Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 79

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 157-164).
§ 79. Verbes ל״ה.
(Paradigme 11 : גָּלָה découvrir).

a Les verbes ל״ה sont ainsi appelés parce qu’ils sont actuellement écrits avec un ה final (quiescent) au parfait 3e p. sg. m. : גָּלָה ; en réalité ce sont des verbes à 3e radicale י. À côté des verbes ל״י il a existé autrefois en hébreu, comme en arabe, quelques verbes ל״ו ; mais ces verbes ont été absorbés par les ל״י comme les verbes פ״ו ont été, à certaines formes, supplantés par les פ״י (§ 75 a). Comme vestige des verbes ל״ו on trouve la forme שָׁ֫לַוְתִּי Job 3, 26 je suis tranquille (comp. שָׁלֵו tranquille, שַׁלְוָה tranquillité)[1]. Avec la contraction on aurait, par exemple, גָּל֫וֹתִי* (pour gålau̯ti)[2], forme qui a existé, car elle a donné naissance aux formes avec la voyelle de liaison ọ̄ des verbes ע״ע (§ 82 f) et ע״ו (§ 80 i), p. ex. סַבּ֫וֹתִי, הֲקִימ֫וֹתִי.

b La conjugaison des verbes ל״ה est en hébreu radicalement uniformisée[3]. En effet : 1) les anciens verbes ל״ו ont été absorbés par les ל״י, comme on vient de le dire ; 2) au qal, la distinction des verbes actifs et des verbes statifs n’apparaît plus ; 3) dans les conjugaisons dérivées, à tous les temps (sauf l’inf. abs.), la voyelle finale est celle du qal, à savoir : tous les parfaits sont en ◌ָה, les futurs en ◌ֶה, les impératifs en ◌ֵה, les inf. cst. en וֹת. Tous les participes (même passifs, sauf גָּלוּי) sont en ◌ֶה, comme גֹּלֶה.

c La 3e radicale actuelle י apparaît : 1) dans le participe passif גָּלוּי ; 2) dans certaines formes rares, surtout en pause, telles que les types גָּלָ֫יוּ pour l’usuel גָּלוּ, יִגְלָ֫יוּ pour l’usuel יִגְלוּ.

Le י est latent dans les formes telles que נִגְלֵ֫יתִי (ẹ̄ pour ai̯), תִּגְלֶ֫ינָה (ē̦ pour ai̯), גָּלִ֫יתִי (ī pour ii̯).

Le י tombe dans les formes syncopées, p. ex. גָּלוּ pour *galai̯u, יִגְלוּ pour *i̯iglai̯u ; et dans les formes apocopées, p. ex. יִ֫גֶל de יִגְלֶה (= *i̯iglai̯).

Le י est quiescent à la fin du mot dans p. ex. *galai̯ devenu gålå, et écrit גָּלָה.

Comparer dans la flexion nominale les formes en ē (avec י latent) שָׂדֶה, cst. שְׂדֵה ; שָׂדֵ֫הוּ, שָׂדֶ֫הָ (§ 96 B f), et les formes syncopées, par exemple שָׂדִי, שָֽׂדְךָ (et rapprocher les formes verbales avec suffixe ךָ : גָּֽלְךָ, יִגְלְךָ).

d Conjugaison qal.

Parfait. Certaines formes proviennent des verbes actifs, les autres des verbes statifs.

1) Formes provenant des verbes actifs : 3e sg. m. גָּלָה pour *galai̯[4] ; le י est quiescent, comme א dans מָצָא (comp. ar. rama(i̯) رَمَى jeter, prononcé ramā).

La 3e f. est formée directement de la 3e m. : *gala + t > גָּלָת, forme rare[5]. Généralement on ajoute un second élément féminin ◌ָה d’où גָּלָ֑תָה, qui est la forme pausale, d’où la forme contextuelle גָּֽלְתָה (comp. קָטָ֑לָה, קָֽטְלָה).

La forme rare 3e pluriel גָּלָ֫יוּ.

2) Formes provenant des verbes statifs : toutes les formes en גָּלִית, par exemple גָּלִ֫יתָ (comp. ar. raḍīta رَضِيتَ du statif raḍii̯a رَضِيَ être content).

Remarque. À la 3e pl. גָּלוּ, la forme syncopée ne permet pas de reconnaître la voyelle primitive (a, i).

e Futur. La forme יִגְלֶה vient probablement de i̯iglai̯ : c’est donc originairement une forme de verbe statif. La preuve se trouve dans les formes rares telles que יִגְלָ֫יוּ.

Remarques. 1) Dans les formes syncopées יִגְלוּ, תִּגְלִי, on ne peut pas reconnaître la voyelle primitive.

2) Le ◌ֶה, provenant de ai̯ est originairement long ; mais il semble avoir été traité comme voyelle moyenne, car il devient bref dans le cas du dagesh euphonique, p. ex. נַכֶּה־בּוֹ § 18 i.

3) Sur la voyelle de la préformante dans les verbes ל״ה à 1re gutturale, cf. § 68 b.

4) Au jussif et au futur inverti on a assez souvent la forme de l’indicatif (§ m), mais ordinairement la forme apocopée (§ i).

f Impératif. Au lieu de ouvert du futur, on a fermé : גְּלֵה[6].

Inf. absolu : גָּלֹה, à l’analogie de קָטוֹל (cf. § p).

L’inf. cst. est גְּלוֹת, forme dont l’origine n’est pas claire. Peut-être la langue, considérant l’inf. abs. comme une sorte de nom à l’état abs., et l’inf. cst. comme une sorte de nom à l’état cst. (§ 49 a), aura-t-elle associé גְּלוֹת à גָּלֹה, comme, p. ex. שְׁנַת à שָׁנָה (cf. § p).

Partic. actif. גֹּלֶה[7], cst. גֹּלֵה, f. גֹּלָה  ; pl. גֹּלִים, f. גֹּלוֹת (cf. § p).

Partic. passif : גָּלוּי, avec י prononcé (§ c) ; cf. § p.

g Conjugaisons dérivées. D’une façon générale, comme il a été dit (§ b), dans les conjugaisons dérivées, à tous les temps (sauf à l’inf. abs.) la voyelle finale est celle du qal. Ainsi le partic. nifal est נִגְלֶה (fém. נִגְלָה) ; comp. גֹּלֶה (fém. גֹּלָה, cf. § p).

h Alternance des voyelles ẹ̄, ī dans les conjugaisons dérivées[8].

Il faut distinguer les conjugaisons actives : piel, hifil, hitpael ; et les conjug. passives : pual, hofal. Le nifal est traité comme les conjug. passives.

Dans les conjug. passives on a partout ẹ̄. (Au nifal, une exception וְנִקִּ֫יתָ Gn 24, 8 ; de plus, à la 1re pl. on trouve seulement ī : נִגְלִ֫ינוּ 1 S 14, 8 ; נִפְלִ֫ינוּ Ex 33, 16).

Dans les conjug. actives on peut toujours avoir ī ; en fait on a ī plus souvent que ẹ̄. On a ī : 1) toujours devant suffixes ; 2) touj. à la 1re pl. ◌ִ֫ינוּ ; 3) touj. à la 2e sg. piel גִּלִּ֫יתָ, גִּלִּית ; 4) presque touj. à la 2e pl. ◌ִיתֶם.

Aux hifil et hitpael, et à la 1re p. sg. piel la variation est très grande. On peut faire les remarques suivantes : 1) aux 1res p. sg. ẹ̄ est très fréquent ; ainsi au piel la forme ordinaire est גִּלֵּ֫יתִי. Exceptions notables : צִוִּ֫יתִי (30 f. ; ẹ̄f.) ; קִ֫וִּיתִי (6 f. ; ẹ̄f.) ; 2) aux 2es sg. ī est très fréquent (au piel il est constant, comme on l’a dit).

D’après tout ceci la flexion du piel est : 2e sg. גִּלִּ֫יתָ, גִּלִּית ; 1re sg. גִּלֵּ֫יתִי (forme ord.) ; 2e pl. גִּלִּיתֶם ; 1re pl. גִּלִּ֫ינוּ.

i Formes apocopées. Au jussif et au futur inverti ainsi qu’à l’impératif on a souvent des formes apocopées :

Futur : Qal. La forme de l’indicatif יִגְלֶה, par le retranchement de ◌ֶה devient d’abord יִגְלְ (forme rare), puis יֵ֫גְלְ (forme assez rare). Ordinairement on a des formes segolisées : le plus souvent on a יִ֫גֶל[9], parfois יֵ֫גֶל. Exemples : וַיִּשְׁבְּ ; וַיֵּשְׁתְּ, וַיֵּבְךְּ, וַיֵּרְדְּ ; יִ֫רֶב, וַיִּ֫בֶן ; וַיִּ֫גֶל, וַיִּ֫בֶז, וַיִּ֫מַח (avec 3e gutt.), וַיִּ֫שַׁע. La forme יֵ֫גֶל est très rare à la 2e m. (par exemple יֵ֫רֶא), mais à côté de וַיִּ֫פֶן on a וַתֵּ֫פֶן, וַנֵּ֫פֶן, וָאֵ֫פֶן ; à côté de יִ֫רֶב, וַיִּ֫רֶב on a וַתֵּ֫רֶב ; à côté de יִ֫כֶל on a וַתֵּ֫כֶל ; avec 2e gutt. תֵּ֫תַע[10].

Avec une 1re gutturale on a ordinairement ◌ַ֫◌ַ : p. ex. וַיַּ֫עַשׂ, וַיַּ֫עַל, וַיַּ֫עַן, וַתַּ֫הַר, formes semblables à des hifil ; mais l’i se maintient dans יִ֫חַר, וַיִּ֫חַן, יִחַדְּ (comp. le תּ de שָׁלַ֫חַתְּ § 70 f).

Dans les verbes ל״ה en même temps פ״ן on a וַיִּז ; וַיֵּט.

Le verbe רָאָה a les formes apocopées יֵ֫רֶא, וַתֵּ֫רֶא, וָאֵ֫רֶא, mais וַיַּרְא (aussi hifil, 2 R 11, 4 † et il fit voir = et il montra).

Hifil. La forme de l’indicatif יַגְלֶה par le retranchement de ◌ֶה, devient יַגְלְ qui parfois est segolisé en יֶ֫גֶל (comme *malk en מֶ֫לֶךְ). Exemples : יַרְדְּ, וַיַּשְׁקְ, וַיַּרְא 2 R 11, 4 † (aussi qal), וַיַּט (de נָטָה) ; וַיֶּ֫גֶל, וַיֶּ֫פֶר, וַתֶּ֫מֶר ; avec 1re gutturale וַיַּ֫עַל (aussi qal).

Nifal. La forme de l’indicatif יִגָּלֶה, par le retranchement de ◌ֶה, devient יִגָּל, par exemple תִּגָּל Is 47, 3.

Piel. De même יְגַלֶּה devient יְגַל, p. ex. וַיְצַו.

j Impératif : Hifil. La forme הַגְלֵה, par le retranchement de ◌ֵה, devient *hagl, forme qui est toujours segolisée en הֶ֫גֶל, par exemple הֶ֫רֶף, הֶ֫רֶב ; avec 1re gutt. הַ֫עַל. Dans les verbes ל״ה en même temps פ״ן on a הַךְ, הַט.

Piel. La forme גַּלֵּה, par le retranchement du ◌ֵה, devient גַּל, p. ex. גַּל, צַו. De même au hitpael, on a הִתְחָ֑ל 2 S 13, 5.

k Formes devant suffixes (Paradigme 12) :

Parfait. On a גָּלַ֫נִי (comme קְטָלַ֫נִי) mais גָּלָ֑נִי en pause, même petite ; גָּֽלְךָ forme syncopée comme שָֽׂדְךָ, en pause גָּלֶ֑ךָ et גָּלָ֑ךְ.

Futur : יִגְלֵ֫נִי vient de i̯igle + (cet e a passé comme voyelle de liaison dans tous les autres verbes, § 61 d) ; יִגְלְךָ forme syncopée, en pause יִגְלֶ֑ךָ.

Dans les formes avec le נ énergique on a p. ex. יִלְוֶ֫נּוּ, יִרְאֶ֫נָּה, אֶרְאֶ֫ךָּ avec ◌ֶ, d’après יִלְוֶה etc. (cf. § 61 f).

Au futur et à l’impér. on trouve, très rart, la graphie abusive ◌ֵי, p. ex. הַכֵּ֫ינִי frappe-moi 1 R 20, 35, 37.

Participe. Exemples : מַפְרְךָ qui te fait fructifier Gn 48, 4 ; עֹשָׂהּ la faisant Jér 33, 2 ; מְפַתֶּ֔יהָ (avec י abusif) la séduisant Os 2, 16. (Comparer les formes nominales en ◌ֶה avec suffixes § 96 B f).

l Remarques générales.

Bien que la conjugaison des verbes ל״ה tende à envahir celle des ל״א (§ 78 g), on trouve, par contre, certaines formes de ל״ה traitées comme les ל״א, soit graphiquement, soit phonétiquement. Formes écrites avec א : וַיֶּֽחֱלֶא 2 Ch 16, 12 ; נִקְרֹא (suivi de נִקְרֵ֫יתִי) 2 S 1, 6. Formes avec la vocalisation des ל״א : אָתָ֫נוּ Jér 3, 22 ; תִּכְלָה 1 R 17, 14 (p.-ê. pour assonance avec תֶּחְסָ֑ר). Formes entièrement semblables aux ל״א : לִירוֹא 2 Ch 26, 15 ; יַפְרִיא Os 13, 15.

m Formes non apocopées au futur inverti et au jussif. Le phénomène est si fréquent, surtout à la 1re p. sg.,[11] qu’il ne peut guère être considéré, comme fautif.

Parfois la forme longue semble avoir été préférée devant une gutturale[12], ou avec un accent disjonctif. On a 4 fois וַיַּֽעֲשֶׂה 1 R 16, 25 ; 2 R 3, 2 ; 13, 11 ; Éz 18, 19 (partout devant gutt.). On a 2 f. וַיַּֽעֲלֶה 1 R 16, 17 ; 18, 42 (partout dev. gutt.). On a 3 f. וַיִּבְנֶה Jos 19, 50 ; 1 R 18, 32 ; 1 Ch 26, 6 (partout dev. gutt.). On a 3 fois וַתַּֽעֲלֶה 1 R 22, 35 ; Jér 44, 21 (dev. gutt.) ; 1 R 10, 29 avec accent disjonctif. Jussif : תֵּֽרָאֶה Gn 1, 9 (dev. gutt.) ; יַֽעֲשֶׂה Jér 28, 6 (dev. gutt.) ; יַֽעֲשֶׂ֣ה פַרְעֹה Gn 41, 34. Les formes longues sont particulièrement fréquentes dans les livres des Rois.

n Formes anormales avec ◌ֵה pour ◌ֶה. On trouve un certain nombre d’exemples[13] où l’on a la voyelle ◌ֵ, comme en araméen et p.-ê., en partie, sous l’influence de l’araméen, p. ex. מַה־תַּֽעֲשֵׂה Jos 7, 9 ; אַל־תַּֽעֲשֵׂה 2 S 13, 12 ; Jér 40, 16 (qeré) ; וַנַּעֲשֵׂה Jos 9, 24. Dans un groupe de textes du Lévitique on a תְּגַלֵּ֑ה à la pause : 18, 7 a (7 b תְּגַלֶּה) ; vv. 12, 13, 14, 15 a (15 b תְּגַלֶּה), 16, 17 ; 20, 19.

o Le ◌ָה du cohortatif est inusité dans les verbes ל״ה ; on emploie la forme de l’indicatif, p. ex. אָסֻֽרָה־נָּא וְאֶרְאֶה je veux m’avancer et voir Ex 3, 3 ; Gn 1, 26 ; Dt 32, 20 ; 2 R 14, 8. On trouve seulement 3 cohortatifs en ◌ָה, probablement pour une recherche d’assonance : Ps 77, 4 ; 119, 117 ; Is 41, 23.

Pour la place du ton dans le parfait inverti cf. § 43 b.

p Remarques particulières sur diverses formes.

Qal : À l’inf. abs., au lieu de גָּלֹה on a parfois la graphie גָּלוֹ. On trouve, très rart, la forme גָּלוֹת (Is 22, 13 ; 42, 20 ; Hab 3, 13).

À l’inf. cst., au lieu de גְּלוֹת on a parfois גְּלֹה ou גְּלוֹ.

Au partic. actif גֹּלֶה, à côté du fém. syncopé גֹּלָה on a quelquefois en poésie, גֹּֽלִיָּה, p. ex. פֹּֽרִיָּה (toujours, 4 f.) ; בֹּֽכִיָּה Lam 1, 16 ; אֹֽתִיּוֹת Is 41, 23.

Le partic. passif גָּלוּי a la flexion régulière גְּלוּיָה, גְּלוּיִם, גְּלוּיוֹת.

On a, rart, la 3e rad. pour , p. ex. עָשׂוּ Job 41, 25 (pour ʿåśūu̯), עֲשׂוּוֺת (ketīb) 1 S 25, 18.

q Hifil : Parfait. À côté de la forme הִגְלָה on a assez souvent הֶגְלָה (cf. § 54 c) ; ainsi à côté de הִשְׁקָה, הִקְשָׁה, הִפְנָה on a הֶרְאָה, הֶגְלָה. On a ◌ֶ surtout quand la 2e voy. est ◌ָ (suite vocalique - § 29 f), p. ex. toujours הֶגְלָה (excepté 2 R 24, 14 וְהִגְלָה) mais הִגְלִ֫יתָ etc. ; toujours הֶרְאָה, mais הִרְאִ֫יתָ etc. ; on a הֶרְאָ֑נִי mais הִרְאַ֫נִי ; הֶרְאָ֫נוּ, הֶרְאָם.

Inf. abs. La forme ordinaire est הַגְלֵה (comp. הַקְטֵל). Exception : dans le verbe רָבָה ê. nombreux, beaucoup, l’inf. abs. est הַרְבָּה (3 f.), parce que la forme הַרְבֵּה s’est spécialisée au sens adverbial beaucoup (proprt en faisant beaucoup) (§ 102 e)[14].

Sur la forme hiṯpaʿlel de la racine שׁחה cf. § t.

r Comparaison avec les formes nominales (cf. § c).

Formes ל״ו dans lesquelles le ו apparaît : שַׁלְוָה tranquillité, שָׁלֵו tranquille (comp. שָׁלַ֫וְתִּי § a) ; עֶרְוָה nudité (plus fréquent que עֶרְיָה) ; עָנָו humble, עֲנָוָה humilité ; כְּסוּת couverture, § 88 M j.

Formes ל״י dans lesquelles le י apparaît : אֲרִי et אַרְיֵה lion ; שְׁבִי et שִׁבְיָה captivité ; בְּלִי néant (négation) ; חִזָּיוֹן, cst. חֶזְיוֹן vision, de *ḥaz[a]i̯ān (forme qatalān, avec ou sans syncope du 2d a : cf. § 88 M b) ; בְּכִית deuil, § 88 M i.

Formes dans lesquelles le י est latent : שָׂדֶה champ, pour שָׂדַי (poét.) ; קָצֶה extrémité (à côté de קֵץ fin de rac. קצץ).

Formes dans lesquelles le י est tombé : Formes syncopées : קָצָה extrémité ; תּוֹרָה loi de tau̯rai̯at (rac. u̯ri̯, cf. aram. אוֹרָיְתָא) ; חָזוֹן vision § 88 M b ; עָוֺן iniquité. Formes apocopées : רֵעַ compagnon (à côté de רֵעֶה) ; מַ֫עַל en haut (à côté de מַֽעֲלֶה montée) ; לְמַ֫עַן à cause de (à côté de מַֽעֲנֶה intention etc.) ; יַ֫עַן parce que ; בַּל négation poét., לְבִלְתִּי négation de l’inf. cst., § 93 q.

s Verbes irréguliers הָיָה être et חָיָה vivre.

Ces deux verbes de forme analogue, à la fois verbes à 1re gutturale, ע״י et ל״ה, sont traités à peu près de la même manière.

Ils présentent de nombreuses particularités :

  1. 1) La gutturale n’influe presque jamais sur la voy. de la préformante, p. ex. יִֽהְיֶה, יִֽחְיֶה (opp. יֶהְגֶּה, יֶחְסֶה § 68 b) ; נִֽהְיָה ; mais הֶֽחֱיָה (comp. הֶגְלָה § q).
  2. 2) Le י de ces deux ע״י est consonantique (cf. § 81 a N) ; il n’est quiescent que dans les formes apocopées יְהִי, יְחִי.
  3. 3) Les formes apocopées יְהִי, יְחִי deviennent en pause יֶ֑הִי, יֶ֑חִי (comp. בְּכִי, בֶּ֑כִי pleurs).
  4. 4) Au lieu de ◌ֲ on a génért ◌ֱ, probablt sous l’influence du י qui suit, p. ex. הֱיֵה, הֱיִיתֶם, הֱיוֹת.
  5. 5) Les particules préfixées ont la voyelle ◌ִ probt sous l’influence du י ; la gutturale a le shewa quiescent ; p. ex. לִֽהְיוֹת, בִּֽהְיוֹת § 103 b, et (d’après ces formes) מִֽהְיוֹת § 103 d, וִֽהְיִיתֶם, וִֽהְיוּ § 104 c. Exception : on a : וֶֽהְיֵה, וֶֽחְיֵה avec ◌ֶ probt sous l’influence de ◌ֵ.

Remarque. Au parfait qal du verbe vivre, on trouve rarement (7 f.) la forme חָיָה ; la forme ordinaire (24 f.) est חַי, de la racine géminée ḥai̯ai̯ (comp. le parfait statif תַּם)[15].

Sur le meteg de יִֽהְיֶה, וַֽיְהִי etc. cf. § 14 c 4.

t Verbe שׁחה : forme hiṯpaʿlel הִשְׁתַּֽחֲוָה se courber, se prosterner, adorer.

La racine est primitivement שׁחו, donc ל״ו (cf. § a). La conjugaison est hiṯpaʿlel (§ 59 b) avec répétition de la 3e radicale. La forme exprime l’action intensive réfléchie se courber, se prosterner.

Au parfait la forme primitive est hištaḥu̯au̯. La finale est devenue ai̯, d’où ◌ָה, comme *galau̯ est devenu *galai̯ > גָּלָה. Le futur *i̯ištaḥu̯au̯ est devenu *i̯ištaḥu̯ai̯ > יִשְׁתַּֽחֲוֶה (3e pl. יִשְׁתַּֽחֲווּ) La forme apocopée est *i̯ištáḥu̯ ; puis le consonne devient la voyelle (brève § 28 e) u : וַיִּשְׁתַּ֫חוּ.

Remarque. Dans 2 R 5, 18 הִשְׁתַּֽחֲוָיָתִי l’inf. a été vocalisé à l’araméenne (fautivement, du reste, car avec les suffixes on emploie l’inf. en ūt, cf. Strack, Gramm. d. Biblisch-Aram.5, § 8 n ; Dalman, Gramm. d. Jüdisch-Palästinischen Aram.2, 279). Un scribe, ayant écrit par mégarde וי, ce groupe fut vocalisé mécaniquement à l’araméenne. Il faut lire (à la 3e p.) הִשְׁתַּֽחֲווֹתוֹ[16].

  1. Dans la stèle de Mēšaʿ, l. 5 on trouve le futur יענו il opprimera, d’une rac. ענו (= עָנָה), d’où עָנָו humble, עֲנָוָה humilité. Au contraire, la racine עָנָה répondre est originairement עני.
  2. Le verbe גָּלָה lui-même découvrir, révéler, aller en exil est probt un ל״ו primitif : comp. ar. galā جَلَا, f. i̯aglū يَجلُو révéler.
  3. En arabe l’uniformisation n’est pas grande ; en araméen elle est médiocre.
  4. On attendrait en hébreu *gålē ; l’a est p.-ê. dû à l’analogie des autres parfaits actifs קָטַל etc. Comp. le substantif masc. מוֹרָה rasoir de mọ̄rai̯ § 89 b.
  5. Cette forme en ת s’impose devant les suffixes.
  6. En finale semble moins long que . Comp., en français : « j’ai » = jẹ moins long que « j’aie » = jē̦ ; « serai » = serẹ moins long que « serais » = serē̦.
  7. De gālii̯ (= qātil) selon Barth (Nominalbildung, p. XXXI) et d’autres. D’après une autre explication, de gālai̯.
  8. Cf. Driver, Notes on the hebrew text of Samuel2, p. 183 (in 1 S 23, 2).
  9. Opposer la forme nominale סֵ֫פֶר de *sifr § 96 A b. Dans יִ֫גֶל l’i s’est maintenu probt sous l’influence du י. — Opposer les formes de פ״י (avec ī long) וַיִּ֫יקֶץ § 76 d, וַיִּ֫יצֶר § 77 b.
  10. Remarquer l’asymétrie des formes d’un même temps.
  11. À la 1re p. sg. il y a grande variation, p. ex. וָֽאֶרְאֶה 20 f., וָאֵ֫רֶא 15 f. ; וָאֶֽהְיֶהf., וָֽאֱהִי 12 f. ; וָֽאֶעֱשֶׂהf., וָאַ֫עַשׂf. ; וָֽאֲצַוֶּהf., וָֽאֲצַוf.
  12. Comparer le phénomène du hiatus § 33, et comp. § 78 i.
  13. Dans plusieurs cas les éditions varient.
  14. On a parfois la forme de l’inf. cst. הַגְלוֹת comme inf. abs., § 123 q.
  15. En syriaque plusieurs formes du verbe ei̯å ܚܝܳܐ proviennent d’une racine géminée, p. ex. fut. neḥḥe ܢܶܚܶܐ, ʾafel ʾaḥḥī ܐܰܚܺܝ.
  16. Autre infinitif araméen § 80 n.