Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 78

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 154-157).
§ 78. Verbes ל״א.
(Paradigme 10 : מָצָא trouver).

a À la conjugaison des verbes ל״א s’applique ce qui a été dit sur la gutturale א § 24. Dans la flexion de ces verbes l’alef n’est plus prononcé ; en conséquence, une syllabe primitivement fermée par א devient ouverte et prend les voyelles (moyennes) de syllabe ouverte (sans allongement proprement dit).

b Qal. Au parfait, outre la forme active, il y a une forme stative en ◌ֵ. Parfait d’action : la forme primitive *maṣaʾ avec deux a brefs devient מָצָא trouver avec deux å moyens, en syllabe ouverte. Parfait statif : la forme primitive *maliʾ devient מָלֵא ê. plein (i bref devient normalement ◌ֵ en syllabe ouverte)[1].

Futur. Le futur statif est en a, comme toujours, p. ex. יִמְלָא. Le futur d’action est également en a, p. ex. יִמְצָא (au lieu de יִמְצֹא*), p.-ê. à l’analogie du futur *i̯iglai̯, d’où provient יִגְלֶה, § 79 e.

La forme pl. fém. en ◌ֶ֫אנָה, qu’on a au qal et dans les conjugaisons dérivées, est à l’analogie des verbes ל״ה, p. ex. תִּמְצֶ֫אנָה comme תִּגְלֶ֫ינָה.

L’impératif a la voyelle du futur : מְצָא.

Mais l’infinitif est en  : מְצֹא, la forme קְטֹל étant devenue comme la forme propre de l’infinitif, § 49 c.

c Nifal : נִמְצָא. Dans la flexion, au lieu des formes attendues נִמְצָ֫אתָ* etc., on a נִמְצֵ֫אתָ etc., avec un ◌ֵ qui provient des verbes ל״ה, par exemple נִגְלֵ֫יתָ.

Piel : מִצֵּא[2]. Dans la flexion on a naturellement ◌ֵ, par exemple מִצֵּ֫אתָ.

Hifil : הִמְצִיא. Dans la flexion on a, p. ex. הִמְצֵ֫אתָ avec ◌ֵ, comme dans les autres conjugaisons dérivées, et non pas ◌ִי.

Hitpael. Comme dans le verbe fort (§ 53 b) outre le type ordinaire en ◌ֵ, on a le type rare en a (ici ◌ָֽ) dans הִתְחַטָּא s’enlever le péché, הִטַּמָּא se rendre impur, הִתְפַּלָּא se montrer étonnant (?). Comme dans le verbe fort, le type en ◌ֵ prend a en pause, p. ex. יִתְנַשֵּׂא devient יִתְנַשָּׂ֑א Nb 23, 24.

d Remarques générales.

L’א, sans être prononcé, est souvent support de voyelle, p. ex. מָֽצְאָה (§ 24 c). Ainsi en est-il généralement devant suffixe, par exemple יִמְצָאֵ֫נִי, יִמְצָֽאֲךָ.

La seule occasion où א soit prononcé est dans certains cas devant les suffixes ךָ, כֶם, p. ex. הִבָּרַֽאֲךָ Éz 28, 13 (inf. nifal הִבָּרֵא ê. créé), בֹּרַֽאֲךָ Is 43, 1 (partic. בֹּרֵא créant, créateur), טַמַּֽאֲכֶם Lév 18, 28 (inf. piel טַמֵּא souiller). Dans ces cas, en effet, la syllabe est semi-fermée (cf. § 24 b).

e Le fait que א n’est pas prononcé a comme conséquences accidentelles : 1) que א est parfois omis dans l’écriture ; 2) que les verbes ל״א sont assez souvent traités comme les verbes ל״ה :

f 1) א omis dans l’écriture. Exemples : וַתִּשֶּׂ֫נָה Ruth 1, 14 (écrit correctement v. 9) ; אָבִי 1 R 21, 29 (écrit correctt אָבִיא dans le même v.).

g 2) Les verbes ל״א sont assez souvent traités comme les verbes ל״ה, soit phonétiquement, soit graphiquement[3] :

  1. Formes ayant la vocalisation des ל״ה : p. ex. כָּלִ֫אתִי j’ai retenu Ps 119, 101 ; חוֹטֶא péchant Eccl 2, 26 etc. ; מִלָּא il a rempli Jér 51, 34 ; רִפִּ֫אתִי j’ai guéri 2 R 2, 21 ; נִפְלְאַ֫תָה (pataḥ anormal ; comp. la forme pausale נִגְלָ֑תָה § 79 d) elle fut grande 2 S 1, 26 (Mél. Beyrouth 6, p. 177) ; הִפְלָא il a fait grand Dt 28, 59.
  2. Formes ayant la graphie ה des verbes ל״ה : p. ex. אֶרְפָּה je guérirai Jér 3, 22 ; רְפָה guéris Ps 60, 4 ; הֵֽחָבֵה se cacher 1 R 22, 25 ; יְמַלֵּה il remplira Job 8, 21.
  3. Formes entièrement semblables aux ל״ה : p. ex. וְצָמִת et quand tu auras soif Ruth 2, 9 (p.-ê. sous l’influence de וְשָׁתִית qui suit) ; כָּלוּ ils retinrent 1 S 6, 10 ; כְּלִתִ֫נִי tu m’as retenu 25, 33 ; יִכְלֶה il retiendra Gn 23, 6 ; וַיֵּֽרָפוּ et ils furent guéris 2 R 2, 22.

Il est difficile de dire si telle de ces formes anormales a réellement existé ou si elle est due à une mégraphie postérieure.

h Remarques sur certaines formes.

Sur la forme du parfait inverti cf. § 43 b ; du futur inverti § 47 b.

Le cohortatif (אֶמְצְאָה, נִמְצְאָה) est évité (§ 114 b N).

Le participe fém. sg. est généralt du type מֹצֵאת (pour מֺצֶ֫אֶת*) ; plus rart on a le type מֹֽצְאֵת (comp. inf. שְׂאֵת à côté de לָשֵׂאת § l, et le type בְּאֵר § 88 C i). Au pl., au lieu de מֹֽצְאִים on a rart מֹצִאים avec א quiescent.

Au partic. pl. m. du nifal, au lieu du type normal נִמְצָאִים, on a souvent le type נִמְצְאִים ; p. ex. on a presque toujours נִמְצְאִים et נִבְּאִים (cf. § 96 C b).

i Au hifil, à l’impér., au jussif et au futur inverti, au lieu de la voyelle normale ◌ֵ on a, rart, ī long. Exemples : impér. הָבִיא Jér 17, 18 et הוֹצִיא Is 43, 8 (tous deux devant ע) ; וַיָּבִיא Néh 8, 2 (dev. ע) ; וַיּוֹצִא Ps 105, 43 (dev. ע) ; וַתַֽחֲטִא l R 16, 2 ; 21, 22 (dev. א) ; וַיּוֹצִא Dt 4, 20 ; 2 R 11, 12 (dev. א) ; וַתַּחְבִּא 2 R 6, 29 (dev. א). Dans ces cas, la voyelle ī (qui du reste est suspecte quand il n’y a pas de mater lectionis י) pourrait s’expliquer par le désir d’avoir une voyelle plus longue devant la gutturale[4]. Mais on trouve aussi ī devant une non-gutturale : Is 36, 14 jussif יַשִּׁא (écrit יַשִּׁיא dans les textes parallèles 2 R 18, 29 ; 1 Ch 32, 15) ; וַיַּֽחֲטִא 2 R 21, 11 ; וַיּוֹצִא Ps 78, 16. Dans ces cas l’ī, s’il est authentique, est difficile à expliquer.

j Verbes spécialement irréguliers.

Le verbe יָצָא sortir, n’est pas traité comme un ל״א, mais comme un פ״יו, § 75 g. — Sur le verbe בּוֹא entrer, venir, cf. § 80 r.

Le verbe statif מָלֵא signifie il est plein et aussi il remplit au sens quasi statif, comme dans « l’eau remplit le vase ». Pour l’action proprt dite, comme dans « l’homme remplit le vase d’eau », on emploie normalt le piel מִלֵּא. La forme מְלָאוֹ Esth 7, 5 il l’a rempli (si auth.) suppose un parfait d’action מָלָא*, qui a pu exister (p.-ê. sous l’influence de l’araméen). À l’analogie des ל״ה, l’inf. qal est מְלֹאת ; à l’inf. piel on a מַלֹּאת (5 f.) à côté de מַלֵּא (7 f.).

k Outre le verbe I קָרָא appeler, crier, il y a un verbe II קָרָא aller à la rencontre de qui a souvent la forme קָרָה. À la forme קָרָא se rattache le subst. verbal לִקְרַאת à la rencontre de, au devant de (§ 49 d). Les autres formes nominales se rattachent à קָרָה, p. ex. מִקְרֶה occurrence, sort.

l Le verbe נָשָׂא porter etc. est en même temps פ״ן : fut. יִשָּׂא ; impér. (aphérétique) שָׂא. L’inf. est rart (4 f.) נְשׂא (§ 72 h) ; ordt on a la forme aphérétique. La forme primitive *saʾ + t est devenue d’abord, par segolisation, שֶׂ֫אֶת* qui est devenu שֵׂאת*, forme qu’on a dans לָשֵׂאת ; sans ל on a la forme שְׂאֵת, avec la voyelle à la fin comme p. ex. dans le subst. בְּאֵר puits § 88 C i (comparer le type מֹֽצְאֵת à côté de מֹצֵאת § h)[5].

  1. Autres verbes statifs : יָרֵא craindre f. יִירָא (en même temps פ״יו § 75 h), טָמֵא ê. impur, שָׂנֵא haïr, צָמֵא avoir soif.
  2. Ex. : מִלֵּא remplir, קִנֵּא ê. jaloux, טִמֵּא souiller, חִטֵּא enlever le péché.
  3. Parfois, inversement, les ל״ה sont traités comme les ל״א, § 79 l.
  4. Comparer le phénomène du hiatus § 33, et cf. § 79 m.
  5. Remarquer les 3 infinitifs en ◌ֵ ; תֵּת § 72 i, צֵאת § 75 g, שְׂאֵת.