Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Particules/Paragraphe 103

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 273-283).
§ 103. Préposition.

a À part les prépositions monoconsonantiques בְּ, כְּ, לְ et quelques autres prépositions très anciennes dont l’origine est obscure, les prépositions sont d’anciens noms employés d’abord en fonction adverbiale, qu’on a employés ensuite en fonction prépositionnelle, à savoir devant un nom ou l’équivalent d’un nom. Ainsi *ʾaḥar (héb. אֶחָר*, cst. אַחַ֫ר ; cf. § n) est originairement un substantif signifiant l’arrière, employé ensuite comme adverbe au sens de par derrière, derrière (Gn 22, 13 ⸮), et au sens temporel ensuite (Gn 18, 5) ; enfin comme préposition derrière qc., après qc. au sens local (Gn 37, 17) ou temporel (15, 1). De même עַל signifie originairement le haut, la hauteur ; il est encore employé dans ce sens dans Os 7, 16 ; 11, 7, et comme adverbe en haut dans 2 S 23, 1. Une préposition, étant originairement un nom, est considérée comme un nomen regens (§ 92 a) construit sur le nom suivant.

b Prépositions préfixes בְּ, כְּ, לְ. Les trois prépositions monoconsonantiques בְּ dans, כְּ comme, לְ à sont toujours préfixées au nom. Bien que la forme primitive de בְּ soit *bi, tandis que la forme primitive de כְּ, לְ est *ka, *la, בְּ est traité d’une façon analogue à כְּ, לְ. Les trois prépositions préfixes ont une vocalisation ordinaire qui est faible (à savoir le shewa ou ses suppléants) et une vocalisation spéciale à certains cas qui est forte (à savoir ◌ָֽ).

I. Vocalisation faible. Ordinairement, et sauf les cas spéciaux énumérés ci-dessous, la préposition a un simple shewa, vestige de la voyelle brève primitive, p. ex. לְאִישׁ (même en grande pause : 1 R 2, 2). Devant un shewa la préposition a la voyelle i ; le shewa, qui était mobile, devient moyen ; ainsi avec l’état cst. דְּבַר on a בִּדְבַר de bidebar, כִּדְבַר de kadebar, לִדְבַר de ladebar[1]. Mais si la consonne est un י, ce י devient quiescent § 26 b ; p. ex. avec l’état cst. pl. יְמֵי (de יוֹם jour) on a בִּימֵי pour bii̯emẹ̄, כִּימֵי, לִימֵי (et semblablement מִימֵי § d, וִימֵי § 104 c). — Devant un ḥaṭef (shewa coloré) on a la voyelle brève de la couleur du ḥaṭef, p. ex. כַּֽאֲשֶׁר comme, כַּֽאֲרִי comme un lion (§ 35 e) ; לֶֽאֱנוֹשׁ à (l’)homme, בָּֽאֳנִיָּתִי* dans mon vaisseau[2]. Avec l’inf. cst. qal, à côté du type normal לַֽעֲמֹד on trouve parfois le type לַחְפֹּר § 68 e.

L’inf. cst. אֱמֹר avec ל devient לֵאמֹר en disant (pour לֶֽאֱמֹר* § 24 e ; 73 g), sans doute à cause de la fréquence[3] de cette forme, car on a בֶּֽאֱמֹר (et semblablement impératif וֶֽאֱמֹר § 104 c).

Avec אֱלֹהִים dieu, sans doute à cause de la fréquence de ce mot, on dit בֵּֽאלֹהִים, כֵּֽא׳, לֵֽא׳ (et וֵֽאלֹהִים § 104 c) ; au contraire avec le sing. (assez rare et poétique) לֶֽאֱלוֹהַּ (וֶֽאֱ׳), 1 f. לֵֽאלֹהוֹ Hab 1, 11 (probt parce que le mot est plus long ; comp. aram. bibl. לֶֽאֱלָהּ, mais לֵֽאלָהָא, לֵֽאלָהֵי, לֵֽאלָהַי etc.).

Pour la vocalisation devant l’infinitif des verbes הָיָה et חָיָה cf. § 79 s, p. ex. הֱיוֹת, לִֽהְיוֹת.

אָדוֹן seigneur avec בְּ, כְּ, לְ (et ו § 104 c) a un traitement très particulier. Dans certaines formes en אֲ, le א devient quiescent (sans doute, comme dans les cas précédents, pour la raison de fréquence) ; mais le ◌ַ précédent, bien qu’il se trouve maintenant en syll. ouverte, se maintient (opp. בָּֽארוּמָה pour בַּֽאֲ׳ Jug 9, 41). La raison de cette anomalie est p.-ê. qu’on aura voulu éviter une trop grande différence avec les formes en ◌ַֽ◌ֲ. Au singulier א est quiescent avec le suffixe de la 1re p. sg. (le seul du reste qu’on trouve) לַֽאדֹנִי (sans suffixe : cst. לַֽאֲדוֹן Mich 4, 13 †). Au pluriel א n’est pas quiescent dans l’état cst. (p. ex. לַֽאֲדֹנֵי) ni dans les formes contenant le thème אֲדֹנֵי de l’état cst., à savoir les formes avec suffixe pluriel, לַֽאֲדֹנֵ֫ינוּ, לַֽאֲדֹֽנֵיכֶם, לַֽאֲדֹֽנֵיהֶם[4]. Il est quiescent dans les autres formes, à savoir dans les formes avec suffixe singulier : לַֽאדֹנָי, לַֽאדֹנֶ֫יךָ, לַֽאדֹנָיו, לַֽאדֹנֶ֫יהָ[5]. Le nom divin יְהֹוָה se prononçant אֲדֹנָי, une forme telle que לַֽיְהֹוָה doit se lire לַֽאדֹנָי.

c II. Vocalisation forte, à savoir ◌ָֽ. Dans כָּ et לָ on a l’a primitif ; בְּ est à l’analogie de כָּ, לָ. Cet a ne fait pas pression sur la consonne suivante, et par conséquent il n’y a pas de redoublement (opposer l’a de l’article *ha, du pronom *ma, du u̯a de la forme וַיִּקְטֹל). La vocalisation forte ne se trouve que devant certaines catégories de mots monosyllabes (au sens strict ou au sens large) pleinement ou spécialement toniques. La raison pour laquelle on a la vocalisation forte est donc d’ordre rythmique. Voici dans quels cas on a cette vocalisation forte :

A) Cas commun aux trois prépositions בְּ, כְּ, לְ : devant les démonstratifs זֶה, זֹאת et même le dissyllabe אֵ֫לֶּה, p. ex. בָּזֶה[6], בָּאֵ֫לֶּה[7]. Cependant, quand le ton est faible, on a la vocalisation faible, p. ex. Gn 2, 23 לְזֹאת. Comparer la vocalisation en ◌ָ devant les suffixes lourds בָּכֶם, כָּכֶם, לָכֶם, בָּהֶם, כָּהֵם (ṣéré !), לָהֶם, en regard de בְּךָ, לְךָ.

B) Cas spéciaux à לְ : 1) devant les infinitifs monosyllabes (au sens strict ou au sens large) : לָקוּם, לָשֶׁ֫בֶת, לָקַ֫חַת, לָתֵת, לָצֵאת, לָשֵׂאת (de שְׂאֵת § 78 l). Cependant quand le ton est faible, on a la vocalisation faible, p. ex. Gn 16, 3 לְשֶׁ֥בֶת אַבְרָ֖ם (en liaison étroite, comme génitif § 124 g : mēreḵa avec ṭifḥa) ; — 2) devant certains monosyllabes spécialement toniques, à savoir en pause, p. ex. לָנֶ֫פֶשׁ en pause moyenne Lév 19, 28 ; Nb 9, 10 ; לָנָ֑פֶשׁ Nb 5, 2 ; לָטֹ֑רַח Is 1, 14 ; — 3) quand le groupe constitue une locution, p. ex. לָבֶ֫טַח en sécurité ; לָרֹב en quantité, beaucoup ; לָעַד pour l’éternité, à jamais ; לָנֶ֫צַח pour l’éternité, à jamais (mais לְנֵ֫צַח נְצָחִים) ; — 4) quand il y a répétition du nom, p. ex. פֶּה לָפֶ֑ה d’un bord à l’autre 2 R 10, 21 ; 21, 16 † ; מִדּוֹר לָדוֹר 34, 10 (pas en pause) ; בֵּין מַ֫יִם לָמָ֑יִם Gn 1, 6[8]. — Comp. le cas analogue pour וָ, § 104 d.

Remarque. Le traitement spécial de לְ tient uniquement au fait qu’avec cette préposition on a des occasions d’avoir le ton fort qui ne se présentent pas pour בְּ et כְּ. Ainsi בְּקוּם se trouve toujours, en fait, en liaison étroite (Ps 76, 10 ; 124, 2 ; Pr 28, 12, 28 †).

Sur les formes de בְּ, כְּ, לְ avec l’article, cf. § 35 e, avec le pronom interrogatif מָה § 37 d[9]. Flexion de בְּ et לְ § f, de כְּ § g.

d Préposition parfois préfixe מִן. La préposition מִן־ de (lat. de, ex, a) a un traitement très particulier qui peut se ramener à deux points : A) généralement le ן s’assimile à la consonne suivante ; B) généralement cette consonne suivante a le redoublement.

Détail : A) 1) Assez souvent, devant n’importe quelle consonne (gutturale ou non), la forme intacte מִן־ (toujours avec maqqef, sauf Ex 2, 7, accent disjonctif !) se maintient (surtout dans les Chroniques).

2) En particulier, devant le ה de l’article, le מִן־ se maintient d’ordinaire, sans doute pour raison d’euphonie, p. ex. מִן־הָֽאֲדָמָה Gn 2, 7.

B) 1) Devant une non-gutturale, il y a généralement redoublement, p. ex. מִיָּמִים. Cependant devant יְ il n’y a presque jamais redoublement[10], et le י devient quiescent ; p. ex. : avec l’état cst. pl. יְמֵי on a מִימֵי, comme on a בִּימֵי, כִּימֵי, לִימֵי (§ b), et probablement à l’analogie de ces formes ; avec יְהוּדָה on a מִֽיהוּדָה.

2) Avec une gutturale (même ח) il n’y a presque jamais redoublement virtuel ; on a donc ◌ֵ, en syllabe ouverte, p. ex. מֵחֹ֫דֶשׁ depuis (le) mois. On trouve le redoublement virtuel avec ח dans מִחוּץ au dehors (comp. הַחוּץ, הַח֫וּצָה), מִֽהְיוֹת (comp. לִֽהְיוֹת, בִּֽהְיוֹת § 79 s), מִחוּט Gn 14, 23 † (comp. הַחוּט le fil). — N. B. Le nom divin יְהֹוָה se prononçant אֲדֹנָי, on a מֵֽיְהֹוָה = מֵֽאֲדֹנָי ; avec יַהְוֶה* il faudrait lire מִיַּהְוֶה* (§ 16 f).

Remarque. On a assez souvent la forme poétique מִנִּי (§ 93 q), p. ex. Jug 5, 14 ; Is 46, 3 ; surtout dans Job (19 f.) et les Psaumes (8 f.) ; deux fois מִנֵּי־ Is 30, 11 (pourquoi ?). Comp. מִנִּי de moi (avec suffixe de la 1re p.) § h. — Flexion de מִן § h.

e Flexion des prépositions (Paradigme 20). Les prépositions, étant conçues comme des noms, prennent les suffixes à la manière du nom[11]. Les suffixes des prépositions sont généralement ceux du nom ; cependant il y a d’assez nombreuses exceptions, surtout avec les prépositions primitives. Avec certaines de ces prépositions, à la 2e fém. sing. et à la 1re pl., on a ◌ָ au lieu du ◌ֵ du nom. À la 2e féminine sg. en face de סוּסֵךְ on a לָךְ (forme primitive *la, § b) et (probablement d’après לָךְ) בָּךְ, עִמָּךְ, אִתָּךְ, אֹתָךְ (cf. הִנָּךְ et עוֹדָךְ § 102 k) ; mais on a מִמֵּךְ, בֵּינֵךְ (אֵינֵךְ § 102 k). La forme pausale de la 2e m. est en ◌ָ֑ךְ (בָּ֑ךְ, לָ֑ךְ, עִמָּ֑ךְ, אִתָּ֑ךְ, אֹתָ֑ךְ) tandis que dans le nom elle est en ◌ֶ֑ךָ (à l’analogie des noms ל״ה § 94 c). — À la 1re pl., en face de סוּסֵ֫נוּ on a לָ֫נוּ et (probablement d’après לָ֫נוּ), בָּ֫נוּ, עִמָּ֫נוּ, אִתָּ֫נוּ, אֹתָ֫נוּ ; mais on a מִמֶּ֫נּוּ (הִנֵּ֑נוּ, הִנֶּ֫נּוּ, הִנְנוּ). — À la 3e pl. les prépositions ont généralement le suffixe ◌ָם comme les noms (סוּסָם) ; mais quelques prépositions ont, exclusivement ou concurremment, le suffixe הֶם. On a בָּהֶם, בָּם ; לָהֶם ; כָּהֵם (ṣéré) ; עִמָּהֶם, עִמָּם ; אֶתְהֶם moins souvent que אֹתָם.

La plupart des prépositions prennent les suffixes comme fait le nom singulier, quelques-unes (§ l) comme fait le nom pluriel.

Parmi les prépositions prenant les suffixes comme fait le nom singulier, celles qui ont un caractère plus nominal n’offrent généralement aucune irrégularité. Ainsi נֶ֫גֶד en face de prend les suffixes exactement comme סוּס : נֶגְדִּי, נֶגְדְּךָ, נֶגְדּוֹ, נֶגְדָּם etc., § 96 A c ; de même בַּ֫עַד* (dans מִבַּ֫עַד), בְּעַד contre, à travers, pour : בַּֽעֲדִי, בַּֽעַדְךָ (comparer נַֽעַרְךָ § 96 A i), בַּֽעֲדָם etc.

Les prépositions primitives offrent, au contraire, de nombreuses particularités. Nous grouperons ces prépositions dans l’ordre suivant : לְ et בְּ, כְּ ; מִן, עִם ; אֵת avec, אֵת particule de l’accusatif.

f Flexion de לְ et בְּ (Paradigme 20). Bien que la forme primitive de בְּ soit *bi, cette préposition a à peu près la même flexion que לְ, dont la forme primitive est *la (cf. § b). Les formes pausales לָ֑ךְ, בָּ֑ךְ du masc. sont semblables aux formes contextuelles (et pausales) du féminin. Au pluriel, la forme primitive la apparaît : לָ֫נוּ, לָכֶם, לָהֶם ; et, probablement à l’analogie de ces formes, on a בָּ֫נוּ, בָּכֶם, בָּהֶם à côté de בָּם[12]. La forme poétique לָ֫מוֹ[13], qui est fréquente (environ 50 fois) pour לָהֶם, est employée aussi, mais très rarement, comme forme pausale, pour לוֹ : Is 44, 15 ; probablement Gn 9, 26, 27 ; p.-ê. Dt 33, 2 ; Is 53, 8. — Graphies rares : לְכָה[14], בְּכָה ; on trouve parfois fautivement לֹא pour לוֹ (et inversement) ; au lieu de לָהּ la massore demande לָהֿ (avec ה rafé) dans Nb 32, 42 ; Zach 5, 11 ; Ruth 2, 14 (dans les trois cas devant monosyllabe) ; cf. § 25 a.

g Flexion de כְּ (Paradigme 20). La forme primitive *ka (§ b) se trouve dans toutes les formes. Avec les suffixes lourds[15] on a le simple *ka : כָּכֶם, כָּהֵם (ṣéré), כָּהֵ֫נָּה. Avec les suffixes légers, *ka est augmenté du pronom * (§ 37 b), d’où כְּמוֹ, forme qu’on emploie souvent aussi, sans suffixes, en poésie[16]. La forme כְּמוֹ a sans doute été créée pour éviter certaines confusions : à la 1re p. sg. כִּי* se confondrait avec la conjonction כִּי, à la 3e p. sg. כּוֹ* avec l’adverbe כֹּה ainsi. Le נ de כָּמ֫וֹנִי s’explique probablement par la nécessité de séparer les deux voyelles dans *kåmọ̄-ī ; on a recouru au נ, qu’on a dans le suffixe verbal נִי.

h Flexion de מִן (Paradigme 20). La forme simple se trouve avec les suffixes lourds : מִכֶּם, מֵהֶם, מֵהֵ֫נָּה. Avec les suffixes légers on a une forme avec répétition du מ, p. ex. מִמֶּ֫נּוּ, מִמֶּ֑ךָּ. Ces formes sont diversement expliquées. L’explication la plus vraisemblable semble être celle-ci : la forme simple min a été renforcée par répétition totale[17], d’où minmin > mimmin. Devant le suffixe hu, mimmin + hu est devenu מִמֶּ֫נּוּ, d’où à la 1re p. מִמֶּ֫נִּי. Devant le suffixe ka, mimmin + ka est devenu מִמֶּ֑ךָּ, forme pausale, d’où l’on a extrait la forme contextuelle מִמְּךָ (probablement à l’analogie de שָׂדֶ֑ךָ, שָֽׂדְךָ ; סוּסֶ֑ךָ, סֽוּסְךָ). — À la 1re p. sg. on a en poésie la forme rare (4 f.) מִנִּי[18], en pause מֶ֑נִּי (6 f.).

i Flexion de עִם avec (Paradigme 20). On a toujours le redoublement du מ devant les suffixes. Ces suffixes sont exactement ceux de לְ. La voyelle ◌ָ dans עִמָּךְ, עִמָּ֫נוּ est probablement à l’analogie de לָךְ, לָ֫נוּ (§ e) ; de même pour עִמָּכֶם, עִמָּהֶם. À côté de cette dernière forme, qui se trouve surtout dans les livres postérieurs (Esd., Néh., Chr.), on a la forme plus usuelle עִמָּם. À côté de עִמִּי on a la forme aussi fréquente עִמָּדִי, diversement expliquée[19].

j Flexion de אֵת avec (Paradigme 20). Avec maqqef : אֶת־ § 13 b. On a toujours le redoublement du ת devant les suffixes. La flexion de אֵת est à peu près semblable à celle du synonyme עִם ; cependant, en face de עִמָּכֶם on a אִתְּכֶם avec shewa (p.-ê. sous l’influence de אֶתְכֶם). À la 2e f. sg., au lieu de ◌ָ on trouve ◌ֵ dans מֵאִתֵּ֣ךְ Is 54, 10 (p.-ê. à cause du ◌ֵ précédent ou de l’accent conjonctif).

Au lieu des formes de la préposition אֵת avec on trouve souvent des formes de la particule de l’accusatif אֵת (§ k). La confusion, causée par la ressemblance des formes, est ancienne. On trouve les formes en אֹת׳, אוֹת׳ surtout dans les livres des Rois (1 R 20 — 2 R 8), Jérémie et Ézéchiel, p. ex. אוֹתִי avec moi Jos 14, 12 ; אוֹתָם avec eux 2 R 6, 16 (après le correct אִתָּ֫נוּ !) ; מֵֽאוֹתוֹ d’(avec) lui 8, 8 ; אוֹתָךְ avec toi 1 R 22, 24 (après le correct מֵֽאִתִּי !). Cet emploi abusif est p.-ê. né dans les formes de מֵאֵת, dans les cas où la valeur de אֵת est affaiblie et où le מִן seul suffirait.

k Flexion de אֵת particule de l’accusatif (Paradigme 20). Avec maqqef : אֶת־ § 13 b. Cette particule אֵת, exposant de l’accusatif (§ 125 e), prend les mêmes suffixes que la préposition אֵת. On l’a sans doute employée d’abord avec les pronoms, pour leur donner la valeur d’accusatif (§ 61 a) puis on l’a employée avec les noms. La forme primitive hébraïque est *ʾāt avec un ā long[20], mais abrégeable[21].

Avec la voyelle longue ā, la forme devient אוֹת, écrit plus souvent אֹת (defective). On a cette forme longue avec les suffixes légers[22] : אֹתִי, אֹֽתְךָ etc.

Devant les suffixes lourds *ʾāt s’est abrégé en *ʾat[23], devenu par un nouvel affaiblissement ʾe̦t, p. ex. אֶתְכֶם[24]. On a cette même forme avec maqqef, à savoir en liaison très étroite : אֶת־. En liaison moins étroite la particule devient tonique, et en conséquence אֶת־ devient אֵת[25]. La voyelle e (◌ֵ, ◌ֶ) a pu être favorisée par la préposition אֵת, אֶת־ avec.

À la 3e pl. on a plutôt אֹתָם que אֶתְהֶם[26], mais אֶתְהֶן est plus fréquent que אֹתָן. Les formes de l’exposant de l’accusatif se trouvent souvent avec le sens de la préposition אֵת avec (cf. § j). Par contre, Aquila, identifiant les deux particules, traduit l’exposant de l’accusatif par σύν !

Remarque. L’origine et le sens de la particule *ʾāt sont discutés. C’est probablement un ancien substantif à sens vague. On pourrait admettre le sens de chose, et rapporter le mot à la racine אוה désirer. Dans les langues sémitiques plusieurs mots pour volonté, désir aboutissent au sens de chose, p. ex. arabe šai̯ʾ, syriaque eḇūṯå. Le mot *ʾāt, vidé de son sens[27], a été affecté à une fonction grammaticale[28].

l Flexion des prépositions qui prennent les suffixes comme le nom pluriel. Quelques prépositions prennent les suffixes comme fait le nom pluriel, soit que la préposition soit un vrai pluriel comme סְבִיבוֹת, בֵּינוֹת, soit qu’il y ait seulement apparence de pluriel comme pour תַּ֫חַת, תַּחְתֵּי, soit enfin que le י appartienne à la racine (עַל, עַד, אֶל). Parmi ces prépositions, qui sont au nombre de sept, בֵּין n’est traité comme nom pluriel qu’avec les suffixes du pluriel. La flexion de ces prépositions n’offrant pas de difficulté, on s’est contenté de donner dans le paradigme la flexion de עַל, עַד (semblable à עַל), אֶל, dont la voyelle est variable, et de בֵּין.

m A. Prépositions à racine ל״י : עַל, עַד, אֶל (Paradigme 20).

עַל־ sur (presque toujours avec maqqef § 13 b). Le י radical est conservé dans la forme poétique fréquente עֲלֵי. En syllabe ouverte prétonique on a p. ex. עָלַי, en syllabe antéprétonique p. ex. עֲלֵיכֶם. La forme poétique עָלֵ֫ימוֹ Dt 32, 23 etc. sur eux, semble bien employée au sens de sur lui dans Job 20, 23 ; 22, 2 ; 27, 23 ; comp. לָ֫מוֹ pour לוֹ § f.

עַד־ jusqu’à (presque toujours avec maqqef § 13 b). Le י radical est conservé dans la forme poétique rare עֲדֵי. La flexion de עַד est semblable à celle de עַל[29].

אֶל־ vers, à (presque toujours avec maqqef § 13 b). Le י radical est conservé dans la forme poétique très rare (4 fois) אֱלֵי. En syllabe ouverte prétonique on a p. ex. אֵלַי, en syllabe antéprétonique p. ex. אֲלֵיכֶם (non אֱ׳ § 21 i).

n B. Autres prépositions : אַחַ֫ר, בֵּין, סָבִיב, תַּ֫חַת.

אַחַ֫ר derrière, après. La forme אַחַ֫ר (§ 20 c) ne s’emploie pas avec les suffixes ; on emploie la forme אַֽחֲרֵי qui est probablement un pluriel apparent (à l’analogie de l’antonyme לִפְנֵי devant, avant), p. ex. אַֽחֲרַי, אַֽחֲרֵיכֶם etc.

בֵּין entre, parmi (Paradigme 20) est l’état cst. d’un inexistant בַּ֫יִן*, dont le sens est distinction, intervalle. Avec les suffixes du singulier on a la forme בֵּין : בֵּינִי, בֵּֽינְךָ, בֵּינֶ֑ךָ, בֵּ֫ינוֹ (Gn 30, 36 ; Lév 26, 46 †) au lieu duquel le qeré de Jos 3, 4 ; 8, 11 † demande בֵּינָיו, forme qui a pu également exister. Avec les suffixes du pluriel on a la forme בֵּינֵי qui est probablement un pluriel apparent [à l’analogie de עֲלֵי etc.[30]] et בֵּינוֹת qui est un vrai pluriel[31]. La forme בֵּינוֹת s’emploie quand il s’agit de choses qui sont de deux côtés différents, בֵּינֵי quand il s’agit de choses qui sont du même côté, p. ex. Gn 26, 28 בֵּֽינוֹתֵ֫ינוּ et בֵּינֵ֫ינוּ. Le pluriel בֵּינוֹת équivaut à בֵּין … וּבֵין, comme il appert de ce texte ; בֵּֽינוֹתֵ֫ינוּ signifie donc entre nous formant deux éléments distincts, בֵּינֵ֫ינוּ entre nous formant un groupe. — Pour בֵּין … לְ cf. § 133 d.

סָבִיב autour. Le sing. סָבִיב est encore employé comme substantif 1 Ch 11, 8 †, ainsi que les deux pluriels סְבִיבִים* Jér 32, 44 ; 33, 13 † et סְבִיבוֹת (fréquent). Avec les suffixes on ne trouve que les deux pluriels, soit au sens de substantif alentours, soit au sens de préposition autour de. Voici pratiquement l’usage : pour autour de avec substantif on a surtout סְבִיבוֹת (20 fois), סָבִיב לְ (12 f.), jamais סְבִיבֵי. Pour autour de avec pronom on a presque toujours סְבִיבוֹת, très rarement סְבִיבֵי Ps 50, 3 ; 97, 2 ; Lam 1, 17 † ; 1 f. סָבִיב לָהּ Nah 3, 8.

תַּ֫חַת sous. Avec les suffixes on a toujours la forme תַּחְתֵּי qui est un pluriel apparent ; on a dit p. ex. תַּחְתֵּ֫ינוּ à l’analogie de l’antonyme עָלֵ֫ינוּ[32]. Pour les formes rares et anormales avec suffixes à la manière du verbe cf. § e N.

  1. Comparer דִּבְרֵי de dabrẹ̄ § 96 B b. Mais on pourrait dire aussi que כִּדְבַר et לִדְבַר ont i à l’analogie de בִּדְבַר.
  2. Sur l’ambiguïté d’une forme telle que בָּֽאֳנִיָּה cf. § 35 e.
  3. Même raison de fréquence pour לִנְפֹּל à côté de בִּנְפֹל, כִּנְפֹל § 49 f.
  4. Il semble que dans la forme de l’état cst., qui est plus brève, on ait préféré, par compensation, la vocalisation plus longue ◌ַֽ◌ֲ.
  5. On dirait aussi probablement לַֽדֹנִים*.
  6. בָּזֶה est généralement adverbe : ici § 102 h ; au sens de en ceci seulement 4 fois : 1 S 16, 8, 9 ; Eccl 7, 18 ; Esth 2, 13 †.
  7. Dans une forme telle que בָּאֵ֫לֶּה, le ◌ָ ne peut pas être celui de l’article. En effet, un démonstratif peut avoir l’article seulement quand il est employé comme adjectif, à savoir après un nonl déterminé, p. ex. dans כַּמְּלָכִים הָאֵ֫לֶּה comme ces rois (§ 137 e). Une forme composée d’une préposition et du démonstratif ne peut donc pas avoir l’article. Ainsi une forme telle que בַּזֶּה* est impossible.
  8. Avec רַע, רָ֑ע il y a des bizarreries, p. ex. בֵּין טוֹב לָרַ֖ע Lév 27, 33 (en petite pause), mais בֵּין טוֹב לְרָ֑ע 1 R 3, 9 (en grande pause). — Il semble qu’on évite le ◌ָ quand il pourrait être pris pour celui de l’article ; ainsi on dit toujours לְעָ֑ם, p. ex. Jér 32, 38.
  9. On remarquera la différence de vocalisation entre p. ex. בַּמֶּה § 37 d et בָּזֶה. Peut-être a-t-on évité p. ex. בַּזֶּה* parce que cette forme semblerait avoir l’article (cf. note 2). Comparer la vocalisation du ו dans וַיִּקְטֹל § 104 c.
  10. Comp. § 18 m : וַיְקַטֵּל, הַיְלָדִים. — Avec redoublement : מִיְּשֵׁנֵי Dan 12, 2 ; מִיְּרֻשָּֽׁתְךָ 2 Ch 20, 11.
  11. Rarement à la manière du verbe, p. ex. תַּחְתֵּ֑נִי 2 S 22, 37, 40, 48 (mais dans le parallèle Ps 18, 37, 40, 48 תַחְתָּ֑י) ; תַּחְתֶּ֑נָּה Gn 2, 21 ; בַּֽעֲדֵ֑נִי Ps 139, 11 ici non seulement en pause, comme dans les exemples précédents, mais encore en rime avec יְשׁוּפֵ֑נִי).
  12. Les deux formes sont employées presque indifféremment ; la pause ne semble pas influer.
  13. Comparer עָלֵ֫ימוֹ sur lui, § m.
  14. Semblable à לְכָה viens (impér. לֵךְ avec ה paragogique).
  15. Comparer le double thème avec suffixes légers et suffixes lourds dans מְלָכַי, מַלְכֵיכֶם, § 96 A b N.
  16. C’est sans doute à l’analogie du fréquent כְּמוֹ (56 fois) qu’on a créé les formes poétiques rares בְּמוֹ (9 f.) et לְמוֹ (4 f.). Au poétique כְּמוֹ, qui fournit une syllabe de plus, comparer les formes du fr. avecque, avecques, utiles aux poètes.
  17. Les exemples de renforcement par répétition ne sont pas rares dans les langues. Dans fr. dedans se trouve deux fois la préposition de, car dans vient de de + ans (ens) = l. de intus. En italien ancien on trouve souvent par exemple « in nell’arca di Noè ». — Comparer la forme à répétition מֵימֵי eaux de, § 98 e.
  18. C’est exactement la forme de l’arabe minnī مِنِّي (avec redoublement du n). On a aussi la forme poétique מִנִּי pour מִן § d (fin).
  19. Cf. Mélanges Beyrouth, 5, p. 395 : expliquée par עִם + יָדִי près de mon côté, près de moi, avec moi.
  20. Comparer l’ā long de la forme parallèle en araméen biblique יָת i̯å̄ṯ (Dn 3, 12 יָֽתְהוֹן eos †) et targumique.
  21. Comparer la forme longue מוֹ et les formes brèves מַה, מֶה du pronom *ma § 37 b.
  22. Loi d’équilibre ; cf. § 96 A b N.
  23. Comparer l’alternance ā (ọ̄) et a dans רֹאשׁ, רָאשִׁים § 98 f ; שְׂמֹאל, שְׂמָאלִי.
  24. Comparer l’affaiblissement de a en dans יֶדְכֶם § 29 e.
  25. Ce ◌ֵ se trouve donc provenir indirectement d’un a !
  26. Comparer p. ex. אֲבוֹתָם plutôt que אבֹֽתֵיהֶם § 94 g.
  27. L’emploi de אֹתִי etc. avec le sens réfléchi (§ 146 k) indique cependant que le sens premier n’était pas entièrement effacé.
  28. On peut comparer l’emploi souvent pléonastique de šān « chose », (= شَأْن) dans le dialecte arabe d’Égypte, p. ex. ʿalā šān ke « à cause de cela, c’est pourquoi » (comp. עַל־כֵן), ʿalā šān inno « afin qu’il… ».
  29. Deux formes anormales : עָֽדֵיכֶם Job 32, 12 (au lieu de עֲ׳), עַד־הֵם 2 R 9, 18.
  30. Comp. l’e des suffixes du nom provenant des racines ל״י § 94 b et N.
  31. בֵּינוֹת sans suffixes, à l’état abs., dans Éz 10, 7 מִבֵּינוֹת לַכְּרוּבִים entre les Chérubins.
  32. Cf. supra בֵּינֵי, et la note précédente 2.