Les principaux monuments funéraires/Boode

SÉPULTURE
DE LA FAMILLE BOODE.




Cette famille, originaire de la Hollande, a pour chef actuel M. Édouard-Gustave Boode, né à Amsterdam, vers l’an 1790.

Fils d’un propriétaire de vastes plantations à Démérara, colonie hollandaise dans la Guiane, il devint, par la succession de son père et son mariage avec la fille d’un riche planteur de la même contrée, possesseur d’une grande fortune. Il forma dès-lors le projet de quitter le sol brûlant de l’Amérique méridionale pour venir fixer sa résidence en Europe. M. Boode, qui chérissait la France, lui donna la préférence ; il s’embarqua avec sa famille sous les plus heureux auspices ; le fougueux élément, qui semblait protéger ces intéressans voyageurs, resta calme ; ils arrivèrent à Paris en 1816, sans avoir éprouvé aucun de ces dangereux écueils inséparables d’une longue traversée.

A peine reposé des fatigues de ce voyage, M. Boode s’occupa de son établissement : il employa une partie de ses capitaux à l’acquisition d’une charmante propriété située sur les bords rians de la Seine, près de Corbeil. Ce fut dans ce lieu enchanté, où la nature déploie majestueusement toutes ses richesses, qu’il établit son domicile habituel. Jusqu’alors le destin avait constamment favorisé ses desseins : il goûtait, au milieu de sa famille et de ses amis, ce vrai bonheur, ces jouissances pures qui font le charme de la vie privée, lorsqu’une mort prématurée lui enleva, dans un court espace, une fille de quatre ans et un fils de cinq.

M. Boode fut inconsolable de la perte de ces deux aimables enfans. Dans sa profonde douleur, il érigea un vaste monument consacré à la sépulture de sa famille, où toutes les ressources de l’art furent prodiguées à grands frais, et dans lequel la dépouille mortelle des deux jeunes rejetons fut immédiatement inhumée. Heureux le père à qui ses facultés permettent d’embellir la dernière demeure des enfans que le trépas lui a ravis ! Ces tristes soins allègent en quelque sorte les chagrins domestiques dont l’opulence n’a pu l’exempter ; il considère le berceau qu’il leur a fait élever comme le tombeau d’une existence nouvelle, de cette vie réelle qui fait naître, dans une âme vivement affligée, l’espoir consolant d’être un jour réuni aux objets de ses plus chères affections

Un ami de la famille, M. Albert Montemont, homme de lettres distingué, auteur de divers ouvrages, notamment d’une Bibliothèque des voyages et d’une traduction nouvelle de Walter Scott, a composé, à l’occasion de la perte douloureuse de ces deux enfans, deux touchantes élégies, dont nous regrettons de ne pouvoir citer que des fragmens.

Sur la jeune fille, nommée Évelina. Sur le jeune fils, nommé Alfred.
Elle n’est plus, le Ciel nous l’a ravie ! Tendre fils, de ta mère espérance chérie,
Nous la pleurons ; mais regrets superflus ! A peine avait brillé l’aurore de tes jours ;
Elle a quitté le doux champ de la vie : Et déjà nous voyons ta paupière flétrie
Elle n’est plus ! Se fermer pour toujours !
Comme s’élève une jeune pensée, Ton cœur des doux plaisirs n’a point connu les charmes
Naissait la fleur de ses traits ingénus ; En essayant la vie, il te fallut souffrir ;
Comme un sourire elle s’est éclipsée : Tu ne vécus, hélas ! que pour verser des larmes,
Elle n’est plus ! Et te plaindre, et mourir !
Quatre printemps composaient tout son âge ; Cher enfant, moissonné si près de ta naissance,
Son sein couvait le germe des vertus ; Va, ne regrette point la lumière du jour ;
De l’innocence il reflétait l’image : Quel bien peut égaler la paix de l’innocence
Elle n’est plus ! Au céleste séjour ?
Son âme, au sein de la gloire céleste, Le sourire est trompeur, la gaîté passagère,
Goûte à longs traits le bonheur des élus ; L’amitié peu fidèle, et l’amour un tourment :
D’Évelina le seul tombeau nous reste : Le bonheur des humains, comme une ombre légère,
Elle n’est plus ! S’éclipse en un moment.

La sépulture de la famille Boode, dont la forme est circulaire, a été érigée en 1821. Deux architectes distingués, MM. Ferret et Santy, ont réuni leurs talens pour l’exécution de ce monument (l’un des plus remarquables du Père-Lachaise) ; c’est ce dernier qui en a dirigé la construction, laquelle a été confiée à M. Schwind. Les ornemens, qui sont incrustés à l’instar des mosaïques, sont de M. Plantar.