Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Article et pronom/Paragraphe 37

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 87-89).
§ 37. Pronom interrogatif.

a Pour les personnes, aux deux genres et aux deux nombres : מִי quis ? מִי s’emploie comme sujet מִי בָא quis venit ?, comme prédicat מִי הָאִישׁ quis (est) hic vir ?, comme accusatif אֶת־מִי quem ?, comme génitif בַּת־מִי cujusnam filia ?, avec une préposition לְמִי cui ? מִמִּי ex quo ?

b Pour les choses on emploie מה (avec diverses vocalisations), également comme sujet, prédicat, accusatif, génitif, avec une préposition.

La forme primitive est mā̆ avec voyelle anceps (comp. zā̆ § 36 a ; en arabe on a la forme longue dans مَا, et la forme brève ma dans líma لِمَ). En hébreu la forme longue est devenue מוֹ, qui se trouve dans la forme poétique כְּמוֹ comme et dans les formes de כְּ avec suffixes, p. ex. כָּמ֫וֹנִי, § 103 g. La forme brève ma est devenue en hébreu מָה, מֶה, מַה־ :

  1. מָה tonique est moyen ; מָה atone est moyen avant le ton, mais probablement bref après le ton (cf. § 28 e).
  2. מֶה tonique est moyen (mais il est censé un peu plus bref que מָה, de sorte que מֶה est intermédiaire entre מָה et מַה) ; מֶה atone est bref.
  3. מַה־ (toujours atone) est bref.

En comparaison avec la vocalisation de l’article (et celle de la particule interrogative הֲ) la vocalisation de מה est assez compliquée. C’est que מה est non seulement proclitique (comme l’article), mais encore enclitique (ou ex-enclitique), et même indépendant (non clitique). Il y a donc trois cas à considérer, selon le triple rôle de מה : I proclitique, II enclitique, III indépendant.

c I. מה proclitique (généralement avec maqqef, parfois avec accent conjonctif). La vocalisation normale est מַה ּ à savoir bref avec redoublement de la consonne suivante. Cette voyelle fait pression comme la voyelle de l’article (§ 35 b) et celle du וַ dans le futur inverti וַיִּקְטֹל (§ 47 a), p. ex. מַה־יָּפִית « que tu es belle ! » Ct 7, 7 ; מַה־זֹּאת ; מַה־זֶּה (1 f. מַזֶּה Ex 4, 2 ketīb) ; מַה־לָּכֶם (1 f. מַלָּכֶם Is 3, 15 ketīb).

Devant une gutturale la vocalisation est assez semblable à celle de l’article (§ 35 d) :

  1. ח a toujours le redoublement virtuel, p. ex. מַ֣ה חַטָּאתִי quid (est) peccatum meum ? Gn 31, 36.
  2. ה a généralement le redoublement virtuel, p. ex. מַה־הוּא (comp. הַהוּא). Exception remarquable : le ה de l’article n’a pas le redoublement virtuel (une seule exception Eccl 2, 12 מֶ֣ה הָֽאָדָם), p. ex. מָֽה־הַמַּֽעֲשֶׂה quelle est l’action ? Gn 44, 15.
  3. Autres exceptions : p. ex. מָה־הֵ֫מָּה, מָה־הֵם (comp. הָהֵ֫מָּה, הָהֵם).
  4. ע généralement n’a pas le redoublement virtuel, par exemple מָ֥ה עִמָּדִי quid mecum ? Gn 31, 32.
  5. Exception remarquable : עָ a le redoublement virtuel, par exemple מֶ֤ה עָשִׂ֫יתִי quid feci ?
  6. Après מה le א n’a jamais le redoublement virtuel, ni, bien entendu, ר (de même après l’article).

Remarque. Dans le cas de redoublement virtuel, si la gutturale a qameṣ, le ◌ַ devient ◌ֶ (cf. loi d’harmonisation vocalique § 29 f), p. ex. מֶ֣ה חָטָ֫אתִי quid peccavi ? 1 R 18, 9 ; מֶ֥ה חֳרִי quid ardor ? Dt 29, 23.

De plus, on a parfois מֶה même quand la voyelle qui suit la gutturale n’est pas qameṣ.

d II. מה enclitique (ou ex-enclitique) se trouve après une préposition (surtout בְּ, כְּ). מה est enclitique quand il est privé du ton, ex-enclitique quand il a repris le ton.

En général on a la forme moyenne מֶה en contexte : בַּמֶּה[1], כַּמֶּה, יַ֫עַן מֶ֗ה (avec accent rebīʿ Agg 1, 9). On a מָה devant gutturale ou en grande pause, p. ex. בַּמָּ֑ה 1 R 22, 21 ; בַּמָּ֥ה אֵדַע par quoi saurai-je ? Gn 15, 8.

Avec ל on a : 1) לָ֫מֶה, trois fois seulement (1 S 1, 8). Cette forme isolée, mais bien attestée et qui répond à la forme de l’arabe líma, semble être la forme première (avec accent mileʿel), dans laquelle מה reste enclitique[2].

2) généralement לָ֫מָּה ; mais devant gutturale א, ה, ע on a לָמָ֫ה (§ 33) p. ex. לָמָ֫ה אַתֶּם 2 S 19, 11 ; לָמָ֫ה יְהֹוָה Jug 21, 3.

e III. מה indépendant (assez rare) :

  1. 1) avant un mot, d’ordinaire avec accent disjonctif, on a généralement la forme moyenne מֶה, p. ex. מֶ֛ה קוֹל 1 S 4, 14 (accent tebīr).
  2. 2) après un mot, en fait toujours en pause, on a מָה, p. ex. וְנַ֫חְנוּ מָ֔ה et nos quid (sumus) ? Ex 16, 7.

f En résumé, on a :

מָה 1) comme proclitique devant gutturale sans redoublement virtuel ;

2) après une préposition devant gutturale ou en grande pause ; et dans לָ֫מָּה, לָמָ֫ה ;

3) indépendant, après un mot (assez rare).

מֶה 1) comme proclitique devant gutturale avec redoublement virtuel suivie de qameṣ ;

2) après une préposition, d’une façon normale ;

3) indépendant devant un mot (assez rare).

מַה־ comme proclitique devant une consonne non gutturale, et devant une gutturale avec redoublement virtuel (non suivie de qameṣ).

  1. Opposer la vocalisation de p. ex. בָּזֶה § 103 c.
  2. Cf. Biblica 1 (1920) p. 363.