Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Pronom/Paragraphe 146
a Pronom séparé ajouté à une forme verbale finie. Une forme verbale finie, contenant en elle-même l’indication de la personne, on peut dire que l’addition du pronom est toujours motivée par quelque raison particulière. On remarquera les cas suivants :
1) On ajoute nécessairement le pronom quand il y a emphase sur l’idée pronominale elle-même : Is 45, 12 אָֽנֹכִי עָשִׂ֫יתִי אֶ֫רֶץ « C’est moi qui ai fait la terre » ; 2 S 24, 17 « C’est moi qui ai péché » ; Éz 34, 15 « C’est moi qui paîtrai mes brebis » ; Jug 7, 4 הוּא יֵלֵךְ lui (et non un autre) ira ; Ex 5, 7 הֵם יֵֽלְכוּ ils iront eux-mêmes.
2) On ajoute volontiers le pronom dans certaines phrases à nuance emphatique. Ainsi, en rappelant un fait à quelqu’un on dit souvent אַתָּה יָדַ֫עְתָּ tu sais (bien) que (Jos 14, 6 etc.) ; אַתֶּם יְדַעְתֶּם (Gn 44, 27 etc.) ; de même dans une réponse à une invitation ou à une demande, en particulier dans le cas d’une promesse : Gn 21, 24 אָֽנֹכִי אִשָּׁבֵ֑עַ je veux bien le jurer ; 38, 17 je t’enverrai un chevreau (promesse) ; 47, 30 je ferai comme tu as dit (promesse solennelle) ; Jug 6, 18 ; 2 S 3, 13 ; 21, 6 ; 1 R 2, 18 ; 5, 22 ; 2 R 6, 3.
3) Dans le cours du discours pour souligner un élément nouveau : Zach 3, 7 « Si tu marches dans mes voies, si tu gardes mes observances ; si de plus tu gouvernes bien ma maison וְגַם־אַתָּה תָּדִין אֶת־בֵּיתִי » [passage de la vie privée à la vie publique[1]] ; — surtout quand il y a opposition : Nb 1, 50 וְאַתָּה הַפְקֵד « mais prépose les Lévites… » ; 5, 20 ; Éz 3, 19.
4) Le pronom peut être ajouté par nécessité grammaticale (§ 166 a)[2].
b Remarques. 1) Dans l’Ecclésiaste on trouve souvent le pronom ajouté pléonastiquement après le verbe : 1, 16 דִּבַּ֫רְתִּי אֲנִי j’ai parlé ; 2, 1, 11-15, 18, 20, 24 etc. ; aussi Ct 5, 5, 6.
2) Sur le pronom de la 3e p. comme copule cf. § 154 i.
c Pronom séparé ajouté, en apposition :
1) En apposition au nom : Esth 9, 1 יִשְׁלְטוּ הַיְּהוּדִים הֵ֫מָּה « Ce furent les Juifs qui se rendirent maîtres de leurs ennemis ». Avec une nuance emphatique différente : Is 7, 14 לָכֵן יִתֵּן אֲדֹנָי הוּא לָכֶם אוֹת eh bien, le Seigneur lui-même (ou ici : de lui-même) vous donnera un signe ! ; Gn 4, 26 לְשֵׁת גַּם־הוּא à Seth lui aussi.
2) (En apposition au sens large ; sorte de pronom de reprise) : quand à un sujet nominal on ajoute, après un mot faisant séparation, un second sujet, il faut un pronom de reprise : Gn 13, 1 וַיַּ֫עַל אַבְרָם מִמִּצְרַ֫יִם הוּא וְאִשְׁתּוֹ et Abram monta de l’Égypte, lui et sa femme… ; Ruth 1, 1. Une apposition ne fait pas séparation, d’où p. ex. Ex 18, 5 וַיָּבֹא יִתְרוֹ חֹתֵן משֶׁה וּבָנָיו et Jéthro, beau-père de Moïse, vint avec ses fils.
3) Quand au sujet pronominal contenu virtuellement dans une forme verbale on ajoute un second sujet, il faut un pronom de reprise : Gn 6, 18 וּבָאתָ֫ אֶל־הַתֵּבָה אַתָּה וּבָנֶ֫יךָ et tu entreras dans l’arche, toi et tes fils ; Gn 7, 1 ; Jug 11, 38 ; 1 R 1, 21 (dans 1 S 29, 10 restituer אתּה) ; Ruth 1, 3, 6.
4) Quand à un sujet pronominal on ajoute un sujet d’autre personne, il faut un pronom de reprise : Gn 17, 9 וְאַתָּה אֶת־בְּרִיתִי תִשְׁמֹר אַתָּה וְזַרְעֲךָ et toi, tu garderas mon pacte, toi et ta race…
d 5) En apposition à un suffixe verbal : Gn 27, 34 בָּֽרֲכֵ֫נִי גַם־אָ֫נִי bénis-moi moi aussi ; cf. Zach 7, 5 ⸮. Semblablement, avec l’adverbe הִנֵּה (§ 102 k) : Éz 6, 3 הִנְנִי אֲנִי מֵבִיא voici que moi je vais amener ; 34, 11, 20.
6) En apposition à un suffixe nominal ; 2 S 19, 1 מִי־יִתֵּן מוּתִי אֲנִי תַחְתֶּ֫יךָ Que ne suis-je mort à ta place ! (littéralement : qui donnera le mourir de moi, moi à la place de toi ?) ; 1 R 21, 19 יָלֹ֫קּוּ הַכְּלָבִים אֶת־דָּֽמְךָ גַּם־אָ֑תָּה les chiens lécheront ton sang à toi aussi ; Nb 14, 32 ; 1 S 20, 42 ; 2 S 17, 5 ; Jér 27, 7 ; Ps 38, 11 ; Pr 23, 15[3].
7) De même avec une préposition : 1 S 25, 24 בִּי אֲנִי הֶֽעָוֺן c’est à moi qu’est la faute ; 19, 23 עָלָיו גַּם־הוּא sur lui aussi ; Dt 5, 3 ; Agg 1, 4 ; 2 Ch 35, 21. Cette construction n’est pas emphatique quand elle est de nécessité grammaticale, à savoir quand un nom suit[4] : 1 R 1, 26 לִי אֲנִי־עַבְדְּךָ à moi ton serviteur ; Dn 8, 1 אֵלַי אֲנִי דָנִיֵּאל.
e Pronom ayant un nom en apposition. Cette construction, qui est l’inverse de la précédente, est assez rare :
1) Pronom séparé : Ex 7, 11 גַּם הֵם חַרְטֻמֵּי מִצְרַ֫יִם eux aussi les magiciens de l’Égypte ; 1 Ch 9, 26 ; 26, 26 ; 27, 6 ; 2 Ch 28, 22 ; 32, 12, 30 ; 33, 23.
2) Suffixe verbal[5] : Ex 35, 5 יְבִיאֶ֫הָ אֵת תְּרוּמַת יְהֹוָה il apportera l’oblation de Jéhovah ; 2, 6 ⸮ ; Lév 13, 57 ; 1 R 21, 13 ; 2 R 16, 15 (ketīb) ; Jér 9, 14 ⸮ ; Éz 3, 21 ⸮ ; Ps 83, 12 ⸮ ; Pr 5, 22 ⸮.
3) Suffixe nominal[6] : Éz 10, 3 בְּבֹאוֹ הָאִישׁ quand l’homme entra ; 42, 14 ; 1 Ch 7, 9 ; 25, 1 b. — Rapprocher le cas où le suffixe nominal est suivi du ל exposant du génitif : Nb 1, 21 פְּקֻדֵיהֶם לְמַטֵּה׳ les recensés de la tribu de… ; Esd 9, 1 ; 2 Ch 31, 16.
Remarques. 1) Le pronom peut être en casus pendens (cf. § 156), p. ex. Is 45, 12 אֲנִי יָדַי נָטוּ שָׁמַ֫יִם moi, mes mains ont étendu les cieux (cf. Ps 44, 3) ; Éz 33, 17.
2) Après une préposition avec suffixe on répète la préposition devant le nom (cf. § 132 g)[7] : Jos 1, 2 לָהֶם לִבְנֵי יִשְׂרָאֵל ; Lév 6, 8 ; Nb 32, 33 ; Jug 21, 7 ; Jér 51, 56 ; Dn 11, 11 ; 1 Ch 4, 42 ; 2 Ch 26, 14.
f Le pronom suffixe nominal, étant considéré comme un génitif, peut avoir tous les sens du génitif (cf. § 129 d sqq. où des exemples sont donnés), en particulier celui du datif (§ 129 h). De même il peut être remplacé par ל (§ 130 a sqq.) et surtout par אשׁר ל (§ 130 e). Très rarement on a à la fois le suffixe et le ל génitival : Ps 27, 2 אֹֽיְבַי לִי mes ennemis ; 144, 2 ; 2 S 22, 2, ou אשׁר ל (comme en araméen) : Ct 1, 6 (8, 12) כַּרְמִי שֶׁלִּי ma vigne à moi ; 3, 7.
g Usage stylistique du suffixe nominal. D’une façon générale le pronom possessif est plus largement employé en hébreu que dans nos langues. On remarquera en particulier son emploi dans les propositions relatives, p. ex. Ex 32, 32 (§ 129 t). Avec les noms de membres on l’emploie généralement si le sens le permet : Gn 22, 10 וַיִּשְׁלַח אֶת־יָדוֹ il étendit la main ; Jug 4, 15 ; 2 S 2, 18 ; 2 S 9, 13 פִּסֵּחַ שְׁתֵּי רַגְלָיו boiteux des deux pieds (opp. v. 3 נְכֵה רַגְלַ֫יִם ; 4, 4) ; 1 R 15, 23 ; 2 R 9, 24.
Par contre, le pronom possessif n’est pas employé dans certains cas où nos langues l’emploient généralement (cf. § 137 f 2).
Le pronom possessif est suppléé par ל avec suffixe dans certaines locutions, par ex. וַתְּהִי לוֹ לְאִשָּׁה elle devint sa femme Gn 24, 67 etc. ; שָׁאַל לוֹ לְשָׁלוֹם interroger touchant quelqu’un relativement à (la) santé = s’enquérir de sa santé, d’où aussi saluer quelqu’un[8]. Voir aussi les expressions du § 130 g.
h Omission du pronom sujet. Le sujet est souvent omis après l’adverbe démonstratif הִנֵּה, qui montre suffisamment le sujet[9] : Gn 42, 28 הִנֵּה בְאַמְתַּחְתִּי le voici dans mon sac (opp. 27 הנּה־הוּא בְּפִי אַמְתַּחְתּוֹ) ; devant participe (cf. § 154 c) : Gn 24, 30 ; 37, 15 ; Ex 7, 15, 8, 16 ; — dans une réponse : Gn 18, 9.
Il est souvent omis dans une proposition nominale constituant formellement ou virtuellement une réponse : Gn 37, 32 « examine si c’est la tunique de ton fils ou non. 33 Et il la reconnut et dit : כְּתֹ֫נֶת בְּנִי c’est la tunique de mon fils ! » ; 1 S 26, 17 ; cf. § 161 l.
i Omission du pronom objet. Le pronom objet est souvent omis :
- 1) Quand deux verbes ont logiquement le même objet, on met le nom après le premier verbe, et l’on donne un suffixe au second verbe[10] : Gn 22, 13 וַיִּקַּח אֶת־הָאַ֫יִל וַיַּֽעֲלֵ֫הוּ לְעֹלָה et il prit le bélier et l’offrit en holocauste. Mais le suffixe est souvent omis, comme inutile[11] : Gn 2, 19 « Et Jéhovah Dieu forma de la terre tous les animaux des champs… et il (les) amena à l’homme וַיָּבֵא אֶל־הָֽאָדָם » ; 18, 7 וַיִּתֵּן.
- 2) Même en dehors de ce cas, assez souvent, quand la clarté n’en souffre pas : Gn 12, 19 « voici ta femme ; prends-(la) et va קַח וָלֵךְ » (cf. 24, 51) ; 24, 41 יִתְּנוּ.
- 3) L’objet neutre à sens vague le, cela est omis : Gn 9, 22 וַיַּגֵּד et il (l’)annonça. Cf. § 152 b.
- 4) Dans les propositions relatives le pronom rétrospectif d’objet est souvent omis : Dt 13, 7 אֱלֹהִים אֲשֶׁר לֹא יָדַ֫עְתָּ des dieux que tu n’as pas connus (cf. § 158 c, h).
Sur l’omission du pronom suffixe nominal cf. § g.
j Remarques. 1) Dans le nom sacré אֲדֹנָי le Seigneur, le suffixe nominal de la 1re p. a une valeur affaiblie et même effacée ; comp. monseigneur, monsieur, madame (cf. § 136 d).
2) Il y a suffixe vague dans יַחְדָּו ensemble (en unité de cela, § 102 d) : 1 R 3, 18 אֲנַ֫חְנוּ יַחְדָּו nous ensemble. On trouve parfois כֻּלֹּה, כֻּלּוֹ avec suffixe à sens vague : totalité de cela = chacun : Is 1, 23 ; 9, 16 ; 15, 3 ; Jér 6, 13 ; 8, 6, 10 ; 15, 10 ; 20, 7 ; Hab 1, 9 ; Ps 53, 4 ; p.-ê. au sens d’entièrement Jér 2, 21 ; Job 21, 23. On a כֻּלָּם totalité d’eux à côté de *כֻּלְּכֶם dans 1 R 22, 28 (Mich 1, 2) שִׁמְעוּ עַמִּים כֻּלָּם entendez, vous tous (littéralement ô gens, eux tous) (opp. p. ex. Is 14, 29 פְּלֶ֫שֶׁת כֻּלֵּךְ) ; 1 S 6, 4 ⸮ ; Job 17, 10 ⸮.
k Pronom réfléchi. Le suffixe nominal de la 3e p. s’emploie aussi au sens réfléchi : de lui-même, de soi. De même avec les prépositions, p. ex. לוֹ à lui-même, à soi : Jug 3, 16 וַיַּ֫עַשׂ לוֹ אֵהוּד חֶ֫רֶב Ehud se fit une épée ; Gn 8, 9 b אֵלָיו ; 33, 17 לוֹ ; 1 S 1, 24 עִמָּהּ ; 2 R 5, 11 אֵלַי ; Is 3, 9 לָהֶם. Pour l’accusatif du pronom réfléchi, on n’emploie jamais le suffixe verbal, mais on trouve, très rarement, la particule אֵת de l’accusatif : Ex 5, 19 וַיִּרְאוּ אֹתָם בְּרָע ils se virent en mauvaise situation ; dans une antithèse : Jér 7, 19 ; Éz 34, 2, 8, 10. Mais la manière ordinaire d’exprimer le réfléchi est d’employer une forme verbale réfléchie : nifal § 51 c ; hitpael § 53 i.
Comme suppléant de l’accusatif réfléchi on a parfois נֶ֫פֶשׁ âme : Pr 19, 8 אֹהֵב נַפְשׁוֹ s’aimant lui-même ; encore נַפְשׁוֹ 19, 16 ; 29, 24 ; Job 18, 4 ; נַפְשְׁךָ Pr 19, 18 ; pluriel : Jér 37, 9 אַל־תַּשִּׁ֫אוּ נַפְשֹֽׁתֵיכֶם ne vous trompez pas vous-mêmes.
Avec les prépositions on trouve de même נֶ֫פֶשׁ : Jér 51, 14 נִשְׁבַּע בְּנַפְשׁוֹ il a juré par lui-même ; 1 R 2, 23. Avec les verba dicendi on trouve אָמַר בְּלִבּוֹ, דִּבֶּר בְּלִבּוֹ dire dans son cœur = se dire en soi-même ; אָמַר אֶל־לִבּוֹ, דִּבֶּר אֶל־לִבּוֹ dire à son cœur = se dire à soi-même.
- ↑ Cf. Ehrlich, Randglossen, in h. l.
- ↑ Il peut l’être aussi par nécessité métrique, p. ex. Éz 28, 18 הִיא אֲכָלַ֫תְךָ elle t’a dévorée, au lieu de la forme attendue וַתֹּֽאכֶלְךָ (cf. Lév 9, 24 ; 10, 2 ; Nb 11, 1 ; 16, 35 ; etc.) pour avoir deux accents dans le second hémistiche du vers (qīnah) ; cf. Kraetzschmar, in h. l., P. Cheminant, Les prophéties d’Ézéchiel contre Tyr (1912), p. 82. Voir encore Éz 27, 8 הֵ֫מָּה. — Les métriciens semblent généralement oublier que les anomalies de syntaxe et de morphologie pourraient être d’un grand secours dans l’établissement de leurs hypothèses. Dans toute poésie, la contrainte métrique oblige à des déviations de l’usage prosaïque, qui peuvent être révélatrices du mètre.
- ↑ Ps 71, 16 צִדְקָֽתְךָ לְבַדֶּֽךָ τῆς δικαιοσύνης σου μόνου serait anormal.
- ↑ Cf. Ehrlich, in 1 R 1, 26.
- ↑ Construction très fréquente en araméen.
- ↑ Construction très fréquente en araméen.
- ↑ Construction usuelle en araméen.
- ↑ Le premier ל n’est pas le ל de l’accusatif (contre König, Syntax § 327 k ; Driver, in 1 Samuel 10, 4). Pour interrogavit eam de salute ejus (masc.) on aurait שְׁאֵלָהּ לוֹ לְשָׁלוֹם.
- ↑ Cf. König, Stilistik, p. 178.
- ↑ C’est le cas symétrique de la construction בְּנֵי דָוִד וּבְנוֹתָיו § 129 a.
- ↑ Comparer, avec le suffixe nominal, la construction בְּנֵי דָוִד וְהַבָּנוֹת § 129 a.