés, la répression des anarchistes.

Le 5 octobre de la même année un rassemblement considérable de femmes de la lie du peuple, parmi lesquelles on remarqua plusieurs hommes habillés comme elles, annonça le projet de se porter à Versailles pour (disaient-elles) demander du pain ; au milieu des propos les plus infâmes qu’elles vomissaient contre la famille royale, et surtout contre la reine, elles ne dissimulaient pas leurs projets sanguinaires. La garde nationale rassemblée dès sept heures du matin et commandée par Lafayette, se porta à Versailles pour en expulser les brigands dirigés contre la cour, et ramena le monarque à Paris.

La conduite de Lafayette, dans cette journée, parut criminelle aux uns, équivoque aux autres. Dès lors il n’eut plus que des ennemis, et l’acharnement qu’ils mirent à le poursuivre dut le persuader de la haine que lui avaient vouée tous les partis.

L’Assemblée constituante, qui, depuis le serment du jeu de Paume, avait pris le titre d’Assemblée nationale, vint se fixer à Paris. Lafayette y soutint avec chaleur les intérêts du peuple ; il s’y montra tour à tour l’ennemi des jacobins et des partisans du despotisme. Ce fut dans une de ces séances orageuses, où chaque parti voulait, par l’exagération des idées, assurer le triomphe de son opinion, que du haut de la tribune Lafayette lança au milieu de l’Europe étonnée cette maxime, dont le retentissement a ébranlé tous les trônes : l’insurrection est le plus saint des devoirs.

Au 20 juin 1791, il fut accusé par les jacobins d’avoir favorisé la fuite de Louis XVI, et par les royalistes d’avoir préparé l’arrestation du Roi à Varennes. Il est difficile de se peindre la joie et la stupeur qui régnaient dans la capitale quand le lendemain cet événement fut connu. Les électeurs s’étaient rassemblés à l’hôtel-de-ville ; là mille avis sont donnés, discutés, abandonnés, mille propositions faites, examinées, rejetées ; c’est au milieu de ce cliquetis d’opinions diverses, que Lafayette se présente, et dit d’une voix ferme : Je réponds sur ma tête que le Roi ne sortira pas de la France. Ces paroles n’eurent pas besoin de commentaire, et le calme se rétablit.

Il appuya avec chaleur la proposition, qu’après l’acceptation de la constitution, le Roi fit à l’Assemblée de décréter une amnistie pour tous les délits politiques commis depuis 1789.

La guerre ayant été déclarée, Lafayette obtint le commandement de l’armée du centre ; il quitta le commandement de la garde nationale parisienne, et partit pour Metz, où il établit son quartier-général.

Ce fut là qu’il apprit les détails de la journée du 20 juin 1792, où le Roi fut pendant trois heures en butte aux outrages les plus révoltans. Lafayette vint à Paris, se rendit à l’Assemblée, y accusa hautement les jacobins d’avoir dirigé les excès de cette journée.

Cette démarche, qui ne lui ramena personne, fut diversement interprétée : d’un côté on pensa que si Lafayette n’avait pas empêché le Roi de passer la frontière à Varennes, il ne l’eût point exposé aux insultes qu’il avait reçues ; de l’autre on regarda sa présence à Paris comme une violation des lois de la discipline militaire, qui ne permettent pas à un général de quitter son armée sans ordre ; c’est même en s’appuyant sur ces lois, que les girondins demandèrent contre lui un décret d’accusation, qui fut rejeté par une forte majorité. Cependant l’armée prussienne, qu’il était chargé d’observer, s’avançait sur la Moselle : il porta son quartier-général à Sedan.

Les événemens du 10 août 1792 y furent bientôt connus ; Lafayette comprit toute la difficulté de sa position : avec des troupes fidèles, des autorités dévouées, il crut pouvoir conjurer l’orage. Il fit arrêter les commissaires envoyés par l’Assemblée nationale pour lui notifier sa destitution, assembla les troupes, et après une allocution énergique, leur demande s’ils veulent être les soldats de Pétion ou ceux du Roi de France : l’armée répond par des cris unanimes de vive le Roi. Tout semblait présager un mouvement qui, à ce moment, eût eu de la sympathie dans la troupe : mais on ignore par quels motifs Lafayette partit dans la nuit même, et se rendit aux avant-postes prussiens, où il fut arrêté, et conduit dans une forteresse où il passa quelques mois, puis la Prusse l’envoya à Vienne, et l’empereur d’Autriche le fit enfermer dans la citadelle d’Olmütz.

Ici se termine la première partie de la vie politique de Lafayette. Ce fut aux démarches assidues, aux sollicitations pressantes et aux qualités éminentes de Madame de Lafayette (née de Noailles) que le général obtint sa liberté, après quatre ans de détention.

Lafayette, absent de France, ne reparut que dans les premières années de la restauration. Nommé en 1823 à la Chambre des Députés par le département de la Sarthe, il suivit les mêmes principes que ceux qu’il avait manifestés à l’Assemblée constituante, et resta constamment dans les rangs de l’opposition libérale ; républicain par la conviction profonde que ce gouvernement seul était de tous le plus avantageux à la société, il aurait voulu le voir établi en France, mais comme en Amérique ; aussi était-ce toujours vers la république des États-Unis, qu’aux Chambres il ramenait toutes ses idées : d’ailleurs, dans un voyage qu’il y avait fait dans l’intervalle d’une session, il avait eu l’occasion de se confirmer l’excellence du gouvernement américain. Les fêtes dont il avait été l’objet n’avaient pu qu’ajouter à l’entraînement tout particulier qu’il avait pour ce genre d’institution sociale.

Depuis que les troubles civils étaient devenus plus fréquens, Lafayette parlait peu ; il avait vu s’éclaircir les rangs de ses amis ; sa voix, désormais presque isolée, n’avait plus d’écho, et il s’était voué au silence et à la retraite ; il a néanmoins rompu ce silence au mois d’août 1830, mais c’était pour immoler en un jour la conviction de toute sa vie.

Il est décédé à Paris le 20 mai 1834, et a été inhumé au cimetière de Picpus, à côté de son épouse.

La tombe qui le renferme est de la plus grande simplicité ; elle est recouverte horizontalement en marbre noir, et contient cette inscription :

m.-j.-p.-r.-y.-g.-d.
LAFAYETTE,
lieutenant-général, membre de la chambre des députés,
né a chavaniac, haute-loire,
le vi septembre m.dcclvii.
marié le xi avril m.dcclxxiv
A
M.-A.-F. DE NOAILLES,
décédé a paris le xx mai
m.dcccxxxiv.
requiescat in pace.