Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Particules/Paragraphe 104

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 283-285).
§ 104. Conjonction.

a Les conjonctions simples sont peu nombreuses. Les principales sont :

Coordinatives : וְ et (pour la vocalisation cf. § c ; s’emploie aussi avec une valeur subordinative, comme on le verra dans la syntaxe des temps, § 116) ; אַף aussi, גַּם aussi ; אוֹ ou.

Subordinatives : אֲשֶׁר et שֶׁ, conjonctions relatives à sens général que, avant de devenir pronoms relatifs §§ 38, 145 ; כִּי que et sens variés : lorsque, si, parce que, mais ; פֶּן de peur que ; אִם si, לוּ si (irréel), לוּלֵי et לוּלֵא si… ne… pas, nisi § 29 h.

b Par contre, les conjonctions subordinatives composées avec אֲשֶׁר et כִּי sont assez nombreuses, p. ex. יַ֫עַן אֲשֶׁר (32 f.) parce que (aussi יַ֫עַן seul, 23 f.) ; לְמַ֫עַן אֲשֶׁר afin que (fréquent, ainsi que לְמַ֫עַן seul) ; כַּֽאֲשֶׁר comme, de même que, lorsque, parce que ; אַֽחֲרַי אֲשֶׁר après que plus fréquent que אַחַר אֲשֶׁר (très rarement אַֽחֲרֵי seul) ; עַד אֲשֶׁר jusqu’à ce que et avant que (aussi עַד seul) ; עֵ֫קֶב אֲשֶׁר, עֵ֫קֶב כִּי (aussi עֵ֫קֶב seul) en conséquence (récompense) de ce que, parce que (cf. § 129 p-q).

On voit qu’une préposition, p. ex. עַד, ou une locution prépositive, p. ex. לְמַ֫עַן, peut devenir conjonction. L’adverbe טֶ֫רֶם pas encore, s’emploie aussi (rarement) comme conjonction avant que ; mais on a souvent בְּטֶ֫רֶם avant que.

c Vocalisation de וְ. La vocalisation de la conjonction וְ est en grande partie semblable à celle des prépositions בְּ, כְּ, לְ (§§ 103 b-c où les cas semblables avec ו sont signalés) ; mais le ו, consonne vocalique labiale, a des particularités. La forme primitive est u̯a. Il y a une vocalisation faible (à savoir le shewa ou ses suppléants) et une vocalisation spéciale à certains cas, qui est forte (à savoir ◌ָֽ) . Il y a de plus, dans le cas unique du futur inverti wai̯i̯iqtọl, une prononciation très forte (voyelle a avec redoublement ou exigence de redoublement) dont il a été parlé au § 47[1].

I. Vocalisation faible. Ordinairement, et sauf les cas spéciaux énumérés ci-dessous, le ו a un simple shewa, p. ex. וְאִישׁ Gn 19, 31 ; וְלֹא (toujours sauf 2 fois § d N) ; avec les formes verbales : וְקָטַ֫לְתִּי et j’ai tué, וְקָֽטַלְתִּ֫י et je tuerai, וְיָקוּם et il se lèvera, וְיָקֹם et qu’il se lève, afin qu’il se lève, וְאָק֫וּמָה et je veux me lever, afin que je me lève, וְקוּם et lève-toi. — Devant le groupe יְ, le ו prend la voyelle i et le י devient quiescent, p. ex. avec l’état cst. pl. יְמֵי on a וִימֵי, avec le jussif יְהִי on a וִיהִי § 79 s. — Devant un ḥaṭef (shewa coloré) on a la voyelle brève de la couleur du ḥaṭef, p. ex. וַֽעֲבָדִים : וַֽחֲלִי et un anneau, וָֽחֳלִי et une maladie, וֶֽאֱכֹל et mange, וֶֽאֱמֹר et dis (opp. לֵאמֹר § 103 b)[2]. Mais avec אֱלֹהִים on dit וֵֽאלֹהִים (comme בֵּֽאלֹהִים etc. § 103 b). Avec אָדוֹן le traitement de וְ est semblable à celui de בְּ, כְּ, לְ § 103 b. Pour le וְ devant les formes des verbes הָיָה et חָיָה cf. § 79 s, p. ex. הֱיִיתֶם, וִֽהְיִיתֶם. — Devant une consonne suivie de shewa (sauf י) e devient u, p. ex. וּדְבַר et la parole de…[3]. — Devant les consonnes labiales (ב, ו[4], מ, פ ; mot mnémonique בּוּמַף) e devient u par labialisation du shewa au contact de la labiale, p. ex. *emé̦le̦ḵ > *umé̦le̦ḵ > וּמֶ֫לֶךְ.

d II. Vocalisation forte, à savoir ◌ָֽ. Cet a, qui est la voyelle primitive, ne fait pas pression sur la consonne suivante, et par conséquent il n’y pas de redoublement (opposer l’a de l’article *ha, du pronom *ma et de la forme וַיִּקְטֹל). La vocalisation forte s’emploie devant les mots monosyllabes ou dissyllabes mileʿel quand ils ont un ton spécialement fort, à savoir en pause (grande, et parfois petite), quelquefois en prépause. Exemples : וָמֵ֖ת Ex 21, 12 (à la fin de la protase ; ici l’accent ṭifḥa est disjonctif majeur). Mais si le ton est faible on a la vocalisation faible, p. ex. v. 20 וּמֵ֖ת (au milieu de la protase ; ici l’accent ṭifḥa est disjonctif mineur comme à l’ordinaire). Exemple avec un dissyllabe mileʿel : וָמָ֑תְנוּ 2 R 7, 4 (dans le même verset on a même וָמַ֣תְנוּ שָׁ֔ם en prépause mineure (zaqef), mais à la fin d’une apodose)[5]. La vocalisation forte est particulièrement fréquente quand deux mots analogues sont étroitement associés et forment groupe, p. ex. תֹ֫הוּ וָבֹ֔הוּ Gn 1, 2 ; toujours לֶ֫חֶם וָמַ֫יִם et לֶ֫חֶם וָמָ֑יִם ; יוֹם וָלַ֫יְלָה Gn 8, 22 ; זָהָב וָכֶ֫סֶף Ex 25, 3 ; כֹּה וָכֹ֔ה Ex 2, 12 ; אִישׁ־וָ֑אִישׁ Esth 1, 8, mais אִישׁ וְ֭אִישׁ Ps 87, 5 en petite pause ; dans une série de trois mots : פַּ֫חַד וָפַ֫חַת וָפָ֑ח Is 24, 17 (prépause et pause) ; Éz 2, 10 ; dans une série de quatre mots : צָפֹ֫נָה וָנֶ֖גְבָּה וָקֵ֥דְמָה וָיָ֑מָּה Gn 13, 14 (ici probablement pour raison d’emphase). Dans Gn 8, 22 les ו sont répartis en groupes de וְ terminés par un וָ.

On voit que la vocalisation forte de וְ, comme celle de בְּ, כְּ, לְ § 103 c, est d’ordre rythmique. On remarquera que devant les démonstratifs ו a la vocalisation faible (וְזֶה, וְזֹאת, וְאֵ֫לֶּה) tandis que les trois prépositions ont la vocalisation forte. On remarquera aussi qu’avec un mot comme קוּם on a וְקוּם et lève-toi, tandis qu’on a לָקוּם.

  1. Comparer la vocalisation du type בַּמֶּה § 37 d.
  2. Dans Job 4, 2 וַעְצֹר il y a suppression secondaire du ḥaṭef § 22 d.
  3. Pour le cas spécial du type וּֽזֲהַב (au lieu de וּזְהַב*) cf. § 9 d.
  4. En fait, pas d’exemple avec ו, qui est du reste extrêmement rare comme initiale (cf. § 26 f).
  5. On a toujours וְיֵשׁ, sauf une fois וָיֵשׁ 2 R 10, 15 formant protase : « s’il l’est ». On a toujours וְלֹא sauf deux fois וָלֹא 2 S 13, 26 ; 2 R 5, 17 formant protase « puisque c’est non » (§ 167 o).